CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1Le présent Courrier hebdomadaire se penche sur une situation inédite dans l’histoire politique de la Belgique : l’effervescence intellectuelle qui s’est manifestée et les diverses mobilisations qui se sont produites dans la société civile en vue, d’une part, de répondre aux défis suscités par la pandémie de Covid-19 (maladie due au coronavirus SARS-CoV-2) et, d’autre part, de préparer la période post-crise sanitaire. L’étude se concentre sur la période de confinement au sens strict du terme, c’est-à-dire celle qui s’est étendue du 18 mars au 4 mai 2020, date à laquelle la première phase de déconfinement – dite 1a – a été enclenchée  [1]. Ce choix repose sur le fait que la mesure de confinement décidée par les autorités publiques est l’une des décisions politiques ayant porté le plus atteinte aux libertés fondamentales des citoyens belges depuis plusieurs décennies. En outre, elle a réduit la capacité de mobilisation des citoyens puisqu’il leur était alors interdit de se réunir. Certaines initiatives qui ont pris place après le 4 mai 2020 sont néanmoins prises en considération également, dans la mesure où elles prolongent ou font écho à des réflexions ou actions entamées durant la période de confinement stricto sensu.

2Une telle situation peut être qualifiée d’inédite en raison de l’ampleur des questions et thématiques mobilisées. À l’occasion de la Question royale, par exemple, un vaste débat public, accompagné de vives tensions sociales, avait pris place en Belgique entre 1945 et 1950. Mais il concernait alors une question relativement circonscrite, celle du retour de Léopold III dans ses fonctions royales. De même, dans la seconde moitié des années 1990, l’affaire Dutroux avait suscité un vaste débat de société qui s’était centré sur les dysfonctionnements constatés dans les secteurs de la police et de la justice. À cette occasion, un certain nombre de citoyens, organisés notamment dans le cadre du mouvement blanc, avaient également appelé de leurs vœux un renouveau politique et une participation accrue des gouvernés à la vie publique. Cependant, les revendications mises en avant ne concernaient pas le fonctionnement de la société considérée dans son ensemble  [2]. Le seul point de comparaison envisageable, et d’ailleurs souvent évoqué par les membres de la société civile dans leurs interventions durant la période de confinement, s’entend des projets nés pendant la Seconde Guerre mondiale pour préparer la reconstruction du pays qui devait suivre la Libération.

3Ce Courrier hebdomadaire entend donner un aperçu aussi large que possible des initiatives et des prises de position issues de la société civile qui se sont manifestées et entrecroisées à l’occasion de la crise générée par la pandémie de Covid-19. Partant, il s’attache à recenser – de façon certes non exhaustive – les mobilisations qui ont accompagné ces interventions et éclairer les constellations d’acteurs qui les ont organisées ou y ont simplement souscrit. Par société civile, on entend cet espace social intermédiaire dans lequel les citoyens sont amenés à s’organiser de façon spontanée, en faisant usage de certaines de leurs libertés fondamentales comme la liberté d’expression ou celle d’association, et ce en dehors et indépendamment de l’État, des partis politiques et des acteurs économiques. Le choix a été posé de ne pas prendre en considération de manière spécifique l’action des syndicats. Le rôle des syndicats durant la pandémie de Covid-19 a été multiple (gestion des nombreuses demandes d’indemnisation au titre du chômage temporaire, participation aux organes de la concertation sociale à tous les niveaux, mobilisation dans certains secteurs ou entreprises, etc.) et il mériterait assurément de faire l’objet d’une analyse à part entière, qui dépasse le cadre restreint de ce Courrier hebdomadaire. Ces organisations (dont la place au sein de la société civile est source de questionnements  [3]) seront dès lors essentiellement évoquées ici lorsqu’elles ont été associées à des initiatives coordonnées entre divers acteurs sociaux.

4Durant la période analysée dans cette étude, de nombreuses initiatives ont vu le jour, de sorte que, malgré le caractère assez limité dans le temps de la période examinée – le confinement, au sens strict, a duré un peu moins de sept semaines, avant que la première phase de déconfinement ne soit enclenchée le 4 mai 2020 –, on a observé la parution de multiples interventions, tribunes et autres cartes blanches dans la presse (qui ont reçu également un écho plus ou moins large sur les réseaux sociaux), de lettres ouvertes adressées aux responsables politiques, de numéros spéciaux de revues, etc. Des débats en visioconférence, des campagnes d’appel aux dons, des enquêtes participatives et des manifestations, essentiellement virtuelles, ont aussi pris place.

5Le matériau servant de base à la présente étude s’avère ainsi foisonnant. Il est composé d’initiatives citoyennes collectives et individuelles. Comme le lecteur pourra le constater, l’accent est résolument placé sur les initiatives collectives, même si des opinions individuelles sont parfois évoquées lorsqu’elles permettent de mettre en relief des éléments importants du débat public. En raison de l’ampleur des sources potentielles à exploiter, ce Courrier hebdomadaire ne prétend pas à l’exhaustivité. Il offre davantage un panorama des prises de position de la société civile – et, dans la mesure du possible, des mobilisations sociales qui les sous-tendent – nées durant le confinement. Ce sont surtout les interventions les plus emblématiques ou celles qui ont suscité le plus de réactions dans l’espace public et médiatique qui sont considérées. Certaines actions ou réflexions sont en outre uniquement mentionnées au fil de l’exposé, sans faire l’objet d’analyses approfondies et détaillées.

6Quelques points saillants de cette analyse peuvent d’ores et déjà être mis en exergue.

7En premier lieu, interviennent des acteurs très différents, dont certains sont rompus à cet exercice tandis que d’autres n’ont pas l’habitude d’intervenir dans l’espace public. À côté des interventions des associations, des personnes issues du monde académique, des intellectuels et d’un certain nombre de citoyens engagés (et qui, généralement, sont inscrits dans le tissu associatif ou entretiennent des liens avec le monde académique, voire appartiennent à celui-ci), on trouve aussi – en raison de la nature de la crise – celles émanant du personnel soignant (regroupé ou non en collectifs plus ou moins larges) : infirmières et infirmiers, médecins et en particulier virologues et épidémiologistes, etc. En effet, les derniers cités ne se sont pas contentés d’éclairer les responsables politiques ou, à travers les interviews dans les médias, de partager leur expertise avec le grand public ; ils ont également fait connaître leurs opinions par d’autres canaux.

8En deuxième lieu, les réflexions enclenchées durant la période de confinement ne concernent que rarement des enjeux uniquement locaux ou nationaux. D’une part, les débats touchent à des questions qui, en raison de leur nature même, dépassent bien souvent les frontières et se jouent à l’échelle globale. D’autre part, les acteurs étudiés se réfèrent fréquemment à des mobilisations prenant place dans un contexte autre que celui de la Belgique ou à des idées émanant d’observateurs ou d’acteurs étrangers.

9En troisième lieu, loin de conduire à la mise en avant d’un cahier de revendications bien balisé, cette période est marquée par une vaste réflexion au sein de la société civile, qui traduit l’intensité de la vie sociale et associative en Belgique au-delà des partis politiques et des organes qui y sont affiliés (en particulier, leurs centres d’études).

10Enfin, on est frappé par le nombre important d’initiatives qui ont pris place – en particulier au sud du pays, mais également au nord –, ainsi que par la nature transversale des revendications mises en avant. De manière schématique, ces revendications touchent à neuf grands pôles révélés par l’analyse thématique du corpus médiatique :

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  • le financement des services publics et, en particulier, celui du système de soins de santé ;
  • l’avenir du secteur culturel, particulièrement touché par la crise ;
  • les défis qui se posent dans le domaine de l’enseignement en temps de pandémie et au-delà ;
  • la question des inégalités sociales qui ont été mises en lumière par la crise sanitaire, avec une attention spécifique pour certaines catégories de personnes particulièrement vulnérables (sans-abri, demandeurs d’asile ou sans-papiers, femmes victimes de violences conjugales, enfants en danger au sein de leur famille, personnes surendettées, personnes âgées et notamment celles qui résident en maison de repos ou en maison de repos et de soins, etc.) ;
  • la question de la place du travail dans la société et, en particulier, celle de l’équilibre entre vies professionnelle et familiale qui devrait être repensé à la lumière des événements (outre les questions liées à la sécurité sur le lieu de travail, à la généralisation du télétravail et à la viabilité du système d’assurance chômage, la question de l’instauration d’une allocation universelle est également soulevée) ;
  • la préparation à la crise écologique et en particulier climatique en cours et à venir, non seulement en raison des ressemblances entre les deux types d’urgence impliqués – sanitaire, d’un côté, écologique, de l’autre –, mais également suite à des inquiétudes qui ont surgi quant à la sécurité alimentaire de la Belgique et de l’Europe (et, dans une moindre mesure, en raison de la rapidité avec laquelle ont pu être observés des effets bénéfiques liés à la diminution de diverses formes de pollution consécutivement au confinement) ;
  • la critique d’un système économique capitaliste fondé sur la croissance qui, outre les menaces qu’il fait peser sur la durabilité des écosystèmes, est source d’inégalités sur les plans économique et social. Une telle critique ne doit pas être confondue avec la mise en cause de certains effets plus politiques de la mondialisation qui a pu prendre la forme, dans le contexte de la crise, d’une critique émise à l’endroit de la construction politique qu’est l’Union européenne. On note également, dans certains discours, une mise en cause de la mobilité des individus en tant que telle et d’un phénomène – réel ou supposé – de porosité croissante des frontières. À partir de telles analyses, certains acteurs dénoncent un amenuisement dangereux, selon eux, de la souveraineté nationale que la crise du Covid-19 aurait révélé ;
  • la protection des droits fondamentaux mise à mal suite à l’instauration d’un état d’exception, la suspension de certains droits et libertés et la mise à l’arrêt, à tout le moins partiellement, du service public de la justice ;
  • la question du renouvellement démocratique et de la participation politique qui devrait être repensée dans un contexte politique inédit.

12Ce Courrier hebdomadaire est construit à partir de ces diverses thématiques, qu’il s’attache à analyser de façon séparée, même si des liens sont établis entre ces catégories. Il va de soi, en effet, que les interventions des acteurs sociaux, si elles se focalisent souvent sur l’une ou l’autre de ces différentes thématiques, impliquent bien souvent des réflexions qui touchent à plusieurs d’entre elles et qui suscitent des fertilisations croisées entre celles-ci. Certaines mobilisations se caractérisent en outre par leur dimension résolument transversale, des domaines extrêmement variés étant alors mis au centre d’une action collective à laquelle plusieurs acteurs concourent. C’est le cas, par exemple, de l’appel BeterNaCorona – qui a été porté en Flandre par onze médias et groupes de réflexion  [4] soucieux de voir la société civile repenser le « monde d’après » à la lumière de cette crise exceptionnelle  [5] – ou d’une initiative née au sein du monde académique, mettant en avant des analyses proposées par 123 chercheurs universitaires inscrits dans des champs disciplinaires variés de part et d’autre de la frontière linguistique (« Societal exit from lockdown / Déconfinement sociétal / Maatschappelijke exit-strategie »)  [6].

13L’étude de ces multiples interventions peut conduire au constat général suivant : le « moment corona » est perçu très largement au sein de la société civile comme une opportunité à saisir, non seulement pour faire entendre une série de revendications qui préexistaient à la crise, mais aussi pour procéder à une évaluation renouvelée de celles-ci et, plus généralement, de l’ensemble des normes sociales et juridiques qui encadrent la vie collective. Les responsables politiques et ceux des corps intermédiaires sont ainsi mis « sous pression », non seulement par la crise elle-même et ses nombreuses conséquences sur les plans sanitaire, économique et social, mais aussi en raison de cette utilisation stratégique de la crise en tant que caisse de résonance pour une série de revendications, voire en tant qu’occasion historique dont il convient de s’emparer pour opérer un changement de paradigme économique et social. Les appels à la formulation d’un nouveau pacte écologique, économique et social sont en effet nombreux  [7].

14Une explication de cette mobilisation inédite peut d’ores et déjà être proposée, qui sera rendue plus transparente dans les pages qui suivent. De nombreux acteurs sociaux semblent craindre que la gestion de la crise économique et sociale et les mesures d’austérité qu’elle engendrera éventuellement, en raison de ses effets profonds sur différents secteurs et sur les finances publiques, ne conduise à un abandon de certaines mesures radicales qui sont requises, de façon plus ou moins urgente, sur les plans écologique, économique, social et politique. La perspective qui sert de repoussoir à ces acteurs et observateurs est celle du retour au « business as usual » : de la reprise, à l’issue de la période marquée par la lutte contre la pandémie, des politiques prônées et mises en œuvre avant que celle-ci ne vienne bouleverser la vie collective. Les acteurs de la société civile qui font entendre leur voix estiment au contraire, le plus souvent, que la mise à l’arrêt de la machine économique et sociale devrait conduire à des changements radicaux, à une ère marquée par une volonté de reconstruction plutôt que de retour à la « normale ». À défaut, la répétition d’autres crises majeures dans un proche avenir est prédite, voire un effondrement de nos sociétés.

15L’intensité de la mobilisation sociale qui se manifeste après l’éclatement de la crise due au Covid-19, et ce dès les premières semaines caractérisées par de strictes mesures de confinement et de distanciation sociale en Belgique comme dans de nombreuses régions du monde, peut être mise en relation avec la radicalité des enjeux qui se posent à l’humanité, que ce soit sur le plan environnemental, économique, social ou politique. Le début du XXIe siècle est en effet marqué non seulement par l’accélération d’une crise majeure des écosystèmes aux niveaux local, national et international, mais aussi par un accroissement des inégalités économiques, par la fragilisation de certaines composantes essentielles de l’État social qui a été bâti dans le courant du XXe siècle, ainsi que par un amenuisement de l’influence du modèle démocratique sur la scène internationale en raison de l’apparition de tendances politiques autoritaires ou national-populistes de plus en plus puissantes.

16Il nous faut également faire l’hypothèse d’un autre élément explicatif, plus prosaïque, de cette intensité de la mobilisation durant le confinement, principalement en Communauté française. Du jour au lendemain, des centaines de citoyens engagés appartenant à des syndicats, des partis politiques de gauche ou des associations se sont retrouvés en télétravail, sans lien avec leur public habituel. Ces acteurs ont dès lors trouvé à réorienter leur action associative.

17On ne peut en outre pas exclure que, dans certains cas, ces prises de position poursuivent, au-delà de leur objectif affiché, d’autres buts. Durant la période de confinement, on a en effet observé, dans de nombreux secteurs de la société et dans le monde associatif en particulier, une sorte de « course à la visibilité ». Certains acteurs de la société civile ont sans doute pu percevoir dans cette situation exceptionnelle une injonction à justifier leur travail, qu’il soit militant ou scientifique. Dans bien des cas, la période de confinement s’est ainsi transformée en une fenêtre d’opportunité pour populariser un message, peut-être également pour justifier des subventions publiques avant des temps difficiles (en valorisant, par exemple, une activité militante en éducation permanente  [8]) ou – sans qu’une telle formulation ne soit péjorative – pour « occuper le terrain » et peser sur des rapports de force mis sous tension par la situation de crise, que ces derniers impliquent les autorités publiques, les corps intermédiaires ou encore d’autres acteurs au sein du tissu associatif ou de la société civile considérée de façon plus large.

18Quelques remarques d’ordre plus méthodologique doivent enfin être formulées. La méthode mobilisée dans le cadre de cette recherche est qualitative et repose sur l’analyse d’un large corpus de données médiatiques. Cela permet non seulement de proposer un panorama des initiatives citoyennes développées pendant la période de confinement, mais aussi de mettre ces initiatives en relief afin de repérer les thèmes qu’elles abordent, les acteurs ou types d’acteurs qu’elles rassemblent, les modus operandi utilisés, etc. Il convient toutefois d’aborder de tels résultats avec une certaine prudence. Primo, en raison du manque de recul temporel qui a présidé à la rédaction de ce Courrier hebdomadaire, une partie seulement de la mobilisation citoyenne peut être cernée à travers l’analyse des archives médiatiques. Un grand nombre d’initiatives peut en effet ne pas bénéficier d’un écho médiatique ou ne pas s’exprimer via les médias ; il en est ainsi de celles qui sont principalement portées sur les réseaux sociaux. Secundo, l’intervention dans l’espace public pendant la période de confinement a souvent pris la forme de cartes blanches ou de lettres ouvertes, ce qui implique un certain nombre de limites qui méritent d’être rappelées. La liste des signataires d’une carte blanche ou d’une lettre ouverte indique des convergences ou des accords entre ces personnes ou les associations qu’elles représentent sur des éléments contenus dans un texte donné à un moment donné. L’examen de la seule version publiée d’un tel texte ne permet toutefois pas, en règle générale, de savoir qui a rédigé la première version du texte ou est à l’origine de l’initiative, comment la récolte des signatures a été opérée, quel est le degré d’adhésion des signataires, etc. Autrement dit, lorsque l’on examine les prises de position recensées dans ce Courrier hebdomadaire, il convient de rester conscient qu’elles peuvent représenter, à certains égards, la pointe visible de l’iceberg que constituent les mouvements sociaux et la société civile en Belgique, dont l’activité est particulièrement riche et dont les connexions ne peuvent dès lors pas être pleinement mesurées à la seule lecture des listes de signatures. Tertio, les initiatives analysées ne constituent parfois que des étapes intermédiaires à certaines mobilisations citoyennes. Ainsi, les cartes blanches ou opinions peuvent, certes, viser à gagner en visibilité au sein de la société civile, mais elles peuvent aussi avoir pour objectif de créer un espace de convergence en vue d’une mobilisation plus intense dans le moyen voire dans le long terme.

1. Le financement des services publics et, en particulier, du système de soins de santé

19La question du financement des services publics se trouve au cœur de nombreuses réflexions ou initiatives citoyennes développées pendant la période de confinement. Plus spécifiquement, c’est surtout au secteur de la santé qu’a trait la majorité des interventions.

20Et pour cause, déjà avant l’éclatement de la pandémie, de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer, notamment, le manque d’effectifs au sein des équipes médicales et paramédicales, la précarité des conditions de travail et le sous-financement des hôpitaux.

21C’est ainsi qu’a été créé le collectif La Santé en lutte, qui se présente comme « un espace de convergence du personnel des soins de santé en lutte pour de meilleures conditions de travail et des soins de qualité pour toutes et tous »  [9] et qui rassemble des infirmiers, des sages-femmes, des médecins, des brancardiers, des aides-soignants, du personnel de la lingerie, de la restauration et de l’entretien ménager, des techniciens, des secrétaires, des laborantins, des ambulanciers et des patients. Ce collectif a vu le jour, à l’initiative de délégués syndicaux, dans la foulée de la grève féministe du 8 mars 2019, lors de laquelle les infirmières de l’hôpital bruxellois Brugmann étaient parties en grève pour la première fois depuis longtemps  [10]. Le 13 septembre 2019, le collectif a organisé une assemblée générale, lors de laquelle un ensemble de vingt revendications a été adopté (demande d’un refinancement des soins de santé, de l’arrêt de la précarité des emplois, d’une revalorisation salariale, d’un arrêt de l’hyperflexibilité forcée, etc.)  [11]. Rapidement, une pétition « pour des soins de qualité pour tous » a été lancée en ligne et une manifestation « pour la santé » a été prévue pour le 29 mars 2020  [12].

22En parallèle, à l’initiative de la Centrale nationale des employés (CNE, affiliée à la Confédération des syndicats chrétiens de Belgique - CSC), un mouvement de contestation baptisé « les blouses blanches » s’est créé le 4 juin 2019, afin que le personnel infirmier puisse faire « entendre son ras-le-bol face aux dégradations de [ses] conditions de travail »  [13]. Organisées pendant plusieurs mois, des manifestations ont notamment donné lieu à l’adoption à l’unanimité d’une proposition de loi créant un Fonds « blouses blanches » à la Chambre des représentants, le 21 novembre 2019  [14]. Néanmoins, malgré le montant débloqué en faveur du secteur paramédical, nombreuses sont restées les voix à s’exprimer afin de demander d’aller plus loin encore dans l’investissement de l’Autorité fédérale dans le secteur de la santé  [15].

23Alors que la crise sanitaire liée au Covid-19 émerge en Belgique, elle fait rapidement revenir la question du financement du secteur de la santé sur le devant de la scène.

24Le 1er avril 2020, une série de représentants de syndicats, de mutuelles et de mouvements associatifs, ainsi que des responsables et travailleurs au sein d’organisations non gouvernementales (ONG) diverses, des chercheurs, des journalistes, des réalisateurs, des artistes et des citoyens engagés publient une carte blanche dans le quotidien Le Soir afin de dénoncer le manque de moyens octroyés aux services publics et pour appeler à un meilleur financement de ceux-ci. Ils indiquent que « les coupes opérées ces dernières années dans les services publics, dans le secteur associatif, dans la culture et la sécurité sociale, particulièrement dans les soins de santé, ont lourdement fragilisé la population. L’inconcevable épisode, toujours en cours, des masques de protection sacrifiés sur l’autel de l’austérité, n’est qu’un exemple parmi tant d’autres  [16]. L’État, en devenant un acteur économique focalisé sur les aspects budgétaires, a rompu son contrat social avec les citoyen·ne·s. La santé étant tenue pour acquise en est l’exemple. L’intérêt collectif doit redevenir la priorité des politiques publiques. Estimées à quelque 10 milliards, les aides d’urgence décidées à ce jour ne pourront en aucun cas venir justifier de nouvelles coupes dans notre sécurité sociale, nos services publics, le secteur associatif ou la culture. Sous couvert de réformes structurelles qui n’en finissent plus de creuser les inégalités et de préparer la crise suivante »  [17]. Hétérogène dans sa composition au niveau des professions représentées et dépassant largement les rangs des travailleurs de la santé, ce regroupement d’acteurs de la société civile défend les services publics dans leur ensemble plutôt qu’un secteur particulier. Dans les mois qui suivront la publication de la carte blanche, il prendra la forme d’un véritable collectif, ayant pour nom « Faire front ». Principalement mobilisé sur les réseaux sociaux, ce collectif se présente comme étant « un espace de convergence sociale, écologique et démocratique »  [18].

25Allant dans le même sens, quatre secrétaires régionaux intersectoriels de la CSC Services publics – Mounia Benslama, Xavier Lorent, Gaston Merkelbach et Dominique Wilkin – défendent aussi l’idée de services publics forts dans une autre carte blanche publiée dans le même quotidien. Dénonçant la diminution continue des moyens alloués à l’État et à ses institutions et rappelant les conséquences de celle-ci, ils indiquent : « Le service public (…) a pour mission de servir l’intérêt général, l’intérêt de tous. Il ne recherche pas le profit mais offrir à tous les mêmes services. Il est un modèle de société solidaire car il redistribue l’impôt sous forme de service à la population »  [19]. Selon les signataires de la carte blanche, la crise sanitaire est une opportunité de changement à saisir pour « rebâtir une société refondée sur les services publics ». Comme l’initiative précédente et à l’inverse de plusieurs autres, le texte ne défend pas le financement des services publics dans un secteur déterminé, mais est d’une portée plus générale.

26Le 7 avril 2020, alors qu’est célébrée la journée mondiale de la santé, la Plateforme d’action Santé et solidarité (PASS) publie une carte blanche afin de défendre spécifiquement le secteur de la santé et son financement. Fondée à l’initiative des deux grandes organisations syndicales et des deux grandes mutualités, de divers réseaux et associations, d’ONG et de représentants d’universités, la PASS a pour objectif d’unir les forces de ces acteurs afin de « prévenir les conséquences de la politique néolibérale sur le plan social et sanitaire »  [20]. Collective par la composition même de cette plateforme, la carte blanche ainsi publiée est portée par un ensemble d’acteurs déjà rassemblés avant la crise sanitaire ; il ne s’agit donc pas d’une initiative provenant d’un regroupement d’acteurs ad hoc. À travers ce texte, le collectif indique qu’« avant cette crise sanitaire, les services publics et non marchand ne pouvaient plus répondre aux besoins de la population par manque de ressources... et les acteurs commerciaux sont entrés sur le “marché” pour combler le vide créé par cette politique. Ces services commerciaux offrent, aux clients les plus solvables, des services plus coûteux. Les citoyens les plus aisés peuvent donc se permettre de bénéficier de soins rapides, réguliers et de qualité. Les autres doivent se contenter des soins que les services publics et non marchand, sous-financés, peuvent encore offrir »  [21].

27Toujours à l’occasion de la journée mondiale de la santé, une action « drap blanc » est menée à l’échelle européenne par le Réseau européen contre la privatisation et la commercialisation de la santé et de la protection sociale (REPCSPS), afin d’appeler à un meilleur financement des soins de santé en Europe. Concrètement, cette action vise à appeler les citoyens à accrocher un drap blanc dans un endroit visible ou à confectionner une pancarte à leur domicile puis d’en partager la photographie, notamment sur les réseaux sociaux. L’objectif est de militer en faveur d’« un système de santé financé par les pouvoirs publics [et] accessible à tous ». Rejointe par plus de 160 organisations, cette action parvient aussi à mobiliser en Belgique. Parmi les organisations belges ayant rejoint l’action  [22], citons notamment ici beweging.net, la Centrale nationale des employés (CNE), la Confédération des syndicats chrétiens de Belgique (CSC), la CSC Services publics, les Équipes populaires (EP), la Fédération des associations sociales et de santé (FASS), la Fédération des maisons médicales et des collectifs de santé francophones (FMM), la Fédération générale du travail de Belgique (FGTB), la FGTB Centrale générale (CG), La Santé en lutte, le Mouvement ouvrier chrétien (MOC), la Plateforme d’action Santé et solidarité (PASS), la mutualité socialiste Solidaris et le Syndicat des employés, techniciens et cadres (SETCA, affilié à la FGTB). Cette mobilisation – originale par la forme qu’elle adopte – prend place dans un contexte sanitaire rendant impossible l’organisation d’un rassemblement dans les lieux publics. En outre, elle parvient à fédérer tant au sud qu’au nord du pays.

28Une carte blanche signée par Marc Uyttendaele et Jérôme Sohier – avocats et respectivement professeur et maître de conférences à l’Université libre de Bruxelles (ULB) – et publiée dans le magazine Le Vif/L’Express le 21 avril 2020 appelle elle aussi à la réflexion quant au financement des hôpitaux et, plus largement, des services publics  [23]. Alors que les deux juristes dénoncent le manque de moyens dont pâtissent les hôpitaux, ils rappellent aussi que l’impôt a notamment pour fonction de financer les services publics : « Depuis trop longtemps, l’obsession de l’équilibre budgétaire et la réduction de la fiscalité – sans réflexion sérieuse sur la manière de la rendre plus juste – ont conduit à abîmer même l’idée du service public ».

29Constitué depuis 2019 (cf. supra), le collectif La Santé en lutte est également très actif durant la période de confinement, principalement sur les réseaux sociaux. Entre autres, il y partage de nombreux témoignages de travailleurs du monde médical ou paramédical et y rappelle ses revendications. C’est notamment à l’initiative de ce collectif qu’est organisée une « haie de déshonneur » lorsque, le 16 mai 2020, la Première ministre (Sophie Wilmès, MR) effectue une visite au Centre hospitalier universitaire (CHU) Saint-Pierre de Bruxelles  [24] : à l’entrée du centre hospitalier, une centaine de membres du personnel soignant tourne le dos au convoi de voitures au fur et à mesure de son avancée. Cette action connaît une médiatisation particulièrement importante.

30À côté de ces initiatives à caractère collectif, plusieurs opinions individuelles attirent l’attention sur un sous-financement des soins de santé en Belgique. Dans une carte blanche publiée dans Le Soir le 26 mars 2020, Édouard Delruelle, professeur à l’Université de Liège (ULiège) et président de l’Union nationale des mutualités socialistes (UNMS), déplore le définancement de l’État social qu’ont selon lui réalisé les gouvernements fédéraux Michel I (N-VA/MR/CD&V/Open VLD) et Michel II (MR/CD&V/Open VLD) de 2014 à 2019 et qui, à ses yeux, s’est traduit de différentes manières : « Des centaines de millions d’euros d’économies directes sur les patients ; une explosion des suppléments d’honoraires, en raison du sous-financement des structures hospitalières ; un cadeau de 800 millions d’euros à l’industrie pharmaceutique ; une offensive incompréhensible contre les maisons médicales, etc. »  [25]. Dans une autre carte blanche, Nathan Clumeck, professeur émérite en maladies infectieuses à l’ULB et au CHU Saint-Pierre, réclame également que soit revue « la politique de financement de nos soins de santé, qui – si elle reste liée au résultat de la croissance – ne va jamais pouvoir répondre aux défis qui nous attendent encore et pour longtemps en termes de santé publique »  [26]. D’autres, comme Philippe Leroy, directeur général du CHU Saint-Pierre, invitent à repenser les critères en vertu desquels les hôpitaux sont financés, suggérant de remplacer le financement à l’acte effectué par un financement reposant sur plusieurs piliers : « Des forfaits pour 80 % des prises en charge ; un financement “au prix coûtant” pour 20 % des cas complexes (médicaux/sociaux) ; un bonus pour l’atteinte d’objectifs de qualité ou la réussite de projets »  [27].

31Au-delà des appels pour un financement plus important des services publics, la question de la provenance des moyens utiles à ce financement est aussi posée. La notion de justice fiscale, considérée de façon plus large, s’invite spécifiquement dans les débats.

32En témoigne une initiative du Réseau pour la justice fiscale (RJF) – qui réunit les syndicats et une trentaine d’ONG, de mouvements et d’associations de Wallonie et de la Région bruxelloise, dont le Centre national de coopération au développement (CNCD-11.11.11) –, qui met en avant un certain nombre de réflexions et de revendications. Celles-ci préexistaient certes à la crise, mais elles sont réactivées par elle, et en particulier par la perspective de la grave crise économique qui risque de peser dramatiquement sur les finances publiques. En résumé, dans son communiqué du 5 mai 2020, le RJF estime que, s’il importe certes que l’État puisse soutenir les entreprises ayant été touchées par les conséquences de la crise sanitaire, il est également crucial que ces aides soient conditionnées à une plus grande transparence de la part de ces entreprises quant à leurs pratiques fiscales, afin d’éviter que les contribuables n’apportent leur soutien à des entreprises qui favorisent l’évasion fiscale.

33Avant cela, l’Association pour une taxation sur les transactions financières et l’action citoyenne (ATTAC)  [28] a déjà porté une initiative visant à lutter contre l’évasion fiscale. Concrètement, dès le 25 février 2020, ATTAC lance un vaste appel à destination des citoyens et des associations pour porter plainte contre les organisateurs de la fraude fiscale. Pendant la durée du confinement, le mouvement rappelle que l’évasion fiscale est à l’origine du sous-financement des services publics, notamment dans le secteur de la santé. Par conséquent, il relaie de manière d’autant plus importante son appel durant cette période : « La pandémie du Covid-19, dit coronavirus, a tragiquement mis en lumière le coût humain du désinvestissement dans les systèmes de soins de santé. Celui-ci tient en dernière instance aux politiques d’austérité qui, depuis des décennies, mettent à mal nos services publics sous prétexte de raréfaction des richesses… Alors même que celles-ci n’ont jamais été aussi abondantes ! Cette pénurie de façade porte un nom : l’évasion fiscale. Elle est rendue possible par ceux qui contribuent à la mettre en œuvre : certains avocats fiscalistes, experts-comptables et réviseurs d’entreprises »  [29].

34De leur côté, la plateforme d’Audit citoyen de la dette publique en Belgique (plateforme ACIDe)  [30] et le Comité pour l’abolition des dettes illégitimes (CADTM)  [31] plaident en complément pour un moratoire sur le paiement de la dette de la Belgique, pour la réalisation d’un audit de cette dette impliquant les citoyens, pour la restructuration de cette dette incluant son annulation partielle et pour la modification des modes d’intervention de la Banque centrale européenne (BCE) pour soutenir les États.

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36Alors que les initiatives – collectives ou individuelles – portant sur le financement des services publics sont nombreuses durant la période de confinement, sans surprise, elles traitent principalement du financement du secteur de la santé. Les organisations et les citoyens mobilisés sur cette question proviennent d’horizons variés : tantôt du monde médical ou paramédical, tantôt du monde académique, tantôt du monde syndical et mutuelliste, tantôt du monde associatif au sens large. Néanmoins, tous partagent un même constat, celui d’un sous-financement du département de la santé, et une même conviction, celle de la nécessité d’investir de façon plus importante dans ce secteur. Alors que la question était déjà au cœur de l’agenda politico-médiatique en 2019, particulièrement depuis la constitution du collectif La Santé en lutte et les actions menées par les « blouses blanches » au début du mois de juin, la société civile entend ainsi l’y maintenir encore dans la foulée de la crise sanitaire. Plus largement, ces acteurs partagent un attachement à des services publics forts et correctement financés et à une sécurité sociale solide, gages d’accès égal aux services collectifs, notamment de santé.

37Un second type d’initiatives – moins nombreuses durant la période investiguée – porte davantage sur l’origine des moyens destinés à l’accroissement du financement des services publics. À travers la rédaction d’une carte blanche, de divers articles et d’un appel à porter plainte contre les organisateurs de la fraude fiscale, celles et ceux qui se mobilisent défendent le principe de la justice sociale.

2. La culture et le sport, deux secteurs particulièrement exposés durant la crise

38Les mesures de distanciation sociale et ensuite de confinement appliquées par le gouvernement fédéral Wilmès II (MR/CD&V/Open VLD) à partir du 14 mars 2020 frappent de plein fouet le secteur de la culture, en particulier celui du spectacle vivant. La Société belge des auteurs, compositeurs et éditeurs (SABAM) calcule ainsi que, jusqu’à la fin du mois de mars, pas moins de 8 935 événements sont rayés du calendrier en Belgique  [32]. En outre, les salles de cinéma subissent également l’impact des mesures de fermeture des commerces considérés comme non essentiels ; il en va de même des secteurs de la vente de livres et de supports musicaux. Le secteur du sport, qu’il soit professionnel ou amateur, est également durement touché par les mesures de confinement décidées par le Conseil national de sécurité (CNS).

2.1. La culture

39Dès le 17 mars, cette situation amène certaines associations d’artistes à pousser un cri d’alarme. Le président du Genootschap van Artiesten Lichte Muziek (GALM, une association flamande rassemblant des artistes de variétés), Tom Kestens, s’interroge : pourquoi aider les cafés et les restaurants, et pas le monde culturel ? Il plaide pour la mise en place d’un fonds d’urgence  [33].

40Le lendemain, 18 mars, la plateforme numérique State of the Arts (SOTA) ouvre une ligne téléphonique directe pour enregistrer des témoignages d’acteurs du secteur culturel. SOTA réunit des artistes flamands  [34] qui y adhèrent à titre individuel, mais également certaines organisations comme le GALM déjà cité, l’Acteursgilde (littéralement : « guilde des acteurs ») et le Nieuwe Internationaal Cultureel Centrum (NICC), une association anversoise de promotion de l’art plastique contemporain. SOTA a vu le jour en 2014, en réaction aux premières mesures d’austérité décidées par le gouvernement flamand Bourgeois (N-VA/CD&V/Open VLD, formé le 25 juillet 2014). La plateforme et d’autres organisations culturelles flamandes ont également mené des actions à l’automne 2019, lorsque le gouvernement flamand Jambon (N-VA/CD&V/Open VLD, formé le 2 octobre 2014) a décidé de réduire sensiblement les subventions à de nombreuses organisations, y compris culturelles, de la société civile  [35].

41La préoccupation première de SOTA est la précarité qui caractérise la situation des artistes en temps de confinement. L’organisation crée d’ailleurs un « outil de solidarité » en ligne (@sosrelief.net) ; de même, elle fait partie de la « taskforce cultuur » de l’administration flamande, qui se penche sur les modalités de mise en place du fonds d’urgence (« noodfonds ») que compte installer le gouvernement flamand sur la base du décret flamand du 20 mars 2020  [36]. Le 20 avril, la plateforme signe, avec plusieurs autres associations d’acteurs culturels – parmi lesquelles Artists United  [37], la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), l’Unie van Regisseurs, l’Union des artistes du spectacle (UAS) et la Vlaamse Auteursvereniging (VAV) –, une liste de revendications adressées à la fois à la ministre fédérale de l’Emploi, de l’Économie et des Consommateurs (Nathalie Muylle, CD&V) et au gouvernement flamand Jambon, demandant des mesures pour la protection sociale des artistes autonomes ou non subventionnés (extension du régime de chômage temporaire, compensations internes au secteur, intervention des pouvoirs locaux). Ces revendications seront relayées, lors de la réunion du 30 avril 2020 de la commission en charge de la Culture au sein du Parlement flamand, par le député Gustaaf Pelckmans (Groen)  [38].

42Cette thématique est en effet le premier sujet dont s’emparent les porte-parole associatifs. Ils s’adressent de ce fait tant au niveau fédéral (compétent pour ce qui est du statut professionnel des artistes et de leur accès aux allocations de chômage) qu’aux Communautés (qui ont en charge les matières culturelles). Le statut de l’artiste se trouve également au cœur de plusieurs cartes blanches individuelles publiées au cours de la période de confinement. Par exemple, le pianiste, comédien et auteur Pierre Solot s’exprime dans L’Écho du 21 avril sous le titre « Les musiciens ne sont même pas des juke-box ». Il y insiste aussi sur un autre aspect « culturel » du confinement : le fait que, le lien entre l’artiste et son public ne pouvant se maintenir que virtuellement, l’idée d’une gratuité des prestations artistiques finit par faire son chemin au détriment du travail produit par les acteurs culturels  [39].

43La nécessité de prendre des mesures d’urgence pour préserver la survie économique des artistes est soulignée à plusieurs autres reprises. Le 31 mars 2020, un collectif de signataires publie un « Manifeste pour soutenir les travailleurs et travailleuses de la culture », qui demande de mettre en place cinq mesures d’urgence : la création d’un système d’enregistrement en ligne des pertes financières, l’immunisation du statut d’artiste, l’élargissement du chômage temporaire, la mise en place d’un fonds de solidarité exceptionnel et la création d’une cellule d’accompagnement  [40]. Le Manifeste insiste sur le fait que les financements ne doivent pas être portés par la population mais « par les épaules les plus larges de notre pays. Nous pensons aux multinationales, notamment aux GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) et aux multimillionnaires ». Parmi les signataires, figurent des noms d’artistes connus (Fabrice Murgia, Claude Semal, Philippe Sireuil ou Freddy Tougaux) et quelques organisations culturelles comme l’Association de techniciens professionnels du spectacle (ATPS) et la Fédération des auteurs compositeurs et interprètes réunis (FACIR).

44Une autre initiative du même type suivra, mais après le 4 mai 2020 : une lettre ouverte (« Manifeste ») que signeront plusieurs milliers de personnalités du secteur (dont, parmi les plus connues, Angèle, Michèle Anne De Mey, Romeo Elvis, Thomas Gunzig, Joachim Lafosse, Mousta Largo, Jaco Van Dormael et Bernard Yerlès) ainsi que des associations sous le label « Your culture, our future » : « Nous ne verrons pas la fin de la crise, nous serons morts avant ! ». Plusieurs sociétés (dont un certain nombre travaillant dans l’événementiel) et organisations signeront également ce texte, qui sera rendu public le 11 mai 2020 et dont les initiateurs organiseront, le 14 mai, une « action coup de poing » en égrenant, dans la salle (quasi) vide de Forest National à Bruxelles, les signes du spectacle (lumières, trois coups, applaudissements, briquets allumés) sur le mode de l’absence  [41].

45Début mai, le Mouvement des étudiant·e·s et travailleu·ses des arts en lutte (METAL)  [42] demande l’adoption rapide d’une proposition de loi qui a été déposée à la Chambre des représentants par le groupe Écolo-Groen  [43] sur la création d’un fonds solidaire, l’accessibilité de ce fonds aux étudiants, précaires et travailleurs des arts et une série d’autres mesures concernant ces derniers  [44]. Les signataires du texte sont des étudiants, comédiens et auteurs à titre individuel, mais aussi des organisations étudiantes et des fédérations professionnelles comme l’UAS et la Chambre des compagnies théâtrales pour adultes (CCTA).

46L’autre sujet traité dans l’urgence est la nécessité, à la fois de pouvoir reprendre une vie culturelle au plus tôt (un artiste sans public perdrait sa raison d’être) et d’associer le secteur culturel aux modalités du déconfinement. Tel est notamment l’objet de la lettre ouverte adressée le 30 avril 2020 à la Première ministre à l’initiative de trois praticiennes du théâtre (Selma Alaoui, Florence Minder et Anne-Cécile Van Dalem), signée par plus de 1 100 « artistes de la scène »  [45].

47Le même souci de l’urgence amène cinq personnalités du monde de la production cinématographique et télévisuelle belge à plaider, dans une carte blanche adressée au gouvernement fédéral et plus spécifiquement à son ministre des Finances (le vice-Premier ministre Alexander De Croo, Open VLD), pour une adaptation des règles du tax-shelter belge. Sous le titre « Il faut sauver le soldat cinéma ! », ce texte plaide pour une augmentation des plafonds d’exonération, un élargissement des mesures d’antériorité éligibles et la sécurisation des conventions déjà signées. Cette adaptation, soulignent les signataires, « pourrait, sans vider les caisses de l’État, éviter bien des catastrophes et relancer une machine audiovisuelle dont les études ont démontré qu’au-delà d’assurer la qualité artistique de notre diversité culturelle et de créer des emplois et des entreprises, elle générait des revenus pour la collectivité ». La carte blanche, rédigée en français et en néerlandais, est signée par des responsables de ce que l’on pourrait appeler des « guichets » (c’est le terme qu’ils emploient eux-mêmes) publics de ce mécanisme d’exemption fiscale : Jeanne Brunfaut, directrice du Centre du cinéma et de l’audiovisuel (CCA, organe de la Communauté française), Noël Magis, directeur général de Screen.Brussels Fund, Erwin Provoost, directeur du Vlaams Audiovisueel Fonds (VAF), Philippe Reynaert, directeur général de Wallimage (fonds d’investissement wallon dans l’audiovisuel), et Jan Roekens, chef de Screen Flanders  [46].

48Les mesures prises par les gouvernements communautaires suscitent des débats parlementaires, qui permettent eux aussi d’en savoir plus sur les réactions des milieux culturels, dont ils se font notamment l’écho.

49C’est surtout vrai en Communauté française, où le gouvernement Jeholet (PS/MR/Écolo) prend dès le 19 mars 2020 la décision de principe de créer un fonds d’urgence et de soutien pour les opérateurs, les travailleurs et les usagers des secteurs frappés par la crise sanitaire due au Covid-19. Ce fonds est créé le 7 avril 2020  [47]. Le 23 avril suivant, le gouvernement adopte les textes organisant l’accès à ce fonds pour les bénéficiaires relevant de certains secteurs culturels  [48]. L’enveloppe maximale réservée à la culture dans le fonds d’urgence s’élève à 8,6 millions d’euros en 2020. Les conditions d’accès et la répartition de ce fonds d’urgence font l’objet d’un débat en commission au Parlement de la Communauté française le 28 avril 2020 ; plusieurs orateurs se font l’écho des revendications et des inquiétudes exprimées par les « opérateurs culturels » (c’est la formule utilisée par la députée Joëlle Maison, Défi). À cette occasion, la ministre de l’Enfance, de la Santé, de la Culture, des Médias et des Droits de femmes, Bénédicte Linard (Écolo), donne une liste relativement longue des fédérations professionnelles et organisations qu’elle a consultées, qui donne un aperçu du nombre d’associations actives dans le secteur. Lors de la discussion, divers intervenants soulignent la disparité qui caractérise ce dernier. Ainsi, Matteo Segers (Écolo) indique : « Depuis huit semaines, la plupart des députés de cette commission (...) ont passé de longues heures à répondre à d’innombrables sollicitations du monde culturel. Cela est dû au fait que tous les secteurs artistiques et culturels ne sont pas encore fédérés et que chaque personne et chaque réalité appellent à une réponse »  [49].

