CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1La Guerre 1914-1918 a provoqué en Belgique des morts militaires, une augmentation de la mortalité civile, une diminution des naissances, un exil à l’étranger et une diminution de l’immigration qui, tous, ont affecté l’évolution de la population. Ces phénomènes, habituels en cas de guerre, ont pris alors un caractère particulier en Belgique du fait de sa neutralité, d’un mode de conscription archaïque et d’une occupation rapide et prolongée de presque tout le territoire. Les différentes conséquences de la guerre n’ont pas affecté toutes les parties du pays de la même façon ; elles présentent des variations géographiques. Plus de cent ans après les faits, on pourrait croire que tout cela est maintenant bien connu. Il n’en est cependant rien.

2D’une part, malgré l’importance de la littérature sur la Première Guerre mondiale  [1], les études sur la géographie des conséquences démographiques de ce conflit sont rares. En ce qui concerne le cas belge, seules deux études sont à signaler. La première  [2], excellente, due à Raymond Olbrechts, date de moins de dix ans après la fin de la guerre ; elle utilise de nombreuses publications et exploite toutes les statistiques alors disponibles dans de réelles analyses, construisant des estimations et des indicateurs habiles pour essayer de séparer l’effet des différents facteurs des phénomènes observés. Les variations géographiques y sont généralement étudiées par province avec quelques commentaires par arrondissement voire par agglomération. Mais il n’y a aucune carte et les valeurs sont rarement toutes citées. La seconde étude, bien plus récente, est due à Thierry Eggerickx  [3] ; elle exploite entre autres des données annuelles inédites d’accroissement naturel, de décès et de naissances, construit une intéressante mesure de l’évolution du taux de veuvage des femmes et produit, outre de nombreux graphiques, trois cartes par arrondissement  [4]. En dehors de ces deux publications, que près de nonante ans séparent, les autres études démographiques portent généralement sur la Belgique entière, sans distinctions géographiques, rarement en abordant tous les thèmes (comme le fait cependant André Lambert  [5]), le plus souvent en s’attachant à un seul aspect, généralement la mortalité, comme Jay Winter ou Peter Scholliers et Frank Daelemans  [6]. D’autres ouvrages bien utiles traitent d’autres conséquences démographiques de la guerre, mais pas d’un point de vue démographique, comme ceux de John Horne et Alan Kramer sur les décès de civils provoqués directement par l’armée allemande  [7] ou de Michaël Amara sur l’exode vers la France, les Pays-Bas et l’Angleterre  [8].

3D’autre part, la littérature scientifique regorge d’estimations disparates de l’importance numérique des différents impacts démographiques de la Guerre 1914-1918 en Belgique. Par exemple, selon André Lambert, « il est de notoriété publique qu’il y a eu 44 016 décès de militaires belges »  [9]. Mais cet effectif est de 40 936 d’après le Bureau international du travail (BIT)  [10], de 40 367 d’après l’Annuaire statistique de la Belgique et du Congo belge, 1915-1919 [11], de 38 716 d’après Jay Winter  [12] et de 26 000 d’après Sophie De Schaepdrijver  [13]. Jean-Marc Rohrbasser relève pour la Belgique, dans un tableau comparatif des nations impliquées, d’après des sources datant de 1920 à 1935, huit effectifs différents, allant de 13 716 (un évident outsider, le nombre suivant étant à 38 172) à 53 035  [14]. Raymond Olbrechts indique que les décès militaires « ont fait l’objet, au lendemain de l’Armistice, des évaluations les plus fantaisistes » ; il cite des exemples, parus dans des articles ou des communications scientifiques, allant du même 13 716 à 267 000  [15]. Malgré l’apparente précision de presque tous ces chiffres, les choses sont donc loin d’être évidentes. Et il en va de même des autres thèmes démographiques. Ainsi, le nombre de décès civils excédentaires du fait de guerre est estimé à 23 700 par l’Annuaire statistique déjà cité  [16], à 42 000 par R. Olbrechts  [17], à 65 105 par A. Lambert  [18] et à 204 637 par J. Winter  [19]. Le déficit de naissances est estimé à 215 056 par A. Lambert  [20], à 340 000 par R. Olbrechts  [21] et à 361 000 par T. Eggerickx  [22]. Cet inventaire rapide ne prétend pas à l’exhaustivité.

4Dans la présente livraison du Courrier hebdomadaire, notre objectif est d’étudier les conséquences démographiques de la Première Guerre mondiale en Belgique et leur géographie. À la lumière des deux constats précédents, notre ambition est double. D’une part, il s’agit de cartographier l’impact de la guerre sur les différents phénomènes démographiques (naissances, décès civils et militaires, migrations intérieures et extérieures, évolution du volume de la population) et d’en comprendre les facteurs. D’autre part, de construire des estimations soigneusement justifiées et argumentées, et de les défendre par rapport aux principales propositions antérieures. Comme il s’agit d’une étude de démographie, nous nous focaliserons sur les événements relatifs à la population belge, c’est-à-dire résidant habituellement en Belgique, plutôt que sur ceux se produisant sur le territoire belge. Autrement dit, nous consacrerons plus d’attention aux décès à l’étranger de militaires, d’exilés, de prisonniers et de travailleurs forcés belges ainsi qu’aux naissances issues à l’étranger d’exilés qu’aux décès en Belgique de militaires alliés ou ennemis. L’approche démographique a aussi des conséquences quant aux sources utilisées. Elle implique de privilégier les sources statistiques (quasi) exhaustives et couvrant tout le pays, telles que les recensements ou les publications de nombres de naissances ou de décès. Les sources au niveau des individus sont utilisables seulement si elles sont (quasi) exhaustives, déjà organisées en base de données et traitables statistiquement. C’est le cas de deux sources que nous utiliserons et qui ne l’ont jamais été dans ce but précédemment. La volonté de couvrir l’ensemble des thèmes démographiques par arrondissement pour tout le pays exclut les sources archivistiques demandant relevés et encodages, pour des raisons de temps. En ce qui concerne la littérature scientifique, cette même volonté focalisera, pour les mêmes raisons, sur les publications couvrant un ou plusieurs thèmes démographiques sur l’ensemble du pays, par opposition aux monographies  [23] ou aux recherches traitant de parties du territoire à titre d’exemple ou d’échantillon  [24], et aux publications centrées sur des anecdotes  [25], quel que soit leur intérêt. Faire une synthèse des monographies locales sort du cadre de cette étude.

5Les quatre premiers chapitres seront consacrés à une analyse de l’évolution des effectifs par génération et par sexe entre les 31 décembre 1910 et 1920. Cette méthodologie permet de produire des pyramides d’âge comparant la situation de 1920, non pas à celle de 1910, mais aux effectifs attendus en 1920 sur la base des populations de 1910 (ou, pour ceux nés après 1910, des naissances de 1911 à 1920) et des évolutions nationales des effectifs de génération, ce qui n’avait jamais été fait  [26]. Dans le chapitre 1, nous examinerons les différentes sources disponibles et leurs défauts, en temps normal et en temps de guerre. Dans le chapitre 2, nous présenterons la méthode que nous utilisons, à savoir l’analyse en composantes principales. Les deux chapitres suivants seront consacrés aux principaux résultats, concernant l’exil, la déportation et la migration (Chapitre 3) et l’opposition des évolutions dans les grandes villes et dans les campagnes (Chapitre 4). Les chapitres suivants traiteront des phénomènes non ou mal mesurables à travers l’évolution des effectifs des générations, qui seront donc étudiés à partir de sources et de méthodes particulières : le déficit des naissances (Chapitre 5), la surmortalité civile (Chapitre 6) et les décès militaires (Chapitre 7). Enfin, en guise de conclusion, le chapitre 8 tentera d’établir le bilan migratoire et démographique de la guerre, qui réserve quelques surprises. Ce Courrier hebdomadaire présente 11 cartes, 9 pyramides d’âge et 20 autres graphiques, tous originaux, ainsi qu’une carte d’époque restaurée.

Carte 0

Arrondissements administratifs en 1910-1920

Carte 0. Arrondissements administratifs en 1910-1920

Arrondissements administratifs en 1910-1920

1. Sources

6Les nombres d’habitants, de décès, de naissances, d’immigrants et d’émigrants annuels sont particulièrement incertains en temps de guerre. L’évolution du nombre d’habitants, a fortiori par âge, est déjà peu fiable entre deux recensements suite aux migrations non déclarées au lieu de départ. Elle l’est encore moins pour une période qui a connu l’exode le plus important de l’histoire du pays (on parle de 600 000 exilés pendant toute la guerre, 1 000 000 lors de la pointe d’octobre 1914  [27]), dans des circonstances de panique où la préoccupation principale était de sauver sa vie et non de remplir des formalités administratives. L’évolution du nombre d’habitants selon les Annuaires statistiques [28] ne reflète pas du tout cet exode : la population officielle croît depuis la valeur du recensement de 1910 jusqu’en 1915 (285 413 habitants de plus), puis décroît mais dépasse encore de 59 483 habitants en 1920 le nombre qui sera déterminé, pour la même date  [29], par le nouveau recensement. Pour leur part, les statistiques annuelles non publiées du Mouvement de la population et de l’état-civil en Belgique racontent une autre histoire : « la population de la Belgique augmente de près de 59 000 personnes entre 1910 et 1914, en perd environ 174 000 entre 1914 et 1919 pour en regagner 92 000 entre 1919 et 1920 »  [30]. L’exil historique est toujours invisible. De plus, « la somme de la population des arrondissements aux 1er janvier  [31] 1914 et 1919 ne correspond pas aux chiffres publiés pour l’ensemble de la Belgique (…) [et] pour certains arrondissements (…) l’application de l’équation du mouvement de la population au cours des années 1914-1918 fournit des résultats ne correspondant pas aux chiffres de la population présentés au 1er janvier 1919. (…) En l’état actuel, il est impossible de déterminer sur quelle(s) base(s) a été calculé, pour ces arrondissements, le nombre d’habitants au 1er janvier 1919 »  [32].

7La Belgique a été presque entièrement occupée par l’ennemi, cas unique parmi les belligérants sur le front occidental, ce qui n’est pas sans conséquences sur les données statistiques. En exergue de l’Annuaire statistique de la Belgique et du Congo belge de 1914, on peut lire : « Les bâtiments ministériels ayant été occupés par l’autorité allemande dès le début de l’occupation et pendant toute la durée des hostilités, nombre de manuscrits n’ont pu être retrouvés lors de la réinstallation des services dans les locaux. Il a donc fallu demander à nouveau les renseignements aux divers départements, qui n’ont pas toujours pu compléter les tableaux qui leur étaient transmis ». Et l’édition 1915-1919 ajoute : « Le Service de la statistique générale n’a pas la prétention d’avoir fait œuvre complète, impossible du reste à réaliser. Il ne faut pas perdre de vue, en effet, que la Belgique a été envahie, qu’une partie de son territoire a été comprise dans la zone des opérations et qu’à partir du moment où l’occupant a essayé d’introduire la séparation administrative  [33], bien des services publics ont cessé de fonctionner ». Selon le même Annuaire statistique, il manque les décès de moins de cinq ans de 9 communes de l’arrondissement de Termonde pour 1914, et de 50  [34] communes, dont 39 de la province de Flandre occidentale pour 1918  [35]. Même si c’est le seul tableau de l’Annuaire où cette information est donnée, R. Olbrechts rapporte l’information en parlant de décès en général  [36] ; on peut se demander si les autres données démographiques sont complètes. Stefanie Van Laere  [37] cite 57 communes de Flandre occidentale dont la population manque (ou est nulle) en 1919 dans le Mouvement de la population et de l’état-civil en Belgique. L’Annuaire statistique1915-1919 donne la dernière population connue « pour les communes dont, par suite des faits de guerre, le chiffre de population n’a pu être fixé » ; selon l’année, leur somme fluctue entre 148 561 et 201 863  [38], soit 2 à 3 % de la population totale.

8L’idée de la recherche présentée dans ce Courrier hebdomadaire est d’exploiter principalement les recensements de 1910 et de 1920  [39], plus sûrs, réalisés tous les deux au 31 décembre, soit à exactement dix ans d’intervalle, ce qui permet de comparer facilement les effectifs des générations avant et après la Grande Guerre, et de le faire par arrondissement administratif et donc d’approcher la géographie des phénomènes  [40]. Les effectifs par année d’âge et par sexe ont été publiés dans le troisième tome de ces recensements, dans la septième (en 1910) ou sixième (en 1920) partie (« Répartition des habitants (population de droit) d’après l’état-civil et le degré d’instruction comparés à l’âge »)  [41]. Pour les générations de moins de 10 ans en 1920, nous avons comparé leurs effectifs à ceux des naissances de 1911 à 1920. Ces données, par sexe et par arrondissement, ont été publiées dans le Mouvement de la population et de l’état-civil en Belgique pour les années 1911 à 1920 [42], qui donne aussi les nombres annuels de décès pour la même période.

9Plusieurs auteurs se sont demandé si ces dernières statistiques comprennent les décès militaires. C’est peu probable : les décès militaires sont du ressort de l’armée et l’incertitude sur leur nombre total indique bien que l’enregistrement de ces décès est difficile. Néanmoins, R. Olbrechts pense qu’un enregistrement partiel est possible  [43]. Le chiffre de décès masculins de 1914 à 1918 « peut (…) comprendre, au plus, 12 000 à 13 000 décès survenus dans l’armée »  [44]. Pour A. Lambert, il est clair que ces statistiques ne comprennent pas les décès militaires  [45]. Nous sommes de son avis : les décès masculins excèdent moins les décès féminins de 1914 à 1918 que de 1911 à 1913 (4 344 contre 4 401 en moyenne annuelle) (cf. Graphique 1) et sont sensiblement plus faibles en 1915 et en 1916 qu’avant la guerre. Par ailleurs, il est estimé que les deux tiers des décès militaires se sont produits en 1914 et en 1918  [46], ce que l’on ne voit pas ici.

Graphique 1

Évolution annuelle du nombre de décès officiels par sexe (1911-1920)

Graphique 1. Évolution annuelle du nombre de décès officiels par sexe (1911-1920)

Évolution annuelle du nombre de décès officiels par sexe (1911-1920)

Source : Mouvement de la population et de l’état-civil en Belgique pour les années 1911 à 1920, Gand, 1928.

10Avant d’aller plus loin, il importe d’examiner si les données des recensements de 1910 et de 1920 sont comparables. Cette question est pertinente pour deux raisons. D’une part, le traité de Versailles du 28 juin 1919 a accordé à la Belgique la commune de La Calamine  [47] et les Kreise [48] d’Eupen et de Malmedy, réorganisés en 1920 en trois cantons, Eupen, Malmedy et Saint-Vith, dits globalement cantons de l’Est. D’autre part, on trouve dans les volumes du recensement de 1920, sur les pages Internet de Statbel et dans la littérature, pas moins de quatre effectifs différents de la population de la Belgique au 31 décembre 1920 selon le recensement de population. La population officielle est de 7 405 569  [49] mais il est précisé que cet effectif comprend la population de La Calamine (4 216 habitants, arrondissement de Verviers), annexée à la Belgique, et sans laquelle la population est de 7 401 353 habitants  [50] ; c’est le seul effectif parfaitement comparable à celui du recensement de 1910. Les effectifs par âge de 1920 sont toutefois donnés par rapport à un total de 7 406 299 habitants, soit 730 personnes de plus que l’effectif officiel. L’investigation mène à deux notes  [51] qui précisent que ce total comprend 445 hommes de la commune de Lennick-Saint-Quentin (arrondissement de Bruxelles) et 242 hommes et 43 femmes de la commune de Molen-Beersel (arrondissement de Maaseik) qui n’ont pas été compris dans la population de ces communes, sans que la raison en soit précisée. On note la forte surreprésentation masculine. Enfin, l’annexion des cantons de l’Est (60 213 habitants au 31 décembre 1920) n’est entrée en application en droit belge que le 7 mars 1925. Entre ces deux dates, ces cantons ont été sous administration belge mais sans faire partie officiellement du territoire national. Le recensement de 1920 a bien été effectué dans les cantons de l’Est mais leurs populations n’ont pas été incorporées aux résultats généraux. Les données correspondantes ont été publiées à part  [52], mais sans information de structure par âge. Avec les cantons de l’Est, la population de la Belgique au 31 décembre 1920 est de 7 465 782. Les données de mouvement de la population et de l’état-civil des cantons de l’Est, qui ont bien été relevées, n’ont de même pas été intégrées aux publications officielles avant l’année 1925  [53]. Par ailleurs, les effectifs par âge de 1920 comptent 7 012 personnes d’âge inconnu alors qu’il n’y en a que 9 en 1910. En conclusion, les données par âge utilisées pour 1920 s’écartent de la parfaite comparabilité avec celles de 1910 par la population de La Calamine (4 216), les 730 personnes comptées dans les structures d’âge mais pas dans la population officielle et les 7 012 personnes d’âge inconnu en 1920, soit 11 958 personnes, soit encore 1,6 ‰. Nous considérons que la comparabilité est satisfaisante.

