CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1 Le résultat d’un vote nominatif révèle l’état des rapports de force politiques. C’est pourquoi ce sujet est, depuis longtemps, l’un des objets de recherche de prédilection des historiens et des politologues. La présente livraison du Courrier hebdomadaire analyse les votes nominatifs à la Chambre des représentants, et ce pour les six législatures qui ont séparé les élections fédérales du 21 mai 1995 de celles du 26 mai 2019  [1]. Elle procède par une approche chiffrée des votes – au niveau de la Chambre, des groupes et des membres.

2 Lorsque la Chambre des représentants se livre à un vote, quel qu’en soit le type, il est possible de mener une recherche à différents niveaux. En premier lieu, le résultat du vote conduit à une décision qui lie l’ensemble de la Chambre et à laquelle l’opposition doit se plier. Dans ce cadre, on peut se demander combien de fois la Chambre vote et sur quels objets, si elle était au complet, etc. Outre la Chambre dans son ensemble, on peut se focaliser sur le membre individuel. C’est le domaine par excellence du scrutin nominatif, le vote émis par chaque membre individuellement étant enregistré et repris aux annales parlementaires de la Chambre. Mais la réalité politique veut qu’un député, de façon générale, agisse en tant que membre d’un groupe politique. Les groupes politiques – et, par extension, les partis politiques  [2] – émettent eux aussi un vote lors d’un scrutin nominatif, et ce par l’intermédiaire de leurs parlementaires. C’est donc un troisième niveau d’analyse possible. Ces trois niveaux interviendront dans l’aperçu des chiffres et statistiques qui suivent, relatifs aux votes nominatifs.

1. Le cadre temporel et méthodologique

3 L’analyse des chiffres relatifs aux votes nominatifs posés à la Chambre des représentants débute avec les élections fédérales du 21 mai 1995. C’est lors du renouvellement des Chambres législatives qu’entre en vigueur la révision constitutionnelle de 1995, porteuse de la réforme (jusqu’alors) la plus ambitieuse du système bicaméral depuis 1831.

4 Primo, l’accord dit de la Saint-Michel du 28 septembre 1992 prévoit, notamment, que seule la Chambre des représentants sera désormais compétente pour ce qui est de la responsabilité politique du gouvernement fédéral. Le Sénat est transformé en une chambre de réflexion pour la législation fédérale, et devient simultanément le forum où siégeront ensemble tant des élus fédéraux que des représentants désignés par les parlements des Communautés. Le Sénat ne devra plus adopter l’ensemble de la législation fédérale, et la loi créera une commission de concertation pour régler les éventuels conflits de compétence entre la Chambre et le Sénat.

5 Secundo, les rapports institutionnels entre la Chambre et le gouvernement fédéral sont modifiés en profondeur. Les motions de confiance et de méfiance (constructive) se voient dotées d’une base constitutionnelle, de même que la possibilité limitée offerte au gouvernement de procéder à la dissolution anticipée des Chambres, dans le but de parvenir à une variante belge du parlementarisme rationalisé. Est instaurée une incompatibilité entre le mandat de député et celui de membre du gouvernement fédéral. Dorénavant, les ministres et secrétaires d’État fédéraux ne peuvent plus être membres de la Chambre : ils y sont remplacés, pour la durée de leur mandat exécutif, par un suppléant. Néanmoins, une exception est prévue pour les ministres et secrétaires d’État démissionnaires après des élections : ceux-là peuvent combiner leurs deux mandats aussi longtemps qu’un nouveau gouvernement n’est pas entré en fonction.

6 Tertio, la hausse du nombre de mandats parlementaires, conséquence de l’élection directe du Parlement wallon et du Parlement flamand, est compensée par une réduction sensible du nombre de députés fédéraux et de sénateurs. La Chambre des représentants passe de 212 à 150 membres, et le Sénat de 184 à 71 membres  [3].

7 Quarto, la réduction du nombre de députés entraîne un redécoupage des circonscriptions électorales. Les 30 arrondissements qui existaient pour la Chambre des représentants sont remplacés par 20 circonscriptions, afin de pouvoir garantir une représentation proportionnelle malgré la diminution du nombre de mandats. En 2003, la réforme de la loi électorale adoptée sous le gouvernement Verhofstadt I (VLD/PS/Fédération PRL FDF MCC/SP/Écolo/Agalev) réduira encore ce nombre en faisant correspondre les circonscriptions électorales aux limites des provinces, à une exception près jusqu’en 2014  [4].

1.1. Six législatures

8 Les données se clôturent avec les élections fédérales du 26 mai 2019. Cela implique que la présente livraison du Courrier hebdomadaire passe en revue six législatures, commençant respectivement après les élections fédérales du 21 mai 1995, du 13 juin 1999, du 18 mai 2003, du 10 juin 2007, du 13 juin 2010 et du 25 mai 2014. Jusqu’à l’entrée en vigueur de la révision constitutionnelle du 6 janvier 2014, une législature fédérale durait en principe quatre ans. Depuis les élections de 2014, ce nombre d’années a été porté à cinq.

9 Ces six législatures fédérales se sont chacune terminées par le vote d’une déclaration de révision de la Constitution – procédé devenu, en quelque sorte, l’équivalent moderne de l’ancienne « simple dissolution » par le gouvernement –, dont cinq ont été adoptées lors de la dernière année de la législature. Dans un seul cas, à savoir en mai 2010, la déclaration de révision a été adoptée de manière précipitée en conséquence d’une crise politique abrupte conduisant à la démission du gouvernement fédéral, et ce à plus d’un an de la fin normale de la législature.

1.2. Sessions ordinaires et sessions extraordinaires

10 Dans le cours d’une législature, le travail politique se structure sur la base de l’année parlementaire ou session annuelle. Chaque année, la session (ordinaire) commence de plein droit le deuxième mardi d’octobre. En théorie, le Roi peut fermer la Chambre après une session de 40 jours mais en pratique, cette session se clôt en octobre, la veille de l’ouverture de la session qui suit, de sorte que la Chambre est en session pendant une année complète.

11 De plus, la première session d’une nouvelle législature doit s’ouvrir au plus tard deux mois après la dissolution des Chambres  [5]. Comme cette session ne commence pas à la date prévue par la Constitution, on parle dans ce cas d’une session extraordinaire. Généralement, une session extraordinaire consiste essentiellement en la vérification des pouvoirs, en la prestation de serment des députés et en la nomination du bureau de la Chambre des représentants ; pour sa part, le travail législatif proprement dit est assez limité, hormis le dépôt et la prise en considération de propositions.

12 Tout cela fait que, jusqu’en 2014, une législature régulière se composait de cinq sessions : une session extraordinaire suite aux élections puis quatre sessions qui débutaient à chaque fois en octobre. La quatrième session ordinaire ne se terminait pas en octobre mais en avril-mai, lors de la dissolution des Chambres législatives fédérales. Depuis 2014, est venue s’ajouter une cinquième session ordinaire, puisque la durée de la législature fédérale a été portée à cinq ans. La dernière session d’une législature est donc plus courte que les autres sessions ordinaires, mais elle peut – en vue des élections fédérales suivantes – avoir une dynamique propre, la majorité sortante cherchant à faire aboutir un maximum de dossiers.

13 Étant donné le nombre limité (parfois même minimal) de votes nominatifs intervenant lors d’une session extraordinaire, ces votes ne sont pas toujours mentionnés dans les tableaux qui suivent.

1.3. Les groupes

14 Plus qu’une simple réalité politique, comme ils ont commencé à en être une dès le XIXe siècle, les groupes sont aujourd’hui l’axe du fonctionnement parlementaire de la Chambre des représentants. La révision du règlement intervenue en 1962 a reconnu cette réalité et a (enfin) donné aux groupes une place formelle dans le règlement de la Chambre. Le nombre des membres du groupe forme la base de la représentation proportionnelle lors des nominations parmi les députés, avec comme principal exemple la composition des commissions permanentes. Les groupes sont également le canal par lequel les membres bénéficient d’un soutien matériel, grâce aux collaborateurs mis à leur disposition par la Chambre et aux subsides de fonctionnement. Ce sont les présidents de groupe qui organisent, avec le président de la Chambre – au sein de la conférence des présidents –, les travaux de la séance plénière et qui y règlent les temps de parole.

15 Après la révision constitutionnelle de 1993, la Chambre a dû tenir compte des conséquences futures du nouveau système bicaméral, en particulier en ce qui concerne la réduction du nombre de députés à 150 unités : dans ce cadre, elle a porté le seuil nécessaire pour former un groupe à cinq membres à partir des élections du 21 mai 1995, alors qu’il était encore de trois membres dans la Chambre de 212 élus  [6]. Ce seuil n’a pas été modifié depuis lors.

16 La reconnaissance des groupes politiques par le bureau de la Chambre s’opère sans beaucoup de cérémonie : après la vérification des pouvoirs et les prestations de serment, le président nouvellement élu de la Chambre reçoit un document écrit de la part des présidents de groupe, dans lequel figurent les noms des membres de leur groupe. Ces listes sont ensuite mentionnées au Compte rendu intégral de la Chambre. Chaque député ne peut faire partie que d’un seul groupe. La Chambre ne peut intervenir dans le fonctionnement interne des groupes (pas même s’agissant de la désignation du président de groupe, qui est pourtant un personnage central dans le fonctionnement de l’assemblée).

17 À la reconnaissance des groupes s’applique, outre la nécessité absolue de se composer de cinq membres au moins, un critère de nature plus politique : les groupes doivent refléter une réalité électorale, partisane. La Chambre n’admet pas de groupes techniques qui permettraient à de petits groupes provenant d’horizons politiques différents d’atteindre, en se rassemblant, le seuil de cinq membres. Dans ce cadre, elle fait référence à un précédent datant de 1983, lorsque le bureau a refusé de reconnaître un groupe composé de membres du FDF, du RW et du parti communiste  [7]. En revanche, il a été reconnu que les deux partis écologistes (Écolo du côté francophone, et Agalev puis Groen! puis Groen du côté néerlandophone) appartiennent au même horizon politique et peuvent donc constituer un groupe politique commun (ce qu’ils font depuis 1981, hormis une interruption en 2003-2007 : cf. infra).

18 La Chambre rechigne, dans une certaine mesure, à modifier encore dans le courant de la législature les rapports entre groupes tels qu’ils ont pris forme après les élections. En 1998, elle a même ajouté un passage spécifique à ce sujet dans son règlement : la représentation proportionnelle des groupes ne peut plus être modifiée pendant toute la durée de la législature suite au passage individuel de membres à un autre groupe  [8]. Le fait de « geler » les groupes a pour conséquence qu’un écart peut se creuser, en cours de législature, entre la réalité formelle et la réalité politique. C’est ainsi que le groupe VU–ID21 a continué d’exister sur le papier pendant l’ensemble de la législature 1999-2003, alors même que l’alliance entre la Volksunie et ID21 avait cessé d’exister, comme d’ailleurs la Volksunie elle-même. Mais ce conservatisme n’est pas toujours de mise : en 2008, la rupture au sein du cartel électoral CD&V–N-VA a entraîné la formation de deux groupes distincts à la Chambre des représentants  [9].

19 Dans la présente étude, les groupes sont systématiquement définis de la façon dont ils ont été reconnus par la Chambre et mentionnés dans les documents parlementaires, même s’ils ne répondaient plus à une réalité politique extra-parlementaire à l’époque considérée. Par ailleurs, il est à rappeler que les deux partis écologistes (Écolo du côté francophone et Agalev/Groen!/Groen du côté néerlandophone) se réunissent systématiquement au sein d’un groupe commun depuis 1981 (hormis une interruption en 2003-2007, législature durant laquelle le parti écologiste flamand ne dispose d’aucun député fédéral et durant laquelle Écolo ne dispose que de quatre députés fédéraux, ce qui est un nombre insuffisant pour pouvoir constituer un groupe reconnu).

1.4. Quels votes ?

20 La source de la présente étude est constituée des votes nominatifs valides émis individuellement par les députés fédéraux, tels que mentionnés dans les annexes des Annales parlementaires (depuis octobre 2000, Compte rendu intégral) de la Chambre des représentants.

21 Quels sont les votes qui, au vu de cette règle, n’interviennent pas dans le champ de la présente étude ? Il n’est pas tenu compte : primo, des votes secrets dans le cas de présentations et nominations faites par la Chambre des représentants  [10] (par exemple de membres de la Cour des comptes et de la Cour constitutionnelle, mais aussi de nombreux autres organes dépendant de la Chambre) ; secundo, des votes par assis et levé  [11], dont seul le résultat figure au Compte rendu intégral ; tertio, des cas où la Chambre ne procède pas à un vote, mais où le président constate qu’il y a « accord unanime » ; quarto, des votes annulés, que les noms des participants figurent ou non aux annexes du Compte rendu intégral (c’est parfois le cas, parfois non).

22 Il n’est pas davantage tenu compte des noms mentionnés individuellement dans le cas de « comptages ». Les comptages sont les cas où le président de la Chambre invite les membres à appuyer sur le bouton de vote – ce qui figure, via la machine de vote, aux annexes du Compte rendu intégral – mais où cette opération ne peut être considérée comme un véritable vote. Ainsi, certaines étapes de procédure doivent, en application du règlement, recueillir le soutien d’un certain nombre de membres (par exemple, 50 membres pour contraindre le président à demander l’avis du Conseil d’État sur des propositions de loi ou des amendements). Lorsqu’un comptage par assis et levé n’est pas suffisamment clair, le président peut demander que les députés poussent sur le bouton de vote. Néanmoins, il ne s’agit pas d’un vote où l’on constaterait, par exemple, l’absence de quorum  [12].

23 Enfin, les chiffres qui suivent sont le résultat des votes nominatifs tels qu’ils apparaissent au Compte rendu intégral. Cela signifie qu’ils sont ici tels qu’ils ont été enregistrés par la machine de vote de la Chambre. D’éventuelles corrections, généralement quand des membres s’aperçoivent qu’ils ont poussé sur le mauvais bouton, sont certes mentionnées au Compte rendu intégral, mais le résultat indiqué dans les annexes n’est plus modifié  [13]. Cette pratique est expressément prescrite à l’article 61, n° 3, du règlement de la Chambre.

2. L’évolution du nombre de votes nominatifs

24 Le tableau 1 contient le récapitulatif tant du nombre de votes nominatifs que du nombre de séances plénières par session, sur l’ensemble de la période étudiée. Ce tableau récapitulatif donne un premier aperçu chiffré. En 24 années de vie parlementaire (réparties sur six législatures), la Chambre s’est réunie 1 625 fois en séance plénière  [14], et les députés ont émis 13 397 votes nominatifs (valables) enregistrés aux annexes du Compte rendu intégral.

25 Dans la mesure où le nombre de votes nominatifs peut être un indicateur de l’activité parlementaire globale, les chiffres font voir combien la Chambre fait preuve de peu de dynamisme au cours des sessions extraordinaires qui suivent les élections fédérales. C’est traditionnellement la période durant laquelle le nouveau gouvernement fédéral n’est pas encore formé et où les députés fédéraux fraîchement élus profitent des vacances parlementaires d’été pour préparer leur administration personnelle et le fonctionnement du groupe en perspective de la nouvelle législature.

26 Sauf pendant la dernière session de la législature 1995-1999, les dernières sessions ne paraissent pas sortir du lot si l’on se borne à considérer le nombre de votes nominatifs. Mais il ne faut pas perdre de vue que la dernière session est toujours plus courte que les autres sessions ordinaires : au cours de la période considérée par la présente étude, les élections fédérales ont lieu au mois de mai ou de juin, ce qui fait que, ces années-là, la session parlementaire se clôt dès le mois d’avril. Le nombre de votes nominatifs par séance plénière est un meilleur indicateur. Ce chiffre atteint effectivement un sommet à la fin de chaque législature.

27 Le nombre de votes nominatifs par séance plénière qui figure dans la dernière colonne du tableau 1 ne constitue pas le nombre de votes nominatifs divisé par le nombre total de séances plénières. En effet, il est des séances plénières dépourvues de vote. Dans le calcul du nombre de votes nominatifs par séance plénière, il est dès lors tenu uniquement compte des séances avec vote. Depuis l’entre-deux-guerres, la Chambre regroupe en effet, autant que possible, les votes à un seul moment de la semaine.

Tableau 1. Nombre de votes nominatifs et nombre de séances plénières, par session et par législature (1995-2019)

Tableau 1. Nombre de votes nominatifs et nombre de séances plénières, par session et par législature (1995-2019)

Tableau 1. Nombre de votes nominatifs et nombre de séances plénières, par session et par législature (1995-2019)

28 Le graphique 1, qui compare le nombre de séances plénières avec votes nominatifs au nombre total de séances plénières par session, montre surtout un nombre pratiquement constant de séances plénières avec votes nominatifs au fil du temps : par session, il y va en moyenne d’environ 35 séances. Compte tenu des périodes de congés parlementaires (congé de Carnaval, congé de Pâques, congé d’été du 21 juillet à début octobre, congé de Toussaint, congé de Noël et Nouvel An), cela veut dire une séance par semaine de travail avec votes nominatifs. Ce nombre diminue à chaque fois à la fin de la législature, en conséquence tout simplement du nombre réduit de semaines disponibles avant la dissolution des Chambres. Pour donner un maximum de chances à la mobilisation des membres, en particulier ceux de la majorité, les votes sont en outre regroupés autant que possible au cours de la séance, et ce, de préférence, plus ou moins au même moment.

29 Pour le fonctionnement de l’assemblée et pour ses membres à titre individuel, l’intérêt d’une telle prévisibilité n’est pas sans importance, eu égard aux conséquences financières pour les députés qui seraient absents lors des votes nominatifs hebdomadaires. Le président de la Chambre veille, en séance, à n’organiser le dernier vote nominatif qu’au moment où tous les points de l’ordre du jour ont été traités. En effet, la discipline de groupe se fait surtout sentir au moment du vote (la discipline consistant non seulement à émettre le « bon » vote, mais aussi à être suffisamment en nombre). Une fois qu’il a été procédé au dernier vote nominatif prévu à l’ordre du jour, il arrive souvent que les rangs des présents se vident très rapidement, indépendamment de l’achèvement ou non de l’ordre du jour.

Graphique 1. Nombre de séances plénières et nombre de séances plénières avec votes nominatifs, par session (1995-2019, hors sessions extraordinaires)

Graphique 1. Nombre de séances plénières et nombre de séances plénières avec votes nominatifs, par session (1995-2019, hors sessions extraordinaires)

Graphique 1. Nombre de séances plénières et nombre de séances plénières avec votes nominatifs, par session (1995-2019, hors sessions extraordinaires)

30 En 1995, les votes groupés constituent déjà une pratique constante depuis longtemps. La Chambre procède, à un seul et même moment de la semaine, à tous les votes d’ensemble et à ce qui doit encore être fait pour la discussion des articles – uniquement les articles dits réservés, c’est-à-dire ceux ayant fait l’objet de propositions d’amendement – des textes examinés en séance plénière dans le courant de la semaine. Le graphique 1 montre une autre évolution en cours depuis 1995 : tenir plusieurs séances plénières par semaine de travail est devenu l’exception plutôt que la règle. Encore s’agit-il souvent de plusieurs séances (après-midi et soir) le même jour, généralement le jeudi. Le nombre total de séances plénières par session en vient, de ce fait, à correspondre de plus en plus au nombre de séances avec votes nominatifs (en gros, une séance par semaine).

31 Pendant la législature 1995-1999, il n’était pas inhabituel que la Chambre se réunisse en séance plénière, en semaine, le mardi et le mercredi, chaque fois le matin et l’après-midi, ainsi que le jeudi après-midi, où l’on votait alors sur les textes examinés en semaine. Au cours de la période passée en revue dans la présente étude, le nombre de séances par session a atteint un sommet sous le gouvernement Verhofstadt I (législature 1999-2003), avec plus de 100 séances plénières pendant la session 2001-2002. Depuis lors, le nombre de séances plénières présente une tendance structurelle à la baisse. Depuis 2010 environ, la norme est de traiter tous les travaux parlementaires en une seule séance hebdomadaire ; les principales exceptions à cette règle sont les débats budgétaires en décembre et le traitement d’un ordre du jour pléthorique avant les vacances d’été. Lorsque l’agenda est surchargé, il n’est en effet pas rare que soient organisées des séances plénières supplémentaires le mercredi ou le jeudi matin. Cependant, tous les votes nominatifs (votes sur l’ensemble, votes sur les amendements) sont toujours regroupés au moment habituel, lors de la séance plénière du jeudi après-midi.

3. Le quorum

« Aucune des deux Chambres ne peut prendre de résolution qu’autant que la majorité de ses membres se trouve réunie »
(Constitution, article 53, 2e alinéa).

32 Les votes nominatifs et le quorum nécessaire pour pouvoir décider valablement en tant qu’assemblée parlementaire sont deux éléments indissociables. La Chambre ne peut prendre de décisions, et ne peut a fortiori organiser de vote nominatif valable, si la majorité de ses membres n’est pas présente. En même temps, le vote nominatif est le moyen idoine pour constater que la Chambre n’est pas en nombre.

33 En règle générale, la grande majorité des députés fédéraux fait acte de présence au moment des votes nominatifs. Au vu de tout ce qui précède – la pratique des votes annoncés et groupés, ainsi que les conséquences financières liées à la participation aux votes –, il n’y a là rien d’étonnant. Les chiffres du tableau 2 parlent d’eux-mêmes. En moyenne, de 88 % à 90 % des membres prennent part aux votes (en ce compris donc les abstentions). Si l’on distingue en fonction des groupes (reconnus), il s’avère que, pour les membres de la majorité, un pourcentage de présence de 95 % n’a rien d’inhabituel. C’est d’ailleurs logique. L’ordre du jour de la séance plénière de la Chambre est, par définition, l’ordre du jour de la majorité ; celle-ci a donc tout intérêt à être suffisamment présente pour contrer les manœuvres dilatoires. Cette discipline n’a été moins stricte qu’à une seule époque, à savoir sous le gouvernement Leterme II (CD&V/MR/PS/Open VLD/CDH), lors des premiers mois de la session 2011-2012 ; mais il s’agissait d’un gouvernement en affaires courantes  [15], dont il était loin d’être certain que tous les partis qui le composaient siégeraient dans la coalition suivante.

Tableau 2. Pourcentage de participants des groupes politiques reconnus aux votes nominatifs, par session et par gouvernement (1995-2019)

Tableau 2. Pourcentage de participants des groupes politiques reconnus aux votes nominatifs, par session et par gouvernement (1995-2019)

Tableau 2. Pourcentage de participants des groupes politiques reconnus aux votes nominatifs, par session et par gouvernement (1995-2019)

1 PSC jusqu’au 21 mai 2002.
2 CVP jusqu’au 1er octobre 2001. CD&V–N-VA du 28 juin 2007 au 14 octobre 2008.
3 PRL–FDF jusqu’au 1er juillet 1999 ; PRL–FDF–MCC jusqu’au 25 mars 2002. Le groupe MR comprend le FDF jusqu’au 5 décembre 2011.
4 VLD jusqu’au 28 juin 2007.
5 SP jusqu’au 18 octobre 2001. SP.A–Spirit du 5 juin 2003 au 24 avril 2008 ; SP.A–Vl.Pro du 24 avril 2008 au 2 janvier 2009.
6 Écolo–Agalev jusqu’à la fin de la session 2002-2003 ; Écolo–Groen! du début de la session 2007-2008 jusqu’au 12 janvier 2012.
7 Volksunie jusqu’au 1er juin 1999 ; VU&ID jusqu’à la fin de la session 2002-2003.
8 Vlaams Blok jusqu’au 15 novembre 2004.

En grisé : partis politiques membres de la coalition gouvernementale.

