CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1Avant d’arriver sous les yeux d’un lecteur, un livre suit tout un parcours, qui va de la création par l’auteur à la mise à disposition en librairie, en bibliothèque ou sur Internet, en passant par les différentes étapes de l’édition, de la diffusion et de la distribution. Cette succession d’étapes, où interviennent différents acteurs liés les uns aux autres et où se mêlent des enjeux culturels et économiques, forme ce qu’on appelle la filière ou la chaîne du livre.

2Celle-ci est un segment prépondérant au sein des industries culturelles et créatives. Non seulement parce que les livres sont, depuis plusieurs siècles, des vecteurs majeurs de culture. Mais aussi parce que leur production pèse lourd en termes économiques : en Belgique francophone, ce secteur d’activité réalise un chiffre d’affaires supérieur à ceux des secteurs de la musique ou du cinéma [1].

3De nombreux bouleversements caractérisent l’histoire de la chaîne du livre et de nouvelles évolutions sont à venir. Dans les années 1980, la commercialisation du livre par la grande distribution et les grandes surfaces spécialisées telles que la Fnac ou Club a profondément modifié la structure de ce marché. Aujourd’hui, le numérique s’introduit à chaque étape de la chaîne. Même s’il est encore difficile d’évaluer pleinement son impact, ce développement bouscule, plus encore qu’il y a trente ans, les équilibres dessinés jusque-là, posant avec une acuité renouvelée les questions de réglementation et de régulation d’un secteur qui voit arriver de nouveaux acteurs. Parallèlement, l’essor de nouvelles formes de loisirs, particulièrement auprès des jeunes, modifie sensiblement les pratiques culturelles, et notamment le poids que représente la lecture de livres au sein de celles-ci.

4Ce Dossier a pour objectif d’analyser la chaîne du livre en Communauté française [2], d’étudier ses logiques et de décrire ses acteurs. Il est structuré en quatre parties, qui correspondent aux quatre grandes étapes (voir le schéma ci-dessous) qui composent cette chaîne : la création, l’édition, la commercialisation et la mise en valeur du livre.

5La première étape fait intervenir l’auteur, dont la principale ambition est souvent d’accéder à une certaine reconnaissance, du public et de ses pairs. Étant entendu que vivre de sa plume reste très rare, de nombreuses initiatives et structures accompagnent ou soutiennent le travail des auteurs. Même si certains auteurs, grâce notamment aux facilités qu’offre aujourd’hui Internet, s’essaient à l’auto-édition, la plupart se tournent, pour que leurs écrits soient publiés, vers un ou plusieurs éditeurs professionnels. Les liens qui les unissent sont alors négociés à travers un contrat qui règle notamment la question des droits d’auteur.

6Au sein de la chaîne du livre, l’éditeur joue un rôle central puisqu’il est l’intermédiaire entre le projet de texte de l’auteur et les attentes du public qu’il doit percevoir et satisfaire. Il gère, directement ou en les sous-traitant, l’ensemble des étapes nécessaires à l’élaboration du produit fini. Les maisons d’édition se distinguent notamment par leur taille et par leur politique éditoriale.

7Une fois édité, le livre suit le chemin de la commercialisation, qui implique en premier lieu une phase intermédiaire de diffusion et de distribution, avant que n’intervienne la vente proprement dite, à travers différents circuits (les librairies indépendantes, les chaînes de librairies, les grandes surfaces spécialisées et non spécialisées, les diffuseurs de presse et les librairies en ligne).

8Enfin, le livre publié doit trouver ses lecteurs. En dehors des circuits marchands, les bibliothèques, notamment, assurent l’accès au livre et à la culture. Leur rôle a évolué ces dernières années vers une mise en valeur du livre et vers la promotion des pratiques de la lecture. Les technologies numériques, à travers la numérisation, permettent par ailleurs la conservation et la mise à disposition de nombreux livres imprimés.

Schéma 1. La chaîne du livre et ses acteurs

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Schéma 1. La chaîne du livre et ses acteurs

Première partie. La création

9L’auteur littéraire compose des textes originaux destinés à être publiés sous format papier, audio ou numérique. Il s’agit de romans, d’essais, de poèmes, de nouvelles, de biographies, de littérature jeunesse… Mais on compte également au sein de cette catégorie les auteurs de bandes dessinées, de livres artistiques ou de découvertes touristiques, architecturales ou autres, ou encore de publications scientifiques.

10Même si certains auteurs, grâce notamment aux facilités qu’offre aujourd’hui Internet, s’essaient à l’auto-édition (voir ci-dessous), la majorité d’entre eux se tournent, pour que leurs écrits soient publiés, vers un ou plusieurs éditeurs professionnels. Les liens qui les unissent sont alors négociés à travers un contrat qui explicite notamment quels sont les droits que l’auteur décide de céder et contre quelle rémunération, mais également quelles sont les obligations auxquelles devront se plier les deux parties : calendrier d’édition, remaniements de texte suggérés par l’éditeur, ligne graphique…

I – Le statut des auteurs

11Les auteurs littéraires ne disposent en Belgique d’aucun statut particulier. Du point de vue de la législation sociale, ils sont soit salariés, soit indépendants. Toutefois, s’ils disposent d’un statut de salarié pour une autre activité, ils ne doivent pas obtenir un statut d’indépendant pour exercer leur activité d’auteur (voir encadré).

12Dans la toute grande majorité des cas, vivre exclusivement de sa plume n’est guère possible. Une activité complémentaire, principale ou secondaire, est nécessaire. En l’absence de statut, la notion de reconnaissance, pour nombre d’écrivains, passe alors par le fait de se voir publié, de toucher un public, de disposer d’un éditeur de qualité et de percevoir des droits d’auteur.

13Cette absence de statut clair implique également, en Belgique ou ailleurs, qu’il est très difficile de comptabiliser le nombre d’auteurs, car seule une poignée d’entre eux sont bien connus et identifiés comme tels par le public et les professionnels du monde littéraire. Toutefois, les sociétés d’auteurs qui gèrent les droits de reprographie et de prêt public (voir ci-dessous) peuvent estimer à quelques milliers le nombre d’auteurs belges publiant régulièrement.

Le régime social des artistes

Même si le régime social applicable aux artistes fait souvent débat, il n’existe pas à proprement parler de « statut d’artiste » en Belgique. La législation fiscale et sociale comporte par contre certaines règles spécifiques applicables aux artistes. Le législateur a ainsi mis en place un mécanisme qui permet aux artistes de bénéficier, dans certaines conditions, de la sécurité sociale des travailleurs salariés [3], même s’ils fonctionnent de façon singulière. Les artistes cotisent donc comme des salariés et bénéficient d’une indemnité de chômage les jours où ils ne travaillent pas. Les activités artistiques concernées par cette disposition recouvrent la création, l’exécution ou l’interprétation d’œuvres artistiques dans les arts audiovisuels ou plastiques, en musique, en littérature, dans un spectacle, au théâtre ou dans une chorégraphie.
Pour bénéficier des allocations de chômage, l’artiste doit prouver un certain nombre de journées de travail au cours d’une période de référence :
  • 312 jours au cours d’une période de 21 mois s’il est âgé de moins de 36 ans,
  • 468 jours au cours d’une période de 33 mois s’il est âgé de 36 à moins de 50 ans,
  • 624 jours au cours d’une période de 42 mois s’il est âgé d’au moins 50 ans.
Le cas des auteurs littéraires est particulier, car il est difficile pour eux de comptabiliser clairement leurs journées de travail. Pour eux, comme pour d’autres artistes rémunérés à la prestation, une règle de calcul a été instaurée comme condition à l’ouverture du droit aux allocations de chômage. Lorsque cette règle particulière est appliquée, les rémunérations à la prestation sont divisées par 1/26e du salaire de référence. Le résultat représente un nombre de jours de travail. En 2015, ce salaire de référence est de 1 501,82 euros pour les travailleurs âgés de 21 ans au moins et de 1 411,71 euros pour les travailleurs âgés de moins de 21 ans.
La très grande majorité des auteurs littéraires ne semblent cependant pas concernés par cette réglementation, leurs revenus étant insuffisants pour atteindre les barèmes demandés.

14L’écriture s’avère un travail de longue haleine. Or les revenus qui reviennent aux auteurs sous la forme de droits d’auteurs sont calculés selon un pourcentage des ventes réalisées et ils ne leur sont versés au plus tôt que six mois après la clôture de l’exercice de l’année au cours de laquelle est intervenue la publication. Au mieux, l’auteur peut compter sur un à-valoir versé par son éditeur, c’est-à-dire une avance sur les droits d’auteur. Dès lors, vu ces délais et compte tenu de la faiblesse des montants perçus, seul un faible pourcentage des auteurs exercent véritablement leur activité en tant que professionnels, même si d’autres sources de revenus peuvent découler de leur notoriété : cours, conférences, prix…

15Pour les autres, il s’agit d’une activité secondaire. On rencontre alors deux types de profils : soit l’auteur écrit comme complément à une autre activité, professionnelle, qu’il juge prioritaire. Soit son activité professionnelle lui permet de gagner suffisamment sa vie pour se consacrer le plus souvent possible à ce qu’il estime être son activité principale, l’écriture. Une autre catégorie d’auteurs vient encore compléter ce panorama, lorsque la publication est directement liée à l’activité principale de l’auteur. Dans les milieux académiques et les différents secteurs de recherche, par exemple, l’objectif d’une publication est souvent la recherche de notoriété par rapport aux travaux entrepris et aux conclusions dégagées, davantage qu’une motivation financière ou purement littéraire.

16Pour compléter les revenus générés par les droits d’auteur, des activités annexes peuvent également être envisagées ou proposées aux auteurs : des traductions, des activités pédagogiques [4] (dans le cadre de la littérature jeunesse) ou même, dans des cas beaucoup plus rares, une adaptation pour le cinéma, la télévision ou la scène.

17L’enjeu crucial pour un auteur consiste à être lu et reconnu par le plus grand nombre. Or, et cela est bien entendu vrai pour d’autres activités artistiques, la production d’écrits et le nombre de publications sont tellement importants que se faire un nom relève d’un chemin souvent laborieux. Dans ce contexte, Internet joue un rôle ambivalent. Il complique la donne ou simplifie les choses. Ce média a en effet pour avantage d’être accessible au plus grand nombre, ce qui permet aux auteurs de s’illustrer plus facilement et de faire connaître le résultat de leur travail. Le recours à Internet a considérablement facilité le travail des auteurs. Cela est vrai en amont de la publication éventuelle, avec un travail de recherche (historique, sociologique, journalistique…) beaucoup plus immédiat et rapide que par le passé. Mais Internet offre également aux auteurs, indépendamment même d’une démarche d’auto-édition, l’opportunité de dévoiler une partie de ce qu’ils écrivent à travers un blog, un site web ou les réseaux sociaux, dans l’objectif avoué d’attirer le plus de lecteurs possible. Le revers de la médaille, c’est que la toile, avec le foisonnement d’informations qu’elle propose, induit la multiplication des auteurs, si l’on considère qu’un écrit disponible sur Internet devient public et donc susceptible d’attirer, ou non, des lecteurs. Cette situation complique la possibilité pour un auteur de se différencier des autres et de se mettre en évidence.

Le portail en ligne des auteurs : Bela

Initié en 2002, Bela est un projet porté par deux sociétés d’auteurs, la Société civile des auteurs multimédia (SCAM) et la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), et soutenu par la Communauté française. Ce site-portail et le blog qui y fait écho ont pour ambition de présenter les auteurs francophones de Belgique et illustrent bien le type d’initiatives visant à promouvoir le travail des auteurs sur Internet. Le site met aujourd’hui en avant plus de 500 auteurs, mais repose également sur une base de données très complète, d’auteurs et d’œuvres, mise à disposition par la SACD et la SCAM. Il offre aux auteurs la possibilité de documenter leurs créations avec des illustrations, des articles de presse ou des reportages et d’annoncer des rendez-vous importants. Un calendrier et une rubrique actualités reprennent ainsi les principaux événements susceptibles d’intéresser les auteurs et leur public. On trouve également sur ce portail un accès à des œuvres ou extraits d’œuvres, ainsi qu’à des blogs ou des billets d’auteurs. Enfin, Bela passe commande auprès des auteurs pour des textes qui seront ensuite publiés sur le portail.

II – Les aides et bourses

18La préoccupation première d’un auteur est d’être lu et reconnu. Pour financer son travail d’écriture, il peut compter sur certaines aides. Il peut aussi tenter de s’illustrer et de se démarquer en remportant l’un ou l’autre prix littéraire.

La Communauté française

19Au sein de la Communauté française, le Service général des lettres et du livre a pour mission de promouvoir les différents acteurs de la chaîne du livre (auteurs, illustrateurs, éditeurs, libraires et bibliothécaires), ainsi que la lecture dans son ensemble.

20Le Service de la promotion des lettres, l’un des quatre services abrités par le Service général des lettres et du livre [5], est chargé, en particulier, de la promotion du livre, de la littérature, des auteurs, des éditeurs et des librairies. Dans ce cadre, il accorde des bourses littéraires aux auteurs ayant déjà été publiés par un éditeur professionnel. Un projet ne peut bénéficier que d’une seule bourse pour sa réalisation. Plusieurs types de bourses sont accordées après examen des candidatures : une bourse d’appoint (3 000 euros – cette bourse est destinée à supporter les frais entraînés par la rédaction de l’ouvrage : voyages, documentation, recherches…) ; une bourse de découverte (3 500 euros – cette bourse est réservée aux auteurs qui n’ont publié qu’un seul ouvrage et ne peut être obtenue qu’une seule fois) ; une bourse de création (9 000 euros – cette bourse est considérée comme un revenu de remplacement : l’auteur doit s’engager à prendre un congé de trois mois pour se consacrer à l’écriture, et ne pas bénéficier de revenus professionnels durant cette période ; il ne peut avoir bénéficié d’une bourse de création au cours des deux années précédant la demande) ; une bourse pour une année sabbatique (25 000 euros – cette bourse s’adresse à un auteur dont la notoriété est reconnue) ; une bourse résidence d’auteur (1 500 euros par mois – cette bourse s’adresse soit aux auteurs invités par un centre de création littéraire ou dramatique, soit aux auteurs qui résident dans des lieux mis à leur disposition par la Communauté française ; un auteur peut obtenir une bourse de résidence pour une durée d’un ou deux mois).

21Trois types de résidence reçoivent le soutien de la Communauté française : les résidences pour auteurs belges à l’étranger, les résidences pour auteurs internationaux en Belgique et les résidences pour les traducteurs. Les auteurs internationaux sont reçus à Passa Porta (Bruxelles), à la Maison de la poésie d’Amay (en province de Liège), à la Résidence de Mariemont (Hainaut) ou au Château du Pont d’Oye (en province de Luxembourg). Le Collège européen des traducteurs de Seneffe octroie des résidences à des traducteurs, essentiellement pour la traduction d’une œuvre de la littérature belge de langue française vers toute autre langue.

22En octobre 2014, la Communauté française a édité un répertoire [6] des auteurs et illustrateurs issus de Wallonie ou de Bruxelles qui travaillent pour la littérature jeunesse, un genre qui a connu un certain essor ces dernières années. Pour accompagner ce développement, la Communauté française a mis en place plusieurs initiatives de soutien : bourses de création, aides aux éditeurs, répertoires, expositions itinérantes, animations dans les milieux de l’enseignement, ainsi que l’octroi d’un Grand Prix triennal. Celui-ci est décerné depuis 2006 sur proposition d’un jury indépendant. Wallonie-Bruxelles International (WBI) contribue à faire rayonner ces activités sur le plan international, par des participations à des foires et salons, tels ceux de Bologne ou de Montreuil, ou encore par son implication dans l’attribution, depuis 1978, du Prix Québec/ Wallonie-Bruxelles de littérature de jeunesse.

23La Communauté française finance également depuis 2008 le concours La Petite Fureur (de lire). Celui-ci s’adresse aux écoles, au sein desquelles les enfants de 3 à 13 ans sont invités à réagir, après lecture d’une sélection de livres d’auteurs issus de Wallonie et de Bruxelles, par une création artistique de leur choix : dessin, collage, poème, adaptation théâtrale ou musicale…

24Les auteurs, dessinateurs ou scénaristes de bandes dessinées sont eux aussi susceptibles de décrocher une bourse auprès de la Communauté française : une bourse découverte pour les nouveaux auteurs (3 500 euros), une bourse d’aide au projet pour faire face à des frais divers (entre 2 500 et 3 500 euros), une bourse d’aide à la création pour les auteurs confirmés (montant variable ne dépassant pas les 7 500 euros), une bourse de résidence (1 500 euros de frais de séjour) et une bourse de congé sabbatique (25 000 euros). Tous les projets sont examinés par la Commission d’aide à la bande dessinée, une instance d’avis de la Communauté française créée en 2007.

25Chaque année, le Service de la promotion des lettres envoie 30 000 ouvrages littéraires à destination de 320 bibliothèques de facultés des lettres situées dans une quarantaine de pays d’Europe, d’Afrique, d’Amérique et d’Asie. En collaboration avec WBI, il assure également une présence régulière dans les principaux salons du livre internationaux. En France, la promotion des auteurs belges francophones est assurée par un attaché littéraire.

Les sociétés d’auteurs

26Plusieurs bourses sont accordées par la Société civile des auteurs multimédia (SCAM) aux auteurs, de même que sont organisées différentes actions de promotion. Un catalogue des bourses et appels à projets est édité chaque année. Il s’agit notamment de bourses destinées à permettre le développement d’un projet littéraire au sens large (roman, nouvelles, poésie, BD…), d’un coup de pouce pour participer à un festival littéraire, un salon du livre ou au festival de la BD d’Angoulême, d’une possibilité de résidence à Passa Porta, la Maison internationale des littératures (ouverte aux membres de la SCAM auteurs de romans, de nouvelles ou de poésie, aux illustrateurs jeunesse, aux auteurs de BD ou de romans graphiques, aux auteurs d’essais, de livres scientifiques ou pédagogiques…).

27Les affiliés à la Société belge des auteurs, compositeurs et éditeurs (SABAM) ont également l’opportunité de postuler pour l’octroi de deux bourses annuelles à la création littéraire (1 000 euros – cette bourse est destinée à supporter les frais entraînés par la rédaction de l’ouvrage : voyages, documentation, recherches…) et de deux bourses annuelles d’incitation à l’édition (qui récompensent à la fois l’éditeur, à concurrence de 2 000 euros, et l’auteur, à hauteur de 1 000 euros).

Spes

28Depuis 27 ans, chaque année, l’association de mécénat privé Spes [7] accorde sept bourses de 5 000 euros à des artistes belges prometteurs – plasticiens, musiciens, auteurs littéraires, créateurs textiles… Ces bourses sont destinées à les aider à réaliser un projet individuel ou à développer une œuvre qui constitue un pas signifi-catif dans l’évolution de leur parcours et, lorsque cela est possible, leur reconnaissance à l’étranger. Une bourse de poésie d’un montant de 7 500 euros est également décernée annuellement à un poète belge, sans limite d’âge, pour une œuvre singulière, pour l’ensemble d’un travail, ou encore pour la réalisation d’un projet d’écriture. Elle s’adresse à des poètes confirmés ou ayant déjà été publiés.

III – Les prix littéraires

29En marge des aides à la promotion et des bourses, d’autres rendez-vous, à la renommée et aux retombées variables, permettent aux auteurs de se démarquer : les prix et concours. Selon certains auteurs, ces prix sont une vraie opportunité de sortir du lot. Pour d’autres, ces prix et concours cherchent eux-mêmes à renforcer leur renommée en primant essentiellement des auteurs déjà reconnus. L’objectif n’est pas ici de présenter un panorama exhaustif de ce qui existe en la matière, de nombreuses associations, villes et communes proposant d’ailleurs leurs propres initiatives, mais de donner quelques exemples à titre d’illustration.

30Le Service de la promotion des lettres décerne plusieurs prix littéraires, qui récompensent aussi bien les auteurs débutants (prix de la première œuvre, décerné depuis 1997) que les écrivains confirmés (prix triennal du roman, de poésie et de théâtre, prix quinquennal de littérature et d’essai). Ils distinguent également les traducteurs des auteurs de la Communauté française (prix de la traduction littéraire), ainsi que les personnes qui, par leurs publications ou leur action, ont participé au rayonnement de la littérature au-delà de nos frontières (prix du rayonnement des lettres belges à l’étranger).

31Un prix littéraire et un prix littérature/illustration jeunesse sont également attribués chaque année par la SCAM. Plusieurs prix sont par ailleurs décernés chaque année dans les festivals dont la SCAM est partenaire, avec régulièrement de nouvelles initiatives pour mettre les auteurs à l’honneur.

32L’Académie royale de langue et de littérature française de Belgique, fondée en 1920, décerne vingt-sept prix littéraires qui sont attribués à des rythmes variables (quatre prix annuels, huit biennaux, six triennaux, quatre quadriennaux, quatre quinquennaux et un décennal). Elle gère également le Fonds national de la littérature (FNL), dont l’objectif est d’accorder aux écrivains des subventions en vue de l’édition de leurs ouvrages.

33Le prix Victor Rossel constitue l’un des événements majeurs de la vie littéraire en Belgique francophone. Depuis 1938, ce prix décerné par le journal Le Soir récompense un roman ou un recueil de nouvelles. Depuis 2001, a également été créé le prix Victor Rossel des jeunes, avec un jury composé de rhétoriciens.

34Le grand prix littéraire France/Wallonie-Bruxelles est quant à lui décerné chaque année par l’Association des écrivains de langue française (ADELF), dont le siège est à Paris et dont l’objectif est de relier les auteurs de langue française de par le monde. Ce prix bénéficie du soutien de la Communauté française.

35Le prix Bernard Versele met à l’honneur la littérature jeunesse. La province de Liège propose quant à elle le prix Jeunes talents (littérature, musique, art plastique et art de diffusion). La RTBF met également chaque année un roman à l’honneur à travers le prix Première, choisi par des auditeurs de La Première dans une présélection établie par huit libraires et huit critiques littéraires. Ce prix récompense une première publication.

36Fondée en 1902, l’Association des écrivains belges de langue française (AEB) décerne plusieurs prix, dont le prix Alex Pasquier (roman historique), le prix Delaby-Mourmaux (poésie), le prix Emma Martin (roman, poésie, contes ou nouvelles)… Son site Internet, sa lettre d’information ainsi que sa revue quadrimestrielle (Nos lettres) sont autant d’outils proposés pour la promotion des auteurs membres.

37L’AEB, ainsi que le Service général des lettres et du livre mettent à disposition sur leur site Internet une liste des différents prix littéraires ayant cours en Belgique francophone.

IV – Les associations, les rencontres et les revues littéraires

38Les livres et la littérature dans un sens large offrent également l’occasion de rencontres, de débats, d’expositions et autres animations. Une fois par mois, se réunit ainsi, à Bruxelles, l’Association royale des écrivains et artistes de Wallonie (AREAW). Au programme : des lectures et la présentation de nouveaux ouvrages. Le site Internet de l’association regroupe une série de comptes rendus des travaux de ses membres, des interviews d’auteurs, ou encore des informations plus générales sur des salons, des lectures et des rencontres d’auteurs.

39Dans de nombreuses librairies et bibliothèques du pays, attirer le lecteur passe aujourd’hui par une diversification des services offerts. Et les auteurs sont associés à cette démarche, qui leur permet de mieux se faire connaître de leur public et d’apporter un autre éclairage sur leur travail. En littérature jeunesse, citons par exemple Le Wolf (La Maison de la littérature jeunesse), à deux pas de la Grand-Place de Bruxelles, qui propose, en marge des ateliers et animations en tout genre, des rencontres d’auteurs et d’illustrateurs. C’est également Le Wolf qui a été chargé de coordonner le concours La Petite Fureur. Dans le même esprit, la Maison du Livre, une asbl bruxelloise soutenue par la Communauté française, la Région de Bruxelles-Capitale et la commune de Saint-Gilles, organise des activités centrées sur le livre et l’écriture, avec des expositions thématiques, des présentations d’ouvrages, des lectures de textes…

40Une fois par semaine, dans le petit auditorium des Musées royaux des Beaux-Arts à Bruxelles, se tiennent les Midis de la poésie, tandis que d’autres grands événements, tels que les foires du livre (Bruxelles, Ligny, Namur…), le Marché du livre de Mariemont, le Festival du conte de Chiny ou encore la Fête du livre de Redu, mettent annuellement à l’honneur les livres et leurs auteurs.

41Les ateliers d’écriture permettent aux auteurs de revêtir le rôle d’animateur. Le réseau Kalame regroupe depuis 2003 les animateurs des différents ateliers d’écriture de la Communauté française et permet à ceux-ci d’échanger sur leurs expériences. Ce réseau sert également d’intermédiaire entre les écrivains et associations d’auteurs, d’une part, et des acteurs culturels tels que des bibliothèques, des centres culturels ou des institutions scolaires, de l’autre.

42Enfin, les revues littéraires jouent également un rôle important pour faire connaître les auteurs et leur permettre de tisser leur réseau. C’est ainsi le cas de Karoo, une plate-forme et un magazine de critiques sur la création culturelle, dont la littérature. Karoo offre également un service d’édition et de soutien pédagogique à la rédaction, un réseau de rédacteurs et de lecteurs, et publie une revue semestrielle dont le premier numéro est paru en 2014. De son côté, Textyles est une revue qui paraît deux fois par an pour mettre à l’honneur une problématique en particulier (les écrivains journalistes, la bande dessinée contemporaine…) ou un auteur, ainsi que des comptes rendus d’ouvrages critiques publiés dans l’année écoulée dans le domaine des lettres belges. Ado Livres se concentre, pour sa part, sur la critique littéraire des ouvrages destinés aux 11-18 ans. Le Carnet et les Instants rend compte de l’activité des auteurs de la Communauté française sous la forme d’une revue bimestrielle. Celle-ci offre également un écho aux concours, aux bourses et aux prix littéraires attribués, et propose des cartes blanches de certains auteurs. Il existe enfin des revues par domaine littéraire, comme dBd ou l’Immanquable, toutes deux centrées sur la bande dessinée.

V – La relation auteur/éditeur

43Trouver un éditeur ne se fait généralement pas du premier coup. Il s’agit pour l’auteur de s’armer de patience et de multiplier les tentatives en ciblant au mieux les éditeurs en fonction de leur ligne éditoriale et de l’adéquation du texte proposé à celle-ci.

44D’un point de vue généralement partagé par les auteurs, le rôle de l’éditeur est souvent fondamental. L’éditeur est celui qui saura comment transformer le texte en livre. C’est également le premier lecteur. Une bonne relation entre auteur et éditeur est toutefois difficile à amorcer et à cultiver, en toute intelligence. C’est une relation complexe, de pouvoir : celui de l’éditeur qui décide, octroie, organise. Celui de l’auteur dont le travail est la matière première du travail de l’éditeur. C’est seulement après la parution d’un premier titre chez un éditeur que commence à proprement parler la relation entre auteur et éditeur. Un prochain livre peut dès lors être conçu de concert, ou du moins élaboré en complicité (même passive) avec l’éditeur. Au niveau du travail du texte, l’éditeur apporte le recul nécessaire et les corrections éditoriales indispensables à l’évolution d’un auteur. Un bon livre est inévitablement le fruit d’un tandem, de deux regards conjoints. Leurs relations sont contractuelles, philosophiques, émotionnelles.

45En fonction du degré de prise en charge de la responsabilité financière d’un projet littéraire, on distingue plusieurs types d’édition : à compte d’éditeur, à compte d’auteur ou dans le cadre d’une auto-édition.

46Dans le cas d’une édition à compte d’éditeur, ce dernier prend en charge les frais liés à la publication, de même que ceux induits par la promotion et la diffusion du livre, et ce en contrepartie des droits d’édition (et souvent de nombreux autres droits) que l’auteur lui cède. Un certain nombre de points doivent alors être couverts par le contrat qui unit l’auteur et l’éditeur. Parmi ceux-ci figure un agenda clair des différents allers et retours du manuscrit entre les deux parties, de même qu’un délai maximal pour la publication qui, s’il est dépassé, induira le retour des droits chez l’auteur ou, plus rarement, le versement d’une compensation de l’éditeur à l’auteur.

47Comme l’explique la SCAM, les propositions de contrat d’édition fournies par les éditeurs tentent souvent d’obtenir l’universalité des droits d’exploitation. En d’autres termes, les éditeurs cherchent à acquérir tous les types de droits, auxquels sont associés une rétribution, liés à la publication et la diffusion d’un livre. Cette cession de droits va de pair avec la rétribution de l’auteur, négociée par contrat. Il n’y a bien sûr aucune obligation légale à ce que l’auteur cède à l’éditeur l’ensemble des autres droits liés à une publication, ni en Belgique, ni en France. L’auteur peut exclure certaines exploitations (droit d’édition numérique, droit de traduction dans certaines langues, droit de merchandising, droit d’adaptation audiovisuelle…) de son contrat s’il souhaite exploiter certains droits seul ou avec un tiers. La SCAM conseille dès lors de prévoir que seuls les droits explicitement cédés peuvent être exploités par l’éditeur.

48En contrepartie de la cession de ces droits par l’auteur à l’éditeur, le premier attendra du second un travail de relecture, une publication et la mise en valeur de celle-ci. Le contrat qui unit auteur et éditeur devra ainsi préciser de quel type de promotion se chargera l’éditeur : dans les salons et festivals littéraires, sur Internet, dans les médias…

49Des contrats-types sont disponibles auprès de la Maison des auteurs (voir ci-dessous), de la SCAM ou de la SABAM afin d’aiguiller les auteurs dans leur démarche. La Maison des auteurs a récemment rédigé de nouveaux modèles de contrats à l’attention des auteurs de BD et des illustrateurs, intégrant l’évolution des conditions contractuelles, les modes d’exploitation numérique et les différentes situations rencontrées par les auteurs (édition, prestation, exposition, adaptation audiovisuelle, multimédia, vente d’originaux, publicité et merchandising). Les membres de la SCAM peuvent également faire appel gratuitement au service juridique de la Maison des auteurs pour une relecture critique des contrats qui leur sont soumis et une sauvegarde de ceux-ci. Par ailleurs, la Maison des auteurs effectue une analyse transversale des conditions proposées par les différents éditeurs.

50Afin de protéger l’auteur des éventuels manquements de son éditeur (non-paiement des droits, retard dans la sortie du livre, promotion inadéquate…), le contrat d’édition peut comporter une clause résolutoire.

51Enfin, si le livre sort sous format numérique, il devra faire l’objet d’une mise en forme adaptée à ce format – avec éventuellement l’ajout de photos, de vidéos, de liens hypertextes – qui devra être soumise par l’éditeur à l’auteur et être validée par ce dernier. L’éditeur devra également, pour le volet promotion, préciser sur quels sites et quelles plates-formes il compte rendre l’ouvrage disponible. Un contrat séparé, avec cession des droits numériques, peut être conclu entre l’auteur et l’éditeur.

52Dans le cas d’une édition à compte d’auteur, la dynamique est inversée. Contrairement au compte d’éditeur, où l’auteur cède ses droits d’exploitation en échange d’une contrepartie financière de la part de l’éditeur, ici, l’auteur conserve ses droits, mais doit contribuer à assurer l’exploitation commerciale de son ouvrage. C’est l’auteur qui décide d’éditer son livre, recourt pour ce faire à un éditeur, mais garde le dernier mot sur le manuscrit et la manière d’assurer sa promotion. Alors que l’éditeur qui édite à son compte réalise des profits sur la vente de livres, celui qui édite à compte d’auteur fait ses profits sur le processus d’édition lui-même. Dans le premier cas, les recettes proviennent des lecteurs ; dans le second, principalement des auteurs : l’auteur paie l’éditeur pour être publié.

53Si ce mode d’édition augmente les chances de publication pour l’auteur, de par le fait que le risque financier supporté par l’éditeur est moindre ou même nul, le risque pour l’auteur est de voir son éditeur s’investir beaucoup moins dans le travail de promotion du livre. Celle-ci est en effet rendue moins nécessaire pour l’éditeur par le fait que le risque financier est partagé avec l’auteur, voire supporté par ce dernier. L’éditeur à compte d’auteur pourra néanmoins remplir d’autres fonctions, telles que des travaux de correction du manuscrit ou une adaptation de celui-ci afin de le rendre plus attractif aux yeux des lecteurs, l’aide à la conception d’une couverture… Il est à noter que certains types d’ouvrage, comme la poésie, ne connaissent quasiment plus que des éditions à compte d’auteur.

54Dans le cas d’une auto-édition, enfin, l’auteur assure financièrement, comme dans l’édition à compte d’auteur, mais également concrètement, c’est-à-dire sans passer par un éditeur qu’il paierait, toutes les étapes de création et de promotion de son ouvrage : écriture, mise en page, impression et vente. Il s’agit en quelque sorte de la forme ultime de l’édition à compte d’auteur. Le problème reste toutefois entier pour l’auteur. Celui-ci doit en effet convaincre, non plus un éditeur, mais cette fois les librairies et autres réseaux de distribution, de croire en son projet.

55Même si l’auteur se contente du format numérique, dans l’objectif d’éviter les coûts de l’impression papier, le travail de promotion reste très lourd et donc très difficile à endosser par la même personne. Si toutefois un auteur prend le chemin de l’auto-édition, il peut contacter l’Agence francophone pour la numérotation internationale, à Paris, pour obtenir un numéro ISBN (International Standard Book Number) qui lui permet de figurer dans les bases de données qu’utilisent les libraires. Il doit également déposer son livre à la Bibliothèque royale de Belgique pour le dépôt légal et s’inscrire au répertoire du patrimoine et des auteurs belges. Dans les autres cas de figure, c’est l’éditeur qui assure ces tâches.

