CAIRN.INFO : Matières à réflexion

3. Le cordon sanitaire médiatique

1 Tout comme celle des partis politiques, l’attitude des médias à l’égard de l’extrême droite peut influer sur le développement de cette tendance idéologique, notamment en contribuant à renforcer ou à atténuer la visibilité des formations politiques qui en relèvent (avec, potentiellement, des répercussions sur les résultats électoraux de celles-ci)  [1]. La littérature scientifique distingue trois attitudes potentielles des médias vis-à-vis de l’extrême droite : la démarcation, la confrontation et l’accommodation  [2]. La démarcation consiste à réserver un traitement spécifique aux formations d’extrême droite – c’est-à-dire un traitement différent de celui accordé aux formations démocratiques –, visant à les ostraciser et à les isoler. Cette attitude peut prendre la forme d’un cordon sanitaire médiatique : les médias limitent la visibilité des partis, mouvements ou représentants d’extrême droite en empêchant ceux-ci de disposer d’un temps de parole libre en direct, par exemple en les excluant d’office des émissions de plateau et des débats politiques. La confrontation consiste à ne pas traiter les formations d’extrême droite comme des parias, mais à les critiquer ouvertement – par exemple, en les qualifiant de racistes ou de fascistes  [3] – dans l’objectif de les diaboliser. L’accommodation consiste à traiter les formations d’extrême droite comme toute autre formation partisane ou militante.

2 La Belgique offre une des rares illustrations de l’adoption de deux approches distinctes au sein d’un même pays  [4]. Alors que, en Belgique néerlandophone, le paysage médiatique est accessible à l’extrême droite (à commencer par le parti politique qui y est, de loin, le plus important représentant de cette tendance idéologique : le VB), tel n’est pas le cas en Belgique francophone, où l’accès aux médias est rendu compliqué et très encadré pour les partis, mouvements et représentants d’extrême droite – qu’ils soient francophones ou néerlandophones, et même qu’ils soient belges ou étrangers – en raison de l’existence d’un cordon sanitaire médiatique  [5].

3.1. Le cordon sanitaire médiatique en Belgique francophone

3 En Belgique francophone, le cordon sanitaire médiatique consiste à empêcher que les partis, représentants ou mouvements non respectueux des principes et valeurs démocratiques (dont les partis d’extrême droite et les partis religieux fondamentalistes tels que les partis islamistes) ne puissent disposer d’un temps de parole libre en direct. Cela les exclut d’office des émissions de plateaux ou de débat en direct. En revanche, les journalistes ont le droit – et ils y sont même invités – de parler de l’extrême droite et de son programme, à la condition de mettre en perspective ce courant politique et ses idées. Par exemple, dans ce cadre, reproduire des propos de représentants d’extrême droite recueillis en interview est possible, mais en les insérant dans un article cadrant ces propos  [6].

3.1.1. L’initiative de la RTBF suite au « dimanche noir » de 1991

4 Jusqu’au début des années 1990, aucun cordon sanitaire médiatique n’est en vigueur en Belgique. Il est vrai que, à cette époque, l’extrême droite est encore fort faible dans le pays. Néanmoins, certains partis politiques regrettent déjà la présence – bien qu’elle soit rare – de représentants de l’extrême droite lors de débats et autres événements médiatiques. Ainsi, le 1er décembre 1991 – soit exactement une semaine après le « dimanche noir » qu’a été le jour des élections législatives du 24 novembre 1991 –, Écolo décide de boycotter l’émission Controverse diffusée sur RTL-TVI et à laquelle prennent part des élus de chaque parti francophone, en raison de la participation du député FN Georges Matagne. Justifiant son absence du débat, Écolo indique : « Cette extrême droite se voit par là même reconnue et gratifiée d’une amplification médiatique artificielle et sans aucune mesure avec son résultat électoral dans le sud du pays. RTL prend là une responsabilité qui aurait mérité une réflexion approfondie (…). La présence d’un représentant de l’extrême droite dans un débat portant sur le discours politique et plus particulièrement sur le message adressé aux électeurs lors de la campagne ouvre la porte à toutes les démagogies et condamne d’avance toute chance d’une information sereine et digne de foi (…). Les risques de focalisation sont énormes sans que l’on inclue ce thème dans une approche plus large des mécanismes d’exclusion et de pauvreté qui frappent les habitants – belges et non belges – de ce pays (…). Ce n’est pas en débattant médiatiquement avec l’extrême droite et ses propos démagogiques que l’on résoudra les problèmes de l’exclusion sociale »  [7].

5 Suite à la progression électorale significative qu’il a enregistrée lors du scrutin du 24 novembre 1991, le Vlaams Blok (VB) rejoint, entre autres, le conseil d’administration de la radio-télévision publique flamande : la Belgische Radio- en Televisieomroep Nederlandstalige Uitzendingen (BRTN), actuelle Vlaamse Radio- en Televisieomroeporganisatie (VRT). Du côté francophone, dès le mois de décembre 1991, l’administrateur général et le conseil d’administration de la Radio-télévision belge de la Communauté française (RTBF) décident alors de refuser l’accès aux débats et aux émissions en direct aux représentants de partis qui n’acceptent pas et ne respectent pas les principes de base de la démocratie tels que consacrés dans la Convention européenne des droits de l’homme. Cette décision est prise sur la base de l’article 3, § 1er, de la loi du 16 juillet 1973 garantissant la protection des tendances idéologiques et philosophiques (dite loi du Pacte culturel)  [8], qui dispose : « Les autorités publiques doivent associer les utilisateurs et toutes les tendances idéologiques et philosophiques à l’élaboration et à la mise en œuvre de la politique culturelle (…) et pour autant qu’ils acceptent les principes et les règles de la démocratie et s’y conforment ». Elle s’appuie aussi sur le décret statutaire de la RTBF  [9], qui notamment porte en son article 25 : « Les émissions d’informations de [la RTBF] sont faites dans un esprit de rigoureuse objectivité et sans aucune censure préalable du gouvernement. Il est interdit à [la RTBF] de procéder à des émissions contraires aux lois ou à l’intérêt général, à l’ordre public ou aux bonnes mœurs, ou constituant un outrage aux convictions d’autrui ou une offense à l’égard d’un État étranger ».

6 L’adoption et surtout la mise en œuvre de ce cordon sanitaire médiatique donnent lieu à un certain nombre d’actions judiciaires portées à l’encontre de la RTBF. La première action de ce type est remportée le 2 juin 1994 par le Front national (FN). Ce jour-là, le tribunal de première instance de Bruxelles, saisi après que la RTBF a refusé au FN d’accéder à ses tribunes électorales le 24 mai 1994 et siégeant en référé, condamne la RTBF au paiement d’une astreinte d’un million de francs belges par jour si elle continue de refuser ses tribunes électorales au FN à la veille des élections européennes du 12 juin 1994. Selon le juge Pierre Verlynde, les tracts du FN et les coupures de presse présentées par la RTBF pour justifier son refus de recevoir des représentants du FN à l’antenne ne constituent pas une preuve qui permette d’attester le caractère antidémocratique du parti ; en conséquence, les droits subjectifs des candidats du FN sont réputés être lésés  [10]. La RTBF, qui regrette qu’une « organisation ayant pour base une idéologie antidémocratique accède ainsi aux tribunes électorales dont l’objet est précisément de favoriser le débat démocratique »  [11], interjette appel du jugement. Le 8 juin 1994, la huitième chambre de la cour d’appel de Bruxelles, siégeant en référé, confirme le jugement rendu la semaine précédente  [12]. Cela est toutefois sans conséquence, une tribune de cinq minutes en radio ayant entre-temps été concédée au président du FN, Daniel Féret. Un ancien cadre et élu du FN se souvient : « Nous avons (…) entamé une action en justice pour exiger l’application du protocole qui régissait [le traitement médiatique des] élections à l’époque. Et nous avons gagné ce procès, ce qui fait que le docteur Féret  [13] a pu passer avant les élections en prime time avec son message (…). Cela s’est soldé par son élection au Parlement européen »  [14].

7 Le 6 juin 1999, la députée fédérale Marguerite Bastien – élue en 1995 sur liste FN, avant d’être exclue de ce parti et de fonder le Front nouveau de Belgique (FNB) en 1996 – saisit le Conseil d’État afin de demander, sous peine d’astreintes, la suspension des mesures adoptées par la RTBF visant à empêcher son parti de bénéficier d’une tribune médiatique. Dans son arrêt rendu le 9 juin 1999, le Conseil d’État – s’appuyant, d’une part, sur l’article 7, § 1er, du décret de la Communauté française du 14 juillet 1997 portant statut de la RTBF, qui interdit à celle-ci de diffuser des propos racistes et xénophobes  [15], et, d’autre part, sur l’article 3, § 1er, de la loi du 16 juillet 1973 dite du Pacte culturel, qui empêche à la RTBF d’ouvrir son antenne à des listes et candidats non respectueux des principes démocratiques (cf. supra) – considère non seulement que la RTBF a le droit de refuser à des partis politiques qui ne respectent pas les principes et les règles de la démocratie d’accéder à ses tribunes électorales, mais aussi qu’elle a le droit, sur la base d’une analyse du programme, des tracts et des publications d’un parti demandeur, d’estimer que ledit parti ne respecte pas les principes et les règles de la démocratie et, en conséquence, de lui refuser l’accès à son antenne  [16]. Contrairement aux décisions rendues par la justice bruxelloise en 1994, cet arrêt valide donc le cordon sanitaire médiatique mis en place et appliqué par la RTBF.

8 Par la suite, ce dispositif continue à être régulièrement attaqué par des représentants de l’extrême droite auprès d’institutions administratives et judiciaires. Toutefois, les décisions de celles-ci tendent à nouveau à confirmer la légitimité du cordon sanitaire médiatique.

9 Ainsi, le 16 avril 2007, le secrétaire général du FNB, François-Xavier Robert, intente une action auprès du Conseil d’État afin de solliciter la suspension, selon la procédure d’extrême urgence, de l’exécution du « dispositif électoral de la RTBF en vue des élections du 10 juin 2007 » qui exclut les représentants du FNB dans le cadre de la campagne électorale. Il réclame aussi des mesures provisoires afin que son parti bénéficie sans délai d’un temps d’antenne. Le 11 mai 2007, le Conseil d’État rejette la demande. Dans son arrêt, celui-ci indique notamment : « La liberté d’expression garantie par l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales n’implique aucune obligation, pour les pouvoirs publics, de mettre des moyens d’expression déterminés à la disposition des administrés, et ne les oblige notamment pas à donner à qui que ce soit accès aux émissions de radio et de télévision qui dépendent des pouvoirs publics »  [17]. Il ajoute que, sur la base de l’article 3 de la loi du 16 juillet 1973, « la prise en considération de certaines prises de position passées ne constitue pas, en soi, un critère discriminatoire ou arbitraire ». Cet arrêt du Conseil d’État, qui va dans un sens similaire à celui rendu le 9 juin 1999 dans le cadre de l’affaire Bastien, a pour effet de renforcer davantage encore le cordon sanitaire médiatique en Belgique francophone.

10 Le 24 septembre 2012, le tribunal de première instance de Bruxelles est amené à traiter une plainte introduite par le Parti populaire (PP), ce dernier regrettant de ne pas être invité par la RTBF lors de ses émissions politiques. Le président du PP, Mischaël Modrikamen, indique que ses sollicitations auprès de la RTBF n’ont pas été entendues (à trois exceptions près : le 19 septembre 2010, le 7 novembre 2010 et le 29 avril 2012). Dans son ordonnance, le juge des référés indique que la RTBF a effectivement violé son obligation de pluralisme en excluant le PP de ses émissions politiques ; en conséquence, il invite la RTBF à respecter le principe du pluralisme au profit ce parti. Néanmoins, il rejette les mesures provisoires demandées par le PP afin de ne pas entraver la liberté éditoriale de la RTBF. Réagissant à ce jugement, M. Modrikamen déclare : « La RTBF, média public, a été condamnée juridiquement, politiquement et moralement pour son attitude depuis octobre 2010, soit deux ans ! Les digues du politiquement correct sont en train de céder. La démocratie et les citoyens, si souvent oubliés, en seront les grands gagnants ! Alors que les médias flamands ont une longue tradition de pluralisme et donnent la parole à tous les partis, la Wallonie et Bruxelles ont trente ans de retard. La démocratie est donc grippée »  [18].

11 Estimant que le principe du pluralisme est respecté et n’entendant donc pas modifier son dispositif électoral, la RTBF annonce d’emblée sa volonté d’interjeter appel. De son côté, le PP – représenté par la Fondation populaire, qui est l’une de ses deux associations constitutives – se pourvoit également en appel : il réclame une astreinte de 25 000 euros par infraction constatée « lorsqu’il n’est pas invité aux débats dominicaux et préélectoraux, s’il n’est pas invité au moins une fois par mois à Matin Première, si la RTBF ne couvre pas au moins une fois tous les deux mois les conférences de presse du PP et autres activités auxquelles elle est conviée, si le point de vue du PP n’était pas sollicité sur des événements pour lesquels les autres partis sont sollicités ou encore si la RTBF tenait des propos considérés comme dénigrants à l’égard du Parti populaire »  [19]. Le 18 juin 2013, la cour d’appel de Bruxelles rend un jugement dans lequel elle déclare l’appel de la RTBF fondé et celui du PP non fondé. La Fondation populaire est condamnée au paiement des frais et dépens des deux instances pour les deux parties. Par communiqué de presse, le PP fait part de sa « déception » et indique qu’il « s’interroge sérieusement sur sa participation à un système démocratique qui débouche certes sur des élections mais où les règles du jeu sont à ce point biaisées »  [20]. Le cordon sanitaire médiatique, tel qu’il semblait avoir été affaibli par l’ordonnance du tribunal de première instance de Bruxelles du 24 septembre 2012, s’en retrouve revigoré.

12 Le 27 octobre 2017, le PP cite la RTBF et RTL à comparaître devant le tribunal de l’entreprise francophone de Bruxelles ; il réclame la condamnation des deux chaînes, pour les mêmes motifs que ceux évoqués précédemment. M. Modrikamen déclare : « Notre parti compte plus de 3 500 membres dans près de 120 sections locales. Il a obtenu deux députés, un fédéral et un régional [wallon], aux dernières élections. En raison de son positionnement de droite assumée, unique en Wallonie-Bruxelles, le PP contribue à diversifier l’offre politique. Cependant, les rédactions de la RTBF et de RTL continuent de faire comme si nous n’existions pas »  [21]. Le 11 juillet 2018, le tribunal déboute le PP, mais en ne statuant alors que sur les demandes formulées à titre provisoire. C’est le 27 mars 2019 que le tribunal de l’entreprise francophone de Bruxelles statue sur le fond de la demande, déboutant une nouvelle fois le PP. Non satisfait par ce jugement, le PP introduit un nouveau référé le 1er avril 2019 devant le même tribunal. Le 7 mai 2019, ce dernier rend son ordonnance par laquelle il déboute le PP une fois encore.

3.1.2. La progressive mise en place du cordon sanitaire médiatique

13 Durant les premières années de son existence, le cordon sanitaire médiatique est une simple pratique autorégulatoire, appliquée de son propre chef par la RTBF puis, progressivement, également par l’ensemble des médias francophones audiovisuels et de presse écrite. C’est à partir de la fin du XXe siècle que le dispositif prend une forme davantage codifiée.

14 Le 10 mars 1999, le collège d’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) – qui est l’autorité administrative indépendante chargée de la régulation du secteur des médias audiovisuels (télévisions, radios, télédistributeurs, etc.) en Communauté française – édicte des « recommandations relatives à l’information et à la publicité pour la période couvrant la campagne électorale du 13 mars au 13 juin 1999 »  [22] (le 13 juin 1999 étant la date d’un scrutin multiple : fédéral, régional, communautaire et européen). Dans ce document non contraignant, le collège d’avis du CSA précise notamment  [23] :

15

« Sur base des dispositions contenues dans les lois du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme et la xénophobie et du 23 mars 1995 tendant à réprimer la négation, la [minimisation], la justification ou l’approbation du génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la Seconde Guerre mondiale ou tout[e] autre forme de génocide, les organismes de radiodiffusion s’abstiendront de donner l’accès à l’antenne, lors d’émissions, tribunes ou débats électoraux, à des représentants de partis, mouvements ou tendances politiques prônant habituellement des doctrines ou messages constitutifs d’outrages aux convictions d’autrui, incitant à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne, d’un groupe ou d’une communauté en raison de leur sexe, de leur race, de leur couleur, de leur ascendance ou origine nationale ou ethnique ou des doctrines ou messages contenant des éléments tendant à la négation, la [minimisation], la justification, l’approbation du génocide commis par le régime national-socialis[t]e allemand pendant la Seconde Guerre mondiale ou tout[e] autre forme de génocide. »

16 Par la suite, ces recommandations à destination des éditeurs de services de médias sur la gestion des périodes électorales sont actualisées au fil des scrutins : d’abord le 26 juin 2000 dans la perspective des élections provinciales et communales du 8 octobre 2000, puis le 12 février 2003 dans celle du scrutin fédéral du 18 mai 2003. Avec l’adoption du décret de la Communauté française du 27 février 2003 sur la radiodiffusion  [24], la rédaction de telles recommandations devient obligatoire  [25]. En vertu du même décret, ces recommandations sont désormais regroupées dans un règlement qui, pour devenir obligatoire, doit être approuvé par le gouvernement de la Communauté française.

17 Deux règlements se succèdent alors : le premier le 11 février 2004 dans la perspective des élections régionales, communautaires et européennes du 13 juin 2004, et le second le 25 février 2006 dans celle des élections provinciales et communales du 8 octobre 2006. Le principe est alors celui d’une mise à jour du document avant chaque échéance électorale. Ensuite, dans la perspective des élections fédérales du 10 juin 2007, le collège d’avis « choisit de proposer une version intemporelle du règlement, de manière à le rendre opérationnel pour toute élection »  [26]. Daté du 16 janvier 2007, ce document connaît par la suite des ajustements mineurs les 13 janvier 2009, 5 mai 2010, 22 novembre 2011 et 23 janvier 2018 ; il est ainsi d’application respectivement pour les élections régionales, communautaires et européennes du 7 juin 2009, pour le scrutin fédéral du 13 juin 2010, pour les élections provinciales et communales du 14 octobre 2012 et le scrutin multiple du 25 mai 2014, et pour les élections provinciales et communales du 14 octobre 2018 et le scrutin multiple du 26 mai 2019.

18 La première version du règlement du collège d’avis du CSA à être approuvée par le gouvernement de la Communauté française – et dont l’application est donc obligatoire – est celle du 22 novembre 2011  [27]. À cette occasion, le cordon sanitaire médiatique acquiert donc un statut légal. La version actuelle du règlement, qui est celle datée du 23 janvier 2018  [28], a également été approuvée par l’exécutif francophone  [29]. De nos jours, ce document ne vise plus uniquement les partis d’extrême droite mais concerne, de manière plus générale, tous les partis et mouvements non démocratiques. En outre, dans les faits, les principes qu’il énonce sont appliqués à l’ensemble des programmes et articles diffusés par les médias, qu’ils soient liés ou non à une actualité électorale.

19 Dans une note explicative de son règlement, le collège d’avis du CSA expose ainsi les dispositions relatives à l’« accès à l’antenne des partis liberticides »  [30] :

20

« (Article 14) S’appuyant sur les articles 10, § 2, 14 et 17 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, sur les articles 10 et 11 de la Constitution, (…) sur l’article 18 lu en combinaison avec l’article 3 de la loi du 16 juillet 1973 dite loi du Pacte culturel, et sur les dispositions contenues dans la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme et la xénophobie, la loi du 23 mars 1995 tendant à réprimer la négation, la minimisation, la justification ou l’approbation du génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la Seconde Guerre mondiale [et] la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination (…), le règlement dispose que les éditeurs de services s’abstiendront de donner l’accès à leurs services de médias audiovisuels et aux contenus associés qu’ils développent sur d’autres plateformes, lors de tribunes ou de débats électoraux, ou directement, lors d’autres émissions, à des représentants de partis, mouvements ou tendances politiques relevant de courants d’idées non démocratiques ou prônant ou ayant prôné habituellement des doctrines ou messages :
  - constitutifs d’outrages aux convictions d’autrui ;
  - incitant à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne, d’un groupe ou d’une communauté en raison de leur sexe, de leur prétendue race, de leur couleur, de leur ascendance ou origine nationale ou ethnique ;
  - contenant des éléments tendant à la négation, la minimisation, la justification, l’approbation du génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la Seconde Guerre mondiale ou tout[e] autre forme de génocide ;
  - basés sur des distinctions, dans la jouissance des droits et libertés reconnus par la Convention européenne, fondées notamment sur le sexe, la prétendue race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ;
  - visant à la destruction ou à la limitation des droits et libertés garantis dans l’ordre juridique belge.
Une telle disposition ne signifie pas qu’il est interdit de parler des partis non démocratiques ou d’interviewer leurs représentants dès lors que ceux-ci n’ont pas la parole en direct et que les thèses qu’ils défendent sont encadrées par la pratique journalistique.
(Article 15) Les éditeurs de services qui se posent des questions quant à la qualification des partis ou candidats visés à l’article 14 peuvent consulter le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme, la Commission nationale permanente du Pacte culturel ou tout autre organe ou institution susceptible de pouvoir les renseigner sur ces questions. »

21 Le règlement du collège d’avis du CSA relatif aux programmes de radio et de télévision en période électorale est le principal texte fondant le cordon sanitaire médiatique. D’autres documents sont toutefois à mentionner. D’une part, les recommandations du collège d’autorisation et de contrôle du CSA du 9 mars 2005 adressées aux éditeurs de services de radiodiffusion et relatives aux manifestations d’expression de discrimination ou de haine [31]; ce texte a pour objectif d’attirer l’attention des médias sur leurs responsabilités en tant qu’ils « sont susceptibles de contribuer à la naissance ou à l’amplification de formes de discrimination ou de haine basées sur l’intolérance tout comme ils constituent, eu égard à leur impact sur l’opinion publique, un moyen important de lutte contre celles-ci ». S’il s’agit d’un texte non contraignant, rappelons toutefois que « le pouvoir de recommandation du [collège d’autorisation et de contrôle du CSA], en ce qu’il est lié à ses autres pouvoirs, pèse incontestablement son poids » [32]. D’autre part, la recommandation du Conseil de déontologie journalistique (CDJ) du 16 novembre 2011, telle que modifiée le 16 janvier 2019, portant sur la couverture des campagnes électorales dans les médias [33]; par ce document, le CDJ – qui est l’organe d’autorégulation des médias francophones et germanophones de Belgique – éclaire l’application de son code de déontologie journalistique du 16 octobre 2013 [34] dans le cadre spécifique des campagnes électorales.

3.1.3. Au-delà du cordon sanitaire médiatique

22 En son article 12, § 1er, 6°, le décret de la Communauté française du 14 juillet 1997 portant statut de la RTBF rend incompatible l’exercice d’un mandat d’administrateur au conseil d’administration de la chaîne publique francophone « avec l’appartenance à un organisme qui ne respecte pas les principes de la démocratie tels qu’énoncés, notamment, par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, par la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme et la xénophobie et par la loi du 23 mars 1995 tendant à réprimer la négation, la minimisation, la justification ou l’approbation du génocide commis par le régime national-socialiste pendant la Seconde Guerre mondiale ou toute autre forme de génocide ». Concrètement, et à l’inverse de ce qui prévaut en Communauté flamande, ce texte empêche que des représentants de l’extrême droite – au premier rang desquels du FN, pendant de nombreuses années – puissent siéger au sein du conseil d’administration de la chaîne publique et, in fine, puissent y exercer une influence.

23 Par ailleurs, si tous les médias belges francophones appliquent le cordon sanitaire médiatique, et ce depuis de nombreuses années, certains d’entre eux vont même au-delà de ce dispositif, en développant d’autres initiatives visant à lutter contre l’extrême droite. Ainsi, plusieurs journaux publient régulièrement des suppléments et des articles dénonçant les partis d’extrême droite et insistant sur les dangers de leurs programmes. La RTBF diffuse également différentes émissions allant dans le même sens. Le 20 mai 2020, son émission #Investigation est par exemple consacrée au Vlaams Belang, en interrogeant la menace et les conséquences que le développement de ce parti implique pour la société. Dans cette émission, le journaliste Baptiste Hupin met notamment en évidence le fait que le parti d’extrême droite flamand n’a guère évolué dans le temps sur les plans programmatique et idéologique.

24 De véritables campagnes visant à inciter les citoyens à ne pas voter en faveur de formations politiques d’extrême droite sont aussi développées par les médias. Ainsi, à la veille des élections communales et provinciales du 8 octobre 2000, la plupart des médias touchant le public belge francophone (en ce compris la chaîne musicale télévisée française MCM, qui s’adresse tout particulièrement aux jeunes) diffusent des pages et spots publicitaires invitant les électeurs à ne pas accorder leur voix à l’extrême droite. Le visuel représente un pitbull agressif, tandis que le slogan proclame : « L’extrême droite. Si vous l’adoptez, il faudra vivre avec ».

3.1.4. Le cordon sanitaire médiatique sous tension

25 Le débat sur la pertinence de maintenir ou non un cordon sanitaire médiatique à l’égard de l’extrême droite n’est pas clos en Belgique francophone. En outre, le périmètre de ce cordon sanitaire médiatique est régulièrement questionné.

26 Ainsi, après avoir interviewé le président des Vlaams Belang Jongeren (VBJ), Bart Claes, au soir du 26 mai 2019, la RTBF s’est défendue d’avoir rompu le cordon sanitaire médiatique, arguant du fait que l’interview n’avait pas été diffusée en direct mais en léger différé et avait été mise en contexte par le journaliste intervieweur  [35]. Quelques mois plus tard, en avril 2020, le magazine francophone Wilfried publie une interview du président du Vlaams Belang, Tom Van Grieken  [36]. D’aucuns dénoncent alors une rupture nette du cordon sanitaire médiatique. Dans une note publiée ultérieurement en ligne à destination des lecteurs de Wilfried, le rédacteur en chef du magazine, François Brabant, explique longuement sa démarche, en rappelant que l’interview menée a été balisée par le journaliste et qu’elle s’est insérée dans un magazine papier à la portée réflexive. Ces deux cas récents illustrent combien la notion de cordon sanitaire médiatique – au-delà de ce qui est codifié dans des textes divers – peut être largement interprétée.

27 Citons également l’interview croisée accordée le 22 décembre 2019 par le président du PTB, Peter Mertens, et le président du Vlaams Belang, Tom Van Grieken, à l’hebdomadaire dominical De Zondag. Si cette interview est réalisée par un média flamand et concerne des personnalités politiques flamandes (bien que le PTB soit un parti national), elle provoque une polémique du côté francophone du pays. La co-présidente d’Écolo, Rajae Maouane, déclare sur Twitter : « Je ne comprends pas comment le président du PTB, prétendument défenseur des libertés individuelles, peut poser fièrement aux côtés du président d’un parti raciste et nationaliste »  [37]. Le responsable de la section du PTB à Charleroi, Charlie Le Paige, justifie le choix de son parti : « Il faut aller débattre en Flandre avec le Vlaams Belang pour la bonne et simple raison que le cordon sanitaire médiatique a déjà sauté côté néerlandophone depuis des années »  [38].

28 Enfin, peut être épinglée ici l’intervention du journal satirique Pan qui, le 4 juin 2020, réagissant à la fondation du nouveau parti de droite radicale Chez nous  [39], s’interroge sur Facebook : « Est-ce qu’il faut continuer à pratiquer le cordon sanitaire à la mode RTBF pour faire taire ces gens ? La discussion est ouverte ».

3.2. L’absence de cordon sanitaire médiatique en Belgique néerlandophone

29 À l’inverse de ce qui a cours en Belgique francophone, les partis, mouvements et représentants d’extrême droite – à commencer par le VB – ne rencontrent guère d’obstacle à être présents dans les médias en Belgique néerlandophone. Dans cette partie du pays en effet, aucun cordon sanitaire médiatique n’est formalisé. Ainsi, les règlements – y compris électoraux – du Vlaamse Regulator voor de Media (VRM, autorité flamande de régulation des médias) ne prévoient aucune condition d’admission ou raison d’exclusion de partis politiques des services des médias audiovisuels. À l’inverse de ceux du CSA, ils n’invitent donc pas les éditeurs de services à écarter les représentants de partis d’extrême droite. Le président du Vlaams Belang, T. Van Grieken, indique d’ailleurs que, à l’issue des élections fédérales, régionales, communautaires et européennes du 26 mai 2019, il a fait face à un « tsunami de journalistes »  [40] et a connu « une période très agitée [sur le plan médiatique] au point qu’il ne savait plus dans quel studio il était allé »  [41].

30 L’absence de cordon sanitaire médiatique en Belgique néerlandophone ne signifie toutefois pas que le VB est considéré comme un parti ordinaire par les principaux médias du nord du pays. D’une manière générale, la part d’attention médiatique accordée au VB est proportionnellement plus faible que celle dévolue aux autres grands partis  [42]. En outre, la couverture médiatique du VB est souvent plus négative que celle réservée aux formations politiques démocratiques  [43]. Ainsi, à la veille des élections fédérales du 18 mai 2003, le quotidien De Standaard propose cinq « bonnes raisons » de voter pour chaque parti, mais précise explicitement qu’il n’en existe aucune de voter pour le Vlaams Blok  [44]. Comme l’indique la politologue Leonie de Jonge, dès l’origine, « au lieu d’isoler le Vlaams Blok, le journalisme flamand [préfère] se confronter aux opinions de ce parti d’une manière particulièrement critique »  [45] – et ce même si différentes sensibilités idéologiques peuvent être distinguées entre les principaux médias néerlandophones  [46].

