CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction [*]

1 Lorsqu’en 1991, deux des auteurs du présent Courrier hebdomadaire ont publié au CRISP une étude consacrée à la démographie des communes belges dans les années 1980  [1], c’était la première fois que l’ensemble des caractéristiques et comportements démographiques étaient étudiés, avec des indicateurs modernes, au niveau des communes et pour tout le pays. À cette époque, la légitimité de l’analyse démographique de si petites unités administratives était encore contestée, eu égard à la faiblesse numérique des populations et aux aléas subséquents des effectifs et des mesures. Depuis lors, la controverse s’est apaisée et les études démographiques sur de petites populations se sont multipliées. En outre, de nouvelles méthodes adaptées aux petits effectifs sont apparues.

2 Durant ces dernières décennies, l’image présentée par la Belgique sur le plan démographique s’est par ailleurs considérablement modifiée. Il a donc paru opportun de mettre en évidence les évolutions qui se sont produites durant le dernier quart de siècle. Pour baliser cette évolution, nous disposons, outre notre précédent Courrier hebdomadaire, des monographies et atlas autour des recensements de 1991 et de 2001, d’un mémoire analysant la situation au milieu des années 1990 et de publications scientifiques plus pointues et dispersées.

3 Nous suivrons grosso modo le même plan que dans notre première étude, étudiant d’abord la dynamique de la population (migrations, fécondité, mortalité), puis ses structures (selon l’âge, le sexe, l’état-civil, la taille des ménages). Cette logique systématique ne doit pas faire illusion : en démographie, tout se tient. Ainsi, les structures influencent fortement l’accroissement naturel alors que la mortalité, la fécondité et les migrations conditionnent étroitement les structures. Le découpage est donc artificiel et cartésien. Le lecteur sera parfois amené à lire plus loin l’élément qui lui manquera pour la compréhension de tel phénomène, et sera encouragé à rétablir les liens à mesure que sa lecture avancera. Il ne sera toutefois pas abandonné sans guide, ce qui conduira à quelques redondances inévitables.

4 Depuis la précédente étude, le contenu a évolué : certaines cartes et thèmes ont été abandonnés parce que leur intérêt s’est réduit, alors que d’autres thèmes, cartes et graphiques apparaissent pour la première fois, suite à l’évolution de la démographie belge et des interrogations de la communauté des chercheurs.

5 Précisons que toutes les cartes, tous les graphiques et tous les tableaux sont originaux.

1. Critique des sources : de la connaissance de la population et de la démographie des communes

6 En dépit de la qualité reconnue des données du Registre national, principale source utilisée dans la présente étude, il convient de garder à l’esprit que la population qui y est enregistrée ne correspond pas exactement à la population qui réside effectivement en Belgique. En effet, elle ne prend pas en compte quatre catégories d’individus.
Primo, les candidats réfugiés, c’est-à-dire les personnes établies en Belgique qui ont introduit une demande de statut de réfugiés et qui à ce titre sont inscrites au Registre d’attente. Au 1er janvier 2011, quelque 33 000 personnes, soit 0,3 % de la population totale, figuraient dans ce registre. Secundo, le personnel diplomatique et le personnel des institutions internationales (ainsi que les membres non belges de leur ménage), à l’exception des fonctionnaires des institutions de l’Union européenne. Selon le Bureau de liaison Bruxelles-Europe, environ 5 250 diplomates et 5 150 membres d’institutions internationales hors institutions européennes (OTAN, Eurocontrol, Organisation mondiale des douanes, etc.) sont installés à Bruxelles. En tablant sur une moyenne de 2,5 personnes par ménage, ce groupe rassemblerait donc au total plus ou moins 26 000 individus à Bruxelles et dans ses environs. À l’échelle de la Belgique il conviendrait d’y ajouter le personnel (et les membres de leur ménage) des représentations consulaires établies dans d’autres villes, sans oublier celui du SHAPE (quartier général des puissances alliées en Europe, implanté à Casteau dans l’entité de Mons). Tertio, les individus rayés des registres de population, notamment certaines personnes sans domicile fixe. Selon la Fédération européenne des associations nationales travaillant avec les sans-abri, la Belgique compterait environ 17 000 sans-abri, sans qu’il soit possible de distinguer parmi eux ceux qui ont été rayés des registres de population. Quarto, les personnes en situation irrégulière, comme les migrants sans droit de séjour, les clandestins n’ayant jamais introduit de demande de permis de séjour ou les demandeurs d’asile déboutés. Sur la base d’une enquête réalisée auprès de sans-papiers dans le cadre de la campagne de régularisation de 1999, il a été estimé que, à cette date, la population en situation irrégulière présente sur le territoire belge dépassait légèrement les 70 000 personnes  [2].

7 Par ailleurs, les fonctionnaires européens, très mobiles, peuvent séjourner six mois en Belgique sans déclaration de résidence. Il en résulte une sous-estimation vraisemblable de leur nombre dans le Registre national. Inversement, ce dernier comptabilise dans la population résidente des personnes qui ont pourtant quitté le territoire. Il s’avère en effet que l’enregistrement des émigrations vers l’étranger est déficient : la formalité de déclaration est fastidieuse, elle peut être évitée intentionnellement par certaines personnes qui souhaitent continuer à bénéficier d’avantages liés à l’inscription en Belgique, et la radiation d’office après une longue absence n’est pas toujours effectuée  [3]. De plus, la population du Registre national comprend des ménages qui disposent d’une adresse de complaisance en Belgique sans y habiter effectivement, par exemple des Français aisés et soucieux d’échapper à l’impôt sur la fortune.

8 Les données sur la population légale sous-estiment donc le volume de la population établie en Belgique d’au moins 130 000 personnes, soit de l’ordre de 1,2 %. Modeste globalement, cette proportion peut atteindre des valeurs nettement plus élevées dans certaines communes ou agglomérations. Ainsi, il est estimé que dans la Région de Bruxelles-Capitale, ce sont au minimum 40 000 personnes qu’il faudrait rajouter à la population légale, soit 3,6 % de cette dernière  [4]. De même, dans les communes qui abritent un centre d’accueil pour candidats réfugiés géré par l’Agence fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile (FEDASIL) ou par la Croix-Rouge de Belgique, les personnes inscrites au Registre d’attente représentent souvent plus de 2 % de la population totale (contre 0,3 % en moyenne), pour atteindre plus de 5 % dans les plus rurales d’entre ces communes, faiblement peuplées, comme Gouvy, Rendeux, Hotton et Stoumont.

2. Mise en contexte : les grands traits de l’espace belge

9 Les variations inter-communales des caractéristiques démographiques résultent d’une large gamme de facteurs, qui tiennent tant à la composition de la population selon des critères socio-économiques et ethniques, qu’à des comportements liés aux cultures locales ou régionales, en passant par le degré d’urbanisation ou des singularités de l’activité économique locale (par exemple, la présence d’activités polluantes). En ce sens, une connaissance, même sommaire, de la géographie de quelques-unes de ces variables potentiellement explicatives constitue un préalable utile à l’analyse de la démographie des communes belges.

2.1. La densité

10 Si la Belgique appartient sans conteste aux espaces fortement peuplés qui forment, de Manchester à Florence, en passant par la vallée du Rhin, la « mégalopole européenne », elle n’en présente pas moins d’importants contrastes internes en matière de densité de population (Carte 1). Une rupture franche oppose ainsi les faibles densités de population, généralement inférieures à 100 habitants par km², des communes situées au sud des vallées de la Sambre et de la Meuse, aux densités plus élevées observées au nord. Au-delà des franges méridionales des banlieues résidentielles de Charleroi, de Namur et de Liège, les densités s’abaissent nettement, pour atteindre des valeurs comprises entre 50 et 100 habitants par km² dans l’Entre-Sambre-et-Meuse et inférieures à 50 habitants par km² sur le plateau ardennais. Font exception les petites villes (Dinant, Ciney, Marche-en-Famenne), ainsi que la frange sud-est en contact avec le Grand-Duché de Luxembourg.

11 Au sein des espaces densément peuplés, se détachent nettement plusieurs pôles ou axes, qui comptent plus de 500 habitants par km² : le triangle Anvers–Bruxelles–Gand, en ce compris les périphéries résidentielles de ces trois agglomérations, les conurbations industrielles du Courtraisis et du Limbourg central (Hasselt–Genk–Houthalen) et l’axe wallon d’ancienne industrialisation, du Borinage à Verviers, seulement interrompu entre Namur et la banlieue industrielle de Liège. La partie orientale du littoral, d’Ostende à Knokke, ressort également comme une zone densément peuplée. À l’inverse, le Westhoek en Flandre occidentale, le Pays des Collines, de part et d’autre de la frontière linguistique, à cheval sur la Flandre orientale et le Hainaut, la Hesbaye et le plateau campinois constituent des poches de densité plus faible.

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Carte 1. Densité de population (1er janvier 2010)

Figure 1

Carte 1. Densité de population (1er janvier 2010)

Source : SPF Économie, Direction générale Statistique et information économique.

13 Fruit de l’histoire sur la longue durée, notamment de la mise en place au Moyen Âge d’un réseau urbain dense ouvrant sur des campagnes peuplées en Flandre intérieure et dans le Brabant, la répartition spatiale de la population a également été fortement infléchie par les logiques spatiales de la Révolution industrielle, avec le développement rapide des agglomérations, anciennes (Liège, Mons) ou nouvelles (Charleroi, La Louvière et le Borinage), le long du sillon charbonnier wallon, puis par l’industrialisation rapide, à partir des années 1960, des périphéries occidentales (Courtraisis) et orientales (Limbourg) de la Flandre, et enfin par la vague de périurbanisation de la seconde moitié du XXe siècle, en particulier autour de Bruxelles, Anvers et Liège.

2.2.Les types d’espace

14 La vision de l’espace belge fournie par la carte de la densité de population peut être enrichie en introduisant des critères relatifs à la morphologie du peuplement et de l’habitat, aux navettes entre lieux de résidence et de travail, au degré d’équipement des communes pour diverses fonctions (enseignement, commerce, santé, transports publics, etc.) ainsi qu’à l’importance de la fréquentation touristique.

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Carte 2. Types d’espace en Belgique

Figure 2

Carte 2. Types d’espace en Belgique

Sources :Luyten & Van Hecke, 2007, Van Hecke 1998 (modifié) ; SPF Économie, Direction générale Statistique et information économique.

16 La carte des types d’espace (Carte 2) a ainsi été établie en tenant compte de la délimitation des régions urbaines  [5], de la hiérarchie urbaine  [6], de la densité de population, du caractère jointif ou non de l’habitat et de la fréquentation touristique. Elle permet de souligner la forte prégnance du fait urbain en Belgique, à la fois sur les plans démographique et spatial, par le jeu tant de l’urbanisation morphologique que des polarisations et influences qu’exercent les villes sur le reste du territoire.

17 Les grandes villes se détachent par leur importance démographique : agglomérations et banlieues des cinq villes principales (Bruxelles, Anvers, Liège, Gand et Charleroi) et des treize plus importantes villes régionales (Mons, Louvain, Bruges, Namur, Courtrai, Malines, Hasselt, Verviers, Ostende, Tournai, Genk, Saint-Nicolas, Turnhout) rassemblent près de 60 % de la population de la Belgique. Si elles couvrent de vastes surfaces en Flandre, en particulier dans le triangle Anvers–Bruxelles–Gand, elles sont en revanche plus concentrées spatialement en Wallonie, le long du sillon Haine–Sambre–Meuse.

18 Les petites villes pèsent également d’un poids substantiel dans la population de la Belgique (20 %). Elles forment un tissu dense, presque régulier, en Flandre (à l’exception de la Campine), mais elles sont nettement plus éparses en Wallonie, où de vastes zones, notamment dans le Condroz et sur le plateau ardennais, ne comptent aucune commune bien équipée en services et commerces.

19 Deux autres types présentent des affinités fortes avec les villes. D’une part, les « autres communes denses » : bien que situées en dehors des régions urbaines, elles montrent des densités assez élevées, de l’ordre de 400 habitants par km² en moyenne. Ces communes, qui rassemblent près de 8 % de la population totale, se trouvent très majoritairement au nord de la frontière linguistique, dans les espaces interstitiels entre grandes et petites villes en Flandre intérieure, mais sur une étendue plus large en Campine, entre Hasselt, Genk et Heist-op-den-Berg. D’autre part, les communes « rurales sous influence urbaine » sont localisées dans les régions urbaines y compris les zones de navetteurs, mais présentent des densités faibles (158 habitants par km² en moyenne) et un habitat discontinu. Ces entités, qui comptent elles aussi près de 8 % de la population de la Belgique, sont au contraire quasiment absentes en Flandre et bien représentées en Wallonie, dans les périphéries lointaines des grandes villes, tant au nord qu’au sud de l’axe de vieille industrialisation.

20 À leur manière, les communes du littoral (1,3 % de la population de la Belgique, densité de 473 habitants par km²) et les communes touristiques ardennaises (1,6 %, densité de 47 habitants par km²) sont également marquées du sceau urbain. Les premières par leurs densités élevées, les premières et les secondes par leur fréquentation touristique, essentiellement d’origine urbaine.

21 Restent enfin les communes « rurales hors influence urbaine », à l’écart des grandes villes et à faible fréquentation touristique. Ces 83 entités, soit 14 % des communes, qui abritent à peine 5 % de la population totale et comptent en moyenne 80 habitants par km², sont localisées pour l’essentiel dans les espaces périphériques de la Belgique : en Flandre occidentale, dans le Limbourg, dans l’est de la province de Liège et dans le sud de celle de Luxembourg.

2.3. Le revenu

22 Parmi les différents critères socio-économiques, le revenu constitue une variable essentielle car il reflète la situation que les individus occupent au sein des rapports de production et de la division sociale du travail, tout en mesurant, de manière relative, leur pouvoir d’achat. En ce sens, le revenu est susceptible d’exercer une forte influence sur les comportements démographiques, par exemple sur la mortalité à travers les variations d’accès aux soins de santé ou sur les migrations à travers les inégalités d’accès aux différents segments du marché du logement.

23 Les données utilisées ici sont issues des statistiques fiscales établies sur la base des revenus enrôlés à l’impôt sur les personnes physiques (IPP). Elles ne correspondent donc pas exactement aux revenus réellement disponibles des ménages, ni a fortiori à leur pouvoir d’achat. Primo, elles ne tiennent pas compte des contribuables non assujettis à l’impôt, soit parce que leur revenu tombe sous le seuil d’imposition, soit parce qu’ils relèvent de systèmes particuliers de taxation, à l’image des ménages des fonctionnaires des institutions européennes, qui ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu en Belgique. Secundo, ces données ne portent que sur les revenus imposables. Elles ne prennent donc pas en compte les revenus – parfois importants – que les contribuables ne doivent pas déclarer : les revenus immobiliers (à l’exception de la part prise en compte via le revenu cadastral), les revenus financiers (qui connaissent un régime de précompte libératoire), les revenus de placement (qui échappent à tout impôt), etc., sans parler des ressources issues de l’économie informelle. Tertio, les données sur le revenu imposable ne fournissent qu’une approximation du pouvoir d’achat, qui dépend également des prix locaux, très variables notamment en matière de logement. En dépit de ces multiples limitations, les statistiques sur le revenu renseignent sur la structuration spatiale de la richesse (ou de l’absence de richesse) à l’échelle communale.

24 Parmi les indicateurs disponibles, le revenu médian par déclaration (celui atteint par 50 % des déclarations) a été privilégié, au détriment du revenu moyen, plus sensible à la présence de valeurs extrêmes exceptionnelles. Le revenu médian par déclaration se rapporte à un ménage fiscal. Ce dernier peut être composé d’une personne seule (avec ou sans enfant) ou d’un couple marié (avec ou sans enfant). Le niveau du revenu médian par déclaration sera donc influencé par la fréquence du mariage parmi les couples. En effet, les revenus des époux sont généralement additionnés dans une même déclaration, ce qui n’est pas le cas des couples non mariés.

25 Au-delà de l’opposition bien connue entre le revenu médian plus faible de la Wallonie (18 750 euros par déclaration) et plus élevé de la Flandre (21 500 euros par déclaration), la carte 3 souligne l’importance des contrastes au sein même des régions urbaines, en particulier celles des plus grandes villes.

26 En Wallonie, les niveaux de revenu sont particulièrement faibles à la fois dans les agglomérations du sillon de vieille industrialisation, dans les bassins méridionaux de recrutement de main-d’œuvre de ces agglomérations, notamment dans l’Entre-Sambre-et-Meuse, et enfin dans la vallée de la Meuse en amont de Dinant et dans la vallée de la Semois. La situation est moins défavorable dans les communes rurales du centre de l’Ardenne comme du Hainaut occidental. Le revenu médian voisine ou dépasse la moyenne nationale dans les banlieues résidentielles des grandes villes, en particulier au sud de Bruxelles, dans le Brabant wallon, et surtout dans l’extrême sud-est, autour d’Arlon, là où résident les travailleurs frontaliers qui occupent des emplois qualifiés et bien rémunérés au Grand-Duché de Luxembourg.

27 En Flandre, les revenus médians sont élevés dans un vaste quadrilatère qui court de la vallée de la Lys à la Campine occidentale. Les parties centrales des grandes villes (Anvers, Bruges, Courtrai, Gand, Genk, Hasselt), le littoral ainsi que les zones les plus périphériques et rurales de la Flandre occidentale se détachent en revanche par des revenus plus faibles. À nouveau, les contrastes sont très tranchés au sein des régions urbaines : aux faibles revenus médians des communes centrales répondent systématiquement les revenus élevés à très élevés des périphéries résidentielles.

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Carte 3. Revenu médian par déclaration (2009)

Figure 3

Carte 3. Revenu médian par déclaration (2009)

Source : SPF Économie, Direction générale Statistique et information économique.

29 Héritage de la périurbanisation des classes moyennes et aisées à partir des années 1960-1970, cette structuration socio-spatiale se manifeste aussi dans la région urbaine bruxelloise, dont la partie centrale concentre des ménages disposant de très faibles revenus, tout spécialement dans le quadrant nord-ouest de la Région de Bruxelles-Capitale, et dont les banlieues, surtout flamandes, ont fixé les hauts revenus. L’indicateur retenu ici, dont on a vu qu’il sous-estime les revenus immobiliers et ceux du capital, minimise l’ampleur des écarts socio-économiques observés au sein même de l’espace urbain bruxellois. L’utilisation d’un indice synthétique du niveau socio-économique  [7] de la population, fondé aussi bien sur les revenus, l’insertion dans le marché du travail, les conditions de logement, la santé, la formation, l’équipement des ménages et la qualité de l’environnement, fait ainsi bien davantage ressortir la situation privilégiée du Brabant wallon au regard des communes centrales de Bruxelles.

30 La carte du même indice multicritère montre par ailleurs qu’aux faibles revenus médians observés au littoral et dans le Westhoek, correspondent des niveaux socio-économiques moyens : les revenus réels des communes littorales sont sous-évalués en raison de la forte proportion de retraités, ceux du Westhoek en raison de la part non négligeable d’agriculteurs, qui donnent généralement la préférence au régime forfaitaire d’imposition, plus avantageux pour eux mais conduisant à une sous-estimation de leur revenu effectif.

2.4. La population étrangère

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Carte 4. Étrangers (1er janvier 2010)

Figure 4

Carte 4. Étrangers (1er janvier 2010)

Source : SPF Économie, Direction générale Statistique et information économique.

32 Pour clore la mise en contexte de la démographie des communes belges, nous proposons un bref aperçu de la géographie de la population étrangère. La structure de la population selon la nationalité est susceptible d’exercer une influence sur les comportements et structures de population à l’échelle locale. Ainsi, par le biais du regroupement familial, la présence de communautés étrangères peut avoir un impact sur les migrations internationales. En effet, les étrangers qui résident en Belgique peuvent y faire venir légalement leurs conjoints, enfants mineurs ou ascendants, sauf, depuis le printemps 2011, pour ces derniers dans le cas des ressortissants non européens. Les localités comptant une proportion élevée d’étrangers disposent donc a priori d’un potentiel plus élevé d’immigration internationale que les autres. Par ailleurs, les recherches consacrées aux populations non européennes établies en Belgique montrent que celles-ci conservent des comportements démographiques distinctifs, malgré un alignement tendanciel sur ceux de la population belge : nuptialité plus forte et plus précoce, fécondité plus élevée et plus précoce, et mortalité plus faible  [8]. Enfin, ces spécificités en termes de comportements retentissent sur les structures de la population selon l’âge ou l’état-civil et sur les structures des ménages.

33 En 2010, la Belgique compte un peu plus d’un million d’étrangers, soit près d’un dixième de la population résidente. Si l’on ajoute à ceux-ci les quelque 840 000 personnes nées étrangères mais naturalisées et les 730 000 personnes nées belges mais de parents nés à l’étranger, c’est au total environ 2,6 millions de personnes d’origine étrangère qui résident actuellement en Belgique  [9]. La population étrangère elle-même comprend aujourd’hui une très nette majorité de ressortissants de l’Union européenne (67,8 %), en particulier les Italiens (15,6 %), les Français (13,3 %) et les Néerlandais (12,6 %). Les nationalités non européennes bien représentées sont les Marocains (7,7 %), les Turcs (3,7 %) et dans une moindre mesure les Congolais (1,6 %).

34 La composition de la population née étrangère, en ce compris les personnes ayant obtenu la nationalité belge, présente une structure semblable mais avec des ordres de grandeur différents. En effet, les nationalités actuelles ou initiales issues de l’Union européenne n’y représentent plus que 52,6 % des effectifs. Si les Italiens (14,3 %) et les Français (10,1 %) constituent encore des groupes importants, ils sont dépassés par les Marocains (14,8 %). De même, les Turcs (8,0 %) et les Congolais (2,7 %) sont proportionnellement plus nombreux au sein de cette population née étrangère qu’au sein de la population de nationalité étrangère. Les écarts observés résultent de la structure par nationalité des naturalisations. Entre 1991 et 2009, une très nette majorité (80 %) des quelque 600 000 étrangers devenus belges était constituée de non-communautaires, principalement des Marocains (30 %), des Turcs (18 %) et dans une moindre mesure des ressortissants de la République démocratique du Congo (5 %) et de l’ex-Yougoslavie (3 %). Alors que dans les années 1980, la proportion des Marocains parmi les nouveaux Belges enregistrés chaque année était modeste, elle n’a pas cessé de croître au cours des années 1990, pour atteindre 40 % en 1998. Elle s’est réduite depuis lors, mais reste de loin la plus élevée (21 % en 2009) par rapport aux autres nationalités.

35 La concentration spatiale des étrangers en milieu urbain, déjà très marquée à la fin des années 1980, s’est accentuée depuis lors. En 2010, 61 % de la population étrangère établie en Belgique résident dans les agglomérations des grandes villes, où ils représentent en moyenne 17 % de la population totale. À elle seule, l’agglomération bruxelloise au sens large accueille 35 % des étrangers, celles du Hainaut (Charleroi, La Louvière, Mons et Borinage) 8 %, celle d’Anvers 8 %, et celle de Liège 5 %. Dans ces agglomérations, la part des étrangers dans la population locale dépasse 15 % et atteint des valeurs très élevées dans la Région de Bruxelles-Capitale : 40 % et plus d’étrangers à Saint-Gilles, Ixelles mais aussi Etterbeek, entre 30 et 40 % à Saint-Josse-ten-Noode, Bruxelles, Woluwe-Saint-Lambert, Woluwe-Saint-Pierre et Schaerbeek. Dans toutes ces communes, à l’exception de Saint-Josse-ten-Noode, les ressortissants de l’Union européenne sont majoritaires parmi les étrangers, en général très nettement, comme à Etterbeek, Woluwe-Saint-Pierre et Woluwe-Saint-Lambert, mais aussi à Saint-Gilles et à Ixelles (plus de 70 % de communautaires). Les Français, dont la part relative parmi les étrangers varie de 10 % (Saint-Gilles) à 25 % (Ixelles), se détachent comme premier groupe national, systématiquement parmi les Européens, souvent parmi l’ensemble des étrangers. En Région de Bruxelles-Capitale toujours, la part des étrangers dans la population a diminué depuis les années 1980 à Molenbeek et à Anderlecht (26 et 27 % aujourd’hui), vraisemblablement par le jeu des naturalisations, dont on a vu plus haut qu’elles concernaient davantage les ressortissants non européens.