56L’avantage de travailler avec un éditeur, même à compte d’auteur, c’est qu’il dispose de son réseau de correcteurs et de graphistes, d’un imprimeur, ainsi que d’un réseau de distribution et de mise en vente. L’auto-édition est un pari à la fois très difficile à remporter et très onéreux, qui pousse la toute grosse majorité des auteurs à préférer le chemin de l’édition à compte d’auteur ou d’éditeur. Pour autant, selon la Bibliothèque royale de Belgique, il semble qu’une tendance à la hausse soit observée ces dernières années concernant le nombre d’auteurs se lançant dans l’aventure de l’auto-édition, celle-ci profitant notamment de plates-formes en ligne du type Unibook, Edilivre et même Amazon. Ces sites fournissent aux auteurs des outils afin de créer la maquette du livre. Une fois celle-ci terminée, un prix est proposé à l’auteur pour couvrir les coûts de fabrication et la marge de la société d’impression. Par la suite, le livre est présenté sur le site concerné et n’est disponible à la vente que sur celui-ci, en impression à la demande. L’auteur peut choisir le prix de vente en fonction de la marge bénéficiaire qu’il vise.

VI – Les droits d’auteur

57En Belgique, une œuvre littéraire est protégée dès la création, à condition que celle-ci soit une œuvre originale. Avant la publication, la paternité de cette œuvre peut s’avérer plus délicate à prouver, en cas de plagiat notamment. C’est pourquoi les auteurs sont invités à se montrer prudents et à déposer leur ouvrage auprès d’une société d’auteurs (la Maison des auteurs ou la SABAM, par exemple), ce qui permet de lui associer une date d’antériorité opposable à des tiers en cas de conflit. Il convient d’adopter cette démarche avant même de partir à la recherche d’un éditeur ou de faire circuler son tapuscrit.

58En matière de rémunération pour reprographie, de prêt public ou de copie privée (voir ci-dessous), le dépôt d’une œuvre littéraire n’est cependant pas suffisant. Pour pouvoir revendiquer ses droits, il faut que l’auteur se soit affilié à une société d’auteurs et qu’il y ait déclaré l’œuvre en question. En cas de collaboration (avec un illustrateur, par exemple), un contrat de collaboration entre les auteurs peut régler certaines questions, notamment de la répartition, avant même de passer à l’étape d’une possible édition.

59Les sociétés d’auteurs sont des sociétés privées, civiles ou coopératives, gérées à l’origine par et pour les auteurs [8], qui perçoivent et administrent au nom de leurs membres les droits d’auteur découlant de l’exploitation de leurs œuvres. Ce sont donc des auteurs qui se regroupent et organisent la gestion de leurs droits. Ce sont ces sociétés d’auteurs qui accordent l’autorisation aux exploitants des œuvres d’utiliser celles-ci, qui perçoivent la rémunération accordée par ces exploitants en compensation de la cession des droits d’exploitation, et qui rétribuent ensuite les auteurs. Pour les auteurs littéraires, les exploitants sont essentiellement les éditeurs. Pour les utilisateurs des œuvres (les producteurs, les éditeurs, les opérateurs de spectacles…), les sociétés de gestion de droits d’auteur représentent un partenaire intéressant car elles permettent de faciliter le contact avec les auteurs.

Les partenaires

Afin de s’orienter dans les démarches administratives et la perception des droits d’exploitation de leurs ouvrages, les auteurs peuvent compter sur différents partenaires, dont notamment :
La Maison des auteurs
La Maison des auteurs est une association sans but lucratif fondée dans le but d’offrir aux auteurs, aux sociétés de gestion de droits et aux associations professionnelles un lieu de rendez-vous, de discussion, de réunion aussi bien qu’un espace où établir leur bureau.
La Maison des auteurs est ainsi le siège de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), de la Société civile des auteurs multimédia (SCAM), de la Société multimédia des auteurs des arts visuels (SOFAM) et de la société néerlandophone deAuteurs, qui ont décidé d’unir leurs forces sous le même toit. Elle accueille aussi plusieurs fédérations professionnelles et associations culturelles.
– La SCAM
La première société d’auteurs a vu le jour en France au 18e siècle, fondée par des auteurs de théâtre qui se sont rassemblés au sein de la SACD pour défendre collectivement leurs intérêts. D’autres sociétés d’auteurs ont ensuite vu le jour, spécialisées par répertoire, telle la Société des gens de lettres, qui a donné naissance à la SCAM en 1981. La SACD et la SCAM sont des sociétés internationales.
La Société civile des auteurs multimédia (SCAM) est une société de gestion des droits d’auteur spécialisée dans la littérature, le documentaire cinéma, télévisuel et radio, l’illustration et le multimédia non fictionnel. Parmi les œuvres gérées par la SCAM, on trouve les romans, les nouvelles, la poésie, les essais, les chroniques, les articles, les critiques, les portraits, les ouvrages pédagogiques, les œuvres scientifiques, les ouvrages humoristiques, les bandes dessinées, les albums pour enfants, les illustrations et les graphismes.
À l’échelle internationale, la SCAM rassemble quelque 40 000 membres (dont 2 500 belges), dont elle protège, négocie, perçoit, gère et répartit les droits. La SCAM est une société plurinationale sans but lucratif avec un siège social à Paris et une représentation dans différents pays, dont la Belgique. Elle a également conclu des accords de réciprocité avec plusieurs sociétés d’auteurs étrangères pour y assurer la représentation de ses membres dans d’autres pays.
La fonction centrale de la SCAM est la rémunération des auteurs pour l’exploitation de leurs œuvres et toutes les démarches et négociations qui s’y rapportent. Dans certains cas, le délai entre l’exploitation d’une œuvre et l’encaissement des droits correspondants peut être important. La SCAM peut alors verser des avances à l’auteur. Pour fonctionner, la SCAM retient un pourcentage des droits d’auteur : c’est la retenue statutaire, aux alentours de 11 % en audiovisuel et de 4,97 % en reprographie et prêt public. Les droits de reprographie sont versés deux fois par an par la SCAM aux auteurs sur la base des œuvres déclarées au titre de l’année précédente.
La SCAM propose également des conseils juridiques et fiscaux aux auteurs membres [9]. Grâce à des relations privilégiées avec les autorités publiques, elle relaie les préoccupations et les attentes des auteurs littéraires. La SCAM, ainsi que les autres membres de la Maison des auteurs d’ailleurs, joue un rôle d’intérêt général et collabore intensivement avec les pouvoirs publics ainsi qu’avec les organismes de service public, et notamment la Communauté française (Service général des lettres et du livre), la Communauté flamande (Vlaams Audiovisueel Fonds) et l’Autorité fédérale (ministre des Finances pours les aspects fiscaux, ministre de l’Économie pour les questions de propriété intellectuelle et de reprographie).
La SABAM
La Société belge des auteurs, compositeurs et éditeurs (SABAM) est une société privée de gestion collective des droits d’auteur créée en 1922. Même si elle est très souvent exclusivement associée à la musique, elle n’en est pas moins multidisciplinaire et représente également, même si c’est dans une moindre mesure que la SCAM, des romanciers, des poètes, des auteurs de bande dessinée, des illustrateurs… La SABAM est également un membre important de Reprobel, société impliquée dans la gestion du droit de reprographie. Les auteurs littéraires ont en effet droit à une rémunération en compensation des photocopies qui sont effectuées par des tiers de leurs textes sur un support graphique ou analogue (voir ci-dessous).

60La loi reconnaît plusieurs droits à tout créateur d’une œuvre originale : des droits moraux, d’une part, qui sont inaliénables, comme la paternité sur l’œuvre ou le droit à sa divulgation et à son respect (par l’opposition à toute modification ou dénaturation) ; des droits patrimoniaux, d’autre part, comme les droits de reproduction (édition, traduction, reproduction sonore, adaptation, téléchargement, location, prêt), qui impliquent à la fois une autorisation de l’auteur et la possibilité de percevoir des revenus sur ces exploitations.

61Dans une grande majorité de cas, l’auteur (écrivain ou illustrateur) cède ses droits à l’éditeur, qui lui assure une rémunération reposant le plus souvent sur un pourcentage du prix de vente public. Ces rémunérations doivent être prévues par contrat, de même que les modalités de versement des droits. Un relevé des ventes peut être fourni aux auteurs, par le biais des sociétés d’auteurs, en ce qui concerne leurs publications.

62Pour l’exploitation des droits d’édition papier, la rémunération de l’auteur consiste en un pourcentage sur le prix de vente au public. Une fourchette comprise entre 8 % et 15 % est généralement utilisée pour les romans. Le contrat peut aussi prévoir un taux qui évolue selon le nombre de livres vendus. Le coût de production et le prix de vente public du livre dans sa version numérique étant moins élevés que ceux du livre papier, la SCAM estime que le pourcentage devant revenir à l’auteur doit être plus élevé dans ce cas, aux alentours de 25 %, afin de garder une rémunération équivalente pour l’auteur.

Reprographie, prêt public et copie privée

63La traduction d’un ouvrage est elle aussi protégée par des droits d’auteur pour peu qu’on parle d’une traduction originale, c’est-à-dire lorsque le traducteur procède à des choix personnels quant aux mots et expressions utilisés, ce qui est vrai dans la majorité des cas.

64Il existe cependant plusieurs situations dans lesquelles un éditeur se retrouve dans l’incapacité d’autoriser au cas par cas l’utilisation des œuvres ou de percevoir lui-même les droits correspondants : les reproductions par photocopie, le prêt d’œuvres dans les bibliothèques publiques et, depuis 2005, la copie privée des textes et images fixes. Ces exploitations sont, dans des limites précises, autorisées en Belgique depuis 1994 [10] grâce à trois mécanismes légaux de perception et de répartition collectives (découlant des licences légales), connus sous le nom de « reprographie », de « prêt public » et de « copie privée ». Ce dispositif légal est destiné à compenser le manque à gagner des auteurs et des éditeurs dans ces trois cas de figure. Ces sommes sont exclusivement gérées par les sociétés de gestion collective.

65Pour les auteurs, les droits de reprographie peuvent être aussi importants que les droits d’auteur. Il s’agit donc d’un mécanisme légal de gestion collective par lequel les auteurs sont rémunérés pour les photocopies ou les impressions papier qui sont faites de leurs créations littéraires. C’est la société Reprobel qui est chargée de percevoir les sommes dues par les détenteurs d’appareils de reproduction (photocopieuses et imprimantes). Les montants récoltés par Reprobel sont ensuite versés à parts égales entre les différentes sociétés d’auteurs et sociétés d’éditeurs du pays, qui répartissent alors ces rémunérations entre leurs membres, selon leur barème de répartition et après déduction des frais administratifs qui leur incombent. Pour pouvoir bénéficier de cette rémunération, l’auteur doit avoir fait publier sa création et l’avoir déclarée auprès d’une société d’auteurs. Celle-ci propose et actualise régulièrement des barèmes de rémunération en fonction du type de création visée par la reprographie, et cela après avoir obtenu l’aval du Service de contrôle des sociétés de gestion (Service public fédéral Économie). Le Code de la propriété intellectuelle belge organise de façon détaillée le contrôle des sociétés de gestion des droits.

66Les droits de prêt public sont régis par l’arrêté royal du 13 décembre 2012 relatif à la rémunération des auteurs pour le prêt public de leurs œuvres [11]. Les sommes perçues également par Reprobel sont réparties auprès des sociétés d’auteurs (70 %) et d’éditeurs (30 %). Une règle de partage permet ensuite à celles-ci de procéder au versement des droits de prêt à chacun des ayants droit concernés.

67Les droits de copie privée concernent davantage les créations sonores et visuelles que littéraires, outre les scénarios de film, les pièces de théâtre… La loi du 22 mai 2005 [12] a étendu les droits de copie privée à toutes les œuvres littéraires (en ce compris la consultation privée sur une tablette ou un smartphone).

Les œuvres libres de droits

68Les œuvres libres de droits correspondent à deux réalités distinctes : des œuvres mises à disposition libres de droits par leurs auteurs dès leur divulgation ou, de manière plus classique, des œuvres dont la durée de protection est écoulée et qui sont tombées dans le domaine public.

69Les droits d’auteur confèrent à l’auteur (ou à son employeur dans certains cas habituels de cession de droits, comme dans le monde de la recherche scientifique) le privilège exclusif de décider de la manière et des conditions dans lesquelles son œuvre sera accessible au public (commercialisation, usage privé…). S’il souhaite que son œuvre puisse être utilisée le plus largement possible par le public, il peut en autoriser librement l’accès et l’utilisation. Une possibilité consiste à mettre l’œuvre dans le domaine public en abandonnant tous ses droits ; l’auteur perd alors tout contrôle sur son œuvre. Parallèlement, il existe des formules, les licences libres, pour que l’œuvre soit librement accessible mais que, par exemple, l’auteur puisse s’opposer à sa modification ou à son utilisation commerciale par un tiers alors qu’il la diffuse gratuitement. Les licences libres les plus connues concernent les programmes d’ordinateur, mais il en existe également pour les articles, les récits, et d’autres œuvres de l’esprit. Un exemple de licence très utilisée est la licence Creative Commons, qui autorise la copie, la distribution ou la communication de l’œuvre, soit dans tous les contextes, soit dans un contexte non commercial uniquement. La modification de l’œuvre est également parfois autorisée.

70En Belgique, comme dans tous les pays membres de l’Union européenne, la durée de protection des œuvres prend fin 70 ans après le décès de l’auteur. L’œuvre tombe alors dans le domaine public. Les ayants droit conservent un droit moral [13], perpétuel en Belgique, sur l’œuvre en question. C’est sur ces œuvres conçues à une époque où les développements technologiques d’aujourd’hui étaient inconnus, et pour lesquelles il n’y a plus de droits patrimoniaux [14], que portent les projets de nouvelles mises à disposition du public sous forme numérique, éventuellement sous forme commerciale.

VII – L’arrivée du numérique

71L’arrivée du numérique a eu une série de conséquences sur l’ensemble de la chaîne du livre. L’une d’entre elles est le développement du téléchargement et de la reproduction illégale. Face à ce phénomène, les auteurs demandent des solutions collectives, légales ou contractuelles. Mais l’arrivée du numérique a également eu une incidence positive sur la manière dont travaillent les auteurs.

72Au stade de la conception, et même si les annotations à la main restent très répandues pour faire évoluer un texte en cours, l’outil informatique a considérablement facilité le travail des auteurs, qui apprécient les diverses possibilités de mise en page, la navigation rapide à travers un texte, la fonction de recherche d’un mot spécifique… Le manuscrit est ainsi devenu le tapuscrit. Les éditeurs demandent d’ailleurs de plus en plus souvent aux auteurs des textes déjà susceptibles d’être publiés en l’état, reportant une réelle charge économique sur ces derniers. Le recours à Internet trouve également sa place dans cette phase de conception. Un livre historique peut désormais s’écrire de chez soi en exploitant les encyclopédies en ligne ou les archives numérisées ; un livre sur la santé peut trouver matière dans les articles médicaux et les bases de données scientifiques [15], sans parler des moteurs de recherche utilisés au quotidien.

73Une fois le texte finalisé, Internet permet également à l’auteur, en marge de la collaboration avec son éditeur, de promouvoir son travail en publiant par exemple des extraits sur son site Internet, sur son blog, ou sur les réseaux sociaux. Il s’agit d’un nouvel outil à disposition afin de sortir de l’anonymat. Car la question centrale reste encore et toujours celle-là. À côté des moyens classiques pour se faire voir du plus grand nombre, comme les interviews dans les médias, spécialisés ou non, les salons littéraires, les événements en librairies ou en bibliothèques, les lectures publiques, voire quelques festivals, Internet offre une nouvelle vitrine aux auteurs. Sans obligation de résultat, bien entendu, Internet confère à l’auteur une certaine autonomie quant à la promotion de son travail. À lui, dès lors, d’alimenter blogs [16], forums et réseaux sociaux dans une démarche promotionnelle. Certains auteurs de bandes dessinées peuvent ainsi proposer en exclusivité quelques planches d’un nouveau tome. En fonction de l’audience déjà acquise par le biais d’Internet, les auteurs de bandes dessinées, ainsi que ceux de littérature jeunesse, peuvent également, par ce biais, s’attirer les faveurs de l’un ou l’autre éditeur rassuré par ce lectorat déjà existant.

74Un auteur peut également éprouver une certaine forme de liberté à ne publier ses écrits que sur le web. Il peut y développer un contact plus direct et plus immédiat avec ses lecteurs. À travers l’édition collaborative, ceux-ci peuvent même, dans un deuxième temps, apporter leurs commentaires, voire, dans certains cas encore assez rares, faire évoluer le texte. L’édition numérique permet quant à elle de développer autrement le contenu et d’associer à un texte des images, des vidéos ou des liens hypertextes. Sans oublier les plates-formes de crowdfunding (financement participatif), du type Sandawe pour la bande dessinée, qui permettent à de jeunes auteurs de faire financer et de promouvoir leurs projets grâce à l’intérêt et au soutien des internautes.

75La présence d’un auteur sur Internet lui demande certaines aptitudes ainsi que du temps, le tout non financé. Les auteurs disposant déjà d’une certaine notoriété peuvent parfois compter sur une aide financière de leur éditeur pour le travail fourni sur la création et l’alimentation d’un site de promotion. D’autres auteurs se regroupent afin de maximiser leur investissement sur la toile. D’autres encore se servent de leur blog pour tester les retours de leurs lecteurs avant publication.

76Enfin, le développement d’Internet a permis à nombre de textes mis en ligne, totalement ou en partie, de sortir du cadre confidentiel que le papier pouvait conférer. Pour autant, une publication diffusée sur la toile n’engendre pas automatiquement un lectorat dense et assidu. La version papier d’un ouvrage semble par ailleurs rester, pour les auteurs, une finalité [17]. Si l’outil de référence est devenu le traitement de texte et l’ordinateur plutôt que l’encre et le papier ou même la machine à écrire, un auteur qui débute un projet d’écriture a en tête l’objectif d’un ouvrage publié sur support papier, d’un livre physique. Même les auteurs qui tentent de se frayer un chemin via une publication sur un site web ou un blog ont souvent dans l’idée de pouvoir être ensuite publiés « pour de vrai », sur papier.

Deuxième partie. L’édition

77Le monde de l’édition belge francophone présente un caractère disparate, largement influencé par l’importance de l’édition française. Les plus grandes maisons d’édition en Communauté française, elles-mêmes souvent contrôlées par des groupes étrangers, ont une taille moyenne à l’échelle européenne. Elles sont aussi fortement spécialisées, en particulier en sciences humaines, où la concurrence française se fait sentir, et en BD, véritable moteur de l’édition belge francophone et dont la majeure partie de la production est destinée à l’exportation. Le paysage comprend également un grand nombre de petits éditeurs, à la production souvent artisanale en grande partie commercialisée à l’intérieur des frontières. L’un des enjeux pour tous les éditeurs est la transition numérique, un mouvement soutenu par les pouvoirs publics.

I – La fonction éditoriale

78Le rôle de l’éditeur comprend le choix des auteurs et des textes, parfois sous forme de commande, et le financement de l’édition des textes, en assurant leur fabrication et leur diffusion. L’éditeur occupe une position centrale dans la filière du livre, il est en contact direct avec les autres professions : auteur, traducteur, imprimeur, diffuseur et distributeur. Les relations des éditeurs avec les représentants de ces professions ont évolué dans le temps.

79Selon l’Association des éditeurs belges (ADEB), un livre naît de la rencontre entre un auteur et un éditeur, son premier lecteur, qui transmet ce livre au public. Pour le grand public, la fonction éditoriale reste marquée par l’image du grand éditeur de littérature à la forte personnalité nourrie d’exemples historiques français prestigieux (Gaston Gallimard, Bernard Grasset, Jérôme Lindon…). L’éditeur serait alors comparable à un démiurge qui révèle les talents ou condamne les auteurs potentiels à l’obscurité. Cette vision demande à être nuancée, notamment en Belgique où la place de la littérature est limitée.

80L’importance de cette activité culturelle tend à s’estomper devant les aspects économiques et financiers au centre des évolutions et mutations en cours dans ce qui est aussi un secteur économique. Certaines de ces évolutions sont en cours depuis plusieurs années ou décennies : concurrence d’autres supports, internationalisation et interpénétration des marchés, concentration des structures de production et de propriété. D’autres défis technologiques ont émergé au cours des dernières années, comme l’irruption du numérique, par exemple. On constate également que, parallèlement à une inflation du nombre de titres publiés annuellement, les tirages moyens diminuent peu à peu. Et ce phénomène va en s’accélérant [18].

Le rôle central de l’éditeur

81Au sein de la chaîne du livre, l’éditeur a le rôle d’un entrepreneur intermédiaire dans la rencontre entre un texte devant prendre la forme d’un livre et les attentes du public ; en d’autres termes, il transforme, au moins potentiellement, le talent en valeur marchande. Pour ce faire, l’éditeur doit gérer son rapport aux œuvres et à leurs auteurs, ainsi que la réalisation matérielle du livre en tant que produit final, et il doit positionner ce livre en vue de sa commercialisation.

82Par ailleurs, l’éditeur se charge de rentabiliser le succès éventuel d’un livre, notamment par la gestion de multiples droits supplémentaires d’adaptation (format poche, audiovisuel, numérique…) dont il partage les revenus avec l’auteur, et qui font parfois l’objet de contrats séparés. L’exploitation de ces éventuels droits supplémentaires peut constituer une source non négligeable de revenus pour l’éditeur. Dans les rares cas où une publication fait l’objet d’une adaptation audiovisuelle, les droits associés sont généralement plus rentables que la publication elle-même. Cela dit, cette stratégie de rentabilisation ne s’applique que dans un nombre limité de cas. On considère plus largement que le secteur de l’édition fonctionne sur la base de l’économie du succès (comme dans les domaines du cinéma ou de l’industrie pharmaceutique, par exemple) : les bénéfices très importants d’un petit nombre de livres compensent les faibles ventes (ou la simple atteinte de l’équilibre) de la plupart des autres. On parle alors de péréquation.

La politique éditoriale

83La politique éditoriale vise à définir les types et le nombre d’ouvrages édités et, d’une manière générale, à développer un style plus ou moins unifié étendu à l’ensemble de la production d’une maison d’édition. Les plus grandes maisons d’édition intègrent à la politique éditoriale des concepts de production standardisée, de production par séries, qu’on trouve dans l’industrie des biens de consommation. La stratégie marketing de l’entreprise d’édition est déterminée en fonction de sa politique éditoriale.

84La politique éditoriale peut évoluer dans le temps. Un éditeur peut être amené à publier des œuvres qui s’éloignent de sa politique éditoriale, et ce pour diverses raisons : choix personnel ou coup de cœur pour un texte, liens anciens avec un auteur qui se renouvelle, choix plus opportuniste… En cas de succès, d’autres publications de même type peuvent suivre, faisant évoluer la politique éditoriale. On constate néanmoins, à côté d’orientations a priori de la production, que la politique éditoriale se construit aussi rétrospectivement à partir des ouvrages déjà publiés et de leur cohérence thématique et artistique en rapport avec leur sort commercial.

Les types de maisons d’édition

85Le monde de l’édition a connu, sur plusieurs décennies, une évolution dans les structures de propriété conduisant à la présence, dans l’édition francophone, à côté d’une grande quantité de petits, voire de très petits éditeurs de taille artisanale, d’une poignée de grands groupes diversifiés aux structures et aux stratégies internationales. Un clivage distingue, le plus souvent au sein des activités des moyens et grands éditeurs, les ouvrages à tirage élevé, à rotation rapide, à public potentiel large et à rentabilité escomptée forte (bestsellers, BD, livres pratiques) des autres ouvrages (littérature, essais), notamment ceux dont la reconnaissance par le public est plus lente.

86Les petites maisons d’édition fonctionnent sur la base d’un modèle structurel simple, où le dirigeant pratique la supervision directe de toutes les activités liées à l’édition, en accomplit certaines lui-même (notamment en matière d’édition et de promotion) au sein d’une équipe restreinte [19]. Ce modèle se retrouve, souplement transposé, chez les entreprises moyennes et grandes, avec un fonctionnement par petites équipes, une organisation par projets, éventuellement le recours à des directeurs de collection, avec un rôle important dévolu au dirigeant. Cela explique la personnalisation qui règne dans le secteur, y compris dans les plus grandes maisons, où elle a tendance à masquer le modèle de fonctionnement industriel (optimisation de la production, production par séries, critères de rentabilité et gestion des risques) qui sous-tend l’ensemble de la production. Cette coexistence d’un modèle personnalisé de gestion et d’un modèle plus industriel conduit à des tensions en interne, souvent matérialisées par la production de types d’ouvrages différents, éventuellement au sein de marques éditoriales différentes.

87La capacité des entreprises les plus grandes à travailler sur de gros volumes et de larges catalogues leur permet de limiter les risques encourus, bien davantage que les petites maisons d’édition. D’une manière générale, les logiques de ces petites maisons sont simplement différentes, tant en ce qui concerne les publications que l’ampleur du public visé.

La structure du prix du livre

88En plus de l’éditeur, les différents acteurs de la filière du livre se partagent la rémunération en étant associés, la plupart du temps, à la prise de risque encourue par celui-ci. En effet, les détaillants sont rémunérés au pourcentage, négocié avec l’éditeur, sur le prix de vente fixé par ce dernier, et le distributeur est également rémunéré sur les ventes. Les droits d’auteur sont eux aussi proportionnels aux ventes, même si le risque peut être minimisé, pour l’auteur, par des avances éventuelles ou des rémunérations forfaitaires généralisées dans certains sous-secteurs comme l’édition scientifique et technique. De même, l’éditeur ne prend pas de risque dans le cadre, certes minoritaire, de l’édition à compte d’auteur. En aval, certaines pratiques concernant les libraires et les distributeurs transfèrent également la prise de risque au niveau de ces segments de la chaîne du livre (voir ci-dessous).

89La structure du prix du livre reflète l’implication de ces acteurs, avec des proportions parfois sensiblement différentes dans les parts des uns et des autres selon les cas, en fonction des rapports de force. Le tableau 1 résume cet état de fait.

Tableau 1

La structure du prix du livre (pourcentage du prix public hors taxes)

Tableau 1
Fourchette Droits d’auteur 0-18 % Frais éditoriaux de création 6-12 % Frais de fabrication 10-20 % Frais de promotion 5-10 % Contribution aux frais de structure et au bénéfice de l’éditeur Variable Diffusion 4-7 % Distribution 8-15 % Remise détaillant 20-42 %

La structure du prix du livre (pourcentage du prix public hors taxes)

Source : F. Rouet, Le livre. Une filière en danger ?, Paris, La Documentation française, 2013, p. 77.

90La contribution aux frais de structure et au bénéfice de l’éditeur s’établit en fonction des autres coûts. La part de l’éditeur à proprement parler se compose des frais éditoriaux de création, des frais de promotion et de la contribution aux frais de structure et au bénéfice. La plupart des grandes entreprises d’édition assurent également la diffusion et la distribution, en interne ou par des filiales spécialisées, maximisant ainsi leur rémunération. À l’inverse, la plupart se sont dégagées des activités d’imprimerie, jugées moins stratégiques et moins rentables, à partir des années 1980. Les frais de fabrication sont donc les sommes qui reviennent à ces imprimeurs. Avant de revenir plus en détail sur les différentes étapes de la chaîne du livre plus loin dans ce chapitre et dans les chapitres suivants, rappelons que le poste « droits d’auteur » disparaît dans le cas de réédition d’œuvres du domaine public. Nous traiterons plus loin de la question du prix de vente du livre.

La sous-traitance éditoriale

91Des phénomènes qui, certes, existaient déjà dans le domaine de l’édition ont pris ces dernières années une ampleur nouvelle, redéfinissant la fonction éditoriale. Les éditeurs recourent de plus en plus à la sous-traitance pour les tâches les plus variées et, devant le défique représente la mise sur le marché, ils ont de plus en plus tendance à se référer à des stratégies éditoriales précises ayant peu à peu fait leurs preuves.

92L’externalisation par l’éditeur de diverses activités liées à la fonction éditoriale est une réalité en expansion, mais difficile à mesurer exactement. Il s’agit d’abord, au-delà de tâches de gestion, d’activités créatives annexes, principalement dans les domaines du graphisme ou de l’iconographie, confiées à des indépendants spécialisés, voire à des sociétés, notamment pour économiser des frais fixes en personnel. Mais certains éditeurs y ont également recours en ce qui concerne leur cœur de métier en sous-traitant la conception et la réalisation d’ouvrages. Cette stratégie permet à des entreprises petites ou moyennes de réaliser une production plus importante ou plus diversifiée en tenant des délais raccourcis par de nouveaux impératifs d’immédiateté (ouvrages sur des sujets d’actualité, vedettes du moment…), favorisés par les nouvelles possibilités technologiques dans un contexte de concurrence. On constate aussi que le périmètre des activités externalisées varie selon les circonstances.

93Un sondage réalisé par l’ADEB en 2014 permet une approche de cette réalité pour le monde de l’édition francophone belge. Sur un échantillon de 44 éditeurs ayant répondu à l’enquête, 35 recourent régulièrement à la sous-traitance, soit près de 80 %. Le tableau 2 montre que l’externalisation de tâches éditoriales est significative.

Tableau 2

Les types d’activités sous-traitées

Tableau 2
Type d’activités Nombre de répondants Graphisme/mise en page 22 Impression 19 Corrections/relecture 11 Distribution/transport 3 Informatique 2 Traduction 5 Promotion/presse 5 Comptabilité/secrétariat social/RH 1 Rédaction de textes (auteurs) 3

Les types d’activités sous-traitées

94Le même sondage donne également une idée de la localisation des sous-traitants auxquels recourent les 35 éditeurs : sur un total de 86, seuls 57 % sont implantés en Communauté française (près de 27 % en Wallonie et un peu plus de 30 % à Bruxelles), les autres étant localisés en Flandre (16 %) et à l’étranger (près de 27 %, comme pour les Wallons).

Grande diffusion et péréquation

95Les incertitudes quant à la valorisation des ouvrages dans la filière du livre ont généré l’adoption de deux stratégies éditoriales ayant montré leur efficacité : la mise en avant d’ouvrages de grande diffusion et la pratique de la péréquation dans le cadre d’un secteur marqué par l’économie du succès.

96Les ouvrages (il peut aussi s’agir de catalogues ou de collections) « de grande diffusion » sont caractérisés par leur fort potentiel (où jouent notamment la notoriété de l’auteur, l’intérêt et l’actualité du sujet) et s’adressent à un public le plus large possible. Ces ouvrages sont présents dans tous les domaines éditoriaux. Ils demandent l’application, au moins partielle, de recettes rédactionnelles et éditoriales, une mise sur le marché maximisant leur visibilité, notamment par le nombre de points de vente, donc une maîtrise logistique importante, et des efforts de promotion conséquents qui comprennent l’occupation du champ médiatique (l’ouvrage est traité comme un événement). Ces efforts débouchent le plus souvent sur des succès (best-sellers), les échecs avérés restant rares et la très grande majorité des ouvrages rentrant au moins dans leurs frais. Ces dernières années, le modèle de la grande diffusion s’est étendu, en particulier dans les secteurs du livre de poche et de la jeunesse. Cette extension s’est faite, la plupart du temps, au détriment des titres de vente moyenne, en remettant en cause leur place physique (chez les distributeurs et les libraires) et médiatique. La stratégie de la grande diffusion telle que mise en œuvre par les grandes maisons et, de plus en plus, par les maisons moyennes, n’est pas dans la logique des petits éditeurs qui constituent la majorité du secteur.

97La stratégie de péréquation, comme nous l’avons déjà évoqué plus haut, revient à fonder la réussite économique de l’entreprise d’édition sur quelques succès espérés au sein d’une production caractérisée par un grand nombre d’échecs. Dans sa forme la plus simple, elle consiste à acter la compensation des pertes par les bénéfices pour une période donnée. Dans les faits, la plupart des éditeurs tentent d’accompagner ce mouvement, notamment en essayant de budgéter à l’avance les résultats escomptés ou en mutualisant les conditions de commercialisation d’un ensemble d’ouvrages rapprochés selon des critères artistiques ou autres, les ouvrages à moindre potentiel bénéficiant alors des conditions plus favorables accordées à leurs compagnons. Paradoxalement, quand un véritable best-seller survient dans ce cas, ce qui demeure rare, les petites maisons sont confrontées à d’importants problèmes de gestion et de logistique pour capitaliser sur ce succès.

II – Les éditeurs en Communauté française

98D’une manière générale, l’édition en Belgique francophone est dominée par des groupes français, qu’il s’agisse de la production éditoriale, qui est largement le fait de groupes français ayant racheté des éditeurs locaux, ou du marché du livre en général, où les ouvrages importés de France dominent, avec une part de marché de plus de 70 %.

99Si tous les sous-secteurs sont représentés dans la production éditoriale belge francophone, on constate toutefois une prépondérance de la BD, suivie des sciences humaines, des livres scolaires (qui représentent un marché captif pour les éditeurs actifs dans ce sous-secteur) et des livres de jeunesse. À l’inverse, la littérature générale, les beaux-livres et les livres pratiques sont presque absents, alors qu’ils forment une partie importante des importations. De plus, les auteurs belges à succès, notamment en littérature générale, se font éditer en France.