31 En Belgique néerlandophone, l’attitude des médias à l’égard de l’extrême droite évolue à partir du début des années 2000, et ce particulièrement dans la foulée du haut score électoral enregistré par le VB à l’occasion du scrutin européen, régional et communautaire du 13 juin 2004  [47]. Selon les rédacteurs en chef de ces organes, interviewés par L. de Jonge dans le cadre de ses recherches, le fait de priver d’espace médiatique les représentants d’un parti politique qui se démarque électoralement empêche de faire du « bon journalisme »  [48]. Parallèlement à la multiplication des succès électoraux engrangés par le VB, la couverture médiatique réservée à ce parti apparaît alors de plus en plus nuancée et moins critique qu’auparavant. L. de Jonge repère ainsi : « En septembre 2004, De Standaard a donné pour la première fois une tribune libre au Vlaams Blok. Du côté de De Morgen, il faudra attendre jusqu’en juin 2016 pour que le journal publie pour la première fois un long entretien avec Filip Dewinter (…). En mars 2018, (…) De Morgen a [aussi] publié une longue interview avec Dries Van Langenhove, le fondateur alors inconnu de Schild & Vrienden qui allait plus tard rejoindre le Vlaams Belang. Cette initiative avait stupéfait de nombreux lecteurs »  [49].

32 L’absence de cordon sanitaire médiatique en Belgique néerlandophone est bientôt renforcée par une condamnation judiciaire de la VRT. Les 20 mai et 3 juin 2007, dans le cadre de la campagne électorale qui se tient alors en vue du scrutin fédéral du 10 juin 2007, la VRT organise deux débats entre les hommes politiques pouvant selon elle prétendre au poste de Premier ministre, à savoir Guy Verhofstadt (Open VLD), Johan Vande Lanotte (SP.A) et Yves Leterme (CD&V), qui sont tous trois têtes de liste pour le Sénat. Le 21 mai, n’ayant pas été invité à prendre part à ces débats, le président du Vlaams Belang, Frank Vanhecke, alors également tête de liste pour le Sénat, dépose une plainte auprès du VRM afin de dénoncer l’exclusion dont il fait l’objet. Selon F. Vanhecke, la formule choisie par la VRT est discriminatoire et va à l’encontre du principe d’impartialité qui s’impose à cette institution publique. Le 26 juin 2007, estimant que l’organisation de ces débats a été discriminatoire et que la VRT n’a pas respecté l’obligation d’objectivité qui lui incombe, le VRM inflige un avertissement à la VRT. Le 17 septembre, la chaîne publique flamande introduit un recours auprès de la section du contentieux administratif du Conseil d’État visant à annuler la décision du VRM. Cette dernière est néanmoins confirmée dans l’arrêt que le Conseil d’État rend le 25 juin 2009  [50], au motif notamment que la circonstance selon laquelle c’est en tant que parti liberticide que le Vlaams Belang a été exclu des deux débats n’est intervenue qu’à la marge dans la décision de la VRT, celle-ci ne s’étant pas référée à l’article 3 de la loi dite du Pacte culturel.

33 La responsabilité des médias dans le développement de l’extrême droite en Belgique néerlandophone est parfois questionnée. Ainsi, alors que le caractère raciste de l’organisation d’extrême droite Schild & Vrienden est révélé par un reportage de la VRT à l’automne 2018  [51], les médias multiplient les interviews de son leader, Dries Van Langenhove. Dans un récent ouvrage, Vincent Scheltiens et Bruno Verlaeckt s’interrogent : « Est-il dès lors exagéré d’affirmer que ce néofasciste est rapidement devenu une figure connue nationalement et dont le rayon d’action s’est soudainement étendu à toute la Flandre, en partie grâce au sensationnalisme entretenu par plusieurs médias importants ? »  [52] Cette notoriété a notamment permis à D. Van Langenhove d’être élu député fédéral sur une liste du VB le 26 mai 2019.

34 La différence qui prévaut entre les deux principales communautés linguistiques et culturelles du pays en termes de rapports des médias avec les formations, organisations et personnalités d’extrême droite est à mettre en rapport direct avec la différence de paysage politique qui prévaut de part et d’autre de la frontière linguistique. En Belgique néerlandophone, le VB apparaît solidement implanté depuis le dimanche noir de 1991, alors que l’extrême droite francophone, dispersée et surtout fragmentée, n’a pas réussi à se constituer en force politique aussi puissante. Les partis démocratiques francophones ne doivent pas affronter les mêmes enjeux que leurs homologues néerlandophones, qui pour leur part ont face à eux un parti d’extrême droite qui constitue un acteur politique important. En outre, l’extrême droite flamande s’est fortement appuyée sur la revendication d’un nationalisme flamand. Dès lors, le VB est parfois présenté comme un parti nationaliste flamand « comme un autre », qu’il serait donc malvenu d’empêcher de s’exprimer. L’idée parfois défendue est alors que le débat politique suffirait à empêcher toute croissance de l’extrême droite (ce qui ne se vérifie toutefois pas en pratique). À l’inverse, en Communauté française, face à une extrême droite morcelée et relativement faible, un cordon sanitaire médiatique a pu être mis en place ; il paraît effectivement plus facile d’appliquer un cordon sanitaire médiatique lorsque l’extrême droite est fragmentée et ne constitue pas un parti dépassant largement le seuil électoral des 5 % et prétendant au débat public. Dans la partie francophone du pays, le cordon sanitaire médiatique, tout comme le cordon sanitaire politique, a une fonction « préventive » avant tout  [53].

3.3. L’absence de cordon sanitaire médiatique en Belgique germanophone

35 Le principe du cordon sanitaire médiatique tel qu’il existe en Belgique francophone n’est pas d’application en Belgique germanophone. Pour cause, cette partie du pays est caractérisée par l’absence de partis politiques d’extrême droite. En conséquence, l’autorité indépendante de régulation des médias de la Communauté germanophone, le Medienrat der Deutschsprachigen Gemeinschaft, n’a jamais formulé de recommandation ou de règlement équivalent à ceux édictés par le CSA.

36 Cependant, il convient de noter qu’un décret germanophone du 1er mars 2021 interdit aux fournisseurs de services de médias de délivrer des services « qui incitent à la discrimination, à la haine ou à la violence en raison [de la nationalité, d’une prétendue race, de la couleur de peau, de l’ascendance, de l’origine nationale ou ethnique, de l’âge, de l’orientation sexuelle, de la conviction religieuse ou philosophique, d’un handicap, du sexe et des critères apparentés tels que la grossesse, la naissance et la maternité, de la parentalité ou du transsexualisme, de l’état civil, de la naissance, de la fortune, de la conviction politique, de la conviction syndicale, de la langue, de l’état de santé actuel ou futur, d’une caractéristique physique ou génétique ou de l’origine sociale], ou en raison de l’appartenance à une minorité nationale »  [54].

3.4. L’impact du cordon sanitaire médiatique sur les partis politiques d’extrême droite

37 Le cordon sanitaire médiatique est classiquement considéré comme constituant un facteur expliquant la faiblesse structurelle de l’extrême droite en Belgique francophone  [55]. Plusieurs autres facteurs sont également réputés intervenir, tels que le fort engagement associatif et syndical à travers de nombreuses campagnes publiques contre l’extrême droite (cf. infra)  [56].

38 La littérature scientifique indique que des facteurs individuels – par exemple, en termes d’attitudes au regard de la question migratoire ou de la question sécuritaire – ne permettent pas de comprendre la différence de destin électoral rencontrée par l’extrême droite flamande et l’extrême droite francophone  [57]. Pour sa part, L. de Jonge suggère que les stratégies adoptées par les médias sont cruciales pour comprendre l’échec ou le succès des partis d’extrême droite en Belgique  [58]. En optant pour un cordon sanitaire médiatique, les médias francophones privent les partis d’extrême droite d’une opportunité de se faire connaître et de diffuser leurs messages au sud du pays. En outre, ils participent à contrer les tentatives de banalisation de l’extrême droite  [59]. En conséquence, la fortune électorale de ces formations politiques s’en retrouve particulièrement affectée. Un cadre de Nation  [60] reconnaît d’ailleurs explicitement cette difficulté à laquelle fait face son parti : « Les gens n’ont pas voté pour nous parce qu’ils ne nous connaissent pas ; il y a un cordon médiatique absolu. (…) C’est ça le problème. Vous pouvez faire ce que vous voulez mais il n’y a que deux options pour y arriver : c’est soit avoir un accès aux médias, soit avoir beaucoup, beaucoup, beaucoup d’argent »  [61]. Dans une perspective comparée, L. de Jonge montre aussi que l’attitude de démarcation adoptée par les médias luxembourgeois à l’égard de l’extrême droite – attitude qui, certes, n’est pas formalisée à travers un véritable cordon sanitaire médiatique – contribue à ostraciser l’extrême droite au Grand-Duché de Luxembourg et à y endiguer son développement  [62].

39 Nonobstant l’impact électoral que le cordon sanitaire médiatique peut avoir pour les formations d’extrême droite, l’efficacité de ce dispositif n’en demeure pas moins remise en cause, au moins partiellement, par certains segments de la société civile. D’une part, d’aucuns font valoir que l’extrême droite parvient à propager son message auprès du grand public en contournant les médias traditionnels, principalement à travers les réseaux dits sociaux. De fait, il est démontré que les réseaux sociaux permettent le développement de nouvelles formes de participation au débat public  [63] et sont mobilisés par l’extrême droite pour répandre ses idées  [64]. En outre, nombre d’organisations d’extrême droite développent leurs propres médias. Ainsi, le 10 novembre 2020, T. Van Grieken annonce la création d’une web-télé diffusée sur YouTube (« Vlaams Belang TV », VBTV)  [65]. Du côté francophone, Nation s’est doté depuis le 14 mars 2014 d’une chaîne YouTube intitulée « Télé NATION Info ». D’autre part, le cordon sanitaire médiatique est parfois perçu comme offrant une occasion supplémentaire aux formations d’extrême droite de se présenter comme des victimes persécutées par « le système ». Il contribuerait ainsi à leur permettre de se poser en « martyrs ».

40 Défendant de tels arguments, Léopold Van den Abeele – alors étudiant en droit à l’Université Saint-Louis – Bruxelles, co-fondateur de Young Talks et conseiller communal MR-IC à Lasne – écrit dans une carte blanche publiée dans L’Écho le 31 mai 2019 : « [Les réseaux sociaux] sont une nouvelle place publique pour les partis antidémocratiques, un nouveau porte-voix où ils peuvent sans limites déverser, d’une part, leur discours raciste, xénophobe et dangereux, et, d’autre part, leur haine et profond mépris à l’égard des médias qui leur appliquent plus que jamais le cordon sanitaire (…). Sur Internet, les arguments populistes ne peuvent être défaits par des réponses pragmatiques et les paroles nauséabondes ne peuvent être contrariées. Penser que la censure s’appliquera un jour au Web relèverait d’une méconnaissance criante du Net et de son fonctionnement (…). Face à cette parole à nouveau débridée, les médias traditionnels doivent se rendre à l’évidence : le cordon sanitaire médiatique, s’il existe encore, ne fonctionne plus. Il ne protège plus le citoyen face au discours populiste. Pire, il l’amplifie et provoque une méfiance chez celui-ci. S’ils veulent combattre ce phénomène, ils doivent se réinventer, vers plus de neutralité, vers encore plus de débats contradictoires »  [66]. Dans une chronique publiée dans Le Soir le 2 juin 2021, le journaliste politique Ivan De Vadder (VRT) se prononce dans le même sens : « Les “cordons” datent d’une période où les réseaux sociaux n’étaient pas encore inventés. Imposer maintenant un “cordon médiatique” ne semble pas très fructueux vu la percée de Facebook dans la société actuelle. Un parti comme le Vlaams Belang a fondé sa victoire aux élections de 2019 sur sa présence sur les réseaux sociaux, et pas dans les médias classiques »  [67].

4. La mobilisation de la société civile face à l’extrême droite, ou le développement d’un cordon sanitaire citoyen et éducatif

41 La littérature en science politique a consacré de nombreux travaux ces dernières années à l’étude des moyens mobilisés par les formations politiques démocratiques et par les autorités publiques pour lutter contre l’extrême droite  [68]. En revanche, elle s’est nettement moins penchée sur les moyens mis en œuvre par la société civile dans ce même objectif  [69]. Pourtant, plusieurs rôles peuvent être endossés par celle-ci dans la lutte contre l’extrême droite.

42 Par société civile, nous entendons ici « l’espace social intermédiaire dans lequel les citoyens sont amenés à s’organiser de façon spontanée, en faisant usage de certaines de leurs libertés fondamentales comme la liberté d’expression ou celle d’association, et ce en dehors et indépendamment de l’État, des partis politiques et des acteurs économiques »  [70]. La notion recouvre donc des associations dont la nature et les objets peuvent être extrêmement variés.

43 Au sein de la société civile, les stratégies, les outils et les moyens de lutte contre l’extrême droite ne sont pas homogènes : ils varient selon les acteurs. Pour notre part, nous proposons de distinguer six rôles spécifiques qui peuvent être endossés face à l’extrême droite (cf. figure 1)  [71]. Il est à noter d’emblée que ces rôles ne sont pas exclusifs l’un de l’autre.

44 Primo, un acteur de la société civile peut jouer un rôle d’information et de communication auprès de la population afin de délégitimer l’extrême droite et les idées qu’elle véhicule, par exemple en organisant une manifestation pacifique ou une campagne de communication. Secundo, il peut mener un travail éducatif et culturel auprès des citoyens pour affaiblir l’extrême droite en amont ; dans ce cas, il s’agit de sensibiliser ou de faire prendre conscience à la population ou à des segments de la population, comme les jeunes ou les femmes, des dangers que comporte l’extrême droite pour ce groupe spécifiquement ou pour la société dans son ensemble. Tertio, il peut inciter les acteurs institutionnels – au premier rang desquels les gouvernements – à opérer une répression ou un encadrement toujours plus étroit de l’extrême droite, par exemple au moyen de l’adoption de nouvelles législations. Quarto, un acteur de la société civile peut mobiliser les outils juridiques qui sont à sa disposition pour poursuivre un parti, un groupe ou un individu devant les cours et tribunaux. Quinto, il peut faire de même pour défendre des victimes de l’extrême droite et ainsi contrer les effets de cette tendance politique. Sexto, il peut s’ériger en rempart physique au développement de l’extrême droite, par exemple en empêchant un parti ou un groupuscule d’extrême droite de tenir une réunion.

Figure 1. Typologie des rôles endossés par des acteurs de la société civile face à l’extrême droite

Figure 1. Typologie des rôles endossés par des acteurs de la société civile face à l’extrême droite

Figure 1. Typologie des rôles endossés par des acteurs de la société civile face à l’extrême droite

45 Le présent chapitre n’a pas vocation à cartographier l’ensemble des acteurs de la société civile organisés en vue de lutter contre l’extrême droite en Belgique, ni à présenter de façon exhaustive la panoplie de moyens mobilisés par la société civile dans ce cadre. Il propose plutôt de dresser un panorama des principaux acteurs – qui diffèrent par leur composition, leur cadre juridique, leurs moyens d’action, leur histoire ou encore leur implantation géographique – afin de mieux saisir les rôles qu’endosse la société civile face à l’extrême droite et la manière dont elle s’organise pour remplir ceux-ci.

4.1. L’activisme antifasciste

46 Définir l’antifascisme n’est pas chose aisée  [72]. Pour cause, la notion de fascisme elle-même est polysémique et prête à confusion. Julien Dohet repère ainsi au moins trois définitions du fascisme, selon le périmètre auquel ce concept trouve à s’appliquer, allant d’une acception se limitant au Partito Nazionale Fascista (PNF, Parti national fasciste) italien créé par Benito Mussolini le 9 novembre 1921 à une acception plus large assimilant le fascisme à l’extrême droite  [73].

47 Quoi qu’il en soit, l’objectif premier des mouvements et organisations antifascistes contemporains est de combattre, à travers l’action militante, les partis et mouvements développant une idéologie d’extrême droite. Ainsi Mark Bray définit-il l’antifascisme comme « un combat révolutionnaire progressiste contre l’extrême droite en général »  [74]. Mais la mobilisation antifasciste trouve également à exister et à s’exprimer dans les régions ou pays où l’extrême droite est marginale, voire inexistante. Tel est par exemple le cas en Irlande : alors que l’extrême droite peine à s’implanter dans ce pays – et ce bien que les conditions économiques et politiques pour le développement de partis d’extrême droite y aient été réunies, au moins à certains moments  [75] –, l’antifascisme y est particulièrement bien développé  [76]. Cela s’explique notamment par le fait que l’antifascisme constitue un espace de convergence pour la gauche, modérée ou radicale, et permet à des activistes de gauche issus de différentes tendances de se réunir. Mais l’activisme des antifascistes dans des régions ou pays qui semblent immunisés contre l’extrême droite est également dû au fait que, à travers leurs actions, ils espèrent empêcher a priori des groupes et groupuscules d’extrême droite de voir le jour et de s’enraciner. Dès lors, l’antifascisme ne doit pas être perçu uniquement comme un « phénomène essentiellement réactif »  [77]. Sa raison d’être est aussi de prévenir l’émergence et le développement de l’extrême droite  [78]. En Irlande, il s’agit d’ailleurs de la motivation première des activistes antifascistes  [79].

48 La littérature scientifique indique que ce rôle n’est pas sans impact sur le destin de l’extrême droite. Ainsi, Sean Birchall affirme que l’antifascisme militant a été à la base de la faiblesse structurelle de l’extrême droite au Royaume-Uni jusque 2002  [80]. En 2017, une étude menée par Nigel Copsey abonde dans le même sens, mettant au jour une corrélation entre la croissance des partis d’extrême droite britanniques à partir de 2002 et le déclin du militantisme antifasciste à cette période  [81].

49 Néanmoins, l’extrême droite ne se résume pas à des partis politiques, et les actions employées par les antifascistes peuvent être de différentes natures. En conséquence, l’effet des mobilisations antifascistes sur l’extrême droite est sans doute plus nuancé. Par exemple, Johannes Vüllers et Sebastian Hellmeier démontrent que les contre-manifestations antifascistes organisées en Allemagne entre 2014 et 2017 n’ont pas permis d’empêcher la multiplication des mobilisations organisées par le mouvement d’extrême droite Patriotische Europäer gegen die Islamisierung des Abendlandes (PEGIDA, Européens patriotes contre l’islamisation de l’Occident), ni d’en réduire le nombre de participants lors de mobilisations ultérieures  [82]. En outre, ils indiquent que les actions violentes entreprises par des antifascistes à l’égard de supporters de PEGIDA réduisent significativement la probabilité que ce mouvement d’extrême droite cesse de se mobiliser. Cela s’explique par le fait que la violence à l’encontre d’activistes d’extrême droite renforce la solidarité entre ces derniers et conduit à une accentuation des mobilisations d’extrême droite.

50 Si la violence fait partie intégrante de la lutte antifasciste, elle est toutefois reconnue par plusieurs auteurs comme ne représentant qu’« une toute petite partie – néanmoins vitale – de l’antifascisme »  [83]. En effet, les actions auxquelles recourent les antifascistes relèvent d’un répertoire particulièrement diversifié et elles peuvent prendre de très nombreuses formes : chants lors de discours tenus par des représentants d’extrême droite, occupation de lieux dans lesquels des événements d’extrême droite sont prévus, tentatives d’empêcher la diffusion ou la vente de journaux de cette tendance politique, etc.  [84]

51 En Belgique comme ailleurs en Europe, les mouvements et organisations antifascistes fédèrent largement, principalement à la gauche du spectre politique. Ainsi, tant des communistes que des autonomes ou encore des anarchistes se revendiquent antifascistes – les deux dernières catégories citées étant par ailleurs majoritairement représentées de nos jours. Néanmoins, il existe peu de structures antifascistes institutionnalisées. Les activistes de l’antifascisme s’organisent plutôt au sein de mouvements, souvent éphémères, qui parviennent à rassembler plus ou moins largement selon le contexte et le moment.

4.1.1. Un paysage antifasciste diversifié

52 Une sélection d’exemples permet d’illustrer le caractère particulièrement hétérogène de la mouvance antifasciste en Belgique dans l’histoire récente et de nos jours. Il est à noter que la plupart des organisations mentionnées se développent essentiellement au niveau local. Toutefois, cela ne les empêche pas de partager généralement une même conception de ce qu’est « l’ennemi »  [85], et ce malgré la diversité des organisations ou des personnalités ciblées. En effet, les antifascistes s’accordent non seulement sur l’identification des acteurs issus de l’extrême droite traditionnelle à combattre, mais aussi sur celle de partis ou organisations qui, selon eux, sont en voie de radicalisation  [86]. Par ailleurs, en dépit du caractère pluriel de leur mouvement, les antifascistes partagent une même culture propre  [87], par exemple à travers les slogans largement mobilisés « No pasaran » (Ils ne passeront pas) et « Pas de fachos dans nos quartiers, pas de quartier pour les fachos ».

53 L’un des plus anciens mouvements antifascistes encore présents aujourd’hui en Belgique est sans doute l’Anti-Fascistisch Front (AFF), fondé en Flandre le 6 novembre 1974. Constituant à l’origine un front composé de plusieurs organisations – notamment syndicales –, son objectif premier est de lutter contre l’idéologie fasciste ainsi que contre les acteurs qui la portent. En outre, l’AFF s’érige notamment contre le capitalisme et promeut des réformes démocratiques. Sur le plan politique, l’AFF est longtemps soutenu dans ses actions par la Ligue révolutionnaire des travailleurs-Revolutionaire Arbeidersliga (LRT-RAL) – devenue le Parti ouvrier socialiste-Socialistische Arbeiderspartij (POS-SAP) en 1984  [88] –, par l’aile flamande du PTB et par le SP anversois. Au début des années 1990, l’AFF devient une véritable organisation de membres. Ses modes d’action sont diversifiés : manifestations, soirées d’information, concerts et publications (à travers son mensuel Verzet [89] et en ligne). De 2005 à juin 2018, l’AFF tient un blog dans lequel il partage de nombreuses informations et analyses relatives à l’extrême droite ; par la suite, c’est surtout via Facebook que l’AFF est actif en ligne. En août 2019, un nouveau blog est créé  [90], en complément à la présence du front sur les réseaux sociaux.

54 Durant les années 1990, dans un contexte marqué par un regain d’intérêt électoral pour les partis d’extrême droite, nombre de collectifs et mouvements antifascistes voient le jour à travers le pays. Parmi ceux-ci, citons Blokbuster, considéré comme « la figure et l’ossature de l’antifascisme militant et combatif en Flandre »  [91]. Fondé en 1991 par la formation trotskyste Parti socialiste de lutte-Linkse Socialistische Partij (PSL-LSP)  [92], Blokbuster est un mouvement de lutte anticapitaliste et antifasciste, qui se développe dans la foulée de la chute du mur de Berlin et du « dimanche noir » du 24 novembre 1991. Ses initiateurs estiment que les actions menées jusqu’alors – notamment par le mouvement Charta 91 et le collectif Hand in Hand tegen Racisme (cf. infra) – ne sont pas suffisamment concrètes et se limitent à condamner moralement le Vlaams Blok. Pour sa part, Blokbuster entend rassembler des jeunes au niveau local afin d’organiser et de soutenir des actions contre le Vlaams Blok. Il constitue alors « un instrument pour des milliers de jeunes afin de transformer leur colère contre le Vlaams Blok en action »  [93]. Longtemps, Blokbuster se distingue en organisant des manifestations devant les lieux de réunion du Vlaams Blok, puis du Vlaams Belang. Le 2 décembre 2019, lorsque le leader du parti d’extrême droite italien Lega, Matteo Salvini, intervient lors d’un meeting du groupe politique européen Identity and Democracy (Identité et démocratie) organisé par le Vlaams Belang à Anvers, Blokbuster et d’autres organisations unissent leurs forces : elles mobilisent près de 200 activistes antifascistes pour protester contre la tenue de l’événement  [94].

55 Le Collectif d’Outre-Meuse contre l’extrême droite est une association de fait fondée à Liège le 16 mars 1994, en réaction à l’ouverture d’un local, dans cette ville, par l’organisation d’extrême droite Avant-garde d’initiative régionaliste (AGIR)  [95]. Actif jusqu’au 21 septembre 2005, ce collectif parvient à rassembler jusqu’à plusieurs centaines de militants sur le territoire liégeois, selon les moments et selon le contexte  [96]. Il est notamment connu pour avoir organisé des manifestations à deux moments symboliques : le 8 mai, commémorant la victoire face au nazisme en 1945, et le 9 novembre, en souvenir du pogrom connu sous le nom de « nuit de cristal » en 1938. S’il a aujourd’hui disparu du paysage antifasciste belge, après un peu plus de dix ans d’existence, le Collectif d’Outre-Meuse contre l’extrême droite a été, à son époque, l’un des acteurs antifascistes majeurs dans la région liégeoise.

56 Sur le terrain électoral aussi, la lutte antifasciste est engagée dans les années 1990. Ainsi, l’Unité antifasciste - Antifascistische Eenheid (UA-AE) se présente en cartel avec le PTB lors des élections fédérales, régionales et communautaires du 21 mai 1995 et du 13 juin 1999 (sous l’étiquette PTB–UA du côté francophone et PVDA–AE du côté néerlandophone)  [97]. Les résultats de ce cartel sont néanmoins marginaux : ils ne dépassent pas le pourcent au niveau national.

57 D’autres collectifs et mouvements voient le jour durant cette décennie en réaction à l’extrême droite. Citons par exemple Namur antifasciste (NAF), qui existe de 1995 à 2012  [98], et le Front antifasciste (FAF) à Liège, qui entend fédérer de nombreux groupes indépendants dès 1991 mais s’éteint dans les années 2000.

58 La mobilisation antifasciste est moins intense au début du XXIe siècle. En revanche, la dynamique antifasciste connaît un nouvel élan dans les années 2010.

59 Bien qu’il ne soit pas doté d’une structure ou d’une identité (il précise d’ailleurs explicitement qu’il « n’est pas un collectif »), le projet Veille Antifa Liège se constitue en tant qu’outil « de diffusion d’informations et d’analyses mis à disposition des antifascistes »  [99]. Fondé semble-t-il en 2014, ce projet consiste essentiellement en un blog sur lequel sont diffusés des visuels et des publications à caractère antifasciste. Les contributeurs – qui interviennent de façon anonyme – entendent ainsi surveiller les organisations d’extrême droite et leur développement, partager les informations relatives aux initiatives antifascistes, et déconstruire et décrypter les discours tenus par l’extrême droite ou celles et ceux qui les alimentent. Si le blog du projet Veille Antifa Liège est toujours en ligne à l’heure de rédiger ce Courrier hebdomadaire, aucun nouveau contenu ne l’a toutefois alimenté depuis fin mai 2019.

60 En 2015, suite à l’agression d’un activiste antifasciste italien (prénommé Emilio) à Crémone, en Italie, par des membres de l’organisation d’extrême droite Casapound  [100], une vaste mobilisation contre le fascisme se développe en Italie mais aussi au-delà des frontières de ce pays. En Belgique, elle donne naissance au mouvement Antifascisti Bruxelles. L’objectif de celui-ci est de rassembler les Italiens de la région bruxelloise dans une démarche antifasciste. Actif jusqu’en août 2019, ce mouvement organise et – surtout – rejoint de nombreuses initiatives en Belgique, comme le rassemblement contre l’inauguration du centre fermé pour étrangers de Holsbeek, le 7 mai 2019, lors de la venue des ministres Koen Geens (CD&V) et Maggie De Block (Open VLD).

61 En région bruxelloise, le mouvement Bruxelles - Zone Antifasciste (BZA) se distingue par son activisme en réaction à l’ouverture d’un local par le parti paneuropéen d’extrême droite Alliance pour la paix et la liberté (APL), le 19 avril 2016 à Ixelles. L’APL est un mouvement politique fondé en 2014, qui vise à rassembler les formations identitaires d’Europe. Parmi les membres les plus connus, figurent Nation (Belgique), Dissidence française (France) et le Nationaldemokratische Partei Deutschlands (NPD, Parti national-démocrate d’Allemagne)  [101]. Suite aux élections européennes de mai 2014 – lors desquelles le NPD est parvenu à décrocher un siège d’eurodéputé  [102] –, il bénéficie d’un subside du Parlement européen en 2016, grâce auquel il loue un local au 22 square de Meeûs à Ixelles. BZA mène alors une campagne de mobilisation – intitulée « Non au local nazi » – dont l’objectif est la fermeture de ce local. Comme l’indique le tract distribué à cette occasion, le mouvement antifasciste refuse de laisser à une formation d’extrême droite l’opportunité de se développer : « Ce local est un danger pour tous ceux qui ne correspondent [pas] à leur ordre de fer blanc et chrétien et nous sommes nombreuses et nombreux à ne pas rentrer dans ce projet : immigré-e-s, sans-papiers, musulman-e-s, juif-ve-s, progressistes, LGBT, syndicalistes, … Nous n’attendrons pas qu’un drame se produise dans notre ville. Nous ne les laisserons pas s’implanter dans nos quartiers. Nous ne leur laisserons plus jamais l’occasion de mettre en application leur idéologie »  [103]. Cette mobilisation est intense et prend diverses formes : meeting antifasciste organisé à l’Université libre de Bruxelles (ULB) le 28 septembre 2016, manifestations devant la maison communale d’Ixelles les 20 octobre et 24 novembre 2016, meeting et concert antifasciste le 28 octobre, etc. Faute de pouvoir continuer à bénéficier d’un subside du Parlement européen, l’APL ferme son local à la fin de l’année 2017. L’activisme de BZA se poursuit néanmoins depuis lors, toujours en vue de lutter contre l’extrême droite.