11En outre, nous utiliserons des données du recensement de 1981  [54] pour reconstituer les variations mensuelles des effectifs de naissances pendant la guerre, indisponibles par ailleurs, et la base de données du musée In Flanders Fields de la ville d’Ypres  [55] pour étudier la démogéographie des décès militaires, inaccessible sans cela. Ces deux sources seront présentées dans les chapitres où elles seront utilisées.

2. Méthodes

12La méthode fondamentale d’analyse utilisée ici est l’analyse en composantes principales (ACP). Cette méthode a été publiée pour la première fois en 1901. Elle est surtout utilisée depuis le développement des ordinateurs, d’abord institutionnels puis personnels, et est maintenant devenue classique : elle est décrite dans tous les manuels d’analyse statistique multivariée ou d’analyse des données et Wikipédia lui consacre un article. Elle est utilisée pour l’analyse des tableaux de données dans de multiples disciplines comme, par exemple, la biologie, la génétique, la sociologie, la géographie, l’archéologie et le traitement d’images, notamment satellitaires, pour n’en citer que quelques-uns. Dans un espace mathématique où les variables sont les axes et où les observations sont des points, que l’on peut facilement représenter graphiquement s’il n’y a que deux dimensions, l’analyse en composantes principales réalise une rotation du système d’axes, selon un principe d’efficacité, de façon à condenser la plus grande part possible de l’information sur la première composante, sur les deux premières, les trois premières, etc. Elle est utilisée parce qu’elle permet une visualisation efficace de la partie la plus utile de l’information, celle qui est commune à plusieurs variables. Les aléas sont repoussés dans les dernières composantes, qui ne sont généralement pas considérées. Elle remplace des variables initiales corrélées entre elles par de nouvelles variables synthétiques indépendantes les unes des autres (corrélations nulles). On interprète parfois ces nouvelles variables comme les facteurs sous-jacents aux variables initiales ou comme des dimensions latentes.

13L’idée est ici de considérer les classes quinquennales par sexe et de diviser l’effectif de 1920 par celui de la même génération en 1910 ou à la naissance. Les 95 ans et plus en 1920 ont été divisés par les 85-89 ans de 1910. Les probabilités de survie et les effectifs de survivants à ces âges sont très faibles à l’époque, ce qui limite l’impact de cette approximation. Un coup d’œil aux pyramides d’âge figurant dans ce Courrier hebdomadaire en convaincra facilement. Cet indice, que l’on peut être tenté de considérer comme une probabilité de survie, est en fait tout autant sensible aux migrations et sera donc plutôt appelé indice d’évolution des effectifs de génération ou plus simplement indice.

14Une première analyse a montré que la classe des 0-4 ans s’opposait à l’ensemble des autres classes d’âge. Pour mieux comprendre cette observation étonnante, nous avons réalisé une deuxième ACP par année d’âge sur les seuls moins de 10 ans, où l’on voit se différencier clairement ceux qui sont nés avant, pendant ou après la guerre. Dans les analyses ultérieures, nous avons donc divisé les moins de 10 ans en ces trois classes d’âge plutôt qu’en deux. La différence de durée considérée pour les moins de 10 ans (sauf mention explicite, les âges sont toujours ceux de 1920) ne perturbe pas l’analyse, qui travaille sur des variables standardisées  [56]. Seules les corrélations sont prises en compte. Les différences d’effectifs ou d’intensité de mortalité selon les générations ne perturbent pas davantage, pour la même raison.

15Dans la troisième ACP, dont nous avons analysé les résultats en détail, nous avons aussi ajouté parmi les variables la différence entre les indices féminin et masculin pour chaque génération, pour tenter de détecter la mortalité militaire. Pour les personnes d’âge inconnu, faute de pouvoir calculer un indice d’évolution, nous avons considéré leur part en 1920 dans le total de la population, par sexe. Les données étaient donc constituées de 65 variables pour 41 arrondissements. Nous avons pondéré ces lieux par la somme de leurs populations en 1910 et en 1920, de façon à ne pas défavoriser, par rapport à la pondération par la seule population de 1920, les arrondissements dont la population a décliné au cours de la période.

16Après avoir analysé les résultats, mais avant de rédiger les conclusions, nous avons tenté une quatrième ACP réunissant les 42 indices d’évolution de 1910 à 1920, les 10 indices des naissances annuelles de 1911 à 1920 par rapport à la moyenne des dix années et les indices des décès, sexes séparés cette fois, également par rapport à la moyenne des dix années et des deux sexes (20 valeurs). Les différences entre les indices d’évolution masculins et féminins, qui n’apportaient rien, ont été abandonnées, de même que les proportions d’hommes et de femmes d’âge inconnu. Cela donne donc 72 variables cette fois. Devant la meilleure qualité des résultats (en termes de proportion d’information concentrée dans les deux premiers axes : 64,7 % contre 61,0 %, alors que le nombre de variables a augmenté), de clarté, et néanmoins de forte ressemblance (on retrouve en gros les mêmes deux premières composantes, légèrement tournées  [57] : de 22,8° entre les premières composantes, de 26,2° entre les secondes  [58]), nous avons décidé de centrer l’article sur cette quatrième ACP, plutôt que de l’évoquer dans les conclusions, et d’abandonner la troisième, malgré toutes les analyses et rédactions déjà effectuées.

3. Exil, déportation et migration

17Dans ce chapitre, nous analyserons tout d’abord les apports de la première composante principale. Ensuite, nous examinerons l’exil d’un point de vue démographique et le mettrons dans le contexte de la chronologie de la guerre à travers les travaux des historiens. Enfin, nous confronterons les géographies qui se dégagent de ces deux approches.

3.1. Les enseignements de la première composante

18Nous commencerons par lire les résultats, représentés graphiquement. Nous encourageons le lecteur à suivre, tout au long de ce Courrier hebdomadaire, nos commentaires sur les cartes, graphiques et tableau ; le texte en sera beaucoup plus compréhensible. La lecture des résultats sera accompagnée de leur interprétation .

19La première composante condense près de la moitié de l’information (48,6 %). Elle est corrélée de façon positive  [59], significative (pour α = 5 %) et forte avec les indices de presque toutes les générations masculines et féminines nées avant la guerre (7 ans et plus) (cf. Graphique 2, partie supérieure). Les corrélations sont supérieures à 0,90 à sept reprises pour les femmes et à trois reprises pour les hommes, et à 0,75 respectivement à douze et huit reprises. Les corrélations s’affaiblissent entre 15 et 29 ans pour les femmes, 20 et 34 ans pour les hommes (au plus bas jusqu’à 0,57). De 25 à 94 ans, la corrélation est meilleure pour les femmes. Les corrélations masculines s’effondrent au-delà de 50 ans alors que les femmes maintiennent une corrélation élevée jusqu’à 70 ans. Les corrélations ne sont pas significatives pour les hommes entre 70 et 74 ans et pour les deux sexes au-delà de 95 ans. On pourrait être tenté d’interpréter la première composante principale comme opposant les lieux où la survie est bonne (scores  [60] positifs) à ceux où elle est moins bonne (scores négatifs), sans que les hommes d’âge militaire se distinguent  [61]. Mais les générations les plus jeunes, nées pendant ou après la guerre, présentent des corrélations négatives et significatives, ce qui contredit cette interprétation. Nous avons rapporté plus haut que, dans une première analyse, strictement par classes quinquennales, la première composante opposait toutes les générations aux moins de 5 ans, ce qui nous avait conduit à séparer les moins de 10 ans en trois classes, selon qu’ils étaient nés avant, pendant ou après la guerre. On voit maintenant que les corrélations négatives des 0-4 ans se sont étendues aux 0-6 ans, soit les générations nées pendant ou après la guerre.

20La partie inférieure du graphique 2 montre que les naissances sont corrélées négativement de 1911 à 1913 et positivement de 1914 à 1920, toujours significativement ; les décès masculins et féminins, très proches les uns des autres, sont aussi corrélés négativement de 1911 à 1913 et positivement de 1916 à 1919, mais les corrélations de 1914, de 1915 et de 1920 ne sont pas significatives. On note que les corrélations des décès féminins sont un peu plus fortes que celles des décès masculins à partir de 1916. La corrélation de cette composante avec la proportion des personnes d’âge inconnu, variable non soumise à l’ACP, n’est pas significative (– 0,19).

21Ce que démontre cette première composante, c’est que l’opposition principale entre les arrondissements (près de la moitié de l’information totale : 48,6 %) concerne, d’un côté (positif), ceux où la population de 7 ans et plus est plus importante qu’attendue  [62] et celle de moins de 7 ans moins importante et, de l’autre côté (négatif), les arrondissements qui ont les caractéristiques opposées. De plus, pour les arrondissements positifs, les naissances et les décès sont relativement moins importants que la moyenne nationale de 1911 à 1913, les naissances relativement plus importantes de 1914 à 1920 et les décès de 1916 à 1919 ; les arrondissements négatifs présentent les caractéristiques opposées.

22Voyons maintenant de quels arrondissements il s’agit. Le graphique 3 montre la projection des observations – les arrondissements – sur le plan des deux premières composantes. La première, la seule que nous considérons pour le moment, est horizontale et les scores positifs sont à droite. Elle est très dissymétrique, la valeur positive la plus forte étant de 0,86 (arrondissement d’Hasselt) alors que l’on atteint – 9,23 (arrondissement d’Ypres) du côté négatif. Les arrondissements d’Ypres et de Dixmude se détachent clairement du côté négatif. Leurs pyramides  [63] en 1920 sont spectaculaires (cf. Graphiques 4 et 5) : les effectifs observés (en couleur) sont très inférieurs aux attendus (en contour) en dehors des jeunes enfants. Les effectifs observés de plus de 6 ans (nés avant la guerre) ne représentent respectivement que 66 % et 72 % des populations correspondantes attendues. La ligne du front de l’Yser s’étendait de Nieuport à Ypres  [64] et se prolongeait en France à travers l’Artois, la Champagne et la Lorraine jusqu’à la frontière suisse, au total sur 765 kilomètres  [65]. En Belgique, les deux arrondissements d’Ypres et de Dixmude sont surtout concernés, tandis que l’arrondissement de Furnes correspond assez bien à la Belgique non occupée, derrière le front. Pour les deux premiers arrondissements, il manque plus de 53 000 personnes.

Graphique 2

Corrélation des indices d’évolution des effectifs par génération et des indices annuels de naissances et de décès avec la première composante principale

Graphique 2. Corrélation des indices d’évolution des effectifs par génération et des indices annuels de naissances et de décès avec la première composante principale

Corrélation des indices d’évolution des effectifs par génération et des indices annuels de naissances et de décès avec la première composante principale

Sources : Statistique de la Belgique. Population. Recensement général du 31 décembre 1910, tome 3, Bruxelles, 1913 ; Statistique de la Belgique. Population. Recensement général du 31 décembre 1920, tome 3, Bruxelles, 1926 ; Mouvement de la population et de l’état-civil en Belgique pour les années 1911 à 1920, op. cit.
Graphique 3

Projection des arrondissements (les observations) sur le plan des deux premières composantes

Graphique 3. Projection des arrondissements (les observations) sur le plan des deux premières composantes

Projection des arrondissements (les observations) sur le plan des deux premières composantes

Sources : Recensement général du 31 décembre 1910, op. cit. ; Recensement général du 31 décembre 1920, op. cit. ; Mouvement de la population et de l’état-civil en Belgique pour les années 1911 à 1920, op. cit.
Graphique 4

Pyramide d’âge de l’arrondissement d’Ypres au 31 décembre 1920 comparant les effectifs observés (en couleur) et attendus (contour), ceux-ci sur la base des effectifs des mêmes générations au 31 décembre 1910 ou à la naissance et des évolutions nationales des effectifs par génération

Graphique 4. Pyramide d’âge de l’arrondissement d’Ypres au 31 décembre 1920 comparant les effectifs observés (en couleur) et attendus (contour), ceux-ci sur la base des effectifs des mêmes générations au 31 décembre 1910 ou à la naissance et des évolutions nationales des effectifs par génération

Pyramide d’âge de l’arrondissement d’Ypres au 31 décembre 1920 comparant les effectifs observés (en couleur) et attendus (contour), ceux-ci sur la base des effectifs des mêmes générations au 31 décembre 1910 ou à la naissance et des évolutions nationales des effectifs par génération

L’importance des classes d’âge est en ‰ de la population totale sexes réunis observée au 31 décembre 1920.
Sources : Recensement général du 31 décembre 1910, op. cit. ; Recensement général du 31 décembre 1920, op. cit. ; Mouvement de la population et de l’état-civil en Belgique pour les années 1911 à 1920, op. cit.
Graphique 5

Pyramide d’âge de l’arrondissement de Dixmude au 31 décembre 1920 comparant les effectifs observés (en couleur) et attendus (contour), ceux-ci sur la base des effectifs des mêmes générations au 31 décembre 1910 ou à la naissance et des évolutions nationales des effectifs par génération

Graphique 5. Pyramide d’âge de l’arrondissement de Dixmude au 31 décembre 1920 comparant les effectifs observés (en couleur) et attendus (contour), ceux-ci sur la base des effectifs des mêmes générations au 31 décembre 1910 ou à la naissance et des évolutions nationales des effectifs par génération

Pyramide d’âge de l’arrondissement de Dixmude au 31 décembre 1920 comparant les effectifs observés (en couleur) et attendus (contour), ceux-ci sur la base des effectifs des mêmes générations au 31 décembre 1910 ou à la naissance et des évolutions nationales des effectifs par génération

L’importance des classes d’âge est en ‰ de la population totale sexes réunis observée au 31 décembre 1920.
Sources : Recensement général du 31 décembre 1910, op. cit. ; Recensement général du 31 décembre 1920, op. cit. ; Mouvement de la population et de l’état-civil en Belgique pour les années 1911 à 1920, op. cit.

23Dans une typologie des (nouvelles) communes que nous avons réalisée antérieurement  [66] selon les taux d’accroissement annuels moyens des 16 périodes intercensitaires de 1830 à 2001, un groupe de communes, dont la population est par ailleurs assez stable, présente une nette inflexion de la population entre 1910 et 1930. Ce groupe s’étend sur les arrondissements de Dixmude (sauf deux communes à l’est), d’Ypres (sauf deux communes à l’ouest et une à l’est) et de Roulers (seulement deux communes de l’ouest) ; la commune de Comines, à l’époque dans l’arrondissement d’Ypres, fait partie du groupe. En 1920, la population du groupe ne représente encore que 52 % de celle de 1910, soit 61 000 personnes de moins ; en 1930, elle n’est remontée qu’à 86 % de cette valeur, qu’elle n’avait toujours pas atteint en 2001. Individuellement, toutes ces communes comptent en 1920 moins de 80 % de la population de 1910, comme aussi les communes littorales de Nieuport (arrondissement de Furnes) et de Middelkerke (arrondissement d’Ostende), qui ne font pas partie du groupe parce que leur population a bien crû depuis lors. La Belgique non occupée correspond donc à l’arrondissement de Furnes (moins Nieuport) plus deux communes de l’ouest de l’arrondissement d’Ypres.

