CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Sté Yachting Conseil c/ Sté MAN

2La Cour : – Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Brenguier développement (l’acheteur), ayant pour objet social la location de bateaux, a acquis, le 1er juin 2006, auprès de la société Yachting conseil (le vendeur) qui l’avait elle-même acquis de la société croate Spectator Solis, un navire de plaisance, dénommé « Coco II », construit par la société anglaise Princess Yachts International et équipé de deux moteurs fabriqués par la société allemande Man Nutzfahrzeuge (la société Man) ; que l’un des moteurs ayant présenté des désordres persistants qui devaient conduire à son remplacement, l’acheteur a, le 11 octobre 2006, assigné, après expertise, le vendeur en indemnisation, lequel a appelé en garantie son assureur, le constructeur du navire et le fabricant du moteur ;

3Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

4Vu les articles 31 et 32 du règlement (CE) n° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (Rome II) ;

5Attendu que, selon ces textes, le règlement, à l’exception de l’article 29, s’applique aux faits générateurs de dommages survenus après son entrée en vigueur le 11 janvier 2009 ;

6Attendu que, pour écarter l’application de la loi allemande revendiquée par la société Man, l’arrêt retient que l’action engagée à l’encontre de celle-ci est soumise au droit français en application du règlement (CE) n° 864/2007 du 11 juillet 2007 ;

7Qu’en statuant ainsi, alors que le fait générateur du dommage était survenu en 2006, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

8Et sur les deuxième et troisième moyens :

9Vu l’article 624 du code de procédure civile ;

10Attendu que la cassation prononcée sur la première branche du premier moyen entraîne la cassation, par voie de conséquence, des chefs du dispositif écartant, par application de la loi française, la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en garantie dirigée contre la société Man et condamnant celle-ci à payer à la société Yachting conseil le montant de la franchise restée à sa charge ;

11Et attendu qu’il y a lieu de mettre hors de cause, sur leur demande, la société Brenguier développement et la société Princess Yachts International dont la présence devant la cour d’appel de renvoi n’est pas nécessaire à la solution du litige ;

12Par ces motifs : – Casse et annule, mais seulement en ce qu’il déclare la loi française applicable au litige (…)

13Du mercredi 5 septembre 2018 – Cour de cassation (Civ. 1re) – Pourvoi n° 16-24109 – Mme Batut, prés., – Me Le Prado, SCP Alain Bénabent, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Monod, Colin et Stoclet, av.

14Quelle est la loi applicable à l’action directe dans une chaîne de contrats translatifs de propriété ? Et, plus précisément, où le juge doit-il trouver la règle de conflit de lois permettant de déterminer cette loi ?

15C’est à ces questions que devait répondre la Cour de cassation dans l’arrêt sous commentaire. La réponse qu’elle formule, si elle était incontestablement suffisante en l’espèce, laisse cependant l’internationaliste sur sa faim.

16Il est vrai que la diversité des règles de conflit de lois concernant les chaînes de contrats rend difficile une appréhension systématique et exhaustive  [1]. Plusieurs textes peuvent avoir vocation à s’appliquer, selon la configuration factuelle de l’espèce : le règlement Rome I sur la loi applicable aux obligations contractuelles, la convention de La Haye du 15 juin 1955 sur la loi applicable aux ventes à caractère international d’objets corporels, le règlement Rome II sur la loi applicable aux obligations extracontractuelles, voire la convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur la loi applicable à la responsabilité du fait des produits. Chacun de ces textes s’applique à des domaines matériels identifiés, domaines qui parfois sont complémentaires et parfois se superposent, sans compter les autres conditions d’application propre de chacun des textes.

17C’est dire si la voie conflictualiste est semée de chausse-trapes : une difficulté d’applicabilité peut en cacher une autre, comme l’illustre l’arrêt sous commentaire.

18À première vue, en effet, il ne posait dans le litige qu’une question, simple en apparence, d’applicabilité ratione temporis de l’un de ces textes, le règlement Rome II. Une société française ayant une activité de location de bateaux s’est portée acquéreur, le 1er juin 2006, d’un navire de plaisance. Le vendeur de ce navire, une société française également, en avait lui-même fait l’acquisition auprès d’une société croate, le navire ayant été construit par une société anglaise et équipé de deux moteurs fabriqués par une société allemande. L’un des moteurs a présenté au cours de l’année 2006 des désordres persistants qui ont apparemment conduit à son remplacement. Le 11 octobre 2006, l’acquéreur a assigné son vendeur en indemnisation, sur le fondement de l’article 1641 du code civil relatif à la garantie des vices cachés. Ce dernier a appelé en garantie le constructeur du navire et le fabricant allemand du moteur. Ce fabricant prétendait devant la cour d’appel que l’action en garantie à son encontre devait être soumise à la loi allemande, notamment en raison d’un choix de loi dans le contrat de vente des moteurs, loi en application de laquelle la demande en garantie serait prescrite. La cour d’appel a considéré, sans plus s’en expliquer, que l’action en garantie était soumise au droit français par application du règlement (CE) n° 864/2007 du 11 juillet 2007, dit « règlement Rome II ». Elle en a déduit que, par application de la loi française ainsi désignée, la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en garantie dirigée contre le constructeur du moteur devait être écartée et l’a condamné à garantir le vendeur du montant de la franchise restant à sa charge.

19La question qui se posait à la Cour était de savoir quelle règle de conflit de lois s’appliquait à la demande en garantie exercée par le vendeur intermédiaire à l’encontre du vendeur originaire du produit. À l’invitation du moyen, la Cour de cassation considère que le règlement n’est pas applicable ratione temporis et elle casse l’arrêt, au visa des articles 31 et 32 du règlement Rome II, dont il découle que « le règlement, à l’exception de l’article 29, s’applique aux fait générateurs de dommages survenus après son entrée en vigueur le 11 janvier 2009 ». En retenant, pour écarter l’application de la loi allemande revendiquée par le fabricant du moteur, que l’action en garantie engagée à l’encontre de celui-ci était soumise au droit français en application du règlement Rome II, alors que le fait générateur était survenu en 2006, la cour d’appel a violé ces dispositions. Par voie de conséquence, la cassation ainsi prononcée entraîne celle des chefs de dispositif écartant, par application de la loi française désignée suivant une règle de conflit inapplicable, la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en garantie dirigée contre le fabricant allemand du moteur et le condamnant à garantir le vendeur.