3.1. L’absence de quorum

34 Eu égard aux critères utilisés pour recueillir les données relatives à la présente étude, celle-ci ne contient aucun vote nominatif où la Chambre n’était pas en nombre. Par définition en effet, il ne s’agit pas là de votes valables.

35 En dehors de l’échantillonnage des 13 397 votes nominatifs (Tableau 1), les comptes rendus intégraux font état d’au moins neuf séances plénières au cours desquelles la Chambre n’a pas été en nombre, soit une fois, soit à plusieurs reprises. Ainsi, le samedi 13 juillet 1996, lors de la discussion du projet de loi relatif à la promotion de l’emploi et à la sauvegarde préventive de la compétitivité – discussion au cours de laquelle l’opposition n’hésite pas à pratiquer de nombreuses manœuvres dilatoires –, la présence d’un ministre est exigée par motion d’ordre. Semblable motion est un moyen idéal de contraindre la Chambre à procéder à un vote à un moment inattendu. Or il s’avère que la Chambre n’est pas en nombre. Après une suspension d’une heure, la séance peut néanmoins reprendre, avec suffisamment de membres présents  [16]. Un même scénario se produit le 15 décembre 1999 ; cette fois également, la séance peut reprendre après une suspension  [17]. Même chose encore le 19 mai 2004, cette fois lors du vote final d’un projet de loi  [18].

36 En avril 2007, à la fin de la législature, le président décide d’emblée – le quorum n’étant pas atteint – de ne pas suspendre la séance mais de reprendre le vote final d’un projet de loi-programme le lendemain  [19]. C’est que la fin d’une législature constitue un cas à part. Le plus souvent, l’ordre du jour est très chargé et la discipline de vote dans les groupes et la majorité plus relâchée, à quelques semaines des élections à venir. Ainsi, la fin de la législature 1999-2003 s’achève en avril 2003 sur une note mineure, lorsqu’il apparaît que la Chambre, à deux reprises, n’est pas en nombre lors de la dernière session. Il n’y a donc d’autre choix que de mettre précocement fin aux travaux. Or deux dossiers sont encore à l’ordre du jour, tous deux sensibles au sein de la majorité : la répression universelle des atteintes aux droits de l’homme et l’instauration d’une déclaration de patrimoine des mandataires. Mais plusieurs membres de la majorité manquent à l’appel et l’opposition a quitté la salle. Aucun des deux projets ne peut donc être adopté  [20]. Les fractures au sein de la majorité sortante (en particulier sans doute chez les membres qui ne voulaient pas d’une déclaration de patrimoine) n’échappent pas aux médias  [21].

37 Les conséquences d’un vote au cours duquel la Chambre n’est pas en nombre peuvent se limiter à une suspension d’une heure. Si l’absence de quorum se répète après une heure, la séance est close et le vote reprend au début d’une séance suivante, après quatre jours au plus. En période chargée, quand les séances se suivent rapidement, c’est là un obstacle relativement mineur. Mais en rythme de travail normal, les membres en sont effectivement affectés car ils sont habitués à ne devoir réserver que le jeudi à la séance plénière. Dès lors, une nouvelle séance convoquée dans les quatre jours n’est rien d’autre qu’une séance plénière imprévue. Par exemple, il faut procéder ainsi après une absence de quorum le 12 mars 2009. Sur la base de votes sur les amendements, l’opposition se rend compte que la position de la majorité ne recueille pas 76 suffrages ; avant le vote final, elle annonce qu’elle quitte la salle « puisque la majorité n’est pas en nombre ». Le quorum n’est pas atteint. Ce scénario se répète lors de la séance du mercredi 18 mars 2009, convoquée spécialement à cette fin : une nouvelle fois, la majorité (et faute d’une opposition absente, la Chambre entière) n’est pas en nombre  [22]. Dans les annexes du compte rendu, figurent les noms des membres présents et des absents excusés ou malades  [23].

3.2. L’absence de quorum : cas marginaux

38 La séance plénière du 25 juin 2009 est un bon exemple de la créativité dont le président de la Chambre peut faire preuve pour éviter un scénario comme celui de mars 2009, où l’assemblée s’est vue contrainte de clore la séance et reprendre ultérieurement le vote resté sans résultat faute de quorum.

39 Le 25 juin 2009, l’opposition quitte la salle aussitôt qu’elle se rend compte que la majorité ne peut mobiliser que 72 membres pour un vote (portant sur l’adoption d’une motion simple en conclusion d’une interpellation). Les présidents des groupes de la majorité obtiennent une suspension de séance pour appeler leurs collègues absents mais, après la suspension, il s’avère bien vite que la présence de la majorité (71 membres) est insuffisante pour assurer le quorum. Aussi l’opposition quitte-t-elle de nouveau la salle. Le compte rendu indique comment les membres de l’opposition suivent le déroulement de la procédure en se tenant presque littéralement aux portes de la salle. Un député de l’opposition reste présent dans la salle, jouant le rôle d’un « éclaireur » et rendant compte de la situation au groupe resté à l’extérieur. Lorsque le président veut contourner l’absence de quorum en procédant à un vote par assis et levé – l’ordre du jour appelant l’approbation des opérations électorales relatives aux élections européennes du 7 juin 2009, un vote nominatif n’est donc pas requis – ce membre de l’opposition réagit aussitôt en demandant un vote nominatif. Le président souligne qu’il faut huit membres pour demander un vote nominatif et fait voter par assis et levé. Puisque la Constitution ne permet pas cette procédure pour le vote sur l’ensemble des textes de loi, la majorité risque de se trouver confrontée à une impasse. La méthode évidente pour vérifier le quorum, à savoir un vote nominatif, déboucherait sans doute sur une absence de quorum, ce que la majorité souhaite précisément éviter. Le président fait procéder à un « vote indicatif », un comptage du nombre de membres ayant utilisé la machine de vote. Ce nombre s’avère être de 75, ce qui est insuffisant pour atteindre le quorum constitutionnel de la majorité des membres de la Chambre. Après quelques hésitations sur le point de savoir si la Chambre peut, avec 75 membres présents, passer au vote, il est décidé de clore la séance. Mais il a été évité que la Chambre (c’est-à-dire la majorité) doive se réunir à nouveau quatre jours plus tard pour reprendre le vote  [24].

40 La séance du 25 juin 2009 permet de bien comprendre la façon dont l’opposition, parce qu’un quorum est requis, est susceptible de paralyser l’agenda de la majorité, mais aussi les usages qui sont apparus à la Chambre pour contrer cette forme d’obstruction. Une fois que le vote nominatif a montré que la majorité ne compte plus 76 membres en salle, la majorité dépend de membres de l’opposition pour la poursuite de la séance. Du moins, si le quorum a pu être constaté sur la base d’un vote nominatif. Pour commencer, le vote doit avoir un objet (un vote final ou un vote sur un amendement, une motion, une modification de l’ordre du jour, etc.). Si ce vote nominatif ne doit servir qu’à faire constater une absence de quorum, le président peut refuser de faire procéder au vote  [25]. En outre, la Chambre n’est pas tenue de prendre une décision au moyen d’un vote nominatif, sauf sur l’ensemble de la loi et, conformément au règlement de la Chambre, sur les motions de confiance et de méfiance. Dans les autres cas, le président peut, comme il l’a fait le 25 juin 2009, faire voter par assis et levé. Bien entendu, huit membres (généralement de l’opposition) peuvent toujours demander un vote nominatif, mais leur nombre est alors ajouté au quorum. En d’autres termes : si la machine de vote enregistre ensuite 68 votants (oui, non, abstention), le quorum est atteint puisque l’addition de 68 et de 8 donne 76. C’est au vu de ces chiffres que l’opposition a choisi, le 25 juin 2009, de ne pas être présente en salle (à l’exception d’une seule députée).

41 Le fait d’ajouter les demandeurs du vote nominatif au quorum est une pratique qui date de 1899 ; à l’époque, elle a été instaurée en réaction à des tentatives d’obstruction de la part de l’opposition socialiste. Depuis qu’est utilisée une machine de vote, c’est-à-dire depuis novembre 1955, cette règle a été appliquée de façon plus large : quiconque est présent dans la salle au début d’un vote nominatif ou pendant ce vote est ajouté au quorum par le président. La commission du Règlement a considéré qu’il ne fallait pas, pour cela, modifier le règlement : « Votre commission a été unanime pour considérer que tous les membres présents en séance, qui n’auraient pas utilisé le bouton de vote électrique correspondant au vote d’abstention, doivent néanmoins être considérés comme présents et comme ayant participé aux opérations de vote par un avis d’abstention. Elle estime cependant qu’aucune modification ne doit être apportée de ce chef au règlement »  [26]. La facilité avec laquelle cette nouvelle interprétation du règlement a été acceptée en 1956 contraste fortement avec le vif débat de procédure engagé en décembre 1957, lorsque le président en a fait usage après que l’opposition sociale-chrétienne eut quitté la salle et compté parmi les présents les membres qui n’avaient pas été suffisamment rapides, en déclarant : « Si l’on ne peut abuser du règlement, il faut tout de même savoir l’utiliser »  [27].

42 C’est Raymond Langendries (PSC), alors président de la Chambre, qui a interprété cette règle le plus largement le 16 juillet 1996 lorsque l’opposition, en plus de l’ordre du jour chargé à la veille des vacances parlementaires d’été, s’est livrée à une guerre d’usure contre les projets de pouvoirs spéciaux accordés au gouvernement Dehaene II (CVP/PS/SP/PSC) : les lois-cadres. L’opposition a utilisé une technique bien rodée, exigeant par motion d’ordre la présence d’un ministre. Le vote nominatif n’a pas obtenu le quorum requis et la séance a été suspendue. Lors d’un nouveau vote après la suspension, qui pouvait décider de la clôture de la séance, 73 membres ont pris part au scrutin. Mais le président avait remarqué que trois députés de l’opposition (deux membres VLD et un membre de la Fédération PRL FDF) se tenaient dans les tribunes du public, et il les a ajoutés aux présents. La majorité a remercié le président en l’applaudissant longuement, rendant hommage à son sens de l’observation  [28].

43 Pendant la période étudiée, trois votes auxquels n’ont pris part que 75 députés sont malgré tout déclarés valables parce que le président a remarqué la présence d’autres membres encore dans la salle. C’est le cas le 3 juillet 2002, au début de la séance, soit à un moment où il est rare que 76 membres soient présents, à propos d’une question de procédure (l’autorisation de discuter d’un projet en commission avant son impression et sa distribution)  [29]. Le 19 mai 2004, l’opposition quitte la salle après avoir constaté que 69 députés seulement ont voté une motion simple en conclusion d’une interpellation. Lors des deux votes suivants, avec chaque fois 75 participants, le président voit à chaque reprise un membre de l’opposition dans la salle. Peu après, l’opposition fait remarquer que Karel De Gucht (VLD) fait partie des « votants » alors qu’il ne se trouvait apparemment pas dans la salle. En effet, le compte rendu du 19 mai 2004 le mentionne à la fois parmi les votants et parmi les membres excusés « en raison d’obligations liées à leur mandat ». Le président, Herman De Croo (VLD), n’a guère d’autre choix que de morigéner la majorité : « Men mag in deze Kamer geen verstrooide vinger hebben! [Il faut en effet garder ses mains chez soi dans cette Chambre !] Tout se sait ici ! Il ne faut donc pas voter pour un voisin que vous avez bien voulu avoir auprès de vous ! »  [30] Ces exemples montrent le rôle et l’impact que peut avoir le président sur le travail parlementaire, à la condition évidemment qu’il dispose à la fois d’une bonne connaissance des pratiques parlementaires et d’une grande présence d’esprit.

3.3. La majorité en nombre (ou non)

44 Le même H. De Croo, alors chef de l’opposition (président du VLD, parti d’opposition) affirmait en juillet 1996 : « La majorité a pour devoir d’assurer le quorum quand on le demande »  [31]. Cela résume bien le jeu politique qu’il est possible de jouer avec le quorum. La coutume s’est installée à la Chambre des représentants, de la part de l’opposition, d’interpréter le quorum requis par la Constitution – la présence de la moitié des membres de la Chambre pour pouvoir se réunir – comme un devoir incombant à la seule majorité gouvernementale. Cet usage a pu s’installer d’autant plus facilement comme norme que les Chambres belges n’ont que rarement été confrontées à des gouvernements minoritaires  [32]. Le quorum requis par la Constitution se traduit politiquement, dans l’assemblée, comme le devoir de la majorité « d’être en nombre ». Du reste, cet usage est tout autant d’application dans les commissions permanentes, s’il n’y a pas neuf membres de la majorité présents (sur dix-sept).

45 Toutefois, les groupes de l’opposition ne quittent pas nécessairement la salle à chaque fois que les votes nominatifs laissent supposer que la majorité n’est pas en nombre. En effet, les relations entre la majorité et l’opposition ne sont pas toujours aussi tendues. L’opposition peut même user de sa présence comme monnaie d’échange pour imposer des concessions à la majorité. C’est ainsi que, le 25 juin 2015, l’opposition contraint le président, Siegfried Bracke (N-VA), à clore la séance en quittant la salle. Mais le compte rendu indique que l’opposition agit de la sorte parce que le ministre présent ne s’est pas tenu à un accord conclu précédemment entre les groupes de la majorité et de l’opposition : cette dernière était disposée à aider à atteindre le quorum si le gouvernement Michel I (N-VA/MR/CD&V/Open VLD) ne demandait pas l’urgence sur ses projets. Le ministre du Budget, Hervé Jamar (MR), qui n’était apparemment pas au courant, a malgré tout demandé l’urgence. Sur quoi les votes inscrits à l’ordre du jour n’ont pu avoir lieu  [33]. À l’inverse, il arrive que l’opposition quitte la salle sans que des votes doivent intervenir, en signe de protestation et non en vue d’empêcher que le quorum soit atteint  [34].

46 Néanmoins, le premier devoir de la majorité est d’être présente dans la salle avec 76 membres (ou au moins dans les environs, au Palais de la Nation) dès lors que des votes peuvent être attendus. Ne serait-ce que pour ne pas inciter l’opposition à user du quorum comme instrument d’obstruction parlementaire. Pourtant, tel n’a pas été le cas entre 1995 et 2019 pour un vote sur cinq. Pour 2 664 votes nominatifs, le quorum a été atteint sans que la majorité soit en nombre. En cas de votes unanimes ou de votes qui voient une partie de l’opposition voter avec la majorité, le résultat ne permet pas de conclure que la majorité n’était pas en nombre. C’est là sans doute un élément d’explication – l’opposition n’est pas induite en tentation –, mais il est un fait que l’opposition ne recourt pas systématiquement au boycott des votes quand la majorité n’est pas en nombre.

Tableau 3. Votes nominatifs pour lesquels la majorité n’a pas été en nombre, par session, par législature et par gouvernement (1995-2019)

Tableau 3. Votes nominatifs pour lesquels la majorité n’a pas été en nombre, par session, par législature et par gouvernement (1995-2019)

Tableau 3. Votes nominatifs pour lesquels la majorité n’a pas été en nombre, par session, par législature et par gouvernement (1995-2019)

1 En début de session.
2 Philippe Dallons est passé du groupe Écolo–Agalev au groupe PS.
3 Vincent Decroly (ex-Écolo) siège comme indépendant.
4 Richard Fournaux est passé du groupe CDH au groupe MR.
5 La N-VA s’est dissociée du CD&V, son partenaire de cartel.
6 Hendrik Vuye et Veerle Wouters (ex-N-VA) siègent comme indépendants.

En grisé : gouvernement minoritaire.

47 Les chiffres figurant au tableau 3 varient selon le gouvernement. Sous le gouvernement Dehaene II (CVP/PS/SP/PSC), qui ne dispose que d’une majorité relativement limitée avec 82 sièges sur 150, la proportion de votes nominatifs avec une majorité qui n’est pas en nombre se monte à 31,2 % du total, pourcentage qui atteint un sommet au cours de la dernière session de la législature avec 45,7 %. Le gouvernement Verhofstadt I (VLD/ PS/Fédération PRL FDF MCC/SP/Écolo/Agalev) est soutenu par une majorité plus large, et la moyenne générale descend à 7,5 %. Mais dans ce cas également, il est frappant que le phénomène du nombre insuffisant de députés de la majorité présents se produise plus souvent pendant la dernière session de la législature (17,2 %). Sous le gouvernement Verhofstadt II (VLD/PS/MR/SP.A–Spirit), avec l’appui de pratiquement les deux tiers de la Chambre, la coalition majoritaire se montre encore plus disciplinée en matière de présences : 2,1 % seulement de votes sans que la majorité ne soit en nombre. Avec les élections fédérales du 10 juin 2007, ce gouvernement perd de justesse sa majorité absolue mais continue de gérer les affaires courantes jusqu’en décembre 2007. Dès lors, la majorité sortante ne peut atteindre le quorum lors de la session extraordinaire 2007 et des premiers mois de la session 2007-2008.

48 Après les élections du 13 juin 2010, les cinq partis du gouvernement démissionnaire Leterme II (CD&V/MR/PS/Open VLD/CDH) représentent toujours 83 des 150 membres. Pourtant, la majorité échoue à réunir au moins 76 membres lors d’environ 90 % des votes nominatifs intervenus durant la session 2010-2011 et les premiers mois de la session 2011-2012. Une caractéristique particulière des gouvernements démissionnaires, après des élections, est que les ministres démissionnaires peuvent simultanément siéger en tant que députés. En 2010-2011, parmi les 18 membres de la majorité sortante qui sont restés absents pour plus de 100 votes nominatifs, se trouvent sept membres démissionnaires du gouvernement, dont le Premier ministre, Yves Leterme (CD&V). Ce double mandat – ministre et député –, qui n’a plus cours par ailleurs depuis 1995, explique sans aucun doute pour une part cet état de fait. Une autre explication est que la discipline majoritaire n’est plus guère opérante dans le contexte d’un gouvernement en affaires courantes. C’est ainsi que les deux partis libéraux, membres du gouvernement Leterme II, ont longtemps été tenus écartés du processus de formation du gouvernement suivant.

49 Le gouvernement Di Rupo (PS/CD&V/MR/SP.A/Open VLD/CDH) fait preuve de discipline – du moins en ce qui concerne le nombre de présents, puisqu’il n’est pas question ici de la cohésion de la majorité –, avec un nombre insuffisant de députés de la majorité présents lors de 25 votes seulement. En revanche, tel est moins le cas pour le gouvernement Michel I (N-VA/MR/CD&V/Open VLD) en 2014-2018. Après le départ de deux membres du groupe N-VA, en septembre 2016, la majorité se trouve ramenée à 83 des 150 sièges et la proportion de votes où la majorité n’est pas en nombre passe à plus de 20 % du total. Du départ de la N-VA du gouvernement Michel I le 9 décembre 2018, résulte un gouvernement Michel II (MR/CD&V/Open VLD) minoritaire. Mais avant même cette crise gouvernementale, la majorité dite suédoise éprouve manifestement des difficultés à être en nombre. Elle y échoue dans près de la moitié des votes nominatifs au cours des premières semaines de la session 2018-2019 (jusqu’au 9 décembre 2018).

4. La majorité des voix

« Toute résolution est prise à la majorité absolue des suffrages (…). En cas de partage des voix, la proposition mise en délibération est rejetée »
(Constitution, article 53, 1er alinéa).

50 L’apparition de l’abstention, dès le début de l’histoire parlementaire belge, a eu des conséquences sur l’obligation de disposer d’une majorité des voix. L’abstention vaut présence pour la constatation du quorum, mais elle n’est pas considérée comme un vote pour le calcul de la majorité. Dans le combat pour obtenir la majorité absolue des voix, il ne s’agit que des « pour » et des « contre », et une voix de différence suffit. Une proposition peut donc être adoptée avec l’appui de moins de la majorité des membres présents, s’il y a également des abstentions dans l’autre moitié. Il y a toujours, dans ce cas, majorité absolue des votes émis mais, sur l’ensemble de la Chambre, cette majorité est relative.

51 Comme le montre le tableau 4, c’est là un phénomène relativement rare : entre 1995 et 2019, la décision de la Chambre après un vote nominatif n’a été portée par 75 membres ou moins que dans 813 cas (soit 6,1 %). Les périodes les plus marquantes à cet égard sont – à l’instar de celles où la majorité n’est le plus souvent pas en nombre – celles où le gouvernement ne dispose que d’une majorité relativement limitée (Dehaene II et Michel I) et celles où le gouvernement est démissionnaire (Verhofstadt II en 2007, Leterme II en 2010-2011 et Michel II en 2018-2019).

52 Parmi ces 813 votes nominatifs s’étant conclus par une majorité relative, figure un sous-ensemble de taille réduite mais bien particulier. Il s’agit des votes sur lesquels la majorité des membres se sont abstenus. Le quorum est atteint aussi longtemps que, ensemble, les votes pour, les votes contre et les abstentions représentent plus de 76 membres. Ensuite, il suffit que les votes « oui » obtiennent un suffrage de plus que les « non » pour que la proposition soit adoptée  [35]. C’est un cas de figure particulièrement rare, mais il s’est présenté à huit reprises entre 1995 et 2019 (sur 13 397 votes).

Tableau 4. Votes nominatifs ayant débouché sur une majorité relative, par session, par législature et par gouvernement (1995-2019)

Tableau 4. Votes nominatifs ayant débouché sur une majorité relative, par session, par législature et par gouvernement (1995-2019)

Tableau 4. Votes nominatifs ayant débouché sur une majorité relative, par session, par législature et par gouvernement (1995-2019)

53 Le 26 mars 1998, une motion de recommandation formulée en conclusion d’une interpellation est adoptée par 28 voix contre 21 et 78 abstentions. Il s’agit, de surcroît, d’une motion de recommandation déposée par des membres de la majorité et de l’opposition, après des interpellations des uns et des autres  [36]. Le 20 décembre 2001, la majorité arc-en-ciel se divise sur une proposition de résolution relative à la situation de conflit perdurant entre l’État d’Israël et l’Autorité palestinienne. Les libéraux et les socialistes francophones soutiennent, tout comme le groupe VU–ID21, le texte déposé par le groupe écologiste, les autres groupes préférant s’abstenir. La résolution est finalement adoptée par 67 voix et 75 abstentions  [37].

54 Il faut ensuite attendre 2019 pour que se présentent de nouveaux cas de ce type. Le 21 février 2019, la Chambre adopte, par 36 voix contre 2 et 90 abstentions, une proposition de loi sur le contingentement des médecins et dentistes formés dans une université étrangère. Pourtant, nul ne se sent appelé à justifier les motifs de son abstention  [38]. La semaine suivante, vient une résolution relative à une politique de défense intégrée au sein de l’Union européenne, qui est adoptée par 51 voix contre 3 et 60 abstentions  [39]. Un mois plus tard, deux résolutions visant à diminuer le coût des lunettes et lentilles sont adoptées par 58 voix contre 14 et 70 abstentions  [40]. La chose se produit encore au cours de la dernière session de la législature 2014-2019, à savoir le 25 avril 2019, pour un amendement rejeté par 50 voix contre 22 et 61 abstentions  [41]. Surtout, le même jour, la Chambre adopte une proposition de loi portant diverses dispositions financières par 50 voix et 86 abstentions  [42]. Sous le gouvernement Michel II – qui est, de surcroît, un gouvernement démissionnaire et minoritaire –, l’habituelle prévisibilité des rapports de force parlementaires fait manifestement défaut. Cette prévisibilité résulte, il est vrai, du fait que, dans le cours normal des choses, la majorité gouvernementale fixe l’ordre du jour. Or, avec l’appui de seulement 52 des 150 membres, le gouvernement Michel II n’a pas même l’apparence du soutien d’une majorité.

