CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Nabiel Peter Bogendorff von Wolffersdorff c/ Standesamt der Stadt Karlsruhe e.a.

2[Le texte intégral de l’arrêt commenté ci-dessous est publié sur le site figure in1)

3Du 2 juin 2016 – Cour de justice de l’Union européenne – aff. C-438/14 – MM. Ilešic, prés., Rosas, rapp., Wathelet, av. gén. – M. Donderer, av.

4(1) On connaissait la fée européenne qui protège la princesse (des paparazzi dans l’affaire von Hannover c/ Allemagne, CEDH, 3e sect., 24 juin 2004, spéc. RTD civ. 2004. 802, obs. Marguénaud), mais il restait à savoir s’il y en a également une qui permet au simple citoyen de devenir prince. C’est, en prenant une certaine liberté dans la formulation, la question à laquelle a dû répondre la Cour de justice dans l’arrêt Bogendorff von Wolffersdorff (aff. C-438/14, 2 juin 2016, AJ fam. 2016. 392, obs. M. Saulier ; RTD civ. 2016. 820, obs. J. Hauser ; RTD eur. 2016. 648, obs. E. Pataut ; Europe 2016 comm. 261, obs. D. Simon, ; FamRZ 2016. 1213, obs. A. Dutta ; StAZ 2015. 295, obs. F. Wall ; ZfRV 2016. 97, obs. H. Ofner ; JDE 2016. 317, obs. E. Cusas ; LMK – Kommentierte BGH-Rechtsprechung 2016. 381541, obs. Th. Rauscher).

5Dans cette affaire, le requérant, Nabiel Peter Bogendorff von Wolffersdorff, né « Nabiel Bagadi », mais appelé au Royaume-Uni « Peter Mark Emanuel Graf von Wolffersdorff Freiherr von Bogendorff » veut obtenir la reconnaissance en Allemagne du nom qu’il porte au Royaume-Uni. Il a pu obtenir un changement de nom au Royaume-Uni par déclaration (deed poll), c’est-à-dire par simple déclaration, après avoir établi entre 2001 et 2005 sa résidence au Royaume-Uni et avoir acquis la nationalité britannique en 2004, sans perdre la nationalité allemande. Ayant de nouveau établi sa résidence en Allemagne, le requérant cherche à obtenir en Allemagne la reconnaissance du nom porté au Royaume-Uni après le changement volontaire de celui-ci. Autrement dit, il est à la recherche de la baguette magique qui lui permet de transformer sa condition d’apparent roturier en apparent noble, « comte » et « baron » (Graf et Freiherr, deux fois valent mieux qu’une, au cas où quelqu’un pourrait trouver la malice de douter de sa noblesse) et de la bonne fée qui voudra bien se servir de cette baguette magique pour lui octroyer la transformation souhaitée. À cette fin, il table sur la complaisance de la fée européenne luxembourgeoise, la Cour de justice, et l’efficience de ses baguettes magiques, le principe de libre circulation des citoyens (art. 21 TFUE) ou le principe de non-discrimination (art. 18 TFUE).

6C’est donc la question de la reconnaissance du nom porté dans un autre État membre de l’Union européenne qui est posée à la Cour de justice. L’affaire se présente à cet égard dans un contexte normatif où la position de la Cour de justice est désormais assez clairement balisée, notamment par les deux arrêts de principe Grunkin et Paul du 14 octobre 2008 (aff. C-353/06) et Sayn-Wittgenstein du 22 décembre 2010 (aff. C-208/09), ainsi que, dans une moindre mesure, par l’arrêt Runevic-Vardyn et Wardyn du 12 mai 2011 (aff. C-391/09). La question de la reconnaissance du nom acquis à l’étranger n’est donc pas nouvelle, et la Cour de justice n’entend pas dans le présent arrêt bouleverser ses solutions.Tout au plus s’agissait-t-il de les préciser, en « apportant une modeste pierre à l’édifice, qui n’ébranlera toutefois sans doute pas l’ensemble » (E. Pataut, obs.préc., p. 649).

7Pourtant, l’arrêt rendu n’est pas conforme aux conclusions de l’avocat général. Les enjeux sous-jacents sont donc sans doute plus importants que ce que la question d’apparence technique laisse apercevoir au premier regard. Partant de la solution déjà admise dans l’arrêt Sayn Wittgenstein (et selon laquelle un État membre pouvait « refuser de reconnaître […] le nom patronymique d’un ressortissant de cet État, tel qu’il a été déterminé dans un second État membre, […] lorsque ce nom patronymique comprend un titre de noblesse qui n’est pas admis dans le premier État membre au titre de son droit constitutionnel, dès lors que les mesures prises par ces autorités dans ce contexte sont justifiées par des motifs liés à l’ordre public, c’est-à-dire qu’elles sont nécessaires pour la protection des intérêts qu’elles visent à garantir et proportionnées à l’objectif légitimement poursuivi », point 95 et dispositif de l’arrêt) il restait en effet à déterminer qui de l’ordre juridique de l’Union ou des ordres juridiques des États membres était le mieux placé, d’une part, pour déterminer quels sont les motifs liés à l’ordre public et, d’autre part, pour apprécier leur proportionnalité à l’objectif légitimement poursuivi. Entre l’unité du statut personnel et la défense de l’ordre public des États membres, il y a donc un équilibre à trouver, et en cas de conflit, il faut savoir quelle considération doit être sacrifiée.