50En Communauté germanophone, est adopté un « décret de crise 2020 », qui met à la disposition du Fonds de participation et de financement de cette Communauté (Beteiligungs- und Finanzierungsfonds der Deutschsprachigen Gemeinschaft) un montant supplémentaire de 10 millions d’euros, destiné à aider les organisations (notamment culturelles) dans le cadre de la pandémie  [50].

51Mais au-delà des deux thèmes évoqués ci-dessus, c’est la place de la culture dans la société qui est mise en avant. Soit en raison de son impact économique (il est régulièrement rappelé que le secteur culturel représente quelque 5 % du PIB), soit sur un plan plus sociétal voire philosophique.

52Dans la première catégorie, figurent notamment les éditeurs et les auteurs. Ainsi, le 26 avril, une trentaine d’auteurs rédigent un texte intitulé « Auteurs : le point final ? » dans lequel ils disent regretter qu’aucun dispositif d’aide ne soit prévu en leur faveur. Ces personnes signent toutes à titre individuel (il s’agit notamment, parmi les plus connues, de Laurent de Sutter, Adeline Dieudonné, Vincent Engel, Thomas Gunzig, Marc Hardy, Caroline Lamarche, François Schuiten et Nicolas Vadot)  [51]. Dans la deuxième catégorie, se trouvent de nombreuses cartes blanches écrites le plus souvent par des individus comme Stéphane Louryan, professeur à l’ULB  [52], et Paul Dujardin, chief executive officer (CEO) du Palais des Beaux-Arts (Bozar)  [53]. Dans ce dernier exemple, l’auteur s’interroge également sur les conditions de la réouverture des salles de spectacle et expositions, qu’il juge indispensable.

53Sous un slogan ayant déjà servi auparavant à plusieurs reprises (et qui est le titre d’un livre du Canadien Simon Brault), un groupe se crée également pour avancer des revendications propres au secteur culturel, y compris dans le domaine audiovisuel : No Culture No Future. Les mesures proposées sont soutenues par plusieurs organisations, à savoir l’Association des réalisateurs et réalisatrices francophones (ARRF), l’Association des réalisateur.trice.s-producteur.trice.s indépendant.e.s (ARPI), l’Association des scénaristes de l’audiovisuel (ASA), la Fédération des créateurs et interprètes de l’audiovisuel et du cinéma (Pro Spere), Hors champ (association des métiers du cinéma et de l’audiovisuel), le METAL, l’Union des artistes (qui rassemble des artistes actifs dans le domaine du spectacle) et l’Union des producteurs francophones de films (UPFF). La plateforme propose des mesures d’urgence (guichet unique de crise, transparence de la ventilation du fonds d’urgence, chômage temporaire, etc.), des mesures de relance et des mesures spécifiques au secteur audiovisuel (fonds de garantie pour les tournages, aménagement des règles relatives au tax-shelter, mise à contribution des plateformes numériques dans le financement des films, etc.)  [54].

54Réagissant à une carte blanche du ministre-président du gouvernement de la Communauté française, Pierre-Yves Jeholet (MR), parue dans les colonnes du Soir le 4 mai 2020  [55], la Fédération des employeurs des arts de la scène (FEAS)  [56] adresse de son côté une lettre ouverte à P.-Y. Jeholet, lui indiquant que les objectifs qu’il se donne ne pourront être atteints sans l’établissement d’un « plan global d’accompagnement budgétaire et logistique » de la crise et sans une « revalorisation du financement de la culture » ; cette lettre ouverte demande avant tout au ministre-président d’associer les acteurs culturels à toute réflexion sur les mesures à prendre  [57].

55Enfin, certains partagent leurs réflexions quant à la nécessité de repenser l’ensemble de la culture – et singulièrement, en l’occurrence, les spectacles d’art vivant – à l’aune de la crise, voire au-delà.

56Dans cette dernière catégorie, figure Michael De Cock, directeur artistique du Koninklijk Vlaams Schouwburg (KVS), auteur d’un texte intitulé « Rêvons d’un autre théâtre » (Le Soir, 27 avril). Après avoir souligné l’importance de la culture, y compris et peut-être surtout en temps de crise, M. De Cock estime qu’« il ne serait pas intelligent de recycler d’anciennes recettes » et qu’il faut trouver « de nouvelles manières de présenter et de faire vivre » les spectacles d’art vivant  [58]. On trouve la même opinion sous la plume de Nathanaël Harcq, directeur du Conservatoire royal de Liège (CRLg) et secrétaire général de Théâtre & Publics (un centre de recherches et de pratiques théâtrales existant depuis 1983), lequel publie dans le journal La Libre Belgique du 4 mai 2020 un texte au titre explicite : « Ce qui adviendra dans nos théâtres ces prochains mois ne peut se réduire à la reproduction dégradée de nos anciennes pratiques ».

57De façon plus générale, l’idée de consacrer une réflexion collective à la place de la culture dans la société et à l’action des pouvoirs publics en la matière est avancée par de nombreux protagonistes de ce dossier. Ainsi, les signataire de la lettre ouverte « Your culture, our future » (cf. supra) demandent la convocation d’« États généraux de la culture et de l’événementiel » (auxquels ils seraient associés). De même, l’initiative baptisée l’Apprêt contient un chapitre (une « chaloupe ») consacré à l’enseignement et à la culture, qui doit (en vertu même de la philosophie qui sous-tend cette initiative) faire l’objet d’une discussion entre « citoyens et acteurs de la société civile ». L’Apprêt est un mouvement qui vise à fédérer les citoyens afin de présenter, en septembre 2020, un cahier d’ultimatums aux responsables politiques pour une société plus solidaire et égalitaire ; le mouvement, qui est organisé sur la base de six « chaloupes » thématiques, se veut apolitique et participatif.

2.2. Le sport

58Il est un point que les manifestations culturelles partagent avec l’une des autres matières dites culturelles qui sont du ressort des Communautés : le sport. Ce point est la différence entre, d’une part, de grands événements générateurs de recettes commerciales considérables et, d’autre part, des productions de moindre ampleur qui ne survivent que grâce à l’appui des pouvoirs publics. Les mesures de confinement n’épargnent aucune de ces deux catégories, dans un cas comme dans l’autre. Mais si le sport-spectacle (les compétitions de football ou les grandes courses cyclistes, par exemple) est touché par l’interdiction de tout rassemblement  [59], le sport amateur souffre lui aussi ; les entraînements ne pourront d’ailleurs reprendre que le 18 mai 2020. Paru dans les colonnes du journal Le Soir, un texte de Thierry Zintz, professeur à l’Université catholique de Louvain (UCLouvain), souligne que si la règle sportive est soumise à la loi publique – et si, par voie de conséquence, le sport-spectacle doit lui aussi s’y plier –, il importe que les pouvoirs publics financent « de nouvelles façons de faire du sport et de l’activité physique à domicile ou en très petits groupes », de renforcer aussi « les politiques innovantes » en la matière  [60]. Et quand viendra le moment de déconfiner le sport, ajoute-t-il, de le faire « pour un mieux ».

59Pour sa part, la Vlaamse Sportfederatie (VSF, coupole des fédérations et des clubs sportifs en Flandre) fait réaliser deux enquêtes (le 19 mars et le 27 mai) afin de mesurer auprès de ses membres l’impact de la crise  [61] ; le 22 avril 2020, elle adresse un courrier au ministre flamand en charge des Sports (Ben Weyts, N-VA) dans le cadre de la répartition future du fonds d’urgence  [62] et, le 28 avril, elle lance en outre un appel en faveur de mesures à prendre sur le plan local  [63]. L’Association des établissements sportifs (AES) et l’Association interfédérale du sport francophone (AISF) interrogent elles aussi leurs membres début avril, et rendent publiques des conclusions indiquant que, « pour les clubs, les pertes vont se multiplier », les clubs semblant davantage impactés que les fédérations  [64].

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61Dans le domaine culturel, ce sont donc surtout les professionnels du secteur qui se manifestent dans le cadre de la réflexion collective visant à préparer le déconfinement – que ce soit pour réclamer des mesures d’urgence ou un déconfinement plus rapide, ou pour énumérer des revendications plus structurelles et plus durables. Mieux organisés, les artistes de la scène et du spectacle sont les plus présents. Sur la question de la place qu’aura la culture dans la société de l’après-Covid-19, ce sont principalement des individus – représentants toutefois d’institutions connues – qui prennent la plume et le micro. Faut-il en déduire, comme le note un journaliste, que, « à part les artistes déplumés, les acteurs de première ligne de la chaîne culturelle et quelques sympathisants, tout le monde se fout en ce moment de la survie des cinémas, des théâtres, des musées ou des librairies, du moment que les robinets Netflix et Amazon continuent à couler... »  [65] ?

62Depuis la révision constitutionnelle du 24 décembre 1970, la culture fait partie des compétences dévolues aux Communautés. Pourtant, bon nombre des cartes blanches et autres lettres ouvertes publiées dans l’effervescence du confinement s’adressent à des ministres fédéraux ou, lorsqu’elles ont une portée plus générale, sont signées conjointement par des praticiens francophones et néerlandophones de la culture. Outre que les enjeux liés au statut de l’artiste relèvent du pouvoir fédéral, ce n’est pas un phénomène nouveau. Le secteur de la culture, en tout cas celui des acteurs culturels, est souvent beaucoup moins « scindé » sur le plan communautaire que les administrations dont il relève. On se souviendra que, au moment de la longue crise politique de 2010-2011, des artistes francophones et néerlandophones avaient agi ensemble pour dénoncer une situation qu’ils jugeaient néfaste à la société belge, sous le slogan « Pas en notre nom/Niet in onze naam » ; ils dénonçaient expressément le séparatisme, ce qui leur avait d’ailleurs valu l’opprobre des partis nationalistes flamands (dont le Vlaams Belang  [66]).

63Quant aux modes d’action utilisés par le secteur, figurent des pratiques courantes comme la carte blanche ou la lettre ouverte, mais aussi d’autres qui sont plus neuves : l’enquête systématique en ligne sur le vécu des acteurs, voire des manifestations forcément interdites pendant le confinement mais rendues possibles grâce à une inventivité très artistique (l’action à Forest National, par exemple).

3. Les modalités et L’avenir de l’enseignement

64Comme les salles de spectacle, les cinémas, les restaurants, les cafés et la plupart des magasins  [67], les établissements d’enseignement ferment leurs portes dès le début de la période de confinement. Ce sont, bien évidemment, des lieux de rassemblement non seulement des élèves ou étudiants, mais aussi des enseignants, voire des parents et grands-parents. La plupart des établissements d’enseignement supérieur ferment volontairement leurs portes avant même l’entrée en vigueur des mesures de confinement édictées par les pouvoirs publics, décidant de ne plus donner d’enseignement qu’à distance. La fermeture de l’ensemble des écoles intervient le 14 mars 2020, une possibilité de garderie étant néanmoins maintenue pour les enfants de maternelle et de primaire dont les parents ne disposent pas d’une autre solution de garde.

65La fermeture des établissements d’enseignement à tous niveaux pose plusieurs problèmes. Certains se présentent dans l’immédiat, comme la question des examens de fin d’année, dont tout indique qu’ils ne pourront pas se tenir comme prévu ou du moins aux dates prévues. D’autres se présentent à plus long terme : les inégalités scolaires ou l’enseignement numérique (à distance). D’autres encore sont de nature plus générale : l’opportunité ou non d’une révision des méthodes d’apprentissage. À quoi vient s’ajouter le fait que l’enseignement est depuis longtemps du ressort des Communautés, alors que les mesures sanitaires frappent indistinctement les établissements partout dans le pays. Enfin, la crise économique est susceptible de frapper durement les étudiants en situation de fragilité financière, à qui l’accès aux emplois temporaires ou saisonniers est, en règle générale, devenu plus problématique du fait de la crise.

3.1. Les examens

66La question de l’organisation des examens de fin d’année, voire de fin d’études, mais aussi des possibilités de repêchage en cas d’échec imputable à la pandémie est de celles dont s’emparent d’emblée les organisations étudiantes (actives dans l’enseignement supérieur : universités, hautes écoles et écoles supérieures des arts).

67Dès le 16 mars 2020, La Fédération des étudiant·e·s francophones (FEF) diffuse un texte qui traite entre autres de cette question, intitulé « Mémorandum sur les mesures relatives au Covid-19 dans l’enseignement supérieur »  [68]. S’y trouvent une série de « demandes » portant sur l’évaluation des études, notamment le report des mémoires et travaux de fin d’études, ainsi qu’une adaptation de la méthodologie des évaluations.

68Pour sa part, la Vlaamse Vereniging van Studenten (VVS) publie sur le sujet plusieurs communiqués. Le 27 mars, elle rend public un avis (« advies ») sur « l’impact du Covid-19 pour les étudiants », dans lequel elle demande en particulier de garantir la participation des étudiants dans le cadre des dérogations qui seront accordées en matière d’examens et autres évaluations, de ne pas limiter les droits à une seconde session et de repousser les délais de recours  [69]. Par la suite, la VVS exprime sa satisfaction lorsque le Parlement flamand adopte, le 16 avril 2020, un décret « relatif aux mesures dans l’enseignement supérieur pour l’année académique 2019-2020 suite à la crise du coronavirus »  [70], qui organise le report possible de certains examens et impose la concertation, pour fixer le moment des évaluations, avec les étudiants et leurs organisations. Les conseils étudiants de plusieurs universités flamandes se rallient à ces propositions (par exemple, celui de l’université de Gand  [71]).

69Les associations de parents d’élèves de l’enseignement primaire et secondaire ne sont pas en reste. La Fédération des associations de parents de l’enseignement officiel (FAPEO) réalise ainsi une enquête sur la continuité des apprentissages pendant les trois premières semaines de confinement, dont les résultats sont publiés le 7 avril. Il en ressort, en particulier, que deux parents d’élèves sur trois sont opposés au maintien des examens de fin d’année  [72].

70En Communauté flamande, un conflit oppose sur le sujet le ministre en charge de l’Enseignement, Ben Weyts (N-VA), et la coupole de l’enseignement officiel GO!. Le 21 avril 2020, cette dernière recommande aux écoles primaires et secondaires de ne pas organiser d’examens et, de plus, d’offrir « une seconde chance à ceux qui n’auront pas réussi leur année, au regard du contexte exceptionnel dû à la crise du coronavirus »  [73]. Par contre, le réseau catholique en Communauté flamande n’émet pas une telle recommandation, estimant que « les écoles sont autonomes »  [74]. Quant à lui, le ministre B. Weyts souhaite que des examens soient organisés à la fin de l’année : « Une forme d’évaluation peut être utile (…) pour que les élèves gardent un intérêt. Si on donne de nouvelles matières et on dit à l’avance qu’il n’y aura pas d’évaluation, on risque de voir les élèves décrocher. Et l’évaluation permet de détecter des éventuels retards d’apprentissage et d’y remédier »  [75]. Il ajoute que ce n’est pas aux coupoles (ni au ministre) de décider, mais aux écoles.

71Ce dossier des examens entraîne aussi, mais à la marge, une réflexion plus générale sur les modalités des évaluations. Une carte blanche signée par deux « professeurs-chercheurs », Jean-François Horemans (ULB) et Alain Schmidt (chargé de cours dans plusieurs instituts d’enseignement de promotion sociale de la Communauté française - IEPSCF), met ainsi en cause le principe même des examens et demande de profiter de l’occasion « pour tourner la page de décennies de catastrophes docimologiques »  [76]. Ces deux chercheurs ont déjà écrit auparavant ensemble des ouvrages à caractère pédagogique  [77] et des tribunes libres dénonçant la nature « stigmatisante » de l’évaluation  [78].

3.2. La reprise des cours et le prolongement de l’année académique

72En Communauté française, la ministre chargée de l’Enseignement supérieur, Valérie Glatigny (MR), envisage dès la fin du mois de mars 2020 de prolonger l’année académique au-delà du 30 juin dans les universités, hautes écoles et écoles supérieures des arts. Une décision permettant aux établissements de l’enseignement supérieur qui le souhaitent de procéder de la sorte est d’ailleurs prise par le gouvernement de la Communauté française le 24 avril 2020 (en même temps qu’une série de dispositions relatives notamment à l’obligation de passer des épreuves)  [79].

73La FEF déclare aussitôt s’opposer à cette prolongation  [80], qu’elle estime être source possible d’inégalité et de précarité pour les étudiants. Cette possibilité pourrait en effet amener certains établissements d’enseignement supérieur à empiéter sur le mois de juillet, et d’autres pas – ce qui «placerait alors les étudiants dans une situation d’inégalité ». De plus, la FEF fait valoir que de nombreux étudiants travaillent durant tout le mois de juillet pour économiser et financer leur prochaine année académique. Prolonger les cours et examens jusqu’à la mi-juillet pourrait dès lors les priver de revenus et augmenter ainsi les situations de précarité, déjà grandissantes au sein de la population étudiante.

74En Communauté flamande, les opinions des acteurs de la société civile sont partagées sur le sujet. Les syndicats d’enseignants y sont totalement hostiles. Par contre, dans l’avis cité supra, la VVS suggère expressément de prolonger l’année académique pour des raisons de « sécurité juridique ». En définitive, le décret flamand adopté le 16 avril 2020 prévoit, comme au sud du pays, la possibilité, mais non l’obligation, d’un prolongement pour les établissements d’enseignement supérieur  [81]. Le ministre B. Weyts, qui s’y montre plutôt favorable, souligne au demeurant que le décret flamand (formellement issu d’une proposition de parlementaires appartenant aux partis de la majorité) a été préparé par son cabinet et la VVS.

75Le 4 mai 2020, la Vlaamse Scholierenkoepel (VSK), association représentant les élèves de l’enseignement secondaire néerlandophone, réalise une enquête afin de savoir ce que ces élèves pensent de la reprise des cours : il en résulte que les avis sont extrêmement partagés sur l’opportunité d’un retour sur les bancs de l’école. Les résultats de l’enquête sont transmis au ministre B. Weyts  [82].

76Le problème de la reprise des cours en présentiel s’aiguisera progressivement, en particulier vers la mi-mai 2020. Du côté francophone comme du côté néerlandophone, il y aura, à partir de ce moment (les cours reprendront partiellement dès le vendredi 15 mai en Flandre, le lundi 18 mai en Communauté française)  [83], de nombreux échanges via des cartes blanches, lettres ouvertes, opinions d’experts et autres, qui s’intensifieront début juin lorsqu’il sera permis à toutes les écoles de reprendre leurs activités.

3.3. Les conditions d’étude pendant le confinement et les difficultés financières des étudiants

77Une autre question fréquemment soulevée dans le cadre des mesures de confinement (et des mesures d’enseignement à distance qui en découlent) est celle de l’inégalité des élèves et étudiants en raison de ce que l’on appelle parfois la « fracture numérique », en ce compris la possession ou non du matériel ad hoc. Selon l’enquête de la FAPEO déjà citée, 88 % des élèves de l’enseignement primaire et 44 % de ceux de l’enseignement secondaire ne disposent pas d’un ordinateur personnel.

78Fin mars 2020, la FEF lance une enquête. Il en ressort que 60 % des 13 000 étudiants interrogés « ne sont pas satisfaits des conditions dans lesquelles se passent les cours virtuels »  [84]. La FEF appelle dès lors les enseignants à modifier les processus. « Aujourd’hui, nos établissements d’enseignement supérieur ne sont pas tous adaptés aux cours à distance, les professeurs non plus et il existe une grande disparité quant aux moyens techniques de chaque institution ».

79Plusieurs « étudiants inquiets », « soutenus par la [FEF] », publient le 23 avril 2020 une lettre ouverte à la ministre V. Glatigny, dans laquelle ils s’inquiètent des mesures que contient le projet d’arrêté du gouvernement de la Communauté française du 16 avril 2020  [85] concernant les cours à distance : « surcharge de travail », « manque de matériel », absence de lieu adéquat pour étudier en raison de la fermeture des bibliothèques, « impact psychologique du confinement ». Ils jugent impératif que des solutions soient rapidement trouvées, sans réellement en proposer eux-mêmes  [86].

80Un même cri d’alarme est lancé par la FEF et plusieurs associations étudiantes de l’UCLouvain – l’Assemblée générale des étudiant·e·s de Louvain (AGL), l’Assemblée générale des étudiant·e·s de Woluwe (AGW), le Conseil étudiant UCLouvain FUCAM Mons et l’association étudiante du site de Tournai de la Faculté d’architecture, d’ingénierie architecturale et d’urbanisme – dans un texte paru lui aussi sur le site Internet du Soir. Les cours à distance posent de nombreux problèmes (manque de matériel et d’espace de travail, situations familiales compliquées, perte de qualité de l’enseignement), d’où une quadruple demande : l’allègement des sessions d’examen, le remplacement des évaluations classiques par des évaluations à cours ouvert, la réussite automatique dans certains cas et l’assurance que chaque étudiant disposera « de conditions adaptées pour étudier et pour passer ses examens en le mettant le moins possible en danger face à la pandémie »  [87].

81Les mêmes préoccupations existent de l’autre côté de la frontière linguistique. Ainsi, la VVS organise le 1er avril 2020 une action consistant à poster sur les réseaux sociaux un maximum de messages afin de dénoncer le manque de soutien aux étudiants pendant le confinement, de demander le droit à une nouvelle session d’examen en cas d’échec imputable à la pandémie, de souligner que l’enseignement à distance ne doit pas augmenter la charge de travail et qu’il convient d’être attentif aux étudiants confrontés à une situation financière difficile, et enfin de revendiquer une participation accrue des étudiants aux décisions les concernant  [88]. Dans son avis du 27 mars, la VVS a déjà abordé le sujet, regrettant qu’un certain nombre d’enseignants ne se soient pas « adaptés à la situation » et demandant de veiller à ce que l’enseignement à distance ne devienne pas « une forme d’auto-enseignement » afin d’éviter du même coup « une surcharge de travail ». La VVS a recommandé dans le même texte de prévoir des solutions « pour les étudiants qui n’ont pas accès, chez eux, à l’Internet ou aux appareils nécessaires (…) sans que l’étudiant doive lui-même engager des frais pour ce faire ».

82Enfin, réagissant à une circulaire de la ministre de l’Éducation du gouvernement de la Communauté française, Caroline Désir (PS), datée du 17 mars 2020 et relative à la continuité pédagogique en temps de confinement  [89], une « coalition des parents des milieux populaires et des organisations qui les soutiennent » publie dans plusieurs journaux un texte dénonçant la pression qui pèse sur les parents et offrant l’aide des associations, « partenaires de l’école pour soutenir le lien et mettre en place les conditions pour que les enfants de milieux populaires puissent apprendre »  [90].

3.4. Le statut social des étudiants

83Le problème des difficultés financières auxquelles sont confrontés les étudiants qui, d’ordinaire, travaillent pour payer leurs études – en particulier ceux actifs dans le secteur de l’horeca (hôtellerie, restauration et cafés) – est aussi de ceux qui sont soulevés par les organisations étudiantes.

84La VVS évoque la question dans son avis du 27 mars 2020. Elle note que près d’un étudiant sur quatre utilise les revenus provenant d’un emploi étudiant pour financer, ou contribuer à financer, ses études. Elle recommande donc une série de mesures pour alléger les difficultés rencontrées par les étudiants concernés, comme l’annulation ou le report de dettes, la création d’un fonds d’urgence et la suspension des loyers pour les chambres non utilisées.

85De son côté, la FEF se joint explicitement aux Jeunes CSC pour demander la mise en place d’un fonds d’urgence « afin de permettre aux étudiant·e·s jobistes de continuer à mener une vie décente »  [91]. Avec plusieurs autres organisations essentiellement francophones, catholiques et de jeunes, les Jeunes CSC ont en effet lancé, le 25 mars, une pétition adressée au gouvernement fédéral Wilmès II, demandant de garantir le revenu des étudiants jobistes. À cet effet, les pétitionnaires ont appelé à la création d’un fonds d’urgence de 58 millions d’euros, montant nécessaire selon eux « dans le cas où la période d’application des mesures du Conseil national de sécurité s’étend sur deux mois »  [92].

86La décision du gouvernement fédéral de neutraliser la limite de 475 heures et de permettre ainsi aux étudiants de travailler au-delà des heures légales ne satisfait pas les organisations étudiantes qui ont lancé cette pétition du 25 mars 2020 : selon elles, il s’agit d’une « fausse bonne idée » pour différentes raisons (solution individuelle à un problème collectif, renforcement des inégalités scolaires, manque de contrôle sur le respect des mesures de distanciation, risque de dumping salarial, etc.). Le 4 mai, elles signent une carte blanche pour s’en expliquer  [93]. Les signataires sont les mêmes que les initiateurs de la pétition du 25 mars : Bas les masques Belgique (collectif revendiquant la reconnaissance sociale des personnes qui fabriquent des masques en tissu pour lutter contre la pandémie, cf. infra) ; Bruxelles s’organise pour l’émancipation des jeunes (D’Broej, association bilingue active dans le secteur de l’animation pour jeunes à Bruxelles) ; Comité des élèves francophones (CEF) ; Conseil de la jeunesse catholique (CJC) ; FEF ; Fédération nationale des patros (Patro) ; Jeunes CSC ; Jeunes organisés et combatifs (JOC) ; Kristelijke Arbeidersjongeren (KAJ) ; Service d’information et d’animation des jeunes (SIAJ) ; Uit de Marge (association flamande organisant des activités pour jeunes issus de milieux défavorisés). La revendication d’un fonds d’urgence fédéral est à nouveau mise en avant, outre un renforcement des mesures sanitaires dans les entreprises où travaillent les jobistes.

87D’autres organisations s’emparent du sujet. Ainsi, le 23 mars 2020, les Étudiantes en grève le 8 mars à l’ULB  [94], les Jeunes FGTB, les JOC-Bruxelles et l’Union syndicale étudiante (USE, membre des Jeunes FGTB)  [95] demandent l’extension du chômage temporaire pour les étudiants jobistes et mettent en place un « réseau d’entraide pour les étudiant·e·s »  [96]. Elles diffusent un communiqué en ce sens, qui appelle par ailleurs à « la grève générale de la production » et à la « grève des paiements ». Les exemples de cet ordre (pas toujours aussi combatifs) sont nombreux.

88Un problème particulier est soulevé par une organisation rassemblant les étudiants infirmiers, Les étudiant·e·s infis en ARCA  [97], qui réalise dès le 17 mars 2020 une enquête auprès de son public cible. Ce collectif rend ensuite publiques une série de revendications spécifiques aux étudiants en infirmerie, qui sont soumis à des conditions de stages particulières en temps de pandémie. Il demande que ces stages soient suspendus et que les étudiants qui se porteraient volontaires soient protégés, tant physiquement que statutairement  [98].

3.5. Les différences entre écoles francophones et écoles néerlandophones

89Depuis le 1er janvier 1989, l’enseignement est une matière gérée par les Communautés. Durant la période de confinement du printemps 2020, dans ce dossier comme dans celui de la culture, la société civile s’adresse pourtant au niveau de pouvoir fédéral, par exemple lorsqu’il s’agit de questions relatives au statut social de certains acteurs (les étudiants). Mais en matière d’enseignement, les opinions publiques sont confrontées à des responsables politiques qui défendent des options parfois divergentes. Comme le titrera par la suite De Standaard, le gouvernement flamand impose sa volonté sur ce sujet ou cherche du moins à donner cette image  [99]. En particulier, son ministre de l’Enseignement, B. Weyts, fait pression pour une reprise rapide et généralisée des cours et pour l’acquisition de nouvelles connaissances, et est favorable à l’organisation systématique d’examens ; il se distingue sur ces points de ses collègues francophones, C. Désir (PS, ministre de l’Éducation) et V. Glatigny (en charge de l’Enseignement supérieur et de l’Enseignement de la Promotion sociale)  [100], ainsi que de son collègue germanophone Harald Möllers (ProDG, ministre de l’Éducation). Le ministre-président de la Communauté française, P.-Y. Jeholet, regrettera d’ailleurs par la suite les « effets d’annonce » du ministre flamand  [101].

90La question ne manque pas de susciter des prises de position polémiques. Deux membres du think tank Itinera Institute, auteurs par ailleurs de livres sur l’école (L’école de la réussite et L’école du renouveau), Jean Hindrix et Kristof De Witte, professeurs respectivement à l’UCLouvain et à la Katholieke Universiteit Leuven (KU Leuven), estiment ainsi dans une carte blanche que, du côté néerlandophone, « le seul mot d’ordre (…) est la qualité de l’enseignement », alors que, du côté francophone, domine « un autre mot d’ordre qui est l’égalité de l’enseignement »  [102]. Leur carte blanche est presque immédiatement suivie d’une réaction négative de plusieurs professeurs et chercheurs de l’UCLouvain membres du Groupe interdisciplinaire de recherche sur la socialisation, l’éducation et la formation (GIRSEF). Pour eux, l’analyse « reste confinée dans l’existant » et se fonde sur « une conception très limitée de la qualité et de l’égalité éducatives »  [103]. Par ailleurs, le GIRSEF prend lui-même position à plusieurs reprises sur la question de la reprise des cours et des formes de suivi des élèves  [104].

3.6. L’apprentissage du futur

91Certains considèrent que la pandémie et l’organisation nouvelle de l’enseignement qui l’a accompagnée constituent une « occasion inédite pour penser quel type d’enseignement nous voulons » et, en particulier, pour savoir « à quel point certains types d’activité et d’exercice présentiels nous apparaissent comme non négociables ». Deux philosophes de l’ULB, Thomas Berns et Tyler Reigeluth, s’interrogent sur les conséquences d’un recours accru à la technologie en matière d’enseignement, et notent que « le développement et l’usage d’une technologie transforment nos manières de faire et de penser », bref que les choix à poser dans le futur n’ont rien d’innocent  [105].

92Dans un ordre d’idées un peu similaire, le président de ChanGements pour l’égalité (CGE)  [106], Jacques Cornet, s’interroge sur « les apprentissages à l’école du Covid » et note que la pandémie est un sujet d’apprentissage « passionnant », en ce qu’il ouvre la voie à ce qui doit être, selon l’auteur, la mission de l’école : apprendre à penser librement, travailler la « reliance » entre les disciplines, et « renoncer à préparer au monde tel qu’il est pour interroger les évidences sociales »  [107].

93L’enseignement à distance (et même les évaluations à distance), devenu la règle pendant les premières semaines de confinement, ne semble en tout cas pas avoir suscité beaucoup de réflexions collectives sur son avenir pédagogique, sauf à inspirer une relative méfiance en raison des inégalités qu’il est susceptible de renforcer.

3.7. Un confinement politiquement chargé

94Si les établissements d’enseignement ont très vite fermé, les conditions de leur redémarrage font d’emblée l’objet de nombreuses polémiques entre les autorités publiques et les organisations défendant les intérêts soit des élèves ou étudiants, soit des enseignants, soit encore des parents. L’objectif des ministres en charge de ce dossier, quelle que soit la Communauté concernée, est de procéder par étapes à une reprise plus ou moins normale des activités d’enseignement, à la fois pour assurer une continuité pédagogique et, sans doute, pour éviter des contraintes sociales susceptibles de peser sur les familles et, donc, sur l’activité économique.

95Des différences, parfois minimes, et des agacements apparaissent dans ce dossier de part et d’autre de la frontière linguistique. Les réactions des organisations étudiantes divergent : la FEF comme la VVS sont entendues par les ministres responsables de l’enseignement supérieur, V. Glatigny en Communauté française et B. Weyts en Communauté flamande, mais, alors que la FEF fait part de son insatisfaction globale face aux mesures gouvernementales, son homologue néerlandophone se réjouit des décisions ministérielles – et garde du reste avec le cabinet du ministre compétent un contact régulier pendant le confinement et dans les semaines suivantes  [108].

96De même, la FAPEO continuera bien après le déconfinement stricto sensu, lorsque le retour à l’école commencera à s’intensifier, à s’inquiéter des conditions de la reprise scolaire, craignant un « assouplissement trop rapide et trop confus » (selon les termes de son communiqué du 29 mai 2020). Côté néerlandophone, ni la Koepel van Oudervereniging van het Officieel Gesubsidieerd Onderwijs (KOOGO, coupole des associations de parents de l’enseignement officiel subsidié) ni la Vlaamse Confederatie van Ouders en Ouderverenigingen (VCOV, confédération d’associations de parents de l’enseignement libre confessionnel) ne polémiquent avec les autorités ; ce sont plutôt des voix isolées qui se font entendre pour mettre en cause les dispositions prises par le gouvernement flamand (un directeur d’école de Landen ou une mère d’élève de Brasschaat, par exemple  [109]).

97*

98Les interventions de la société civile en matière d’enseignement sont surtout le fait des organisations professionnelles (ainsi que des syndicats) et des organisations étudiantes. Elles prennent la forme traditionnelle de communiqués de presse, de cartes blanches, de lettres ouvertes et de pétitions. Les gouvernements concernés disent s’efforcer d’associer les associations en question à la prise des décisions, mais – en particulier en Communauté française – les intéressés ne sont pas toujours satisfaits des résultats. L’action des différentes organisations trouve régulièrement un prolongement politique, comme en témoignent diverses interventions dans les assemblées parlementaires – où les ministres en place ne manquent jamais, par ailleurs, de souligner leur volonté de concertation.

99La question des emplois étudiants fait l’objet d’interventions distinctes des organisations étudiantes, francophones d’un côté et néerlandophones de l’autre (et ce alors qu’il s’agit là plutôt d’une matière fédérale). Il existe bien une initiative commune, portée surtout par des organisations appartenant au pilier chrétien, mais ses signataires sont majoritairement francophones.

100Une forme d’action particulière de la société civile peut être mise en exergue dans ce champ : l’utilisation d’enquêtes en ligne (dans le cas des associations de parents néerlandophones, il semble même que ce soit à la demande du ministre flamand B. Weyts) auprès des affiliés des différentes organisations – enquêtes portant en grande partie sur le ressenti individuel de leurs membres. Les associations d’étudiants et de parents s’en servent comme d’un levier pour dégager des revendications adressées aux différents gouvernements.

4. La pauvreté et les inégalités sociales exacerbées par la crise

101La question des inégalités sociales et de la lutte contre la précarité apparaît aussi largement prioritaire parmi les préoccupations exprimées par la société civile durant la période de confinement et dans la perspective des mois et années à venir. Ces inégalités concernent des groupes de citoyens larges et variés et suscitent des interventions de la part d’une multiplicité d’acteurs.

4.1. Des inégalités sociales

102Une première série d’initiatives vise à mettre en garde les autorités publiques quant aux inégalités qui risquent de se creuser en Belgique, de manière générale. Ces initiatives sont portées par des collectifs relativement importants et hétérogènes. Publiée dans Le Soir du 19 mars 2020, soit le deuxième jour du confinement, une carte blanche signée par une vingtaine de représentants d’associations variées pointe déjà les inégalités dont risque de souffrir toute une série de catégories de la population : « Nous voudrions ne pas être oubliés cette fois-ci encore. Nous, les personnes âgées isolées, nous, les femmes qui subissons déjà de la violence conjugale même lorsque notre homme vit dehors, nous les détenus, nous les clients des banques alimentaires, nous les demandeurs d’asile, et nous, tous les ménages précaires et les familles monoparentales à 80 % assumées par nous, les femmes, nous, qui n’avons ni jardin ni salle de jeu pour les enfants dans notre maison (…). La crise sanitaire va creuser la crise sociale. Nous sommes déjà dans une grande fragilité et, pour certains d’entre nous, dans la détresse. Livrés à nous-mêmes et sans ressources, nous ne savons pas comment nous allons faire si nous devions être privés des services élémentaires : droits de visite en prison, aides familiales, soins ou repas à domicile, restos du cœur, banques alimentaires… »  [110]. L’objectif est d’inciter les autorités publiques à prendre des mesures permettant d’encadrer ces personnes fragilisées et de réduire les inégalités qui les touchent depuis de nombreuses années, et plus encore depuis le début de la crise sanitaire en Belgique. Cette carte blanche porte donc sur la période de confinement en soi, mais aussi sur l’après-crise sanitaire et sur les conséquences que cette dernière aura provoquées chez ces catégories de la population.

103Le 1er avril 2020, une nouvelle carte blanche est signée, comme on l’a vu supra, par un groupe de personnes encore plus large afin de porter ces inquiétudes dans le débat public  [111]. Pour rappel, cette liste de signataires est particulièrement hétérogène. On y trouve en effet des représentants de syndicats, de mutuelles et de mouvements associatifs, des journalistes, des réalisateurs, des chercheurs, des artistes ou encore des responsables et travailleurs au sein d’ONG diverses. Dans cette carte blanche, ils indiquent : « Nous ne voulons pas d’un “retour à la normalité”, car cette normalité faite d’inégalités violentes, de mondialisation insensée, de marchandisation de la vie et de résignation à la catastrophe écologique est aussi la source du drame que nous vivons ». Publié dans Le Soir du 1er avril, ce texte a pour objectif de rappeler aux autorités publiques que personne ne doit être oublié. En conséquence, les responsables politiques sont invités à ne pas adopter de politique budgétaire qui soit défavorable au système de sécurité sociale en soi, aux services publics, au secteur associatif ou encore au secteur culturel. Ainsi, la carte blanche précise : « Personnes précarisées, sans-papiers ou sans-abri luttant pour sauver leur peau, pour ne pas être infecté·e·s ou simplement pour manger. Travailleuses, travailleurs qui continuent à prester pour le bien de la population et qui doivent être protégé·e·s. Celles et ceux mis en chômage temporaire, temps partiels (dont énormément de femmes) qui risquent d’être encore plus lourdement sanctionné·e·s. Artistes et statuts précaires. Malades qui doivent être correctement indemnisé·e·s, pensionné·e·s qui doivent toucher leur pension, candidats à l’asile bloqués aux frontières de l’Europe, personnes souffrant d’un handicap… Personne, répétons-le, ne doit être oublié ». De ces textes émane également une forme de tension entre la gestion de la précarité liée directement à la pandémie et une volonté de la part d’acteurs de la société civile de peser sur des enjeux structurels et de long terme.

104C’est dans De Standaard que Bea Cantillon et Ri De Ridder, respectivement présidente de 11.11.11 (coupole flamande d’associations de solidarité internationale comparable au CNCD.11.11.11 francophone)  [112] et président de Médecins du monde Belgique, publient une carte blanche co-signée par 22 universitaires – parmi lesquels les recteurs de la Katholieke Universiteit Leuven (KU Leuven), de l’Universiteit Gent (UGent), de l’Universiteit Hasselt (UHasselt) et de la Vrije Universiteit Brussel (VUB) – et appelant à la solidarité et à la compassion. Dans leur texte, les signataires indiquent que la pandémie « révèle les vulnérabilités de notre société »  [113] en pointant du doigt le fait que tous les citoyens ne sont pas égaux. Ils appellent dès lors les personnes chargées de préparer le plan de déconfinement à prendre en compte cette réalité de façon durable, en accordant une attention particulière, notamment, aux enfants vulnérables, aux personnes qui ont besoin de soins, aux personnes à mobilité réduite, aux migrants, etc.

105Si ces cartes blanches publiées dans Le Soir et De Standaard défendent l’égalité de façon générale et visent un grand nombre de catégories sociales, d’autres initiatives sont portées afin de défendre des catégories plus spécifiques de personnes au sein de la société.

4.2. Les inégalités de genre

106Un premier type d’initiatives spécifiques porte sur les inégalités de genre , combattues à travers une carte blanche publiée sur le site d’information de la RTBF par un large ensemble d’organisations et de citoyens  [114]. Particulièrement hétérogène (mais comptant davantage de femmes que d’hommes), cette liste de signataires concentre le cœur de son propos sur les inégalités entre les hommes et les femmes. Après avoir posé un constat sur l’ampleur de la problématique, la carte blanche appelle à une réponse politique, économique et sociale qui soit adaptée. Concrètement, elle suggère que « le gouvernement intègre une perspective de genre dans cette période de confinement et de pandémie, ainsi que dans la transition du déconfinement et le temps de l’après-crise ». Selon le collectif, le risque d’un déséquilibre au détriment des femmes existe au regard d’un grand ensemble de décisions, que celles-ci soient liées, par exemple, à la reprise de la vie en société, à l’accès aux soins de santé ou au soutien économique apporté aux travailleurs.

107Deux jours plus tard, une autre carte blanche est signée par l’ensemble des membres du comité de gestion du master de spécialisation interuniversitaire en études de genre  [115]. Portée exclusivement par des académiques (issus de l’ensemble des universités de la Communauté française), cette carte blanche pose d’abord un constat quant aux inégalités de genre rendues d’autant plus visibles par la situation sanitaire. Indiquant que la crise n’est pas vécue de la même manière par les hommes que par les femmes, le texte rappelle par ailleurs que « le coût de la crise ne sera (…) vraisemblablement pas le même pour toutes et tous ». Enfin, les signataires suggèrent que, « par leur expertise, les études de genre s’avèrent essentielles car elles proposent d’autres clés pour appréhender le “maintenant” et l’“après” de la crise, afin d’éviter que les femmes et les précaires ne soient les grand·e·s perdant·e·s du (dé)confinement ». Cette initiative portée par un collectif particulièrement homogène – contrairement à la précédente, rassemblant un large ensemble d’organisations et de citoyens – va donc au-delà du constat et propose de mobiliser un type d’expertise spécifique afin d’y répondre : celle développée à travers les études de genre.

108Le 24 avril 2020, une lettre ouverte à destination de la Première ministre et publiée dans le mensuel féministe Axelle Magazine porte également sur la question des inégalités vécues par les femmes. Ce texte est signé par plus de trente associations de femmes, formant un ensemble relativement homogène dans sa composition (ainsi, ce sont principalement des organismes francophones qui rejoignent l’appel). Selon ce regroupement d’associations de femmes, la crise sanitaire et les mesures adoptées par les autorités publiques pour l’endiguer (au premier rang desquelles le confinement) soulignent plus que jamais l’importance de combattre les inégalités dont souffrent les femmes : « Ces inégalités ne sont pas nouvelles et en temps de crise, tous les éléments sont rassemblés pour qu’elles soient exacerbées »  [116]. La lettre ouverte pointe le manque de mesures adoptées spécifiquement pour combattre ces inégalités, et souligne l’urgence qu’il y a d’intervenir en la matière « pour garantir les droits des femmes dans les différents domaines qui relèvent des compétences fédérales : économie, social, justice, police, finances, migration, etc. ». Concrètement, les associations signataires demandent un soutien accru aux secteurs féminisés et aux métiers de première ligne, une garantie de l’autonomie économique et des droits sociaux des femmes, des mesures visant à une meilleure conciliation entre vie familiale et vie professionnelle pendant le confinement et jusqu’au retour des enfants à l’école, une meilleure sécurité des femmes victimes de violences conjugales, un soutien accru aux femmes en situation de monoparentalité, un meilleur accès des femmes à la santé et à leurs droits sexuels et reproductifs, ainsi que de meilleures garanties pour les droits des femmes migrantes et de leurs enfants.

4.3. Les sans-papiers et les demandeurs d’asile

109Les sans-papiers et les demandeurs d’asile font aussi l’objet d’initiatives communes de la part d’un grand nombre d’acteurs, dont des sans-papiers eux-mêmes.