36 La proportion d’étrangers est également élevée dans la périphérie bruxelloise, surtout dans son quadrant sud-est, entre Crainhem (29 %), Wezembeek-Oppem (22 %) et Tervueren (25 %) d’une part, Waterloo (19 %) et La Hulpe (16 %) de l’autre. Dans ces communes aisées, les ressortissants de l’Union européenne prédominent nettement (au moins 75 % des étrangers), accompagnés dans certains cas par d’autres communautés issues de la Triade (États-uniens à Kortenberg et Waterloo, Japonais à Crainhem). Au sud-ouest de la Région bruxelloise, Tubize et Enghien se détachent aussi, avec une forte présence des Italiens parmi les ressortissants de l’Union européenne. Par ailleurs, les villes universitaires de Louvain et de Louvain-la-Neuve accueillent respectivement 15 et 13 % d’étrangers, dont le profil par nationalité est diversifié, avec une forte présence de ressortissants asiatiques dans la première et d’Afrique subsaharienne dans la seconde.

37 Les petites villes accueillent près de 15 % de la population étrangère qui réside en Belgique. Les contrastes sont toutefois très marqués entre elles : faible présence dans les petites villes flamandes (rarement plus de 4 % de la population locale), sauf dans le Limbourg industriel ; présence plus forte mais avec des écarts importants en Wallonie, même en dehors des zones frontalières (11 % d’étrangers à Binche contre seulement 2 % à Waremme). Si la proportion d’étrangers dans la population tend à diminuer avec l’éloignement des villes, elle retrouve toutefois des niveaux élevés dans certaines zones frontalières, notamment celles qui servent de zones résidentielles pour des centres d’emplois situés au-delà de la frontière : versant septentrional de la métropole lilloise, région d’Arlon, cantons de l’est et façade nord-est de la Belgique.

3. La dynamique des populations

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Graphique 1. Évolution des taux d’accroissement de la Belgique (1960-2010) (en ‰)

Figure 1

Graphique 1. Évolution des taux d’accroissement de la Belgique (1960-2010) (en ‰)

Source : SPF Économie, Direction générale Statistique et information économique, site Internet.

39 Comme le montre le graphique 1, la Belgique connaissait au début des années 1980 une croissance démographique faible, même négative certaines années, par le jeu d’un solde naturel quasiment nul et d’un solde migratoire tantôt légèrement négatif, tantôt légèrement positif. La dynamique démographique a fortement évolué depuis lors. En effet, dès la fin des années 1980 d’abord, à partir de 2000 ensuite, la croissance de la population est repartie à la hausse en raison d’une augmentation soutenue de l’accroissement migratoire. Alors qu’entre 1995 et 2000, le taux d’accroissement migratoire voisinait 1 pour 1 000 habitants, il atteignait 4 ‰ en 2005, l’année qui a suivi l’élargissement de l’Union Européenne de 15 à 25 États, et 7 ‰ en 2010. Ces valeurs singularisent la Belgique dans le concert des États de l’Europe du Nord-Ouest : en 2008 le taux d’accroissement migratoire était nul en Allemagne, proche de 1 ‰ en France et de 2 ‰ aux Pays-Bas. En conséquence, nous enregistrons actuellement une croissance démographique de l’ordre d’1 % par an, comparable à celle observée au cœur des Golden Sixties, alors qu’elle est moitié moindre en France et aux Pays-Bas et légèrement négative en Allemagne.

40 Entre le 1er janvier 2000 et le 1er janvier 2011, la Belgique a gagné près de 710 000 habitants, dont un peu plus de 510 000, soit 71 % de l’accroissement total, par le seul jeu de l’immigration externe  [10]. Ce constat invite à aborder en premier lieu cette composante du mouvement de la population. Les taux de migration interne, d’accroissement naturel et d’accroissement total seront ensuite examinés. De manière à faciliter leur comparaison, les cartes des diverses composantes du mouvement de la population ont été réalisées avec des limites de classes identiques.

3.1. Le mouvement migratoire

41 Dans ce premier point, nous aborderons successivement les migrations externes, les migrations internes, l’accroissement migratoire et les migrations intérieures par âge.

3.1.1. Les migrations externes

42 Du début de l’an 2000 à la fin de l’année 2010, environ un million de personnes résidant à l’étranger se sont installées en Belgique. Dans le même temps, 500 000 personnes qui résidaient en Belgique ont déménagé en dehors de nos frontières. Une forte majorité des arrivants (81 %) est de nationalité étrangère. Au sein de ce groupe, les ressortissants des États dits développés dominent nettement (64 % des immigrants étrangers), en particulier ceux de l’Union européenne des Vingt-Sept (55 %). La France (12 % des immigrants étrangers), mais aussi la Pologne (6 %), forment des contingents importants. Parmi les migrants issus des pays en voie de développement, les Marocains (9 % des immigrants étrangers) se détachent.

43 La contribution des différentes nationalités à la croissance de la population montre des résultats quelque peu différents. En effet, la durée d’établissement en Belgique et la probabilité de retour dans l’État d’origine varient fortement selon les nationalités : alors qu’une écrasante majorité des ressortissants d’Amérique du Nord a effectué une migration de retour après moins de dix ans, plus de quatre cinquièmes des ressortissants Marocains et Turcs résident toujours en Belgique après sept ans  [11]. S’ils restent en moyenne plus longtemps en Belgique que les États-uniens ou les Canadiens, les ressortissants de l’Union européenne présentent néanmoins une forte probabilité de retour, de l’ordre de 60 % après sept ans. Malgré l’importance de ces mouvements en sens inverse, le solde migratoire des nationalités issues du monde développé reste élevé : de l’ordre de 34 500 personnes en 2009, soit 50 % du solde migratoire externe des étrangers, avec un gain de 27 500 personnes (80 % des précédents) pour les seuls ressortissants de l’Union européenne. Néanmoins, la part des nationalités issues des pays en développement est plus élevée si l’on tient compte des bilans migratoires (50 %) plutôt que des seules immigrations (36 %). De la même manière, si les Français constituent de loin le premier groupe d’immigrants étrangers entre 2000 et 2010, ils ne contribuent qu’à hauteur de 6 % au solde migratoire externe des étrangers en 2009, dépassés en la matière par les Polonais (10 %) et les Marocains (12 %).

44 La géographie de la migration internationale présente des contrastes importants (Carte 5 et Tableau 1) : alors que les communes centrales des villes principales, les villes universitaires et quelques communes frontalières enregistrent des taux de migration externe très positifs, le reste du territoire présente des valeurs tantôt légèrement positives, tantôt légèrement négatives. Les premières jouent le rôle de porte d’entrée au sein du territoire belge : entre 2007 et 2009, période sur laquelle porte la carte 5, elles ont contribué pour près de 85 % au solde migratoire externe positif de l’ensemble de la Belgique.

45 Dans ce registre, la Région de Bruxelles-Capitale occupe une position très singulière. En effet, entre 2000 et 2010, elle a accueilli près de 200 000 nouveaux résidents par le biais de la migration internationale, soit près de 40 % du solde migratoire externe de la Belgique. Dans toutes les communes de la Région bruxelloise, sauf Watermael-Boitsfort, le taux de migration externe excède la moyenne nationale (5,9 ‰). Dix des communes belges qui enregistrent des taux de migration externe supérieurs à 20 ‰ se trouvent à Bruxelles, tant en première couronne (Bruxelles-Ville, Anderlecht, Etterbeek, Ixelles, Molenbeek-Saint-Jean, Saint-Gilles, Saint-Josse, Schaerbeek) qu’en deuxième (Forest, Koekelberg).

46 Comme dans l’ensemble de la Belgique, l’immigration internationale est avant tout le fait de ressortissants des États riches, tout particulièrement de l’Union européenne. En 2009, ces derniers sont proportionnellement plus représentés dans la migration externe vers la capitale que vers le reste de la Belgique, ce qui ne surprend guère compte tenu du fait que Bruxelles abrite le siège des principales institutions de l’Union. Les Français et les Polonais se détachent à nouveau nettement. Parmi les migrants issus d’autres parties du monde, les Marocains sont également sur-représentés, de même que les ressortissants de l’Afrique sub-saharienne. Si les communes de l’est et du sud de la Région bruxelloise, en ce compris Ixelles et Saint-Gilles, captent essentiellement des ressortissants d’États dits développés, celles de l’ouest et du nord accueillent des migrants d’origine plus diversifiée, mais néanmoins majoritairement européenne, sauf à Molenbeek-Saint-Jean.

47 Les communes centrales d’Anvers, Gand et Liège montrent également des taux très positifs de migration externe (13 à 14 ‰), mais à des niveaux plus modestes qu’à Bruxelles (25 ‰). Les autres villes, petites ou grandes, en ce compris Charleroi, ont également un bilan migratoire positif avec l’étranger, mais les taux y restent faibles, souvent inférieurs à 5 ‰. En revanche, les deux villes qui, en dehors de Bruxelles et Gand, abritent une université complète (Louvain et Louvain-la-Neuve), se démarquent par des taux très élevés, autour de 20 ‰, car elles accueillent chaque année de nombreux étudiants étrangers.

48 Un autre fait marquant réside dans la localisation centrale de l’immigration internationale au sein des grandes agglomérations, sauf à Bruxelles où toute la Région de Bruxelles-Capitale est concernée. À Anvers, comme à Gand ou à Liège, les taux positifs de migration externe s’abaissent dès que l’on se trouve au-delà de la commune-centre, que ce soit dans l’agglomération elle-même ou dans les banlieues. Un phénomène identique s’observe autour de la Région de Bruxelles-Capitale.

49 Il reste enfin à souligner les taux positifs et élevés de migration externe dans certaines zones frontalières, tant à proximité de l’agglomération lilloise qu’autour d’Arlon et sur les versants mosans et campinois de la frontière néerlandaise. Jouent notamment ici le différentiel foncier et d’imposition des retraités entre l’État voisin et la Belgique, en particulier dans le cadre de la périurbanisation d’agglomérations situées juste au-delà de la frontière (Lille, Luxembourg, Maestricht).

50

Tableau 1. Composantes du mouvement de la population par type d’espace (2007-2009)

Figure 20

Tableau 1. Composantes du mouvement de la population par type d’espace (2007-2009)

Source : SPF Économie, Direction générale Statistique et information économique.
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Carte 5. Taux net de migration externe (2007-2009)

Figure 21

Carte 5. Taux net de migration externe (2007-2009)

Source : SPF Économie, Direction générale Statistique et information économique.

3.1.2 Les migrations internes

52 Comme nous l’avions souligné dans le Courrier hebdomadaire de 1991, les migrations internes exercent une forte influence sur les caractéristiques démographiques des communes, parce qu’elles provoquent un transfert, non seulement de population, mais aussi éventuellement d’enfants à naître et d’années à vivre.

53 À l’image de ce que nous observions au début des années 1980, la direction et le volume des migrations internes varient fortement : près de 150 communes enregistrent des taux négatifs, plus de 200 des taux supérieurs à 5 ‰. Toutefois, leur géographie s’est transformée. Si l’exode urbain continue à opérer depuis les agglomérations des grandes villes, mais sous une forme atténuée, il bénéficie moins aux banlieues (donc aux espaces périurbains les plus proches des grandes villes) qu’à ce que nous avons appelé plus haut les zones rurales sous influence urbaine. Même les zones rurales plus éloignées atteignent aujourd’hui des taux comparables à ceux des banlieues, voire plus élevés lorsqu’il s’agit de communes touristiques ardennaises.

54 En Région wallonne, les bilans migratoires internes sont ainsi très positifs dans les communes bordières des autoroutes A8, vers Tournai, et E411, vers Namur, bien au-delà de la banlieue bruxelloise. Ils le sont également au sud de la vallée de la Meuse, entre Namur et Liège, de même que le long des axes autoroutiers vers le Luxembourg et, plus curieusement, au centre de l’Entre-Sambre-et-Meuse, entre Philippeville et Beaumont. Rares sont les communes qui enregistrent des taux négatifs, même sur le plateau ardennais (La Roche, Manhay, Vresse-sur-Semois).

55 Le canevas spatial est plus confus en Flandre. En effet, certains espaces ruraux périphériques continuent à perdre des habitants par la migration intérieure, notamment dans le sud de la Flandre occidentale, et dans le nord et l’est de la Campine. Par ailleurs, les excédents d’arrivées sont généralement plus faibles qu’en Wallonie, sauf sur le littoral, sans que des différences substantielles s’observent entre les communes de banlieue, les communes rurales sous influence urbaine ou les communes denses hors agglomérations. Cette situation résulte du ralentissement de l’étalement urbain en Flandre depuis le milieu des années 1990, en raison à la fois de la rareté et de la cherté croissantes des terrains à bâtir et de la congestion sur les différents réseaux de transport  [12]. En Wallonie, par contre, l’offre de terrains à bâtir reste plus importante et le prix des terrains et habitations plus modeste.

56 Ces résultats confirment que la rurbanisation se substitue peu à peu à la périrubanisation, en particulier en Wallonie  [13]. Les coûts élevés d’accès au logement dans les banlieues proches des grandes agglomérations conduisent aujourd’hui les ménages qui émigrent depuis ces dernières à s’installer plus loin, quitte à perdre une partie de l’économie réalisée en matière immobilière dans des coûts de transport croissants, en raison tant de la hausse récente des prix de l’énergie que de l’accroissement de la distance.

57 Le profil socio-économique des ménages qui alimentent l’exode urbain tend lui aussi à évoluer. Alors que dans les années 1970 et 1980, la périrubanisation reposait quasi exclusivement sur des ménages familiaux de classes moyennes, elle concerne aussi aujourd’hui un nombre croissant de ménages moins nantis. Ces derniers, qui font face à une pression croissante sur les coûts du logement dans les parties centrales des villes, tout spécialement à Bruxelles, se voient contraints à migrer vers des espaces plus lointains où les conditions d’accès au logement (mais pas à l’emploi) sont plus adaptées  [14]. Parmi les émigrants pauvres qui quittent Bruxelles, certains en revanche vont s’installer dans une autre agglomération, en particulier dans le Hainaut, où le coût de la vie, notamment en matière de logement, est beaucoup plus modeste que dans la capitale.

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Carte 6. Taux net de migration interne (2007-2009)

Figure 6

Carte 6. Taux net de migration interne (2007-2009)

Source : SPF Économie, Direction générale Statistique et information économique.

3.1.3. L’accroissement migratoire

59 La géographie du taux d’accroissement migratoire, qui reflète les caractéristiques contrastées de celles des taux de migration externe et interne, fait émerger quatre espaces très attractifs, situés aux extrêmes du continuum urbain : les agglomérations des grandes villes, le littoral, les zones rurales sous influence urbaine et les communes touristiques ardennaises.

60 Au sein des premières, les communes centrales attirent l’attention. En effet, les taux de migration externe très positifs y sont plus élevés en valeur absolue que les taux de migration interne négatifs, ce qui provoque un accroissement migratoire important, de l’ordre de 6,5 %. À nouveau, la Région de Bruxelles-Capitale se démarque, avec des taux d’accroissement migratoire nettement plus élevés (10,8 % en moyenne) que dans les autres grandes villes, surtout dans la moitié nord de son territoire. Dans les agglomérations toujours, les communes périphériques montrent aussi des taux positifs, mais plus modestes et alimentés essentiellement par l’immigration interne. Les zones rurales sous influence urbaine et les communes touristiques sont également attractives, essentiellement par le jeu des migrations internes. Elles bénéficient l’une et l’autre de l’élargissement du rayon de balayage de l’émigration depuis les agglomérations, mais à des âges différents (cf. infra). Enfin, le littoral se caractérise par des bilans positifs nettement plus élevés que dans les autres types d’espace, car il conjugue immigrations nettes interne et externe.

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Carte 7. Taux d’accroissement migratoire (2007-2009)

Figure 24

Carte 7. Taux d’accroissement migratoire (2007-2009)

Source : SPF Économie, Direction générale Statistique et information économique.

62 Si les banlieues continuent elles aussi à être attractives, elles le sont moins fortement aujourd’hui que par la passé, si bien que le taux d’accroissement migratoire y est devenu plus faible en moyenne que dans tous les autres types d’espace, notamment les petites villes et le rural hors influence urbaine. Ce fait se matérialise clairement autour des plus grandes agglomérations. Au sud de Bruxelles, par exemple, les taux d’immigration nette sont plus faibles dans les banlieues anciennement investies (Rhode-Saint-Genèse, Hoeilaart, Waterloo, Lasne) que dans les petites villes avoisinantes (Nivelles, Wavre) ou dans les communes rurales du sud-est du Brabant wallon (Incourt, Perwez, Éghezée). Une configuration similaire s’observe à l’est d’Anvers ou autour de Liège. Dans ce dernier cas, les taux des banlieues proches sont dépassés, non seulement dans les communes rurales juste voisines, mais aussi dans les communes rurales plus lointaines, qu’elles soient touristiques (Aywaille, Durbuy, Ferrières) ou non (Hamois, Havelange, Somme-Leuze).

63 Par ailleurs, la carte 7 met en évidence l’attractivité des communes de l’est et du sud de la province de Luxembourg, entre Houffalize et Musson : les taux d’immigration nette y dépassent partout 6,5 ‰, pour atteindre 25 ‰ à Léglise (valeur maximale enregistrée dans l’ensemble de la Belgique). À Arlon et dans les communes contiguës, ces bilans très positifs résultent surtout d’une immigration internationale en provenance du Grand-Duché de Luxembourg et de la France. Dans les autres communes concernées, ils s’expliquent par une forte immigration interne, en provenance principalement de la Région wallonne, liée aux dynamiques du marché du travail grand-ducal. Une part importante, parfois supérieure à 50 %, des actifs occupés travaillent en effet au Grand-Duché, principalement dans la ville de Luxembourg, notamment dans les services de haut niveau (finance, immobilier, services aux entreprises)  [15].

64 De nouvelles dynamiques migratoires se sont donc mises en place en Belgique depuis une quinzaine d’années. Principales portes d’entrée dans le territoire, les parties centrales des grandes villes accueillent une immigration internationale croissante, majoritairement originaire de l’Union européenne. Cette immigration, caractérisée par un pouvoir d’achat élevé, surtout au regard de la modestie du revenu des habitants de ces espaces, exerce une pression à la hausse sur les coûts d’accès au logement, alors même que l’offre de logement social, structurellement faible, ne s’étoffe guère. Il en résulte une émigration interne importante, qui se dirige vers des espaces de plus en plus périphériques, là où les prix fonciers ou immobiliers restent abordables. Les grandes villes jouent donc un rôle majeur de ce processus à la fois centripète et centrifuge – Bruxelles plus que toute autre, eu égard à l’importance de son immigration internationale et de son émigration interne.

3.1.4. Les migrations par âge

65 On sait, depuis les travaux pionniers de H. Damas, A. Rogers et R. André  [16], que les migrations intérieures présentent des variations d’intensité importantes selon l’âge, en relation avec le cycle de vie. Le graphique 2 montre bien, sur les données de 2006 (les dernières qui soient disponibles par année d’âge), que la migration se concentre principalement avant 5 ans et entre 20 et 40 ans. Ce graphique distingue les sexes et présente à la fois le total des migrations intérieures et les migrations inter-communales ; l’écart qui les sépare représente les migrations intra-communales, soit les déménagements au sein de la commune. On voit que celles-ci ne sont pas négligeables : elles sont du même ordre de grandeur que les migrations inter-communales. Il est fréquent que seules les inter-communales soient représentées.

66 Dans notre précédent Courrier hebdomadaire, nous avions montré, d’après les données par classes quinquennales de 1981-1988 et au moyen d’une analyse en composantes principales, que les migrations intérieures se structuraient de façon privilégiée par rapport à quelques types d’espace : les villes, les banlieues (proches et lointaines), le littoral et les communes touristiques ardennaises. Les espaces évoqués étant proches des types d’espace distingués sur la carte 2, nous avons établi, pour 2007, des profils migratoires par âge par type d’espace (Graphique 3) ; nous les avons aussi calculés par quintile de revenu (Graphique 4). Le graphique 4 montre une relation nette inattendue entre les bilans migratoires par âge et les revenus médians des communes. En gros, les deux quintiles de revenu supérieurs s’opposent au quintile inférieur, les deux classes intermédiaires présentant des bilans migratoires généralement faibles. La classe centrale présente des bilans positifs à tout âge.

67 Nous allons utiliser ces graphiques pour déterminer des groupes d’âge ayant des comportements migratoires analogues et cartographier leurs taux nets de migration. Il faudra garder à l’esprit que les cartes par communes sont calculées sur les données d’une seule année, les données plus récentes n’étant pas encore disponibles. Certes, la migration est un phénomène moins rare que la mortalité. Il n’empêche que les effectifs concernés sont faibles. Leur regroupement par type (Graphiques 3 et 4) ou par groupes d’âge (Cartes 8 à 11) consolide les conclusions, mais nous resterons attentifs à leur significativité.

68

Graphique 2. Taux de migration interne et intercommunale par année d’âge et par sexe (2006) (en ‰)

Figure 26

Graphique 2. Taux de migration interne et intercommunale par année d’âge et par sexe (2006) (en ‰)

Source : SPF Économie, Direction générale Statistique et information économique, site Internet.

Les migrations de couples avec enfants

69 Les courbes du graphique 2 présentent un premier pic à un an accompli : 17 % des enfants, près de un sur six, déménagent à cet âge. Les migrations avant le premier anniversaire sont rares  [17] ; à cet âge, une chambre personnelle pour l’enfant n’est pas indispensable. Après ce premier pic, l’intensité de la migration diminue progressivement jusqu’à un minimum, à 17 ans, qui sépare les migrations d’enfants accompagnant leurs parents des migrations d’émancipation. Les migrations considérées ici sont motivées par le besoin de place supplémentaire, soit par la venue d’enfants, soit par leur croissance en âge. C’est pourquoi nous parlons de migrations d’élargissement du ménage.

70

Graphique 3. Taux de migration interne par classe d’âge et par type d’espace (2007) (en ‰)

Figure 27

Graphique 3. Taux de migration interne par classe d’âge et par type d’espace (2007) (en ‰)

Source : SPF Économie, Direction générale Statistique et information économique.

71 Sur le graphique 3, les trois premières classes quinquennales (0-14 ans) opposent les agglomérations (taux négatifs) aux autres espaces (taux positifs), principalement le rural sous influence urbaine et la banlieue, et secondairement le rural hors influence urbaine, les communes touristiques ardennaises, les autres communes denses et les petites villes. Les migrations à ces âges se font donc principalement des agglomérations vers les autres types d’espace. Le littoral fait bande à part et suit un trajet parallèle aux agglomérations, avec des taux négatifs dans les deux premières classes, légèrement positif dans la troisième et franchement positif dans la quatrième. Les courbes s’inversent de façon nette pour les 20-24 ans, et la classe des 15-19 ans constitue à l’évidence une transition, sauf pour le littoral. Ensuite, il y a une nouvelle inversion, la classe des 25-29 ans constituant la transition, et l’on retrouve après, à 30-39 ans, des caractéristiques migratoires analogues à celles des 0-14 ans : ce sont les parents de ceux-ci. À partir de 40 ans, le littoral dépasse nettement la banlieue et le rural sous influence, et on entre donc dans un autre type de migrations. Même s’il est clair que l’on trouve des comportements individuels similaires en dehors de ces classes d’âge, nous allons considérer que les 0-14 ans et 30-39 ans représentent les comportements migratoires d’adultes avec enfants. L’examen du graphique 4 mène vers les mêmes conclusions.

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Tableau 2. Taux net de migration intérieure par groupe d’âge (2007), par type d’espace et par quintile de revenu (2009) (en ‰)

Figure 28

Tableau 2. Taux net de migration intérieure par groupe d’âge (2007), par type d’espace et par quintile de revenu (2009) (en ‰)

Source : SPF Économie, Direction générale Statistique et information économique.