62 Dans la perspective du scrutin multiple du 26 mai 2019, est créé le Collectif des femmes qui l’ouvrent (CFO). Initialement composé uniquement de femmes, celui-ci a pour objectif de « résister aux idées d’extrême droite en province de Luxembourg et [de lutter] contre le repli sur soi »  [104]. Dans la nuit du 5 au 6 juin 2019, il se fait remarquer par une campagne d’affichage menée dans pas moins de 33 des 44 communes de la province de Luxembourg, invitant à résister à l’extrême droite. Dans la nuit du 12 au 13 mars 2020, une deuxième campagne d’affichage se tient dans cette même province afin de « promouvoir l’ouverture à l’autre » et de « dénoncer la politique européenne envers les migrants »  [105]. Lié aux Équipes populaires (EP, une des organisations socio-éducatives du Mouvement ouvrier chrétien - MOC), le CFO intervient dans le débat public à travers des conférences et autres activités à caractère pédagogique.

63 Enfin, l’activisme antifasciste peut recouvrir une réalité transnationale et s’organiser en réseau. Tel est le cas de l’Action antifasciste, qui est un réseau de collectifs antifascistes autonomes présents dans de nombreux pays à travers le monde et qui promeut l’action directe contre l’extrême droite, par exemple via des actions de tractage, via l’organisation de manifestations ou encore via des actions violentes. En Belgique, une section est par exemple constituée à La Louvière. Au nord du pays, Antifa Antwerpen est reliée aussi à ce réseau. Elle se présente comme une organisation antifasciste qui est principalement composée d’anarchistes et qui vise à combattre « toute forme de racisme, de fascisme, de sexisme, d’homophobie et de transphobie, ainsi que d’autres formes de haine »  [106]. Concrètement, elle agit au moyen de l’organisation de rassemblements, de soirées d’information, de soirées cinéma, de la diffusion d’affiches et de dépliants ou encore du retrait d’autocollants racistes. Après plusieurs années d’activisme intense, Antifa Antwerpen est devenue discrète depuis les élections multiples du 26 mai 2019.

4.1.2. L’antifascisme dans les stades de football

64 Certains mouvements antifascistes s’inscrivent dans une perspective davantage ciblée, avec une portée plus limitée. Tel est le cas des mouvements qui rassemblent des supporters antifascistes au sein de clubs de football. Alors que les stades de football sont classiquement considérés comme étant des « agoras du XXIe siècle, où toutes les opinions sont exprimées librement, à la recherche d’un consensus plus large »  [107], ils constituent des espaces d’expression (à travers des chants ou des symboles, voire à travers la profération d’insultes à caractère raciste ou l’exercice de la violence) pour des groupes d’ultras influencés notamment par l’idéologie d’extrême droite  [108]. En conséquence, la lutte contre l’extrême droite par les antifascistes s’organise aussi au sein des stades de football, à travers des acteurs qui ont vocation à se mobiliser principalement au sein de ces arènes. Il est à noter que, outre à la présence de l’extrême droite dans les tribunes, les groupes ultras antifascistes s’opposent « au football capitaliste moderne et à l’ancrage solide de l’idéologie capitaliste en son sein », en défendant un football davantage « populaire »  [109].

65 En Belgique, il en est ainsi des Unionistes antifascistes, qui sont un groupe de supporters antifascistes de la Royale union saint-gilloise (RUSG). Présent sur les réseaux sociaux, ce mouvement a pour objectif de renforcer ou, à tout le moins, de perpétuer l’héritage et la culture antifasciste chez de nombreux supporters et au sein du stade Joseph Marien, à Saint-Gilles. C’est principalement par le moyen de l’affichage de banderoles et de drapeaux et le port de t-shirts et pin’s aux couleurs bleue et jaune et arborant le message « Toute ma vie unioniste antifasciste » que ces supporters s’expriment. Le 11 janvier 2020, lors d’un match entre la RUSG et le club Oud-Heverlee Leuven (OHL), la police fait enlever une banderole comportant le slogan « Toute ma vie unioniste antifasciste », qu’elle considère comme étant « de la provocation »  [110]. Cette interdiction crée un tollé parmi les supporters. Quelques jours plus tard, les autorités du club reçoivent une délégation de supporters et lèvent l’interdiction de drapeaux et banderoles antifascistes. Depuis lors, les Unionistes antifascistes poursuivent leurs activités au sein du stade. Néanmoins, leur activisme dépasse leur présence dans les arènes footballistiques. Ainsi, ils participent à un certain nombre de manifestations antifascistes et/ou antiracistes, comme les 24 mars et 28 mai 2019.

66 À Liège, les Ultras Inferno 96 (UI96) constituent un groupe de supporters antifascistes dont l’objectif est d’afficher son soutien à l’équipe du Standard de Liège, notamment par le moyen de banderoles et de chants antifascistes et antiracistes. Cela n’empêche toutefois pas ces supporters, lorsque les joueurs de l’équipe ne sont pas à la hauteur de leurs espérances, de se livrer à leur égard à des actions qui peuvent être qualifiées de radicales : « grève des encouragements, tribune bloquée, messages incendiaires, descente aux entraînements »  [111]. Fondé en 1996, ce groupe de supporters est important par sa taille.

67 La mobilisation face à l’extrême droite et à ses dérives au sein des stades de football va plus loin encore, et spécifiquement au sein du Standard de Liège. Ainsi, en 1990, un programme de « fan coaching » est mis sur pied à Liège, par l’Université de Liège (ULg) et la Ville de Liège, notamment autour du psychologue Manuel Comeron. Voyant le jour dans la foulée du drame du Heysel  [112], l’asbl Fan coaching a pour objectif de réduire les violences développées par les supporters dans les stades, à travers un travail éducatif et un encadrement des supporters les plus à risque  [113]. Ce type de programme de lutte contre le hooliganisme est ensuite étendu à d’autres stades de football belges de division nationale. M. Comeron indique : « Le Fan coaching du Standard est devenu un exemple, une locomotive et a eu des répercussions internationales incroyables. On a divisé par trois les incidents alors que le club, au départ, était à la base d’un tiers des incidents en Belgique »  [114].

4.1.3. Vers la création d’espaces de convergence de l’action antifasciste

68 Les mouvements antifascistes sont variés, rassemblent des tendances philosophiques parfois très distinctes, sont souvent peu structurés et interviennent à travers des moyens d’action divergents, allant dans certains cas jusqu’au recours à la violence ou à l’illégalité. Néanmoins, il existe des initiatives visant à fédérer les antifascistes, telles que, récemment, le Front antifasciste Liège 2.0 et Stand Up.

69 Dans la seconde moitié des années 2000, la menace électorale représentée par l’extrême droite semble réduite en Belgique francophone. En conséquence, la mobilisation des mouvements antifascistes est moins vigoureuse. Cela ne signifie pas qu’elle est inexistante. Par exemple, en 2016, les antifascistes liégeois (notamment à l’initiative de Veille Antifa Liège) empêchent à deux reprises la tenue d’un rassemblement de la branche belge du mouvement PEGIDA « contre l’islamisation de l’Europe » à Liège. Cette mobilisation des mouvements antifascistes est toutefois peu organisée et, surtout, peu coordonnée.

70 Le 20 décembre 2018, un appel est lancé afin de reconstituer un front antifasciste à Liège, en réaction à la présence de Nation dans le quartier Saint-Léonard et aux collages d’affiches et d’autocollants réalisés par Agir et par le Parti populaire (PP) en vue du scrutin multiple du 26 mai 2019. Créé en 1991, le Front antifasciste (FAF) de Liège avait réussi à réunir un grand ensemble de militants pendant près de dix ans  [115], avant de perdre de sa vigueur, au point qu’il ne comptait plus que 36 membres cotisants en 2000  [116] et a ensuite disparu (cf. supra). Or, avec l’appel du 20 décembre 2018, le FAF est voué à renaître de ses cendres. Les initiateurs de la démarche indiquent : « Si une coordination avec une réelle existence au-delà d’un nom ou d’un label n’existe plus depuis des années, l’antifascisme reste une réalité dans la région liégeoise. De nombreuses associations, structures, groupes militants ont de manière plus ou moins importante cette dimension dans les valeurs qu’elles et ils portent. Beaucoup ont ainsi continué à mener des projets d’éducation et de formation sur ces questions. Tout comme des groupes affinitaires ont continué à mener un combat sur le terrain. Mais si ces différentes actions et pratiques se côtoient, une réelle liaison permettant de les renforcer mutuellement manque »  [117]. L’objectif de l’appel ainsi lancé en la faveur d’un front antifasciste n’est donc pas de créer une nouvelle organisation à proprement parler, mais plutôt de refonder une structure ancienne. Il s’agit de renforcer la coordination entre les groupes et mouvements antifascistes présents à Liège afin de les rendre plus efficaces. L’ensemble des sensibilités de l’antifascisme sont appelées à se réunir derrière ce front.

71 Le 30 janvier 2019, près de 250 personnes se réunissent au Manège de la Caserne Fonck, à Liège, et créent officiellement le Front antifasciste Liège 2.0. Une quarantaine d’associations sont alors représentées : il s’agit « de structures institutionnalisées comme les syndicats, mais également de groupes affinitaires en passant par des associations culturelles, d’éducation permanente, ou encore du noyau antifasciste des supporters du Standard et de représentants des Gilets jaunes par exemple »  [118]. Citons notamment la FGTB, la CSC, l’Association pour une taxation sur les transactions financières et l’action citoyenne (ATTAC)  [119], La Cible, la Maison Arc-en-Ciel (MAC) et Les Territoires de la Mémoire  [120].

72 Très rapidement, le Front antifasciste Liège 2.0 – dont l’assemblée générale se réunit mensuellement – parvient à mobiliser ses militants. Ainsi, le 19 février 2019, entre 100 et 200 personnes se rassemblent à Verviers à son initiative pour empêcher la tenue d’une conférence lors de laquelle l’ancien secrétaire d’État fédéral à l’Asile et la Migration, Theo Francken (N-VA), est censé présenter son ouvrage Continent sans frontière. T. Francken est contraint de faire demi-tour alors qu’il approche du lieu de l’événement. Quelques semaines plus tard, le Front antifasciste Liège 2.0 initie une opération de sabotage de l’affichage des partis d’extrême droite en vue des élections multiples du 26 mai 2019. En janvier 2020, la FGTB Charleroi-Sud Hainaut et la CSC Charleroi-Sambre et Meuse appellent à la mobilisation pour s’opposer à la tenue du congrès fondateur du Parti national européen (PNE), situé à l’extrême droite de l’échiquier politique, événement qui doit se tenir le 25 janvier à Gilly. Le Front antifasciste Liège 2.0 répond présent à cet appel. Ses militants se trouvent toutefois confrontés à une situation à laquelle ils sont peu accoutumés. Alors que les autorités communales liégeoises interdisent en général les rassemblements d’extrême droite mais autorisent les manifestations antifascistes pacifiques, la police présente à Charleroi a déployé un dispositif important (incluant le recours à des sprays lacrymogènes et à une autopompe) pour disperser les manifestants et permettre le déroulement du rassemblement du PNE.

73 Nécessitant moins de moyens, une technique également développée par les antifascistes liégeois est d’annoncer systématiquement un contre-rassemblement lorsqu’un parti d’extrême droite prépare une manifestation. L’objectif est que la commune sur le territoire de laquelle ces deux rassemblements sont prévus interdise chacun de ceux-ci dans la crainte de troubles à l’ordre public. De manière générale, le Front antifasciste Liège 2.0 vise à faire perdre à l’extrême droite ou à ceux qui sont assimilés à celle-ci « un maximum d’énergie, un maximum de temps, un maximum d’organisation pour que tout ça fasse qu’ils n’ont pas le temps de se déployer dans leur propagande, dans le réseautage, etc. »  [121].

74 Même si le Front antifasciste Liège 2.0 prend aussi part à des rassemblements organisés ailleurs, parfois à l’étranger, ce mouvement de fédération des organisations et mouvements antifascistes demeure néanmoins ancré au niveau de la province de Liège. Cela s’explique surtout par le fait que le Front antifasciste Liège 2.0 n’a pas vocation à élargir sa lutte ailleurs, ses activistes considérant qu’il est essentiel de connaître et d’entretenir des liens avec le terrain local pour développer leurs actions.

75 Distinct du Front antifasciste Liège 2.0 en ce sens qu’il ne consiste pas en une plateforme disposant d’une assemblée générale décisionnelle, Stand Up est un projet qui vise à coordonner les associations qui poursuivent (entre autres) un objectif de lutte contre l’extrême droite  [122]. Il forme ainsi une coalition d’organisations, syndicats et collectifs unis dans cet objectif. Parmi les premiers membres de Stand Up les plus connus, mentionnons les Jeunes CSC Bruxelles et leur pendant néerlandophone l’ACV Jongeren Brussel, les Jeunes FGTB (dont la section de Bruxelles), le Comité des travailleur.se.s migrant.e.s avec et sans papiers de la CSC, l’interrégionale bruxelloise de la Centrale générale des services publics (CGSP, affiliée à la FGTB) (dont le secteur des administrations locales et régionales - ALR), Antifascisti Bruxelles, les Actrices et acteurs des temps présents (AADTP), Blokbuster, le Comité d’action communiste (COMAC, mouvement de jeunes du PTB), la Coordination nationale d’action pour la paix et la démocratie (CNAPD), les Équipes populaires (EP) Bruxelles, les Femmes prévoyantes socialistes (FPS), les Jeunes organisés et combatifs (JOC) (dont la section de Bruxelles), la Ligue des droits humains (LDH), le Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie (MRAX), le Mouvement ouvrier chrétien (MOC) Bruxelles, le Parti socialiste de lutte (PSL), Pour des alternatives écologiques, démocratiques et sociales (Réseau ADES) et RésistanceS. Bien que bilingue, Stand Up est essentiellement francophone.

76 À plusieurs occasions, la coalition Stand Up est à l’initiative de mobilisations. Ainsi, le 15 décembre 2018, alors que le Conseil d’État vient de suspendre les interdictions édictées par les autorités locales et régionales à l’encontre de la manifestation qu’organiseront le lendemain à Bruxelles diverses associations d’extrême droite flamandes (dont les Vlaams Belang Jongeren) contre l’approbation par la Belgique du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, dit Pacte de Marrakech (« Mars tegen Marrakech » : « Marche contre Marrakech »), Stand Up lance un appel pour que soient tenus, le même jour, un « grand meeting antiraciste et antifasciste » et une « manifestation de solidarité contre le racisme ». Dans la foulée des élections multiples du 26 mai 2019, à l’occasion desquelles le Vlaams Belang a opéré un retour en force significatif en Flandre, une manifestation intitulée « No fascism in Belgium or in Europe! » est organisée par Stand Up le 28 mai à Bruxelles. Rassemblant près de 4 000 personnes, cet événement vise à affirmer, selon un représentant du mouvement, que « l’extrême droite n’a pas sa place ni dans les parlements et gouvernements, ni dans nos rues, et que notre front uni se mobilisera, tant que nécessaire et sur tous les terrains possibles, pour l’empêcher de nuire »  [123]. En septembre 2019, Stand Up appelle à nouveau à manifester, toujours à Bruxelles, en réaction à un rassemblement d’extrême droite qui entend protester contre l’absence du Vlaams Belang dans les négociations visant à former le nouveau gouvernement flamand. La manifestation et la contre-manifestation prévue par la coalition étant toutes deux interdites par les autorités locales, Stand Up tient finalement un meeting dans les locaux de la CGSP Bruxelles. Ainsi que l’indique toutefois J. Dohet, « la dynamique impulsée par le haut s’épuisera malheureusement assez rapidement et est actuellement en pause »  [124].

4.2. Les acteurs du monde associatif et culturel face à l’extrême droite

77 Le rôle de la société civile face à l’extrême droite ne se limite pas au militantisme actif, tel qu’incarné par les collectifs et mouvements antifascistes présentés dans la section précédente. D’autres organisations, souvent plus institutionnalisées ou plus structurées, sont également actives face à l’extrême droite mais entendent répondre à d’autres objectifs. Ces organisations peuvent ainsi être dotées d’une mission d’information, de pression, d’alerte ou encore d’éducation, par exemple à travers des moyens culturels et/ou pédagogiques. Les points qui suivent ont vocation à présenter certaines des organisations les plus actives à cet égard.

78 Il est à noter d’emblée que, jusqu’à présent, la littérature scientifique a très peu investigué ces aspects de la lutte contre l’extrême droite  [125]. Ainsi, s’il est communément admis que les activités éducatives développées par le monde associatif sont pertinentes pour réduire l’attrait des groupes d’extrême droite ou pour prévenir la propagation de l’idéologie d’extrême droite, la recherche n’a guère étudié empiriquement les effets concrets de ces activités.

4.2.1. Charta 91, Hand in Hand tegen Racisme et Extrême droite, non merci !

79 Dans la foulée du « dimanche noir » du 24 novembre 1991 et en réaction à la croissance électorale des partis d’extrême droite, plusieurs organisations sont fondées au sein de la société civile. Par exemple, bâtie autour du PTB, l’asbl Objectif 479 917 se donne pour objectif de récolter autant, puis davantage de signatures qu’il y a eu de votes exprimés en faveur de l’extrême droite lors du scrutin législatif de 1991, dans le cadre d’une pétition visant à demander la facilitation de l’octroi de la nationalité belge aux étrangers ; in fine, elle remettra pas moins de 1 007 704 signatures au Premier ministre, Jean-Luc Dehaene (CVP), le 14 mars 1995  [126].

80 Mais les deux initiatives qui se distinguent le plus sont le mouvement Charta 91 et le collectif Hand in Hand tegen Racisme, en raison de la pression qu’ils entreprennent d’exercer sur les pouvoirs publics afin de redonner vie au principe du cordon sanitaire politique en Belgique néerlandophone. En effet, comme nous l’avons vu dans le chapitre 2 du présent Courrier hebdomadaire, un tel dispositif avait brièvement existé en mai-juin 1989.

81 Se présentant comme un « mouvement indépendant de citoyens individuels », Charta 91 est une initiative lancée par diverses personnalités flamandes (Paula Burghgraeve, Hugo Claus, Eric Corijn, Paula D’Hondt, Paul Goossens, Jaap Kruithof, Tom Lanoye, Nelly Maes et Paul Verbraeken) afin de mobiliser le monde intellectuel et artistique contre l’extrême droite mais aussi pour appeler à une « nouvelle culture politique », considérant que le succès électoral du Vlaams Blok est le symptôme d’une société et d’une manière de faire de la politique  [127]. Dans son manifeste, publié en février 1992, Charta 91 indique notamment : « La politique est perçue comme un spectacle peu crédible, au service d’intérêts particuliers, et qui fonctionne selon des règles qui laissent la majorité de la population sur la touche. Impuissante, cette majorité est réduite au rôle de spectateur et voit triompher l’opacité, un mélange éhonté d’intérêts particuliers et d’inefficacité. Pour s’y opposer, il faut s’atteler à la construction d’une nouvelle culture politique crédible, basée sur la transparence, une meilleure justice et une meilleure qualité du fonctionnement politique ».

82 Rapidement, la mobilisation rassemble de très nombreux citoyens  [128] et bénéficie du soutien des principales organisations syndicales. En outre, des pancartes « Là où le racisme commence, la culture finit » sont placardées dans les centres culturels à travers toute la Flandre. En juin 1992, le mouvement s’étend du côté francophone du pays, sous l’appellation Charte 91, dans le même objectif de « reconstruire une culture démocratique »  [129].

83 C’est surtout pour son rôle de pression auprès des pouvoirs publics afin que soit instauré durablement un cordon sanitaire politique que Charta 91 est connu. En effet, après que, le 19 novembre 1992, le Conseil flamand (actuel Parlement flamand) a condamné le programme en 70 points du Vlaams Blok  [130], Charta 91 lance en janvier 1993 une campagne contre toute forme de coopération avec le parti d’extrême droite. Grâce au soutien de 200 personnalités flamandes, l’organisation intervient auprès des élus pour leur faire signer une charte par laquelle ils s’engagent à ne pas collaborer avec le Vlaams Blok. L’opération – à laquelle se joint Hand in Hand tegen Racisme – est un succès puisque près de 600 représentants politiques signent le texte. Le cordon sanitaire politique devient alors une réalité durable en Flandre. Dans les années 2000, Charta 91 perd en visibilité dans l’espace médiatique flamand.

84 Hand in Hand tegen Racisme (aussi appelé Hand in Hand) est un collectif fondé également en Flandre après les élections législatives du 24 novembre 1991. Son objet social est la lutte contre le racisme structurel et, partant, contre l’extrême droite. Toujours actif aujourd’hui, Hand in Hand tegen Racisme indique sur son site Internet : « Nous nous joignons à la lutte contre l’idéologie d’extrême droite en partant de la conviction que le racisme est l’une des caractéristiques fondamentales de l’extrême droite »  [131]. Le collectif rassemble un grand nombre d’organisations « issues des mouvements ouvriers, pacifistes, tiers-mondistes, de jeunesse, de défense de l’environnement, féministes et d’immigrés »  [132].

85 Hand in Hand tegen Racisme joue également un rôle important dans le processus visant à instaurer puis à maintenir le cordon sanitaire politique en Belgique néerlandophone, puisque le collectif joint ses forces à celles de Charta 91 dans la campagne que cette dernière initie à cette fin en 1993. En outre, il organise des campagnes de sensibilisation (notamment contre le racisme et la discrimination mais aussi, plus récemment, sur la décolonisation), des manifestations et des débats sur des thématiques qui sont au cœur de son objet social.

86 Créé plus tardivement, Extrême droite, non merci ! vise à informer et sensibiliser l’opinion publique face à l’extrême droite, particulièrement en région bruxelloise  [133]. Fondé en avril 1998, ce collectif rassemble entre 200 et 300 associations bruxelloises, tant francophones que néerlandophones, autour d’un même objectif : « Réduire le potentiel électoral de l’extrême droite »  [134]. Il n’est pas une organisation à proprement parler mais davantage une « campagne militante programmée sur le long terme »  [135]. Il rédige et diffuse des « documents-conseils » à destination des médias et des enseignants mais aussi, plus largement, de tous les citoyens. Par ailleurs, il organise des campagnes d’information à travers des opérations de distribution de tracts. Ainsi, le week-end des 29 et 30 mai 1999, alors que le Vlaams Blok s’apprête à distribuer 2 millions de tracts en Flandre et en région bruxelloise dans la perspective du scrutin multiple à venir le 13 juin, le collectif assure la distribution de 480 000 exemplaires d’un dépliant bilingue qu’il a préparé et imprimé. Dans un style accessible et attractif, ce document tente de démasquer les propositions que les formations politiques d’extrême droite ne mettent pas ou peu en avant lors de leurs campagnes et qui invite le lecteur à confronter ses opinions avec une série d’intentions formulées par ces partis. Le journaliste du quotidien Le Soir Pierre Bouillon juge alors : « Cette publication figure sans doute parmi ce que l’on a fait de mieux pour désosser le discours des VB, FN ou FNB »  [136].

87 En vue des élections communales du 8 octobre 2000, Extrême droite, non merci ! mène une nouvelle campagne : distribution d’une farde de travail « dévoilant le vrai visage de l’extrême droite »  [137], constitution de groupes de travail, organisation de spectacles et de stands, rencontres avec la population bruxelloise sur les marchés, devant les écoles, etc. À l’approche du scrutin local du 8 octobre 2006, une lettre tirée à 180 000 exemplaires est envoyée aux électeurs dans cinq communes bruxelloises (Anderlecht, Berchem-Sainte-Agathe, Bruxelles, Molenbeek-Saint-Jean et Schaerbeek). On peut notamment y lire : « Que se passera-t-il si l’extrême droite gagne les élections ? Dans d’autres pays, des villes et des communes en ont fait l’expérience : on ferme des garderies, on supprime des maisons de jeunes, on retire des livres dans les bibliothèques publiques, la vie associative et culturelle disparaît des quartiers, la vie devient plus dure pour les plus démunis, les personnes âgées, les isolés, les étrangers, les personnes handicapées, … ».

4.2.2. La Cible

88 Le 2 novembre 2004, et alors que le Vlaams Blok est sur le point de changer de nom suite aux démêlés judiciaires que trois de ses asbl constitutives ont récemment connus, l’asbl Vlaams Belang est créée par quatre responsables syndicaux de la régionale FGTB Liège-Huy-Waremme : Marc Goblet, président ; Thierry Bodson, secrétaire interprofessionnel ; Vincent Grignard, secrétaire adjoint ; Pierre Heldenberg. Cette asbl entend court-circuiter le parti d’extrême droite flamand : son objectif affiché est de « défendre les valeurs démocratiques en Wallonie, en Flandre et à Bruxelles, de s’opposer à la montée des partis d’extrême droite et de donner l’occasion à l’ensemble des citoyens de manifester leur attachement aux valeurs démocratiques »  [138]. Créée en réaction aux importants résultats enregistrés par les formations d’extrême droite (au premier rang desquelles le Vlaams Blok) lors des élections européennes, régionales et communautaires du 13 juin 2004 et en prévision des élections communales et provinciales du 8 octobre 2006, cette asbl développe une campagne de sensibilisation intitulée « Avec l’extrême droite, la cible c’est toi », afin de déconstruire les stéréotypes véhiculés par l’extrême droite et de réduire la force électorale des partis de cette tendance politique.

89 Rapidement néanmoins, l’asbl est contrainte de changer de nom sur décision de justice, son intention manifeste de nuire ayant été reconnue par un tribunal. L’asbl adopte alors le nom de la campagne de sensibilisation qu’elle avait développée jusqu’alors : La Cible. D’emblée, cette asbl, dont le but social demeure la lutte contre l’extrême droite, développe une palette d’outils variés : elle publie des brochures, distribue des kits de campagne composés d’affiches, d’autocollants et d’argumentaires, confectionne un dossier pédagogique à destination des écoles secondaires et organise des événements culturels.

90 En 2008, l’asbl La Cible prend en charge l’organisation de l’événement « Nuit blanche contre listes noires » (organisé jusqu’alors par le centre culturel liégeois Barricade). Proposées principalement à l’approche des échéances électorales, ces « nuits blanches » visent à sensibiliser la population liégeoise « aux dangers des discours populistes, racistes et poujadistes »  [139] de façon festive et culturelle. Associant le secteur associatif et le secteur culturel à sa démarche (par exemple, par l’ouverture plus tardive de musées, par l’organisation de concerts, débats, expos et saynètes à travers les rues de Liège ou par la projection d’un mapping géant sur la façade du Palais des princes-évêques), La Cible entend exprimer l’opposition des démocrates aux formations d’extrême droite. Le 11 mai 2019, plus de trente associations et lieux culturels et plusieurs dizaines de cafés et restaurants prennent part à la huitième édition de Nuit blanche contre listes noires. À cette occasion, plus de 10 000 prospectus, 5 000 sets de table, 5 000 sous-verres, 5 000 brochures et 1 000 kits pédagogiques sont distribués par l’asbl dans la Cité ardente  [140].

91 En 2015, La Cible met sur pied un nouveau projet qui, aujourd’hui encore, occupe une place majeure dans son dispositif de lutte contre l’extrême droite : la plateforme en ligne idéologique et communautaire Clic-gauche.be. Son objectif est d’aller au-delà des cordons sanitaires politique et médiatique, afin de former un véritable « cordon sanitaire citoyen » sur le Web pour endiguer la propagation de certains propos. Partant de l’idée selon laquelle les réseaux sociaux et autres forums de discussion en ligne constituent un espace dans lequel il est aisé de développer des propos « stéréotypés, couramment haineux, violents et agressifs »  [141], le projet Clic-gauche.be propose une palette d’outils permettant de répondre aux questions ou commentaires des internautes sur la base d’arguments construits et vulgarisés (grâce à la constitution d’une bibliothèque d’arguments accessible en ligne), de soutenir celles et ceux qui font l’objet de tels propos ainsi que celles et ceux qui y répondent, et même de détecter les commentaires tombant sous le coup de la loi afin d’engager une procédure judiciaire au nom du collectif. Indépendante, la plateforme entend rassembler des acteurs issus d’orientations politiques diverses.

92 Le 30 janvier 2019, l’asbl La Cible contribue – avec de nombreux autres acteurs – à la création du Front antifasciste Liège 2.0 (cf. supra).

4.2.3. RésistanceS, Blokwatch et Het Observatorium : un « combat pour l’information »

93 RésistanceS est une asbl  [142] dont la mission première est de décrypter l’actualité de l’extrême droite et d’en proposer une analyse afin de mieux la connaître pour mieux la contrer. Fondée officiellement le 1er mai 1997 par Manuel Abramowicz, l’association édite un journal trimestriel intitulé RésistanceS, qui paraît en format papier jusqu’en 2000 et se développe en ligne à partir de 1998, à travers le web-journal RésistanceS.be. Depuis mai-juin 2019, un périodique intitulé Le journal de Résistance(S) est publié, à nouveau en format papier.