24Au contraire, les générations nées pendant ou après la guerre sont surreprésentées sur les deux pyramides par rapport à l’attendu (de 52 % pour l’arrondissement d’Ypres et de 74 % pour celui de Dixmude) et même aux naissances correspondantes (respectivement de 35 % et de 55 %). Il ne peut donc s’agir ici que d’immigration, à savoir des enfants nés de personnes réfugiées à l’étranger. A. Lambert avait d’ailleurs conclu, sans l’expliquer, à la nécessaire immigration d’enfants de moins de 5 ans pour atteindre les effectifs par âge de 1920  [67]. Il est clair qu’imaginer une immigration d’enfants de cet âge sans accompagnement d’adultes est invraisemblable, sauf si les parents résidaient en Belgique, se sont exilés sans le déclarer et y sont revenus ; ils ne sont alors pas comptés comme immigrants. La combinaison d’un bilan migratoire positif jusqu’à l’âge de 6 ans et négatif au-delà montre bien qu’il y a eu exil à l’étranger, où des naissances ont eu lieu, qu’il y a eu retour de parents avec enfants, mais que tous les exilés ne sont pas revenus, en tout cas avant le recensement de 1920.

25Si l’on examine les arrondissements suivants dans l’ordre des scores négatifs de la première composante (Roulers, Ostende, Termonde, etc.), le déficit de la population observée par rapport à la population attendue devient de plus en plus faible et l’excès d’enfants en bas âge disparaît dès Roulers.

26L’ACP nous dit aussi que ces arrondissements connaissent relativement plus de naissances et de décès que le pays de 1911 à 1913. Le graphique 6 montre bien l’effondrement des naissances et des décès à Ypres et Dixmude et, dans une moindre mesure, dans les arrondissements suivants. Les indices des arrondissements qui ont les scores les plus négatifs sont généralement supérieurs à ceux du pays de 1911 à 1913 et inférieurs de 1914 à 1920 pour les naissances et de 1916 à 1919 pour les décès, comme annoncé par les corrélations plus haut. C’est évidemment une conséquence de l’exil : la diminution du nombre d’habitants entraîne la diminution des naissances et des décès. Si l’on retourne aux deux pyramides, on se rend bien compte que ce sont les effectifs attendus d’enfants (0-4 ans sur la pyramide, 0-6 ans en réalité) qui sont anormalement bas, plus que les effectifs observés, parce que moins de naissances ont été enregistrées en Belgique. Nous verrons plus loin que l’évolution des nombres de naissances et de décès dépend aussi d’autres facteurs.

Graphique 6

Évolution annuelle des indices du nombre de naissances et de décès pour les cinq arrondissements présentant les scores négatifs les plus extrêmes sur la première composante et pour la Belgique

Graphique 6. Évolution annuelle des indices du nombre de naissances et de décès pour les cinq arrondissements présentant les scores négatifs les plus extrêmes sur la première composante et pour la Belgique

Évolution annuelle des indices du nombre de naissances et de décès pour les cinq arrondissements présentant les scores négatifs les plus extrêmes sur la première composante et pour la Belgique

Source : Mouvement de la population et de l’état-civil en Belgique pour les années 1911 à 1920, op. cit.
Graphique 7

Pyramide d’âge de l’arrondissement de Hasselt au 31 décembre 1920 comparant les effectifs observés (en couleur) et attendus (contour), ceux-ci sur la base des effectifs des mêmes générations au 31 décembre 1910 ou à la naissance et des évolutions nationales des effectifs par génération

Graphique 7. Pyramide d’âge de l’arrondissement de Hasselt au 31 décembre 1920 comparant les effectifs observés (en couleur) et attendus (contour), ceux-ci sur la base des effectifs des mêmes générations au 31 décembre 1910 ou à la naissance et des évolutions nationales des effectifs par génération

Pyramide d’âge de l’arrondissement de Hasselt au 31 décembre 1920 comparant les effectifs observés (en couleur) et attendus (contour), ceux-ci sur la base des effectifs des mêmes générations au 31 décembre 1910 ou à la naissance et des évolutions nationales des effectifs par génération

L’importance des classes d’âge est en ‰ de la population totale sexes réunis observée au 31 décembre 1920.
Sources : Recensement général du 31 décembre 1910, op. cit. ; Recensement général du 31 décembre 1920, op. cit. ; Mouvement de la population et de l’état-civil en Belgique pour les années 1911 à 1920, op. cit.
Graphique 8

Pyramide d’âge de l’arrondissement de Bruxelles au 31 décembre 1920 comparant les effectifs observés (en couleur) et attendus (contour), ceux-ci sur la base des effectifs des mêmes générations au 31 décembre 1910 ou à la naissance et des évolutions nationales des effectifs par génération

Graphique 8. Pyramide d’âge de l’arrondissement de Bruxelles au 31 décembre 1920 comparant les effectifs observés (en couleur) et attendus (contour), ceux-ci sur la base des effectifs des mêmes générations au 31 décembre 1910 ou à la naissance et des évolutions nationales des effectifs par génération

Pyramide d’âge de l’arrondissement de Bruxelles au 31 décembre 1920 comparant les effectifs observés (en couleur) et attendus (contour), ceux-ci sur la base des effectifs des mêmes générations au 31 décembre 1910 ou à la naissance et des évolutions nationales des effectifs par génération

L’importance des classes d’âge est en ‰ de la population totale sexes réunis observée au 31 décembre 1920.
Sources : Recensement général du 31 décembre 1910, op. cit. ; Recensement général du 31 décembre 1920, op. cit. ; Mouvement de la population et de l’état-civil en Belgique pour les années 1911 à 1920, op. cit.

27Du côté positif, les arrondissements se présentent au contraire comme un nuage compact ne s’éloignant guère de la moyenne (zéro) (cf. Graphique 3). Les pyramides d’âge d’Hasselt et de Bruxelles en 1920 (cf. Graphiques 7 et 8) montrent que les populations observées nées avant la guerre sont cette fois généralement supérieures aux populations attendues et que ce n’est guère le cas de celles nées plus tard. C’est très net pour l’arrondissement de Bruxelles entre 15 et 40 ans. Plus encore, les indices de 15 à 30 ans y sont supérieurs à 1, ce qui ne peut s’obtenir que par un bilan migratoire positif  [68]. L’arrondissement de Soignies, qui suit en troisième position, présente aussi une population sensiblement supérieure à la population attendue.

28Cette croissance de population par l’immigration est étonnante. Bien sûr, on peut se dire que la période étudiée (1910-1920) compte aussi cinq années de paix et que les migrations peuvent s’être effectuées surtout alors. Mais nous n’en croyons rien. En effet, ces migrations concernent tous les âges (au-delà de 6 ans) ; il s’agit d’une migration de masse, comme l’exil. Alors que les migrations en temps de paix se concentrent surtout sur certains âges, correspondant à des changements importants dans le cycle de vie : principalement l’émancipation, le mariage et l’élargissement du ménage. Or ce n’est pas le cas ici. Ces migrations seraient plutôt soit une fuite à l’intérieur du pays, soit des retours d’exil qui ne se seraient pas opérés vers les lieux d’origine, suite par exemple à des destructions de logements. Des baraquements ont dû être construits comme logements provisoires  [69] ; la reconstruction n’a pas été achevée avant 1925  [70]. Et de nombreuses personnes se sont installées chez des parents.

29Enfin, en ce qui concerne les évolutions des naissances et des décès, contrairement aux arrondissements aux scores les plus négatifs, ceux à scores positifs ne se distinguent guère de la tendance nationale, passant tantôt au-dessus, tantôt en dessous.

3.2. L’exil et son contexte

30Essayons maintenant de comprendre les raisons de l’exil et d’autres événements démographiques à travers les travaux des historiens, selon une trame chronologique.

31L’exil de la population civile vers l’étranger concerne tout le pays dès l’invasion allemande. Michaël Amara parle d’un million et demi d’exilés  [71] (sur 7,4 millions d’habitants, soit 20 %), partis principalement vers les Pays-Bas (pour plus d’un million d’entre eux), la France (200 000 à 300 000), la Grande-Bretagne (150 000 à 200 000) et, dans une moindre mesure, vers la Suisse  [72], les États-Unis, le Canada et l’Amérique du Sud  [73].

32L’essentiel de ce mouvement se produit entre le 4 août et le 21 octobre 1914, soit en à peine plus de onze semaines, entre l’entrée allemande en Belgique et le début de la guerre de position. « L’étude du déroulement de l’exode l’indique clairement : la plupart des réfugiés n’ont pas eu de contact direct avec l’ennemi. Pour la majorité d’entre eux, la peur donne le signal du départ bien avant d’apercevoir les Allemands »  [74]. Deux éléments, relayés par la rumeur, justifient cette panique : les actes commis par l’armée allemande à l’encontre des civils et sa puissance de feu. Pendant la période de l’invasion de la Belgique, toute velléité d’opposition, réelle ou imaginaire, est sanctionnée par des destructions de bâtiments et des exécutions, utilisations comme bouclier humain et déportations de civils. C’est ce qui a été rapidement appelé les « atrocités allemandes », minutieusement étudiées par John Horne et Alan Kramer dans les archives alliées et allemandes  [75]. Dès les premiers jours de l’invasion, du 4 au 8 août, dans la région liégeoise  [76], l’armée allemande cause la mort de 850 civils et la destruction de près de 1 500 édifices en plus de vingt « incidents »  [77]. Dès le 7 août, le gouvernement belge crée la Commission d’enquête sur les violations des règles du droit des gens, des lois et des coutumes de la guerre  [78]. La découverte de la puissance de feu est un peu plus tardive. « Les forts de Liège et de Namur sont les plus modernes d’Europe. Construits entre 1888 et 1892 (…), ils ont été conçus pour résister aux attaques du canon de 210 mm, le plus lourd existant alors »  [79]. Mais en août 1914, l’Allemagne dispose depuis peu de canons de 420 mm, lançant des obus de 900 kilos. Le premier de ces canons  [80] arrive devant Liège le 14 août et le dernier des douze forts liégeois se rend le 16. Du 16 au 18 août, a lieu « la première destruction systématique d’une ville belge », Visé, pourtant occupée depuis le 4 août et désarmée ; « la ville est entièrement pillée, six cent maisons complètement brûlées[,] vingt-trois habitants tués » et 631 citoyens déportés en Allemagne  [81]. Ces multiples exactions provoquent la première phase de l’exil, du 5 au 18 août, de la région liégeoise vers les Pays-Bas  [82], restés neutres pendant toute la guerre  [83], et vers Bruxelles  [84].

33Après la chute des forts de Liège, l’armée belge se replie sur Anvers, défendue par une double ceinture de forts. Les forces allemandes se déploient : une armée poursuit l’armée belge, une seconde suit la vallée de la Meuse (prise des forts de Namur du 21 au 24 août) puis celle de la Sambre (combats contre les armées britannique et française à Charleroi puis à Mons), une troisième envahit le Condroz et une quatrième l’Ardenne et la Lorraine. Ce déploiement explique la quasi-simultanéité de représailles exercées à différents endroits du pays : Aarschot (du 19 août au 6 septembre : 156 civils tués, 366 bâtiments détruits, 400 déportés  [85]), Andenne et Seilles (du 20 au 21 août : 262 civils tués, 210 bâtiments détruits  [86]), Dinant (où les Allemands sont sous le feu des Français sur l’autre rive ; du 21 au 23 août, 674 civils tués et 1 100 bâtiments détruits  [87]), Tamines (le 22 août : 383 civils tués, 240 bâtiments détruits  [88]), Ethe (près de Virton ; du 22 au 24 août, 218 civils tués et 256 bâtiments détruits  [89]) pour les plus importants (cf. Carte 1). Les échos de ces massacres provoquent la deuxième vague d’exil : d’une part, depuis le Hainaut et les provinces de Namur et de Luxembourg vers la France, soit à travers la frontière, soit par train directement vers Paris ; d’autre part, de la partie flamande du Brabant vers Anvers  [90]. « L’afflux de réfugiés vers le camp retranché d’Anvers pose de sérieux problèmes. (…) Dès le 24 août 1914, l’administration communale d’Anvers évacue plusieurs milliers de réfugiés vers Gand. Le 30 août, le gouverneur militaire d’Anvers annonce l’obligation pour tous ceux qui n’y sont pas domiciliés de quitter la position fortifiée sous peine d’être traduits devant le conseil de guerre »  [91]. Au total, le Comité officiel belge de secours aux réfugiés  [92] « préside à l’évacuation d’environ 50 000 personnes : 10 000 vers l’Angleterre, 20 000 vers les deux Flandres et 20 000 vers la Campine et la Hollande »  [93].

34L’armée belge mène trois contre-attaques depuis la place-forte d’Anvers vers Malines, Louvain et Vilvorde entre le 24 août et le 27 septembre  [94]. Du 25 au 28 août, les Allemands incendient Louvain, y compris la bibliothèque universitaire, riche en ouvrages anciens, notamment médiévaux, ce qui suscite l’opprobre international (248 civils tués, 2 000 bâtiments détruits  [95]). Le 26 août, c’est le massacre d’Arlon (133 civils tués, 100 bâtiments détruits  [96]). Du 4 au 6 septembre, l’artillerie allemande détruit le centre de Termonde, la dernière des « sept villes martyres »  [97] – avec Aarschot, Andenne, Dinant, Louvain, Tamines et Visé –, après en avoir évacué les civils (1 252 bâtiments détruits). Si Termonde ne figure pas dans l’ouvrage de J. Horne et A. Kramer, c’est que les civils ont été évacués avant la destruction de la ville et que celle-ci était considérée par les deux camps comme un site stratégique, ce qui a « justifié » la destruction par des raisons militaires et non à titre de représailles. Après ces épisodes, les atrocités allemandes deviennent plus rares  [98]. Le 3 octobre, l’armée allemande commence à bombarder les forts d’Anvers et, le 10, la ville tombe. Un million de personnes fuient vers les Pays-Bas dès le 7 octobre  [99] (cf. Graphique 9) et, le 10 octobre, 30 000 à 40 000 soldats, surpris par la chute rapide de la forteresse, suivent le mouvement. « Conformément aux termes de la convention de La Haye, les autorités militaires [néerlandaises] procèdent à leur désarmement et à leur internement »  [100]. C’est la troisième phase et le point culminant de l’exode  [101].

Carte 1

Nombre d’immeubles détruits par commune (de l’époque) pendant la Première Guerre mondiale au 1er mai 1916

Carte 1. Nombre d’immeubles détruits par commune (de l’époque) pendant la Première Guerre mondiale au 1er mai 1916

Nombre d’immeubles détruits par commune (de l’époque) pendant la Première Guerre mondiale au 1er mai 1916

Extrait de : G. Smets, « Les régions dévastées et la réparation des dommages de guerre », in E. Mahaim (dir.), La Belgique restaurée. Étude sociologique, Bruxelles, Lamertin, 1926, p. 71-139.
Graphique 9

Estimation de l’évolution du nombre de réfugiés belges aux Pays-Bas, en France et en Grande-Bretagne et de leur somme (du 4 août 1914 au 31 décembre 1920)

Graphique 9. Estimation de l’évolution du nombre de réfugiés belges aux Pays-Bas, en France et en Grande-Bretagne et de leur somme (du 4 août 1914 au 31 décembre 1920)

Estimation de l’évolution du nombre de réfugiés belges aux Pays-Bas, en France et en Grande-Bretagne et de leur somme (du 4 août 1914 au 31 décembre 1920)

Sources : Annuaire statistique de la Belgique et du Congo belge, tome 46, Bruxelles, Lesigne, 1920 ; R. Olbrechts, « La population », in E. Mahaim (dir.), La Belgique restaurée, op. cit., p. 1-69 ; M. Amara, Des Belges à l’épreuve de l’exil. Les réfugiés de la Première Guerre mondiale : France, Grande-Bretagne, Pays-Bas, 1914-1918, Bruxelles, éditions de l’Université de Bruxelles, 2008.