110Dans une carte blanche publiée dans le quotidien francophone Le Soir le 1er avril 2020  [117] puis dans l’hebdomadaire néerlandophone Knack le 3 avril 2020  [118], plusieurs dizaines de signataires prennent position pour que les autorités publiques agissent en faveur des sans-papiers. On relève une grande diversité parmi les signataires puisque l’on compte parmi eux des représentants non seulement d’organisations actives dans la défense des droits des sans-papiers, mais aussi d’organisations syndicales, sanitaires, judiciaires ou encore humanitaires. Ce texte appelle à davantage de protection en faveur des sans-papiers et des demandeurs d’asile : « Les oubliés sont nombreux. Parmi la population précarisée, il s’agit notamment des personnes étrangères sans titre de séjour, qui n’ont pas de couverture médicale. Certaines d’entre elles sont coincées en centres fermés, dans des conditions de promiscuité qui vont à l’encontre des règles sanitaires. D’autres ont récemment été libérées sans précaution quant à ce qu’il adviendrait d’elles. Il s’agit aussi de personnes venues demander l’asile et qui, depuis deux semaines, se retrouvent devant la porte close de l’Office des étrangers. Une grande partie de ces personnes s’ajoute à celles qui vivaient déjà sans abri, et des solutions peinent à se dessiner ». Au-delà du constat posé, la carte blanche propose une série de mesures visant à répondre à cette inégalité. Celles-ci consistent à octroyer une autorisation de séjour aux sans-papiers afin de leur permettre de résider en Belgique durant le temps de la crise sanitaire  [119], à venir en aide aux sans-papiers afin qu’ils puissent se confiner, respecter les recommandations sanitaires de base et subvenir à leurs besoins, à libérer les étrangers détenus dans les centres fermés et leur permettre d’être hébergés dans des structures d’urgence, à recevoir les demandes d’asile et héberger ceux qui cherchent une protection, ainsi qu’à prolonger automatiquement de trois mois la durée de validité des titres de séjour arrivant à expiration. Cette carte blanche intervient notamment dans un contexte récemment marqué par une grève de la faim collective menée par les personnes détenues au sein du centre fermé pour étrangers de Vottem (dans la commune de Herstal, en région liégeoise) afin de dénoncer leur enfermement et la promiscuité dangereuse face à la pandémie  [120].

111Le lendemain, une autre carte blanche portant les mêmes revendications est publiée sur le site de La Libre Belgique [121]. Rédigé par Jan De Volder, historien à la KU Leuven et responsable de la Communauté de Sant’Egidio, ce texte appelle lui aussi à accorder une attention spécifique aux sans-papiers en demandant au gouvernement fédéral l’octroi d’un titre de séjour temporaire pour toutes ces personnes ainsi que la libération des personnes détenues dans des centres fermés.

112Dès le début du mois d’avril, une campagne est lancée sur les réseaux sociaux par un ensemble de citoyens engagés afin de soutenir la régularisation des sans-papiers en Belgique. Portée par le groupe Migrant libre, qui est un collectif de citoyens mobilisés autour de la question migratoire et, spécifiquement, de la situation des sans-papiers en Belgique, cette initiative vise à permettre aux internautes – avec papiers ou sans papiers – de partager des témoignages sur la question des sans-papiers pendant et après la crise sanitaire en utilisant le hashtag #labelgiqueaussipeutregulariserlessanspapiers. Pour afficher leur soutien aux sans-papiers et accentuer ainsi la pression sur les autorités publiques, le groupe Migrant libre invite par ailleurs les internautes à remplacer le décor de photo de profil de leur page Facebook par un décor intitulé « La Belgique aussi peut régulariser les sans-papiers ».

113Également à travers l’Internet, une pétition à destination du gouvernement fédéral belge est lancée le 7 avril 2020 par le comité de soutien La Voix des sans-papiers (VSP) de Liège afin d’appeler à la régularisation des sans-papiers, déjà fragilisés par leur situation habituelle et devenus d’autant plus vulnérables dans le contexte de la pandémie  [122]. Le 12 juin 2020, 6 971 personnes ont signé la pétition.

114Le 8 avril 2020, la Coordination des sans-papiers de Belgique, qui est un réseau de tous les collectifs sans papiers dans le pays, fait parvenir une lettre aux représentants politiques belges pour « qu’ils suivent l’exemple du Portugal et fournissent aux personnes sans papiers un statut de résident légal afin qu’ils puissent respecter les mesures de confinement »  [123]. Cette initiative renforce encore les demandes déjà formulées par plusieurs collectifs.

115Le 20 avril, une initiative portant les mêmes revendications est lancée à Bruxelles. Celle-ci diffère néanmoins des autres initiatives, tant par la composition du collectif à la base du projet que par le mode d’action. En effet, ce collectif est exclusivement composé de sans-papiers (et est soutenu par la Coordination des sans-papiers de Belgique). En outre, dans le contexte du confinement imposé par l’Autorité fédérale – pour la première fois depuis le début de ce confinement –, cette action prend la forme d’une manifestation devant la Tour des Finances, à Bruxelles, bâtiment dans lequel se situe notamment le bureau de Maggie De Block (Open VLD), ministre fédérale des Affaires sociales et de la Santé publique, et de l’Asile et la Migration. Qualifiée par les organisateurs d’action éclair, cette manifestation rassemblant une soixantaine de sans-papiers est silencieuse, ne dure que quelques minutes et respecte les mesures sanitaires imposées (grâce au port d’un masque et de gants et à la tenue d’une distanciation sociale de plus de deux mètres). Se servant de nombreuses pancartes, les sans-papiers ainsi présents défendent deux revendications majeures : la régularisation des sans-papiers et la libération puis la régularisation des personnes détenues dans des centres fermés. Dans un communiqué lu à haute voix avant la dispersion du groupe, il est ainsi déclaré : « Avant cette pandémie, nous, sans-papiers, vivions déjà chaque jour dans la peur et les difficultés. Nous travaillions au noir pour gagner de quoi vivre avec nos familles et nos enfants. Une situation d’exploitation que nous dénoncions pourtant. Depuis l’annonce du confinement, tous les secteurs sont fermés et il n’y a presque plus de travail. Du jour au lendemain, nous nous retrouvons sans aucun revenu et aucune aide pour subvenir à nos besoins de base. Nous n’avons pas accès aux soins de santé, nous ne pouvons plus acheter à manger ou payer notre loyer. Malgré ces difficultés, nous respectons toutes les règles de confinement fixées par l’État belge. Abandonnés par ce système, nous lançons aujourd’hui ce cri de l’injustice qui nous tue. Plus que le coronavirus, c’est surtout cette politique migratoire qui nous condamne à l’agonie. Hommes, femmes, enfants, jeunes et âgés, malades… Nous sommes les oubliés de cette crise et nous mourons à petit feu ! Nous sommes des citoyens et revendiquons nos droits. Nous sortons malgré tous les risques, pour lancer un cri à l’humanité entière, un cri à la justice »  [124].

116Une semaine après cette action pour le moins originale (les modalités particulières de cette action trouvant bien entendu leur source dans l’interdiction de rassemblement qui est alors applicable), la Coordination et initiatives pour réfugiés et étrangers (CIRÉ), les instances nationales des syndicats CSC et FGTB, le Mouvement ouvrier chrétien (MOC) et son homologue flamand, beweging.net, ainsi que le Centre d’éducation populaire André Genot (CEPAG) rédigent et envoient une note à destination des partis politiques et des autorités publiques afin de relayer la voix des sans-papiers. Dans cette note, il est proposé d’accorder un titre de séjour provisoire à tous les sans-papiers pendant la durée de la crise sanitaire ainsi que pendant le temps d’une procédure de régularisation classique éventuelle  [125]. Rapidement, l’initiative est toutefois contrecarrée par la ministre M. De Block, qui déclare : « Il n’y a pas d’initiative prévue concernant une régularisation collective pour les personnes en séjour illégal en Belgique. La crise sanitaire actuelle n’est pas une raison qui justifie de régulariser leur séjour, même temporairement »  [126].

117Le 22 avril 2020, le Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie (MRAX) et une quarantaine d’associations – dont le Centre national de coopération au développement (CNCD-11.11.11 : coupole francophone d’associations de solidarité internationale), le CIRÉ, Hand in hand tegen racisme, la Ligue des droits humains (LDH) et le MOC – publient une carte blanche dans Le Soir afin d’appeler la ministre M. De Block à procéder à la libération des personnes détenues dans des centres fermés et à prévoir des solutions pour les loger  [127]. Ces organisations indiquent : « Aujourd’hui encore, ils sont des centaines à tenter de survivre dans des centres fermés, la boule au ventre, avec cette angoisse d’entendre en permanence la radio débiter des conseils de prudence, de distanciation sociale, de mesures sanitaires pour préserver chacun du coronavirus. Mais eux, ils savent que ces messages ne leur sont pas destinés. Pour eux, la distanciation sociale se transforme en promiscuité sociale. C’est à la roulette russe qu’on joue avec leur vie ». Ce texte rappelle qu’un étranger ne peut en principe être détenu que pendant la durée nécessaire à son expulsion du territoire ; l’expulsion étant rendue impossible, il est nécessaire de libérer les personnes détenues. Cette revendication fait ainsi écho aux autres initiatives lancées durant les semaines précédentes (cf. supra).

118Enfin, plusieurs communiqués de presse sont diffusés par un certain nombre d’organisations visant à défendre les droits des étrangers, comme la Coordination des sans-papiers de Belgique  [128] ou la LDH  [129]. Toutes vont dans le même sens : elles réclament la régularisation des sans-papiers et la libération des personnes détenues dans des centres fermés afin de réduire les risques que la pandémie de Covid-19 fait peser sur ces catégories fragilisées de la société.

119Outre celle de la ministre fédérale en charge de l’Asile et la Migration, ces prises de position débouchent sur des réactions politiques en sens contraire. D’une part, une proposition de loi rédigée en étroite concertation avec le CIRÉ est déposée le 11 mai par quatre députés francophones : Hervé Rigot et Khalil Aouasti (PS), Simon Moutquin (Écolo) et Vanessa Matz (CDH) soulignent que les conditions ont rendu particulièrement compliqués les retours (forcés ou volontaires) vers le pays d’origine et proposent, pour contribuer à la lutte contre la pandémie en les faisant sortir de la clandestinité, d’accorder un titre de séjour de six mois aux personnes en séjour irrégulier sur le territoire belge qui n’ont pas fait l’objet de poursuites ou d’une condamnation pénales  [130]. À l’inverse, quatre députés de la N-VA (Theo Francken, Darya Safai, Yoleen Van Camp et Koen Metsu) déposent quelques semaines plus tard une « proposition de résolution contre les régularisations collectives »  [131]. Ce texte fait explicitement référence à l’appel lancé le 2 avril par le responsable de la Communauté Sant’Egidio à une régularisation collective (cf. supra) et presse le gouvernement fédéral de « ne pas y prêter attention »  [132].

120Les initiatives qui visent à défendre les droits et les intérêts des sans-papiers s’avèrent donc particulièrement nombreuses durant la période de confinement. Par ailleurs, la situation des sans-papiers est également insérée dans des prises de position plus larges (cf., par exemple, infra la section sur les inégalités de logement). Les revendications mises en avant sont portées par des acteurs variés, associatifs et syndicaux, qui agissent souvent de concert. Les moyens d’actions mobilisés sont eux aussi multiples, parfois originaux – voire à la limite de la légalité en période de confinement. Quant à lui, le message véhiculé par ces revendications est relativement homogène : les collectifs impliqués exigent une régularisation la plus large possible des sans-papiers ainsi que la libération des personnes détenues dans les centres fermés. Ces appels rencontrent des réactions politiques antagoniques, des députés francophones de centre-gauche soutenant ces revendications mais se heurtant à un refus catégorique d’une ministre et de parlementaires néerlandophones de droite.

4.4. Les inégalités de logement

121Le 27 mars 2020, le collectif Belgian Housing Action Day rappelle que les inégalités sociales sont renforcées par la crise sanitaire et que, si le gouvernement fédéral adopte un ensemble de mesures en matière de santé et en matière économique, la question du logement reste largement oubliée. Alors qu’une manifestation « pour le droit au logement » était initialement prévue le 28 mars dans un grand nombre de villes à travers le monde, notamment en Belgique, celles-ci sont annulées en conséquence des mesures d’interdiction de rassemblement décidées par les autorités publiques. C’est dans ce contexte que le collectif Belgian Housing Action Day – qui rassemble des associations belges actives dans les domaines de la santé, de la lutte contre la pauvreté, du droit à la ville et du droit au logement – publie une carte blanche afin de défendre les mal-logés, les non-logés, les sans-papiers, ceux qui sont apeurés ou menacés dans leur propre logement, ainsi que ceux qui sont enfermés en prison  [133] ou dans des centres fermés  [134]. Signé par 38 associations, ce texte souligne le fait que la crise n’est pas vécue de la même façon par tous et qu’elle ne touchera pas tout le monde de la même manière. Par exemple, nombre de personnes – tels les étudiants, les travailleurs précaires, les travailleurs non déclarés et les travailleurs du sexe – subissent une double peine en étant confinés dans un logement parfois indécent et en perdant leurs revenus. Dès lors, le collectif propose une série de onze mesures permettant un changement structurel en la matière afin de répondre à ce qu’il considère comme étant une « défaillance de nos mécanismes de solidarité » déjà existante mais révélée par la crise sanitaire. Ces mesures consistent à demander un moratoire prolongé sur toutes les expulsions, à annuler la loi anti-squat, à trouver des solutions de logement immédiates pour les personnes sans-abri (par exemple, par la réquisition d’hôtels), à suspendre les remboursements de crédits hypothécaires pour certaines catégories de personnes, à suspendre le paiement des loyers pour les ménages subissant l’impact de la crise, à stopper les coupures d’énergie et la limitation d’eau, à créer un fonds social pour les travailleurs à la marge, à libérer certains détenus en détention préventive et assurer leur relogement, à fermer les centres fermés, à régulariser les personnes en séjour irrégulier et à mettre en place des mesures visant à limiter les investissements dans l’immobilier pour endiguer toute augmentation des prix de vente et de location.

122Portée par plusieurs dizaines de représentants du monde associatif et de citoyens engagés, une autre carte blanche soulignant à quel point la crise sanitaire « éclaire brutalement les inégalités sociales » est publiée sur le site Internet du journal Le Soir le 10 avril 2020  [135]. Les inégalités de logement y sont notamment questionnées. Ainsi, les auteurs de cette carte blanche considèrent que « si la vie reprendra son cours pour les mieux protégé·e·s, les fusées de réjouissances de la fin d’épidémie ne seront pas pour tou·te·s. Une fois les moratoires sur les expulsions locatives et les arriérés énergétiques levés, les plus précarisé·e·s se trouveront sur la brèche ». Le collectif tente ainsi d’attirer l’attention sur les sans-abri, les sans-papiers, les populations roms, etc. et appelle à apporter des réponses structurelles au mal-logement une fois le déconfinement venu.

123Le 28 avril 2020, l’asbl Rassemblement bruxellois pour le droit à l’habitat (RBDH) – qui figurait parmi les signataires de la carte blanche du 27 mars – publie une carte blanche dans Alter Échos, dans laquelle les inégalités de logement sont à nouveau dénoncées. Contrairement à la carte blanche parue un mois plus tôt, qui était signée par un grand nombre d’associations et qui défendait plusieurs catégories de personnes, celle-ci porte principalement sur une catégorie de personnes spécifique : les locataires à faibles revenus. Par ailleurs, il s’agit cette fois d’une initiative strictement bruxelloise et portant sur les mesures à adopter en Région bruxelloise. Saluant plusieurs mesures adoptées par le gouvernement régional bruxellois Vervoort III (PS/Écolo/Défi/Groen/Open VLD/one.brussels-sp.a) afin de venir en aide aux personnes concernées – comme l’octroi d’une prime unique de 215 euros, l’instauration d’un moratoire sur les expulsions de domicile et la suspension de la période de préavis pour les locataires en fin de bail durant la période de confinement –, le RBDH appelle néanmoins à l’adoption de mesures complémentaires. Par exemple, l’asbl souhaite que le gouvernement régional autorise les locataires à réduire leur loyer pendant la durée du confinement, en proportion des pertes de revenus subies, afin d’éviter les difficultés de paiement dans le futur. La volonté de recourir exceptionnellement au produit des amendes imposées aux propriétaires d’immeubles vides ainsi que d’imposer une taxe de solidarité auprès des multipropriétaires est également affichée. En outre, la carte blanche propose d’étendre le moratoire sur les expulsions au-delà de la période durant laquelle il s’applique et de prolonger la durée durant laquelle la période de préavis est suspendue pour les locataires en fin de bail. Alors que les inégalités de logement ne sont pas un phénomène nouveau, la crise sanitaire est présentée comme constituant une fenêtre d’opportunité par le RBDH : « Les inégalités de logement étaient là, ancrées, insidieuses, bien avant la crise du coronavirus qui a joué un rôle d’amplificateur. Profitons du moment pour les combattre radicalement : refusons la marchandisation du logement, refusons l’insalubrité, les loyers arbitraires et abusifs, la privatisation du social… Nous ne sommes pas seul·e·s, nous avons à nos côtés plus de la moitié des Bruxellois(e)s. Exigeons plus ! »  [136]

124Le 29 avril 2020, c’est le collectif Droit à un toit (qui figurait aussi parmi les signataires de la carte blanche du 27 mars) qui publie à son tour une carte blanche sur la question du logement. Indiquant que la crise sanitaire met en évidence une réalité ancienne, à savoir le manque de logements abordables et accessibles, ce collectif bilingue de citoyens défend plusieurs idées afin d’endiguer le sans-abrisme : la mise en place d’un moratoire illimité sur les expulsions sans solution de relogement, l’encadrement des loyers, l’adoption de mesures permettant de garantir un accès à un logement abordable, salubre et public, l’importance de reloger toutes les personnes hébergées dans un dispositif d’urgence pendant la période de confinement, la régularisation massive des sans-papiers et l’assurance de leur permettre de trouver un logement décent  [137].

125D’autres textes – qui sont davantage des initiatives individuelles – visent aussi à saisir « l’occasion » qu’offre la crise sanitaire de replacer la question des inégalités de logement au cœur de l’agenda médiatique et politique. Dans une carte blanche publiée dans Alter Échos, Laurent d’Ursel – artiste et citoyen engagé – indique par exemple : « Dans cette crise, la problématique du mal-logement occupe une place à part. Son exemplarité, pour le dire autrement, est particulièrement spectaculaire, puisque, en période de confinement obligatoire, le mal-logement recouvre deux situations inextricables : le confinement impossible (les personnes sans-chez-soi) et le confinement dangereux (les personnes en logement insalubre, inadéquat ou surpeuplé) »  [138]. Dans une opinion publiée par l’hebdomadaire Knack le 29 mars 2020, Elisabeth Geenen – experte en logement à la FGTB – dénonce quant à elle le fait que ce sont davantage les propriétaires que les locataires qui sont défendus par les autorités publiques ; en outre, elle appelle à un débat sur la qualité des logements, que la période de confinement a permis de mettre en lumière  [139].

126Au-delà de ces nombreuses cartes blanches qui visent à dénoncer les inégalités de logement et à proposer des solutions pour y répondre, une pétition en ligne à destination des ministres en charge du Logement est lancée par le mouvement Action Logement Bruxelles le 14 avril 2020. Cette pétition vise à réclamer une interdiction des expulsions locatives pour douze mois minimum et à demander l’annulation des loyers dus pendant la période de confinement, tant en Région bruxelloise qu’en Wallonie ou en Flandre. Rejointe par les Acteurs des temps présents (ADTP), le Comité pour l’abolition des dettes illégitimes (CADTM), Droit à un toit, les Équipes populaires (EP) de Bruxelles, les Jeunes organisés et combatifs (JOC), l’Observatoire belge des inégalités (OBI) et l’Union des locataires marollienne (ULM), cette initiative est justifiée par le fait que, alors que le gouvernement fédéral vient en aide aux entreprises confrontées à une perte de leurs profits, les locataires ne seraient pas soutenus : « Des milliers de ménages seront bientôt dans l’incapacité de payer leur loyer, ou devront conserver le peu d’argent dont ils disposent pour assurer les besoins essentiels. Pourtant, aucune mesure n’est prévue pour aider les locataires. Les revenus de remplacement – pour peu qu’ils existent – ne devraient pas servir au loyer. Cette différence de traitement entre locataires et propriétaires est inacceptable. Les locataires sont sur-représentés parmi les personnes vivant sous le seuil de pauvreté. Il faut agir maintenant pour éviter que des milliers de familles se retrouvent face à des difficultés insurmontables suite à la période de confinement »  [140].

127Les initiatives portant sur les inégalités de logement sont aussi variées que nombreuses. Elles sont de nature individuelle, mais aussi le fait d’une association ou d’un rassemblement d’associations et/ou de citoyens engagés. Les revendications elles-mêmes portent tantôt sur la question des inégalités de logement de façon générale, tantôt sur certains publics cibles, comme les sans-abri, les sans-papiers ou les locataires. Par ailleurs, elles peuvent avoir une portée régionale (la Région bruxelloise) ou – plus souvent – nationale. Néanmoins, les modes d’expression sont relativement peu variés : ces initiatives se traduisent essentiellement par la publication de cartes blanches. Cela s’explique notamment par les possibilités d’action réduites en raison des mesures de confinement adoptées par les autorités publiques. Bien sûr, le relevé de ces prises de position ne doit pas occulter tout le travail de terrain qui a été mené durant la période de confinement (comme à d’autres moments) par des associations, des institutions et des travailleurs sociaux pour tenter de venir en aide aux personnes mal logées ou sans abri.

4.5.Les inégalités en termes d’âge

128Un quatrième type d’inégalités sociales qui suscite des initiatives – certes moins nombreuses – de la société civile concerne trois groupes sociaux distincts : les personnes âgées, les jeunes et les enfants.

129Le 8 avril 2020, les représentants de quatre asbl spécialisées dans l’accompagnement du vieillissement et/ou des proches – à savoir Aidants proches, Infor-homes Bruxelles, Le Bien vieillir et Senoah – publient une carte blanche dans La Libre Belgique. Celle-ci rappelle que « jamais le secteur de l’accompagnement des personnes âgées – services à domicile et maisons de repos au sens large – n’a connu une telle crise, n’a dû encaisser et gérer un choc aussi soudain, violent, dramatique. Jamais ses ressources n’avaient, non plus, été aussi fragilisées par un détricotage progressif des soins de santé, une marchandisation du secteur des maisons de repos, une logique de rentabilité. Le peu de considération pour les métiers de l’accompagnement des personnes âgées (infirmières, aides-soignantes, aides-familiales, etc.), le manque de valorisation collective et sociétale du vieillissement contribuent à épuiser les équipes, à amenuiser le sens de leur travail et à ébranler le fondement de leur implication »  [141]. Par ailleurs, la carte blanche souligne que le confinement est particulièrement difficile à vivre pour les personnes âgées et leurs aidants, deux groupes de population considérés par les signataires comme étant à la fois les plus vulnérables mais aussi les plus oubliés. En conséquence, les signataires invitent à réfléchir à une série de questions afin de repenser la manière dont sont traités les seniors et les personnes qui leur viennent en aide : « Comment assurer la dignité de chacun ? Dans ce contexte d’interdépendance accrue, à qui incombe la lourde tâche d’en être le garant ? Ne sommes-nous pas déjà allés trop loin ? N’avons-nous pas, collectivement, déjà banalisé des situations pourtant inacceptables ? »

130Une autre carte blanche, signée par quatre chercheurs de la VUB et de la Hogeschool Gent (HoGent), est publiée par De Standaard le 29 avril 2020  [142]. Menant des recherches sur les besoins des personnes âgées (Belgian Ageing Studies - BAS), ces quatre personnes issues du monde académique invitent à la réflexion quant à la fracture numérique et au risque d’isolement auxquels font particulièrement face les personnes âgées. Alors que le texte salue la décision du gouvernement flamand de débloquer 375 000 euros afin de fournir des tablettes numériques aux résidents de maisons de repos, il appelle à aller plus loin afin de répondre à cette fracture numérique. Par exemple, il craint que le personnel des maisons de repos – déjà surchargé – ne puisse aider les résidents à apprendre à utiliser ces tablettes.

131Le 21 avril, c’est au tour de trois représentants du Forum des jeunes (anciennement et jusqu’en octobre 2019 : Conseil de la jeunesse de la Communauté française - CJCF) de publier une carte blanche mettant en exergue les inégalités et les difficultés vécues par les jeunes  [143]. Selon les signataires de ce texte – Nadège Carlier, Oriane Schmidt et Norman Vander Putten –, les jeunes constituent en effet une catégorie de la population particulièrement précarisée. Ils précisent ainsi que, d’après la Direction générale Statistique du Service public fédéral (SPF) Économie, PME, Classes moyennes et Énergie (Statbel), « 9,3 % des jeunes entre 15 et 24 ans n’exerçaient en 2019 aucun emploi et ne suivaient aucun enseignement, ni aucune formation. C’est énorme. Ces chiffres risquent de s’aggraver : l’économiste Bart Cockx de l’UGent indiquait récemment que plus de 100 000 jeunes sortant de l’enseignement vont éprouver plus de difficultés à trouver un emploi au vu du contexte. Parce que l’humeur ambiante n’est certainement pas à l’optimisme les concernant, il est donc essentiel que leur réalité soit adéquatement prise en compte parmi cet océan d’opinions sur l’après-corona ». Au-delà des difficultés sociales vécues par les jeunes, c’est aussi la problématique environnementale qui est pointée dans cette carte blanche, indiquant que ce sont les jeunes qui seront les premières victimes des dérèglements climatiques et environnementaux (cf. infra). En conséquence, les signataires du texte demandent que les jeunes soient entendus, en tant qu’« experts de la vie qu’ils entendent mener et de la société qu’ils souhaitent dessiner ».

132Bien qu’elle soit publiée dans De Standaard le 6 mai 2020 – soit en dehors du cadre temporel fixé pour cette étude –, une lettre ouverte consacrée à l’importance des enfants et à leurs droits est également rédigée durant la période de confinement. Portée par six représentants de la société civile flamande, cette lettre est co-signée par pas moins de 178 citoyens. Concrètement, elle indique que la stratégie de sortie du confinement ne tient pas suffisamment compte de l’intérêt des enfants et des jeunes. Rappelant une étude selon laquelle les enfants et les jeunes figureraient parmi les premières victimes du confinement – notamment sur le plan psychologique – et insistant sur le fait que ceux-ci « ont besoin de contacts sociaux, d’espace, de conseils et d’une perspective sur leur avenir proche »  [144], la lettre ouverte invite à porter une attention plus profonde et systématique aux enfants et aux jeunes lors de l’adoption de décisions politiques, par exemple via l’intégration d’une personne possédant une expertise en la matière au sein du groupe chargé de la stratégie de sortie du confinement (le Groupe d’experts en charge de l’exit strategy - GEES).

133Le 19 mai, une carte blanche co-signée par 269 pédiatres va dans le même sens ; elle appelle au respect des droits fondamentaux des enfants et milite pour que ceux-ci puissent retourner à l’école afin « d’évoluer, interagir et jouer normalement »  [145]. Quelques jours plus tard, le 27 mai, la réouverture des écoles est annoncée à la suite d’une réunion du Comité de concertation  [146]. Selon la ministre de l’Éducation du gouvernement de la Communauté française, C. Désir, cette décision est notamment motivée par la prise de position publique de ces pédiatres  [147].

134Ces paragraphes soulignent l’importance accordée par bon nombre d’acteurs issus de la société civile à certaines catégories de la population pointées comme pâtissant du confinement. Plus que comme de simples victimes, elles sont considérées comme étant trop peu prises en considération lors des réflexions visant à préparer le déconfinement et l’après-crise. L’ensemble des initiatives ainsi développées vise à mieux intégrer les besoins et les intérêts des personnes âgées, des jeunes et des enfants dans la prise de décisions politiques, au besoin en intégrant certains représentants de ces groupes sociaux ou certains experts de ces mêmes groupes au sein des processus décisionnels.

135*

136Si les inégalités sociales sont variées, c’est surtout sur les inégalités de genre, les inégalités vécues par les sans-papiers et les demandeurs d’asile, les inégalités de logement et les inégalités en termes d’âge que se concentre la grande majorité des initiatives citoyennes. Particulièrement nombreuses, ces dernières prennent surtout la forme de cartes blanches mais se traduisent aussi par des actions diverses – qu’elles soient légales ou non en ces circonstances de confinement.

137Les initiatives citoyennes relatives aux inégalités sociales peuvent rassembler des citoyens ou des associations particulièrement nombreux, et parfois très hétérogènes. Pourtant, il est à noter que les mesures proposées par ces différentes initiatives vont généralement dans un sens convergent, ce qui renforce la capacité de la société civile à se faire entendre.

138Enfin, les inégalités sociales ne sont pas un phénomène nouveau, qui découlerait directement de la crise sanitaire. En accroissant celles-ci, la pandémie a néanmoins permis d’accroître leur visibilité – outre qu’elle les a souvent rendues plus aiguës et pénibles à endurer. En conséquence, la société civile formule un ensemble de revendications pour apporter des réponses à ces inégalités ; elle demande aussi à être davantage intégrée dans les processus d’adoption de politiques publiques. Deux types de demandes distinctes sont donc formulés.

5. Une remise en cause de la place et du sens du travail

139La question du travail est posée de différentes manières durant la période de confinement décidée en raison de la pandémie de Covid-19. De modalité accessoire, le télétravail devient un mode d’organisation du travail extrêmement répandu, ce qui suscite des réflexions. Celles-ci émanent souvent de spécialistes de cette question dans le champ académique, éventuellement interrogés par des journalistes à ce sujet  [148]. L’Université de Liège (ULiège) lance également une enquête afin d’évaluer les conséquences du télétravail massif sur ses usagers  [149], tandis que la Fédération des entreprises de Belgique (FEB), accompagnée par de nombreuses organisations patronales, apportera publiquement son soutien à cette modalité de gestion de la pandémie durant le processus de déconfinement  [150]. Cette question est également abordée dans une enquête que réalise la FGTB auprès de ses membres durant le mois d’avril afin de mesurer l’impact de la crise sanitaire sur les revenus, le vécu et les aspirations des travailleurs  [151].

140Du côté de la société civile au sens strict du terme, une réflexion sur les dangers qu’induit la généralisation du télétravail est proposée, au nord du pays, par le Post-Corona Movement (PCM) sur son site Internet  [152]. Le PCM est une plateforme qui naît en mars 2020, à l’initiative de quelques citoyens flamands soucieux, comme ils l’indiquent, de tirer parti de la crise pour « semer le changement ». Il s’agit de quatre éco-entrepreneurs : Steven Desair, fondateur d’Eatmosphere (organisme qui récolte les surplus alimentaires au profit d’organisations sociales), de Louis De Jaeger et Ben Brumagne, co-fondateurs du Food Forest Institute (FFI), et de Simon Luyts, fondateur de Cultures of Change. La plateforme est constituée en groupe Facebook. L’idée est de permettre à chacun de proposer « un rêve concret » pour l’après-corona. Chacun de ces « rêves » suscite critiques, observations et ajouts, avant que le PCM ne s’emploie à rassembler (via des questionnaires électroniques) ceux qui sont susceptibles de partager et de mettre en œuvre les propositions. Dans une phase suivante, les grands thèmes ainsi dégagés sont transmis, en même temps que l’indication du soutien dont ils disposent, au pouvoir politique.

141De nombreux travailleurs sont en outre mis au chômage de façon temporaire, en raison du ralentissement ou de la mise à l’arrêt de divers secteurs d’activité  [153]. L’utilité voire le caractère indispensable de certains métiers, qui ne reçoivent pas une reconnaissance sociale particulièrement élevée en temps normal, est aussi mise en lumière durant la pandémie. Ainsi, la crise révèle l’importance cruciale du personnel soignant, au premier chef, mais aussi des conducteurs de transports en commun et des chauffeurs routiers, du personnel travaillant dans les supermarchés, les maisons de repos, des agents de propreté, etc. Concernant le secteur des soins de santé, le Resilience Management Group (RMG) – un groupe coordonnant plusieurs acteurs issus du monde académique et du secteur des entreprises de la transition (cf. aussi infra) – peut ainsi affirmer : « La Santé a reçu la priorité et tout le monde s’en réjouit ; les gouvernements redécouvrent des professions “cruciales” de première ligne qui, il y a peu, luttaient pour leur emploi et leur salaire »  [154].

142Le rôle essentiel de ces catégories de travailleurs et travailleuses est souligné durant la période de confinement, en particulier lorsque la circulation de la maladie est la plus aiguë : il faut une dose certaine de courage et d’abnégation pour sortir de chez soi, se rendre sur son lieu de travail, où l’on s’expose à un risque nouveau et inédit, en particulier si l’on est membre du personnel soignant et que l’on est en contact direct avec des personnes contaminées par le nouveau coronavirus  [155]. Une telle situation est accentuée par la pénurie de moyens de protection (masques, gel désinfectant, etc.)  [156].

143Des spécialistes du droit du travail se prononcent d’ailleurs sur la question d’un « droit de retrait ». Ce débat concerne l’existence éventuelle d’un droit dans le chef des travailleurs salariés de suspendre leurs prestations de travail s’ils estiment que leur employeur n’a pas pris des mesures de protection adéquates sur le plan sanitaire. Des interprétations divergentes entre spécialistes du droit du travail se manifestent, en particulier par voie de presse  [157]. De manière quelque peu surprenante peut-être, les syndicats restent assez discrets dans ce débat. La question du droit au retrait sous-tend pourtant la grève menée durant plusieurs jours à partir du 11 mai 2020 par de nombreux conducteurs de la Société des transports intercommunaux bruxellois (STIB) contre la volonté des représentants syndicaux et sans le soutien de ceux-ci.

144La crise sanitaire conduit également à une prise de conscience de l’existence de prestations de travail qui sont généralement invisibilisées et exercées à titre gratuit, en particulier par les femmes au sein de la sphère domestique (nettoyage, soins apportés aux enfants ou aux aînés, etc.). Ce travail est essentiel au fonctionnement de la société, mais il ne fait pas l’objet d’une reconnaissance sociale particulièrement élevée, et ce que ce soit sur le plan pécuniaire ou symbolique, affirment notamment un certain nombre d’intervenants. L’action du collectif Bas les masques Belgique  [158] met à l’avant-plan cette question du travail gratuit, en la reliant à une injonction sociale suscitée par la crise du coronavirus : en raison de la grave pénurie de masques produits de façon industrielle pendant cette crise, des appels sont lancés pour que la population prenne elle-même en charge la fabrication de masques en tissu. Bas les masques Belgique réagit : « On nous impose de travailler gratuitement au nom de la solidarité. Mais en quoi est-ce être solidaire que de demander à des personnes – qu’elles soient professionnelles ou non – de travailler gratuitement alors que nous sommes déjà tous et toutes dans une situation de précarité ? »  [159]

145La question de la couverture sociale des travailleurs indépendants ou précaires se pose également  [160]. Elle concerne l’organisation de la société après le coronavirus, non directement, mais plutôt par implication. Par rapport à cette question des travailleurs en situation précaire et des inégalités qui les frappent – notamment dans le secteur artistique ou dans celui, émergeant, des économies de plateforme –, la crise a, en effet, un effet de miroir grossissant (phénomène qui est également observé pour d’autres thématiques, cf. supra). Des réflexions portent par ailleurs sur des secteurs plus particuliers, comme celui de la prostitution où la vulnérabilité des travailleuses et travailleurs, déjà importante en temps normal, est fortement renforcée durant la pandémie  [161].

146De façon plus générale, la nouvelle configuration induite par la propagation du coronavirus SARS-CoV-2 suscite des réflexions dans le chef d’acteurs issus de la société civile afin de repenser la place et le sens du travail dans le « monde d’après ». Des débats portent sur la nécessité d’équilibrer vie professionnelle et vie familiale, ainsi que sur la question – liée mais autonome – de l’instauration d’un revenu minimum garanti, appelé également allocation universelle par certains de ses partisans. Des propositions sont formulées, notamment par le RMG (cf. supra). Parmi les pistes pour une relance durable et solidaire qui figurent dans le plan « Sophia » proposé par le RMG, figure une invitation à lancer un débat parlementaire sur un revenu de base universel  [162]. Une telle idée est avancée par d’autres acteurs (qui plaidaient déjà pour l’instauration d’un tel mécanisme avant la survenance de la crise  [163]).

147Bien que située en dehors de la période de référence de ce Courrier hebdomadaire, une réflexion centrée sur la problématique de la santé au travail, parue sur le site Internet du Soir le 17 juin, mérite également d’être épinglée. Il s’agit d’une carte blanche dans laquelle Maxime Coopmans, du Centre de défense et d’action pour la santé des travailleurs (C-DAST), et Paul Lootens, ancien président de la FGTB Centrale générale, dénoncent une carence au niveau des mesures de protection des travailleurs pendant la pandémie et soulignent l’exposition particulièrement importante de certaines catégories de travailleurs au nouveau coronavirus  [164]. Ils ajoutent : « Les mesures de protection collective (nettoyage des locaux, des outils et instruments, distance entre collègues de travail…), les mesures de protection individuelle, le dépistage des travailleurs contaminés et leur suivi, la gestion de la contagiosité sur les lieux du travail… font partie des responsabilités des employeurs et c’est aux organisations syndicales de les faire adopter par les [comités pour la prévention et la protection au travail (CPPT)], de façon concertée si possible ou de les imposer collectivement par le rapport de force ». Cette réflexion sur le travail est également soutenue par un grand nombre d’individus, dont de nombreuses personnes issues du monde syndical.

148Une autre intervention marquante en lien avec la question du travail et de son organisation provient du monde académique seul. Elle vise à repenser la place des salariés, qualifiés d’« investisseurs en travail », au sein de l’entreprise (et entretient ainsi un lien certain avec la critique du capitalisme abordée infra). Si elle émerge au milieu du mois de mai 2020 (soit alors que le processus de déconfinement a déjà été amorcé), elle s’adosse en réalité à une série d’initiatives qui ont pris place durant le confinement.

149Tout d’abord, le 24 mars 2020, est lancée l’idée d’un « CoronaReset », via une carte blanche initiée par des citoyens issus de la société civile et de la sphère culturelle et qui s’adresse notamment aux pouvoirs publics  [165]. Cette initiative est rejointe par quelque 16 000 signataires. Le texte consiste en un appel à saisir l’opportunité que constitue la crise sanitaire pour procéder à un changement de paradigme au sein de la société. Les objectifs mis en avant sont ambitieux, même si les formulations employées se situent surtout sur un plan général sans que des mesures précises et concrètes ne soient avancées. Il s’agit de « créer un monde plus juste, où les relations humaines auront repris une place plus importante que celle des transactions financières et des dividendes à distribuer à une minorité, un monde où le travail sera mieux réparti afin que la moitié de l’humanité ne trime pas jusqu’à l’essoufflement, au détriment de sa qualité de vie, tandis que l’autre moitié vit dans la misère faute d’avoir accès à ce Graal de boulot. Un monde qui respectera toute l’humanité, animaux et écosystèmes compris. Un monde où notre être pourra se construire autrement, avec ses dimensions multiples et non plus confiné à celle, unique, de producteur de richesses économiques ». Les questions, liées entre elles, de la place et du sens du travail au sein de la société occupent ainsi une position centrale dans cette réflexion, qui vise en outre à renforcer la participation citoyenne pour opérer les changements qui sont estimés nécessaires sur les plans écologique et social (cf. infra).

150Ensuite, une autre initiative voit le jour, fruit d’une collaboration entre le secteur associatif et des universitaires, qui prend la forme de la diffusion en ligne d’émissions-colloques portant sur des sujets tels que le travail, la sécurité sociale et l’écologie. Cette initiative est portée par le Centre socialiste d’éducation permanente (CESEP), la Fédération des services sociaux (FdSS) et le groupe de travail « Travail, entreprise, démocratie » (TED) du Centre de recherches interdisciplinaires Démocratie, institutions, subjectivité (CriDIS, de l’UCLouvain et du CESEP), en partenariat avec les Acteurs des temps présents (ADTP), le Centre de recherche interuniversitaire sur la mondialisation et le travail (CRIMT, de l’Université de Montréal), Éconosphères, la Fédération des maisons médicales et des collectifs de santé francophones (FMM), Formation éducation culture (FEC, organisme lié à la CSC), le MOC Brabant wallon, Pour écrire la liberté (POUR), l’agence-conseil en économie sociale Propage-s et Smart. La première émission, consacrée à la thématique du travail, est diffusée le jour de la fête du Travail, le 1er mai  [166].

151Enfin, une réflexion collective soutenue par plus de 3 000 chercheuses et chercheurs fait l’objet d’une publication dans plusieurs journaux, en Belgique et à l’étranger  [167]. Cette tribune paraît notamment sur le site Internet du journal Le Soir et sur celui du magazine Le Vif/L’Express[168]; sa principale initiatrice belge, Isabelle Ferreras, professeure de sociologie à l’UCLouvain, est en outre l’invitée de l’émission « Le grand oral » RTBF/Le Soir le 16 mai 2020. Même si elle survient au-delà du cadre temporel qui a été fixé pour la présente étude, cette intervention collective et transfrontière est particulièrement remarquable en raison du soutien important qu’elle reçoit au sein du monde académique et de l’attention médiatique mobilisée : « Les travailleurs démontrent chaque jour qu’ils ne sont pas une simple “partie prenante” de l’entreprise parmi d’autres. Ils sont LA partie constituante, pourtant toujours trop souvent exclue du droit de participer au gouvernement de l’entreprise, monopolisé par les apporteurs en capital ».

152À partir de ce constat, nourri par les recherches antérieures des scientifiques à la base de cette tribune et complété par les observations faites pendant la crise du Covid-19, les signataires de cet appel formulent un certain nombre de propositions selon trois axes : démocratiser, démarchandiser et dépolluer.

153Primo, il convient selon eux de rééquilibrer les pouvoirs au sein de l’entreprise, afin que les investisseurs en travail soient amenés à prendre les décisions importantes qui concernent le présent et le futur de l’entreprise sur un pied d’égalité avec les « apporteurs en capital », c’est-à-dire les propriétaires de l’entreprise et les dirigeants qui les représentent.

154Secundo, il est nécessaire, aux yeux des initiatrices de cet appel, de démarchandiser le travail afin que certains choix fondamentaux qui intéressent la collectivité ne soient plus livrés aux seuls mécanismes du marché : « La création de postes dans le secteur des soins aux personnes, l’approvisionnement en matériel de survie, ont été soumis depuis des années à une logique de rentabilité. La crise révèle cet aveuglement. Il existe des besoins collectifs stratégiques qui doivent être immunisés de la marchandisation. Douloureusement, nos dizaines de milliers de morts nous le rappellent aujourd’hui. Ceux qui affirment encore le contraire sont des idéologues qui nous mettent tous et toutes en danger. La logique de rentabilité ne peut pas décider de tout ». La nécessité d’assurer l’effectivité du droit au travail proclamé dans un certain nombre d’instruments juridiques nationaux et internationaux est également soulignée. Une telle réforme, que les signataires de cette tribune appellent de leurs vœux, pourrait prendre la forme d’« une garantie d’emploi pour tous (job guarantee), offrant la possibilité à chaque citoyen de bénéficier d’un emploi » et permettant « non seulement à chacun de vivre dignement, mais aussi collectivement de décupler nos forces pour mieux répondre aux nombreux besoins sociaux et environnementaux auxquels nous faisons face ».

155Tertio, ces nouvelles règles de fonctionnement de l’entreprise et cette nouvelle façon de répartir le travail dans la société devraient permettre non seulement de démocratiser l’entreprise et de démarchandiser le travail, mais aussi de répondre aux défis suscités par les périls écologiques qui se déploient à l’échelle globale, et aux dérèglements climatiques en particulier. D’importantes économies d’énergie sont notamment requises qui, d’après les signataires, ne pourront advenir que si la culture au sein de l’entreprise et le rapport collectif à la question du travail sont également profondément modifiés.