8L’analyse de l’arrêt permet donc de répondre à ces deux questions : celle de la reconnaissance du nom obtenu dans un autre État membre, et celle de l’équilibre à trouver entre institutions de l’Union européenne et États membres dans la mise en œuvre des exceptions à la reconnaissance. Dans ce cadre, il est assez naturel que la réponse à la question directement posée est un des éléments les plus importants pour pouvoir comprendre l’apport de l’arrêt quant à la seconde.

9En ce qui concerne la reconnaissance du nom, la Cour de justice confirme ses solutions et ses raisonnements antérieurs, sans véritablement les faire évoluer. Mais l’application qu’elle en fait est révélatrice d’une certaine politique jurisprudentielle de la Cour qui tend à renforcer les pouvoirs d’appréciation des juges nationaux lorsqu’il s’agit de trouver l’équilibre entre les principes du droit de l’Union et des principes nationaux susceptibles de justifier une apparente entrave à ces premiers. L’analyse de l’arrêt porte donc assez naturellement sur ces deux apports que sont la confirmation de la solution en matière de reconnaissance de nom (I) et la tendance au renforcement du pouvoir d’appréciation des autorités nationales dans la recherche d’équilibre entre ordre juridique de l’Union et ordres juridiques nationaux (II).

I – Une confirmation : la solution en matière de reconnaissance de nom

10Sans surprise, la Cour de justice rappelle l’obligation de reconnaissance du nom légalement porté dans un autre État membre sur le fondement de la citoyenneté européenne (A), tout en admettant la possibilité de refuser cette reconnaissance pour des motifs tirés de l’ordre public (B).

A – La citoyenneté de l’Union comme fondement d’une obligation de reconnaissance

1. Une obligation de reconnaissance définitivement acquise

11Sur la question directement posée, la Cour de justice fait preuve d’orthodoxie, en affirmant après un raisonnement désormais tout à fait classique (développé aux points 26 à 33 et qui représentent la synthèse de tous les arrêts précités rendus par la Cour de justice en cette matière, à l’exception de l’arrêt Konstantinidis du 30 mars 1993, aff. C-168/91) que, le requérant ayant « en sa qualité de citoyen de l’Union, exercé sa liberté de circuler et de séjourner dans un État membre autre que son État membre d’origine conformément à l’article 21 TFUE » (point 33), « il convient dès lors d’examiner au regard de cette seule disposition le refus, par les autorités d’un État membre, de reconnaître le nom acquis par un ressortissant de cet État dans un autre État membre » (point 34). À la différence de l’affaire Garcia Avello du 2 octobre 2003 (aff. C-148/02), la double-nationalité de la personne n’a donc plus vocation à avoir une influence décisive sur le raisonnement suivi, l’article 18 TFUE et l’interdiction de toute discrimination exercée en raison de la nationalité étant désormais clairement évincés par l’article 21 et le droit de tout citoyen de l’Union de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres. Ce fondement est bienvenu, car il souligne bien que « ce qui est en jeu ici est bien l’abandon du modèle abstrait, économique et désincarné de l’agent de production au profit de la figure concrète et humaine de l’européen, soumise aux aléas de l’existence et des passions ordinaires » et ce alors que « c’est dans cette construction progressive du régime juridique de cet européen ordinaire que réside […] l’invention du citoyen européen » (E. Pataut, L’invention du citoyen européen, in B. Fauvarque-Cosson, E. Pataut et J. Rochfeld (dir.), La citoyenneté européenne, Société de Législation comparée, coll. « Trans Europe Experts », 2011, p. 27-61, spéc. p. 61). Face à l’idée que la « citoyenneté européenne porte en elle l’aspiration à une “société civile” qui ne soit pas seulement un territoire économique, mais aussi un espace civique » (P. Magnette, La citoyenneté européenne, Éditions de l’Université de Bruxelles, 1999, spéc. p. 230), une telle invocation de la citoyenneté européenne garde tout son sens pour permettre à la construction européenne de recourir à cette « source complémentaire » de légitimité qu’est « la réalisation au jour le jour des droits des citoyens européens » (Gr. Pozarlik, Collective identity and the challenge of axiological pluralism in the new Europe, in Zd. Mach et M. Gora (dir), Collective Identity and Democracy, Oslo, 2010). La Cour de justice n’avait donc pas de véritable raison de revenir sur sa jurisprudence antérieure et c’est très logiquement qu’elle la confirme ici en constatant que « le refus, par les autorités d’un État membre, de reconnaître les prénoms et le nom d’un ressortissant de cet État membre, tels que déterminés et enregistrés dans un second État membre, dont il possède également la nationalité, constitue une restriction aux libertés reconnues par l’article 21 TFUE à tout citoyen de l’Union » (point 47).