35À partir du 5 octobre, l’armée belge se replie sur l’Yser  [102]. Le roi Albert Ier et son état-major s’installent à La Panne et le gouvernement près du Havre, à Sainte-Adresse. À mesure que l’armée allemande avance (elle s’en prend encore aux civils, principalement à Roulers : 31 victimes, 252 bâtiments détruits  [103]), les populations en fuite finissent par se retrouver acculées sur le littoral. Elles suivent alors la côte soit vers la France (« point culminant de l’exode belge en France »  [104]) soit vers les Pays-Bas, ou encore traversent la mer vers l’Angleterre. « Les bateaux réclamés par le délégué du [Local Government Board] n’arrivent à Ostende que le 14 octobre, quelques heures à peine avant la chute de la ville. (…) Durant cette seule journée, plus de 6 000 personnes se sont embarquées sur les navires de la Chatham Railway tandis que des milliers d’autres s’entassent sur les embarcations encore disponibles : bateaux de pêche, yachts, steamers ou barques en tout genre. (…) Cette vague constitue le point culminant de l’exode belge vers l’Angleterre »  [105]. C’est la quatrième phase d’exil  [106]. La migration vers la Grande-Bretagne continue ultérieurement : pour les besoins de l’industrie de guerre, « de grandes firmes anglaises s’assurent le concours de réseaux d’évasion clandestins dont les ramifications s’étendent dans la plupart des banlieues ouvrières de Belgique occupée »  [107].

36Le 21 octobre commence la première bataille de l’Yser  [108]. La guerre de mouvement se transforme en guerre de position et les atrocités allemandes prennent fin. « Les populations des villes et villages à proximité des opérations militaires fuient vers la France. Le 1er novembre, plus des trois quarts des habitants d’Ypres quittent la ville pour échapper aux bombardements. De même, Dixmude se vide lentement, au rythme des pilonnages successifs »  [109]. Pendant le reste de la guerre, la zone du front s’élargit progressivement et les populations civiles sont évacuées (vers la France par les Alliés, vers l’intérieur de la Belgique par les Allemands) ou fuient (vers la France). Par exemple, entre le 15 et le 19 juillet 1917, 13 000 Belges sont évacués vers la France, et encore 6 000 de l’arrondissement d’Ypres entre les 11 et 25 avril 1918  [110]. En conséquence, le nombre de réfugiés belges en France augmente progressivement jusqu’à la fin de la guerre (cf. Graphique 9).

37Il y a eu officiellement 72 054 destructions totales d’immeubles d’habitation  [111] (cf. Carte 1  [112]) mais « pendant la reconstruction, on en dénombra près de 100 000. Rien qu’en Flandre occidentale, 65 000 maisons étaient détruites en tout ou en partie »  [113]. Conjointement, 5 517 civils ont été intentionnellement abattus ou exécutés  [114], dont plus de 98 % en 1914. Le nombre total de civils déportés en Allemagne pendant l’invasion n’est pas connu.

38« Supporter un million de réfugiés pour un pays [les Pays-Bas] qui compte un peu plus de six millions d’habitants est impossible »  [115]. De l’autre côté, un pays, même occupé, ne peut fonctionner en l’absence de sa population active. Des contacts sont donc pris avec les autorités allemandes, d’une part par les autorités des Pays-Bas et d’autre part par des autorités locales belges, pour obtenir la garantie de la sécurité des biens et des personnes et démentir la rumeur de l’enrôlement de force des jeunes Belges dans l’armée ennemie  [116]. Le retour au pays est encouragé par la voie d’affiches et par des pressions financières. En Belgique, une taxe additionnelle à charge des habitants des tranches d’imposition les plus élevées ayant quitté leur domicile incite « nombre de familles aisées à rentrer au pays »  [117]. Aux Pays-Bas, « employés communaux, médecins, pharmaciens et commerçants sont priés de rentrer endéans les cinq jours sous peine de sanctions. (…) Ces démarches rencontrent un certain succès : plusieurs centaines de milliers de Belges regagnent leurs foyers dans la seconde quinzaine d’octobre 1914 »  [118] (cf. Graphique 9). Le nombre d’un million de réfugiés belges aux Pays-Bas n’aura donc valu que quelques semaines. Les besoins de l’industrie de guerre déchargent aussi les Pays-Bas d’une partie des exilés belges : « les autorités britanniques favorisent et contrôlent l’émigration de plus de 30 000 réfugiés issus de Hollande »  [119]. Pendant l’occupation, les autorités allemandes ont eu à cœur de surveiller la frontière belgo-néerlandaise, principalement pour empêcher des volontaires de rejoindre l’armée belge  [120], des espions de renseigner les alliés, des contrebandiers de trafiquer, et des lettres, tracts et journaux libres d’être diffusés en Belgique par ce chemin. Entre avril 1915 et le milieu de 1916, une clôture électrifiée à 2 000 volts a été édifiée par l’occupant sur 357 kilomètres de trajet simplifié de la frontière (celle-ci fait 450 kilomètres), à une époque où l’électricité était encore peu répandue. Elle était étroitement surveillée. Elle a fait entre 500 et plus de 1 000 morts (dont des Allemands) selon les estimations mais sur 25 000 passages réussis  [121]. Du point de vue démographique, l’impact de cette clôture est faible : l’exil vers les Pays-Bas est terminé lorsqu’elle est construite et les morts qu’elle a provoqués, tout spectaculaires et regrettables soient-ils, sont peu de choses par rapport aux 600 000 morts civils des années de guerre (cf. Graphique 1). Le principal impact démographique est vraisemblablement dans la désorganisation de l’agriculture (champs situés de l’autre côté de la clôture, y compris morceaux de territoire belge isolés par les raccourcis de celle-ci) et dans le frein à l’importation d’aliments des Pays-Bas. Si, à partir du printemps 1916, le nombre de réfugiés aux Pays-Bas augmente à nouveau, c’est avec l’assentiment des autorités allemandes, qui ont autorisé la migration de femmes et de jeunes enfants, non susceptibles d’augmenter les rangs de l’armée belge, principalement par l’installation de familles des militaires belges internés après la chute d’Anvers et, secondairement, par le passage d’enfants rejoignant leurs parents réfugiés ou placés dans des familles d’accueil aux Pays-Bas  [122].

39« Établir une statistique exacte de la diaspora est impossible, tout comme en tracer les contours avec précision »  [123]. On aura compris que le maximum d’exilés est atteint à des dates différentes dans les trois pays d’accueil voisins. Un million et demi de Belges ont connu l’exil, mais il n’y en a jamais eu autant à un seul et même moment. Les auteurs sont d’accord pour estimer que le nombre de Belges réfugiés à l’étranger pendant la plus grande partie de la guerre se situe entre 500 000 et 600 000  [124]. L’examen du graphique 9, qui collationne les comptages aux Pays-Bas, en France et en Grande-Bretagne et les différentes estimations de la littérature  [125], montre clairement que, en dehors du bref pic de présence massive aux Pays-Bas et même en tenant compte de l’exil vers d’autres pays, le seuil en question n’a pu être atteint ou dépassé avant la fin de l’année 1915, essentiellement par la fuite depuis le voisinage du front vers la France et la Grande-Bretagne. Pendant la fin de 1914 et le début de 1915, il ne doit pas y avoir eu plus de 350 000 exilés belges dans les trois pays considérés. Quoi qu’il en soit, les chiffres de population négligent cet exil et sont donc inutilisables (cf. supra).

40À côté de l’exil, il faut aussi mentionner les 120 655 déportés belges mis au travail en Allemagne ou derrière le front à partir de septembre 1916  [126] et les 46 019 prisonniers en Allemagne  [127]. Par ailleurs, de nombreux Français ont été évacués par les Allemands de la zone du front (dans le nord de la France) vers la Belgique ; fin 1918, ils sont encore près de 280 000  [128]. Enfin, la population étrangère présente en Belgique s’est réduite de plus de 105 000 habitants entre 1910 et 1920, passant de 254 547 à 149 677, soit une réduction de plus de 40 %  [129] ; les Allemands représentent 44 % de cette diminution, les Néerlandais 30 %, les Français 16 %  [130].

41Après la fin de la guerre, le retour des exilés ne s’opère pas en un jour. « Rapatrier 600 000 individus et des milliers de tonnes de bagages n’est pas une entreprise aisée, d’autant qu’en Belgique, la désorganisation des services administratifs et les problèmes de ravitaillement consécutifs à la retraite allemande constituent de sérieux obstacles »  [131]. En France, il est annoncé que tout versement d’aide aux réfugiés sera arrêté le 15 juillet 1919, sauf pour « les Belges originaires d’une quarantaine de communes dévastées de Flandre occidentale[, qui] continuent à bénéficier d’aides publiques (…) jusqu’au 30 avril 1921 »  [132]. Aux Pays-Bas, « il reste entre 30 et 40 000 Belges à rapatrier » le 17 janvier 1919  [133]. Plus encore, certains exilés font le choix de s’établir dans le pays d’accueil. Ainsi, le recensement français de 1921 fait état de 62 000 Belges de plus qu’au recensement de 1911 ; en Grande-Bretagne, ils sont 5 000  [134], aux Pays-Bas 12 000 et aux États-Unis 13 000  [135]. Ces différences d’effectifs sont évidemment des estimations grossières du nombre d’exilés établis puisqu’elles ne tiennent compte ni des décès, ni des naissances, ni des changements de nationalité.

42L’Armistice du 11 novembre 1918 ne met pas fin aux émigrations provoquées par la guerre. Par exemple, les agriculteurs flamands retrouvant leurs terres dans un état incultivable  [136] sont des milliers à acheter ou louer des terres en France  [137]. Plus anecdotique, quelques centaines de collaborateurs flamands trouvent refuge aux Pays-Bas  [138].

3.3. La carte de la première composante et sa confrontation avec les faits historiques

43La carte des scores donne une vue d’ensemble de la position des arrondissements par rapport à la première composante principale (cf. Carte 2). Le graphique du nuage des observations permet de préciser les positions (cf. Graphique 3). Cette composante est une mesure hybride de l’exil. La majorité des indices, ceux rapportant les populations de 7 ans et plus de 1920 à celles de 1910 (ou aux naissances), dressent le bilan de la décennie et ne prennent donc en compte que les exilés qui ne sont pas encore revenus fin 1920. Inversement, les indices correspondants pour les moins de 7 ans ne comptent, des naissances à l’étranger, preuve d’exil, que celles qui sont installées en Belgique fin 1920. Enfin, les proportions annuelles de naissances et de décès dépendent (entre autres) de l’importance de la population, et donc de l’exil, année par année : ici, la prise en compte ne dépend pas du retour éventuel fin 1920. L’intérêt de l’ACP est de démontrer que ces trois aspects sont statistiquement cohérents et concernent les mêmes espaces. Malheureusement, il n’est pas possible de calculer le nombre d’exilés, à un moment ou en moyenne, ni pour le pays ni par arrondissement, pour deux raisons. D’une part, la population attendue, à laquelle est comparée la population observée pour établir un éventuel déficit ou gain migratoire, est calculée sur la base d’un comportement moyen, intégrant mortalité et migration, dont l’exil. En conséquence, la population de 7 ans et plus qui manque dans la somme des arrondissements où la population observée est inférieure à la population attendue est exactement la même que celle en excès dans la somme des autres arrondissements (131 547) ; il en est de même pour les moins de 7 ans (19 536) alors que ce ne sont pas les mêmes arrondissements. D’autre part, la population manquante ne peut être déduite du nombre de naissances ou décès manquants et des taux de natalité ou mortalité d’avant la guerre, parce que ces derniers ont été fortement perturbés par la guerre (cf. infra).

44Confrontons maintenant les résultats aux faits historiques, tels que nous venons de les synthétiser. Le front de l’Yser apparaît clairement, d’Ostende à Ypres et Roulers (cf. Carte 2). Les arrondissements de Tielt (à l’est de Roulers), de Saint-Nicolas, de Termonde et de Malines (autour d’Anvers) et celui d’Arlon (au sud-est du pays) témoignent de différentes phases de l’exil. On remarque que, dans les régions marquées par l’exil, les arrondissements urbains se distinguent par un score positif ou moins négatif, comme Gand et Bruges, Anvers et Liège (au point que la première phase d’exil passe ici inaperçue) : dans une certaine mesure, les grandes villes ont servi de refuge. On observe aussi un repli de population vers Bruxelles (quasi intacte), la province de Limbourg (et particulièrement son chef-lieu Hasselt) (épargnées par les atrocités) et tout le nord de la Wallonie : les bas plateaux limoneux (épargnés pour l’essentiel) et l’axe Sambre-Meuse (malgré les batailles et les atrocités). Les exils liés directement aux atrocités allemandes de 1914 sont difficiles à mettre en évidence à notre échelle d’analyse, les arrondissements, alors que les faits concernent des villes ou villages épars. Les arrondissements de Termonde et d’Arlon sont les seuls concernés qui apparaissent sur la carte. L’examen du graphique 3 montre que les arrondissements de Louvain (qui comprend, outre Louvain, aussi Aarschot, autre ville martyre) et de Dinant présentent aussi des scores marquant l’exil, mais très faibles.

45En conclusion, la carte 2 établit la synthèse de l’effet démographique de l’exil, en tenant compte aussi des déplacements intérieurs de réfugiés et des retours d’exil vers des lieux différents de ceux de départ, sans qu’il soit possible de séparer ces différents mouvements.

Carte 2

Scores de la première composante principale

Carte 2. Scores de la première composante principale

Scores de la première composante principale

Sources : Ministère de l’Intérieur, Recensement général du 31 décembre 1910, op. cit. ; Ministère de l’Intérieur et de l’Hygiène, Recensement général du 31 décembre 1920, op. cit. ; Mouvement de la population et de l’état-civil en Belgique pour les années 1911 à 1920, op. cit.

4. Grandes villes et campagnes

46La deuxième composante principale condense 16,1 % de l’information, contre 48,6 % pour la première, ensemble 64,8 %. Les apports des composantes suivantes sont beaucoup plus limités : 6,8 %, 5,1 %, 3,1 %, etc. Le nombre de variables corrélées significativement est aussi beaucoup plus faible : s’il y en a 62 avec la composante 1 (sur 72 variables) et 32 avec la composante 2, il n’y en a plus que 17 avec la composante 3, 10 avec la composante 4, 7 avec la composante 5, etc.

47Les corrélations avec les indices d’évolution des générations (cf. Graphique 10, partie supérieure) distinguent trois groupes d’âge : les enfants, dont la corrélation n’est significative que pour les 2 à 6 ans ; les adolescents et jeunes adultes, corrélés significativement de 10 à 39 ans pour les hommes et de 10 à 34 ans pour les femmes, avec un maxima respectivement à 25-29 ans et à 20-24 ans ; les adultes mûrs et personnes âgées, pour lesquels la corrélation n’est significative que pour les hommes de 55 à 89 ans. Les deux premiers groupes sont corrélés positivement, le dernier négativement. Dans le premier groupe, les corrélations des deux sexes sont très semblables. Dans le deuxième groupe, les corrélations féminines sont d’abord supérieures, puis les courbes se croisent après quoi c’est la corrélation masculine qui domine. On obtient ainsi deux courbes similaires dont la féminine est plus précoce et la masculine plus tardive, l’écart correspondant à la différence d’âge entre époux (qui est d’un peu moins de quatre ans à l’époque). Dans le troisième groupe, les corrélations significatives ne concernent que les hommes. Les deux derniers groupes correspondent aux âges dont la corrélation était plus faible avec la première composante. Les âges inconnus, non soumis à l’ACP, présentent ici une corrélation significative (– 0,578) ce qui n’est pas le cas avec les autres composantes.