156Sur le fond, les trois initiatrices de cet appel – I. Ferreras, Julie Battilana, professeure d’administration des affaires à la Harvard Business School, et Dominique Méda, professeure de sociologie à l’Université Paris-Dauphine – mettent en avant les conclusions auxquelles elles parviennent dans le cadre de leurs recherches scientifiques respectives  [169]. À l’instar de beaucoup d’autres acteurs et actrices de la société civile, elles utilisent ainsi la crise sanitaire comme une caisse de résonance pour diffuser dans le public leurs idées et leur conception de la société présente et à venir.

157En complément de cette prise de position dans l’espace public, les résultats d’une enquête universitaire menée en partenariat par l’UCLouvain, l’Université Saint-Louis - Bruxelles (USL-B) et le CESEP sont publiés au début du mois de juillet 2020. Cette recherche vise à documenter la manière dont les Belges ont vécu la période de confinement, en particulier en ce qui concerne leur relation au travail et leur situation pécuniaire durant la crise sanitaire et après celle-ci  [170]. Les conclusions principales de l’enquête sont répercutées au moyen d’un communiqué de presse, dont l’intitulé insiste sur l’un des enseignements transversaux de cette étude : « “Travail et foyer à l’heure du (dé)confinement” : 90 % des répondant·e·s à l’enquête veulent du changement »  [171]. Cette étude, qui regroupe les apports de 31 contributeurs, est le fruit d’une collaboration entre divers acteurs de la société civile : les ADTP, Associations21, le Centre d’éducation populaire André Genot (CEPAG, lié à la FGTB), le CRIMT, le Centre d’information et d’éducation populaire du MOC Brabant wallon (CIEP-MOC BW), le CESEP, Éconosphères, la FMM, la FdSS, FEC, POUR, Présence et action culturelles (PAC), Propage-s, le Réseau wallon de lutte contre la pauvreté (RWLP), Smart, le TED et l’USL-B.

158*

159L’intervention qui a été décrite plus haut, portée par trois enseignantes et chercheuses issues du monde académique, est particulièrement remarquée en raison de son ampleur. En effet, elle est soutenue par plus de 3 000 chercheurs, ce qui constitue en soi une circonstance relativement rare pour une carte blanche émanant du monde académique. En outre, elle s’emploie à mettre en question, à partir de recherches scientifiques ancrées dans diverses disciplines, la place des travailleurs dans l’entreprise, ce qui implique, en filigrane, une critique du néolibéralisme et de la manière dont il s’est développé et structuré. À ce titre, une telle intervention dans le débat public est incontestablement « politique » et démontre le rôle grandissant que sont amenés à jouer les académiques au sein de la société civile. Par ailleurs, cette intervention n’est pas la seule touchant à la question du travail : elle a été précédée par l’une des cartes blanches ayant recueilli le plus de signatures durant toute la période de confinement, à savoir l’appel pour un CoronaReset.

160Néanmoins, si la crise du Covid-19 concerne, de manière plus générale, la question du travail de diverses manières, il ne semble pas que cette thématique occupe un caractère central, en tout cas si l’on examine les interventions collectives, très nombreuses, qui surgissent dans l’espace public durant la période de confinement. D’autres questions sont, semble-t-il, davantage mobilisatrices, comme celle des inégalités exacerbées par la crise (cf. supra) ou celle de la transition écologique (cf. infra). Cela ne signifie pas que la crise sanitaire n’est pas susceptible de constituer un tournant s’agissant de la manière dont le travail, en tant qu’activité, et les travailleurs, avec ou sans emploi, en tant que catégories sociales, sont perçus au sein de la société, d’une part, et encadrés juridiquement, d’autre part  [172]. Il conviendra de demeurer attentif aux évolutions futures en la matière.

6. Les urgences sanitaire et écologique

161De nombreux acteurs de la société civile tracent un parallèle entre la crise sanitaire et les périls écologiques, de plus en plus aigus, auxquels l’humanité est confrontée. Il s’agit, dans les deux cas, de risques qui transcendent les frontières et qui mettent en évidence les rapports d’interdépendance entre les États. Un autre lien entre coronavirus et environnement s’impose en outre rapidement à deux niveaux. D’une part, certains experts insistent sur l’origine écologique de la pandémie et les conséquences de l’écocide sur le passage des virus de l’animal vers l’homme. D’autre part, les mesures de confinement entraînent une diminution de la pollution. Celle-ci est observée au milieu du mois de mars au-dessus des zones qui sont alors les plus durement touchées par la pandémie de Covid-19 (la Chine d’abord, l’Italie du Nord ensuite), en raison des mesures de confinement qu’elle y a entraînées  [173]. Un tel constat s’étend par la suite à de nombreux autres territoires, au fur et à mesure que le confinement tend à se généraliser dans le monde  [174]. Les émissions de gaz à effet de serre connaissent également une baisse notable, bien que moins importante que ce qui avait été anticipé durant un temps  [175].

162Comme dans d’autres secteurs examinés dans ce Courrier hebdomadaire, des interventions de la société civile prennent la forme soit d’opinions individuelles diffusées dans la presse ou via d’autres canaux, soit de prises de position collectives. Ces interventions dans l’espace public vont souvent au-delà des quelques constats posés ci-dessus, pour s’engager dans des débats sur l’organisation du « monde d’après ». La façon dont la relance économique devra être mise en œuvre après la période de récession causée par la crise sanitaire, en tenant compte des impératifs écologiques, est souvent placée au centre de ces diverses interventions. Une autre question qui est abordée est celle de la sécurité alimentaire, la crise ayant suscité des inquiétudes sur ce plan et mis en lumière l’existence de chaînes de production et de distribution mondialisées, particulièrement fragilisées par la crise.

163Avant d’aborder ces différentes thématiques, il n’est pas inutile de revenir brièvement sur la situation quelque peu singulière de la mobilisation sociale dans le domaine de la protection de l’environnement en Belgique juste avant le déclenchement de la crise sanitaire. Au début de l’année 2020, on observe en effet une configuration dans laquelle les revendications écologistes et les mouvements qui les portent tentent de se frayer une voie d’accès vers l’espace médiatique. Si la campagne électorale qui a précédé les scrutins européen, fédéral, régionaux et communautaires du 26 mai 2019 a été fortement imprégnée par la question environnementale  [176], la configuration semble bien différente au début de l’année 2020.

164En 2019, la problématique écologique, et climatique en particulier, a bénéficié d’une attention médiatique considérable. Des actions impressionnantes ont pris place, notamment à l’initiative d’une partie de la jeunesse, fortement mobilisée  [177]. En Belgique comme à l’étranger, des « marches pour le climat » ont été organisées ainsi que des grèves menées par des élèves et des étudiants qui se sont inspirés, notamment, de l’exemple de la militante suédoise Greta Thunberg. L’action de Youth for Climate Belgique et de certaines de ses figures de proue (Adélaïde Charlier, Anuna De Wever et Kyra Gantois) peut en particulier être rappelée. Par la suite, on a observé en Belgique une atténuation de la préoccupation environnementale dans l’espace public, notamment en raison des difficultés qui affectent le processus de formation du gouvernement fédéral, les partis écologistes ne semblant pas en mesure de peser de manière déterminante dans le rapport de force politique. Deux événements importants surviennent toutefois à la fin de l’année 2019, qui génèrent une remise à l’avant-plan de cette thématique, à tout le moins sur les scènes internationale et européenne : la 25e Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP 25) est organisée à Madrid en décembre et, au même moment, la Commission européenne lance son « Green Deal », un programme qui vise à affronter les multiples défis écologiques qui se posent à l’échelle du continent européen et à celle du monde  [178]. Telle est la situation lorsque, au début du mois de mars 2020, la mobilisation pour le climat reprend en Belgique. Certaines mesures avancées par la Commission européenne, en particulier son projet de « loi » climat  [179], suscitent des réactions de la part de la société civile et une manifestation est organisée à Bruxelles, le 6 mars, afin de réclamer davantage d’ambition de la part des États et des organisations internationales dans le cadre de la lutte contre les dérèglements climatiques. Toutefois, cette reprise de la mobilisation dans les domaines écologique et climatique est, comme de nombreux autres enjeux, complètement éclipsée par la survenance de la crise sanitaire.

6.1. Urgence sanitaire et urgence écologique, même combat ?

165Les militants écologistes doivent donc s’adapter à une configuration nouvelle. Progressivement, ils développent de nouvelles stratégies et intègrent cette nouvelle donnée dans leurs discours et leurs actions. En réalité, la crise sanitaire entretient des liens quelque peu ambivalents avec la crise écologique. D’un côté, il est en effet possible d’affirmer que la pandémie causée par le nouveau coronavirus constitue une calamité, un événement imprévisible et contingent  [180]. En ce sens, sa nature diffère du réchauffement climatique, dont l’origine anthropique fait l’objet d’un consensus scientifique extrêmement large. D’un autre côté, l’accroissement du risque épidémique et pandémique dans la société contemporaine mondialisée constitue un fait bien documenté  [181]. Quoi qu’il en soit dans le cas de cette pandémie en particulier – à l’origine de laquelle des problèmes d’hygiène sur les marchés chinois aux animaux sauvages sont vraisemblablement en cause –, un lien peut être établi entre l’accroissement des risques sanitaires et d’autres enjeux environnementaux : déforestation, réchauffement climatique, élevage intensif et industriel, braconnage, etc. En d’autres termes, l’augmentation du risque sanitaire est liée à l’évolution des rapports entre la population humaine et son environnement  [182].

166C’est cette seconde interprétation qui est privilégiée par la majorité des acteurs de la société civile : la pandémie est rapidement perçue et analysée comme un nouveau risque mondialisé, qui s’est malheureusement réalisé, plutôt que comme une catastrophe complètement indépendante de l’activité humaine. Certains voient en outre dans la crise sanitaire un « signe » d’un épuisement de la planète et de ses ressources  [183] ou, à tout le moins, une sorte d’expérience grandeur nature des défis qui se poseront bientôt à l’humanité en cas d’inaction, notamment si des mesures radicales pour atténuer le réchauffement climatique ne sont pas prises. Les tribunes, qu’elles soient individuelles ou collectives, mettent l’accent sur les points de comparaison qui peuvent être établis entre les deux types d’urgence, sanitaire et écologique.

167De nombreux acteurs estiment que, même si les crises sont différentes et qu’il s’avérerait « bancal de comparer naïvement ces deux problèmes sociaux de grande ampleur »  [184], il est possible d’en tirer un certain nombre d’enseignements. Les ONG et autres intervenants insistent en particulier sur la capacité des États, qui s’est manifestée à l’occasion de cette crise, de prendre des mesures radicales pour y réagir. Jusqu’alors, certaines lignes paraissaient infranchissables, certaines mesures semblaient correspondre à de véritables tabous – sur le mode du fameux slogan TINA : « There is no alternative ». Pourtant, en quelques semaines, la vie sociale s’est mise à obéir à des règles radicalement nouvelles. Et, malgré quelques différences d’approche entre pays, un confinement strict a été organisé pour protéger les intérêts vitaux de la population, malgré les conséquences économiques manifestes qu’était amenée à avoir une telle mesure. En outre, des sommes très importantes ont été dégagées pour faire face à certains effets de la crise sur les plans économique et social, et ce notamment suite à la mise en suspens des règles d’austérité budgétaire applicables au niveau européen.

168Ainsi que le soulignent de nombreux intervenants, les dérèglements qui affectent la biosphère ont – et auront encore davantage à l’avenir – des impacts considérables sur la santé et le bien-être des êtres humains. Pour une série de raisons, et notamment une échelle temporelle différente sur laquelle ils se déploient, les périls environnementaux ne suscitent cependant pas la même réaction que celle observée durant la crise du coronavirus de la part des autorités et de la population, ce qui est souligné dans de nombreuses tribunes publiées durant le confinement et immédiatement après celui-ci.

169Parmi les actions les plus notables qui émanent de la société civile, on peut épingler une carte blanche rédigée par plusieurs membres du Club de Rome, un groupe de réflexion sur les limites de la croissance fondé dans les années 1970. Ceux-ci rappellent que les changements climatiques et, plus généralement, les périls écologiques requièrent des actions coordonnées entre États à la hauteur des enjeux, tout comme la crise sanitaire  [185]. Le 1er mai 2020, des signataires issus du monde associatif, universitaire, scientifique et politique publient dans le quotidien Le Soir une carte blanche à l’intitulé explicite : « N’oublions pas l’urgence environnementale »  [186], qui se concentre surtout sur la question de la relance de l’économie (cf. infra).

170Les militants écologistes se manifestent également. S’exprimant au nom du mouvement Youth for Climate Belgium, A. Charlier demande très tôt que l’urgence écologique soit traitée avec la même intensité que la crise provoquée par la situation sanitaire : « Les gouvernements européens ont montré leur capacité à endosser un principe de précaution face à une menace sérieuse ; si cette capacité existe, que manque-t-il face à la menace du climat ? La volonté ? Les jeunes mobilisés depuis plus d’un an pour le climat resteront présents jusqu’à ce que cette crise soit traitée à la mesure de sa gravité »  [187]. En particulier, les militants exigent un abandon progressif des « combustibles fossiles qui sont clairement dénoncés comme une des causes principales du réchauffement ».

171En outre, un communiqué de presse commun à une série d’associations actives dans le domaine de la protection de l’environnement est publié le 1er avril  [188]. Participent à cette prise de position Bond Beter Leefmilieu (BBL), le Brusselse Raad voor het Leefmilieu - Mouvement urbain pour Bruxelles (BRAL), Greenpeace Belgium, Inter-Environnement Wallonie (IEW), Natagora, Natuurpunt et World Wide Fund for Nature Belgique (WWF-Belgique).

172La Coalition Climat, qui regroupe de nombreuses ONG actives en Belgique sur la question du changement climatique, se positionne également, notamment par la voix de son président, Nicolas Van Nuffel  [189]. Dans un courrier adressé le 23 avril 2020 à la Première ministre, elle appelle à la constitution d’« une task force pour garantir que la reconstruction de l’économie après le Covid-19 soit juste et durable »  [190] et participe à la grève en ligne organisée le 24 avril 2020 par des réseaux de militants écologistes, qualifiée de Global Climate Strike Online  [191]. Comme le résume le journaliste Michel De Muelenaere dans Le Soir : « Forte des dizaines de milliers de personnes qu’elle a mobilisées en 2019 et 2020 pour réclamer une politique climatique plus ambitieuse et plus juste, la Coalition Climat réclame une voix au chapitre et veut étendre le champ des académiques associés aux débats »  [192]. Après la période de confinement stricto sensu, la Coalition Climat participera en outre à une initiative coordonnée entre de nombreuses associations belges et européennes qui militent pour le climat, dont Youth for Climate Belgium  [193].

173Dans ces différentes interventions, on peut lire en filigrane une tentative d’articuler les deux types d’urgence, climatique et sanitaire. Il s’agit de contourner l’effet de saturation médiatique que provoque la crise du Covid-19. Il s’agit aussi d’éviter qu’une sorte de concurrence implicite s’instaure entre les deux dossiers. Comment penser deux catastrophes qui sont, selon l’expression du philosophe français Bruno Latour, « enchâssées l’une dans l’autre »  [194] ? Comment y répondre politiquement ? Comment organiser une relance économique qui soit respectueuse de l’environnement et du patrimoine commun de l’humanité ? Voilà les questions qui semblent animer les militants écologistes, ainsi qu’un certain nombre d’autres acteurs, pendant la période de confinement.

174Pour la plupart, ces revendications nouvelles – ou renouvelées à la lumière de la crise sanitaire – sont véhiculées par le moyen de cartes blanches et autres tribunes publiées par les organes de presse. Ces interventions écrites sont souvent répercutées sur les sites Internet des ONG concernées ou via les réseaux sociaux. Toutefois, on observe également une articulation avec d’autres moyens d’action et d’autres modalités de déploiement de la réflexion collective. Outre les « offres de services » faites aux pouvoirs publics, l’exemple du Resilience Management Group (RMG) est plus original. Une réflexion sur la relance post-corona a pris place au sein de ce réseau constitué pour l’occasion, qui s’est ensuite attaché à mettre à la disposition des décideurs politiques et du public en général le résultat d’une réflexion collective de grande ampleur (cf. infra).

175Les moyens d’action classiques, comme la manifestation, ne pouvant pas être utilisés en raison de l’interdiction de rassemblement (sauf à emprunter la voie de l’action illégale), les acteurs sont amenés à recourir à d’autres procédés. Une manifestation virtuelle est notamment organisée à Bruxelles, le 23 avril, à l’initiative de Greenpeace Belgium et de Youth for Climate Belgium, afin de rappeler le caractère toujours aigu de l’urgence climatique  [195]. Des hologrammes sont projetés devant le siège du Conseil européen. La date choisie n’est pas arbitraire puisque le 24 avril, à savoir le lendemain de cette action, aurait dû être une journée de grève mondiale pour le climat (qui ne pourra bien sûr pas avoir lieu au vu des circonstances). Un autre procédé plus original encore est employé par la branche belge d’Extinction Rebellion (XR), mouvement qui se définit comme étant un « mouvement international de désobéissance civile en lutte contre l’effondrement écologique et le réchauffement climatique ». Le 14 avril, ce dernier publie sur son site Internet – et fait circuler sur les réseaux sociaux – une fausse vidéo de la Première ministre, S. Wilmès  [196]. Ce communiqué fictif repose sur une technique qui permet, à partir d’un contenu audiovisuel existant, de retoucher le visage et la voix d’une personne. Dans cette vidéo, S. Wilmès, la mine grave et le ton solennel, trace un parallèle entre la crise du Covid-19 et les périls écologiques en cours, dont elle souligne les causes communes. Reconnaissant l’incapacité des gouvernants à faire face à une situation écologique particulièrement critique, elle en appelle à des mesures radicales afin d’éviter l’effondrement de la société et décrète « la mise en place immédiate de nouvelles assemblées citoyennes » pour organiser la transition (cf. infra)  [197].

176Il est intéressant de constater que les militants écologistes, quels qu’ils soient, ne choisissent pas d’emprunter la voie de la désobéissance civile : ils n’estiment pas opportun (pour leur combat ou pour eux-mêmes) de violer publiquement les règles de confinement pour mettre en lumière leurs revendications.

6.2. Plaidoyers pour une relance verte

177Comme dans d’autres secteurs, la double dimension de la crise est soulignée par les acteurs issus de la société civile qui se mobilisent sur les questions environnementales et climatiques durant la période de confinement ou juste après celle-ci : une crise constitue à la fois une épreuve et une opportunité à saisir. La question de la relance économique – au-delà de l’aide urgente apportée aux entreprises menacées par une faillite – est en particulier abordée dans une telle optique. Elle est même au centre de la plupart des interventions.

178Un changement d’approche par rapport au Green Deal annoncé par la Commission européenne fin 2019 est notamment décelable dans le chef de plusieurs acteurs. Alors que, quelques semaines auparavant, certains militants écologistes estimaient que ce programme n’était pas assez ambitieux  [198], il s’agit à présent de le défendre face aux velléités de certains États membres de l’Union européenne, de certaines forces politiques et de certains lobbies de le suspendre afin de pouvoir organiser la relance le plus rapidement possible, en se basant sur les énergies fossiles.

179De nombreux acteurs souhaitent donc riposter, défendre le pacte vert européen et le renforcer. À leurs yeux, le Green Deal doit acquérir le statut de socle à partir duquel organiser une politique de relance économique ambitieuse, durable et solidaire. Pour mettre en œuvre ce travail de consolidation et de renforcement du pacte, l’idée d’un « Green New Deal » européen est avancée par un ensemble de signataires, à l’instar du célèbre New Deal élaboré à l’initiative du président Franklin Delano Roosevelt aux États-Unis, en 1929, afin de répondre aux conséquences de la grave crise économique et sociale qui frappait alors le pays et le monde  [199]. Cette initiative constitue une préfiguration du RMG qui se constituera par la suite (cf. infra). Parmi les signataires de la tribune, datée du 30 mars 2020, qui avance une telle proposition, figurent notamment Cédric Chevalier et Thibault de La Motte, co-auteurs de l’ouvrage Déclarons l’état d’urgence écologique [200], Olivier De Schutter, professeur à l’UCLouvain et nouveau rapporteur spécial de l’Organisation des Nations unies (ONU) sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme, Patrick Dupriez, président d’Etopia (centre d’études d’Écolo) et ancien co-président d’Écolo, Marc Lemaire, membre de la coalition Kaya (qui regroupe des entreprises engagées dans la transition écologique), Olivier Parks, économiste et auteur entre autres d’un ouvrage sur le pétrole et son avenir  [201], et le climatologue Jean-Pascal van Ypersele, professeur à l’UCLouvain et ancien vice-président du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Cette idée d’un « Green New Deal » se retrouve également dans l’appel BeterNaCorona qui, porté par onze revues flamandes, plaide en particulier pour des politiques favorisant l’émergence d’emplois et d’investissements durables : « Investir massivement dès maintenant dans les emplois verts [et] les infrastructures durables (…) nous aidera à sortir plus forts de cette crise »  [202].

180Le communiqué de presse du 1er avril 2020 émanant de sept ONG environnementales actives en Belgique (cf. supra) préconise également d’organiser la relance économique en conférant un caractère central à la préoccupation écologique. Outre les mesures prévues dans le Green Deal préparé par la Commission européenne, les engagements pris dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat du 12 décembre 2015 sont également évoqués : « L’investissement public devrait apporter des bénéfices à long terme et nous rendre résilients face aux chocs économiques. Ils doivent donc être pleinement compatibles avec les objectifs et les propositions du “Green Deal” européen et avec l’objectif de 1,5 °C de l’Accord de Paris »  [203].

181Diverses mesures sont avancées pour organiser cette relance verte : lier les aides accordées aux entreprises à leur politique environnementale, développer un impôt européen qui pèserait sur les grandes entreprises polluantes, ne pas « sauver » les secteurs dont l’activité est néfaste à l’environnement, supprimer les nombreux subsides qui sont actuellement accordés aux énergies fossiles et les attribuer de manière préférentielle aux énergies renouvelables, favoriser l’émergence d’emplois dans l’économie réelle, durables et ancrés localement, etc. Ces différentes mesures, accompagnées d’autres propositions, émaillent les diverses cartes blanches et tribunes publiées durant la période de confinement.

182Il est utile de s’arrêter quelque peu sur l’initiative du Resilience Management Group (RMG). Ce réseau – dont l’intitulé fait référence à ceux d’un certain nombre d’organismes mis en place par la Belgique durant la crise afin d’évaluer l’évolution de celle-ci, les risques qu’elle présente et les différents scénarios de sortie de crise (Risk Assessment Group, Risk Management Group et Economic Risk Management Group)  [204] – se forme pour l’occasion afin de réfléchir aux modalités de la relance économique. Principalement composé d’académiques et d’entrepreneurs de la transition, il est à l’origine d’une carte blanche  [205] qui est présentée explicitement comme une étape dans une réflexion en cours sur l’organisation d’une relance durable après la crise du Covid-19. Cette réflexion aboutira effectivement à l’élaboration et à la publication d’un plan intitulé « Sophia », qui présente une liste de propositions détaillées de relance durable et solidaire pour la Belgique  [206]. Outre des représentants de la coalition d’entreprises Kaya déjà citée, on retrouve parmi les chevilles ouvrières de ce projet plusieurs personnalités de renom, comme l’économiste Étienne de Callataÿ, O. De Schutter, le politologue François Gemenne et J.-P. van Ypersele. Plus de 100 personnes issues du monde scientifique et plus de 200 entreprises engagées dans la transition écologique participent à ce plan, qui fera l’objet d’une présentation à la Première ministre, S. Wilmès, après la levée partielle du confinement, le 14 mai 2020  [207].

183Ces plaidoyers pour une redéfinition de la gestion des nouveaux risques globaux, que ceux-ci soient anciens ou liés aux évolutions technologiques, peuvent également émerger à partir de la discussion d’un dossier en particulier. Ainsi, dans le secteur des télécommunications, une phase de test est entamée fin mars par l’opérateur de télécommunication Proximus pour le développement de la cinquième génération de standard technologique pour la téléphonie mobile (5G). Cette initiative suscite de nombreuses réactions négatives au sein de la société civile, et du côté du corps médical en particulier. Des cartes blanches, auxquelles se joignent de nombreux médecins, chercheurs et étudiants, sont publiées début mai  [208]. Une violation du principe de précaution est notamment alléguée, les acteurs pouvant s’appuyer sur un certain nombre de publications scientifiques exprimant des points d’attention à l’égard de la 5G, qui pourrait s’avérer particulièrement dangereuse pour la santé. Il est à noter que cette protestation est partagée par des mandataires politiques et par les autorités de certaines communes concernées, ce qui contraint Proximus à cesser cette phase de test dans certaines de ces entités.

6.3. La sécurité alimentaire à l’épreuve de la crise sanitaire

184Une autre question qui émerge pendant la crise est celle de la sécurité alimentaire. En Belgique comme dans de nombreux autres pays, les inquiétudes générées par les mesures de confinement envisagées et ensuite effectivement adoptées (dans le cas belge, par le Conseil national de sécurité - CNS) provoquent dans un premier temps une certaine panique parmi la population. Les supermarchés sont pris d’assaut. Au-delà de la ruée sur le papier-toilette qui génère une certaine surprise – ainsi que des traits d’humour dans la presse ou sur les réseaux sociaux –, quelques produits alimentaires (pâtes, riz, farine, œufs, etc.) viennent à manquer dans les rayons des magasins, non en raison de difficultés d’approvisionnement, mais suite à un changement de comportement dans le chef des consommateurs dicté par la crainte de pénuries. La Première ministre, S. Wilmès, organise une opération de communication qui se veut rassurante : elle se rend dans les entrepôts où sont acheminés et stockés les denrées alimentaires et les produits de première nécessité, et affirme que les stocks de la Belgique ne sont pas en péril  [209].

185Toutefois, une opportunité s’est créée pour évoquer, à côté des différentes menaces écologiques globales, la question de la sécurité alimentaire, celle des circuits qui permettent d’approvisionner la population en nourriture et celle de l’avenir de l’agriculture. Parmi les cartes blanches et autres tribunes qui sont rédigées à ce sujet, on peut signaler quatre interventions particulièrement marquantes.

186Primo, le site Internet de La Libre Belgique publie une carte blanche intitulée « Face à la crise historique engendrée par la pandémie de coronavirus, organisons notre sécurité alimentaire »  [210]. Parmi les signataires, on retrouve notamment C. Chevalier, O. De Schutter, P. Dupriez, Raphaël Stevens – figure marquante de la collapsologie dans l’espace francophone, avec le Français Pablo Servigne  [211] – et J.-P. van Ypersele. Cette tribune fait valoir que la Belgique devrait « disposer d’une autonomie alimentaire minimale », ce qui implique de poser un certain nombre de choix stratégiques en cette période, qui correspond au début de la saison agricole. En outre, les signataires font offre de services et invitent la Première ministre à constituer « une task force interfédérale chargée de planifier et mettre en place une politique de résilience alimentaire ». Au moment où cette carte blanche est publiée, les incertitudes sont encore particulièrement nombreuses. Cette task force pourrait définir les contours des « différents scénarios critiques » envisageables, et notamment le « cas où les échanges internationaux ne suffiraient plus à assurer l’alimentation des Belges ». Selon les signataires, une telle réflexion collective devrait impliquer tous les acteurs concernés et être déclinée, dans la mesure du possible, à l’échelon européen également.

187Secundo, de nombreuses associations actives notamment dans les domaines du développement durable, de la coopération au développement et de la lutte contre la pauvreté – dont les Amis de la Terre Belgique (ATB), le Centre national de coopération au développement (CNCD-11.11.11), le Collectif des coopératives citoyennes pour le circuit court (5C), Greenpeace Belgium, Inter-Environnement Wallonie (IEW), le Mouvement d’action paysanne (MAP), Natagora, Oxfam-en-Belgique, la coopérative Paysans-Artisans, Quinoa, le Réseau Information et diffusion en éducation à l’environnement (Réseau IDée), le Réseau wallon de lutte contre la pauvreté (RWLP) et World Wilde Fund for Nature Belgique (WWF-Belgique) –, des mutuelles, des spécialistes de l’alimentation, des entrepreneurs de la transition, etc. publient une carte blanche qui consiste en un plaidoyer pour une relocalisation des systèmes alimentaires : « Il est temps d’arrêter les doubles-discours et de poser des choix politiques clairs et cohérents en faveur de la relocalisation de l’agriculture vivrière et de la transition agroécologique. C’est en effet la seule voie pour rencontrer les défis urgents du monde agricole : nourrir la population au bénéfice de tou·te·s les citoyen·ne·s, nanti·e·s et moins nanti·e·s ; lutter contre les dérèglements climatiques et l’effondrement de la biodiversité ; créer des emplois décents et rémunérateurs pour les paysan·ne·s ; et redynamiser les zones rurales »  [212].

188Tertio, une carte blanche est initiée par un autre type de signataires, à savoir des personnes issues du monde académique, des représentants d’entreprises du domaine de l’alimentation et un certain nombre d’organisations sectorielles, comme la Belgian Feed Association (BFA), la Fédération wallonne de l’agriculture (FWA), l’Union des classes moyennes (UCM) et l’Union wallonne des entreprises (UWE)  [213]. L’argumentaire mis en avant par ces acteurs est double. D’une part, à la fin du mois d’avril, les signataires de cette carte blanche estiment qu’un bilan globalement positif peut être tiré : il a été montré que la sécurité alimentaire de la Belgique et de l’Europe pouvait être assurée même en temps de crise. Toutefois, cette situation exceptionnelle a également révélé, selon eux, qu’il est nécessaire de travailler dans la direction d’une alimentation plus durable. Il existe déjà une base pour des actions futures, est-il rappelé, sous la forme d’un référentiel intitulé « Vers un système alimentaire durable en Wallonie »  [214] élaboré suite à des rencontres organisées en 2017 et 2018 réunissant de nombreuses parties prenantes, publiques et privées, du système alimentaire wallon : « Tous les éléments sont sur la table pour faire évoluer véritablement le système vers plus de durabilité. Ce [qui] manque, c’est la volonté commune et coordonnée de mettre les moyens disponibles au service de la vision équilibrée, formulée dans le référentiel, et qui prend en compte les aspects environnementaux, sociaux et économiques de l’alimentation »  [215]. Un appel est donc adressé au gouvernement wallon Di Rupo III (PS/MR/Écolo) et aux différents ministres concernés au sein de celui-ci pour organiser une telle transition, en articulant les niveaux national, européen et mondial, en favorisant en outre une étroite collaboration avec l’ensemble des acteurs concernés.

189Quarto et enfin, une lettre ouverte rédigée par quatre chercheurs de la KU Leuven met en garde contre une fausse impression qui aurait pu émerger durant la crise, notamment suite aux diverses prises de position mentionnées ci-avant, suivant laquelle l’autosuffisance et la souveraineté alimentaires seraient à portée de main en Belgique. Selon ces chercheurs, « la souveraineté alimentaire, ou l’autosuffisance, est une illusion, tant en Flandre qu’ailleurs dans le monde. Ce n’est ni faisable ni souhaitable »  [216]. Ces intervenants estiment que la crise actuelle pourrait constituer une fenêtre d’opportunité pour débattre non d’une autosuffisance chimérique, mais plutôt des enjeux d’une alimentation de qualité organisée de façon durable aux niveaux européen et mondial.

190*

191Comme dans d’autres domaines étudiés dans ce Courrier hebdomadaire, la situation exceptionnelle due à la pandémie de Covid-19 permet aux acteurs de la société civile de se positionner quant aux réformes qui devraient à leurs yeux être envisagées à l’avenir dans divers secteurs dont l’empreinte sur l’environnement s’avère particulièrement notable, pas forcément en repartant d’une page blanche, mais en capitalisant sur des réflexions ou initiatives passées réactualisées à la lumière de la crise.

192Au début de l’année 2020, les militants écologistes se trouvent dans une situation singulière. La forte présence de la question écologique et en particulier climatique qui s’est manifestée un an auparavant dans l’espace public et médiatique belge ne semble plus d’actualité. La crise sanitaire ne fait que renforcer cette réalité. Assez rapidement, les militants écologistes et d’autres acteurs issus de la société civile s’adaptent à cette nouvelle configuration : sur le fond, la pandémie de 2020 est présentée comme un laboratoire des urgences écologiques en cours et futures ; sur la forme, diverses modalités d’action sont utilisées pour faire émerger les revendications écologistes dans le débat public et les lier aux enjeux de la relance après-crise. Certains domaines font l’objet de réflexions plus ciblées. La mise en œuvre de la 5G par Proximus pendant la période de confinement suscite ainsi des réactions. La question de la sécurité alimentaire fait également l’objet d’interventions spécifiques.

7. Le capitalisme et la mondialisation sous le feu des critiques

193Le ralentissement de l’activité économique qui découle de la pandémie de Covid-19 est sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale. Une crise économique et sociale de grande ampleur se profile à l’horizon  [217]. En conséquence, nombreux sont les acteurs qui souhaitent l’émergence d’un autre modèle économique prenant ses distances vis-à-vis d’un capitalisme et d’une mondialisation effrénés qui, notamment en raison des phénomènes de dérégulation qu’ils charrient, nuisent au bien-être collectif. La mondialisation fait par ailleurs, plus à la marge, l’objet de critiques émanant de partis nationalistes et d’extrême droite qui y voient une menace ou un frein à leurs projets politiques.

7.1. De quoi cette crise est-elle le nom ?

194Face à la situation exceptionnelle causée par la pandémie, différents types de réaction émanent de la société civile.

195Primo, la nature de la crise elle-même fait l’objet d’évaluations. Notamment, plusieurs des tribunes publiées pendant la période de confinement (et consistant plutôt en des opinions individuelles qu’en des initiatives collectives) font référence à la métaphore du « cygne noir », popularisée par le statisticien libanais Nassim Nicholas Taleb  [218]. Cette théorie souligne l’existence, dans l’histoire de l’humanité, d’événements improbables et aléatoires qui, lorsqu’ils se produisent, ont un impact considérable sur la vie humaine, la société et les normes qui la régissent. Si les auteurs qui s’y réfèrent ne l’interprètent pas toujours de la même manière, l’image du cygne noir leur permet de souligner que le coronavirus n’est pas tant un accident de parcours qu’un catalyseur qui révèle les failles et les fragilités du système économique actuel  [219]. Dans le même ordre d’idées, le Comité pour l’abolition des dettes illégitimes (CADTM) souligne à plusieurs reprises sur son site Internet que la situation pandémique a surgi dans un contexte d’instabilité économique et financière, la crise déclenchée en 2008 n’ayant pas conduit à des réformes profondes du capitalisme globalisé  [220].

196Secundo, si l’opportunité et le caractère équilibré des mesures d’urgence prises par les autorités publiques font l’objet de réflexions et de critiques et suscitent des propositions, c’est surtout l’organisation de la relance économique après la crise qui se trouve au centre de l’attention. Les analyses émanant de la société civile et publiées par voie de presse sont souvent critiques à l’égard d’« un cadre de pensée dominant qui ramène invariablement la société au capital, à l’endettement et à la croissance »  [221]. Concernant les réflexions sur l’après-crise sanitaire, la nécessité d’une articulation entre les mesures de relance économique et la gestion des dérèglements écologiques, et en particulier de l’urgence climatique, est soulignée (cf. supra).

197Deux axes peuvent être dégagés dans ces interventions. D’une part, il est affirmé que la crise constitue une opportunité pour repenser les bases de notre modèle de développement et de prospérité économiques. D’autre part, les intervenants estiment, dans leur grande majorité, que le nouveau modèle doit être soutenable et respectueux des dimensions tant sociales qu’écologiques de notre vie collective. Cette position n’est certes pas la seule envisageable, mais elle est prônée par la majorité des acteurs de la société civile qui s’expriment publiquement durant la période de confinement. Elle fait aussi l’objet d’initiatives à vocation transversale et coordonnées entre acteurs, comme celle du Resilience Management Group (RMG), qui a déjà été évoqué dans un autre chapitre de cette étude et dont les prises de position seront encore détaillées ci-dessous.

198Parmi les opinions qui pourraient être qualifiées de discordantes – c’est-à-dire prenant plutôt la forme d’avis individuels que d’avis coordonnés entre divers acteurs –, certaines semblent attachées à une forme de statu quo ou même de renforcement de la logique néolibérale  [222], tandis que d’autres prônent une modification d’approche sans forcément appeler de leurs vœux un changement radical de paradigme économique. Dans cette dernière catégorie, on peut signaler, par exemple, une carte blanche signée en commun par un diplomate et un politologue, qui met en avant la notion de bien public mondial : « Il n’y a ici aucune nécessité de rompre avec le capitalisme. Il s’agit simplement de ne plus compter uniquement sur le marché mondial pour certains produits jugés stratégiques »  [223].

199Du côté des voix plus résolument critiques à l’égard de notre modèle de développement économique, ce n’est pas tant la mondialisation en tant que telle que la dimension néolibérale de celle-ci qui est dénoncée par de nombreux intervenants, qu’ils soient issus du tissu associatif, du monde académique ou du milieu syndical. Est ici mis en lumière le caractère toujours dominant, malgré le signal d’alarme qu’a constitué la crise économique et financière déclenchée en 2008, d’une conception économique fondée sur une croissance sans limites et reposant sur une concurrence exacerbée entre acteurs au sein d’un marché global dérégulé. Ce qui est mis en cause est un modèle – qualifié par un observateur de « capitalisme à tout prix »  [224] – au sein duquel les dimensions sociales et environnementales du développement humain ne sont conçues, au mieux, que comme des variables d’ajustement, mais en aucun cas comme des impératifs avec lesquels il ne saurait être transigé. Ainsi, les acteurs appartenant à cette catégorie n’ancrent pas leurs discours dans un registre souverainiste ou nationaliste  [225], mais développent plutôt un plaidoyer « pour une autre mondialisation », comme le résume le slogan de l’Association pour une taxation sur les transactions financières et l’action citoyenne (ATTAC), réseau citoyen fondé dans les années 1990 et toujours actif de nos jours, y compris durant l’épisode du Covid-19 (cf. supra [226]).

200Dans l’appel BeterNaCorona, déjà évoqué, on lit notamment : « La crise du crédit de 2008 a déjà montré que le système actuel n’est plus en mesure de garantir la prospérité, le bien-être, la santé et la liberté de la majorité de la population mondiale. Les injections financières actuelles ne doivent pas nous enfermer dans une industrie et une économie dominées par le capital financier ou alimentées par les combustibles fossiles pendant encore dix ans. Des politiques tournées vers l’avenir doivent être utilisées pour permettre et accélérer une transition juste »  [227]. L’action du groupe local Watching Alibaba peut également être épinglée, qui s’oppose à la perspective de l’implantation du groupe chinois de vente en ligne Alibaba sur le site de l’aéroport de Liège et aux projets d’extension de ce dernier : « Nous refusons le modèle économique d’Alibaba (low cost, énergivore, en circuit long, etc.) qui est aux antipodes des enjeux sociaux, environnementaux et économiques »  [228]. La constitution d’une plateforme dotée de son site Internet, et qui propose notamment à la signature des citoyens une pétition reprenant les principales revendications du collectif, permet à cette forme de militantisme ciblée sur un projet spécifique de se poursuivre durant la pandémie.

201Certaines interventions soulignent la capacité du capitalisme « à poursuivre sa course folle »  [229] malgré la crise, voire mettent en garde contre une possible instrumentalisation de celle-ci par les gouvernements, soutenus ou influencés par de puissants opérateurs privés, afin de mettre en œuvre des réformes favorables aux intérêts des couches privilégiées de la population. Des références à la « stratégie du choc » théorisée par la journaliste et essayiste canadienne Naomi Klein  [230] se retrouvent ainsi dans plusieurs interventions : « L’analyste politique de renom Naomi Klein nous met (…) en garde à travers ses analyses contre la montée d’un capitalisme du désastre. Klein montre comment le régime capitaliste et néolibéral tire profit des catastrophes pour faire passer des changements législatifs, ainsi que des “réponses” à la crise qui bénéficient aux grandes entreprises et aux acteurs politiques puissants. Les grandes crises, comme celle que nous traversons aujourd’hui marquent l’histoire et transforment le futur… À nous d’être vigilants et proactifs dans les mois qui viennent… », peut-on lire notamment dans une tribune signée par diverses personnes issues du monde académique  [231].

202Tertio, si la question de la justice sociale au sein d’un État déterminé est souvent centrale dans les interventions qui émanent de la société civile pendant la période de confinement – et qui prennent parfois la forme d’un plaidoyer pour davantage de justice fiscale (cf. supra) –, il est également des initiatives et des réflexions qui portent davantage sur la question de la dette qui pèse sur les pays du Sud et qui sera ressentie encore plus sensiblement lorsque la crise économique se déployant à l’échelle globale produira ses effets pleins et entiers. Cette question occupe le devant de la scène en France suite à certaines déclarations du président de la République, Emmanuel Macron  [232]. En Belgique, durant la période de confinement, des initiatives en la matière émanent notamment du CADTM  [233] et du Centre national de coopération au développement (CNCD-11.11.11). Le secrétaire général de ce dernier, Arnaud Zacharie, conclut ainsi la tribune qu’il consacre à cette question : « Éviter une crise de la dette des pays en développement est dans l’intérêt des pays industrialisés, non seulement parce qu’elle aurait des répercussions sur leur propre système financier qui est lui-même en crise, mais aussi parce qu’il est vain d’espérer venir à bout du coronavirus sans qu’il soit maîtrisé dans les pays en développement. Éviter un tel effet boomerang implique de prendre rapidement les mesures qui s’imposent, car on ne pourra pas enrayer une crise planétaire en laissant de côté la majorité de la population mondiale »  [234]. Une initiative collective plus ample, qui réclame l’annulation de la dette des pays du Sud dans le contexte de la crise sanitaire, économique et sociale, intervient après l’enclenchement du processus de déconfinement, à laquelle se joignent tant des ONG que des syndicats  [235].

7.2. Pistes pour un développement soutenable

203La plupart des interventions proposent des lignes directrices pour organiser une relance fréquemment qualifiée, par les acteurs eux-mêmes, de « soutenable »  [236]. Un appel, signé par 250 personnes issues principalement du monde scientifique  [237] – dont O. De Schutter, Philippe Defeyt, président de l’Institut pour un développement durable (IDD)  [238], François Ost, professeur de philosophie du droit à l’USL-B, et A. Zacharie –, est à cet égard particulièrement emblématique. Les signataires y soulignent la nécessité de continuer à penser le long terme, malgré l’urgence de la crise sanitaire. Les 17 objectifs de développement durable de l’ONU, adoptés le 2 août 2015 à New York par de nombreux États, dont la Belgique, sont rappelés. Élaborés en ayant en vue un horizon temporel de moyen terme (à savoir l’année 2030), ils touchent à des domaines extrêmement variés de la vie collective, à savoir ceux « de la pauvreté, de la faim, de la santé, de l’éducation, de l’égalité entre les sexes, de l’eau, de l’énergie, du travail et d’une croissance économique soutenable, de l’industrie et de l’innovation, des inégalités, des villes et communautés durables, de la consommation et de la production responsables, de la lutte contre les changements climatiques, de la vie aquatique et terrestre, de la paix et la justice et enfin, des partenariats et de la collaboration ».