94 À travers ces canaux, RésistanceS diffuse de nombreux articles rédigés par des journalistes professionnels et des militants engagés contre l’extrême droite. Davantage que d’organiser des manifestations ou de mener des actions directes visant à empêcher le rassemblement de militants d’extrême droite, la mission de RésistanceS est principalement d’informer sur l’état de l’extrême droite, notamment sur la base de données exclusives issues d’investigations. En outre, l’asbl entend tirer la sonnette d’alarme lorsque cela lui semble nécessaire, selon le contexte. Au-delà de ses publications, RésistanceS et son équipe militante interviennent dans le débat public à travers des conférences, des débats et des colloques. Dans un ouvrage paru en 2005, M. Abramowicz résume les objectifs de RésistanceS comme suit : « Mettre au jour la véritable nature des partis d’extrême droite, leurs filiations idéologiques, leurs procédés et leurs magouilles financières ; mieux comprendre l’attrait exercé par l’extrême droite sur certains électeurs, et développer des arguments pour les en préserver ; montrer que les recettes proposées par l’extrême droite ne constituent pas une alternative pour résoudre la crise ; dénoncer les dérives dans les partis traditionnels et dans la société civile ; fournir un réseau d’information au service des antifascistes »  [143].

95 Fondé le 7 janvier 2005 à l’initiative du journaliste flamand Marc Spruyt, Blokwatch est un site Internet d’information sur l’extrême droite en Belgique néerlandophone  [144]. Il se veut pluraliste et se dote d’emblée d’une double mission : lutter contre le Vlaams Belang et défendre la démocratie et les droits de l’homme  [145]. Se définissant comme un observatoire de l’extrême droite en Flandre  [146], il est considéré comme étant « un peu le pendant flamand de RésistanceS.be »  [147]. Il publie ainsi de nombreux articles, résultats d’enquêtes et autres textes permettant de « démasquer l’extrême droite »  [148], c’est-à-dire de mieux saisir comment elle est organisée, quels sont ses réseaux, quelle est l’idéologie qu’elle défend et comment elle opère. Il offre aussi une revue de presse quotidienne sur la thématique et est un lieu de partage d’archives relatives à l’extrême droite. Le site Internet de Blokwatch indique : « Le Vlaams Belang et les formations d’extrême droite proches font un usage diversifié de l’Internet, qui est souvent la première source d’information politique visitée par les jeunes. Sur ce terrain, nous voulons opposer une résistance en éclairant de façon critique l’information diffusée par le Vlaams Belang et en l’accompagnant de commentaires approfondis »  [149]. Le succès du site Internet a été fulgurant à son lancement : après un an d’existence, il avait été consulté plus de 2,5 millions de fois, par pas moins d’un demi-million de visiteurs  [150].

96 Précisons que Blokwatch a eu une existence antérieure au 7 janvier 2005. En effet, un premier blog intitulé Blokwatch avait été créé en juin 2004, quelques jours avant le scrutin européen, régional et communautaire du 13 juin. Son objectif était d’informer les citoyens à propos du Vlaams Blok. L’action menée par Blokwatch qui a été la plus médiatisée est sans doute la pétition lancée en ligne le 21 novembre 2004 et visant à demander la suppression de la dotation publique du parti d’extrême droite flamand. Cette pétition a recueilli 57 265 signataires, ce qui a fait dire à ses représentants qu’il s’agissait de « la pétition électronique la plus réussie à ce jour en Belgique »  [151].

97 Considérant que Blokwatch a rempli son objectif et eu égard au fait que la plupart des volontaires qui nourrissaient ce site ont dû abandonner leur rôle pour des raisons professionnelles, M. Spruyt annonce le 30 octobre 2007 que le site ne sera désormais plus mis à jour  [152]. Il reste néanmoins accessible jusque 2013. Depuis lors, seule une version archivée du site Internet Blokwatch demeure disponible.

98 Nouvellement créé, Het Observatorium œuvre essentiellement via son site Internet www.hetobservatorium.be (actif, en néerlandais, depuis le 19 août 2021). Celui-ci se présente comme un « site d’information indépendant sur les formes contemporaines de fascisme et d’extrémisme de droite en Belgique et au niveau international »  [153]. Ambitionnant rapidement d’être reconnu en tant que think tank à part entière, Het Observatorium n’est pas lié à un parti politique ou à un groupe d’intérêt spécifique. Son objectif est d’informer au sujet de l’extrême droite en partageant des informations, des analyses et des études relatives à cette idéologie et aux acteurs qui la portent, et cela non seulement grâce à son site Internet mais aussi via les réseaux sociaux sur lesquels il est présent (notamment Facebook et Twitter). D’emblée, le site de Het Observatorium annonce privilégier une formule de travail collective et anonyme, indiquant vouloir partager une information « sérieuse et sereine » en refusant « toute velléité individualiste »  [154] et en garantissant la sécurité des contributeurs. En effet, la maîtrise de l’information est considérée par Het Observatorium comme étant in fine un enjeu crucial dans la résistance face à l’extrême droite.

4.2.4. La Ligue des droits humains (LDH) et la Liga voor Mensenrechten (LVM)

99 Dans la foulée de la création en France de la Ligue des droits de l’homme en 1898, la Ligue belge des droits de l’homme est fondée à Bruxelles le 8 mai 1901, à l’initiative d’Eugène Monseur, professeur à l’ULB. Dissoute durant la Première Guerre mondiale, l’association est refondée dans les années 1920, sous l’appellation de Ligue belge pour la défense des droits de l’homme et du citoyen. Dès les années 1930, son opposition à l’extrême droite est nettement perceptible puisqu’elle combat la montée du nazisme « tant par l’organisation de manifestations que par l’accueil de réfugiés politiques »  [155]. Durant l’occupation allemande, ses activités sont interdites.

100 En 1954, une Ligue belge pour la défense des droits de l’homme est fondée. Son objectif prioritaire est alors de s’élever contre « le non-respect des droits de la défense durant les procès d’anciens collaborateurs du régime nazi »  [156]. En 1978, l’association se scinde en deux suite au processus de fédéralisation qu’a entamé l’État belge quelques années plus tôt. En effet, c’est désormais sur une base communautaire que sont octroyés les subsides à ce type d’associations. Naissent alors la Ligue des droits de l’homme (LDH) et la Liga voor Mensenrechten (LVM). Si cette scission est surtout symbolique dans un premier temps, elle devient petit à petit effective et les deux associations prennent bientôt le pli de travailler indépendamment l’une de l’autre. Le 26 mai 2018, la Ligue des droits de l’homme est renommée Ligue des droits humains (LDH). En janvier 2020, la LDH et la LVM décident d’acquérir ensemble un bâtiment, à Molenbeek-Saint-Jean, afin d’y emménager et de créer une Maison des droits humains. Cette opération consacre une volonté de rapprochement entre les deux ligues.

101 Les principales missions de la LDH et de la LVM consistent à informer et sensibiliser les citoyens aux droits de l’homme, à exercer un rôle de pression sur les pouvoirs publics afin de renforcer la défense des droits de l’homme en Belgique et au plan international, et de lutter contre l’illégalité, le racisme et la discrimination (et, à l’inverse, de défendre un certain nombre de valeurs, au premier rang desquelles la solidarité, l’égalité et la liberté). En ce sens, elles entendent notamment être actives dans la lutte contre l’extrême droite. Pour ce faire, elles s’organisent de différentes manières.

102 Outre des prises de position publiques et une activité continue de lobbying auprès des pouvoirs public afin de contrer l’idéologie d’extrême droite et les acteurs qui la portent, la LDH et la LVM proposent des formations et des rencontres variées. Par exemple, le 11 mai 2005, de concert avec RésistanceS, la LDH organise une rencontre-débat à Molenbeek-Saint-Jean intitulée « Démocratie représentative ! Que reste-t-il de notre droit de vote ? ». L’objectif de cet événement est de « promouvoir une démocratie participative afin d’éloigner le spectre de nouvelles victoires de l’extrême droite »  [157]. En outre, les deux associations apportent leur soutien à certaines initiatives concrètes émanant de la société civile et visant à lutter contre l’extrême droite. Ainsi, la LDH appuie la coalition contre l’extrême droite et le fascisme Stand Up (cf. supra).

103 Enfin, tant la LDH que la LVM se saisissent des outils juridiques à leur disposition pour lutter contre certaines organisations d’extrême droite. Le cas le plus marquant remonte certainement à octobre 2000, lorsque la LVM et le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme (CECLR, cf. infra) attaquent en justice trois asbl constitutives du Vlaams Blok pour violations de la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie [158]. La procédure judiciaire qui en découle conduit à la condamnation de celles-ci, le 21 avril 2004, et au changement de nom du Vlaams Blok. Plus récemment, la LVM se constitue partie civile aux côtés d’Unia et de la commune de Willebroek après qu’ont circulé sur les réseaux sociaux des clichés d’un membre de la branche flamande de l’organisation d’extrême droite Right Wing Resistance faisant le salut nazi au fort de Breendonk en août 2019. L’homme est condamné par la section de Malines du tribunal correctionnel d’Anvers le 2 juin 2021 à six mois d’emprisonnement avec sursis et à une amende de 800 euros [159].

4.2.5. Le MRAX et Kif Kif

104 Certaines organisations ont vocation à lutter contre l’extrême droite de façon indirecte. Plutôt que de mener des campagnes d’information ou de sensibilisation visant à « démasquer l’extrême droite », elles promeuvent des idées qui vont à l’encontre de l’idéologie d’extrême droite. Tel est le cas du MRAX et de Kif Kif.

105 Le Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie (MRAX) est une asbl dont les origines sont déjà anciennes  [160]. Dès 1950, plusieurs anciens résistants à l’occupant allemand se rassemblent et fondent l’Union des Juifs contre le racisme, l’antisémitisme et pour la paix (UJRAP), dont l’objectif est de diffuser des articles portant sur la situation des Juifs en Belgique. Rapidement, l’association – qui se présente comme le Mouvement de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et pour la paix (MRAP) – élargit ses modes d’action : au-delà de la publication d’articles, une permanence sociale est fondée et des conférences-débats sont organisées.

106 Alors que la main-d’œuvre étrangère devient importante en Belgique à cette période, le MRAP porte bientôt son attention sur les conditions dans lesquelles travaillent les étrangers, sur leurs droits, sur l’accueil qui leur est réservé, sur leur intégration, mais aussi sur la prévention des attitudes xénophobes à leur égard. C’est ainsi que, le 27 mars 1966, lors de la première journée nationale contre le racisme (qui rassemble alors près de 500 participants), le MRAP intègre cette nouvelle dimension dans son objet social et modifie son appellation. Il devient le Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie (MRAX). Toujours d’actualité aujourd’hui, l’objet social du MRAX indique alors : « Notre association (…) appelle à l’union et à l’action tous ceux qui entendent s’opposer aux discriminations, aux haines, aux préjugés fondés sur la race, la langue, l’origine ou la confession ou l’appartenance philosophique et faire triompher l’amitié et la paix entre les peuples, l’égalité et la fraternité entre les hommes ».

107 Le MRAX se présente comme un mouvement de résistance, qui lutte « contre les discriminations, contre les inégalités, contre la stigmatisation et contre la violence qui n’est pas toujours que symbolique »  [161]. Bénéficiant de subsides publics – notamment de la Communauté française et de la Commission communautaire française (COCOF) –, le MRAX agit par des actions de sensibilisation, le soutien aux victimes et la dénonciation – auprès des institutions judiciaires, le cas échéant – des discriminations et propos racistes. Par exemple, le 18 juin 2019, le MRAX saisit la justice à l’encontre du député flamand F. Dewinter (VB), du député fédéral D. Van Langenhove (élu sur une liste du VB) ainsi que des responsables de l’organisation d’extrême droite Schild & Vrienden « pour leurs actes et leurs paroles racistes ». Il est notamment reproché à F. Dewinter d’avoir affirmé « Je suis raciste et j’en suis fier » sur Twitter, et d’avoir affiché des pancartes anti-islam. Quant à eux, D. Van Langenhove et l’organisation qu’il dirige sont attaqués pour avoir tenu des discours incitant à la haine ou à la discrimination. Si cet exemple porte spécifiquement sur un élu d’extrême droite et sur le dirigeant d’un mouvement d’extrême droite, il est à souligner que les actions menées par le MRAX ont une portée beaucoup plus large : elles concernent aussi les attitudes ou discours tenus par des citoyens n’ayant pas de lien formel avec l’extrême droite.

108 Le MRAX se livre aussi à un travail de mémoire à l’égard des génocides – et particulièrement du génocide commis par les nazis à l’encontre des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale –, de l’esclavagisme, de la colonisation, des déplacements forcés de populations, etc. Il agit également en tant que groupe de pression, en défendant la fermeture des centres fermés et en exigeant un soutien accru aux sans-papiers de la part des autorités publiques. À titre d’illustration, le 22 avril 2020, durant la première période de confinement causée par la pandémie de Covid-19, le MRAX et une quarantaine d’associations publient une carte blanche dans Le Soir afin d’appeler la ministre fédérale en charge de l’Asile et la Migration, Maggie De Block (Open VLD), à procéder à la libération des personnes détenues dans des centres fermés et à prévoir des solutions pour les loger  [162]. Ces organisations indiquent : « Aujourd’hui encore, ils sont des centaines à tenter de survivre dans des centres fermés, la boule au ventre, avec cette angoisse d’entendre en permanence la radio débiter des conseils de prudence, de distanciation sociale, de mesures sanitaires pour préserver chacun du coronavirus. Mais eux, ils savent que ces messages ne leur sont pas destinés. Pour eux, la distanciation sociale se transforme en promiscuité sociale. C’est à la roulette russe qu’on joue avec leur vie »  [163].

109 Considéré comme le pendant flamand du MRAX, Kif Kif est fondé en 2001 par un ensemble de citoyens engagés et soucieux de défendre un modèle de société égalitaire et de lutter contre le racisme  [164]. À ses origines, Kif Kif est un blog créé par Tarik Fraihi, qui entend stimuler le débat sur le multiculturalisme et l’intégration. Mais rapidement, il mute et devient une véritable association basée sur un engagement volontaire. En 2006, cette dernière est reconnue comme organisation socio-culturelle par le gouvernement flamand et bénéficie dès lors de subsides publics. Cette reconnaissance lui permet de se professionnaliser et de diversifier ses actions.

110 Le mouvement Kif Kif est essentiellement actif en ligne, à travers son site Internet. Celui-ci est un espace permettant à ceux qui apparaissent comme faiblement représentés dans le débat public de participer aux réflexions relatives aux questions de diversité, de discrimination et de justice sociale. Il inclut de nombreux articles, dossiers, podcasts et autres documents. Mais les actions menées par Kif Kif sont plus nombreuses encore. Notamment, le mouvement organise une formation intitulée « Mediawatch », dont l’objectif est d’apprendre aux jeunes à analyser les médias de façon critique.

111 Kif Kif est particulièrement attentif aux cas de discrimination et y réagit de différentes manières. En novembre 2006, Murat Caliskan (de nationalité turque) se porte candidat à un poste au sein de l’entreprise spécialisée dans les alarmes anti-effraction Euro-Lock. Peu après, il reçoit une réponse de refus pour le poste convoité, à laquelle est jointe par erreur une note confidentielle disant : « Kan jij die persoon afwimpelen? Een vreemdeling die beveiliging zal verkopen, dat heb ik nog niet gezien » (« Peux-tu refuser cette personne ? Un étranger pour vendre de la sécurité, je n’ai encore jamais vu ça »)  [165]. M. Caliskan fait savoir à Kif Kif qu’il a été victime de discrimination à l’embauche. Le mouvement adresse alors un courrier aux principaux clients d’Euro-Lock afin de connaître leur position à l’égard de la politique de l’entreprise  [166]. En réaction, la chaîne de magasins de vêtement Hennes et Mauritz (H&M) annonce suspendre sa coopération avec Euro-Lock.

112 À l’instar du MRAX, Kif Kif est à l’initiative de plusieurs plaintes judiciaires. Ainsi, en octobre 2005, de concert avec le MRAX, il porte plainte auprès du procureur du Roi d’Anvers à l’encontre de F. Dewinter (Vlaams Belang) après que ce dernier a tenu des propos islamophobes lors d’une interview accordée à l’hebdomadaire Jewish Week. En octobre 2007, c’est à l’encontre de la Deutsche Bank que le mouvement Kif Kif dépose une plainte pour racisme. Il reproche à la banque allemande de commettre des discriminations à l’embauche, la mention « Attention : [la banque] ne souhaite pas des personnes exotiques pour aucun poste » ayant figuré dans un courriel provenant d’une agence d’intérim  [167]. En avril 2009, Kif Kif, la FGTB et l’organisation française SOS Racisme intentent un procès à l’encontre de la société d’intérim Adecco pour avoir tenu des listes distinctes pour les Belges et pour les étrangers, les premiers étant listés sous le code BBB (pour « blanc bleu belge ») – cette abréviation étant, rappellent les plaignants, « utilisée dans l’industrie du bétail pour indiquer une race bovine belge “pure” »  [168].

113 En 2014, Kif Kif développe une application dont l’objectif est de lutter contre le racisme. Nommée « The Wiper », cette application permet aux internautes qui rencontrent des propos racistes en ligne de les scanner et de les publier, avec le pseudonyme ou le nom de leur auteur, lorsque ces propos sont avérés racistes au regard du droit. Néanmoins, la Commission de la vie privée fustige rapidement cette initiative, considérant que « les données personnelles ne peuvent en aucun cas être utilisées par des tiers à d’autres fins que celles poursuivies par leur propriétaire »  [169].

4.2.6. Les Territoires de la Mémoire

114 Fondée le 10 décembre 1993 par un ensemble de citoyens engagés en faveur de la défense de la démocratie  [170], l’asbl Les Territoires de la Mémoire voit le jour suite au « dimanche noir » du 24 novembre 1991. L’association se présente comme un centre d’éducation à la résistance et à la citoyenneté, et se donne pour objectif de former « un cordon sanitaire éducatif pour résister aux idées liberticides »  [171] à travers quatre missions : la sensibilisation au travail de mémoire, la pratique de la citoyenneté, le renforcement de la démocratie et l’éducation au respect de l’autre. Depuis 2014, elle est installée sur le site de la Cité Miroir, à Liège.

115 Aujourd’hui reconnue comme organisation d’éducation permanente par la Communauté française et comme centre de ressources dans le cadre du « décret Mémoire »  [172], l’asbl Les Territoires de la Mémoire développe une palette d’outils éducatifs variés. Primo, elle dispose d’une exposition permanente évoquant le cheminement des déportés dans les camps nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. Secundo, elle mène une campagne « Triangle rouge » depuis 2006  [173]. Porté par les prisonniers politiques dans les camps de concentration sous le régime nazi, le triangle rouge est devenu, depuis plusieurs décennies, le symbole de la résistance aux idées qui mettent en danger les valeurs de la démocratie libérale. Les Territoires de la Mémoire contribuent à démultiplier la visibilité et la diffusion de ce symbole en Belgique. Dès la première année de la campagne, près de 100 000 pin’s sont distribués. Tertio, l’association conçoit, édite et publie des outils visant à encourager les jeunes à devenir des « passeurs de mémoire »  [174]. Dans ce cadre, des animations et des formations (notamment à destination des enseignants, des éducateurs, des maisons de jeunes et du personnel communal) sont proposées, des expositions itinérantes sont mises à la disposition des communes, villes et provinces membres du réseau Territoire de Mémoire, des spectacles de marionnettes sont donnés afin de sensibiliser les plus jeunes à la citoyenneté et au respect de l’autre, des jeux coopératifs sont développés, des journées et voyages d’étude sur des lieux de mémoire sont organisés et des animations-débats (notamment sur la base de témoignages) sont proposés. Quarto, l’asbl publie des dossiers thématiques et pédagogiques sur les camps de concentration et d’extermination nazis, ainsi que la revue Aide-mémoire [175]. Quinto et enfin, elle gère une bibliothèque spécialisée représentant plus de 34 000 références, accessible à tous et sans condition.

4.2.7. La sensibilisation à la lutte contre l’extrême droite dans les écoles

116 La lutte contre l’extrême droite fait aussi l’objet de dispositifs spécifiques dans de nombreux établissements scolaires. Certains d’entre eux sont mis en place par les écoles elles-mêmes tandis que d’autres le sont par des organismes tiers (tels que Les Territoires de la Mémoire), qui interviennent dans les écoles en mobilisant des outils pédagogiques qui leur sont propres. Parmi ces organisations, figurent les deux suivantes.

117 L’Agence d’information et de formation pédagogique (AIFP) est un organisme initié par un journaliste et un formateur en ludopédagogie, qui propose des outils d’information et des supports pédagogiques sur l’actualité. L’AIFP organise des ateliers interactifs dans les classes, publie des dossiers d’information pédagogique et développe des outils ludiques pour permettre l’apprentissage  [176]. Entre autres, elle met en place des jeux de rôles permettant de décoder les discours et politiques liberticides, dans le cadre d’un atelier intitulé « Bienvenue en Extremeland ». Cet atelier met en scène l’instauration d’une dictature d’extrême droite et permet aux élèves de mieux en comprendre les tenants et les aboutissants, de mieux comparer l’extrême droite actuelle à l’extrême droite passée, et de mieux saisir les impacts que l’extrême droite peut comporter pour la vie quotidienne des citoyens.

118 L’asbl La Besace est une organisation de jeunesse reconnue par la Communauté française. Elle met en place des projets par et pour les jeunes  [177]. Organisée autour d’un grand nombre de thématiques, elle développe notamment des ateliers sur la question de la sensibilisation à la démocratie et au devoir de mémoire, principalement à destination d’élèves de cinquième et sixième années primaires et de première et deuxième années secondaires.

4.3. Les organisations syndicales

119 Si la lutte contre l’extrême droite figure parmi les missions principales de divers acteurs appartenant à la société civile, cela ne doit pas occulter le fait que d’autres types d’organisations, aux objectifs plus larges, sont aussi actives sur ce terrain. On pensera, par exemple, au Mouvement ouvrier chrétien (MOC)  [178] et aux Femmes prévoyantes socialistes (FPS)  [179].

120 À cet égard, il convient de relever spécialement le rôle des syndicats. Certes, ceux-ci sont d’abord et avant tout des organisations qui se donnent pour objectif de défendre les intérêts des travailleurs salariés et des fonctionnaires auprès des directions d’entreprise, des organisations patronales et des pouvoirs publics et d’obtenir, par l’action collective et la négociation, l’amélioration de leurs conditions de travail, de salaire et de statut. Cependant, ils œuvrent aussi à endiguer la progression de l’extrême droite de différentes manières. À tel point qu’ils peuvent être considérés comme des « piliers de la lutte contre l’extrême droite »  [180].

121 Ainsi, les organisations syndicales rejoignent régulièrement les collectifs créés afin de lutter contre l’extrême droite, voire sont à l’initiative de ceux-ci. Déjà dans les années 1990, la Confédération des syndicats chrétiens de Belgique (CSC) et la Fédération générale du travail de Belgique (FGTB) s’investissent au sein du collectif Hand in Hand tegen Racisme et soutiennent financièrement le mouvement Charta 91 (cf. supra). Aujourd’hui, la CSC Liège-Verviers-Ostbelgien et la FGTB Liège-Huy-Waremme figurent parmi les membres du Front antifasciste Liège 2.0 (cf. supra). En outre, les syndicats mènent des actions de leur propre initiative. Ainsi, en janvier 2020, la FGTB Charleroi-Sud Hainaut et la CSC Charleroi-Sambre et Meuse lancent un appel à la mobilisation afin d’empêcher la tenue du congrès fondateur du Parti national européen (PNE), qui doit se dérouler le 25 janvier à Gilly (cf. supra). Cet appel reçoit notamment une réponse favorable de la FGTB Liège-Huy-Waremme. Plus récemment, alors que le nouveau parti de droite radicale Chez Nous envisage d’organiser un meeting de lancement, à Herstal le 27 octobre 2021 – en présence du président ad interim du Rassemblement national (RN) français, Jordan Bardella, et du président du VB, T. Van Grieken –, les syndicats et le Front antifasciste Liège 2.0 se mobilisent afin d’en empêcher la tenue. Ils envoient notamment de nombreux courriers aux bourgmestres de la province de Liège pour tenter de les convaincre de ne pas autoriser cet événement dans leur commune. Le 26 octobre, le bourgmestre faisant fonction de Herstal, Jean-Louis Lefèvre (PS), prend un arrêté interdisant la réunion du nouveau parti alors prévue sur son territoire. Le rassemblement est annulé en conséquence et transformé en conférence de presse en ligne.

122 Les syndicats prennent aussi des engagements par lesquels ils se positionnent clairement face à l’extrême droite. Ainsi, en 1995, les trois syndicats nationaux – CSC, FGTB et Centrale générale des syndicats libéraux de Belgique (CGSLB) – s’accordent pour rejeter, lors des élections sociales, tout candidat qui sympathise ouvertement avec une formation d’extrême droite. Cet accord stipule : « La CSC, la FGTB et la CGSLB s’engagent à ne pas présenter des candidats appartenant à des mouvements racistes, anti-démocratiques ou extrémistes. Sont plus particulièrement visées : les personnes assumant des responsabilités politiques ou autres dans un groupement d’extrême droite ; les personnes qui militent pour l’extrême droite ; les personnes qui font de la propagande à l’intérieur ou à l’extérieur de l’entreprise pour l’extrême droite ; les personnes qui posent des actes racistes ou organisent des discriminations racistes ». Popularisé sous le nom de « charte de bonne conduite »  [181], cet accord est réitéré en 1999, en vue des élections sociales de mai 2000. Ensuite, la reconduction de l’accord est tacite.

123 En 1994, les syndicats concluent en outre un protocole visant à rayer les militants d’extrême droite de leurs listes de membres  [182]. Cette décision intervient après qu’un sondage réalisé à Anvers a révélé que respectivement 20 % et 30 % des personnes interrogées et ayant déclaré avoir voté pour le Vlaams Blok lors du dernier scrutin sont membres de la CSC ou de la FGTB  [183]. Dans ses statuts, la FGTB précise encore aujourd’hui : « Il n’y a pas de place à la FGTB pour les idées et les comportements racistes, sexistes, xénophobes ou fascistes. L’affiliation à la FGTB est incompatible avec le militantisme ou l’adhésion à des partis et des mouvements d’extrême droite »  [184]. Quant à lui, le projet social de la CSC indique : « Avec des partis qui, ouvertement ou de facto, s’engagent contre la démocratie, et de façon spécifique contre les libertés syndicales, la [sécurité sociale] et le système de négociation collective, nous choisissons d’être clairs. Ils ne sont pas des partenaires avec qui nous voulons débattre ; ils sont nos adversaires et les adversaires du système démocratique conquis par le mouvement ouvrier il y a un siècle. Leurs idées ne font pas partie de celles qui se discutent démocratiquement et leurs militants ou dirigeants n’ont rien à faire dans nos organisations »  [185]. Concrètement, les syndicats procèdent à de nombreuses exclusions depuis lors sur cette base.

124 Durant l’été 2001, plusieurs plaintes sont déposées auprès de la Commission de la protection de la vie privée  [186] (dont une à l’initiative du Vlaams Blok lui-même) à l’encontre des trois principaux syndicats pour « épuration et utilisation de listes noires »  [187]. Plus spécifiquement, les plaignants reprochent aux syndicats de détenir des données illégales dans leurs listes de membres, parmi lesquelles l’appartenance partisane de ces derniers. Selon eux, les organisations syndicales auraient utilisé ces données pour exclure de leurs rangs ceux de leurs membres qui ont été candidats sur une liste Vlaams Blok lors des élections communales du 8 octobre 2000. Dans l’avis qu’elle rend le 19 décembre 2002, la Commission de la protection de la vie privée estime que les syndicats ont violé plusieurs articles de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l’égard des traitements de données à caractère personnel. Cependant, elle reconnaît aussi la légitimité des syndicats à établir des listes de leurs membres qui ont été candidats pour un parti d’extrême droite et leur droit à exclure ceux-ci sur cette base  [188].

125 Régulièrement, les syndicats expriment publiquement leurs inquiétudes concernant l’état de l’extrême droite en Belgique et la manière dont les représentants de cette tendance politique sont traités par les partis au pouvoir. Par exemple, le 17 octobre 2014, la FGTB fait savoir par communiqué de presse qu’elle « dénonce fermement les propos inacceptables tenus par certains ministres et secrétaires d’État de notre nouveau gouvernement  [189], banalisant les actes de collaboration et stigmatisant les travailleurs en fonction de leurs origines ou orientations sexuelles »  [190]. Plus récemment, dans la foulée du scrutin multiple du 26 mai 2019, les ailes flamandes de la FGTB et de la CSC publient un communiqué de presse dans lequel elles appellent au ferme maintien du cordon sanitaire en Flandre et à la mobilisation de tous les interlocuteurs sociaux pour « envoyer un signal fort à l’encontre de l’extrême droite »  [191].

126 Bien plus, l’action des syndicats à l’encontre de l’extrême droite se matérialise parfois à travers de véritables campagnes. Celles-ci visent tantôt à lutter directement contre l’extrême droite, tantôt à lutter contre les expressions de celle-ci, telles que le racisme.