Schéma 2

Les éditeurs belges et le marché du livre en Belgique

Schéma 2

Les éditeurs belges et le marché du livre en Belgique

Source : PILEn/ADEB, Le marché du livre de langue française en Belgique, étude réalisée pour le Service général des lettres et du livre, 2014.

100Globalement, la part de marché des ouvrages belges, c’est-à-dire des ouvrages édités par des maisons belges, reste stable, avec des variations minimes depuis 2002. Ceux-ci représentent actuellement aux alentours de 28 % des achats de livres de langue française en Belgique.

101La ventilation par catégorie du chiffre d’affaires généré par la production de langue française des éditeurs belges pour l’année 2014 établit la part de la BD à 53 %, les sciences humaines à 20 %, le livre scolaire à 12 %, le livre de jeunesse à 5 % et les codes, annuaires et répertoires, ainsi que les ouvrages scientifiques et techniques à 3,5 % chacun. La part qui reste, dont les livres pratiques et parascolaires, les agendas et cartes, les beaux-arts et la littérature générale (qui intervient pour 0,05 %), représente 3 %.

102Les chiffres diffèrent pour l’exportation. Majoritairement à destination de la France, celle-ci représente 60 % en chiffre d’affaires de la production belge francophone : 86 % du chiffre d’affaires de l’édition de BD sont réalisés à l’exportation, contre 6 % et 25 % respectivement pour les livres scolaires et les livres en catégorie jeunesse.

103Cela dit, l’intégration des principaux éditeurs belges francophones dans des groupes internationaux amène à nuancer la distinction entre éditeur belge et éditeur étranger.

Panorama des éditeurs

104Selon la définition plus ou moins large que l’on donne de l’éditeur producteur, leur nombre varie sensiblement. En 2014, l’ADEB et l’Association espace livres & création (anciennement Espace Poésie) comptaient 49 éditeurs membres chacune, soit 98 maisons d’édition au total. À noter que certains éditeurs comptent plusieurs marques éditoriales.

105À partir des données de la Banque-carrefour des entreprises, et avec toutes les précautions méthodologiques qui s’imposent [20], on recense, en 2015, 386 organismes actifs (personnes morales, associations et personnes physiques) implantés en Wallonie ou à Bruxelles qui ont pour activité principale l’édition de livres (Code NACE 5811 – Édition de livres). Près de 50 de ces organismes ont leur siège social à Bruxelles.

106Sur la base des données Belfirst [21], le nombre total d’entreprises qui indique l’édition de livres comme activité principale a très légèrement augmenté (+ 1,7 %) entre 2006 et 2013. Sur la même période, le secteur de l’édition dans son ensemble affiche un recul significatif en termes de chiffre d’affaires (– 7,2 %) et d’emploi (– 8,1 %), toutes activités confondues. Le total de l’actif et les bénéfices nets sont quant à eux en net progrès. Autrement dit, ces profits, en augmentation, sont générés sur des volumes de ventes moindres et un emploi salarié en recul. Précisons qu’en 2006, une des plus grandes maisons d’édition établie en Communauté française, les éditions Dupuis, a vécu une année particulièrement difficile, avec un résultat net lourdement négatif (– 7 millions d’euros) qui a tiré vers le bas les chiffres globalisés cette année-là. Au total, 238 sociétés communiquent des chiffres relatifs à l’emploi pour un total d’un millier d’emplois environ en 2013. Il s’agit des équivalents temps plein (ETP) des sociétés listées ; cela n’inclut pas le nombre des collaborateurs extérieurs, parmi lesquels figurent les auteurs, mais aussi des graphistes, traducteurs, correcteurs…

107À l’image des marchés français et européen, le degré de concentration du secteur est particulièrement notable. Déjà important en 2006, il se renforce encore en 2013 puisque les cinq entreprises les plus importantes en termes de chiffre d’affaires globalisent 60,6 % du chiffre d’affaires total du secteur, contre 52,6 % en 2006 (voir l’indice de concentration C5 du tableau 3). Cette concentration est encore plus importante lorsqu’on analyse la structure de propriété des grandes maisons d’édition et leur appartenance éventuelle à un groupe d’entreprises. La polarisation du secteur se réalise au profit des stratégies des grandes maisons d’édition (voir le tableau 4).

Tableau 3

Évolution du secteur de l’édition de 2006 à 2013a,b

Tableau 3
2006 2013 Évolution 2006-2013 Chiffre d’affaires 297 736 118 276 365 404 – 7,2 % Bénéfices nets – 2 604 979 5 961 343 – Total de l’actif 349 869 774 376 974 833 + 7,8 % Emploi (ETP) 1 093 1 004 – 8,1 % Nombre d’entreprises a 234 238 + 1,7 % Indice de concentration (C5) b 52,62 % 60,61 % + 8,0 %

Évolution du secteur de l’édition de 2006 à 2013a,b

a Il s’agit du nombre d’entreprises qui ont l’édition de livres pour activité principale et qui ont publié des comptes annuels pour l’année concernée.
b Cet indice est calculé en globalisant le chiffre d’affaires des cinq sociétés les plus importantes selon ce critère et en le divisant par le chiffre d’affaires total du secteur.
Tableau 4

Les principaux éditeurs professionnels localisés en Communauté française. (Chiffre d’affaires, toutes activités confondues)

Tableau 4
Num. Nom Commune Société de tête du groupe ou actionnaire principal Effectif 2013 Chiffre d’affaires 2013 Bénéfice après impôts 2013 Total de l’actif 2013 1 Dargaud - Lombard Bruxelles Média-Participations (FR) 40 40 401 198 823 327 66 896 830 2 Éditions Dupuis Marcinelle Média-Participations (FR) 80 35 003 926 324 210 41 412 448 3 Éditions Casterman Bruxelles Famille Gallimard (FR) 40 33 554 613 – 693 310 26 417 679 4 Dupuis Logistic Services Fleurus Média-Participations (FR) 38 28 592 295 461 372 15 718 759 5 Groupe Larcier Bruxelles Familles Frère (BE) et Desmarais (CA) 73 19 123 168 1 689 364 17 243 675 6 Roularta Publishing Bruxelles Roularta (BE) 190 16 177 322 715 731 26 375 230 7 Les Éditions du Hainaut Mons Société de participations Rossel Hurbain (BE) 43 12 376 931 2 394 994 13 798 244 8 Éditions Hemma Liège Famille del Pedroso de Lara (ES) 24 8 758 390 – 1 064 523 9 758 886 9 Édition Ventures Ohain – 24 6 633 479 30 682 5 501 228 10 Bayard Presse Benelux Bruxelles Congrégation des Augustins de l’Assomption (FR) 17 5 810 662 1 047 492 12 070 219 11 DB Immo Louvainla- Neuve Descendants d’Albin Michel (FR) 15 4 836 146 – 145 375 17 418 161
Tableau 4
12 De Boeck Éducation Louvain-la- Neuve Familles Frère (BE) et Desmarais (CA) 16 4 551 176 342 948 7 054 570 13 Les Éditions du Brabant wallon Wavre Société de participations Rossel Hurbain (BE) 13 3 550 368 – 709 602 3 983 110 14 Presses universitaires de Bruxelles Bruxelles – 22 2 548 243 – 2 742 2 421 148 15 Psycho Media Belgium Ohain – 7 2 134 661 80 070 1 282 556 16 Licap Bruxelles Centre interdiocésain - Interdiocesaan Centrum (BE) 9 1 983 043 87 544 1 987 439 17 Mercatorfonds Bruxelles – 3 1 648 411 – 66 499 1 900 718 18 Éditions Érasme Bouge Abbaye d’Averbode 7 1 386 631 359 225 2 767 843 19 Renaissance Waterloo Marco De Ridder et Alain Van Gelderen 6 1 336 962 28 538 1 343 818 20 Coordination catholique des médias et de la culture Wavre – 15 1 139 292 – 392 028 1 433 833

Les principaux éditeurs professionnels localisés en Communauté française. (Chiffre d’affaires, toutes activités confondues)

108En tenant compte de la structure de propriété, on constate qu’il n’y a pas de maison d’édition indépendante de dimension internationale en Belgique francophone. Une maison d’édition de taille moyenne (le groupe Larcier, avec notamment De Boeck) à l’actionnariat belgo-canadien coexiste avec deux autres éditeurs de taille moyenne, filiales de groupes de presse locaux (Rossel et Roularta), mais pour lesquels la part de la production de livres à proprement parler, quoique difficile à estimer, est très largement minoritaire. Les quatre premières entreprises du classement sont des éditeurs de BD appartenant à des groupes français de dimension européenne. Renforçant la concentration du secteur, trois parmi ceux-ci appartiennent au même groupe, le groupe Média-Participations. Un seul éditeur (Hemma) appartient à un groupe d’envergure mondiale, l’espagnol Grupo Planeta.

109À côté de ce petit nombre d’acteurs qui concentre la plus grande partie des revenus, on trouve une multitude de petits éditeurs, sociétés ou personnes physiques qui publient un grand nombre d’ouvrages, parmi lesquels les auteurs auto-édités représentent une part toujours plus importante. En France, en 2014, l’ensemble Aparis -Edilivre - Edifree [22] (édition à compte d’auteur et auto-édition) a d’ailleurs détrôné L’Harmattan au palmarès des déposants les plus importants en nombre de dépôts d’ouvrages à la Bibliothèque nationale de France.

110Alors qu’en France et dans d’autres pays limitrophes, les maisons d’édition et le milieu littéraire sont très centralisés au niveau de la capitale, on constate qu’en Communauté française, un nombre non négligeable d’entreprises, y compris parmi les plus grandes, ont leur siège social en dehors de Bruxelles, pour des raisons historiques mais aussi d’image de marque. Parmi celles-ci, on trouve notamment les éditions Dupuis, dont le siège social a été maintenu à Marcinelle malgré l’intégration successive de cette maison d’édition dans des groupes de taille européenne (aujourd’hui groupe Média-Participations), et ce, notamment, en raison de la réputation acquise par l’« école de Marcinelle » au niveau mondial [23]. De même, des éditeurs aussi différents que les Éditions du cerisier (littérature et théâtre-action) et Hemma (livres pour la jeunesse, aujourd’hui groupe espagnol Planeta) sont implantés à Cuesmes et à Liège, respectivement.

111Anciennement détenues par leurs familles fondatrices belges, Dargaud-Lombard et les éditions Dupuis, deux sociétés implantées en Belgique, sont aujourd’hui des filiales de Média-Participations, la société de tête d’un groupe d’édition et de presse français attaché à la défense de valeurs catholiques traditionnalistes, dont les principaux actionnaires sont actuellement Famedia, une fédération d’associations catholiques (43,63 %), Milasco International (31,52 %) et Axa assurances Iard Mutuelle (14,83 %). Ce groupe a acquis une dimension importante par des rachats successifs de maisons d’édition spécialisées notamment dans le livre pour la jeunesse et dans le livre religieux. Le groupe détient une soixantaine de filiales dans une dizaine de pays.

112Vendues par Editis (Grupo Planeta), les sociétés De Boeck, Larcier et Bruylant appartiennent depuis 2011 au groupe contrôlé paritairement par la famille d’Albert Frère et la famille canadienne alliée Desmarais à travers la société d’investissement Ergon capital partners, qui les a réunies sous la coupole du groupe Larcier en 2013. Spécialisé dans l’édition scientifique, en particulier juridique, et éditant en français, néerlandais et anglais, le groupe Larcier est surtout présent sur les marchés belge et luxembourgeois, mais aussi plus largement européen.

Les éditeurs étrangers

113D’une manière générale, les éditeurs, à peu d’exceptions près, produisent pour un marché francophone global. Depuis longtemps, le marché francophone belge, dépendant de la France pour plusieurs sous-secteurs, est perçu par les éditeurs français comme un prolongement de leur marché domestique. Les plus grands groupes éditoriaux français sont tous présents en Belgique francophone.

114Le marché du livre français est avant tout marqué par une forte concentration. Cinq grands groupes, au modèle économique largement fondé sur la production de best-sellers et, pour quatre d’entre eux [24], sur la production de livres de poche, totalisaient ensemble plus de 65 % du chiffre d’affaires du marché du livre en 2013. Parmi ces entreprises d’édition, Hachette Livre (groupe de médias français Lagardère) génère environ 20 % du chiffre d’affaires total, suivi d’Editis (groupe de médias espagnol Planeta - del Pedroso de Lara) avec plus de 17 %, de Gallimard-Flammarion (groupe éditorial français Gallimard) avec environ 10 %, du groupe Médias-Participations avec environ 9 % et de La Martinière - Le Seuil (groupe La Martinière) avec environ 7 %.

115Tous ces groupes ont atteint leur taille actuelle par fusions et acquisitions, en agglomérant diverses maisons d’édition qui, pour certaines parmi les plus prestigieuses, ont survécu sous forme de marques intégrées à leur groupe. Ces groupes d’entreprises, pour certains de taille mondiale (Lagardère et Planeta), sont toujours contrôlés par leurs familles fondatrices.

116La présence en Belgique des autres éditeurs français, c’est-à-dire des petites maisons d’édition, dépend des accords qu’elles ont pu signer avec des distributeurs ou des diffuseurs leur ouvrant éventuellement l’accès au marché belge.

III – Les enjeux de l’édition et de la promotion

Le rapport aux auteurs : risques et tensions

117La matière première mise en œuvre par les éditeurs, à savoir l’élaboration des contenus (textes et images) par les auteurs, constitue un processus difficile à maîtriser, rétif à se couler dans une logique économique. En publiant un livre, l’éditeur y appose son label, garant d’une image et d’un niveau de qualité, ce qui implique un travail plus ou moins important sur le texte, qui peut aller de corrections d’orthographe et de style jusqu’à des remaniements importants (coupes, ajouts, formatage stylistique, nouvelle structure). Ce travail de réécriture n’est pas le seul fait de l’auteur, mais peut être confié par l’éditeur à d’autres rédacteurs.

118On estime que, sauf en ce qui concerne la littérature, la commande caractérise la majeure partie de la production éditoriale, jusqu’à 80 % des titres. Cela illustre la position dominante de l’éditeur. Au cours du temps, lorsque leur collaboration se renouvelle, des liens forts peuvent se créer entre un éditeur et un auteur, parfois matérialisés par l’insertion des ouvrages de celui-ci dans une collection ou une série. Cet état de fait crée des tensions quand l’une des parties met fin à cette collaboration habituellement reconduite. Certains auteurs, parmi les plus connus, recourent à des agents pour maximiser les possibilités d’exploitation de leurs œuvres, tâche historiquement dévolue à l’éditeur.

La finalisation matérielle : graphisme et imprimerie

119L’informatisation, puis la numérisation du texte ont marqué une révolution dans l’élaboration matérielle du livre, et ont reconfiguré les relations et les rôles des auteurs, et surtout des éditeurs et des imprimeurs. Depuis la fin des années 1990, l’éditeur réalise les différentes étapes du processus d’édition, y compris la composition et la mise en page, sur écran au départ du fichier d’origine remis par l’auteur. Les longues et coûteuses étapes matérielles traditionnelles de mise en page, composition, illustration… à charge de l’imprimeur, sous le contrôle périodique de l’éditeur, appartiennent au passé. L’imprimeur lui-même, grâce à l’impression numérique, peut imprimer dans des délais plus brefs et à moindre coût.

120Dans ce cadre, sont apparus quelques logiciels informatiques dominants qui, à leur tour, offrent de nouvelles possibilités aux éditeurs, parmi lesquelles l’essai de multiples versions de mise en page et de conception graphique, et l’externalisation aisée, en flux continu et sécurisée de l’ensemble des tâches. Les avancées numériques ont également, par leur souplesse et l’abaissement des coûts, un impact sur le tirage. L’ampleur moyenne des tirages est ainsi en baisse constante, sans répercussion sur le prix de vente, notamment en raison des moindres coûts de gestion des stocks, avec des retirages adaptés selon la demande, et le tirage à la commande devient économiquement viable. Ces développements permettent également aux auteurs d’envisager l’auto-édition (voir la partie 1 de ce Dossier) de manière plus réaliste. À long terme, on constate un effet d’entraînement dans la valorisation des fonds, y compris par des rééditions numériques, et la visibilité d’ouvrages de moindre diffusion.

La promotion

121Les activités de diffusion et surtout de distribution (voir la partie 3 de ce Dossier) sont le plus souvent sous-traitées, éventuellement par des sociétés appartenant au même groupe éditorial, alors que la promotion, considérée comme stratégique, reste entre les mains de l’éditeur. Devant l’importance de la pression venant des canaux de vente, de leur évolution et de l’arrivée de nouveaux acteurs, les activités de promotion ont pris de l’ampleur et se sont professionnalisées.

122Malgré les différences entre les ouvrages publiés, que les éditeurs s’efforcent par ailleurs de mettre en avant dans un marché concurrentiel, des constantes en matière de promotion peuvent être observées. Ces tâches sont confiées, chez les grands et moyens éditeurs, à des attachés de presse ou équivalents. Internet est aujourd’hui au centre des efforts de promotion éditoriaux. L’éditeur, en plus de l’indispensable site de sa maison et de ses collections, cible les sites spécialisés selon le public visé en impliquant ses auteurs et leur propre présence sur la toile, avec des méthodes plus ou moins imaginatives. L’efficacité de la prescription par les pairs, connue de longue date, conduit à porter une attention particulière aux clubs et aux communautés de lecteurs, auxquels s’ajoutent forums et réseaux sociaux (Facebook, Twitter), nouvelle forme des liens anciens des éditeurs spécialisés avec les événements et réseaux scientifiques. Les recommandations de bloggeurs (certains ont pu acquérir une notoriété non négligeable) et les recensions de lecture sur les sites dédiés à la vente, au besoin habilement placées par l’éditeur lui-même, ont acquis une grande importance.

123La publicité est avant tout un outil pour les grands éditeurs, pour leurs titres phares et best-sellers potentiels. Cela dit, les dépenses publicitaires restent relativement faibles, 2 à 3 % sur dix ans, selon une étude du Ministère de la Culture et de la Communication de 2012. On observe aussi des investissements publicitaires lors de l’amorce d’un succès (critique ou commercial) pour l’accompagner, ou le recours à la publicité pour une collection, voire une maison d’édition, plutôt que pour un titre.

124Sous leur forme professionnelle, les pratiques de marketing sont principalement le fait des grandes maisons. Mais elles sont intuitivement appliquées partout ailleurs, surtout depuis l’irruption des nouvelles technologies dans les années 1990. Au marketing de l’offre s’est ajoutée relativement récemment la prise en compte de la réaction du marché, avec des études de la demande (études de marché) en orientant la conception des ouvrages et l’opportunité des publications. Les entreprises d’édition analysent aussi les succès de la concurrence et tentent de les reproduire selon leur propre philosophie. Cette stratégie doit prendre en compte des tensions entre vision éditoriale et calcul économique ; elle fait rarement partie du discours officiel des acteurs.

125Dans les petites et moyennes maisons, mais aussi dans les plus grandes (en particulier en ce qui concerne la production littéraire et les essais), la promotion passe habituellement par une mise en avant de l’affectif et la personnalisation des enjeux, avec la construction d’une image, d’une histoire autour de l’auteur et de sa relation à l’éditeur. Par ailleurs, le nom de l’éditeur, sa marque [25] joue un rôle croissant. L’édition reste une économie du succès, dont la rentabilisation incombe à l’éditeur, mis systématiquement en avant.

Le lien avec les médias

126La couverture médiatique accordée à ses publications est un enjeu pour toutes les maisons d’édition, quelle que soit leur taille. Les médias (presse généraliste ou spécialisée, secteur audiovisuel, campagne Internet) ciblés par le plan de communication de l’éditeur varient selon le caractère de la nouvelle publication (roman, BD, essai, livre pratique), le public qu’il veut toucher, la notoriété de l’auteur (qui joue en particulier dans l’audiovisuel)… En général, l’éditeur envoie un certain nombre d’exemplaires de ses nouveautés en service de presse à ces médias qui sont alors libres de répercuter ou non l’information. Le nombre de titres édités chaque semaine et envoyés ne garantit pas la publication d’une recension, ce qui donne encore plus d’importance au choix des cibles. Les journalistes eux-mêmes sont tenus par la ligne éditoriale de leur employeur, et par la place que leur média accorde à la critique littéraire. Cette manière classique de procéder avantage potentiellement la visibilité des nouveautés des grands éditeurs, seuls capables financièrement d’assurer une campagne de presse importante. Cela dit, même si la critique participe de la légitimation d’un auteur et d’une œuvre [26], son impact sur les ventes est variable, quels que soient la teneur et le degré d’approbation ou de rejet de la recension. Habituellement, l’influence de la critique est la plus forte dans le domaine de la littérature. L’implication classique de l’auteur, dont l’image et la personne sont mises à contribution, comprend potentiellement tout un éventail d’interventions, notamment les interviews, les conférences et les séances de dédicace.

127Dans nombre de cas, média et maison d’édition appartiennent au même groupe d’entreprises, ce qui permet de créer des liens favorables. La publicité financée par les éditeurs peut également devenir un moyen de pression indirecte, notamment pour la presse spécialisée.

128Enfin, le bouche-à-oreille généré par les lecteurs, qui existe depuis toujours, a pris de l’ampleur avec le développement des technologies numériques. Ce nouvel essor permet régulièrement, comme autrefois, l’émergence de nouveaux auteurs plus atypiques, édités de manière discrète.

IV – L’édition numérique

129Comme dans d’autres industries culturelles telles que la musique, le cinéma, la télévision ou la photographie, l’ensemble des technologies nouvelles – communément rassemblées sous le vocable « le numérique » – a peu à peu gagné le monde de l’édition depuis le tournant du 21e siècle.

Les types de production

130Les productions en numérique comprennent les livres homothétiques, les livres augmentés ou enrichis (enhanced ebooks) et les bases de connaissance.

131Un livre homothétique est la transposition en format numérique d’un livre traditionnel ; une édition peut se faire sous les deux formats, numérique et papier. Dans les catalogues des maisons d’édition, les nouveautés et les rééditions numérisées coexistent sous forme de livres homothétiques.

132Le livre enrichi comprend du contenu multimédia et des fonctionnalités interactives gérées par une application qui permet au lecteur de naviguer et de faire apparaître des contenus, y compris par des liens externes.

133Les bases de connaissance, notion encore en évolution, sont des bases de données spécifiques augmentées, éditées, qui compilent de l’information sous toutes les formes possibles, y compris sous forme de chiffres, de règles, de textes, de procédures et de séries de questions/réponses organisées et classées de manière structurée, et régulièrement actualisées. On y trouve, par exemple, des bases de données destinées aux professionnels, telles que celles du catalogue du groupe Larcier (notamment ComptAccount pour les comptables et les fiscalistes, ou SocialWeb pour la gestion du personnel d’une entreprise). Il ne s’agit pas à proprement parler de livres ou d’ouvrages édités au sens du présent Dossier, même si leur poids actuel dans l’édition numérique (plus de 90 % en chiffre d’affaires) est dominant et tend à fausser quelque peu les perceptions.

L’édition numérique en 2014

134En 2014, la production éditoriale numérique en tant que telle en Belgique est presque exclusivement le fait de quelques grands groupes d’origine belge (notamment Larcier-De Boeck, Dupuis ou Casterman) dotés d’une stratégie en la matière. Les autres éditeurs ne s’en préoccupent pas en interne, mais sous-traitent éventuellement si la pression d’éditer en numérique se fait sentir, ou s’ils ont pu décrocher des subsides afférents (les subsides publics à l’usage des éditeurs concernent dans une très large mesure les développements numériques).

135Les statistiques collectées par l’ADEB pour le Service général des lettres et du livre de la Communauté française permettent d’approcher l’édition électronique (que l’ouvrage existe aussi en version papier ou non) pour la Belgique dans son ensemble, les chiffres étant ventilés selon la ou les langue(s) (il existe un nombre non négligeable d’éditions multilingues) de publication. On estime à 10 % environ la part des titres publiés en langue française en Belgique en version numérique, exclusivement ou non. La part globale du numérique hors bases de connaissances peut être estimée en 2014 à environ 1 % du chiffre d’affaires total des éditeurs membres de l’ADEB ; cette part est en augmentation modérée de 10 % par rapport à l’année précédente, alors que le chiffre d’affaires pour l’ensemble de l’édition reste stable.

136Aujourd’hui, l’édition numérique domine le débat sur l’avenir, voire la viabilité de l’édition. Pourtant, ce secteur reste, en chiffre d’affaires, un phénomène émergent et mineur.

137Quelle(s) que soi(en)t la ou les langue(s) de publication, les livres en sciences humaines représentent la majorité des livres numériques, en intervenant pour 69 % du total général, et pour 57 % du total des publications numériques en langue française. Si on y ajoute les livres scolaires, parascolaires et pratiques, la proportion dépasse les 97 % du total général (plus de 89 % du total francophone). La part de la BD, moteur de l’édition francophone belge, est négligeable.

Les acteurs de l’édition numérique

138La production numérique est le fait d’acteurs différents : à côté des éditeurs traditionnels, on trouve également des pure players uniquement actifs dans l’édition numérique, ainsi que des sociétés spécialisées faisant office de partenaires ou de sous-traitants.

139Les éditeurs traditionnels produisent en très grande majorité des livres homothétiques, en d’autres termes des livres papier convertis au format numérique. Ces livres sont de deux types. Un premier ensemble comprend les versions numérisées du catalogue existant, y compris des ouvrages très anciens et épuisés, dont le numérique permet une nouvelle mise en valeur, voire une nouvelle exploitation en fonction de la demande. En effet, certaines réductions de coûts liées au numérique, comme l’absence de tirage (donc de frais d’impression et de stockage) alors qu’un tirage minimal est une condition de base de l’édition papier, ainsi que l’absence de frais logistiques (transport et gestion des flux), conviennent particulièrement à une seconde exploitation, que l’ouvrage ait connu le succès ou non. Ces ouvrages sont le plus souvent des versions numérisées très simples (notamment au format PDF) des livres papier correspondants. Le deuxième ensemble est constitué des ouvrages actuels pour lesquels la version numérique est programmée dès le départ dans le processus de création. Dans ce cas, quel que soit le type d’ouvrage choisi (et le budget), le coût de réalisation de la version numérique sera moindre si elle se fait en parallèle de la version papier, par la même équipe. Par ailleurs, la Communauté française soutient, à certaines conditions, les éditeurs dans les campagnes de numérisation de leurs fonds (voir la partie 4 de ce Dossier), ainsi que pour la publication de nouveaux ouvrages numériques.

140Depuis quelques années, sont apparus des pure players ou éditeurs dont la production est à l’origine numérique, des versions imprimées tirées des versions numériques étant par ailleurs possibles (et fréquentes). On y trouve notamment les sociétés bruxelloises Onlit Éditions, consacrée à la création littéraire contemporaine et qui a signé un accord avec la société de diffusion et de distribution Dilibel, ou encore Lemaître Publishing, constituée au départ par les activités éditoriales de Primento, et qui s’est spécialisée dans l’édition de livres de non-fiction publiés simultanément en version numérique et sur papier. Cette maison d’édition est axée sur l’analyse littéraire et la vulgarisation philosophique notamment à destination du public scolaire. Un troisième acteur, CotCotCot-apps, vient compléter le tableau. Il est à noter qu’à la différence des deux premiers qui privilégient le format numérique (ePub et Mobi), CotCotCot-apps se focalise sur les applications destinées aux enfants.

141La plupart des éditeurs recourent à des sous-traitants ou à des sociétés partenaires pour réaliser leur production numérique. Dans le cas de livres homothétiques simples conçus en même temps que la version papier, le coût supplémentaire de production est minime, de l’ordre de quelques dizaines d’euros ; même pour des ouvrages plus sophistiqués, le coût dépasse rarement les 500 euros. Parmi ces prestataires, on retrouve l’entreprise bruxelloise Primento (voir encadré). L’entreprise nivelloise AppSolution a également proposé ce genre de prestations il y a quelques années, mais cela ne semble plus être le cas actuellement.

Primento

Primento est un distributeur et un diffuseur de livre numériques bruxellois qui prend également en charge la fabrication des livres numériques des éditeurs qui le souhaitent. Le réseau de revendeurs de Primento comporte plus de 1 000 librairies dans le monde, notamment Amazon, iBooks, Google, Numilog ou Librel. Par ailleurs, la société propose les livres numériques de ses éditeurs partenaires via un réseau mondial de plus de 30 000 bibliothèques. Primento est également actif sur les marchés français, suisse et espagnol.

Les formats

142Pour devenir un ouvrage numérique, un texte doit être édité selon un format approprié. Le choix de ce format n’est pas sans conséquence sur l’exploitation ultérieure de l’ouvrage. Pour le livre homothétique, les formats les plus populaires sont le format PDF et le format ePub. Le format PDF (portable document format) a été développé par le groupe américain Adobe Systems depuis 1993, en lien avec le logiciel de lecture Acrobat Reader. Abondamment utilisé dans la chaîne du livre papier (c’est le fichier destiné à l’impression), c’est aussi le format de livre numérique le plus répandu aujourd’hui, malgré le peu de possibilités offertes par ce qui est essentiellement une copie figée d’un ouvrage papier. À l’heure actuelle, seule une minorité de revendeurs vendent les livres au format PDF. Le format ePub, format ouvert plus souple, permet notamment de recomposer le texte, d’y introduire des métadonnées et la gestion des droits numériques (DRM, voir ci-dessous), et optimise le rendu d’un même fichier selon le support utilisé. Il convient particulièrement bien aux tablettes, aux liseuses et aux téléphones portables, en s’ajustant à la taille de l’écran de l’appareil. Le format ePub est devenu le standard de l’édition numérique, soutenu par le consortium International Digital Publishing Forum (IDPF), qui fédère éditeurs, associations professionnelles, concepteurs de logiciels et sociétés actives sur le marché Internet. Les groupes leaders Apple et Google, notamment, ont imposé ce format sur leurs plates-formes.

143Amazon, le leader du marché du livre numérique, commercialise son propre format, le format Mobi, dérivé du format ePub. Les applications et les appareils Kindle d’Amazon sont calibrés pour ne lire que ce format.

144Les ouvrages enrichis, avec leurs nombreuses fonctions interactives, l’insertion de liens hypertextes et de contenus multimédias, requièrent une programmation plus personnalisée et l’utilisation de plug-in et d’applications. Cette programmation n’est pas entièrement standardisée et elle intègre l’environnement et le support par lesquels le livre sera lu et utilisé. En d’autres termes, et contrairement aux principaux formats utilisés en édition numérique homothétique, le livre enrichi n’est pas interopérable puisqu’il est finalisé en fonction d’un support de lecture précis offert par une entreprise technologique en particulier. Dans cette perspective, l’IDPF travaille depuis plusieurs années à un format standard appelé ePub3.

145Pour la protection des fichiers numériques dont les ouvrages numériques font partie, les grandes entreprises de conception de logiciels (notamment Adobe ou Apple) proposent des solutions en DRM. Ces DRM imposent principalement des restrictions quant à la lecture et à la duplication des fichiers téléchargés (5 copies maximum pour le système lié à Apple iBooks). À ce jour, les DRM demeurent imparfaites, notamment en raison de leur complexité technique et de leur coût, de leurs éventuels problèmes d’ajustement (des blocages peuvent survenir dès le premier téléchargement ou lors de lectures répétées d’un même fichier), et de la capacité de certains utilisateurs aux bonnes connaissances informatiques de les contourner. Certains systèmes de DRM, plus souples, admettent des procédés de marquage des œuvres lors du premier téléchargement, ce qui en permet la traçabilité.

Le Partenariat interprofessionnel du livre et de l’édition numérique (PILEn)

146Le Partenariat interprofessionnel du livre et de l’édition numérique (PILEn) est une association ayant pour objet le développement numérique de la chaîne du livre, porté par la Maison des auteurs, Espace livres et création, l’ADEB, le Syndicat des libraires francophones de Belgique et la Société civile des auteurs multimédia (SCAM), associations professionnelles représentant les différents acteurs de la chaîne. Né en 2012 à la suite des propositions faites par un groupe d’experts du numérique désigné par la ministre de la Culture de l’époque, Fadila Laanan (PS), dans le cadre du plan de développement numérique de la chaîne du livre, le PILEn est chargé de mettre en œuvre des mesures d’accompagnement des différents acteurs de la chaîne du livre dans les mutations technologiques en cours.

147L’activité concrète du PILEn est, à ce stade, cantonnée à l’information (portail futursdulivre.be qui recense des articles traitant du livre numérique et de la place du numérique dans la filière livre), à la formation (animations, formations et colloques pour les professionnels) et à la réalisation d’études (évolution des marchés ainsi que des pratiques).

V – Les associations professionnelles

148Il y a deux associations représentant les éditeurs en Belgique francophone : l’ADEB et Espace livres et création. Tous deux interviennent en tant que fédération professionnelle pour défendre les intérêts moraux et économiques de leurs membres et de la profession dans son ensemble. Pour leurs activités de promotion des éditeurs de la Communauté française sur les marchés étrangers, l’ADEB et Espace livres et création bénéficient du soutien de Bruxelles Invest & Export, de l’Agence wallonne à l’exportation (AWEX) et de Wallonie-Bruxelles International (WBI).