204Les États qui ont approuvé ces objectifs sont amenés périodiquement à rendre des comptes quant à l’intégration de ces principes dans leurs politiques. Par l’effet d’une coïncidence qui est relevée par les signataires de cet appel, la Région wallonne a publié un rapport à ce sujet le 12 mars 2020  [239]. Ce même jour, le Conseil national de sécurité (CNS) adoptait, au niveau fédéral, les premières et – déjà – importantes mesures de distanciation sociale, en ordonnant notamment, à partir du samedi 14 mars, la fermeture des cafés et des restaurants ainsi que celle des commerces non essentiels durant les week-ends.

205Selon les signataires de cet appel, nous avons assisté à une collision entre l’urgence sanitaire impérieuse et des défis à plus long terme, tout aussi impérieux, mais qui se déploient sur une autre échelle temporelle. Durant la crise et au-delà de celle-ci, il s’avère nécessaire et même vital, plaident les signataires, de repenser notre modèle économique à l’aune de ces objectifs de long terme, ce qui implique également de réapprendre à gouverner dans la durée et non dans l’immédiateté : « Les signataires de cette carte blanche appellent dès maintenant les citoyens et les autorités politiques qui les représentent mais également toutes les forces vives de Wallonie et des autres entités fédérées, alors même que l’urgence est là, à préserver et à cultiver une vision holistique et systémique à long terme de nos collectifs en faisant entrer concrètement la soutenabilité dans nos pratiques. À coup sûr, il y aura un après ! Celui-ci ne pourra qu’être durable au risque de n’être qu’un éternel épuisement en faisant de nous des Sisyphes résignés. Il est donc urgent de penser et d’agir de façon durable au risque de panser durablement ».

206L’approche proposée par le Resilience Management Group (RMG), déjà évoquée lorsque les liens entre urgences sanitaire et écologique ont été abordés (cf. supra), mérite également que l’on s’y arrête à nouveau. À titre de rappel, il s’agit d’un réseau constitué pour l’occasion de diverses personnalités issues du monde académique et d’entrepreneurs de la transition regroupés au sein de la coalition Kaya. Une carte blanche est publiée le 25 avril 2020, qui pose un certain nombre de constats, d’une part, et propose des pistes concrètes pour une relance durable post-corona, d’autre part  [240].

207Du côté des constats, ce groupe note que la pandémie rend nécessaires des mesures de confinement, qui ont certes pour effet de maîtriser la crise sanitaire mais aussi de provoquer une grave crise économique. Que faire pour que cette dernière ne se transforme pas en crise sociale ? Des positions divergentes s’expriment à ce sujet dans la société : « Certains veulent une relance rapide, “business as usual”, sans rien changer au système et à ses défauts mis en évidence dans les causes et les conséquences de la pandémie. D’autres observent que la résilience de l’économie est aussi importante que sa productivité et sa compétitivité. Ils plaident pour que les moyens alloués à la relance servent à mettre en œuvre l’indispensable “transition juste” qui nous permettra d’éviter, de retarder ou d’atténuer les effets des crises futures ». C’est résolument dans ce second groupe que se rangent les membres du RMG : « Nous faisons partie de ces “transitionneurs” qui, avec beaucoup d’autres, proposent une dynamique pour sortir de cette crise “par le haut” ».

208La crise du coronavirus, rappellent les signataires, ne vient pas rompre une continuité historique placée sous le signe de l’apaisement ni dénuée de conflits et d’enjeux majeurs. Au contraire, elle ne fait « que s’ajouter à une situation déjà préoccupante. Le système mondialisé dominant, axé sur une croissance matérielle infinie dans un monde fini, épuise les ressources naturelles et engendre des pollutions qui affectent gravement les océans, l’ensemble des sols et notre atmosphère ainsi que tous les êtres vivants qui en dépendent ». Outre qu’elle fait peser de graves menaces sur le sort des générations futures, cette empreinte écologique au-delà des capacités de la planète se produit également de façon inégale entre les êtres humains. La planète « étouffe sous le poids des modes de production et de consommation actuels », et ce au détriment des « ménages à faibles revenus et [des] personnes vivant dans la pauvreté, sous toutes les latitudes ».

209S’agissant des propositions qu’il met en avant, le RMG estime qu’il est urgent d’« assurer la rapide et nécessaire transition vers une autre économie, inclusive, coopérative, circulaire, une économie qui opère dans les limites de la planète et respecte d’autres valeurs que la concurrence et l’obsession du “moins cher” », une économie également qualifiée par les signataires de ce manifeste comme étant « moins carbonée, plus juste, circulaire et régénérative ».

210Si les impératifs écologiques sont mis en évidence par le RMG – comme c’est également le cas dans de nombreux appels publiés pendant la période de confinement, déjà analysés supra –, il s’agit également d’insister sur la nécessité d’organiser cette transition de façon juste sur le plan social. Sont en particulier dénoncées les « forces contraires, économiques et politiques passéistes, [qui] profitent de l’inquiétude des employeurs et des travailleurs pour réattiser le débat de la fin du mois versus la fin du monde ». Selon les membres du RMG, tant les mesures de soutien économique aux entreprises en difficulté que celles qui doivent organiser la relance post-corona doivent, au contraire, être saisies comme « une occasion d’accélérer l’évolution vers une économie régénérative ».

211Du côté des théories ou modèles qui pourraient permettre de penser cette nécessaire conciliation entre des enjeux économiques, écologiques et sociaux parfois divergents, dans une optique plus générale d’équité, le RMG mobilise – comme d’autres intervenants  [241] – le modèle du « donut » popularisé par l’économiste britannique Kate Raworth  [242]. Cette approche propose de concevoir le développement économique comme étant limité de deux façons : d’une part par le haut, par des impératifs écologiques, et d’autre part par le bas, par des normes sociales imprégnées de diverses valeurs telles la justice ou l’égalité. L’espace de développement économique dans lequel l’humanité pourrait évoluer de façon à la fois sûre et juste ressemblerait ainsi à cette pâtisserie particulièrement populaire dans le monde anglo-saxon, le donut, encerclé à l’extérieur par un pourtour fait de contraintes environnementales et reposant, à l’intérieur, sur un socle social.

212Loin de se limiter à une déclaration d’intention publiée par voie de presse, l’initiative du RMG se traduit par la publication d’un plan « Sophia » contenant une liste de propositions détaillées de relance durable et solidaire pour la Belgique  [243]. Ce plan est décliné en 15 thèmes qui permettent d’aborder, selon ses concepteurs, l’ensemble des paramètres qui devront être pensés à nouveaux frais dans le cadre de la relance de l’économie et de la vie sociale après la pandémie de Covid-19 : aides aux entreprises ; fiscalité ; banques, assurances et fonds de placement ; consommation durable ; production responsable/relocalisation ; agriculture et alimentation ; bâtiment/aménagement du territoire ; mobilité ; énergie ; démocratie, État et pouvoirs publics ; santé ; sécurité sociale/nouveau contrat social/ emploi ; enseignement/éducation ; coopération au développement ; transition intérieure. Comme cela a déjà été indiqué, ce plan élaboré par le RMG fait l’objet d’une présentation à la Première ministre le 14 mai 2020. Une conversation se noue à cette occasion avec des représentants du groupe, qui est jugée « très constructive » par S. Wilmès  [244] mais qui devra encore, selon les observateurs, déboucher sur des actions plus concrètes.

213Parmi les quelque 200 propositions mises en avant par le RMG dans le domaine économique au sens large, plusieurs étaient déjà envisagées avant la crise sanitaire. Elles font l’objet d’adaptations pour être articulées à la crise générée par la pandémie de Covid-19. Les lignes de force de ces propositions touchent souvent à l’urgence écologique et en particulier climatique (économies d’énergie, développement des énergies renouvelables, mesures visant à soutenir des techniques agricoles plus durables, etc.). Elles concernent également des questions plus directement économiques, comme les aides accordées aux entreprises, la fiscalité et la transparence dans le secteur financier. L’enjeu d’une participation citoyenne accrue pour organiser la transition est également soulevé (cf. infra), à côté d’autres thématiques comme celles de la réduction du temps de travail et de l’instauration d’un revenu de base universel.

7.3. Le procès politique de la mondialisation

214Dans nombre de pays, la pandémie de Covid-19 remet également au cœur des débats la question de la mondialisation et de l’ouverture des frontières. Et pour cause : le 16 mars 2020, la Commission européenne invite les États membres à appliquer temporairement une restriction des déplacements « non essentiels » des pays tiers vers l’Union européenne. Appliqué par les États membres (sauf l’Irlande) et par les autres pays associés à l’Espace Schengen, ce contrôle renforcé aux frontières extérieures de l’Union européenne est prolongé à deux reprises au moins : d’abord jusqu’au 15 mai, puis jusqu’au 15 juin. En parallèle, les frontières intérieures de l’Union européenne sont également contrôlées dans de nombreux pays. En Belgique, le 20 mars, le ministre de la Sécurité et de l’Intérieur, Pieter De Crem (CD&V), décide ainsi de fermer les frontières de la Belgique pour tout déplacement « non essentiel », afin d’endiguer la propagation du coronavirus. Le trafic du fret et des camions, le retour des ressortissants belges à l’étranger et les déplacements professionnels nécessaires demeurent toutefois autorisés. Si la commissaire européenne aux Affaires intérieures souligne que « rétablir le fonctionnement normal de la libre circulation dans l’Espace Schengen sera notre premier objectif, dès que la situation sanitaire le permettra », le retour temporaire d’un contrôle aux frontières nationales n’est pas sans raviver certaines réflexions relatives à l’Union européenne.

215En Belgique, ce sont principalement les partis politiques qui sont actifs dans ces débats. À l’extrême droite d’abord – principalement à travers le Vlaams Belang du côté néerlandophone et Nation du côté francophone  [245] –, le manque de contrôle aux frontières est pointé comme ayant facilité la propagation du coronavirus, tandis que la mondialisation est désignée comme étant à la source d’une immigration « incontrôlée » contribuant à aggraver sérieusement la crise sanitaire. Comme l’observe le politologue français Jean-Yves Camus, spécialiste de l’extrême droite, « l’idée générale est d’abord que la pandémie a été causée par la mondialisation elle-même, parce que celle-ci génère des flux continus d’immigration et de voyages »  [246].

216Ainsi, dans son magazine de mai 2020, le Vlaams Belang indique : « Il y a peu de choses positives à dire à propos de la crise du coronavirus, mais s’il y a bien une chose qui peut être dite, c’est que personne ne doute désormais de l’utilité des frontières. Tout le monde sait aujourd’hui ce que le Vlaams Belang dit depuis longtemps, c’est-à-dire que les frontières peuvent sauver des vies. Ce n’est pas seulement un instrument dans la lutte contre la propagation du coronavirus. Pourquoi ? La criminalité baisse fortement et les migrants illégaux rentrent chez eux en masse »  [247]. Dans un article diffusé sur son site Internet, le parti Nation souligne quant à lui : « Cette crise inédite aura au moins le mérite d’afficher les problèmes qui rongent notre société : privation des libertés, faillite des systèmes de santé, perte de souveraineté, immigration erratique, globalisation du marché, gestion publique calamiteuse, corruption du système bancaire… »  [248].

217Mais l’Union européenne est également dénoncée par d’autres formations politiques, dont celles de gauche radicale. Interviewé par La Libre Belgique, le porte-parole national du Parti du travail de Belgique (PTB), Raoul Hedebouw, considère ainsi que l’Union européenne est la responsable du sous-financement du secteur de la santé en Belgique ainsi que de la libéralisation de ce secteur : « Au niveau européen, il faut remettre en cause les traités fondateurs. L’Europe a transmis 63 directives aux États leur demandant de réduire leurs investissements dans la santé et de libéraliser le secteur (…). Pendant 30-40 ans, les institutions européennes ont tout fait pour rendre des domaines comme la santé, les maisons de repos, au marché afin de pouvoir faire du fric sur le dos de nos vieux, de nos malades. Aujourd’hui, tout cela nous pète à la figure »  [249]. Alors qu’elle est dénoncée sur la base d’arguments différents, l’Union européenne se retrouve ainsi au centre des critiques tant de l’extrême droite que de la gauche radicale. L’opinion selon laquelle l’Union européenne a échoué à prévenir puis à endiguer la pandémie est toutefois partagée par ces formations, et même au-delà.

218Néanmoins, au sein de la société civile, les critiques purement politiques (et pas seulement économiques, cf. supra) de la mondialisation et de l’ouverture des frontières sont beaucoup moins nombreuses et conduisent peu à l’avènement d’initiatives collectives. À l’extrême droite, par exemple, l’organisation Voorpost dénonce : « Personne n’est autorisé à aller à la mer, mais bien sûr des centaines de réfugiés le peuvent. Les personnes séjournant dans un camping doivent partir et leurs places doivent être prises par des “réfugiés”. Personne n’est autorisé à marcher dans la rue en groupe, sauf les réfugiés »  [250]. En somme, ce mouvement flamand d’extrême droite s’oppose aux mesures adoptées par les autorités publiques pour répondre à la crise sanitaire et suggère que l’accueil de réfugiés cesse. Ce communiqué est néanmoins le seul diffusé par Voorpost sur son propre site Internet pendant la période de confinement. Par ailleurs, son écho est particulièrement limité : le communiqué n’est co-signé par aucune autre organisation et n’est pas relayé dans les médias. Quant à elle, l’organisation d’extrême droite Schild en Vrienden partage régulièrement des podcasts ou des messages de ses représentants – au premier rang desquels Dries Van Langenhove  [251] –, dans lesquels est dénoncé « l’aveuglement des experts et des autorités face à la question de l’information liée au virus chez les personnes d’origine étrangère qui ne s’informeraient soi-disant pas »  [252]. Mais à nouveau, aucune de ces publications ne relève d’une démarche collective. En fait, alors que de multiples mouvements, associations et groupuscules d’extrême droite existent en Belgique, ils ne parviennent pas véritablement à surfer sur la crise sanitaire pour renforcer leur propre visibilité ou pour imposer, ensemble, l’enjeu souverainiste et migratoire à l’agenda politico-médiatique. Par ailleurs, toute coopération ou collaboration entre mouvements, associations et groupuscules d’extrême droite en ce sens est quasi inexistante.

219Au-delà de la critique économique qui est formulée à l’égard de la mondialisation et de l’ouverture des frontières, la critique politique qui en est faite – positivement ou négativement – reste très faible durant la période de confinement. Cela ne signifie toutefois pas qu’aucun débat n’a lieu sur ces questions. Mais il prend place dans des arènes distinctes – particulièrement politiques – et se traduit peu en initiatives citoyennes concrètes. En outre, le rassemblement des forces souverainistes voire d’extrême droite ne trouve pas à se réaliser à l’occasion du confinement alors qu’une fenêtre d’opportunité semblait ouverte.

220*

221La crise économique engendrée par la crise sanitaire suscite une large réflexion au sujet du processus de mondialisation. La majorité des initiatives citoyennes souhaitent l’émergence d’un autre modèle de développement. Au sein de la société civile, s’exprime ainsi une critique multiforme d’un « capitalisme sans limite », destructeur du vivant et générateur d’inégalités croissantes. De nombreux acteurs perçoivent dans la crise due à la pandémie de Covid-19 une opportunité pour remettre en cause le modèle économique capitaliste qui prévaut au sein du monde occidental, et même au-delà, et pour promouvoir une relance économique dite soutenable. Ces actions et réflexions sont nombreuses et portées par des groupes variés de citoyens, dont des personnes issues du monde académique. Ces initiatives prennent surtout la forme de cartes blanches. Elles se concrétisent parfois à travers l’élaboration de plans stratégiques et d’« offres de services » adressées aux pouvoirs publics. Certains acteurs proposent en effet d’accompagner les décideurs politiques dans les arbitrages qui devront être posés dans le cadre de la relance économique post-corona. Il faudra bien sûr évaluer à l’avenir les effets concrets de cette implication multiforme de la société civile durant la période de confinement et de ces plaidoyers pour une relance durable et solidaire.

222Par ailleurs, alors que des forces politiques souverainistes voire d’extrême droite auraient pu se saisir de la crise sanitaire pour mettre en cause la mondialisation en tant que telle, cela n’est le cas que dans une faible mesure. La critique politique de la mondialisation ne porte guère au-delà des partis. Par exemple, les arguments souverainistes et anti-immigration trouvent peu d’écho dans les initiatives citoyennes lorsqu’il est question de préparer le « monde d’après ». C’est donc davantage la dimension économique de la mondialisation qui est remise en cause, plus que sa dimension politique.

8. Des libertés fondamentales en danger ?

223Durant la période de confinement, la société civile se mobilise et tente de sensibiliser l’opinion publique à différents enjeux qui se posent dans le domaine des droits fondamentaux et de la justice. Tout d’abord, la mise en place d’un régime d’exception et l’usage de la technique des pouvoirs spéciaux suscitent certaines interrogations, que la mise à l’arrêt partielle de la justice ne fait que renforcer. La situation dans les prisons, en raison de sa spécificité, fait l’objet de prises de position de la part de certains acteurs. Ensuite, et plus généralement, les atteintes aux libertés fondamentales sont dénoncées. La crainte est fréquemment formulée que le régime d’exception ne soit pas ponctuel, mais qu’il s’installe dans le temps ou en tout cas qu’il fasse bouger les lignes du débat dans un sens qui ne serait pas favorable au respect des droits et libertés. Enfin, l’utilisation des technologies numériques pour affronter la crise sanitaire génère des réactions en raison des atteintes aux libertés qu’elle implique potentiellement, ainsi que, sur un plan plus prospectif, en raison des perspectives qu’elle dessine quant à l’avenir de nos sociétés, qui pourraient se transformer en sociétés de surveillance  [253].

8.1. Un régime d’exception qui suscite des interrogations

224Si la pandémie de Covid-19 constitue un choc qualifié de « sans précédent » par de nombreux observateurs, c’est notamment parce qu’elle implique des restrictions aux droits et libertés inédites depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Des mesures de confinement et de distanciation physique (ou, selon l’expression communément employée, « distanciation sociale ») sont prises par les différentes autorités compétentes  [254]. L’utilisation des pouvoirs spéciaux marque en particulier les esprits. Elle est le fait tant de l’Autorité fédérale que de la majorité des entités fédérées (à l’exception de la Flandre), ce qui est inhabituel  [255]. La liste des droits et libertés qui sont limités durant la période de confinement est particulièrement longue : liberté d’aller et venir, liberté de se rendre à l’étranger, libertés d’association et de réunion, droit au respect de la vie privée et familiale, liberté d’assister au culte  [256], etc.

225L’octroi des pouvoirs spéciaux aux différents exécutifs est toutefois limité dans le temps. En ce qui concerne l’échelon fédéral, la période est de trois mois, renouvelable une fois. À l’issue de cette période, le débat démocratique devra, en principe, se tenir de nouveau dans des conditions ordinaires. Toutefois, si les limitations apportées aux droits et libertés concernent au premier chef la période de confinement proprement dite, elles ne cessent pas une fois la première phase de déconfinement enclenchée (phase 1a). Il est en effet prévu en Belgique, comme dans nombre de pays du monde, que le déconfinement se fera de manière progressive. Par voie de conséquence, certains droits et libertés resteront soumis à des restrictions durant une période dont la durée est difficile à déterminer, car elle dépend de l’évolution de la situation sanitaire et de sa gestion. À cet égard, la liberté de rassemblement semble parmi les plus délicates à rétablir et le rassemblement organisé le 7 juin 2020 à Bruxelles contre le racisme  [257], qui a réuni plus de 10 000 personnes, a suscité la polémique.

226Tant le principe que la mise en œuvre des pouvoirs spéciaux amènent des interrogations voire des inquiétudes de la part de divers acteurs inscrits dans la société civile. Le 26 mars 2020, le principe même des pouvoirs spéciaux est placé au centre d’une lettre ouverte adressée par la Ligue des droits humains (LDH) aux responsables politiques  [258]. Cette ONG admet que la situation sanitaire exceptionnelle nécessite des mesures exceptionnelles, d’autant que le droit à la vie et le droit à la santé sont en péril. Toutefois, elle souligne que de telles décisions doivent être conçues et prises dans le respect de l’État de droit et en s’assurant que les atteintes aux libertés ne dépassent pas ce qui est rendu nécessaire par la situation.

227Selon la LDH, un important écart existe, à deux niveaux au moins, entre la situation de confinement causée par la lutte contre la pandémie et une situation constitutionnelle normale, conforme aux standards de l’État de droit. D’une part, toute une série de droits et libertés connaissent des atteintes considérables : la liberté d’aller et venir, sauf exceptions strictement définies, le droit de quitter le pays, les voyages non essentiels au départ de la Belgique étant en principe interdits, la liberté de réunion, le droit au respect de la vie privée et familiale, la liberté de conscience et de religion, le droit de l’enseignement, le droit de propriété, la liberté d’expression, et le droit à un procès équitable. D’autre part, les mesures prises par les divers exécutifs « peuvent (…) emporter une atteinte au principe d’égalité et de non-discrimination (…), en ce que potentiellement elles peuvent, malgré leur apparence neutre, désavantager particulièrement certaines personnes ou groupes de personnes ».

228Cela posé, la LDH rappelle que le fonctionnement normal des institutions est fortement perturbé. Le principe de séparation des pouvoirs est mis à mal par les mesures d’exception qui sont en vigueur. Les pouvoirs spéciaux impliquent par essence une redéfinition des relations entre pouvoirs législatif et exécutif : une délégation de la fonction législative vers l’exécutif est opérée, certes de manière temporaire et encadrée par un certain nombre de balises. En outre, parmi les mesures qui ont été prises par le gouvernement fédéral au titre des pouvoirs spéciaux conférés par la Chambre des représentants, figurent diverses décisions qui organisent un ralentissement du fonctionnement de la justice pendant la période de confinement, et même au-delà, et qui, par voie de conséquence, restreignent l’accès au juge.

8.2. Une justice qui fonctionne au ralenti

229Que deviennent les droits s’ils ne sont pas protégés par des organes indépendants et impartiaux ? C’est la question que pose, en filigrane, la LDH dans sa lettre ouverte précitée : « Il est crucial de préserver le droit à une protection juridique effective et de garantir un contrôle juridictionnel des mesures adoptées. Il faut garantir le respect du droit à un procès équitable, du droit à un recours effectif, des droits de la défense, de la non-rétroactivité des peines, de la légalité de ces dernières »  [259]. La LDH exprime son inquiétude vis-à-vis de la possibilité pour le pouvoir exécutif, faisant usage des pouvoirs spéciaux, d’adapter l’organisation du pouvoir judiciaire, du Conseil d’État et des juridictions administratives : « Cette habilitation, en l’état, n’est pas suffisamment encadrée, et est très dangereuse ». La LDH met ainsi en évidence le rôle de contre-pouvoir qu’assume le pouvoir judiciaire – ainsi que la section du contentieux du Conseil d’État et les juridictions administratives – dans le fonctionnement démocratique de l’État belge. S’il est largement admis que la presse doit continuer à jouer son rôle de « chien de garde » de la démocratie, même durant une période exceptionnelle, selon la LDH, la justice doit, de la même manière, être en mesure d’exercer son rôle de gardien de l’État de droit et des libertés fondamentales.

230Promulguée le 27 mars 2020, la loi accordant au gouvernement fédéral des pouvoirs spéciaux afin de prendre les mesures nécessitées par la pandémie de Covid-19 prévoit explicitement que les règles qui régissent les procédures judiciaires peuvent être adaptées afin de « garantir le bon fonctionnement des instances judiciaires, et plus particulièrement la continuité de l’administration de la justice, tant au niveau civil qu’au niveau pénal »  [260]. Après une initiative prise par le Collège des cours et tribunaux (CCT)  [261] imposant aux cours et tribunaux du royaume « de ne plus traiter que les affaires urgentes et les affaires civiles pour lesquelles il est possible de recourir à la procédure écrite »  [262], deux arrêtés royaux sont adoptés le 9 avril 2020 qui concernent le fonctionnement de la justice civile, d’une part, et pénale, d’autre part, et qui organisent un ralentissement notable du fonctionnement de ce département durant la période de lutte contre la pandémie  [263].

231En prévision de l’adoption de ces mesures (ou pour y répondre), des interventions émanent d’un certain nombre d’acteurs. La plupart des analyses proviennent du monde académique, du monde associatif et des praticiens du droit, en particulier les avocats.

232Il convient de s’arrêter, en premier lieu, sur une action coordonnée entre divers juristes également membres du monde académique. Dans une carte blanche publiée sur le site Internet de La Libre Belgique le 27 mars 2020  [264], ces professionnels du droit mettent en évidence un paradoxe : alors que le législateur fédéral a indiqué que le pouvoir exécutif pourrait prendre, en vertu des pouvoirs spéciaux qui lui ont été conférés, des mesures permettant d’assurer la continuité du service public de la justice, ils observent que ce qui semble envisagé par le gouvernement fédéral est de suspendre de façon générale les délais de procédure pendant la période de confinement. Selon les auteurs de cette carte blanche, un tel choix politique reviendrait à organiser la paralysie de la justice plutôt que sa continuité. Les arguments mis en avant sont les suivants. Tout d’abord, vis-à-vis des avocats, cela reviendrait à les priver de leur unique source de revenus, alors que les acteurs de la justice se sont largement adaptés à la situation et continuent de travailler. Ensuite, vis-à-vis des justiciables, une telle décision constituerait une atteinte à leur droit de recourir à la justice, et ce alors que les droits et libertés fondamentaux sont fortement restreints en raison de la pandémie (cf. supra). Enfin, de façon plus générale, une telle décision aurait immanquablement pour effet d’aggraver encore l’arriéré judiciaire, pourtant déjà préoccupant dans certaines juridictions. Les signataires plaident pour que le remède ne soit pas pire que le mal qu’il combat. Le 30 mars 2020, ils développent leur argumentaire dans une note transmise au Conseil supérieur de la justice (CSJ)  [265].

233Le 9 avril, Manuela Cadelli, juge et ancienne présidente de l’Association syndicale des magistrats (ASM), et Jacques Englebert, avocat et professeur de droit de la procédure civile à l’ULB, signent une carte blanche (rédigée juste avant que les arrêtés de pouvoirs spéciaux ne soient publiés au Moniteur belge [266]). Ils y dénoncent une opinion qui semble s’être instaurée dans l’esprit des décideurs et dans le débat public, suivant laquelle il serait logique que la justice entre en confinement, comme d’autres secteurs de la société considérés comme non essentiels. M. Cadelli et J. Englebert s’inscrivent en faux contre ce qu’ils estiment être une évidence erronée : « Nous proposons de nous extraire de cette matrice analytique pour revendiquer d’être présents dans nos palais de justice pour y accueillir nos concitoyens et traiter toutes les demandes qu’ils forment en cette épreuve qui révèle les possibilités de tant d’abus et d’injustices et qui sont, à l’évidence, dans ce cadre, toutes urgentes. A fortiori dans un contexte de pouvoirs spéciaux, aux mains de gouvernants que nous pratiquons depuis plusieurs années et dont nous connaissons le potentiel nihiliste »  [267]. Ils estiment que la Constitution impose que la justice continue d’être rendue, de la façon la plus visible possible, dans les palais de justice.

234Comme l’emploi du terme « nihiliste » l’atteste, les mots sont durs. On peut se souvenir de la tribune signée par M. Cadelli, « Le néolibéralisme est un fascisme », qui avait fait grand bruit et alimenté le débat public en 2016  [268]. Concernant J. Englebert, on peut citer un article publié en 2019 dans lequel il mettait en cause les politiques menées par les gouvernements fédéraux successifs vis-à-vis du département de la Justice et posait le constat d’une « privatisation de la justice » à l’œuvre depuis au moins deux législatures, c’est-à-dire sous les gouvernements Di Rupo (PS/CD&V/MR/SP.A/Open VLD/CDH), Michel I (N-VA/MR/CD&V/Open VLD) et Michel II (MR/CD&V/Open VLD) en place au niveau fédéral, et ce sous l’impulsion des ministres de la Justice Annemie Turtelboom (Open VLD), tout d’abord, et Koen Geens (CD&V), ensuite  [269].

235L’intervention de M. Cadelli et J. Englebert ne concerne pas uniquement la période de confinement stricto sensu. Ils craignent en effet que la période ouverte par la pandémie constitue un terreau fertile pour des expérimentations « peu démocratiques ». Notamment, les partisans d’une numérisation à outrance de la justice pourraient tirer avantage de cette situation. Cela renvoie à une autre inquiétude que nourrissent ces intervenants, celle d’une perte de la dimension humaine et incarnée de la justice. M. Cadelli et J. Englebert plaident pour une présence effective des avocats et des magistrats auprès des justiciables et tirent argument de l’arrêté ministériel du 18 mars 2020 « portant des mesures d’urgence pour limiter la propagation du coronavirus Covid-19 »  [270] (qui, parmi les services publics « nécessaires à la protection des besoins vitaux de la Nation et des besoins de la population », fait figurer « les institutions de la justice et les professions y liées »).

236Selon M. Cadelli et J. Englebert, comme pour d’autres acteurs, la période actuelle est ainsi susceptible de constituer une fenêtre d’opportunité permettant à certains partis politiques de faire avancer des réformes de la justice qu’ils appellent de leurs vœux depuis longtemps. La limitation voire la suppression de l’oralité des débats en matières civile et pénale semble en particulier concernée, et ce notamment au moyen de l’utilisation de la technique de la visioconférence – dont le statut procédural n’est à l’heure actuelle pas organisé dans la loi  [271]. Diverses déclarations du ministre de la Justice K. Geens vont clairement dans ce sens  [272]. Un certain nombre d’intervenants dénoncent une telle perspective, comme l’Ordre des barreaux francophones et germanophone (également connu sous le nom d’Avocats.be) qui, après avoir reconnu que la pandémie de Covid-19 requiert que des mesures exceptionnelles soient prises, affirme qu’il est « hors de question de renoncer pour l’avenir à l’oralité des débats »  [273].

237La question de la mise en œuvre des mesures de confinement et de distanciation sociale est également abordée par certains professionnels de la justice. Une carte blanche signée par des avocats pénalistes mérite en particulier d’être épinglée  [274]. Il y est estimé que la justice pénale dysfonctionne en temps normal, la crise ne faisant dès lors qu’exacerber des difficultés existantes. Les signataires demandent que l’arrêté royal n° 3 du 9 avril 2020 soit modifié et qu’il soit désormais prévu que « tous les dossiers soient gratuitement remis en copie à toutes les parties qui en formulent la demande, d’une manière simple et efficace. La copie sera mise à disposition de tous les justiciables et leurs avocats dans le délai d’accès au dossier ». En outre, il est demandé qu’« un réseau accessible à tous les acteurs de la justice leur permette de savoir, par une simple connexion sécurisée, si leur affaire sera traitée à l’audience prévue, d’indiquer le calendrier d’échange de conclusions lorsqu’il a été convenu entre les parties, d’indiquer les indisponibilités éventuelles des avocats ». Enfin, il conviendrait selon les signataires que, « à moyenne échéance, un réseau sécurisé soit définitivement mis en place pour permettre aux avocats des justiciables d’avoir accès aux dossiers répressifs depuis leurs cabinets, afin de permettre l’exercice le plus élémentaire des droits de la défense et de rendre la justice accessible à tous ». Les différentes demandes formulées par ce collectif d’avocats sont certes activées par la pandémie de Covid-19, mais elles visent à résoudre une situation qui lui préexistait. Il s’agit par ailleurs de rendre possible une amélioration de la justice pénale à l’avenir et pas uniquement pendant la période marquée par la lutte contre le coronavirus.

8.3. Une situation particulièrement critique dans les prisons

238Au-delà de la procédure pénale, la situation dans les prisons fait l’objet d’inquiétudes exprimées par plusieurs acteurs. Dans le monde pénitentiaire, et bien avant l’éclatement de la crise sanitaire liée au Covid-19, la situation était déjà particulièrement préoccupante, en particulier du point de vue du respect de certains droits fondamentaux. Un tel état de fait est exacerbé par la crise qui surgit au milieu du mois de mars.

239Diverses cartes blanches sont publiées afin de dénoncer les conditions de vie des personnes incarcérées dans les prisons, rendues encore plus difficiles en raison des mesures prises pour lutter contre la pandémie ou en raison de la désorganisation à l’intérieur des établissements pénitentiaires que celle-ci a entraînée  [275].

240Ainsi, Yves Cartuyvels (USL-B), Olivia Nederlandt (USL-B) et Marc Nève (ULiège et président du Conseil central de surveillance pénitentiaire) écrivent : « Alors que la société entière est soumise à la crise sanitaire causée par la propagation du Covid-19, la population carcérale en est frappée de manière exponentielle. La distanciation sociale est impossible à respecter dans les prisons, pour la plupart surpeuplées. Les personnes sont souvent détenues à deux dans des cellules de 9 m². Les produits d’hygiène sont insuffisants en temps normal. Les familles, qui lavent le linge des détenu·e·s et le rendent à l’occasion des visites, ne peuvent plus venir en prison. L’état de santé de nombreuses personnes détenues en fait des cibles particulièrement vulnérables à l’égard du virus. (…) Paradoxalement, les mesures prises pour “protéger” les personnes détenues à l’heure du Covid-19 aboutissent à détériorer davantage leurs conditions de détention et à porter atteinte à leurs droits fondamentaux »  [276].

241Ces trois auteurs analysent que la crise sanitaire agit comme un « miroir grossissant » qui révèle en pleine lumière les problèmes préexistant dans le monde carcéral. D’une part, cette situation exceptionnelle nous rappelle que « les conditions de détention dans les prisons belges ne respectent pas la dignité humaine ». D’autre part, elle amène à souligner que le recours à l’enfermement n’est pas une fatalité et « que la croissance carcérale n’est pas inéluctable : si le 2 mars 2020 les prisons comptaient 10 863 personnes détenues, en date du 3 avril 2020 ce chiffre est descendu à 9 889. La crise a permis en un laps de temps très court aux pouvoirs judiciaire et exécutif de diminuer la population carcérale de près de 1 000 personnes ». Y. Cartuyvels, O. Nederlandt et M. Nève soulignent également qu’une détérioration des conditions de travail des agents pénitentiaires, déjà préoccupantes avant la crise  [277], constitue également une conséquence de celle-ci. Ils insistent sur l’opportunité que représente la situation de crise, en raison de son caractère exceptionnel lui-même, pour « alimenter le débat démocratique sur la place de la prison dans une société démocratique. Plutôt que d’investir dans les mécanismes d’exclusion, il reste urgent d’investir dans des politiques sociales inclusives en amont, tout comme il faut favoriser des réponses réparatrices, plus utiles pour les victimes que la logique punitive, en aval ».

8.4. La question spécifique du traçage des personnes contaminées par le Covid-19

242Durant la période de confinement, l’équilibre entre les pouvoirs constitués est mis à mal, et des limitations inédites sont apportées aux droits et libertés fondamentales, de façon disproportionnée pour certains  [278]. Les inquiétudes que cette situation suscite ne se limitent toutefois pas à la période de lutte contre le Covid-19. La question se pose de savoir ce qu’il adviendra au-delà, dans le « monde d’après » : « Dès aujourd’hui et ensuite, après la crise sanitaire, l’enjeu majeur sera d’empêcher que certaines mesures d’exception soient coulées dans le droit commun »  [279].

243La LDH rappelle que « si l’écart que nous vivons entre le fonctionnement actuel de nos institutions et la protection de nos droits et libertés est acceptable pour répondre à l’urgence, il faut à tout prix éviter que l’exception ne devienne la règle »  [280]. Il s’agit là d’une inquiétude qui revient souvent sous la plume de divers acteurs de la société civile  [281]. Ainsi, le juriste et philosophe Benoît Frydman, professeur à l’ULB, estime que le traçage des citoyens constitue une ligne rouge qu’il convient de ne pas franchir : « Le recours par les autorités à de tels dispositifs, qui nous menacent déjà, nous ferait entrer de plain-pied dans l’ère de la société de surveillance, ce qui entraînerait l’effondrement de nos libertés fondamentales »  [282].

244Le traçage, parfois appelé « tracing » (ou « tracking »)  [283], est une technique utilisée dans de nombreux pays afin de lutter contre les effets de la pandémie de Covid-19. En Belgique, deux stratégies sont envisagées, qui renvoient à deux formes de traçage : le traçage manuel et le traçage numérique. Le premier est effectif sur le territoire belge à partir du 11 mai. En effet, l’arrêté royal n° 18 du 4 mai 2020, qui porte création d’une banque de données auprès de l’institut scientifique fédéral Sciensano dans le cadre de la lutte contre la propagation du Covid-19  [284], pose un cadre réglementaire qui permet de l’organiser. La mise en œuvre concrète du traçage est confiée aux Régions (et, en ce qui concerne la région de langue allemande, à la Communauté germanophone), qui la délèguent, pour certaines d’entre elles, aux mutuelles. Le principe est relativement simple : lorsqu’une personne est détectée positive au Covid-19, il lui est demandé d’indiquer le plus précisément possible les personnes avec lesquelles elle a été en contact durant les semaines précédentes. Les personnes ainsi signalées sont ensuite contactées par des centres d’appel afin qu’elles puissent prendre les mesures de précaution nécessaires. L’une des particularités de ce texte réglementaire est qu’il est alors prévu que ses effets cesseront le 4 juin 2020. À cette date, un autre dispositif, qui organisera en principe le traçage numérique et pas seulement manuel, devra prendre le relais.

245L’utilisation des technologies numériques pour lutter contre la pandémie constitue un dossier particulièrement sensible. De nombreuses voix critiques s’élèvent au sein de la société civile, lorsque les initiatives du gouvernement fédéral en la matière sont connues et au vu du recours au traçage numérique dans certains pays touchés par la pandémie. Dans le monde académique, signalons également l’initiative du Research Group on Law, Science, Technology & Society (LSTS) de la VUB, qui lance un observatoire et un site Internet uniquement consacrés au sujet de la protection de la vie privée en temps de Covid-19  [285].

246Même s’ils sont minoritaires dans l’espace public, certains acteurs sont favorables au principe du traçage et à l’usage des technologies numériques pour le réaliser. Ainsi en va-t-il de Pierre Rion, président du Conseil du numérique wallon (CdN), qui s’exprime dans La Libre Belgique en son nom personnel : « Oui. Nos libertés fondamentales et le respect de notre vie privée sont très précieux. Pas plus que moi, les citoyens ne souhaitent être traqués et les porteurs de virus traités comme des pestiférés. Et je considère qu’on évoque à son propos de façon très abusive le vocable de “traçage”. Même si les plus difficiles à convaincre du bien-fondé de ces propos (…) campent sur leur position, ils optent peut-être pour la liberté de… mourir. Il faut aussi savoir choisir ses combats… »  [286]. Quant au risque d’avènement d’une tyrannie du numérique, P. Rion estime qu’une telle inquiétude est non fondée dès lors que le consentement explicite de l’utilisateur devra être requis  [287]. Marc De Vos, du think tank Itinera Institute, se montre également favorable au développement d’un outil numérique de gestion de la pandémie  [288].

247Cela vient d’être indiqué, ces quelques voix favorables au traçage des individus, et en particulier à l’emploi des technologies numériques, sont assez minoritaires. À l’inverse, de nombreux acteurs s’emploient à exprimer leurs vives inquiétudes en la matière. Une initiative collective du monde associatif mérite d’être épinglée. Dans une déclaration conjointe publiée le 2 avril 2020, plus de 100 associations actives en Belgique et à l’étranger – dont Access Now, Amnesty International, la LDH, Human Rights Watch (HRW) et Privacy International (PI) – mettent en lumière les risques que comporte le traçage du point de vue du respect des droits humains, en particulier au regard du respect de la vie privée et familiale. Si leur position de principe correspond à un refus de voir un usage public de telles technologies émerger, ces ONG proposent également un certain nombre de balises dans le cas où les autorités publiques souhaiteraient les mettre en œuvre pour des raisons sanitaires  [289]. En résumé, si des données à caractère personnel sont récoltées, il convient de préciser les finalités qui sont poursuivies, de limiter la durée de la conservation des données, de garantir l’indépendance de l’autorité chargée de les conserver et de s’assurer que le consentement des individus concernés est effectivement obtenu. Une lettre ouverte est en outre adressée aux responsables politiques le 17 avril, signée par la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), la Liga voor Mensenrechten (LVM) et la LDH  [290]. Cette intervention se concentre sur la question du traçage de la population et s’emploie à souligner « le caractère (…) excessif et prématuré des projets de “tracking” visiblement à l’étude ».

248Divers chercheurs ne manquent pas de se manifester également, leurs interventions prenant la forme d’opinions individuelles ou plus coordonnées. Yves Poullet, juriste spécialiste des nouvelles technologies et ancien recteur de l’Université de Namur (UNamur), publie notamment une carte blanche dans laquelle il invite les pouvoirs publics à respecter les équilibres entre liberté et intérêt général  [291]. Il s’y emploie à élargir la perspective sur le plan temporel : les restrictions aux libertés instaurées en 2001, suite aux attentats du 11 septembre, sont encore d’application, rappelle-t-il, alors qu’elles n’ont pas démontré leur efficacité. Le philosophe Axel Gosseries et le cryptographe Olivier Pereira, tous deux professeurs à l’UCLouvain, insistent sur les avantages du dépistage par rapport au traçage, en raison du fait que le second est « potentiellement plus attentatoire à nos libertés et à notre vie privée », mais aussi parce que le premier est source d’inégalités entre ceux qui ont accès et ceux qui n’ont pas accès à la technologie numérique  [292]. Les avocats Étienne Wery et Thierry Léonard (le second étant également professeur à l’USL-B) s’interrogent quant à l’opportunité d’une telle incursion dans la vie privée au nom d’impératifs sanitaires  [293]. Ils réclament également qu’un débat puisse « avoir lieu devant le Parlement. Il paraît inadmissible que des questions aussi importantes soient tranchées sans débat public, sans trace ni archive. Ce débat ne peut être sacrifié sur l’autel des pouvoirs spéciaux ». La juriste Élise Degrave (UNamur) émet de son côté certaines inquiétudes, notamment s’agissant de la conservation et de la sécurité des données ou quant à la réalité d’un consentement « éclairé » dans ce domaine  [294]. Sur la scène européenne, il est demandé que les institutions de l’Union européenne tracent un « cadre commun dans lequel la surveillance nécessaire pour atteindre les objectifs de sécurité sanitaire collective pourra s’exercer sans danger pour les libertés individuelles et pour l’État de droit »  [295].

249Des collectifs de signataires plus larges interviennent également. Sur la scène belge, un certain nombre de chercheurs, évoluant pour la plupart dans des universités néerlandophones, publient le 6 avril 2020 un texte commun intitulé : « Mesures de confinement en réponse à la pandémie : comment guider la décision de déployer des outils numériques de recherche de contacts », qui souligne le manque d’efficacité du recours aux technologies numériques dans le cadre de la gestion d’épidémies ou de pandémies  [296]. Parmi les signataires, figure le virologue et épidémiologiste Marc Van Ranst (KU Leuven), membre de plusieurs comités scientifiques – dont le Risk Assessment Group et le GEES – destinés à évaluer les enjeux de santé publique pendant la période de lutte contre la pandémie, et habitué des médias.