127 En 1991, les syndicats développent ainsi une campagne antiraciste sur le lieu de travail, intitulée « Les races ne nous divisent pas ». En juin 1994, des responsables syndicaux lancent l’appel « Le mouvement syndical forme le meilleur rempart contre l’extrême droite ». En mai 1999, la FGTB Bruxelles publie une courte bande dessinée ayant pour titre Un pour tous, tous pour un en vue des élections multiples du 13 juin 1999 ; son objectif est d’appeler à la résistance aux « mensonges des fascistes du Vlaams Blok, du Front national et autres partis racistes et anti-démocratiques »  [192]. En 2005, la FGTB Verviers et Communauté germanophone mène une campagne de sensibilisation autour de l’idée de « 1 000 visages » contre l’extrême droite. Le secrétaire régional interprofessionnel de la FGTB, Jean-François Ramquet, indique : « Les dernières élections fédérales, d’abord, régionales ensuite, ont vu, et à certains endroits de manière préoccupante, croître les scores de l’extrême droite. En tant qu’organisation syndicale, nous avons voulu réagir car les valeurs véhiculées par l’extrême droite sont contraires à notre doctrine et à nos principes fondamentaux, démocratie, tolérance, ouverture, respect et émancipation »  [193]. L’action qui est sans doute la plus visible de cette campagne consiste en la réalisation d’un « mur de la tolérance », composé de 1 000 photographies de visages de Verviétois portant autour du cou une pancarte avec le slogan « L’extrême droite est dangereuse ! Sa cible c’est toi », inspiré de la campagne menée par la FGTB Liège-Huy-Waremme. Durant cette campagne, les organisateurs font en outre connaître leur disponibilité pour organiser des débats sur la thématique dans les milieux scolaires et professionnels.

128 Dans la perspective du scrutin régional et communautaire du 7 juin 2009, la FGTB Brabant wallon et la CSC Brabant wallon mènent une campagne afin de sensibiliser la population aux dangers de l’extrême droite. Le secrétaire fédéral de la CSC Brabant wallon, Jean-Marc Sengier, explique au journal Le Soir : « Ce qu’on retrouve dans les programmes des partis d’extrême droite et des partis ultralibéraux, c’est la revendication d’une limitation du droit de grève, d’une limitation des allocations sociales dans le temps, bref, c’est une même volonté de détricoter la solidarité »  [194]. À l’automne 2015, une campagne nommée « Racism, Game Over » est lancée par la CSC, la FGTB et la CGSLB afin de lutter contre le racisme au sein des entreprises en région bruxelloise. Pour ce faire, à partir du début de l’année 2016, les trois organisations syndicales effectuent notamment un tour des principales entreprises bruxelloises avec un bus intersyndical afin de « faire prendre conscience aux délégués et aux travailleurs de l’importance de continuer à lutter contre le racisme sur les lieux de travail »  [195].

129 En janvier 2021, le Syndicat des employés, techniciens et cadres (SETCA, affilié à la FGTB)lance la campagne « Le monde selon l’extrême droite ». Le document en ligne annonçant la campagne proclame : « Les discours de l’extrême droite ne sont que de la poudre aux yeux, visant juste à justifier leur rejet ou leur position conservatrice à l’égard de l’autre : les étrangers, les chômeurs, les femmes, la communauté LGBTQ+, les syndicalistes, etc. Derrière ces refrains qui semblent “sonner bien aux oreilles”, les arguments ne tiennent pas la route. Dans [cette] campagne (…), nous avons analysé certaines de ces idées toutes faites largement véhiculées et démontré que la réalité des faits est tout autre (…). Chaque jour, nous devons démonter leur discours, nous opposer à leur structuration, nous poser les bonnes questions. C’est l’objectif de notre campagne. Rappelons-nous : jamais l’extrême droite n’a été et ne sera porteuse de progrès social, de “meilleur” et de respect pour tous. Notre plus grande force de résistance face à eux : lutter contre les inégalités, augmenter la protection sociale, combattre la stigmatisation et changer notre modèle de société. Chaque jour, être et rester défenseur de nos valeurs démocratiques »  [196]. Pour appuyer sa campagne, le SETCA produit et rend disponible une série de fiches visant à décoder et à remettre en cause un ensemble d’affirmations classiquement défendues par l’extrême droite (par exemple, quant aux revenus dont bénéficient les réfugiés en Belgique et quant au lien entre immigration et criminalité), dans l’objectif de démasquer cette tendance politique.

130 Enfin, la CSC et la FGTB consacrent de nombreux cycles de formation, journées d’étude et conférence à la thématique de l’extrême droite. Si les actions développées ou soutenues par les syndicats sont trop nombreuses pour être détaillées dans ce Courrier hebdomadaire, les quelques exemples cités ci-dessus illustrent l’importance du rôle des syndicats dans la lutte contre l’extrême droite.

4.4. Unia, une institution publique indépendante de lutte contre les discriminations et de défense de l’égalité des chances

131 Si Unia n’est pas à proprement parler un acteur constitutif de la société civile, elle est une institution qui participe à divers aspects de la lutte menée par cette dernière contre l’extrême droite.

132 En mars 1989, dans un contexte marqué par la crise économique induite par deux chocs pétroliers mais aussi par le renouvellement du regard porté sur l’immigration  [197], un Commissariat royal à la politique des immigrés est mis sur pied par le gouvernement belge. Cet organe est chargé d’examiner la situation des immigrés et de proposer des solutions permettant d’intégrer davantage ceux-ci dans la société belge. Quatre ans plus tard, il laisse la place au Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme (CECLR). Indépendante, cette structure permanente fondée par une loi du 15 février 1993 est chargée de « promouvoir l’égalité des chances et de combattre toute forme de distinction, d’exclusion, de restriction ou de préférence fondée sur la nationalité, la prétendue race, la couleur de peau, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique, et l’orientation sexuelle, l’état civil, la naissance, la fortune, l’âge, la conviction religieuse ou philosophique, l’état de santé actuel ou futur, le handicap, la conviction politique, la caractéristique physique ou génétique ou l’origine sociale »  [198]. À cette fin, cette institution – alors presque unique en Europe – a pour mission de conduire des études, d’adresser des recommandations aux pouvoirs publics et aux personnes privées, d’apporter une aide et une information aux personnes qui la sollicitent pour connaître leurs droits, et de représenter les victimes en justice dans un certain nombre de cas.

133 Dans les années qui suivent, les missions du CECLR évoluent. La loi du 23 mars 1995 tendant à réprimer la négation, la minimisation, la justification ou l’approbation du génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la Seconde Guerre mondiale  [199] l’habilite à ester en justice en matière de négationnisme. La loi du 25 février 2003 tendant à lutter contre la discrimination  [200] rend le CECLR compétent également pour d’autres formes de discrimination interdites, telles que celles basées sur l’orientation sexuelle, l’état civil, l’âge ou le handicap.

134 Dans le cadre de la sixième réforme de l’État et suite à la signature d’un accord de coopération entre l’Autorité fédérale, les Communautés, les Régions, la Commission communautaire commune (COCOM) et la Commission communautaire française (COCOF) le 12 juin 2013  [201], le CECLR devient un centre interfédéral, ce qui signifie que son champ de compétences est élargi aux matières communautaires et régionales. Désormais appelé Centre interfédéral pour l’égalité des chances, il reste chargé de la lutte contre les discriminations et la promotion de l’égalité des chances. En revanche, les missions qu’il exerçait jusqu’alors concernant les migrations, les droits fondamentaux des étrangers et la traite des êtres humains sont confiées à un nouvel organisme : le Centre fédéral Migration (qui deviendra Myria le 3 septembre 2015)  [202]. Le 22 février 2016, en conséquence de l’évolution de ses missions et afin de gagner en visibilité auprès des citoyens, le Centre interfédéral pour l’égalité des chances change de nom et devient Unia.

135 Si les discriminations – notamment raciales – sont au cœur de l’attention d’Unia et si un certain nombre de procédures judiciaires engagées par Unia portent sur des organisations ou des individus issus de la galaxie d’extrême droite, la lutte contre les acteurs d’extrême droite ne constitue pas un objectif en soi pour cet organisme interfédéral. Ainsi, Unia n’opère guère de suivi spécifique de partis ou d’organisations d’extrême droite. D’ailleurs, c’est principalement de façon réactive, sur la base de signalements et de dossiers qui sont déposés auprès de lui par des organisations militantes notamment, qu’Unia intervient et intente des actions en justice.

136 Durant l’année 2018, 23 procédures judiciaires en matière de discriminations et de délits de haine sont recensées. En 2019, elles sont au nombre de 38. Pour près d’un tiers de ces procédures, Unia a été partie à la cause. Son rôle au regard du traitement judiciaire de certaines infractions n’est donc pas négligeable.

137 Dans la foulée du scrutin multiple du 26 mai 2019, Unia se trouve mise sous tension à deux reprises. D’une part, l’accord du gouvernement flamand Jambon (N-VA/CD&V/Open VLD) conclu en septembre 2019 prévoit le non-renouvellement de l’accord de coopération conclu entre le gouvernement flamand et Unia  [203]. En conséquence, dès le 15 mars 2023, Unia perdra une partie de son financement  [204]. D’autre part, le Vlaams Belang fait part de sa volonté de réclamer un siège au sein du conseil d’administration d’Unia, ainsi qu’il y a droit en vertu de l’application de la clé D’Hondt. Différents moyens sont alors envisagés pour éviter que le parti d’extrême droite flamand obtienne satisfaction  [205]. Finalement, le 12 octobre 2020, le bureau du Parlement flamand décide de laisser vacants les sièges auxquels cette assemblée a droit, précisément afin de maintenir le VB à l’écart du conseil d’administration d’Unia.

5. La surveillance des groupes d’extrême droite par les services de renseignement et de sécurité

138 La Belgique dispose de deux services de renseignement et de sécurité, tous deux compétents face à l’extrême droite notamment : la Sûreté de l’État (VSSE), qui est un service civil, et le Service général du renseignement et de la sécurité (SGRS), qui est un service militaire. La surveillance de groupes et individus d’extrême droite par ces organes ne constitue pas stricto sensu un outil destiné à lutter contre l’extrême droite. En Europe occidentale, les services de renseignement nationaux n’opèrent d’ailleurs que très rarement  [206] un suivi des partis d’extrême droite en tant que tels  [207]. La surveillance effectuée par la Sûreté de l’État et le SGRS constitue plutôt une manière de limiter l’impact que les organisations et les personnes d’extrême droite les plus violentes ou les plus radicales peuvent comporter pour la société ou pour la stabilité de l’État, par exemple à travers des actes de terrorisme  [208]. Le 8 février 2018, le ministre en charge de la Justice au sein du gouvernement fédéral Michel I (N-VA/MR/CD&V/Open VLD), Koen Geens (CD&V), indique ainsi que les groupements et personnes incarnant l’extrémisme de droite sont particulièrement surveillés par la Sûreté de l’État en Belgique : « L’extrême droite est toujours restée une priorité, notamment pour détecter des contre-réactions possibles au terrorisme islamiste. La menace se situe dans les groupements extrémistes, mais également chez des acteurs isolés, plus difficilement traçables »  [209]. Au sein de l’armée également, une attention spécifique est portée à la question de l’extrême droite, surtout à partir de 2021 dans la foulée de l’affaire Jürgen Conings.

139 L’Organe de coordination pour l’analyse de la menace (OCAM) est également un acteur central dans la lutte contre l’extrême droite en Belgique. Si, à l’inverse de la Sûreté de l’État et du SGRS, il n’est pas un service opérationnel à proprement parler (dans le sens où il ne participe pas à la collecte de renseignements, par exemple), l’OCAM est l’institution fédérale qui détermine le niveau de la menace (notamment d’extrême droite) dans le pays et qui coordonne la stratégie de lutte contre les phénomènes extrémistes et terroristes.

140 Avant même que les services de renseignement et de sécurité ne soient légalement reconnus en Belgique, en 1998  [210], leur contrôle est organisé par la loi du 18 juillet 1991  [211]. Cette loi crée le Comité permanent de contrôle des services de renseignement (Comité R), dont la mission est de contrôler les activités, les méthodes et le traitement des données personnelles par la Sûreté de l’État et le SGRS. À partir de 2006, cette mission s’étend également – conjointement avec le Comité permanent de contrôle des services de police (Comité P) – à l’OCAM et à ses services d’appui  [212]. En outre, le Comité R reçoit et traite les plaintes relatives aux activités des services de renseignement  [213].

5.1. La Sûreté de l’État

141 La Sûreté de l’État constitue l’unique service civil de renseignement et de sécurité en Belgique. Elle est placée sous l’autorité du ministre fédéral de la Justice et sous la direction d’un administrateur général (Jaak Raes depuis le 1er avril 2014). La Sûreté de l’État est contrôlée par le Comité R. En outre, une commission administrative (communément dénommée Commission BIM) assure le contrôle en amont de l’utilisation des méthodes spécifiques et exceptionnelles de recueil des données par la Sûreté de l’État ; elle est composée de trois magistrats et est présidée par un juge d’instruction.

142 Le suivi de l’extrême droite organisé par la Sûreté de l’État en Belgique s’opère à l’égard de différents types d’acteurs. À cet égard, dans son rapport d’activités de 2011, la Sûreté de l’État soulignait l’hétérogénéité de l’extrême droite sur le territoire national : « Il serait erroné de penser que l’extrême droite et les mouvements extrémistes de droite constituent en Belgique un bloc monolithique »  [214]. En conséquence, la Sûreté de l’État accorde une attention particulière aux groupements ultranationalistes et identitaires (comme Nation, Nieuw-Solidaristisch Alternatief, Renaissance européenne, Terre et peuple, Voorpost), aux mouvements intégristes identitaires (comme Belgique et chrétienté), aux mouvements néonazis et skinheads (comme Blood and Honour) et aux mouvements spécifiquement islamophobes (comme Belgium Defence League), en surveillant l’ensemble des activités qu’ils développent (présence sur Internet, distribution de tracts, vente de livres, organisation de conférences, tenue de concerts, etc.).

143 Les mutations qui se produisent au sein de la galaxie d’extrême droite sont également suivies de près par la Sûreté de l’État. Ainsi, dans son rapport d’activité publié en 2018, le service indique que si le nazisme radical et la culture skinhead sont moins visibles aujourd’hui qu’auparavant, ils ne continuent pas moins d’exister, à travers des événements et des concerts de groupes honorant le nazisme qui sont plus discrets et organisés à une échelle plus petite. Par ailleurs, la Sûreté de l’État indique que l’actualité – au premier plan de laquelle la crise migratoire, qui a connu un pic entre mars 2015 et avril 2016 – contribue à renforcer l’activisme anti-islam et anti-asile. La Sûreté de l’État relève non seulement que certains groupes d’extrême droite anciens tendent à se radicaliser davantage, sur la base de sentiments xénophobes, mais aussi que de nouveaux groupes d’extrême droite se forment. Il en est ainsi des Soldiers of Odin (SOO, Soldats d’Odin).

144 Fondés en octobre 2015 par Mika Ranta, en Finlande, les SOO sont une organisation d’extrême droite qui s’est donné pour but d’organiser des patrouilles de rue en réaction à la crise de l’asile et pour garantir la sécurité des habitants de certains villages et de certaines villes. Rapidement, cette organisation devient transnationale, en se développant dans d’autres pays d’Europe et en Amérique du Nord. En janvier 2016, elle fait son apparition en Belgique néerlandophone, puis francophone, bien qu’elle ne parvienne pas à y rassembler de nombreux membres. Dans une interview accordée à La Libre Belgique le 4 août 2016, le leader de la branche flamande des SOO explique : « Les habitants ne se sentaient plus en sécurité. De plus en plus de réfugiés rôdaient dans les rues, prenaient de la nourriture dans les supermarchés sans payer… J’ai des amis au Danemark qui m’ont expliqué ce qui avait été mis en place en Finlande. Je les ai contactés, on a chatté pendant des heures et je me suis dit que je voulais faire la même chose qu’eux ici »  [215]. Précisons que, désormais, la branche flamande des SOO n’existe plus, mais que plusieurs de ses anciens membres font aujourd’hui partie de la branche flamande de l’organisation transnationale Right Wing Resistance (elle-même fondée en 2009 par des activistes néonazis – au premier rang desquels Kyle Chapman – en Nouvelle-Zélande).

145 Les mouvements identitaires sont aussi pointés par la Sûreté de l’État comme étant en recrudescence. Distincts des mouvements skinheads – notamment par le profil de leurs membres, qui sont davantage des étudiants aisés, contrairement aux skinheads –, les mouvements identitaires se caractérisent généralement par un important militantisme en ligne et un activisme violent, sur le plan physique ou symbolique  [216]. Bien qu’ils mobilisent aussi les outils classiques de la communication (par exemple, les campagnes de distribution de tracts), ils maîtrisent particulièrement bien Internet et les réseaux sociaux, avec l’objectif de créer un buzz autour de leurs actions et les faire connaître largement. En Belgique, l’organisation Schild & Vrienden est particulièrement surveillée. Selon la Sûreté de l’État, elle constitue en effet « l’expression la plus réussie du mouvement identitaire »  [217]. Néanmoins, elle est aussi réputée pour son hétérogénéité idéologique : « Le mouvement attire des individus aux profils et convictions très variés : du conservatisme de droite à l’idéologie démocratique non violente, en passant par un éventail de vues d’extrême droite, racistes et négationnistes, y compris le culte de l’idéologie nazie et de la violence »  [218].

146 Une dernière mutation que repère la Sûreté de l’État parmi les groupes et mouvements d’extrême droite est une tendance à l’armement. Afin de préparer les militants d’extrême droite à la « confrontation avec l’islam » dans les années à venir, les leaders de ces formations en appellent à l’armement et à l’entraînement de leurs membres. Ces entraînements prennent la forme de participation à des camps d’été et d’apprentissage au tir ou aux sports de combat. Par exemple, l’organisation Schild & Vrienden organise des camps d’été lors desquels une initiation à la self-defense est prévue. En 2018, dans une vidéo diffusée en ligne, le leader de Schild & Vrienden, Dries Van Langenhove, invitait « à être prêt aux combats », en conservant une bonne forme physique, en apprenant à tirer et en obtenant le permis de port d’armes  [219].

147 Loin d’être nouvelle, la menace que représente l’extrême droite en Belgique préoccupe la Sûreté de l’État depuis plusieurs décennies. Néanmoins, le suivi opéré par le service civil de renseignement et de sécurité s’est particulièrement intensifié au cours des dernières années. Ainsi, si la Sûreté de l’État estimait encore en 2011 que l’extrême droite ne constituait qu’une menace minime en Belgique, et ce en dépit d’un contexte marqué par les attentats commis par le terroriste d’extrême droite norvégien Anders Behring Breivik le 22 juillet 2011 à Oslo et à Utøya, sa position a évolué à partir de 2019, année qu’elle estime avoir été « synonyme d’accélération pour l’extrême droite »  [220]. En 2020, la Sûreté de l’État précise que la menace d’extrême droite demeure : « Chez nous (…), on a de moins en moins de scrupules à exprimer des propos haineux et à glorifier la violence d’extrême droite, singulièrement via les médias sociaux et notamment dans des groupes de discussions privés. De plus en plus d’extrémistes considèrent la violence comme la seule réponse aux problèmes que, selon eux, le gouvernement et les politiciens ne peuvent, ou ne veulent, pas résoudre. Le risque qu’un “guerrier du clavier” ait recours à la violence est donc aussi une réalité en Belgique »  [221]. De fait, l’ensemble de la galaxie d’extrême droite est massivement présente sur Internet et sur les réseaux dits sociaux. L’objectif d’une telle présence est triple. Tout d’abord, le Web est un formidable outil de propagande. Ensuite, il permet de procéder au recrutement de nouveaux membres. Enfin, il permet d’organiser des événements. La Sûreté de l’État est attentive à chacune de ces trois dimensions.

148 La Sûreté de l’État utilise trois types de méthodes de recueil de données. Celles-ci sont encadrées par la loi du 30 novembre 1998 organique des services de renseignement et de sécurité  [222] et par la loi du 4 février 2010 relative aux méthodes de recueil des données par les services de renseignement et de sécurité  [223]. La distinction entre ces méthodes repose sur le degré d’intrusion dans la vie privée. Primo, les « méthodes ordinaires » regroupent notamment la recherche d’informations dans des sources ouvertes, le recours à des informateurs, l’observation et l’inspection sans recourir à des moyens techniques, et la recherche au sein de la banque de données Passenger Name Record (PNR : données des dossiers passagers  [224]). Elles peuvent être mises en œuvre sans formalité particulière. Secundo, les « méthodes spécifiques » consistent entre autres à observer et inspecter des lieux publics grâce à des moyens techniques, à prendre connaissance des données de localisation d’une communication électronique, et à accéder aux informations relatives aux clients de personnes privées ou sociétés offrant des services de transport ou de voyage. Leur usage nécessite l’approbation de l’Administration générale de la Sûreté de l’État et la notification de cet usage à la Commission BIM. Tertio, les « méthodes d’enquête exceptionnelles », recouvrent notamment l’intrusion d’un système informatique, l’organisation d’écoutes téléphoniques, la collecte de données bancaires, l’intrusion dans des lieux privés, l’enregistrement de conversations privées, et la prise de connaissance du courrier postal. Elles nécessitent l’accord de l’administrateur général de la Sûreté de l’État et celui de la Commission BIM. Tant pour les méthodes spécifiques que pour les méthodes exceptionnelles, un double contrôle est effectué a posteriori par la Commission BIM et par le Comité R. Dans le cadre du suivi opéré à l’égard de l’extrême droite, la Sûreté de l’État recourt surtout aux méthodes ordinaires, et spécifiquement aux ressources humaines que constituent les informateurs  [225].

149 Selon un rapport publié à l’automne 2021 par le Comité R  [226], entre le 1er janvier 2020 et le 31 décembre 2020, pas moins de 2 140 autorisations ont été délivrées pour l’utilisation de méthodes particulières de renseignement par la Sûreté de l’État (1 629 pour les méthodes spécifiques et 511 pour les méthodes d’enquête exceptionnelles) ; durant cette même année, le nombre de recours aux méthodes ordinaires dépasse quant à lui les 5 000. Néanmoins, au regard de l’extrémisme de droite, ces chiffres sont nettement plus modérés. En effet, en 2017, 2018 et 2019, respectivement 82, 52 et 62 méthodes particulières de renseignement ont été appliquées dans le cadre du suivi de l’extrémiste de droite  [227].

150 Les trois missions principales de la Sûreté de l’État sont « prévenir, conseiller, entraver ». Tout d’abord, la Sûreté de l’État « anticipe les risques de sécurité en informant les partenaires »  [228]. Dans ce cas, les renseignements qu’elle fournit concernent surtout l’extrémisme non caractérisé par un danger immédiat de violence. Ensuite, et sur la base des données dont elle dispose, elle « conseille ses partenaires sur la manière de traiter les menaces existantes, potentielles ou futures »  [229]. Enfin, la Sûreté de l’État indique qu’elle « perturbe les menaces de sorte qu’elles ne se produisent pas ou plus ou que leur impact soit réduit »  [230]. Concrètement, dans un certain nombre de cas, les renseignements fournis par la Sûreté de l’État permettent de procéder à des perquisitions, à des saisies d’armes, etc. Ils sont aussi mobilisés afin que les forces de police puissent anticiper certains rassemblements d’extrême droite potentiellement violents. Dans d’autres cas, ils permettent d’agir en amont. Par exemple, les données de la Sûreté de l’État peuvent compléter la banque de données tenue à jour par la police et à laquelle recourent les gouverneurs de province lorsqu’ils octroient une autorisation de détention d’armes. La Sûreté de l’État peut aussi utiliser les données dont elle dispose pour informer l’armée que certains candidats à la carrière militaire présentent un rapport problématique avec les armes et, in fine, pour empêcher le recrutement de ces personnes.

151 Dans le cadre de ses différentes missions, la Sûreté de l’État coopère avec divers partenaires en Belgique, à savoir le SGRS, l’OCAM, la police intégrée, l’ordre judiciaire, le Centre de crise national (CCN)  [231] du SPF Intérieur et le SPF Affaires étrangères, Commerce extérieur et Coopération au développement. Dans une certaine mesure, la Sûreté de l’État coopère aussi avec la Direction générale Office des étrangers (OE) du SPF Intérieur et avec la Direction générale Établissements pénitentiaires (EPI) du SPF Justice. Des collaborations bilatérales peuvent se nouer, tantôt dans le court terme, sur des dossiers spécifiques, tantôt sur le plus long terme. Par exemple, la Sûreté de l’État dispose d’« officiers de liaison »  [232] auprès de la police fédérale. Des collaborations multilatérales existent également. Ainsi, la Sûreté de l’État est impliquée au sein du Comité de coordination du renseignement et de la sécurité (CCRS) et dans la Stratégie TER (anciennement, Plan R).

152 Le CCRS réunit la Sûreté de l’État, le SGRS, l’OCAM, la police fédérale, le SPF Affaires étrangères, le CCN et le Collège des procureurs généraux (CPG) pour élaborer des propositions dans le cadre de la politique de sécurité belge, à destination du Conseil national de sécurité (CNS). En outre, les membres du CCRS sont amenés à mettre en œuvre les décisions du CNS.

153 La Stratégie TER succède au Plan d’action Radicalisme (dit Plan R). Adopté en 2005 et actualisé en 2015, le Plan R est porté par des représentants de la Sûreté de l’État, du SGRS, de l’OCAM, de la police fédérale, des polices locales, du ministère public, du SPF Intérieur, du SPF Affaires étrangères, du CCN, de l’EPI, de l’OE, de la Cellule de traitement des informations financières (CTIF) du SPF Finances, de la Direction générale Sécurité et Prévention du SPF Intérieur, et des Régions et des Communautés. Coordonné par l’OCAM, le Plan R a pour mission d’étudier ensemble les menaces telles que le radicalisme, l’extrémisme et le terrorisme, notamment pour ce qui concerne l’extrême droite. Depuis le 8 septembre 2021 et à l’initiative de la ministre de l’Intérieur du gouvernement fédéral De Croo (PS/MR/Écolo/CD&V/Open VLD/SP.A/Groen), Annelies Verlinden (CD&V), le Plan R a fait place à la Stratégie Extrémisme et terrorisme (Stratégie TER). Celle-ci inclut davantage les entités fédérées et traite désormais toutes les formes d’extrémisme sur un pied d’égalité. L’OCAM explique : « Ce qui est nouveau, c’est que le cadre de cette collaboration a été développé en une stratégie nationale, qui a été officiellement approuvée par le gouvernement fédéral et par les gouvernements des Communautés et Régions (…). Un autre élément important est que cette stratégie traite de manière égale toutes les formes d’extrémisme et de terrorisme, qu’elles soient d’inspiration religieuse ou idéologique »  [233].

154 Sur le plan international, la Sûreté de l’État collabore avec 96 services homologues dans 75 pays répartis à travers l’ensemble du globe. Il est à noter que, ces dernières années, la Sûreté de l’État n’a pas relevé de lien direct entre l’extrême droite belge et des attentats commis à l’étranger, bien que des attaques terroristes commises dans d’autres pays puissent connaître un retentissement au sein de la fachosphère de Belgique.

155 Outre les trois missions qu’elle exerce à titre principal, la Sûreté de l’État œuvre à informer les autorités publiques et les citoyens des dangers de l’extrême droite et des situations qui peuvent contribuer à accroître son impact, voire à les alerter à cet égard. C’est donc aussi de façon indirecte, à travers sa communication auprès des citoyens, qu’elle agit contre l’extrême droite. En avril 2020, dans une publication diffusée conjointement avec le SGRS, la Sûreté de l’État relève ainsi les conséquences que comporte la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 pour ce qui a trait à l’extrême droite et à sa structuration  [234]. Elle y indique que l’extrême droite mène d’importantes campagnes de désinformation en cette période de crise afin d’étendre son influence dans la société. Elle attire particulièrement l’attention sur la formation de nouveaux groupes ou groupuscules d’extrême droite – comme les Knights of Flanders (selon qui le Covid-19 trouverait son origine dans le vaccin contre la grippe) – qui visent à décrédibiliser les autorités publiques sur la base de théories complotistes, à l’instar de la manière par laquelle des formations d’extrême droite déjà existantes, comme Nation ou le Parti national européen (PNE), surfent sur la crise sanitaire pour répandre des messages haineux à l’égard des musulmans. Elle relève aussi la diffusion d’une propagande pro-russe par l’extrême droite.

5.2. Le Service général du renseignement et de la sécurité (SGRS)

156 Le Service général du renseignement et de la sécurité (SGRS) constitue le service militaire de renseignement et de sécurité en Belgique. Il est placé sous l’autorité du ministre de la Défense et sous la direction d’un haut gradé (le vice-amiral Wim Robberecht depuis le 23 août 2021  [235]). Tout comme pour la Sûreté de l’État, le Comité R contrôle le SGRS et, conjointement avec la Commission BIM, assure le contrôle de l’utilisation des méthodes spécifiques et exceptionnelles de recueil des données par le SGRS.

157 De manière générale, le SGRS a pour missions « de rechercher, d’analyser et de traiter le renseignement relatif aux facteurs qui influencent ou peuvent influencer la sécurité nationale et internationale dans la mesure où les forces armées sont ou pourraient être impliquées (…) ; de veiller au maintien de la sécurité militaire (…) ; de protéger le secret [militaire] (…) ; d’effectuer les enquêtes de sécurité qui lui sont confiées conformément aux directives du Conseil national de sécurité ; de rechercher, d’analyser et de traiter le renseignement relatif aux activités des services de renseignement étrangers sur le territoire belge »  [236]. Concrètement, le SGRS assure notamment un suivi de l’extrême droite pour autant qu’il existe un lien avec les forces armées.