73 Le tableau 2 résume les comportements du groupe d’âge : les migrations d’adultes avec enfants quittent les agglomérations et vont, dans l’ordre décroissant, vers le rural sous influence, la banlieue, le rural hors influence, les autres communes denses et l’Ardenne touristique. Il est intéressant de constater que le taux net est plus fort vers le rural sous influence urbaine que vers la banlieue, dont les espaces saturent : il faut chercher plus loin de la ville.

74 On notera que les taux sont beaucoup plus faibles sur le graphique 3 que sur le graphique 2. Bien sûr, seules les migrations inter-communales interviennent dans le graphique 3 (les mouvements intra-communaux s’annulent) et il faut donc le comparer aux courbes inférieures du graphique 2. Mais si les 30-34 ans atteignent 80 ‰ sur ces courbes, ils ne dépassent pas 20 ‰ sur le graphique 3. La raison en est que, à un âge donné, les entrées et les sorties s’annulent majoritairement : seule une petite partie des migrations modifie la répartition spatiale ou les structures d’âge de la population. C’est pour cette raison que l’on prête surtout attention aux bilans. Mais en réalité, la majorité des migrations ne changent pas de type d’espace. Cela conduit à des raccourcis de langage qui, pris à la lettre, sont erronés. Lorsque l’on dit par exemple que les migrations d’élargissement du ménage se font des villes vers les banlieues ou le rural sous influence urbaine, c’est parce que l’on se focalise sur les bilans ; en fait, la majorité des migrations d’émancipation ne changent pas de type d’espace et restent, par exemple, au sein de la banlieue ou au sein de la ville, où les migrations croisées s’annulent.

75 Avant 20 ans et de 30 à 49 ans, les migrations se font essentiellement du quintile le plus pauvre vers le quintile le plus riche (Graphique 4) et, secondairement, vers le deuxième plus riche et le quintile médian. Après 30 ans, les ménages ont des ressources mieux assurées, qui leur permettent de choisir un logement correspondant à leurs souhaits  [18] et où ils comptent s’établir pour l’essentiel de leur vie. Si l’on retourne au graphique 3, on constate que les migrations centrifuges se marquent dès 25-29 ans vers l’Ardenne touristique, le rural hors influence urbaine et les autres communes denses, et que cela ne devient clairement le cas pour le rural sous influence et la banlieue qu’à partir de 30-34 ans. Ces derniers espaces, plus recherchés que les premiers, sont aussi plus chers et nécessitent que l’on soit davantage avancé dans sa carrière pour avoir les moyens de s’y installer.

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Graphique 4. Taux de migration interne (2007) par classe d’âge et par quintile de revenu (2009) (en ‰)

Figure 29

Graphique 4. Taux de migration interne (2007) par classe d’âge et par quintile de revenu (2009) (en ‰)

Source : SPF Économie, Direction générale Statistique et information économique.
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Carte 8. Taux net de migration interne des 0-14 ans et des 30-39 ans (2007)

Figure 30

Carte 8. Taux net de migration interne des 0-14 ans et des 30-39 ans (2007)

Source : SPF Économie, Direction générale Statistique et information économique.

78 La carte 8, relative au taux net de migration des 0-14 ans et des 30-39 ans, est celle où le nombre de communes présentant des taux positifs est le plus grand. On avait déjà pu s’en douter sur le tableau 2 : en dehors des agglomérations et, très faiblement, du littoral, tous les types d’espace présentent un bilan positif. Le littoral affiche par ailleurs une image très hétérogène sur la carte. Le contraste est ici très marqué entre les agglomérations et leur banlieue. On constate aussi que c’est la partie centrale du pays qui est la plus recherchée, les territoires plus marginaux (ouest de la Flandre occidentale, est du Limbourg, sud du pays) présentant des images plus hétérogènes, où des bilans contrastés se côtoient.

79 Quelles sont les évolutions depuis 1981-1988 ? Nous avions alors pris, sur la base d’une analyse en composantes principales, les 0-9 ans et les 30-39 ans comme groupe représentatif, les valeurs des 10-14 ans nous semblant moins nettes  [19]. La carte est assez semblable, mais les bilans positifs se sont maintenant spatialement étendus : on s’écarte davantage des agglomérations. E. Van Hecke  [20] représente les taux migratoires par année d’âge avec les cinq grandes villes d’une part, leurs banlieues d’autre part, en 1991-1994, 1996-1999 et 2001-2004. L’âge seuil entre migration vers la ville et vers la banlieue augmente. Les migrations s’inversent, de façon synchrone, de vers la ville à vers la banlieue entre 25 et 26 ans en 1991-1994, entre 26 et 27 ans en 1996-1999 et entre 27 et 28 ans en 2001-2004.

Les migrations d’émancipation

80 Revenons au graphique 2. Après le creux de 17 ans vient un second pic, culminant à 25 ans pour les femmes et à 26 ans pour les hommes, âge auquel 28 % des femmes et 25 % des hommes, soit un sur quatre, déménagent. L’intensité de la migration diminue ensuite jusque vers 75 ans. Cette ample vague commence par les migrations d’émancipation, se poursuit par les migrations d’élargissement du ménage et s’achève par les migrations de retraite, sans rupture dans les intensités. On passe d’un type à l’autre dans la continuité, l’intensité de l’un décroissant et celle de l’autre croissant.

81 À partir de 17 ans, un décalage s’installe entre les sexes, la migration féminine étant d’abord plus intense que son homologue masculine, puis, après le pic, moins intense. Il s’agit donc d’une plus grande précocité des migrations féminines plutôt que d’une différence d’intensité, le décalage étant de l’ordre de deux ans. Cette précocité est bien connue à travers les pays développés, mais peu d’explications ont été avancées  [21] en dehors du décalage habituel d’âge des partenaires au sein du couple dans notre société  [22].

82 Les migrations inter-communales représentent en gros 50 % des migrations intérieures sur l’ensemble des âges, sauf entre 22 et 40 ans, où elles sont plus fortes (jusqu’à 57 % pour les femmes de 25 ans).

83 Les graphiques 3 et 4 montrent bien que seuls les 20-24 ans présentent sans mélange un comportement caractéristique des migrations d’émancipation, contrastant avec les migrations d’élargissement du ménage. Les 15-19 ans et 25-29 ans apparaissent comme des classes de transition. Les jeunes de 20-24 ans sont essentiellement attirés par les agglomérations (Tableau 2). Les petites villes présentent un bilan légèrement positif. Tous les autres types d’espace connaissent des bilans négatifs, particulièrement les espaces touristiques, littoral et Ardenne, la banlieue et le rural sous influence des grandes villes. Par ailleurs, les migrations à ces âges se font essentiellement des deux quintiles les plus riches vers les deux quintiles les plus pauvres, ce qui va aussi à l’encontre des migrations d’élargissement du ménage : les migrations d’émancipation vont vers des logements considérés comme provisoires et choisis en tenant largement compte du facteur budgétaire. Nous avons montré dans une autre étude  [23] que ces jeunes recherchent un appartement dans un environnement doté d’un bon équipement commercial, scolaire, culturel, récréatif et en transports en commun, et qu’ils sont prêts à accepter un logement nécessitant de grosses réparations concernant l’installation électrique ou les fenêtres pour rester dans leur budget.

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Carte 9. Taux net de migration interne des 20-24 ans (2007)

Figure 32

Carte 9. Taux net de migration interne des 20-24 ans (2007)

Source : SPF Économie, Direction générale Statistique et information économique.

85 Dans les agglomérations (Carte 9), les bilans sont particulièrement favorables à Louvain, Gand, Etterbeek, Ixelles, Berchem-Sainte-Agathe, Woluwe-Saint-Lambert, Liège, Hasselt, etc. Parmi les petites villes, on pointera Arlon, Gembloux, Huy, Tielt, Ottignies-Louvain-la-Neuve, Philippeville, Binche, Audenarde, etc. On le voit, l’enseignement supérieur joue ici un rôle important  [24]. On relèvera que, dans la Région de Bruxelles-Capitale, toutes les communes ne sont pas attractives et que certaines présentent des bilans négatifs, particulièrement Saint-Josse-ten-Noode, Watermael-Boitsfort et Molenbeek-Saint-Jean, mais aussi Anderlecht, Bruxelles et Evere. Ces communes sont hétérogènes par le standing, par la centralité et par l’accessibilité à l’enseignement supérieur. Certaines grandes villes présentent aussi des taux négatifs comme Ostende, Verviers ou Charleroi.

86 Quelles sont les évolutions depuis le précédent Courrier hebdomadaire ? En 1979-1982, le minimum correspondant au seuil entre les migrations d’enfants et d’émancipation était de 15 ans pour les filles, contre 17 ans en 2006 : l’émancipation des filles était plus précoce  [25], faisant démarrer dès cet âge le décalage de deux ans dans le comportement des sexes. Nous avions d’ailleurs incorporé la classe des 15-19 ans dans les âges caractéristiques des migrations d’émancipation. L’analyse par E. Van Hecke  [26] des taux migratoires par année d’âge avec les cinq grandes villes et leurs banlieues en 1991-1994, 1996-1999 et 2001-2004 montre que l’élévation de l’âge d’émancipation des filles est antérieur à 1991. Les taux passent de façon strictement synchrone aux trois dates de positif à négatif pour les banlieues entre 16 et 17 ans et de négatif à positif pour les grandes villes entre 17 et 18 ans. Le maximum d’intensité migratoire se plaçait en 1979-1982 à 22 ans pour les femmes et à 24 ans pour les hommes, soit respectivement trois et deux ans plus tôt qu’en 2006.

87 La comparaison des cartes offre de nombreuses similitudes. Les villes attractives étaient en 1981-1988 pour l’essentiel les mêmes qu’aujourd’hui. On notait cependant aussi à l’époque des migrations de jeunes vers les « banlieues lointaines », ce que nous appelons ici le rural sous influence urbaine. Les seuls bilans significatifs dans cette catégorie en 2007 sont négatifs, comme la moyenne. Ces communes sont maintenant habitées depuis assez longtemps pour que la génération des enfants arrive à l’âge de l’émancipation et que le bilan de ces migrations devienne négatif. Un phénomène analogue s’est d’ailleurs passé antérieurement pour les banlieues. Les migrations d’émancipation se faisaient entre 1970 et 1981 essentiellement des régions rurales marginales de Flandre occidentale et du sud du pays vers, d’une part, Bruges et Gand et, de l’autre, vers les villes de l’axe wallon  [27]. Les migrations d’émancipation depuis les banlieues ne faisaient que commencer, parce que les enfants venus dans celles-ci avec leurs parents arrivaient seulement à l’âge de l’émancipation. Ces migrations étaient donc alors mineures vers Bruxelles et Anvers et émanaient des quelques communes touchées le plus précocement par la périurbanisation. La conséquence est que la part des 20-29 ans était en 1981 plus forte dans les principales villes wallonnes, à Gand et Bruges qu’à Bruxelles ou Anvers, où ils n’étaient pas sur-représentés  [28].

88 Par ailleurs, la Région de Bruxelles-Capitale offrait en 1981-1988 un visage plus homogène, toutes les communes étant attractives ou à bilan équilibré. Une étude par secteurs statistiques sur les données de 1981-1991  [29] concluait que les migrations d’émancipation visaient les centres des villes, grandes ou petites, et que certaines communes étaient trop grandes pour mettre un bilan positif en évidence. L’étude relevait aussi la préférence pour les appartements et pour les différentes formes d’animation. Il n’y a qu’à Bruxelles que l’on est maintenant en contradiction avec cette image, suite vraisemblablement à la concurrence d’autres types d’immigration, plus nantis, pour les mêmes espaces. L’étude des migrations intérieures des 18-24 ans en 2001-2004  [30] montrait aussi des bilans négatifs dans certaines communes de la Région bruxelloise, dont la commune de Bruxelles.

Les migrations d’adultes mûrs et du troisième âge

89 Le graphique 3 montre que, à partir de 40 ans, le bilan du littoral l’emporte sur les espaces qui attirent les 25-39 ans. Ces migrations culminent entre 55 et 65 ans, puis déclinent. On constate que le littoral est plutôt répulsif pour les migrations d’élargissement du ménage et d’émancipation. Les seuls taux franchement positifs avant 40 ans sont les 15-19 ans et les 35-39 ans, ces derniers constituant une classe de transition. Le cas des 15-19 ans est plus intéressant. Ils contrastent avec les taux très négatifs des 20-24 ans : ce ne sont donc pas des migrations d’émancipation, mais bien des adolescents migrants avec leurs parents. Le cas de l’Ardenne est différent. Jusqu’à 45 ans, elle présente un profil analogue à celui des banlieues, attirant les couples avec enfants et repoussant les jeunes s’émancipant. La classe des 45-49 ans connaît le bilan le plus faible et constitue une transition. Puis, de 50 à 69 ans, il y a un sursaut qui s’apparente, en plus modéré, au cas du littoral. Vu les comportements différents du littoral et de l’Ardenne avant 50 ans, nous avons donc retenu les 50-69 ans comme âges caractéristiques de ce troisième type de migration.

90 Le tableau 2 montre bien la forte attraction du littoral et de l’Ardenne sur les 50-69 ans et le bilan négatif concentré dans les agglomérations, avec des taux nettement plus faibles. Le bilan est légèrement négatif dans les banlieues. Les taux concernant les quintiles de revenu sont faibles mais présentent une structure originale : les migrations se font des quintiles extrêmes vers le quintile médian.

91 En arrière du littoral, quelques communes présentent des taux positifs : Dixmude, Lo-Reninge et Gistel, qui ont toutes le statut officiel de ville même si leur classification dans les types d’espace diffère. Les autres taux positifs de communes en arrière du littoral ne sont pas significatifs. Toujours est-il que l’on peut maintenant dire que la proximité du littoral est aussi recherchée. L’Ardenne présente un visage plus hétérogène, les bilans très positifs voisinant avec des bilans équilibrés voire négatifs.

92 Comment évoluent ces migrations vers les régions touristiques ? Nous avions déjà fait remarquer, dans notre précédent Courrier hebdomadaire, que les âges étaient trop précoces pour correspondre aux seules migrations de retraite, même en tenant compte des préretraites, et devaient aussi comprendre des migrations d’adultes après l’émancipation de leurs enfants. Cette hypothèse a depuis lors été démontrée par une étude portant sur les données 1991-2001  [31]. La même étude a également montré que la séparation ou le divorce peuvent aussi entraîner ce type de migrations.

Carte 10. Taux net de migration interne des 50-69 ans (2007)

Figure 10

Carte 10. Taux net de migration interne des 50-69 ans (2007)

Source : SPF Économie, Direction générale Statistique et information économique.

93 Mais depuis lors, les migrations vers les régions touristiques sont devenues plus précoces, puisque le littoral attire aussi les adultes de 40-49 ans avec adolescents, donc avant l’émancipation des enfants. Nous avons vu que, suite à la saturation des espaces et à l’augmentation du foncier, les migrations d’adultes avec enfants s’éloignent de plus en plus de la ville. On peut imaginer que, si les circonstances de la vie conduisent des couples mûrs avec grands enfants à migrer tardivement de la ville vers des espaces plus aérés, devant la grande distance à parcourir, ils choisissent une région touristique, où ils pourront finir leurs jours dans un environnement agréable. Nous avions déjà observé ce phénomène en 1994-1996 dans une autre étude  [32].

94 L’image de l’Ardenne était beaucoup plus monolithique en 1981-1988, 1991-2001 et 1994-1996 qu’en 2007. Nous avions fait remarquer  [33] que les migrations touristiques vers l’Ardenne étaient surtout dirigées vers quatre vallées (Meuse au sud de Dinant, Ourthe, Amblève, Semois) qui étaient classées par le Schéma de développement de l’espace régional wallon (SDER) comme « zones de tourisme de vallée à forte pression résidentielle »  [34]. On peut imaginer qu’il est de plus en plus difficile dans ces espaces de trouver à reconvertir des fermes ou maisons anciennes abandonnées dans le contexte de la déprise agricole, d’autant que l’exode rural des jeunes s’est maintenant arrêté.

95 Dans notre précédent Courrier hebdomadaire, nous avions aussi relevé des bilans positifs dans une série de banlieues agréables, caractérisées notamment par la présence de secondes résidences. E. Van Hecke et ses collègues  [35] font remarquer que l’importance des résidences secondaires a fortement diminué dans ces espaces, vu leur densification (périurbanisation). Ceci explique probablement que ces communes ne ressortent plus guère sur la carte 10.

Les migrations du quatrième âge

96

Carte 11. Taux net de migration interne des 75 ans et plus (2007)

Figure 36

Carte 11. Taux net de migration interne des 75 ans et plus (2007)

Source : SPF Économie, Direction générale Statistique et information économique.

97 Au-delà du minimum vers 75 ans que nous avons déjà remarqué dans l’intensité de la migration (Graphique 2), celle-ci augmente jusqu’à 95 ans, après quoi elle devient aléatoire vu le faible nombre de survivants. Dans ces migrations tardives, l’intensité est clairement plus forte pour les femmes que pour les hommes. Cette observation lie cette migration au décès du conjoint, la femme survivant généralement à l’homme. Autrement dit, entre 75 et 90 ans, la part de femmes vivant en couple est plus faible que la valeur correspondante des hommes. Il y a donc plus de migrations de femmes que d’hommes provoquées par le veuvage, même en proportion (taux). Une autre motivation des migrations à ces âges est la perte d’autonomie physique. Ces déménagements se font donc soit vers un logement plus petit, généralement un appartement, soit vers des membres de la famille, soit encore vers une maison de repos. Nous avons montré dans une autre étude  [36] la part importante, à ces âges, de migrations vers des ménages collectifs (maisons de repos) : près de 30 % entre 75 et 80 ans, plus de 60 % au-delà de 85 ans. Autre particularité, les migrations inter-communales ne représentent que 40 % du total des migrations intérieures, contre 50 % généralement : une plus grande part des migrations se fait à courte distance.

98 Si la situation est un peu confuse sur le graphique 3, où les 75-79 ans apparaissent comme une classe de transition, le graphique 4 différencie clairement les 75 ans et plus. Nous avons donc défini les âges caractéristiques du dernier groupe comme les 75 ans et plus. Le caractère aléatoire des valeurs des âges les plus élevés sur les graphiques, suite au faible nombre de survivants, ne gène pas ici, chaque classe quinquennale intervenant dans le taux du groupe à la juste mesure de ses effectifs.

99 Les moyennes par types d’espace (Tableau 2) ne font apparaître aucune valeur spectaculaire. Les agglomérations, le littoral et, très faiblement, l’Ardenne présentent des taux négatifs. Le rural sous influence urbaine et les banlieues sont les plus attractifs. Les autres types d’espace ont des taux légèrement positifs. En ce qui concerne les revenus, les migrations se font à nouveau majoritairement des communes pauvres vers les communes riches, ce qui n’était pas nécessairement attendu, suite à la réduction des revenus et au choix d’un logement généralement plus petit.

100 La carte 11 est complètement déstructurée : les taux positifs élevés correspondent à des communes contenant au moins une maison de repos et susceptibles d’accueillir au moins l’équivalent de toute la population locale demandeuse. Dans le cas contraire, le bilan est négatif.

101 La seule évolution visible est que le minimum précédant les migrations tardives voisinait les 70 ans en 1979-1982, soit cinq ans plus tôt qu’en 2006. L’augmentation de l’espérance de vie et de l’espérance de vie en bonne santé ont repoussé le seuil de cette migration. Nous n’avons pas trouvé, dans la littérature, de cartes de ce taux. Les études concluent généralement que la carte est sans cohérence géographique.

3.2. Le mouvement naturel

102 Le mouvement naturel, complémentaire du mouvement migratoire, résulte de la combinaison des effectifs de naissances et de décès. Ceux-ci sont fortement influencés par les structures d’âge. Les démographes mettent en œuvre différents outils pour séparer l’effet des structures d’âge sur la natalité et la mortalité, et ainsi mieux comprendre les facteurs des situations observées. Le principal outil d’étude de la fécondité, indépendamment de la structure d’âge, est l’indicateur conjoncturel de fécondité ou nombre moyen d’enfants par femme. La mortalité s’étudie principalement, hors influence des structures d’âge, par l’espérance de vie.

103 Nous avons vu plus haut que, au cours de la dernière décennie, 71 % de la croissance de la population de la Belgique a résulté des migrations extérieures. Il est donc clair que le rôle actuel du mouvement naturel est plus limité, même s’il ne demeure pas moins intéressant.

3.2.1 La fécondité

L’intensité de la fécondité

104 L’intensité de la fécondité est mesurée par l’indicateur conjoncturel de fécondité, qui se calcule en additionnant les taux de fécondité par âge. Il s’interprète comme le nombre moyen d’enfants que mettraient au monde les femmes d’une génération fictive si, à chaque âge de leur carrière féconde (15-49 ans), elles suivaient les taux de fécondité du moment. Cet indicateur est aussi appelé nombre moyen d’enfants par femme. Rappelons qu’il faut en principe 2,1 enfants par femme en moyenne pour que la fécondité soit suffisante pour maintenir le volume de la population. Ce niveau n’a plus été atteint par la Belgique après le début des années 1970.

105 Dans notre étude de la situation 1980-1982, nous avions déjà mis en évidence que le clivage entre une Flandre féconde et une Wallonie malthusienne  [37], existant de 1870 à 1960  [38], et traditionnellement expliqué par l’opposition catholique–déchristianisé, avait disparu. L’écart inter-régional atteint son minimum en 1982 (0,02 : cf. Graphique 5). Après 1983, les valeurs régionales sont devenues plus distinctes, Bruxelles dépassant la Wallonie, et la Flandre présentant la fécondité la plus basse. L’écart entre les deux grandes régions, qui a dépassé 0,20 enfants par femme en 1989 et 1990 et à nouveau en 2001, se réduit depuis lors. En 2008 et 2009, il est inférieur à 0,03.

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Graphique 5. Évolution régionale de l’intensité de la fécondité (1971-2009) (nombre moyen d’enfants par femme)

Figure 39

Graphique 5. Évolution régionale de l’intensité de la fécondité (1971-2009) (nombre moyen d’enfants par femme)

Source : SPF Économie, Direction générale Statistique et information économique, site Internet.

107 Le problème de la localisation des événements prend, pour les naissances, une importance cruciale. En effet, les âges féconds de la femme correspondent aux âges de plus forte mobilité, alors que la mortalité ne devient forte qu’après 50 ans, lorsque la mobilité devient faible (cf. infra). Une partie des femmes présentes dans une commune peuvent donc avoir commencé à constituer leur descendance dans une autre commune et peuvent l’achever ailleurs encore.

108 Les données que nous utilisons proviennent du Registre national, qui enregistre les naissances au lieu officiel de résidence de la mère à ce moment. Elles fournissent donc strictement les naissances issues des mères résidant alors dans la commune, quelles que soient les éventuelles résidences antérieures et futures de ces mères. De son côté, S. Gadeyne utilise les données de l’enquête socio-économique (ESE) 2001  [39], qui a demandé à toutes les femmes les dates de naissance de leurs différents enfants. On enregistre alors la carrière féconde des femmes présentes dans la commune lors de l’ESE, quels qu’aient été leurs lieux de résidence au moment de la mise au monde de leurs différents enfants.

109 La comparaison montre que les valeurs pour la Région de Bruxelles-Capitale sont sensiblement supérieures selon le Registre national que selon l’ESE, de plus de 0,2 (enfant) de 1986 à 1996, soit de 10 à 15 % de différence. Une explication est que des femmes ayant commencé leur carrière féconde en Région bruxelloise migrent, par exemple vers la banlieue, avant l’ESE, qui va donc y enregistrer aussi leur fécondité initiale. L’inverse peut également se produire, soit l’arrivée en Région bruxelloise de femmes encore sans enfant, par exemple quittant leurs parents à un âge où une partie des Bruxelloises en a déjà ; dans ce cas, l’ESE enregistre dans la Région leur faible fécondité antérieure, même si elle a été vécue ailleurs. Dans les deux autres régions, les chiffres issus du Registre national sont en toute logique inférieurs à ceux de l’ESE, dans des proportions bien plus faibles, et davantage en Wallonie qu’en Flandre. Si les écarts sont si importants à Bruxelles, c’est évidemment parce qu’il s’agit d’une petite région, qui sépare artificiellement l’agglomération de sa banlieue. Nul doute que si l’on considérait les autres agglomérations indépendamment de leur banlieue, on observerait les mêmes effets. Par ailleurs, la complétude de l’ESE est inférieure à celle du Registre national, particulièrement dans une grande ville comme Bruxelles où les changements d’adresse sont fréquents, les bulletins d’enquête étant envoyés par voie postale à partir de fichiers administratifs, tandis que le Registre national est alimenté par les déclarations de naissance, quasi complètes.