250Le 18 avril, 100 universitaires signent une carte blanche qui se concentre également sur le développement d’une application numérique « corona »  [297]. « L’idée est relativement simple », écrivent-ils : « Vous téléchargez l’application sur votre téléphone mobile, et vous participez ainsi à un réseau mobile spécifique créé via l’application : votre téléphone se connecte à d’autres appareils qui disposent de l’application dans votre quartier. Si vous êtes infecté par [le] Covid-19, votre appareil peut envoyer cette information aux autres appareils ; si un membre de votre réseau est infecté, vous pouvez recevoir cette information vous-même. (…) À première vue, la nouvelle application semble très intéressante pour réduire le virus et guider la transition vers l’ère du post-confinement. Cela permettrait d’avoir une vision claire du nombre de personnes infectées, de sorte que les infections puissent être détectées plus rapidement et les personnes infectées plus efficacement isolées »  [298]. Toutefois, indiquent les signataires de cette carte blanche, la technique ainsi décrite est loin d’être neutre du point de vue du respect des droits humains et « soulève non seulement des problèmes juridiques, mais aussi éthiques, sociaux, politiques et techniques – que l’usage de l’application soit volontaire ou obligatoire n’y change rien ». Le fait que les experts dans ce domaine complexe et technique, celui de la protection de la vie privée, n’aient pas été consultés fait également l’objet de critiques et d’interrogations : « Alors que nos gouvernants ont fait montre de modestie, de prudence et de raison, se résignant à la présence d’autorités académiques dans les domaines épidémique et virologique, ici, comme par magie, la prise en charge digitale, tout aussi délicate, ne bénéficie plus d’une même retenue ». En outre, la circonstance suivant laquelle l’arrêté royal adopté dans l’urgence devrait être prochainement transformé en loi, qui fera l’objet d’un débat parlementaire en bonne et due forme, n’est pas de nature à apaiser ces craintes. Selon les experts, le « mal » aura été fait : « L’idée serait que cette loi plus permanente soit ouverte au débat parlementaire dans les prochains jours. Bien sûr, d’ici là, le suivi aura déjà commencé et les données stockées dans la base de données ouverte à tout vent ». En outre, les signataires rappellent que l’arrêté royal en discussion a été fortement critiqué par l’Autorité de protection des données (APD) et par la LDH. Malgré cela, il n’a pas fait l’objet d’ajustements majeurs de la part du gouvernement fédéral, ce qui n’est pas de nature à apaiser les craintes exprimées par de nombreux acteurs de la société civile. Le groupe d’experts conclut qu’il est nécessaire de préparer un monde dans lequel le respect des libertés fondamentales continuera à structurer notre vie collective, en ajoutant encore : « Notre groupe reste à disposition pour aider, conseiller, accompagner toute initiative permettant aux citoyens de mieux adhérer et participer à ce fichage, ainsi que de les rassurer sur toutes les exploitations non désirables qui en tenteront plus d’un dans le monde d’après ».

251Début mai, des chercheurs en droit et en informatique publient une carte blanche sur le site Internet du journal Le Soir [299]. Ils y expriment, une fois encore, des inquiétudes suscitées par le « déconfinement et son accompagnement digital ». Leur objectif est de « sensibiliser le public » au moment où la « mise en place accélérée du traçage manuel et numérique [est] réalisée en l’absence d’un véritable débat démocratique ». Ils visent le projet de créer une grande base de données gérée par Sciensano, projet qu’ils estiment dangereux. Étant donné que la perspective de voir le Covid-19 disparaître reste très incertaine, de même que la mise au point d’un traitement efficace ou d’un vaccin, ces inquiétudes concernent aussi la période de l’après-corona.

252Ces cartes blanches mettent en lumière une question qui revient dans de nombreuses analyses publiées durant la période de confinement : « Celle de savoir si des mesures curatives ne s’avéreront pas beaucoup plus nocives que le mal qu’elles sont censées combattre, et bien plus longtemps »  [300]. Cette interrogation fait écho aux questions formulées par la LDH et la LVM dans leurs nombreuses interventions sur la question du traçage : « Quelles données, pour quoi faire, collectées par qui et pour combien de temps ? »  [301]. De telles clarifications s’avèrent « d’autant plus [nécessaires] qu’il y a un risque réel que ce type de dispositifs survive au moins en partie à la pandémie actuelle »  [302].

253Ce mouvement au sein de la société civile culminera dans une lettre ouverte du 15 mai 2020, adressée au président et aux chefs de groupe de la Chambre des représentants, dont l’intitulé est particulièrement évocateur : « Tracer le Covid, pas les citoyen·ne·s »  [303]. Il s’agit d’une initiative de la LDH, qui obtient un soutien très large auprès d’experts, d’avocats, ou encore d’artistes. Les interrogations et inquiétudes de la société civile sont rappelées. L’association fournit également au Parlement le texte d’une mesure qu’elle estime constructive, à savoir une proposition de loi « clé sur porte » pour organiser le traçage en respectant un certain nombre de balises sur le plan juridique : « Afin de favoriser un débat parlementaire transparent et renforcer la voix citoyenne, et parce qu’il y a urgence, un comité restreint d’experts s’est réuni pour élaborer, à l’attention du Parlement, un texte qui traduit ces balises sous la forme d’une ébauche de proposition de loi. Ce texte vise à présenter une alternative constructive au texte actuel de l’arrêté royal et peut être utilisé comme base de discussion dans le cadre d’un véritable débat démocratique sur ce sujet ». La position de la LDH semble osciller entre un refus relativement net des dispositifs de traçage, qui se situe sur un plan principiel, et une position plus pragmatique. En effet, même si l’objectif qu’elle poursuit est d’empêcher l’instauration d’une telle pratique, cette ONG avance une proposition de loi qui tend à la valider, ne serait-ce qu’implicitement.

254Une posture d’ouverture vis-à-vis de la société civile semble privilégiée par le Parlement fédéral. Sans doute alertés par les inquiétudes exprimées par de nombreux experts et acteurs de terrain, des députés fédéraux déposent, le 22 avril 2020, une proposition de résolution relative au problème du respect des droits humains dans le cadre du développement d’une application numérique de traçage des personnes atteintes, réellement ou potentiellement, par le Covid-19  [304]. La discussion de cette proposition de résolution conduit la commission de l’Économie, de la Protection des consommateurs et de l’Agenda numérique de la Chambre des représentants à procéder à l’audition d’un certain nombre d’interlocuteurs institutionnels, ainsi que de spécialistes et de représentants d’associations issues de la société civile  [305]. Du côté associatif, Olivia Venet, présidente de la LDH, et Kati Verstrepen, présidente de la LVM, s’expriment devant les membres de la commission.

255Au-delà des débats sur le terrain des droits fondamentaux, certains éclairages plus philosophiques, prenant la forme d’opinions individuelles plutôt que d’interventions collectives, sont également à signaler. Ils tendent à souligner que l’intrusion de dispositifs techniques dans l’existence des citoyens, loin de s’avérer neutres ou simplement dangereux dans la mesure où ils feraient l’objet de détournements ou d’usages abusifs, sont en réalité susceptibles de transformer profondément notre rapport au monde et à autrui et, en particulier, de générer un certain nombre de « dépendances » et de « fragilités »  [306]. Au-delà de la question du suivi des personnes infectées par le nouveau coronavirus, certains observateurs craignent en effet que la numérisation de la société s’accélère de façon déterminante en raison de la cohabitation avec le virus et des règles de distanciation sociale qu’il impose  [307]. De telles craintes se retrouvent dans un certain nombre d’interventions publiques durant la pandémie, que ce soit en Belgique ou à l’étranger. Plusieurs observateurs s’inquiètent des bouleversements qui risquent d’être induits par la crise bien après sa survenance et alors qu’elle aura, par hypothèse, pu être largement voire totalement maîtrisée  [308].

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257Dans le domaine des droits et libertés, un pan assez mobilisé de la société civile se manifeste durant la crise, surtout par le moyen de cartes blanches et de lettres ouvertes adressées aux responsables politiques. Si le rôle de certaines associations de défense des droits humains (LDH et LVM) semble jouer un rôle moteur dans ce secteur, il convient également de souligner la mobilisation de professionnels de la justice et d’académiques.

258Plusieurs fronts complémentaires peuvent être mis en lumière. La mise à l’arrêt partielle du service public de la justice suscite des réactions qui placent à l’avant-plan du débat public les notions d’État de droit et de séparation des pouvoirs, mises sous pression durant la crise. L’adoption de mesures d’exception impliquant la limitation voire la suspension de certaines libertés fondamentales génère un certain nombre d’interrogations voire d’inquiétudes exprimées par divers acteurs, qu’ils soient professionnels de la justice, membres du tissu associatif ou simples citoyens. Ces craintes portent notamment sur la situation spécifique dans les prisons. La mise entre parenthèses partielle des règles régissant l’État de droit, qui marque cette crise, s’avère particulièrement préoccupante dans le monde pénitentiaire – qui constitue déjà, en temps normal, un lieu dans lequel les risques de violation des droits humains sont plus importants. La thématique du traçage des individus qui est organisé dans le cadre du processus de déconfinement enclenché au début du mois de mai 2020 suscite également de vifs débats, particulièrement nourris.

259Plus qu’un générateur de problèmes entièrement nouveaux, la situation exceptionnelle de pandémie agit comme un catalyseur de débats qui préexistaient à la crise (qui sont parfois fortement exacerbés par celle-ci, comme la question de la surveillance numérique des citoyens) et souligne par ailleurs des tensions grandissantes entre les pouvoirs exécutif et judiciaire.

9. Penser le renouvellement démocratique et la participation citoyenne dans un contexte inédit

260Un des effets marquants de la crise sanitaire est la mise sous tension du fonctionnement de la démocratie. En effet, les mécanismes habituels de la démocratie représentative sont rapidement aménagés, soit par pragmatisme, soit en raison de l’urgence de la situation. Ainsi, le 26 mars 2020, le gouvernement fédéral Wilmès II est doté des pouvoirs spéciaux pour trois mois, renouvelables une fois. Les parlements régionaux et communautaires – à l’exception du Parlement flamand – octroient eux aussi les pouvoirs spéciaux à leurs gouvernements respectifs  [309]. Cela signifie que les exécutifs concernés sont dotés de prérogatives qui, en principe, sont de la compétence du pouvoir législatif  [310]. C’est notamment sur cette base que sont temporairement limitées une série de libertés fondamentales (cf. supra).

261La pandémie de Covid-19 place aussi la participation citoyenne – au sens de participation au sein de processus décisionnels – dans une situation paradoxale. En effet, alors que les mesures de confinement et de distanciation sociale décidées par les autorités publiques rendent plus complexes les processus participatifs (à l’œuvre, en Belgique, principalement au niveau local ou régional/communautaire mais pas seulement  [311]), d’aucuns considèrent dans le même temps que la crise sanitaire constitue une fenêtre d’opportunité pour un sursaut de participation citoyenne.

262Les difficultés rencontrées en période de confinement par les organisations promouvant, soutenant ou développant des dispositifs participatifs sont principalement liées au fait qu’il devient impossible de rassembler physiquement des citoyens dans un même espace afin de leur permettre de délibérer. Cette difficulté est notamment rencontrée par l’asbl Particitiz. Celle-ci a pour objectif de réfléchir, développer et tester des processus de participation et délibération citoyennes sur la base d’un large réseau de citoyens, de professeurs et chercheurs en sciences politiques, de spécialistes des dispositifs délibératifs et participatifs, d’entrepreneurs du monde digital et de représentants des secteurs de la culture, de l’entreprise et de la politique  [312]. Alors qu’elle accompagne le développement de plusieurs dispositifs participatifs au moment où se déclare la crise sanitaire, Particitiz suggère que les administrations publiques avec lesquelles elle travaille alors interrogent les citoyens déjà tirés au sort et leur demandent s’ils sont disposés à poursuivre les délibérations de manière digitale. Sur la base des avis positifs ainsi reçus, la Ville de Bruxelles décide de poursuivre en ligne le processus qui avait été précédemment amorcé. En revanche, les autres communes (Auderghem, par exemple) suspendent quant à elles les mécanismes participatifs mis en place, sur la base des avis plus mitigés remis par les citoyens. Gelé, le futur de ces mécanismes est désormais incertain et invite les organisateurs à prévoir des alternatives permettant, dès la sortie de crise, de reprendre les travaux déjà entamés. La gestion des processus participatifs ainsi lancés avec l’appui de Particitiz permet d’illustrer à quel point la participation citoyenne peut être mise sous tension en période de crise et, en particulier, de confinement.

263La question soulevée par le gel des dispositifs participatifs initiés avant la crise sanitaire est essentiellement celle de la « fracture numérique ». Alors que l’objectif de tels dispositifs est généralement d’assurer une représentation fidèle de la société – par exemple en termes de genre, de statut socio-professionnel, d’âge ou de niveau de diplôme –, la fracture numérique remet en cause ce principe de représentativité dès lors que le mécanisme participatif se déroule à travers des outils numériques, pour lesquels il est connu que certaines franges de la population ont un accès et une maîtrise moindres. Néanmoins, dans le même temps, la pandémie se révèle aussi être une opportunité pour celles et ceux qui militent en faveur de l’instauration de davantage de mécanismes participatifs en Belgique. Plusieurs initiatives – de divers ordres – voient le jour en ce sens pendant la période de confinement.

264Une des premières d’entre elles est la publication, le 20 mars 2020, de la carte blanche intitulée « Et le jour d’après ? Pour un “CoronaReset” » (cf. supra), qui reçoit un soutien notable au sein de la population (plus de 16 000 citoyens y adhèrent). Pour atteindre un certain nombre d’objectifs d’ordre à la fois écologique et social, les auteurs de ce texte indiquent qu’il est essentiel que les citoyens et les acteurs de la société civile soient directement associés, à travers une modernisation du fonctionnement démocratique, aux changements qui devront être opérés pour répondre aux défis suscités par la crise. Ils ne précisent toutefois pas par quels moyens la démocratie est selon eux appelée à se renouveler.

265À travers une carte blanche publiée par Le Soir le 24 avril 2020, les représentants de trois associations actives dans le développement et la mise en œuvre de mécanismes démocratiques participatifs ainsi qu’un particulier engagé lancent eux aussi un appel aux autorités publiques afin que la parole soit davantage donnée aux citoyens pour répondre à la crise sanitaire  [313]. Dans leur texte, Stephen Boucher, représentant de Dreamocracy  [314], Dimitri Lemaire, représentant de Particitiz, Stéphane Michiels, s’exprimant au nom de Belvox.org  [315], ainsi que Michel Genet, citoyen actif  [316], dénoncent le fait que nombreux sont les experts à être invités à s’exprimer ou à jouer un rôle actif dans la gestion de la crise – par exemple à travers le Groupe d’experts en charge de l’exit strategy (GEES), composé de cinq spécialistes médicaux et de cinq personnes issues du monde socio-économique – alors que, dans le même temps, l’expérience de vie des citoyens n’est pas directement prise en considération. Selon eux, il est important de pouvoir associer les citoyens aux réflexions menées sur la gestion de la crise et de l’après-crise. Ainsi, ils indiquent : « La crise que nous vivons est exceptionnelle à bien des égards. Entre autres le fait que notre vie est devenue plus que jamais centrée sur les experts qui, à longueur de journée, déversent leurs avis sur les divers aspects que cette vie confinée nous inflige. Chaque matin, nous scrutons la communication des autorités sur les chiffres sanitaires du jour ainsi que la communication de S. Wilmès après le fameux [Conseil national de sécurité (CNS)]. Notre destin – au sens littéral du terme – puisqu’il s’agit de notre santé, voire de notre survie – dépend entièrement des décisions de ce CNS, qui dit se baser sur l’avis de ces fameux experts scientifiques. Pour autant, reconnaissons que ce qu’on a gagné en sécurité en procédant de la sorte, on l’a perdu en débat démocratique et citoyen. Nos parlementaires ont donné un peu partout les clés du pouvoir aux exécutifs et nous nous sommes tous fondus dans un consensus inspiré d’une confiance qu’en d’autres temps, on qualifierait d’aveugle ». Les auteurs de la carte blanche appellent les autorités publiques à se saisir du « vécu de chacun » dans une optique participative : « Osons l’innovation démocratique et la participation citoyenne pour sortir par le haut démocratique de cette crise, donnons l’opportunité aux citoyens de s’entendre et de débattre afin de renforcer la confiance face à leurs dirigeant·e·s, et permettons surtout à ce groupe d’experts “exit strategy” de se nourrir également du vécu, tellement important et enrichissant, d’un grand nombre de citoyens ». Alors que les membres du collectif ainsi formé militaient déjà en faveur de davantage de participation citoyenne avant l’éclatement de la crise sanitaire, ils considèrent que la crise survenue rend plus importante que jamais l’inclusion des citoyens dans les processus décisionnels.

266Cette carte blanche n’est pas sans faire écho à un autre texte du même type, publié la veille par trois chercheurs de l’UCLouvain  [317]. Si ces derniers n’appellent pas directement à l’instauration de mécanismes participatifs, ils dénoncent le manque de transparence qui préside à l’adoption de mesures visant à répondre à la pandémie, dont les mesures de confinement. Rédigée par Simon Desplanque, Thomas Laloux et Damien Pennetreau, cette carte blanche indique : « Sans juger du contenu des mesures prises par le gouvernement, nous affirmons que leur justification explicite est nécessaire, tant du point de vue démocratique que de celui de leur efficacité ». Les trois chercheurs regrettent ainsi, sinon le manque d’implication des citoyens dans le processus, le manque d’information de la part des autorités publiques à destination des citoyens : « C’est d’autant plus curieux que le gouvernement se fonde officiellement sur des rapports scientifiques et des avis d’experts. Or, ceux-ci ne sont pas publics  [318]. Notre gouvernement a dû faire des choix difficiles. La population doit les supporter. Les Belges ont donc le droit de connaître les raisons pour lesquelles les alternatives adoptées l’ont été au détriment d’autres possibles ».

267La volonté d’élargir encore la notion d’expertise afin d’inclure davantage les citoyens au sein des processus décisionnels dans la cadre de la gestion de la crise sanitaire apparaît aussi dans le chef de la plateforme belge francophone Associations 21 pour un développement durable (Associations21), qui est la coupole de développement durable reconnue par l’Autorité fédérale (via l’Institut fédéral pour le développement durable - IFDD) et qui regroupe les associations et organisations citoyennes belges actives dans l’ensemble des secteurs du développement durable. Le 15 avril 2020, cette plateforme fait parvenir une lettre à la Première ministre, S. Wilmès, ainsi qu’à Pierre Wunsch, gouverneur de la Banque nationale de Belgique (BNB), en sa qualité de président de l’Economic Risk Management Group (qui est l’organe de conseil en matière économique mis sur pied par le gouvernement fédéral le 19 mars 2020  [319]). À travers celle-ci, Associations21 fait connaître la volonté de la société civile belge d’être consultée dans le cadre des travaux menés par cet organe consultatif. Concrètement, la coupole informe les destinataires de son courrier qu’elle collecte et synthétise les prises de position de ses membres et de ses partenaires à propos des conséquences économiques de la crise sanitaire. En conséquence, elle demande à être impliquée dans les travaux de l’Economic Risk Management Group, afin que l’avis des citoyens en matière de développement durable puisse davantage être pris en compte.

268Dès le début du mois de mai, le Community Land Trust Bruxelles (CLTB)  [320] – qui est une plateforme active dans le secteur du logement – propose d’œuvrer à une plus grande intégration des citoyens au niveau de l’adoption de décisions en Région bruxelloise. Le CLTB publie une carte blanche – co-signée par plusieurs dizaines d’associations et de citoyens – afin d’exhorter les autorités publiques régionales bruxelloises à « transformer cette crise en une opportunité »  [321]. Concrètement, il demande l’instauration d’un conseil régional de la transition, dont la mission serait de proposer un plan pour l’après-crise pour que « Bruxelles se mue en pionnière de la transition démocratique, écologique et sociale en Europe ». La particularité de cette initiative est qu’elle est strictement bruxelloise et porte spécifiquement sur le niveau de pouvoir régional bruxellois.

269Le plan Sophia proposé par le Resilience Management Group (RMG) déjà évoqué supra comporte lui aussi une section revendiquant que soit lancée « une convention interfédérale pour la transition et la démocratie, chargée d’initier et organiser un vaste processus inédit, délibératif, bottom-up, participatif et pragmatique, de réflexions, propositions de mesures et projets concrets afin de remettre notre démocratie en marche »  [322]. Cependant, à l’inverse de l’initiative développée par le CLTB, celle du RMG s’inscrit dans une démarche qui se veut interfédérale, sous l’égide du Comité de concertation ou des différentes assemblées parlementaires du pays. La logique est néanmoins semblable puisqu’il est question d’associer davantage les citoyens dans les processus décisionnels.

270La plateforme de participation citoyenne numérique Fluicity envisage également l’organisation de processus participatifs afin de « concevoir ensemble le scénario de demain ». Mais son rôle diffère des initiatives précédemment présentées. Alors que ces dernières visaient à inciter, par voie de cartes blanches, les autorités publiques à mettre en place ce type de dispositifs, Fluicity intervient plus directement – en tant que start-up – à travers son propre site Internet en proposant ses services dans la mise en œuvre de tels dispositifs : « Nous savons que les défis économiques, écologiques et sociaux qui nous attendent nécessitent une implication forte des citoyens. Le scénario de demain est indissociable d’un nouveau scénario démocratique, qui se faisait déjà sentir avant la crise sanitaire ». Dès lors, Fluicity propose de mettre des spécialistes de la participation citoyenne à la disposition d’autorités publiques afin d’impliquer et de coordonner les citoyens, les associations et les acteurs privés dans un exercice d’intelligence collective  [323].

271Dans la même perspective, la start-up Citizenlab offre également ses services pour mettre concrètement en place des mécanismes de démocratie participative : « Les gouvernements locaux sont au premier plan de la crise actuelle liée au Covid-19 (…). Chacun de nous a un rôle à jouer (…). Au cours des prochaines semaines, notre priorité va être d’aider les collectivités locales à mettre en place des plateformes numériques et à assurer une transition efficace vers ces nouvelles pratiques. Nous cherchons à vous aider par tous les moyens possibles, qu’il s’agisse de fournir des outils numériques, d’accompagner vos projets ou encore de partager les meilleures pratiques en matière de participation numérique »  [324].

272Basé en France, l’Institut de la concertation et de la participation citoyenne (ICPC) – qui est un espace de débat et de réflexion indépendant en matière de participation citoyenne – initiera quant à lui le débat sur la base de l’annonce d’un atelier en ligne intitulé « Évaluer sa démarche participative : pour quoi faire ? », le 25 mai 2020  [325]. Relayée en Belgique, cette conférence en ligne permet de questionner la place de la participation citoyenne : « Dès la stupeur passée, les regards n’ont pas tardé à se porter sur “l’après Covid-19” et les médias à s’en faire l’écho. Que sera notre société après la crise sanitaire qui secoue aujourd’hui la planète ? (…) [Un scénario] nous invite à aller vers plus de contrôle citoyen des politiques et des dépenses publiques, une plus grande obligation des autorités de rendre compte de leurs choix et de faire confiance aux citoyens et aux associations, une exigence de coopération renforcée entre décideurs publics, professionnels, experts et citoyens. Dans ce scénario, le dialogue et même les décisions partagées seront à l’agenda politique de l’après-coronavirus pour préparer le choix assumé d’un destin commun ».

273À côté de ces initiatives collectives, associatives et/ou commerciales, régionales, nationales ou transnationales, plusieurs initiatives personnelles émergent aussi durant la période de confinement afin de préparer l’après-crise sur la base d’une plus grande implication des citoyens dans les processus décisionnels. Ainsi, le 29 avril 2020, Ilona Lodewijckx, digital content creator chez Citizenlab, publie une opinion sur le site Internet de cette plateforme, par laquelle elle regrette le caractère imparfait de la démocratie belge, notamment en conséquence du faible niveau de participation politique et de la faible confiance des citoyens envers les partis politiques. Selon elle, « dans un contexte de déclin démocratique, la participation des citoyens est souvent citée comme le meilleur moyen de rétablir la confiance entre les citoyens et leurs gouvernements. Les budgets participatifs, recueils d’idées ou enquêtes qui permettent aux citoyens de faire entendre leurs voix et d’influencer la prise de décisions au niveau local peuvent augmenter la transparence du processus politique et générer du soutien pour les politiques qui en découlent ».

274Une action moins conventionnelle est également organisée par la branche belge du mouvement écologiste Extinction Rebellion (XR). Le 14 avril 2020, XR lance une action visant à « sortir véritablement de cette crise de manière équitable » (cf. supra). Pour ce faire, le mouvement diffuse en ligne une vidéo manipulée de la Première ministre S. Wilmès, dans laquelle il fait croire qu’elle annonce que « la pandémie actuelle et la crise climatique et écologique ont des origines communes et nécessitent des solutions intégrées et justes »  [326]. Au-delà de la question écologique au cœur du message diffusé, c’est aussi la question du renouveau démocratique qui est abordée. XR défend un modèle de participation citoyenne basé sur le tirage au sort : « Les mesures nécessaires pour faire face à la crise écologique affecteront chacun d’entre nous de manière permanente. Aucun gouvernement ne devrait prendre seul des décisions d’une telle portée, même en situation d’urgence. Ceux qui seront affectés par ces mesures doivent être ceux qui les déterminent. Il s’agit non seulement de l’option la plus juste, mais aussi de la plus efficace. [Nous annonçons] ainsi la mise en place immédiate de nouvelles assemblées citoyennes. Assistées d’experts, ces assemblées auront pour tâche de déterminer les priorités les plus urgentes ainsi que formuler les politiques que le gouvernement devra suivre. Ses membres seront tirés au sort et représenteront proportionnellement tous les habitants de la Belgique : chacun pourra être appelé à participer à une assemblée, jeunes et vieux, riches et pauvres, citoyens de toutes tendances politiques et de toutes provenances ethnoculturelles. Déterminer la manière dont nous sortirons de la crise du coronavirus aura une conséquence énorme sur notre avenir. Les différents secteurs économiques ont des impacts très différents sur notre environnement ainsi que sur le bien-être des personnes. Quelles entreprises choisirons-nous de soutenir avec l’argent du contribuable une fois sortis du confinement ? Comment au mieux venir en aide à toutes celles et ceux qui bientôt auront des difficultés à payer leurs factures à cause du coronavirus ? Comment faire en sorte que notre système de santé reste suffisamment solide pour résister aux prochaines crises ? Répondre à ces questions sera la première tâche des assemblées citoyennes »  [327]. La vidéo est diffusée en ligne ; elle est en outre envoyée à la Première ministre, aux ministres-présidents régionaux et communautaires, aux présidents de parti et aux différents ministres belges  [328].

275Enfin, à côté de ces initiatives invitant à faire participer davantage les citoyens aux processus décisionnels, plusieurs initiatives visent à impliquer les citoyens dans la réflexion collective à propos de la « société de demain », sans enjeu concret et immédiat. Il s’agit donc de démarches de plus long terme. C’est le cas de l’appel pour un « CoronaReset » déjà évoqué, mais aussi de l’appel BeterNaCorona, de l’Apprêt ou encore du Post Corona Movement (PCM) (cf. supra).

276*

277Ces paragraphes mettent en lumière l’imbrication d’un ensemble varié d’acteurs dans la réflexion visant à inclure davantage les citoyens au sein des processus décisionnels dans le cadre et à la suite de la pandémie de Covid-19. Alors que certains acteurs (associations, mouvements sociaux, chercheurs et citoyens engagés) initient des démarches afin de réclamer l’instauration de tels mécanismes, d’autres (des start-ups) tentent de proposer leurs services quant à la mise en œuvre concrète de ces dispositifs sur la base de plateformes numériques. Les moyens d’action de ces différents acteurs sont variés : alors que les premiers s’expriment principalement par la voie de cartes blanches, par l’organisation de conférences en ligne ou à travers des actions beaucoup moins conventionnelles (détournement d’une vidéo, dans le cas de XR), les seconds agissent principalement depuis leur propre site Internet en promouvant les outils qui constituent leur expertise. Néanmoins, tous entendent faire participer davantage les citoyens dans un contexte où les décisions sont principalement adoptées sur la base d’avis formulés par des experts et dans le cadre de processus considérés comme étant peu transparents. Le défi auquel se trouvent confrontés ces acteurs est par ailleurs identique : alors que tous considèrent que la crise sanitaire est une fenêtre d’opportunité pour un renouveau démocratique, la nécessité – imposée par le contexte – de recourir aux outils numériques pour mettre concrètement en œuvre des mécanismes participatifs soulève la question de la fracture numérique, qui fait obstacle à la représentativité ou à la participation de tous.

278Il est à noter que la majorité des acteurs qui se mobilisent pour tenter de renforcer la participation citoyenne dans les processus décisionnels s’étaient déjà positionnés sur cette question avant la crise sanitaire. L’effet de la pandémie, dans un premier temps, porte donc principalement sur les acteurs déjà acquis à une cause que Loïc Blondiaux et Yves Sintomer qualifient d’« impératif délibératif »  [329]. Cela peut s’expliquer par le fait que les mesures adoptées par les autorités publiques durant la crise sanitaire ne semblent pas contribuer à accroître la méfiance des citoyens à l’égard du fonctionnement démocratique, au moins dans le court terme. Au contraire, la confiance des citoyens envers le gouvernement et leur satisfaction envers la démocratie semble s’accroître en mars-avril 2020  [330].

Conclusion

279Le 17 mars 2020, la Première ministre, Sophie Wilmès (MR), annonce qu’un confinement généralisé entrera en application dès le lendemain à midi, et ce au moins jusqu’au 5 avril. La décision est ensuite prolongée, par étapes, jusqu’au 4 mai, date qui sera celle de la première étape du processus de déconfinement. Alors que les citoyens sont confinés à leur domicile, les prises de position visant à préparer l’après-crise sanitaire frappent par leur nombre, par les canaux à travers lesquels elles s’expriment et par les collaborations – parfois inédites – qu’elles suscitent. Cinq enseignements majeurs peuvent être tirés de l’analyse des initiatives citoyennes menées durant la période de confinement sur lesquelles porte le présent Courrier hebdomadaire.

280Primo, la période investiguée – qui peut être considérée comme le point paroxystique de la crise sanitaire s’agissant de la Belgique – est marquée par un très grand nombre d’interventions citoyennes dont l’objectif, pour celles et ceux qui y prennent part, est parfois de gagner en visibilité afin de se positionner dans une société civile sans doute appelée à être au moins partiellement reconfigurée après la pandémie, mais aussi de poser une réflexion sur la gestion de la crise et d’envisager l’après-crise dans une perspective de moyen voire de long terme. Si la mobilisation citoyenne n’est un phénomène ni nouveau en soi ni rare en Belgique  [331], le nombre important d’initiatives qui voient le jour en un laps de temps relativement court et dans des circonstances pourtant a priori peu propices aux mobilisations (activation de réseaux préexistants et, a fortiori, création de nouveaux réseaux) doit être souligné.

281Les acteurs à l’origine de ces initiatives sont variés. Si de nombreuses initiatives présentent un caractère individuel ou quasi individuel, en ce sens qu’elles sont portées par une ou quelques personnes tout au plus, d’autres initiatives, en grand nombre également, revêtent un caractère collectif, c’est-à-dire qu’elles émanent du rassemblement de plusieurs citoyens et/ou associations (ou reçoivent, à tout le moins, le soutien de ces derniers). En l’occurrence, ces associations sont de plusieurs types : soit elles défendent des intérêts spécifiques à une profession ou à un segment particulier de la population, soit elles rassemblent, dans le cadre d’une réflexion collective ou, au minimum, partagée, des organisations et/ou des personnes issues de milieux différents. Lorsqu’il s’agit de personnalités individuelles, les initiatives réunissent des acteurs venus du monde scientifique et académique (c’est le cas de plusieurs études d’assez grande ampleur), du monde associatif, culturel, hospitalier, mutuelliste ou encore syndical. Les syndicats, d’ailleurs, sont particulièrement présents dans ce cadre, ce qui reflète assez logiquement la place majeure qu’ils occupent dans le paysage social belge  [332].

282Secundo, les initiatives collectives – sur lesquelles s’est concentré le présent Courrier hebdomadaire – peuvent rassembler des acteurs (individus ou associations) parfois très variés, voire qui n’ont pas l’habitude de collaborer entre eux ou, à tout le moins, de défendre ensemble une même cause à travers une action commune. Par exemple, même si certaines actions portant sur les inégalités touchant les femmes sont menées par des ensembles homogènes dans leur composition (comme la lettre envoyée à la Première ministre le 24 avril, signée par une trentaine d’associations de femmes), d’autres actions exprimant des inquiétudes identiques et des demandes semblables regroupent un ensemble beaucoup plus hétérogène de citoyens et d’associations, comme la carte blanche « Pour une prise en compte du genre dans le déconfinement et l’après-crise Covid-19 » publiée le 14 avril, signée par un grand nombre d’acteurs issus du monde académique, culturel ou associatif. Dans certains cas, les acteurs ainsi ponctuellement rassemblés étaient a priori peu susceptibles d’unir leurs forces puisqu’ils sont situés de part et d’autre des différents clivages qui structurent la société belge. Ainsi en est-il de l’appel BeterNaCorona, porté en Flandre par onze médias et groupes de réflexion pas forcément habitués à se parler.

283Tertio, les enjeux au cœur de ces initiatives sont variés mais gravitent tous autour de neuf thématiques spécifiques : le financement des services publics, la culture, l’enseignement, la pauvreté et les inégalités sociales, le travail, l’écologie, la mondialisation, les libertés fondamentales et la participation citoyenne. Il est toutefois remarquable que certains enjeux mobilisent davantage que d’autres. Il en est ainsi de la pauvreté et des inégalités sociales (y compris des inégalités de genre), de l’écologie et des libertés fondamentales. Pour sa part, la position adoptée sur ces enjeux par les acteurs étudiés est très souvent similaire d’une initiative à l’autre. Cela signifie non pas que les demandes ou revendications sont nécessairement identiques, mais qu’elles participent d’une même logique ou s’inscrivent dans une idéologie commune. Il en est ainsi des initiatives relatives à la culture, de celles ayant trait aux sans-papiers et aux demandeurs d’asile et de celles qui se rapportent à l’écologie. Quant à elle, la critique formulée à l’égard de la mondialisation est essentiellement économique et vise à repenser les fondements capitalistes sur lesquels ce phénomène repose ; la critique politique réclamant davantage de souverainisme et dénonçant l’immigration et le multiculturalisme induits par la mondialisation se fait assez discrète (si l’on excepte les partis politiques d’extrême droite). L’enjeu au sujet duquel le consensus est sans doute le moins établi est celui des libertés fondamentales. Il est enfin à noter que certaines initiatives – généralement portées par un nombre important d’acteurs – sont de nature transversale et portent sur un vaste ensemble de thématiques à la fois. Il en est ainsi des analyses formulées par un regroupement de 123 chercheurs dans un document intitulé « Societal exit from lockdown / Déconfinement sociétal / Maatschappelijke exit-strategie » et du plan Sophia proposé par le Resilience Management Group (RMG), ou encore de la carte blanche « Gérer l’urgence… puis réinventer l’avenir » publiée le 1er avril 2020 et du rassemblement d’acteurs qui l’a suivie, Faire front.

284Quarto, la question des moyens d’action à utiliser est d’autant plus cruciale que les interventions citoyennes dont il est question dans le présent Courrier hebdomadaire prennent place dans une période marquée par le confinement. La grande majorité des initiatives visant à préparer l’après-crise sanitaire sont des prises de position qui adoptent la forme de cartes blanches, et ce quel que soit l’enjeu défendu. Considéré comme un des modes de mobilisation citoyenne les plus « légers », en ce sens qu’il ne s’agit pas d’une action directe (comme la manifestation ou le boycott), et encore moins d’une action illégale ou violente  [333], le recours à la carte blanche offre l’avantage de nécessiter peu de moyens tout en permettant de rallier un grand nombre de citoyens ou d’associations et de bénéficier d’une visibilité parfois large. En outre, il permet aux signataires de respecter les normes en vigueur en matière de confinement. Dans la même logique, plusieurs lettres, souvent signées par un grand nombre de personnes et/ou d’associations, sont envoyées aux responsables politiques afin de partager une inquiétude et de proposer des solutions. Enfin, les cartes blanches sont, pour le monde associatif, une manière d’assurer ses missions d’éducation permanente et de conserver sa légitimité au sein de la société civile dans une période où les rassemblements physiques ne sont pas autorisés.

285Mais d’autres moyens d’action sont aussi utilisés. Particulièrement dans le secteur de l’enseignement, des enquêtes en ligne voient par exemple le jour afin de mieux connaître les attentes de certains pans de la population et d’exercer une forme de pression sur les autorités publiques. Parfois, l’action adopte la forme de la publication d’un rapport d’expertise détaillé, généralement à l’initiative de personnes issues du monde académique. Certaines actions plus originales sont aussi développées, comme la diffusion par Extinction Rebellion (XR), le 14 avril, d’une vidéo manipulée dans laquelle apparaît la Première ministre afin de revendiquer davantage d’attention à la question environnementale et davantage de participation citoyenne au sein des processus décisionnels. Enfin, quelques rassemblements ont été organisés, qui ont trouvé un certain écho dans les médias : illégale au regard des règles interdisant les rassemblements en cette période de crise sanitaire, la brève manifestation tenue le 20 avril devant la Tour des Finances, par laquelle une soixantaine de sans-papiers ont réclamé une plus grande protection de la part de l’État, a été relayée par la presse. Plus encore, intervenue quelques jours après le début du déconfinement, la « haie de déshonneur » formée par des soignants tournant ostensiblement le dos à la Première ministre en visite au CHU Saint-Pierre le 16 mai 2020 (cf. supra) a fait l’objet d’un retentissement médiatique majeur, y compris en dehors des frontières nationales  [334], et constitue peut-être l’image la plus forte des mobilisations liées à la gestion de la pandémie.

286Quinto, le dernier enseignement porte sur la crise sanitaire elle-même et sur son effet au regard de la mobilisation citoyenne. Les initiatives citoyennes se multiplient et elles traduisent, dans leur grande majorité, la volonté d’un nombre important d’acteurs de transformer la crise en opportunité pour défendre une cause souvent ancienne. Ainsi, la majorité des revendications exprimées pendant la période de confinement ne sont pas nouvelles. Nombreuses sont d’ailleurs les initiatives à reconnaître explicitement qu’elles perçoivent la pandémie comme une occasion pour replacer certaines questions ou certains enjeux au cœur de l’agenda politique et médiatique. Certes, c’est souvent à travers la notion d’urgence que cette opportunité est saisie : l’urgence de venir en aide au secteur culturel, aux mal-logés ou aux sans-papiers, l’urgence de répondre aux défis climatiques et environnementaux, l’urgence d’inclure les citoyens dans les processus décisionnels pour mettre un terme à la crise de la démocratie représentative, etc. Néanmoins, force est de constater que, au regard de certains enjeux, celles et ceux qui se mobilisent étaient déjà mobilisés avant la crise. Il en est ainsi dans le cas de l’enseignement et dans celui de la participation citoyenne : peu de nouveaux acteurs se joignent aux initiatives lancées pendant la période de confinement.

287Dans un contexte marqué par la quête de visibilité affichée par un grand nombre de citoyens, mais aussi par une situation de pénurie de visibilité dans l’espace public (en raison notamment de la profusion d’initiatives), la question du véritable impact de ces actions citoyennes doit être posée. Dans quelle mesure la fenêtre d’opportunité perçue peut-elle véritablement conduire à l’adoption de politiques publiques en phase avec les positions défendues par les citoyens mobilisés ? Ces initiatives peuvent-elles, a minima, constituer un moyen pertinent pour maintenir un enjeu et des revendications au cœur de l’agenda politico-médiatique pendant le confinement et après celui-ci ? Ces questions restent ouvertes.

288Cependant, on peut d’ores et déjà noter que des tentatives de consolider ces initiatives citoyennes afin qu’elles puissent effectivement influencer les politiques publiques ont vu le jour dès la fin du printemps. Plusieurs espaces de convergence ont ainsi été créés. C’est le cas de la Coalition Corona, mise sur pied afin d’adresser aux autorités publiques des revendications communes visant à préparer le « monde d’après »  [335]. Cette coalition rassemble notamment les trois grands syndicats, les mutuelles, le Centre national de coopération au développement (CNCD-11.11.11), les principales ONG environnementales telles que Greenpeace Belgium, Inter-Environnement Wallonie (IEW) et Bond Beter Leefmilieu (BBL), Financité, Fairfin, le Mouvement ouvrier chrétien (MOC), beweging.net, les associations de lutte contre la pauvreté tant au nord qu’au sud du pays, etc. Leur objectif est précisément de rendre audibles les nombreuses revendications portées par la société civile depuis plusieurs mois, et ce afin de prolonger le « moment corona » au-delà de la période de lutte contre la pandémie. Le collectif Faire front a aussi pour objectif de constituer un espace de convergence des revendications de la société civile. Alors que la Coalition Corona est une initiative issue des corps intermédiaires, Faire front est une initiative portée aujourd’hui par une centaine d’associations, mutualités, syndicats et collectifs. Son objectif est de construire « un front social, écologique et démocratique »  [336] afin d’affronter les conséquences de la crise sanitaire au regard d’un vaste ensemble de thématiques. C’est aussi dans cette perspective que se constitue l’appel pour un « CoronaReset » (dans la foulée de la signature d’une carte blanche soutenue par un très grand nombre de citoyens) ; néanmoins, la logique qui anime cette dernière initiative est distincte, en ce sens que la participation des citoyens – au-delà des corps intermédiaires – est considérée comme étant à la base de toute réflexion sur les changements à opérer dans l’avenir.

289*

290La mise en perspective proposée dans ce Courrier hebdomadaire, centré sur les acteurs issus de la société civile, sur leur manière d’interpréter la situation inédite de confinement, sur leurs comportements et initiatives pendant la crise ainsi que – dans la mesure du possible et de ce qui a été porté au-devant de la scène médiatique – sur les relations qui s’établissent entre eux, contribue à éclairer l’une des questions fréquemment soulevées durant cette période : la crise marque-t-elle une rupture historique et politique ou constitue-t-elle une simple mise entre parenthèses de la croissance économique et des habitudes sociales due à des circonstances exceptionnelles susceptibles d’être surmontées ? Plutôt qu’une tension entre rupture et continuité, une autre tension est apparue : celle qui se joue entre passivité démocratique et veille démocratique. En effet, la caractéristique commune aux multiples acteurs sur lesquels s’est penché ce Courrier hebdomadaire est leur volonté de transformer une période de crise en opportunité pour repenser certaines modalités de l’organisation économique et socio-politique, et ce que ce soit au niveau de la Belgique, du continent européen ou du monde.