149L’ADEB regroupe des éditeurs, distributeurs et diffuseurs professionnels d’ouvrages sur tous supports, en langue française, en vue d’assurer la promotion de ses membres auprès des pouvoirs publics, des instances culturelles, des médias et du grand public. L’ADEB propose notamment à ses membres, qui sont tenus de respecter son Code des usages en matière de déontologie, des contrats d’édition types et leur offre des conseils juridiques. Elle fournit également ses membres en informations professionnelles. Dans ce cadre, elle rassemble chaque année des statistiques économiques concernant le secteur de l’édition et du livre, tant pour le papier que pour le numérique. L’évolution récente du secteur, plus particulièrement en regard des nouvelles technologies et des développements d’activités interprofessionnelles, a conduit l’ADEB à prendre des initiatives (formations ou promotion commune). L’ADEB est notamment cofondatrice du PILEn.

150L’ADEB siège au sein de diverses instances nationales et internationales, dont l’Union internationale des éditeurs et la Fédération des éditeurs européens.

151Espace livres et création (autrefois Espace poésie) réunit une quarantaine d’éditeurs de création de petite taille, axés sur la poésie, le roman graphique, la littérature, les beaux-livres et les revues de critique. Si la plupart de ses membres sont implantés en Wallonie ou à Bruxelles, certains proviennent d’au-delà des frontières belges. L’association participe à une douzaine de manifestations chaque année, notamment dans le but de favoriser le rayonnement et la commercialisation des ouvrages de ses membres à l’étranger, et surtout en France. Dans le cadre de la coordination interprofessionnelle, Espace livres et création collabore régulièrement avec l’ADEB.

152L’Alliance internationale des éditeurs indépendants (AIEI) a pour membres 90 maisons d’édition et 9 collectifs d’éditeurs issus de 45 pays, et représente 400 éditeurs au total. Elle milite notamment en faveur de la diversité éditoriale face à la production plus balisée des grands groupes éditoriaux.

VI – Les aides publiques

153Le Service général des lettres et du livre (SGLL), un service de la Direction générale de la culture de la Communauté française, est compétent en matière d’aides aux éditeurs littéraires et de sciences humaines, ainsi qu’en matière d’aides à la traduction. Ces aides, qui ne sont pas seulement financières, prennent des formes multiples : conventions dont bénéficient certains éditeurs littéraires, Fonds d’aide à l’édition, aide spécifique à l’édition de poésie et de théâtre, comité d’expertise et fonds d’investissement St’Art.

154Ces mécanismes d’aide n’interviennent que si le bénéficiaire potentiel est un éditeur professionnel aux termes de la Charte de l’édition professionnelle, qui exclut notamment l’édition à compte d’auteur et l’auto-édition.

Les aides à l’édition

155Le Service de la promotion des lettres soutient la publication de collections littéraires de rééditions patrimoniales ou de création contemporaine par des conventions signées avec des éditeurs de la Communauté française. Ces collections comprennent des rééditions d’ouvrages jugés incontournables au sein des lettres francophones belges, des études critiques les concernant, ainsi que des collections contemporaines.

156Les éditeurs soutenus sont tenus de respecter un certain nombre d’obligations, parmi lesquelles figurent un nombre déterminé de titres à publier sur la durée de la convention, le tirage minimum auquel chaque volume doit satisfaire, la distribution en Belgique et en France, un budget de promotion équivalent au moins au tiers de la subvention et le paiement des éventuels droits d’auteur.

157Les campagnes de numérisation des fonds éditoriaux, ainsi que, selon certaines conditions, la publication de nouveaux ouvrages numériques font l’objet de mesures spécifiques de soutien.

Le Fonds d’aide à l’édition (FAE)

Le Fonds d’aide à l’édition soutient les éditeurs dans le cadre d’appels à projets trimestriels. Les aides octroyées diffèrent selon le type de publication. Pour les publications imprimées, il peut s’agir de prêts sans intérêts, couvrant au maximum 50 % des frais de fabrication ou de subventions pour des travaux en amont de la production. Les projets de publications numériques (conversions d’ouvrages préexistants ou créations à l’origine numérique) peuvent bénéficier d’expertise technique subventionnée à hauteur de 80 %, de subventions pour l’exploitation numérique de contenus éditoriaux, ou de subventions pour des développements numériques (plates-formes, cross-media…) porteurs de contenus éditoriaux numériques. Des projets mixtes sur support papier et numérique sont également éligibles.
Les bénéficiaires sont soit des éditeurs professionnels (y compris des éditeurs uniquement numériques), soit des collectifs composés majoritairement d’éditeurs professionnels.

Les aides à la traduction

158Le Service de la promotion des lettres soutient également la traduction des ouvrages littéraires (romans, nouvelles, poésie, théâtre, romans jeunesse, bandes dessinées et essais littéraires) des auteurs de la Communauté française. Ce soutien peut se faire par le biais d’une aide directe aux éditeurs étrangers sous la forme de subsides à la traduction d’ouvrages littéraires. Ces subsides couvrent 75 % des frais de traduction à certaines conditions : le bénéficiaire doit être éditeur professionnel aux termes de la Charte de l’édition professionnelle, détenir les droits de l’œuvre, disposer d’un canal de diffusion en librairie, prévoir des actes de promotion de l’œuvre traduite et recourir à un traducteur professionnel indépendant rémunéré.

159Le Service de la promotion des lettres soutient par ailleurs l’accueil en résidence de traducteurs étrangers.

Les aides à l’exportation

160Les aides à l’exportation sont accordées par divers organismes régionaux.

161L’AWEX, pour la Région wallonne, propose une gamme d’aides et d’incitants au niveau de l’information, de la promotion, de la prospection, de la formation, de la stimulation financière et des financements internationaux aux entreprises wallonnes désireuses d’exporter. Bruxelles-Export fonctionne selon des mécanismes semblables pour les entreprises de la Région de Bruxelles-Capitale. L’AWEX et Bruxelles-Export participent à des congrès et salons et disposent de leurs réseaux d’agents à l’étranger.

162WBI soutient notamment les éditeurs de sciences humaines de la Communauté française par des achats d’ouvrages destinés aux milieux académiques à l’étranger.

163Enfin, la Librairie Wallonie-Bruxelles de Paris propose environ 10 000 références belges francophones.

Troisième partie. La commercialisation

164La commercialisation désigne les étapes situées en aval de la production et par lesquelles les livres, une fois édités, sont mis à la disposition du consommateur final par des canaux marchands. Ce processus comprend les étapes intermédiaires de diffusion et de distribution (section I), ainsi que la vente au consommateur au travers de différents circuits de commercialisation (section II). L’ensemble des ventes réalisées sur un territoire donné représente le marché du livre, dans une optique de consommation (par distinction avec l’optique de production qui porte sur l’offre éditoriale). Le marché du livre et son évolution font l’objet de la section III. Enfin, problématique intimement liée au processus de commercialisation, la tarification du livre est abordée dans la section IV.

I – Les intermédiaires de la commercialisation

165Les diffuseurs et les distributeurs sont les principaux intermédiaires de la vente du livre. Au sein de la chaîne du livre, ils assurent le lien indispensable entre l’éditeur et le point de vente au consommateur. Diffusion et distribution apparaissent comme des activités de prestation de services aux éditeurs. Ces activités, intimement liées et dépendantes l’une de l’autre, mais néanmoins très différentes, peuvent coexister au sein d’une même structure. De grands groupes d’édition verticalement intégrés dominent le marché de la diffusion et de la distribution de livres imprimés. Ils exercent également ces activités pour le compte d’autres maisons d’édition.

166La spécificité technologique liée à la dématérialisation du livre sous un format numérique a engendré l’apparition de nouveaux acteurs au sein de la filière : entrepôts numériques, agrégateurs, librairies en ligne… Ils assurent la commercialisation du livre numérique dans un marché en phase d’expérimentation et d’expansion.

167D’autres intermédiaires, de type technique (la Banque du livre) ou logistique (Prisme), se positionnent en tant que facilitateurs des activités de distribution.

Les activités de diffusion et de distribution

La diffusion

168La diffusion consiste à assurer la promotion des ouvrages – essentiellement les nouveautés à paraître – auprès des détaillants et des grossistes grâce aux services d’une équipe de représentants. Ces derniers jouent un rôle essentiel dans la transmission de l’information. D’un côté, ils présentent et défendent le catalogue des éditeurs qu’ils représentent auprès des points de vente de leur réseau. En ce sens, ils transforment la politique commerciale de l’éditeur en discours commercial. De l’autre côté, ils enregistrent à l’occasion de leur passage les commandes qui ne sont pas passées directement par les librairies auprès des distributeurs et font parvenir à l’éditeur les échos plus qualitatifs des libraires sur l’accueil réservé aux ouvrages.

169La classification des revendeurs par niveaux est une pratique courante chez les diffuseurs. Dans leur logique, cette segmentation basée sur un certain nombre de critères, dont le chiffre d’affaires en matière de vente de livres, est justifiée par l’existence de différences notables dans le fonctionnement de la diffusion (prestations différentes selon le type de revendeur, écarts dans les coûts de diffusion, catégories de livres diffusés variant selon le canal de distribution…).

170Même si elle peut varier d’un diffuseur à l’autre en fonction de critères qui leur sont propres et des éditeurs qu’ils représentent, cette segmentation distingue classiquement :

  • les librairies de premier niveau : cette catégorie regroupe les clients les plus importants en termes quantitatifs (en chiffre d’affaires) ou qualitatifs (eu égard à la capacité du libraire à promouvoir un titre, par exemple). On y retrouve (1) des grandes librairies indépendantes (généralistes ou spécialisées), (2) des librairies succursalistes (Libris, par exemple) et (3) des grandes surfaces spécialisées (Club et la Fnac essentiellement). Elles bénéficient des visites fréquentes des représentants et des remises commerciales les plus élevées ;
  • les grandes surfaces : cette catégorie commercialise surtout des collections de poche et des livres de bonne vente ;
  • les librairies de deuxième niveau : cette catégorie regroupe les librairies de quartier ;
  • les librairies de troisième niveau : il s’agit des petits points de vente tels que les magasins de journaux, les librairies-papeteries ou les stations-service.

171Avec le développement des librairies en ligne, les diffuseurs ont dû s’adapter à une nouvelle configuration. Chez Geodif (groupe Eyrolles), la catégorie « grands comptes » a fait son apparition. Elle regroupe les librairies en ligne, les acteurs de la vente par correspondance, les magasins spécialisés et les exportateurs. Cette nouvelle catégorie, qui prend en quelque la sorte la place des librairies de premier niveau dans la hiérarchie présentée ci-dessus, traduit le poids grandissant des librairies en ligne dans la vente de livres et la considération que les diffuseurs leurs prêtent désormais.

La distribution

172La distribution comprend l’ensemble des tâches matérielles liées à la circulation physique du livre : stockage des livres (l’éditeur en restant le propriétaire), réception des commandes, préparation et expédition des commandes vers les différents points de vente, réception, tri, réintégration ou mise au pilon des retours. La distribution inclut également la gestion des flux financiers qui en sont la contrepartie : facturation et recouvrement des créances pour lesquelles le distributeur est souvent garant des paiements (ducroire), ainsi que traitement financier des retours. La distribution est très liée à la diffusion, puisqu’elle dépend directement de la politique commerciale de l’éditeur.

173La rémunération du distributeur est proportionnelle aux flux. Or la rotation accélérée des ouvrages et l’importance croissante des retours (24 % en 2013 pour Lagardère Publishing qui contrôle Hachette) alourdissent les frais de distribution dont la part dans le prix de vente public du livre peut varier de 8 % à 15 % (voir le tableau 1 dans la deuxième partie de ce Dossier).

Complémentarités et contraintes de seuil

174Compte tenu des liens évidents qui existent entre les activités de diffusion et de distribution – l’insuffisance de l’une rend inefficaces ou inutiles les performances de l’autre – ces métiers sont très souvent pris en charge par une même structure, sinon par des structures liées ou proches, et il est fréquent qu’un seul contrat soit conclu entre un éditeur et son prestataire pour la prestation combinée de ces deux activités. Malgré tout, il s’agit de deux marchés distincts et ces activités peuvent être exercées par des prestataires différents. C’est le cas, par exemple, de certains éditeurs qui assument tout ou partie de la diffusion de leurs livres mais délèguent la distribution.

175Un éditeur utilise généralement un seul prestataire pour la diffusion et la distribution de sa production à tous les niveaux de revendeurs, même si certains éditeurs effectuent eux-mêmes la diffusion auprès d’un certain type de revendeurs (les librairies de premier niveau, par exemple). Autrement dit, les diffuseurs et les distributeurs sont des prestataires exclusifs pour leurs clients éditeurs, qu’il s’agisse de la maison mère uniquement ou de plusieurs maisons d’édition.

176Les activités de diffusion et de distribution à grande échelle nécessitent de pouvoir supporter des coûts fixes importants, tant pour les représentants commerciaux réalisant la diffusion que pour les structures logistiques de distribution. Par conséquent, l’ampleur des investissements oblige le prestataire à avoir une taille critique minimum.

177Partant de ce constat, les grands éditeurs, générant un volume d’affaires suffisant, ont souvent fait le choix de développer leurs propres activités de diffusion et de distribution. C’est également le cas de maisons d’édition spécialisées ou de taille artisanale qui s’adressent à un nombre très limité de points de vente.

178À l’inverse, les éditeurs qui n’ont pas la taille suffisante pour assurer largement la diffusion et la distribution de leur offre éditoriale font appel à un prestataire externe. Ce dernier, qu’il appartienne ou non à un grand groupe d’édition, prend en charge la diffusion ou la distribution de plusieurs maisons d’édition, qui peuvent dès lors être concurrentes (entre elles et du grand groupe d’édition).

Les entreprises de diffusion et de distribution en Belgique

179En Belgique, le marché de la diffusion et de la distribution est dominé par Dilibel et Interforum Benelux, des filiales de deux groupes leaders dans l’édition française et verticalement intégrés, Hachette Livre (groupe Lagardère) et Editis (groupe espagnol Planeta). Hachette Livre et Editis représentaient en 2014 respectivement 20 % et 17 % du marché français de l’édition de livres imprimés (en valeur). Ces deux groupes ont développé leurs activités de diffusion et de distribution à mesure qu’ils se sont constitués par regroupement progressif de maisons d’édition. Ils exercent ces services pour le compte de leur groupe d’édition et pour le compte de tiers. Ils s’adressent avant tou ainsi qu’aux supermarchés.

180Dilibel et Interforum Benelux représentent ensemble plus de 50 % du marché de la diffusion et de la distribution du livre de langue française en Belgique. La concentration du marché de diffusion et distribution aux mains de ces deux sociétés est ouvertement critiquée par le Syndicat des libraires francophones de Belgique (SLFB). Celui-ci dénonce en outre le fait que ces filiales de groupes étrangers appliquent systématiquement un mark-up, à savoir une surfacturation, sur les livres des éditeurs français qu’elles commercialisent en Belgique (voir la section IV « La tarification du livre en Belgique » de la présente partie).

181Les groupes Hachette et Editis imposent aux librairies belges de se fournir exclusivement auprès de leur filiale belge pour les livres qu’elle distribue. Tel n’est pas le cas pour d’autres éditeurs français, notamment Gallimard ou Flammarion, qui approvisionnent leurs clients belges soit via un distributeur local (La Caravelle), soit directement depuis la France à travers leurs structures de commercialisation, dans ce cas sans imposer de mark-up.

182Dilibel diffuse et distribue en Belgique et au Luxembourg les ouvrages des éditeurs du groupe Hachette (Albin Michel, Larousse, Calmann-Levy, Fayard, le Livre de Poche…) et ceux d’une centaine d’autres maisons d’édition. Interforum Benelux assure, quant à lui, la diffusion et la distribution de plus de 400 maisons d’édition, dont ses propres marques (La Découverte, Pocket, Robert Laffont, Nathan, Le Robert…).

183La Caravelle est le troisième acteur de diffusion et de distribution de livres de langue française en Belgique. Elle s’adresse principalement aux revendeurs de deuxième et de troisième niveaux, ainsi qu’aux supermarchés, à travers un service additionnel dit de rack-jobbing. Cela consiste en la gestion et l’alimentation d’une partie du rayon livres à partir des ouvrages de son propre catalogue pour le compte du supermarché. Rachetée par Renaissance du Livre, une maison d’édition belge, La Caravelle distribue et diffuse actuellement plus de 500 maisons d’édition, dont Actes Sud, Casterman, Flammarion, Gallimard…

184À côté de ses activités de diffusion et de distribution, La Caravelle joue de manière marginale un rôle de grossiste, qui est par ailleurs sa fonction historique. À travers cette activité particulière, qui tend à disparaître dans sa forme traditionnelle (voir encadré), La Caravelle propose aux petits détaillants, principalement les petits magasins de journaux qui n’ont pas de compte ouvert chez les différents fournisseurs, un assortiment de livres en provenance de différents éditeurs, notamment Hachette et Editis. Les contraintes de rentabilité font que les grossistes, de manière générale, marquent une préférence pour la gestion d’un stock de livres à rotation rapide et à tirage élevé, autrement dit les best-sellers.

L’évolution des activités de grossiste

Il y a une trentaine d’années, on comptait un certain nombre de grossistes importants en France, en Belgique et au Luxembourg. Ils avaient un rôle non négligeable vis-à-vis des petits et moyens revendeurs. À mesure que se sont développées les activités de diffusion et de distribution des grands groupes d’édition, les grossistes ont vu leur force de frappe diminuer. S’approvisionnant initialement directement auprès des éditeurs, ils sont devenus dépendants et clients des grandes sociétés de distribution, réduisant par la même occasion leurs marges. Beaucoup ont alors disparu ou se sont détournés des activités de grossiste (Rabelais, AMP…) et les seuls qui subsistent encore sont cantonnés à un type de clientèle particulier : les petits points de vente, pour lesquels le livre constitue un produit d’appoint, et les supermarchés.

Les intermédiaires de la vente de livres numériques

185Par rapport à la chaîne du livre traditionnelle, le livre numérique fait apparaître de nouveaux acteurs, notamment au sein du processus de commercialisation. Il s’agit principalement des distributeurs numériques, des agrégateurs et des librairies en ligne.

186Schématiquement, les éditeurs confient leurs contenus sous forme de fichiers et de métadonnées associées (titre, auteur, sujet, description, format…) à des distributeurs numériques, qui en assurent l’hébergement sur des serveurs, appelés entrepôts numériques. Les distributeurs numériques envoient ensuite les flux de données (fichiers et métadonnées) à des agents commerciaux ou à des agrégateurs.

187Les agents commerciaux peuvent être des libraires en ligne (librairie indépendante disposant d’un site marchand, ou pure player), des opérateurs qui jouent le rôle d’interface avec le terminal de lecture (par exemple, dans le cas de la lecture sur téléphone), des bibliothèques publiques… Les revendeurs ne peuvent vendre que les ouvrages pour lesquels ils ont obtenu l’accord de l’éditeur.

188Les agrégateurs sont des prestataires techniques qui offrent aux librairies physiques la possibilité de vendre des livres numériques. Les entreprises connues pour offrir ce type de service sont Numilog, ePagine, ou The Ebook Alternative (TEA).

189Le client (individu ou institution) procède au choix et au paiement sécurisé d’un livre selon le format numérique dont il souhaite faire l’acquisition. À partir de l’interface de vente, la commande est transmise immédiatement à l’entrepôt numérique, qui fait parvenir le document directement au client. Selon la périodicité convenue, l’entrepôt numérique fournit les rapports de ventes et les versements des recettes à l’éditeur ou aux distributeurs.

190Plusieurs cas de figure sont envisageables pour les éditeurs en matière de distribution de livres numériques. Dans la majorité des cas, notamment parce que la distribution numérique demande une expertise technique particulière, l’éditeur fait le choix de confier ses livres numériques à un prestataire spécialisé dans ce domaine.

191Le distributeur numérique peut alors être soit un pure player, soit un distributeur de livres imprimés qui a développé cette activité spécifique. Dans d’autres cas, comme dans la chaîne du livre imprimé, certains éditeurs choisissent d’intégrer la distribution numérique de leurs livres dans leur chaîne de valeur et de travailler en direct avec certains revendeurs.

192L’offre éditoriale numérique francophone passe par plusieurs distributeurs, principalement Eden (La Martinière, Flammarion, Gallimard), E-Plateforme (Interforum, Editis), L’Harmathèque (L’Harmattan), Numilog ou encore Primento. Devant cette multiplication de catalogues, la société Dilicom a créé un hub en 2010. Concrètement, ce hub a pour objectif de rassembler les offres dispersées, avec pour ambition de devenir le point d’accès technique unique facilitant la communication et la gestion des commandes entre les revendeurs et les plates-formes de distribution de livres numériques. Toutefois, le catalogue du groupe Hachette, notamment, ne fait pas partie de l’accord, ce qui limite fortement la portée de ce point de connexion.

Les autres intermédiaires

La Banque du livre

193Dans son fonctionnement quotidien, le libraire recourt à un ensemble de catalogues. Les plus utilisés sont la Banque du livre et Electre.

194La Banque du livre est une association interprofessionnelle, regroupant paritairement les libraires, d’une part, et les éditeurs et distributeurs belges francophones, d’autre part. Créée en 2002 à l’initiative du Conseil du livre et avec le soutien de la Communauté française et de la Région wallonne, cette association a pour but de mettre à la disposition de tous les professionnels du livre un outil performant d’échange d’informations et de commercialisation, via une base de données disponible sur Internet.

195Cette banque de données contient des informations pratiques, émanant directement des éditeurs ou des distributeurs, sur les livres édités en Belgique ou en France. Ces informations portent essentiellement sur les caractéristiques de l’ouvrage (titre, auteur, prix…), sa disponibilité (disponible, non encore paru, épuisé ou en réimpression) et l’identification du ou des distributeurs. En d’autres termes, cette base de données fournit aux libraires des éléments essentiels pour répondre aux demandes de lecteurs.

196La Banque du livre offre également un cadre informatique aux échanges commerciaux. Elle permet en effet l’automatisation de la passation et du traitement des commandes d’ouvrages entre les utilisateurs agréés (essentiellement des librairies) et les distributeurs membres.

197La Banque du livre est l’équivalent belge du Dilicom français, dont elle reproduit les informations, les adapte ou les complète, et à qui elle délègue la maintenance. Elle se veut un outil essentiellement logistique, complémentaire de la base de données Electre qui recense les livres édités en France. Cet autre outil destiné aux professionnels du livre propose essentiellement des notices bibliographiques et rend ainsi compte du contenu des ouvrages.

Prisme

198La plate-forme interprofessionnelle Prisme est un groupement d’intérêt économique (GIE) de droit français constitué par des transporteurs, actuellement Geodis (filiale de la SNCF) et DHL (filiale de Deutsche Post). Elle a été créée en 1993, suite à un appel d’offre lancé par la Commission de liaison interprofessionnelle du livre (CLIL) en France, qui représente les éditeurs et les distributeurs, d’une part, et les libraires, d’autre part.

199Implantée en région parisienne, Prisme est une plate-forme logistique, de tri et de regroupement des colis en provenance des éditeurs et des distributeurs à destination des librairies de France, de Belgique et du Luxembourg. Son intérêt économique repose sur le regroupement des commandes de plusieurs revendeurs en une seule expédition, ce qui permet de réduire les coûts de transport par la mutualisation des frais de port et de simplifier les approvisionnements.

II – Les circuits de commercialisation

200Les points de vente de livres sont nombreux. À partir des données de la Banque-carrefour des entreprises, et avec toutes les précautions méthodologiques qui s’imposent, on recense, en 2015, 249 établissements (ou points de vente) ayant pour activité principale la vente de livres en magasin spécialisé en Wallonie ou à Bruxelles (Code NACE 4761 – Commerce de détail de livres en magasin spécialisé) [27]. Parmi eux, on trouve une très grande majorité de librairies de petite taille, ainsi que de nombreux indépendants ayant créé leur activité principalement à partir de la vente de livres.

201Outre dans les librairies traditionnelles, le livre trouve sa place chez les diffuseurs de presse, dans les grandes surfaces, ou encore dans bon nombre de commerces spécialisés (cuisine, musique, jeux, sports, tourisme…), et en particulier dans des chaînes telles que la Fnac (culture et électronique) ou Nature & Découvertes (nature et spiritualité). À ces points de vente physiques, il convient d’ajouter la vente de livres via Internet.

202Ces différents circuits de commercialisation du livre ne recouvrent pas les mêmes réalités, ni du point de vue du rapport aux distributeurs, de l’éventail des titres mis en vente, de la place donnée aux livres par rapport aux autres produits mis en vente, du contact avec le client.

203Quel que soit le point de vente considéré, un constat s’impose : le livre se vend rarement seul. En librairie, chez les diffuseurs de presse et dans les grands magasins, la presse et la papeterie lui sont souvent associées. Mais d’autres associations ont vu le jour depuis les années 1990. Il en va par exemple ainsi des produits fondés sur le loisir (CD, DVD, jeux, jeux vidéo, jouets, informatique…), qui prennent de plus en plus souvent place à côté des livres. Pour la plupart des libraires, ce type de diversification vise à compenser la baisse tendancielle de revenus liés à la vente de livres. Pour les autres circuits, il s’agit davantage d’un produit d’appoint qui vient compléter l’offre commerciale.

Les librairies indépendantes

204Le cœur de métier du libraire consiste à mettre à la disposition de la clientèle un assortiment d’ouvrages diversifiés. Le fait qu’on qualifie une librairie d’indépendante fait en premier lieu référence au cas où le dirigeant est l’actionnaire principal. Au-delà de ce premier critère, l’indépendance se mesure aussi et surtout par le degré de liberté que possède le gérant dans le choix de son assortiment. Par cette particularité, les librairies indépendantes se distinguent des chaînes de librairies et des grandes surfaces spécialisées dont les achats sont le plus souvent centralisés et le choix de l’assortiment plus ou moins imposé par la maison mère.

205Libraire est un métier complexe aux multiples facettes. Il sous-entend la maîtrise de tâches très diverses telles que suivre la production éditoriale (nouveautés, réimpressions ou titres disponibles dans les fonds des éditeurs), passer commande auprès des fournisseurs, gérer les stocks, gérer éventuellement une équipe, assortir et mettre en valeur les ouvrages, élaborer une politique commerciale, conseiller et renseigner la clientèle…

206Ce métier, dont le rôle social et culturel est souvent mis en avant par les librairies elles-mêmes et par les professionnels du secteur, se trouve aujourd’hui fragilisé par la montée en puissance de la concurrence (grandes surfaces, ventes en ligne…) et par des conditions d’exploitation toujours plus tendues.

Les librairies généralistes et les librairies spécialisées

207Parmi les librairies indépendantes, on distingue généralement les librairies généralistes et les librairies spécialisées.

208Les librairies généralistes présentent un choix relativement large de titres dans des domaines variés (littérature générale, histoire, essai, tourisme, loisirs, sciences exactes et humaines…). Elles n’écartent aucun genre d’ouvrage. Cette vision universaliste, voire multispécialiste, de la librairie suppose une attention particulière à la disposition et à la « mise en scène » des livres dans le magasin (rayonnages, tables, présentoirs…). Ces librairies, qui nécessitent des surfaces commerciales relativement grandes et une clientèle importante, sont peu nombreuses et généralement situées dans les centres urbains les plus peuplés. Elles disposent d’un personnel nombreux et qualifié (au moins une dizaine de personnes) et affichent un chiffre d’affaires de plusieurs millions d’euros. Parmi les librairies que l’on peut catégoriser comme étant généralistes, on peut citer Molière à Charleroi ou Tropismes et Filigranes à Bruxelles.

Filigranes

Filigranes est une libraire créée à Bruxelles en 1983 par Marc Filipson. Après s’être progressivement développée et agrandie, Filigranes est aujourd’hui la plus grande librairie généraliste de Belgique, totalisant 90 employés répartis dans ses différents établissements (Filigranes à Bruxelles, Le Petit Filigranes à Uccle, Filigranes Corner à Ixelles et Corman by Filigranes à Knokke). Elle est ouverte 365 jours par an.
Librairie multi-spécialiste, Filigranes propose plus de 180 000 références en magasin, soit autant que la première librairie indépendante de France (Mollat, à Bordeaux). Quasiment tous les styles y sont représentés.
Filigranes a développé avec le temps une stratégie d’animation (lecture de contes, rencontres d’auteurs, séances de dédicaces…) et surtout de diversification exacerbée. Très tôt, elle a intégré au milieu des livres un espace de restauration et un piano-bar. Elle a ensuite complété son offre de produits de papeterie, de gadgets en tous genres, d’un cellier, de produits bio… Plus qu’une librairie, Filigranes s’apparente aujourd’hui, par certains aspects, à une grande surface spécialisée et marche sur les plates-bandes de la Fnac.

209À défaut de disposer de la taille et du poids suffisant pour proposer un assortiment général sur le marché local, les libraires jouent le plus souvent la carte de la spécialisation. Celle-ci peut-être totale quand l’importance de la production correspondante et la taille du marché local le permettent. Les librairies spécialisées répondent à des demandes spécifiques, qui constituent des micromarchés : livres scolaires (par exemple, la Librairie polytechnique), voyages (Anticyclones des Açores, Peuples et continents), livres pour enfants (Le rat conteur, La Parenthèse, Amstramgram, Long-Courrier), bandes dessinées (Brüsel, La bande des six nez), livres en langues étrangères (Gutenberg, Sterling Books), livres religieux (UOPC) ou techniques (La librairie du Midi)…

L’assortiment, la gestion des stocks et la relation avec les éditeurs

210L’assortiment est l’offre complète de livres proposée par le libraire à ses clients. On parle aussi et indistinctement de fonds de librairie ou de stock. Pour la librairie indépendante, la politique d’assortiment est une question d’équilibre à trouver entre une part de livres qui représente le visage du marché, en particulier les nouveautés et les best-sellers, et une autre part composée des choix du libraire dans la diversité de la production éditoriale, dont la vente est plus lente ou plus restreinte. Cet équilibre dépend essentiellement de l’espace disponible, du taux de rotation des stocks, des conditions de profitabilité et des exigences de rentabilité.

211Un élément clé du fonctionnement des librairies se situe dans le fait qu’elles paient à l’avance les charges telles que l’achat de livres, les salaires ou les loyers alors que, du fait du temps de rotation des stocks, les revenus sont structurellement postérieurs à ces règlements. Par conséquent, le maintien d’un fonds significatif ou à faible rotation coûte cher [28]. Plus le stock est grand ou plus sa rotation est lente, plus le besoin en fonds de roulement est important.

212La question du maintien d’un fonds de référence, caractérisée par une rotation lente du stock, se pose avec d’autant plus d’acuité que le rapport de force entre l’éditeur et la librairie est le plus souvent inégal. La relation entre l’éditeur et la librairie indépendante est en effet caractérisée par une position de dominance du premier sur la seconde. Cette dominance se traduit par le pouvoir qu’ont les diffuseurs, au nom des éditeurs, de déterminer le montant des remises et donc la marge bénéficiaire et les conditions d’existence des librairies. Le montant des remises est généralement proportionnel au volume de livres vendus. Cette équation favorise les grands détaillants qui disposent d’un pouvoir de négociation (Amazon, la Fnac et les autres grandes surfaces), au détriment des librairies qui ne bénéficient pas d’effets de taille suffisants pour obtenir des remises avantageuses.

213Cette relation de dominance de l’éditeur n’est cependant pas une règle générale. Elle prévaut pour les maisons qui éditent des best-sellers. Dans des styles littéraires plus pointus ou moins grand public, les éditeurs ont besoin d’un accès aux points de vente pour diffuser leur production. Pour eux, il est primordial et décisif que ces libraires jouent leur rôle de découvreur et recommandent leurs titres.

L’approvisionnement

214Les méthodes d’approvisionnement des librairies auprès des fournisseurs sont de trois types : l’office, l’achat à compte ferme et le dépôt.

L’office

215Le système de l’office est un service d’envoi des nouvelles parutions aux libraires. Il permet la promotion immédiate des nouveautés, en les offrant, dès parution, à la curiosité des lecteurs. L’office est généralement défini par le libraire ensemble avec l’éditeur ou son représentant. Une fois les livres réceptionnés, le libraire paie les livres reçus en office et peut – au terme d’une période déterminée allant de 3 mois à un an – renvoyer les invendus à l’éditeur et se faire créditer du montant avancé.

216Si, à l’origine, l’office consistait à l’« envoi d’office » de toute la production d’un éditeur à un libraire, il prend aujourd’hui des formes plus souples [29] qui suppriment certains effets pervers que la profession lui reconnaissait :

  • l’office d’information unitaire : le libraire accepte que l’éditeur ou le diffuseur détermine son service de nouveautés en titres et à l’unité, la grille lui étant toutefois communiquée à titre d’information ;
  • l’office sur grille personnalisée : le libraire détermine, en remplissant une grille, les quantités exactes de livres, par catégorie d’ouvrages, qui lui seront envoyées automatiquement. Le libraire peut demander ultérieurement la modification des quantités fixées ;
  • l’office à façon : la commande porte sur un ou plusieurs titres et sur des quantités précisées pour chaque titre. Il s’agit du type d’office le plus couramment pratiqué ;
  • l’office lié à une parution exceptionnelle : le libraire accepte que l’éditeur lui envoie, en sus des quantités prévues par la grille, des ouvrages dont la parution nécessite une mise en place exceptionnelle.

217La part de l’office tend à s’accroître dans toutes les librairies, au détriment du fonds, ne serait-ce que parce que le nombre des ouvrages publiés est en augmentation constante.