110 Les cartes montrent une géographie extrêmement changeante. En 1980-1982, aucune opposition Wallonie–Flandre n’est visible sur les cartes. Les plus fortes fécondités sont le fait des espaces périphériques du pays, ruraux ou à faible densité de population : l’ouest de la Flandre (triangle Furnes–Eeklo–Courtai), la Campine (nord-est de la province d’Anvers et nord du Limbourg) et le sud de la Wallonie, au sud de l’axe Liège–Borinage  [40]. Toute la partie centrale du pays, de l’axe industriel jusqu’à Tournai et Anvers, est caractérisée par des fécondités faibles. Cette opposition centre–périphérie reflète assez bien l’opposition laïcs–catholiques ; elle correspond aussi, sans qu’il n’y ait de lien évident, aux espaces sans ou avec disponibilités de main-d’œuvre, le développement économique ayant été favorable à ces derniers dans les années 1970  [41].

111 En 1989-1992, la fécondité a remonté sensiblement dans l’axe wallon, présentant des valeurs nettement supérieures à 1,5 (alors qu’elles étaient généralement inférieures à ces valeurs en 1980-1982)  [42]. En conséquence, la Wallonie forme cette fois un bloc de fécondités élevées, au moins du côté du Hainaut et de la Hesbaye, qui contraste avec les faibles valeurs flamandes. Au centre du pays, la transition est plus douce parce qu’à Bruxelles, Louvain et dans la périphérie de ces villes, les fécondités sont généralement moins faibles. Les fécondités restent élevées dans l’ouest de la Flandre, surtout le long de la frontière française, et en Campine. En 1994-1996, l’image est sensiblement la même, mais les fortes fécondités campinoises se délitent et ne concernent plus qu’une minorité de communes  [43]. L’axe Bruxelles–Arlon ressort, avec des fécondités généralement supérieures à 1,65. En 1999-2003, l’image générale est un contraste Wallonie–Flandre, où les plus fortes fécondités sont dans le sud du pays  [44]. Seules quelques communes du nord ressortent encore, comme Anvers, Malines et quelques communes de l’extrême ouest de la Flandre. En Wallonie, l’axe Bruxelles–Arlon ressort encore.

112 On est donc passé, en quarante ans, d’une sur-fécondité flamande, liée à la laïcisation et au contrôle des naissances plus précoce en Wallonie, à une sur-fécondité wallonne, le contrôle des naissances en Flandre ayant conduit à une réduction plus profonde de la fécondité.

113

Carte 12. Nombre moyen d’enfants par femme (2007-2009)

Figure 41

Carte 12. Nombre moyen d’enfants par femme (2007-2009)

Source : SPF Économie, Direction générale Statistique et information économique.

114 La carte 12 ne montre guère de cohérence spatiale. Tout au plus la Campine et le sud du Limbourg présentent-ils des fécondités généralement basses, comme le littoral, en opposition avec l’Ardenne centrale et quelques villes flamandes comme Anvers, Malines et Saint-Nicolas. L’absence de contraste Wallonie–Flandre ne doit pas surprendre, puisque nous avions déjà observé plus haut que les moyennes convergeaient fortement ces dernières années. L’élément étonnant est la rapidité de la disparition de cette dichotomie régionale, qui contraste avec sa stabilité séculaire jusqu’en 1960. On peut imaginer que les facteurs culturels sont maintenant beaucoup moins importants que par le passé, la population belge achevant de se déchristianiser et de se laïciser. À l’opposé, dans un contexte où la fécondité est presque parfaitement contrôlée, on conçoit que les fluctuations des opportunités locales d’emploi, parfois brutales (fermetures d’entreprises), peuvent retentir sur le désir d’enfants, un minimum d’assurance concernant l’emploi et les revenus pouvant apparaître nécessaire avant d’envisager une nouvelle naissance. Dans un tel contexte, la situation ne se dirige pas nécessairement vers l’homogénéité des comportements (la différence entre les extrêmes, qui s’était réduite de 1,5 en 1980-1982 à 1,1 en 1994-1996, est remontée ensuite à 1,6 en 1999-2003 et à 2,0 en 2007-2009), mais vers des logiques locales autonomes et disparates.

115 Jusqu’ici, nous avons parlé des principaux contrastes inter-régionaux et intra-régionaux, mais n’avons pas parlé de la Région de Bruxelles-Capitale. La raison en est simple : l’image est immuable, opposant le nord-ouest, de Forest à Schaerbeek, au sud-est, d’Uccle à Woluwe-Saint-Lambert. Le nord-ouest, moitié pauvre de Bruxelles, avec une forte présence issue de l’immigration, présente des fécondités élevées ; le sud-est, nanti, des fécondités faibles. Les autres grandes villes présentent généralement des territoires trop grands, hétérogènes, pour mettre en évidence l’effet de ce contraste de niveau socio-économique.

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Tableau 3. Paramètres de la fécondité (2007-2009) par type d’espace et par quintile de revenu (2009)

Figure 42

Tableau 3. Paramètres de la fécondité (2007-2009) par type d’espace et par quintile de revenu (2009)

Source : SPF Économie, Direction générale Statistique et information économique.

117 Le tableau 3 montre que les agglomérations sont le type d’espace caractérisé par la fécondité la plus élevée, même si cette catégorie n’est pas homogène. On voit d’ailleurs sur le graphique 5 que la fécondité en Région de Bruxelles-Capitale flirte avec le niveau de remplacement (2,1) depuis 2006. Le littoral présente les plus faibles valeurs (Tableau 3), ce qui contraste avec l’Ardenne touristique, dont la moyenne est proche de celle des agglomérations, même si, ici aussi, la situation est hétérogène. En ce qui concerne les revenus, on observe une fécondité proche du niveau de remplacement, 2 enfants par femme, dans le quintile le plus pauvre, alors que les quatre autres quintiles présentent un niveau plus faible (1,7 à 1,8).

L’âge moyen à la maternité

118 L’âge moyen à la maternité a diminué de 1930 à 1960, ce qui traduisait l’abandon progressif du mariage tardif comme moyen de réduction de la descendance, la fécondité intra-maritale étant assez bien contrôlée dès les années 1930. Depuis son minimum historique de 1976, l’âge à la maternité augmente en Belgique (de 26,1 ans en 1976 à 29,1 en 2009), comme en Europe occidentale et septentrionale, le mouvement étant plus tardif à l’est et au sud du continent  [45]. Ce phénomène s’explique par le prolongement des études, la difficulté croissante de trouver un emploi stable et une moins grande durabilité des unions, dans un contexte de contrôle des naissances.

119

Graphique 6. Fécondité précoce ou tardive : taux de fécondité par classe d’âge des classes extrêmes d’âge moyen à la maternité (2007-2009)

Figure 43

Graphique 6. Fécondité précoce ou tardive : taux de fécondité par classe d’âge des classes extrêmes d’âge moyen à la maternité (2007-2009)

Source : SPF Économie, Direction générale Statistique et information économique.

120 La différence entre les communes extrêmes (Carte 13) dépasse légèrement les cinq ans : de 27,3 (à Messines) à 32,4 (à Woluwe-Saint-Pierre). Contrairement au nombre d’enfants par femme, nous obtenons ici une image très cohérente. Les âges moyens à la maternité supérieurs à 30 ans se rencontrent essentiellement dans une large zone du centre du pays, autour des trois pôles Bruxelles, Louvain et Louvain-la-Neuve, interrompue par l’axe du canal traversant Bruxelles. Cette zone correspond à celle des plus hauts niveaux socio-économiques, selon la carte multicritère de P. Marissal pour la situation de 2001  [46]. C’est moins net sur la carte des revenus, qui tient mal compte des revenus immobiliers et du capital. La carte de P. Marissal montre un prolongement des hauts niveaux socio-économiques vers le sud-est jusque Namur, capitale de la Wallonie, et les communes immédiatement au sud. Cette carte nous fait découvrir que ce prolongement existe ici aussi. Les villes universitaires de Louvain-la-Neuve et Louvain polarisent le même genre de personnes, à une plus petite échelle. La durée des études est un des facteurs de cette fécondité tardive, les études étant généralement plus longues dans les milieux favorisés.

121 La fécondité tardive caractérise aussi des petits groupes de communes de banlieue aisée comme à l’est et au sud d’Anvers (Schilde, Edegem, etc.), au sud de Gand (Laethem-Saint-Martin, De Pinte), au sud de Liège (Chaudfontaine, Nandrin, etc.) et de Charleroi (Gerpinnes, Ham-sur-Heure). Toutes ces communes se caractérisent aussi par des hauts niveaux de diplôme. D’après S. Gadeyne  [47], cette fécondité tardive essentiellement concentrée dans le centre du pays existait déjà en 1989-1991. Comme S. Gadeyne travaille au niveau des arrondissements, les autres communes que nous avons relevées n’ont pas été mises en évidence. Le tableau 3 montre bien l’augmentation de l’âge moyen à la maternité en parallèle avec celle des revenus.

122 D’autres observations peuvent être faites sur la carte. La fécondité légèrement plus tardive des environs d’Arlon répond à la logique précédente et résulte de la migration dans cet espace de travailleurs qualifiés occupés au Grand-Duché, où l’explosion des offres d’emploi, liées à l’Union européenne, a provoqué un déficit de logements et une augmentation des prix de l’immobilier. Par ailleurs, les cantons de l’Est, germanophones, présentent une fécondité plus tardive. Enfin, les fécondités les plus précoces se présentent le long de la frontière française, ce qui correspond à des zones de faibles revenus.

Carte 13. Âge moyen à la maternité (2007-2009)

Figure 32b

Carte 13. Âge moyen à la maternité (2007-2009)

Source : SPF Économie, Direction générale Statistique et information économique.

La dispersion des âges à la maternité

123 La dispersion des âges à la maternité se calcule comme un écart-type et s’exprime en années. Plus la dispersion est faible, plus la fécondité est concentrée autour de l’âge moyen ; plus elle est forte, plus la fécondité s’étale sur les âges féconds (Graphique 7).

124 Dans un contexte de fécondité contrôlée, les couples peuvent décider d’avoir plusieurs enfants d’affilée une fois qu’ils sont prêts à en avoir, ou au contraire espacer les naissances. Ces choix ont des conséquences évidentes sur la vie familiale : élever deux ou trois enfants qui grandissent en même temps n’est pas la même chose que recommencer à pouponner quand un ou plusieurs aînés sont déjà grands. L’indicateur démographique dont nous parlons est évidemment calculé au niveau des populations, communales ici, et pas des couples. Pour que la dispersion soit faible, il ne suffit donc pas que les couples regroupent leurs naissances, mais qu’ils le fassent vers le même âge. La dispersion peut être forte

125 au niveau des populations soit parce que les couples espacent les naissances, volontairement ou suite aux aléas de la vie (recomposition de couples, par exemple), soit parce que la population est hétérogène et mélange des couples à fécondité précoce à d’autres à fécondité tardive. Cet indicateur est rarement cartographié. Il l’a été pour la première fois pour la Belgique par H. Damas et ses collaborateurs en 1988, mais au niveau des arrondissements  [48].

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Carte 14. Dispersion des âges à la maternité (2007-2009)

Figure 46

Carte 14. Dispersion des âges à la maternité (2007-2009)

Source : SPF Économie, Direction générale Statistique et information économique.

127 Même si les valeurs sont relativement peu différentes – de 3,9 (à De Pinte, dans la banlieue sud de Gand) à 6,8 (à Saint-Gilles) –, l’image spatiale qui se dégage est parfaitement cohérente. Il y a d’abord une très nette dichotomie Wallonie–Flandre : presque toutes les communes des deux classes les plus faibles sont en Flandre, particulièrement dans les banlieues. Le contraste est particulièrement net le long de la frontière linguistique. Par ailleurs, les fécondités étalées sont surtout un fait urbain : presque toutes les communes de la classe la plus haute sont urbaines. Ceci s’explique à la fois par l’hétérogénéité des populations urbaines (origines et statuts sociaux) et par l’importance en ville des personnes célibataires, séparées, divorcées et veuves, et des couples recomposés, ainsi que du chômage. Les histoires de vie complexes ne sont pas propices à une fécondité concentrée : les naissances s’insèrent en fonction des opportunités de la vie. On remarquera que le littoral, qui présente aussi une forte proportion de personnes seules parmi celles d’âge fécond, se distingue par des dispersions moyennes, qui tranchent sur les valeurs généralement plus faibles de la Flandre intérieure. Le contraste souvent net entre les agglomérations denses et les banlieues correspond à une double opposition, concernant la stabilité plus ou moins grande de la situation conjugale, d’une part, et professionnelle et financière, d’autre part.

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Graphique 7. Fécondité concentrée ou étalée : taux de fécondité par classe d’âge des classes extrêmes de l’écart-type de l’âge à la maternité (2007-2009)

Figure 47

Graphique 7. Fécondité concentrée ou étalée : taux de fécondité par classe d’âge des classes extrêmes de l’écart-type de l’âge à la maternité (2007-2009)

Source : SPF Économie, Direction générale Statistique et information économique.

Les naissances et le mariage

129 L’augmentation de l’âge moyen à la maternité fait partie d’un ensemble de phénomènes (comme la diminution de la nuptialité, l’augmentation des divorces et de la cohabitation hors mariage, et le développement de la fécondité hors mariage) qui constitue ce que R. Lesthaeghe et D. van de Kaa ont appelé la seconde transition démographique  [49]. Celle-ci, rendue possible par le contrôle de la fécondité, résulte de changements sociologiques, notamment en ce qui concerne les valeurs. Les étapes en ont été très bien décrites pour les pays scandinaves, précurseurs du phénomène  [50].

130 En 1980, les naissances hors du mariage ne représentaient en Belgique que 4 % du total des naissances, ce qui ne justifiait pas une étude de la géographie du phénomène. Cette proportion est passée à 26 % en 2000 et à 45 % en 2007-2009.

131 Les variations de la part des naissances au sein du mariage (Carte 15) sont fortes, puisque la proportion va de 20 % à pas moins de 78 %. On observe un net contraste de part et d’autre de la frontière linguistique, les proportions étant plus fortes en Flandre. Mais les deux grandes régions ne sont pas monolithiques. En Flandre, la proportion de naissances au sein du mariage n’est généralement supérieure à 58 % dans des parties étendues qu’à l’ouest (partie intérieure de la Flandre occidentale, débordant sur quelques communes de Flandre orientale) et à l’est (Limbourg, sauf quelques communes au sud). La majorité des communes du littoral présentent des valeurs réellement basses (c’est la valeur la plus basse des types d’espace de la carte 2). En Wallonie, si la proportion est généralement inférieure à 44 %, ce n’est pas le cas du Brabant wallon, ni des cantons de l’Est ni

132 du sud-est du pays, les deux dernières régions pouvant présenter des valeurs très élevées (jusqu’à 78 % à Burg-Reuland et 76 % à Fauvillers). L’image n’est pas très différente des trois régions périphériques, refuges du catholicisme, où la fécondité était forte au début des années 1980.

133

Carte 15. Naissances au sein du mariage (2007-2009)

Figure 48

Carte 15. Naissances au sein du mariage (2007-2009)

Source : SPF Économie, Direction générale Statistique et information économique.

134 Ces observations sont cohérentes avec une plus forte proportion, en 2001, de couples non mariés avec enfants et de ménages monoparentaux (généralement la femme et un ou plusieurs enfants) en Wallonie, particulièrement dans l’axe industriel  [51]. Par contre, la cohabitation hors mariage sans naissance devient plus importante en Flandre, particulièrement dans sa partie centrale, où il y a aussi moins de naissances dans le mariage, qu’en Wallonie  [52]. R. Lesthaeghe et K. Neels défendent l’idée que les diffusions de la première et de la seconde transition démographiques ont suivi à peu près le même canevas spatial  [53]. La première transition toucha d’abord le sud de la Wallonie et Liège, puis l’axe industriel wallon et Bruxelles ; en Flandre, la diffusion commença par l’axe Bruxelles–Anvers, puis vers l’est et la côte, enfin vers l’ouest et la Campine. La seconde transition commença au contraire par la moitié nord de la Wallonie, puis diffusa vers le sud ; en Flandre, le phénomène commença comme pour la première par l’axe Bruxelles–Anvers, et l’est et l’ouest constituent les dernières étapes de la diffusion.

135 La proportion de naissances au sein du mariage est plus forte dans les grandes villes : Anvers, Malines et Bruxelles ressortent nettement et c’est le type d’espace « agglomérations » qui présente les plus fortes valeurs. Cela est paradoxal, étant donné la position de leader des agglomérations en ce qui concerne la seconde transition. En 2000 d’ailleurs, cette plus forte proportion dans les grandes villes n’était pas visible ; au contraire, l’axe wallon, en dehors de la région namuroise, ressortait plutôt avec des fortes proportions de naissances hors mariage, tandis que Bruxelles, Anvers et Gand allaient légèrement dans ce sens  [54]. Le phénomène, dont l’apparition est donc toute nouvelle, peut être rapproché de la forte concentration urbaine des populations issues de l’immigration marocaine et turque, attachées aux valeurs familiales traditionnelles, entre autres au modèle du mariage et de la fécondité précoces. En 2001, la proportion de femmes mariées de 20 à 24 ans (parmi les femmes de cet âge) était déjà élevée dans les communes à forte présence de populations issues de cette immigration  [55] et l’on peut envisager que leur comportement soit devenu plus apparent dans un contexte d’effondrement des naissances dans le mariage. Néanmoins, les choses ne sont pas si simples : les communes urbaines qui ressortent sont loin de refléter clairement la répartition des populations issues de cette immigration, des communes huppées ressortant également (comme Woluwe-Saint-Lambert, Woluwe-Saint-Pierre et Crainhem). Une autre hypothèse est que cette forte proportion de naissances dans le mariage, apparue après 2001, soit le fait de la population européenne ou issue d’autres pays développés, dont l’immigration s’est développée spectaculairement dans les grandes villes après 2000.

136 Autre paradoxe, les agglomérations sont caractérisées par une faible proportion de mariés (cf. infra). Néanmoins, dans le cas de Bruxelles au moins (Graphique 13), cette faiblesse ne commence à se manifester qu’après 30 ans, l’écart étant le plus important vers 60 ans ; la proportion de mariés est plus forte que dans le reste du pays de 18 à 30 ans, période pendant laquelle une partie importante de la fécondité est réalisée.

3.2.2. La mortalité

L’intensité de la mortalité

137 L’espérance de vie, c’est-à-dire l’âge moyen au décès selon les conditions du moment, était en 2010 de 77,4 ans pour les hommes et de 82,6 ans pour les femmes en Belgique. Au début des années 1980 (moyenne 1980-1982), elle était respectivement de 70,0 ans et de 76,8 ans. Le progrès réalisé en une trentaine d’années est donc considérable : 7,4 ans pour les hommes et 5,8 ans pour les femmes.

138 L’espérance de vie est sensiblement meilleure pour les femmes. Même si les années de vie gagnées par les hommes au cours de cette période dépassent celles des femmes, l’écart demeure important : 5,2 ans en 2010, contre 6,8 ans au début des années 1980. En revanche, la géographie de la mortalité des deux sexes est fort semblable : les deux cartes de la situation en 1980-1982 publiées dans le précédent Courrier hebdomadaire se ressemblaient fortement (légendes exceptées)  [56], et une partie des différences tenait à des aléas. Comme dans les atlas liés aux recensements de 1991 et 2001, nous avons donc décidé de réaliser pour la présente étude une seule carte d’intensité de la mortalité, synthétisant les espérances de vie des deux sexes (Carte 16).

139 Les effectifs de décès par âge des communes étant des petits nombres, ils ne sont maintenant plus disponibles, pour des raisons de confidentialité. Nous avons donc travaillé avec les nombres totaux de décès par sexe. Pour réduire encore les aléas, comme dans notre étude précédente, nous avons réuni la mortalité de trois années : 2007, 2008 et 2009. Nous avons calculé l’indice comparatif de mortalité (ICM) sexes réunis d’une part, séparés d’autre part. Cet indice consiste à diviser le nombre de décès observés dans la commune par le nombre de décès qu’il y aurait eu, dans la même commune, si les taux de mortalité par âge avaient été identiques à ceux du pays, appelés décès attendus. Cet indice mesure donc la sur-mortalité ou la sous-mortalité locale par comparaison avec le pays. Un indice de 1,05 indique un excès de décès de 5 % ; de 0,85, un déficit de 15 %. Des tables de mortalité communales, par sexe, ont été calculées sur la base de l’hypothèse selon laquelle la mortalité locale est, à chaque âge, égale à celle du pays, affectée de l’indice comparatif de mortalité local du sexe considéré  [57]. Les espérances de vie sont alors calculées selon la méthode classique.

140 La carte 16 présente à la fois l’indice comparatif de mortalité et les espérances de vie par sexe. Elle a été construite à partir de l’indice comparatif de mortalité, sexes réunis. Pour rendre les choses plus concrètes, nous avons calculé pour chaque classe les moyennes des espérances de vie masculine d’une part, féminine d’autre part, l’espérance de vie sexes réunis n’ayant pas beaucoup de signification. Les espérances de vie par sexe étant évidemment calculées à partir des décès par sexe, il n’y a pas de correspondance parfaite avec l’indice comparatif de mortalité sexes réunis, d’où l’usage de moyennes. Nous reviendrons plus loin sur les variations spatiales de l’écart entre les sexes.

141

Carte 16. Indicateur comparatif de mortalité et espérance de vie féminine et masculine à la naissance (estimation, 2007-2009)

Figure 51

Carte 16. Indicateur comparatif de mortalité et espérance de vie féminine et masculine à la naissance (estimation, 2007-2009)

Source : SPF Économie, Direction générale Statistique et information économique.

142 Le contraste majeur montré par la carte 16 oppose la Wallonie et la Flandre, de façon assez nette de part et d’autre de la frontière linguistique. Dans 50 % des cas, les communes flamandes qui la longent présentent un avantage d’espérance de vie de plus d’un an sur les communes wallonnes contiguës et, dans 20 % des cas, de plus de deux ans. Cette opposition existait déjà, dans le même sens, au début des années 1980. Elle s’est mise en place entre 1910 et 1947, et s’est maintenue depuis lors, la géographie de la mortalité répondant antérieurement à d’autres facteurs  [58]. En 2010, l’espérance de vie est meilleure en Flandre qu’en Wallonie de 3 ans pour les hommes et de 1,8 ans pour les femmes. Au début des années 1980, la différence était respectivement de 2,5 ans et de 1,1 an. Loin de disparaître, ce contraste tend donc à s’accentuer.

143 La différence de mortalité entre la Wallonie et la Flandre a été rapprochée dès 1977 de la plus grande consommation de beurre en Wallonie et de margarine en Flandre, en rapport avec le surcroît de mortalité cardio-vasculaire en Wallonie  [59]. Cette seule explication a continué à être explorée jusqu’à ce que les enquêtes de santé (inaugurées en 1997 et répétées régulièrement depuis lors) aient mis en évidence d’autres différences de comportement. Comme P. Fiszman l’a fait remarquer, on a alors pu constater que les habitants de Flandre consomment plus régulièrement des fruits, des légumes et du poisson, mangent moins de frites et pratiquent plus d’exercices physiques, ce dernier point étant à rapprocher de l’utilisation traditionnelle du vélo pour les déplacements, y compris du domicile vers le travail ou l’école  [60]. La diversité de ces observations traduit une différence culturelle des comportements.