55 Un mot enfin du partage des voix. Si les adversaires et les partisans d’un texte recueillent un nombre égal de voix, la proposition est rejetée. Sur les 13 397 votes nominatifs de la période 1995-2019, il y a 5 cas de ce genre.

56 Le 12 novembre 1998, la Chambre rejette l’urgence pour une proposition de loi sur les régularisations des étrangers, par 53 voix pour, 53 voix contre et 23 abstentions. Après le résultat, plusieurs membres souhaitent modifier leur vote, mais le président refuse – conformément au règlement – d’encore adapter le résultat du scrutin  [43]. Le 20 octobre 2005, une demande de modification de l’ordre du jour déposée par un membre de l’opposition est rejetée par 69 voix contre 69. Telle est du moins la façon dont le président interprète le résultat du vote. En effet, les 69 voix pour sont venues de la majorité ; logiquement, c’est donc la position du camp des oui, celui de la majorité, qui a été repoussée  [44]. Le 7 avril 2011, plusieurs amendements à un projet de loi en matière de télécommunication sont rejetés par une majorité particulièrement courte, dont un par parité des voix  [45]. Le 14 mars 2019, des amendements sur une résolution relative à des pensions allemandes accordées à des collaborateurs de la Seconde Guerre mondiale sont rejetés par parité des suffrages (50 voix pour, 50 voix contre et 23 abstentions)  [46]. Une fois de plus, parmi les exemples, il en est qui prennent place à la fin de la législature 2014-2019, époque où il n’existe pas de majorité parlementaire claire.

5. L’objet des votes nominatifs

57 Dans l’ordre constitutionnel moderne, le Parlement est en premier lieu un organe législatif. Avec le Roi (comprendre : le gouvernement fédéral) et le Sénat, la Chambre des représentants forme le pouvoir législatif fédéral en Belgique. Quand la Chambre doit prendre une décision, que ce soit ou non au moyen d’un vote nominatif, il va de soi que cette décision concerne le plus souvent la législation.

58 Cependant, au cours de la période étudiée, l’objet des votes nominatifs présente un large éventail de catégories. En effet, la Chambre n’est pas seulement un organe législatif – même si la législation est effectivement l’objet de la grande majorité des votes nominatifs – : elle contrôle également le pouvoir exécutif. À cet effet, l’assemblée dispose d’instruments constitutionnels lui permettant de rappeler le gouvernement à ses responsabilités, la sanction ultime consistant à lui refuser la confiance ou à adopter une motion de méfiance à son encontre. En outre, la Chambre des représentants intervient comme organe du pouvoir constitutionnel, lorsqu’elle adopte une déclaration de révision de la Constitution ou lorsqu’elle révise la Constitution, en tant qu’assemblée constituante. Telles sont ses missions classiques. Enfin, la Chambre dispose d’un certain nombre de compétences autonomes, réglées par la Constitution et la loi, qui peuvent ou doivent, elles aussi, être réglées par un vote nominatif  [47].

5.1. Une répartition

59 Le tableau 5 répartit les votes nominatifs intervenus au cours de la période 1995-2019 en huit catégories. Il s’agit à chaque fois du vote sur l’ensemble comme, le cas échéant, du vote des articles.

Tableau 5. Répartition thématique des votes nominatifs, par session, par législature et par gouvernement (1995-2019)

Tableau 5. Répartition thématique des votes nominatifs, par session, par législature et par gouvernement (1995-2019)

Tableau 5. Répartition thématique des votes nominatifs, par session, par législature et par gouvernement (1995-2019)

« Législation et budget »

60 Cette catégorie est celle des votes nominatifs qui concernent la législation, tels le vote sur l’ensemble de la loi et les votes réservés sur les articles et les amendements. Il peut s’agir de propositions de loi émanant des membres, ou de projets déposés par le gouvernement ou transmis par le Sénat. Les budgets se retrouvent également dans cette catégorie, puisque les budgets annuels des voies et moyens et des dépenses sont votés sous la forme de lois. Cette catégorie inclut également les votes sur le budget au sens large : ajustements budgétaires, règlement définitif du budget, dotations de la Chambre et aux « institutions bénéficiant d’une dotation » (Cour constitutionnelle, Conseil supérieur de la justice, Comité P, Cour des comptes, etc.).

61 Conformément à la conception classique du Parlement en tant que législateur (et par le biais du budget : en tant que contrôleur du gouvernement), cette catégorie représente à elle seule une grande majorité des votes : 9 475 sur 13 397 (soit 70,7 %).

« Gouvernement »

62 Cette catégorie comprend les votes sur les motions qui se rapportent au fait de donner ou de refuser la confiance au gouvernement, ce que l’on appelle le « government making power » de la Chambre. Concrètement, il s’agit du vote sur des motions, d’une part, après une interpellation, quand un membre demande des comptes à un ministre ou au gouvernement dans son ensemble et, d’autre part, après une déclaration ou une communication du gouvernement devant la Chambre. Le gouvernement fédéral peut déposer lui-même une motion de confiance. Quant à eux, les députés fédéraux peuvent déposer une motion de méfiance (constructive ou non) ou, après une interpellation, une motion de recommandation ou une motion simple.

63 Les votes sur de telles motions représentent 12,5 % du total des scrutins (1 680 votes nominatifs). Ce sont les votes dont il est permis de penser qu’ils correspondent en tous points à l’opposition entre la majorité gouvernementale et l’opposition. Au cours des périodes lors desquelles le gouvernement est démissionnaire (notamment 2007 pour le gouvernement Verhofstadt II et en 2010-2011 pour le gouvernement Leterme II), cette catégorie est totalement absente, faute d’un gouvernement de plein exercice. En effet, il n’est pas possible de mettre en cause la confiance en un gouvernement démissionnaire (concrètement : de l’interpeller).

« Constitution »

64 Sous cette catégorie, figurent les votes qui se rapportent tant aux déclarations de révision de la Constitution qu’à la révision proprement dite de la loi fondamentale, à laquelle procède la Chambre investie du pouvoir constituant.

65 Ils représentent 6,0 % du nombre total des votes (801 votes nominatifs). Toutes les législatures comprises entre 1995 et 2019 ont été précédées d’une déclaration de révision de la Constitution, de sorte que la Chambre a pu, à chaque fois, réviser certains articles de celle-ci.

« Résolution »

66 Par cette catégorie, nous entendons les votes sur l’ensemble d’une résolution, ainsi que sur les éventuels articles réservés et amendements. À la Chambre, une résolution suit un trajet analogue à celui d’une proposition de loi (autorisation d’imprimer et de distribuer, prise en considération, examen en commission et ensuite en séance plénière). Le texte n’est pas de nature législative (et n’est pas contraignant) : il s’agit d’une prise de position de la Chambre qui donne au gouvernement, sur un thème spécifique, une orientation pour ses politiques à venir  [48]. Avec la résolution, la Chambre s’engage en un certain sens sur le terrain du pouvoir exécutif, plutôt que de se limiter au contrôle de la politique déjà réalisée.

67 Ces votes représentent 5,2 % du total (701 votes nominatifs).

« Compétences autonomes »

68 Outre son action en tant qu’organe législatif et contrôleur du gouvernement, la Chambre peut, conformément à la Constitution et à la loi, prendre également des décisions d’un autre ordre. Il s’agit en l’occurrence de votes qui se rapportent à la vérification des pouvoirs ou à la régularité des élections (article 48 de la Constitution), à la levée de l’immunité parlementaire (article 59 de la Constitution) ou à des actions en justice contre des ministres (article 103 de la Constitution), ou encore à l’octroi de la naturalisation (articles 9 et 74 de la Constitution). Le droit d’enquête, qui est conféré à la Chambre en application de l’article 56 de la Constitution, est confié, dans cette assemblée, à une commission d’enquête. La création d’une telle commission s’opère au moyen d’une proposition, dont le traitement suit la même procédure complexe qu’une proposition de loi ou proposition de résolution (autorisation d’imprimer et de distribuer, prise en considération, examen en commission et en séance plénière). L’article 100 de la Constitution permet à la Chambre de requérir la présence d’un ministre fédéral ; dans ce cas, l’adoption d’une motion écrite en séance suffit, d’où le possible effet de surprise que peut susciter cette procédure.

69 Cette catégorie comprend enfin deux types de décision que la Chambre peut prendre en vertu de la loi. D’une part, la loi du 22 décembre 1998 autorise la Chambre, en séance plénière, à demander à la majorité absolue des membres un avis au Conseil supérieur de la justice ou à charger cet organe d’une enquête particulière sur le fonctionnement de la justice. D’autre part, le Roi a pu, en application de la loi du 9 juillet 1997 contenant des mesures en vue de résorber l’arriéré judiciaire dans les cours d’appel, créer à titre temporaire des cours supplémentaires. La prolongation de cette mesure temporaire dépendait d’une « délibération des Chambres législatives »  [49]. À la Chambre, cela se réalisait concrètement par un vote en séance plénière  [50].

70 Toutes ces compétences autonomes représentent 277 votes nominatifs, soit 2,1 % du total.

« Procédure parlementaire »

71 Cette catégorie inclut les votes relatifs aux étapes de procédure prévues au règlement de la Chambre qui ne relèvent pas de la discussion générale ni de la discussion des articles de propositions et de projets de loi. En l’espèce, il s’agit de la prise en considération de propositions et/ou des demandes d’urgence. Ce dernier point doit être tranché par un vote par assis et levé mais, en cas de doute, le président peut faire procéder à un vote nominatif. La prise en considération et l’urgence sont des étapes de procédure que, typiquement, la Chambre prend à l’entame de l’examen parlementaire. La Chambre peut encore se prononcer, en séance plénière, sur une proposition de rejet. Si un texte est repoussé en commission, son auteur peut demander que la Chambre se prononce sur ce rejet. C’est un moyen permettant d’obtenir malgré tout un débat sur un texte rejeté en commission. Enfin, cette catégorie comprend les votes sur l’approbation de l’ordre du jour ou la modification d’un ordre du jour.

72 Il y va ici de 237 votes nominatifs (1,8 %).

« Motion »

73 Une motion est généralement un texte assez court, déposé en séance, en conclusion d’un débat en séance plénière. Avec le vote d’une motion, la Chambre prend une décision ou détermine sa position sur un sujet autre qu’un projet ou une proposition de loi. Par exemple, c’est par le biais d’une motion que la Chambre décide de la création d’une commission (en ce compris le cas d’une commission dite spéciale)  [51]. Les motions les plus connues, celles déposées en conclusion d’une interpellation ou d’une déclaration du gouvernement, relèvent toutefois d’une deuxième catégorie. Leur statut spécial se justifie du fait qu’elles font l’objet d’un traitement spécifique dans le règlement de la Chambre, ainsi que dans les dispositions que contient la Constitution, depuis 1993, sur la motion de méfiance constructive. Quant à eux, les votes classés dans cette catégorie concernent les motions d’ordre, les motions sur l’ordre des travaux de la séance, ou les motions en conclusion d’un débat parlementaire, généralement un débat sur le rapport d’une commission spéciale ou d’une commission d’enquête. La décision de créer une commission d’enquête (cf. supra) doit, en d’autres termes, être distinguée du vote, sur la base d’une motion, en conclusion du débat parlementaire sur le rapport de cette commission. Un tel débat en séance plénière peut également intervenir sur le rapport d’un groupe de travail ou d’un comité d’avis de la Chambre.

74 Il ne s’agit ici que de 114 votes nominatifs (0,9 %).

« Organisation interne »

75 Conformément à la Constitution (article 60), la Chambre fixe de façon autonome son organisation interne. Ce fonctionnement interne se retrouve, toujours en vertu de la Constitution, dans un règlement : « Chaque Chambre détermine, par son règlement, le mode suivant lequel elle exerce ses attributions ». Tout comme les propositions de résolution et la création d’une commission parlementaire d’enquête, la révision du règlement suit le schéma de procédure d’une proposition de loi. Outre son règlement, la Chambre peut créer également des organes ad hoc ou en modifier la composition. Il s’agit alors, par exemple, de la mise en place d’une commission permanente ou spéciale, de la composition du bureau de la Chambre ou, jusqu’en 2014, du collège des questeurs  [52]. L’« organisation interne » peut aussi se comprendre dans un sens plus large. La séance plénière se prononce en effet aussi sur des questions « domestiques » (règlement, cadre du personnel), des organes dits collatéraux ou des institutions bénéficiaires d’une dotation (Cour des comptes, Collège de médiateurs, Autorité de protection des données, etc.).

76 Il n’est question ici que de 112 votes nominatifs, soit la catégorie la moins représentée (0,8 %).

5.2. Les probabilités d’aboutir à l’adoption d’une proposition

77 L’ensemble des 13 397 votes nominatifs a débouché à 7 745 reprises sur l’adoption de la proposition (soit 57,8 % du total). En d’autres termes, une majorité de votes se sont conclus par un « oui ». Néanmoins, cette moyenne générale dissimule une grande variation. Le tableau 5 et l’explication qui y est jointe nous ont déjà appris que, à la Chambre des représentants, les votes nominatifs portent sur un éventail très diversifié de décisions. Les probabilités d’aboutir à une majorité de votes « oui » s’avèrent elles aussi très différentes selon l’objet du vote (cf. Tableau 6).

78 La comparaison des deux principales catégories, à savoir « Législation et budget » (fonction législative) et « Gouvernement » (contrôle du gouvernement et confiance au gouvernement) donne un résultat étonnamment divergent. Dans la première, la moitié seulement des votes nominatifs débouchent sur une adoption (50,6 %), alors que, dans la seconde, ce pourcentage est de 98,0 %. Pour comprendre cette divergence, il convient de préciser la manière dont fonctionne le Parlement.

Tableau 6. Nombre de propositions ayant été adoptées, selon la répartition thématique des votes nominatifs (1995-2019)

Tableau 6. Nombre de propositions ayant été adoptées, selon la répartition thématique des votes nominatifs (1995-2019)

Tableau 6. Nombre de propositions ayant été adoptées, selon la répartition thématique des votes nominatifs (1995-2019)

5.2.1. La séance plénière de la Chambre n’amende pas le travail réalisé en commission

79 Sur les 9 475 votes nominatifs relatifs à la législation, en ce compris les lois budgétaires, les dotations et les comptes, 5 079 (soit 53,6 % de cette catégorie) concernent ce qui doit être considéré comme une discussion des articles : à savoir les amendements et les articles dits réservés (ceux au sujet desquels des propositions d’amendement ont été déposées), avant qu’il soit procédé au vote sur l’ensemble de la loi. Ces 5 079 votes nominatifs qui interviennent au cours de la discussion des articles se closent par un rejet dans 4 668 cas (91,9 %). De plus, les 411 propositions adoptées (8,1 %) s’avèrent ne pas être, par définition, des amendements à des projets ou propositions de loi, mais le plus souvent des votes nominatifs visant à conserver l’article et s’opposant donc à un amendement qui tend à le supprimer.

80 Parmi les 5 079 votes nominatifs qui se rapportent à la discussion d’articles de type législatif (dont les lois budgétaires), il en est au total 89 (1,8 %) qui conduisent à l’amendement par la Chambre, en séance plénière, du texte d’un projet ou d’une proposition tel qu’adopté antérieurement par la commission. D’où peut bien provenir cette réticence manifeste à modifier encore le texte adopté par la commission ? L’explication réside dans les conséquences procédurales d’un amendement opéré par la Chambre en séance plénière.

81 Si le texte adopté par la commission est amendé en séance plénière, le règlement de la Chambre – et ce depuis 1831 – reporte le vote final à une séance suivante, un jour au moins devant séparer les deux réunions. Au cours de cette séance suivante, la Chambre doit soumettre à une deuxième lecture les articles amendés, avant de procéder au vote final. Ce qui donne aux membres le temps de réfléchir avant de prendre des décisions éventuellement hâtives, ou de revenir sur des amendements résultant d’une majorité (éphémère) de circonstance. La loi du 6 avril 1995 organisant la commission parlementaire de concertation a toutefois porté ce délai à cinq jours. Ce report du vote final doit permettre à la commission parlementaire de concertation de se prononcer sur un éventuel conflit de compétence entre Chambre et Sénat, lesquels ne disposent plus depuis 1995 d’une compétence égale en matière de législation, et ce à l’occasion d’un amendement adopté en première lecture  [53]. Certes, la Chambre pourrait déroger à son propre règlement ; mais elle ne peut déroger à ce délai, fixé par la loi  [54]. Outre ce délai légal de cinq jours, le règlement de la Chambre prévoyait jusqu’en 2014 la possibilité d’une deuxième lecture après un amendement en séance plénière  [55].

82 La pratique parlementaire montre que les députés fédéraux – ou, du moins, la majorité d’entre eux – ne s’intéressent plus guère à ce report de cinq jours (en pratique : une semaine). On peut même, sur ce point, faire état d’une césure : sur les 89 votes nominatifs ayant conduit à des projets ou propositions de loi amendés au cours de la période étudiée, pas moins de 60 ont pris place au cours de la législature 1995-1999, sous le gouvernement Dehaene II. Le vote final de la loi était donc alors régulièrement reporté d’une semaine. L’usage d’amender encore la législation en séance plénière a presque totalement disparu sous le gouvernement Verhofstadt I. Il y a cependant eu une exception de grande portée politique : le projet de loi spéciale portant refinancement des Communautés et extension des compétences fiscales des Régions – qui constitue le volet financier de la réforme de l’État de 2001 – a dû, pour être adopté, recevoir le soutien d’un parti d’opposition (en l’occurrence, le PSC) afin de recueillir une majorité des deux tiers. Les négociations politiques entre la majorité arc-en-ciel et le PSC ont débouché, in extremis, sur l’adoption d’amendements en séance plénière. Sidéré par l’attitude de son « parti frère », le CVP a aussitôt demandé une deuxième lecture de ces amendements, dernière application à ce jour de la deuxième lecture en séance plénière de la Chambre, ce qui fait qu’il y a eu deux votes sur ces amendements  [56].

83 Après le gouvernement Verhofstadt I, il y a eu, en tout et pour tout, deux cas encore d’amendements à la législation par la séance plénière en 2008  [57], puis plus rien jusqu’en 2019. Sous le gouvernement minoritaire – et démissionnaire – Michel II, la plupart des usages parlementaires se sont trouvés malmenés, en ce compris l’habitude prise de ne pas amender un texte en séance plénière. Le 7 février 2019, une proposition de loi déposée par les partis de la majorité suédoise qui avait entre-temps fait naufrage a été amendée à l’unanimité, et adoptée dans son ensemble la semaine suivante  [58]. Des amendements unanimes à d’autres textes ont suivi le 21 février et le 14 mars 2019  [59]. Le 21 février 2019, la N-VA a même amendé avec le reste de l’opposition le projet de loi relatif à l’instauration d’un budget mobilité, qui avait pourtant été déposé début décembre 2018, c’est-à-dire quand la N-VA faisait encore partie du gouvernement fédéral.

84 Sur l’ensemble de la période étudiée et en particulier depuis 1999, il reste exceptionnel que la séance plénière de la Chambre amende – comme elle l’a fait en 2019 – des textes législatifs. La règle bien installée est que la Chambre, en plénière, n’amende pas la législation afin de ne pas devoir appliquer le report de cinq jours qu’impose la loi avant le vote final. La loi n’est en tout cas pas interprétée à la lettre. Si la majorité accepte, pour des raisons politiques ou légistiques, de modifier malgré tout un texte adopté par la commission avant le vote final, l’amendement en séance plénière est contourné par un renvoi des amendements en commission. La commission se réunit alors, uniquement pour voter sur ces amendements et rédiger un rapport. En cas d’urgence, tout cela peut se régler en une après-midi, pendant la séance plénière qui a décidé du renvoi de ces amendements et qui procédera en définitive, le jour même, au vote final  [60].

85 La pratique qui s’est installée de ne pas permettre d’amender un texte en séance plénière afin de ne pas devoir reporter le vote final d’une semaine est à ce point courante que le président de la Chambre, S. Bracke, a voulu employer la règle à mauvais escient en 2019 en l’appliquant à l’examen d’une résolution, alors que le report n’est pas nécessaire dans un tel cas. Le 14 mars 2019 – c’est-à-dire à l’époque du gouvernement minoritaire et démissionnaire Michel II –, la Chambre a amendé la proposition de résolution « visant l’entame d’un dialogue avec l’État français portant sur les œuvres picturales majeures du patrimoine artistique de Flandre, de Wallonie et de Bruxelles translocalisées par les troupes de la Révolution française », et ce par 50 voix contre 47 et 29 abstentions. Le président a aussitôt annoncé le report du vote final à la semaine suivante, jusqu’à ce qu’il lui soit indiqué que la Chambre pouvait procéder immédiatement au vote  [61].

5.2.2. La séance plénière de la Chambre suit la commission

86 Étant donné l’habitude qui a été prise de ne plus amender en séance plénière, ce sont désormais les commissions permanentes qui, en pratique, ont en main la rédaction finale des textes législatifs. Ce sont elles qui déterminent la manière dont la législation est produite par la Chambre des représentants (en temps normal, avec un gouvernement fédéral disposant d’une majorité utile), après quoi le texte est formellement ratifié par la séance plénière. En d’autres termes, pour le travail parlementaire, les rapports de force politiques sont tout aussi importants en commission permanente qu’en séance plénière.

87 Pour une formation politique, il importe donc d’être présente en commission permanente et d’y disposer du droit de vote. Or le fait de constituer un groupe reconnu à la Chambre des représentants (c’est-à-dire de compter au moins cinq députés fédéraux) ne suffit pas à assurer le droit de vote dans les commissions permanentes. En effet, celles-ci sont chacune composées de 17 membres. Les nominations se faisant à la représentation proportionnelle des groupes politiques au sein de l’assemblée plénière, ces groupes doivent donc atteindre un seuil naturel d’environ 8 à 9 députés fédéraux pour voir au moins l’un de leurs membres siéger en commission permanente avec voix délibérative  [62]. Quant aux groupes – reconnus ou non – comptant un nombre insuffisant de députés fédéraux, ils peuvent envoyer certains de leurs membres siéger en commission permanente mais sans y disposer d’une voix délibérative ; il en va de même des députés indépendants. Ainsi, à la fin de la législature 2014-2019, le groupe N-VA (31 députés) disposait de 4 membres dans chacune des onze commissions permanentes, le groupe PS (23 députés) de 3 membres, le groupe MR (20 députés) de 3 membres, le groupe CD&V (18 députés) de 2 membres, le groupe Open VLD (14 députés) de 2 membres, le groupe SP.A (13 députés) de 1 membre, le groupe Écolo–Groen (12 députés) de 1 membre et le groupe CDH (9 députés) de 1 membre, tandis que, en ce qui concerne les groupes non reconnus, le groupe VB (3 députés) disposait de 1 membre sans voix délibérative dans 3 commissions, le groupe PTB-Go! (2 députés) dans 2 commissions, le groupe Défi (2 députés) dans 6 commissions, le groupe Vuye&Wouters dans 2 commissions et le groupe PP (1 député) dans 3 commissions  [63].

88 La docilité dont fait preuve la Chambre face aux décisions des commissions va plus loin que le seul amendement de textes. En toute hypothèse, la séance plénière suit le jugement de la commission, qu’il s’agisse d’adopter ou de rejeter un texte. Dans une assemblée fonctionnant de manière efficace et où la majorité politique en plénière se reflète dans la composition des commissions permanentes, il n’y a là rien que de très logique.

89 Si une commission décide d’adopter un projet ou une proposition de loi, la Chambre procède ensuite en séance plénière à une discussion générale et à une discussion des articles sur la base du texte adopté par la commission, avec en point d’orgue le vote final en plénière. Si la commission rejette un texte, la séance plénière de la Chambre n’examine que la seule proposition de rejet (et encore : uniquement si l’auteur en fait la demande expresse). Lorsque la Chambre, en séance plénière, procède au vote final d’un texte de loi, c’est en règle générale un texte qui a reçu préalablement l’approbation de la commission.