158 Comme la Sûreté de l’État, le SGRS dispose de la possibilité de recourir dans le cadre de ses missions à des méthodes ordinaires, spécifiques et exceptionnelles (cf. supra). En outre, le SGRS dispose de capacités spécifiques dans plusieurs domaines du renseignement et de la sécurité, comme « des capacités cyber importantes, un service géographique étendu, des moyens d’écoute spécifiques, etc. »  [237]. Par exemple, il peut s’introduire dans des ordinateurs en dehors du territoire belge. Dans le cadre de ses missions, le SGRS participe également au CCRS et à la Stratégie TER (cf. supra).

159 Les années 2018 et 2019 sont marquées par quatre incidents majeurs liés à l’idéologie d’extrême droite en Belgique. Le 5 mars 2018, un homme est suspecté de préparer un attentat contre une mosquée à Droixhe ; il est arrêté à Liège après que des explosifs ont été découverts. Le 18 avril 2018, un homme connu pour ses sympathies avec l’extrême droite est abattu par la police à la gare d’Alost alors qu’il était armé d’un couteau et d’une arme à feu et était devenu menaçant. Le 9 août 2018, un homme est arrêté à Anvers pour avoir proféré sur les réseaux sociaux des menaces à l’encontre de l’Antwerp Pride (événement festif organisé annuellement à Anvers en soutien aux droits des minorités sexuelles) ; des couteaux et un drapeau néonazi sont découverts à son domicile. Dans la nuit du 10 au 11 novembre 2019, un bâtiment prévu pour accueillir temporairement des demandeurs d’asile est incendié à Bilzen. En conséquence de cette actualité, le 6 mai 2019, le Comité R décide d’ouvrir une enquête sur la manière dont les services de renseignement assurent le suivi de la menace posée par l’extrême droite en Belgique et font rapport aux autorités. Rendus publics le 19 janvier 2021, les résultats de cette enquête pointent plusieurs lacunes ou dysfonctionnements dans le chef du SGRS.

160 Le Comité R repère notamment que « le nombre de sources humaines pouvant fournir des informations au SGRS sur le milieu de l’extrême droite est très limité » et que « le service peut difficilement détecter lui-même les cas d’infiltration de l’extrême droite au sein des forces armées »  [238]. En outre, il précise que « pour la période 2015-2019, le SGRS n’a mis en œuvre qu’une seule méthode particulière de renseignement dans le cadre du suivi de l’extrême droite (sur un total de 216 méthodes) »  [239]. Pourtant, la question de l’infiltration de l’extrême droite au sein de l’armée belge est cruciale. D’une part, des exemples étrangers ont montré que l’infiltration de l’armée par l’extrême droite peut être réelle. Ainsi, durant l’été 2020, une unité d’élite de l’armée allemande, le Kommando Spezialkräfte (KSK, commando des forces spéciales), a été partiellement dissoute après qu’un certain nombre de ses membres avaient été identifiés comme ayant des sympathies pour l’extrême droite et après que la ministre fédérale allemande de la Défense, Annegret Kramp-Karrenbauer, avait dénoncé une unité minée par « un commandement toxique, des tendances extrémistes et une utilisation peu scrupuleuse du matériel et des munitions »  [240]. D’autre part, il est établi que certains militaires belges ont eux-mêmes développé une proximité avec l’extrême droite. En mars 2021, le commandant du SGRS, le général-major Philippe Boucké, indique qu’une trentaine de militaires d’extrême droite sont suivis, « de très près, pour leurs sympathies ou leurs liens évidents avec des groupes d’extrême droite »  [241].

161 L’année 2021 est d’ailleurs marquée par une affaire particulièrement médiatisée. À dater du 17 mai 2021, Jürgen Conings, militaire (caporal-chef dans l’armée de l’air belge, tireur d’élite et instructeur de tir) âgé de 46 ans et domicilié à Dilsen-Stokkem, est activement recherché par les services de police. Alors qu’il est actif dans les milieux d’extrême droite  [242] et qu’il figure dans la banque de données commune en tant qu’extrémiste potentiellement violent  [243], il est suspecté de préparer des attentats terroristes visant des symboles de l’État, des mosquées ainsi que plusieurs personnalités, dont le virologue Marc Van Ranst (professeur à la KULeuven et conseiller des autorités belges dans la lutte contre la pandémie de Covid-19)  [244]. Dans sa fuite, il dérobe des armes (dont des lance-roquettes) et des munitions à la caserne de Bourg-Léopold, où il était affecté. Le 18 mai, ces armes sont retrouvées dans une voiture – piégée – lui appartenant, dans la réserve naturelle de Heuvelsven à Dilsen-Stokkem. Par ailleurs, deux lettres d’adieu rédigées par J. Conings avant de prendre la fuite inquiètent. L’une est écrite à destination de sa petite amie, l’autre à destination de la police. Dans la première de ces lettres, J. Conings déclare : « Je veux que vous sachiez que j’ai fait tout ce que je pouvais pour empêcher cela, mais je n’ai pas réussi. Je n’en peux plus et je ne veux pas continuer avec la façon dont l’avenir se présente maintenant »  [245]. Il indique en outre : « Je ne peux pas vivre avec les mensonges de personnes qui doivent décider comment nous devons vivre. Les élites politiques et à présent les virologues décident comment vous et moi devons vivre. Ils sèment la haine et la frustration, encore pire que ce qu’elle était déjà ». Il poursuit en alertant qu’il entre « en résistance » : « Je sais que je serai soudainement ennemi d’État. Ils me chercheront et me trouveront. Je suis prêt (…). Je n’ai pas peur de mourir. Mais alors ce sera à ma façon, je vivrai mes derniers jours comme je le veux ». Craignant un passage à l’acte terroriste de la part de J. Conings, la police et l’armée intensifient leurs recherches et la police fédérale lance un avis de recherche le 19 mai. Des renforts des polices des pays voisins – principalement d’Allemagne, du Grand-Duché de Luxembourg et des Pays-Bas – sont déployés sur le territoire belge  [246].

162 Alors que le militaire en fuite est toujours introuvable, le soutien exprimé en sa faveur s’organise et s’accroît. Ainsi, un groupe Facebook intitulé « Als 1 achter Jürgen » (ce que l’on peut traduire par « Ne faire qu’un derrière Jürgen ») rassemble plusieurs dizaines de milliers de membres en quelques jours seulement et permet l’organisation de plusieurs marches de soutien à J. Conings à partir du 22 mai à Maasmechelen. Réunissant à chaque fois entre 100 et 200 participants arborant des pancartes « No License to Kill », ces marches ont vocation à dénoncer « les politiciens corrompus » et « les mensonges des médias »  [247]. Le 20 juin, après cinq semaines de traque sans succès, le corps sans vie de J. Conings est retrouvé par des cyclistes dans la forêt de Dilsen-Stokkem. Le parquet fédéral indique que le militaire s’est donné la mort avec une arme à feu et que toutes les armes et munitions dérobées ont pu être retrouvées.

163 Si l’épisode semble clos, le rapport publié début juillet 2021 par le Comité R sur le suivi de la radicalisation de J. Conings est accablant pour le SGRS  [248]. Il indique notamment : « Il est indéniable que des erreurs (graves) ont été commises à tous les niveaux du SGRS, mais aussi dans toute la ligne hiérarchique de la Défense »  [249]. Le document précise en outre que cette affaire constitue « le point d’intersection » de toutes les constatations de manquements que le Comité R a émises au cours des dix années antérieures relativement aux services de renseignement et de sécurité en général et au SGRS en particulier  [250]. De manière générale, ce rapport souligne que le SGRS souffre d’un manque d’effectifs et d’une défaillance en termes de communication et de traitement de l’information. Sur la base du rapport, la ministre de la Défense, Ludivine Dedonder (PS), déclare : « De manière globale, on peut considérer que l’information n’a pas circulé et n’a pas été traitée de manière adéquate. Ainsi, à plusieurs moments, des liens entre des informations clés auraient dû être établis et des mesures plus décisives auraient pu être prises pour écarter Conings de sa fonction au sein de la Défense »  [251].

164 À l’automne 2021, l’affaire J. Conings revient au cœur de l’actualité après une interview accordée par le président du Comité R, Serge Lipszyc, au magazine Wilfried. Il indique notamment : « N’y avait-il pas des gens au sein même de la structure de l’État qui avaient intérêt à ce qu’on ne le retrouve jamais ? (…) Si J. Conings s’était appelé Mustafa, je pense que les choses se seraient déroulées autrement. Un certain nombre d’éléments permettent de croire que dans les différentes strates de l’État belge, il y a une volonté de favoriser les mouvements extrémistes, notamment d’extrême droite ». À la suite de ces propos, S. Lipszyc est auditionné par la Commission permanente de contrôle des Comités P et R de la Chambre des représentants. Début novembre, quelques jours avant qu’un rapport du président du Comité R soit présenté à la Commission, le contenu de ce document est divulgué dans la presse. Le président du Comité R y confirme l’existence d’une menace d’extrême droite en Belgique et souligne que cinq militaires sont fichés pour extrémisme de droite. En outre, il dénonce : « La coopération entre services n’est pas suffisante. Les enseignements ne sont pas diffusés, si bien que la menace ne reçoit pas l’attention du monde politique »  [252].

5.3. L’Organe de coordination pour l’analyse de la menace (OCAM)

165 L’Organe de coordination pour l’analyse de la menace (OCAM) est une institution indépendante placée sous la tutelle conjointe des ministres fédéraux de l’Intérieur et de la Justice et qui rend compte au gouvernement par l’intermédiaire du Conseil national de sécurité (CNS). Créé en 2006  [253] et actuellement dirigé ad interim par Gert Vercauteren, l’OCAM chapeaute l’analyse de la menace terroriste et extrémiste au quotidien. Longtemps, cet organe a été perçu comme « un complément superflu, voire comme un concurrent à la Sûreté de l’État »  [254].

166 L’OCAM a pour mission d’évaluer, de façon ponctuelle et/ou stratégique  [255], la menace terroriste et extrémiste en Belgique, d’une part, et envers les citoyens et les intérêts belges à l’étranger, d’autre part. Il travaille sur la base des renseignements transmis par ses services d’appui  [256], à savoir la Sûreté de l’État, le SGRS, la police intégrée, le SPF Affaires étrangères, le SPF Mobilité et Transports, la Direction générale Office des étrangers (OE) du SPF Intérieur, l’Administration générale des Douanes et Accises (AGDA) du SPF Finances, la Direction générale Centre de crise (DGCC) du SPF Intérieur, la Direction générale Établissements pénitentiaires (EPI) du SPF Justice, le service Laïcité et Cultes de la Direction générale Législation et Libertés et Droits fondamentaux du SPF Justice, et l’Administration générale de la Trésorerie (AGTrés) du SPF Finances  [257]. Dans le cadre de cette mission, l’OCAM travaille également en étroite collaboration avec des services partenaires, à savoir le ministère public, les Régions et les Communautés, les pouvoirs locaux (dont les fonctionnaires en prévention et déradicalisation) et la Cellule de traitement des informations financières (CTIF) du SPF Finances.

167 Les évaluations auxquelles procède l’OCAM mentionnent le niveau de la menace sur une échelle à quatre niveaux, à savoir  [258] : « le “niveau 1 ou faible” lorsqu’il apparaît que la personne, le groupement ou l’événement qui fait l’objet de l’analyse n’est pas menacé ; le “niveau 2 ou moyen” lorsqu’il apparaît que la menace (…) est peu vraisemblable ; le “niveau 3 ou grave” lorsqu’il apparaît que la menace (…) est possible et vraisemblable ; le “niveau 4 ou très grave” lorsqu’il apparaît que la menace (…) est sérieuse et imminente ». Ces niveaux de menace sont donc déterminés en fonction de la vraisemblance et de la gravité de la menace. C’est le CCN – ou les services de police locale – qui, sur la base des évaluations de l’OCAM, a la compétence de proposer au SPF Intérieur d’éventuelles mesures de sécurité à prendre : renforcement de la présence des forces de l’ordre ou des contrôles policiers, installation de blocs de béton, interdiction d’événements, etc.  [259]

168 En tant que centre de fusion, l’OCAM n’est pas un service opérationnel. En ce sens, il ne collecte pas lui-même des renseignements et n’entre pas en contact avec les services de renseignement étrangers  [260]. En revanche, à travers son rôle de coordination, il met à la disposition des différents services d’appui susmentionnés et des services partenaires une banque de données commune (BDC), mise à jour en temps réel directement par ces services. Cette BDC contient les noms des extrémistes et terroristes devant être suivis de manière prioritaire, en classant ces personnes en cinq catégories de façon motivée : les « foreign terrorist fighters » (FTF), qui sont des personnes ayant le souhait de se rallier à un groupe terroriste à l’étranger ou ayant rallié un tel groupe ; les « homegrown terrorist fighters » (HTF), qui sont des personnes ayant décidé de commettre des actes terroristes en Belgique ou de prêter leur concours à de tels actes ; les « propagandistes de haine » (PH), qui sont des personnes justifiant le recours à la violence à des fins idéologiques et influençant leur entourage en ce sens ; les « extrémistes potentiellement violents » (EPV), qui sont des personnes ayant l’intention de recourir à la violence à des fins idéologiques, sans avoir concrétisé cette volonté ; les « personnes condamnées pour terrorisme » (PCT). Il est à noter que cette BDC est continuellement actualisée ; de nouveaux renseignements peuvent contribuer à renforcer ou, à l’inverse, réduire le niveau de menace que représente un individu. En outre, des noms de personnes sont régulièrement ajoutés ou retirés de la BDC.

169 Le 1er janvier 2022, l’OCAM indique que 714 personnes sont reprises dans la BDC : 652 islamistes, 50 extrémistes de droite et 12 extrémistes de gauche  [261]. Parmi les extrémistes de droite, 34 sont considérés comme étant des propagandistes de haine (PH) et 24 comme étant potentiellement violents (EPV)  [262]. Il est à noter que si les chiffres concernant les extrémistes de droite sont faibles (et, notamment, nettement inférieurs à ceux des islamistes), le nombre d’extrémistes de droite fichés dans la BDC connaît une forte progression dans le temps ; ainsi, en l’espace de trois ans, il a plus que doublé  [263]. Si aucun incident majeur relié à l’extrémisme de droite et impliquant des décès ne s’est produit en Belgique dans l’histoire récente, les discours inspirés par la haine n’en sont pas moins présentés par l’OCAM comme étant en augmentation sur le Web et des incidents graves se sont récemment produits dans les pays limitrophes  [264].

170 Il est à souligner que, à l’instar de ce qui prévaut pour la Sûreté de l’État et le SGRS, c’est une conception précise de la notion d’extrême droite qui entre dans le champ d’application de l’OCAM, à savoir les individus, groupes et événements qui relèvent de l’extrémisme politique en tant qu’idéologie ne prônant pas le respect des principes démocratiques. Dès lors, en tant que tels, les partis politiques d’extrême droite ne font pas partie du champ d’action de l’OCAM. Il existe néanmoins une « zone grise » située à l’intersection entre extrême droite et extrémisme de droite et au sein de laquelle peuvent se retrouver des personnes aux appartenances multiples. Les personnes qui figurent dans cette « zone grise » relèvent de la compétence de l’OCAM.

171 L’OCAM dispose également de la capacité de proposer des mesures administratives individuelles au ministre fédéral de l’Intérieur, au ministre fédéral des Affaires étrangères ou au CNS. Préventives, ces mesures sont destinées à freiner la planification ou le financement d’actes terroristes. Elles consistent à retirer, à invalider ou à ne pas renouveler une carte d’identité ou un passeport, ou à geler les avoirs financiers ou les ressources économiques d’individus  [265]. Jusqu’à présent, aucune de ces mesures n’a trouvé à s’appliquer à un individu qualifié d’extrémiste de droite. Cela tient au fait qu’il s’agit de mesures qui sont prises à l’égard d’islamistes se préparant notamment (mais pas seulement) à se rendre dans des zones de conflit.

172 Enfin, l’OCAM est chargé de coordonner la Stratégie Extrémisme et terrorisme (Stratégie TER), qui a succédé au Plan R le 8 septembre 2021 (cf. supra). Dans l’objectif de « réduire autant que possible le radicalisme et l’extrémisme, y compris le processus de radicalisation, au sein de notre société »  [266], la Stratégie TER met en place diverses plateformes de concertation : des task forces locales (TFL), qui constituent le réseau où les différents services impliqués (Sûreté de l’État, SGRS, police, parquet, etc.) échangent des renseignements et analysent des cas spécifiques, dans une optique répressive et sécuritaire ; des cellules de sécurité intégrale locales en matière de radicalisme (CSIL-R), qui sont davantage actives en prévention et qui réunissent les autorités locales et des services psychosociaux et du bien-être ; une task force nationale (TFN), qui assure la coordination de la Stratégie TER. En outre, des groupes de travail thématiques réunissant des spécialistes des différents services et administrations sont mis sur pied afin d’échanger des connaissances relatives à des thématiques spécifiques et afin de traiter des dossiers opérationnels. Ainsi, il existe entre autres un groupe de travail « extrémisme de droite » qui se réunit sur une base mensuelle.

Conclusion

173 Le présent Courrier hebdomadaire a investigué un aspect peu exploré dans la littérature en science politique : les acteurs, instruments et stratégies de la lutte contre l’extrême droite en Belgique. Les résultats de cette recherche peuvent être synthétisés à travers quatre enseignements principaux.

174 Primo, l’extrême droite ne peut pas être réduite à un parti politique ou à une personnalité. Elle forme plutôt une galaxie au sein de laquelle gravite un large ensemble d’acteurs hétéroclites. Y figurent notamment des formations politiques, des organisations non partisanes, des mouvements non organisés, des auteurs, des médias, des internautes, des groupes de musique et des individus isolés ayant le projet de commettre un acte terroriste. Par ailleurs, chacun de ces types d’acteurs peut lui-même recouvrir une réalité variée, avec des objectifs distincts, le recours à des moyens différents et une structuration multiforme. Certains acteurs sont qualifiés de néonazis ou de fascistes, d’autres relèvent plutôt du national-populisme ou de l’euroscepticisme, et d’autres encore développent un projet régionaliste, relevant du gramscisme de droite  [267] ou incarnant le traditionalisme ou l’intégrisme religieux  [268]. Les moyens développés par l’extrême droite sont plus ou moins violents, que ce soit sur le plan symbolique ou sur le plan physique. Enfin, l’extrême droite peut poursuivre un objectif de conquête du pouvoir en respectant ou non les règles fondamentales de la démocratie afin de modifier les politiques publiques dans le sens de son programme politique, ou agir en dehors des arènes institutionnelles afin d’exercer une influence sur les acteurs politiques ou sur la société au sens large. Ce caractère hétérogène est crucial à saisir dans l’analyse des stratégies, instruments et acteurs de la lutte contre l’extrême droite : réagir au développement d’un acteur d’extrême droite ne signifie en effet pas réagir face à la galaxie d’extrême droite dans son ensemble, ni réagir contre la propagation des idées d’extrême droite.

175 Secundo, les acteurs qui s’organisent face à l’extrême droite sont tout aussi variés que ceux qu’ils combattent : acteurs politiques, acteurs judiciaires, acteurs médiatiques, acteurs issus de la société civile et acteurs étatiques. Chacun de ces types d’acteurs est également hétérogène. Par exemple, certains fragments de la société civile mobilisent les outils juridiques à leur disposition afin de contrer une organisation ou un individu d’extrême droite, alors que d’autres développent certains dispositifs pédagogiques (parfois grâce à des subsides publics) afin de lutter en amont contre cette idéologie, entre autres dans les écoles, et que d’autres encore recourent à des moyens violents pour empêcher la structuration de l’extrême droite. Cette hétérogénéité est elle aussi fondamentale à saisir pour qui souhaite mieux comprendre l’état de l’extrême droite et les oppositions qu’elle rencontre à l’heure actuelle : un acteur ne peut avoir la prétention de lutter seul contre l’extrême droite dans son ensemble. Chaque outil développé et chaque mesure adoptée par un acteur contribue à lutter partiellement contre un ou plusieurs acteurs d’extrême droite ou contre la propagation des idées d’extrême droite. Cela ne signifie pas que ces mesures ne comportent pas d’effets, mais que ceux-ci sont partiels (par exemple, la Sûreté de l’État et le SGRS préviennent les actes terroristes mais n’exercent aucun rôle dans la destinée électorale des partis d’extrême droite) et peuvent être peu visibles ou difficiles à imputer à un type d’acteurs spécifique.

176 Tertio, alors qu’il est communément admis que les organisations d’extrême droite ne connaissent qu’un faible degré de développement et de structuration en Belgique francophone, cela ne signifie pas pour autant que la lutte contre l’extrême droite n’est pas engagée dans cette partie du pays. Au contraire, les moyens déployés y sont nombreux (par exemple par les partis à travers le cordon sanitaire politique, par les médias à travers le cordon sanitaire médiatique et par la société civile à travers un activisme antifasciste particulièrement intense). Ils contribuent même à expliquer la faiblesse structurelle de l’extrême droite en Belgique francophone. À cet égard, une importante différence est à noter entre les principales forces d’extrême droite en Belgique francophone et en Belgique néerlandophone au regard de la communauté humaine qu’elles entendent protéger : alors que les premières visent avant tout à protéger les Belges – voire les Européens – face à l’immigration, les secondes prennent davantage la défense des Flamands, face aux étrangers mais également face aux Belges francophones ; en ce sens, la motivation de la lutte contre l’extrême droite flamande est double en Belgique francophone. En outre, le fait que les organisations d’extrême droite ne soient guère présentes en Belgique francophone ne signifie nullement que l’idéologie d’extrême droite n’existe pas dans le sud du pays, que du contraire. Cet enseignement incite à la prudence face aux affirmations selon lesquelles l’extrême droite serait absente en Belgique francophone. Ainsi, il rappelle qu’un développement électoral de l’extrême droite dans les prochaines années n’est pas à exclure.

177 Quarto, l’intensité de certains instruments de la lutte contre l’extrême droite peut évoluer dans le temps, dans le sens soit d’un renforcement soit d’un affaiblissement. Ainsi, le nombre d’outils juridiques dont peuvent se saisir différents acteurs (comme la LDH, la LVM, le MRAX, Kif Kif et Unia) pour traduire en justice certaines personnes ou certains groupes faisant preuve d’incitation à la haine raciale, de négationnisme ou de discrimination (notamment raciale) augmente. Mais à l’inverse, le cordon sanitaire politique, s’il existe en Belgique depuis un peu plus de trois décennies, est soumis à des tensions de divers ordres depuis une vingtaine d’années, particulièrement en Belgique néerlandophone. Des mandataires politiques questionnent d’ailleurs sa viabilité dans un futur proche. Cette mise sous tension traduit non seulement une évolution stratégique opérée par l’extrême droite afin de se rapprocher de l’exercice du pouvoir, mais aussi une évolution dans la manière de percevoir l’efficacité d’un tel outil dans le chef de responsables politiques issus de partis dits démocratiques. De fait, si le cordon sanitaire politique a permis d’écarter le VB du pouvoir et, durant un certain temps, de contrer son destin électoral, il n’a pas pour autant permis d’endiguer le développement de l’idéologie d’extrême droite ou d’éviter l’influence de celle-ci sur les politiques publiques.

178 Ces quatre enseignements ouvrent des perspectives à de futures recherches sur la question des stratégies de lutte contre l’extrême droite. Si l’impact de certaines mesures a été évoqué – comme celui de l’adoption d’un cordon sanitaire politique ou médiatique ou du lancement de certaines procédures judiciaires à l’encontre de dirigeants de groupes ou partis d’extrême droite –, mieux connaître sur une base empirique et de façon systématique l’effet concret que comporte chacune des initiatives relevées permettrait de mieux saisir leurs conséquences en termes de succès ou d’échec des organisations d’extrême droite, notamment sur le plan électoral. En outre, certains auteurs indiquent que le développement de l’extrême droite – et, plus largement, des formations anti-establishment – est le symptôme d’une crise plus fondamentale : celle de la démocratie représentative  [269]. Dès lors, ils suggèrent de distinguer les réponses selon qu’elles s’adressent à l’extrême droite en tant que symptôme ou en tant que phénomène à part entière. Alors que le présent Courrier hebdomadaire a proposé une analyse des réponses apportées au phénomène d’extrême droite à travers les acteurs qui l’incarnent et les stratégies et instruments que ceux-ci mobilisent, il invite à poursuivre l’analyse en explorant davantage les pistes permettant de répondre aux causes du développement de l’extrême droite, parmi lesquelles figurent des causes socio-économiques ou la crise de la démocratie représentative. Par exemple, mieux comprendre l’impact des tensions sociales ou des innovations démocratiques sur le développement ou la régression de l’extrême droite peut nourrir le débat de façon substantielle.

Annexe 8. Collège d’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel, « Règlement relatif aux programmes de radio et de télévision en période électorale », Avis n° 1/2018, 23 janvier 2018

179 Source :Moniteur belge, 23 février 2018.

180 Vu le décret coordonné le 26 mars 2009 sur les services de médias audiovisuels, l’article 135, § 1er, 5° ;

181 Considérant que cet article donne mission au collège d’avis de rédiger et tenir à jour des règlements portant sur l’information politique en périodes électorales ;

182 Considérant les articles 10, 14 et 17 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, relatifs à la liberté d’expression, l’interdiction de la discrimination et l’interdiction de l’abus de droit ;

183 Considérant les articles 10, 11 et 19 de la Constitution, relatifs à l’égalité, l’interdiction de la discrimination, notamment des minorités idéologiques et philosophiques, et à la liberté d’expression ;

184 Considérant la loi du 16 juillet 1973 garantissant la protection des tendances idéologiques et philosophiques, dite “loi du Pacte culturel” ; (…)

185 Considérant la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme et la xénophobie ; (…)

186 Considérant la loi du 23 mars 1995 tendant à réprimer la négation, la minimisation, la justification ou l’approbation du génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la Seconde Guerre mondiale ;

187 Considérant la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination ; (…)

188 Article 1. Les dispositions du présent règlement s’appliquent à toutes les élections organisées en Belgique, c’est-à-dire les élections législatives fédérales, les élections régionales, les élections européennes et les élections communales et provinciales.

189   Elles s’adressent à tous les éditeurs de services de médias audiovisuels relevant de la Communauté française de Belgique, que ces derniers consacrent ou non des émissions ou parties d’émissions aux élections. Par exception, elles ne s’appliquent toutefois pas aux services diffusés sur plateforme ouverte, édités par ou pour le compte de candidats, listes, idéologies ou partis et ouvertement dédiés à la communication électorale de ceux-ci.

190   Elles s’appliquent pendant les trois mois qui précèdent le scrutin, sauf dans le cas d’élections anticipées, où cette période peut être ramenée à 40 jours (élections législatives fédérales et élections régionales) ou 50 jours (élections locales) avant le scrutin.

191 Article 2. Les éditeurs sont responsables du respect du présent règlement pour tous les programmes diffusés sur les services dont ils assument la responsabilité éditoriale au sens du décret coordonné du 26 mars 2009 sur les services de médias audiovisuels.

192 Article 2bis. Si un éditeur de services de médias audiovisuels couvre la campagne électorale sur un compte de réseau social ouvert à son nom ou au nom d’un de ses services, le présent règlement s’applique à la production des contenus audiovisuels qui y sont diffusés.

193 Article 3. Pour les services non linéaires, le présent règlement ne s’applique qu’aux contenus ajoutés après le commencement de la période électorale ainsi qu’aux contenus antérieurs qui feraient l’objet d’un traitement éditorial nouveau.

194 Article 4. Sans préjudice des articles 10 à 17, les éditeurs assurent l’équilibre et la représentativité des différentes tendances idéologiques, philosophiques et politiques dans l’ensemble des programmes qu’ils diffusent.

195 Article 5. Les éditeurs s’abstiennent de donner l’accès en direct à l’antenne à des représentants de partis, mouvements ou tendances politiques visés à l’article 14.

196 (…)

197 Article 7. Avant l’ouverture de la campagne, les éditeurs adoptent des dispositions spécifiques en matière électorale.

198   Ces dispositions aborderont la mise en œuvre des différentes règles inscrites dans le présent règlement et qui s’appliquent à eux.

199   Si le(s) service(s) visé(s) recour(en)t en temps normal à des journalistes professionnels sous contrat d’emploi, les dispositions qui visent les programmes électoraux et d’information feront l’objet d’un avis de la rédaction. Les services qui recourent, uniquement en période électorale, à des journalistes professionnels externes pour assurer la gestion de leurs programmes d’information conformément à l’article 18, soumettront les dispositions qui visent les programmes électoraux et d’information à l’avis de ces journalistes professionnels externes.

200   Les dispositions seront transmises pour information au Conseil supérieur de l’audiovisuel.

201   Leur publicité sera assurée sur le site Internet de l’éditeur ou, s’il n’en dispose pas, sur le site Internet du CSA.