144 P. Deboosere et ses collègues ont montré, par régression logistique, que le contraste régional de santé subjective  [61] (en 2001), fortement corrélé avec l’intensité de la mortalité, subsiste après contrôle du niveau de diplôme obtenu et de la qualité du logement : le niveau socio-économique n’explique pas la meilleure espérance de vie de la Flandre  [62]. D’ailleurs, cette différence de mortalité existait déjà en 1947, alors que la Wallonie était plus prospère que la Flandre.

145 Tableau 4. Espérance de vie (2007-2009) par type d’espace et par quintile de revenu (2009)

146 Source : SPF Économie, Direction générale Statistique et information économique.

Figure 52

147 Si le niveau socio-économique n’explique pas le contraste Wallonie–Flandre, il est néanmoins un facteur important des différences d’espérance de vie. Si l’on réunit les communes en cinq classes selon le revenu médian par déclaration (Tableau 4), l’espérance de vie va de 75,4 ans pour les communes les plus pauvres à 78,2 ans pour les plus riches pour les hommes, et de 81,6 ans à 83,1 ans pour les femmes. Le contraste est beaucoup moins important entre types d’espace.

148 En 2007-2009, les meilleures espérances de vie (81,6 ans pour les hommes, 86,4 ans pour les femmes) se rencontrent à Laethem-Saint-Martin, dans la banlieue chic au sud de Gand, et une des plus faibles espérances de vie (72,6 ans pour les hommes, 78,5 ans pour les femmes) à Anderlues, dans l’agglomération industrielle à l’ouest de Charleroi. Le contraste est ici de 9 ans pour les hommes et de 8 ans pour les femmes. La carte 16 montre bien le contraste entre les relativement faibles espérances de vie des communes plus ouvrières de la moitié nord-ouest de la Région de Bruxelles-Capitale, d’Anderlecht à Schaerbeek, et celles, plus élevées, des communes plus nanties du quadrant sud-est, d’Uccle à Woluwe-Saint-Lambert, qui se prolonge par les très fortes espérances de vie de la banlieue sud-est, de Waterloo à Zaventem. À Anvers et à Gand également, les plus fortes espérances de vie caractérisent la banlieue chic, alors que les communes centrales présentent des valeurs très moyennes, liées à leur forte extension spatiale, qui réunit une grande diversité de statuts socio-économiques. Les communes minières limbourgeoises ont des espérances de vie moyennes, faibles dans le contexte flamand. En Wallonie, le vieil axe minier et d’industrie lourde Liège–Borinage présente les plus faibles espérances de vie. Namur fait exception à la fois au passé industriel, au faible niveau socio-économique et à la faible espérance de vie. Au sud des agglomérations, des banlieues bourgeoises peu étendues bénéficient de meilleures espérances de vie, comme Neupré près de Liège. Les communes touristiques, comme Hastière ou la vallée de la Semois, sont caractérisées par des niveaux socio-économiques très faibles et des populations précarisées, notamment dans de l’habitat permanent en camping  [63], et connaissent une faible espérance de vie.

149 Il a été plusieurs fois démontré que les espérances de vie communales sont entachées d’une incertitude de l’ordre de 1 an (plus dans les communes les moins peuplées, moins dans les plus peuplées)  [64]. Nous disposons maintenant pour la première fois de sept estimations d’espérances de vie par commune : hommes et femmes en 1980-1982, 1994-1996 et 2007-2009, ainsi que sexes réunis en 2001-2003. Deux méthodes différentes d’estimation ont été utilisées. Cette base de données permet donc pour la première fois de calculer empiriquement l’incertitude sur les données. Dans la foulée, on peut établir les communes qui connaissent une sur-mortalité ou une sous-mortalité par rapport au contexte régional, et pointer ainsi le rôle éventuel de facteurs locaux ou environnementaux. Le tableau 5 reprend les écarts significatifs.

150

Tableau 5. Communes présentant une surmortalité ou une sous-mortalité significative par rapport au contexte régional (2007-2009)

Figure 54

Tableau 5. Communes présentant une surmortalité ou une sous-mortalité significative par rapport au contexte régional (2007-2009)

Sources : SPF Économie, Direction générale Statistique et information économique ; Institut national de statistiques.

151 Cette analyse confirme le rôle du statut socio-économique, en relevant l’espérance de vie supérieure à la moyenne régionale de communes de banlieue comme Laethem-Saint-Martin près de Gand, Schilde près d’Anvers, Crainhem, Tervueren, Rhode-Saint-Genèse, Waterloo, Rixensart, Wavre, Grez-Doiceau ou Jodoigne près de Bruxelles, Oud-Heverlee près de Louvain ou Neupré près de Liège. Dans la Région de Bruxelles-Capitale, Uccle, Woluwe-Saint-Lambert et Woluwe-Saint-Pierre ressortent, mais pas Auderghem ni Watermael-Boisfort. À l’opposé, Bruxelles, Molenbeek et Saint-Gilles présentent des espérances de vie significativement plus basses que la moyenne régionale. Des communes des agglomérations industrielles hainuyères présentent aussi des espérances de vie significativement plus basses, comme Quiévrain, Dour et Anderlues. Les différentes communes citées ici font généralement partie d’ensembles plus larges, à la fois sur le plan des revenus et des espérances de vie, mais elles se détachent généralement par des espérances de vie nettement plus différentes de la moyenne régionale que leurs voisines. Peut-être y a-t-il des facteurs locaux, favorables ou défavorables, qui amplifient l’effet des niveaux socio-économiques et qui restent à identifier.

152 Par ailleurs, cette analyse fait aussi ressortir des communes dont le statut socio-économique n’explique pas l’espérance de vie particulièrement forte ou faible. Des facteurs environnementaux locaux doivent alors être envisagés. L’identification de la cause précise d’une sur-mortalité ou d’une sous-mortalité locale et, a fortiori, la démonstration de son rôle sont des tâches très difficiles, généralement conduites par des médecins sur la base d’observations de longue durée (plusieurs dizaines d’années) et d’échantillons nombreux (plusieurs milliers de personnes) ; on conçoit qu’elles sortent du cadre de cet article.

153 Le cas le plus spectaculaire est celui de Martelange, dont l’espérance de vie est inférieure de 6 ans à la moyenne régionale (aucun autre écart n’atteint les 4 ans). Faut-il rapprocher cette observation de l’extraordinaire concentration de stations-service (quatorze sur 1,6 kilomètre) sur le côté de la Nationale 4 situé au Grand-Duché de Luxembourg et bénéficiant d’essence, de tabac et d’alcool à prix très bas ? La littérature médicale est divisée sur l’impact des stations-service sur la mortalité, mais il semble malgré tout que le personnel des stations-service présente un risque accru de certains cancers  [65]. En Flandre, c’est principalement une région centrée sur l’Escaut et la Dendre, de Saint-Amand à Wetteren, qui présente des espérances particulièrement faibles  [66]. Les revenus y sont certes plus bas que les communes environnantes, mais elles restent dans des niveaux moyens. D’autres communes flamandes, notamment dans le Westhoek, présentent des revenus bien inférieurs mais de meilleures espérances de vie. Enfin, trois communes entre Huy et Liège, réparties de part et d’autre de la Meuse, aux revenus diversifiés, présentent curieusement une sur-mortalité surtout féminine. On notera aussi l’espérance de vie élevée à Ottignies-Louvain-la-Neuve, qui tranche pourtant sur les communes voisines par ses revenus très moyens. D’autre part, les communes germanophones d’Amel et de Saint-Vith présentent des espérances de vie élevées, sans avoir pour autant des revenus particulièrement élevés.

154 Les études prouvant un effet de la pollution sur la mortalité sont suffisamment rares pour ne pas négliger celle portant sur l’effet de la pollution du sol en cadmium par trois fonderies de zinc à Balen, Lommel et Overpelt, qui conclut à un risque de cancer du poumon accru d’un facteur 3,58  [67]. Aucune des trois communes ne présente ici de sur-mortalité significative. C’est là une illustration de la différence qui peut exister entre l’étude d’une cause de décès et celle de la mortalité générale.

La différence de mortalité entre les sexes

155 Nous avons vu plus haut que la différence d’espérance de vie entre la Flandre et la Wallonie était plus forte pour les hommes (3 ans en 2010) que pour les femmes (1,8 ans). Autrement dit, la différence d’espérance de vie entre les sexes est plus forte en Wallonie (6 ans) qu’en Flandre (4,8 ans). L’observation a souvent été faite que les contrastes spatiaux d’espérance de vie étaient plus forts pour les hommes que pour les femmes, comme si les hommes étaient plus sensibles aux facteurs environnementaux ; les conditions locales de travail jouent aussi un rôle. La différence entre les sexes est donc plus forte là où les espérances de vie sont les plus faibles. Le graphique 8 montre cette relation pour la Belgique, à travers les déciles d’espérance de vie sexes réunis. Pour le décile de plus basse espérance de vie, la différence est de 6,6 ans ; elle se réduit à 4,6 ans pour le décile opposé. Il y a 5,1 années d’espérance de vie en plus dans ce dernier décile, et la différence d’espérance de vie entre les sexes s’est réduite de 2 ans. La relation est donc forte.

156

Graphique 8. Différence d’espérance de vie entre les sexes par décile d’espérance de vie sexes réunis (2007-2009)

Figure 56

Graphique 8. Différence d’espérance de vie entre les sexes par décile d’espérance de vie sexes réunis (2007-2009)

Source : SPF Économie, Direction générale Statistique et information économique.

157 Nous avons pu vérifier qu’une partie de ce phénomène provient d’une répartition différente selon l’âge des probabilités de décès masculines et féminines d’une part, et des effectifs masculins et féminins d’autre part. Pour le premier point, les probabilités de décès masculines sont effectivement supérieures aux féminines à tous âges, mais surtout vers 20-25 ans (surmortalité accidentelle, notamment routière) et vers 60-65 ans (mortalité cardio-vasculaire et cérébro-vasculaire et cancers, liés entre autres à la plus grande consommation masculine de tabac et d’alcool)  [68]. Pour le second point, puisque l’espérance de vie des femmes est supérieure, les femmes sont largement majoritaires dans les classes les plus âgées.

158

Carte 17. Écarts significatifs d’espérance de vie entre les sexes, par rapport à la relation moyenne entre les espérances de vie des deux sexes (2007-2009)

Figure 57

Carte 17. Écarts significatifs d’espérance de vie entre les sexes, par rapport à la relation moyenne entre les espérances de vie des deux sexes (2007-2009)

Source : SPF Économie, Direction générale Statistique et information économique.

159 La carte 17 montre les écarts significatifs à cette relation générale. La diversité est forte, puisque les femmes vivent en moyenne 10,7 ans de plus que les hommes à Saint-Léger à côté d’Arlon (la moyenne est de 5,4 ans), mais 0,8 an de moins à Wasseige entre Bruxelles et Huy. La concentration des forts excédents de longévité féminine le long de la frontière française, à Liège et à Saint-Nicolas fait penser à un lien avec les revenus. Le tableau 4 montre en effet que la différence d’espérance de vie entre les sexes est en moyenne de 6,1 ans dans le quintile le plus pauvre, contre 4,9 ans dans le plus riche. La relation se marque surtout dans les trois premiers quintiles, les deux plus riches présentant des différences comparables d’espérances de vie entre sexes. Un facteur est certes l’impact des conditions de travail dans les régions d’industrie lourde, les hommes étant plus concernés par les travaux de force et malsains, mais ceci n’explique pas tout.

La différence de mortalité entre les âges

160 Dans notre étude de la mortalité en 1980-1982  [69], nous avions mis en évidence une géographie particulière de la mortalité des personnes âgées, particulièrement les femmes de 70 ans et plus, dont la mortalité était plus faible dans les grandes villes et villes régionales, ainsi qu’au littoral. Nous avons recommencé cette analyse sur les données de 1994-1996  [70], avec le même résultat. Nous avions émis l’hypothèse que cette sous-mortalité urbaine des personnes âgées serait due à la rapidité d’intervention médicale d’urgence, cruciale en cas de problèmes cardio-vasculaires ou cérébro-vasculaires, fréquents au-delà de 70 ans. Cette rapidité d’intervention était jugée primordiale par le corps médical pour la probabilité de survie et de récupération d’un état de santé satisfaisant. Notre idée est que cela doit introduire des différences spatiales de mortalité par l’inégalité spatiale de rapidité d’accès aux soins hospitaliers d’urgence.

161 Une première tentative de vérification de cette hypothèse a été faite sur les données belges de 1980-1982 à l’échelle, probablement trop grossière, des communes  [71]. L’analyse de l’indicateur comparatif de mortalité des femmes de 70 ans et plus en fonction de la distance aux hôpitaux avec service d’urgence montre une réduction de la mortalité de 7 à 10 % jusqu’à 2 kilomètres, et une augmentation de la mortalité de 6 % au-delà de 6 kilomètres, soit 13 à 16 % de différence. La même analyse, conduite sur les données de 2001-2003  [72], montre une sous-mortalité urbaine des plus de 75 ans des deux sexes. Le calcul des indices comparatifs de mortalité à ces âges sur les données par secteurs statistiques groupés par classes de distance aux hôpitaux montre bien une augmentation de la mortalité avec la distance, mais avec des variations sensiblement plus faibles (moins de 4 % de différence) que celles qui avaient été mises en évidence au niveau des communes vingt ans plus tôt. Les traitements et le suivi des personnes à risque se sont considérablement améliorés. Des tests statistiques montrent toutefois que, si la plus faible mortalité âgée en milieu urbain dense est toujours vraie (même si atténuée), une fois cet effet fixé, il n’y a plus de différence significative selon la distance aux hôpitaux. Comme les décès par âge par commune ne sont maintenant plus disponibles, nous n’avons pu actualiser cette analyse.

162 T. Eggerickx et J.-P. Sanderson ont comparé les probabilités de décès par (classe d’)âge de groupes de communes issus d’une typologie, basée à la fois sur des critères socio-économiques, environnementaux et démographiques, dont l’espérance de vie et diverses causes de décès  [73]. La plupart des types présentent une sur-mortalité ou une sous-mortalité à tous les âges par rapport à la moyenne nationale. Pour 2000-2004, seul un type montre une sous-mortalité après 70 ans, contrastant avec une sur-mortalité de 30 à 70 ans : c’est un type urbain, qui réunit la Région de Bruxelles-Capitale, Anvers, Gand, Ostende, Namur, Tournai, Huy, Verviers et quelques autres communes, mais pas les agglomérations wallonnes d’industrie lourde ancienne, celles-ci présentant des sur-mortalités à tous âges.

163 Notre analyse des taux de mortalité par âge des communes en 2001-2003 montre aussi, pour la première fois, une géographie particulière de la mortalité des 15-30 ans ; la principale cause de décès à cet âge est violente (accidents, suicides, coups et blessures, etc.). On constate que cette mortalité est plus forte en milieu rural, moyenne dans la ville dense et faible dans les tissus urbanisés de façon discontinue. Les accidents de circulation jouent un rôle important et pourraient expliquer ces différences, la vitesse de circulation étant plus forte dans les milieux ruraux. Faute de données de décès par âge, nous n’avons pas pu vérifier le maintien de cette observation. Mais l’étude de T. Eggerickx et de J.-P. Sanderson confirme cette observation, le type urbain déjà mentionné présentant une mortalité plus faible que la moyenne nationale entre 15 et 30 ans, qui contraste avec les groupes d’âge encadrant, caractérisés par une sur-mortalité par rapport à la moyenne nationale. Trois types montrent en 2000-2004 une mortalité plus forte à ces âges  [74] : un type de banlieue et des communes rurales non touristiques wallonnes et flamandes. Les différences méthodologiques (comparaison à la moyenne nationale ici, élimination de l’intensité générale de la mortalité, tous âges confondus, chez nous) nous empêchent d’approfondir la comparaison. L’analyse de la mortalité par accidents de circulation en 1991-1995  [75] conclut aussi à la plus faible mortalité urbaine et à la plus forte mortalité rurale.

3.2.3. L’accroissement naturel

164 Le taux d’accroissement naturel, calculé en rapportant la différence entre les naissances et les décès à la population totale, dépend à la fois des comportements (fécondité et mortalité par âge) et de la structure par âge : les mêmes taux de mortalité et de fécondité peuvent produire des taux d’accroissement naturel très différents, selon que la population compte une part plus ou moins importante de personnes âgées et de femmes en âge de procréer.

165 Pour mesurer l’influence respective des comportements et de la structure par âge sur le taux d’accroissement naturel, nous avons tout d’abord calculé pour chaque commune le nombre de naissances et de décès attendus, sur la base des effectifs locaux par âge et sexe et des taux de mortalité et de fécondité de la Belgique. La différence entre ces naissances et ces décès attendus a ensuite été rapportée à la population locale, de manière à obtenir un taux d’accroissement potentiel, fonction des structures locales et des taux par âge nationaux. En soustrayant de ce taux d’accroissement potentiel le taux d’accroissement national, nous avons obtenu une mesure du seul impact des structures par âge locales. Enfin, nous avons calculé l’impact des comportements locaux sur les taux d’accroissement, qui correspond à la différence entre les taux d’accroissement naturel locaux observés et potentiels. Les cartes correspondantes ne sont pas présentées ici, mais ont alimenté nos analyses et commentaires.

166 La carte 18 paraît bien terne en comparaison de celle relative à l’accroissement migratoire, réalisée avec les mêmes limites de classes : non seulement la moyenne de la distribution est plus faible (2,1 ‰ contre 5,9 ‰), mais encore les variations moins prononcées (écart-type de 2,76 ‰ contre 4,67 ‰). Rares sont d’ailleurs les communes qui enregistrent des taux d’accroissement naturel très négatifs (13 communes avec un taux inférieur à – 5 ‰) ou très positifs (39 communes avec des taux supérieurs à + 5 ‰). Si les contrastes en la matière sont devenus faibles, leur géographie s’est également transformée.

167 Au début des années 1980, la carte faisait clairement ressortir les accroissements élevés des espaces périphériques de la Belgique : la Campine – et de manière générale le nord-est du pays – en raison des effets combinés d’une structure par âge très jeune, d’une forte fécondité et d’une faible mortalité ; et dans une moindre mesure la Flandre occidentale et le Luxembourg, où les effets d’une plus forte fécondité locale étaient partiellement compensés par une structure par âge défavorable. À l’époque, les banlieues combinaient jeunesse de leur population, fécondité et espérance de vie supérieures à la moyenne, pour produire elles aussi des accroissements naturels élevés. À l’inverse, les agglomérations, de même que les zones rurales du Hainaut occidental et de la Hesbaye, offraient des accroissements négatifs par le jeu d’une structure par âge vieillie et d’une fécondité généralement inférieure à la moyenne.

168 La carte contemporaine offre un visage bien différent. Certes, les espaces périphériques mentionnés plus haut conservent encore des taux d’accroissement positifs, mais faibles, et pour des raisons différentes d’il y a trente ans. Dans le nord-est du pays, la structure par âge encore jeune, même si elle ne l’est plus autant qu’avant, alimente la croissance naturelle alors même que la fécondité est devenue faible. Dans la province de Luxembourg, c’est également la structure par âge qui favorise la croissance naturelle, en particulier dans les communes du sud et de l’est de la province, qui sont attractives pour les actifs (cf. supra). En Flandre occidentale par contre, l’effet de structure d’âge joue en sens inverse, mais se voit compensé par une fécondité plus forte et une mortalité plus faible qu’en moyenne.

169 Le principal élément neuf a trait aux agglomérations et aux banlieues. Alors qu’elles se distinguaient par des taux d’accroissement négatifs au début des années 1980, les premières enregistrent aujourd’hui des taux positifs (3,7 ‰ en moyenne), plus élevés que dans les autres types d’espace. Une fois encore, la Région de Bruxelles-Capitale se singularise, puisqu’elle abrite les cinq communes dont le taux d’accroissement dépasse 10 ‰, ainsi que huit des dix premières communes par la croissance naturelle. Avec un taux moyen de 7,5 pour 1 000 habitants, la Région bruxelloise est traversée par une opposition franche entre les communes riches du quadrant sud-est, où les taux sont légèrement positifs, et les autres communes, en particulier celles du croissant pauvre, où les taux sont nettement plus élevés. Dans ces dernières communes se combinent les effets positifs d’une structure par âge jeune et d’une fécondité élevée. Les taux d’accroissement naturel sont également assez élevés dans les agglomérations des grandes villes flamandes, soit par le jeu de la structure d’âge (Gand), soit par celui des comportements (Anvers). En Wallonie, par contre, l’accroissement naturel des grandes villes voisine zéro, car la fécondité plus forte qu’en moyenne est compensée par une mortalité elle aussi plus forte et par des structures par âge peu favorables. Pour leur part, les banlieues n’offrent plus de taux élevés, car bien qu’elles conservent une mortalité faible, leur fécondité n’est plus supérieure à la moyenne et leur structure par âge est davantage vieillie qu’il y a trente ans.

170 Il reste enfin à souligner que l’accroissement naturel reste négatif sur le littoral et dans la vallée de la Semois, en raison d’une structure par âge défavorable, mais que ce n’est plus le cas en Hainaut occidental et en Hesbaye.

171

Carte 18. Taux d’accroissement naturel (2007-2009)

Figure 61

Carte 18. Taux d’accroissement naturel (2007-2009)

Source : SPF Économie, Direction générale Statistique et information économique.

3.3. L’accroissement total

172 L’accroissement total est la résultante des mouvements naturels et migratoires. Sans surprise eu égard à ce qui précède, ses variations contemporaines à l’échelle communale dépendent principalement des migrations : le coefficient de corrélation linéaire est sensiblement meilleur entre le taux d’accroissement total et le taux d’accroissement migratoire (+ 0,87) qu’entre le premier et le taux d’accroissement naturel (+ 0,30). Ce constat était déjà valable il a une trentaine d’années, mais de manière moins tranchée. Par contre, les niveaux moyens et la géographie de l’accroissement se sont substantiellement modifiés.

173

Carte 19. Taux d’accroissement total (2007-2009)

Figure 62

Carte 19. Taux d’accroissement total (2007-2009)

Source : SPF Économie, Direction générale Statistique et information économique.

174 Au cours des années 1980, le taux de croissance annuel moyen de la population de la Belgique était proche de 1 ‰. Aujourd’hui, il est huit fois plus élevé. En conséquence, seules une quarantaine de communes, contre 150 au cours des années 1980, ont actuellement des taux négatifs ; à l’inverse, près de 400 communes, contre 240 il y a trente ans, enregistrent des taux supérieurs à 5 ‰.

175 Sur le plan spatial, par ailleurs, la carte contemporaine est très différente de celle des années 1980 : le coefficient de corrélation entre les deux avoisine 0. Plusieurs changements retiennent l’attention.

176 Tout d’abord, les agglomérations des grandes villes sont devenues des espaces à croissance démographique soutenue, alors qu’elles perdaient des habitants au début des années 1980. Comme le montre le tableau 1, elles ont crû en moyenne entre 2007 et 2009 à un taux annuel légèrement supérieur à 1 %, une valeur qui n’est atteinte dans aucun autre type d’espace. Si le taux reste modeste à Charleroi (0,1 %), il est moyen à Liège (0,6 %), élevé à Anvers (1,2 %) ainsi qu’à Gand (1,1 %), et très élevé dans la Région de Bruxelles-Capitale (1,9 %) (cf. Carte 19). Au sein de cette dernière, les communes du centre et du quadrant nord-ouest se détachent par des accroissements supérieurs à 2 % par an, des valeurs rarement observées en Belgique depuis 50 ans. Les taux sont également élevés (supérieurs à 1 % par an) dans les autres communes, à l’exception d’Ixelles, Uccle, Watermael-Boitsfort et Woluwe-Saint-Pierre. Le « boom démographique » bruxellois  [76] existe donc bel bien, et il retentit sur l’ensemble de la Belgique. En effet, la Région de Bruxelles-Capitale a gagné 160 000 habitants entre 2000 et 2010. Si l’on ajoute à ceux-ci les 120 000 personnes perdues par le biais des migrations internes (personnes qui se sont installées pour 40 % en Région wallonne et 60 % en Flandre), l’on obtient une contribution à la croissance de la population de la Belgique de l’ordre de 280 000 habitants, soit pas loin de 40 % de la croissance totale.