20À première vue, la logique de l’arrêt est implacable. La cour d’appel avait cru pouvoir faire application du règlement Rome II sans s’assurer qu’il était bien applicable ratione temporis, or le fait générateur du dommage étant survenu en 2006, et donc bien avant le 11 janvier 2009, la cassation s’imposait. Configuré comme une question d’applicabilité du règlement, le problème trouve une solution simple.

21Cependant, en élargissant l’angle de vue, le tableau se trouve modifié et des zones d’ombre apparaissent que la formule lapidaire de la Cour de cassation ne suffit pas à dissiper. Non pas que le syllogisme tenu soit en lui-même susceptible de critique : les règles encadrant l’applicabilité ratione temporis du règlement ont été justement appliquées par l’arrêt. L’insatisfaction provient plutôt de ce que la réponse apportée, quoique sans doute suffisante pour casser l’arrêt, laisse dans l’ombre la véritable question : celle de la règle de conflit de lois qu’il fallait appliquer en l’espèce, pour déterminer la loi applicable à la demande en garantie du vendeur intermédiaire à l’encontre du fabricant d’un produit. Cette vérification est nécessaire pour s’assurer que la loi allemande, invoquée par le fabricant, avait effectivement vocation à s’appliquer, à défaut de quoi le présent arrêt, pour logique qu’il soit, n’en sera pas moins un coup d’épée dans l’eau.

22C’est en jouant sur cette focale que l’on peut passer du petit angle adopté par la motivation de la Cour de cassation qui conclut à l’inapplicabilité ratione temporis du règlement Rome II (I), au grand angle, seul à même d’embrasser la question de droit dans toute son ampleur, qui tient à l’identification de la règle de conflit de lois applicable à la demande en garantie à l’encontre du fabricant (II).

I – Petit angle : l’inapplicabilité ratione temporis du règlement Rome II

23Le fabricant allemand du moteur entendait opposer à la demande en garantie formée à son encontre par le vendeur intermédiaire l’application de la loi allemande, apparemment en tirant argument de ce que cette loi avait été choisie par les parties au contrat de vente initial entre le fabricant du moteur litigieux et le constructeur du bateau. En application de la loi allemande, et plus particulièrement de l’article 438 du BGB, il était soutenu que l’action en justice de l’acheteur consécutive à une non-conformité ou à un vice caché se prescrit par deux ans à compter de la livraison de la marchandise. Les moteurs ayant été livrés par le fabricant allemand au constructeur du navire le 1er octobre 2004, l’action introduite par le second à l’encontre du premier le 5 septembre 2007 était prescrite. Cette allégation avait été repoussée par la cour d’appel à l’issue d’une motivation assez mystérieuse. La cour d’appel avait commencé par relever que le fabricant du moteur litigieux n’établissait pas l’existence d’un lien contractuel entre elle et le vendeur intermédiaire ni de l’acceptation par ce dernier de « la clause de compétence » résultant de la convention passée entre les deux parties à la vente initiale. La cour d’appel avait ajouté que « dans le cadre d’une chaîne internationale de contrats, la clause attributive de compétence incluse dans le contrat passé entre deux vendeurs de la chaîne n’est pas opposable au sous-acquéreur, s’il n’est pas démontré que ce tiers a eu connaissance et a accepté la clause lors de la formation du contrat ». Sans plus en justifier, la cour d’appel avait conclu que l’action engagée envers le fabricant allemand du moteur était « soumise au droit français en application du règlement (Rome II) ».

24Cette motivation, pour le moins défectueuse, était critiquée à plusieurs titres par le moyen. Celui-ci faisait notamment valoir que le règlement Rome II n’était applicable qu’aux faits générateurs de dommages survenus à partir du 11 janvier 2009 et que la cour d’appel ne pouvait en faire application cependant que les désordres ayant affecté le moteur, fait générateur des dommage invoqués, étaient survenus en 2006, soit bien avant 2009.

25Cette argumentation est suivie par la Cour de cassation qui censure l’arrêt d’appel : le fait générateur du dommage étant survenu en 2006, la cour d’appel ne pouvait pas écarter l’application de la loi allemande revendiquée par le fabricant allemand du moteur litigieux en faisant application du règlement Rome II, texte qui « s’applique aux faits générateurs de dommages survenus après son entrée en vigueur le 11 janvier 2009 »  [2].

26Cette motivation paraît devoir être approuvée. L’application de la loi étrangère était bien soulevée par une partie, et selon les règles classiques encadrant l’office du juge, il appartenait à la cour d’appel de vérifier, au besoin d’office, la règle de conflit applicable pour déterminer la loi applicable à la demande en garantie à l’encontre du fabricant  [3]. Il s’agit ici de vérifier, comme pour n’importe quelle règle de droit, que les conditions d’application en sont effectivement réunies  [4]. Cette exigence entraîne celle, pour la cour d’appel, de faire application de la règle de conflit pertinente  [5]. Il fallait donc que la cour d’appel identifie cette règle de conflit de lois pertinente.

27Or, le moins que l’on puisse dire est que cette identification n’était pas satisfaisante puisque pour écarter l’application de la loi allemande, la cour d’appel s’était bornée à considérer que « l’action engagée envers la société MAN est soumise au droit français en application du règlement Rome II ». Outre que cette formule pèche par imprécision, comme cela était souligné d’ailleurs par le pourvoi, puisque le règlement Rome II contient une pluralité de règles de conflit de lois, il fallait en toute hypothèse s’assurer que le règlement était applicable ratione temporis.