L’achat à compte ferme

218L’achat à compte ferme renvoie à la situation commune à beaucoup de commerçants : le marchand achète une marchandise, à charge pour lui de la revendre, avec tous les risques que cela comporte. En effet, les livres achetés par le libraire ne peuvent en principe être retournés au fournisseur : s’ils ne sont pas vendus, ils font alors partie du stock et pèsent sur la trésorerie. Le risque peut être réduit lorsque l’ouvrage fait l’objet d’une commande d’un client (c’est le cas notamment des livres prescrits, des livres scolaires…). De plus, les réapprovisionnements, également appelés réassortiments, qui font suite à l’office sont de plus en plus assortis de la faculté de retour.

Le dépôt

219Avec le système de dépôt, les livres sont déposés chez le libraire sans facturation. Ce dernier ne règle à l’éditeur/distributeur que les livres vendus. Le dépôt se pratique de moins en moins et ne s’applique généralement que vis-à-vis des petites maisons d’édition ou lors d’occasions exceptionnelles (ventes de saison, de fin d’année, à l’occasion d’une campagne de publicité). Il s’accompagne souvent de surremises accordées par l’éditeur au libraire.

Un contexte de plus en plus difficile

220Aux difficultés déjà évoquées plus haut (faible profitabilité, expansion quantitative de l’offre éditoriale, rapport de force inégal avec les éditeurs, maintien de plus en plus difficile d’un fonds de référence…), les librairies indépendantes font face à une montée en puissance de la concurrence, à une dégradation des conditions d’exploitation et à une mutation des pratiques de lecture. Ces trois éléments sont abordés plus en détails ci-dessous.

221Dans ce contexte, le modèle économique de la librairie indépendante, sans être devenu pour autant totalement insoutenable, est mis à mal et peut s’avérer fatal au moindre choc (modification de l’environnement urbain, révision des baux, succession à négocier…). Dans ce sens, ces deux dernières années ont vu la fermeture de plusieurs librairies indépendantes caractéristiques (La Licorne, Calligrammes, Libris Agora, Thema…).

La montée en puissance de la concurrence

222Il y a trente ans déjà, les librairies affrontaient l’arrivée de nouveaux concurrents. À l’époque, il s’agissait de la grande distribution et des grandes surfaces spécialisées (la Fnac, Club) qui vendaient en grande quantité, ce qui leur permettait d’obtenir des remises plus importantes et de baisser les prix de vente.

223Aujourd’hui, la concurrence vient des librairies en ligne, Amazon en tête, qui proposent aussi bien des livres papier que des livres numériques. Contrairement aux grandes surfaces, ces nouveaux acteurs ne concurrencent pas seulement les librairies sur les prix et les best-sellers, mais sur d’autres points forts qui leur sont propres : le stock, la commande, le conseil, les petits tirages…

La dégradation des conditions d’exploitation

224Les études successives menées en France sur la situation économique et financière des librairies indépendantes [30] mettent en lumière une marge commerciale moyenne significativement plus faible pour les librairies indépendantes que pour l’ensemble du commerce de détail (en 2011, 33,7 % contre 40,6 %). Parmi les tentatives d’explication, on trouve le faible niveau des remises éditoriales et le coût important que représente le maintien d’un fonds de qualité.

225Cette faible marge commerciale serait de plus en plus consommée par deux postes budgétaires importants que représentent les loyers et les frais de transport, par ailleurs en forte augmentation ces quinze dernières années. S’ajoutent à cela les frais de personnel qui, pour la grande majorité des librairies, sont difficilement compressibles, le personnel étant, pour la librairie indépendante, le garant de la qualité du service et du conseil en magasin.

La mutation des pratiques de lecture

226Marquées par le développement et l’acquisition massive des équipements numériques et audiovisuels, les pratiques culturelles connaissent un redéploiement significatif essentiellement à la faveur de contenus multimédias. Résultat de ces mutations, depuis trente ans, le nombre de lecteurs a globalement diminué et les personnes qui lisent, lisent moins. D’après une enquête menée en 2007 en Communauté française, elles sont 66 % à avoir lu au moins un livre au cours des douze derniers mois et 38 % ont lu au moins une bande dessinée, ce qui, dans un cas comme dans l’autre, représente une diminution de 12 % par rapport à 1983 [31].

227Parallèlement, l’achat et la lecture de livres numériques ont pris de l’ampleur. D’après une étude sur la consommation de livres numériques en Communauté française [32], ils seraient 52 %, en 2015, à avoir lu ou consulté un livre numérique durant les douze derniers mois. Par ailleurs, les lecteurs de livres numériques auraient lu 9 livres numériques en moyenne sur l’année.

Les stratégies de (re-)conquête

228La viabilité des librairies indépendantes ne dépend pas exclusivement de facteurs externes (conjoncture économique, concurrence…). Même si elles sont en partie conditionnées par le contexte, d’autres considérations, communes à tous les commerces, s’imposent aux gestionnaires de librairie : choix des produits, choix de la localisation et de la zone de chalandise, qualité du service à la clientèle, gestion de l’établissement…

229Si des librairies ferment ou font faillite, certaines, indépendamment de leur taille, s’en sortent bien tandis que d’autres voient le jour ou se réinventent. Au-delà des effets médiatiques, il reste cependant difficile de savoir si le nombre de créations compense le nombre de fermetures. Pour une question de comparabilité, il faudrait pouvoir chiffrer les pertes et les créations en termes d’emplois, de surface et d’assortiment.

230Quoi qu’il en soit, nombreuses sont les initiatives de librairies visant à attirer un public nouveau, à reconquérir une clientèle en désertion ou à fidéliser la clientèle existante.

Du rôle de conseiller au rôle de médiateur culturel

231Le conseil est considéré depuis toujours par les librairies comme une part essentielle du métier, pour autant que la clientèle le demande. Cette capacité de conseil, avec la capacité de choisir son assortiment, constitue le principal argument du libraire face à la montée en puissance de la concurrence (grande distribution, Internet, chaînes de librairies…).

232Aujourd’hui peut-être davantage qu’hier, cette capacité de conseil est mise en avant par les libraires. Pour se positionner de manière identifiable et avec l’expansion qualitative de l’offre éditoriale, ceux-ci sont de plus en plus amenés à affirmer leur goûts, leurs choix et à devenir de véritables prescripteurs jusque dans les médias. La politique du coup de cœur se généralise et fait d’eux les nouveaux critiques littéraires.

233Pour faire venir les clients dans leur établissement, beaucoup de librairies se lancent dans l’organisation d’animations en tous genres (rencontres avec les auteurs, séances de dédicaces, débats, lectures…). Des aides publiques sont d’ailleurs octroyées aux librairies à cet effet (voir ci-dessous la section Aides à la librairie). Exactement comme les bibliothèques, les librairies sont encouragées à s’engager dans une politique d’action culturelle. En ce sens, le métier de libraire évolue de plus en plus vers le rôle de médiateur culturel.

La diversification

234Comme évoqué plus haut, le livre se vend rarement seul. On lui associe souvent la presse et la papeterie, et, depuis les années 1990, des produits fondés sur le loisir (CD, DVD, jeux, jeux vidéos, jouets, informatique…). Certaines librairies peuvent aujourd’hui se montrer extrêmement imaginatives dans leur politique de diversification (comme Belgique Loisirs, qui commercialise depuis peu des produits cosmétiques en plus des livres).

235Si la diversification n’est pas récente, elle tend à se généraliser par la nécessité pour les librairies de trouver de nouveaux revenus face à la baisse des ventes de livres. Or la vente « hors livres » assure souvent des marges plus confortables que la vente de livres elle-même.

236La diversification peut également trouver sa raison d’être dans l’idée de créer une atmosphère différente, de travailler sur la convivialité du lieu et de faire en sorte que le client y reste plus longtemps [33]. Dans cette optique, certaines librairies ont fait le choix de se muer en espaces de loisirs ou de créer des concepts hybrides : librairies-restaurants, cafés-librairies, librairies-caves à vin, librairies-galeries d’art… Ce type de diversification ne peut cependant pas s’appliquer partout car cela demande une certaine organisation de l’espace, nécessite la fidélisation d’une clientèle d’abord lectrice, requiert du personnel ou dépend du cœur de métier.

La présence sur Internet et la vente en ligne

237Depuis le début des années 2000, bon nombre de librairies ont fait le choix d’investir dans une extension numérique de leur magasin. En 2012, 83 % des librairies labellisées en Communauté française disposaient d’un site Internet [34]. Cette extension numérique peut être plus ou moins élaborée. Elle peut se limiter à un blog ou à un site vitrine, simplement informatif du genre éditorial, des activités, des coordonnées… Elle peut aussi prendre la forme d’un site web doté d’un catalogue en ligne permettant de consulter la disponibilité des ouvrages en magasin, de commander certains titres ou de les réserver avant de venir en librairie les retirer. Enfin, il peut s’agir d’un site marchand offrant la possibilité d’acheter des ouvrages sur Internet et de demander leur expédition à domicile.

238Selon les fonctionnalités offertes par le site Internet de la librairie, cette présence sur la toile nécessite un investissement plus ou moins substantiel, non seulement pour la conception du site et son lancement, mais aussi pour son activité régulière (base de données, structure logistique…) [35]. Tout l’enjeu pour le libraire consiste à capter de nouveaux clients. Que l’investissement soit rentabilisé ou non, la présence sur Internet, fût-ce simplement à travers les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Yelp…), est généralement vue par la librairie comme une nécessité : d’une part, dans une logique de marketing, pour lui assurer une visibilité, et, d’autre part, en tant que complément à la vente en magasin, certains clients ayant développé le réflexe de consulter la toile avant de se déplacer dans un commerce.

239Ailleurs qu’en Belgique, on trouve des projets initiés par des librairies indépendantes visant à mutualiser leur catalogue de livres imprimés ou numériques sur une plate-forme commune. C’est le cas, par exemple, de Lalibrairie.com, en France, qui permet de géolocaliser un titre, de le réserver dans un point de vente situé à proximité et de venir le retirer en magasin. En Belgique, une plate-forme commune à plusieurs librairies n’existe que pour la vente de livres numériques.

Les gains de productivité

240Parmi les stratégies mises en œuvre par les librairies indépendantes pour faire face à la concurrence, on trouve celle qui vise à exploiter au mieux les fonctionnalités offertes par l’informatique. Les progrès de l’informatisation permettent en effet de réaliser des gains de productivité grâce à une meilleure performance logistique et à une optimisation dans la gestion des commandes, des achats, des retours et des stocks.

La représentation professionnelle

241De tous les revendeurs du livre, les librairies indépendantes sont les plus concernées par l’action syndicale professionnelle et les démarches de regroupement. Elles affrontent des problèmes professionnels communs tels que la hausse des coûts des loyers commerciaux, les relations parfois difficiles avec les distributeurs, les mutations des pratiques culturelles, la concurrence de la vente en ligne…

242En 1883, a été créé le Cercle belge de la librairie, association professionnelle au sein de laquelle coexistaient libraires, grossistes et distributeurs. Dans les années 1980, plusieurs librairies ont estimé qu’il ne remplissait plus son rôle de défense de la profession auprès des autorités. En réponse, celles-ci ont créé, en 1984, l’association Librairies présentes, remplacée en 1990 par les Libraires francophones de Belgique (LFB) [36].

243Devenue ensuite le Syndicat des libraires francophones de Belgique (SLFB), cette association a pour objet essentiel de veiller à la sauvegarde et au progrès des intérêts des libraires, de sauvegarder, de favoriser et de promouvoir par tous les moyens la diffusion du livre, de veiller au maintien des liens de bonne et loyale confraternité entre ses membres.

244Les actions actuellement revendiquées par le SLFB, à travers sa représentation au sein du Conseil du livre, portent notamment sur la fixation d’un prix unique du livre (voir ci-dessous dans la section IV « La tarification du livre en Belgique »), la suppression du mark-up ou la création d’un fonds d’avance de trésorerie remboursable pour les librairies [37].

245Certaines librairies indépendantes en Communauté française sont membres de l’Association internationale des libraires francophones (AILF). Celle-ci anime un réseau d’une centaine de librairies, issues d’horizons et de pays très divers, avec pour objectifs de favoriser les échanges, d’analyser la réalité du métier de libraire et d’accompagner les libraires face aux évolutions du secteur du livre. Elle assure également un rôle de représentation et d’interface avec les partenaires privés et publics.

246Par ailleurs, la Fédération belge du commerce et des services (COMEOS), active dans de nombreux secteurs dont celui du livre, défend les intérêts de la grande distribution (Delhaize, Colruyt, Carrefour…), des grandes surfaces spécialisées (la Fnac et Club) et de certaines chaînes de librairies (Actissia et BD-World). Elle est fortement opposée à l’introduction d’un prix unique pour le livre.

Les aides à la librairie

247La fragilisation du modèle économique des librairies indépendantes ne date pas d’hier. Face aux revendications du secteur, la Communauté française a créé, en 1990, un Fonds d’aide à la librairie (FAL), dont l’objectif est de soutenir la librairie de qualité, entendue comme librairie pratiquant la commande à l’unité, disposant d’un fonds de livres non liés à la nouveauté et acceptant d’effectuer des recherches bibliographiques [38].

248À travers ce fonds, des prêts sans intérêt et des subventions sont octroyés aux librairies qui en font la demande. Ces aides visent la constitution de rayons valorisant les auteurs de la Communauté française, la modernisation des librairies (embellissement, aménagement, achat de matériel informatique…) et l’organisation de formations professionnelles ou d’animations littéraires.

249En 2007, la ministre de la Culture et de l’Audiovisuel a lancé un label de qualité pour les librairies [39]. Pour recevoir ce label « Le libraire », une librairie doit en faire la demande et répondre à onze critères opérationnels [40], parmi lesquels :

  • la primauté de l’activité livre, qui doit représenter 60 % au moins du chiffre d’affaires ;
  • une quantité minimum de livres en magasin ;
  • un minimum de 40 % d’ouvrages de fonds, c’est-à-dire parus depuis plus d’un an ;
  • un quota d’au moins 200 titres d’auteurs belges ;
  • un minimum de 10 % du chiffre d’affaires issu de la vente de livres dédié à la rétribution du personnel (ce pourcentage minimum monte à 12,5 % si le chiffre d’affaires « livres » dépasse 600 000 euros)…

250La reconnaissance autorisant l’utilisation du label de qualité « Le libraire » est rendue par décision du ministre compétent sur avis de la Commission d’aide à la librairie, dont le secrétariat est assuré par le Service de la promotion des lettres. Au-delà de l’objectif de valorisation du métier de libraire, cette reconnaissance est une condition sine qua non pour pouvoir prétendre aux subventions et aides octroyées par la Communauté française au secteur de la librairie. Fin 2014, 51 librairies bénéficiaient de ce label de qualité.

251À côté du soutien de la Communauté française, les librairies labellisées peuvent bénéficier des aides de l’Association pour le développement de la librairie de création (ADELC). Cette association française regroupe plusieurs éditeurs et se veut l’instrument d’une solidarité au sein de la filière du livre. Elle favorise la diffusion de la création éditoriale en apportant à des libraires les moyens de se développer et de conserver leur indépendance. Cet organisme soutient les librairies pour des projets de création ou d’extension, le plus souvent par des opérations d’entrée au capital ou par des prêts.

Les chaînes de librairies

252Les chaînes de librairies sont peu nombreuses en Belgique. Elles sont le plus souvent fondées sur le concept de succursalisme : tous les magasins de la chaîne (les succursales) sont des unités d’établissement d’une même entreprise, qui seule détient la personnalité juridique [41]. Leur origine revient généralement à des professionnels du secteur de la librairie, et leur croissance se fait par rachat de magasins existants ou par création de nouvelles implantations. Cette organisation en chaîne, outre le fait de créer une marque identifiable, permet de centraliser les achats et ainsi de réaliser des économies d’échelle.

253Ces dernières années, ces chaînes connaissent les mêmes aléas que ceux auxquels font face les librairies indépendantes. Certaines sont rachetées ou disparaissent. C’est le cas de la chaîne de librairies Libris Agora.

Vers la fin des librairies Libris Agora

Les librairies de la chaîne Libris Agora sont regroupées au sein de la société Actissia Belgique, filiale du groupe Actissia. Ce dernier, basé en France, possède en Belgique plusieurs entreprises actives dans le secteur du livre et tournant essentiellement autour de trois pôles : un pôle club, comprenant Belgique Loisirs et Le Grand Livre du mois ; un pôle librairie, composé des librairies Libris Agora, et un pôle Internet, avec Meslivresnumériques.be.
Historiquement, Actissia a appartenu au groupe allemand Bertelsmann (Actissia était alors dénommé Direct Group) avant d’être racheté en 2011 par Najafi, un fonds américain, puis en 2014 par International Technology Solutions (ITS), une société d’investissement luxembourgeoise.
Fin 2013, le groupe Actissia a vécu une véritable débâcle en France avec la fermeture de plus de 23 librairies sur les 57 que comptait le réseau de librairies Chapitre ; les 34 librairies restantes ont été revendues. Suite à cela, le groupe Actissia a décidé de se recentrer sur ses activités club et sur le site Internet.
En Belgique, trois des six librairies Libris Agora, toutes situées à Bruxelles, ont fermé leurs portes entre 2009 et 2015. Les trois dernières librairies de la chaîne, financièrement plus saines, ont par ailleurs été mises en vente fin 2014. Celle de Liège a trouvé acquéreur en mars 2015.

254Parmi les autres chaînes de librairies présentes en Wallonie ou à Bruxelles, figurent les librairies Slumberland et BD World (chacune six magasins). Ces deux enseignes spécialisées dans la bande dessinée sont regroupées au sein d’une même société, SBDW, appartenant à des investisseurs belges.

255Un autre cas est celui de Waterstones Bookseller. Présente à Bruxelles depuis 1920, cette librairie, qui appartenait initialement au groupe WH Smith, a été rachetée en 1997 par la chaîne britannique Waterstones. Elle propose un large assortiment de livres anglo-saxons, ainsi que des produits typiquement britanniques.

Les grandes surfaces spécialisées

256Le livre occupe une place importante dans certaines grandes surfaces spécialisées, telles que la Fnac ou Club. Auparavant, Virgin Megastore, présent en Belgique avec un magasin à Bruxelles, pouvait compléter la liste, mais l’enseigne a fait faillite en janvier 2013. Le livre constitue un produit d’appoint dans certaines grandes surfaces qui sont spécialisées dans des produits autres que culturels (par exemple, Nature & Découvertes).

257Les grandes surfaces spécialisées appliquent des modes de gestion dérivés du grand commerce : plate-forme de centralisation des commandes, système informatique unique, mise en place d’opérations commerciales communes avec une programmation annuelle, objectifs chiffrés de résultats communs à tous les magasins, optimisation des stocks, polyvalence du personnel… L’offre des différents points de vente de la chaîne fait preuve d’une certaine homogénéité : autrement dit, elle tient peu compte des particularités locales.

258La Fnac et Club représentent ensemble environ 15 % des parts de marché du livre de langue française en Belgique. Cette position de leaders sur le marché leur confère un pouvoir de négociation avec les fournisseurs plus important que les librairies indépendantes.

La Fnac

259La Fnac est une chaîne de magasins française spécialisée dans la distribution de produits culturels (musique, littérature, cinéma, jeux vidéo…) et électroniques (Hi-Fi, informatique, télévision…), à destination du grand public. En dépit des fluctuations de l’actionnariat, la chaîne appartient depuis 1994 au groupe français Kering, qui portait anciennement la dénomination Pinault-Printemps-Redoute (PPR). Le groupe, qui figure parmi les leaders mondiaux de l’habillement et des accessoires, est contrôlé par François Pinault et sa famille.

260En 1980, la Fnac s’est développée à l’international en ouvrant un premier magasin à Bruxelles. À l’époque, cette implantation a provoqué de vives réactions dans les milieux professionnels du livre, qui voyaient dans cette opération l’arrivée d’une forme de concurrence féroce. La Fnac pratique en effet une politique de remises systématique et propose un assortiment très large de livres et de genres littéraires comprenant à la fois une grande partie de nouveautés et un fonds permanent important.

261Aujourd’hui, la chaîne compte dix magasins en Belgique, dont deux à Bruxelles et deux en Wallonie (Liège et Louvain-la-Neuve). La Fnac est le premier revendeur physique de livres imprimés en Belgique. La chaîne représente donc un débouché important pour un grand nombre d’éditeurs.

262Malgré son rôle central, la Fnac doit faire face à des marchés déclinants, tels que le livre ou la musique. Elle affronte par ailleurs la concurrence de la vente en ligne et, sur d’autres secteurs, celle d’autres grandes surfaces spécialisées (en Belgique : Media Markt, Vandenborre…). Entre 2011 et 2014, le chiffre d’affaires de l’entreprise en Belgique a chuté de 10 %.

263Dans ce contexte, la Fnac a choisi de réduire ses coûts et de mettre l’accent sur la vente « multicanal ». Avec le lancement en 2013 du site Internet fnac.be, qui a repris l’infrastructure de son équivalent français fnac.com, la chaîne entend développer en Belgique la vente en ligne tout en essayant de ne pas phagocyter la vente en magasin. Du côté des livres, la Fnac ne s’est positionnée sur le marché du livre numérique qu’à partir de 2012 en Belgique, alors qu’elle y est présente depuis 2008 en France.

264On observe par ailleurs des mouvements de rationalisation (économies d’échelle, optimisation des fonctions logistiques, réductions de coûts…) [42]. Depuis 2011, la Fnac centralise et pilote un maximum d’achats pour la Belgique et la Suisse depuis la Direction des achats du groupe (DAG), située à Paris. Ce mode d’organisation a pour conséquence d’accentuer un peu plus l’uniformisation de l’offre dans les différents pays où l’enseigne est implantée. Parallèlement, de fortes pressions sont exercées sur les fournisseurs pour qu’ils proposent des conditions commerciales plus avantageuses.

Club

265Les magasins Club sont, quant à eux, spécialisés dans la vente de livres et d’articles de papeterie. On y trouve également des journaux et des revues. Dans leur activité de vente de livres, les magasins Club se situent entre la librairie et le rayon livres des grandes surfaces. L’enseigne est présente exclusivement en Belgique. Elle a connu une croissance continue jusqu’en 2013, année durant laquelle des difficultés financières se sont nettement fait sentir. La chaîne comptait 12 magasins en 1990, 25 en 2005, 31 en 2013 et 28 en 2014. Club a changé plusieurs fois d’actionnaire de référence (voir encadré). L’enseigne appartient aujourd’hui au groupe Standaard Boekhandel, une chaîne de librairies très bien implantée en Flandre.

Club et l’évolution de son actionnariat

Lancée en 1975 par le groupe GB-Inno-BM (GIB) dans le cadre d’une politique de diversification vers le marché des loisirs, la chaîne de magasins Club a changé de mains à plusieurs reprises.
En 2001, Net Fund Europe, la société d’investissement du groupe Mitiska (Brantano et AS Adventure) et KBC Investco, un fonds d’investissement de la banque KBC, deviennent les actionnaires principaux de la chaîne à travers la société Proxis (spécialisée dans la vente de livres, CD et DVD sur Internet). En 2006, elle passe sous le contrôle conjoint de Distripar, filiale du groupe Frère, et de la société holding Ackermans & van Haaren (AvH).
L’enseigne subit ensuite des difficultés financières. En 2013, la procédure Renault est activée. Elle débouchera sur la fermeture de deux magasins en Flandre.
En 2014, les magasins Club sont rachetés par Standaard Boekhandel, une chaîne de librairies contrôlée par la famille anversoise Schaltin et très bien implantée en Flandre, avec plus d’une centaine de magasins. Par ce rachat, Standaard Boekhandel se fraie un accès direct au marché francophone de Belgique. La marque Club est conservée à Bruxelles et en Wallonie, tandis que Standaard Boekhandel assure les activités en Flandre. L’approvisionnement des magasins Club dépend désormais de la centrale d’achat de Standaard Boekhandel, ce qui crée des changements importants pour le personnel et la clientèle, pas toujours perçus positivement.

Les grandes surfaces non spécialisées

266La grande distribution est fondée sur le concept d’offre globale la plus large possible. Son objectif est d’offrir à sa clientèle un maximum de produits de tous types. Le livre comme les autres produits culturels en font partie intégrante. Certes, ce bien représente une faible part du chiffre d’affaires des grandes surfaces, mais sa présence est observée dans la quasi-totalité des points de vente.

267La place réservée à la vente de livres dans les grandes surfaces est fonction d’éléments multiples comme la dimension du magasin, sa situation géographique ou la composition socio-économique de sa clientèle. Parmi les grandes surfaces, seuls les hypermarchés ont un secteur livres ou lecture significatif, qui ne se limite pas à la vente de la presse et de quelques best-sellers. Pour ce type de commerce, le rayon livres constitue un espace propice à un certain type de flânerie au sein même du magasin. En ce sens, il améliore l’image des grandes surfaces.

268Dans les hypermarchés, l’assortiment de livres est plus restreint que celui des librairies, mais plus large que celui proposé par les diffuseurs de presse. Il s’agit surtout de collections de poche et de livres à audience relativement large, appuyés par une couverture médiatique importante et vendus à des prix compétitifs (bestsellers, BD, livres pour enfants, livres pratiques, dictionnaires, romans policiers…). L’approvisionnement de ces points de vente est effectué généralement par des rack-jobbers, à savoir des représentants d’une équipe de diffusion ou de grossiste dont la fonction consiste à gérer, pour le compte de la grande surface, ces rayons livres dont l’offre tombe sous leur responsabilité.

269Pour certains secteurs éditoriaux, ce type de commerces est essentiel. C’est le cas, par exemple, des romans sentimentaux, des ouvrages de jeunesse et de la bande dessinée, dont une part importante de la production est vendue à travers ce canal. De plus, les hypermarchés fournissent un débouché supplémentaire non négligeable pour les ouvrages à succès, compte tenu de leur capacité à bien vendre des titres qui se sont bien vendus en librairie.

270Du fait du nombre élevé de références et de fournisseurs, ainsi que des faibles taux de rotation, le rayon livres en hypermarché reste très atypique. Marginal et peu rentable au sein de ce type de point de vente, le livre est tributaire des évolutions générales de la grande distribution. C’est ainsi qu’entre 2004 et 2014, les grandes surfaces non spécialisées ont perdu 3 % de parts de marché par rapport aux autres points de vente physiques du livre. La proportion de livres vendus par ce canal semble néanmoins s’être stabilisée aux alentours de 20 % depuis 2008.

Les diffuseurs de presse

271Les diffuseurs de presse, appelés plus communément marchands de journaux, sont les points de vente qui proposent principalement à l’achat des journaux, des magazines, des revues spécialisées, du tabac et des jeux de hasard. À côté de ces produits traditionnels, les marchands de journaux proposent souvent un petit assortiment de livres.

272Le public atteint est plus large que celui des librairies. Le réseau de distribution formé par l’ensemble de ces points de vente est beaucoup plus dense et est largement réparti dans les communes et villes de la Communauté française. En 2012, on comptait environ 1 200 diffuseurs de presse en Wallonie et 400 à Bruxelles [43]. Ce chiffre est en diminution constante depuis plusieurs années ; les trois produits traditionnels des marchands de journaux (presse, tabac et jeux de hasard) étant mis sous pression. La presse papier et les jeux de hasard sont confrontés aux mutations vers les supports numériques, et le tabagisme est en diminution en raison notamment des campagnes de santé publique, du durcissement de la réglementation et du coût pour le fumeur.

273Une partie conséquente du réseau de diffuseurs de presse en Belgique (250 points de vente) appartient au groupe Lagardère, à travers sa filiale LS Travel Retail. Ces magasins, mieux connus sous les marques Press Shop et Relay, sont exploités par des gérants indépendants et sont localisés dans les zones de transport (gares, métros ou aéroports), les centres commerciaux, les principales rues commerçantes, les complexes de bureaux, les hôpitaux…

274Les livres que le consommateur peut acquérir dans les magasins de presse sont des best-sellers, des ouvrages d’auteurs très grand public, des livres de services ou de loisirs. Jusqu’en 2009, les Agence et messageries de la presse (AMP), appartenant au groupe Lagardère, assuraient le rôle de distributeur de livres, conjointement avec la presse, pour ce type de points de vente. Cependant, cette activité a été jugée non rentable. En mars 2015, le groupe Lagardère déclarait également qu’il cherchait un repreneur pour ses activités belges de distribution de presse, comprenant principalement le distributeur des AMP et la chaîne de magasins Press Shop [44].

275Daphné Diffusion, société familiale gantoise, a aujourd’hui repris le marché des AMP pour la fourniture de livres aux magasins Press Shop. L’activité principale de cette société reste l’approvisionnement et la gestion, sous la forme de rack-jobbing, des rayons de livres dans les hypermarchés.

276Les autres magasins de presse s’adressent directement aux éditeurs, aux distributeurs ou aux grossistes pour leur approvisionnement. Vu les faibles volumes vendus, le pourcentage de remise offert par le distributeur aux magasins de presse est relativement faible.

La vente par Internet et les librairies en ligne

277Avec l’essor d’Internet, la vente en ligne ne cesse de se développer. Une des particularités d’Internet est que ce système de communication tend à réduire les distances et à gommer les frontières. Cette technologie étend potentiellement le périmètre de chalandise du commerce d’un produit tel que le livre au-delà des frontières nationales. Ce périmètre est néanmoins contraint par l’efficacité et le coût des moyens de transport qui permettent d’acheminer le produit du distributeur au consommateur.

278Les limites logistiques liées au commerce en ligne valent évidemment pour tous les produits matériels, en ce compris le livre imprimé. Il en va autrement pour le livre numérique, par définition immatériel, pour lequel ces contraintes physiques sont levées, tandis que d’autres, d’ordre technologique, peuvent s’ajouter. Cette différence intrinsèque amène à une distinction entre la vente en ligne de livres imprimés et la vente de livres numériques. Les modes de distribution et les acteurs impliqués ne sont pas nécessairement les mêmes sur ces deux marchés.

279L’élargissement du périmètre de vente au-delà des frontières que permet Internet pose par ailleurs la question de la portée territoriale des législations nationales ou locales encadrant le commerce du livre. Ainsi, en France, le principe du prix unique du livre est un facteur de distorsion entre des sites qui vendent depuis la France ou depuis l’étranger.

La vente de livres imprimés par Internet

L’essor d’un marché

280Le marché de la vente en ligne de livres imprimés a commencé à se développer dans la seconde moitié des années 1990. Après des débuts timides, le nombre de ventes réalisées à partir d’Internet a très fortement augmenté à partir de 2005, au détriment des autres formes de vente de livres, de sorte que ce canal est aujourd’hui devenu incontournable dans la commercialisation du livre. En France, en 2014, 18,5 % du total des ventes de livres passait par ce canal [45].

281En Belgique, en 2015, le livre est le troisième produit le plus vendu via Internet, derrière l’achat de vêtements et la réservation d’un hôtel ou d’un logement [46]. Quelque 32 % des Belges ont utilisé ce canal pour acheter un livre durant l’année – ce pourcentage était déjà de 30 % en 2011. Ce mode d’achat est donc largement entré dans les habitudes de consommation.

282De manière générale, la croissance de la vente en ligne a été soutenue par l’augmentation progressive du nombre d’internautes, par les progrès technologiques d’Internet (notamment en termes de rapidité et de bande passante), ainsi que par la structuration, l’augmentation et l’amélioration de l’offre de produits en ligne.

Les acteurs

283Dès le début, le marché de la vente en ligne de livres imprimés a fait l’objet d’une stratégie de conquête de la part de nombreux acteurs. Étant donné la petite taille du marché belge du livre de langue française, ces acteurs étaient pour la plupart actifs au départ de la France. On y trouvait des éditeurs ou des libraires indépendants spécialisés, des détaillants présents uniquement sur Internet, des grandes surfaces spécialisées, des grands groupes de médias et de communication internationaux… [47] Parmi ces acteurs, on comptait également une entreprise belge, Proxis.

284L’arrivée d’Amazon en France a indiscutablement modifié la configuration du marché du livre de langue française. Le géant américain est très vite devenu l’un des deux principaux acteurs du commerce du livre sur Internet, avec la Fnac. Ces deux grands acteurs se sont d’abord disputé le marché français avant de s’intéresser plus tardivement au marché belge.

285Tout au long des années 2000, Amazon et la Fnac ont mené une stratégie commerciale agressive dans le but d’évincer le plus rapidement possible la concurrence au sein d’un marché encore petit – quitte à faire des pertes – et de s’assurer ainsi la plus grande part des revenus futurs. Cette stratégie s’est d’abord traduite par des investissements coûteux – notamment dans l’infrastructure, les stocks, la technologie et les capacités d’expéditions –, ensuite par une concurrence féroce sur les prix, y compris sur les frais d’envoi postal, et sur les délais de livraison. On a alors assisté à un processus de concentration. La plupart des sociétés qui s’étaient lancées dans ce segment n’ont pas résisté à l’offensive menée par ces deux entreprises fortement capitalisées. Certaines ont été rachetées, d’autres ont fermé leurs portes.

286Aujourd’hui, Amazon accapare l’essentiel du marché de la vente en ligne de livres imprimés – sa part de marché en France et en Allemagne est supérieure à 70 %. Cette entreprise américaine, que d’aucuns caractérisent de pure player[48], est le leader mondial du commerce électronique. Fondée en 1995, elle a d’abord commercialisé des livres, avant d’étendre son offre aux autres produits éditoriaux (CD, DVD, vidéos), aux appareils électroniques, aux jeux, aux articles de cuisine, en passant par les raquettes de tennis ou les bijoux. L’entreprise s’est développée très rapidement en s’appuyant sur un mode d’organisation particulier (voir l’encadré ci-dessous).