90 Le plus souvent, le vote des articles est le contre-reflet du vote sur l’ensemble du texte. En effet, le vote des articles ne conduit presque jamais à un résultat positif, car il se limite aux articles dits réservés, c’est-à-dire aux articles ayant fait l’objet de propositions d’amendement (les autres articles étant censés avoir été approuvés). En revanche, le vote sur l’ensemble entraîne toujours l’adoption : sur 4 396 votes finaux sur des textes législatifs (en ce compris le budget), il y a eu au total, entre 1995 et 2019, 4 384 adoptions (soit 99,7 %).

91 La Chambre a rejeté à six reprises, en séance plénière, un projet ou une proposition de loi antérieurement approuvé par la commission, à chaque fois sous le gouvernement Verhofstadt I (pendant la législature 1999-2003)  [64]. Parallèlement, par trois fois, la Chambre a rejeté en séance plénière un projet qui avait déjà été repoussé en commission. Dans chaque cas, il s’est agi d’un projet initié et transmis par le Sénat dans un domaine de compétence où la Chambre a constitutionnellement le dernier mot, et que la Chambre n’a pas souhaité approuver. Depuis 1993, la Constitution demande dans ce cadre une « décision définitive » de la Chambre, et le rejet en commission ne suffit donc pas. La séance plénière de la Chambre doit explicitement décider du rejet  [65]. À trois reprises enfin, une loi à prendre à la majorité spéciale, après avoir été adoptée en commission, a recueilli en plénière une majorité des voix mais ni la majorité globale des deux tiers ni la majorité dans chaque groupe linguistique, requises par la Constitution  [66]. Pour sa part, une commission décide toujours à la majorité simple, même en cas de révision de la Constitution ou d’une loi spéciale, alors que la séance plénière de la Chambre est liée aux impératifs de la majorité spéciale  [67].

92 Si la commission a rejeté un projet ou une proposition, le débat en séance plénière de la Chambre se limite à la proposition de rejet. Le plus souvent, c’est là une formalité et la majorité en séance plénière suit la majorité antérieure en commission. De 1995 à 2019, la Chambre s’est prononcée à 114 reprises, en séance plénière, sur une proposition de rejet ; elle a suivi 108 fois l’avis de la commission (94,7 %). Nulle surprise à cela, que le rapport de force entre la majorité et l’opposition étant à peu près le même en séance plénière qu’en commission. Trois des six exceptions sont intervenues en période d’affaires courantes, quand la discipline majoritaire ne procure pas, en plénière, la prévisibilité accoutumée. C’est ainsi que la Chambre n’a pas accepté en séance plénière, le 25 avril 2019 – dernière séance plénière de la législature –, le rejet d’une proposition de loi relative à la vente de tabac aux mineurs. Mais le renvoi en commission n’avait plus aucun sens. La Chambre ne s’est alors pas limitée à poursuivre la discussion en séance plénière : elle a adopté la proposition rejetée en commission (par 118 voix et 16 abstentions)  [68].

5.2.3. La flibuste

93 Lorsque des votes nominatifs interviennent en grand nombre dans le cadre du vote par article d’un même texte de loi, c’est là selon toute vraisemblance le résultat de la décision de l’opposition de ralentir au maximum l’examen parlementaire d’un projet ou d’une proposition de loi émanant de la majorité. En d’autres termes, il s’agit d’épuiser l’ensemble des procédures parlementaires afin de reporter au plus tard possible le vote final  [69]. Semblable obstruction parlementaire systématique ou flibuste (c’est le mot, largement connu, utilisé au Congrès états-unien) constitue l’arme ultime de l’opposition et n’est donc employée que très exceptionnellement. Elle révèle la profondeur des tensions politiques dans l’assemblée, où l’opposition accepte généralement que la majorité réalise son programme à la condition d’avoir l’opportunité de la critiquer et de pouvoir donner un écho à ces critiques. Tout ce qui contribue à gaspiller le temps dont disposent les parlementaires peut être mis à profit dans le cadre de la flibuste. Le temps de parole en commission et en séance plénière est un choix évident, mais le règlement de la Chambre limite le temps de parole des orateurs. Par contre, il n’y a pas de limite au nombre d’amendements qu’un membre peut déposer à un texte de loi. Moyennant l’appui de cinq membres, chaque amendement fait l’objet d’un examen en séance plénière, avec un temps de parole de cinq minutes pour son auteur  [70].

94 Les amendements consomment le temps parlementaire par deux fois : la première fois lorsqu’ils sont exposés dans le cadre de la discussion des articles, et la seconde fois – même si c’est dans une mesure moindre, vu le gain de temps résultant de l’emploi de la machine de vote – lors du vote nominatif. Dans l’histoire parlementaire récente, l’exemple le plus connu d’une obstruction réalisée au moyen d’amendements déposés en masse est celui de Rik Daems (VLD) et de ses multiples amendements à l’un des projets de loi-cadre du gouvernement Dehaene II en juillet 1996 ; le nombre d’amendements au projet de loi visant à réaliser les conditions budgétaires de la participation de la Belgique à l’Union économique et monétaire européenne s’est effectivement monté à 2 443 unités  [71]. Mais ce chiffre ne dit rien du nombre de votes nominatifs demandés en séance sur ces amendements par l’opposition. Car c’est à l’auteur qu’il revient de justifier systématiquement les amendements et de demander qu’ils fassent l’objet d’un vote nominatif (avec l’appui d’au moins quatre autres membres). Le 20 juillet 1996, les 2 443 amendements ont finalement débouché sur 161 votes nominatifs sur une même loi, y compris le vote sur l’ensemble. Ce n’est pas là un record au cours de la période étudiée. L’honneur en revient au projet de loi portant modernisation de la sécurité sociale et assurant la viabilité des régimes légaux des pensions, une autre loi-cadre du gouvernement Dehaene II examinée juste avant les congés parlementaires d’été de 1996. Le 10 juillet 1996, 455 amendements déposés ont donné lieu à une séance plénière avec 244 votes nominatifs, dont 242 consacrés au projet de loi en question  [72].

Tableau 7. Liste des vingt lois ayant présenté le plus grand nombre de votes nominatifs par article (1995-2019)

Tableau 7. Liste des vingt lois ayant présenté le plus grand nombre de votes nominatifs par article (1995-2019)

Tableau 7. Liste des vingt lois ayant présenté le plus grand nombre de votes nominatifs par article (1995-2019)

95 Le « top 3 » des lois ayant fait l’objet du plus grand nombre de votes par article se compose donc intégralement, et de loin, des trois projets de loi-programme du gouvernement Dehaene II à l’été 1996, que dénonçait furieusement l’opposition libérale. On trouve également dans cette liste les projets de loi spéciale concernant les réformes de l’État de 2001 ; la législation relative à la nationalité, qui a fait l’objet de nombreux amendements du Vlaams Blok/Vlaams Belang ; les réformes socio-économiques du gouvernement Michel I ; la loi sur l’euthanasie à l’époque du gouvernement Verhofstadt I.

96 Mais les textes législatifs à haute portée symbolique ne font pas tous l’objet d’une bataille d’amendements en séance plénière, loin de là. Ainsi, aucun amendement n’a été déposé au projet de loi, transmis par le Sénat, sur l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe et il n’y a donc pas eu de discussion des articles  [73]. De même, seuls trois articles du projet de loi visant à accorder le droit de vote aux élections communales à des étrangers, qui a failli entraîner la chute du gouvernement Verhofstadt II en 2004, ont fait l’objet d’une discussion distincte  [74].

5.2.4. Le vote de confiance au gouvernement

97 Les votes nominatifs qui se rapportent au contrôle parlementaire sur le gouvernement – les motions déposées par des membres après des interpellations ou après une déclaration du gouvernement – débouchent presque tous sur l’adoption de la motion mise aux voix : 98,0 % (cf. Tableau 6). Cette catégorie de votes nominatifs se compose quasi entièrement de votes sur des motions en conclusion d’une interpellation : sur 1 680 votes nominatifs de cette catégorie, 1 645 concernent des interpellations (97,9 %) et 35 seulement des déclarations du gouvernement (2,1 %).

98 Il est vrai que la déclaration gouvernementale est un événement relativement rare. Lors de l’entrée en fonction d’un nouveau gouvernement fédéral, le Premier ministre expose devant la Chambre le programme de sa coalition, sur lequel il demande la confiance  [75]. Depuis 1993, existe en outre la tradition d’une déclaration de politique annuelle, en septembre ou en octobre, contenant les orientations pour la session parlementaire à venir. Sauf ces deux moments phares de la vie parlementaire, les déclarations ou communications du gouvernement – accompagnées d’un vote sur une motion demandant la confiance – sont devenues extrêmement exceptionnelles dans le cours d’une session. Le dernier vote de confiance après une déclaration du gouvernement qui n’ait pas suivi la formation du gouvernement ou la déclaration de politique annuelle à l’entame de l’année parlementaire date de 2005, après l’échec des négociations politiques sur la scission de la circonscription électorale de Bruxelles–Hal–Vilvorde  [76]. Seuls peuvent être mis aux voix, en conclusion d’un débat sur une déclaration du gouvernement, deux types de motion : la motion de confiance déposée par le gouvernement et des motions de méfiance (constructives ou non) déposées par des députés, la motion de confiance ayant la priorité  [77]. Une motion de méfiance suivant une déclaration n’a donc de chance d’aboutir que si la motion de confiance fait l’objet d’un vote négatif ou si le gouvernement n’en a pas déposé. De ce cas de figure, il n’existe qu’un seul précédent : après la déclaration gouvernementale du 23 avril 1998 suivant l’évasion de Marc Dutroux, il n’y a pas eu de motion de confiance et la Chambre s’est bornée à rejeter la motion de méfiance.

99 Quand le gouvernement vient devant la Chambre avec une déclaration – a fortiori une déclaration gouvernementale avec présentation de l’accord de gouvernement d’un nouvel exécutif –, tous les groupes de la majorité gouvernementale l’adoptent. Ne pas le faire creuserait, dans le système parlementaire belge, une fracture profonde à l’intérieur de la « majorité » et entraînerait sans doute la dissolution abrupte de la coalition gouvernementale. On n’en trouve pas d’exemples entre 1995 et 2019 (et pas davantage en remontant dans le temps : en mars 1946, le gouvernement Spaak II n’obtint pas le soutien de la majorité des députés lors de son premier contact avec la Chambre, mais c’était un gouvernement minoritaire). La motion de confiance ne doit pas rassembler – contrairement à la motion de méfiance constructive – la majorité absolue des membres (76 voix) : la majorité des voix suffit. Pourtant, aucune motion de confiance n’a été adoptée entre 1995 et 2019 par moins de 76 voix. Sans doute la majorité met-elle un point d’honneur à ce qu’il en soit ainsi. Cependant, le gouvernement Di Rupo, qui disposait pourtant d’une majorité confortable, n’a pu compter que sur 76 voix en novembre 2012, après le débat sur la déclaration de politique annuelle  [78]. Le (fugace) gouvernement intérimaire Verhofstadt III (CD&V/MR/PS/Open VLD/CDH) et le gouvernement Leterme I (même composition) sont ceux qui ont obtenu, respectivement en décembre 2007 et en mars 2008, le soutien de la majorité la plus large lors du vote de la motion de confiance sur le programme de gouvernement, avec à chaque fois 97 voix pour  [79]. Mais de larges majorités ne sont pas nécessairement synonymes de garantie de stabilité ni de succès.

100 La Chambre doit trancher les motions de confiance ou de méfiance, que ce soit en conclusion d’un débat sur une déclaration ou sur une interpellation, par un vote nominatif  [80]. Entre 1995 et 2019, la Chambre n’a mis aux voix aucune motion de méfiance constructive. La réforme de 1993, avec ses aspects complexes, s’est donc avérée être jusqu’ici une mesure pour rien. Au demeurant, rien n’empêche le gouvernement fédéral de présenter lui-même sa démission, sans qu’il y ait eu un signal en ce sens de la Chambre (par exemple, dans le scénario – réaliste – d’un désaccord entre partis de la majorité).

101 La démission du gouvernement minoritaire Michel II, présentée en séance le 18 décembre 2018, dix jours après la démission des ministres N-VA et donc dix jours également après la perte d’une majorité en séance plénière de la Chambre, doit faire ici l’objet d’une mention spéciale. Sans l’appui de la N-VA, ce « gouvernement résiduel » ne pouvait compter que sur l’appui des 52 membres des groupes MR, CD&V et Open VLD. Dans ces circonstances, le Premier ministre a jugé préférable de ne pas faire de déclaration pour demander la confiance. Lorsque le gouvernement a été interpellé, le 18 décembre 2018, sur la crise gouvernementale et que les groupes de l’opposition ont annoncé qu’ils déposeraient des motions de méfiance, le Premier ministre a choisi de ne pas faire procéder à un vote. Il n’a pas déposé lui-même de motion de confiance mais a annoncé la démission du gouvernement, avant même que le président de la Chambre ait pu donner lecture de motions de méfiance qui auraient éventuellement été déposées  [81].

102 Contrairement au débat sur une déclaration du gouvernement, l’interpellation est effectivement une pratique courante à la Chambre des représentants. Après les votes sur la législation, les votes nominatifs les plus fréquents à la Chambre, pour la période 1995-2019, sont ceux qui ont lieu en conclusion d’une interpellation (avec 1 645 cas). Néanmoins, on constate sur l’ensemble de la période étudiée une baisse manifeste du nombre de ces votes. Au tableau 5, le nombre de votes nominatifs dans la catégorie « Gouvernement » passe de 436 pour la législature 1995-1999 à 166 pour la législature 2014-2019. Pour mémoire, les chiffres de cette catégorie concernent, dans 97,9 % des cas, des motions déposées en conclusion d’une interpellation. Certes, il y a eu de longues périodes (2007, 2010-2011, 2018-2019) durant lesquelles il n’était pas possible d’interpeller le gouvernement, car celui-ci était déjà démissionnaire. Mais la durée des périodes de gouvernements en affaires courantes ne suffit pas pour expliquer la baisse du nombre d’interpellations.

103 La doctrine considère que l’interpellation est un instrument politique de première importance, parce qu’elle met en cause la confiance envers le gouvernement. Mais en réalité, un parlementaire peut recueillir davantage d’attention (de la part des médias) par une question orale au cours de l’heure hebdomadaire des questions en séance plénière de la Chambre qu’en déposant une interpellation. Pendant l’heure des questions, il est possible d’embrayer sans réserve sur l’actualité du jour – les questions peuvent être déposées jusqu’à 11 heures du matin – et, ce qui n’est pas moins intéressant, la presse écrite et audiovisuelle est fort attentive à ce qui s’y dit. Par contre, une fois déposée, une demande d’interpellation doit passer d’abord par la conférence des présidents et elle n’est presque jamais développée en séance plénière  [82]. Lorsqu’une interpellation « d’intérêt politique général ou particulier » vient malgré tout à se retrouver à l’ordre du jour de la séance plénière – l’appui de 30 membres suffit à cette fin  [83] –, les caméras de télévision installées pour l’heure des questions ont généralement déjà été remballées  [84].

104 Par comparaison avec le débat sur une déclaration gouvernementale, il est loisible aux membres de déposer, en conclusion d’un débat sur une interpellation, plusieurs sortes de motion. Ils peuvent déposer une motion de méfiance, constructive ou non, mais peuvent également déposer une motion de recommandation ou une motion pure et simple  [85]. Mais au moment du vote, cette large gamme de possibilités n’est guère apparente : sur 1 645 votes, 1 564 (95,1 %) ont eu pour objet une motion pure et simple. Cette motion a priorité sur les autres motions susceptibles d’être déposées par les députés (méfiance, recommandation) et évite toute prise de position sur le fond : le débat sur l’interpellation est clos, sans plus. Cela arrange bien la majorité gouvernementale, précisément parce que la motion pure et simple ne dit rien du fond du dossier.

105 Tout comme pour la motion de confiance, il est d’usage que les membres de la majorité adoptent la motion pure et simple, lorsqu’elle est déposée. Sur les 1 564 motions de ce type qui ont été mises aux voix, pas moins de 1 560 ont été adoptées (99,7 %). Le 14 mai 1998, la majorité a rejeté une motion de cet ordre, mais par erreur. La motion de recommandation, qui de ce fait avait une chance d’être approuvée, a également été rejetée, une fois la majorité remise sur les rails  [86]. Le 19 novembre 1998, la majorité a fait de même, mais cette fois volontairement. En effet, le Vlaams Blok avait choisi d’utiliser la motion pure et simple en guise de tactique parlementaire  [87]. Le 20 mars 2003, par contre, le rejet de la motion pure et simple a révélé de véritables failles dans la discipline de vote de la majorité arc-en-ciel (gouvernement Verhofstadt I) – et cela dans les dernières semaines de la législature, ce qui n’était pas un hasard. La majorité avait alors interpellé le ministre de l’Intérieur, Antoine Duquesne (PRL), et des membres de la majorité (groupes Écolo–Agalev et SP.A) avaient signé une motion de recommandation. La Chambre a rejeté la motion pure et simple déposée par un député appartenant au parti du ministre, et elle a fait de même avec la motion de méfiance déposée par l’opposition et avec la motion de recommandation soutenue par le groupe Écolo–Agalev et le groupe SP.A  [88]. Le 6 mars 2008, un groupe de la majorité (à savoir le groupe CD&V–N-VA) a refusé d’adopter une motion pure et simple après une interpellation de nature communautaire développée par un élu du Vlaams Belang  [89]. Sauf ces quelques exceptions, le dépôt d’une motion pure et simple a, de façon générale, débouché sur la clôture du point de l’ordre du jour, sans autre forme de procès.

106 La motion pure et simple dispense la Chambre de se prononcer sur le sujet qui a été mis aux voix. C’est précisément pour ce motif que, lors de la législature 1995-1999, le groupe Écolo–Agalev, alors dans l’opposition, a expressément demandé la suppression de cette motion. Mais une (large) majorité des membres de la commission spéciale du règlement n’a rien voulu savoir. Les partisans de cet instrument s’en sont expliqués : « Ils indiquent tout d’abord que, dans notre pays, tous les gouvernements sont des gouvernements de coalition. Les décisions de ces gouvernements sont donc pratiquement toujours des compromis. Par une utilisation judicieuse des motions de méfiance, l’opposition peut presque toujours mettre à nu les faiblesses de ces compromis atteints au prix de laborieuses discussions et semer la discorde au sein de la majorité. La motion pure et simple est par conséquent indispensable pour éviter que, dans certains cas, les partis de la majorité soient placés devant un choix déchirant entre leur programme politique et la survie du gouvernement »  [90]. Au cours de la séance plénière du 23 janvier 1997, les membres du groupe Écolo–Agalev ont annoncé, par la voix de leur chef de groupe, qu’ils s’abstiendraient désormais systématiquement lors du vote de semblables motions, en attendant la suppression de la motion pure et simple, « parce que c’est un vote qui ne signifie rien »  [91]. Mais de 1999 à 2003, Écolo et Agalev ont eux-mêmes fait partie du gouvernement. Après 1999, la nouvelle majorité a continué à recourir à la motion pure et simple, et y ont figuré dorénavant les signatures de membres du groupe Écolo–Agalev. Celui-ci s’est efforcé, en procédant à des abstentions systématiques – non pas de l’ensemble du groupe il est vrai, mais uniquement de son/de ses président(s) – de contrer les critiques que n’ont pas manqué de lui adresser les partis de l’opposition  [92].

107 La seule motion qui a priorité, lors du vote, sur la motion pure et simple est la motion de confiance déposée par le gouvernement. Généralement, la majorité se satisfait de la motion pure et simple après une interpellation. Au cours de la période étudiée, le gouvernement n’a posé la question de confiance qu’une seule fois après une interpellation. Il l’a fait en août 2002, pour l’interpellation sur les fournitures d’armes au Népal  [93], un dossier politiquement très délicat qui avait entraîné la démission de la ministre de la Protection de la consommation, de la Santé publique et de l’Environnement, Magda Alvoet (Agalev).

108 C’est seulement lorsqu’il n’y a pas dépôt ou adoption d’une motion de confiance (par le gouvernement) ou d’une motion pure et simple (par des membres de la majorité) que l’interpellation peut déboucher sur des motions de recommandation ou de méfiance. La Chambre n’a mis aux voix une motion de méfiance qu’à quatre reprises : deux fois le 6 février 1997 après des interpellations sur l’affaire de corruption « Dassault », le 19 octobre 2000 sur la politique d’asile – quand la majorité a elle-même déposé une motion de recommandation, au lieu de la motion pure et simple habituelle – et, enfin, le 20 mars 2003 quand la motion pure et simple a été repoussée avec l’appui d’une partie de la majorité (cf. supra)  [94].

109 Restent 76 votes nominatifs sur des motions de recommandation. Ce sont des motions qui ne se prononcent pas sur la confiance au gouvernement, mais qui permettent à la Chambre de prendre position sur l’objet de l’interpellation. Bien que de telles motions ne contraignent pas le gouvernement à la démission, la majorité s’en méfie et elles sont le plus souvent éclipsées par le dépôt routinier de la motion pure et simple, et ce de plus en plus fréquemment au fil du temps. Sur les 76 votes de motions de recommandation, 44 datent de la législature 1995-1999, soit plus que dans les vingt années qui suivent. Ce type de vote s’est présenté encore à 18 reprises sous le gouvernement Verhofstadt I, puis respectivement sept et six fois pendant les législatures 2003-2007 et 2007-2010 et, enfin, une seule fois sous le gouvernement Michel I. De plus, le fait que la motion soit mise aux voix n’implique pas nécessairement qu’elle soit adoptée. Pendant la période étudiée, tel n’a été le cas qu’à 52 reprises, et ce pour la dernière fois en juin 2009, sous le gouvernement Van Rompuy (CD&V/MR/PS/Open VLD/CDH)  [95].

6. Les votes

110 La Chambre des représentants décide par vote nominatif sur un large éventail de points possibles de son ordre du jour (législation, budget, interpellations, questions de procédure, résolutions, etc.). Par opposition au vote secret – qui a par exemple été utilisé pendant longtemps au parlement italien – et au vote par assis et levé, le vote nominatif offre la possibilité de vérifier par la suite quelle majorité a rejeté ou adopté un texte.

6.1. Les votes unanimes

111 Le tableau 8 reprend la catégorisation des votes nominatifs du tableau 6, s’intéressant cette fois aux votes unanimes. Sur l’ensemble des votes nominatifs, la Chambre a voté à l’unanimité, en séance plénière, à 1 437 reprises (10,7 %). Sans surprise, il s’est agi à chaque fois de cas où la Chambre a adopté le point mis aux voix. Au cours de la période étudiée, il n’y a pas eu de rejet ou d’abstention unanime. Le tableau montre que le vote final sur la législation représente 1 184 votes unanimes, soit 82,4 % des votes unanimes et 26,9 % du nombre total de votes nominatifs lors d’un vote final sur la législation. Il est vrai que les votes nominatifs sur la législation sont une catégorie importante (4 395 cas, soit près d’un tiers de tous les votes nominatifs), et qu’il est en outre relativement fréquent d’y rencontrer des votes unanimes. Aussi les votes finaux sur la législation sont-ils les seuls, avec les motions de confiance et de méfiance, qui doivent faire l’objet sans exception d’un vote nominatif en séance plénière. Dans le cas des motions de confiance ou de méfiance envers le gouvernement, les divergences entre majorité et opposition trouvent bien évidemment à s’exprimer, et nul ne s’attend à ce qu’un tel vote soit unanime. Par contre, la Chambre peut être d’accord, par-delà tous les groupes, sur la tendance d’un projet ou d’une proposition de loi. Pourtant, la Constitution prévoit un vote nominatif. Cela distingue le vote final sur les lois des autres catégories. Dans le cas des votes par article sur des amendements ou des articles réservés, des questions de procédure, etc., le simple fait qu’il soit procédé à un vote nominatif laisse supposer qu’il y a divergence. Sinon, la Chambre aurait pu décider par assentiment unanime ou par assis et levé.