48Examinons maintenant les corrélations avec les indices des nombres de naissances et de décès (cf. Graphique 10, partie inférieure). Pour les naissances, la moitié des corrélations sont significatives ; elles concernent les années 1915 à 1918 (négatives) et l’année 1920 (positive). Pour les décès, les corrélations significatives sont encore moins nombreuses : pour les hommes, il s’agit des années 1915 (négative), 1917, 1919 et 1920 (positives) et, pour les femmes, seulement des années 1914 et 1915 (négatives). On note que la courbe masculine est toujours « au-dessus » de la courbe féminine (plus positive ou moins négative).

49La deuxième composante oppose donc, d’une part, des arrondissements (scores positifs) qui gagnent des jeunes couples avec enfants, perdent des hommes âgés, comptent moins de naissances qu’en moyenne de 1915 à 1918 et plus de naissances en 1920, et comptent relativement plus de décès masculins que féminins pendant toute la période d’observation, qu’il s’agisse indifféremment des années de guerre ou de paix, et, d’autre part, d’autres arrondissements (scores négatifs) présentant les caractéristiques inverses. Un coup d’œil à la carte 3 montre que les premiers arrondissements (scores positifs) sont les grandes villes et les seconds (scores négatifs) les arrondissements ruraux. La corrélation de la proportion des actifs exerçant une profession dans l’agriculture (selon le recensement de 1920) n’est significative qu’avec cette deuxième composante (– 0,79), ce qui confirme cette interprétation. Deux exceptions sautent aux yeux : l’arrondissement de Dixmude, un des plus touchés du front, qui présente le score le plus positif et donc en principe des caractéristiques des villes, et celui de Gand, qui présente au contraire des caractéristiques rurales. Les personnes d’âge inconnu sont relativement plus nombreuses dans les arrondissements à scores négatifs, ruraux.

Graphique 10

Corrélation des indices d’évolution des effectifs par génération et des indices annuels de naissances et de décès avec la deuxième composante principale

Graphique 10. Corrélation des indices d’évolution des effectifs par génération et des indices annuels de naissances et de décès avec la deuxième composante principale

Corrélation des indices d’évolution des effectifs par génération et des indices annuels de naissances et de décès avec la deuxième composante principale

Sources : Recensement général du 31 décembre 1910, op. cit. ; Recensement général du 31 décembre 1920, op. cit. ; Mouvement de la population et de l’état-civil en Belgique pour les années 1911 à 1920, op. cit.
Carte 3

Scores de la deuxième composante principale

Carte 3. Scores de la deuxième composante principale

Scores de la deuxième composante principale

Les scores des composantes principales sont les valeurs des nouvelles variables synthétiques (composantes) calculées par l’ACP. La deuxième composante est interprétée dans le chapitre 4 ; elle condense 16,1 % de l’information globale des 72 variables initiales.
Sources : Ministère de l’Intérieur, Recensement général du 31 décembre 1910, op. cit. ; Ministère de l’Intérieur et de l’Hygiène, Recensement général du 31 décembre 1920, op. cit. ; Mouvement de la population et de l’état-civil en Belgique pour les années 1911 à 1920, op. cit.
Graphique 11

Pyramide d’âge de l’arrondissement de Charleroi au 31 décembre 1920 comparant les effectifs observés (en couleur) et attendus (contour), ceux-ci sur la base des effectifs des mêmes générations au 31 décembre 1910 ou à la naissance et des évolutions nationales des effectifs par génération

Graphique 11. Pyramide d’âge de l’arrondissement de Charleroi au 31 décembre 1920 comparant les effectifs observés (en couleur) et attendus (contour), ceux-ci sur la base des effectifs des mêmes générations au 31 décembre 1910 ou à la naissance et des évolutions nationales des effectifs par génération

Pyramide d’âge de l’arrondissement de Charleroi au 31 décembre 1920 comparant les effectifs observés (en couleur) et attendus (contour), ceux-ci sur la base des effectifs des mêmes générations au 31 décembre 1910 ou à la naissance et des évolutions nationales des effectifs par génération

L’importance des classes d’âge est en ‰ de la population totale sexes réunis observée au 31 décembre 1920.
Sources : Recensement général du 31 décembre 1910, op. cit. ; Recensement général du 31 décembre 1920, op. cit. ; Mouvement de la population et de l’état-civil en Belgique pour les années 1911 à 1920, op. cit.
Graphique 12

Pyramide d’âge de l’arrondissement d’Anvers au 31 décembre 1920 comparant les effectifs observés (en couleur) et attendus (contour), ceux-ci sur la base des effectifs des mêmes générations au 31 décembre 1910 ou à la naissance et des évolutions nationales des effectifs par génération

Graphique 12. Pyramide d’âge de l’arrondissement d’Anvers au 31 décembre 1920 comparant les effectifs observés (en couleur) et attendus (contour), ceux-ci sur la base des effectifs des mêmes générations au 31 décembre 1910 ou à la naissance et des évolutions nationales des effectifs par génération

Pyramide d’âge de l’arrondissement d’Anvers au 31 décembre 1920 comparant les effectifs observés (en couleur) et attendus (contour), ceux-ci sur la base des effectifs des mêmes générations au 31 décembre 1910 ou à la naissance et des évolutions nationales des effectifs par génération

L’importance des classes d’âge est en ‰ de la population totale sexes réunis observée au 31 décembre 1920.
Sources : Recensement général du 31 décembre 1910, op. cit. ; Recensement général du 31 décembre 1920, op. cit. ; Mouvement de la population et de l’état-civil en Belgique pour les années 1911 à 1920, op. cit.
Graphique 13

Pyramide d’âge de l’arrondissement de Tielt au 31 décembre 1920 comparant les effectifs observés (en couleur) et attendus (contour), ceux-ci sur la base des effectifs des mêmes générations au 31 décembre 1910 ou à la naissance et des évolutions nationales des effectifs par génération

Graphique 13. Pyramide d’âge de l’arrondissement de Tielt au 31 décembre 1920 comparant les effectifs observés (en couleur) et attendus (contour), ceux-ci sur la base des effectifs des mêmes générations au 31 décembre 1910 ou à la naissance et des évolutions nationales des effectifs par génération

Pyramide d’âge de l’arrondissement de Tielt au 31 décembre 1920 comparant les effectifs observés (en couleur) et attendus (contour), ceux-ci sur la base des effectifs des mêmes générations au 31 décembre 1910 ou à la naissance et des évolutions nationales des effectifs par génération

L’importance des classes d’âge est en ‰ de la population totale sexes réunis observée au 31 décembre 1920.
Sources : Recensement général du 31 décembre 1910, op. cit. ; Recensement général du 31 décembre 1920, op. cit. ; Mouvement de la population et de l’état-civil en Belgique pour les années 1911 à 1920, op. cit.
Graphique 14

Pyramide d’âge de l’arrondissement d’Audenarde au 31 décembre 1920 comparant les effectifs observés (en couleur) et attendus (contour), ceux-ci sur la base des effectifs des mêmes générations au 31 décembre 1910 ou à la naissance et des évolutions nationales des effectifs par génération

Graphique 14. Pyramide d’âge de l’arrondissement d’Audenarde au 31 décembre 1920 comparant les effectifs observés (en couleur) et attendus (contour), ceux-ci sur la base des effectifs des mêmes générations au 31 décembre 1910 ou à la naissance et des évolutions nationales des effectifs par génération

Pyramide d’âge de l’arrondissement d’Audenarde au 31 décembre 1920 comparant les effectifs observés (en couleur) et attendus (contour), ceux-ci sur la base des effectifs des mêmes générations au 31 décembre 1910 ou à la naissance et des évolutions nationales des effectifs par génération

L’importance des classes d’âge est en ‰ de la population totale sexes réunis observée au 31 décembre 1920.
Sources : Recensement général du 31 décembre 1910, op. cit. ; Recensement général du 31 décembre 1920, op. cit. ; Mouvement de la population et de l’état-civil en Belgique pour les années 1911 à 1920, op. cit.

50Sur le graphique 3, les scores les plus élevés de la deuxième composante principale correspondent, outre à l’arrondissement de Dixmude (cf. Graphique 5), aux arrondissements de Charleroi et d’Anvers, et les scores les plus négatifs de la deuxième composante aux arrondissements de Tielt et d’Audenarde. Les pyramides d’âge des arrondissements de Charleroi et d’Anvers (cf. Graphiques 11 et 12) montrent un surcroît de jeunes adultes et un déficit d’adultes masculins de 50 ans et plus ; dans le cas de l’arrondissement de Charleroi, on voit aussi un surcroît d’enfants tandis que c’est un faible déficit dans le cas de celui d’Anvers. Les pyramides d’âge des arrondissements de Tielt et d’Audenarde (cf. Graphiques 13 et 14) montrent un déficit de jeunes et un excès d’hommes âgés.

51Il reste à comprendre quels phénomènes mènent à ces observations.

52Commençons par le déficit de jeunes adultes avec enfants dans les arrondissements les plus ruraux et un certain excès des mêmes dans les arrondissements comprenant une grande ville. Si elle comprend cinq années de guerre, la période intercensitaire étudiée compte aussi cinq années de paix. Le mouvement migratoire dominant avant la guerre était l’exode rural et il a vraisemblablement repris ensuite, voire dans une certaine mesure a continué pendant le conflit. Les âges concernés (pour rappel, en 1920 ; les personnes concernées étaient plus jeunes lors de la migration) sont caractéristiques. Ils correspondent à ce qui a été appelé les migrations d’élargissement du ménage, qui, plus tard, à partir de la seconde moitié du XXe siècle, prendront la direction de la banlieue à partir de la ville. Une seconde explication additionne ses effets pour le déficit/l’excès des jeunes enfants. La baisse importante des naissances dès le début de la guerre (cf. infra) a considérablement augmenté l’attention à la petite enfance. La création des œuvres de l’enfance et le développement des consultations de nourrissons ont fait baisser la mortalité infantile  [139] mais ce mouvement ne s’est développé que dans les grandes villes : Bruxelles, Anvers et le Hainaut  [140]. En résulte une différence de mortalité infantile et des indices population 1920/naissances. On a vu aussi que les indices de naissances étaient corrélés négativement pendant la guerre (1915-1918) et positivement après (1920), ce qui traduit un surcroît de naissances dans les milieux ruraux et un rattrapage d’après la guerre principalement dans les milieux urbains. Nous reviendrons sur cette plus forte natalité rurale.

53Examinons maintenant le surcroît des hommes de 50 ans et plus en milieu rural opposé au déficit dans les grandes villes. L’explication est le caractère malsain du travail dans l’industrie à l’époque (extractive, métallurgique, etc.) ; or l’impact de l’industrie sur la durée de vie touchait surtout les hommes. Ce facteur explique aussi que les corrélations des indices de mortalité avec la deuxième composante soient plus positifs ou moins négatifs (plus urbains) pour les hommes que pour les femmes.

5. Déficit de naissances

54Les indices rapportant, pour chaque génération, sa population de 1920 à celle de 1910 ou à la naissance sont insensibles au déficit de naissances provoqué par la guerre comme évidemment aussi l’ACP. Nous étudions donc ce thème à partir d’autres indicateurs.

55Le nombre de naissances diminue de 8 % dès 1914 ; par rapport à 1913, il manque 13 773 naissances (cf. Graphique 15). C’est surprenant, comme le relève A. Lambert  [141], puisque la gestation dure neuf mois et que la guerre commence au début du mois d’août. En France, les naissances ont diminué brutalement (– 37 %) entre avril et mai 1915, soit neuf mois après l’invasion de la Belgique et la mobilisation générale en France  [142]. La chronologie est analogue en Allemagne et en Grande-Bretagne  [143]. Comme on l’a vu, l’explication est que des grossesses engagées ont été menées à terme à l’étranger parmi les populations réfugiées. On sait par exemple qu’il y a eu 5 288 naissances issues d’exilés belges en Grande-Bretagne d’octobre 1914 à juin 1917  [144]. Ce phénomène est propre à la Belgique et résulte de l’occupation presque entière du territoire. Pour R. Olbrechts, cette explication est suffisante  [145] ; il montre que la diminution du nombre de naissances varie fortement dans l’espace et que, « dans les parties du pays qui échappèrent aux ravages des troupes allemandes, on ne constate guère de changement »  [146]. En fait, la carte du rapport des naissances de 1914 à celles de 1913 (cf. Carte 4) montre, beaucoup mieux que celle de la première composante (cf. Carte 2), les lieux des atrocités allemandes et des départs en exil. La raison en est qu’elle se concentre sur l’année de l’invasion. Le principal facteur de réduction de la natalité en 1914 est donc l’exil. Après 1914, le nombre de naissances a continué à diminuer (cf. Graphique 15), les effectifs annuels de 1917 et 1918 ne représentant plus que 50 % de ceux de 1911 à 1913.

Carte 4

Rapport des effectifs de naissances de 1914 à 1913

Carte 4. Rapport des effectifs de naissances de 1914 à 1913

Rapport des effectifs de naissances de 1914 à 1913

Source : Mouvement de la population et de l’état-civil en Belgique pour les années 1911 à 1920, op. cit.
Graphique 15

Évolution du nombre de naissances 1911-1920.Comparaison des effectifs officiels et estimés d’après le recensement de 1981 (mères domiciliées en Belgique et total) et estimé sans guerre par interpolation entre 1913 et 1920

Graphique 15. Évolution du nombre de naissances 1911-1920.Comparaison des effectifs officiels et estimés d’après le recensement de 1981 (mères domiciliées en Belgique et total) et estimé sans guerre par interpolation entre 1913 et 1920

Évolution du nombre de naissances 1911-1920.Comparaison des effectifs officiels et estimés d’après le recensement de 1981 (mères domiciliées en Belgique et total) et estimé sans guerre par interpolation entre 1913 et 1920

Sources : Mouvement de la population et de l’état-civil en Belgique pour les années 1911 à 1920, op. cit. ; Recensement de la population au 1er mars 1981, données individuelles inédites anonymisées.

56On aimerait bien évidemment disposer des naissances par mois, mais cette statistique n’existe pas en Belgique pour les années 1914 à 1918  [147]. Toutefois, les données individuelles anonymisées du recensement de 1981, le plus ancien pour lequel elles sont disponibles pour la recherche, sont exploitables du point de vue du mois de naissance des survivants, même pendant la guerre ; elles constituent donc une source alternative. Il y a ici moyen de séparer les naissances selon que la mère résidait habituellement en Belgique ou non au moment de la naissance. Malheureusement, les effectifs sont ceux des survivants en Belgique ; ils ont donc été réduits par la mortalité et l’émigration. Ces processus sont fonction de la durée ; dès lors, le rapport entre, d’une part, les effectifs des personnes vivant encore en Belgique en 1981 et nées de mères y résidant à l’époque et, d’autre part, les effectifs à la naissance, est fonction de la date de celle-ci. En janvier 1911, ce rapport est de 49 % ; en décembre 1920, il est de 72 %. Sur les cinq années connues, la relation linéaire est très satisfaisante : le coefficient de détermination (R2) est de 0,9697. Elle permet d’estimer le nombre de naissances à partir des survivants en 1981, y compris pendant les cinq années où ces statistiques sont inexistantes (cf. Graphique 16, partie supérieure). Sur les années où les estimations peuvent être comparées aux statistiques officielles, l’erreur quadratique moyenne (mensuelle) est de 2,4 %. Les naissances officielles sont des naissances de droit, donc relatives à des mères résidant habituellement en Belgique au moment de la naissance ; mais, pendant la guerre, les naissances qui se sont produites à l’étranger n’ont pas été enregistrées en Belgique (en temps normal, elles sont transmises par les offices statistiques des différents pays concernés). Les sommes annuelles des naissances estimées peuvent être comparées aux effectifs officiels, disponibles aussi de 1914 à 1918 (cf. Graphique 15).