2. Une obligation de reconnaissance pouvant être étendue au-delà de la reconnaissance du nom

12La solution retenue en matière de reconnaissance du nom porté dans un autre État membre est donc désormais parfaitement claire. Ce qui soulève la question de son éventuelle transposition à d’autres domaines, dans lesquels l’absence de reconnaissance du statut existant dans un autre État membre se pose également. Le nom n’est en effet qu’un élément de l’identité d’une personne parmi d’autres, à côté de l’ensemble des autres éléments de ce que l’on qualifie traditionnellement de « statut personnel et familial » (sur cette notion, v. not. H. Fulchiron, La reconnaissance au service de la libre circulation des personnes et de leur statut familial dans l’espace européen, in H. Muir Watt, L. d’Avout et D. Bureau (dir.), Mélanges en l’honneur du Professeur Bernard Audit : les relations privées internationales, LGDJ, 2014, spéc. p. 359-381 ; E. Pataut, La citoyenneté européenne : vers l’élaboration d’un statut personnel et familial ?, in H. Fulchiron et C. Bidaud-Garon, Vers un statut européen de la famille, Dalloz, 2014 ; et plus généralement A. Panet, Le statut personnel à l’épreuve de la citoyenneté européenne : contribution à l’étude de la méthode de reconnaissance mutuelle, th. Lyon 3, 2014 ; S. Pfeiff, La portabilité du statut personnel dans l’espace européen, Bruxelles, Bruylant, 2017). La Cour fait d’ailleurs ici état du risque pour le requérant « de rencontrer des difficultés pour justifier de ses liens familiaux avec [sa fille] » (point 46). Lorsque le refus de reconnaissance ne porte pas sur le nom, mais sur un autre élément du statut personnel ou familial, tel que la filiation, le mariage ou le sexe par exemple, constituerait-il alors également une entrave à la liberté de circulation reconnue par l’article 21 TFUE à tout citoyen de l’Union ?

13La réponse à cette question, à la lecture de l’arrêt, doit résolument être positive. La Cour relève ainsi que « le prénom et le nom d’une personne sont un élément constitutif de son identité et de sa vie privée, dont la protection est consacrée par l’article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ainsi que par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme » et que « même si l’article 7 de la Charte ne le mentionne pas explicitement, le prénom et le nom d’une personne n’en concernent pas moins la vie privée et familiale de celle-ci en tant que moyen d’identification personnelle et de rattachement à une famille » (point 35). Si l’obligation de reconnaissance du nom se rattache à la protection de la vie privée et familiale, alors a fortiori cet objectif de reconnaissance doit-il trouver à s’appliquer à l’égard des autres éléments relevant de la vie privée et familiale. Car, comme cela a été justement souligné, « le nom constitue certes un élément central de l’identité de la personne, mais il n’est pas le seul, [et le droit européen] primaire devrait donc produire des reflets également par rapport à d’autres aspects caractéristiques du statut personnel et familial de la personne » (A. Bucher, La dimension sociale du droit international privé, RCADI, t. 341, 2009, spéc. p. 371).

14Cette réponse est en outre étayée par l’exigence de « sérieux inconvénients » que le refus de reconnaissance est de nature à engendrer (point 38 et la jurisprudence citée). Il est évident en effet que si la dualité des noms portés dans deux États membres est susceptible de constituer une entrave à la libre circulation des personnes, l’existence d’une situation familiale boiteuse entre deux États membres génère des inconvénients bien plus graves encore, et est donc bien davantage susceptible d’entraver l’exercice du droit de circuler et de séjourner librement au sein de l’Union européenne. La solution de la Cour de justice doit donc être comprise comme l’expression d’un objectif général d’unité du statut personnel et familial. Elle a dès lors vocation à s’appliquer à l’ensemble des éléments du statut personnel et familial, et non seulement à la reconnaissance du nom.

15La consécration d’un tel objectif d’unité du statut personnel et familial n’entraîne pourtant pas mécaniquement une possibilité généralisée de forum shopping, qui peut être déclinée sous toutes ses formes, tels le law shopping, ou désormais le title’s shopping (D. Simon, obs. préc.). La Cour réaffirme en effet que cette exigence de reconnaissance rencontre des limites, lesquelles donnent les moyens aux États membres de s’opposer à la reconnaissance et d’empêcher ainsi que la libre circulation des personnes soit mise en œuvre de façon excessive.

B – La possibilité de refuser la reconnaissance

16La Cour de justice réaffirme que l’ordre public constitue une limite à la libre circulation des éléments du statut personnel, ce qui se comprend parfaitement en raison du fait que le respect de l’identité nationale des États membres est un objectif désormais clairement affiché et défendu par l’Union européenne.