287Amazon a besoin d’un très grand flux de commandes pour amortir ses installations logistiques et son organisation. Or la Belgique est un marché fort modeste, dont la taille ne justifie pas la présence physique du groupe sur ce territoire. L’entreprise considère les petits marchés tels que la Belgique, la Suisse ou le Luxembourg comme une extension du marché français ; elle les touche par « débordement », sans vraiment adapter son offre. Cela explique pourquoi Amazon n’a lancé sa première offensive sur le marché belge qu’en 2009. La société américaine supprimait alors les frais de port pour les achats au-dessus de 20 euros réalisés à partir de sa plate-forme française ou allemande.

288De manière générale, Amazon aligne aujourd’hui ses prix en Belgique sur ceux qu’elle pratique en France, à savoir un prix soumis à la loi dite Lang sur le prix unique, éventuellement assorti d’une remise maximum autorisée de 5 %. Depuis la loi du 26 juin 2014 interdisant en France à tout vendeur de livres sur Internet d’offrir à la fois un rabais de 5 % sur le prix unique et la gratuité des frais de port, Amazon facture ces derniers à un centime, aussi bien en France qu’en Belgique. Bien que cette pratique soit dénoncée par les libraires, elle n’est pas remise en cause par les autorités de la concurrence.

289Derrière le leader Amazon, on trouve la Fnac, qui réalise une part non négligeable des ventes en ligne de livres en Belgique. Présente sur ce segment depuis 1999 en France, la chaîne s’est dotée en 2005 d’un site Internet destiné en particulier aux consommateurs belges (fnac.be). En 2014, les ventes en ligne (tous produits confondus) ont représenté 14 % du chiffre d’affaires du groupe. Sa politique tarifaire est très proche de celle pratiquée par Amazon puisqu’elle propose des frais de livraison gratuits et, pour les adhérents, une remise de 5 %.

290Le reste du marché belge de la vente de livres sur Internet est partagé entre des libraires indépendants, des éditeurs, des enseignes de la grande distribution…

291Pour les librairies indépendantes, le site marchand est le plus souvent vu comme complémentaire à la vente en magasin. Ainsi, si la plate-forme permet l’achat d’ouvrages, ces derniers devront la plupart du temps être retirés en magasin. Cependant, rares sont les librairies qui se lancent dans l’aventure compte tenu des frais importants que nécessitent le développement d’un site Internet et son activité régulière (mise à jour de la base de données « produits », traitement des commandes…). Tout l’enjeu consiste en effet à capter de nouveaux clients de sorte, au minimum, à rentabiliser les investissements.

Amazon, un mode particulier d’organisation

Au départ des États-Unis, Amazon s’est considérablement développé sur le plan géographique. L’entreprise est aujourd’hui implantée dans une dizaine de pays et vend ses produits à travers le monde.
Le succès d’Amazon repose sur une forme particulière d’organisation. Pour répondre aux délais de livraison promis aux clients, la logistique est rationnalisée au maximum, la gestion des stocks automatisée et le travail des manutentionnaires guidé par l’informatique. Aussi, les conditions de travail ont été régulièrement dénoncées par des employés sous couvert d’anonymat ou par des journalistes : pressions managériales, cadences infernales, surcharge de travail…
Pour compenser l’absence du libraire et de sa capacité de conseil, Amazon s’appuie sur des algorithmes complexes, qui analysent les commandes effectuées et les pages web consultées, pour proposer au client une offre personnalisée et ainsi favoriser l’achat. Cette forme de conseil est complétée par les commentaires rédigés par les clients sur certains titres et diverses fonctionnalités. Le rachat en 2013 de Goodreads, réseau social littéraire, s’inscrit également dans cette logique.
La grande spécificité du catalogue de livres d’Amazon est son caractère quasi exhaustif. De la sorte, cette entreprise concurrence la librairie généraliste sur son terrain : le fonds [49]. Pour constituer un fonds aussi large, Amazon s’appuie notamment sur un procédé particulier, également mis en œuvre par d’autres (dont la Fnac) : le marketplace. Celui-ci consiste pour un opérateur (dans ce cas, Amazon) à héberger virtuellement sur sa plate-forme l’offre d’un partenaire (librairies, éditeurs ou particuliers). L’offre du partenaire bénéfice alors de la visibilité de la plate-forme et des flux de visiteurs qu’elle génère. L’opérateur profite quant à lui de l’offre du partenaire pour accroître le nombre de références disponibles immédiatement. En échange du service offert, le partenaire verse généralement une commission sur les ventes.
Ce dispositif est particulièrement profitable aux maisons d’édition dont le catalogue est peu diffusé ou très spécialisé. Les éditeurs reconnaissent en effet le poids d’Internet pour la vente d’ouvrages de fonds à faible rotation. Certains livres ne sont d’ailleurs plus vendus qu’en ligne. Le système du marketplace permet aussi aux librairies indépendantes de faire l’apprentissage de la vente en ligne sans investir dans le développement et l’animation d’un site propre.
À côté de ses activités de vente en ligne, Amazon propose des services d’édition, d’impression sur demande et de diffusion de contenu numérique, ce qui fait de lui un des acteurs les plus intégrés verticalement de la chaîne du livre.

292Pour les maisons d’édition vendant elles-mêmes leur production sur Internet, l’objectif est double. Premièrement, en économisant l’usage des services d’un détaillant, l’éditeur gagne la remise qu’il concède normalement à celui-ci. Deuxièmement, en rendant son catalogue accessible sur Internet, l’éditeur s’offre une visibilité supplémentaire à celle dont il jouit à travers les réseaux classiques. C’est encore plus vrai pour les petites structures éditoriales dont le catalogue est peu visible au sein des chaînes ou des librairies indépendantes. C’est le cas également des maisons d’édition spécialisées dans des domaines techniques ou scientifiques.

La vente en ligne de livres numériques

La domination de grands acteurs internationaux

293La phase actuelle de développement du livre numérique appelle des investissements importants, sans certitude de bénéfices futurs, et une capacité de développement d’expérimentations que seuls les grands groupes possèdent. Ainsi, la vente de livres numériques au niveau mondial s’est très vite structurée autour de quelques grands acteurs internationaux, principalement Amazon, Apple et Google.

294En Belgique, bien que leur arrivée ait été tardive, ces trois grands groupes dominent le marché. En 2014, selon les chiffres du distributeur numérique Primento, Amazon totalisait un peu plus de 50 % des ventes, contre 25 % pour Apple et 18 % pour Google.

295Pour s’offrir une place de choix sur ce marché, les grands acteurs ont chacun adopté une stratégie particulière. Celle-ci est orientée tantôt vers les lecteurs (Amazon), tantôt vers les éditeurs (Apple), tantôt vers le contenu. (Google).

Amazon, à la conquête de la demande

296Dès 2007, Amazon a commercialisé aux États-Unis son propre matériel de lecture, appelé Kindle. Celui-ci utilise un format dit propriétaire. Par conséquent, il n’est possible de lire sur ce terminal que des livres numériques qui ont été acquis sur la plate-forme d’Amazon. Cette politique de verrouillage du marché du côté des consommateurs procède d’une logique d’intégration verticale. La liseuse d’Amazon a été commercialisée en France à partir de 2009. En Belgique, l’acquisition de la liseuse d’Amazon n’a été rendue possible que depuis 2011 et à condition de passer commande depuis son site américain ou britannique, ce qui engendre un surcoût lié aux frais de port. En quelques années, la liseuse d’Amazon a connu plusieurs générations de produits. Cela pose la question de la durée d’amortissement d’un tel appareil dont le coût n’est pas négligeable.

297Au-delà du couplage entre catalogue de titres et matériel de lecture, la stratégie initiale d’Amazon a consisté à attirer un maximum de lecteurs en proposant sur sa plate-forme tous les titres électroniques à un prix de vente extrêmement compétitif, vendant même à perte selon certains éditeurs. En retour, et fort d’un pouvoir de négociation conforté par l’importance du nombre de lecteurs enregistrés sur sa plate-forme, il a imposé aux éditeurs des marges extrêmement faibles. Cette stratégie a été partiellement revue suite à l’arrivée d’Apple sur ce segment.

298Le modèle économique de vente de contenus numériques d’Amazon inclut depuis 2015 des formules d’abonnement, qui ont fait l’objet de critiques répétées, en particulier en Europe, pour leur potentielle violation des droits d’auteur et leur effet perturbateur sur la fixation des prix (par les éditeurs) dans la chaîne du livre.

Apple, à la conquête des éditeurs

299Pour Apple, la conquête de la demande étant assurée par d’autres contenus sur lesquels l’entreprise est déjà très bien placée, l’enjeu est alors de s’assurer de la participation de l’offre sur le sous-marché que représente pour elle le livre numérique. Dès le lancement de l’iPad en 2010, Apple a donné la liberté aux éditeurs de fixer eux-mêmes le prix de vente de leurs titres vendus dans la librairie d’Apple, appelée iBooks Store. La priorité d’Apple reste la fabrication et la vente de matériel technologique. Cette stratégie, plus équitable du point de vue des éditeurs, change la donne en ouvrant une brèche dans la domination d’Amazon, déjà mise à mal par le refus de certains grands éditeurs américains (MacMillan, notamment) d’accepter la vente à perte sur les nouveautés. Peu de temps après, Amazon a décidé d’accepter une forme de contrat de mandat, par lequel les éditeurs fixent eux-mêmes leurs prix, Amazon percevant une commission de 30 % du prix de vente.

300Du côté des consommateurs, la tablette iPad permet de lire des livres sous des formats différents. Elle se distingue donc de la liseuse d’Amazon et de son format propriétaire. Le téléchargement de livres numériques dans l’iBooks Store se fait au départ des appareils de la marque Apple. Au lancement de l’iPad en 2010, l’achat de livres numériques a d’abord été limité à quelques pays, avant de s’ouvrir en 2011 à d’autres, dont la Belgique. Le catalogue d’Apple a été progressivement enrichi de nouveaux titres pour atteindre aujourd’hui plus de 2,5 millions de livres, dont une majorité en anglais.

Google

301Déjà dominant sur le marché des moteurs de recherche, Google, de son côté, étend sa stratégie à l’acquisition de nombreux contenus, dont l’édition numérique. Celle-ci intéresse Google à la fois dans sa fonction de moteur de recherche et comme fournisseur de contenus : l’indexation des textes améliore la pertinence des résultats de recherche et, à l’issue d’une recherche, les usagers sont fortement demandeurs d’un accès au texte entier. Le trafic de Google s’accroît en proportion de l’attrait de ce service.

302Les activités de portail d’accès à l’édition numérique sont assurées par Google Books. Actuellement, la branche d’activités Google Books recouvre plusieurs réalités distinctes. Ces différences sont en premier lieu le reflet du statut des textes : œuvres libres de droits ou œuvres protégées, sous copyright ou sous droit d’auteur selon l’aire géographique de leur origine [50]. Ce statut a des répercussions sur la mise à disposition du public, gratuite ou payante selon les catégories citées. Mais ces différences proviennent aussi de l’origine des ouvrages : via les bibliothèques partenaires ou via des éditeurs.

303Google a signé avec des bibliothèques des accords de numérisation de leurs fonds pour enrichir le catalogue numérique et améliorer l’indexation des ouvrages traités (voir ci-dessous la partie 4 de ce Dossier). Google exploite ensuite ces fonds pour répondre aux requêtes des internautes et générer des flux sur ses plates-formes, notamment Google Books.

304Le Google Partner Program s’adresse aux éditeurs ou même directement aux auteurs. Ceux-ci peuvent mettre en ligne eux-mêmes leurs livres numériques, ou confier à Google les opérations de scannage et de mise en ligne. Même si un certain nombre d’ouvrages sont téléchargeables gratuitement dans leur entièreté, le Google Partner Program répond avant tout à un objectif promotionnel. Les ouvrages sont référencés et des passages choisis (au moins 20 %, le pourcentage étant laissé au choix de l’éditeur) peuvent être lus librement en accès preview. Parmi les conditions supplémentaires, variables, peuvent figurer l’impossibilité de lire plus de deux ou quatre pages consécutives, l’interdiction de connaître la fin… Pour assurer ce service, Google utilise une panoplie de logiciels d’identification de l’internaute et de sécurité restreignant l’accès au texte. Des liens vers le site éditorial correspondant ou d’autres sites de vente (l’ordre d’affichage étant calculé par un algorithme qui avantage en principe le site de l’éditeur) permettent l’achat du livre physique.

305Pour la vente sous forme numérique, Google prend en charge soit le seul support technologique (la transaction étant alors réalisée par un libraire ou par l’éditeur partenaire), soit l’ensemble de la vente via la plate-forme Google Play Books intégrée à la boutique interne au groupe Google Play [51], prélevant un pourcentage du chiffre d’affaires, variable selon les tâches effectuées. Dans certains cas, les ouvrages peuvent être loués. Google Play Books, créé aux États-Unis en 2010, est présent en Belgique depuis juin 2013. En 2015, Google Play Books rassemblait dans son catalogue environ 5 millions de livres, édités dans 65 pays différents dont la Belgique.

306Les critiques portant plus précisément sur la commercialisation de livres par Google (les critiques – et les actions en justice – liées aux opérations massives de numérisation par le groupe seront traitées plus bas) sont principalement d’ordre technique et d’ordre juridique. À l’expérience, y compris comparativement à la concurrence, les opérations requises pour la mise en ligne, les référencements… paraissent lourdes et l’usage des fichiers – à la souplesse limitée (qu’il s’agisse des annotations ou du transfert) – par les utilisateurs peut entraîner des blocages. L’aspect juridique porte sur le contrôle peu optimal par les services de Google d’activités illicites : on constate notamment que des maisons d’édition fictives peuvent aisément proposer via Google Books des copies piratées d’ouvrages les plus divers.

307Appuyé sur la somme de titres déjà numérisés, le service Google Books propose actuellement un catalogue plus important, toutes langues confondues, que celui d’Apple ou d’Amazon, épargnant de surcroît aux éditeurs le besoin de produire des versions numériques de leurs titres les plus anciens, pour lesquels les fichiers informatiques n’existent pas ou plus.

Les autres acteurs

308Si Amazon, Apple et Google totalisent plus de 90 % des parts de marché en Belgique, le restant est disputé par des acteurs que l’ont peut qualifier de locaux, parmi lesquels la Fnac, Astissia (Meslivresnumériques.be), des portails ou des éditeurs spécialisés (Cairn, Larcier…) et, depuis peu, des librairies indépendantes regroupées autour d’une même plate-forme (Librel.be).

309Après quelques initiatives d’offre numérique qui se sont soldées par des échecs [52], la Fnac s’est associée en 2011 à une société canadienne, Kobo, pour offrir à ses clients, en France d’abord, une liseuse du même nom. La Fnac propose depuis lors un large catalogue de titres numériques en langue française (200 000 en 2012, 300 000 en 2015). La liseuse de son partenaire, ainsi que son catalogue de livres numériques, ne sont cependant disponibles à l’achat en Belgique que depuis 2014.

310Le site Meslivresnumériques.be, qui appartient au groupe Actissia (notamment propriétaire de Belgique Loisirs et de Libris Agora), est quant à lui présent depuis 2013 en Belgique et propose actuellement un catalogue de près de 180 000 titres, dont 95 000 en langue française.

311Le portail Cairn a été lancé en 2005 par quatre maisons d’éditions : Belin, De Boeck, La Découverte et érès. Cette plate-forme franco-belge propose le catalogue des éditeurs fondateurs et s’est progressivement ouverte aux catalogues d’éditeurs de revues en sciences humaines et sociales (dont le Courrier hebdomadaire du CRISP). Depuis 2010, elle diffuse également des livres numériques, principalement des ouvrages de recherche. Il est à noter que les titres du catalogue de nombreux éditeurs sont disponibles à l’achat, au format numérique, sur leur propre site Internet.

312Pour tenter de se faire une place au sein de ce marché actuellement réduit mais en voie de constitution qu’est celui du livre numérique, plusieurs librairies indépendantes, peu nombreuses jusque-là à proposer une offre numérique [53], se sont regroupées pour créer en octobre 2014, avec le soutien de la Communauté française, le portail Librel.be. Celui-ci fédère une trentaine de librairies et propose un catalogue commun de livres numériques, via le hub numérique du distributeur Dilicom, auquel peut s’ajouter un catalogue propre. Le site offre la possibilité d’acheter en ligne des livres numériques, soit à partir de la page d’accueil, soit à partir des « corners ». Ces derniers constituent les parties du site dédiées à chaque librairie et contiennent leurs coups de cœur, leurs mises en avant et leurs conseils de lecture. Cette initiative trouve sa raison d’être dans l’idée, pour les librairies, de s’intégrer avec leurs atouts, principalement le conseil. Malgré les soutiens publics en Communauté française en faveur de la diffusion de livres numériques, les ventes réalisées par les librairies indépendantes sur ce marché restent faibles.

Les autres canaux

313Il existe d’autres canaux utilisés pour la vente de livres. Parmi ceux-ci, citons la vente directe par l’éditeur (voir ci-dessus la section « La vente de livres imprimés par Internet »), le club de livres, les solderies, les bouquineries ou la vente par courtage.

Les clubs de livres

314Les clubs de livres recouvrent les systèmes de distribution qui réservent leurs ventes à des abonnés ou à des adhérents, sous la forme de vente par correspondance, courtage, abonnement ou dans des lieux spécialisés. Périodiquement, l’adhérent reçoit un catalogue présentant l’assortiment de livres disponibles. Ce catalogue, historiquement au format papier, a aujourd’hui trouvé sa place sur Internet. L’adhérent commande alors le livre ou les livres de son choix, et ceux-ci lui sont ensuite envoyés par voie postale. Le « livre-club » est souvent une réédition spécifique, de type format de poche, d’un best-seller. Par conséquent, le prix demandé est plus bas que le prix pratiqué par l’éditeur d’origine.

315Créé au début des années 1970, Belgique Loisirs est le plus grand club de livres en Belgique francophone. Chaque année, il diffuse plus d’1,2 million de livres auprès des 205 000 adhérents, par Internet, téléphone, correspondance ou directement à travers une dizaine de magasins. Belgique Loisirs complète son offre de livres par divers produits et services, tels que magazines, CD, DVD, tablettes, liseuses, service photos, service vacances, numérisation de films sur DVD…

316Dans le secteur du livre jeunesse, l’École des loisirs propose également un abonnement prévoyant la livraison sur une période d’un an d’un nombre déterminé de titres de son catalogue, choisi par l’éditeur lui-même.

Les solderies et les bouquineries

317Les solderies (par exemple, Bibliopolis) sont relativement peu nombreuses. Elles rachètent aux éditeurs des stocks de livres neufs en liquidation qu’elles revendent à prix réduit. Il s’agit souvent de livres de poche ou de livres de luxe déclassés.

Redu, le Village du livre

Un produit ou un évènement culturel peut contribuer au développement d’une ville ou, en l’occurrence, à la redynamisation d’un village. À Redu, petit village situé au cœur de la province de Luxembourg, le livre tient une place particulièrement importante depuis une trentaine d’années. Il a par ailleurs contribué à redynamiser la localité. Le déclic vient de la découverte du village gallois de Hay-on-Wye, premier Village du livre du monde. Haye-on-Wye et Redu se jumellent en 1984. Cette même année, la première Fête du livre est organisée à Redu, lors du week-end de Pâques. Le succès retentissant de cette première édition suscite l’intérêt des libraires, surtout des bouquinistes. Rapidement, le Village du livre devient permanent, avec plus de 20 bouquineries et librairies. Cette effervescence autour du livre à Redu entraîne dans son sillage l’installation d’autres métiers du livre (relieurs, calligraphes…), d’artisans, de cafetiers et de restaurateurs. La tendance s’est quelque peu inversée depuis la fin des années 2000 – on ne compte plus aujourd’hui qu’un peu plus d’une dizaine de revendeurs actifs –, conséquence probable de la crise économique et du développement d’Internet. Néanmoins, de par sa réputation, le village continue à attirer de nombreux touristes belges et étrangers.

318La vie commerciale des livres se perpétue en seconde main sur le marché de l’occasion où certaines librairies, appelées dans ce cas bouquineries, peuvent être actives (par exemple, Pêle-Mêle). Depuis 1984, le village ardennais de Redu en a même fait son commerce principal et un argument touristique. Le stock des bouquineries provient d’achat de livres auprès de particuliers, d’achat de fonds de librairies ou d’éditeurs…

319Les brocantes et marchés aux puces à travers le pays sont aussi des endroits où le livre se vend en seconde main.

La vente par courtage

320La vente par courtage est une technique de commercialisation fondée sur le démarchage à domicile. Les produits vendus par courtage sont généralement des ouvrages à prix élevé (encyclopédies, collections reliées, beaux-livres) ; l’importance doit en effet être suffisante pour justifier le déplacement des courtiers. Cette forme de commercialisation s’est pratiquement éteinte ces dernières années.

III – Le marché du livre

321La vente de livres a subi de nombreux bouleversements durant ces trente dernières années. La structure du marché a profondément évolué. Dans les années 1980, d’abord, avec l’apparition des grandes surfaces dans les circuits de vente du livre. Dans les années 2000, ensuite, avec le développement de la vente de livres en ligne. Parallèlement, la fascination que suscite l’image animée et le développement du numérique ont sensiblement modifié les pratiques culturelles, diminuant le poids que représente la lecture de livres au sein de celles-ci [54].

L’évolution des ventes de livres

322Il reste très difficile d’avoir des statistiques précises sur le marché global du livre. Jusqu’ici, les statistiques portant sur les ventes de livres imprimés via Internet, autrement dit par les librairies en ligne, et la vente de livres dématérialisés, font cruellement défaut en Belgique. Sans elles, impossible de déterminer la taille totale du marché du livre. Des études partielles permettent cependant de cerner les grandes caractéristiques et les principales évolutions du secteur.

323Les chiffres présentés ci-dessous sont issus des différents rapports annuels publiés depuis 1996 à l’initiative de la Communauté française (Service de la promotion des lettres) [55]. Ils portent sur les ventes de livres de langue française [56] en Belgique réalisées par les circuits traditionnels (librairies, grandes surfaces, diffuseurs de presse…).

324Sur les quinze dernières années, l’année 2007 constitue le point culminant du chiffre d’affaires issu des ventes de livres de langue française en Belgique réalisées par les canaux traditionnels. Entre 1998 et 2007, les ventes à prix courants ont été en constante augmentation. Même si un ralentissement était déjà perceptible à partir de 2005-2006, l’année 2008 enregistre la première diminution des ventes de livres de langue française en Belgique. Cette diminution s’est vue confirmée entre 2011 et 2014. Au total, le marché aura perdu 8,6 % de sa valeur entre 2007 et 2014. Cette diminution est encore plus marquée si l’on élimine l’effet lié à la hausse générale des prix (soit après neutralisation de l’inflation), puisqu’elle s’élève à – 20,8 % entre 2007 et 2014.

325Le recul des ventes de livres par les canaux traditionnels peut être attribué à plusieurs phénomènes, au premier rang desquels l’essor de la vente de livres imprimés par Internet concomitant à l’arrivée d’Amazon sur ce marché. Les autres phénomènes potentiellement responsables de ce recul sont :

  • le recul, parmi les acheteurs de livres, de la part des « grands lecteurs » (ceux qui achètent plus de 20 ouvrages par an) ;
  • la concurrence, particulièrement auprès des jeunes, des nouvelles formes de loisirs ;
  • la disponibilité croissante de contenus gratuits sur Internet ;
  • les effets de la conjoncture économique que les pays européens subissent depuis qu’est survenue la crise financière et bancaire en 2008.

Graphique 1

Ventes de livres imprimés de langue française en Belgique réalisées par les circuits traditionnels, en valeur (1998-2014)

Graphique 1

Ventes de livres imprimés de langue française en Belgique réalisées par les circuits traditionnels, en valeur (1998-2014)

Source : PILEn/ADEB, Le marché du livre de langue française en Belgique, étude réalisée pour le Service général des lettres et du livre, éditions 2003 à 2014.

Le poids des différents points de vente traditionnels au sein du marché du livre

326Selon la classification employée par l’ADEB pour ses statistiques, les librairies de premier niveau (librairies indépendantes, librairies succursalistes et grandes surfaces spécialisées) représentent 48,1 % des ventes de livres imprimés, hors vente par Internet (voir le tableau 5). Historiquement les plus importantes en termes de volume de vente (elles représentaient environ 30 % des ventes en 1990) [57], les librairies indépendantes ont subi un recul mais regagnent du terrain depuis une quinzaine d’années, puisqu’elles représentent 26,7 % des ventes de livres imprimés en 2014, contre 20,6 % en 1998. Les librairies succursalistes (y compris les grandes surfaces spécialisées comme Club et la Fnac) représentent, quant à elles, 21,4 %, ce qui représente une légère progression par rapport à 1998 (+ 1,4 %).

Tableau 5

Part (en %) des ventes de livres imprimés de langue française (en valeur) sur le marché belge par les différents canaux de commercialisation a (1998-2014)

Tableau 5
1998 2002 2006 2010 2014 Évolution de la part relative 1998-2014 Librairies de premier niveau, dont : 40,5 42,2 43,8 46,8 48,1 + 7,5 Librairies générales ou spécialisées 20,6 21,2 23,0 25,9 26,7 + 6,1 Librairies succursalistes et grandes surfaces spécialisées 19,9 21,0 20,8 20,9 21,4 + 1,4 Grandes surfaces non spécialisées 20,2 22,6 22,2 19,8 20,1 – 0,1 Librairies de deuxième niveau 9,4 9,0 9,1 10,3 8,8 – 0,6 Points de vente divers 2,8 2,6 2,4 1,8 3,6 + 0,9 Clubs de livres 9,7 7,9 7,2 7,3 8,1 – 1,6 Ventes directes 17,4 15,7 15,3 14,1 11,3 – 6,1 TOTAL 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 –

Part (en %) des ventes de livres imprimés de langue française (en valeur) sur le marché belge par les différents canaux de commercialisation a (1998-2014)

a Hors ventes par Internet.
Source : PILEn/ADEB, Le marché du livre de langue française en Belgique, étude réalisée pour le Service général des lettres et du livre, éditions 2003 à 2014.

327Les grandes surfaces représentent 20 % des ventes, un pourcentage quasiment identique à celui de 1998, après avoir connu une progression notable dans la première moitié des années 2000, atteignant 23,6 % en 2005. Les librairies de deuxième niveau (diffuseurs de presse, librairies-papeteries) affichent une relative stabilité dans le temps, avec un pourcentage proche des 9 %. Dans cet ensemble, on observe par contre une forte diminution du poids des ventes directes (– 6,1 %), due notamment à la quasi-disparition des ventes par courtage (qui concernaient typiquement les encyclopédies), et une lente érosion des clubs de livres (– 1,6 %). Ces chiffres sont à mettre en parallèle avec le développement des ventes de livres par Internet, dont certains canaux en particulier pourraient actuellement profiter (les librairies de premier niveau ou les ventes directes, par exemple).

328Le poids des différents niveaux peut varier sensiblement selon les secteurs éditoriaux. Le choix des canaux de commercialisation est en effet effectué selon les catégories de livres et les publics à atteindre. Les livres à rotation rapide, les collections de poche et de grande diffusion sont disponibles dans l’ensemble des points de vente. Les livres de littérature et les essais figurent principalement dans les librairies de premier niveau. Les livres de vente réduite, comme par exemple les ouvrages scientifiques ou techniques (les livres de sciences humaines ou les livres d’art, notamment), sont dans le stock des grandes librairies, dans celui des librairies spécialisées ou en vente sur Internet (librairie en ligne ou vente directe par l’éditeur).

La vente de livres imprimés via Internet

329La vente de livres via les canaux classiques régresse depuis maintenant plus de cinq ans. Est-ce à dire que le livre imprimé de manière générale se vend moins qu’avant ? L’accroissement de la vente de livres en ligne et son intégration dans les habitudes de consommation ne semblent faire aucun doute. Le développement d’Internet, l’accès élargi de la population à celui-ci et au haut débit, la diffusion des nouvelles technologies, leur appropriation massive par les individus ou encore leur exploitation par de multiples acteurs expliquent en grande partie l’essor du commerce en ligne ou « e-commerce ». La vente à distance n’est pas une innovation – l’envoi de catalogues plus ou moins exhaustifs associés à la commande et la livraison postale existent depuis plusieurs décennies –, mais l’outil de commande, par Internet, constitue une nouveauté.

330Ces mutations viennent modifier indéniablement l’organisation du marché du livre, et notamment la façon d’acheter des livres. Mais dans quelles proportions ?

331Les études portant sur les marchés numériques du livre en Communauté française [58], menées depuis 2013 par Ipsos pour le compte de l’ADEB, permettent de donner un ordre de grandeur. En 2015, environ un livre imprimé sur cinq, en Communauté française, a été acquis par le biais d’Internet. Les achats en ligne réalisés par des internautes belges constituent donc une part importante du marché du livre imprimé. En intégrant les ventes réalisées par Internet (en valeur) dans les statistiques sur le marché du livre, la part respective des différents canaux de commercialisation s’en trouverait profondément modifiée.

332Notons qu’il s’agit ici du résultat de sondages réalisés auprès d’échantillons de personnes issues de la Communauté française. Ces statistiques ne sont pas directement comparables à celles commentées dans la section précédente. En effet, les études desquelles elles sont issues diffèrent grandement par l’optique, la méthodologie et le périmètre adoptés.

Graphique 2

Part des livres imprimés que les répondants ont acquis via Internet, en quantité (2013-2015)

Graphique 2

Part des livres imprimés que les répondants ont acquis via Internet, en quantité (2013-2015)

Source : Ipsos, Observation des marchés numériques du livre, étude réalisée pour l’ADEB, éditions 2013, 2014 et 2015. Calculs : CRISP, 2015.

La vente de livres numériques

333Le marché du livre numérique demeure balbutiant. Le livre numérique représente actuellement environ 1 % du total des ventes de livres de langue française en Belgique, soit nettement moins qu’aux États-Unis, le pays où il est le plus développé avec une part de marché de 25 %, ou qu’en France, où le poids des ventes de livres numériques atteint 3 à 4 % du marché.

334Le niveau de développement encore très limité de ce marché en Belgique peut s’expliquer par plusieurs facteurs, notamment par l’arrivée tardive en Belgique des grands groupes internationaux actifs sur ce segment – la Belgique, par la petite taille de son marché, ne constitue pas une priorité aux yeux des grands acteurs –, le faible taux d’équipement de liseuses au sein de la population [59] et le développement encore très récent de titres de langue française disponibles au format numérique. Dans ce contexte, le marché du livre numérique représente en Belgique un potentiel de développement futur encore incertain.

IV – La tarification du livre en Belgique

Le prix unique : un débat récurrent

335Compte tenu du caractère particulier du livre, de son rôle au plan culturel et de son importance dans la garantie de l’accessibilité du savoir pour le plus grand nombre, la question d’un régime de prix particulier, dérogatoire au principe de libre fixation des prix sur la base de la concurrence, est régulièrement posée. Le principe du prix unique veut qu’un même livre soit vendu au même prix sur tout le territoire concerné. L’objectif est ici d’éviter le phénomène de raréfaction de certains titres au profit d’ouvrages à rotation rapide (romans, best-sellers, guides…) et d’assurer la diversité des librairies. Les grandes surfaces ou les gros vendeurs en ligne, sans ce prix unique, peuvent proposer aux lecteurs des prix bien plus attractifs que les librairies spécialisées. Le prix unique protégerait les librairies qui vendent d’autres livres que les best-sellers. Elles pourraient alors continuer à vendre aussi ce type de livres grand public sans craindre la concurrence des grandes surfaces, tout en proposant une plus grande liberté de choix éditorial. De leur côté, les détracteurs d’un prix unique pour le livre estiment que ceux qui franchissent la porte des petites librairies le font pour un service et un conseil qui justifient un prix supérieur à celui pratiqué en grande surface ou sur les plates-formes en ligne.

336Actuellement, neuf pays de l’Union européenne ont adopté un prix unique du livre par voie législative : l’Allemagne, l’Autriche, l’Espagne, la France, la Grèce, l’Italie, les Pays-Bas et le Portugal. En France, par exemple, le prix unique est entré en vigueur en janvier 1982 [60] et prévoit un rabais maximum de 5 % au consommateur, ce qui empêche les grandes surfaces ou les vendeurs en ligne de brader leurs prix.

337En Belgique, la régulation du prix du livre a fait l’objet de 19 propositions de loi au Parlement fédéral depuis les années 1980, sans qu’une seule aboutisse jusqu’ici. Si le principe général d’une réglementation du prix du livre recueille un consensus politique assez large, le secteur de la grande distribution, notamment, y est farouchement opposé.

338Depuis la sixième réforme de l’État, cette matière est de la responsabilité des Communautés. Un projet de décret existe en Communauté flamande, selon lequel le prix serait fixé par l’éditeur ou l’importateur et ne pourrait varier au maximum que de 10 % à la baisse (15 % pour les écoles et les bibliothèques). Cette règle porterait également sur les ouvrages lisibles par des moyens électroniques.

339Le sujet est également à l’étude chez la ministre de la Culture en Communauté française. L’ambition est d’aboutir au dépôt d’un projet de décret portant à la fois sur les questions d’harmonisation et de régulation du prix du livre.

Le mark-up

340Un des éléments constitutifs du prix du livre en Belgique est la tabelle, ou le mark-up qui lui succède. Ce dispositif prévoit que le prix des livres édités en France et vendus en Belgique, et plus généralement de tous les livres importés, est susceptible de subir une majoration par rapport au prix pratiqué en France. Légalisée par un arrêté ministériel en 1974, la tabelle, nom donné initialement à cette majoration qui était à l’époque systématique, permettait aux importateurs-distributeurs belges de régler leurs frais de douane tout en leur servant de garantie face aux risques liés aux variations du taux de change entre le franc français et le franc belge.