57On constate alors que les valeurs estimées sont sensiblement supérieures aux valeurs officielles pendant les années de guerre, et seulement celles-ci, de 40 346 unités soit 7,3 %. Ce pourcentage est trop élevé pour couvrir les naissances en Belgique non enregistrées ou dont l’enregistrement se serait perdu du fait de guerre, qui ne doivent pas atteindre 2 à 3 % comme pour le nombre d’habitants (cf. supra). Il s’agit donc essentiellement des naissances issues à l’étranger de mères dont la résidence habituelle est restée en Belgique et qui n’ont pas été communiquées par les offices statistiques étrangers du fait de la guerre.

58Le nombre de naissances issues de mères résidant habituellement en Belgique, estimé à partir des données de 1981, présente d’abord une légère tendance à la diminution (cf. Graphique 16, partie supérieure). Puis il chute à partir de mai 1915, soit neuf mois après l’invasion d’août 1914, de 22 % entre avril et juin 1915. Le nombre minimum de naissances est atteint en décembre 1917, à 45 % du niveau de mars 1915. Il augmente fortement à partir d’août 1919, soit neuf mois après l’Armistice du 11 novembre 1918, de 44 % entre juillet et octobre. D’octobre 1919 à mai 1920, les naissances sont supérieures de 2,8 % à leur nombre des mois correspondants de 1911 à 1915  [148] ; c’est la fécondité de rattrapage (« baby-boom »). Puis les naissances diminuent jusqu’en septembre 1920, après quoi elles se stabilisent à un niveau de 10 % inférieur à la moyenne des mois correspondants de 1911 à 1913, ce qui concorde avec la tendance historique de déclin de la fécondité.

59La même source permet d’estimer les naissances issues de mères résidant habituellement hors de Belgique, à partir des survivants en 1981 et des rapports survivants/naissances obtenus par régression sur les naissances issues de mères résidant habituellement en Belgique (cf. supra) ; il n’y a pas de raison qu’ils soient différents. Le nombre des naissances issues de mères résidant habituellement à l’étranger est d’environ 900 par mois de janvier 1911 à septembre 1914 ; il s’agit principalement d’immigrés de première génération (nés dans le pays d’origine) et d’enfants de coloniaux (dont la mère est revenue au pays pour accoucher)  [149]. Leur part représente en moyenne 6,1 % du total des naissances de janvier 1911 à septembre 1914 et est en légère croissance (cf. Graphique 16, partie inférieure). Puis elle augmente brusquement de 6,5 % à 9,1 % en octobre 1914, deux mois après l’invasion. Autrement dit, les femmes qui étaient dans leurs deux derniers mois de grossesse sont restées en Belgique. Ensuite, la part continue à augmenter à un rythme moins soutenu jusqu’en janvier 1918 (à 15,2 %) avant d’entamer une diminution, d’abord lente jusqu’en janvier 1919 (13,5 %), deux mois après l’Armistice (on voit donc se répéter la sédentarité des femmes dans leurs deux derniers mois de grossesse), puis brutale jusqu’en août de la même année (8,1 %). La seconde moitié de 1919 et toute l’année 1920 se retrouvent sur le prolongement de la tendance croissante antérieure à octobre 1914, au niveau moyen de 8,7 %. La tendance est tellement régulière qu’une régression linéaire donne un coefficient de détermination (R2) de 0,90. Nous l’avons utilisée pour séparer les naissances issues des exilés de celles correspondant aux immigrés de première génération et aux colons. Nous avons reporté sur le graphique 15 les sommes annuelles des naissances issues d’exilés.

Graphique 16

Naissances par mois, 1911-1920

Graphique 16. Naissances par mois, 1911-1920

Naissances par mois, 1911-1920

Sources : Mouvement de la population et de l’état-civil en Belgique pour les années 1911 à 1920, op. cit. ; Recensement de la population au 1er mars 1981, données individuelles inédites anonymisées.

60Essayons maintenant d’estimer le nombre et la part de naissances manquantes. Pour cela, nous avons construit le nombre annuel de naissances dans l’hypothèse de l’absence de guerre. Étant donné que, après la fécondité de rattrapage, le nombre de naissances mensuelles est de 10 % inférieur à la moyenne des mêmes mois pendant les années 1911-1913 (cf. supra et Graphique 16, partie supérieure), nous avons fait l’hypothèse que, en l’absence de guerre, le nombre de naissances de l’année 1920 serait aussi de 10 % inférieur à la moyenne des années 1911-1913. Ensuite, nous avons procédé à une interpolation linéaire entre la valeur observée de 1913 et celle estimée de 1920 (cf. Graphique 15). Le nombre de naissances estimé « sans guerre » en 1920 est inférieur au nombre observé correspondant parce que, en l’absence de guerre, il n’y aurait pas eu de fécondité de rattrapage. Le nombre de naissances manquantes est alors estimé par la différence entre la somme des naissances observées des années 1914 à 1920 et la somme correspondante estimée sans guerre. Le résultat est un déficit de 280 000 naissances, soit 24,9 %. Notre estimation réunit les effets de la dépression de la natalité d’août 1914 à septembre 1919 (298 000 naissances, soit 32 %) et de la fécondité de rattrapage d’octobre 1919 à juin 1920 (18 000 naissances, soit 9,2 %)  [150] (cf. Graphique 16). On voit que cette dernière est toute relative puisqu’elle n’a compensé que 6 % du déficit. On voit aussi que les naissances à l’étranger ne représentent que 22 % du déficit de naissances en Belgique (cf. Graphique 15). L’essentiel de la réduction vient donc d’autres mécanismes que l’exil. Cependant, cela est impossible avant les naissances de mai 1915, alors que le nombre de naissances de 1914 est de 8 % inférieur à celui de 1913, dont les deux tiers sont compensés par les naissances à l’étranger reconstituées à partir des données de 1981. Il faut donc supposer que le tiers manquant correspond à des naissances de personnes qui ne sont jamais revenues en Belgique.

61Notre estimation du déficit se place au-dessus de celle d’A. Lambert (215 056) et en dessous de celles de R. Olbrechts (340 000) et de T. Eggerickx (361 000). A. Lambert  [151], qui calcule comme nous le déficit de naissances sur la période 1914-1920, interpole les naissances sans guerre entre 1914 (et non 1913, soit 8 % de moins) et la moyenne de 1922 à 1926 prise comme valeur de 1920 pour en effacer l’effet de rattrapage, soit 2,5 % sous notre estimation. Il corrige aussi les nombres officiels de naissances d’un hypothétique sous-enregistrement, en ajoutant 30 648 naissances ou 11,3 %. Cet effectif lui est nécessaire pour reconstituer les populations par âge en 1920. Nous considérons qu’il s’agit, plutôt que d’un sous-enregistrement (l’effectif est beaucoup trop grand pour cela), des enfants nés à l’étranger qui sont revenus en Belgique avant la fin de 1920. Notre estimation de ceux-ci  [152], très proche de sa correction, est de 31 123. De son côté, R. Olbrechts suppose que, en l’absence de guerre, le nombre de naissances de 1913 se serait répété de façon constante les années ultérieures  [153] ; il considère que « la dépression de la natalité résultant de la guerre s’est (…) étendue (…) d’août 1914 à fin juillet 1919 », soit « exactement cinq années »  [154], et estime le déficit sur cette période. Conscient de la tendance baissière de la fécondité, il calcule aussi (en note) un déficit qui en tient compte, soit 300 000, très proche de notre estimation (298 000) ; c’est d’ailleurs cette valeur qu’il reprend dans son bilan final  [155]. Enfin, T. Eggerickx calcule simplement la différence entre les naissances de 1914 à 1918 et celles de 1909 à 1913  [156] ; il incorpore donc abusivement dans son calcul du déficit la diminution tendancielle de la fécondité en cinq ans et néglige la fécondité de rattrapage.

62Avec la même méthode, nous pouvons estimer la part de naissances manquantes sur la période 1914-1920 par arrondissement. Les variations spatiales de cette part sont importantes : de moins de 8 % (arrondissement de Marche-en-Famenne) à près de 71 % (arrondissement de Dixmude) (cf. Carte 5). On constate que la géographie du déficit sur ces sept années diffère sensiblement de celle de la seule première année. En dehors des trois arrondissements du front – où la guerre se prolonge –, il n’y a pas de ressemblance. La carte fait apparaître deux blocs impressionnants : la Campine (province de Limbourg plus l’arrondissement de Turnhout) et le sud du pays, de l’arrondissement de Philippeville à celui de Verviers à l’exception de la Lorraine. Dans ces deux ensembles, le déficit de naissances est modéré (moins de 20 %). À l’inverse, les grandes villes présentent des déficits plus importants, de 23 % à 29 %. La classe intermédiaire (20 % à 23 %) est caractéristique des arrondissements ruraux avec une ville régionale et les valeurs les plus fortes de la zone du front.

63Pour R. Olbrechts, il est clair que la réduction des naissances est plus forte en ville et plus faible à la campagne  [157] ; il le démontre par comparaison avec la proportion d’actifs travaillant dans l’agriculture  [158]. Le facteur majeur doit être la réduction plus ou moins forte de la fécondité maritale. La réduction aurait été plus faible à la campagne pour deux raisons. D’une part, les populations rurales ont moins souffert des restrictions alimentaires alors qu’une nourriture insuffisante peut entraîner une baisse de fertilité : la Belgique occupée était approvisionnée tant bien que mal par des dons venus de l’étranger (Commission for Relief in Belgium), par la mer ; les insuffisances alimentaires frappaient surtout les villes ; à la campagne, la nourriture végétale et animale était assurée par le jardin potager et par le petit et grand élevage. D’autre part, les populations rurales connaissaient moins et étaient moins désireuses de pratiquer des méthodes contraceptives. Mais, globalement, d’autres facteurs ont aussi joué. R. Olbrechts calcule par exemple l’évolution nationale du «  nombre de femmes mariées, âgées de 15 à 49 ans, non séparées  [159] de leur époux  »  [160] et constate que ce nombre diminue plus vite que celui de la fécondité  [161]. Cette évolution intègre plusieurs phénomènes : la structure d’âge (les jeunes entrant dans l’intervalle d’âge remplacent-elles les femmes mûres qui en sortent ?), la nuptialité (dont il démontre qu’elle diminue pendant la guerre  [162]) et la séparation des époux par enrôlement militaire, déportation ou exil (le total ne devant pas avoir dépassé 20 % selon R. Olbrechts  [163], qui donne cependant le même chiffre pour le seul enrôlement  [164]). Suite à l’occupation du territoire, les militaires belges sont restés en service pendant toute la guerre et n’ont pas pu bénéficier de permissions dans leur famille, situation qui ne s’est rencontrée dans aucune autre nation participant au conflit. Par ailleurs, certains sous-enregistrements des naissances sont connus ou au moins soupçonnés, comme, pour 1914, dans les arrondissements d’Ypres, de Dixmude et de Termonde ou, pour 1918, « cinquante communes dont 39 en Flandre occidentale  [165] » qui manquent dans les données  [166]. Cependant, la comparaison systématique, pour tous les arrondissements, entre l’évolution officielle des naissances et leur reconstitution à partir des données de 1981 ne permet pas d’identifier de cas flagrant de sous-enregistrement.

Carte 5

Déficit de naissances 1914-1920 (tenant compte du rattrapage d’après-guerre) en pourcentage des naissances attendues sans guerre

Carte 5. Déficit de naissances 1914-1920 (tenant compte du rattrapage d’après-guerre) en pourcentage des naissances attendues sans guerre

Déficit de naissances 1914-1920 (tenant compte du rattrapage d’après-guerre) en pourcentage des naissances attendues sans guerre

Source : Mouvement de la population et de l’état-civil en Belgique pour les années 1911 à 1920, op. cit.

6. Surmortalité civile

64Nous avons montré plus haut que les nombres de décès annuels par sexe et par arrondissement publiés par le Mouvement de la population et de l’état-civil en Belgique pour les années 1911 à 1920 ne comprennent pas les décès militaires. L’analyse des nombres de décès par année est difficile : les effectifs de population réelle sont inconnus, ce qui empêche de calculer des taux de mortalité. On a vu plus haut que les effectifs officiels intercensitaires étaient à l’évidence faux, suite à la méconnaissance des émigrations. Nous utiliserons comme référence principale la moyenne de 1912 à 1913, préférable à celle de 1911 à 1913, le nombre de décès en 1911 étant de 10 % supérieur aux deux années suivantes (cf. Graphique 1). Cela nous permettra d’avoir des indices comparables pour les différents arrondissements et pour le pays.

65En 1914, la mortalité civile, sexes réunis, est quasi la même qu’en 1912 et 1913 (cf. Graphique 1) : 1 ‰ de diminution. Cette moyenne cache des évolutions extrêmement diverses (cf. Carte 6) : le nombre de décès a augmenté de 82 % dans l’arrondissement de Virton (+ 519 morts), 54 % à Dinant (+ 736 morts), 30 % à Namur (+ 897 morts), 20 % à Neufchâteau, etc., mais a diminué de 66 % à Dixmude, 43 % à Ypres, etc. Nous le savons, 1914 est l’année de l’invasion, assortie de massacres de civils, mais aussi celle de l’exil et de la mobilisation. Les trois principales augmentations correspondent aux massacres d’Ethe, de Dinant, de Tamines et d’Andenne ; d’autres atrocités sont moins visibles suite à la plus forte population, qui diminue l’importance relative. Dans chaque cas, les hommes ont été davantage touchés que les femmes : les nombres de décès ont augmenté respectivement de 128 % et 30 %, dans l’arrondissement de Virton, de 95 % et 10 % dans celui de Dinant, de 53 et 5 % dans celui de Namur (cf. Graphique 17, partie inférieure). Lors de l’exécution de civils, les hommes ont été les principales victimes. Dans les arrondissements en diminution, les indices des deux sexes sont quasi identiques, ce qui est caractéristique de l’exil (cf. Graphique 17, partie supérieure). Celui-ci a diminué le nombre de décès survenus en Belgique, en les déplaçant à l’étranger. Par exemple, 2 523 réfugiés belges sont morts en Grande-Bretagne entre octobre 1914 et décembre 1917  [167]. De 1914 à 1918, on peut estimer, sur la base de la mortalité moyenne de 1912 et 1913, que 39 600 Belges seraient décédés en exil  [168], soit l’ordre de grandeur du nombre de décès militaires pendant la même période ! Il s’agit là d’un minimum parce que la mortalité des réfugiés en temps de guerre était vraisemblablement supérieure à la situation antérieure en temps de paix. Par exemple, une partie (minoritaire selon M. Amara  [169]) des réfugiés belges aux Pays-Bas ont été logés dans des camps, où, suite aux mauvaises conditions d’hygiène, la mortalité était plus forte que la moyenne néerlandaise  [170]. Revenons sur le 1 ‰ de diminution du nombre de décès de 1912-1913 à 1914 en Belgique. Il se décline en une augmentation de 2,2 % des décès masculins et une diminution de 2,7 % des décès féminins (cf. Graphique 17) ; les exécutions l’emportent sur l’effet de l’exil pour les hommes, alors que c’est le contraire pour les femmes.

Graphique 17

Évolution annuelle 1911-1920 du nombre de décès en indice de la moyenne 1912-1913

Graphique 17. Évolution annuelle 1911-1920 du nombre de décès en indice de la moyenne 1912-1913

Évolution annuelle 1911-1920 du nombre de décès en indice de la moyenne 1912-1913

Source : Mouvement de la population et de l’état-civil en Belgique pour les années 1911 à 1920, op. cit.
Carte 6

Rapport du nombre de décès civils de 1914 à celui de 1913

Carte 6. Rapport du nombre de décès civils de 1914 à celui de 1913

Rapport du nombre de décès civils de 1914 à celui de 1913

Source : Mouvement de la population et de l’état-civil en Belgique pour les années 1911 à 1920, op. cit.