1. Les motifs de justification écartés

17La Cour de justice commence d’abord par éliminer certains motifs de justification dont elle estime qu’ils ne sauraient justifier un refus de reconnaissance. L’argumentation de la Cour est sur ce point classique, quoique peu convaincante, pour des raisons d’ailleurs variables. La Cour écarte ainsi, d’abord, la justification tirée des principes de fixité et de continuité de nom (v. également LMK – Kommentierte BGH-Rechtsprechung, 2016. 381541, obs. Th. Rauscher). Elle rejette, ensuite, la justification tirée du caractère volontaire du changement de nom, qui rapprocherait l’affaire de l’hypothèse de la fraude. La Cour ne convainc ici guère, car elle aurait dû intégrer les considérations de proximité qui justifiaient l’application du droit anglais, au-delà des « raisons de convenance personnelle », et qui étaient fortes en l’espèce : le requérant a vécu au Royaume-Uni de 2001 à 2005 et acquis la nationalité britannique en 2004 (points 13 à 16). Ainsi l’application du droit anglais était justifiée bien au-delà de la pure « convenance personnelle » qui laisse sous-entendre une possibilité du choix de la loi applicable. La Cour accepte cette possibilité sans s’expliquer en quoi une telle position est compatible avec l’affirmation selon laquelle « un État membre est en droit de prendre des mesures destinées à empêcher que, à la faveur des facilités créées en vertu du traité, certains de ses ressortissants ne tentent de se soustraire abusivement à l’emprise de leur législation nationale » (point 57, en citant l’arrêt fondateur Centros, aff. C-212/97). La Cour refuse, enfin, la justification tirée de la longueur du nom. La solution sur ce point est en soi compréhensible. Mais la Cour ravale un peu trop vite un principe essentiel du droit allemand du nom de famille au rang de « considérations de facilité administrative », d’autant que cette position est peu cohérente avec la position défendue par la Cour, et à juste titre, selon laquelle le nom est un élément essentiel de l’identité de la personne et la différence de nom constitutive le cas échéant d’« un sérieux inconvénient » pour l’intéressé.

2. L’ordre public comme motif de justification et sa portée

18Elle retient, de façon parfaitement conforme à l’arrêt Sayn-Wittgenstein, que l’abolition des privilèges et l’interdiction de porter des titres de noblesse ou de recréer l’apparence d’une origine nobiliaire peut justifier le refus de reconnaissance en tant qu’expression du principe d’égalité, qui est « à interpréter comme se rapportant à un motif d’ordre public » (point 65). Même s’il faudra encore revenir sur la mise en œuvre précise de cette exception à la reconnaissance, il importe de relever ici que la Cour permet aux autorités nationales de lutter efficacement contre « l’usurpation de titre aristocratique » (E. Pataut, RTD eur. 2016. 648, spéc. 651) et que « ce n’est pas tant la nature constitutionnelle d’une norme qui permet de considérer comme légitime une restriction au droit de libre circulation des personnes que son caractère d’ordre public » (M. Saulier, obs. préc., p. 393).

19Par où l’on comprend que l’ensemble des éléments se rapportant à un motif d’ordre public sont susceptibles de justifier une restriction au droit de libre circulation des personnes. Une telle exception restreint évidemment très fortement la réalisation de l’objectif préalablement retenu de l’unité du statut personnel et familial, puisqu’en matière de statut personnel et familial, presque toutes les raisons qu’a un État pour intervenir se rapporteront à un motif d’ordre public. Cela souligne la portée très limitée de la jurisprudence de la Cour en matière de reconnaissance du statut personnel et familial. Si elle peut aboutir dans certains cas à une obligation de reconnaissance en matière de nom, c’est bien parce que les enjeux sont dans ce domaine plus limités (même si les hypothèses sont nombreuses dans lesquelles le droit d’un État membre serait fondé sur des considérations d’ordre public pouvant justifier le refus de reconnaissance : outre la question des titres nobiliaires, l’on peut ainsi par exemple songer à l’égalité entre hommes et femmes, qui impliquerait la double transmission du nom de la mère et du nom du père, ou plus généralement à des principes tels que celui selon lequel l’enfant doit porter le nom de famille d’au moins l’un de ses parents ou celui d’après lequel une fratrie doit porter le même nom de famille). Lorsque le statut familial d’un individu est en cause, l’on conçoit aisément qu’en réalité pratiquement toutes les raisons de refus de reconnaissance se rapporteront à un motif d’ordre public et seront susceptibles de justifier par là l’absence de reconnaissance, en application de la jurisprudence de la Cour (ce qui laisse ouvertes les questions des conditions du refus et d’une obligation de reconnaissance éventuellement consacrée par le droit dérivé).