341Malgré son abandon légal en 1987, et l’entrée en vigueur de l’euro en 1999, qui supprime tout risque lié au change, la majoration persiste encore, même si elle est aujourd’hui plus difficile à identifier et pratiquée de manière non systématique sous le nom de markup. Ainsi, selon le Syndicat des libraires francophones de Belgique (SLFB), plus d’un livre en langue française sur deux vendus en Communauté française l’est à un prix majoré de 10 % à 17 % par rapport au prix affiché en France. Il s’agit surtout des livres distribués, d’une part, par Dilibel et Interforum Benelux, respectivement filiales des groupes Hachette Livre et Editis, et, d’autre part, par Nord-Sud.

342La pratique du mark-up suscite de vives réactions, notamment de la part du SLFB qui y est opposé de longue date. En 2006, celui-ci a déposé une plainte auprès du Conseil de la concurrence à l’encontre de Dilibel et d’Interforum Benelux, mais a été débouté en 2009. Pour le syndicat, les deux distributeurs abusent de leur position dominante sur le marché belge. Le produit de la surfacturation servirait avant tout les intérêts de leur maison mère.

343Les distributeurs qui pratiquent le mark-up justifient l’application de ce différentiel de prix notamment par la densité du réseau belge de librairies couvertes et par leur présence physique en Belgique (à travers leur filiale), où le coût salarial serait plus élevé qu’en France. De plus, dans l’hypothèse d’une suppression pure et simple du mark-up, ses partisans assurent que le pourcentage de remise aux libraires diminuerait aussitôt, ce qui rendrait le prix pour le consommateur inchangé dans la mesure où la librairie se verrait en quelque sorte forcée, pour conserver ses marges, d’appliquer à son tour un mark-up[61].

344La forte progression du commerce en ligne de livres, tirée principalement par Amazon, semble avoir accéléré le débat. Cette évolution a en effet eu pour conséquence, d’une part, de placer l’ensemble des libraires francophones belges en situation de concurrence directe avec un acteur pratiquant le prix de référence appliqué en France et, d’autre part, de priver les acteurs traditionnels de la chaîne du livre en Belgique (intermédiaires et revendeurs) de revenus importants. Récemment, le SLFB a lancé une pétition pour demander aux trois distributeurs concernés de renoncer au système du mark-up. Cette pétition a récolté plus de 5 000 signatures.

345La ministre de la Culture semble disposée à régler cette situation à travers un projet de décret.

La TVA

346La TVA est également l’un des éléments constitutifs du prix final du livre. Or celle-ci atteint des niveaux différents en Europe, en fonction du pays concerné.

347En Belgique, le taux de TVA pour les livres dans leur version papier est réduit à 6 %. En revanche, et ce pour répondre à un principe européen, les livres en format numérique se voient actuellement appliquer un taux de TVA à 21 %. Une proposition de loi instaurant un taux de TVA réduit pour les livres électroniques (diffusés par téléchargement ou en streaming) a été déposée au Sénat en octobre 2010 puis a été abandonnée.

348De son côté, la France applique depuis trois ans aux livres électroniques un taux réduit à 5,5 %, identique au taux dont bénéficie le livre imprimé. Cela déséquilibre un peu plus encore le rapport de force commercial entre la Belgique et la France. Mais cette politique menée par la France a également crispé les relations entre la Commission européenne et la filière française du livre. La Cour de justice de l’Union européenne a estimé, dans un arrêt datant du 5 mars 2015, que la France et le Luxembourg contreviennent à la réglementation européenne en appliquant un taux de TVA réduit sur le livre numérique, respectivement de 5,5 % pour la France et de 3 % pour le Luxembourg, où Amazon détient son siège social européen. Auparavant, la Commission européenne avait également obtenu gain de cause auprès de l’Espagne, qui pratiquait un taux de TVA de 4 % sur les livres numériques, contre 21 % actuellement.

349Pour la Commission européenne, le livre numérique est en effet considéré comme un service, ce qui implique qu’il doit être assujetti au taux classique de TVA qui s’applique aux services (20 % en France, 21 % en Belgique) et ne doit pas bénéficier d’un régime dérogatoire. Pour les autorités françaises, au contraire, le livre, quel que soit son support, doit être considéré comme un bien de première nécessité et elles plaident dès lors en faveur d’un alignement des taux entre livres imprimés et digitaux. Pour obtenir un changement des règles européennes en matière fiscale, il faut un accord de tous les membres de l’Union européenne. Or, pour l’instant, le Royaume-Uni et le Danemark s’opposent à ce que le livre numérique soit retiré de la liste des biens et services et puisse, à partir de là, bénéficier d’un taux de TVA réduit.

Quatrième partie. Conservation et mise en valeur du livre

350L’offre non commerciale de livres passe classiquement par les bibliothèques et, depuis quelques années, par Internet, où des ouvrages numériques ou numérisés sont mis à disposition gratuitement.

351Les bibliothèques publiques assurent un travail de mise en valeur du livre. Si, historiquement, leur mission est de faciliter l’accès de tous à la lecture, gratuitement ou à coût symbolique, leur rôle est aujourd’hui en évolution, notamment du fait de l’irruption des nouvelles technologies.

352Les livres dans leur ensemble représentent aussi un patrimoine qu’il convient de conserver tout en continuant à assurer son accessibilité. De nouvelles possibilités technologiques comme la numérisation permettent de rencontrer ces objectifs. La numérisation a conduit à de nouvelles possibilités d’exploitation du livre dont se sont emparés de grands groupes privés marqués par la logique du profit.

I – Les bibliothèques et la lecture publique

353Outre leur rôle primordial pour assurer l’accès au livre et à la culture, les bibliothèques sont des acteurs économiques importants au sein de la chaîne du livre. Elles acquièrent de nombreux ouvrages pour constituer et développer leur catalogue. Pour ce faire, elles sont soumises à la loi sur les marchés publics et s’adressent majoritairement aux librairies, pour qui les bibliothèques constituent des clients de première importance. En 2013, 8 millions d’euros sur les 71 millions de chiffre d’affaires des librairies provenaient des acquisitions réalisées par les bibliothèques. Cette importance a un revers pour les librairies : les clients institutionnels que sont les bibliothèques réclament de fortes remises lors de leurs achats. Cette situation est parfois considérée comme paradoxale par les libraires, qui estiment cela contradictoire avec le soutien que les pouvoirs publics disent vouloir leur apporter.

L’évolution du rôle dévolu aux bibliothèques

354Depuis trois décennies, le rôle des bibliothèques a fortement évolué. Traditionnellement, les bibliothèques publiques proposent un service de prêt de livres et de documents. Aujourd’hui, elles assurent également un rôle de promotion de la lecture et d’animation autour du livre. En témoigne le nombre toujours plus important d’animations proposées par les bibliothèques, de même que le public qui y participe (825 000 personnes en 2013, contre 418 000 en 2004) [62].

355Régies à l’origine par la loi Destrée du 17 octobre 1921, les bibliothèques publiques ont ensuite été soumises au décret du 28 février 1978 de la Communauté culturelle française relatif à la lecture publique, qui a fait des bibliothèques publiques un réseau de première importance dans l’accès à la culture pour le plus grand nombre. Suite aux évolutions, et notamment au développement des technologies et des médias sur Internet, ce décret a été remplacé en 2009 par un nouveau décret [63].

356Celui-ci entend remodeler les objectifs des bibliothèques publiques en élargissant significativement leurs fonctions, bien au-delà de celle de prêteur de livres, pour en faire des lieux de vie culturelle et de participation, responsables du développement des pratiques de lecture. Les bibliothèques ont ainsi développé une politique d’animation pour favoriser la diffusion auprès du plus grand nombre et l’appropriation du contenu des documents proposés. L’objectif est de rencontrer la demande de lecture de diverses manières : organisation d’expositions, animations littéraires… Dans sa version contemporaine, la bibliothèque est également devenue un lieu d’échanges culturels et de débats, qui suscite également la créativité de ceux qui la fréquentent, à travers notamment l’organisation d’ateliers d’écriture ou de séances de lecture. Les bibliothèques sont par ailleurs initiatrices de projets et participent à une logique de collaboration. Dans ce cadre, elles sont amenées à travailler avec le monde associatif et à développer des partenariats avec des centres culturels, des associations d’alphabétisation, des maisons de jeunes, des centres publics d’action sociale ou encore des écoles.

357Parallèlement, le métier de bibliothécaire a évolué. En 1978, à l’heure du premier décret, le bibliothécaire était polyvalent, à la fois catalogueur, gestionnaire de collection et en contact avec le public. On assiste aujourd’hui à la nécessité de disposer de profils de compétences plus diversifiés dans les bibliothèques : essentiellement des professionnels de l’encodage et des animateurs, mais également des instituteurs, des logopèdes, des assistants sociaux ou des formateurs en langues étrangères. Pour autant, les bibliothèques reposent encore et toujours avant tout sur des bibliothécaires professionnels qui, compte tenu des évolutions en cours dans ce secteur, ont acquis des compétences nouvelles, notamment en matière d’animation [64]. La spécialisation peut également s’opérer en fonction des documents gérés au sein de la bibliothèque entre médiathécaire, ludothécaire, artothécaire, gestionnaire de fonds locaux, régionaux, voire précieux. Dans les grandes bibliothèques, on assiste aussi à une spécialisation suivant les domaines du savoir : l’histoire, les sciences humaines, les beaux-arts, la BD…

Le Réseau public de la lecture

358Le décret relatif à la lecture publique distingue deux types d’opérateur : les opérateurs directs (les bibliothèques locales, itinérantes ou spéciales), qui sont directement au service du public, et les opérateurs d’appui (les bibliothèques centrales et la réserve centrale), qui soutiennent ceux-ci. L’ensemble des opérateurs (opérateurs directs et opérateurs d’appui) reconnus par la Communauté française forment collectivement le Réseau public de la lecture.

359Parmi les opérateurs directs, on distingue trois types de bibliothèques.

360Les bibliothèques locales sont en majorité gérées par les pouvoirs locaux et exercent leurs activités au bénéfice de la population d’un territoire déterminé. En accès libre, elles se livrent tant au prêt et à la consultation de documents, sur tous supports matériels ou immatériels, qu’aux activités d’animation.

361Les bibliothèques itinérantes (les « bibliobus ») exercent leurs activités via des infrastructures circulant sur un territoire déterminé et développent leur action en lien avec les autres opérateurs directs. Si la Communauté française a mis un terme à ce service, chacune des provinces wallonnes organise un service de bibliobus.

362Les bibliothèques spéciales exercent leurs activités au profit de personnes qui relèvent de la compétence de la Communauté française mais qui sont empêchées de participer aux services créés par les autres opérateurs directs, que ce soit en raison d’un handicap ou d’un empêchement physique.

363Les bibliothèques publiques sont organisées sous la forme de réseaux, selon une structure pyramidale qui rend certaines bibliothèques responsables de bibliothèques de plus petite taille actives sur leur territoire. En Wallonie et à Bruxelles, il existe environ 150 réseaux regroupant quelque 500 bibliothèques publiques. Elles couvrent une large part du territoire de la Communauté française et desservent environ 82 % de la population. Elles ont accueilli en 2013 quelque 765 000 personnes, un chiffre en diminution depuis 2009.

364Chaque province wallonne et la Région de Bruxelles-Capitale disposent d’une bibliothèque centrale. Celles-ci ne proposent pas directement des services à la population mais remplissent des missions de mise à jour des catalogues collectifs, favorisent et coordonnent les campagnes de promotion de la lecture organisées par les bibliothèques de leur ressort et apportent leur soutien à celles-ci. Ainsi, par exemple, la bibliothèque publique centrale du Brabant wallon propose aux bibliothèques publiques des différents réseaux de cette province un catalogue collectif en ligne, la base de données Caracol [65], pour la recherche de livres, d’articles de revue et de jeux.

365Plusieurs catalogues collectifs sont mis en place au niveau des bibliothèques centrales provinciales. Les catalogues collectifs disponibles pour chaque province en Communauté française sont fédérés par le portail en ligne Samarcande [66]. Celui-ci permet à l’utilisateur, non seulement de réserver l’ouvrage souhaité (BD, roman, documentaire ou source multimédia) parmi 2 millions de titres disponibles, mais aussi de le retirer auprès de la bibliothèque publique de son choix. Samarcande offre également la possibilité d’échanger ses impressions avec d’autres lecteurs sur le contenu des ouvrages. Ce portail est géré par le Service de la lecture publique.

366La gestion des collections proposées par les bibliothèques publiques passe aussi par la réserve centrale, un opérateur d’appui mis en place depuis 2004 et également organisé par le Service de la lecture publique. C’est au sein de cette réserve centrale que sont coordonnées la conservation et la réorientation des collections provenant des retraits des bibliothèques publiques. Elle reçoit les livres retirés des collections des bibliothèques publiques suite à un élagage et elle leur donne une seconde vie. Ces anciens livres sont soit remis en circulation au sein du Réseau de la lecture publique via le prêt entre bibliothèques, soit donnés à des centres de documentation, aux bibliothèques de prisons, ou à toute association qui le demande.

Schéma 3

Le réseau public de la lecture

Schéma 3

Le réseau public de la lecture

Plan quinquennal et obligation de reconnaissance

367Le décret de 2009 a pour objet de reconnaître et de subventionner les opérateurs (directs et d’appui) qui œuvrent au développement des pratiques de lecture de la population en Communauté française et forment le Réseau public de la lecture.

368Le décret impose aux bibliothèques publiques, organisées en réseaux, l’élaboration d’un plan quinquennal de développement. Celui-ci a pour objectif le développement des pratiques de lecture après analyse du territoire concerné et des besoins de lecture qui lui sont propres. À travers ce plan, la bibliothèque décrit notamment les moyens pédagogiques et les programmes d’animation qu’elle souhaite mettre en place : rencontres avec les auteurs, ateliers d’écriture, balades littéraires… Le plan quinquennal prévoit les moyens à affecter pour sa réalisation, dont les ressources humaines, financières et d’infrastructures nécessaires.

369Afin d’obtenir leur subvention, le décret de 2009 exige également des bibliothèques publiques la participation à un processus de reconnaissance. Celle-ci est obtenue lorsque la bibliothèque peut démontrer être en possession du personnel qualifié ainsi que des locaux, infrastructures et équipements adéquats, comme c’était déjà le cas dans le décret de 1978. Mais avant toute chose, cette reconnaissance dépend de la capacité de la bibliothèque à défendre un projet de développement de la pratique de lecture en concordance avec les particularités de son territoire. Afin d’obtenir la reconnaissance de la Communauté française, une bibliothèque publique doit en faire la demande auprès du Service de la lecture publique. La décision de reconnaissance appartient au ministre de la Culture, sur proposition du Service de la lecture publique et après avis du Conseil des bibliothèques publiques et du Service général de l’inspection de la Culture.

370Le Réseau public de la lecture est composé d’opérateurs de droit public (85 %) et de droit privé (15 %, sous la forme d’asbl) subventionnés par les autorités publiques pour accomplir les missions décrites par le décret de 2009. La Communauté française intervient notamment de manière forfaitaire dans les salaires. Lorsque plusieurs bibliothèques collaborent, le décret de 2009 prévoit que le montant des subsides liés aux traitements est réparti entre elles selon la convention incluse dans le plan quinquennal de développement qui les unit. La subvention liée au fonctionnement et à l’animation des bibliothèques est quant à elle gérée conjointement par les différentes bibliothèques organisées en réseaux. Les bibliothèques de droit privé peuvent également être subventionnées, pour autant qu’elles respectent certaines normes.

Nouvelles technologies et offre numérique

371Sensibles depuis longtemps au développement des nouvelles technologies, de nombreuses bibliothèques proposent des initiations au maniement d’Internet et du multimédia. Ce type d’initiative a touché en 2013 quelque 36 544 personnes [67].

372L’implication des bibliothèques publiques dans le développement de l’offre numérique nécessite bien entendu des équipements nouveaux, eux aussi radicalement différents de la pratique bibliothécaire telle qu’elle existait il y a encore trente ans. Il s’agit en premier lieu des appareils permettant de lire les livres. Depuis quelques années maintenant, quelques bibliothèques permettent à leurs membres d’emprunter des liseuses. Celles-ci sont chargées avec du contenu libre et gratuit. Mais cette offre reste jusqu’ici marginale.

373Le prêt numérique commence par contre à voir le jour au sein des bibliothèques. Jusqu’ici, l’offre numérique des bibliothèques passait par des bouquets tels que Cyberlibris ou Numilog. Le 2 mars 2015, le Réseau public de la lecture a inauguré sa plate-forme de prêt de livres numériques : Lirtuel. Celle-ci est le fruit d’un partenariat entre les bibliothèques centrales des provinces de Hainaut, de Liège, de Luxembourg et de Namur, de la bibliothèque centrale de la Ville de Bruxelles et de la Communauté française. Désormais, il suffit à l’internaute d’être membre d’une bibliothèque publique du réseau pour accéder gratuitement aux titres disponibles. De quelques centaines au départ, le périmètre des titres devrait s’élargir rapidement à plusieurs milliers (20 000 est l’objectif visé dans les cinq ans à venir). L’usager peut récupérer les livres numériques sur son ordinateur, sa tablette, sa liseuse ou son smartphone. Après le téléchargement, le livre apparaît dans la bibliothèque de son application de lecture et le fichier « chronodégradable » reste à sa disposition pendant la durée du prêt.

374L’ouvrage numérique est particulièrement adapté à la recherche d’informations dans le cadre professionnel ou des études, l’impact est surtout grand dans les bibliothèques universitaires, qui ne font quant à elles pas partie du Réseau public de la lecture et ont un statut différent. C’est parmi les ouvrages scientifiques et techniques qu’on trouve le plus de publications numériques exclusives (sans équivalent imprimé), en particulier en ce qui concerne les revues. Les portails web sont ici les concurrents des bibliothèques universitaires : l’information est disponible plus directement et plus rapidement sans passer par l’étape d’indexation par les bibliothèques. L’avantage du recours aux services d’une bibliothèque, sur place ou à distance, réside alors dans l’indexation plus poussée, la mise à disposition exhaustive d’un ensemble d’ouvrages indifféremment sous forme numérique et sous forme papier, avec également la présence d’ouvrages du passé et d’œuvres plus rares, moins attrayantes aujourd’hui dans une valorisation par le privé. Les bibliothèques de recherche se retrouvent ainsi lancées vers un rôle de médiation du savoir. Cela étant, la forme actuelle prise par la mise à disposition large (et le plus souvent gratuite ou peu rémunérée) par les universités des articles scientifiques produits en leur sein, notamment pour répondre aux exigences des classements internationaux, fait l’objet d’un vif débat entre partisans d’un accès illimité et gratuit et défenseurs de la viabilité économique d’éditions universitaires de qualité.

375Pour relever les nouveaux défis de la société de l’information et pour garantir à leurs utilisateurs un accès simplifié aux ressources documentaires qu’elles mettent à disposition, les six universités [68] de la Communauté française collaborent au sein d’un consortium : la Bibliothèque interuniversitaire de la Communauté française de Belgique (BICfB). Celle-ci est financée conjointement par la Communauté française et par les universités. La principale mission de la BICfB est de garantir à la communauté universitaire belge francophone (professeurs, chercheurs et étudiants) un accès élargi à la documentation scientifique électronique : bases de données, périodiques électroniques, ouvrages de références, e-books. Pour accomplir cette mission, la BICfB assure la gestion et la coordination des projets d’achat en commun de ressources électroniques (périodiques électroniques et bases de données). Ce consortium a également permis de mener des projets tels que la mise en place d’un répertoire des thèses électroniques : BICTEL/e.

II – La numérisation du patrimoine

376Un enjeu important pour les sociétés d’aujourd’hui consiste à numériser le patrimoine écrit de livres papier pour en assurer la conservation, ainsi que la consultabilité. Le numérique offre, par rapport aux procédés précédents (conservation en l’état ou microfilms), des avantages quant à la conservation (multiplication des fichiers), au stockage et à la consultation (sans déplacement physique). Les pouvoirs publics, notamment en Europe, ont lancé depuis de nombreuses années des campagnes de numérisation du patrimoine écrit, qui inclut, en plus des livres, la presse et les fonds d’archives. Le défi concerne non seulement les bibliothèques publiques, mais aussi les dépôts d’archives, voire les musées. Ces institutions, qui fonctionnent jusqu’à présent comme des lieux d’accueil physiques du livre et de ses lecteurs, se doivent d’intégrer dans leur fonctionnement l’aspect dématérialisé et multiformes du livre ou de l’œuvre au format numérique, qui les implique en tant que propriétaires d’une collection d’ouvrages, d’archives ou d’œuvres artistiques.

377Les fichiers numériques sont établis selon des standards et des normes internationaux. Concrètement, il s’agit d’assurer l’interopérabilité des fichiers numériques (format ouvert, codes sources connus) et leur pérennité (qui est assurée par leur transfert périodique sur de nouveaux supports). Par ailleurs, une fois numérisés, les textes sont disponibles, le plus souvent sous forme de mise en ligne, pour être consultés par un large public.

Les acteurs publics

378La Bibliothèque royale de Belgique a privilégié la numérisation de la presse belge de 1830 à 1950, notamment en raison de la fragilité des supports, le papier du 19e siècle étant de moindre qualité, et le papier journal étant particulièrement instable. Une première tranche de numérisation a permis de traiter 3,2 millions de pages de journaux pour un coût de 4,5 millions d’euros, s’étalant de 2005 à 2015. L’effort se poursuit en ce qui concerne la presse littéraire et artistique. Pour les livres à proprement parler, minoritaires, la numérisation concerne surtout des ouvrages du 19e siècle libres de droits.

379En 2007, la Communauté française a mis en place le Plan de préservation et d’exploitation des patrimoines (Pep’s), qui s’inscrit dans le suivi des états-généraux de la culture et dans lequel la numérisation de livres trouve sa place. Le Pep’s, mis en œuvre par la Délégation générale à la numérisation des patrimoines culturels au sein du Ministère de la Communauté française, s’étend à la numérisation des fonds et collections culturels et patrimoniaux conservés dans les musées, les centres d’archives, les bibliothèques, les institutions audiovisuelles… Les projets de numérisation développés au sein des institutions culturelles peuvent être soutenus par l’intervention des budgets réservés à la mise en œuvre du Pep’s. Celui-ci intervient alors non seulement avec des financements, mais également comme cheville ouvrière de la campagne de numérisation, notamment en ce qui concerne l’organisation du travail, la prise en compte des contraintes techniques et le rappel des règles à respecter. La valorisation des patrimoines culturels se fait selon plusieurs voies : en assurant un accès interopérable pour les services et institutions de la Communauté française, en proposant un accès spécifique pour les réseaux d’enseignement et les chercheurs, et en prévoyant une possibilité de consultation pour le grand public.

380La Bibliothèque numérique européenne (Europeana), créée par la Commission européenne en 2008, est un portail donnant accès à des ressources numériques du patrimoine des 28 États membres. Europeana intègre des données concernant divers types d’œuvres : livres, œuvres d’art, films, artefacts muséaux, archives… ayant fait l’objet d’archivages numériques au sein des diverses institutions publiques impliquées. Europeana ne choisit ni n’archive elle-même les œuvres et leurs données ; ces activités sont du ressort des institutions propriétaires. Parmi les sections d’Europeana, la Bibliothèque européenne, née en 2005, est un service Internet doté d’un moteur de recherche regroupant, en 2015, 48 bibliothèques nationales européennes (au sens des pays membres du Conseil de l’Europe) ainsi que d’autres bibliothèques de recherche. La Bibliothèque européenne fonctionne principalement comme un grand catalogue de recherche (200 millions de références en 2015), tout en proposant aussi un certain nombre d’ouvrages en texte intégral (24 millions de pages en 2015). Des projets ponctuels de numérisation sont régulièrement développés dans le cadre d’Europeana, comme la numérisation d’œuvres en rapport avec la Première Guerre mondiale à l’occasion de son centenaire, projet auquel participe notamment la Bibliothèque royale de Belgique.

Les acteurs privés

381De grands groupes privés du secteur de l’Internet (Google, basé sur un moteur de recherche, et d’autres [69]) ont marqué leur intérêt pour les possibilités de numérisation des publications papier. Au-delà de la volonté affichée de mettre des connaissances à disposition du plus large public possible, il s’agit de stratégies économiques incluant la recherche de profit par l’acquisition de contenus pour ces nouveaux entrants dans le domaine culturel.

382Le groupe américain Google propose depuis 2004 des livres en version numérisée, ces activités étant regroupées au sein de sa branche Google Books. Le programme de numérisation, qui visait dès le départ à l’exhaustivité de la production écrite mondiale, a été lancé en 2005 par des accords avec trois des principales universités américaines (Michigan, Harvard et Stanford), avec la New York Public Library, ainsi que la Bibliothèque bodléienne (Oxford). D’autres universités, américaines, s’y sont ajoutées par la suite. À partir de 2006, quelques bibliothèques non anglo-saxonnes se sont à leur tour ajoutées au programme : celle de l’Université Complutense de Madrid, la Bayerische Staatsbibliothek, la Boekentoren de Gand, la bibliothèque de l’Université Keio de Tokyo ou la Bibliothèque municipale de Lyon. Dès 2005 également, le programme a permis à des éditeurs et à des auteurs d’inclure directement leurs ouvrages dans le système par les contrats du Google Partner Program. En 2013, Google totalisait plus de 30 millions d’ouvrages scannés.

383Quatre niveaux d’accès différents au texte numérisé existent, selon le statut juridique de celui-ci. L’accès full view (lecture complète) permet de lire gratuitement l’intégralité du texte et s’applique en principe aux ouvrages libres de droits ou aux ouvrages pour lesquels éditeurs et ayants droit l’ont expressément autorisé (ce qui est très rare). L’accès preview (lecture en aperçu) permet de lire gratuitement – mais non de copier, télécharger ou imprimer – un certain pourcentage de pages, déterminé par l’éditeur (d’au moins 20 %) de l’ouvrage choisi, Google s’appuyant sur des logiciels d’identification et de sécurité fournis par le groupe Adobe. L’accès snippet view (lecture par bribes) permet de lire uniquement les quelques lignes de texte qui entourent le terme de recherche introduit. Cet accès concerne tous les ouvrages scannés pour lesquels Google n’a pas obtenu d’autorisation d’avant-première (œuvres orphelines, refus des éditeurs ou des auteurs). Il existe des conditions supplémentaires, notamment limitant le nombre de snippets par ouvrage, et excluant de ce service certains types d’ouvrages dont la rentabilité dépend justement de la mise à disposition d’informations très brèves, par exemple les dictionnaires. Enfin, l’accès no preview (pas d’aperçu de lecture) comprend les livres que Google, pour diverses raisons (langue, âge, sujet…), n’a pas scannés, ou a retirés à la demande d’éditeurs ou d’ayants droit. Google Books offre dans ce cas les services d’un catalogue de bibliothèque (titre, auteur, éditeur, nombre de pages, ISBN, sujets…) avec, souvent, la numérisation de la table des matières et un résumé.

384Dès son origine, le programme de numérisation de Google Books a dû faire face à une série de critiques. Elles sont d’abord d’ordre technique : les règles de qualité édictées par le groupe lui-même sont respectées de façon variable, l’« océrisation » (reconnaissance optique de caractères) ne fonctionne pas toujours de manière optimale, les protections des contenus (accès restreints) peuvent être – et ont été – contournées… Il semble qu’il soit très difficile, encore en 2015, de rectifier ces erreurs, par exemple en fournissant un nouveau fichier à Google Books. Malgré l’extension des sources (bibliothèques et éditeurs), le service fourni reste fortement marqué par les langues mondiales dominantes : l’anglais surtout, mais aussi l’espagnol, l’allemand, le français ou le japonais ; le chinois reste peu présent, en l’absence d’accord avec la Chine.

385Des critiques plus fondamentales ont trait à la question de la violation de droits (copyright ou droit d’auteur) par Google. Deux actions en justice ont été lancées aux États-Unis en 2005, l’une par les éditeurs réunis au sein de l’Association of American Publishers, l’autre par les auteurs réunis au sein du Syndicat des auteurs, l’Authors Guild. L’un des reproches porte, outre le fait de mettre en ligne les ouvrages, sur le fait même de scanner et de stocker des ouvrages protégés sans autorisation légale (les accords avec les bibliothèques sont ici jugés insuffisants). Après diverses péripéties (dont un premier accord négocié par les deux parties en 2008 mais rejeté par la justice américaine en 2011), un accord définitif entre l’Association of American Publishers et Google est entré en vigueur en 2012. Il organise notamment la question des autorisations d’accès pour les œuvres sous copyright et la répartition des profits issus des ventes éventuelles (37 % pour Google, 63 % pour les auteurs et éditeurs).

386Dans le long conflit juridique qui l’oppose au Syndicat des auteurs, Google a définitivement obtenu gain de cause en novembre 2013. Le jugement considère que les activités de numérisation de Google représentent une « utilisation équitable » au regard de la législation américaine sur les droits d’auteur, en particulier en ce qu’elles incitent à l’achat des ouvrages visés. Le jugement ne concerne en principe que les États-Unis, où le groupe a localisé son siège social, mais est interprété par Google comme une victoire ayant valeur d’exemple à l’échelle du globe. Cela étant, d’autres actions en justice contre Google ont été lancées ailleurs dans le monde, et plus particulièrement en Europe, certaines étant encore en cours en 2015. On note en particulier un jugement condamnant Google en 2009 suite à une plainte des Éditions de La Martinière et des Éditions du Seuil, à laquelle le Syndicat national des éditeurs s’était joint, pour atteinte au droit d’auteur (scannage et mise à disposition sans autorisation).

387D’une manière générale, la législation européenne en la matière est considérée comme plus restrictive que la législation américaine, élément que le groupe Google tente d’intégrer dans sa stratégie globale, notamment en appliquant, selon ses dires, une grande partie du droit européen aux ouvrages européens, y compris hors Europe. Par ailleurs, dans un passé récent, Google a conclu plusieurs accords, souvent en ordre dispersé, avec des éditeurs européens de livres (portant notamment sur des livres épuisés mais dont les droits courent encore) ou de presse. L’accès snippet view reste le plus controversé. Le groupe Google, conforté par son interprétation de diverses décisions judiciaires, affirme néanmoins l’assurer en toute légalité.

Conclusion

388Instrument de culture par excellence, le livre est source de savoir, de découverte, d’information et de plaisir pour le lecteur. Avant d’arriver entre ses mains, le livre suit un parcours qui implique un grand nombre de personnes, de l’auteur et de l’éditeur au libraire ou au bibliothécaire. Si la réalisation d’un livre est une entreprise créative, c’est donc également une activité économique. Cette production forme une chaîne qui s’appuie sur quatre maillons : la création, l’édition, la commercialisation et la mise en valeur.

389Au fil du temps, la filière du livre a connu de nombreuses et profondes évolutions. Sa situation en Belgique francophone demeure toutefois marquée par deux traits caractéristiques à la fois fondamentaux et durables.

390Le premier est la place prépondérante qu’occupent la France et ses acteurs au sein du marché du livre. Cette force d’attraction s’illustre à toutes les étapes de la chaîne du livre : la plupart des auteurs belges à succès sont édités en France ; les plus grandes maisons d’édition implantées en Wallonie ou à Bruxelles appartiennent à des groupes français d’envergure internationale ; 70 % des livres de langue française vendus en Belgique sont importés de France et, inversement, près de 60 % des livres édités en Belgique francophone trouvent un débouché en France. Cette situation s’explique notamment par la faiblesse de la production éditoriale belge, cantonnée à quelques secteurs (en particulier la bande dessinée) ou à des stratégies de niche.

391Cette tendance s’est trouvée récemment renforcée : la présence d’Amazon en France pour desservir un marché incluant la Belgique a pour effet de priver les acteurs traditionnels de la chaîne du livre en Belgique (intermédiaires et revendeurs) de revenus importants.

392La prépondérance de l’édition française engendre une forme de dépendance du marché du livre belge francophone à l’égard du marché français. Ainsi, dans la relation de l’éditeur au libraire indépendant, où le premier domine le second, les profits des revendeurs belges sont largement déterminés par les conditions commerciales accordées par les éditeurs, en majorité français, et par le succès de leur production éditoriale.

393La deuxième caractéristique de la filière du livre est que, comme beaucoup d’autres secteurs d’activité économique, elle conjugue des logiques artisanales et des logiques industrielles. À côté d’une structure atomisée, le marché de l’édition présente une forte concentration (d’un point de vue capitalistique). Ce phénomène, qui touche le monde de l’édition tant en France qu’en Belgique, a tendance à s’accentuer au fil des fusions et rachats successifs de maisons d’édition. Aussi, en plus de nombreux petits éditeurs qui réalisent un faible chiffre d’affaires et occupent peu de personnes, on recense quelques grands groupes éditoriaux qui dominent largement le marché.

394Le même raisonnement vaut pour la commercialisation du livre, où coexistent de petites librairies indépendantes et de grands revendeurs (singulièrement la Fnac, Club et Amazon). Les premiers tentent de se distinguer par leur fonction de conseiller des lecteurs et peuvent jouer un rôle essentiel en tant que prescripteur pour les éditeurs dont la production est plus confidentielle ou plus pointue. Les seconds privilégient les faibles marges et les gros volumes de ventes. Ils constituent des grands canaux de diffusion dont peu d’éditeurs peuvent se passer pour leurs titres.