66En 1915, le nombre de décès est inférieur à la moyenne annuelle de 1912-1913 dans presque tous les arrondissements, ce qui montre que l’exil est loin de ne concerner que la Flandre occidentale. Pour tout le pays, il est inférieur de 7,5 % ; l’écart est un peu plus marqué pour les hommes (8,4 %) que pour les femmes (6,6 %), différence qui doit être rapprochée de la plus forte diminution de la population soumise au risque du côté masculin, par l’enrôlement militaire (cf. Graphique 17). Les diminutions les plus importantes concernent les arrondissements les plus dépeuplés : 70 % pour celui de Dixmude, 24 % pour ceux d’Ostende, d’Ypres et de Roulers, mais aussi 18 % pour celui d’Anvers, 13 % pour celui de Thuin, 11 % pour celui de Charleroi, 10 % pour ceux de Soignies, de Liège, de Philippeville et de Courtrai, etc. On voit s’étendre la zone touchée par les combats autour du front : de 1914 à 1915, les décès ont fortement diminué dans les arrondissements d’Ostende et de Roulers, ce qui témoigne de nouveaux exils. Un second facteur de réduction est évidemment la fin des atrocités allemandes. L’essentiel de la Belgique vit maintenant sous l’occupation. R. Olbrechts attire l’attention sur une troisième explication  [171] : la diminution de la natalité, qui réduit en conséquence le nombre de décès infantiles qui, avant la guerre, représentait environ 20 % du total des décès. Dix arrondissements font exception et comptent plus de décès qu’en 1912-1913, dont seuls deux significativement (cf. Graphique 17) : Furnes (+ 35 %), avec un surcroît d’hommes (+ 40 %, contre + 30 % pour les femmes), et Hasselt (+ 10 %), avec un surcroît de femmes (+ 19 %, contre + 1,5 % pour les hommes). Dans les deux cas, l’explication est vraisemblablement l’exil intérieur.

67Si le nombre de décès atteint son minimum en 1915 pour les femmes (– 6,6 %, contre – 4,0 % en 1916), c’est en 1916 qu’il se produit pour les hommes (– 10,0 %, contre – 8,4 % en 1915) (cf. Graphique 17). La raison de cette différence est que, en septembre 1916, ont commencé les réquisitions d’hommes, déportés en Allemagne pour travailler dans les usines ou dans les mines, ou derrière les lignes en France ou en Belgique pour des travaux de défense de l’armée allemande. Le chômage en Belgique est alors important : un tiers de la population active au début de 1915  [172]. Les déportations vers l’Allemagne ont continué jusqu’en février 1917 et celles vers l’arrière du front jusqu’à la fin de la guerre  [173]. D’après la Commission d’enquête sur la violation des règles du droit des gens, des lois et des coutumes de la guerre  [174], 120 655 hommes ont été déportés, dont 2 614 sont décédés (soit 3,7 fois le taux des mêmes classes d’âge en 1912-1913 pour la Belgique). Ces chiffres ont été souvent repris par d’autres auteurs. Selon R. Olbrechts, ce nombre de déportés représente 6 % des hommes de 16 à 55 ans  [175]. Il donne aussi les proportions par arrondissement judiciaire. Plus récemment, Arnaud Charon  [176] a publié à partir de la même source une carte par commune de la proportion de déportés dans la population masculine, qui confirme les valeurs de R. Olbrechts mais montre des contrastes extraordinaires et inexpliqués : proportions fortes dans la province de Luxembourg et les arrondissements de Namur et Dinant, mais très faibles dans la province de Liège et les arrondissements de Charleroi et Philippeville, pourtant voisins ; dans le Brabant, valeurs fortes dans l’arrondissement de Nivelles, faibles dans ceux de Bruxelles et Louvain ; etc. Sur cette carte par commune, les contrastes sont nets de part et d’autre des limites administratives et c’est très étonnant. Ceux qui revenaient étaient en piteux état : « cadavériques, puants, galeux, aux pieds nécrosés dans des sabots. (…) La santé de centaines de jeunes gens (…) était définitivement compromise. Des hommes de trente ans revenaient comme des vieillards. (…) Il fallait amputer les pieds et les doigts gelés »  [177]. Contrairement à la Commission d’enquête (2 614), A. Charon estime le nombre de décédés à 6 000  [178]. D’après des recherches minutieuses récentes, appuyées sur de multiples sources belges, françaises et allemandes  [179], il y a eu en fait au moins 8 000 décès de déportés – éventuellement après leur retour mais suite aux conditions de déportation –, ce qui implique que le nombre de travailleurs forcés peut avoir été fortement sous-estimé. De 1915 à 1916, le nombre officiel de décès civils masculins a diminué de plus de 1 000 unités, ce qui, d’après les taux de décès de l’époque et en tenant compte du fait que la population manquante aurait eu entre 16 et 55 ans, âge normalement de faible mortalité, pourrait correspondre à moitié plus de déportés que la statistique de la Commission d’enquête. Comme les décès féminins augmentent dans le même temps de plus de 1 400 unités, on peut imaginer que, sans déportations, le nombre de décès masculins aurait augmenté également, ce qui ouvre la porte à une estimation supérieure encore. Malheureusement, les recherches du musée In Flanders Fields d’Ypres portent sur les seuls décédés, pas sur les déportés eux-mêmes, dont le nombre réel reste donc hors de portée, la seule source restant les travaux de la Commission d’enquête. Considérons maintenant les variations spatiales. Dans les arrondissements du front, le nombre de décès de 1916 est partout inférieur à la moyenne de 1912-1913 : on n’est plus, dans l’arrondissement de Dixmude, qu’à 22 % de l’effectif d’avant-guerre, dans celui d’Ypres à 38 %, dans ceux d’Ostende et de Roulers à 70 % et 71 %. À l’opposé, treize arrondissements dépassent le nombre de décès de 1912-1913, mais seulement un significativement (celui de Bastogne, + 12 %).

68En 1917, le nombre de décès augmente de 24 % par rapport à 1916, à 15 % au-dessus de la moyenne des années 1912-1913 (cf. Graphique 17). Seuls quatre arrondissements comptent moins de décès en 1917 qu’en 1912-1913 : Dixmude (– 74 %), Ypres (– 63 %), Furnes (– 15 %) et Ostende (– 10 %). On note que les évacuations concernent aussi Furnes à partir de cette année, après que ce territoire a servi de refuge pendant les premières années de guerre (cf. Graphique 17). Tous les autres arrondissements sont au-dessus du niveau de 1912-1913, certains spectaculairement : Tournai (+ 35 %), Bastogne, Courtrai et Marche-en-Famenne (+ 34 %), Mons (+ 28 %), Liège et Maaseik (+ 27 %), etc. La raison de l’augmentation de mortalité est que l’alimentation de la population est devenue critique. « Le développement de la guerre sous-marine détermina à partir de février 1917 un fléchissement considérable dans les importations de vivres, assurées par la Commission for Relief in Belgium. En 1917, le tonnage des importations n’atteignait que 793 000 tonnes, contre 1 250 000 en 1916 »  [180]. En conséquence, les prix des denrées alimentaires explosent : de l’indice 100 en juillet 1914, on passe à 167 en 1915, 353 en 1916 et 784 en 1917  [181].

69L’année 1918 marque le point culminant du nombre de décès civils (cf. Graphique 17), à 45 % au-dessus de la moyenne 1912-1913. Puisque la population a diminué, le taux de mortalité est encore plus haut, 75 % au-dessus de 1913 selon l’estimation de R. Olbrechts  [182]. Les nombres de décès des arrondissements de Courtrai, de Hasselt, de Mons et de Neufchâteau sont respectivement de 87 %, 81 % et, pour les deux derniers, 77 % au-dessus de la moyenne 1912-1913 (cf. Graphique 17). La crise alimentaire devient dramatique (l’indice des prix monte à 1 296 pour les dix premiers mois de 1918  [183]). Mais 1918 est surtout l’année de l’épidémie mondiale de grippe dite espagnole qui, en Belgique, frappe des populations très affaiblies  [184] en deux vagues : mai-juin et septembre-novembre  [185]. Cette épidémie est très effrayante : 30 % de personnes atteintes, 1 à 2 % de décès – après une agonie très impressionnante –, maladie extrêmement contagieuse, même par des porteurs apparemment sains, et contre laquelle les médecins sont impuissants  [186]. On estime que cette épidémie de grippe fait 50 à 60 millions de morts dans le monde, contre 10 millions pour la Grande Guerre elle-même. Contrastant avec les autres arrondissements, les quatre du front affichent des nombres de décès très faibles, traduisant exil et évacuation : Ypres (24 % du nombre de décès de 1912-13), Dixmude (39 %), Furnes (76 %) et Roulers (91 %). L’arrondissement d’Ostende est 3 % au-dessus du nombre de décès de 1912-1913 (cf. Graphique 17).

70En 1919, le nombre de décès descend à 3,8 % au-dessus du niveau de 1912-1913, malgré une troisième vague de grippe, de février à mai, qui fait 6 274 victimes  [187], et le retour de l’essentiel des exilés et des mobilisés. « Le nombre de décès tombe, dès le mois de mai [1919], au-dessous de la normale »  [188]. En 1920, il y a 5,6 % de décès en moins que la moyenne annuelle de 1912-1913. Il est impossible de distinguer dans ce chiffre la tendance séculaire à la diminution de la mortalité, l’effet de la surmortalité antérieure (des décès ne se produisent pas en 1920 parce que ces personnes sont décédées les années précédentes), le fait que tous les exilés ne sont pas revenus, la mortalité plus forte des blessés, malades et handicapés suite à la guerre, etc.

71Pour synthétiser la mortalité civile de guerre, nous avons rapporté pour chaque arrondissement le nombre annuel moyen de décès de 1914-1918 à celui de 1912-1913 (cf. Carte 7). Deux ensembles sautent aux yeux. D’une part, les cinq arrondissements centrés sur le front, où la mortalité est inférieure à l’avant-guerre par suite de l’exil et des évacuations. Dans les arrondissements de Dixmude et Ypres, la réduction est de plus de 50 %, dans ceux de Roulers et Ostende de 15 à 16 %, dans celui de Furnes de 2 %. On a vu plus haut l’évolution au cours de la guerre (cf. Graphique 17). à l’opposé, c’est l’est de la Belgique qui paie le plus lourd tribut. On voit se dessiner une bande nord-sud de l’arrondissement de Maaseik à celui de Virton, avec des extensions vers ceux de Namur et de Charleroi, caractérisée par une surmortalité de plus de 14 %, jusqu’à 28 %. L’examen rétrospectif des cartes annuelles, non reproduites ici, confirme la mortalité plus forte chaque année depuis 1915 dans ces arrondissements, à quelques exceptions près, qui changent d’année en année. Même si cette carte synthétique présente des analogies avec celle du déficit des naissances, qui mettait en évidence la Campine et l’Ardenne, principales régions rurales en dehors du Westhoek (soumis aux batailles des tranchées), l’originalité ici est d’englober des arrondissements urbains : Liège, Namur, Charleroi. Les autres arrondissements présentant une surmortalité pendant cette période sont également dotés d’une ville au moins régionale : Mons, Tournai, Courtrai (Tielt fait exception). L’explication de cet excès de décès n’est pas évidente. Peut-être l’approvisionnement alimentaire de l’Est était-il plus incertain suite à la distance par rapport à la mer. Par ailleurs, l’excès de décès urbains peut être une conséquence de l’augmentation de la population soumise au risque, suite au bilan migratoire positif des villes.

72Au niveau du pays, nous pouvons construire une meilleure estimation de la surmortalité civile pour les années 1914-1918. Estimons un nombre de décès « sans guerre » qui soit comparable aux décès enregistrés. Pour ce faire, il faudrait calculer ce nombre par rapport à la population civile effectivement présente pendant les années de guerre, ce qui n’a jamais été fait. L’estimation sera grossière mais vaudra mieux que de supposer la population inchangée. Décomptons de cette population les exilés (600 000 pendant quatre ans et demi), les mobilisés (365 000  [189] pendant trois ans et neuf mois) et les déportés (au moins 121 000, disons pendant un an). Ces deux dernières catégories ne doivent pas être considérées au même titre que les exilés parce qu’elles concernent des âges (20-40 ans pour les militaires, 16-55 ans pour les déportés) où l’on meurt normalement moins : 10 % des décès pour 31 % de la population pour les premiers, 23 % des décès pour 56 % de la population pour les derniers, soit une mortalité respectivement de 33 % et de 40 % de celle de la population générale, ce qui nous servira de pondération. Fixons le taux de mortalité « sans guerre » au nombre moyen de décès de 1912 et 1913 rapporté à la population de 1910, plus sûre que les effectifs intercensitaires. Nous arrivons à 497 400 morts. Il y en a eu en réalité 592 600. Nous estimons donc le nombre de décès civils excédentaires en Belgique à 95 200, soit une augmentation de 19 %, effet de la grippe espagnole comprise  [190]. « Est-il besoin de signaler encore qu’en aucun (…) pays voisin du nôtre la mortalité civile n’a crû dans une mesure aussi forte que chez nous ? »  [191]

Carte 7

Rapport du nombre moyen annuel de décès civils de 1914-1918 à celui de 1912-1913

Carte 7. Rapport du nombre moyen annuel de décès civils de 1914-1918 à celui de 1912-1913

Rapport du nombre moyen annuel de décès civils de 1914-1918 à celui de 1912-1913

Source : Mouvement de la population et de l’état-civil en Belgique pour les années 1911 à 1920, op. cit.

73Notre estimation se place ainsi au-dessus de celles de l’Annuaire statistique 1915-1919 (23 700), de R. Olbrechts (42 000) et d’A. Lambert (65 105), et en dessous de celle de J. Winter (204 637). L’Annuairestatistique ne prend en compte que les « victimes des massacres de 1914 » (6 000) et les « morts en prison, déportés, victimes de tribunaux militaires allemands, etc. » (17 700)  [192]. R. Olbrechts estime le nombre de décès sans guerre en multipliant simplement celui de 1913 par 5, ce qui néglige l’absence d’une partie de la population ; il enlève aussi 12 500 décès supposés militaires des nombres publiés  [193]. A. Lambert répartit les décès observés par âge par simulation à partir des tables de mortalité de 1846, de 1891-1900 et de 1928-1932  [194] (ce qui change les totaux) et estime des décès par âge sans guerre par simulation à partir d’espérances de vie annuelles estimées par interpolation entre 1913 et 1919. J. Winter n’explicite pas sa méthodologie mais il précise sa source  [195] : les tables de mortalité établies par Dion Veys pour 1892 à 1977  [196]. Il n’est évidemment pas question de mettre en cause ce monumental travail, mais il apparaît clairement que la qualité des tables ne peut dépasser celle des données utilisées et, de ce point de vue, les tables des années de la Grande Guerre ne sont pas les plus solides. En ce qui concerne la méthodologie, J. Winter renvoie à une précédente publication  [197], concernant uniquement la Grande-Bretagne, où elle est rapidement décrite dans une annexe. Si nous comprenons bien, il compare les décès des tables des années de guerre avec des décès interpolés entre les tables des années encadrantes. Il n’est pas clair s’il applique les taux ou quotients de la table aux effectifs par âge observés (dont on ne voit pas comment il les connaîtrait) ou s’il utilise les décès de la table, auquel cas il travaille dans une population stationnaire, qui a une structure d’âge déduite de la table, et non dans la population réelle, où la structure d’âge dépend de la mortalité, de la natalité et des migrations des cent dernières années. Le « paradoxe » qu’il défend  [198], selon lequel le nombre de décès civils de 50 à 60 ans diminuerait pendant la guerre, suggère l’usage des décès de la table, où c’est exactement ce que l’on observerait, mais par diminution des survivants. Par contre, il est clair que les décès de la table sont purement théoriques et ne permettent pas par exemple d’estimer une surmortalité de guerre, qui viole par ailleurs une des trois conditions du modèle de la population stationnaire. J. Winter donne comme décès dus à la guerre 146 000 hommes et 97 000 femmes, dont nous avons retiré son estimation de la mortalité militaire (38 716  [199]). Un coup d’œil aux tableaux  [200] révèle cependant que les calculs portent uniquement sur la tranche d’âge 16-60 ans, qui ne représente en fait qu’un tiers des décès. Si l’on extrapole à l’ensemble des âges, on arrive à 690 000 morts  [201]. Son estimation des décès dus à la guerre dépasse donc de 16 % le total des décès enregistrés, soit la somme des décès « normaux » et de la surmortalité de guerre. En conclusion, ses estimations sont complètement irréalistes.