3. L’identité nationale des États membres comme objectif

20Cette limitation de la reconnaissance par sa nécessaire conformité à l’ordre public de l’État d’accueil est parfaitement justifiée. La Cour souligne en effet que le principe défendu par l’ordre juridique allemand doit être pris en compte « en tant qu’élément de l’identité nationale d’un État membre visée à l’article 4, § 2, TUE » (point 64, reprenant la formule de l’arrêt Sayn Wittgenstein). Cette référence à l’identité nationale permet de montrer toute l’importance qu’a pour le droit de l’Union le respect de l’identité nationale consacré par l’article 4, § 2, TUE (sur cette question, v. parmi beaucoup d’autres, S. Martin, L’identité de l’État dans l’Union européenne : entre « identité nationale » et « identité constitutionnelle », RFD const. 2012. 91. 13-44 ; A. Puttler, Le renforcement de la notion d’identité nationale dans l’Union européenne, in A. Berramdane, W. Cremer et J. Rossetto (dir.), Quel avenir pour l’intégration européenne ?, Tours, PU François-Rabelais, coll. « Droit », 2013, spéc. p. 179-186). Ce respect de l’identité nationale implique, face à la diversité des droits des États membres en matière de statut personnel et familial, un objectif européen de respect de la diversité des droits nationaux, y compris par l’invocation de l’ordre public comme justification d’une restriction à l’exercice des libertés de circulation, dont l’apport pour le futur de la construction européenne pourrait bien se révéler déterminant.

21L’objectif du respect de la diversité des droits nationaux, à condition d’être pleinement assumé par l’Union européenne, est en effet, à notre sens, parfaitement susceptible de contribuer à donner à la construction européenne, y compris dans le contexte politique contemporain, « une unité structurante qui lui offre une dimension politique » (J.-C. Barbato, La diversité culturelle en droit communautaire, Marseille, PUAM, 2009, spéc. p. 501 ; encore qu’il ne faille pas, contrairement à l’auteur, en faire l’expression d’un « droit fondamental des États à l’identité » au cœur du modèle d’un État cosmopolitique, sur ce débat, ibid. p. 490 à 493 ; et surtout Jean-Marc Ferry, La question de l’État européen, Gallimard, coll. « NRF essais », 2000). La Cour de justice a donc raison de s’y référer pour permettre à l’État allemand de s’opposer éventuellement à la reconnaissance du nom obtenu par le requérant au Royaume-Uni. Ce n’est en effet qu’en donnant toute sa place au respect de l’identité nationale de ses États membres que l’Union européenne pourra continuer à fonctionner, tout en répondant ainsi aux aspirations d’une partie grandissante de sa population. Comme nous avons déjà eu l’occasion de l’écrire, « “le” peuple européen se réalise dans “les” nations qui le composent, et l’émergence d’un peuple européen ne peut se faire qu’autour de la pleine reconnaissance de chaque nation et du rôle des nations dans le concert européen. Une fois que l’Union européenne saura traduire politiquement et juridiquement le respect des identités nationales, il sera possible, autour de la fameuse et si souvent bafouée devise “unie dans la diversité”, de construire et de concevoir un peuple européen » (v. notre thèse : Les fondements du droit international privé européen de la famille, th. Paris II, 2015, § 563, p. 450).

22Après avoir vu en quoi l’arrêt confirme le principe d’une limitation de l’obligation de reconnaissance de noms d’apparence nobiliaire par des motifs tirés de l’ordre public des États membres, il reste encore à analyser en quoi la mise en œuvre de ce principe est révélatrice d’une tendance de la part de la Cour de justice de renforcer le pouvoir d’appréciation des autorités nationales, et par là de conforter l’importance de l’objectif du respect de la diversité des droits nationaux.

II – Une tendance : le renforcement du pouvoir d’appréciation des autorités nationales

23Après avoir vu en quoi l’arrêt confirme une lecture désormais classique du jeu entre l’obligation de reconnaissance et la possibilité de refuser celle-ci, il convient de s’intéresser à l’apport de l’arrêt quant à la mise en œuvre de ce schéma classique. Or à cet égard, l’arrêt doit bien être compris comme renforçant le pouvoir d’appréciation des autorités nationales (A) et comme contribuant possiblement à la recherche d’un nouvel équilibre entre ordres juridiques nationaux et ordre juridique européen (B).

A – Le renforcement du pouvoir d’appréciation des autorités nationales

1. Une mise en balance que les juridictions nationales sont mieux à même d’effectuer

24C’est sans doute le point sur lequel l’arrêt est susceptible d’avoir un apport propre à la jurisprudence de la Cour, même si cet apport reste trop indirect pour pouvoir en déduire de façon certaine un infléchissement de la position de la Cour. Après avoir constaté l’existence d’une restriction et d’une justification possible de cette restriction, il faut en effet encore savoir si les conditions de la mise en œuvre de la restriction sont remplies, au premier rang desquels figure « l’appréciation du caractère proportionné [de la pratique constitutive de la restriction] » (point 78 ; v. aussi plus généralement sur l’influence du concept de proportionnalité A. Marzal Yetano, La dynamique du principe de proportionnalité : essai dans le contexte des libertés de circulation du droit de l’Union européenne, Institut universitaire Varenne, Clermont-Ferrand, 2014). Or, là où la Cour avait dans l’affaire Sayn-Wittgenstein effectué cette appréciation elle-même, et là également où l’avocat général Wathelet a proposé à la Cour d’effectuer cette appréciation pour en déduire que la justification devrait être écartée (points 92 à 108 des conclusions), la Cour affirme sans ambiguïté que « l’appréciation du caractère proportionné d’une pratique telle que celle en cause au principal requiert une analyse et une mise en balance de divers éléments de droit et de fait propres à l’État membre concerné que la juridiction de renvoi est mieux à même que la Cour d’effectuer » (point 78, c’est nous qui soulignons).