28De ce point de vue, le raisonnement de la Cour de cassation ne souffre aucune discussion. En effet, l’article 31 du règlement, intitulé « Application dans le temps », dispose qu’il s’applique aux faits générateurs de dommage survenu après son entrée en vigueur, et son article 32, intitulé « Date d’application », indique que le règlement est applicable à partir du 11 janvier 2009, à l’exception de l’article 29. Il est vrai que la rédaction de ces articles est un peu ambiguë et a donné lieu à des incertitudes regrettables tenant à la distinction entre entrée en vigueur et mise en application  [6]. Il a paru possible de soutenir que le règlement, applicable à partir du 11 janvier 2009, étendrait son emprise aux faits générateurs de dommages survenus vingt jours après sa publication, donc postérieurs au 19 août 2007. Pratiquement, le juge saisi postérieurement au 11 janvier 2009 aurait dû appliquer le règlement non pas seulement aux faits générateurs survenus après le 11 janvier 2009 mais aussi aux faits générateurs survenus à partir du 20 août 2007. La Cour de justice a eu l’occasion de clore ce débat en jugeant, dans un arrêt Homawoo, que « les articles 31 et 32 du règlement … Rome II, lus en combinaison avec l’article 297 TFUE, doivent être interprétés en ce sens qu’une juridiction nationale est tenue d’appliquer ce règlement uniquement aux faits, générateurs de dommages, survenus à partir du 11 janvier 2009 et que la date de l’engagement de la procédure en indemnisation ou celle de la détermination de la loi applicable par la juridiction saisie n’ont pas d’incidence aux fins de la définition du champ d’application dans le temps de ce règlement »  [7]. Par cet arrêt, la Cour de justice a admis que, si le règlement était effectivement entré en vigueur le 20 août 2007, il ne s’appliquait qu’aux faits générateurs de dommages survenus à partir du 11 janvier 2009.

29La Cour de cassation, sans faire directement référence à cet arrêt de la Cour de justice, n’en reprend pas moins sa substance en jugeant que, selon les articles 31 et 32, « le règlement, à l’exception de l’article 29, s’applique aux faits générateurs de dommages survenus après son entrée en vigueur le 11 janvier 2009 ». De ce point de vue, la solution est au-dessus de toute critique, sauf à regretter qu’il ait fallu attendre, dans le cas d’espèce, que le litige atteigne la Cour de cassation pour que cette solution de bon sens s’impose.

30Force est de constater que l’espèce ne constituait pourtant pas un cas difficile. En premier lieu, les faits ne se prêtaient pas à la discussion tranchée par l’arrêt Homawoo de la Cour de justice : en toute hypothèse, la cour d’appel avait elle-même relevé que les désordres étaient survenus en 2006, de sorte que même à retenir l’interprétation par ailleurs écartée par le Cour de justice (application du règlement aux faits générateurs intervenus à partir du 20 août 2007, lorsque le juge est saisi après le 11 janvier 2009), le litige n’en échappait pas moins à l’application du règlement Rome II, ne serait-ce d’ailleurs que parce que le juge avait été saisi bien avant cette date.

31En second lieu, une difficulté aurait pu être celle, classique en matière délictuelle, de la dissociation temporelle entre fait générateur et dommage, le fait générateur se produisant avant le 11 janvier 2009, et le dommage après. Ce peut être le cas notamment en cas de dommages dit « continus », qui se prolongent dans le temps. La difficulté est que l’article 31 peut se prêter à deux lectures selon que l’on considère que l’expression « survenus après son entrée en vigueur » se rapporte « aux faits (générateurs de dommages) » ou « aux (faits générateurs de) dommages ». La seconde interprétation pousserait à considérer que le règlement s’applique aux demandes en réparation d’un dommage survenu après le 11 janvier 2009, quel que soit le moment auquel est intervenu le fait générateur de ce dommage. Il existe plusieurs arguments pour préférer la première interprétation. D’un point de vue de sécurité juridique, il ne paraît pas illégitime de retenir comme élément de datation entraînant l’applicabilité du règlement le fait générateur, acte du défendeur qui entraîne sa responsabilité, plutôt que le dommage : c’est sur cet environnement normatif que le défendeur s’est fondé alors que le dommage peut se produire bien plus tard. La lettre du règlement, qui distingue très bien fait générateur et dommage, notamment pour les besoins du rattachement au sein des règles de conflit de lois qu’il porte, soutient cet argument de politique juridique  [8]. Les deux concepts étant bien différenciés, on peut supposer que si les rédacteurs avaient voulu que l’applicabilité du règlement dépende du moment du dommage, ils l’auraient clairement dit, sans faire référence au fait générateur. Enfin, la Cour de justice a aussi, quoiqu’incidemment, renforcé cette interprétation. Dans la version française de l’arrêt Homawoo, elle a indiqué, aussi bien dans les motifs que dans le dispositif que « les articles 31 et 32 du règlement […] doivent être interprétés en ce sens qu’une juridiction nationale est tenue d’appliquer ce règlement uniquement aux faits, générateurs de dommages, survenus à partir du 11 janvier 2009 »  [9]. Insérant l’expression « générateurs de dommages » entre deux virgules, elle ne laisse aucun doute sur ce que c’est bien au moment du fait générateur qu’il faut avoir égard  [10]. Il n’en reste pas moins qu’au cas présent, il ne semble pas que la victime alléguait d’un quelconque dommage après le 31 janvier 2007, date à laquelle le moteur litigieux avait été changé et l’immobilisation du navire avait cessé.

32L’application du règlement Rome II était donc vraiment injustifiable et c’est à raison qu’elle est censurée par la Cour de cassation. Ce n’est pas à dire que toute difficulté concernant l’identification de la règle de conflit de lois est dorénavant écartée. Car affirmer, comme cela suffisait au cas présent, quelle règle de conflit il ne fallait pas appliquer, ce n’est évidemment pas dire quelle règle de conflit de lois il fallait, précisément, appliquer. Pour ainsi dire, les difficultés ne font que commencer, et il faut s’extraire de la configuration étroite du litige devant la Cour de cassation pour le comprendre.