202   Elles seront transmises, à la demande, aux candidats et formations politiques.

203 (…)

204 Article 14. Les éditeurs s’abstiendront de donner l’accès à leurs services de médias audiovisuels et à leurs contenus associés qu’ils développent sur d’autres plateformes, lors de tribunes, de débats électoraux ou, directement, lors d’autres émissions, à des représentants de partis, mouvements ou tendances politiques relevant de courants d’idées non démocratiques ou prônant ou ayant prôné habituellement des doctrines ou messages :

  •  - constitutifs d’outrages aux convictions d’autrui ;
  •  - incitant à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne, d’un groupe ou d’une communauté en raison de leur sexe, de leur prétendue race, de leur couleur, de leur ascendance ou origine nationale ou ethnique ;
  •  - contenant des éléments tendant à la négation, la minimisation, la justification, l’approbation du génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la Seconde Guerre mondiale ou toute autre forme de génocide ;
  •  - basés sur des distinctions, dans la jouissance des droits et libertés reconnus par la Convention européenne, fondées notamment sur le sexe, la prétendue race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ;
  •  - visant à la destruction ou à la limitation des droits et libertés garantis dans l’ordre juridique belge.

206 Article 15. Les éditeurs de services sont invités à consulter le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme, la Commission nationale permanente du Pacte culturel ou tout autre organe ou institution idoine afin de vérifier la qualification des partis et des candidats visés à l’article 14.

207 (…)

208 Article 23. Les éditeurs de services peuvent consulter le Conseil supérieur de l’audiovisuel pour les questions relatives à la mise en œuvre de ce règlement.

209 Article 24. Le CSA assure une mission d’information de tous les éditeurs sur le présent règlement, selon les moyens qu’il juge les plus appropriés.

210 (…)

Annexe 9. Collège d’autorisation et de contrôle du Conseil supérieur de l’audiovisuel, « Recommandations aux éditeurs de services de radiodiffusion relatives aux manifestations d’expression de discrimination ou de haine », 9 mars 2005

211 Source : Conseil supérieur de l’audiovisuel, « Rapport d’activités. 2005 », s.d. [2006], www.csa.be, p. 25.

212 Le collège d’autorisation et de contrôle du Conseil supérieur de l’audiovisuel réaffirme que le rôle du régulateur est de garantir l’exercice de la liberté d’expression et, notamment, de la liberté d’information, dans les conditions définies par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales [et] par la Constitution belge (…).

213 Se référant aux recommandations de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) du Conseil de l’Europe ainsi qu’au code et aux travaux du Groupe de travail international contre le racisme et la xénophobie de la Fédération internationale des journalistes, le collège d’autorisation et de contrôle du Conseil supérieur de l’audiovisuel rappelle que les médias sont susceptibles de contribuer à la naissance ou à l’amplification de formes de discrimination ou de haine basées sur l’intolérance tout comme ils constituent, eu égard à leur impact sur l’opinion publique, un moyen important de lutte contre celles-ci.

214 Particulièrement sensible aux formes actuelles de résurgence du racisme, de la xénophobie et de l’antisémitisme et plus généralement au développement d’un climat d’intolérance à l’égard de certaines communautés et de certains peuples, le collège d’autorisation et de contrôle du Conseil supérieur de l’audiovisuel en appelle à la vigilance des éditeurs de services de radio et de télévision afin qu’ils veillent à :

  •  - traiter avec la pondération et la rigueur indispensables les sujets susceptibles d’alimenter des tensions et des antagonismes au sein de la population ou d’entraîner, envers certaines communautés ou certains peuples, des attitudes de rejet ou de xénophobie ;
  •  - faire preuve d’une prudence particulière quand ils font rapport d’éléments susceptibles d’inciter à la haine ou à l’intolérance en général et présenter leurs reportages et commentaires sur les actes de racisme et d’intolérance de façon factuelle et responsable ;
  •  - vérifier l’exactitude des informations diffusées, citer la date et les sources de ces informations et, en cas de diffusion d’informations inexactes, procéder à leur rectification sans délai et à des conditions d’exposition comparables ;
  •  - accompagner la diffusion d’images d’archives d’une mention explicite et durable de cette origine à l’antenne ;
  •  - dans la relation de situations de tension, de guerres et de conflits armés en particulier, éviter la diffusion de toute image ou langage de nature à renforcer les craintes et les tensions entre groupes ethniques, nationaux, religieux ou sociaux différents, faire preuve de retenue dans la diffusion d’images et de témoignages susceptibles d’humilier les personnes et éviter la complaisance dans l’évocation de la souffrance humaine ;
  •  - être attentif dans tout programme, notamment d’information ou de divertissement, à ne pas introduire des comparaisons ou faire d’autres références qui blessent la mémoire des victimes de persécutions ou de génocides ou contribuent à la banalisation de ces crimes ;
  •  - assurer la maîtrise de leur antenne, de tous les contenus diffusés en direct ou enregistrés, en veillant en particulier à ne pas véhiculer des préjugés ou des informations et messages basés sur des partis-pris ou des stéréotypes ;
  •  - encourager le débat sur le rôle des médias dans la lutte contre toute forme de discrimination ou de haine eu égard à la responsabilité particulière qui leur incombe.

Annexe 10. Conseil de déontologie journalistique, « Recommandation “Couverture des campagnes électorales dans les médias” », 16 novembre 2011 (telle que modifiée le 16 janvier 2019)

216 Source : Conseil de déontologie journalistique, « Les carnets de la déontologie », n° 11, 2e édition, 2018, www.lecdj.be, p. 4-6.

217 Préambule

218 Les principes de cette recommandation sont fondés sur la Convention européenne des droits de l’homme, qui rend contraignant pour les États membres du Conseil de l’Europe le respect de certains droits énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme.

219 Principes généraux

220 1. La responsabilité des choix éditoriaux et des dispositifs d’information en période de campagne électorale incombe aux rédactions.

221 2. Les rédactions tiennent compte dans leur mission d’information de la totalité des contributions au débat politique, en ce compris celles des tendances émergentes ou réputées extrêmes, en fonction de leur pertinence journalistique.

222 3. Le choix d’inviter un candidat ou un représentant d’un parti, d’une liste ou d’un mouvement à prendre part à un débat ou à s’exprimer de toute autre manière dans un média relève de la seule responsabilité de la rédaction du média, dans le cadre de la ligne éditoriale de celui-ci et des valeurs dont cette ligne est garante.

223   Être candidat à une élection n’implique aucun droit d’accès automatique à l’expression dans un média.

224 4. Les rédactions sont invitées à ne pas donner d’accès direct à l’expression des candidats, listes, partis, mouvements… qu’elles identifient comme liberticides ou antidémocratiques, ou dont elles constatent que leur programme ou leur discours entre en contradiction avec les lois réprimant le racisme, le sexisme, la discrimination ou le négationnisme, et à soumettre cette expression à un traitement journalistique.

225   Étant donné l’absence d’études scientifiques irréfutables ou de textes juridiques répertoriant des partis, listes ou mouvements comme liberticides ou antidémocratiques, il relève de la seule liberté éditoriale des rédactions de ne pas donner d’accès direct à l’expression à ceux qu’elles identifient comme tels, pour autant qu’elles étayent cette décision et se basent pour ce faire sur des faits avérés et des sources crédibles, dont, le cas échéant, des décisions de justice ou des avis d’experts ou d’organismes ayant pour objet la protection des droits humains.

226   Les rédactions veilleront à informer le public des raisons qui motivent toute exclusion.

227   En tout état de cause, cette décision étant inhérente à la responsabilité sociale des seules rédactions, elle ne peut être déléguée à une autorité tierce, qu’il s’agisse de juges, d’experts, de mandataires politiques ou d’organismes ayant pour objet la protection des droits humains.

228 5. Les journalistes candidats aux élections doivent éviter tout conflit d’intérêts et toute suspicion de conflit d’intérêts entre leur activité journalistique et leur engagement politique, qui constitue un droit citoyen. Les responsables des médias sont invités à prendre les mesures de nature à éviter ces conflits d’intérêts.