Tableau 8. Nombre de votes nominatifs unanimes, selon la répartition thématique des votes nominatifs (1995-2019)

Tableau 8. Nombre de votes nominatifs unanimes, selon la répartition thématique des votes nominatifs (1995-2019)

Tableau 8. Nombre de votes nominatifs unanimes, selon la répartition thématique des votes nominatifs (1995-2019)

112 Le règlement de la Chambre n’impose pas de vote nominatif sur l’ensemble d’une résolution. Par analogie avec le vote final sur la loi, il est cependant d’usage que la Chambre vote nominativement sur l’ensemble des résolutions. Le pourcentage de votes unanimes, pour le vote des articles et le vote sur l’ensemble des résolutions, approche celui de la législation. Pas moins de 29,2 % des résolutions ont été adoptées à l’unanimité dans la période 1995-2019 lors du vote final, chiffre encore plus élevé que celui de la législation.

113 Le résultat global des votes finaux, que ce soit sur les lois ou des résolutions, est réparti dans le graphique 2 selon la session parlementaire, à l’exception des sessions extraordinaires – vu le faible nombre de votes finaux lors de ces sessions. Il s’avère que la Chambre adopte à l’unanimité de 20 à 30 % des lois pendant la plupart des sessions, avec une seule pointe (à 40,5 %) lors de la session 2003-2004. La présence des groupes de l’opposition, même de groupements politiques qui ne se situent pas au centre ou qui ne sont pas susceptibles de participer à court terme au gouvernement (VB, FN et plus récemment PP ou PTB-PVDA), n’empêche pas qu’il y ait un certain niveau de consensus à la Chambre.

Graphique 2. Pourcentage des votes finaux nominatifs unanimes sur la législation (y compris le budget) et les résolutions, par session (1995-2019, hors sessions extraordinaires)

Graphique 2. Pourcentage des votes finaux nominatifs unanimes sur la législation (y compris le budget) et les résolutions, par session (1995-2019, hors sessions extraordinaires)

Graphique 2. Pourcentage des votes finaux nominatifs unanimes sur la législation (y compris le budget) et les résolutions, par session (1995-2019, hors sessions extraordinaires)

114 La part des résolutions adoptées à l’unanimité suit, dans les grandes lignes, celle de la législation. Les pointes vers le bas au cours de la session 2005-2006 et vers le haut lors de la session 2009-2010 sont dues au faible nombre de résolutions mises aux voix (respectivement 6 et 8), ce qui fait que des nombres peu élevés entraînent des variations importantes en pourcentages. Une autre constatation frappante est la rupture qui intervient au cours de la dernière session de la période étudiée. Ainsi, en 2018-2019, aucune des 20 résolutions mises aux voix n’a été adoptée à l’unanimité ; l’explication réside dans la position politique du groupe N-VA. En effet, une résolution est généralement rédigée sous la forme d’une demande d’action adressée au gouvernement fédéral. En 2019, la N-VA a refusé de donner son accord à des résolutions, quel qu’en soit le contenu. Il s’agissait en effet d’une période d’affaires courantes, à gérer par un gouvernement minoritaire et démissionnaire depuis décembre 2018  [96].

115 Il est enfin à noter qu’un vote unanime ne signifie pas toujours qu’il n’y a pas d’opposition. C’est ainsi que, le 29 mars 2001, la révision de l’article 184 de la Constitution a été adoptée à l’unanimité des 99 présents par la séance plénière de la Chambre, après que les groupes PSC, CVP et Vlaams Blok avaient quitté la salle pour déjouer les plans de la majorité en n’assurant pas le quorum. En effet, un vote unanime avec 99 membres ne constitue pas un quorum suffisant pour réviser la Constitution (présence requise des deux tiers des membres, soit 100). Ironiquement, Y. Leterme – membre de l’opposition qui se trouvait dans la salle afin de signaler à la majorité l’absence de quorum – a aussitôt été compté par le président parmi les présents  [97].

6.2. La majorité gouvernementale

116 Dans le système politique belge – où il n’existe pas de séparation stricte entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif et où le pouvoir exécutif n’est pas directement élu par la population mais dépend d’une majorité parlementaire –, la majorité gouvernementale forme l’axe central du fonctionnement du Parlement. Parallèlement, la coalition qui forme le gouvernement et qui doit obtenir le soutien d’une majorité parlementaire est liée à l’accord conclu pour constituer le gouvernement. Cet accord fixe les choix politiques – et donc aussi un programme législatif – dans un large éventail de domaines pour le reste de la législature. Un tel accord, qui suppose que les différents partis de la coalition fassent tous des concessions, ne peut aboutir que si les partis peuvent compter sur son exécution loyale, y compris dans l’arène parlementaire.

117 Le tableau 9 illustre le degré de fiabilité des partenaires de coalition. Dans la colonne « Majorité divisée », ce tableau mentionne le nombre de votes nominatifs où un groupe soutenant le gouvernement s’écarte des autres groupes de la coalition (le vote émis par un groupe étant défini comme le vote émis par la majorité des membres de ce groupe). Attention toutefois : le chiffre se rapporte au nombre de votes nominatifs, et non au nombre de groupes. Lors d’un vote nominatif, la « dissidence » au sein de la majorité n’est donc pas nécessairement limitée à un seul groupe. Le tableau 9 ne dit rien non plus quant aux votes dissidents individuels dans les rangs de la majorité. Il n’examine que le nombre de prises de positions divergentes des groupes soutenant le gouvernement (ou, plus précisément, de la majorité des membres de ces groupes). Au cours de la période 1995-2019, semblable division de la majorité s’est avérée très rare : elle n’a pu être constatée que dans 332 votes nominatifs sur 13 397, soit 2,5 %.

118 Comme souvent, la moyenne générale dissimule des variations sous-jacentes. C’est ainsi que sous le gouvernement Dehaene II (CVP/PS/SP/PSC) – lequel ne dispose que d’une majorité parlementaire relativement étroite –, elle n’est que de 32 votes sur 3 587, soit à peine 0,9 %. Sous le gouvernement Verhofstadt I (VLD/PS/Fédération PRL FDF MCC/SP/Écolo/Agalev) – où la majorité parlementaire est plus large mais les divergences idéologiques sont plus fortes entre libéraux, socialistes et écologistes –, elle passe à 2,7 % de tous les votes nominatifs (64 sur 2 402). En fait, les seules « pointes saillantes » dans ce tableau sont les trois périodes de gouvernement en affaires courantes : la session 2007-2008, quand le gouvernement Verhofstadt II (VLD/PS/MR/SP.A–Spirit) démissionnaire reste en place jusqu’au 21 décembre 2007, la session 2010-2011, sous le gouvernement en affaires courantes Leterme II (CD&V/MR/PS/Open VLD/CDH), et, enfin, la session 2018-2019, à l’époque du gouvernement minoritaire démissionnaire Michel II (MR/CD&V/Open VLD). Mais ces pointes restent relatives. C’est ainsi que, au cours de la session 2010-2011, le nombre de votes nominatifs avec majorité divisée reste limité à 16,0 % (54 votes sur 338). Même à ce moment, la majorité sortante – ou ce qui devait passer pour telle, car les partis libéraux s’attendaient alors à se retrouver dans l’opposition – a voté de façon disciplinée dans 84,0 % des cas.

Tableau 9. Nombre de votes nominatifs au cours desquels un groupe politique reconnu soutenant le gouvernement a voté de manière différente, par session, par législature et par gouvernement (1995-2019)

Tableau 9. Nombre de votes nominatifs au cours desquels un groupe politique reconnu soutenant le gouvernement a voté de manière différente, par session, par législature et par gouvernement (1995-2019)

Tableau 9. Nombre de votes nominatifs au cours desquels un groupe politique reconnu soutenant le gouvernement a voté de manière différente, par session, par législature et par gouvernement (1995-2019)

119 Le fait qu’un vote nominatif fasse apparaître une division dans les rangs de la majorité, c’est-à-dire que la plupart des membres d’au moins un des groupes soutenant le gouvernement émette un suffrage dissident, n’implique pas nécessairement le rejet de la position de la majorité. Par exemple, le groupe dissident peut compter trop peu de membres présents pour faire pencher la balance, ou le vote du groupe dissident peut être compensé par l’appui d’une partie de l’opposition. Dans ce dernier cas, on parle de « majorité de rechange ». Dans un gouvernement fédéral de coalition, une telle majorité de rechange peut constituer un réel problème en soi. C’est ainsi que, fin novembre 2018, le groupe Écolo–Groen offre au gouvernement Michel I une majorité de rechange face à l’hostilité de la N-VA – qui est l’un des partenaires de la coalition – pour faire adopter une résolution demandant que la Belgique signe le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières des Nations unies (Pacte dit de Marrakech)  [98]. Le président du groupe N-VA avertit aussitôt que cela signifierait la fin du gouvernement  [99]. La majorité de rechange adopte la résolution le 6 décembre 2018, grâce à l’appui de tous les groupes de l’opposition  [100]. Mais le 9 décembre, les trois ministres et les deux secrétaires d’État N-VA annoncent leur démission du gouvernement.

120 Dans les situations extrêmes, aucune majorité de rechange ne se présente en cas de divergences internes à la majorité, et la majorité de la Chambre vote différemment, en séance plénière, de ce que fait la « majorité » de la coalition gouvernementale, qui est alors mise en minorité. C’est un cas de figure fort rare : 78 fois sur 13 397 votes nominatifs (0,6 %), dont 35 fois sous le gouvernement Michel II (qui ne disposait pas d’une majorité, ce qui en fait un exemple marginal). Même chose pour les 13 votes du même type intervenus sous le gouvernement démissionnaire Verhofstadt II après les élections du 10 juin 2007.

121 Il n’arrive pratiquement jamais que la coalition gouvernementale se trouve mise en minorité sur un dossier législatif. Le 22 mai 1997, la « majorité » vote de façon totalement divisée sur le projet de loi (initialement proposition de loi) relatif à la protection du patrimoine culturel immobilier transmis à la Chambre par le Sénat : l’assemblée l’adopte malgré l’opposition des deux groupes socialistes, faisant tous les deux partie de la majorité gouvernementale  [101]. Le 18 décembre 2001, en raison de divergences internes à la majorité, la Chambre rejette le projet relatif à la déclaration de destination des cendres, transmis par le Sénat  [102]. Le 10 décembre 2002, la majorité est également divisée sur le report de l’entrée en vigueur de l’interdiction de la publicité pour les produits du tabac (la « loi Francorchamps »), qui finit par être rejetée  [103]. Le 1er avril 2003, la Chambre adopte, contre l’opposition des groupes socialistes et écologiste soutenant le gouvernement, le projet de loi modifiant la loi du 16 juin 1993 relative à la répression des violations graves du droit international humanitaire, transmis par le Sénat, et une proposition de loi relative à des produits de placement  [104]. Depuis 2003, il n’y a plus eu d’exemple d’un vote sur l’ensemble d’une loi qui fasse apparaître une différence de position entre la Chambre et la majorité gouvernementale (d’un gouvernement non démissionnaire). Le seul vote de cet ordre, sous le gouvernement Michel I, concerne ainsi une prise en considération – celle d’une proposition de résolution du Vlaams Belang visant à la partition de la Belgique – où le MR s’est associé aux votes négatifs des groupes de l’opposition ; la Chambre a rejeté la prise en considération  [105].

122 En résumé, la majorité n’agit que rarement en ordre dispersé, ce qui fait qu’il n’existe guère de marge de manœuvre pour d’éventuelles majorités de rechange, et le nombre de fois où la coalition gouvernementale est mise en minorité en séance plénière de la Chambre en raison de ses divergences internes est moins élevé encore. Pourtant, par définition, un accord de gouvernement ne peut, à l’entame de la législature, être exhaustif. De nombreux dossiers et problèmes politiques n’apparaissent que dans le courant de la législature ou ne sont pas explicitement réglés dans l’accord de gouvernement. Ce dernier, une fois négocié, n’est qu’une des facettes d’un gouvernement de coalition, lequel, dans le contexte belge, a pour règle générale de permettre aux partis qui soutiennent le gouvernement de rechercher un consensus sur ce qui vient à l’ordre du jour parlementaire. En 1992, le gouvernement Dehaene I (CVP/PS/SP/PSC) a même fait noter cette façon de faire dans l’accord de gouvernement : « Cet accord de gouvernement est délibérément succinct : il n’aborde pas tous les problèmes, mais le gouvernement est résolu à faire face de manière cohérente et déterminée à tous ceux qui sont de son ressort. Dans cet esprit, le gouvernement demandera au Parlement de poursuivre l’examen des projets de loi déjà déposés. En outre, pour les autres matières, les partis de la majorité ont convenu de s’en tenir à la règle classique au sein d’une majorité, qui consiste à traiter celles-ci sur la base d’un consensus au gouvernement et entre les groupes de la majorité au Parlement »  [106].

123 Il est à noter que l’une des façons de parvenir à un consensus entre les groupes de la majorité gouvernementale est ce que l’on appelle la réunion (ou concertation) de la majorité. Lors de ces réunions, les membres de la majorité, en liaison avec le cabinet du ministre compétent, organisent le travail appelé à se dérouler au sein d’une commission parlementaire. Il s’agit notamment de décider des propositions de loi qui seront traitées en priorité. Tout cela se fait dans la plus grande discrétion, et en aucun cas pendant les réunions (publiques) de la commission parlementaire concernée  [107].

6.3. La majorité gouvernementale et les deux groupes linguistiques

124 Le tableau 10 contient une catégorie particulière de votes nominatifs : le nombre de votes nominatifs où la position de la majorité gouvernementale ne reçoit pas l’appui d’une majorité dans un groupe linguistique de la Chambre. Les groupes linguistiques (français et néerlandais) ont vu le jour en même temps que le principe de la majorité spéciale, lors de la révision constitutionnelle de 1970 (première réforme de l’État), surtout pour rencontrer la crainte des francophones de se trouver politiquement minorisés dans les Chambres législatives. À cet effet, les groupes linguistiques remplissent un certain nombre de fonctions : ils forment la base de calcul de la majorité spéciale (majorité des deux tiers de la Chambre et majorité simple dans chaque groupe linguistique, avec de surcroît un quorum des présences dans chaque groupe linguistique) et une majorité des trois quarts au moins des membres d’un des groupes linguistiques peut suspendre la procédure parlementaire au moyen d’une motion motivée (« sonnette d’alarme »).

Tableau 10. Nombre de votes nominatifs où un groupe linguistique a voté différemment de la position de la majorité gouvernementale, par session, par législature et par gouvernement (1995-2019)

Tableau 10. Nombre de votes nominatifs où un groupe linguistique a voté différemment de la position de la majorité gouvernementale, par session, par législature et par gouvernement (1995-2019)

Tableau 10. Nombre de votes nominatifs où un groupe linguistique a voté différemment de la position de la majorité gouvernementale, par session, par législature et par gouvernement (1995-2019)

125 La composition des groupes linguistiques a été précisée dans la loi du 3 juillet 1971 relative à la répartition des membres des Chambres législatives en groupes linguistiques et portant diverses dispositions relatives aux Conseils culturels pour la Communauté culturelle néerlandaise et pour la Communauté culturelle française. Dans l’arrondissement bilingue de Bruxelles, par la suite de Bruxelles–Hal–Vilvorde et depuis 2014 de Bruxelles-Capitale, c’est la (première) langue du serment qui détermine le groupe linguistique auquel appartient le député.

126 Depuis 1970 est née, par-delà la signification constitutionnelle des groupes linguistiques, une réalité politique qui ne se retrouve pas dans la Constitution. À savoir que l’on cherche, quand est formé un gouvernement national – par la suite : fédéral –, à ce qu’il soit soutenu par une majorité dans chaque groupe linguistique des Chambres. Le gouvernement intervient, dans le cadre de la procédure de la sonnette d’alarme, comme une sorte de médiateur entre les deux grandes communautés linguistiques et, depuis 1970, le Conseil des ministres doit compter autant de ministres francophones que de ministres néerlandophones. Idéalement, de ce fait, il vaut mieux que le gouvernement fédéral bénéficie d’une légitimité démocratique dans les deux grandes communautés linguistiques.

127 Pourtant, vu les différences de rapports de force politiques en Belgique francophone et en Belgique néerlandophone, il est manifeste que l’appui dont dispose la coalition gouvernementale fédérale diffère dans les groupes linguistiques selon sa composition. Sous le gouvernement Dehaene II (CVP/PS/SP/PSC) et le gouvernement Verhofstadt II (VLD/PS/MR/SP.A–Spirit), il y a une certaine forme de symétrie : à peu de choses près, l’absence de soutien à la position de la majorité gouvernementale survient aussi souvent dans le groupe linguistique français que dans le groupe linguistique néerlandais. Il en va différemment sous le gouvernement Verhofstadt I (VLD/PS/Fédération PRL FDF MCC/SP/Écolo/Agalev) : hormis à neuf reprises, celui-ci a le soutien d’une majorité du groupe linguistique français. Dans le groupe linguistique néerlandais, la coalition arc-en-ciel n’a qu’un siège de plus que l’opposition réunie du CVP, de la Volksunie et du Vlaams Blok. Cette courte majorité lui fait défaut dans 229 votes sur 2 402 (9,5 %), suite à des absences au sein de la majorité ou à la constitution de majorités de rechange.

128 Après la rupture du cartel entre le CD&V et la N-VA, en septembre 2008, les élus de la N-VA passent à l’opposition. De ce fait, le gouvernement Leterme I (CD&V/MR/PS/Open VLD/CDH) – et, par la suite, aussi le gouvernement Van Rompuy et le gouvernement Leterme II (même composition) – perd la majorité dont il disposait dans le groupe linguistique néerlandais. Aussi cette rupture est-elle visible dans les chiffres du tableau 10. Après la formation du gouvernement Di Rupo en décembre 2011, la N-VA dénonce vigoureusement l’absence de majorité dans le groupe linguistique néerlandais. Pour le président de la N-VA, faute de majorité dans le groupe linguistique néerlandais, Elio Di Rupo (PS) ne peut être un Premier ministre légitime  [108]. En octobre 2014, on assiste à un renversement intégral – et plus marqué encore – avec la formation du gouvernement Michel I (N-VA/MR/CD&V/Open VLD), lorsque les libéraux francophones acceptent d’être le seul parti francophone à appartenir à la coalition fédérale. Du côté francophone, il n’est dès lors même plus question d’une courte majorité puisque le seul parti francophone soutenant le gouvernement ne représente même pas le tiers du groupe linguistique français. Pendant la législature 2010-2014, le gouvernement n’avait pas obtenu l’appui de la majorité dans le groupe linguistique néerlandais lors de 172 votes (9,1 %) ; pendant la législature 2014-2019, ce chiffre passe, pour le groupe linguistique français, à 1 513 votes nominatifs (56,1 %).

129 Sur l’ensemble de la période 1995-2019, les deux groupes linguistiques de la Chambre ont voté de manière différente dans 2 156 cas (sur 13 397, soit 16,1 %). Mais à cet égard, l’année 2014 constitue une césure. Avant le gouvernement Michel I, cette situation s’est présentée à 644 reprises (sur un total de 10 702 votes, soit 6,0 %) ; après les élections du 25 mai 2014, ce chiffre est passé à 1 512 unités sur 2 695 (soit 56,1 %). Au cours de la législature 2014-2019, il s’est agi presque exclusivement d’un gouvernement incapable de convaincre une majorité du groupe linguistique français. Cela n’a rien de surprenant, puisque, du côté francophone, le gouvernement n’est soutenu que par le MR (qui, en l’occurrence, détient 20 des 63 sièges du groupe linguistique français de la Chambre).

130 Les gouvernements fédéraux composés de manière à pouvoir s’appuyer sur une majorité dans chacun des deux groupes linguistiques – ce qui n’est pas un requis constitutionnel, mais un usage politique largement établi ou du moins généralement recherché – offrent une bien meilleure protection contre la minorisation d’un groupe linguistique que la composition paritaire du Conseil des ministres et la possibilité de lancer la procédure de sonnette d’alarme. En effet, cette « motion motivée » susceptible de suspendre la procédure parlementaire requiert une majorité des trois quarts de chaque groupe linguistique, que l’opposition francophone n’aurait pu rassembler entre 2014 et 2018  [109].

131 La seule application de la procédure de la sonnette d’alarme intervenue au cours de la période 1995-2019 a pris place le 29 avril 2010, contre les dispositions de la proposition de loi modifiant les lois électorales en vue de scinder la circonscription de Bruxelles–Hal–Vilvorde. Elle ne se retrouve pas dans les chiffres donnés ici, puisque le déclenchement de la sonnette d’alarme ne se fait pas au moyen d’un vote nominatif, mais par le dépôt d’une motion écrite signée  [110]. En l’occurrence, cette motion portait la signature de 61 des 62 députés francophones (Patrick Cocriamont, l’unique député du Front national, n’avait pas été sollicité par ses collègues)  [111].

6.4. Majorité versus opposition

132 Le tableau récapitulatif des votes nominatifs unanimes (Tableau 8) a montré que la Chambre parvient à une décision unanime dans environ 10 % des cas. Pour autant, cela ne veut pas dire que, dans les 90 % de cas restants, la majorité et l’opposition se font face, tels deux monolithes. En effet, l’unanimité peut être rompue ne serait-ce que par une seule voix dissidente, ou lorsque la majorité gagne à elle l’appui de certains des groupes de l’opposition mais non de tous. De façon générale, les groupes de la majorité sont tenus de respecter une discipline majoritaire : faire bloc pour défendre le consensus auquel est parvenue la coalition gouvernementale. Le tableau 9 a déjà illustré précédemment l’impact de cette règle non écrite, sur la base des quelques rares votes où la majorité n’a pas voté comme un seul homme.

133 En sens inverse, les groupes de l’opposition ne sont pas tenus à une « discipline » oppositionnelle du même genre. Bien au contraire, ils ont la possibilité d’adapter à chaque fois leur attitude selon le texte de la majorité qui est mis aux voix. Les groupes de l’opposition ont le choix : ils peuvent se rallier au texte de la majorité, s’y opposer par principe ou, à l’inverse, se dire d’accord mais voter contre ou s’abstenir parce que le texte, de leur point de vue, ne va pas assez loin. Généralement, leur position ne change rien aux chances d’aboutir d’un texte de la majorité. Les membres de l’opposition ne doivent pas davantage être présents lors du vote pour assurer le quorum nécessaire. Faire partie de l’opposition, c’est être exclu du pouvoir de décision. Mais cela présente l’avantage de garantir aux groupes et aux membres de l’opposition une plus grande liberté de manœuvre, comme le note explicitement Hervé Hasquin (MR) dans ses mémoires : « Mon parti était dans l’opposition. Rien de tel pour un parlementaire que de n’être pas lié à la discipline de vote au sein d’une majorité ! Quelle liberté d’intervention ! »  [112]

134 Les tableaux 11 et 12 donnent un aperçu – respectivement en chiffres absolus et en pourcentages – des votes nominatifs où un groupe s’est rallié à la position de la majorité gouvernementale, ou, pour le dire autrement, de la distance entre un groupe et la majorité.