II – Grand angle : identification de la règle de conflit de lois applicable à la demande en garantie

33On sait donc que la loi applicable à la demande en garantie présentée par le vendeur intermédiaire à l’encontre du fabricant ne devait pas être désignée par application du règlement Rome II, inapplicable ratione temporis. Mais alors quelle règle de conflit mobiliser ? Une fois la réponse donnée à cette question, il sera possible d’envisager le changement qu’entraînera l’applicabilité temporelle du règlement Rome II.

34La demande du vendeur intermédiaire était dirigée contre le fabricant allemand, à l’égard duquel il n’est pas tenu par contrat, pour être garanti des condamnations prononcées à son encontre sur le fondement de l’article 1641 du code civil  [11].

35On sait que la Cour de cassation a considéré que l’action directe du sous-acquéreur contre le fabricant ou le vendeur original, à l’égard duquel il n’était pas tenu par contrat, devait être soumise à l’application de convention de La Haye du 15 juin 1955  [12].

36Plus exactement, dans ces arrêts, la Cour de cassation a appliqué à la responsabilité du vendeur-fabricant la loi désignée par la convention de La Haye de 1955 pour régir le premier contrat de vente, passé par lui avec le premier acquéreur ; ce faisant, la Cour indiquait que « la loi applicable aux actions dirigées contre le vendeur-fabricantc ne pouvait être que celle qui régissait le contrat que celle-ci avait elle-même conclu »  [13].

37C’est donc normalement la loi du contrat originaire qui a vocation à régir les actions directes du sous-acquéreur  [14]. Cette solution se justifie par ce qu’il est nécessaire, pour assurer le succès de l’action en indemnisation du préjudice subi par le sous-acquéreur, qu’il soit établi une faute du vendeur originaire, faute qui doit être appréciée au regard des obligations qui lui incombaient en vertu du contrat et de la loi applicable à celui-ci. Quelle que soit l’identité du demandeur, l’action en indemnisation intentée à l’encontre du vendeur originaire doit être qualifiée de contractuelle, « dès lors qu’elle tend à la sanction d’un manquement du défendeur aux obligations nées pour lui d’un contrat »  [15], car c’est nécessairement à la loi du contrat qu’il revient de préciser l’identité de ceux entre qui celui-ci développe ses effets. Une solution identique a été admise dans le cas d’une chaîne de contrats hétérogènes translatifs de propriété  [16].

38Reste que la convention de La Haye de 1955 contient un article 5, selon lequel « La présente convention ne s’applique pas : […] 4. aux effets de la vente à l’égard de toutes personnes autres que les parties ». Il faudrait en déduire que la convention n’a pas vocation à jouer dans les rapports entre des maillons de la chaîne de contrats, qui ne sont pas liés entre eux, comme c’est le cas en l’espèce, puisqu’ici l’appel en garantie est formulé par un vendeur intermédiaire qui n’est pas lié contractuellement au fabricant. Cela ne veut pas dire en revanche que la loi désignée par la convention pour régir le contrat initial ne doit pas être appliquée à l’action directe du tiers : « la loi désignée par la convention est susceptible de s’appliquer si l’on admet, comme le fait la jurisprudence française en matière interne, que le sous-acquéreur reçoit du vendeur les droits et actions contractuels et peut les exercer contre le vendeur initial »  [17].

39Même dans les rapports entre les maillons de la chaîne contractuelle non liés par contrat  [18], cette construction n’est pas mise en péril par la convention de La Haye de 1973 sur la loi applicable aux produits défectueux qui n’est applicable qu’au dommage causé par le produit  [19], et non au dommage causé au produit, seul en cause en l’espèce.

40À appliquer ces principes de solution, il semble bien qu’en l’espèce il fallait retenir une qualification contractuelle de la demande en garantie du vendeur intermédiaire à l’égard du fabricant, bien que le second ne soit pas le cocontractant du premier, et appliquer la loi du contrat initial, telle que désignée par la convention de La Haye de 1955, à savoir la loi désignée par les parties. Il fallait donc bien faire application de la loi allemande, loi choisie par les parties pour régir le contrat initial.

41Il est devenu traditionnel de souligner la dichotomie qui s’est installée, en la matière, entre ces solutions en matière de conflit de lois et celles qui ont cours en ce qui concerne la compétence internationale, lorsque le système de Bruxelles I est applicable  [20]. On sait que la Cour de justice a jugé, dans l’hypothèse d’une chaîne de contrats translatifs de propriété, que la notion de matière contractuelle, au sens de l’article 5.1 de la convention de Bruxelles, ne pouvait « être comprise comme visant une situation dans laquelle il n’existe aucun engagement librement assumé d’une partie envers une autre »  [21]. Cette solution posée, et régulièrement réaffirmée, la question s’est posée de savoir si la Cour de cassation allait s’en inspirer et abandonner la qualification contractuelle de l’action du sous-acquéreur dans le domaine des conflits de lois, encore non harmonisé. Jusqu’à aujourd’hui, « par une inspiration qui pourra être estimée courageuse ou anachronique selon le propre tempérament de chacun »  [22], la Cour de cassation n’a pas montré de signe de ralliement à la voie d’une qualification unitaire. C’est ainsi que dans l’arrêt du 16 janvier 2013, elle avait réaffirmé que la loi applicable à la garantie due par le fabricant devait bien être celle régissant le contrat que lui-même avait conclu, alors même que le moyen invitait explicitement la Cour à adopter la thèse inverse  [23].

42Pour autant, l’applicabilité du règlement Rome II devrait être de nature à changer les données du problème. En effet, lorsque ce texte est applicable, les règles de conflit de lois sont harmonisées, ce qui impose de respecter le champ d’application de ce texte, à savoir la matière délictuelle : par conséquent, la Cour de cassation ne devrait plus être en situation de qualifier de contractuelle, et de soustraire au champ d’application du règlement Rome II, une figure qui, selon la définition donnée de la matière délictuelle pour les besoins du texte, devrait en relever.

43On rencontre alors ici la question de savoir si, pour déterminer le champ d’application du règlement Rome II, et donc la matière délictuelle, il faut faire application des préceptes jurisprudentiels dégagés pour les besoins de l’application des dispositions spéciales en matière contractuelle et délictuelle, contenues dans les textes du système de Bruxelles. C’est la question du caractère unitaire ou dualiste des qualifications en droit international privé européen, qui a déjà fait couler beaucoup d’encre  [24].