177 Une autre évolution importante a trait aux zones sous influence urbaine. Alors qu’au cours des années 1980, les banlieues émergeaient comme étant de loin les espaces les plus dynamiques sur le plan démographique, elles enregistrent aujourd’hui des taux qui, tout en restant nettement positifs, sont inférieurs à la moyenne de la Belgique mais aussi à l’espace rural sous et hors influence urbaine (cf. Tableau 1). Même les autres communes denses, le littoral et les zones touristiques ardennaises voient leur population croître à un rythme plus soutenu. La commune de Lasne, en Brabant wallon, illustre bien ce changement. Au cours des années 1980, sa population augmentait de 1,5 % par an en moyenne, par le biais d’un accroissement migratoire très positif et d’un solde naturel élevé. À l’heure actuelle, elle perd chaque année 0,05 % de sa population, par le jeu d’un accroissement naturel nul et d’une émigration légèrement plus élevée que l’immigration. L’offre de logements est devenue faible dans les banlieues : les constructions nouvelles se font rares, en raison notamment des mesures prises pour limiter l’étalement urbain, et les logements existant ne se libèrent qu’à un rythme lent car les ménages qui s’y sont établis ne les quittent en général pas lors de l’émancipation de leurs enfants et n’ont pas encore atteint les âges de très forte mortalité. De surcroît, les prix de l’immobilier ont fortement augmenté, avec pour effet que seuls les ménages disposant de revenus confortables ont encore la possibilité de s’y payer un logement décent. Ce verrouillage socio-démographique des banlieues n’est pas propre à la périphérie bruxelloise : on l’observe également autour des autres agglomérations de grandes villes, tant en Wallonie qu’en Flandre.

178 Comme, dans le même temps, l’émigration urbaine se poursuit, ce blocage conduit à reporter les plus fortes croissances démographiques sur des espaces plus périphériques, en l’occurrence les zones rurales sous influence urbaine ou hors influence urbaine en Wallonie, mais aussi les autres communes denses et les petites villes en Flandre. Ainsi, à l’est de Charleroi, l’accroissement de la population est plus fort à Mettet et Fosses-la-Ville que dans les communes de Gerpinnes et Aiseau-Presles, plus proches du centre de l’agglomération et appartenant à la banlieue. De même, à l’est d’Anvers, les croissances sont plus élevées à Hoogstraten (petite ville), Riikevorsel (rural hors influence urbaine) et Lille (autre commune dense) que dans les banlieues de la métropole.

179 La carte 19 met également en lumière la singularité démographique de l’axe Bruxelles–Namur–Arlon : de la périphérie bruxelloise en Brabant wallon à la frontière grand-ducale, entre E411 et Nationale 4, on observe un continuum de taux d’accroissement positif, même à Marche-en-Famenne et à Saint-Hubert (en blanc sur la carte). Une singularité déjà présente dans les années 1980, puisqu’à l’époque les taux d’accroissement de la population étaient également partout positifs le long de cet axe, sauf à Neufchâteau et Martelange. Le rythme moyen de croissance était toutefois légèrement plus modeste, de l’ordre de 0,7 % par an (contre 0,8 % aujourd’hui), mais en même temps 4,3 fois plus élevé que celui de la Wallonie dans son ensemble (contre 30 % plus élevé actuellement). Si cet axe de croissance soutenue s’est perpétué depuis trente ans, en revanche, son organisation interne s’est modifiée. Alors que dans les années 1980, les banlieues sud-est de Bruxelles étaient de loin les plus dynamiques, actuellement sortent du lot, avec des taux de croissance supérieurs à 1 %, des communes situées au nord de Namur, en particulier la petite ville de Gembloux et les espaces ruraux voisins sous influence urbaine, ainsi que les communes les plus méridionales de l’axe, de Libramont à Arlon. Dans les deux cas, l’accroissement naturel légèrement positif est soutenu par un bilan migratoire élevé, soit par le jeu des échanges internes, soit, autour d’Arlon, via les migrations internationales. Les valeurs atteintes sont parfois surprenantes. À Léglise et à Fauvillers, sur le versant sud du plateau ardennais, à 160 kilomètres de Bruxelles, elles atteignent plus de 2 % l’an, alors que ces communes ont respectivement perdu 30 et 40 % de leur population entre 1920 et 1981. Joue ici, comme dans les communes avoisinantes, l’effet attractif du marché du travail grand-ducal.

180 Enfin, dans le contexte contemporain de croissance démographique globale, quelques communes voient malgré tout leur population diminuer, généralement par le biais d’un accroissement naturel négatif non compensé par le bilan migratoire. Elles se situent aussi bien en Wallonie (par exemple Honnelles, Doische, La-Roche-en-Ardenne) qu’en Flandre (par exemple Furnes et Alveringem dans le Westhoek, et Knokke), et ne forment pas d’ensemble géographique cohérent, si ce n’est dans la vallée de la Semois, entre Vresse et Florenville.

4. Les structures de population

181 Dans ce dernier chapitre, nous traiterons de la répartition de la population selon les quatre problématiques suivantes : âge, sexe, état-civil et taille du ménage.

4.1. La répartition de la population selon l’âge

182 Du début des années 1980 à nos jours, la structure par âge de la population de la Belgique s’est transformée en profondeur : la pyramide des âges s’est régularisée et le vieillissement de la population accentué (Graphique 9). En 1981, les générations creuses nées pendant les Première et Seconde Guerres mondiales, respectivement les 60-64 ans et les 35-44 ans  [77], sont nettement en retrait par rapport aux groupes d’âge qui les encadrent. De plus, les fluctuations de la fécondité depuis la dernière guerre se marquent avec clarté. Les effectifs élevés d’adolescents et de jeunes adultes (15-29 ans en 1981) qui résultent du baby-boom, c’est-à-dire de la hausse de la fécondité observée entre 1950 (2,3 enfants par femme) et 1964 (2,7 enfants par femme), se détachent tout autant que les effectifs plus modestes des 0-14 ans, qui proviennent de la baisse ultérieure de la fécondité, entre 1965 et 1976 (1,65 enfants par femme).

183 Trente ans plus tard, l’influence des deux grands conflits du XXe siècle n’est presque plus perceptible. Les générations creuses nées pendant la Première Guerre mondiale (90-94 ans) sont pratiquement éteintes, et celles qui ont vu le jour pendant la Seconde Guerre mondiale (65-69 ans) se distinguent faiblement par un décrochement sensible avec les 60-64 ans et des effectifs égaux aux 70-74 ans, là où par le seul jeu de la mortalité ces derniers devraient normalement être moins fournis. Par ailleurs, si les fluctuations de la fécondité observées entre 1950 et 1975 expliquent la saillie de la partie centrale de la pyramide, entre 35 et 59 ans, les faibles oscillations du nombre moyen d’enfants par femme autour d’un niveau modeste à partir de 1975 ont eu pour effet, en absence de guerres, de limiter les écarts entre les effectifs des générations successives et donc de régulariser le profil de la base de la pyramide. Nous remarquons toutefois un creux un peu plus marqué entre 5 et 14 ans, qui résulte de la faible fécondité de la fin des années 1990 et de sa légère reprise ultérieure.

184

Graphique 9. Pyramides d’âge de la Belgique (au 1er mars 1981 et au 1er janvier 2010) (en %)

Figure 66

Graphique 9. Pyramides d’âge de la Belgique (au 1er mars 1981 et au 1er janvier 2010) (en %)

Sources :SPF Économie, Direction générale Statistique et information économique ; Institut national de statistiques.

185 Le maintien de la fécondité à des niveaux modestes, entre 1,5 et 1,8 enfant par femme, depuis plus de trente ans, a eu pour effet mécanique de réduire la part des jeunes dans la population : alors que la proportion des 0-20 ans dépassait légèrement 35 % en 1981, elle n’est plus aujourd’hui que de 29 %. Dans le même temps, la proportion des personnes âgées de 60 ans et plus est passée de 18 à 23 %. Si cette augmentation compense pour partie le recul de la part des jeunes dans l’ensemble de la population, elle s’explique en outre par la réduction de la mortalité aux âges élevés. Comme le montre le tableau 6, depuis trente ans, les risques de décès au-delà de 70 ans  [78] se sont nettement réduits, d’environ 40 % entre 70 et 80 ans, d’un quart (chez les hommes) à un tiers (chez les femmes) entre 80 et 85 ans, et d’un septième (chez les hommes) à un cinquième (chez les femmes) entre 85 et 90 ans. En conséquence, la dégressivité des effectifs d’un groupe d’âge au suivant se fait de manière de plus en plus progressive aux âges élevés. Alors qu’en 1981, le groupe des 75-79 ans était d’un quart moins nombreux que celui des 70-74 ans, il ne l’est plus que d’un dixième en 2010. De même, l’effectif des 80-84 ans était réduit de 42 % en 1981 par rapport aux 75-79 ans, et il ne l’est plus que de 27 % en 2010. Au vieillissement par la base de la pyramide des âges, consécutif au maintien à un niveau modeste de la fécondité, vient donc s’ajouter un vieillissement par le sommet, provoqué par l’augmentation des probabilités de survies aux âges élevés. Il faut par ailleurs souligner que le vieillissement par le sommet va s’amplifier dans les quinze prochaines années avec l’arrivée progressive aux âges élevés des générations pleines nées pendant le baby-boom des années 1950-1965.

186

Tableau 6. Probabilité quinquennale de décès * aux âges élevés (1979-2009)

Figure 67

Tableau 6. Probabilité quinquennale de décès * aux âges élevés (1979-2009)

*La probabilité quinquennale de décès est la probabilité qu’ont les personnes au premier âge indiqué de décéder avant d’atteindre le second âge indiqué, cinq ans plus tard.
Sources :SPF Économie, Direction générale Statistique et information économique ; Institut national de statistique.

187 Si la pyramide des âges reste l’outil le plus pertinent de visualisation de la répartition de la population selon l’âge, il n’est pas adapté à une analyse à l’échelle des communes. En effet, même pour un œil exercé, il est impossible d’établir une discrimination entre de nombreuses pyramides. De manière à préserver la richesse de l’information contenue dans la matrice des structures quinquennales d’âge par commune, tout en synthétisant au mieux celle-ci, nous avons réalisé une analyse typologique, dont le principe consiste à regrouper, selon des critères statistiques précis, les communes ayant une structure par âge similaire. Au terme de l’analyse, neuf types ont été retenus. Le graphique 10 indique le profil de chaque type, en représentant l’écart en point de chaque classe quinquennale d’âge à la moyenne nationale. La carte 20, pour sa part, attribue à chaque commune le type lui correspondant.

188

Carte 20. Typologie de la structure selon les âges (1er janvier 2010)

Figure 68

Carte 20. Typologie de la structure selon les âges (1er janvier 2010)

Source : SPF Économie, Direction générale Statistique et information économique.

189 Pour effectuer la comparaison avec une situation antérieure, plutôt que de faire référence à notre précédent Courrier hebdomadaire, qui portait sur des données de 1989, nous nous sommes appuyés sur une analyse des structures communales par âge en 1991  [79], qui utilise la même méthodologie que celle retenue ici, mais en ne gardant que six types. Une brève description de la situation observée à l’époque précédera donc nos commentaires. Dans les deux cas, nous constaterons qu’à l’échelle locale, contrairement à l’échelle nationale, les migrations exercent une forte influence sur les structures d’âge.

190 En 1991, un premier type montre une structure vieillie, avec sous-représentation des moins de 45 ans et sur-représentation au-delà de 55 ans. Il caractérise les centres-villes (vieillis par les migrations d’élargissement des ménages), les régions touristiques (par immigration de retraités) et certaines parties du Hainaut (de faible fécondité).

191

Graphique 10. Types de structure d’âge : écart à la moyenne nationale en point dans les proportions représentées par chaque classe d’âge (1er janvier 2010)

Figure 69

Graphique 10. Types de structure d’âge : écart à la moyenne nationale en point dans les proportions représentées par chaque classe d’âge (1er janvier 2010)

Source : SPF Économie, Direction générale Statistique et information économique.

192 Viennent ensuite deux types représentatifs des banlieues, dont la population s’est accrue par les migrations de jeunes couples avec enfants. Ils ont en commun une sur-représentation des moins de 20 ans et des adultes entre 35 et 44 ans, alors que les jeunes adultes (20-29 ans) et les personnes âgées y sont sous-représentés. Le premier de ces deux types correspond à une banlieue ancienne, le second à une banlieue plus récente : les moins de 5 ans ne sont sur-représentés que dans le second, les âges adultes sur-représentés vont de 35 à 54 ans dans le premier et de 30 à 44 ans dans le second. Au-delà de ces âges, la sous-représentation commence donc aussi à des âges plus jeunes dans le second type.

193 Les quatrième et cinquième types s’écartent peu de la moyenne et représentent le type le plus fréquent, respectivement, en Flandre et en Wallonie. Leurs (faibles) écarts à la moyenne les opposent : sous-représentation des enfants et des retraités en Flandre, des adultes actifs en Wallonie. Le second de ces deux types, qui se trouve aussi localement en Flandre, notamment dans l’ouest de la Flandre occidentale, correspond aux espaces restés les plus ruraux de Belgique (la fécondité y est relativement élevée, les jeunes émigrent depuis longtemps et il y a une certaine attraction de retraités) et à une partie des villes du nord de la Wallonie.

194 Le dernier type est caractéristique de la Campine. Il traduit surtout la jeunesse de la population : sur-représentation jusqu’à 40 ans, et sous-représentation au-delà de 55 ans. Quelques communes éparses sont classées dans ce type, dont Louvain-la-Neuve, pour des raisons évidentes.

195 Entre 1991 et 2010, la géographie des structures par âge s’est nettement modifiée. Le type vieilli de 1991, qui caractérisait les centres-villes, les régions touristiques et certaines parties du Hainaut, a éclaté. La sous-représentation des moins de 45 ans et la sur-représentation au-delà de 50 ou 55 ans ne se retrouve plus que dans les communes du littoral (Type 9) et, dans une moindre mesure, au sein d’un ensemble qui groupe Hastière, la Semois et des communes de banlieues anciennes (Type 3). Les parties du Hainaut qui se trouvaient dans le type vieilli en 1991 ne se distinguent plus. Enfin, les grandes villes sont maintenant dans les types 1 et 2, qui sont des types jeunes. Il s’agit là d’un renversement spectaculaire.

196 Le type 1 est caractérisé par une forte sur-représentation des jeunes adultes (20-39 ans), surtout des 25-34 ans, ainsi que de leurs enfants (0-9 ans), surtout les 0-4 ans. En revanche, il montre une sous-représentation des adultes mûrs et des personnes âgées, sauf au-delà de 90 ans, ainsi que des adolescents. Ce profil caractérise donc des lieux vers lesquels se dirigent les migrations d’émancipation et d’où partent les migrations d’adultes mûrs. Il s’agit en outre d’espaces privilégiés pour la formation des unions et la mise au monde du ou des premiers enfants. Sans surprise, il concerne les parties centrales de grandes villes. Cependant, toutes les grandes villes ne relèvent pas de ce type et, plus étonnant encore, d’autres espaces s’y retrouvent associés. Outre la moitié nord de la Région de Bruxelles-Capitale, à l’exception de Berchem-Saint-Agathe, Evere et Ganshoren, figurent ici les communes de Gand et de Liège. Par ailleurs, ce profil s’observe également dans les villes universitaires (Louvain, Louvain-la-Neuve, Gembloux), ainsi que dans plusieurs communes du sud-est de la province du Luxembourg (Arlon, Bastogne, Léglise, Martelange, Neufchâteau et Vaux-sur-Sûre), un espace dont nous avons déjà souligné auparavant la singularité. C’est donc aux deux extrémités du continuum urbain–rural et au cœur des villes universitaires, dans des contextes radicalement différents, qu’apparaît cette structure d’âge originale. L’immigration de jeunes adultes, qu’elle soit nationale ou internationale, stimulée par les opportunités en matière d’enseignement, d’emploi ou de rencontres, se conjugue ici, selon des doses variables, avec d’autres phénomènes : la forte fécondité relative du croissant pauvre bruxellois mais aussi des communes du sud Luxembourg, ou encore l’importance de l’émigration des adultes mûrs.

197 Le type 2 constitue une version très atténuée du précédent : le profil d’ensemble est le même mais les sous-représentations et sur-représentations par rapport à la moyenne nationale sont nettement moins marquées. Comme son alter ego, il regroupe des lieux attractifs pour les jeunes adultes et répulsifs pour les adultes mûrs, et sa géographie est tout aussi surprenante. En effet, s’y retrouvent des communes qui appartiennent à des contextes spatiaux et socio-économiques très différents : les parties centrales de plusieurs grandes villes (Anvers, Charleroi, Genk, Malines, Mons, Namur, Saint-Nicolas, Tournai, Verviers), le quadrant sud-est de la Région bruxelloise, le Borinage mais aussi plusieurs petites villes, surtout en Wallonie (par exemple Andenne, Binche, Huy, La Louvière, Nivelles, Péruwelz), de même que des communes de banlieue (autour de Liège), d’espaces ruraux hors influence urbaine (autour d’Ypres et en Ardenne centrale), ou d’espaces touristiques ardennais.

198 En 1991, les deux types correspondant aux banlieues avaient des structures d’âge marquées par les migrations de couples avec enfants : sur-représentation des 0-19 ans et des 35-44 ans, et sous-représentation des 20-29 ans et des plus de 45 ou 55 ans selon le type. Deux types présentent un profil similaire en 2010 : les types 5 et 8. Les autres types ne se placent pas bien par rapport à ces critères, ni en adéquation ni en opposition. En 1991, le premier type banlieusard correspondait à une immigration plus ancienne que l’autre. En 2010, c’est le type 8 qui correspondrait aux banlieues anciennes et le 5 aux banlieues récentes. Un coup d’œil sur la carte montre que le type 8 correspond au nord de la Wallonie, y compris le Condroz et l’Entre-Sambre-et-Meuse, en dehors des villes, de la partie du Brabant wallon la plus proche de Bruxelles et de l’axe Bruxelles–Arlon. On veut bien imaginer que ces espaces ont fonctionné démographiquement comme banlieues des principales villes wallonnes, voire de Bruxelles, même s’ils n’en présentent pas le paysage, ni la densité : ces communes ont principalement été classées dans la catégorie « rural sous influence urbaine ». Le type 5 se rencontre surtout sur l’axe Bruxelles–Arlon, soit autour de Gembloux, Namur et Huy, soit dans le sud du pays, entre Gouvy et Musson. Nous avons vu que le dynamisme particulier de cet espace est dû aux bonnes communications et, pour le sud, à la proximité du marché du travail grand-ducal. Au nord, on peut imaginer que le développement de Namur comme capitale de la Wallonie joue un rôle positif.

199 Qu’en est-il alors des banlieues proprement dites, telles que définies sur la carte 2 de ce Courrier hebdomadaire ou dans l’analyse de 1991 ? À l’époque, le type banlieue ancienne s’étendait surtout au sud-est de Bruxelles, y compris les environs de Louvain, près de Liège, Charleroi et Mons, plus quelques rares communes près d’Anvers, Gand et Bruges. Le type banlieue récente se trouvait surtout autour de Namur, Arlon et Louvain-la-Neuve, plus quelques communes autour d’Anvers, Gand et Liège. En dehors des communes toujours classées en 2010 dans le type 5 (banlieues actives) déjà évoquées, les autres se retrouvent surtout dans les types 3 et 4, caractérisés respectivement par une sur-représentation des 10-19 ans et des plus de 45 ans, et des 5-24 ans et des plus de 40 ans. Deux critères écartent ces types des banlieues au sens précédent : il y a des sous-représentations pour les moins de 5 ou de 10 ans, et les plus de 40 ou 45 ans sont sur-représentés. Ce dernier point traduit le vieillissement du bâti et le vieillissement sur place des immigrants initiaux. Si l’on fait abstraction de ces différences, et si l’on suit nos clés de lectures précédentes, le type 4 apparaît comme une banlieue très vieillie et le 3 très très vieillie. Ces types ne se retrouvent pas que dans les anciennes banlieues, mais aussi dans les communes ardennaises les plus touristiques pour le 3 et dans le reste de l’Ardenne pour le 4.

200 En 1991, deux types s’écartaient peu de la moyenne et représentaient les types les plus fréquents respectivement en Flandre et en Wallonie : sous-représentation des enfants et des retraités en Flandre, des adultes actifs dans les parties les plus rurales de la Wallonie, mais aussi de la Flandre occidentale, ainsi que dans les villes du nord de la Wallonie. Ces extensions spatiales se retrouvent en 2010 : le type 6 couvre l’essentiel de la Flandre et le type 2 couvre à la fois les villes wallonnes, une partie de l’Ardenne et l’ouest de la Flandre occidentale. Même si ces deux types sont ceux qui ne présentent aucun écart important par rapport à la moyenne, les caractéristiques ont changé. Le type flamand est maintenant un type vieilli, où les plus de 40 ans sont sur-représentés et les moins de 40 ans sous-représentés. Le type wallon est plus complexe : sous-représentation des 35-74 ans, sur-représentation des 0-9 ans, des 20-35 ans et des plus de 75 ans. On ne s’écarte donc que d’une dizaine d’années de vieillissement du schéma « sous-représentation des adultes actifs » de 1991.

201 Le type caractéristique de la Campine en 1991 existe toujours en 2010, avec une extension comparable, mais un profil plus complexe. En dessous de 40 ans, seuls les 10-19 ans sont encore sur-représentés. Par contre, les 40-70 ans sont maintenant sur-représentés : la baisse de la fécondité a provoqué le vieillissement. Seuls les plus de 70 ans sont aujourd’hui sous-représentés.

202 De manière à apprécier plus finement les transformations de la structure par âge des grandes villes, le graphique 11 compare les pyramides d’âge de l’ensemble formé par la Région de Bruxelles-Capitale et les communes d’Anvers  [80], Gand et Liège, en 1981 et 2010.

203 À la date initiale, qui précède de dix ans celle de la première typologie communale examinée ici, on constate dans les grandes villes une sous-représentation systématique au regard de la moyenne belge jusqu’à 44 ans, sauf, de manière limitée, pour les femmes entre 20 et 29 ans et les hommes entre 25 et 29 ans. De manière symétrique, au-delà de 50 ans, les groupes d’âge sont tous proportionnellement plus nombreux que dans l’ensemble de la population belge, et ce de manière très prononcée chez les femmes. Les grandes villes d’alors offrent donc le visage d’espaces très vieillis. À l’époque (cf. supra), les migrations d’émancipation étaient davantage originaires du monde rural que des banlieues, et elles touchaient donc les villes de l’axe wallon, Gand et Bruges, mais pas Bruxelles et Anvers. En conséquence, les jeunes adultes n’étaient que modestement sur-représentés dans les grandes villes, et la saillie de la pyramide des âges entre 20 et 29 ans correspondait pour l’essentiel aux générations pleines nées pendant le baby-boom. Comme, par ailleurs, la fécondité était plus faible en milieu urbain, les enfants en bas âge étaient eux-mêmes peu nombreux. Si la migration d’émancipation vers les principales agglomérations restait faible, la migration d’élargissement du ménage vers les banlieues était en revanche déjà clairement établie, entraînant un creux marqué dans la pyramide des âges entre 30 et 44 ans et une nette sous-représentation des adolescents. Une part importante des citadins restait toutefois réfractaire à la migration vers les banlieues. Le vieillissement sur place de ce groupe « sédentaire » contribuait à grossir de manière régulière les effectifs de personnes âgées.

204
Figure 73
Graphique 11. Pyramides d’âge des grandes villes (au 1er mars 1981 et au 1er janvier 2010) : Région de Bruxelles-Capitale et communes d’Anvers (dans ses limites de 1983), de Liège et de Gand (en %)
Sources :SPF Économie, Direction générale Statistique et information économique ; Institut national de statistique.

205 Trente ans plus tard, la structure par âge des grandes villes est radicalement différente. Maintenant, en effet, tous les groupes d’âge sont sur-représentés jusqu’à 40 ans (sauf les 10-19 ans), alors qu’ils sont sous-représentés de 40 à 84 ans. Ce changement tient pour une large part à l’évolution des migrations.