135 Il n’y a pas de continuité dans ces chiffres : en pourcentage, les groupes soutenant le gouvernement se trouvent dans le cours d’une législature sur la même longueur d’ondes que la majorité dans 99 %, voire 100 % des cas. Par contre, les groupes de l’opposition suivent à forte distance. C’est ainsi que, lors de la dernière session de la législature 1995-1999, le groupe PRL–FDF et le groupe Écolo–Agalev, tous deux groupes d’opposition, ont voté comme la majorité relativement souvent : respectivement lors de 65,8 % et 60,3 % de tous les votes. C’est à la fois beaucoup, mais aussi bien moins que les partis de la majorité (quelque 99 %). Les chiffres se limitent, comme toujours, aux groupes reconnus de la Chambre.

136 Les pourcentages du tableau 12 peuvent être lus concomitamment avec la répartition dans l’espace des groupes de la Chambre sur un système d’axes (cf. les graphiques en nuages de points reproduits en annexe du présent Courrier hebdomadaire), la place des groupes sur l’axe horizontal indiquant la distance par rapport à la majorité gouvernementale, que l’on retrouve à chaque fois à droite sur l’axe horizontal.

Tableau 11. Nombre de votes au cours desquels un groupe politique reconnu a voté conformément à la position de la majorité gouvernementale, par session, par législature et par gouvernement (1995-2019)

Tableau 11. Nombre de votes au cours desquels un groupe politique reconnu a voté conformément à la position de la majorité gouvernementale, par session, par législature et par gouvernement (1995-2019)

Tableau 11. Nombre de votes au cours desquels un groupe politique reconnu a voté conformément à la position de la majorité gouvernementale, par session, par législature et par gouvernement (1995-2019)

1 PSC jusqu’au 21 mai 2002.
2 CVP jusqu’au 1er octobre 2001. CD&V–N-VA du 28 juin 2007 au 14 octobre 2008.
3 PRL–FDF jusqu’au 1er juillet 1999 ; PRL–FDF–MCC jusqu’au 25 mars 2002. Le groupe MR comprend le FDF jusqu’au 5 décembre 2011.
4 VLD jusqu’au 28 juin 2007.
5 SP jusqu’au 18 octobre 2001. SP.A–Spirit du 5 juin 2003 au 24 avril 2008 ; SP.A–Vl.Pro du 24 avril 2008 au 2 janvier 2009.
6 Écolo–Agalev jusqu’à la fin de la session 2002-2003 ; Écolo–Groen! du début de la session 2007-2008 jusqu’au 12 janvier 2012.
7 Volksunie jusqu’au 1er juin 1999 ; VU&ID jusqu’à la fin de la session 2002-2003.
8 Vlaams Blok jusqu’au 15 novembre 2004.

En grisé : partis politiques membres de la coalition gouvernementale.

Tableau 12. Pourcentage de votes au cours desquels un groupe politique reconnu a voté conformément à la position de la majorité gouvernementale, par session, par législature et par gouvernement (1995-2019)

Tableau 12. Pourcentage de votes au cours desquels un groupe politique reconnu a voté conformément à la position de la majorité gouvernementale, par session, par législature et par gouvernement (1995-2019)

Tableau 12. Pourcentage de votes au cours desquels un groupe politique reconnu a voté conformément à la position de la majorité gouvernementale, par session, par législature et par gouvernement (1995-2019)

1 PSC jusqu’au 21 mai 2002.
2 CVP jusqu’au 1er octobre 2001. CD&V–N-VA du 28 juin 2007 au 14 octobre 2008.
3 PRL–FDF jusqu’au 1er juillet 1999 ; PRL–FDF–MCC jusqu’au 25 mars 2002. Le groupe MR comprend le FDF jusqu’au 5 décembre 2011.
4 VLD jusqu’au 28 juin 2007.
5 SP jusqu’au 18 octobre 2001. SP.A–Spirit du 5 juin 2003 au 24 avril 2008 ; SP.A–Vl.Pro du 24 avril 2008 au 2 janvier 2009.
6 Écolo–Agalev jusqu’à la fin de la session 2002-2003 ; Écolo–Groen! du début de la session 2007-2008 jusqu’au 12 janvier 2012.
7 Volksunie jusqu’au 1er juin 1999 ; VU&ID jusqu’à la fin de la session 2002-2003.
8 Vlaams Blok jusqu’au 15 novembre 2004.

137 L’opposition « vigilante mais constructive »  [113] de la Fédération PRL FDF face au gouvernement Dehaene II (CVP/PS/SP/PSC) au cours de la législature 1995-1999 est visible dans les chiffres des tableaux 11 et 12 (cf. aussi Annexes 1 à 4). Le parti libéral francophone vote de plus en plus fréquemment avec la majorité à mesure que la législature progresse (et, dans les graphiques en annexe, se retrouve donc de plus en plus proche de la majorité sur l’axe horizontal), tandis que son parti frère, le VLD, choisit de mener une opposition plus dure. Le Vlaams Blok est le parti qui marque la plus grande « distance » par rapport à la majorité.

138 En 1999, arrive au pouvoir le gouvernement Verhofstadt I (VLD/PS/Fédération PRL FDF MCC/SP/Écolo/Agalev) ; il est formé d’une coalition alors inédite, dite arc-en-ciel. Les tensions au sein de cette majorité apparaissent un tant soit peu quand sa cohésion s’effrite lors de la dernière session de la législature 1999-2003, lors de laquelle tous les groupes soutenant le gouvernement ne suivent pas la majorité dans une dizaine de votes. Sur le nuage de points de la session 2002-2003 (Annexe 8), la position des groupes de la majorité est devenue beaucoup plus diffuse. Pendant cette législature, c’est, parmi les groupes de l’opposition, le groupe PSC/CDH qui se trouve le plus proche de la majorité, plus encore que le groupe Volksunie. Ce dernier point est quelque peu étonnant car, en 1999, la Volksunie a été nécessaire pour la formation d’une majorité analogue au niveau flamand (à savoir le gouvernement flamand Dewael : VLD/SP/Agalev/Volksunie), renvoyant là aussi le CVP dans l’opposition. Pourtant, les chiffres ne permettent nullement d’inférer que ce groupe soutiendrait peu ou prou de l’extérieur la majorité arc-en-ciel. Les nuages de points montrent bien comment le groupe (et le parti) se désagrège dans le courant de la législature 1999-2003 (cf. Annexes 5 à 8). Une partie des membres du groupe – le noyau de ce qui formera par la suite Spirit – se rapproche de la majorité lors des votes, alors que le groupe d’où sera ultérieurement issue la N-VA présente un profil marqué d’opposition. Le catalyseur de cette crise interne est l’appui à apporter éventuellement par la Volksunie, depuis l’opposition, à la réforme de l’État de 2001  [114].

139 Au lendemain des élections fédérales du 18 mai 2003, Écolo et les nationalistes flamands disparaissent de la Chambre en tant que groupes reconnus, faute d’avoir obtenu un nombre d’élus suffisant pour pouvoir bénéficier d’une reconnaissance. Pour sa part, le parti Agalev (bientôt rebaptisé Groen!) perd toute représentation à la Chambre. À partir de la session 2004-2005, deux des partis qui sont dans l’opposition au niveau fédéral, le CDH et le CD&V, font à nouveau partie de la majorité dans les entités fédérées (au sein du gouvernement wallon, du gouvernement bruxellois et du gouvernement de la Communauté française pour le CDH, et au sein du gouvernement flamand, en plus du gouvernement bruxellois, pour le CD&V  [115]), et ce, du côté wallon et du côté francophone, au détriment notamment d’un parti de la majorité fédérale, le MR. Ce fait politique ne peut se déduire des distances respectives des groupes politiques par rapport à la majorité gouvernementale fédérale à la Chambre des représentants.

140 Après les élections fédérales du 10 juin 2007, c’est une autre image, atypique, qui se dessine. Le gouvernement démissionnaire Verhofstadt II (VLD/PS/MR/SP.A–Spirit) ne dispose plus d’une majorité et seule une partie de la majorité sortante – les deux partis libéraux – est associée aux tentatives de formation d’une coalition « orange-bleue » (avec les deux partis de tradition sociale-chrétienne). Dans les tableaux 11 et 12, il n’est plus question d’une césure claire entre majorité (démissionnaire) et opposition, tandis que, sur l’axe horizontal du nuage de points (cf. Annexe 13a), les partenaires pressentis pour une coalition orange-bleue se retrouvent face aux groupes des socialistes et des écologistes, avec le CDH dans une position médiane qui en dit long. Mais la formation d’un gouvernement orange-bleu se heurte à l’apparition, à l’ordre du jour politique, de la scission de la circonscription électorale de Bruxelles–Hal–Vilvorde ; elle échoue en novembre 2007. Un mois plus tard, est constitué un gouvernement intérimaire avec une coalition inédite : le gouvernement Verhofstadt III (CD&V/MR/PS/Open VLD/CDH). Dès lors, on retrouve la constellation bien connue : une majorité clairement délimitée et, à une large distance, les groupes de l’opposition. Il en va également ainsi sous les gouvernements Leterme I, Van Rompuy et Leterme II (tous également de composition CD&V/MR/PS/Open VLD/CDH). Pour sa part, la N-VA appartient aux partis de l’opposition à partir de la session 2008-2009 : elle s’est séparée de son partenaire de cartel, le CD&V, et dispose d’assez de membres pour pouvoir bénéficier de la reconnaissance d’un groupe.

141 En Flandre, les élections fédérales du 13 juin 2010 provoquent une véritable révolution politique : la N-VA effectue une percée à ce point importante que le parti devient d’un seul coup la première force politique flamande. La durée des discussions visant à la formation d’un gouvernement fédéral (couplées à la négociation de la sixième réforme de l’État) est telle – 540 jours – que la gestion des affaires courantes reçoit, au fil du temps, une interprétation fort large. Dans le courant de l’année 2011, le gouvernement démissionnaire Leterme II dépose ainsi un budget au lieu des douzièmes provisoires et engage les forces armées belges à l’étranger. Contrairement au gouvernement Verhofstadt II en 2007, ce gouvernement Leterme II dispose toujours d’une majorité au Parlement en 2010-2011. Il n’existe certes pas d’accord de gouvernement qui contraindrait les groupes de la majorité au consensus (cf., à ce propos, le tableau 9), mais la majorité reste clairement visible dans le nuage de points de l’annexe 17a, à droite sur l’axe horizontal. Les chiffres des tableaux 11 et 12 semblent également indiquer que la majorité démissionnaire demeure l’axe du travail parlementaire. Or il est souvent écrit çà et là que, en 2010-2011, le Parlement a laissé libre cours à des majorités de rechange. Dans le journal De Morgen du 13 avril 2015, on peut ainsi lire : « De nombreux hommes politiques considèrent que ces quelques mois ont été une expérience rafraîchissante pour notre démocratie »  [116]. Mais à y regarder de plus près, on voit que cette image se réduit à deux ou trois dossiers – avec à chaque fois plusieurs votes par article : le contrôle plus strict du regroupement familial (soutenu par une coalition formée de la N-VA, du CD&V, du MR et de l’Open VLD) et la transposition dans la loi belge de l’arrêt Salduz (pour laquelle le PS a voté différemment des autres partis de la majorité soutenant le gouvernement)  [117].

142 Sous le gouvernement Di Rupo (PS/CD&V/MR/SP.A/Open VLD/CDH), formé le 5 décembre 2011, la majorité serre de nouveau les rangs. Les (rares) votes partagés au sein de la majorité sont à mettre au compte des groupes CDH et CD&V, qui refusent de suivre les autres partis de la majorité lors des votes sur des « dossiers éthiques » : l’extension de la législation sur l’euthanasie aux mineurs d’âge, d’une part, et l’assouplissement du Code civil en ce qui concerne l’attribution du nom des enfants, d’autre part  [118]. Parmi les groupes de l’opposition, c’est le groupe Écolo–Groen! (puis Écolo–Groen) qui est le plus proche de la majorité. Cela est d’ailleurs logique puisque les deux partis écologistes ont participé aux négociations sur la sixième réforme de l’État et, comme ils s’y sont engagés, soutiennent l’adoption des textes mettant en œuvre celle-ci lors des sessions 2011-2012 et 2013-2014, faisant partie de ce qui a été appelé la majorité institutionnelle.

143 Au cours de la période étudiée dans le présent Courrier hebdomadaire, la Chambre des représentants connaît l’antinomie la plus grande entre majorité et opposition sous le gouvernement Michel I (N-VA/MR/CD&V/Open VLD), entre octobre 2014 et décembre 2018. Une majorité cohérente – avec à peine cinq votes partagés  [119] (cf. Tableau 9) – est face à une opposition qui ne se rallie que relativement peu souvent à la majorité. Cela étant, la distance entre majorité et opposition se réduit quelque peu au fil de la législature, en commençant par le CDH. À l’été 2017, ce parti se tourne subitement vers le MR au niveau wallon pour y repousser le PS dans l’opposition ; en octobre 2018, il trouve même un compromis avec les partis de la majorité fédérale sur une révision de la législation sur l’avortement  [120].

144 C’est alors que surgit une crise au sein de la majorité. Le 9 décembre 2018, les membres N-VA du gouvernement Michel I démissionnent. Le gouvernement Michel II (MR/CD&V/Open VLD) qui résulte de ces événements est un gouvernement minoritaire. Le 18 décembre suivant, quand il apparaît clairement que les partis de l’opposition de gauche ne soutiendront pas la nouvelle coalition, le Premier ministre présente sa démission au Roi. Contrairement à la crise gouvernementale de 2010, il n’est cependant pas procédé à des élections anticipées. Le gouvernement démissionnaire reçoit mission, après les consultations du Roi, de « garantir la bonne gestion du pays » jusqu’aux prochaines élections fédérales (appelées à se tenir le 26 mai 2019)  [121]. Comme le gouvernement Michel II ne peut pas s’appuyer sur une majorité à la Chambre, il est forcé de rechercher des majorités de rechange pour exécuter un programme résiduel. Les chiffres des tableaux 11 et 12 montrent que, dans ce cadre, la coalition gouvernementale peut le plus souvent faire appel à la N-VA, qui se rallie au gouvernement minoritaire de ses anciens partenaires de coalition dans 80,4 % des votes. Les nuages de points font également apparaître des constellations analogues, tant pour l’époque du gouvernement Michel I que pour celle du gouvernement minoritaire Michel II (cf. Annexes 20 à 24b), ce qui est plutôt surprenant. Cependant, au cours de la session 2018-2019, il y a bien une différence entre les partis de gouvernement et la N-VA : on le constate à la distance sur l’axe vertical (qui est la deuxième composante de l’analyse en composantes principales), même si, sur l’axe horizontal (qui constitue la première – et principale – composante), la N-VA demeure dans le camp du gouvernement. Pendant la crise politique débutée en décembre 2018, S. Bracke (N-VA), lorsqu’il est président de la Chambre  [122], joue un rôle de médiation entre les groupes de l’ancienne majorité afin de permettre de faire voter un maximum du programme gouvernemental de l’ancienne coalition « suédoise »  [123]. Les dissensions au sein de la coalition résiduelle s’expriment surtout lors des votes sur la déclaration de révision de la Constitution, où le MR appuie autant que possible sur la pédale de frein  [124].

145 Bref, après le 9 décembre 2018, la cohésion entre les partis de la « suédoise » se maintient donc assez bien : quatre fois sur cinq, la N-VA vote comme ses anciens partenaires MR, CD&V et Open VLD. Toutefois, il n’en reste pas moins que la période allant de décembre 2018 à avril 2019, durant laquelle les députés fédéraux font face au gouvernement minoritaire démissionnaire Michel II, voit la Chambre des représentants s’écarter de son fonctionnement ordinaire. Le résultat des votes nominatifs est devenu imprévisible et, plus d’une fois, les résultats des scrutins sont surprenants. Ce qui était fort peu habituel dans le contexte belge jusqu’en décembre 2018.

7. La cohésion de la majorité gouvernementale et les groupes politiques

146 Jusqu’à présent, nous avons observé dans les schémas de vote la position des groupes, à l’intérieur de la majorité et face à la majorité. Nous avons déterminé dans quelle mesure la majorité, sur l’ensemble des diverses législatures, agit de manière unanime (avec pour seule exception marginale les périodes d’affaires courantes, lorsque les groupes soutenant le gouvernement ne se sentent pas liés à un accord de gouvernement qui s’impose à eux et à la règle du consensus qui lui est concomitante). En conclusion de cette analyse, nous pourrons encore observer comment se présentent les éventuels votes individuels dissidents. En fin de compte, la voix à émettre est toujours un droit individuel du parlementaire, droit impliquant qu’il ne peut, en vertu de la Constitution, se soumettre à un mandat impératif, venant par exemple du parti politique auquel il appartient. Rares sont les commentateurs qui affirment que cette situation correspond encore aujourd’hui à la réalité. Le système politique ne se construit plus à partir d’individus, mais à partir de partis politiques, même s’il n’est quasiment pas fait mention de ceux-ci dans la Constitution  [125].

147 La primauté des partis politiques, que nul ne niera, est généralement considérée comme allant de pair avec une certaine impuissance des parlementaires : « En pratique, ils servent d’abord à arrêter quantitativement comment peut se former une majorité, puis on ne laisse aux parlementaires qu’un rôle de bouton-poussoir : celui qui appartient à la coalition approuve tout ce que présente le gouvernement, pour l’opposition c’est l’inverse »  [126]. Mais ce mantra répété à l’envi, celui du Parlement comme simple machine à voter, est rarement étayé par des chiffres. Soyons de bon compte : à regarder les chiffres de plus près, l’appréciation générale sur le suivisme des députés ne se modifiera guère, du moins en ce qui concerne les votes dissidents proprement dits. Le tableau 13 examine à nouveau la cohésion de la majorité, par analogie avec le tableau 9, mais cette fois au niveau des membres individuels de la majorité gouvernementale.

Tableau 13. Nombre d’absences, d’absences temporaires et de votes dissidents dans la majorité gouvernementale, par session, par législature et par gouvernement (1995-2019)

Tableau 13. Nombre d’absences, d’absences temporaires et de votes dissidents dans la majorité gouvernementale, par session, par législature et par gouvernement (1995-2019)

Tableau 13. Nombre d’absences, d’absences temporaires et de votes dissidents dans la majorité gouvernementale, par session, par législature et par gouvernement (1995-2019)

Légende : - par « absences », on entend les votes où un membre fait défaut lors d’une séance au cours de laquelle il ne participe à aucun vote nominatif.
- par « absences temporaires », on entend les votes où un membre fait défaut lors d’une séance au cours de laquelle il est présent pour d’autres votes.

148 La colonne la plus à droite du tableau 13 donne le nombre de votes dissidents. Ce nombre correspond, par session, par législature et par gouvernement, au nombre de votes émis par des membres de la coalition gouvernementale s’écartant de la position de la majorité. Par exemple, si la majorité vote « oui », il peut s’agir d’un « non » ou d’une abstention. En soi, ce chiffre seul ne veut pas dire grand-chose : il doit être comparé avec le nombre total de votes à émettre. Ce dernier chiffre est tout simplement égal au nombre de votes nominatifs intervenus au cours d’une session, multiplié par le nombre de députés de la majorité gouvernementale.

149 La moyenne générale donne le résultat suivant : 11 010 votes dissidents sur l’ensemble de la période étudiée, sur un total de 1 178 230 votes à émettre par les membres de la majorité, soit 0,9 %. Si l’on procède au même exercice pour les différentes sessions « normales » (c’est-à-dire avec un gouvernement qui n’est pas démissionnaire), la proportion reste à chaque fois sous le chiffre de 1 % des votes à émettre, à deux exceptions près : d’une part, sous le gouvernement Verhofstadt I (au cours de la dernière année de la législature, le pourcentage passe à 2,2 %) et sous le gouvernement intérimaire Verhofstadt III en 2007-2008 (avec, il est vrai, un nombre relativement peu élevé de votes).

150 Les votes dissidents sont répartis de manière inégale. En effet, les écarts par rapport à la position de la majorité gouvernementale au niveau individuel ne sont pas pour autant des votes dissidents individuels : ils peuvent tout aussi bien être la conséquence d’une position de groupe qui diffère de celle de la coalition. Sur 13 397 votes nominatifs, il en est 11 545 (soit 86,2 %) qui sont dépourvus de toute voix dissidente de la majorité. Et parmi les 13,8 % de votes restants, figurent sans aucun doute des erreurs, des membres de la majorité poussant sur le mauvais bouton, le signalant en séance sans que le résultat soit modifié dans les annexes des annales parlementaires. Le pourcentage de votes dissidents parmi les votes émis par les groupes de la majorité dépasse les 10 % pour 365 votes (2,7 %). Avec un tel seuil, il est permis de supposer qu’il ne s’agit plus de dissidences individuelles mais d’une position du groupe qui diffère de celle de la coalition. De plus, les écarts individuels ne se réduisent pas toujours à des dissidences : il peut s’agir d’un pairage (un usage généralement accepté dans l’hémicycle)  [127] ou d’un vote dissident en accord avec le reste du groupe. C’est ainsi que, en octobre 2012, deux membres du groupe PS ont été « autorisés » à s’abstenir lors du vote sur la proposition de loi modifiant le Code de la nationalité belge afin de rendre l’acquisition de la nationalité belge neutre du point de vue de l’immigration, cela afin d’exprimer le mécontentement existant au sein de leur groupe à propos de ce texte  [128].

151 Jusqu’ici, les chiffres ne changent pas grand-chose à l’idée reçue d’une majorité gouvernementale obéissante. En effet, le fait d’émettre un vote dissident – c’est-à-dire s’écarter consciemment de la position de la majorité, contre les directives de son groupe – n’est pas l’un des instruments habituellement utilisés par le député fédéral, pour autant qu’il n’ait pas l’intention de couper les ponts avec son parti. Et encore, Hendrik Vuye, qui a rompu en septembre 2016 avec son parti, la N-VA – et qui a continué à siéger en tant qu’indépendant après avoir déjà dû, auparavant, céder sa charge de chef de groupe –, n’a émis aucun vote dissident avant sa rupture définitive.

152 Mais un membre de la majorité a une double mission. Il n’est pas seulement attendu de lui qu’il se plie, lors du vote, à la position de son groupe (et, par extension, à celle de la majorité). Il doit également et surtout être présent lors du vote. Pour chaque vote en effet, ce n’est pas uniquement la décision à prendre qui est en jeu, à la majorité absolue des voix : c’est aussi le quorum requis pour pouvoir voter valablement, à savoir la moitié des membres de la Chambre. Si la majorité ne fournit pas le quorum nécessaire, elle risque d’être (temporairement) à la merci de l’opposition.

153 Nous pouvons dès lors poser la question de manière plus large. Pas seulement : un membre de la majorité émet-il, ou non, un vote dissident ? Mais aussi : un membre de la majorité est-il présent lorsque la Chambre passe au vote ? Certes, un membre de la majorité qui est délibérément absent lors du vote n’émet pas de vote dissident, ce qui fait que son attitude peut ne pas être remarquée, mais il ne contribue pas à assurer le quorum. En un certain sens, une telle absence peut davantage gêner la majorité qu’une abstention, laquelle compte pour le quorum mais non pour le calcul de la majorité des voix. C’est ainsi que, en avril 2003, le président du groupe VLD a fait remarquer, à propos d’un membre de son parti, quand le quorum n’avait pu être atteint lors de la dernière séance de la législature à cause d’absences au sein de la majorité : « Pour moi, il pouvait sans problème voter contre, mais il devait être ici »  [129].