44On sait que les règlements Rome I et Rome II contiennent un considérant 7 qui dispose que « le champ d’application matériel et les dispositions du présent règlement devraient être cohérents par rapport au règlement […] Bruxelles I » et qui fait référence chacun à l’autre texte. Après une première approche plutôt mesurée  [25], la Cour de justice s’est enhardie et, dans les arrêts Ergo[26] et Amazon[27], a affirmé le principe d’interprétation cohérente des textes du droit international privé européen  [28]. S’il « faut ainsi en déduire que les obligations contractuelles au sens de l’article 1er du règlement Rome I et la matière contractuelle visée à l’article 7.1 du règlement Bruxelles I bis ont […] un contenu identique »  [29], alors il faudrait en déduire que l’action directe relevant de l’article 7.2 du règlement Bruxelles I bis, du point de vue de la compétence, relève aussi du règlement Rome II, du point de vue des conflits de lois, en tout cas lorsque ce texte est applicable.

45C’est cette thèse qui, justement, semblait avoir été adoptée, sans doute avec une trop grande précipitation, et une excessive maladresse, par la cour d’appel dans l’arrêt ici censuré. Il ne semble pas en revanche que le vendeur originaire ait, dans ses moyens, fait valoir qu’en faisant application du règlement Rome II, la cour d’appel avait non seulement mobilisé un texte inapplicable ratione temporis, mais aussi et surtout refusé de se conformer à la jurisprudence de la Cour de cassation qualifiant de contractuelle la demande en garantie du vendeur intermédiaire à l’encontre du vendeur initial.

46La cassation, intervenue sur la base d’un moyen tiré de l’inapplicabilité temporelle du règlement Rome II, ne permet pas de dire si la Cour de cassation aurait envisagé de faire évoluer sa jurisprudence pour adopter une qualification unitaire, délictuelle, de l’action directe, alors même que le règlement ne serait pas applicable ratione temporis.

47Il n’en reste pas moins que lorsque le règlement Rome II est applicable ratione temporis, la Cour de cassation ne dispose plus de la liberté de retenir une qualification contractuelle et doit se conformer à la jurisprudence de la Cour de justice, en retenant qu’en l’absence d’engagement librement assumé d’une partie envers l’autre, l’action est délictuelle, ce qui entraîne l’application du règlement Rome II.

48Il reviendra alors effectivement au règlement Rome II de déterminer la loi applicable à l’action directe dans les chaînes de contrats translatifs de responsabilité  [30]. Le règlement ne contient pas de disposition spéciale en ce qui concerne l’action directe, il faudrait donc en revenir à la règle générale, soit l’article 4.1 qui désigne la loi du pays où le dommage survient. Au cas d’espèce, comme l’avait d’ailleurs constaté la cour d’appel à l’issue de son raisonnement d’anticipation, il s’agirait de la loi française, l’avarie y ayant été subie. On mesure la distance qui sépare cette solution de la solution antérieure qui faisait prévaloir la loi du contrat initial, loi allemande. Et ceux qui se sont laissé convaincre par les justifications, proprement décisives, avancées en faveur de la solution ancienne ne manqueront pas de souligner le caractère peu satisfaisant de cette solution. Ceux-là trouveront peut-être quelque réconfort dans l’article 4.3 qui, par le biais d’une clause d’exception, permettra – il faut l’espérer au moins – de revenir à la loi du contrat  [31].

49Ce constat oblige à jeter un regard critique sur le principe d’unité des qualifications, quoiqu’une lueur d’espoir se profile à l’horizon.

50Il faut souligner du premier point de vue que ce n’est pas en soi la qualification délictuelle de l’action directe qui est problématique, mais bien l’extension de cette qualification au champ conflictuel, entraînant l’application inévitable de règles de conflit qui sont inadaptées. Pour s’en convaincre, il suffit de rappeler la clairvoyante remarque de Bernard Audit dans son commentaire de l’arrêt Paglierani : « On pourrait donc être tenté de conclure à une curieuse dualité de qualifications dans les rapports d’un sous-acquéreur et d’un vendeur originaire […]. Le paradoxe se dissipe, cependant, si l’on dépasse la forme pour considérer la substance. En effet, l’inspiration des deux séries de décisions est la même. Quant au fond, la solution interne, s’exprimant par l’affirmation de la ‘nature contractuelle’ de l’action du sous-acquéreur, vise à éviter que le défendeur (le vendeur d’origine) ne soit tenu au-delà de ce à quoi l’engageait le seul contrat qu’il ait conclu. Transposée dans le domaine des conflits de lois, cette préoccupation conduit à faire jouer la loi du contrat d’origine, et partant la convention de La Haye, afin de respecter les attentes légitimes du vendeur quant au droit applicable […]. De même, le motif principal mis en avant par l’arrêt Jakob Handte a été le souci de “renforcer dans la Communauté la protection juridique des personnes qui y sont établies”, soit, dans le cas de la compétence judiciaire, de “permettre à un défendeur normalement averti de prévoir raisonnablement devant quelle juridiction, autre que celle de l’État de son domicile, il pourrait être attrait” […]. C’est donc en ne tenant pas compte du contrat passé par le demandeur avec le vendeur intermédiaire que cette préoccupation sera satisfaite dans les rapports avec ce vendeur initial »  [32].