Annexes

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Notes

  • [1]
    Sur les aspects juridiques et politiques de cette période, cf. F. Bouhon, A. Jousten, X. Miny, E. Slautsky, « L’État belge face à la pandémie de Covid-19 : esquisse d’un régime d’exception », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2446, 2020 ; J. Faniel, C. Sägesser, « La Belgique entre crise politique et crise sanitaire (mars-mai 2020) », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2447, 2020 ; F. Fallon, A. Thiry, S. Brunet, « Planification d’urgence et gestion de crise sanitaire. La Belgique face à la pandémie de Covid-19 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2453-2454, 2020.
  • [2]
    Pour une analyse récente de ce mouvement social né à l’occasion de l’affaire Dutroux et de son impact, cf. B. Rihoux, S. Walgrave, A.-P. Frognier, « Les mobilisations “blanches” : d’une crise de légitimité à l’émergence de “nouveaux mouvements émotionnels” », in J. Faniel, C. Gobin, D. Paternotte (dir.), Se mobiliser en Belgique. Raisons, formes et cadres de la contestation sociale contemporaine, Louvain-la-Neuve, Academia-L’Harmattan, 2020, p. 63-81.
  • [3]
    S. Bellal, T. Berns, F. Cantelli, J. Faniel (dir.), Syndicats et société civile : des liens à (re)découvrir, Bruxelles, Labor, 2003 ; J. Faniel, « Les relations entre syndicats et associations en Belgique : origines et actualité », in D. Tartakowsky, F. Tétard (dir.), Syndicats et associations : concurrence ou complémentarité ?, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2006, p. 439-447.
  • [4]
    Aktief, Apache, DeWereldMorgen, De Gids op Maatschappelijk Gebied, Furia, Kifkif, Lava, Denktank Minerva, Mondial Nieuws, Oikos et Sampol.
  • [5]
    On trouvera notamment cet appel, en néerlandais et en français, sur le site Internet de Mondial Nieuws : « Construire des politiques socio-écologiques pour l’après-corona », 16 avril 2020, www.mo.be. Les sept domaines mis en avant et qui devraient, selon les initiateurs de l’appel, faire l’objet de débats sont les suivants : un gouvernement puissant ; une société civile dynamique ; une économie dotée d’une nouvelle boussole ; la question de l’inégalité qui nuit à la cohésion sociale, sape les structures sociales et empêche une politique climatique décisive ; la nécessité de construire un avenir meilleur et non placé uniquement sous le signe de l’abondance ; une mondialisation juste fondée sur davantage de coopération ; le développement d’emplois verts et les investissements verts.
  • [6]
    « Déconfinement sociétal. Apports d’expertises académiques », Académiques engagés, 20 avril 2020, www.cartaacademica.org.
  • [7]
    Concernant les appels à la conclusion d’un « nouveau pacte social », cf. É. Léonard, « Pacte social : enjeux anciens, nouveaux défis », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2452, 2020.
  • [8]
    Sur la base du décret du 17 juillet 2003 relatif au développement de l’action d’éducation permanente dans le champ de la vie associative (Moniteur belge, 26 août 2003), la Communauté française subsidie les activités d’une série de mouvements et associations. L’article 1er de ce décret pose clairement les ambitions progressistes que porte ce décret : « Le présent décret a pour objet le développement de l’action d’éducation permanente dans le champ de la vie associative visant l’analyse critique de la société, la stimulation d’initiatives démocratiques et collectives, le développement de la citoyenneté active et l’exercice des droits civils et politiques, sociaux, économiques, culturels et environnementaux dans une perspective d’émancipation individuelle et collective des publics en privilégiant la participation active des publics visés et l’expression culturelle. Cet objet est assuré par le soutien aux associations qui ont pour objectif de favoriser et de développer, principalement chez les adultes : a) une prise de conscience et une connaissance critique des réalités de la société ; b) des capacités d’analyse, de choix, d’action et d’évaluation ; c) des attitudes de responsabilité et de participation active à la vie sociale, économique, culturelle et politique. La démarche des associations visées par le présent décret s’inscrit dans une perspective d’égalité et de progrès social, en vue de construire une société plus juste, plus démocratique et plus solidaire qui favorise la rencontre entre les cultures par le développement d’une citoyenneté active et critique et de la démocratie culturelle ».
  • [9]
    Cf. le site Internet https://lasanteenlutte.org.
  • [10]
    « “La Santé en lutte” donne la parole à celles qui soignent », RTBF Info, 3 avril 2020, www.rtbf.be.
  • [11]
    Cf. le site Internet https://lasanteenlutte.org.
  • [12]
    Cette date a été fixée avant que n’éclate la crise sanitaire.
  • [13]
    « Premier “mardi des blouses blanches” contre la dégradation des conditions du personnel infirmier », RTBF Info, 4 juin 2019, www.rtbf.be. Cf. aussi « Soins de santé : le retour du ras-le-bol », Le Soir en ligne, 19 mai 2020, www.lesoir.be.
  • [14]
    Cf. la loi du 9 décembre 2019 portant création d’un Fonds blouses blanches (Moniteur belge, 9 décembre 2019).
  • [15]
    « Le Fonds “blouses blanches” adopté définitivement à la Chambre », RTBF Info, 21 novembre 2019, www.rtbf.be.
  • [16]
    Le 23 mars 2020, l’hebdomadaire Le Vif/L’Express révèle que, pour des raisons budgétaires, la ministre fédérale des Affaires sociales et de la Santé publique, Maggie De Block (Open VLD), a laissé périmer le stock de masques de protection respiratoire individuelle de type FFP2 sans le reconstituer après sa destruction (cf. J. Faniel, C. Sägesser, « La Belgique entre crise politique et crise sanitaire (mars-mai 2020) », op. cit., p. 18-23).
  • [17]
    « Gérer l’urgence… puis réinventer l’avenir », Le Soir en ligne, 1er avril 2020, www.lesoir.be (la liste des signataires est reproduite en annexe 1 du présent Courrier hebdomadaire).
  • [18]
    « Lettre au monde politique et appel aux forces sociales », 19 juin 2020, www.facebook.com/Faire-Front.
  • [19]
    « Les crises comme révélateur de la nécessité des services publics… », Le Soir en ligne, 9 avril 2020, https://plus.lesoir.be.
  • [20]
    Cf. le site Internet www.sante-solidarite.be.
  • [21]
    Cf. le site Internet www.sante-solidarite.be.
  • [22]
    La liste des organisations belges ayant rejoint l’action « drap blanc » du 7 avril 2020 est reproduite en annexe 2 du présent Courrier hebdomadaire.
  • [23]
    M. Uyttendaele, J. Sohier, « Vive l’impôt », Le Vif/L’Express en ligne, 21 avril 2020, www.levif.be.
  • [24]
    Au début de la pandémie, le CHU Saint-Pierre avait été l’un des établissements hospitaliers belges de référence pour les patients infectés ou suspectés d’être contaminés par le nouveau coronavirus. Le système des hôpitaux de référence dans le cadre de cette crise avait pris fin le 10 mars.
  • [25]
    É. Delruelle, « Face au coronavirus : le retour de l’État social », Le Soir en ligne, 26 mars 2020, https://plus.lesoir.be.
  • [26]
    N. Clumeck, « Le confinement ne peut suffire à contrôler l’épidémie », Le Soir en ligne, 28 mars 2020, https://plus.lesoir.be.
  • [27]
    P. Leroy, « Après la crise, un new deal pour les soins de santé », Le Soir en ligne, 16 avril 2020, https://plus.lesoir.be.
  • [28]
    Sur cet acteur, cf. S. Heine, « Le mouvement ATTAC en Belgique », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2003-2004, 2008.
  • [29]
    « Portez plainte contre les organisateurs de l’évasion fiscale ! », 25 février 2020, http://wb.attac.be.
  • [30]
    « Covid-19 et dette publique : comment éviter que le scénario de 2008 ne se reproduise ? », 25 avril 2020, www.auditcitoyen.be.
  • [31]
    « Série Covid-19 (3/4) : propositions de mesures à prendre », 23 mars 2020, www.cadtm.org.
  • [32]
    « La SABAM libère 18 millions d’euros pour ses auteurs », La Libre Belgique en ligne, 8 avril 2020, www.lalibre.be.
  • [33]
    T. Kestens, « Er moet een noodfonds voor de culturele sector komen », De Tijd en ligne, 17 mars 2020, www.tijd.be.
  • [34]
    La plateforme est néanmoins trilingue : néerlandais, français, anglais. La plupart des textes publiés sont traduits.
  • [35]
    Actions qui ont sans doute contribué à faire revenir le ministre-président flamand Jan Jambon (N-VA), en charge de la Culture au sein de son gouvernement, sur sa décision de réduire de 60 % en 2020 les subsides réservés aux projets culturels (cf. « Jan Jambon draait beslissing over besparingen in cultuursector deels terug: “vier miljoen extra voor projectsubsidies” », VRT News, 16 avril 2020, www.vrt.be). Cf. l’arrêté du gouvernement flamand du 24 avril 2020 réglant certaines mesures temporaires dans le cadre de l’urgence civile en matière de santé publique en raison du coronavirus Covid-19, en ce qui concerne le deuxième cycle d’évaluation de 2020 pour les subventions de projet et les bourses dans le cadre du décret sur les arts (Moniteur belge, 29 avril 2020).
  • [36]
    Décret flamand du 20 mars 2020 contenant des mesures en cas d’urgence civile en matière de santé publique, Moniteur belge, 24 mars 2020. La décision de créer un fonds d’urgence est annoncée le 1er avril 2020, mais il faudra attendre le 2 juin pour que le gouvernement flamand fixe le montant de ce fonds ; le 17 juin, le Parlement flamand adoptera ensuite une proposition de décret déposée par des membres de la majorité pour fixer les modalités d’exécution (cf. le décret flamand du 19 juin 2020 contenant des mesures urgentes relatives aux fonds d’urgence pour la culture, la jeunesse, le sport, les médias et les administrations locales, et relatives à la lutte contre la pauvreté à la suite de la pandémie Covid-19, Moniteur belge, 29 juin 2020).
  • [37]
    Artists United est un bureau social pour artistes (BSA) qui conseille notamment ses membres en matière d’accès au chômage.
  • [38]
    Parlement flamand, Commission de la Culture, de la Jeunesse, des Sports et des Médias, Question n° 1975 de G. Pelckmans au ministre J. Jambon, 30 avril 2020, www.vlaamsparlement.be.
  • [39]
    Ce constat n’est pas sans rappeler la réponse de la Première ministre à une question du député fédéral François De Smet (Défi) lors de la séance plénière de la Chambre des représentants du 16 avril 2020 : « Cela signifie donc que les artistes qui avaient droit au chômage avant la crise garderont ce droit durant celle-ci. Je sais que c’est une maigre consolation quand on a besoin de s’exprimer publiquement. J’espère que les artistes pourront trouver d’autres moyens à cette fin pour traverser, comme les autres, à leur manière, cette crise sans trop d’encombres » (Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 36, 16 avril 2020, p. 11).
  • [40]
    « Manifeste pour soutenir les travailleurs et travailleuses de la culture », Le Soir, 31 mars 2020 (la liste des signataires est reproduite en annexe 3 du présent Courrier hebdomadaire).
  • [41]
  • [42]
    Formé officiellement en janvier 2018, le METAL regroupe des étudiants des écoles d’art supérieures de Belgique et des jeunes travailleurs des arts, qui luttent pour un accès au statut mais également pour amorcer une réflexion de fond à la fois sur le statut d’artiste, sur le rapport de l’emploi et du travail et sur la précarisation des citoyens de manière générale (cf. www.facebook.com/MouvementDesEtudiantsTravailleursDesArtsEnLutte).
  • [43]
    Chambre des représentants, Proposition de loi visant à apporter des mesures de soutien aux artistes en période de Covid 19, n° 1215/1, 29 avril 2020. C’est toutefois une autre proposition de loi, déposée par des députés PS le 9 avril, qui sera adoptée, après un parcours législatif relativement long, le 9 juillet 2020 pour améliorer la situation des travailleurs du secteur culturel (cf. Chambre des représentants, Proposition de loi modifiant l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage en vue de mettre fin à la règle de diminution des allocations en cas de cumul entre allocations de chômage et revenus tirés de l’exercice d’une activité artistique, texte devenu Proposition de loi améliorant la situation des travailleurs du secteur culturel. Texte adopté par la séance plénière et soumis à la sanction royale, n° 1154/20, 9 juillet 2020 ; à l’heure où ces lignes sont écrites, cette loi n’a pas encore été publiée au Moniteur belge).
  • [44]
    « Mesdames et messieurs les ministres, quand allez-vous enfin considérer les travailleurs précaires du secteur culturel ? », La Libre Belgique en ligne, 5 mai 2020, www.lalibre.be.
  • [45]
    « 1140 signataires pour la lettre des artistes à la Première Ministre », Le Soir en ligne, 2 mai 2020, https://plus.lesoir.be.
  • [46]
    « Il faut sauver le soldat cinéma ! », L’Écho en ligne, 28 avril 2020, www.lecho.be.
  • [47]
    Arrêté du gouvernement de la Communauté française de pouvoirs spéciaux n° 2 du 7 avril 2020 pris en exécution du décret du 17 mars 2020 octroyant des pouvoirs spéciaux au gouvernement dans le cadre de la crise sanitaire du Covid-19 relatif à la création d’un fonds d’urgence et de soutien, Moniteur belge, 10 avril 2020.
  • [48]
    Arrêté du gouvernement de la Communauté française de pouvoirs spéciaux n° 4 du 23 avril 2020 relatif au soutien du secteur culturel et du cinéma dans le cadre de la crise sanitaire du Covid-19, Moniteur belge, 28 avril 2020.
  • [49]
    Cf. Parlement de la Communauté française, Commission de l’Enfance, de la Santé, de la Culture, des Médias et des Droits des femmes, Compte rendu intégral, CRIC 52-10, 28 avril 2020, p. 16-27.
  • [50]
    Décret de crise 2020 de la Communauté germanophone du 6 avril 2020, Moniteur belge, 14 avril 2020.
  • [51]
    « Auteurs : le point final ? », Le Soir en ligne, 26 avril 2020, https://plus.lesoir.be (la liste des signataires est reproduite en annexe 4 du présent Courrier hebdomadaire).
  • [52]
    S. Louryan, « La culture est aussi un bien de première nécessité », Le Soir, 17 avril 2020.
  • [53]
    P. Dujardin, « Si l’art peut un jour sauver le monde, c’est aujourd’hui ! », Le Soir, 20 avril 2020.
  • [54]
    Cf. le site Internet https://noculturenofuturebe.
  • [55]
    P.-Y. Jeholet, « Pour une stratégie de redéploiement du secteur culturel », Le Soir en ligne, 4 mai 2020, https://plus.lesoir.be.
  • [56]
    La FEAS rassemble une trentaine de compagnies théâtrales et d’opérateurs musicaux francophones, dont le Théâtre national de la Communauté française et l’Opéra royal de Wallonie.
  • [57]
    « Les employeurs des arts de la scène répondent à Pierre-Yves Jeholet », Le Soir en ligne, 6 mai 2020, https://plus.lesoir.be.
  • [58]
    M. De Cock aborde le même sujet dans une interview à l’hebdomadaire bruxellois néerlandophone Bruzz (13 mai 2020), où il rappelle notamment que certains artistes avaient déjà, avant la crise née de la pandémie, expérimenté d’autres « formats » théâtraux (par exemple, Dries Verhoeven faisait s’asseoir 25 spectateurs séparément dans 25 pièces différentes, les acteurs se déplaçant entre elles).
  • [59]
    Cela entraîne d’ailleurs un chômage technique important dans les grandes fédérations internationales (cf. notamment « Coronavirus : les fédérations sportives internationales en difficulté », RTL Info, 24 avril 2020, www.rtl.be). On notera aussi cette lettre ouverte au ministre flamand des Sports, Ben Weyts (N-VA), émanant de la Klim en Bergsportfederatie (KBF, fédération des sports d’escalade et de montagne) demandant l’intervention des autorités flamandes pour soutenir les « exploitants de salles d’escalade » : « Klim- en Bergsportfederatie schrijft open brief aan minister Weyts: “Toekomst Vlaamse klimsport onzeker door coronacrisis” », Het Nieuwsblad en ligne, 4 mai 2020, www.nieuwsblad.be.
  • [60]
    T. Zintz, « Déconfiner le sport ? Oui, pour un mieux ! », Le Soir en ligne, 4 mai 2020, https://plus.lesoir.be.
  • [61]
    Enquêtes toutes deux réalisées par dynamoproject.be, une asbl subventionnée par le gouvernement flamand pour stimuler et encadrer la participation dans le secteur des sports.
  • [62]
    « Brief aan minister Weyts over compensatiemaatregelen voor de sportsector », 22 avril 2020, www.vlaamsesportfederatie.be.
  • [63]
    « Hoe kan een lokaal bestuur haar lokale verenigingen ondersteunen? », 28 avril 2020, www.defederatie.org.
  • [64]
    « Coronavirus : une crise qui a déjà coûté au moins 64,2 millions au sport francophone », Le Soir en ligne, 11 avril 2020, https://plus.lesoir.be.
  • [65]
    « Douche froide pour la culture », Focus Vif en ligne, 30 avril 2020, https://focus.levif.be.
  • [66]
    Cf. « Het belgicisme van de intellectualo’s », 18 mai 2020, www.vlaamsbelang.org.
  • [67]
    Pour être précis, certains commerces peuvent ouvrir en semaine mais pas le week-end s’ils ne sont pas considérés comme des commerces essentiels.
  • [68]
    « Mémorandum sur les mesures relatives au Covid-19 dans l’enseignement supérieur », 16 mars 2020, http://fef.be.
  • [69]
    « Advies over de impact van Covid-19 », 27 mars 2020, https://twitter.com/VVStudenten.
  • [70]
    Moniteur belge, 21 avril 2020.
  • [71]
    « Steunmaatregelen voor huisvesting en jobverlies bij studenten », 9 avril 2020, https://ppsr.ugent.be.
  • [72]
    « Deux parents sur trois opposés au maintien des examens de fin d’année, selon la FAPEO », Le Soir en ligne, 7 avril 2020, https://plus.lesoir.be.
  • [73]
    « GO! raadt scholen aan géén examens te houden dit schooljaar, onderwijsexpert Dirk Van Damme: “Erg demotiverend” », VRT News, 1er mai 2020, www.vrt.be.
  • [74]
    Ibidem. La formule est de Lieven Bouvé, directeur général de Katholiek Onderwijs Vlaanderen (KOV).
  • [75]
    Ibidem.
  • [76]
    J.-F. Horemans, A. Schmidt, « Le confinement et la douloureuse question des examens », Le Soir en ligne, 14 avril 2020, https://plus.lesoir.be. La docimologie est la science qui étudie les différents modes de contrôle des connaissances.
  • [77]
    Par exemple, J.-F. Horemans, A. Schmidt, Pratiquer la pédagogie de la rencontre en éducation, Lyon, Chronique sociale, 2013.
  • [78]
    Cf. J.-F. Horemans, A. Schmidt, « L’école, pas assez exigeante ? Remettons les pendules à l’heure », La Libre Belgique en ligne, 28 décembre 2017, www.lalibre.be.
  • [79]
    Arrêté du gouvernement de la Communauté française de pouvoirs spéciaux n° 6 du 24 avril 2020 relatif à l’organisation de la fin de l’année académique 2019-2020, Moniteur belge, 28 avril 2020.
  • [80]
    « La FEF contre l’allongement de l’année académique jusqu’à la mi-juillet », La Libre Belgique en ligne, 31 mars 2020, www.lalibre.be.
  • [81]
    Décret flamand du 17 avril 2020 relatif aux mesures dans l’enseignement supérieur pour l’année académique 2019-2020 suite à la crise du coronavirus, Moniteur belge, 21 avril 2020.
  • [82]
    « Rapport: Bevraging bij scholieren over de heropstart van de lessen », 12 mai 2020, www.scholierenkoepel.be.
  • [83]
    Les questions évoquées dans ce chapitre se posent, bien entendu, également en Communauté germanophone. Elles trouvent essentiellement un écho au sein du Parlement de cette Communauté (par exemple lors des réunions communes des commissions parlementaires du 6 avril 2020).
  • [84]
    « Coronavirus : l’enseignement virtuel ne convainc pas vraiment les étudiants », Le Soir en ligne, 25 mars 2020, https://plus.lesoir.be.
  • [85]
    Ce projet deviendra l’arrêté du gouvernement de la Communauté française de pouvoirs spéciaux n° 6 du 24 avril 2020 relatif à l’organisation de la fin de l’année académique 2019-2020 (Moniteur belge, 28 avril 2020).
  • [86]
    « Madame Glatigny, l’angoisse et la démotivation des étudiants sont considérables », Le Soir en ligne, 23 avril 2020, https://plus.lesoir.be.
  • [87]
    « La communauté étudiante de l’UCLouvain tire la sonnette d’alarme », Le Soir en ligne, 23 avril 2020, https://plus.lesoir.be.
  • [88]
    « Vlaamse Vereniging van Studenten wil meer steun tijdens lockdown », De Tijd en ligne, 1er avril 2020, www.tijd.be.
  • [89]
    « Continuité des apprentissages durant la suspension des cours », 17 mars 2020, https://desir.cfwb.be.
  • [90]
    « L’enjeu du confinement : réduire les inégalités scolaires ou les augmenter ? », La Libre Belgique en ligne et Le Soir en ligne, 7 avril 2020, www.la libre.be et https://plus.lesoir.be.
  • [91]
    « Mémorandum sur les mesures relatives au Covid-19 dans l’enseignement supérieur », 16 mars 2020, http://fef.be.
  • [92]
    « Un fonds d’urgence pour les jobistes ! », www.change.org.
  • [93]
    « Travail étudiant sans limite en période de crise : une fausse bonne idée ? », Alter Échos en ligne, 4 mai 2020, www.alterechos.be.
  • [94]
    Il s’agit d’un collectif ayant organisé une grève le 8 mars 2019 à l’ULB dans le cadre de la Journée internationale des femmes, grève renouvelée les 8 et 9 mars 2020.
  • [95]
    Peu avant, l’USE a également dénoncé la surcharge de travail suscitée par les cours en ligne (cf. « Mesures prises par l’ULB face au Covid-19 : impossible de remplacer les cours par des cours en ligne, il faut enlever de la matière ! », 13 mars 2020, https://use.be).
  • [96]
    « Covid-19 : l’Union syndicale étudiante (USE), les Jeunes FGTB, les JOC-Bruxelles et les Étudiantes en grève le 8 mars à l’ULB demandent l’extension du chômage temporaire pour les jobistes et mettent en place un réseau d’entraide pour les étudiant·e·s », 23 mars 2020, https://use.be.
  • [97]
    Dans le jargon médical, un arca est un arrêt cardiaque.
  • [98]
    « Positionnement Covid-19 », 19 mars 2020, https://infisenarca.com.
  • [99]
    « De Vlaamse regering legt haar wil op (of schept minstens dat beeld) », De Standaard en ligne, 25 mai 2020, www.standaard.be.
  • [100]
    Sur ces différences, cf. notamment T. Santens, « Geen nieuwe leerstof, geen examens en “zomer is zomer”: waarom is het schooljaar anders over de taalgrens? », VRT News, 20 avril 2020, www.vrt.be.
  • [101]
    « Une décision sur la rentrée des primaires et des maternelles peut-être ce mercredi soir », La Libre Belgique en ligne, 27 mai 2020, www.lalibre.be.
  • [102]
    Leur carte blanche, parue sur le site Internet du journal Le Soir le 23 avril 2020, s’intitule de manière explicite « École flamande et école francophone, faire au mieux d’un côté et ne rien faire de l’autre ».
  • [103]
    « Penser les réponses de l’école face à la crise sanitaire : trouver des coupables ou frayer de nouveaux possibles ? », Le Soir en ligne, 1er mai 2020, https://plus.lesoir.be.
  • [104]
    Sur le site Internet du journal Le Soir, les 19 et 21 avril 2020.
  • [105]
    T. Berns, T. Reigeluth, « L’enseignement à distance et la question de la technique », Le Soir en ligne, 2 avril 2020, https://plus.lesoir.be.
  • [106]
    CGE est un mouvement socio-pédagogique actif depuis plus de trente ans en Communauté française, reconnu à ce titre depuis 2007 en tant qu’organisme d’éducation permanente.
  • [107]
    J. Cornet, « Les apprentissages à l’école du Covid », La Libre Belgique en ligne, 4 mai 2020, www.lalibre.be.
  • [108]
    Cf. notamment sur ce point la réponse du ministre B. Weyts à deux questions d’actualité sur « les besoins des étudiants de l’enseignement supérieur » en séance plénière du Parlement flamand le 27 mai 2020, https://vlaamsparlement.be.
  • [109]
    T. Stiers, « Beste meneer Ben Weyts, voor wie neemt u ons eigenlijk? », De Morgen en ligne, 24 mai 2020, www.demorgen.be ; « Mama en juf haalt uit naar Weyts: “Mijn kind is geen proefkonijn” », Antwerpse televisie en ligne, 19 avril 2020, https://atv.be.
  • [110]
    « L’appel des pauvres et des précaires face au coronavirus » , Le Soir en ligne, 19 mars 2020, https://plus.lesoir.be (la liste des signataires est reproduite en annexe 5 du présent Courrier hebdomadaire).
  • [111]
    « Gérer l’urgence… puis réinventer l’avenir », Le Soir en ligne, 1er avril 2020, https://plus.lesoir.be.
  • [112]
    Professeure à l’Universiteit Antwerpen (UAntwerpen), spécialiste de la sécurité sociale, B. Cantillon fut aussi sénatrice CVP entre 1995 et 1999.
  • [113]
    « Een strategische voorraad solidariteit en mededogen », De Standaard en ligne, 14 avril 2020, www.standaard.be (la liste des signataires est reproduite en annexe 6 du présent Courrier hebdomadaire).
  • [114]
    « Pour une prise en compte du genre dans le déconfinement et l’après crise Covid-19 », RTBF Info, 14 avril 2020, www.rtbf.be (la liste des signataires est reproduite en annexe 7 du présent Courrier hebdomadaire).
  • [115]
    « Ceci est (aussi) une crise de genre ! » , Le Soir en ligne, 16 avril 2020, https://plus.lesoir.be (la liste des signataires est reproduite en annexe 8 du présent Courrier hebdomadaire).
  • [116]
    « Lettre ouverte d’associations de femmes à la Première ministre, Sophie Wilmès : l’urgence est absolue pour les droits des femmes ! » , Axelle Magazine en ligne, 24 avril 2020, www.axellemag.be (la liste des signataires est reproduite en annexe 9 du présent Courrier hebdomadaire).
  • [117]
    «  Coronavirus : permettre à tous de se confiner est la seule manière d’en sortir  », Le Soir en ligne, 1er avril 2020, https://plus.lesoir.be (la liste des signataires est reproduite en annexe 10 du présent Courrier hebdomadaire).
  • [118]
    « Iedereen de kans geven om “in zijn kot te blijven” is de enige manier om hier samen uit te komen », Knack en ligne, 3 avril 2020, www.knack.be.
  • [119]
    Il est à noter que, durant la crise sanitaire, l’Italie et, surtout, le Portugal ont annoncé des mesures de régularisation, au moins partielle, des étrangers sans titre de séjour vivant sur leur territoire.
  • [120]
    « Grève de la faim collective à Vottem », La Libre Belgique en ligne, 3 mars 2019, www.lalibre.be.
  • [121]
    « Voici pourquoi les pays membres de l’UE doivent donner des documents de séjour aux sans-papiers », La Libre Belgique en ligne, 2 avril 2020, www.lalibre.be.
  • [122]
    « Coronavirus. Pour la santé de tous, régularisons les sans-papiers ! », 7 avril 2020, https://secure.avaaz.org.
  • [123]
    « Lettre aux représentants politiques belges concernant la régularisation des personnes sans-papiers en Belgique », 10 avril 2020, https://sanspapiers.be.
  • [124]
    « Oubliés du Covid-19 : un groupe de sans-papiers réclame la régularisation immédiate », 22 avril 2020, https://sanspapiers.be.
  • [125]
    « Le front commun syndical appelle à régulariser temporairement les sans-papiers », Le Soir en ligne, 29 avril 2020, https://plus.lesoir.be.
  • [126]
    Ibidem.
  • [127]
    « L’urgence est aussi de libérer Clarisse et tous les prisonniers des centres fermés », Le Soir en ligne, 22 avril 2020, https://plus.lesoir.be (la liste des signataires est reproduite en annexe 11 du présent Courrier hebdomadaire).
  • [128]
    Observatoire de la pandémie de Covid-19 parmi les sans-papiers, « Les 100 000 sans-papiers, un des angles morts de la gestion du Covid-19 en Belgique ? », Communiqué n° 1, 30 avril 2020, https://sanspapiers.be (mis en ligne le 4 mai 2020) ; Observatoire de la pandémie de Covid-19 parmi les sans-papiers, « Pour protéger les plus vulnérables, il est urgent d’entamer une analyse sociale des populations menacées ou victimes de la pandémie de Covid.19 », Communiqué n° 2, 10 mai 2020, https://sanspapiers.be (mis en ligne le 11 mai 2020).
  • [129]
    « La Belgique peut aussi régulariser les sans-papiers », 30 avril 2020, www.liguedh.be.
  • [130]
    Chambre des représentants, Proposition de loi visant à aménager la situation de certaines catégories d’étrangers durant la pandémie du Covid-19, n° 1327/1, 8 juin 2020.
  • [131]
    Chambre des représentants, Proposition de résolution contre les régularisations collectives, n° 1320/1, 5 juin 2020. Le premier signataire de cette proposition, T. Francken, a été secrétaire d’État en charge de l’Asile et la Migration dans le gouvernement Michel I (N-VA/MR/CD&V/Open VLD, 11 octobre 2014 - 9 décembre 2018).
  • [132]
    Ibidem, p. 3.
  • [133]
    À ce propos, cf. infra.
  • [134]
    « Quand la crise sanitaire fait exploser la crise du logement », 27 mars 2020, www.ieb.be (la liste des signataires est reproduite en annexe 12 du présent Courrier hebdomadaire).
  • [135]
    « Action sociale et sans-abrisme au temps du corona… vers un nouveau pacte social ? », Le Soir en ligne, 10 avril 2020, https://plus.lesoir.be (la liste des signataires est reproduite en annexe 13 du présent Courrier hebdomadaire).
  • [136]
    « Confinement. Les locataires en détresse. Faire plus, plus vite », Alter Échos en ligne, 28 avril 2020, www.alterechos.be.
  • [137]
    « L’urgence d’un confinement pour tous... ou d’un chez-soi pour chacun·e ? », Le guide social en ligne, 29 avril 2020, https://pro.guidesocial.be.
  • [138]
    L. d’Ursel, « Contre l’allomorphisme et pour un bon usage de la crise sanitaire au profit des “immenses” », Alter Échos en ligne, 15 avril 2020, www.alterechos.be.
  • [139]
    E. Geenen, « Wat als “uw kot” van slechte kwaliteit, te klein of onbetaalbaar is? », Knack en ligne, 29 mars 2020, https://moneytalk.knack.be.
  • [140]
    « Pétition : Annulez les loyers ! Zéro expulsions ! », www.actionlogementbxl.org.
  • [141]
    S. Brisack, A. Kodeck, C. Guffens, G. Gallet, « Covid-19 et vieillissement : vivre la crise dans la dignité », La Libre Belgique en ligne, 8 avril 2020, www.lalibre.be.
  • [142]
    N. de Witte, W. Schirmer, J. Campens, D. Verté, « Iedereen digitaal door corona, behalve ouderen? », De Standaard en ligne, 29 avril 2020, www.standaard.be.
  • [143]
    N. Vander Putten, O. Schmidt, N. Carlier, « Après-corona : les jeunes, ces experts », Le Soir en ligne, 21 avril 2020, https://plus.lesoir.be.
  • [144]
    « Open brief Kinderrechtencoalitie en anderen: Wat met het belang van kinderen? », 6 mai 2020, www.kinderrechtencoalitie.be.
  • [145]
    « L’appel des pédiatres : les enfants sont les oubliés du déconfinement, ils doivent retourner à l’école et en collectivité », La Libre Belgique en ligne, 19 mai 2020, www.lalibre.be.
  • [146]
    Le Comité de concertation est un organe qui réunit des ministres fédéraux, régionaux et communautaires, essentiellement dans le but de tenter de prévenir ou de régler les conflits d’intérêts et certains des conflits de compétence qui surviennent entre des composantes de l’État fédéral belge. (cf. « Comité de concertation », CRISP, www.vocabulairepolitique.be). Il est composé de douze représentants des différents gouvernements du pays (le gouvernement fédéral et les gouvernements régionaux et communautaires), dans le respect d’une double parité : parité linguistique (six membres francophones et six membres néerlandophones) et parité entre membres désignés par l’Autorité fédérale et membres désignés par les entités fédérées (six membres au total de part et d’autre). Plus précisément, le Comité de concertation est composé comme suit : le Premier ministre (qui préside les réunions) et cinq autres membres du gouvernement fédéral désignés par arrêté royal délibéré en Conseil des ministres (à savoir, selon l’appartenance linguistique du Premier ministre, deux ministres francophones et trois ministres néerlandophones ou l’inverse) ; le ministre-président du gouvernement wallon ; deux membres du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale (le ministre-président et un ministre de l’autre régime linguistique) ; le ministre-président du gouvernement de la Communauté française ; deux membres du gouvernement flamand (dont le ministre-président). Quant au gouvernement de la Communauté germanophone, la loi ne lui accorde pas de représentant au Comité de concertation, hormis dans le cas d’un conflit d’intérêts auquel est partie la Communauté germanophone ; ce gouvernement est alors représenté par son ministre-président, avec voix délibérative. Dans les faits cependant, le ministre-président de la Communauté germanophone est à chaque fois invité et présent aux réunions du Comité de concertation (tout en ne disposant effectivement que de son droit de vote clairement circonscrit). Durant la crise sanitaire due à la pandémie de Covid-19, le Comité de concertation se réunit nettement plus souvent qu’à l’accoutumée, bien qu’en restant largement dans l’ombre du CNS.
  • [147]
    « Retour à l’école en maternelles et primaires : la carte blanche des pédiatres a influencé la décision de reprise des cours », Le Soir en ligne, 28 mai 2020, www.lesoir.be.
  • [148]
    Cf. notamment « Télétravail un jour, télétravail toujours », L’Écho en ligne, 6 avril 2020, www.lecho.be.
  • [149]
    « Coronavirus : l’ULiège lance une enquête sur le télétravail contraint », L’Avenir en ligne, 24 avril 2020, www.lavenir.net.
  • [150]
    « Il faut continuer à miser sur le télétravail pour combattre la pandémie ! », 26 mai 2020, www.feb.be.
  • [151]
    « La grande enquête coronavirus et travail de la FGTB », communiqué de presse, 28 avril 2020, www.fgtb.be.
  • [152]
    « Veralgemeend thuiswerken en afstandsonderwijs », s.d. [3 mai 2020 ?], https://postcoronamovement.com.
  • [153]
    Selon la ministre fédérale en charge de l’Emploi, N. Muylle, quelque 940 000 personnes ont reçu une allocation de chômage temporaire en mars ; elles étaient 1,2 million en avril (« Le chômage temporaire moins coûteux que prévu », L’Écho en ligne, 25 mai 2020, www.lecho.be).
  • [154]
    « Sortir de la crise du Covid-19 et en tirer les leçons pour éviter de contribuer à de nouvelles crises systémiques », Le Soir en ligne, 25 avril 2020, https://plus.lesoir.be (la liste des signataires est reproduite en annexe 17 du présent Courrier hebdomadaire).
  • [155]
    D. De Cannière, G.-B. Cadière, « Lettre ouverte de deux chirurgiens à Sophie Wilmès sur le coronavirus : “La double peine du personnel hospitalier” », Le Soir en ligne, 22 mars 2020, https://plus.lesoir.be ; V. Lefebve, « Le syndrome de la Belle au bois dormant. Confinement et impuissance politique », Les @nalyses du CRISP en ligne, 10 avril 2020, www.crisp.be, p. 7.
  • [156]
    J. Faniel, C. Sägesser, « La Belgique entre crise politique et crise sanitaire (mars-mai 2020) », op. cit., p. 18-23.
  • [157]
    É. Dermine, S. Remouchamps, L. Vogel, « Les travailleurs disposent d’un droit de retrait en Belgique », Le Soir en ligne, 26 avril 2020, www.lesoir.be ; O. Wéry, F. Robert, « Le droit de retrait du travailleur confiné : le miroir aux alouettes », La Libre Belgique en ligne, 4 mai 2020, www.lalibre.be ; V. Vannes, « Droit de retrait ? Travailleurs, attention danger ! », Le Soir en ligne, 8 mai 2020, www.lesoir.be.
  • [158]
    « Bas les masques » est aussi le nom d’un collectif de soignants et de professionnels de la santé ayant lancé un appel visant à « construire un mouvement populaire » afin de mieux financer le secteur des soins de santé. Principalement porté en France, il consiste à mettre en place des actions simples (comme le partage de témoignages en ligne ou l’organisation de concerts de casseroles à échéances régulières) ou plus conséquentes (comme le dépôt de plaintes en justice). Le 15 juin 2020, 26 901 personnes ont signé l’appel.
  • [159]
    « Bas-les-masques : des couturières qui se sentent “exploitées” au nom de la solidarité », RTBF Info, 4 mai 2020, www.rtbf.be.
  • [160]
    Cf. notamment D. Dumont, « Que peut la Sécu pour les indépendants au “chômage” ? », Carnet de crise du centre de droit public de l’ULB, n° 5, 1er avril 2020, https://droit-public.ulb.ac.be ; A. Mechelynck, « La crise sanitaire révèle les faiblesses de la protection sociale des travailleurs précaires au chômage », Carnet de crise du centre de droit public de l’ULB, n° 17, 21 avril 2020, https://droit-public.ulb.ac.be.
  • [161]
    N. Hirtz, « Covid-19 et confinement. Quelles conséquences pour les prostitué·e·s ? Le cas des Nigérianes du quartier des carrées », Groupe de recherche pour une stratégie économique alternative (GRESEA), 9 avril 2020, www.gresea.be.
  • [162]
    « Le plan “Sophia”. Un plan de transition pour la Belgique pour une relance durable post-Covid-19 », mai 2020, www.groupeone.be, p. 34-36. Selon le RMG, cette allocation garantie ne devrait pas limiter le montant des indemnités perçues à d’autres titres – des prestations de sécurité sociale, par exemple.
  • [163]
    P. Defeyt, « Coronavirus et (re)distribution des revenus », Institut pour un développement durable (IDD), mars 2020, www.iddweb.eu. A contrario, les analystes opposés au revenu universel avant la crise réitèrent pendant celle-ci leur argumentation (cf., par exemple, M. Alaluf, « Illusion de la raréfaction du travail et magie du revenu universel », Politique en ligne, 28 mai 2020, www.revuepolitique.be).
  • [164]
    « Coronavirus : la santé au travail est le chaînon manquant », Le Soir en ligne, 17 juin 2020, https://plus.lesoir.be (la liste des signataires est reproduite en annexe 14 du présent Courrier hebdomadaire).
  • [165]
    « Et le jour d’après ? Pour un “CoronaReset” », 20 mars 2020, www.facebook.com/EtlejourjourdapresPourunCoronaReset.
  • [166]
    « Faites le travail ! Émission-colloque live. Proposition pour un plan écologique, social et démocratique », 1er mai 2020, www.facebook.com/EtlejourjourdapresPourunCoronaReset.
  • [167]
    En France, cf. « Il faut démocratiser l’entreprise pour dépolluer la planète », Le Monde en ligne, 15 mai 2020, www.lemonde.fr.
  • [168]
    « Travail : Démocratiser. Démarchandiser. Dépolluer », Le Soir en ligne et Le Vif/L’Express en ligne, 16 mai 2020, https://plus.lesoir.be et www.levif.be.
  • [169]
    Cf. I. Ferreras, Gouverner le capitalisme ? Pour le bicamérisme économique, Paris, Presses universitaires de France, 2012 ; J. Battilana, « La poursuite conjointe d’objectifs sociaux et financiers dans les entreprises. L’entreprise sociale comme laboratoire d’étude des modes d’organisation hybrides », Entreprise & société, volume 4, n° 2, 2019, p. 53-94 ; D. Méda, Travail, la révolution nécessaire, La Tour d’Aigues, Éditions de l’Aube, 2010.
  • [170]
    J. Charles, S. Desguin (dir.), « “Aux confins”. Travail et foyer à l’heure du (dé)confinement », juillet 2020, https://cdn.uclouvain.be.
  • [171]
    Communiqué de presse, 2 juillet 2020, https://cdn.uclouvain.be.
  • [172]
    Sur cette dimension juridique, cf. en particulier É. Dermine, D. Dumont (dir.), « Le droit social face à la crise du Covid-19 : panser le présent et penser l’après », Journal des tribunaux du travail, n° 1363-1364 et 1365, 2020, p. 153-228.
  • [173]
    « Coronavirus : la pollution de l’air est en baisse dans le Nord de l’Italie », Le Soir en ligne, 17 mars 2020, https://plus.lesoir.be.
  • [174]
    « Coronavirus : la baisse de la pollution de l’air a permis de sauver des milliers de vie », La Libre Belgique en ligne, 30 avril 2020, www.lalibre.be.
  • [175]
    « Baisse des émissions de CO2 : tout ça pour ça ? », France Culture en ligne, 30 avril 2020, www.franceculture.fr.
  • [176]
    J.-B. Pilet, « Hard times for governing parties: the 2019 federal elections in Belgium », West European Politics en ligne, 30 avril 2020, www.tandfonline.com.
  • [177]
    V. Lefebve, « Dérèglement climatique et coronavirus, d’une urgence à l’autre », Les @nalyses du CRISP en ligne, 17 mars 2020, www.crisp.be.
  • [178]
    Commission européenne, « Le pacte vert pour l’Europe. Communication au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions », COM(2019) 640 final, 11 décembre 2019, https://ec.europa.eu.
  • [179]
    Commission européenne, « Proposition de règlement 2020/0036 (COD) du Parlement européen et du Conseil établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant le règlement (UE) 2018/1999 (loi européenne pour le climat) », COM(2020) 80 final, 4 mars 2020, https://eur-lex.europa.eu.
  • [180]
    Pour un éclairage philosophique, cf. E. Alloa, « La contingence du virus », Esprit, avril 2020, https://esprit-presse.fr.
  • [181]
    Il existe d’ailleurs des précédents relativement récents, en particulier une épidémie due au coronavirus SRAS-CoV-1 de 2002 à 2004 ou une pandémie de grippe A(H1N1) en 2009 (sur cette dernière, cf. F. Thoreau, C. Cheneviere, N. Rossignol, « Action publique et responsabilité gouvernementale : la gestion de la grippe A(H1N1) en 2009 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2138-2139, 2012). Même s’il a surpris la plupart des observateurs, le risque pandémique avait en outre fait l’objet de réflexions non seulement dans la littérature scientifique, mais également plus largement (cf. notamment la conférence donnée par Bill Gates en 2015, qui a refait surface durant la pandémie de Covid-19 : « The next outbreak? We’re not ready », 3 avril 2015, www.ted.com).
  • [182]
    La mondialisation des échanges et des déplacements explique en outre la propagation extrêmement rapide du nouveau coronavirus aux quatre coins du globe (cf. C. Mincke, « Covid-19, la société malade de la mobilité », La Revue nouvelle, n° 3, 2020, p. 8-22 ; V. Lefebve, « Le syndrome de la Belle au bois dormant. Confinement et impuissance politique », op. cit., p. 3-4).
  • [183]
    Cf., par exemple, M. Lemaire, « Covid-19, écoutons la leçon du plus petit d’entre nous », Le Soir en ligne, 17 mars 2020, https://plus.lesoir.be. Cf. également la carte blanche signée par un collectif de membres du Club de Rome : « Une seule sortie pour la crise du coronavirus : le Pacte vert européen », Le Soir en ligne 24 mars 2020, https://plus.lesoir.be (texte dans lequel on lit notamment : « Les pandémies ne surviennent pas de nulle part, elles sont l’un des symptômes d’une planète qui a dépassé ses limites naturelles »).
  • [184]
    E. Zaccai, « Coronavirus et climat : mêmes combats ? », Le Soir en ligne, 25 mars 2020, https://plus.lesoir.be. Cf. aussi F. Gemenne, « C’est le changement climatique qui aurait dû nous alerter sur le coronavirus, pas l’inverse », Académiques engagés, 29 avril 2020, www.cartaacademica.org (qui rappelle également, dans une sorte de mise en garde analytique, que les deux urgences, sanitaire et écologique, renvoient à des problématiques différentes qui appellent des réponses différentes).
  • [185]
    « Une seule sortie pour la crise du coronavirus : le Pacte vert européen », Le Soir en ligne, 24 mars 2020, https://plus.lesoir.be. La liste des signataires, tous membres du Club de Rome, est la suivante : Sandrine Dixson-Declève, co-présidente du Club de Rome, Hunter Lovins, président de Natural Capitalism Solutions (NCS), Kate Raworth, associée principale de l’Environmental Change Institute (ECI, de l’University of Oxford), et Hans Joachim Schellnhuber, directeur émérite du Potsdam-Institut für Klimafolgenforschung (Institut de recherche de Potsdam sur les effets du changement climatique).
  • [186]
    Le Soir en ligne, 1er mai 2020, https://plus.lesoir.be (la liste des signataires est reproduite en annexe 15 du présent Courrier hebdomadaire).
  • [187]
    « La crise climatique aussi demande des mesures d’urgence », Le Soir en ligne, 17 mars 2020, https://plus.lesoir.be.
  • [188]
    « Une économie résiliente a besoin d’une politique de relance durable », 1er avril 2020, disponible notamment sur le site Internet du WWF-Belgique : https://wwf.be.
  • [189]
    « La Coalition Climat veut être associée à la réflexion sur une relance “juste et durable” », Le Soir, 23 avril 2020.
  • [190]
    « Covid-19 : La Coalition Climat demande une task force pour une reconstruction durable », 23 avril 2020, www.klimaatcoalitie.be.
  • [191]
    « Pourquoi la Coalition Climat participe aussi à la Global Climate Strike Online », 23 avril 2020, www.klimaatcoalitie.be.
  • [192]
    « La Coalition Climat veut être associée à la réflexion sur une relance “juste et durable” », Le Soir, 23 avril 2020.
  • [193]
    « La reconstruction européenne post-Covid 19 doit nous protéger de la crise climatique », Le Soir en ligne, 14 mai 2020, https://plus.lesoir.be. Les organisations signataires de cet appel sont les suivantes : Austrian Alliance for Climate Justice, Climate Action Coalition Bulgaria, Climate Action Network France, Coalition Climat (Belgique), Czech Climate Coalition, Environmental Coalition Lithuania, Fridays for Future Austria, Fridays for Future Bulgaria, Plan B for Slovenia Network, Polish Climate Coalition, Youth for Climate Belgium et Youth for Climate Justice Slovenia.
  • [194]
    « Bruno Latour : “Si on ne profite pas de cette situation incroyable pour changer, c’est gâcher une crise” », France Inter, 3 avril 2020, www.franceinter.fr.
  • [195]
    « Coronavirus : manifestation virtuelle à Bruxelles pour un plan de relance écologique et équitable », RTBF Info, 23 avril 2020, www.rtbf.be.
  • [196]
    Cf. le site Internet www.extinctionrebellion.be.
  • [197]
    « Extinction Rebellion produit une vidéo d’un discours fictif de Wilmès pour relancer leurs actions », Le Soir en ligne, 14 avril 2020, https://plus.lesoir.be.
  • [198]
    « Accueil en demi-teinte pour la loi climat européenne », Le Soir en ligne, 4 mars 2020, https://plus.lesoir.be.
  • [199]
    « Coronavirus : un Green Deal pour faire face aux urgences pandémique, économique, sociale et écologique », Le Soir en ligne, 30 mars 2020, https://plus.lesoir.be (la liste des signataires est reproduite en annexe 16 du présent Courrier hebdomadaire).
  • [200]
    C. Chevalier, T. de La Motte, Déclarons l’état d’urgence écologique, Waterloo, Luc Pire, 2020.
  • [201]
    O. Parks, L’avenir du pétrole. Panne d’essence, panne de sens, Escalquens, Dangles, 2012.
  • [202]
    « Construire des politiques socio-écologiques pour l’après-corona », Mondiaal Nieuws, 16 avril 2020, www.mo.be.
  • [203]
    « Une économie résiliente a besoin d’une politique de relance durable », 1er avril 2020, disponible notamment sur le site Internet du WWF-Belgique : https://wwf.be.
  • [204]
    J. Faniel, C. Sägesser, « La Belgique entre crise politique et crise sanitaire (mars-mai 2020) », op. cit., p. 21.
  • [205]
    « Sortir de la crise du Covid-19 et en tirer les leçons pour éviter de contribuer à de nouvelles crises systémiques », Le Soir en ligne, 25 avril 2020, https://plus.lesoir.be (la liste des signataires est reproduite en annexe 17 du présent Courrier hebdomadaire).
  • [206]
    « Le plan “Sophia”. Un plan de transition pour la Belgique pour une relance durable post-Covid-19 », mai 2020, www.groupeone.be (la liste des contributeurs est reproduite en annexe 18 du présent Courrier hebdomadaire). Cf. également « Chercheurs et patrons s’accordent sur une sortie de crise “verte” », L’Écho en ligne, 14 mai 2020, www.lecho.be.
  • [207]
    « “Après”-coronavirus : le plan “Sophia”, pour une économie mêlant développement durable et solidarité », RTBF Info, 14 mai 2020, www.rtbf.be.
  • [208]
    « 5G : des professionnels de la santé belges donnent l’alerte », Le Vif en ligne, 5 mai 2020, www.levif.be ; « “Le déploiement de la 5G doit être arrêté” : l’appel de 100 étudiants biologistes et médecins », La Libre Belgique en ligne, 6 mai 2020, www.lalibre.be.
  • [209]
    « “Il y a des millions et des millions d’articles de nourriture en stock” : Sophie Wilmès rassure la population », La Libre Belgique en ligne, 14 mars 2020, www.lalibre.be.
  • [210]
    « Face à la crise historique engendrée par la pandémie de coronavirus, organisons notre sécurité alimentaire », La Libre Belgique en ligne, 6 avril 2020, www.lalibre.be (la liste des signataires est reproduite en annexe 19 du présent Courrier hebdomadaire).
  • [211]
    P. Servigne, R. Stevens, Comment tout peut s’effondrer ? Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes, Paris, Seuil, 2015.
  • [212]
    « Le Covid-19 montre l’urgence de relocaliser dès maintenant les systèmes alimentaires », Le Soir en ligne, 12 avril 2020, https://plus.lesoir.be (la liste des signataires est reproduite en annexe 20 du présent Courrier hebdomadaire).
  • [213]
    « Faire de chacun d’entre nous les #FoodHeroes de demain », La Libre Belgique en ligne, 30 avril 2020, www.lalibre.be (la liste des signataires est reproduite en annexe 21 du présent Courrier hebdomadaire).
  • [214]
  • [215]
    « Faire de chacun d’entre nous les #FoodHeroes de demain », La Libre Belgique en ligne, 30 avril 2020, www.lalibre.be.
  • [216]
    T. Avermaete, G. Govers, O. Honnay, W. Keulemans, « Waarom lokale landbouw en uw moestuin niet volstaan », Knack en ligne, 23 avril 2020, www.knack.be.
  • [217]
    Banque nationale de Belgique et Bureau fédéral du Plan, « Impact économique de la crise sanitaire “Covid-19” : un scénario », 8 avril 2020, www.nbb.be.
  • [218]
    N. N. Taleb, Le cygne noir. La puissance de l’imprévisible, Paris, Les Belles Lettres, 2010.
  • [219]
    T. de la Motte, « Notre économie est un colosse aux pieds d’argile », L’Écho en ligne, 17 mars 2020, www.lecho.be ; G. Noels, « Le gigantisme, prochaine victime du coronavirus », L’Écho en ligne, 19 mars 2020, www.lecho.be ; N. Gaillard, « La crise n’est pas un simple cygne noir mais un changement de paradigme », L’Écho en ligne, 1er avril 2020, www.lecho.be.
  • [220]
    Cf. notamment É. Toussaint, « La pandémie du capitalisme, le coronavirus et la crise économique », 18 mars 2020, www.cadtm.org.
  • [221]
    P. Y. Poumay, « Pour un confinement durable de l’économie », Le Vif/L’Express en ligne, 12 avril 2020, www.levif.be.
  • [222]
    Cf. notamment : « D’aucuns sont déjà en embuscade et attendent la disparition du virus pour tenter d’imposer leur agenda, noir, rouge ou vert, en commençant dès aujourd’hui le procès du capitalisme, jugé responsable des ravages causés par ce virus né en République populaire de Chine. On commence déjà à accuser un système prétendument “libéral” d’être responsable de la pénurie de masques et de désinfectant ; un système qui s’approprie la moitié des richesses et qui réglemente tout n’est pas “libéral”, et les pénuries sont causées par les restrictions au libre-échange imposées par des États » (T. Afschrift, « Confinement : “Virus et libertés perdues” », Trends-Tendances en ligne, 1er avril 2020, www.trends.levif.be).
  • [223]
    R. Delcorde, V. Laborderie, « Repenser la mondialisation à la lumière du coronavirus », L’Écho en ligne, 16 avril 2020, www.lecho.be. Cf. aussi N. Abou-Jaoudé, « Investissons dans l’avenir pour ne plus avoir à le subir », L’Écho en ligne, 20 avril 2020, www.lecho.be (« Le capitalisme peut, sans rien perdre de la force par laquelle il a tiré des peuples entiers de la misère, être l’instrument de cette transformation »).
  • [224]
    C. Colot, « Reconstruit-on à l’identique ? », Le Soir en ligne, 14 avril 2020, https://plus.lesoir.be.
  • [225]
    Contrairement à d’autres prises de position, qui s’attachent à faire le procès politique de la mondialisation suivant une autre perspective et qui seront abordées infra.
  • [226]
    Cf. aussi la visioconférence organisée par ATTAC Bruxelles, en partenariat avec la revue Politique, le 30 avril 2020, sur le thème « Le mouvement social face à l’après-Covid 19 ». Certains passages de cette visioconférence ont été mis en ligne sur YouTube.
  • [227]
    « Construire des politiques socio-écologiques pour l’après-corona », Mondiaal Nieuws, 16 avril 2020, www.mo.be.
  • [228]
    « Alibaba à Liège, une bonne nouvelle ? Quelles seraient les conséquences de l’arrivée d’Alibaba à Liège Airport ? », https://watchingalibaba.be. Cf. également la carte blanche « Aujourd’hui, plus que jamais, résister à Alibaba et son monde ! », Le Soir en ligne, 16 avril 2020, https://plus.lesoir.be (texte signé par des membres de la plateforme Watching Alibaba : Comité des citoyens de l’aéroport de Liège (CCAL), Greenpeace Liège, Nicolas Destrée (Student for Climate Liège), Cédric Leterme (Centre tricontinental - CETRI ; Groupe de recherche pour une stratégie économique alternative - GRESEA), Éric Nemes (ATTAC Liège), Pierre Ozer (ULiège) et Christine Pagnoulle (ATTAC Liège ; ULiège)).
  • [229]
    M. Genet, P. Vielle, « On se relève et on gueule », Le Vif/L’Express en ligne, 5 mai 2020, www.levif.be.
  • [230]
    N. Klein, La stratégie du choc. Montée d’un capitalisme du désastre, Arles, Actes Sud, 2013.
  • [231]
    A. Thiry, K. Hendrickx, P. Ozer, S. Brunet, C. Fallon, « Du coronavirus au corpus de la planification d’urgence… », Le Soir en ligne, 2 avril 2020, https://plus.lesoir.be. Cf. également J. Piron, « Nous n’avons pas besoin d’un plan de relance mais d’un plan de sortie », Le Vif/L’Express en ligne, 29 mars 2020, www.levif.be.
  • [232]
    « Coronavirus : Emmanuel Macron plaide pour une annulation de la dette africaine », Le Monde en ligne, 14 avril 2020, www.lemonde.fr.
  • [233]
    Cf. par exemple l’interview d’Éric Toussaint, « Le Covid-19 à l’assaut de la dette », 20 avril 2020, www.cadtm.org.
  • [234]
    A. Zacharie, « Du coronavirus à la crise de la dette des pays en développement », 7 avril 2020, www.cncd.be.
  • [235]
    « Répondre à la crise de la Covid-19 : la Belgique et l’annulation de la dette des pays du Sud », Note de positionnement, 26 juin 2020, disponible notamment sur le site Internet du CNCD-11.11.11 : www.cncd.be (la liste des signataires est reproduite en annexe 22 du présent Courrier hebdomadaire).
  • [236]
    Le secrétaire général du CNCD-11.11.11 envisage ainsi la crise sanitaire comme une possible « répétition générale permettant d’opérer ensuite la nécessaire transition vers une prospérité soutenable et démocratiquement partagée » (A. Zacharie, « Le coronavirus, révélateur de toutes les crises », Le Soir en ligne, 19 mars 2020, https://plus.lesoir.be). Cf. aussi l’appel collectif, lancé par une partie de la société civile au début du confinement, à « une métamorphose soutenable et juste de l’économie et de la société » : « Coronavirus : un Green Deal pour faire face aux urgences pandémique, économique, sociale et écologique », Le Soir en ligne, 30 mars 2020, https://plus.lesoir.be.
  • [237]
    « Plus de 250 scientifiques appellent à repenser d’urgence notre mode de développement », La Libre Belgique en ligne, 8 avril 2020, www.lalibre.be.
  • [238]
    P. Defeyt fut aussi parlementaire Écolo entre 1991 et 1999, puis secrétaire fédéral du parti jusqu’en 2003.
  • [239]
    « Où en est la Wallonie par rapport aux objectifs de développement durable ? Bilan des progrès », 12 mars 2020, www.iweps.be.
  • [240]
    « Sortir de la crise du Covid-19 et en tirer les leçons pour éviter de contribuer à de nouvelles crises systémiques », Le Soir en ligne, 25 avril 2020, https://plus.lesoir.be.
  • [241]
    J. Van der Slycken, « Geneest corona onze spilzucht? », De Standaard en ligne, 7 mars 2020, www.standaard.be ; « Une seule sortie pour la crise du coronavirus : le Pacte vert européen » (par des membres du Club de Rome), Le Soir en ligne, 24 mars 2020, https://plus.lesoir.be.
  • [242]
    Modèle qualifié en anglais de « doughnut economics » : K. Raworth, La théorie du donut. L’économie de demain en 7 principes, Paris, Plon, 2018.
  • [243]
    « Le plan “Sophia”. Un plan de transition pour la Belgique pour une relance durable post-Covid-19 », mai 2020, www.groupeone.be.
  • [244]
    « Académiques et entrepreneurs se coalisent pour une “relance soutenable” », Le Soir en ligne, 14 mai 2020, https://plus.lesoir.be.
  • [245]
    Sur ces partis politiques, cf. B. Biard, « L’extrême droite en Europe occidentale (2004-2019) », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2420-2421, 2019, p. 20-57.
  • [246]
    J.-Y. Camus, « Les partis d’extrême droite européens et la crise du Covid-19 », Penser pour Agir, 15 mai 2020, p. 6.
  • [247]
    « Actua kort », Vlaams Belang, n° 5, mai 2020, p. 4.
  • [248]
    « Réflexions sur la crise du coronavirus ! », 18 avril 2020, www.nation.be.
  • [249]
    « Raoul Hedebouw : “Les PME vont être abandonnées au profit des multinationales” », La Libre Belgique, 14 avril 2020.
  • [250]
    « Stop de EU! », 4 avril 2020, www.voorpost.org.
  • [251]
    D. Van Langenhove est par ailleurs député (Vlaams Belang) à la Chambre des représentants suite au scrutin tenu le 26 mai 2019.
  • [252]
    « L’agenda grossier des identitaires », Le Soir en ligne, 1er avril 2020, www.lesoir.be.
  • [253]
    D. Forest, Abécédaire de la société de surveillance, Paris, Syllepse, 2009.
  • [254]
    F. Bouhon, A. Jousten, X. Miny, E. Slautsky, « L’État belge face à la pandémie de Covid-19 : esquisse d’un régime d’exception », op. cit. ; J. Faniel, C. Sägesser, « La Belgique entre crise politique et crise sanitaire (mars-mai 2020) », op. cit., p. 11-17.
  • [255]
    Ibidem ; p. 26-34 ; M. Leroy, « Les pouvoirs spéciaux en Belgique », Administration publique, n° 4, 2014, p. 502-503.
  • [256]
    Lorsque le déconfinement s’enclenche, certains citoyens réclament une reprise des offices religieux (cf. notamment, en ce qui concerne le culte catholique, la lettre ouverte suivante : « Madame Wilmès, permettez la réouverture des portes de nos églises », Le Soir en ligne, 26 mai 2020, https://plus.lesoir.be). Les cérémonies religieuses regroupant 100 personnes maximum pourront reprendre à partir du 8 juin 2020.
  • [257]
    Cette manifestation a fait suite au décès de l’Afro-américain George Floyd, le 25 mai 2020 lors d’un contrôle policier dans la ville états-unienne de Minneapolis (État du Minnesota) ; elle s’inscrit dans un ensemble de manifestations du même type organisées à la même période dans de très nombreuses villes à travers le monde.
  • [258]
    « Covid-19. Pouvoirs spéciaux : la Ligue des droits humains adresse une lettre aux parlementaires et au gouvernement », 26 mars 2020, www.liguedh.be.
  • [259]
    Ibidem.
  • [260]
    Article 5, § 1er, 7 °, de la loi du 27 mars 2020 habilitant le Roi à prendre des mesures de lutte contre la propagation du coronavirus Covid-19 (II) (Moniteur belge, 30 mars 2020). Une habilitation similaire est conférée au Roi en ce qui concerne les juridictions administratives et le Conseil d’État.
  • [261]
    Le CCT est un organe créé en 2014 pour encadrer la gestion autonome du pouvoir judiciaire (cf. la loi du 18 février 2014 relative à l’introduction d’une gestion autonome pour l’organisation judiciaire, Moniteur belge, 4 mars 2014).
  • [262]
    « Nouvelles recommandations du 16 mars 2020 en réponse au coronavirus. Communication coronavirus III », 17 mars 2020, www.tribunaux-rechtbanken.be. Les premières recommandations (I et II) ne sont plus disponibles sur ce site Internet.
  • [263]
    En matière civile, il s’agit de l’arrêté royal de pouvoirs spéciaux n° 2 du 9 avril 2020 concernant la prorogation des délais de prescription et les autres délais pour ester en justice ainsi que la prorogation des délais de procédure et la procédure écrite devant les cours et tribunaux, en matière pénale et de l’arrêté royal n° 3 du 9 avril 2020 portant des dispositions diverses relatives à la procédure pénale et à l’exécution des peines et des mesures prévues dans le cadre de la lutte contre la propagation du coronavirus Covid-19, tous deux publiés au Moniteur belge le 9 avril 2020. Pour une analyse approfondie des mesures adoptées en matière civile, cf. J. Englebert, Service nécessaire à la Nation, la Justice ne pouvait pas être confinée. Analyse critique des mesures prises par le Collège des cours et tribunaux en vue de garantir le service de la Justice nonobstant le confinement et de l’arrêté royal n° 2 du 9 avril 2020, Limal, Anthemis, 2020 (cet ouvrage est mis en ligne gratuitement sur le site Internet de l’éditeur Anthemis, www.anthemis.be).
  • [264]
    « La suspension généralisée des délais de procédure : un danger pour la démocratie », La Libre Belgique en ligne, 27 mars 2020, www.lalibre.be. Les signataires de cette carte blanche sont Frédéric Georges (professeur à l’ULiège, avocat), Arnaud Hoc (professeur à l’UNamur, avocat), Rafaël Jafferali (professeur à l’ULB, avocat), Dominique Mougenot (professeur à l’UNamur, magistrat) et Jean-François van Drooghenbroeck (professeur à l’UCLouvain et à l’USL-B, avocat).
  • [265]
    F. Georges, A. Hoc, R. Jafferali, D. Mougenot, J.-F. van Drooghenbroeck, « Note rédigée à l’attention du Conseil supérieur de la justice sur l’avant-projet d’arrêté royal de pouvoirs spéciaux “concernant la prorogation des délais de procédure devant les juridictions civiles et administratives et de la procédure écrite en ce qui concerne les procédures civiles” », 30 mars 2020, https://droit.ulb.be.
  • [266]
    M. Cadelli, J. Englebert, « Plaider, siéger, servir : la justice ne se confine pas », Le Soir en ligne, 9 avril 2020, https://plus.lesoir.be. Dans la même ligne que celle tracée par cette carte blanche, J. Englebert publie également, fin avril, une analyse fouillée de cette problématique du fonctionnement de la justice durant la période de confinement (J. Englebert, Service nécessaire à la Nation, la Justice ne pouvait pas être confinée, op. cit.).
  • [267]
    M. Cadelli, J. Englebert, « Plaider, siéger, servir : la justice ne se confine pas », Le Soir en ligne, 9 avril 2020, https://plus.lesoir.be.
  • [268]
    M. Cadelli, « Le néolibéralisme est un fascisme », Le Soir, 2 mars 2016. Cf. notamment J. Pitseys, G. Thiry, « Foule sentimentale. L’utopie néolibérale », Les @nalyses du CRISP en ligne, 1er mars 2017, www.crisp.be ; R. Van Leeckwyck, « La campagne TAM TAM », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2448-2449, 2020, p. 10-20.
  • [269]
    J. Englebert, « “Le Code judiciaire doit être éliminé”, ou les promesses trahies », in Le Code judiciaire a 50 ans. Et après ? Hommage à Ernest Krings et Marcel Storme, Bruxelles, Larcier, 2019, p. 153-182.
  • [270]
    Moniteur belge, 18 mars 2020.
  • [271]
    J. Englebert, Service nécessaire à la Nation, la Justice ne pouvait pas être confinée, op. cit., p. 37 et 41.
  • [272]
    Cf. par exemple l’interview de K. Geens, parue dans La Libre Belgique des 18 et 19 avril 2020 : « On apprend parfois des choses quand on est malade. Un enfant de cinq ans peut profiter de sa maladie pour apprendre à lire, plutôt que voir ses petits amis. C’est un acquis. (…) Il y aura des habitudes qui, même si elles ne sont plus imposées par la loi, deviendront normales. (…) La vidéoconférence était traitée par le droit comme un instrument presque barbare : il fallait la présence physique, l’oralité. Tout cela est vrai. Mais si un prisonnier peut se satisfaire d’une vidéoconférence dans certains tribunaux, pourquoi ne pas travailler ainsi ? »
  • [273]
    X. Van Gils, « Les avocats continuent à travailler ! », La Tribune, n° 171, 10 avril 2020, https://latribune.avocats.be.
  • [274]
    « La justice pénale au rabais : bienvenue chez Kafka 2.0 », L’Écho en ligne, 6 mai 2020, www.lecho.be (la liste des signataires est reproduite en annexe 23 du présent Courrier hebdomadaire).
  • [275]
    Cf. « Prisons et santé : incompatibles ! », L’Écho en ligne, 25 mars 2020, www.lecho.be (le Genepi Belgique, association estudiantine militant pour le décloisonnement des institutions carcérales, se trouve à l’initiative de cette carte blanche, qui récolte de très nombreux soutiens) ; Y. Cartuyvels, O. Nederlandt, M. Nève, « La prison face au Covid19 : zoom sur un angle mort de la démocratie », Le Soir en ligne, 6 avril 2020, https://plus.lesoir.be (Yves Cartuyvels publie également une analyse, intitulée « Le Covid 19, révélateur du problème carcéral », dans l’intervention commune à 123 chercheurs « Societal exit from lockdown / Déconfinement sociétal / Maatschappelijke exit-strategie » : « Déconfinement sociétal. Apports d’expertises académiques », Académiques engagés, 20 avril 2020, www.cartaacademica.org, p. 76-78) ; L. Teper, « Coronavirus et droits de la défense : le diable se cache dans les détails », Le Soir en ligne, 13 avril 2020, https://plus.lesoir.be ; W. Wanzeele, K. Severs, « Coronavirus legt problemen in gevangenissen bloot », 5 mai 2020, https://sociaal.net. Pour une analyse plus technique, cf. O. Nederlandt, D. Paci, « La prison face au Covid-19 : des mesures déséquilibrées au détriment des personnes détenues et/ou condamnées », Journal des tribunaux, volume 6814, n° 18, 2020, p. 341-348.
  • [276]
    Y. Cartuyvels, O. Nederlandt, M. Nève, « La prison face au Covid19 : zoom sur un angle mort de la démocratie », Le Soir en ligne, 6 avril 2020, https://plus.lesoir.be.
  • [277]
    Cf. notamment V. Demertzis, J. Faniel, « La conflictualité sociale dans le monde de la justice », in I. Gracos, « Grèves et conflictualité sociale en 2012. II. Secteur public et questions européennes », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2174-2175, 2013, p. 34-42 ; V. Demertzis, J. Faniel, « Belgique. Agents pénitentiaires, avocats et magistrats en grève contre l’austérité dans la justice », Chronique internationale de l’IRES, n° 145, mars 2014, p. 45-56 ; V. Demertzis, « SNCB, prisons et Belgocontrol : le débat sur le “service minimum” », in I. Gracos, « Grèves et conflictualité sociale en 2014 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2246-2247, 2015, p. 87-88 ; V. Demertzis, A. Bingen, « La grève dans les prisons wallonnes et bruxelloises au printemps 2016 », in I. Gracos, « Grève et conflictualité sociale en 2016 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2341-2342, 2017, p. 30-44.
  • [278]
    Le journaliste Jean Quatremer, correspondant à Bruxelles du journal français Libération, dénonce par exemple sur son blog « Coulisses de Bruxelles » l’infantilisation des populations par les gouvernements qui s’est imposée durant la période de confinement (J. Quatremer, « Confinement : le débat interdit », 30 avril 2020, http://bruxelles.blogs.liberation.fr). Cette opinion suscite la polémique et le journaliste vient expliciter sa pensée sur le site Internet de La Libre Belgique une fois le déconfinement enclenché (La Libre Belgique en ligne, 9 mai 2020, www.lalibre.be).
  • [279]
    A. Schaus, V. Letellier, « Les droits et libertés à l’épreuve de la crise sanitaire (Covid-19) », Carnet de crise du centre de droit public de l’ULB, n° 15, 17 avril 2020, p. 5, https://droit-public.ulb.ac.be (ce texte fait également l’objet d’une publication dans le rapport collectif « Déconfinement sociétal. Apports d’expertises académiques », Académiques engagés, 20 avril 2020, www.cartaacademica.org, p. 58-61).
  • [280]
    « Covid-19. Pouvoirs spéciaux : la Ligue des droits humains adresse une lettre aux parlementaires et au gouvernement », 26 mars 2020, www.liguedh.be.
  • [281]
    Cf. notamment S. Klimis, « L’état d’urgence : une exception qui confirme la règle ? », Le Soir en ligne, 11 avril 2020, https://plus.lesoir.be ; Conseil central de surveillance pénitentiaire, « Communiqué : le gouvernement appelé à renforcer d’urgence les mesures sanitaires et humanitaires », 30 mars 2020, http://oipbelgique.be.
  • [282]
    Interview de B. Frydman dans La Libre Belgique du 17 avril 2020.
  • [283]
    Dans le cas belge, l’emploi du terme « tracing » semble davantage approprié que celui du terme « tracking ». En Belgique, la solution envisagée ne consiste en effet pas à suivre les individus à la trace en temps réel afin de vérifier qu’ils respectent effectivement les mesures de confinement ou de quarantaine – dispositif généralement désigné au moyen du terme « tracking » (bien que la terminologie en la matière ne soit pas tout à fait stabilisée) – mais à réaliser un traçage a posteriori des contacts afin « de répertorier les interactions qui ont eu lieu entre des personnes testées positives au Covid-19 et des personnes dites “saines” » (cf. « “Tracing” vs “tracking” », Le Soir en ligne, 20 avril 2020, https://plus.lesoir.be).
  • [284]
    Moniteur belge, 4 mai 2020. Le dispositif mis en place par cet arrêté royal de pouvoirs spéciaux n° 18 sera prolongé à deux reprises : cf. arrêté royal n° 25 du 28 mai 2020 modifiant l’arrêté royal n° 18 du 4 mai 2020 portant création d’une banque de données auprès de Sciensano dans le cadre de la lutte contre la propagation du coronavirus Covid-19 (Moniteur belge, 3 juin 2020) et arrêté royal n° 44 du 26 juin 2020 concernant le traitement conjoint de données par Sciensano et les centres de contact désignés par les autorités régionales compétentes ou par les agences compétentes, par les inspections sanitaires et par les équipes mobiles dans le cadre d’un suivi des contacts auprès des personnes (présumées) infectées par le coronavirus Covid-19 sur la base d’une base de données auprès de Sciensano (Moniteur belge, 29 juin 2020).
  • [285]
    Il s’agit du « Data Protection Law & Covid-19 Observatory » : https://lsts.research.vub.be.
  • [286]
    La Libre Belgique en ligne, 21 avril 2020, www.lalibre.be.
  • [287]
    Cf. également la tribune suivante : B. Boussabat, « Pas d’intelligence artificielle, pas de déconfinement », La Libre Belgique en ligne, 27 avril 2020, www.lalibre.be. L’économiste et politologue Badr Boussabat est également l’auteur de l’ouvrage L’intelligence artificielle : notre meilleur espoir, Waterloo, Luc Pire, 2020 et de l’article « Pandémie, récession : l’intelligence artificielle, source d’espoir ? », Le Vif/L’Express en ligne, 27 avril 2020, www.levif.be.
  • [288]
    M. De Vos, « Downloaden, die corona-app! », Trends en ligne, 27 avril 2020, https://trends.knack.be.
  • [289]
    « Déclaration conjointe de la société civile. Le recours aux technologies de surveillance numérique pour combattre la pandémie doit se faire dans le respect des droits humains », 2 avril 2020, www.amnesty.org.
  • [290]
    « Lettre ouverte aux responsables politiques. Lutte contre le Covid-19 et développement de solutions technologiques de “tracking” : les droits humains ne doivent pas devenir des victimes collatérales », 17 avril 2020, www.liguedh.be.
  • [291]
    Y. Poullet, « Covid-19, numérique et libertés », Trends-Tendances en ligne, 14 avril 2020, www.trends.levif.be.
  • [292]
    A. Gosseries, O. Pereira, « Combiner traçage et dépistage : quels enjeux ? », Le Soir en ligne, 16 avril 2020, https://plus.lesoir.be.
  • [293]
    É. Wery, T. Léonard, « Une application de tracing social ? Il est urgent de réfléchir avant d’agir », Le Soir en ligne, 23 avril 2020, https://plus.lesoir.be.
  • [294]
    É. Degrave, « Le suivi numérique des citoyens : un pacte avec le diable ? », La Libre Belgique en ligne, 24 avril 2020, www.lalibre.be.
  • [295]
    P. Collowald, H. Lastenouse, A. Papanastassiou, L. Azghoud, « Un minimum européen », Le Soir en ligne, 23 avril 2020, https://plus.lesoir.be.
  • [296]
    « Mesures de confinement en réponse à la pandémie : comment guider la décision de déployer des outils numériques de recherche de contacts / Het gebruik van contact tracing apps bij een pandemie: enkele kritische beschouwingen », 6 avril 2020, https://rega.kuleuven.be (la liste des signataires est reproduite en annexe 24 du présent Courrier hebdomadaire).
  • [297]
    « Nécessité et urgence d’un débat public sur l’“application Corona” », Le Vif/L’Express en ligne, 18 avril 2020, www.levif.be (la liste des signataires est reproduite en annexe 25 du présent Courrier hebdomadaire). Cette tribune est également publiée au nord du pays : « Open brief aan regering: 100 academici vragen dringend publiek debat over corona-app », Knack en ligne, 18 avril 2020, www.knack.be ; « Academici vragen dringend publiek debat over corona-app », De Standaard en ligne, 18 avril 2020, www.standaard.be.
  • [298]
    « Nécessité et urgence d’un débat public sur l’“application Corona” », Le Vif/L’Express en ligne, 18 avril 2020, www.levif.be.
  • [299]
    « Tracing : attention aux exploitations non désirables de nos données ! », Le Soir en ligne, 6 mai 2020, https://plus.lesoir.be (la liste des signataires est reproduite en annexe 26 du présent Courrier hebdomadaire).
  • [300]
    É. Gaudissart, « Traçage électronique des citoyens : “N’ouvrons pas cette boite de Pandore !” », Le Vif/L’Express en ligne, 26 avril 2020, www.levif.be.
  • [301]
    « Collecte des données personnelles : Pantagruel ou Gargantua ? », 11 mai 2020, www.laliguedh.be.
  • [302]
    Ibidem.
  • [303]
    « Tracer le Covid, pas les citoyen·ne·s. Plus de 300 personnalités adressent une lettre ouverte au président de la Chambre et aux chef·fe·s de groupe », 15 mai 2020, www.laliguedh.be.
  • [304]
    Chambre des représentants, Proposition de résolution relative au développement potentiel d’une application mobile pour lutter contre le coronavirus (Covid-19) et à la nécessité de respecter les droits humains, en particulier le droit au respect de la vie privée, n° 1182/1, 22 avril 2020. Les députés à l’origine de cette proposition de résolution sont Jessika Soors, Gilles Vanden Burre et Tinne Van der Straeten, tous trois membres du groupe Écolo-Groen. La proposition de résolution est également signée par des députés issus du PS, du CD&V, de l’Open VLD, du SP.A, du CDH et de Défi. La proposition de résolution est adoptée le 13 mai en commission, puis le 20 mai en séance plénière.
  • [305]
    Chambre des représentants, Commission de l’Économie, de la Protection des consommateurs et de l’Agenda numérique, Proposition de résolution relative au développement potentiel d’une application mobile pour lutter contre le coronavirus (Covid-19) et à la nécessité de respecter les droits humains, en particulier le droit au respect de la vie privée. Rapport, n° 1182/5, 14 mai 2020, p. 25-95. L’avis de la commission de la Justice de la Chambre est également recueilli.
  • [306]
    T. Berns, « Comment poser la question des technologies de traçage de manière politique ? », Le Soir en ligne, 19 avril 2020, https://plus.lesoir.be.
  • [307]
    « Ne laissons pas s’installer le monde sans contact », 5 mai 2020, www.cadtm.org. Ce texte est porté par un collectif de signataires français et espagnols ; en Belgique francophone, il est répercuté par le Comité pour l’abolition des dettes illégitimes (CADTM).
  • [308]
    Cf. notamment les analyses déjà citées supra : S. Klimis, « L’état d’urgence : une exception qui confirme la règle ? », Le Soir en ligne, 11 avril, https://plus.lesoir.be ; interview de B. Frydman in La Libre Belgique en ligne, 17 avril 2020, www.lalibre.be ; T. Berns, « Comment poser la question des technologies de traçage de manière politique ? », Le Soir en ligne, 19 avril 2020, https://plus.lesoir.be.
  • [309]
    F. Bouhon, A. Jousten, X. Miny, E. Slautsky, « L’État belge face à la pandémie de Covid-1. Esquisse d’un régime d’exception », op. cit., p. 18-34.
  • [310]
    Ibidem ; J. Faniel, C. Sägesser, « La Belgique entre crise politique et crise sanitaire (mars-mai 2020) », op. cit., p. 36.
  • [311]
    Cf. par exemple C. Niessen, M. Reuchamps, « Le dialogue citoyen permanent en Communauté germanophone », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2426, 2019.
  • [312]
    Cf. le site Internet https://particitiz.org.
  • [313]
    « Donner la parole aux citoyens, pour sortir ensemble du confinement », Le Soir en ligne, 24 avril 2020, https://plus.lesoir.be.
  • [314]
    Dreamocracy se définit comme un « think-and-do-tank » qui fournit des conseils aux organisations et met en œuvre des initiatives participatives.
  • [315]
    Lors des élections régionales wallonnes du 26 mai 2019, S. Michiels a tiré la liste du Collectif citoyen dans la circonscription du Brabant wallon.
  • [316]
    M. Genet est l’ancien directeur de Greenpeace Belgium, l’ancien directeur d’Etopia et l’ancien directeur politique d’Écolo. Le 1er juillet 2020, il deviendra le directeur général de Médecins du monde Belgique.
  • [317]
    « Bas les masques : une gestion saine et efficace du Covid-19 requiert de la transparence », Le Soir en ligne, 23 avril 2020, https://plus.lesoir.be.
  • [318]
    Il est à noter que ces rapports ont été rendus publics par la suite.
  • [319]
    Cf. J. Faniel, C. Sägesser, « La Belgique entre crise politique et crise sanitaire (mars-mai 2020) », op. cit., p. 21-22.
  • [320]
    Sur la notion de « community land trust », cf. N. Bernard, G. De Pauw, L. Geronnez, « Coopératives de logement et Community Land Trusts », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2073, 2010.
  • [321]
    « Nous appelons à la constitution immédiate d’un Conseil régional de la transition », La Libre Belgique en ligne, 14 mai 2020, www.lalibre.be (la liste des signataires est reproduite en annexe 27 du présent Courrier hebdomadaire).
  • [322]
    « Le plan “Sophia”. Un plan de transition pour la Belgique pour une relance durable post-Covid-19 », mai 2020, www.groupeone.be, p. 29.
  • [323]
    « Comment organiser une consultation citoyenne sur l’après Covid-19 ? », s.d. [c. 7 mai 2020], https://get.flui.city.
  • [324]
    « Covid-19 : nous sommes là pour vous aider », 16 mars 2020, www.citizenlab.co.
  • [325]
    Cf. le site Internet https://i-cpc.org.
  • [326]
    « Extinction Rebellion produit une vidéo d’un discours fictif de Wilmès pour relancer leurs actions », Le Soir en ligne, 14 avril 2020, https://plus.lesoir.be.
  • [327]
    « #TellTheTruthBelgium. La vérité sur le Covid-19 et la crise écologique. Un discours pour Sophie Wilmès », 14 avril 2020, www.extinctionrebellion.be.
  • [328]
    « Extinction Rebellion diffuse un discours fictif de Sophie Wilmès sur la crise climatique », BX1, 14 avril 2020, https://bx1.be.
  • [329]
    L. Blondiaux, Y. Sintomer, « L’impératif délibératif », Rue Descartes, volume 63, n° 1, 2009, p. 28-38.
  • [330]
    Cf. D. Bol, M. Giani, A. Blais, P. J. Loewen, « The effect of Covid-19 lockdowns on political support: some good news for democracy? », European Journal of Political Research en ligne, 19 mai 2020, https://ejpr.onlinelibrary.wiley.com.
  • [331]
    E. Neveu, Sociologie des mouvements sociaux, Paris, La Découverte, 1996 ; J. Faniel, C. Gobin, D. Paternotte (dir.), Se mobiliser en Belgique. Raisons, formes et cadres de la contestation sociale contemporaine, op. cit.
  • [332]
    J. Faniel, C. Gobin, D. Paternotte, « La Belgique des mouvements sociaux », in J. Faniel, C. Gobin, D. Paternotte (dir.), Se mobiliser en Belgique. Raisons, formes et cadres de la contestation sociale contemporaine, op. cit., p. 5-42. Pour rappel, l’action des syndicats durant la période de confinement dépassant largement les prises de position examinées dans le présent Courrier hebdomadaire (gestion des nombreuses demandes d’indemnisation au titre du chômage temporaire, participation aux organes de la concertation sociale à tous les niveaux, mobilisation dans certains secteurs ou entreprises, etc.), elle n’a pas pu y être examinée de manière spécifique.
  • [333]
    A. Marsh, Protest and political consciousness, Beverly Hills, Sage, 1977, p. 42.
  • [334]
    « France, Royaume-Uni, Argentine, Japon : l’action de protestation à Saint-Pierre contre la Première ministre Wilmès fait le tour du monde », RTBF Info, 18 mai 2020, www.rtbf.be.
  • [335]
    Coalition Corona, « Pour une société soutenable, juste et résiliente », Note de base, 4 juin 2020, www.cncd.be. Cf. M. De Muelenaere, « Une “Coalition Corona” pour revaloriser l’État », Le Soir en ligne, 26 mai 2020, https://plus.lesoir.be.
  • [336]
    « Lettre au monde politique et appel aux forces sociales », 19 juin 2020, www.facebook.com/Faire-Front.
  1. Introduction
  2. 1. Le financement des services publics et, en particulier, du système de soins de santé
  3. 2. La culture et le sport, deux secteurs particulièrement exposés durant la crise
    1. 2.1. La culture
    2. 2.2. Le sport
  4. 3. Les modalités et L’avenir de l’enseignement
    1. 3.1. Les examens
    2. 3.2. La reprise des cours et le prolongement de l’année académique
    3. 3.3. Les conditions d’étude pendant le confinement et les difficultés financières des étudiants
    4. 3.4. Le statut social des étudiants
    5. 3.5. Les différences entre écoles francophones et écoles néerlandophones
    6. 3.6. L’apprentissage du futur
    7. 3.7. Un confinement politiquement chargé
  5. 4. La pauvreté et les inégalités sociales exacerbées par la crise
    1. 4.1. Des inégalités sociales
    2. 4.2. Les inégalités de genre
    3. 4.3. Les sans-papiers et les demandeurs d’asile
    4. 4.4. Les inégalités de logement
    5. 4.5.Les inégalités en termes d’âge
  6. 5. Une remise en cause de la place et du sens du travail
  7. 6. Les urgences sanitaire et écologique
    1. 6.1. Urgence sanitaire et urgence écologique, même combat ?
    2. 6.2. Plaidoyers pour une relance verte
    3. 6.3. La sécurité alimentaire à l’épreuve de la crise sanitaire
  8. 7. Le capitalisme et la mondialisation sous le feu des critiques
    1. 7.1. De quoi cette crise est-elle le nom ?
    2. 7.2. Pistes pour un développement soutenable
    3. 7.3. Le procès politique de la mondialisation
  9. 8. Des libertés fondamentales en danger ?
    1. 8.1. Un régime d’exception qui suscite des interrogations
    2. 8.2. Une justice qui fonctionne au ralenti
    3. 8.3. Une situation particulièrement critique dans les prisons
    4. 8.4. La question spécifique du traçage des personnes contaminées par le Covid-19
  10. 9. Penser le renouvellement démocratique et la participation citoyenne dans un contexte inédit
  11. Conclusion
Benjamin Biard
Serge Govaert
Vincent Lefebve
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En Belgique, la période de confinement décidée par les autorités publiques pour lutter contre les effets de la pandémie de Covid-19 s’est étendue, au sens strict, du 18 mars au 4 mai 2020.