206 Primo, la migration interne d’émancipation vers les villes est plus affirmée qu’elle ne l’était dans les années 1970 et elle est considérablement renforcée, depuis 2000, par l’immigration externe de jeunes adultes. Le graphique 12 montre l’ampleur de cette dernière : pour la seule année 2009, la Région de Bruxelles-Capitale  [81] a un solde de migration externe de + 4 000 personnes, tant entre 20-24 ans qu’entre 25-29 ans, qui correspond aux deux âges à un taux net d’environ 5 %, alors qu’à ces mêmes âges le solde de migration interne est respectivement de + 550 (+ 0,8 %) et – 50 (– 0,05 %).

207 Secundo, si l’émigration interne liée à l’élargissement du ménage reste forte, elle est compensée par les migrations externes. Les chiffres de la Région bruxelloise en 2009 sont à nouveau éloquents à cet égard : de 30 à 44 ans, le solde des mouvements migratoires internes est de – 4 800 personnes (– 1,8 %), et celui des mouvements migratoires externes de + 5 700 (2,2 %).

208 Tertio, la sur-représentation d’adultes en âge de procréer, combinée à une fécondité devenue supérieure à la moyenne de la Belgique, explique que les enfants de moins de 10 ans sont proportionnellement plus nombreux dans les grandes villes. Les adolescents restent en revanche sous-représentés dans les grandes villes, car la croissance de l’immigration externe de jeunes adultes n’est sensible que depuis une dizaine d’années : les générations pleines qui en sont issues entrent à peine dans le groupe d’âge des 10-14 ans.

209 Il est donc vraisemblable que dans une dizaine d’années, les adolescents eux-mêmes seront en plus grande proportion dans les villes que dans l’ensemble du pays, et ceci d’autant plus que, comme le montre le graphique 12, le taux net de migration externe est très positif à 15-19 ans (+ 3 %), en raison de l’attraction qu’exerce la Région bruxelloise sur les étudiants étrangers.

210

Graphique 12. Taux net de migrations par âge en Région de Bruxelles-Capitale (2009) (en ‰)

Figure 75

Graphique 12. Taux net de migrations par âge en Région de Bruxelles-Capitale (2009) (en ‰)

Source : Institut bruxellois de statistique et d’analyse, site Internet.

4.2. La répartition de la population selon le sexe

211 La structure de la population selon le sexe est étudiée par le rapport de féminité, c’est-à-dire le rapport du nombre de femmes à celui des hommes, qui peut être exprimé en pourcentage, ou par son inverse, le rapport de masculinité. Au 1er janvier 2010, le rapport de féminité était de 104,0 pour le pays, soit légèrement inférieur à la valeur de 1981 (104,7). Comme dans la plupart des pays occidentaux, le nombre de femmes l’emporte sur le nombre d’hommes suite à la structure d’âge vieillie et au surcroît d’espérance de vie des femmes. La réduction du rapport indique une légère tendance vers un meilleur équilibre, conséquence du rapprochement des espérances de vie des deux sexes.

212 Dès la première analyse des données de 1981, deux contrastes avaient été relevés : un contraste régional (rapport de féminité plus faible en Flandre) et une opposition des agglomérations et des villes aux communes rurales (féminité plus forte dans les premières)  [82]. Ces deux observations demeurent vraies, mais les facteurs avancés alors pour leur explication ne sont plus tous valables aujourd’hui.

213

Carte 21. Structure selon les sexes (1er janvier 2010)

Figure 76

Carte 21. Structure selon les sexes (1er janvier 2010)

Source : SPF Économie, Direction générale Statistique et information économique.

214 Il y a toujours proportionnellement plus de femmes en Wallonie (105,8) qu’en Flandre (102,8), même si le contraste s’est atténué depuis 1981 (respectivement 106,7 et 102,4). Cette différence régionale était expliquée par la structure d’âge plus vieillie de la Wallonie et par sa plus grande différence d’espérance de vie entre les sexes. Mais c’est la Flandre qui est dorénavant la plus vieillie, et la différence d’espérance de vie entre les sexes se réduit (de 6,8 ans pour la Belgique en 1980-1982 à 5,2 ans en 2010), de même que le contraste régional (de 1,8 ans de différence de plus en Wallonie en 1980-1982, à 1,2 ans en 2010). Par ailleurs, si l’écart d’espérance de vie entre les sexes est toujours plus grand en Wallonie qu’en Flandre, cela ne vaut que pour les moyennes régionales, la géographie fine de cette différence reflétant aujourd’hui plutôt celle de la pauvreté (cf. supra). Cependant, la plus grande sur-mortalité masculine ancienne en Wallonie peut encore avoir des conséquences sur les structures actuelles.

215 La carte 21 montre que l’image de la Flandre est morcelée, les rapports les plus faibles caractérisant l’ouest et l’est, et le centre affichant des valeurs plus équilibrées, proches de la moyenne nationale. La Wallonie présente aussi une image morcelée : les fortes féminités se concentrent dans l’axe du Borinage à Verviers et dans quelques communes touristiques. Le nord de la Wallonie présente des valeurs plus équilibrées, et l’Ardenne de faibles féminités. On retrouve donc les plus faibles féminités dans les trois régions belges les plus marginales, qui correspondaient par exemple aux plus fortes fécondités au début des années 1980 ou, maintenant, aux plus fortes proportions de naissances dans le mariage.

216 Cette image morcelée était déjà décrite à propos de la situation de 1981 par H. Van der Haegen, qui expliquait ces fortes masculinités par la jeunesse locale de la population  [83]. Nous avons standardisé le rapport de féminité par rapport à l’âge et cartographié cet indicateur (dans une carte non reproduite ici). L’amplitude est plus faible (de 98,8 à 110,9, contre de 92,4 à 120,7), ce qui prouve qu’une partie des contrastes spatiaux de la féminité sont dus aux variations de structure d’âge, mais les deux cartes sont très semblables, ce qui montre que ce facteur n’en explique pas la géographie : il ne fait qu’amplifier les différences. La seule explication contemporaine est donc une sur-représentation des femmes dans les migrations des régions périphériques vers le centre du pays.

217 L’examen des moyennes par type d’espace montre qu’il n’y en a que trois supérieures à la valeur nationale : les agglomérations (105,6), le littoral (105,8) et les petites villes (104,7). Les plus faibles rapports de féminité sont le fait du rural hors influence urbaine (100,6), des autres communes denses (101,1), de l’Ardenne touristique (101,4) et du rural sous influence urbaine (102,3). Des trois facteurs avancés pour expliquer la plus grande féminité des agglomérations en 1981, seul un tient encore : les agglomérations sont des destinations privilégiées par les migrations intérieures de jeunes femmes. Les deux autres facteurs sont maintenant atténués (plus grande différence d’espérance de vie entre les sexes) ou renversés (structure d’âge vieillie).

218 La carte 21 montre également que les fortes féminités urbaines ne sont plus aussi généralisées que par le passé. Anvers et Gand présentent maintenant des valeurs inférieures à la moyenne nationale. Ce n’était pas le cas en 1997, mais le phénomène s’amorçait en 2006. Dans la Région de Bruxelles-Capitale, Saint-Josse-ten-Noode, Bruxelles, Saint-Gilles, Molenbeek et Schaerbeek présentent des valeurs en dessous de la moyenne nationale. C’était déjà le cas de la seule commune de Bruxelles en 1997 et 2006. En Wallonie, si l’axe industriel ressort avec de fortes féminités, ce n’est plus le cas à Liège. H. Van der Haegen  [84] faisait déjà remarquer, à propos de la situation de 1981, que « les communes à forte concentration de travailleurs immigrés [de la Région bruxelloise] s’y distinguent par une proportion de femmes relativement plus faible ». L’immigration extérieure présentait en effet une sur-représentation masculine jusqu’au début des années 1990, mais le phénomène s’est maintenant équilibré. Il n’empêche que les communes relevées ci-dessus sont bien celles caractérisées par une forte présence d’origine marocaine ou turque.

219 Le cas du littoral s’explique surtout par une immigration sélective de femmes seules  [85]. La différence d’espérance de vie entre les sexes est aussi supérieure à la moyenne, et les structures sont vieillies.

4.3. La répartition de la population selon l’état-civil

220 Nous avons étudié la structure selon l’état-civil au 1er janvier 2010 dans la population de 20 ans et plus, la proportion de non-célibataires avant cet âge étant négligeable (1 ‰). Nous avions suivi une démarche analogue dans le précédent Courrier hebdomadaire, mais sur les 15 ans et plus, la proportion n’étant alors pas négligeable parmi les 15-19 ans. L’impact de l’âge sur l’état-civil est évident : la proportion de célibataires diminue avec l’âge au profit des mariés, puis la proportion des divorcés et finalement des veufs augmente, sans que tous les individus ne passent évidemment nécessairement par ces quatre états. En conséquence, nous avons calculé, comme dans notre étude précédente, des proportions standardisées, c’est-à-dire débarrassées de l’effet des structures d’âge.

221

Tableau 7. Structure d’état-civil (1er janvier 2010) par type d’espace et par classe de revenu (2009)

Figure 78

Tableau 7. Structure d’état-civil (1er janvier 2010) par type d’espace et par classe de revenu (2009)

Source : SPF Économie, Direction générale Statistique et information économique.
222

Carte 22. Proportion standardisée de mariés (1er janvier 2010)

Figure 79

Carte 22. Proportion standardisée de mariés (1er janvier 2010)

Source : SPF Économie, Direction générale Statistique et information économique.

223 Entre 1981 et 2008, la proportion de mariés parmi les 20 ans et plus a fortement diminué : de 71,5 à 54,9 %, ce qui traduit la sécularisation de la société et la seconde transition démographique. Entre 1991 et 2001, la proportion de cohabitantes non mariées avec enfants, parmi les femmes de 20 à 24 ans, a dépassé celle des mariées avec enfants  [86]. Deux observations majeures sautent aux yeux sur la carte de la proportion de mariés en 2010 (Carte 22) et sur le graphique de la structure d’état-civil selon l’âge et la région (Graphique 13) : la plus grande part de mariés en Flandre qu’en Wallonie, et la faible proportion dans les grandes villes, représentées sur le graphique par la Région de Bruxelles-Capitale.

224 Ces deux observations étaient déjà valables pour la situation en 1981. Le contraste Wallonie–Flandre s’est accentué, passant de 3,5 à 6,3 %. Le littoral, très urbanisé, présente maintenant des valeurs inférieures ou proches de la moyenne sur toute sa longueur, la situation étant plus hybride en 1981. Par ailleurs, la partie centrale de la Flandre présente des valeurs plus faibles que ses parties orientale et occidentale, ce qui traduit la diffusion de la seconde transition démographique. En Wallonie, les communes proches des frontières allemande et luxembourgeoise présentent des proportions élevées, ce qui n’était pas le cas 30 ans plus tôt (le phénomène apparaissait cependant déjà en 1997)  [87]. Pour les communes proches du Grand-Duché, nous avons vu que l’explication est la migration résidentielle de gens travaillant dans ce pays. Mais l’explication est moins évidente le long de la frontière allemande. Les proportions les plus faibles caractérisent l’axe industriel et les communes touristiques ardennaises. Le graphique 13 apporte une nuance importante à la faible part de mariés dans les grandes villes : à Bruxelles, le basculement entre célibataires et mariés commence brutalement à l’âge de la majorité (18 ans), alors que la transition est plus douce dans les deux autres régions. La proportion de mariés reste supérieure à Bruxelles jusqu’à 30 ans par rapport à la moyenne nationale.

225

Graphique 13. Structure d’état-civil selon l’âge et la région (1er janvier 2008)

Figure 80

Graphique 13. Structure d’état-civil selon l’âge et la région (1er janvier 2008)

Source : SPF Économie, Direction générale Statistique et information économique, site Internet.
226

Carte 23. Proportion standardisée de célibataires (1er janvier 2010)

Figure 81

Carte 23. Proportion standardisée de célibataires (1er janvier 2010)

Source : SPF Économie, Direction générale Statistique et information économique.

227 La part de célibataires de 20 ans et plus est passée de 15 à 26 % entre 1981 et 2008. C’est évidemment le pendant de l’évolution des mariés, mais cela met en évidence le changement de signification de ce statut : une part importante des célibataires pour l’état-civil sont en fait cohabitants, voire parents. On observe, en 2010 (Carte 23) comme en 1981, une présence marquée de célibataires dans les grandes villes. La forte attraction de ces espaces pour les jeunes qui s’émancipent est une première explication. Mais comme le montre le graphique 13 pour Bruxelles, le surplus de célibataires, comme le déficit de mariés, se maintient jusqu’au-delà de 70 ans : les grandes villes sont surtout caractérisées par les isolés et les ménages mono-parentaux plus que par les cohabitants non mariés  [88].

228 En dehors de cette constante, la géographie a considérablement changé : en 1981, il n’y avait pas de contraste Wallonie–Flandre, et c’étaient les régions rurales marginales, affligées d’un fort départ de jeunes adultes, surtout de jeunes femmes, qui ressortaient : Ardenne et ouest de la Flandre occidentale. Rester au pays condamnait souvent au célibat. En 2010, le contraste Wallonie–Flandre est évident (près de 3 % de célibataires en plus en Wallonie) et les trois régions périphériques présentent les valeurs les plus faibles : Flandre occidentale, sud du pays et Campine. La carte doit s’interpréter maintenant selon la forme prédominante de mise en couple : mariage ou non. Pour le sud du pays, la région caractérisée par la rareté des célibataires correspond davantage à la région d’immigration de travailleurs au Grand-Duché qu’à la région rurale et conservatrice. Ajoutons que les émigrations de jeunes adultes ne caractérisent plus les régions rurales marginales. La carte de 1997 ressemblait déjà à celle de 2010  [89].

229

Carte 24. Proportion standardisée de divorcés (1er janvier 2010)

Figure 82

Carte 24. Proportion standardisée de divorcés (1er janvier 2010)

Source : SPF Économie, Direction générale Statistique et information économique.

230 Entre 1981 et 2008, la part des divorcés parmi les 20 ans et plus est passée de moins de 3 % à plus de 10 %. Cette augmentation est une des caractéristiques de la seconde transition démographique. Trois espaces ressortent (Carte 24) : les grandes villes, le littoral et le nord de la Wallonie. Ces observations pouvaient déjà être faites en 1981 et en 1997, mais les contrastes vont croissant. Les régions touristiques, littoral et Ardenne, attirent les migrations de divorcés  [90], ce qui n’est pas le cas des grandes villes. On divorce plus dans ces dernières ; c’est aussi le cas du littoral  [91], où les deux phénomènes s’additionnent. Le graphique 13 montre que, alors que la part des divorcés culmine vers 50 ans en Flandre et en Wallonie, c’est 10 ans plus tard à Bruxelles. Entre 30 et 45 ans, la part de divorcés est plus faible à Bruxelles que dans les deux autres régions.

231

Carte 25. Proportion standardisée de veufs (1er janvier 2010)

Figure 83

Carte 25. Proportion standardisée de veufs (1er janvier 2010)

Source : SPF Économie, Direction générale Statistique et information économique.

232 La proportion de veufs parmi les 20 ans et plus a diminué entre 1981 et 2008 (de 10,6 % à 8,7 %), traduisant l’allongement de la vie et la diminution de la différence d’espérance de vie entre les hommes et les femmes. La carte 25 présente surtout un contraste Wallonie–Flandre, la géographie du veuvage, essentiellement féminin, reflétant celle de la mortalité.

233 Enfin, il existe un lien entre les états-civils et le revenu (Tableau 7) : les proportions de mariés sont plus faibles dans les bas revenus, alors que celles de célibataires, de divorcés et de veufs y sont plus fortes.

4.4. La répartition de la population selon la taille du ménage

234 Comme dans la plupart des autres pays européens, la taille moyenne du ménage se réduit en Belgique, sous la double influence de la réduction de la fécondité et de la montée de la divorcialité : 2,30 personnes par ménage en 2010, contre 2,69 en 1981.

235

Carte 26. Taille moyenne des ménages (1er janvier 2010)

Figure 84

Carte 26. Taille moyenne des ménages (1er janvier 2010)

Source : SPF Économie, Direction générale Statistique et information économique.

236 La carte 26 fait surtout apparaître la petitesse des ménages dans les agglomérations (2,13) et au littoral (2,04). La prépondérance des petits logements est une explication, mais elle ne fait que répondre à l’attrait particulier des agglomérations pour les jeunes qui s’émancipent et à leur côté répulsif pour les couples avec enfants et, pour ce qui concerne le littoral, à son attraction de couples mûrs ou âgés sans enfant et de divorcés venant seuls. Ces espaces contrastent avec les banlieues (2,45) et les milieux ruraux sous influence urbaine (2,49) ou non (2,48), qui attirent les couples avec enfants. Les autres communes denses (2,45) font jeu égal avec les banlieues, tandis que les petites villes (2,32) et les communes touristiques ardennaises (2,35) sont légèrement au-dessus de la moyenne. Le contraste entre les agglomérations et leurs banlieues est donc particulièrement net de ce point de vue.

237 En Wallonie, l’axe Bruxelles–Arlon se caractérise par des ménages plus grands, de même que les zones frontalières avec le Grand-Duché et avec l’Allemagne. L’axe Bruxelles–Arlon se caractérise par un accroissement naturel particulièrement élevé dès 1990. Favorisé par la qualité des infrastructures de transport (autoroute et train), il ne se distinguait pas démographiquement au début des années 1980. Les régions frontalières citées bénéficient d’un bilan migratoire interne et externe positif.

Conclusion

238 Le présent Courrier hebdomadaire révèle l’ampleur des mutations démographiques qui se sont produites en Belgique en un quart de siècle. L’écart entre 1980 et 2010 correspond à celui entre deux générations. La population présente en 1980 a vieilli ; beaucoup parmi les plus âgés sont morts. Une nouvelle génération a vu le jour et une nouvelle génération est devenue adulte, avec des valeurs et des idées différentes de la précédente. Le contexte social, politique et économique aussi a évolué.

239 En particulier, quatre éléments sont à pointer.

Des phénomènes nouveaux

240 L’immigration extérieure a fortement augmenté : de 0 à 7 ‰ entre 1980 et 2010, induisant une croissance de population, qui contraste avec l’évolution des pays voisins. Sur la dernière décennie, 71 % de l’accroissement de population est dû à l’immigration, majoritairement en provenance des pays européens et autres pays développés. Cette évolution est à mettre en rapport avec l’extension de l’Union européenne, qui est passée de 15 à 24 États en 2004, puis à 27 en 2007. Bruxelles, capitale de l’Union, attire des fonctionnaires, des représentations officielles et des lobbies. Ces personnes bien rémunérées immigrent avec leurs familles et contribuent au renchérissement du foncier. Si la population de la Région de Bruxelles-Capitale a augmenté de 160 000 personnes depuis 2000, c’est aussi au prix de 120 000 départs vers la périphérie lointaine (rurbanisation) et vers les agglomérations hainuyères, moins chères. On constate même que plusieurs communes bruxelloises présentent des taux de migration d’émancipation négatifs : l’attrait des villes est contrebalancé par les loyers élevés. Cette croissance de la population par immigration extérieure concerne aussi Anvers, Gand et Liège, quoique dans une moindre mesure. Ce phénomène nouveau est l’un des facteurs d’explication du changement spectaculaire de structure d’âge des agglomérations, qui passent de la structure la plus vieille à la plus jeune. L’autre facteur d’explication est la forte réduction par décès de la génération née avant 1925, qui était plutôt restée en ville que de migrer vers les banlieues.

241 Le second phénomène nouveau concerne l’évolution des valeurs : c’est la seconde transition démographique, qui se traduit par la diminution des mariés (de 72 % des plus de 20 ans en 1981 à 55 % en 2008), l’augmentation des divorcés (de 3 % à 10 %) et surtout l’explosion des naissances hors mariage (de 4 % en 1980 à 45 % en 2007-2009).

Des géographies nouvelles dans des canevas spatiaux stables

242 Les principaux canevas spatiaux relevés dans notre précédent Courrier hebdomadaire sont toujours valables. Mais les caractéristiques qui opposent ces espaces ne sont plus nécessairement les mêmes en 2010 qu’en 1980. Cette permanence des canevas à travers des caractéristiques qui évoluent est interpellante.

243 La plus célèbre des oppositions et celle entre la Wallonie et la Flandre. En 1991, nous avions relevé la plus forte mortalité wallonne, la plus grande différence d’espérance de vie entre les sexes dans cette région, induisant une plus forte présence féminine dans la population et une plus forte proportion de veufs (veuves, en l’occurrence). Nous avions aussi noté en Flandre la plus forte proportion de mariés et la plus faible proportion de divorcés. Ces observations restent vraies, sauf pour la part des sexes. Nous pouvons ajouter que cette opposition est devenue nette pour la proportion de célibataires (plus forte en Wallonie), et que la Flandre se caractérise par une plus faible dispersion des âges à la maternité et par davantage de naissances dans le mariage. La seconde transition démographique a changé la signification de la proportion de célibataires : jusque vers 1980, elle mesurait l'importance relative de ceux qui ne vivaient pas (encore) en couple ; maintenant elle mesure la part de ceux qui, même s’ils vivent en couple et ont éventuellement des enfants, ne se marient pas. L’opposition d’un plus grand attachement de la Flandre aux valeurs chrétiennes et de la Wallonie aux valeurs laïques se maintient.

244 La seconde structure oppose le centre du pays (triangle entre Anvers et l’axe industriel wallon) à ses marges (Campine, Flandre occidentale et sud du pays). En 1991, nous avions relevé la plus forte fécondité des marges, entraînant une population plus jeune. Nous avions aussi noté que la Flandre occidentale et le sud du pays étaient les dernières régions affectées par l’exode rural, sous la forme de migrations d’émancipation, augmentant le célibat et diminuant le mariage, mais que ces caractéristiques ne concernaient pas la Campine. Aujourd’hui, plus aucune de ces observations n’est vraie. L’opposition ne se retrouve plus dans la fécondité, mais c’est dans les trois régions marginales que l’on observe la plus forte proportion de naissances dans le mariage. Si ces marges ne se caractérisent plus vraiment par de l’exode rural, c’est là que la proportion de femmes est la plus faible, impliquant une sur-représentation féminine dans les migrations vers le centre. Enfin, les trois espaces marginaux sont maintenant caractérisés par l’importance des mariés et la faiblesse des divorcés et des célibataires. Nous avions expliqué l’importance de la fécondité dans ces régions par le meilleur maintien du catholicisme ; l’argument vaut aujourd’hui pour expliquer les états-civils.

245 L’opposition des types d’espace selon l’ancienneté de l’urbanisation et l’importance de l’influence urbaine demeure un canevas important de différenciation démographique.

246 Les agglomérations présentent toujours une série de caractéristiques déjà relevées dans les années 1980. Elles attirent des migrations étrangères, maintenant beaucoup plus importantes, tout en présentant un bilan migratoire intérieur négatif à tous âges, sauf à ceux des migrations d’émancipation. Les villes montrent une plus forte présence féminine, par la sur-représentation des femmes dans les migrations intérieures. Elles sont aussi caractérisées par une sur-représentation de célibataires et de divorcés, ainsi que par une sous-représentation de mariés. Elles bénéficient d’une mortalité plus basse des aînés. Les ménages y sont petits. À côté de ces permanences, la période examinée a aussi connu des renversements considérables. Par exemple, la fécondité était faible dans les villes il y a trente ans ; maintenant, c’est dans ces espaces qu’elle est la plus importante. Les villes étaient leaders en termes de fécondité hors mariage ; c’est dorénavant là que les naissances sont les plus fortes dans le mariage. Enfin, les villes comptaient parmi les types d’espace les plus vieillis, et sont désormais parmi les plus jeunes.

247 Les banlieues contrastaient avec les agglomérations par la jeunesse de leur population. Elles forment maintenant un des types les plus vieillis (après le littoral), contrastant avec des agglomérations jeunes. Si elles continuent à attirer des couples avec enfants, c’est moins que le rural sous influence urbaine : les espaces saturent.