51À suivre cette démonstration, la qualification extracontractuelle s’est imposée, du point de vue de la règle de compétence internationale, pour protéger le vendeur originaire des effets du contrat ultérieur ; au contraire, du point de vue des conflits de lois, la qualification contractuelle s’impose justement pour que le vendeur originaire ne puisse être tenu au-delà de ce que prévoient le contrat originaire et sa loi. Sans forcément prendre parti d’une manière générale dans le débat sur le principe d’interprétation unitaire, on mesure ici les conséquences regrettables qu’il pourrait avoir, s’il devait s’imposer de manière systématique  [33]. Tout au plus faudrait-il souligner que, profondément, ce n’est pas la qualification, pour les besoins de la détermination du texte applicable (Rome I ou Rome II) en elle-même qui est problématique : c’est la règle de conflit de lois qui en dépend  [34]. Et de ce point de vue, il peut paraître insatisfaisant que l’application à l’action directe de la loi du lieu du dommage soit le fruit non pas d’une réflexion, suivie d’une décision, sur ce qui constitue un rattachement adéquat en la matière, mais qu’elle découle – de manière accidentelle – de la qualification délictuelle, de l’application du règlement Rome II, et de celle de la règle de conflit de lois générale. Si ce texte avait, en revanche, prévu une règle de conflit de lois spéciale pour l’action directe, par exemple désignant la loi du contrat originaire, la question de la qualification perdrait largement de son acuité. Il n’en reste pas moins qu’une telle règle n’a pas été prévue et que lorsque le règlement Rome II sera applicable ratione temporis, et pour autant que la Cour de justice impose un principe de qualification unitaire, on parviendra à la solution discutable exposée plus haut.

52Encore que, et c’est la lueur d’espoir, la qualification délictuelle et l’application du règlement Rome II – le critère d’applicabilité temporelle par ailleurs rempli – ne sont peut-être pas aussi certaines que le laisserait entendre une analyse a contrario de l’arrêt sous commentaire. En effet, la qualification contractuelle en droit international privé européen a connu une évolution, d’abord de manière discrète, puis de manière plus remarquable. En témoigne un arrêt récent flightright qui portait sur des litiges relatifs à des sous-contrats de transport aérien  [35]. En l’absence d’un « engagement librement consenti d’une partie envers l’autre » entre le transporteur aérien effectif, non cocontractant, et le passager, la Cour de justice n’en a pas moins conclu à une qualification contractuelle de l’action du second contre le premier, en se fondant sur un critère un peu diffèrent du critère classique issu de l’arrêt Jakob Handte : l’« obligation juridique librement consentie par une personne à l’égard d’une autre et sur laquelle se fonde l’action du demandeur »  [36]. Ce nouveau critère a été immédiatement repris dans l’arrêt Feniks au sujet de l’action paulienne  [37]. Cette évolution, saluée peut-être davantage en son principe qu’en ses modalités  [38], serait de nature à changer la donne pour les actions directes dans les chaînes de contrat. Il est cependant difficile de dire, à ce stade de l’évolution jurisprudentielle, ce que sera la portée de ces solutions nouvelles : l’une des principales difficultés, tant du point de vue de la compétence que des conflits de lois, étant que la Cour de justice paraît fixer son attention sur le contrat auquel est partie le demandeur, alors que la doctrine et la solution de droit commun en matière de conflit de lois dans les actions directes insistaient sur le rôle du contrat auquel le défendeur est partie (la vente originaire). On voit, là encore, que la qualification générale entre matière contractuelle et matière délictuelle n’est pas si déterminante…