25Après avoir rappelé les principes classiques de la notion d’ordre public en tant que justification d’une dérogation à une liberté fondamentale, notamment son interprétation stricte sous le contrôle des institutions de l’Union européenne (point 67) et la marge d’appréciation reconnue aux autorités nationales dans les limites imposées par le traité (point 68), la Cour réduit donc le domaine de son contrôle, élargissant corrélativement le pouvoir d’appréciation des autorités nationales. Il s’agit d’un renforcement du pouvoir d’appréciation national qui, même s’il est certainement dans l’air du temps, n’est pas sans risque pour l’unité du statut personnel. Il n’en reste pas moins parfaitement justifié compte tenu de la configuration et des enjeux de l’affaire.

26Il faut à ce titre constater la différence avec l’affaire Grunkin et Paul, qui réside dans le fait que la Cour de justice y a refusé de considérer que les motifs avancés par l’Allemagne relevaient de l’ordre public. Cette position a été justement critiquée, car ce qui est contraire à l’ordre public allemand n’est pas l’apparence du nom choisi à l’étranger, mais le fait de rendre le nom de famille disponible, c’est-à-dire le fait de permettre à une personne de choisir, sans motif légitime (ce qui pourrait être une autre différence dans l’affaire Grunkin et Paul ou Garcia Avello, dans lesquelles on pourrait considérer que le choix du nom était légitime en raison du fait qu’il résultait de l’application des règles de dévolution objective du nom de famille de l’autre État membre), son nom de famille (v. égal. Th. Rauscher, obs. préc.). Il ne faut pas oublier en effet que « le nom n’est pas qu’un droit subjectif mais a une dimension d’ordre public » (J. Hauser, obs. préc., p. 821), même si cette dimension d’ordre public en droit interne n’entraîne évidemment pas pour conséquence que l’indisponibilité du nom relève également de l’ordre public international. Mais il n’en reste pas moins évident qu’en matière de statut personnel et familial, la plupart des motifs avancés par les États membres pour justifier un refus de reconnaissance relèveront, comme nous l’avons déjà dit, de l’ordre public.

2. L’importance de la localisation objective de la situation dans l’appréciation de la proportionnalité

27L’arrêt Bogendorff von Wolffersdorff permet alors de saisir la façon dont la Cour de justice appréhendera ces situations, de loin les plus nombreuses en matière de statut personnel et familial, dans lesquelles les États membres peuvent invoquer un motif d’ordre public pour refuser la reconnaissance du statut personnel ou familial existant dans un autre État membre. Après avoir affirmé le pouvoir d’appréciation de la juridiction de renvoi, et avoir posé qu’il faut procéder à une « mise en balance du droit de libre circulation reconnu aux citoyens de l’Union […] et les intérêts légitimes poursuivis […] par le législateur allemand », la Cour donne en effet « différents éléments [qui] sont à prendre en considération » et qui « bien que ne pouvant servir de justification en tant que tels, doivent être pris en compte lors du contrôle de la proportionnalité » (point 80).

28Or parmi ces éléments figurent en tout premier lieu des critères de localisation objective de la situation de l’intéressé : en faveur de la reconnaissance, la Cour souligne que M. Bogendorff von Wolfersdorff « a exercé ce droit [de libre circulation des citoyens] », ce qui sous-entend l’établissement de sa résidence au Royaume-Uni, en l’occurrence pendant un temps à l’évidence suffisamment long, et qu’il « possède la double nationalité allemande et britannique » (point 82). Autrement dit, la situation était suffisamment proche de l’ordre juridique britannique pour que celui-ci lui applique son propre droit matériel. La situation de M. Bogendorff était donc matériellement intégrée à l’ordre juridique du Royaume-Uni et, dès lors, l’application du droit britannique tout à fait légitime (sur l’intégration matérielle par opposition à l’intégration juridictionnelle, v. notre thèse, préc., not. § 207 et 208). Mais en faveur de la non-reconnaissance, la Cour souligne que « le changement de nom considéré repose sur un choix de pure convenance personnelle » et que « la divergence de noms qui en résulte n’est imputable ni aux circonstances de la naissance de celui-ci, ni à une adoption, ni à l’acquisition de la nationalité britannique » (point 82). L’importance de la volonté pour permettre l’intervention de l’ordre public en vue de la non-reconnaissance est donc tout à fait évidente.