Notes

  • [1]
    A. Ellinas, The media and the far right in Western Europe, Cambridge, Cambridge University Press, 2010.
  • [2]
    L. de Jonge, « The populist radical right and the media in the Benelux: friend or foe? », The International Journal of Press/Politics, volume 24, n° 2, 2019, p. 189-209.
  • [3]
    J. Schwörer, B. Fernandez-Garcia, « Demonisation of political discourses? How mainstream parties talk about the populist radical right », West European Politics, volume 44, n° 7, 2021, p. 1401-1424.
  • [4]
    L. de Jonge, « The populist radical right and the media in the Benelux », op. cit.
  • [5]
    Il est à noter que l’existence d’un cordon sanitaire médiatique est un phénomène fort rare en Europe. Certes, dans certains pays, des mécanismes similaires – quoique moins formalisés – sont d’application. Néanmoins, ils rencontrent des difficultés à être pérennisés. Ainsi, au Royaume-Uni, le British National Party (BNP, Parti national britannique) – longtemps considéré comme le principal parti d’extrême droite du pays – a été tenu à l’écart de la majeure partie des médias traditionnels pendant de nombreuses années. Toutefois, après que le parti a décroché deux sièges au Parlement européen lors du scrutin du 4 juin 2009, son président, Nick Griffin, a été invité à participer à l’émission Question Time diffusée par la BBC en octobre 2009. Concernant le BNP, cf. B. Biard, « L’extrême droite en Europe occidentale (2004-2019) », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2420-2421, 2019, p. 90-91
  • [6]
    Cf. V. Demertzis, « Cordon sanitaire : un dispositif visant l’extrême droite », Les @nalyses du CRISP en ligne, 6 février 2018, www.crisp.be, p. 2.
  • [7]
    Vers L’Avenir, 2 décembre 1991.
  • [8]
    Moniteur belge, 16 octobre 1973.
  • [9]
    Il s’agit alors du décret de la Communauté culturelle française du 12 décembre 1977 portant statut de la Radio-télévision belge de la Communauté culturelle française (Moniteur belge, 14 janvier 1978). Depuis lors, ce texte a été abrogé et remplacé par le décret de la Communauté française du 14 juillet 1997 portant statut de la Radio-télévision belge de la Communauté française (RTBF) (Moniteur belge, 28 août 1997).
  • [10]
    Le Soir, 3 juin 1994.
  • [11]
    RTBF, Communiqué de presse, 2 juin 1994.
  • [12]
    Le Soir, 9 juin 1994.
  • [13]
    D. Féret est docteur en médecine.
  • [14]
    Ancien cadre et élu du FN, interviewé par l’auteur le 10 juillet 2020.
  • [15]
    Plus précisément, l’article 7, § 1er, du décret du 14 juillet 1997 dispose : « [La RTBF] ne peut produire ou diffuser des émissions contraires aux lois ou à l’intérêt général, portant atteinte au respect de la dignité humaine, et notamment contenant des incitations à la discrimination, à la haine ou à la violence, en particulier pour des raisons de race, de sexe ou de nationalité ou tendant à la négation, la minimisation, la justification, l’approbation du génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la Seconde Guerre mondiale ou toute autre forme de génocide ».
  • [16]
    Conseil d’État, Arrêt n° 80.787, 9 juin 1999. À propos de cette jurisprudence, cf. P. Martens, « De quelques contrôles juridictionnels sur les acteurs politiques », Revue de droit de l’ULB, 1997, p. 287-320 ; Y. Marique, « Le contentieux en amont des élections », in Les élections dans tous leurs états : bilan, enjeux et perspectives du droit électoral. Colloque organisé par le Centre de droit public de l’ULBles 22-23 septembre 2000, Bruxelles, Bruylant, 2001, p. 495-535 ; C. Doutrelepont, N. Van Laer, « L’accès à l’antenne de la RTBF des partis d’extrême droite en période électorale », Chroniques de droit public, 2001, p. 78-82.
  • [17]
    Conseil d’État, Arrêt n° 171.094, 11 mai 2007.
  • [18]
    La Libre Belgique en ligne, 24 septembre 2012, www.lalibre.be. Sur cette affaire, cf. E. Cruysmans, « L’accès du Parti populaire aux médias : la RTBF condamnée pour violation de son obligation de pluralisme », Justice en ligne, 8 octobre 2012.
  • [19]
    Le Soir, 18 juin 2013.
  • [20]
    RTBF Info, 18 juin 2013, www.rtbf.be.
  • [21]
    Sudpresse, 27 octobre 2017.
  • [22]
    Collège d’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel, « Recommandations relatives à l’information et à la publicité pour la période couvrant la campagne électorale du 13 mars au 13 juin 1999 », 10 mars 1999, www.csa.be.
  • [23]
    Ibidem, p. 1.
  • [24]
    Moniteur belge, 17 avril 2003. Depuis lors, ce décret – entre-temps rebaptisé « décret sur les services de médias audiovisuels » par le décret modificatif du 5 février 2009 – a été abrogé par le décret du 30 avril 2009 portant ratification de l’arrêté du gouvernement de la Communauté française du 26 mars 2009 portant coordination du décret sur les services de médias audiovisuels (Moniteur belge, 24 juillet 2009) et remplacé par le décret coordonné du 26 mars 2009 sur les services de médias audiovisuels (Moniteur belge, 24 juillet 2009), lui-même depuis lors abrogé et remplacé par le décret du 4 février 2021 relatif aux services de médias audiovisuels et aux services de partage de vidéos (Moniteur belge, 26 mars 2021).
  • [25]
    Cf. l’article 132, § 1er, 5°, du décret du 27 février 2003 : « Le collège d’avis a pour mission de (…) rédiger et tenir à jour des règlements portant sur la communication publicitaire, sur le respect de la dignité humaine, sur la protection des mineurs et sur l’information politique en périodes électorales. Pour avoir force obligatoire, ces règlements devront être approuvés par le gouvernement [de la Communauté française] ». Dans l’actuel décret du 4 février 2021, cf. l’article 9.1.2-1, § 1er, 2° : « Le collège d’avis a pour mission de (…) rédiger et tenir à jour des règlements portant sur la communication commerciale, sur le respect de la dignité humaine, sur la protection des mineurs, sur l’accessibilité des programmes aux personnes à déficience sensorielle, sur la diffusion de brefs extraits d’événements publics, sur l’information politique en périodes électorales, sur les modalités de contrôle des obligations de quotas et de mise en valeur des œuvres européennes et sur les modalités des mesures de protection de l’utilisateur à prendre par les fournisseurs de services de partage de vidéos. Ces règlements sont transmis au gouvernement [de la Communauté française] pour approbation afin d’avoir force obligatoire ».
  • [26]
    Collège d’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel, « Règlement relatif aux programmes de radio et de télévision en période électorale. Partie 1 : Note explicative sur le règlement », Avis n° 1/2018, 23 janvier 2018, p. 1.
  • [27]
    Règlement du collège d’avis du Conseil supérieur de l’Audiovisuel du 22 novembre 2011 relatif aux programmes de radio et de télévision en période électorale (Moniteur belge, 8 mai 2012) ; Arrêté du gouvernement de la Communauté française du 23 mars 2012 portant approbation du règlement du collège d’avis du Conseil supérieur de l’Audiovisuel relatif aux programmes de radio et de télévision en période électorale (Moniteur belge, 8 mai 2012).
  • [28]
    Ce document est reproduit en annexe 8 du présent Courrier hebdomadaire.
  • [29]
    Règlement du collège d’avis du Conseil supérieur de l’Audiovisuel du 23 janvier 2018 relatif aux programmes de radio et de télévision en période électorale (Moniteur belge, 23 février 2018) ; Arrêté du gouvernement de la Communauté française du 31 janvier 2018 portant approbation du règlement du collège d’avis du Conseil supérieur de l’Audiovisuel relatif aux programmes de radio et de télévision en période électorale (Moniteur belge, 23 février 2018).
  • [30]
    Collège d’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel, « Règlement relatif aux programmes de radio et de télévision en période électorale. Partie 1 : Note explicative sur le règlement », Avis n° 1/2018, 23 janvier 2018, p. 7-8.
  • [31]
    Ce document – qui n’a pas de valeur contraignante – est reproduit en annexe 9 du présent Courrier hebdomadaire.
  • [32]
    C. Dumont, « Le Conseil supérieur de l’audiovisuel, une autorité de régulation indépendante », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2054-2055, 2010, p. 50.
  • [33]
    Ce document – également dépourvu de valeur contraignante – est reproduit en annexe 10 du présent Courrier hebdomadaire.
  • [34]
    Cf. Conseil de déontologie journalistique, « Code de déontologie journalistique. Adopté par le Conseil de déontologie journalistique le 16 octobre 2013 », 2e édition, 2017 (« Les carnets de la déontologie », n° 5), www.lecdj.be.
  • [35]
    Le Soir, 26 mai 2019.
  • [36]
    T. Van Grieken (interviewé par F. Brabant), « Notre horizon, c’est 2024 », Wilfried, n° 11, 24 avril 2020, p. 28-33.
  • [37]
    Cité par Le Soir, 22 décembre 2019.
  • [38]
    La Première (RTBF), 8 janvier 2020.
  • [39]
    Créé le 1er juin 2021, Chez nous est un parti qui entend défendre « nos traditions, notre identité et nos valeurs ».
  • [40]
    T. Van Grieken, En nu is het aan ons, Groningue, Blauwe Tijger, 2020, p. 158.
  • [41]
    Ibidem, p. 155.
  • [42]
    P. Van Aelst, B. Maddens, J. Noppe, S. Fiers, « Politicians in the news: media or party logic? Media attention and electoral success in the Belgian election campaign of 2003 », European Journal of Communication, volume 23, n° 2, 2008, p. 193-210.
  • [43]
    B. De Cleen, P. Van Aelst, « Belgium: the rise and fall of populism research », in T. Aalberg, F. Esser, C. Reinemann, J. Strömback, C. de Vreese (dir.), Populist political communication in Europe, New York, Routledge, 2017, p. 99-110.
  • [44]
    P. Van Aelst, Toeschouwer, speler of scheidsrechter. Een empirische studie over de rol van de media in de verkiezingscampagne van 2003, Bruges, Vanden Broele, 2007.
  • [45]
    L. de Jonge, « Comment les médias flamands traitent les partis populistes de droite », Politique, revue belge d’analyse et de débat, n° 111, 2020, p. 80.
  • [46]
    J. Faniel, « L’extrême droite après les scrutins de 1999 et 2000. Représentation électorale et implantation », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1709-1710, 2001, p. 55.
  • [47]
    B. De Cleen, P. Van Aelst, « Belgium: the rise and fall of populism research », op. cit., p. 103.
  • [48]
    L. de Jonge, « The populist radical right and the media in the Benelux », op. cit., p. 14.
  • [49]
    L. de Jonge, « Comment les médias flamands traitent les partis populistes de droite », op. cit., p. 81.
  • [50]
    Conseil d’État, Arrêt n° 194 650, 25 juin 2009.
  • [51]
    VRT, 5 septembre 2018.
  • [52]
    V. Scheltiens, B. Verlaeckt, Extrême droite. L’histoire ne se répète pas… de la même manière, Cuesmes, Éditions du Cerisier, 2021, p. 30.
  • [53]
    V. Demertzis, « Cordon sanitaire : un dispositif visant l’extrême droite », op. cit., p. 2.
  • [54]
    Décret de la Communauté germanophone du 1er mars 2021 relatif aux services de médias et aux représentations cinématographiques (Moniteur belge, 12 avril 2021). Précédemment, cf. le décret de la Communauté germanophone du 27 juin 2005 sur la radiodiffusion et les représentations cinématographiques (Moniteur belge, 6 septembre 2005), qui interdisait à la Belgischer Rundfunk (BRF) et aux émetteurs privés de diffuser des émissions « qui incitent à la haine pour des raisons de race, de sexe, de religion ou de nationalité ».
  • [55]
    B. Biard, J. Faniel, « L’extrême droite aux élections du 26 mai 2019 : toujours ce paradoxe belge... », Les @nalyses du CRISP en ligne, 1er juillet 2019, www.crisp.be ; V. Scheltiens, B. Verlaeckt, Extrême droite. L’histoire ne se répète pas… de la même manière, op. cit., p. 103.
  • [56]
    V. Demertzis, « Cordon sanitaire : un dispositif visant l’extrême droite », op. cit., p. 2-3.
  • [57]
    H. Coffé, « Do individual factors explain the different success of the two Belgian extreme right parties? », Acta Politica, n° 40, 2005, p. 74-93.
  • [58]
    L. de Jonge, « The curious case of Belgium: why is there no right-wing populism in Wallonia? », The Government and Opposition, volume 56, n° 4, 2020, p. 11.
  • [59]
    V. Scheltiens, B. Verlaeckt, Extrême droite. L’histoire ne se répète pas… de la même manière, op. cit., p. 104.
  • [60]
    À propos de ce parti, cf. J. Dohet, J. Faniel, S. Govaert, C. Istasse, J.-P. Nassaux, P. Wynants, « Les partis sans représentation parlementaire fédérale », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2206-2207, 2014, p. 62-64.
  • [61]
    Cadre de Nation, interviewé par l’auteur le 1er octobre 2020.
  • [62]
    L. de Jonge, « The populist radical right and the media in the Benelux », op. cit.
  • [63]
    R. Wodak, The politics of fear, Thousand Oaks, Sage, 2015.
  • [64]
    B. Biard, L’influence (in)visible. Les partis populistes de droite radicale et la fabrique de politiques publiques en démocratie, Bruxelles, Peter Lang, 2021, p. 283.
  • [65]
    Le Soir, 22 novembre 2020. L’émission Toogpraat y est présentée par T. Van Grieken lui-même. Elle consiste à échanger avec un invité pendant près d’une heure. Parmi les invités à cette émission, relevons Dyab Abou Jahjah, fondateur de la Ligue arabe européenne puis co-fondateur du parti Be.One, Rik Torfs, ancien recteur de la KULeuven et ancien sénateur (CD&V), Nigel Farage, ancien parlementaire européen (UKIP puis Brexit Party, devenu Reform UK le 6 mars 2020), et Jean-Marie Dedecker, député fédéral (indépendant).
  • [66]
    L’Écho, 31 mai 2019.
  • [67]
    Le Soir, 2 juin 2021.
  • [68]
    F. Casal Bértoa, J. Rama, « The antiestablishment challenge », Journal of Democracy, volume 32, n° 1, 2021, p. 37-51.
  • [69]
    C. Rovira Kaltwasser, « Populism and the question of how to respond to it », in C. Rovira Kaltwasser, P. Taggart, P. Ochoa Espejo, P. Ostiguy (dir.), The Oxford handbook of populism, Oxford, Oxford University Press, 2017, p. 554.
  • [70]
    B. Biard, S. Govaert, V. Lefebve, « Penser l’après-corona. Les interventions de la société civile durant la période de confinement causée par la pandémie de Covid-19 (mars-mai 2020) », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2457-2458, 2020, p. 6.
  • [71]
    D’autres travaux se sont attachés à dresser une typologie des réponses apportées par la société civile à l’extrême droite (cf., par exemple, A. Pedahzur, « The potential role of “pro-democratic civil society” in responding to extreme right-wing challenges: the case of Brandenburg », Contemporary Politics, volume 9, n° 1, 2003, p. 63-74). Une des études les plus récentes en la matière propose de classer les interventions de la société civile en quatre types, le long de deux axes structurants : le premier porte sur la manière dont la société civile tolère (ou non) l’extrême droite en lui reconnaissant le droit de s’exprimer et de participer aux élections ; le deuxième a trait à la participation politique des organisations de la société civile qui serait active ou passive (E. Lundberg, « Guardians of democracy? On the response of civil society organisations to right-wing extremism », Scandinavian Political Studies, volume 44, n° 2, 2021, p. 170-194). Pour sa part, le présent Courrier hebdomadaire a l’ambition de proposer une typologie innovante, reposant sur les rôles exercés par les organisations de la société civile face à l’extrême droite.
  • [72]
    G. Vergnon, L’antifascisme en France de Mussolini à Le Pen, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009.
  • [73]
    J. Dohet, Dis, c’est quoi l’antifascisme ?, Waterloo, Renaissance du livre, 2022, p. 16-18.
  • [74]
    M. Bray, L’anti-fascisme. Son passé, son présent et son avenir, Montréal, Lux Éditeur, 2018, p. 23.
  • [75]
    B. Biard, « L’extrême droite en Europe occidentale (2004-2019) », op. cit., p. 64-65.
  • [76]
    J. Arlow, « Antifa without fascism: the reasons behind the anti-fascist movement in Ireland », Irish Political Studies, volume 35, n° 1, 2020, p. 115-137.
  • [77]
    N. Copsey, Anti-fascism in Britain, 2e édition, Londres, Routledge, 2017, p. 158.
  • [78]
    V. Scheltiens, B. Verlaeckt, Extrême droite. L’histoire ne se répète pas… de la même manière, op. cit., p. 104.
  • [79]
    J. Arlow, « Antifa without fascism », op. cit.
  • [80]
    S. Birchall, Beating the fascists: The untold story of anti-fascist action, Londres, Freedom Press, 2010.
  • [81]
    N. Copsey, Anti-fascism in Britain, op. cit.
  • [82]
    J. Vüllers, S. Hellmeier, « Does counter-mobilization contain right-wing populist movements? Evidence from Germany », European Journal of Political Research, volume 61, n° 1, 2022, p. 21-45.
  • [83]
    M. Bray, L’anti-fascisme, op. cit., p. 251.
  • [84]
    Ibidem, p. 23.
  • [85]
    Militant du Front antifasciste Liège 2.0, interviewé par l’auteur le 28 octobre 2020.
  • [86]
    Ainsi, si la littérature scientifique ne considère pas que la N-VA est un parti d’extrême droite (cf., par exemple, J. Jamin, « Essai sur l’idéologie de la Nieuw-Vlaamse Alliantie », Outre-Terre, volume 40, n° 3, 2014, p. 95-109 ; É. van Haute, « La Nieuw-Vlaamse Alliantie (N-VA) », in P. Delwit, É. van Haute (dir.), Les partis politiques en Belgique, 4e édition, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 2021, p. 131-134), la majorité des organisations et mouvements antifascistes estime que ce parti nationaliste flamand doit être combattu.
  • [87]
    J. Dohet, Dis, c’est quoi l’antifascisme ?, op. cit., p. 62.
  • [88]
    À propos de ce parti, cf. J. Dohet, J. Faniel, S. Govaert, C. Istasse, J.-P. Nassaux, P. Wynants, « Les partis sans représentation parlementaire fédérale », op. cit., p. 18-20 ; S. Hupkens, « La ligue révolutionnaire des travailleurs (LRT), 1971-1984 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2335-2336, 2017.
  • [89]
    Ce magazine est publié pour la dernière fois en version papier en 2000.
  • [90]
    Site Internet de l’AFF, https://affverzet.wordpress.com.
  • [91]
    J. Dohet, Dis, c’est quoi l’antifascisme ?, op. cit., p. 82.
  • [92]
    À propos de ce parti, cf. J. Dohet, J. Faniel, S. Govaert, C. Istasse, J.-P. Nassaux, P. Wynants, « Les partis sans représentation parlementaire fédérale », op. cit., p. 21-23.
  • [93]
    Site Internet de Blokbuster, www.blokbuster.be.
  • [94]
    Le Soir, 2 décembre 2019.
  • [95]
    AGIR est un parti d’extrême droite wallon, concurrent du FN, né en 1989 d’une dissidence du Parti des forces nouvelles (PFN, créé en 1983 et disparu en 1991 par intégration dans le FN) et qui a connu un certain succès électoral en région liégeoise et dans une partie du Hainaut ; ce parti cesse d’exister en 1996. Il n’est pas à confondre avec le parti Agir, qui est le successeur légal de l’asbl à la base du FN belge et qui existe toujours aujourd’hui.
  • [96]
    J. Dohet, L’antifascisme à Liège. Esquisse d’une lutte jamais abandonnée, Seraing, Institut d’histoire ouvrière, économique et sociale, 2019, p. 34-39.
  • [97]
    C. Istasse, « Les évolutions électorales des partis politiques (1944-2019). II. Analyse nationale », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2418-2419, 2019, p. 31.
  • [98]
    À ce propos, cf. J. Dohet, « Quel antifascisme ? L’exemple de Namur antifasciste (1995-2012) », Analyse de l’IHOES, n° 216, 20 décembre 2021, www.ihoes.be.
  • [99]
    Site Internet de Veille Antifa Liège, https://veilleantifaliege.noblogs.org.
  • [100]
    RTBF Info, 20 janvier 2015, www.rtbf.be.
  • [101]
    Le parti néonazi grec Χρυσή Αυγή (XA, Aube dorée) a également fait partie de l’APL à une époque.
  • [102]
    B. Biard, « L’extrême droite en Europe occidentale (2004-2019) », op. cit., p. 8.
  • [103]
    Site Internet de Bruxelles - Zone Antifasciste, https://bxlzoneantifasciste.wordpress.com.
  • [104]
    M. Williame, D. Verhaeren, « CFO, le Collectif des femmes qui l’ouvrent : collectif citoyen qui résiste aux idées d’extrême droite en province de Luxembourg et lutte contre le repli sur soi », BePax, 30 avril 2020, www.bepax.org.
  • [105]
    RTBF Info, 13 mars 2020, www.rtbf.be.
  • [106]
    Site Internet d’Antifa Antwerpen, https://antifaantwerpen.noblogs.org.
  • [107]
    A. Testa, G. Armstrong, « Words and actions: Italian ultras and neo-fascism », Social Identities, volume 14, n° 4, 2008, p. 473.
  • [108]
    V. Scalia, « Just a few rogues? Football ultras, clubs and politics in contemporary Italy », International Review for the Sociology of Sport, volume 44, n° 1, 2009, p. 49.
  • [109]
    J. Dohet, Dis, c’est quoi l’antifascisme ?, op. cit., p. 68.
  • [110]
    RTBF Info, 16 janvier 2020, www.rtbf.be.
  • [111]
    Sudpresse, 27 janvier 2015.
  • [112]
    Ce drame est survenu le 29 mai 1985 au Stade du Heysel de Bruxelles, lors de la finale de la Coupe des clubs champions européens, entre l’équipe de la Juventus de Turin et l’équipe de Liverpool. Après que des hooligans britanniques avaient envahi la tribune occupée par des supporters italiens, ceux-ci ont tenté de se replier mais se sont heurtés à des portes fermées. Les grilles de séparation et un muret se sont alors effondrés ; en outre, des dizaines de personnes ont été piétinées dans une large bousculade. Le bilan a été de 39 morts.
  • [113]
    À ce propos, cf. M. Comeron, « Sécurité et violence dans les stades de football », Revue de droit pénal et de criminologie, n° 9-10, 1992, p. 829-850 ; S. Govaert, M. Comeron, Foot et violence. Politique, stades et hooligans, Bruxelles, De Boeck, 1995.
  • [114]
    Sudpresse, 10 décembre 2020.
  • [115]
    Par exemple, en avril 1999, le FAF avait lancé une campagne auprès des 84 bourgmestres de la province de Liège afin d’interdire de façon permanente les manifestations publiques d’extrême droite. Un militant du FAF déclarait alors : « Interdire c’est limiter la capacité de mobilisation des partis fascistes, les empêcher de se structurer et de transformer leurs électeurs en militants » (Le Matin, 30 avril 1999).
  • [116]
    J. Dohet, L’antifascisme à Liège, op. cit., p. 34.
  • [117]
    « Appel du 20 décembre 2018 », https://liege.antifascisme.be.
  • [118]
    J. Dohet, L’antifascisme à Liège, op. cit., p. 46.
  • [119]
    Sur cet acteur, cf. S. Heine, « Le mouvement ATTAC en Belgique », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2003-2004, 2008.
  • [120]
    RTBF Info, 1er février 2019, www.rtbf.be.
  • [121]
    Militant du Front antifasciste Liège 2.0, interviewé par l’auteur le 28 octobre 2020.
  • [122]
    Site Internet de Stand Up, https://standupcoalition.home.blog.
  • [123]
    RTBF Info, 28 mai 2019, www.rtbf.be.
  • [124]
    J. Dohet, Dis, c’est quoi l’antifascisme ?, op. cit., p. 84.
  • [125]
    C. Rovira Kaltwasser, « Populism and the question of how to respond to it », op. cit.
  • [126]
    Cette asbl existe toujours de nos jours, sous le nom Objectif (en néerlandais, Objectief) et en ayant pour objectif l’égalité des droits (cf. le site Internet www.allrights.be). Elle a notamment été à l’origine de l’initiative « Entreprise sans racisme » ; les Forges de Clabecq sont la première entreprise à avoir obtenu ce certificat, en novembre 1994 (cf. G. Martin, Ceux de Clabecq, Bruxelles/Anvers, EPO, 1997, p. 117-130).
  • [127]
    P. Burghaeve, E. Corijn, P. Verbraeken, « L’extrême droite est le symptôme d’une société », Politique. Revue belge d’analyse et de débat, n° 111, 2020, p. 17.
  • [128]
    La première réunion publique de Charta 91 a lieu au théâtre municipal d’Anvers, le 8 février 1992. Venus en nombre, les participants remplissent le théâtre (De Tijd, 11 février 1992).
  • [129]
    Le Soir, 18 juin 1992.
  • [130]
    Vlaamse Raad, Resolutie betreffende het algemeen migrantenbeleid, n° 247/2, 19 novembre 1992 (cf. la première livraison de la présente étude).
  • [131]
    Site Internet de Hand in Hand tegen Racisme, www.anti-racisme.be.
  • [132]
    H. De Witte, M. Spruyt, « Belgique (1). Le Vlaams Blok : un extrémisme dissimulé sous le populisme », in P. Blaise, P. Moreau (dir.), Extrême droite et national-populisme en Europe de l’Ouest. Analyse par pays et approches transversales, Bruxelles, CRISP, 2004, p. 141.
  • [133]
    Dans cette région, la progression du VB pourrait amener ce parti à remporter une majorité absolue dans le groupe linguistique néerlandais du parlement régional et bloquer le fonctionnement de celui-ci et de l’exécutif régional. Pour ce faire, le VB table sur les voix d’électeurs francophones.
  • [134]
    Le Soir, 7 avril 2000.
  • [135]
    Parmi les campagnes militantes de long terme menées par d’autres acteurs, citons notamment la campagne « Pour que vive la démocratie » initiée par la Coordination nationale d’action pour la paix et la démocratie (CNAPD). Rassemblant une centaine d’associations et mouvements, elle entend réduire le potentiel électoral de l’extrême droite en démasquant cette tendance politique. En prévision des élections locales du 8 octobre 2006, elle diffuse largement son « manifeste », par lequel elle appelle notamment au maintien ferme du cordon sanitaire autour de l’extrême droite. Cf. M. Abramowicz, Guide des résistances à l’extrême droite : pour lutter contre ceux qui veulent supprimer nos libertés, Bruxelles, Labor, 2005, p. 228.
  • [136]
    Le Soir, 28 mai 1999.
  • [137]
    Le Soir, 7 avril 2000.
  • [138]
    Le Soir, 25 novembre 2004.
  • [139]
    Site Internet de Nuit blanche contre listes noires, www.nbln.be.
  • [140]
    La Cible, « Nuit blanche contre listes noires : rapport moral », 2019.
  • [141]
    Site Internet de Clic-gauche.be, www.clic-gauche.be.
  • [142]
    Association de fait lors de sa fondation en 1997, elle est devenue une association sans but lucratif (asbl) en 2002.
  • [143]
    M. Abramowicz, Guide des résistances à l’extrême droite, op. cit., p. 234.
  • [144]
    Ce site Internet est le fruit de la fusion de quatre blogs relatifs à l’extrême droite.
  • [145]
    M. Spruyt, Wat u moet weten over het Vlaams Belang. Het beste van Blokwatch, Berchem, EPO, 2006, p. 246.
  • [146]
    Ibidem, p. 261.
  • [147]
    La Libre Belgique, 9 janvier 2006.
  • [148]
    M. Spruyt, Wat u moet weten over het Vlaams Belang, op. cit., p. 261.
  • [149]
    Blokwatch (version d’archive), http://web.archive.org.
  • [150]
    M. Spruyt, Wat u moet weten over het Vlaams Belang, op. cit., p. 261-262.
  • [151]
    La Libre Belgique, 7 janvier 2005.
  • [152]
    De Morgen, 30 octobre 2007.
  • [153]
    Site Internet de Het Observatorium, www.hetobservatorium.be.
  • [154]
    Het Observatorium, « De strijd tegen extreemrechts moet worden opgevoerd », Samenleving & Politiek, n° 9, 2021, p. 34-39.
  • [155]
    Site Internet de la Ligue des droits humains, www.liguedh.be.
  • [156]
    Ibidem.
  • [157]
    M. Abramowicz, Guide des résistances à l’extrême droite, op. cit., p. 225.
  • [158]
    Cf. la première livraison de la présente étude.
  • [159]
    Cf. la première livraison de la présente étude.
  • [160]
    Site Internet du MRAX, http://mrax.be.
  • [161]
    Ibidem.
  • [162]
    B. Biard, S. Govaert, V. Lefebve, « Penser l’après-corona. Les interventions de la société civile durant la période de confinement causée par la pandémie de Covid-19 (mars-mai 2020) », op. cit., p. 41-42.
  • [163]
    Le Soir en ligne, 22 avril 2020, https://plus.lesoir.be.
  • [164]
    Site Internet de Kif Kif, https://kifkif.be.
  • [165]
    De Standaard, 9 décembre 2006.
  • [166]
    Par ailleurs, épaulé par le CECLR, M. Caliskan porte plainte en justice contre Euro-Lock. Le 26 mars 2007, la société est condamnée pour discrimination par le tribunal de travail de Gand ; elle annonce qu’elle ne fera pas appel du jugement.
  • [167]
    De Morgen, 3 octobre 2007.
  • [168]
    L’Avenir, 8 avril 2009.
  • [169]
    La Libre Belgique, 3 février 2014.
  • [170]
    Les fondateurs de l’asbl Les Territoires de la Mémoire sont Gilbert Becker, Pierre Beugnier, Irma Bindelle, Danièle Bonfond, Paul Brusson, Pierre Charlier, Charles Colin, Michel Compère, Francis Coolen, Tony Debouny, Jacques Deck, René Deprez, Claude Deregowski, Philippe Draize, Jean-Louis Dujardin, Jacques Geerts, Michel Gimenne, Jean-Michel Heuskin, Marcel Hotterbeex, Jean-Pierre Hupkens, Marc Lafontaine, Marie-Claire Lambert, Robert Mayeresse, Guy Melen, Luc Pierard, Luc Pire, Philippe Raxhon, Pierre Seijkens, Jacques Smits et Henri Spruyt.
  • [171]
    Les Territoires de la Mémoire, Devenez acteurs et actrices de l’histoire, Liège, 2020, p. 7.
  • [172]
    Décret de la Communauté française du 13 mars 2009 relatif à la transmission de la mémoire des crimes de génocide, des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre et des faits de résistance ou des mouvements ayant résisté aux régimes qui ont suscité ces crimes (Moniteur belge, 3 avril 2009).
  • [173]
    Cf. le site Internet https://trianglerouge.be.
  • [174]
    Les Territoires de la Mémoire, Devenez acteurs et actrices de l’histoire, op. cit., p. 17.
  • [175]
    Cette revue est trimestrielle de janvier 2001 à décembre 2021 et appelée à devenir semestrielle à partir du printemps 2022.
  • [176]
    Cf. le site Internet de l’AIFP, www.aifp.be.
  • [177]
    Cf. le site Internet de La Besace, www.besace.be.
  • [178]
    Ainsi, en avril 2021, la 99e édition de la semaine sociale du MOC est consacrée à la thématique de l’extrême droite. Autre exemple : le 22 février 2022, les Jeunes organisés et combatifs (JOC) – qui sont une organisation constitutive du MOC – tiennent un « café Antifa » à Namur, visant à débattre autour de la question de l’antifascisme.
  • [179]
    Ainsi, au printemps 2006, les FPS développent une campagne d’information et de sensibilisation intitulée « Non à l’extrême droite, les femmes savent pourquoi » organisée autour d’un colloque, d’actions spécifiques dans ses sections régionales, d’opérations de sensibilisation dans les gares belges, et de l’occupation du réseau Boomerang dans les cafés, cinémas, théâtres, restaurants, etc. Autre exemple : les FPS ont récemment publié l’étude suivante : F. Vierendeel, « Extrême droite et atteintes à la démocratie : pour un réveil politique et citoyen », 2021, www.femmesprevoyantes.be.
  • [180]
    M. Abramowicz, Guide des résistances à l’extrême droite, op. cit., p. 218.
  • [181]
    Le Soir, 10 novembre 1999.
  • [182]
    H. DeWitte, M. Spruyt, « Belgique (1). Le Vlaams Blok : un extrémisme dissimulé sous le populisme », op. cit., p. 144.
  • [183]
    Le Soir, 18-19 août 2001.
  • [184]
    FGTB, « Statuts de la FGTB ratifiés par le congrès statutaire des 8 et 9 juin 2006 », www.fgtb.be.
  • [185]
    CSC, « Notre projet social », www.lacsc.be.
  • [186]
    Depuis lors, cette institution a été remplacée, le 25 mai 2018, par l’Autorité de protection des données.
  • [187]
    Le Soir, 18-19 août 2001.
  • [188]
    Commission de protection de la vie privée, Avis n° F-20021219-8, 19 décembre 2002. Il est à noter que, dans une affaire comparable impliquant un syndicat britannique, la Cour européenne des droits de l’homme a reconnu, le 27 février 2007, le droit qu’avait ce dernier d’exclure de ses rangs un de ses membres appartenant à un parti que le syndicat considérait comme fasciste, en l’occurrence le British National Party (BNP) : cf. Cour européenne des droits de l’homme, Arrêt n° 11002/05, 27 février 2007.
  • [189]
    Sont visés en particulier Jan Jambon et Theo Francken, tous deux membres de la N-VA et respectivement vice-Premier-ministre (et ministre de la Sécurité et de l’Intérieur) et secrétaire d’État (chargé de l’Asile et la Migration et de la Simplification administrative) au sein du gouvernement fédéral Michel I (N-VA/ MR/CD&V/Open VLD).
  • [190]
    FGTB, « La FGTB contre la banalisation des idées d’extrême droite », Communiqué de presse, 17 octobre 2014.
  • [191]
    Vlaams ABVV, « Voor ons is iedereen van belang », Communiqué de presse, 29 mai 2019.
  • [192]
    FGTB Bruxelles, « Un pour tous, tous pour un », 1999, p. 3.
  • [193]
    Le Soir, 21 février 2005.
  • [194]
    Le Soir, 24 avril 2009.
  • [195]
    CGSLB, « Sensibilisation à la discrimination », 30 mars 2016, www.cgslb.be.
  • [196]
    SETCA, « Le monde selon l’extrême droite : de la poudre aux yeux », 19 janvier 2021, www.setca.org.
  • [197]
    Lors du scrutin communal du 9 octobre 1988, le Vlaams Blok a décroché 27 mandats de conseillers communaux ; la motivation première du vote en faveur de ce parti a reposé sur sa position en matière migratoire (cf. P. Delwit, J.-M. De Waele, A. Rea, « Les étapes de l’extrême droite en Belgique », in P. Delwit, J.-M. De Waele, A. Rea (dir.), L’extrême droite en France et en Belgique, s.l., Complexe, 1998, p. 75).
  • [198]
    Loi du 15 février 1993 créant un Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme (Moniteur belge, 19 février 1993). Cependant, la discrimination basée sur le sexe n’est pas des compétences du CECLR, mais bien de celles de l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes (IEFH), qui sera créé par une loi du 16 décembre 2002 (Moniteur belge, 31 décembre 2002).
  • [199]
    Moniteur belge, 30 mars 1995.
  • [200]
    Loi du 25 février 2003 tendant à lutter contre la discrimination et modifiant la loi du 15 février 1993 créant un Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme (Moniteur belge, 17 mars 2003 et erratum, 13 mai 2007). Cette loi sera à son tour remplacée par la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination (Moniteur belge, 30 mai 2007).
  • [201]
    Accord de coopération du 12 juin 2013 entre l’Autorité fédérale, les Régions et les Communautés visant à créer un Centre interfédéral pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme et les discriminations sous la forme d’une institution commune au sens de l’article 92bis de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 (Moniteur belge, 5 mars 2013).
  • [202]
    Loi du 17 août 2013 adaptant la loi du 15 février 1993 créant un Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme en vue de le transformer en un Centre fédéral pour l’analyse des flux migratoires, la protection des droits fondamentaux des étrangers et la lutte contre la traite des êtres humains (Moniteur belge, 5 mars 2014).
  • [203]
    B. Biard, P. Blaise, J. Faniel, S. Govaert, C. Istasse, « La formation des gouvernements régionaux et communautaires après les élections du 26 mai 2019 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2444-2445, 2019, p. 98.
  • [204]
    Le gouvernement flamand prévoit en outre de créer sa propre institution : le Vlaams Mensenrechteninstituut (VMRI).
  • [205]
    La Libre Belgique, 12 octobre 2020.
  • [206]
    Parmi les exceptions, relevons que, le 3 mars 2021, le Bundesamt für Verfassungsschutz (BfV : Office fédéral de protection de la Constitution) – qui est l’un des principaux services de renseignement allemands – a annoncé avoir placé sous surveillance le parti d’extrême droite Alternative für Deutschland (AfD).
  • [207]
    Cela n’exclut pas que certaines associations qui gravitent autour de ces partis, comme les organisations de jeunesse de ceux-ci, puissent faire, pour leur part, l’objet d’un suivi.
  • [208]
    En 2019, quatre attentats terroristes d’extrême droite mortels et 112 événements violents d’extrême droite non mortels ont été recensés en Europe occidentale. Les pays les plus touchés sont l’Allemagne, l’Italie, le Royaume-Uni et l’Espagne. Cf. J. Aasland Ravndal, S. Lygren, A. Ravik Jupskås, T. Bjørgo, « RTV Trend Report 2020. Right-wing terrorism and violence in Western Europe, 1990-2019 », C-REX Research Report, n° 1, 2020, p. 6.
  • [209]
    RTBF Info, 12 février 2018, www.rtbf.be.
  • [210]
    Cf. L. Van Outrive, « Les services de renseignement et de sécurité », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1660-1661, 1999.
  • [211]
    Loi du 18 juillet 1991 organique du contrôle des services de police et de renseignement (Moniteur belge, 27 juillet 1991).
  • [212]
    Loi du 10 juillet 2006 modifiant la loi organique du 18 juillet 1991 du contrôle des services de police et de renseignements et les articles 323bis et 327bis du Code judiciaire (Moniteur belge, 20 juillet 2006).
  • [213]
    C. Thomas, « L’organisation fédérale de la lutte antiterroriste en Belgique », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2463-2464, 2020, p. 39.
  • [214]
    Sûreté de l’État, Rapport 2011, p. 29.
  • [215]
    La Libre Belgique, 4 août 2016.
  • [216]
    J.-Y. Camus, « Le Mouvement identitaire ou la construction d’un mythe des origines européennes », Fondation Jean Jaurès, 1er mai 2018, p. 7, www.jean-jaures.org.
  • [217]
    Sûreté de l’État, Rapport 2017-2018, p. 28.
  • [218]
    Ibidem, p. 28.
  • [219]
    RTBF Info, 6 septembre 2018, www.rtbf.be.
  • [220]
    Sûreté de l’État, Rapport 2019, p. 20.
  • [221]
    Sûreté de l’État, Rapport 2020, p. 16.
  • [222]
    Moniteur belge, 18 décembre 1998.
  • [223]
    Moniteur belge, 10 mars 2010.
  • [224]
    Cf. la loi du 25 décembre 2016 relative au traitement des données des passagers (Moniteur belge, 25 janvier 2017).
  • [225]
    Représentant de la Sûreté de l’État, interviewé par l’auteur le 15 mai 2020.
  • [226]
    Comité R, Rapport d’activités 2020, p. 75-85.
  • [227]
    Comité permanent de contrôle des services de renseignement et de sécurité, « Enquête de contrôle concernant, d’une part, la détection et le suivi de la radicalisation d’un militaire de la Défense par les deux services de renseignement, et d’autre part, leur collaboration portant notamment sur l’échange d’informations avec leurs partenaires, y compris la Défense. Rapport final », notice 2021.283, 1er juillet 2021, www.comiteri.be.
  • [228]
    Site Internet de la Sûreté de l’État, www.vsse.be.
  • [229]
    Ibidem.
  • [230]
    Ibidem.
  • [231]
    Anciennement dénommé Centre gouvernemental de coordination et de crise (CGCCR) jusqu’en 2003 puis Direction générale Centre de crise (DGCC) du SPF Intérieur jusqu’en 2018.
  • [232]
    Ibidem.
  • [233]
    Cité par La Libre Belgique, 8 septembre 2021.
  • [234]
    Sûreté de l’État, « Le danger caché derrière le Covid-19 », 21 avril 2020, www.vsse.be. En Allemagne, les services de renseignement annoncent en décembre 2020 avoir placé l’organisation Querdenken 711 – créée en avril 2020 afin de protester contre les mesures visant à lutter contre la pandémie de Covid-19 – sur la liste des organisations à surveiller en conséquence de sa radicalisation et de l’appartenance à ce mouvement de plusieurs personnes issues du mouvement d’extrême droite Reichsbürger.
  • [235]
    Son prédécesseur, le général-major Philippe Boucké, a été écarté de ses fonctions en juillet 2021, dans la foulée de l’affaire Jürgen Conings.
  • [236]
    Article 11 de la loi du 30 novembre 1998 organique des services de renseignement et de sécurité (Moniteur belge, 18 décembre 1998).
  • [237]
    Site Internet du SGRS, www.sgrs.be.
  • [238]
    « Rapport du Comité R. Enquête de contrôle sur la manière dont les services de renseignement assurent actuellement le suivi de la menace posée par l’extrême droite en Belgique, ainsi que le rapport aux autorités », 2021, p. 40.
  • [239]
    Ibidem, p. 41.
  • [240]
    Le Monde, 1er juillet 2020.
  • [241]
    Le Soir, 27 mars 2021.
  • [242]
    Le 28 mai 2021, le quotidien De Standaard révèle que J. Conings a donné des entraînements au combat au sein du groupe d’extrême droite Vlaams Legioen (Légion flamande).
  • [243]
    La banque de données commune de l’OCAM – communément appelée « liste de l’OCAM » – est une banque de données recensant les « personnes pouvant constituer une menace extrémiste ou terroriste pour la Belgique ». Pour qu’une personne figure dans cette banque de données, il doit exister « des indications sérieuses quant à [son] incitation à la violence ou [son] intention d’y avoir recours dans un contexte extrémiste ou terroriste, ou des indications sérieuses quant à [sa] volonté de radicaliser d’autres ». Cf. le site Internet de l’OCAM, https://ocam.belgium.be.
  • [244]
    Le dernier projet d’attentat terroriste d’extrême droite planifié en Belgique remonte alors à 2006. Le 7 septembre 2006, Thomas Boutens – militaire de carrière affecté à la caserne de Bourg-Léopold et leader de l’organisation néo-nazie flamande Bloed Bodem Eer en Trouw (BBET, Sang terre honneur et fidélité) – et seize autres personnes (dont dix militaires) sont arrêtés par la police pour avoir, notamment, planifié l’assassinat de Filip Dewinter, cadre du VB, et de Dyab Abou Jahjah, leader du groupe islamiste Ligue arabe européenne. L’objectif de T. Boutens et de son organisation était alors de déstabiliser l’État belge pour instaurer une dictature de type fasciste.
  • [245]
    Het Nieuwsblad, 22 mai 2021 ; Het Belang van Limburg, 22 mai 2021.
  • [246]
    RTBF Info, 21 mai 2021, www.rtbf.be.
  • [247]
    Le Soir, 22 mai 2021.
  • [248]
    Comité permanent de contrôle des services de renseignement et de sécurité, « Enquête de contrôle concernant, d’une part, la détection et le suivi de la radicalisation d’un militaire de la Défense par les deux services de renseignement, et d’autre part, leur collaboration portant notamment sur l’échange d’informations avec leurs partenaires, y compris la Défense. Rapport final », notice 2021.283, 1er juillet 2021, www.comiteri.be.
  • [249]
    Ibidem, p. 37.
  • [250]
    Ibidem, p. 19 et 37.
  • [251]
    Chambre des représentants, Commission de la Défense nationale, Compte rendu intégral, n° 537, 5 juillet 2021, p. 3.
  • [252]
    Cité par RTL Info, 6 novembre 2021.
  • [253]
    Loi du 10 juillet 2006 relative à l’analyse de la menace (Moniteur belge, 20 juillet 2006).
  • [254]
    C. Thomas, « L’organisation fédérale de la lutte antiterroriste en Belgique », op. cit., p. 27.
  • [255]
    La loi du 10 juillet 2006 distingue les « évaluations ponctuelles » (qui concernent des personnes, des groupes ou des événements spécifiques) et les « évaluations stratégiques » (qui portent sur des phénomènes plus larges dont les effets peuvent se faire ressentir dans le moyen ou le long terme).
  • [256]
    Ceux-ci ont l’obligation légale de fournir à l’OCAM toute information pertinente pour l’analyse de la menace.
  • [257]
    Les premiers sont repris dans l’article 2 de la loi du 10 juillet 2006, alors que les quatre derniers sont ajoutés par un arrêté royal du 17 août 2018 (Moniteur belge, 12 septembre 2018).
  • [258]
    Arrêté royal du 28 novembre 2006 portant exécution de la loi du 10 juillet 2006 relative à l’analyse de la menace (Moniteur belge, 1er décembre 2006).
  • [259]
    C. Thomas, « L’organisation fédérale de la lutte antiterroriste en Belgique », op. cit., p. 29.
  • [260]
    L’OCAM développe tout de même des contacts directs avec ses services homologues ou d’autres partenaires directs, au premier rang desquels le ministère public.
  • [261]
    Données obtenues auprès de l’OCAM par l’auteur.
  • [262]
    Les catégories n’étant pas mutuellement exclusives, plusieurs personnes sont reprises dans plusieurs d’entre elles.
  • [263]
    La Libre Belgique, 1er décembre 2021.
  • [264]
    Par exemple, l’attentat commis à Bayonne (France) le 28 octobre 2019 et les attentats survenus à Hanau (Allemagne) le 19 février 2020.
  • [265]
    Le 24 septembre 2021, le quotidien Le Soir informe que les comptes bancaires de 295 personnes sont gelés en Belgique, mais aucune d’entre celles-ci n’est réputée liée à l’extrême droite.
  • [266]
    Site Internet de l’OCAM, www.ocam.belgium.be.
  • [267]
    Cf. M. Spruyt, « Le Vlaams Blok et la Nouvelle Droite. Le détournement de Gramsci », in H. Le Paige (dir.), Le désarroi démocratique. L’extrême droite en Belgique, Bruxelles, Labor, 1995, p. 165-181.
  • [268]
    À propos de cette typologie de l’extrême droite, cf. B. Biard, « L’extrême droite en Europe centrale et orientale (2004-2019) », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2440-2441, 2019, p. 5-6.
  • [269]
    F. Casal Bértoa, J. Rama, « The antiestablishment challenge », op. cit.
  1. 3. Le cordon sanitaire médiatique
    1. 3.1. Le cordon sanitaire médiatique en Belgique francophone
      1. 3.1.1. L’initiative de la RTBF suite au « dimanche noir » de 1991
      2. 3.1.2. La progressive mise en place du cordon sanitaire médiatique
      3. 3.1.3. Au-delà du cordon sanitaire médiatique
      4. 3.1.4. Le cordon sanitaire médiatique sous tension
    2. 3.2. L’absence de cordon sanitaire médiatique en Belgique néerlandophone
    3. 3.3. L’absence de cordon sanitaire médiatique en Belgique germanophone
    4. 3.4. L’impact du cordon sanitaire médiatique sur les partis politiques d’extrême droite
  2. 4. La mobilisation de la société civile face à l’extrême droite, ou le développement d’un cordon sanitaire citoyen et éducatif
    1. 4.1. L’activisme antifasciste
      1. 4.1.1. Un paysage antifasciste diversifié
      2. 4.1.2. L’antifascisme dans les stades de football
      3. 4.1.3. Vers la création d’espaces de convergence de l’action antifasciste
    2. 4.2. Les acteurs du monde associatif et culturel face à l’extrême droite
      1. 4.2.1. Charta 91, Hand in Hand tegen Racisme et Extrême droite, non merci !
      2. 4.2.2. La Cible
      3. 4.2.3. RésistanceS, Blokwatch et Het Observatorium : un « combat pour l’information »
      4. 4.2.4. La Ligue des droits humains (LDH) et la Liga voor Mensenrechten (LVM)
      5. 4.2.5. Le MRAX et Kif Kif
      6. 4.2.6. Les Territoires de la Mémoire
      7. 4.2.7. La sensibilisation à la lutte contre l’extrême droite dans les écoles
    3. 4.3. Les organisations syndicales
    4. 4.4. Unia, une institution publique indépendante de lutte contre les discriminations et de défense de l’égalité des chances
  3. 5. La surveillance des groupes d’extrême droite par les services de renseignement et de sécurité
    1. 5.1. La Sûreté de l’État
    2. 5.2. Le Service général du renseignement et de la sécurité (SGRS)
    3. 5.3. L’Organe de coordination pour l’analyse de la menace (OCAM)
  4. Conclusion
Benjamin Biard
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.

Quels sont les acteurs, les instruments et les stratégies de la lutte contre l’extrême droite en Belgique, et quels semblent être leurs effets ? C’est à cette question, d’une importance certaine mais fort peu explorée par la littérature scientifique, que répond ce Courrier hebdomadaire.

La lutte contre l’extrême droite prend des visages multiples. Ses acteurs sont issus de diverses sphères : politique, judiciaire, associative, médiatique, etc. Ses instruments sont hétérogènes : des lois aux campagnes de sensibilisation, en passant par les règlements d’assemblée parlementaire, les accords entre partis politiques, les manifestations ou la confrontation directe. Ses stratégies sont plurielles, qu’elles visent à éviter ou à endiguer la progression des idées d’extrême droite au sein de la société en général, ou à contrer une personne ou association particulière incarnant cette tendance politique. Partant, ses résultats sont difficiles à cerner, si ce n’est d’une manière globale.

Ce second tome s’intéresse au « cordon sanitaire médiatique » (dispositif qui n’a cours qu’en Belgique francophone), aux mobilisations de la société civile (dont l’activisme antifasciste) et à la surveillance des groupes et personnes d’extrême droite par les services de renseignement et de sécurité (Sûreté de l’État, SGRS et OCAM).

Mis en ligne sur Cairn.info le 06/04/2022
https://doi.org/10.3917/cris.2524.0005
ISBN 9782870752838
Pour citer cet article
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