Notes

  • [1]
    V. J. Bauerreis, Le rôle de l’action directe contractuelle dans les chaînes internationales de contrats, Rev. crit. DIP 2000. 331.
  • [2]
    V. aussi Civ. 1re, 5 sept. 2018, n° 16-24.109, D. 2019. 1956, obs. L. d’Avout, S. Bollée et E. Farnoux ; 10 oct. 2018, n° 15-26.093, D. 2018. 1971, et les obs. ; ibid. 2019. 1016, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke.
  • [3]
    P. Mayer et V. Heuzé, Droit international privé, 11e éd., LGDJ, 2014, p. 118, n° 148 ; Civ. 1re, 22 nov. 2005, n° 02-20.122, Bull. civ. I, n° 425, p. 355 : « il incombe au juge français saisi d’une demande d’application d’un droit étranger de rechercher avec les parties et de mettre en œuvre le droit désigné par la règle de conflit de lois ».
  • [4]
    D. Bureau et H. Muir Watt, Droit international privé, t. 1, 4e éd., Puf, 2017, n° 360, p. 431.
  • [5]
    V. à propos de la convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles : Civ. 1re, 9 déc. 2003, n° 00-12.872, RDC 2004. 769, obs. D. Bureau ; Civ. 1re, 31 mai 2005, n° 03-11.136, Pourcet c/ Decoville, D. 2005. 1729 ; ibid. 2006. 1495, obs. P. Courbe et F. Jault-Seseke ; Rev. crit. DIP 2005. 465, note P. Lagarde ; RDC 2005. 1185, obs. D. Bureau. La complexe question de l’identification de la loi applicable aux actions au sein des chaînes internationales de contrats a déjà fourni plusieurs exemples. La Cour de cassation a ainsi eu l’occasion de censurer, par un moyen soulevé d’office, un arrêt d’appel qui avait cru pouvoir rechercher la loi la plus appropriée au litige « alors que la loi applicable à la responsabilité du fabricant devait être déterminée par application de la convention de La Haye du 3 octobre 1973 » (Civ. 1re, 6 févr. 2008, n° 07-12.672, RTD com. 2008. 899, obs. P. Delebecque ; Gaz. Pal. 2008, n° 82, p. 30 M.-L. Niboyet). V., cependant, déjà dans une affaire dans laquelle se posait une question de loi applicable dans une chaîne de contrat, un arrêt aux termes duquel l’acheteur n’ayant pas soutenu devant la cour d’appel que la règle de conflit était dictée par la convention de La Haye du 3 oct. 1973 et non par celle du 15 juin 1955 revendiquée par le vendeur-fabricant, « la cour d’appel, qui n’était pas tenue de changer le fondement juridique des demandes formées par les parties ni de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérantes, en a exactement déduit que la loi applicable devait être déterminée par la convention de La Haye du 15 juin 1955 », Civ. 3e, 16 janv. 2013, n° 11-13.509, D. 2014. 1059, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke ; Rev. crit. DIP 2013. 620, note D. Bureau.
  • [6]
    V. C. Nourissat, Le champ d’application du règlement Rome II, in S. Corneloup, N. Joubert (dir.), Le règlement communautaire « Rome II » sur la loi applicable aux obligations non contractuelles, CREDIMI-Litec, 2008, p. 13-28, p. 14 ; C. Brière, note sous l’arrêt Homawoo, cité infra.
  • [7]
    CJUE 17 nov. 2011, aff. C-412/10, Deo Antoine Homawoo c/ GMF Assurances SA, D. 2011. 2933 ; ibid. 2012. 1228, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke ; RTD com. 2012. 424, obs. A. Marmisse-d’Abbadie d’Arrast ; Europe janv. 2012. Comm. 54, obs. Idot ; JDI 2012. 693, C. Brière.
  • [8]
    Ainsi, l’article 4.1. désigne la loi « du pays où le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit » et l’article 7 donne à titre exceptionnel un choix au demandeur entre l’article 4.1. (loi du lieu du dommage) et « la loi du pays dans lequel le fait générateur du dommage s’est produit ».
  • [9]
    Arrêt Homawoo, préc., § 37 et dispositif.
  • [10]
    Malheureusement, cette précision bienvenue ne se retrouve pas dans la version anglaise, langue de procédure dans l’arrêt Homawoo, ce qui semble avoir autorisé, à au moins une reprise, une juridiction anglaise à retenir la seconde interprétation Alliance Bank JSC v Aquanta Corporation & Ors [2011] EWHC 3281 (Comm.) (14 déc. 2011) J. Burton.
  • [11]
    Lorsque l’acheteur original, ou intermédiaire, est actionné en réparation par son propre acquéreur, le droit interne lui permet d’agir lui-même en garantie contre son propre vendeur (v. J. Huet, Les principaux contrats spéciaux, in Traité de droit civil sous la dir. de J. Ghestin, 2e éd., LGDJ, 2001.
  • [12]
    Civ. 1re, 18 déc. 1990, n° 89-12.177, Société Menegatti ; Civ. 1re, 10 oct. 1995, n° 93-17.359, Paglierani (Sté) c/ Onyx et marbres granulés (Sté), D. 1996. 171, obs. B. Audit ; Rev. crit. DIP 1996. 332, note V. Heuzé.
  • [13]
    V. Heuzé, note préc., sous l’arrêt Paglierani.
  • [14]
    Ibid. ; v. aussi B. Audit note préc., sous l’arrêt Paglierani.
  • [15]
    V. Heuzé, La loi applicable aux actions directes dans les groupes de contrats : l’exemple de la sous-traitance internationale, Rev. crit. DIP 1996. 243, spéc. p. 262.
  • [16]
    Civ. 3e, 16 janv. 2013, n° 11-13.509, Sociétés Pascal et AXA France, D. 2014. 1059, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke ; Rev. crit. DIP 2013. 620, note D. Bureau, retenant une qualification contractuelle de l’action directe du maître d’ouvrage contre le vendeur-fabricant et déterminant la loi applicable selon les dispositions de la convention de La Haye du 15 juin 1955.
  • [17]
    B. Audit, Rép. internat. Dalloz, v° Vente, n° 56. Alternativement, il est aussi possible de considérer que, quoique la convention n’est pas applicable, il faille s’en remettre à des principes identiques tirés de la jurisprudence nationale V. Heuzé, note préc. sous l’arrêt Paglierani, p. 336. Sur cet aspect, v. les développements critiques de M. Minois, Recherche sur la qualification en droit international privé des obligations, th. Paris V, 2016, sous la dir. de T. Azzi, spéc. n° 113 s.
  • [18]
    On sait que la convention de La Haye de 1973 sur la loi applicable à la responsabilité du fait des produits n’est, selon son article 1er, alinéa 2, pas applicable aux rapports respectifs entre la personne lésée et celle dont la responsabilité est invoquée, lorsque la propriété du produit a été transférée à la première par la seconde. V. Civ. 3e, 16 janv. 2013, préc., et la note de D. Bureau.
  • [19]
    Lorsqu’il s’agit du dommage causé par le produit, c’est la convention de La Haye de 1973 qui doit s’appliquer, pour autant que la propriété ou la jouissance n’ait pas été transférée à la personne lésée par celle dont la responsabilité est invoquée (Civ. 1re, 7 mars 2000, n° 97-21.222, Rev. crit. DIP 2001. 101, note P. Lagarde).
  • [20]
    V. déjà B. Audit, note préc. sous l’arrêt Paglierani et Rép. préc. ; D. Bureau, note préc. ss l’arrêt du 16 janv. 2013.
  • [21]
    CJCE 17 juin 1992, aff. C-26/91, Jakob Handte et Cie GmbH (Sté) c/ Traitements mécano-chimiques des surfaces (Sté), D. 1993. 214, obs. J. Kullmann ; Rev. crit. DIP 1992. 726, note H. Gaudemet-Tallon ; RTD civ. 1993. 131, obs. P. Jourdain ; RTD eur. 1992. 709, note P. de Vareilles-Sommières ; JDI 1993. 469, obs. J.-M. Bischoff