395Même la création met en présence des acteurs au statut très différent. On y rencontre, d’un côté, un petit nombre d’auteurs à succès prisés et courtisés par les maisons d’édition et, de l’autre, un large vivier d’auteurs réguliers ou occasionnels qui attirent plus rarement et plus difficilement l’attention des éditeurs. Dans la toute grande majorité des cas, les auteurs ne peuvent pas vivre de leur travail d’écriture.

396À côté de ces deux tendances lourdes, la filière du livre est également sujette à des évolutions importantes. Depuis quelques années, la révolution numérique est assurément la principale source de bouleversements dans le secteur du livre. C’est essentiellement le développement du livre numérique qui fait l’objet des attentions, des polémiques, voire des conflits des différents protagonistes de la chaîne du livre. Pourtant, en Belgique francophone, la présence du livre numérique demeure marginale.

397Bien plus grand – mais paradoxalement moins souvent évoqué – est l’impact du numérique sur les différentes étapes de création, d’édition, de commercialisation et de conservation et mise en valeur du livre imprimé. En effet, ce Dossier a montré à quel point chaque étape de la chaîne du livre est aujourd’hui affectée par les évolutions technologiques récentes. Désormais, un auteur peut lui-même mettre son texte en page, en assurer la promotion par Internet et le vendre en ligne. Quasiment tous les acteurs de la chaîne du livre recourent à des technologies modernes. Et ils doivent en même temps faire face à l’arrivée de concurrents portés par le numérique – les pure players. La plus grande facilité à produire des livres favorisée par les développements technologiques vient renforcer la tendance à l’augmentation du nombre de titres. Cette inflation, déjà à l’œuvre depuis une vingtaine d’années et pas toujours simple à gérer pour les libraires, s’accompagne par ailleurs d’une diminution des tirages avec, par exemple, des répercussions sur les montants versés au titre de droits d’auteur.

398Cette évolution présente une dimension paradoxale : faire un livre est désormais simple et bon marché, se distinguer dans la masse est nettement plus compliqué.

399Au vu de ces évolutions, peut-on considérer que le livre est en crise ? Aujourd’hui, le marché du livre en Belgique francophone semble avoir atteint un plafond. Les ventes de livres (à prix constants) par les canaux traditionnels sont en diminution depuis une dizaine d’années. Néanmoins, la vente de livres imprimés par Internet prend une certaine ampleur, certes mal évaluée mais que l’on devine conséquente. D’un point de vue économique, il paraît excessif de parler de crise du livre.

400Si le développement d’Internet a pu sembler menacer l’existence même des livres, force est aujourd’hui de constater qu’une telle disparition n’est pas à l’œuvre. Il paraît désormais acquis que le livre survivra, même si c’est sous une forme qui évolue, voire se transforme.

401Les habitudes de consommation des lecteurs sont elles aussi en mutation. Qu’il s’agisse de la manière de lire, du choix du support ou encore du canal d’acquisition d’un livre, les pratiques évoluent. Mais ici non plus, on ne peut considérer que ce soit de manière menaçante pour le livre et son existence.

402En définitive, plus que l’existence même du livre et de sa filière, c’est leur diversité qui semble menacée. En effet, les développements qui viennent d’être rappelés permettent une grande diversité dans la création, et même dans l’édition. Mais dans le même temps, le marché du livre est dominé par quelques acteurs dont le poids devient tel qu’ils peuvent mettre en péril la survie des acteurs plus petits. On le constate au niveau des maisons d’édition comme à celui des auteurs. Les logiques économiques à l’œuvre dans la chaîne du livre peuvent donc s’avérer dommageables pour la diversité culturelle et sa diffusion.

403À ce titre, les pouvoirs publics, par le soutien qu’ils apportent aux différents acteurs de la filière, et notamment les bibliothèques publiques, par les activités qu’elles développent pour susciter les découvertes, ont un rôle essentiel à jouer afin de préserver la diversité en matière de création, d’édition, de commercialisation et de valorisation. Même s’il n’existe pas à proprement parler, en Belgique francophone, une politique du livre, intégrée et cohérente, les nombreuses interventions des pouvoirs publics recensées par ce Dossier soulignent l’importance d’initiatives de ce type à côté des interventions des acteurs privés.

404Enfin, le poids croissant des technologies numériques dans la filière du livre a conduit à l’arrivée dans cette chaîne de trois acteurs issus de l’informatique ou d’Internet qui ont pris une place de plus en plus déterminante. Apple, par la fourniture de livres numériques, Google, par la numérisation et la mise à disposition à grande échelle de livres imprimés, et Amazon, par la vente de livres en ligne, sont, en quelques années à peine, devenus des acteurs incontournables du secteur – et ce bien que le livre ne soit pas nécessairement leur activité première. D’autant que l’activité de chacun a tendance à déborder progressivement et à s’étendre à différents maillons de la chaîne du livre. De ce point de vue, Amazon est sans doute devenu l’acteur le plus intégré, alliant édition et vente.

405Ces trois sociétés exercent une concurrence particulièrement forte sur les acteurs plus traditionnels de la filière du livre, en raison notamment des prix pratiqués. Elles cherchent également, par leur position dominante, à imposer les standards qu’elles déterminent elles-mêmes, du point de vue technique (les formats employés) ou du point de vue commercial (par exemple, en pratiquant la gratuité des frais d’expédition et des délais extrêmement courts dans le cas d’Amazon). Leur influence dépasse dès lors peu à peu leur activité propre et contraint les autres acteurs à se repositionner, tout en créant des barrières de nature à empêcher l’apparition de nouveaux concurrents dans les créneaux qu’elles occupent.

406Plus que la survie du livre, c’est plutôt à sa diversité et au pluralisme des acteurs de cette filière que les lecteurs, les pouvoirs publics et les autres protagonistes de la chaîne du livre devront veiller à l’avenir. Tant pour assurer la viabilité économique de ce secteur que pour préserver toute la richesse de ce vecteur de culture.

Glossaire

407Agrégateur : prestataire technique qui regroupe et distribue auprès de revendeurs des ressources numériques issues de plusieurs éditeurs ou de distributeurs tiers. Ce service s’adresse principalement aux librairies physiques désireuses de proposer à leur clientèle un catalogue de livres numériques, multidisciplinaire ou spécialisé. L’agrégateur offre par ailleurs des fonctionnalités variées pour accéder aux ressources qu’il distribue et les exploiter.

408Atelier d’écriture : rendez-vous souvent animé par un auteur qui permet aux participants d’expérimenter, dans une ambiance ludique, leurs capacités d’écriture. C’est à la fois un lieu de création, d’apprentissage et d’échanges qui permet d’explorer différents genres littéraires.

409Auteur littéraire : auteur qui compose des textes originaux destinés à être publiés sous format papier, audio ou numérique. Il s’agit de romans, d’essais, de poèmes, de nouvelles, de biographies, de littérature de jeunesse… On compte également au sein de cette catégorie les auteurs de bandes dessinées.

410Beaux-livres : catégorie de livres abondamment illustrés, le plus souvent de grand format. Parmi les thèmes abordés, figurent les différentes disciplines artistiques (des beaux-arts au cinéma, de l’architecture à la photographie…) et, plus largement, la mode, le design, les bijoux et objets de collection, ainsi que les voyages et le monde de la nature. Les éditeurs de beaux-livres veillent particulièrement à la qualité d’impression.

411Best-seller : succès d’édition, littéralement le livre qui se vend le mieux. Généralement, les best-sellers ciblent le public le plus large possible, impliquent la capacité de produire et de distribuer de grands volumes et sont lancés par une campagne de promotion conséquente : on parle alors de grande diffusion. Les grandes maisons d’édition cherchent à fabriquer des best-sellers, en recourant à des auteurs déjà célèbres et en formatant les ouvrages selon des ingrédients ayant fait leurs preuves dans des thèmes porteurs.

412Groupe d’entreprises : ensemble d’entreprises placées sous l’autorité d’un même centre de décision.

413Interopérabilité : capacité d’un fichier ou d’un système informatique de fonctionner sans mise en œuvre particulière avec d’autres systèmes informatiques. Par exemple, un ouvrage numérique est interopérable s’il est immédiatement lisible par le consommateur, quels que soient les plates-formes ou les systèmes d’exploitation utilisés.

414Livre : support maniable destiné à accueillir un texte écrit, avec la volonté que celui-ci soit diffusé, c’est-à-dire proposé au public (par opposition aux écrits privés), lu et conservé. Le livre, outre le support qui le matérialise, est également l’expression d’une pensée ou d’une création originale, sous la forme écrite ou par l’image, et cela quel que soit le support utilisé, livre imprimé ou livre numérique. Il s’appuie sur un certain volume, bien que celui-ci ne soit pas clairement défini, ce qui le distingue d’autres types de documents.

415Livre homothétique : transposition en format numérique d’un livre imprimé.

416Livre enrichi : livre numérique comprenant du contenu multimédia et des fonctionnalités inter-actives gérées par une application informatique.

417Livre numérique : livre édité et diffusé en version numérique. Il peut exister directement sous forme numérique ou être numérisé à partir d’une version imprimée. Le livre numérique peut être lu à l’aide de supports électroniques divers : ordinateur personnel, liseuse ou tablette tactile.

418Métadonnée : type de donnée qui permet de caractériser, de définir et de structurer des ressources numériques. Les métadonnées associées à un livre numérique sont typiquement le titre, l’auteur, le sujet, le format…

419Politique éditoriale : stratégie visant à définir les types et le nombre d’ouvrages édités par une maison d’édition et, d’une manière générale, à développer un style plus ou moins unifié étendu à l’ensemble de la production de celle-ci.

420Pure player : se dit d’une entreprise qui exerce son activité dans un seul secteur d’activité. L’expression est surtout utilisée pour désigner les entreprises dont l’activité est à l’origine exclusivement menée sous la forme numérique ou sur Internet. Dans la filière du livre, Amazon appartient par exemple à cette catégorie.

421Rack-jobbing : technique de vente dite à rayon concédé qui consiste à confier l’alimentation et la gestion du rayon livres, ou une partie de celui-ci, à des entreprises autres que celles exploitant le magasin. Dans certains hypermarchés, le rayon livres est géré par plusieurs rack-jobbers. Cette technique se pratique essentiellement dans la grande distribution et peut concerner d’autres produits que le livre (la parfumerie, la papeterie, les disques…).

422Reprographie : ensemble des procédés qui permettent de reproduire un document, le plus courant d’entre eux étant la photocopie. Un mécanisme légal de gestion collective permet aux auteurs de recevoir une rémunération pour les photocopies ou impressions papier qui sont faites de leurs créations.

423Résidence d’artiste : projet à travers lequel une structure, une institution ou un établissement culturel accueille des artistes afin de leur offrir les conditions d’encadrement nécessaires (infrastructures, logistique…) pour qu’ils puissent mener à bien un travail de création. Ces résidences prennent place dans des lieux propices à l’activité artistique et regroupent souvent plusieurs activités : arts plastiques, théâtre, danse, littérature, musique…

424Sociétés d’auteurs : sociétés privées, civiles ou coopératives, gérées à l’origine par et pour les auteurs, qui perçoivent et gèrent au nom de leurs membres les droits d’auteur découlant de l’exploitation de leurs œuvres. Ce sont donc des auteurs qui se regroupent et organisent la gestion de leurs droits. Pour les utilisateurs des œuvres (les producteurs, les éditeurs, les opérateurs de spectacles…), les sociétés de gestion de droits d’auteur représentent un partenaire intéressant car elles permettent de faciliter le contact avec les auteurs.

425Sous-traitant : par la prise en charge d’une partie déterminée de la production ou pour l’exécution de certains services spécialisés, une entreprise ou une organisation peut faire appel à une autre entreprise, dénommée sous-traitant.

426Tapuscrit : exemplaire d’un ouvrage tapé à l’aide d’un traitement de texte ou, par le passé, d’une machine à écrire. Ce terme tend à remplacer celui de manuscrit, qui désigne littéralement un texte écrit à la main. Dans le contexte de la création littéraire, le tapuscrit désigne un texte original soumis à un éditeur en vue de sa publication.

427Travail d’édition : étape dans la production d’un livre. Ce travail est effectué sous la direction de l’éditeur et comprend notamment les opérations de correction et de mise en page du texte, selon la feuille de style choisie, l’apport éventuel de modifications de fond (restructuration, ajouts, coupes ou réécritures) et le choix d’une couverture.

Notes

  • [1]
    E. Lazzaro, J.-G. Lowies, Le poids économique des industries culturelles et créatives en Wallonie et à Bruxelles, IWEPS, rapport du 8 décembre 2014, p. 42 et 52.
  • [2]
    En mai 2011, la Communauté française a choisi d’adopter la dénomination « Fédération Wallonie-Bruxelles » dans sa communication interne et externe. Ce nouveau nom n’a toutefois pas la portée juridique que lui donnerait une révision de la Constitution. Nous emploierons donc l’appellation constitutionnelle de Communauté française. Voir à ce sujet : S. Toussaint, « Ne dites plus “Communauté française” ! Quoique… », Les analyses du CRISP en ligne, 7 octobre 2013, www.crisp.be.
  • [3]
    Pour les artistes, la loi a étendu, depuis le 1er juillet 2003, l’application du régime de sécurité sociale des travailleurs salariés à toutes les personnes qui, sans être liées par un contrat de travail, fournissent des prestations artistiques ou produisent des œuvres artistiques contre paiement d’une rémunération pour le compte d’un donneur d’ordre, personne physique ou morale (article 170 de la loi-programme du 24 décembre 2002 insérant un article 1 bis dans l’arrêté royal du 28 novembre 1969, Moniteur belge, 31 décembre 2002).
  • [4]
    Le Service général des lettres et du livre de la Communauté française organise, à travers son programme « Écrivains en classe », des rencontres d’auteurs et d’illustrateurs dans des écoles de l’enseignement fondamental, secondaire et supérieur, tous réseaux confondus.
  • [5]
    Les trois autres services sont le Service de la lecture publique, le Service de la langue française et le Service des langues régionales endogènes.
  • [6]
    Ce répertoire reprend les 49 auteurs, 26 illustrateurs et 61 auteurs et illustrateurs ayant été publiés au cours des quatre années précédentes. Il est consultable sur le site : www.litteraturedejeunesse.be.
  • [7]
    En latin, spes signifie « espoir ».
  • [8]
    La SABAM est désormais gérée pour partie par les éditeurs et producteurs.
  • [9]
    La SACD fait de même pour le théâtre, la danse, le cinéma, la télévision et la radio (fictions), la musique de scène, le cirque et les arts de la rue.
  • [10]
    Loi du 30 juin 1994 relative au droit d’auteur et aux droits voisins, Moniteur belge, 14 janvier 2009.
  • [11]
    Arrêté royal du 13 décembre 2012 relatif à la rémunération pour prêt public, Moniteur belge, 27 décembre 2012.
  • [12]
    Loi du 22 mai 2005 transposant en droit belge la directive européenne 2001/29/CE du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, Moniteur belge, 27 mai 2005.
  • [13]
    Droit de divulgation, de paternité et de respect de l’œuvre.
  • [14]
    Droit de reproduction et de communication au public.
  • [15]
    C. Méadel, N. Sonnac (dir.), L’auteur au temps du numérique, Paris, Hadopi/Éditions des archives contemporaines, 2012, p. 43.
  • [16]
    Une liste non exhaustive de blogs d’auteurs est disponible sur le site du Service de la promotion des lettres de la Communauté française : www.promotiondeslettres.cfwb.be.
  • [17]
    C. Méadel, N. Sonnac (dir.), L’auteur au temps du numérique, op. cit., p. 24.
  • [18]
    Selon les statistiques françaises, le nombre de nouveaux titres édités a plus que doublé en quinze ans (période 1999-2014), alors que le tirage moyen baissait de près de 30 %, principalement au cours des dernières années (2011-2013).
  • [19]
    Le discours dominant des éditeurs de taille petite à moyenne est que ce modèle organisationnel, qui a leur faveur, limiterait les possibilités de croissance, et expliquerait la présence et le maintien d’un grand nombre de petites structures artisanales.
  • [20]
    Le recensement a été réalisé sur la base du code NACE des entreprises et filtré par le CRISP. La Nomenclature statistique des activités économiques dans la Communauté européenne (NACE) considère que l’activité principale d’une unité statistique est l’activité qui contribue le plus à la valeur ajoutée totale de cette unité. Or force est de constater que, dans la pratique, les codes NACE associés aux entreprises ne sont pas toujours exacts ou ne reflètent pas toujours la réalité. Ces imperfections, liées notamment à la manière dont les codes sont fixés, rendent difficile la constitution d’une liste précise d’entreprises qui exercent à titre principal l’édition de livres ou la vente de livres au détail.
  • [21]
    Belfirst est une base qui contient les données financières sur une période de dix ans de toutes les sociétés belges qui ont déposé leurs comptes annuels à la Centrale des bilans de la Banque nationale de Belgique.
  • [22]
    Il s’agit d’une maison d’édition française d’un style particulier, créée en 2007. Elle propose d’éditer les manuscrits que les auteurs lui soumettent après acceptation par un comité de lecture. La rémunération est basée sur les ventes et elle rétribue au taux de 10 % les auteurs. Le service est gratuit si le texte soumis par l’auteur est définitif. Autrement dit, Edilivre ne retravaille pas le texte. Des propositions optionnelles payantes existent néanmoins : relecture, correction, couverture… Il s’agit en fait davantage d’un prestataire de services que d’un éditeur au sens classique du terme.
  • [23]
    Des négociations entre Dargaud et les pouvoirs publics ont été lancées fin 2014 pour établir une école de formation en BD à Marcinelle.
  • [24]
    Le groupe Média-Participations ne dispose pas d’une filiale de livres de poche.
  • [25]
    Voir F. Rouet, Le livre. Une filière en danger ?, op. cit., en particulier p. 73-74, 90 et suivantes.
  • [26]
    Voir à ce sujet A. Vincent, M. Wunderle, Les arts plastiques, Dossier n° 69, Bruxelles, CRISP, 2007.
  • [27]
    Il s’agit plus précisément de 97 entreprises constituées en société, 100 unités d’établissements liées aux premières mais dont l’adresse diffère du siège social et 52 entreprises individuelles (en personne physique).
  • [28]
    Xerfi France, La situation économique et financière des librairies indépendantes. Analyse sur la période 2005-2012, Paris, Syndicat de la librairie française/Ministère de la Culture et de la Communication, juin 2013.
  • [29]
    Syndicat de la librairie française, Syndicat national de l’édition, Syndicat des distributeurs de loisirs culturels, « Protocole d’accord sur les usages commerciaux de l’édition avec la librairie », Paris, 26 juin 2008.
  • [30]
    Xerfi France, La situation économique et financière des librairies indépendantes. Analyse sur la période 2003-2010, Paris, Syndicat de la librairie française/Ministère de la Culture et de la Communication, mai 2011 ; Xerfi France, La situation économique et financière des librairies indépendantes. Analyse sur la période 2005-2012, Paris, Syndicat de la librairie française/Ministère de la Culture et de la Communication, juin 2013.
  • [31]
    M. Guérin, « Pratiques et consommation culturelles en Communauté française », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2031-2032, 2009, p. 62.
  • [32]
    Ipsos, Observation des marchés numériques du livre, étude réalisée pour le compte de PILEn-ADEB, 2015.
  • [33]
    C. Moscovitz, R. Wischenbart, Librairies dans le monde, Bordeaux, Livres Hebdo/Cercle de la librairie/ Syndicat de la librairie française, mai 2013.
  • [34]
    J.-F. Declercq, Situation actuelle et perspectives du livre numérique en Communauté française de Belgique. Étude technique. Synthèse pour les librairies, 2013.
  • [35]
    V. Chabault, Librairies en ligne. Sociologie d’une consommation culturelle, Paris, Presses de Sciences Po, 2013.
  • [36]
    T. Habrand, Le prix fixe du livre en Belgique. Histoire d’un combat, Liège, Les Impressions nouvelles, 2007.
  • [37]
    Conseil du livre, « Priorités 2014-2018. Recommandations interprofessionnelles », mai 2014.
  • [38]
    Arrêté de l’Exécutif de la Communauté française du 23 octobre 1991 fixant les modalités de l’aide à la librairie dans la Communauté française, Moniteur belge, 17 décembre 1992.
  • [39]
    Le label a ensuite été réglementé par décret en 2009 (Décret du gouvernement de la Communauté française du 30 avril 2009 instituant une procédure de reconnaissance des librairies de qualité, Moniteur belge, 13 octobre 2009.
  • [40]
    Arrêté du gouvernement de la Communauté française du 18 juillet 2013 portant exécution du décret du 30 avril 2009 instituant une procédure de reconnaissance des librairies de qualité et fixant le règlement d’usage et de contrôle de la marque collective « Le libraire », Moniteur belge, août 2013.
  • [41]
    Cette configuration diffère donc de la filialisation ou de la franchise, dispositifs dans lesquels chaque magasin peut avoir une personnalité juridique propre.
  • [42]
    Fnac, Rapport annuel, 2014.
  • [43]
    M. Shungu, C. Herinckx, « Difficultés dans le secteur de la presse écrite. Aspects liés aux journaux et magazines », Carrefour de l’Économie, n° 4, 2014, p. 27-34
  • [44]
    L’Écho, 4 mars 2015.
  • [45]
    TNS-Sofres, « Baromètre multi-clients. Achats de livres », cité dans Observatoire de l’économie du livre, « Le secteur du livre : chiffres clés 2013-2014 », Paris, mars 2015.
  • [46]
    InSites Consulting/COMEOS, E-commerce in Belgium 2015, 2015.
  • [47]
    V. Chabault, Librairies en ligne. Sociologie d’une consommation culturelle, op.cit., p. 55.
  • [48]
    Expression utilisée pour désigner une entreprise dont l’activité est à l’origine exclusivement menée sur Internet.
  • [49]
    Le fonds est entendu ici en opposition aux nouveautés.
  • [50]
    Deux systèmes de protection des œuvres de l’esprit, en partie harmonisés depuis la Convention de Berne (1971), existent dans le monde aujourd’hui. Les pays anglo-saxons favorisent le système du copyright, d’origine économique, et qui permet de considérer un éditeur ou un producteur comme un auteur. La plupart des autres pays, et notamment la Belgique, ont opté pour le système du droit d’auteur (voir la partie 1 de ce Dossier).
  • [51]
    Outre des livres, Google Play commercialise des applications, des films de cinéma, de la musique, des titres de presse, des tablettes et accessoires, ainsi que des jeux vidéo.
  • [52]
    Un partenariat commencé en 2008 avec Numilog et la commercialisation en 2010 de sa propre liseuse, la FnacBook, par exemple.
  • [53]
    J.-F. Declercq, Situation actuelle et perspectives du livre numérique en Communauté française de Belgique, op. cit.
  • [54]
    M. Guérin, « Pratiques et consommation culturelles en Communauté française », op. cit.
  • [55]
    PILEn/ADEB, Le marché du livre de langue française en Belgique, étude réalisée pour le Service général des lettres et du livre, éditions 2003 à 2014.
  • [56]
    Le livre est ici défini comme le livre imprimé neuf, y compris les livres scolaires, les encyclopédies et les dictionnaires, mais hors agendas, revues, ouvrages promotionnels, livres d’occasion, cartes géographiques, publications et fascicules vendus sur abonnement, livres de langues étrangères…
  • [57]
    É. Lentzen, Le livre dans la Communauté française, Dossier n° 32, Bruxelles, CRISP, 1990.
  • [58]
    Ipsos, Observation des marchés numériques du livre, étude réalisée pour l’ADEB, éditions 2013, 2014 et 2015.
  • [59]
    Plusieurs études ont en effet montré un lien de corrélation entre le taux de pénétration des terminaux de lecture (tablettes et liseuses) et le développement du marché du livre numérique. Or, en Wallonie, si 28 % des ménages possédaient une tablette en 2013, 5 % seulement possédaient une liseuse. La pratique de la lecture du texte numérique reste dominée, en Belgique, par la lecture sur ordinateur de documents au format PDF.
  • [60]
    Loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre.
  • [61]
    T. Habrand, « Harmoniser le prix du livre importé de France : impact d’un mark-up sur le consommateur, le secteur de la librairie et la diversité culturelle », étude réalisée pour le Service de la promotion des lettres de la Direction générale de la Communauté française de Belgique, septembre 2010.
  • [62]
    Culture.be, Le Réseau public de la lecture en Fédération Wallonie-Bruxelles. Évolution en 2013, Bruxelles, 2015, p. 24.
  • [63]
    Décret du 30 avril 2009 relatif au développement des pratiques de lecture organisé par le Réseau public de la lecture et les bibliothèques publiques, Moniteur belge, 5 novembre 2009.
  • [64]
    J.-F. Füeg, « Quelles compétences pour quels bibliothécaires en 2014 ? », Lectures, la revue des bibliothèques, n° 184, janvier-février 2014, p. 40-42.
  • [65]
    Voir le site Internet www.caracol-bibliotheques.be.
  • [66]
    Par référence à la célèbre ville de la Route de la soie, centre majeur d’échanges durant des siècles.
  • [67]
    Culture.be, Le Réseau public de la lecture en Fédération Wallonie-Bruxelles. Évolution en 2013, op. cit., p. 20.
  • [68]
    Université catholique de Louvain (UCL), Université libre de Bruxelles (ULB), Université de Liège (ULg), Université de Mons (UMons), Université de Namur (UNamur) et Université Saint-Louis - Bruxelles (USL-B).
  • [69]
    Le groupe Amazon, basé sur la vente en ligne, s’est un temps intéressé à la numérisation lors de la fondation d’Amazon Publishing en 2009.
    Le groupe de logiciels Microsoft avait lancé ses propres activités de scannage de livres fin 2006 sous le nom de Live Search Books. Il s’est toutefois retiré face à la concurrence de Google début 2008.
  1. Introduction
  2. Première partie. La création
    1. I - Le statut des auteurs
    2. II - Les aides et bourses
      1. La Communauté française
      2. Les sociétés d’auteurs
      3. Spes
    3. III - Les prix littéraires
    4. IV - Les associations, les rencontres et les revues littéraires
    5. V - La relation auteur/éditeur
    6. VI - Les droits d’auteur
      1. Reprographie, prêt public et copie privée
      2. Les œuvres libres de droits
    7. VII - L’arrivée du numérique
  3. Deuxième partie. L’édition
    1. I - La fonction éditoriale
      1. Le rôle central de l’éditeur
      2. La politique éditoriale
      3. Les types de maisons d’édition
      4. La structure du prix du livre
      5. La sous-traitance éditoriale
      6. Grande diffusion et péréquation
    2. II - Les éditeurs en Communauté française
      1. Panorama des éditeurs
      2. Les éditeurs étrangers
    3. III - Les enjeux de l’édition et de la promotion
      1. Le rapport aux auteurs : risques et tensions
      2. La finalisation matérielle : graphisme et imprimerie
      3. La promotion
      4. Le lien avec les médias
    4. IV - L’édition numérique
      1. Les types de production
      2. L’édition numérique en 2014
      3. Les acteurs de l’édition numérique
      4. Les formats
      5. Le Partenariat interprofessionnel du livre et de l’édition numérique (PILEn)
    5. V - Les associations professionnelles
    6. VI - Les aides publiques
      1. Les aides à l’édition
      2. Les aides à la traduction
      3. Les aides à l’exportation
  4. Troisième partie. La commercialisation
    1. I - Les intermédiaires de la commercialisation
      1. Les activités de diffusion et de distribution
        1. La diffusion
        2. La distribution
        3. Complémentarités et contraintes de seuil
      2. Les entreprises de diffusion et de distribution en Belgique
      3. Les intermédiaires de la vente de livres numériques
      4. Les autres intermédiaires
        1. La Banque du livre
        2. Prisme
    2. II - Les circuits de commercialisation
      1. Les librairies indépendantes
        1. Les librairies généralistes et les librairies spécialisées
        2. L’assortiment, la gestion des stocks et la relation avec les éditeurs
        3. L’approvisionnement
          1. L’office
          2. L’achat à compte ferme
          3. Le dépôt
        4. Un contexte de plus en plus difficile
          1. La montée en puissance de la concurrence
          2. La dégradation des conditions d’exploitation
          3. La mutation des pratiques de lecture
        5. Les stratégies de (re-)conquête
          1. Du rôle de conseiller au rôle de médiateur culturel
          2. La diversification
          3. La présence sur Internet et la vente en ligne
          4. Les gains de productivité
        6. La représentation professionnelle
        7. Les aides à la librairie
      2. Les chaînes de librairies
      3. Les grandes surfaces spécialisées
        1. La Fnac
        2. Club
      4. Les grandes surfaces non spécialisées
      5. Les diffuseurs de presse
      6. La vente par Internet et les librairies en ligne
        1. La vente de livres imprimés par Internet
          1. L’essor d’un marché
          2. Les acteurs
        2. La vente en ligne de livres numériques
          1. La domination de grands acteurs internationaux
            1. Amazon, à la conquête de la demande
            2. Apple, à la conquête des éditeurs
            3. Google
          2. Les autres acteurs
      7. Les autres canaux
        1. Les clubs de livres
        2. Les solderies et les bouquineries
        3. La vente par courtage
    3. III - Le marché du livre
      1. L’évolution des ventes de livres
      2. Le poids des différents points de vente traditionnels au sein du marché du livre
      3. La vente de livres imprimés via Internet
      4. La vente de livres numériques
    4. IV - La tarification du livre en Belgique
      1. Le prix unique : un débat récurrent
      2. Le mark-up
      3. La TVA
  5. Quatrième partie. Conservation et mise en valeur du livre
    1. I - Les bibliothèques et la lecture publique
      1. L’évolution du rôle dévolu aux bibliothèques
      2. Le Réseau public de la lecture
      3. Plan quinquennal et obligation de reconnaissance
      4. Nouvelles technologies et offre numérique
    2. II - La numérisation du patrimoine
      1. Les acteurs publics
      2. Les acteurs privés
  6. Conclusion
  7. Glossaire

Orientation bibliographique

  • En ligneBenhamou F., Guillon O., « Modèles économiques d’un marché naissant : le livre numérique », Culture prospective, n° 2, 2010, p. 1-16.
  • En ligneChabault V., Librairies en ligne. Sociologie d’une consommation culturelle, Paris, Presses de Sciences Po, 2013.
  • Conseil du livre, « Priorités 2014-2018. Recommandations interprofessionnelles », mai 2014.
  • Culture.be, L e Réseau public de la lecture en Fédération Wallonie-Bruxelles. Évolution en 2013, Bruxelles, 2015.
  • Dacos M., Mounier P., L’édition électronique, Paris, La Découverte, collection « Repères », 2010.
  • Declercq J.-F., Situation actuelle et perspectives du livre numérique en Communauté française de Belgique. Étude technique. Synthèse pour les librairies, 2013.
  • En ligneDurand P., « Apparitions, disparitions. Vers une histoire des pratiques d’édition en Belgique », in Varry D. (dir.), 5 0 ans d’histoire du livre : 1958-2008, Lyon, Presses de l’ENSSIB, collection « Papiers », 2014, p. 71-81.
  • Esterzon A., Courtois G., van Zeebroeck N., « Vade-mecum du livre numérique », rapport établi pour le Service de la promotion des lettres de la Communauté française de Belgique, Bruxelles, 2011.
  • Füeg J.-F., « Quelles compétences pour quels bibliothécaires en 2014 ? », Lectures, la revue des bibliothèques, n° 184, janvier-février 2014.
  • Gilmont J.-F., Le Livre, du manuscrit à l’ère électronique, Liège, Éditions du Céfal, 1998.
  • En ligneGuérin M., « Pratiques et consommation culturelles en Communauté française », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2031-2032, 2009.
  • Habrand T., Le prix fixe du livre en Belgique. Histoire d’un combat, Liège, Les Impressions nouvelles, 2007.
  • Lazzaro E., Lowies J.-G., L e poids économique des industries culturelles et créatives en Wallonie et à Bruxelles, IWEPS, rapport du 8 décembre 2014.
  • Lentzen É., Le livre dans la Communauté française, Dossier n° 32, Bruxelles, CRISP, 1990.
  • Méadel C., Sonnac N. (dir.), L’auteur au temps du numérique, Paris, Hadopi/Éditions des archives contemporaines, 2012.
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  • PILEn/ADEB, Le marché du livre de langue française en Belgique, étude réalisée annuellement pour le Service général des lettres et du livre.
  • Rouet F., Le livre. Mutations d’une industrie culturelle, Paris, La Documentation française, 2007.
  • Rouet F., Le livre. Une filière en danger ?, Paris, La Documentation française, 2013.
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  • En ligneVincent A., Wunderle M., L es arts plastiques, Dossier n° 69, Bruxelles, CRISP, 2007.
  • En ligneVincent A., Wunderle M., L es industries culturelles, Dossier n° 72, Bruxelles, CRISP, 2009.
  • Xerfi France, La situation économique et financière des librairies indépendantes. Analyse sur la période 2003-2010, Paris, Syndicat de la librairie française/Ministère de la Culture et de la Communication, mai 2011.
  • Xerfi France, La situation économique et financière des librairies indépendantes. Analyse sur la période 2005-2012, Paris, Syndicat de la librairie française/Ministère de la Culture et de la Communication, juin 2013.
  • Sites Internet

Fabienne Collard
Christophe Goethals
Marcus Wunderle
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/05/2017
https://doi.org/10.3917/dscrisp.084.0009
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