A priori, cette période n’était guère propice aux mobilisations des citoyens, en particulier puisqu’il leur était interdit de se réunir. Pourtant, s’est alors manifestée une importante effervescence intellectuelle et militante, qui s’est traduite par de multiples prises de position de la société civile. Il s’est agi, d’une part, de répondre aux défis suscités par la crise sanitaire et, d’autre part, de préparer la période « post-corona ». Ces initiatives ont essentiellement pris la forme de cartes blanches publiées dans la presse (et relayées sur les réseaux sociaux) et de lettres ouvertes adressées aux responsables politiques. Des débats en ligne, des enquêtes participatives, des manifestations virtuelles, etc. ont aussi pris place, de même que quelques actions dans l’espace public malgré leur interdiction.

Ce Courrier hebdomadaire donne un aperçu aussi large que possible des interventions collectives qui se sont manifestées et entrecroisées au cours des sept semaines de confinement. Partant, il recense autant que faire se peut les mobilisations qui ont accompagné ces interventions et éclaire les constellations d’acteurs qui les ont organisées ou y ont souscrit.

Les revendications exprimées par la société civile sont présentées selon neuf pôles : le financement des services publics (et, en particulier, celui du système de soins de santé) ; la culture et le sport ; l’enseignement ; la pauvreté et les inégalités sociales ; la place et le sens du travail ; les urgences sanitaire et écologique ; le capitalisme et la mondialisation ; les libertés fondamentales ; le renouvellement démocratique et la participation citoyenne.

Mis en ligne sur Cairn.info le 04/08/2020
https://doi.org/10.3917/cris.2457.0005
ISBN 9782870752401
Pour citer cet article
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