  • [22]
    D. Bureau, note préc. ss l’arrêt du 16 janv. 2013.
  • [23]
    L’un des moyens soutenait que « l’action en responsabilité exercée devant une juridiction française par un maître d’ouvrage français contre la personne ayant fourni à l’entrepreneur des objets défectueux intégrés à l’ouvrage revêt un caractère nécessairement délictuel lorsque ce fournisseur a son siège à l’étranger et la loi applicable à cette action est, selon la règle de conflit de lois du for, la loi du lieu où le fait dommageable s’est produit ».
  • [24]
    V. ainsi : B. Haftel, Entre Rome II et Bruxelles I : l’interprétation communautaire uniforme du règlement Rome I, JDI 2010. Doctr. 11 ; T. Azzi, Bruxelles I, Rome I, Rome II : regard sur la qualification en droit international privé communautaire, D. 2009. 1621. V., favorable à la qualification uniforme ou moniste, M. Minois, th. préc., n° 353 s. ; défavorable, J.-S. Quéguiner, Qualification et détermination de la compétence spéciale – L’exemple de la matière contractuelle, th. Lyon 3, 2012, n° 978 s. V. aussi la synthèse M. Audit, S. Bollée et P. Callé, Droit du commerce international et des investissements étrangers, LGDJ, 2016, p. 177.
  • [25]
    M. Minois, th. préc., n° 319 s.
  • [26]
    CJUE 21 janv. 2016, aff. jtes C-359/14 et C-475/14, Ergo Insurance SE c/ If P&C Insurance AS et Gjaensidige Baltic AAS c/ PZU Lietuva UAB DK, D. 2016. 1045, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke ; Europe 2016. Comm. 119, obs. L. Idot.
  • [27]
    CJUE 28 juill. 2016, aff. C-191/15, VKI c/ Amazon EU, D. 2016. 2315, note F. Jault-Seseke ; ibid. 2141, obs. J. Larrieu ; ibid. 2017. 539, obs. N. Sauphanor-Brouillaud ; ibid. 1011, obs. H. Gaudemet-Tallon ; ibid. 2054, obs. L. d’Avout et S. Bollée ; Dalloz IP/IT 2017. 50, obs. E. Treppoz ; Rev. crit. DIP 2017. 112, note S. Corneloup ; JDI 2017. Chron. 11, L. d’Avout.
  • [28]
    M. Minois, th. préc., n° 344 s.
  • [29]
    M. Minois, th. préc., n° 347 s.
  • [30]
    S. Corneloup, La responsabilité du fait des produits, in S. Corneloup, N. Joubert (dir.), Le règlement communautaire Rome II sur la loi applicable aux obligations non contractuelles, CREDIMI-Litec, 2008, p. 84-106, spéc. p. 100 ; M.-E. Ancel, P. Deumier, M. Laazouzi, Droit des contrats internationaux, Sirey, 2016, n° 323.
  • [31]
    V. M. Minois, th. préc., n° 410 s. Selon cette disposition, « s’il résulte de l’ensemble des circonstances que le fait dommageable présente des liens manifestement plus étroits avec un pays autre que celui visé aux paragraphes 1 ou 2, la loi de cet autre pays s’applique. Un lien manifestement plus étroit avec un autre pays pourrait se fonder, notamment, sur une relation préexistante entre les parties, telle qu’un contrat, présentant un lien étroit avec le fait dommageable en question ». Cette formulation fait certes une place à un éventuel contrat, ce qui pourrait aboutir à faire prévaloir la loi du contrat initial mais deux éléments peuvent faire douter de l’efficacité du remède. D’abord, la formulation de cette disposition laisse entendre que l’éventuel contrat doit être pris en compte comme faisant partie d’une relation préexistante entre les parties, or par définition le contrat originaire ne liera pas le demandeur et le défendeur. Ensuite, le correctif n’est pas automatique : l’appréciation de liens manifestement plus étroits « pourrait se fonder […] sur une relation préexistante entre les parties », mais une telle relation, qui à proprement parler n’est pas dans une action directe « entre les parties », ne crée pas une présomption, et encore moins une présomption irréfragable, que la loi du contrat entretient des liens manifestement plus étroits avec le fait dommageable.
  • [32]
    B. Audit, note sous l’arrêt Paglierani, préc.
  • [33]
    V. dernièrement CJUE 28 juill. 2016, VKI c/ Amazon EU, aff. C-191/15, préc. professant une foi « moniste » tout en aboutissant finalement à une solution dualiste (v. B. Haftel, Action en cessation, clauses abusives et données personnelles : le dépeçage conflictuel en action, RDC 2017. 479).
  • [34]
    On retrouve ici la distinction entre les règles de conflit de lois et les règles de compétence internationale, qui tient à ce que les règles de conflit de lois sont « infiniment plus nombreuses » que les règles de compétence internationale, ce qui donne à la qualification contractuelle/délictuelle un rôle différent du point de vue des règles de compétence et des règles de conflit de lois (v. B. Haftel, art. préc.).
  • [35]
    CJUE 7 mars 2018, aff. C-274/16, D. 2018. 1366, note P. Dupont et G. Poissonnier ; ibid. 1934, obs. S. Bollée ; ibid. 2019. 1016, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke ; RTD com. 2018. 518, obs. A. Marmisse-d’Abbadie d’Arrast ; RTD eur. 2019. 165, obs. L. Grard.
  • [36]
    Arrêt flightright, préc. § 60. V. cependant les développements de M. Minois, sur l’émergence de cette expression dans la jurisprudence de la Cour de justice, th. préc., n° 436.
  • [37]
    CJUE 4 oct. 2018, aff. C-337/17, D. 2019. 516, note F. Jault-Seseke ; ibid. 1016, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke ; ibid. 1956, obs. L. d’Avout, S. Bollée et E. Farnoux ; AJ Contrat 2018. 537, obs. C. Nourissat ; RTD com. 2019. 256, obs. A. Marmisse-d’Abbadie d’Arrast
  • [38]
    V. la note critique de B. Haftel, Revirement et extension du champ de la « matière contractuelle » dans les relations à trois personnes , RDC 2019. 85.
Français

Selon les articles 31 et 32 du règlement (CE) n˚ 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (Rome II), le règlement, à l’exception de l’article 29, s’applique aux faits générateurs de dommages survenus après son entrée en vigueur le 11 janvier 2009. Viole les textes susvisés la cour d’appel qui, pour écarter l’application de la loi allemande revendiquée par le défendeur, retient que l’action engagée à l’encontre de celle-ci est soumise au droit français en application du règlement (CE) n˚ 864/2007 du 11 juillet 2007, alors que le fait générateur du dommage était survenu en 2006.

Mots clés

  • REGLEMENT ROME II
  • Applicabilité ratione temporis
  • Matière civile et commerciale
  • Distinction matière délictuelle et matière contractuelle
  • Action directe – Conflits de lois
  • Chaîne de contrats translatifs de propriété
  • Convention de La Haye de 1955 sur la loi applicable aux ventes à caractère international d’objets corporels
Étienne Farnoux
Professeur à l’Université de Strasbourg
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/05/2020
https://doi.org/10.3917/rcdip.193.0849
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