29Ce qui est cependant absent de la motivation de la Cour, c’est la recherche de la localisation objective de la situation personnelle en cause, alors même que cette localisation était un argument en faveur, voire même un préalable, de la reconnaissance. Car en l’espèce les liens avec l’ordre juridique allemand sont tout à fait significatifs, autour de la nationalité allemande conservée par M. Bogendorff et sa résidence habituelle en Allemagne au moment de la demande de reconnaissance. La situation dont le requérant cherche la reconnaissance a en effet vocation à produire une partie importante de ses effets en Allemagne, si ce n’est la partie principale. Or si la situation est objectivement fortement localisée en Allemagne par la nationalité et la résidence habituelle du requérant, il semble naturel de permettre à l’ordre juridique allemand de faire intervenir son ordre public pour que cette situation soit juridiquement appréhendée par la loi objectivement applicable. Ce n’est qu’en procédant de cette manière que l’on évitera efficacement la création d’un « marché de la vanité » lié à la vente des titres nobiliaires (v. sur ce point, Th. Rauscher, obs. préc., ainsi qu’une offre de sites internet assez vaste proposant, moyennant prix, l’acquisition de titres nobiliaires divers), tout en maintenant la possibilité du maintien de l’unité du statut personnel lorsque le nom résulte de la loi qui avait objectivement la plus forte vocation à s’appliquer.

30Il n’en reste pas moins qu’en l’espèce, les deux ordres juridiques, britannique et allemand, avaient une vocation objective à appréhender juridiquement la situation. Et c’est bien face à ce genre de situations que la Cour semble proposer désormais la recherche d’un nouvel équilibre entre ordres juridiques, dans lequel la solution n’est plus imposée par la Cour elle-même, mais dans lequel le pouvoir décisionnel est délégué aux juridictions nationales, à moins que les juridictions nationales ne conservent, beaucoup plus simplement, un pouvoir qui leur appartient originellement (sur ce point, v. l’analyse en tant que « conflit diagonal » par J. Heymann, Le droit international privé à l’épreuve du fédéralisme européen, Économica, 2010, spéc. p. 103 s.).

B – La recherche d’un nouvel équilibre entre ordres juridiques

1. L’inévitable maintien du rôle du juge national

31L’ordre public n’intervient qu’avec une originalité toute relative ici. En réalité, il ne constitue en effet qu’une application en matière de statut personnel d’un principe général de coordination entre ordre juridique européen et ordres juridiques nationaux. Cette coordination est effectuée par le recours à des notions cadres qui permettent au droit de l’Union d’intégrer l’objectif du respect de l’identité nationale de ses États membres (v. sur ce point notamment F.-X. Millet, L’Union européenne et l’identité constitutionnelle des États membres, LGDJ, 2013 et M. Safjan, D. Düsterhaus, A. Guérin, La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et les ordres juridiques nationaux, de la mise en œuvre à la mise en balance, RTD eur. 2016. 219). Il n’en faut pas moins souligner très brièvement son importance. La vocation de l’ordre public est en effet d’assurer le respect de l’intégrité de l’ordre juridique du for. C’est la protection de l’antériorité de l’ordre juridique interne par rapport aux ordres juridiques européen et international qui s’exprime à travers lui (v. plus généralement sur cette question, not. H. Batiffol, Aspects philosophiques du droit international privé, Dalloz, rééd. 2002, spéc. p. 332 s.). Et un juge national ne pourrait remettre en cause des principes essentiels et fondateurs de son ordre juridique sans trahir sa mission, qui est d’être au service de la société qui l’a institué. Mais la défense de l’ordre public n’empêche évidemment pas les juges de faire preuve d’ouverture à l’égard de considérations tirées avant tout de l’intérêt des personnes impliquées dans des situations européennes ou internationales. Simplement, ces considérations d’ouverture doivent évidemment rester compatibles avec l’antériorité de l’ordre juridique national, tout en tenant compte de l’idée que l’intensité avec laquelle s’impose la défense de l’ordre public s’amenuise au fur et à mesure que la situation s’éloigne de l’État de reconnaissance.

32Appliqué à la reconnaissance en matière de statut personnel ou familial, un tel raisonnement implique que la Cour de justice renforce à juste titre le pouvoir d’appréciation des juridictions nationales en matière d’invocation de l’ordre public comme exception à la reconnaissance. Ce sont en effet les juridictions nationales qui doivent, pour ainsi dire, garder le dernier mot pour décider quand une situation est incompatible avec leur ordre public. Elles peuvent et doivent évidemment tenir compte d’un souci de coordination, y compris insufflé par la Cour de justice, pour infléchir leur interprétation de l’ordre public. Mais il n’en reste pas moins que le droit de l’Union n’a ni vocation à leur enlever ce pouvoir de protection de l’antériorité de l’ordre juridique national, ni, au regard des traités, la prétention de le faire.