248 Alors que la banlieue lointaine était, avec les villes, une des destinations des migrations d’émancipation issues des banlieues, le bilan des migrations d’émancipation devient négatif dans le rural sous influence urbaine, parce que la rurbanisation y est maintenant assez ancienne pour que des jeunes, arrivés comme enfants, atteignent l’âge de l’émancipation.

249 On ajoutera que le bilan des migrations tardives de couples avec enfants (parents de 40-49 ans, enfants de 15-19 ans) devient positif pour le littoral : comme les couples avec enfants sont amenés à s’installer de plus en plus loin de la ville pour accéder à la propriété à un prix supportable, lorsque la motivation à la migration apparaît tardivement, la destination est choisie, à une distance à peine supérieure, dans un cadre qui apparaît adéquat pour y passer aussi sa retraite.

Des espaces émergeants

250 À côté de ces canevas bien connus, on voit émerger d’autres structures spatiales, absentes ou discrètes dans les années 1980. La principale est l’axe Bruxelles–Arlon, qui présentait dès les années 1980, même si cela était passé inaperçu à l’époque, des taux d’accroissement presque partout positifs, supérieurs à la moyenne wallonne, et résultant de la combinaison de taux d’accroissement migratoire et naturel tous deux positifs. Trois parties peuvent être distinguées : la banlieue sud-est de Bruxelles, les environs de Namur, soutenus par son rôle de capitale de la Wallonie depuis 1986, et le sud du pays, favorisé par la proximité du marché de l’emploi de la ville de Luxembourg. La partie nord de ce dernier espace est surtout alimentée par l’immigration interne, et la partie sud par l’immigration internationale. Tout l’axe, au-delà de la banlieue bruxelloise maintenant vieillie, est caractérisé par les couples avec enfants et par des ménages plus grands que la moyenne belge.

Du rôle de redistribution des villes

251 Les villes jouaient déjà avant 1980 un rôle de redistribution de la population : dans les années 1960 et 1970, elles attiraient les migrations d’émancipation issues des marges rurales du pays et, quelques années plus tard, peuplaient les banlieues de ces mêmes personnes, sous forme de couples avec enfants. La ville prenait loin pour redistribuer près. Par la suite, dans les années 1980 et 1990, l’exode rural s’est progressivement éteint, alors que les enfants, immigrés dans les banlieues avec leurs parents, arrivaient à l’âge de s’émanciper et migraient vers la ville. Dans le même temps, les couples urbains avec enfants voulant acquérir une maison dans un environnement aéré étaient conduits à chercher de plus en plus loin de la ville ; c’est la rurbanisation. Cette fois, la ville prend près et redistribue loin. Enfin, dans les années 2000, l’intensification de l’immigration internationale, suite au rôle européen croissant de Bruxelles, a accentué la pression foncière, chassant des ménages sans beaucoup de moyens vers des campagnes lointaines ou des agglomérations moins chères. Les migrations d’émancipation viennent certes des banlieues, mais aussi des espaces ruraux sous influence urbaine. Les distances s’accentuent, tant à l’immigration qu’à l’émigration.

Notes

  • [*]
    Les auteurs sont membres de l’Institut de gestion de l’environnement et d’aménagement du territoire (IGEAT) et du Laboratoire de géographie humaine de l’Université libre de Bruxelles. Leurs remerciements vont à l’équipe DEMOS de la Direction générale Statistique et information économique du SPF Économie, PME, Classes moyennes et Énergie, qui a fourni les données sauf celles indiquées issues d'Internet ou de l'Institut national de statistiques, et à Sarah De Laet et Pablo Medina Lockhart de l’IGEAT, pour les dernières cartes.
  • [1]
    .-M. DECROLY, J.-P. GRIMMEAU, « La démographie à l’échelle locale. Une géographie de la population de la Belgique dans les années 80 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1308-1309, 1991.
  • [2]
    Cf. Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme, Migrations et populations issues de l’immigration en Belgique. Rapport statistique et démographique 2010, Bruxelles, 2011.
  • [3]
    Ibidem.
  • [4]
    Commission communautaire commune, Observatoire de la santé et du social de Bruxelles-Capitale, Tableau de bord de la santé en Région bruxelloise 2010, Bruxelles, 2010.
  • [5]
    S. LUYTEN, E. VAN HECKE, « De belgische stadsgewesten 2001 », Statistics Belgium Working Paper, n° 14, 2007.
  • [6]
    . VAN HECKE, « Actualisation de la hiérarchie urbaine en Belgique », Bulletin du Crédit communal, n° 205, 1998, p. 45-77.
  • [7]
    P. MARISSAL, in J.-P. GRIMMEAU et al., Atlas de Belgique, 6 : Population, Gand, Academia Press, [à paraître], 8.1.1.
  • [8]
    Cf. la synthèse de M. POULAIN, N. PERRIN, « The demographic characteristics of immigrant populations in Belgium », in W. HAUG, P. COMPTON, Y. COURBAGE, dir., The demographic characteristics of immigrant populations, Strasbourg, Conseil de l’Europe, 2002, p. 57-130.
  • [9]
    Pour le détail des calculs, cf. Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme, Migrations et populations issues de l’immigration en Belgique, op. cit.
  • [10]
    Les migrations externes ne doivent pas être confondues avec les migrations des seuls étrangers.
  • [11]
    Cf. Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme, Migrations et populations issues de l’immigration en Belgique, op. cit.
  • [12]
    P. DEBOOSERE, D. WILLAERT, in J.-P. GRIMMEAU et al., Atlas de Belgique, 6 : Population, op. cit., 5.3.2.
  • [13]
    Cf. T. EGGERICKX, J.-P. SANDERSON, A. BAHRI, J.-P. HERMIA, « Diversités démographiques et migrations résidentielles dans les espaces ruraux en Wallonie (Belgique) », Norois, n° 4, 2007.
  • [14]
    Cf. M. VAN CRIEKINGEN, « Que deviennent les quartiers centraux a? Bruxelles ? Des migrations sélectives au départ des quartiers bruxellois en voie de gentrification », Brussels Studies, n° 1, 2006.
  • [15]
    G. VAN HAMME, E. CASTIAU, C. VANDERMOTTEN, « Le sud-est de la province du Luxembourg. Perspectives de développement et coopérations transfrontalières (Quattropôle, Lela et Grande Région) [Namur, Conférence permanente du développement territorial] », Notes de Recherche, n° 9, 2009.
  • [16]
    H. DAMAS, M. VAN HOUTE-MINET, « Migrations internes en Belgique. Étude par sexe, âge, nationalité, état-civil », Population et familles, n° 39, 1970, p. 41-107 ; A. ROGERS, R. RAQUILLET, L. CASTRO, « Model migration schedules and their applications », Environment and Planning A, n° 10-5, 1978, p. 475-502 ; R. ANDRÉ, Les migrations par âge dans les arrondissements belges entre les recensements de 1961 et 1970, Bruxelles, Labor, 1982.
  • [17]
    Cette rareté à la première année de vie, le pic à un an et l’allure générale de la courbe sont bien connus à travers les pays développés (cf. H. DAMAS, C. WATTELAR, D. VEYS, M. POULAIN, Démographie. La Belgique en 43 arrondissements, Bruxelles, De Boeck Université, 1988 ; J.-P. GRIMMEAU, P. MARISSAL, G. VAN HAMME, « Tourisme et démographie à l’échelle locale en Belgique », Espace, Populations, Sociétés, n° 2, 2003, p. 263-275 ; P. REES et al., « Problems and solutions in the measurement of migration intensities: Australia and Britain compared », Population Studies, n° 54-2, 2000, p. 207-222).
  • [18]
    Il s’agit de maisons quatre façades, avec jardin, en accession à la propriété, et dans un environnement calme, propre et non pollué (J.-P. GRIMMEAU, A. ROMAINVILLE, in J.-P. GRIMMEAU et al., Atlas de Belgique, 6 : Population, op. cit., 5.4).
  • [19]
    Mais il peut s’agir d’une conséquence de la différence de méthodologie : analyse par génération à l’époque et estimation des mouvements par âge, en l’absence de statistiques directes.
  • [20]
    E. VAN HECKE, in J.-P. GRIMMEAU et al., Atlas de Belgique, 6 : Population, op. cit., 5.1.
  • [21]
    Cf. par exemple M. CORIJN, E. KLIJZING, Transitions to adulthood in Europe, Boston, Kluwer Academic Publishers (European Studies of Population, 10), 2001 ; L. TOULEMON, Transition to adulthood in Europe: is there convergence between countries and between men and women?, s.l., Commission européenne, 2010.
  • [22]
    La différence d’âge varie selon les sociétés (cf. par exemple E. TODD, L’invention de l’Europe, Paris, Seuil, 1990 ; M. IACOVOU, « Regional differences in the transition to adulthood », Annals of the American Academy of Political and Social Science, 2002, p. 40-69).
  • [23]
    J.-P. GRIMMEAU, A. ROMAINVILLE, in J.-P. GRIMMEAU et al., Atlas de Belgique, 6 : Population, op. cit., 5.4.
  • [24]
    Cf. la liste des pôles d’enseignement supérieur dans J.-M. HALLEUX et al., « Les navettes scolaires en Belgique : situation en 2001 et évolution 1991-2001 », Statistics Belgium Working Paper, n° 16, 2007, p. 15.
  • [25]
    La prolongation de l’obligation scolaire à 18 ans (contre 16 ans auparavant) a été instituée en 1983.
  • [26]
    E. VAN HECKE, in J.-P. GRIMMEAU et al., Atlas de Belgique, 6 : Population, op. cit., 5.1.
  • [27]
    J.-P. GRIMMEAU, « Analysis of migrations by age in Belgium 1971-1981 », Revue belge de géographie, n° 113-2, 1989, p. 45-58.
  • [28]
    H. VAN DER HAEGEN, Atlas statistique du recensement de la population et des logements 1981, Bruxelles, Institut national de statistique, 1983.
  • [29]
    J.-P. GRIMMEAU, M. VAN CRIEKINGEN, M. ROELANDTS, « Les migrations d’émancipation en Belgique », Espace, Populations, Sociétés, n° 2, 1998, p. 235-247.
  • [30]
    E. VAN HECKE, in J.-P. GRIMMEAU et al., Atlas de Belgique, 6 : Population, op. cit., 5.2.
  • [31]
    P. DEBOOSERE, D. WILLAERT, in J.-P. GRIMMEAU et al., Atlas de Belgique, 6 : Population, op. cit., 5.3.2.
  • [32]
    J.-P. GRIMMEAU, P. MARISSAL, G. VAN HAMME, « Tourisme et démographie à l’échelle locale en Belgique », op. cit.
  • [33]
    Ibidem.
  • [34]
    Gouvernement wallon, Schéma de développement de l’espace régional. Synthèse, Namur, 2000.
  • [35]
    E. VAN HECKE, M. ANTROP, S. SCHMITZ, V. VAN EETVELDE, M. SEVENANT, Atlas de Belgique, tome 2 : Paysage, monde rural et agriculture, Bruxelles, 2010, p. 42-43.
  • [36]
    J.-P. GRIMMEAU, A. ROMAINVILLE, in J.-P. GRIMMEAU et al., Atlas de Belgique, 6 : Population, op. cit., 5.4.2.
  • [37]
    Cela correspond par exemple à la carte de la descendance finale des générations nées entre 1902 et 1906 publiée dans R. COSTA, T. EGGERICKX, J.-P. SANDERSON, « Les territoires de la fécondité en Belgique au 20e siècle. Une approche longitudinale et communale », Espace, Populations, Sociétés, n° 2, 2011, p. 353-375.
  • [38]
    R. LESTHAEGHE, The decline of the Belgian fertility 1800-1970, Princeton, Princeton University Press, 1977.
  • [39]
    S. GADEYNE, in J.-P. GRIMMEAU et al., Atlas de Belgique, 6 : Population, op. cit., chapitre 3.
  • [40]
    Cette image de la forte fécondité périphérique tripartite est aussi celle des cartes des descendances finales des générations 1937-1941 et 1952-1956 publiées dans R. COSTA, T. EGGERICKX, J.-P. SANDERSON, « Les territoires de la fécondité en Belgique au 20e siècle », op. cit., p. 361.
  • [41]
    C. VANDERMOTTEN, P. MARISSAL, G. VAN HAMME, La production des espaces économiques. La formation des territoires, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 2010.
  • [42]
    B. MÉRENNE, H. VAN DER HAEGEN, E. VAN HECKE, « La Belgique. Diversité territoriale », Bulletin du Crédit communal, n° 202, 1997.
  • [43]
    S. AUJEAN, La démographie des communes belges dans les années 90, mémoire de licence inédit en Sciences sociales, Bruxelles, ULB, 1999.
  • [44]
    S. GADEYNE, in J.-P. GRIMMEAU et al., Atlas de Belgique, 6 : Population, op. cit., chapitre 3.
  • [45]
    A. AVDEEV et al., « Populations et tendances démographiques des pays européens (1980-2010) », Population, n° 66-1, 2011, p. 9-133.
  • [46]
    P. MARISSAL, in J.-P. GRIMMEAU et al., Atlas de Belgique, 6 : Population, op. cit., 8.1.1.
  • [47]
    S. GADEYNE, in J.-P. GRIMMEAU et al., Atlas de Belgique, 6 : Population, op. cit., 3.2.5.
  • [48]
    H. DAMAS, C. WATTELAR, D. VEYS, M. POULAIN, Démographie. La Belgique en 43 arrondissements, op. cit.
  • [49]
    R. LESTHAEGHE, D. VAN DE KAA, « Twee demografische transities? », in R. LESTHAEGHE, D. VAN DE KAA, dir., Bevolking, groei en krimp (mens en maatschappij), Deventer, Van Loghum Slaterus, 1986, p. 9-24.
  • [50]
    F. PRIOUX, J.-P. SARDON, « Le caractère précurseur des pays scandinaves », Revue belge de géographie, n° 4, 1998, p. 375-394.
  • [51]
    P. DEBOOSERE et al., Ménages et familles en Belgique, Bruxelles, SPF Économie, PMS, Classes moyennes et Énergie (Enquête socio-économique 2001, Monographies, 4), 2009, p. 85-91.
  • [52]
    Ibidem ; S. GADEYNE, in J.-P. GRIMMEAU et al., Atlas de Belgique, 6 : Population, op. cit., 3.3.1.
  • [53]
    R. LESTHAEGHE, K. NEELS, « From the first to the second demographic transition: an interpretation of the spatial continuity of demographic innovation in France, Belgium and Switzerland », European Journal of Population, n° 18-4, 2002, p. 225-260.
  • [54]
    S. GADEYNE, in J.-P. GRIMMEAU et al., Atlas de Belgique, 6 : Population, op. cit., 3.2.7.
  • [55]
    P. DEBOOSERE et al., Ménages et familles en Belgique, op. cit.
  • [56]
    J.-M. DECROLY, J.-P. GRIMMEAU, « La démographie à l’échelle locale. Une géographie de la population de la Belgique dans les années 80 », op. cit., p. 9 et 13.
  • [57]
    A. KOUAOUCI, N. ROBITAILLE, E. GUIMOND, « Indirect estimation of life expectancy at birth in subpopulations », Genus, n° 2, 2005, p. 35-53.
  • [58]
    J.-P. GRIMMEAU, A. ROMAINVILLE, N. BEYS, « Évolution de la géographie de la mortalité en Belgique, 1840-2002 », in Histoire de la population de la Belgique et de ses territoires [Actes de la Chaire Quételet 2005], Louvain-la-Neuve, Presses universitaires de Louvain, 2010, p. 613-626.
  • [59]
    J. V. JOOSSENS et al., « The pattern of food and mortality in Belgium », The Lancet, 1977, p. 1069-1072.
  • [60]
    P. FISZMAN, Santé et recours aux soins en Belgique : disparités sociales et spatiales, thèse de doctorat inédite, Bruxelles, ULB, 2005. Cf. aussi J.-P. GRIMMEAU et al., Atlas de Belgique, 6 : Population, op. cit., 4.2.
  • [61]
    L’enquête santé depuis 1997 et l’enquête socio-économique de 2001 ont posé la question « Comment est votre état de santé général ? », avec cinq réponses possibles allant de très bon à très mauvais (cf. par exemple P. DEBOOSERE et al., Santé et soins informels, Bruxelles, SPF Économie, PMS, Classes moyennes et Énergie (Enquête socio-économique 2001, Monographies, 1), 2006).
  • [62]
    Ibidem, p. 143-144.
  • [63]
    P. FRANCIS, « Nouvelle forme de migration vers des espaces touristiques en reconversion », Espace, Populations, Sociétés, n° 2, 1999, p. 345-352.
  • [64]
    Par exemple J. DUCHÊNE, E. THILTGÈS, « La mortalité des plus de 15 ans en Belgique : les disparités régionales en 1985-87 », Espace, Populations, Sociétés, 1993, p. 61-74.
  • [65]
    Par exemple S. LAGORIO et al., « Mortality of filling station attendants », Scandinavian Journal of Work, Environment & Health, n° 20-5, 1994, p. 331-338 ; R. SANTOS-MELLO, B. CAVALCANTE, « Cytogenetic studies on gas station attendants », Mutation Research, n° 280-4, 1992, p. 285-290.
  • [66]
    Guy Tegenbos rapporte la présence passée de plusieurs usines utilisant de l’amiante et de nombreuses usines textiles où le bruit violent conduisait les ouvrières à consommer régulièrement des antidouleurs dont la variété locale, au milieu du XXe siècle, les poudres du Docteur Mann, étaient particulièrement toxiques pour les reins (De Standaard, 2 septembre 2002).
  • [67]
    T. NAWROT et al., « Environmental exposure to cadmium and risk of cancer: a prospective population-based study », Lancet Oncology, n° 7-2, 2006, p. 99-101.
  • [68]
    La réduction des différences de comportement entre les sexes en matière de consommation de tabac et d’alcool est un des facteurs de la réduction de l’écart d’espérance de vie entre les sexes (cf. F. MESLÉ, « Espérance de vie : un avantage féminin menacé ? », Population et société, n° 402, 2004).
  • [69]
    J.-M. DECROLY, J.-P. GRIMMEAU, « Variations intercommunales de la mortalité par âge en Belgique », Espace, Populations, Sociétés, n° 1, 1991, p. 75-83. Les principaux résultats sont repris dans J.-M. DECROLY, J.-P. GRIMMEAU, « La démographie à l’échelle locale. Une géographie de la population de la Belgique dans les années 80 », op. cit.
  • [70]
    S. AUJEAN, La démographie des communes belges dans les années 90, op. cit.
  • [71]
    J.-P. GRIMMEAU, J.-M. DECROLY, « Les spécificités urbaines des comportements démographiques en Europe », in T. EGGERICKX et al., Populations et défis urbains, Bruxelles/Paris, Académia Bruylant/L’Harmattan, 2003, p. 535-559.
  • [72]
    Étude inédite.
  • [73]
    T. EGGERICKX, J.-P. SANDERON, « Les inégalités spatiales de mortalité en Belgique : 1980-2005 », Démographie et santé, 2010, p. 145-161.
  • [74]
    Surmortalité plus forte ou sous-mortalité moins forte à ces âges qu’aux autres par rapport à la moyenne nationale.
  • [75]
    P. DEBOOSERE, D. WILLAERT, in J.-P. GRIMMEAU et al., Atlas de Belgique, 6 : Population, op. cit., 4.7.
  • [76]
    Cf. à ce propos P. DEBOOSERE, T. EGGERICKX, E. VAN HECKE, B. WAYENS B., « États généraux de Bruxelles. La population bruxelloise : un éclairage démographique », Brussels Studies, note de synthèse n° 3, 2009.
  • [77]
    Deux groupes d’âge sont concernés : les 35-39 ans, nés entre 1941 et 1945, et les 40-44 ans, nés entre 1936 et 1940.
  • [78]
    Nous avons pris en compte les 70-89 ans, c’est à dire quatre groupes quinquennaux d’âge qui, en 1981 comme en 2010, correspondent à des générations non affectées par la baisse temporaire des naissances au cours des deux guerres mondiales.
  • [79]
    P. MARISSAL, « Typologie des structures par âge (en Belgique) en 1991 », Revue belge de géographie, 1993, p. 74.
  • [80]
    Dans ses limites d’après les fusions de 1983.
  • [81]
    La Région de Bruxelles-Capitale n’est que partiellement représentative des évolutions observées dans l’ensemble formé par elle et les communes d’Anvers, Gand et Liège : comme nous l’avons souligné par ailleurs, son solde migratoire externe est nettement plus positif que celui des autres villes en raison de son statut de capitale de l’Union européenne.
  • [82]
    H. VAN DER HAEGEN, Atlas statistique du recensement de la population et des logements 1981, op. cit.
  • [83]
    Ibidem.
  • [84]
    Ibidem.
  • [85]
    J.-P. GRIMMEAU, P. MARISSAL, G. VAN HAMME, « Tourisme et démographie à l’échelle locale en Belgique », op. cit.
  • [86]
    P. DEBOOSERE, D. WILLAERT, in J.-P. GRIMMEAU et al., Atlas de Belgique, 6 : Population, op. cit., 7.2.3.
  • [87]
    S. AUJEAN, La démographie des communes belges dans les années 90, op. cit.
  • [88]
    P.-M. BOULANGER et al., Ménages et familles, Bruxelles, Ministère des Affaires économiques/Institut national de statistique (Recensement général de la population et des logements au 1er mars 1991, Monographies, 4), 1997, p. 138-145.
  • [89]
    S. AUJEAN, La démographie des communes belges dans les années 90, op. cit.
  • [90]
    P. DEBOOSERE, D. WILLAERT, in J.-P. GRIMMEAU et al., Atlas de Belgique, 6 : Population, op. cit., 5.3.2.
  • [91]
    S. GADEYNE, in J.-P. GRIMMEAU et al., Atlas de Belgique, 6 : Population, op. cit., 3.3.3.
Français

Résumé

Vingt ans après leur Courrier hebdomadaire consacré à la démographie des communes belges dans les années 1980, J.-P. Grimmeau et J.-M. Decroly, rejoints cette fois par I. Wertz, proposent une actualisation des diverses thématiques alors abordées. Cette nouvelle étude s’appuie sur les statistiques relatives à la seconde moitié des années 2000.
Les auteurs soulignent l’ampleur des mutations démographiques qui ont marqué la Belgique durant le dernier quart de siècle : augmentation de l’immigration extérieure, évolution des valeurs relatives au couple et à la famille, émergence d’une nouvelle géographie démographique et rôle des villes dans la répartition de la population.
L’analyse s’ouvre sur les grands traits démographiques du pays : densité de population, types d’espace, niveaux de revenu et taux de population étrangère. Les trois éléments-clés de la dynamique des populations sont ensuite abordés : mouvement migratoire, mouvement naturel (fécondité, mortalité, accroissement naturel) et accroissement total. Enfin, la répartition de la population est étudiée selon les quatre problématiques majeures : âge, sexe, état-civil et taille du ménage.
L’exposé est appuyé par une cinquantaine de cartes, graphiques et tableaux inédits.

Vingt ans après leur Courrier hebdomadaire consacré à la démographie des communes belges dans les années 1980, J.-P. Grimmeau et J.-M. Decroly, rejoints cette fois par I. Wertz, proposent une actualisation des diverses thématiques alors abordées. Cette nouvelle étude s’appuie sur les statistiques relatives à la seconde moitié des années 2000.
Les auteurs soulignent l’ampleur des mutations démographiques qui ont marqué la Belgique durant le dernier quart de siècle : augmentation de l’immigration extérieure, évolution des valeurs relatives au couple et à la famille, émergence d’une nouvelle géographie démographique et rôle des villes dans la répartition de la population.
L’analyse s’ouvre sur les grands traits démographiques du pays : densité de population, types d’espace, niveaux de revenu et taux de population étrangère. Les trois éléments-clés de la dynamique des populations sont ensuite abordés : mouvement migratoire, mouvement naturel (fécondité, mortalité, accroissement naturel) et accroissement total. Enfin, la répartition de la population est étudiée selon les quatre problématiques majeures : âge, sexe, état-civil et taille du ménage. L’exposé est appuyé par une cinquantaine de cartes, graphiques et tableaux inédits.
Mis en ligne sur Cairn.info le 12/02/2013
https://doi.org/10.3917/cris.2162.0001
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