154 Pourtant, des membres de la majorité préfèrent souvent l’absence à l’abstention explicite  [130]. Au demeurant, l’absence peut être interprétée très largement : il peut suffire d’être absent lors d’une série de votes nominatifs pour des points spécifiques de l’ordre du jour en « oubliant » de pousser sur le bouton de vote, sans pour autant quitter la salle des séances. Mais dans ce dernier cas, le député s’expose au regard attentif de membres d’autres groupes, qui n’hésiteront peut-être pas à relever cette absence d’enthousiasme. C’est ce qui s’est passé par exemple le 9 février 2017, lorsque des membres du CD&V, du moins selon les dires du groupe Écolo–Groen, ont « oublié » de voter une modification de la législation sur les étrangers  [131]. Un commentaire analogue figure au compte rendu de la Chambre du 16 juin 2011 : « Le règlement stipule que tout membre présent doit prendre part au vote. Or il me semble que certains n’ont pas voté. (...) Un droit fondamental des citoyens consiste à connaître le comportement d’un député lors d’un vote »  [132].

155 Bien évidemment, dans le cadre d’une étude purement quantitative, il est fort peu aisé de connaître les intentions d’un membre absent. La seule chose qui puisse être faite est d’évaluer l’importance du phénomène. Encore que le tableau 13 apporte une nuance de poids. Comme nous l’avons déjà évoqué, la plupart des votes sont groupés. Chaque semaine, il existe un moment fixe où sont traités tous les votes nominatifs. De plus, à ce moment, les membres absents sont sanctionnés financièrement. La pratique des votes groupés permet de distinguer les absences « temporaires » : les votes où un membre fait défaut, alors qu’il fait bien partie des participants au scrutin pour d’autres votes lors de la même séance. Ici aussi, les intentions ne peuvent être sondées, mais une telle absence « temporaire » va davantage dans le sens d’une absence délibérée pour un point spécifique de l’ordre du jour. Les nombres des votes dissidents, des absences « temporaires » et des autres absences figurant au tableau 13 sont reproduits dans le graphique 3 sous la forme de pourcentages du nombre total de votes à émettre par la majorité.

Graphique 3. Pourcentage des absences, des absences temporaires et des votes dissidents dans la majorité gouvernementale, par session et par gouvernement (1995-2019, hors sessions extraordinaires)

Graphique 3. Pourcentage des absences, des absences temporaires et des votes dissidents dans la majorité gouvernementale, par session et par gouvernement (1995-2019, hors sessions extraordinaires)

Graphique 3. Pourcentage des absences, des absences temporaires et des votes dissidents dans la majorité gouvernementale, par session et par gouvernement (1995-2019, hors sessions extraordinaires)

156 Lorsque l’on rassemble les trois catégories – les votes dissidents, les absences « temporaires » et les autres absences –, on voit que, sur une session, la majorité gouvernementale est confrontée à un taux de « défection » sur le nombre total de votes à émettre qui peut se monter à 10 % voire à 15 %. Une nouvelle fois, les pics se situent dans la période où le Parlement a face à lui un gouvernement en affaires courantes. Mais le record de « votes dissidents » en 2007-2008 est surtout dû au nombre peu élevé de votes nominatifs, ce qui peut évidemment conduire à des grandes variations de résultats.

157 Enfin, le tableau 14 procède au même calcul en pourcentages pour tous les groupes reconnus de la Chambre (votes dissidents, absences « temporaires » et autres absences, additionnés et calculés sous la forme de pourcentage du nombre total de votes à émettre pour chaque groupe). Les votes dissidents sont cette fois les votes émis qui diffèrent, non pas de la position de la majorité gouvernementale – ce qui n’aurait pas de sens s’agissant des députés de l’opposition –, mais de la position majoritaire du groupe politique auquel les députés appartiennent. Les chiffres de ce tableau font globalement apparaître un pourcentage plus élevé de membres qui soit ne sont pas présents, soit ne suivent pas la discipline de groupe, dans les groupes de l’opposition. Il n’y a rien d’étonnant à cela puisque c’est aux seuls groupes de la majorité qu’il incombe d’assurer le quorum. Le record absolu appartient au groupe VU–ID21 lors de la session 2002-2003. Mais il ne faut pas perdre de vue, dans ce cadre, que ce groupe ne recouvrait alors plus la moindre réalité politique. La Volksunie s’était scindée en 2001, y compris à la Chambre, entre la N-VA et Spirit mais, sur le papier, l’ancien groupe politique avait continué d’exister jusqu’aux élections du 18 mai 2003.

Tableau 14. Pourcentage des absences, des absences temporaires et des votes dissidents dans le total des votes nominatifs émis sur le nombre total de votes nominatifs à émettre par groupe politique reconnu, par session et par gouvernement (1995-2019, hors sessions extraordinaires)

Tableau 14. Pourcentage des absences, des absences temporaires et des votes dissidents dans le total des votes nominatifs émis sur le nombre total de votes nominatifs à émettre par groupe politique reconnu, par session et par gouvernement (1995-2019, hors sessions extraordinaires))

Tableau 14. Pourcentage des absences, des absences temporaires et des votes dissidents dans le total des votes nominatifs émis sur le nombre total de votes nominatifs à émettre par groupe politique reconnu, par session et par gouvernement (1995-2019, hors sessions extraordinaires)

1 PSC jusqu’au 21 mai 2002.
2 CVP jusqu’au 1er octobre 2001. CD&V–N-VA du 28 juin 2007 au 14 octobre 2008.
3 PRL–FDF jusqu’au 1er juillet 1999 ; PRL–FDF–MCC jusqu’au 25 mars 2002. Le groupe MR comprend le FDF jusqu’au 5 décembre 2011.
4 VLD jusqu’au 28 juin 2007.
5 SP jusqu’au 18 octobre 2001. SP.A–Spirit du 5 juin 2003 au 24 avril 2008 ; SP.A–Vl.Pro du 24 avril 2008 au 2 janvier 2009.
6 Écolo–Agalev jusqu’à la fin de la session 2002-2003 ; Écolo–Groen! du début de la session 2007-2008 jusqu’au 12 janvier 2012.
7 Volksunie jusqu’au 1er juin 1999 ; VU&ID jusqu’à la fin de la session 2002-2003.
8 Vlaams Blok jusqu’au 15 novembre 2004.

En grisé : partis politiques membres de la coalition gouvernementale.

Conclusion

158 Entre les élections fédérales du 21 mai 1995 – date du début de la « nouvelle » Chambre des représentants (comportant constitutionnellement 150 membres au lieu de 212 précédemment) – et celles du 26 mai 2019, nous avons répertorié 13 397 votes nominatifs valables, tels qu’ils figurent dans les annexes des annales parlementaires de cette assemblée.

159 Eu égard à la recherche d’efficacité – qui a entraîné, d’une part, un regroupement des votes inscrits à l’ordre du jour à un moment fixe chaque semaine et, d’autre part, l’usage du vote nominatif comme instrument de lutte contre l’absentéisme parlementaire  [133] –, il est logique de constater que la participation moyenne des députés fédéraux aux votes est élevée. C’est précisément cette donnée qui rend intéressante l’étude des absences « soudaines », qui constituent le plus souvent les seules dissidences acceptées à la discipline de groupe. En effet, dans la majorité gouvernementale, les votes dissidents – en ce compris les erreurs et les pairages – représentent à peine 1 % du nombre total de votes à émettre, contre 9 % d’absences (que ces absences soient temporaires ou non).

160 Le vote à émettre est un droit individuel appartenant à chaque député. En 2019, les annales parlementaires ne mentionnent toujours que les votes émis par les membres ; les groupes n’y figurent pas. Pourtant, même si les membres pris individuellement ont la liberté constitutionnelle de s’écarter du point de vue de leur parti (de leur groupe), il s’agit là d’une possibilité largement théorique. Ce sont les groupes de la Chambre qui, au moment du vote, distribuent les cartes. Et leur attitude dépend de leur participation, ou non, à la majorité. Au sein de la majorité, le consensus est la norme, de sorte que, en temps normal, la majorité domine les décisions de la Chambre tel un bloc monolithique. Le « temps normal », ce sont les périodes où la coalition gouvernementale représente, à la Chambre des représentants, la majorité absolue des membres. En politique belge, cela a longtemps été une quasi-certitude. Mais celle-ci s’est effondrée en décembre 2018 lorsque, après le départ de la N-VA du gouvernement Michel I, le gouvernement Michel II est advenu bien que minoritaire. Depuis lors, la Chambre a connu un nombre élevé de votes dont les résultats font apparaître des majorités alternatives qui, en d’autres temps, auraient été hautement improbables (majorités relatives, votes récoltant davantage d’abstentions que de votes oui ou non).

161 Bien que les membres de la majorité – une nouvelle fois, en temps normal – aient pour mission première de veiller à assurer le quorum requis par la Constitution (cela afin de ne pas dépendre des membres présents de l’opposition), tel n’a pas été le cas une fois sur cinq au cours de la période 1995-2019. En revanche, les groupes de la majorité ont généralement voté en bloc, de manière disciplinée. La prévisibilité politique – qui veut qu’un texte n’obtienne l’approbation de la Chambre en séance plénière que s’il est d’abord appuyé par la majorité – a contribué à donner forme à la procédure parlementaire. En séance plénière, la Chambre ne fait que ratifier ce qui a été décidé en commission (avec la même majorité). Le texte adopté par la commission y est approuvé, les amendements y sont balayés. La majorité fait bloc. C’est ce que montre aussi la façon dont la Chambre demande des comptes au gouvernement par le biais des interpellations, lesquelles se concluent la plupart du temps par l’adoption d’une motion pure et simple.

162 L’opposition ne doit pas faire preuve de la même discipline. En temps normal, un groupe d’opposition ne dispose pas de pouvoir mais il compense ce manque par la liberté de pouvoir fixer en toute autonomie ses positions lors des votes, sans devoir tenir compte du consensus intervenu au sein de la majorité.

163 Dans l’attente d’une coalition fédérale représentant, après les élections du 26 mai 2019, une majorité absolue des membres de la Chambre, il a bien fallu constater que la Chambre des représentants, depuis la crise gouvernementale de décembre 2018, ne pouvait plus fonctionner comme elle l’avait fait auparavant. La question reste actuellement ouverte : est-ce là un phénomène de nature temporaire ou va-t-il, au contraire, entraîner des modifications durables des usages parlementaires ?

Analyses en composantes principales des votes nominatifs posés par les groupes politiques reconnus à la Chambre des représentants, par session et gouvernement (1995-2019)

164 Une analyse en composantes principales (ACP) est une forme d’analyse factorielle ou réduction statistique de données tendant, sur la base de corrélations entre variables, à ramener une multiplicité de variables manifestes à un nombre plus limité de variables latentes. Une analyse factorielle vise à produire des facteurs (appelés variables latentes) qui sont autant de combinaisons linéaires des variables initiales. En l’occurrence, plutôt que de présenter une information récurrente et redondante pour chaque variable (ici, passer chaque vote en revue de façon systématique), l’ACP permet de concentrer l’information en identifiant l’expression de processus généraux qui préside à la répartition de ces variables.

165 C’est ainsi que, dans de nombreux votes nominatifs, le modèle de vote peut être ramené à deux ou trois dimensions. La réduction statistique des données a déjà souvent été appliquée dans les recherches sur la façon dont votent les parlementaires, généralement afin de rendre visuellement compte des rapports entre groupes ou sous-groupes dans le parlement ou de voir, en d’autres termes, si leurs votes sont ou non proches les uns des autres. En particulier, la recherche états-unienne utilise semblable réduction des données parce qu’elle dispose de nombreuses données utilisables sur les « roll calls » (votes nominatifs) au Congrès des États-Unis. Keith T. Poole et Howard Rosenthal sont arrivés à la conclusion que même au Congrès, où il n’y a guère de discipline de parti, il suffit d’une ou de deux dimensions pour expliquer le modèle de vote des parlementaires  [134].

166 L’ACP n’est qu’une des techniques statistiques permettant de parvenir à une réduction des données  [135]. Tout comme avec une analyse de facteurs ou de clusters, il est possible avec l’ACP de situer les députés dans un système de coordonnées (abscisse et ordonnée), la distribution dans l’espace fournissant des informations sur les rapports politiques  [136].

167 En l’espèce, l’ACP fonctionne de la manière suivante. Les variables originelles, les votes nominatifs au cours d’une session parlementaire, sont codés comme suit : « oui » = 5, « abstention » = 4, « absent au cours de la séance » = 3, « absent au cours de ce vote spécifique » = 2, « non » = 1. Dans cette interprétation, l’abstention est plus proche du « oui » que du « non », parce qu’une abstention compte pour le quorum, contrairement à l’absence (délibérée ou non). Les variables originelles sont alors transformées en autant de « composantes », celles-ci étant rangées selon la variance expliquée (la proportion dans laquelle les valeurs diffèrent entre elles). La première composante représente à chaque fois la variance la plus expliquée, suivie de la deuxième composante, etc. L’objectif de l’ACP est de pouvoir saisir, avec un nombre limité de composantes, la cohérence des données  [137]. En limitant à deux le nombre de composantes, il est possible d’utiliser le résultat des parlementaires comme valeurs (en abscisse et en ordonnée) d’un système de coordonnées.

168 Après un ACP, c’est au chercheur qu’il revient d’interpréter la signification des « composantes ». Dans le système parlementaire belge, on peut logiquement s’attendre à ce que la première composante (avec les résultats sur l’axe horizontal) – c’est-à-dire la composante qui explique la plus grande variance lors des votes – corresponde au clivage entre majorité et opposition. La deuxième composante, sur l’axe vertical, pourrait alors faire apparaître un clivage latent à l’intérieur de l’opposition ou de la majorité, par exemple une distance entre partis d’opposition de droite et partis d’opposition de gauche. C’est ce que nous avons appliqué aux 28 graphiques suivants.

169 Ainsi, la place des groupes dans le système d’axes trouve une signification politique, de même que la distribution d’un groupe. Les groupes dont tous les membres sont présents à tout moment et votent de la même façon sont représentés par un point unique. Plus les membres sont absents ou émettent un vote dissident, plus le nuage de points d’un même groupe (reconnaissable par sa couleur) sera diffus.

170 En résumé, la place sur l’axe horizontal dit quelque chose de la distance entre les groupes pour ce qui est du clivage principal ; la place sur l’axe vertical dit quelque chose du deuxième clivage. La direction des deux axes n’a aucune signification. Il est à noter que nous avons choisi deux conventions : placer à chaque fois les groupes des partis de la majorité gouvernementale à droite sur l’axe horizontal et le Vlaams Blok/Vlaams Belang – quand cette formation dispose d’un groupe reconnu, puisque seuls les partis qui sont dans ce cas sont pris en compte (les autres formations étant rassemblées sous l’appellation « membres indépendants »  [138]) – dans le bas de l’axe vertical, pour faciliter la comparaison des images.

Annexe 1. Session 1995-1996 (gouvernement Dehaene II)

Annexe 1. Session 1995-1996 (gouvernement Dehaene II)

Annexe 1. Session 1995-1996 (gouvernement Dehaene II)

Annexe 2. Session 1996-1997 (gouvernement Dehaene II)

Annexe 2. Session 1996-1997 (gouvernement Dehaene II)

Annexe 2. Session 1996-1997 (gouvernement Dehaene II)

Annexe 3. Session 1997-1998 (gouvernement Dehaene II)

Annexe 3. Session 1997-1998 (gouvernement Dehaene II)

Annexe 3. Session 1997-1998 (gouvernement Dehaene II)

Annexe 4. Session 1998-1999 (gouvernement Dehaene II)

Annexe 4. Session 1998-1999 (gouvernement Dehaene II)

Annexe 4. Session 1998-1999 (gouvernement Dehaene II)

Annexe 5. Session 1999-2000 (gouvernement Verhofstadt I)

Annexe 5. Session 1999-2000 (gouvernement Verhofstadt I)

Annexe 5. Session 1999-2000 (gouvernement Verhofstadt I)

Annexe 6. Session 2000-2001 (gouvernement Verhofstadt I)

Annexe 6. Session 2000-2001 (gouvernement Verhofstadt I)

Annexe 6. Session 2000-2001 (gouvernement Verhofstadt I)

Annexe 7. Session 2001-2002 (gouvernement Verhofstadt I)

Annexe 7. Session 2001-2002 (gouvernement Verhofstadt I)

Annexe 7. Session 2001-2002 (gouvernement Verhofstadt I)

Annexe 8. Session 2002-2003 (gouvernement Verhofstadt I)

Annexe 8. Session 2002-2003 (gouvernement Verhofstadt I)

Annexe 8. Session 2002-2003 (gouvernement Verhofstadt I)

Annexe 9. Session 2003-2004 (gouvernement Verhofstadt II)

Annexe 9. Session 2003-2004 (gouvernement Verhofstadt II)

Annexe 9. Session 2003-2004 (gouvernement Verhofstadt II)

Annexe 10. Session 2004-2005 (gouvernement Verhofstadt II)

Annexe 10. Session 2004-2005 (gouvernement Verhofstadt II)

Annexe 10. Session 2004-2005 (gouvernement Verhofstadt II)

Annexe 11. Session 2005-2006 (gouvernement Verhofstadt II)

Annexe 11. Session 2005-2006 (gouvernement Verhofstadt II)

Annexe 11. Session 2005-2006 (gouvernement Verhofstadt II)

Annexe 12. Session 2006-2007 (gouvernement Verhofstadt II)

Annexe 12. Session 2006-2007 (gouvernement Verhofstadt II)

Annexe 12. Session 2006-2007 (gouvernement Verhofstadt II)

Annexe 13a. Session 2007-2008 (gouvernement Verhofstadt II)

Annexe 13a. Session 2007-2008 (gouvernement Verhofstadt II)

Annexe 13a. Session 2007-2008 (gouvernement Verhofstadt II)

Annexe 13b. Session 2007-2008 (gouvernement Verhofstadt III)

Annexe 13b. Session 2007-2008 (gouvernement Verhofstadt III)

Annexe 13b. Session 2007-2008 (gouvernement Verhofstadt III)

Annexe 13c. Session 2007-2008 (gouvernement Leterme I)

Annexe 13c. Session 2007-2008 (gouvernement Leterme I)

Annexe 13c. Session 2007-2008 (gouvernement Leterme I)

Annexe 14. Session 2008-2009 (gouvernement Leterme I puis gouvernement Van Rompuy)

Annexe 14. Session 2008-2009 (gouvernement Leterme I puis gouvernement Van Rompuy)

Annexe 14. Session 2008-2009 (gouvernement Leterme I puis gouvernement Van Rompuy)

Annexe 15. Session 2009-2010 (gouvernement Van Rompuy puis gouvernement Leterme II)

Annexe 15. Session 2009-2010 (gouvernement Van Rompuy puis gouvernement Leterme II)

Annexe 15. Session 2009-2010 (gouvernement Van Rompuy puis gouvernement Leterme II)

Annexe 16. Session 2010-2011 (gouvernement Leterme II)

Annexe 16. Session 2010-2011 (gouvernement Leterme II)

Annexe 16. Session 2010-2011 (gouvernement Leterme II)

Annexe 17a. Session 2011-2012 (gouvernement Leterme II)

Annexe 17a. Session 2011-2012 (gouvernement Leterme II)

Annexe 17a. Session 2011-2012 (gouvernement Leterme II)

Annexe 17b. Session 2011-2012 (gouvernement Di Rupo)

Annexe 17b. Session 2011-2012 (gouvernement Di Rupo)

Annexe 17b. Session 2011-2012 (gouvernement Di Rupo)

Annexe 18. Session 2012-2013 (gouvernement Di Rupo)

Annexe 18. Session 2012-2013 (gouvernement Di Rupo)

Annexe 18. Session 2012-2013 (gouvernement Di Rupo)

Annexe 19. Session 2013-2014 (gouvernement Di Rupo)

Annexe 19. Session 2013-2014 (gouvernement Di Rupo)

Annexe 19. Session 2013-2014 (gouvernement Di Rupo)

Annexe 20. Session 2014-2015 (gouvernement Michel I)

Annexe 20. Session 2014-2015 (gouvernement Michel I)

Annexe 20. Session 2014-2015 (gouvernement Michel I)

Annexe 21. Session 2015-2016 (gouvernement Michel I)

Annexe 21. Session 2015-2016 (gouvernement Michel I)

Annexe 21. Session 2015-2016 (gouvernement Michel I)

Annexe 22. Session 2016-2017 (gouvernement Michel I)

Annexe 22. Session 2016-2017 (gouvernement Michel I)

Annexe 22. Session 2016-2017 (gouvernement Michel I)

Annexe 23. Session 2017-2018 (gouvernement Michel I)

Annexe 23. Session 2017-2018 (gouvernement Michel I)

Annexe 23. Session 2017-2018 (gouvernement Michel I)

Annexe 24a. Session 2018-2019 (gouvernement Michel I)

Annexe 24a. Session 2018-2019 (gouvernement Michel I)

Annexe 24a. Session 2018-2019 (gouvernement Michel I)

Annexe 24b. Session 2018-2019 (gouvernement Michel II)

Annexe 24b. Session 2018-2019 (gouvernement Michel II)

Annexe 24b. Session 2018-2019 (gouvernement Michel II)