33D’ailleurs, pour revenir aux faits de l’espèce, s’agissant du nom de famille de la fille, V. de M. Bogendorff von Wolffersdorff, le pouvoir d’appréciation des autorités nationales ressort avec plus de netteté encore. Le refus de reconnaissance serait en effet directement fondé sur l’objectif de protéger l’intérêt de l’enfant. Il semble relever du bon sens, aujourd’hui comme hier, que le droit ne doit pas « laisser les enfants […] à la merci de fantaisies de nature à leur porter préjudice [et que] le nom choisi ne peut être tel qu’il prête au ridicule » (affaire dans laquelle des enfants abandonnés ont été appelés « Delabi-cyclette » et « Dukdelespasse » par l’officier d’état civil chargé de leur attribuer un nom, jugement du tribunal de Pontivy du 5 mars 1902, D. 1903. 2. 414). En raison du caractère ridicule du nom, la reconnaissance d’un tel nom pourrait ainsi facilement être considérée comme contraire à l’intérêt de l’enfant, là où l’objectif d’unité du statut personnel, qui œuvre pourtant aussi en faveur de l’intérêt de l’enfant, impliquerait la reconnaissance. L’équilibre ne peut alors être trouvé qu’au sein même de l’appréciation de l’intérêt de l’enfant, ce qui est une opération qui, à l’évidence, ne peut être effectuée que par le juge national, compte tenu notamment de l’exigence d’une appréciation in concreto, par le contrôle de l’intérêt de l’enfant. En raison de l’importance de la protection de l’intérêt de l’enfant, l’encadrement par le droit de l’Union européenne serait alors forcément plus limité encore qu’il ne l’est en matière de contrôle de l’ordre public. Les juridictions allemandes ont ici accepté le nom de famille, d’ailleurs non conforme à celui de son père, « Gräfin von Wolffersdorff Freiin von Bogendorff » (point 20). Mais le droit de l’Union européenne leur aurait certainement permis d’adopter aussi la position inverse. Cela aurait été faire preuve de moins d’originalité, certes, mais également, sans doute, de plus de sagesse, sagesse dont, par ailleurs, la Cour de justice a su faire preuve en ce qui concerne l’équilibre à trouver en matière de statut personnel entre libertés de circulation et respect de l’identité nationale des États membres.

2. Trouver une unité du statut personnel par une véritable coordination des ordres juridiques

34Il reste à savoir comment l’on pourrait surmonter cette situation apparemment insatisfaisante, du moins au regard de l’objectif d’unité du statut personnel et familial, de l’impossibilité d’une coordination par la méthode de la reconnaissance. Le présent arrêt illustre que la solution ne saurait venir de la jurisprudence de la Cour de justice. En raison du refus, justifié, d’imposer des rattachements objectifs qui permettraient de donner une intégration matérielle unique d’une situation européenne, et compte tenu du refus, moins justifié, de suffisamment tenir compte de cette intégration matérielle dans la non-reconnaissance des éléments du statut personnel (par les arrêts Garcia Avello et Grunkin Paul, préc.), la Cour avoue son impuissance à concevoir un système qui coordonne les ordres juridiques autrement que par un recours indirect à l’autonomie de la volonté (v. H.-P. Mansel, Anerkennung als Grundprinzip des Europäischen Rechtsraums, Rabels Zeitschrift, Band 70, 2006, p. 651-732). Or ce recours à l’autonomie de la volonté a pour effet d’exacerber la réaction de l’ordre public, ce qui était justement le cas dans la présente affaire.

35La solution ne peut donc venir que d’un système qui identifie les hypothèses dans lesquelles le rattachement des situations personnelles et familiales à un ordre juridique unique est possible. Seul un tel système, qui devrait nécessairement articuler les méthodes du droit international privé de façon à avoir une intégration matérielle unique de ces situations, est susceptible d’apporter des réponses satisfaisantes au défi résultant de la nécessité de concilier l’objectif d’unité du statut personnel et familial avec l’objectif du respect de la diversité des ordres juridiques nationaux. Mais la réponse doit venir ici du législateur européen, qui semble peu enclin à faire de cette question une priorité. Dès lors, compte tenu des nombreux domaines relevant du statut personnel ou familial dans lesquels il n’y a pas de véritable coordination entre ordres juridiques nationaux par un système de droit international privé articulant efficacement conflit de lois et conflit de juridictions, l’invocation de l’ordre public par les autorités nationales a encore de beaux jours devant elle.

Français

L’article 21 TFUE doit être interprété en ce sens que les autorités d’un État membre ne sont pas tenues de reconnaître le nom d’un ressortissant de cet État membre lorsque celui-ci possède également la nationalité d’un autre État membre dans lequel il a acquis ce nom qu’il a librement choisi et qui contient plusieurs éléments nobiliaires, qui ne sont pas admis par le droit du premier État membre, dès lors qu’il est établi, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, qu’un tel refus de reconnaissance est, dans ce contexte, justifié par des motifs liés à l’ordre public, en ce qu’il est approprié et nécessaire pour garantir le respect du principe d’égalité en droit de tous les citoyens dudit État membre (1).

Mots clés

  • Nom patronymique
  • Citoyenneté de l’Union
  • Article 21 TFUE
  • Liberté de circuler et de séjourner dans les États membres
  • Ressortissant de deux États membres
  • Nom acquis dans l’État membre de résidence
  • Transfert de la résidence dans l’autre État membre
  • Reconnaissance du nom acquis
  • Contrariété à l’ordre public de l’État membre de la nouvelle résidence
  • Pouvoir d’appréciation de la juridiction de renvoi
Mis en ligne sur Cairn.info le 11/06/2020
https://doi.org/10.3917/rcdip.172.0278
Pour citer cet article
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