Notes

  • [1]
    Cf. aussi F. Verleden, « Les votes nominatifs à la Chambre des représentants. I. Évolution des règles en vigueur (1831-2020) », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2501-2502, 2021.
  • [2]
    Sur les relations entre groupes et partis dans une perspective historique, cf. F. Verleden, Aux sources de la particratie. Les relations entre les partis politiques belges et leurs parlementaires (1918-1970), Bruxelles, CRISP, 2019.
  • [3]
    Sans tenir compte des éventuels sénateurs de droit (à savoir les enfants du Roi, ou à leur défaut, les descendants belges de la branche de la famille royale appelée à régner). Le principe des sénateurs de droit sera aboli avec la sixième réforme de l’État, en 2014.
  • [4]
    On sait les complications qui en ont résulté pour la circonscription de Bruxelles–Hal–Vilvorde.
  • [5]
    Depuis la révision constitutionnelle du 6 janvier 2014 : trois mois en cas de dissolution par une déclaration de révision de la Constitution (Révision de l’article 46 de la Constitution : Moniteur belge, 31 janvier 2014).
  • [6]
    Chambre des représentants, Commission spéciale, Propositions de modification du règlement en exécution de la résolution relative à l’organisation de la future Chambre et au statut du futur député. Texte adopté, n° 1500/5, 16 décembre 1994, p. 2. Durant la législature 1991-1995, seules trois formations ne comportaient pas au moins cinq membres : le FDF (3 députés), Rossem (3 députés) et le Front national (1 député).
  • [7]
    Chambre des représentants, Annales, 13 octobre 1983, p. 123-124.
  • [8]
    Chambre des représentants, Commission spéciale du Règlement et de la Réforme du travail parlementaire, Proposition de modification de l’article 12 du règlement. Rapport, n° 826/2, 19 mars 1997.
  • [9]
    M. Van der Hulst, Le Parlement fédéral. Organisation et fonctionnement, Heule, UGA, 2011, p. 153.
  • [10]
    Il est d’ailleurs impossible d’en tenir compte.
  • [11]
    Quand la Chambre prend une décision par « assis et levé », les membres se lèvent ou non selon qu’ils approuvent ou désapprouvent la proposition soumise au vote. Le vote par assis et levé n’est pas nominatif.
  • [12]
    C’est précisément pour ce motif que le président de la Chambre a fait vérifier lors d’un tel comptage, le 25 juin 2009, si le quorum avait été atteint. En cas de vote nominatif, l’absence de quorum aurait conduit à la suspension de la séance ou à une nouvelle séance dans les quatre jours. Un simple « comptage » permet à la Chambre – en cas d’absence de « quorum » – de fixer librement l’ordre du jour de la séance suivante. Cf. Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 105, 25 juin 2009, p. 51-52.
  • [13]
    Un exemple au hasard : Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 30, 28 avril 2011. Il est indiqué lors du cinquième vote : « M. Manu Beuselinck a voté comme son groupe ». Lors du septième vote, on peut lire : « Servais Verherstraeten (CD&V) : “M. le président, tout le groupe CD&V a voté non” » et « Mme Zuhal Demir a voté non ». Chaque fois, le détail des votes nominatifs donne le résultat du vote sans ces rectifications.
  • [14]
    Une séance plénière, c’est-à-dire une réunion des 150 députés, ne correspond pas nécessairement à une journée, puisqu’il peut y avoir plusieurs séances en une journée (matin, après-midi, soir et nuit, allant au-delà de minuit).
  • [15]
    Formé le 25 novembre 2009, le gouvernement Leterme II est tombé dès le 26 avril 2010 ; cependant, il est resté à la tête du pays (en étant limité à la gestion des affaires courantes) jusqu’au 5 décembre 2011, jour de la nomination des membres du gouvernement Di Rupo.
  • [16]
    Chambre des représentants, Annales, 13 juillet 1996, p. 2919.
  • [17]
    Chambre des représentants, Annales, 15 décembre 1999, p. 33.
  • [18]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 66, 19 mai 2004, p. 37.
  • [19]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 282, 24 avril 2007, p. 12.
  • [20]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 358, 8 avril 2003, p. 8-10.
  • [21]
    Par exemple : Le Soir, De Morgen et De Standaard, 9 avril 2003.
  • [22]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 86, 12 mars 2009, p. 111-112 ; Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 87, 18 mars 2009, p. 6-8.
  • [23]
    Cela n’est plus le cas dans le compte rendu intégral du 17 décembre 2017, quand la séance se clôt également après deux votes par absence de quorum : Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 204, 17 décembre 2017, p. 7.
  • [24]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 105, 25 juin 2009, p. 47-52.
  • [25]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 311, 15 janvier 2003, p. 12-13.
  • [26]
    Chambre des représentants, Commission du Règlement, Proposition de modification du règlement de la Chambre. Rapport, n° 430/1, 31 janvier 1956, p. 2.
  • [27]
    Chambre des représentants, Annales, 17 décembre 1957, p. 14.
  • [28]
    Chambre des représentants, Annales, 16 juillet 1996, p. 3147-3148. Curieusement, ce vote n’a pas été enregistré dans les annexes aux annales.
  • [29]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 246, 3 juillet 2002, p. 3.
  • [30]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 66, 19 mai 2004, p. 35-38.
  • [31]
    Chambre des représentants, Annales, 16 juillet 1996, p. 3148.
  • [32]
    Tel n’a été le cas que du 13 au 31 mars 1946 (gouvernement Spaak II), du 26 juin au 6 novembre 1958 (gouvernement Eyskens II), du 25 avril au 11 juin 1974 (gouvernement Tindemans I), du 4 mars au 17 avril 1977 (gouvernements Tindemans II et Tindemans III), du 13 juin au 12 juillet 1999 (gouvernement Dehaene II), du 10 juin au 21 décembre 2007 (gouvernement Verhofstadt II) et, surtout, du 9 décembre 2018 au 1er octobre 2020 (gouvernements Michel II, Wilmès I et Wilmès II).
  • [33]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 58, 25 juin 2015, p. 6-12.
  • [34]
    Par exemple, lorsqu’elle juge que la réponse d’un ministre est insatisfaisante. Cf., par exemple, Chambre des représentants, Annales, 13 juillet 1996, p. 2971.
  • [35]
    Du moins tant qu’il n’est pas question de majorités spéciales requises par la Constitution, la loi ou le règlement.
  • [36]
    Chambre des représentants, Annales, 26 mars 1998, p. 8315-8317.
  • [37]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 195, 20 décembre 2001, p. 67-68.
  • [38]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 271, 21 février 2019, p. 100.
  • [39]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 273, 28 février 2019, p. 41.
  • [40]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 278, 28 mars 2019, p. 110-111.
  • [41]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 284, 25 avril 2019, p. 46.
  • [42]
    Ibidem, p. 50.
  • [43]
    Chambre des représentants, Annales, 12 novembre 1998, p. 10128-10129.
  • [44]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 166, 20 octobre 2005, p. 46-51.
  • [45]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 29, 7 avril 2011, p. 26.
  • [46]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 275, 14 mars 2019, p. 34-35. Curieusement, un amendement est rejeté par 51 voix pour, 50 contre et 23 abstentions (vote n° 9), et le résultat du vote n° 10 figurant dans le compte rendu ne correspond pas au détail des annexes.
  • [47]
    M. Van der Hulst, Le Parlement fédéral, op. cit., p. 185.
  • [48]
    Ibidem, p. 388-389.
  • [49]
    En l’occurrence, les cours supplémentaires ont été en place jusqu’au 30 juin 2011 (en vertu de la loi du 29 décembre 2010 portant des dispositions diverses (II) : Moniteur belge, 31 décembre 2010).
  • [50]
    Même s’il n’était pas toujours procédé à un vote tenu de manière distincte. Parfois, il était admis qu’un vote précédent, par exemple sur une loi, valait également pour ce qui concerne la délibération à propos des chambres temporaires. Cf., par exemple, Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 203, 31 janvier 2002, p. 52.
  • [51]
    La création d’une commission dite spéciale s’opère donc d’une manière différente de celle d’une commission d’enquête.
  • [52]
    La Chambre a aboli le collège des questeurs à la fin de la législature 2010-2014 ; les compétences du collège ont alors été transférées au bureau de la Chambre. Cf. Chambre des représentants, Commission spéciale du Règlement et de la Réforme du travail parlementaire, Proposition de modifications techniques du règlement en vue de son adaptation à la diminution du nombre de fonctions spéciales. Rapport, n° 3462/3, 1er avril 2014, p. 3.
  • [53]
    Sénat, Commission de la Révision de la Constitution et des Réformes des institutions, Proposition de loi prise en application de l’article 41, § 5, de la Constitution. Rapport, n° 941/3, 13 octobre 1994, p. 38.
  • [54]
    Encore que, le 7 novembre 1996, la Chambre a amendé, en séance plénière, la proposition de loi n° 461 et a, malgré tout, procédé tout aussitôt au vote final. Cf. Chambre des représentants, Annales, 7 novembre 1996, p. 3897.
  • [55]
    Depuis 2014, vu le rôle réduit du Sénat en matière législative, la deuxième lecture à la Chambre est mentionnée dans la Constitution. Depuis lors, le règlement de la Chambre ne limite plus la deuxième lecture en séance plénière aux textes amendés, mais impose un seuil : la deuxième lecture doit être demandée par un tiers des membres (50) ou intervenir sur décision du président (cf. Chambre des représentants, Proposition modifiant les articles 83, 84 et 94 du règlement en ce qui concerne la deuxième lecture, n° 3157/1, 28 novembre 2013). Jusqu’en 2014, la deuxième lecture des textes amendés était, en théorie, automatique (cf. M. Van der Hulst, Le Parlement fédéral, op. cit., p. 271-272).
  • [56]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 130, 31 mai 2001 ; Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 131, 6 juin 2001.
  • [57]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 42, 29 mai 2008 ; Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 45, 19 juin 2008.
  • [58]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 269, 7 février 2019, p. 75.
  • [59]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 271, 21 février 2019, p. 95 et 100-101 ; Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 275, 14 mars 2019, p. 32.
  • [60]
    Cf., par exemple, Chambre des représentants, Commission des Finances et du Budget, Projet de loi ouvrant des crédits provisoires pour les mois de juillet, août, septembre et octobre 2020. Amendements adoptés, n° 1300/7, 25 juin 2020 ; Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 47, 25 juin 2020, p. 23 (version provisoire).
  • [61]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 275, 14 mars 2019, p. 3 et 39.
  • [62]
    Il en va de même, par ailleurs, dans les commissions spéciales, les sous-commissions, les comités d’avis et les groupes de travail ; toutefois, le seuil est davantage élevé encore pour ceux d’entre ces organes qui comportent moins de 17 membres.
  • [63]
    Chambre des représentants, Commissions et délégations aux assemblées internationales, n° 8/1, 7 mai 2019.
  • [64]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 100, 21 décembre 2000, p. 37 (projet de loi modifiant l’article 42 de la loi du 23 mars 1989 relative à l’élection du Parlement européen, n° 1003/1) ; Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 102, 11 janvier 2001, p. 27 (proposition de loi modifiant la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l’information et la protection du consommateur en vue de réglementer l’usage de la dénomination “magasin d’usine”, n° 164/1) ; Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 123, 3 mai 2001, p. 42 (projet de loi modifiant l’article 23, § 1, de la loi électorale provinciale en ce qui concerne le nom des femmes-candidates, n° 818/1) ; Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 189, 18 décembre 2001, p. 38 (projet de loi modifiant les articles 1 et 24 de la loi du 20 juillet 1971 sur les funérailles et sépultures, en ce qui concerne la déclaration de destination des cendres, n° 1444/1) ; Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 245, 27 juin 2002, p. 77 (proposition de loi modifiant les articles 1168, 1179, 1180, 2°, et 1183, 2°, du Code judiciaire, n° 251/1) ; Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 292, 10 décembre 2002, p. 57 (projet de loi modifiant la date de l’entrée en vigueur de la loi du 10 décembre 1997 interdisant la publicité pour les produits du tabac et créant un Fonds de lutte contre le tabagisme, n° 2143/1).
  • [65]
    Chambre des représentants, Annales, 10 juillet 1997, p. 6437 (projet de loi insérant un article 61bis dans le Code d’instruction criminelle, n° 865/1) ; Chambre des représentants, Annales, 11 décembre 1997, p. 7259 (projet de loi relatif aux ressources prises en considération pour le calcul du minimum de moyens d’existence, n° 1112/1) ; Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 72, 10 juin 2004, p. 43 (projet de loi interdisant de vendre du tabac aux jeunes, n° 635/1).
  • [66]
    Chambre des représentants, Annales, 29 avril 1999, p. 12087 (proposition de loi spéciale adaptant la législation fédérale aux nouvelles dénominations du Parlement flamand, du Parlement wallon et du Parlement de la Communauté française, n° 2116/1 : texte soutenu uniquement par le groupe linguistique néerlandais) ; Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 143, 28 juin 2001, p. 51 (proposition de loi spéciale modifiant l’article 6 de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980, n° 1278/1 : texte soutenu par la majorité gouvernementale « arc-en-ciel », qui ne disposait pas de la majorité des deux tiers) ; Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 341, 20 mars 2003, p. 59 (projet de loi spéciale modifiant l’article 28 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, n° 1566/1 : texte soutenu par la majorité gouvernementale « arc-en-ciel », qui ne disposait pas de la majorité des deux tiers).
  • [67]
    La Chambre a rejeté par trois fois, en séance plénière, une révision de la Constitution : Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 122, 10 mars 2005, p. 62 (proposition de révision de l’article 167, § 2, de la Constitution afin d’inscrire la possibilité d’organiser une consultation populaire dans le cadre de la procédure d’assentiment aux traités internationaux visés par l’article 34 de la Constitution, n° 1531/1 : texte soutenu en séance plénière par les groupes MR, VLD et Vlaams Belang, les députés Écolo et les élus Spirit du groupe SP.A–Spirit) ; Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 173, 15 juin 2017, p. 102 (proposition de révision de l’article 12 de la Constitution, n° 2056/1 : texte soutenu en séance plénière par la majorité gouvernementale, le groupe CDH et les députés Vlaams Belang) ; Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 278, 28 mars 2019, p. 123 (proposition de révision de l’article 7bis de la Constitution : texte soutenu en séance plénière par les groupes PS, SP.A, MR, CDH et Écolo–Groen).
  • [68]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 284, 25 avril 2019, p. 40-44.
  • [69]
    Cf. M. El Berhoumi, J. Pitseys, « L’obstruction parlementaire en Belgique », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2289-2290, 2016.
  • [70]
    Articles 48 et 93 du règlement de la Chambre.
  • [71]
    Cf. Chambre des représentants, Projet de loi visant à réaliser les conditions budgétaires de la participation de la Belgique à l’Union économique et monétaire européenne. Amendements, n° 608/20, 17 juillet 1996.
  • [72]
    Chambre des représentants, Annales, 10 juillet 1996, p. 2656-2711.
  • [73]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 318, 30 janvier 2003, p. 66-67.
  • [74]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 52, 19 février 2004, p. 92-93.
  • [75]
    J. Velaers, « Honderd jaar vertrouwensstemmingen in de regering (1919-2018): een gewoonte die de crisis over het Marrakesh-pact overleeft », Tijdschrift voor Bestuurswetenschappen en Publiekrecht, n° 1, 2020, p. 4-29.
  • [76]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 136, 13 mai 2005.
  • [77]
    Article 135 du règlement de la Chambre.
  • [78]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 112, 23 novembre 2012, p. 2.
  • [79]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 15, 23 décembre 2007, p. 52 ; Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 30, 22 mars 2008, p. 87.
  • [80]
    Article 58 du règlement de la Chambre.
  • [81]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 263, 18 décembre 2018, p. 59-60. À ce propos, cf. C. Sägesser, « La formation du gouvernement De Croo (mai 2019 - octobre 2020) », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2471-2472, 2020, p. 6-7.
  • [82]
    Mais seule la séance plénière peut se prononcer sur les motions qui seraient éventuellement déposées.
  • [83]
    Article 41 du règlement de la Chambre.
  • [84]
    H. Vuye, V. Wouters, Schone schijn. Particratie wurgt democratie, Grimbergen, Doorbraak, 2019, p. 177.
  • [85]
    Généralement déposée par l’interpellateur, une motion de recommandation est une motion motivée, exhortant le gouvernement à prendre certaines mesures. Une motion pure et simple vise uniquement à s’insérer dans l’ordre du jour, sans prendre position sur le fond de l’affaire.
  • [86]
    Chambre des représentants, Annales, 14 mai 1998, p. 8767-8770.
  • [87]
    Chambre des représentants, Annales, 19 novembre 1998, p. 10192-10193. Des députés de l’opposition et de la majorité avaient interpellé le gouvernement Dehaene II au sujet d’un congrès du Vlaams Blok qui aurait pu se tenir dans un bâtiment propriété du gouvernement fédéral. Des motions de recommandation avaient alors été présentées, décrivant le Vlaams Blok comme un parti extrémiste. Le Vlaams Blok avait quant à lui présenté une motion pure et simple, dans l’espoir que les partis de la majorité gouvernementale rejettent ainsi, selon l’habitude, les motions de recommandation déposées par l’opposition.
  • [88]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 341, 20 mars 2003, p. 25-27.
  • [89]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 24, 6 mars 2008, p. 74-76.
  • [90]
    Chambre des représentants, Commission spéciale du Règlement et de la Réforme du travail parlementaire, Proposition de modification du règlement de la Chambre supprimant la possibilité de dépôt de motions pures et simples. Rapport, n° 514/2, 15 septembre 1998, p. 3.
  • [91]
    Chambre des représentants, Annales, 23 janvier 1997, p. 4734.
  • [92]
    Chambre des représentants, Annales, 14 octobre 1999, p. 20-21. Formellement, Écolo–Agalev ne dispose – tout comme les autres groupes – que d’un seul président de groupe mais, en pratique, quelqu’un joue ce rôle pour chaque composante linguistique du groupe dans le paysage – scindé – des médias.
  • [93]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 262, 31 août 2002, p. 4-17.
  • [94]
    Chambre des représentants, Annales, 6 février 1997, p. 4843-4847 ; Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 79, 19 octobre 2000, p. 49-51.
  • [95]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 101, 4 juin 2009, p. 82-83.
  • [96]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 275, 14 mars 2019, p. 39.
  • [97]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 120, 29 mars 2001, p. 42.
  • [98]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 257, 29 novembre 2018, p. 11.
  • [99]
    De Tijd, 30 novembre 2018.
  • [100]
    Pour leur part, les députés des groupes non reconnus Vlaams Belang, Vuye&Wouters et PP votent, comme la N-VA, contre la signature du Pacte.
  • [101]
    Chambre des représentants, Annales, 22 mai 1997, p. 5824.
  • [102]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 189, 18 décembre 2001, p. 38.
  • [103]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 292, 10 décembre 2002, p. 57.
  • [104]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 352, 1er avril 2003, p. 61-62 et 68.
  • [105]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 79, 29 octobre 2015, p. 47.
  • [106]
    Chambre des représentants, Accord de gouvernement, n° 290/1, 9 mars 1992, 20.
  • [107]
    L’existence de formes de concertation structurelle entre les groupes de la majorité, en dehors du cadre des commissions parlementaires, remonte au moins aux années 1950, lorsque l’on parlait de « commissions de contact », et même à l’entre-deux-guerres. Cf. F. Verleden, Aux sources de la particratie. Les relations entre les partis politiques belges et leurs parlementaires (1918-1970), op. cit., p. 165, 226, 261 et 304-305.
  • [108]
    De Tijd, 1er octobre 2011.
  • [109]
    Par contre, les partis d’opposition francophones représentaient alors les trois quarts des membres de l’Assemblée de la Commission communautaire française (COCOF). Par le biais de cet organe, ils ont pu invoquer un conflit d’intérêts contre la législation fédérale. Cf., par exemple, Chambre des représentants, Projet de loi relatif à la relance économique et au renforcement de la cohésion sociale. Conflit d’intérêts. Rapport sur la concertation entre la délégation de la Chambre des représentants et la délégation de l’Assemblée de la Commission communautaire française, n° 2839/19, 19 avril 2018.
  • [110]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 151, 29 avril 2010, p. 2.
  • [111]
    L’Avenir, 30 avril 2010.
  • [112]
    H. Hasquin, Les “bleus” de la mémoire. Parcours d’un homme libre, s.l., Absolute Books, 2019, p. 202-203.
  • [113]
    Cf. P. Wynants, « Le libéralisme francophone du PLP au MR. I. 1961-1999 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2092-2093, 2011, p. 50. C’est ainsi que, par exemple, le groupe de la Fédération PRL FDF a aidé le gouvernement à obtenir la majorité nécessaire pour modifier la Constitution en vue d’accorder le droit de vote communal aux habitants des États membres de l’Union européenne.
  • [114]
    Cf. S. Govaert, « La Volksunie. Du déclin à la disparition (1993-2001) », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1748, 2002.
  • [115]
    Le CVP/CD&V est resté sans discontinuer membre du gouvernement régional bruxellois de 1989 à 2019.
  • [116]
    De Morgen, 13 avril 2015.
  • [117]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 36, 26 mai 2011 ; Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 53, 16 juin 2011.
  • [118]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 186, 13 février 2014 ; Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 191, 20 mars 2014.
  • [119]
    Dont deux, il faut le souligner, le 6 décembre 2018, quand le gouvernement est déjà virtuellement tombé sur la question de la signature par la Belgique du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières des Nations unies.
  • [120]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 246, 4 octobre 2018. Cf. B. Marques-Pereira, L’avortement dans l’Union européenne. Acteurs, enjeux et discours, Bruxelles, CRISP, 2021, p. 124-133.
  • [121]
    De Tijd, 22 décembre 2018.
  • [122]
    À savoir qu’il occupe ce poste jusqu’à la veille des élections du 26 mai 2019.
  • [123]
    Le Soir, 9 janvier 2019.
  • [124]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 281, 4 avril 2019.
  • [125]
    Cf. T. Gaudin, « La régulation juridique des partis politiques », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2483-2484, 2020, p. 8-19.
  • [126]
    M. Reynebeau, in De Standaard, 28 novembre 2018.
  • [127]
    Sur la notion de pairage, cf. F. Verleden, « Les votes nominatifs à la Chambre des représentants. I. Évolution des règles en vigueur (1831-2020) », op. cit., p. 32-33.
  • [128]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 106, 25 octobre 2012, p. 50-51.
  • [129]
    De Morgen, 9 avril 2003.
  • [130]
    Dans son livre sur la particratie, H. Vuye décrit lui-même comment il a refusé, le 16 juin 2016, de voter le projet de loi portant diverses dispositions en matière d’économie (n° 1861/1) en raison de ses effets sur la législation linguistique. Veerle Wouters était également « absente » pour un moment, ce jour-là, lors de ce vote spécifique. Cf. H. Vuye, V. Wouters, Schone schijn, op. cit., p. 186. Cf. aussi le témoignage de Luk Van Biesen (Open VLD) sur les hausses d’impôt opérées par le gouvernement Di Rupo : « Bien sûr, je préfère voter pour une baisse des impôts, mais c’est comme ça que les choses se passent quand on fait des compromis. Il y en a qui, parfois, sont justement à la toilette quand on vote une hausse des impôts, sans mettre la majorité en danger bien entendu » (De Standaard, 3 octobre 2013).
  • [131]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 157, 9 février 2017, p. 45-46.
  • [132]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 40, 16 juin 2011, p. 106.
  • [133]
    Cf. F. Verleden, « Les votes nominatifs à la Chambre des représentants. I. Évolution des règles en vigueur (1831-2020) », op. cit., p. 41 et 47-50.
  • [134]
    Cf. K. T. Poole, H. Rosenthal, Ideology & Congress, 2e édition, New Brunswick, Transaction Publishers, 2007.
  • [135]
    Cf., par exemple, pour la technique dite d’« optimal classification », J.-F. Godbout, F. Vallée-Dubois, « L’analyse des scrutins parlementaires », in É. Thiers, O. Rozenberg (dir.), Traité d’études parlementaires, Bruxelles, Bruylant, 2018, p. 435-465.
  • [136]
    Pour une méthode comparable, cf. surtout N. Roussellier, Le Parlement de l’éloquence. La souveraineté de la délibération au lendemain de la Grande Guerre, Paris, Presses de Sciences Po, 1997.
  • [137]
    Par exemple, durant la session 1995-1996, la première composante explique 66 % de la variance des variables originales, la deuxième composante explique 7 % de la variance, la troisième composante 5 %, etc.
  • [138]
    Durant la législature 2003-2007, cette catégorie comprend notamment Écolo. Pour rappel en effet, il n’a existé à cette époque aucun groupe écologiste reconnu (Écolo ne disposait que de quatre députés fédéraux, ce qui est un nombre insuffisant pour pouvoir constituer un groupe reconnu, et Agalev/Groen! ne disposait d’aucun député fédéral).
Frederik Verleden
Traduction de
Serge Govaert
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Entre les élections fédérales du 21 mai 1995 et celles du 26 mai 2019, la Chambre des représentants a procédé en séance plénière à pas moins de 13 397 votes nominatifs valables. Outre qu’ils ont conduit à l’adoption de nombreux textes (dont, au final, plusieurs milliers de lois) et au rejet de beaucoup d’autres, les résultats de ces votes révèlent les évolutions de l’état des rapports de force politiques au sein de l’assemblée parlementaire durant ces six législatures.

Pour analyser ces votes, ce Courrier hebdomadaire procède par une approche chiffrée à trois niveaux : celui de la Chambre des représentants, celui des députés et celui des groupes politiques – et, par extension, des partis politiques.

En effet, le résultat d’un vote, quel qu’en soit le type, conduit à une décision qui lie l’ensemble de la Chambre et à laquelle l’opposition doit se plier. Il importe donc de se demander combien de fois l’assemblée vote et sur quels objets, si elle était au complet, etc. Mais le scrutin nominatif permet également de se focaliser sur le député pris individuellement, le vote émis par chaque parlementaire étant enregistré et mentionné dans les comptes rendus de séance. Enfin, la réalité politique veut qu’un député, de façon générale, agisse en tant que membre d’un groupe politique ; dès lors, il est intéressant de mesurer le degré de discipline de parti qui prévaut lors d’un vote nominatif.

Mis en ligne sur Cairn.info le 24/09/2021
https://doi.org/10.3917/cris.2503.0005
ISBN 9782870752692
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