7. Décès militaires

74Nous abordons maintenant le thème le plus difficile. Le nombre de décès militaires belges lors de la Première Guerre mondiale a fait couler beaucoup d’encre et, comme nous l’avons montré en introduction, de nombreux chiffres disparates ont été publiés. Ce n’est pas étonnant : comme le relate John Keegan, « pour beaucoup, il a été impossible d’offrir un lieu de repos éternel. Leurs corps ont été déchiquetés par les obus et leurs fragments dispersés au point de ne pouvoir être identifiables. De nombreux autres ont été perdus au cours des combats, disparus, enterrés dans des cratères d’obus éboulés ou des tranchées effondrées, leurs corps en décomposition se mêlant au sol bouleversé de la bataille »  [202]. Pieter Trogh ajoute que nombre de militaires décédés ont été enterrés à la hâte, près du lieu de décès, et que les corps ont été concentrés après guerre dans un nombre limité de cimetières militaires, mais que des tombes provisoires ont été détruites par les bombardements  [203]. Le Ministère de la Guerre, puis de la Défense nationale, publia dans le Moniteur belge de mars 1915 à octobre 1925 douze listes de militaires décédés pendant la guerre  [204]. Ces listes contiennent des errata et des doubles comptes. D’après cette source, le nombre de militaires belges décédés est de 36 220, dont 83 morts en Afrique et 13 sur le front russe. La Croix-Rouge publia aussi des listes, similaires mais non identiques, de juillet 1915 à avril 1918  [205]. En 1921, le Ministère de la Défense nationale établit « le compte des pertes encourues par l’armée belge » à 40 367 morts, en dehors des (58) militaires belges décédés en Afrique  [206]. « Cinquante ans plus tard, ce compte était confirmé par le Service de l’Historique des forces armées »  [207]. C’est déjà la valeur reprise par l’Annuaire statistique 1915-1919 et par R. Olbrechts  [208], qui le dit « plus exact » et provenant « d’informations plus récentes » que celui de l’Enquête sur la production réalisée par le BIT (40 936).

75Nous avons eu accès à la « Liste des noms »  [209], base de données nominales actuellement la plus complète, établie par le Kenniscentrum du musée In Flanders Fields de la ville d’Ypres, résultat de 17 ans de travail et toujours en cours d’enrichissement  [210]. Elle est obtenue par collationnement et recoupement de multiples sources comme les dossiers militaires personnels conservés dans les dépôts de Bruxelles et d’Evere, les listes du Moniteur belge et de la Croix-Rouge, les fiches du service des tombes de guerre, les images commémoratives, les publications sur les victimes de guerre, les monographies locales, les témoignages individuels et familiaux, les hommages paroissiaux, les journaux, les monuments aux morts des communes, les cimetières, etc.  [211] La base de données vise tous les morts en relation avec la Belgique et la Première Guerre mondiale, y compris les décès civils et ceux des armées étrangères, alliées et ennemies ; nous avons demandé d’en extraire les morts de l’armée belge. Le degré de complétude est excellent, même si certaines informations manquent : les dates de décès sont connues à 91,5 %, les lieux de décès à 88,0 %, les dates de naissance à 87,0 % et les lieux de résidence habituelle à 81,6 %. À titre de comparaison, le « Belgian War Dead Register », géré par le War Heritage Institute et que nous avions consulté d’abord, ne donne le lieu de décès que pour une fiche sur quatre et celui de résidence habituelle pour une sur dix  [212].

76Cette base de données permet-elle d’établir le nombre de décès militaires ? En fait, il s’agit d’une base de données individuelles, qui vise à être aussi complète que possible. Établir le nombre de décès militaires de la Première Guerre mondiale ne fait pas partie de ses objectifs. à travailler avec ce riche matériel, on se rend compte que le nombre de décès militaires belges de la Grande Guerre n’est pas un concept précis. On peut le concevoir comme les décès advenus de 1914 à 1918, en Belgique, de militaires belges et résidant habituellement en Belgique. La « Liste des noms » répertorie 44 009 militaires belges dont le décès est lié à la Première Guerre mondiale, parmi lesquels 1 546 décédés en 1919, 24 en 1920 et 28 de 1921 à aujourd’hui, dont les quatre derniers remontent au 7 mai 1986. Les décès de 1919 et 1920 découlent de blessures ou maladies contractées pendant la guerre ; ils concernent surtout des militaires de carrière (comme en témoigne l’âge moyen au décès, qui est de 32,5 ans entre l’Armistice et la fin de l’année 1920, contre 26 ans pendant la guerre). Les décès ultérieurs résultent généralement d’accidents dans le cadre du Service d’enlèvement et de destruction d’engins explosifs (SEDEE) liés à la manutention de munitions retrouvées fortuitement  [213]. Parmi les décès, 941 se rapportent à des personnes résidant habituellement à l’étranger : 845 en France, 25 aux Pays-Bas, 16 au Canada, 15 aux États-Unis, 8 au Royaume-Uni, etc. Ces militaires étaient probablement des fils de personnes en poste à l’étranger quand la guerre a éclaté ou d’exilés ultérieurs. De la même façon, le lieu de décès se situe à l’étranger pour 8 402 personnes, dont 5 430 en France (combats, usines d’armement, hôpitaux militaires), 1 454 en Allemagne (prisonniers de guerre), 565 aux Pays-Bas (internés), 435 au Royaume-Uni (usines d’armement), 217 en Afrique hors Congo, 78 en Suisse (où « de nombreux blessés graves et des malades les plus gravement atteints » parmi les prisonniers de guerre belges en Allemagne ont été dirigés à leur retour  [214]), 77 au Congo, 68 en mer (marine), 17 en Russie (Corps expéditionnaire belge des autos-canons-mitrailleuses), etc. On notera en passant la diversité des effectifs cités par les différentes sources concernant les décès à l’étranger, mais cela sort de notre sujet. Trente-deux Congolais ont participé aux combats de l’armée belge  [215]. Tous les éléments de notre définition intuitive sont donc battus en brèche et l’on en voit de bonnes raisons. Pour obtenir un décompte des décès militaires belges, il faudrait donc décider de quelles catégories il est tenu compte ou pas. Et, pour comparer les différentes estimations, il faudrait savoir aussi quelles définitions ont été utilisées par les autres sources, ce que l’on ignore généralement. En prenant tous les enregistrements de la base de données, on ajoute au maximum 3 600 personnes au nombre officiel, soit 9 %. Si l’on additionne les militaires décédés en Belgique (quel que soit leur lieu de résidence habituelle) et ceux décédés ailleurs mais résidant habituellement en Belgique, on trouve 38 257 personnes, soit moins que le total officiel (40 367), parce qu’il y a des informations manquantes. Plutôt que d’essayer d’obtenir un meilleur nombre de décès, il semble plus réaliste de réserver cette source à des exploitations démogéographiques, dans les limites des informations disponibles.

77Tous les décès provoqués par une guerre sont évidemment des décès de trop. Néanmoins, le nombre de décès de militaires belges lors de la Première Guerre mondiale a été très faible comparé aux pays voisins. J.-M. Rohrbasser estime le rapport des décès militaires à la population à 0,58 % en Belgique, contre 3,54 % en France et 3,14 % en Allemagne  [216]. Il y a trois raisons à cela.

78La première raison est que les forces engagées en Belgique étaient faibles. La Belgique est longtemps restée sous le régime de la conscription par tirage au sort, avec possibilité de s’acheter un remplaçant. Ce n’est qu’en 1909 que le service personnel obligatoire d’un fils par famille a été introduit et en 1913 qu’il a été généralisé à tous  [217]. Lors de la mobilisation de 1914, quinze classes ont été concernées, dix de l’ancien système, quatre sous le régime d’un fils par famille et une seule sous celui du service militaire obligatoire généralisé  [218]. Les années suivantes, le recrutement a été handicapé par l’occupation de la plus grande partie du territoire. En conséquence, l’armée belge n’a jamais compté plus de 20 % de la population masculine de 15 à 45 ans, contre 89 % en France, 86 % en Allemagne, 78 % en Italie et 54 % au Royaume-Uni  [219].

79Une deuxième raison est que, après l’occupation de l’essentiel du pays, la guerre est devenue une guerre de position : d’octobre 1914 à septembre 1918, le front s’est stabilisé sur l’Yser. Les lignes alliées et allemandes étaient séparées par un espace volontairement inondé, généralement large d’un à trois kilomètres  [220]. Il ne faut cependant pas minimiser la mortalité et la morbidité sur le front de l’Yser ; il a été qualifié de front le « plus malsain de tout l’Ouest »  [221]. La nappe phréatique était proche, les militaires vivaient dans la boue, l’hygiène était déplorable, l’approvisionnement en eau potable – et parfois en vivres – était difficile. Sur les 40 367 morts militaires belges de toute la durée de la guerre, 14 029, soit 35 %, sont morts de suites de maladies ou disparus  [222]. Sur le front proprement dit, 3 000 cas de typhus ont été signalés en 1914 et 1915 ; en 1917, à partir de l’été, plus de 1 000 soldats ont été hospitalisés pour dysenterie, encore 638 en août 1918 et plus de 800 en septembre ; en mai 1918 a commencé l’épidémie de grippe dite espagnole, qui a touché 6 000 soldats ; en dix mois  [223], plus de 1 500 soldats ont été soignés pour des maladies vénériennes  [224]. Par ailleurs, les services de santé ont soigné 6 390 victimes des attaques au gaz moutarde  [225]. Un tiers des décès militaires s’est produit en 1914, pendant l’invasion allemande et le repli de l’armée belge d’abord sur Anvers puis sur l’Yser, et un second tiers en 1918 pendant l’offensive finale. Les trois années intermédiaires ne comptent donc ensemble que pour un tiers des décès  [226]. La « Liste des noms » permet de préciser ces périodes. Pour les seuls décès en Belgique dont la date est connue, la courbe des décès cumulés selon la date montre, entre le 4 août 1914 et le 11 novembre 1918, trois parties différant spectaculairement par leur pente, c’est-à-dire par le nombre moyen de décès par jour (cf. Graphique 18). Du 4 août au 30 octobre 1914 inclus, il y a eu en moyenne 115 décès par jour, puis on bascule brutalement à 8 morts quotidiens du 31 octobre 1914 au 27 septembre 1918 inclus et on revient tout aussi brutalement à 128 du 28 septembre au 10 novembre 1918 inclus. Dans ces périodes redéfinies avec plus de précision, il y a eu respectivement 33 %, 36 % et 19 % de morts (le solde correspondant aux décès ultérieurs et aux dates inconnues).

80Une troisième raison de la faiblesse des décès militaires par comparaison aux pays voisins est l’opposition du roi Albert Ier à ce que les troupes belges participent à des offensives comme le faisaient les Alliés  [227], suite à l’expérience meurtrière de la guerre de mouvement.

81L’armée belge était très modeste, reflétant la neutralité et la taille du pays ainsi que le mode de conscription archaïque. L’idée était donc de s’opposer à l’invasion, de la ralentir, de tenir une série de points forts. Dès la violation de la neutralité de la Belgique, les troupes des pays garants de celle-ci, en dehors évidemment de l’agresseur, se battraient aux côtés des Belges sur le territoire national. L’opposition belge fut accueillie avec étonnement, à la fois par les Allemands et par le monde entier, et devint un symbole utilisé pour faire participer les Alliés à l’effort de guerre. à côté des 40 367 militaires belges, 197 339 soldats de l’Empire britannique (dont le Canada, l’Inde et l’Australie), 80 000 militaires français, 1 043 Américains (USA) et au moins 185 591 Allemands sont décédés en Belgique  [228].

Graphique 18

Nombres cumulés de morts militaires belges dues à la guerre (en Belgique et date de décès connue), du 4 août 1914 au 31 décembre 1920

Graphique 18. Nombres cumulés de morts militaires belges dues à la guerre (en Belgique et date de décès connue), du 4 août 1914 au 31 décembre 1920

Nombres cumulés de morts militaires belges dues à la guerre (en Belgique et date de décès connue), du 4 août 1914 au 31 décembre 1920

Graphique 19

Pyramide d’âges de la Belgique en 1920 montrant (en blanc) le déficit dû aux morts militaires en comparant les effectifs observés (en couleur) et attendus (contour), ceux-ci s’il n’y avait pas eu de décès militaires

Graphique 19. Pyramide d’âges de la Belgique en 1920 montrant (en blanc) le déficit dû aux morts militaires en comparant les effectifs observés (en couleur) et attendus (contour), ceux-ci s’il n’y avait pas eu de décès militaires

Pyramide d’âges de la Belgique en 1920 montrant (en blanc) le déficit dû aux morts militaires en comparant les effectifs observés (en couleur) et attendus (contour), ceux-ci s’il n’y avait pas eu de décès militaires

L’importance des classes d’âge est en ‰ de la population totale sexes réunis observée au 31 décembre 1920.
Sources : Recensement général du 31 décembre 1920, op. cit. ; In Flanders Fields Museum, « Liste des noms », op. cit.

82Si l’on calcule, à partir de la « Liste des noms », le nombre de décès militaires par génération  [229], on peut, dans l’hypothèse où ces militaires ne seraient pas décédés, ajouter ceux-ci sur la pyramide des âges au 31 décembre 1920  [230] (cf. Graphique 19). On voit alors que, même dans la tranche des 25-29 ans, où il y a eu le plus de décès (17 636), les morts ne représentent que 6,0 % de l’effectif masculin de cet âge. Dans la seconde classe la plus atteinte, les 30-34 ans, ils n’atteignent que 3,8 %. Les 20-24 ans et les 35-39 ans font moins de 2 % et les autres classes moins de 1 %. Les miliciens recrutés lors de la mobilisation générale du 31 juillet 1914 avaient alors entre 19 et 34 ans, soit entre 25 et 40 ans en 1920. Après 1914 (20-24 ans en 1920), le recrutement a été restreint et la participation à la guerre a été plus courte ; son impact est donc plus faible. Le déficit des 35-39 ans est aussi plus faible, du fait que les miliciens plus âgés n’étaient pas envoyés au front mais constituaient la garnison des forts ou étaient chargés de tâches à l’arrière. L’essentiel des victimes plus âgées sont des militaires de carrière, des officiers. Au moment du décès, le plus jeune décédé avait 14 ans (un volontaire) et le plus âgé 72 ans (un lieutenant-colonel retraité, président adjoint à la Commission de recrutement de Lyon). De la même façon que nous avons reporté les décédés sur la pyramide des âges, nous pouvons calculer les indices par génération rapportant les effectifs de 1920 à ceux de 1910 si les décès militaires n’avaient pas eu lieu (cf. Graphique 20). Pour les générations de 25 à 34 ans en 1920, l’impact est évident. Il en va de même pour le rapport de masculinité, qui est le nombre d’hommes pour 100 femmes (cf. Graphique 21). Ces deux démarches valident la fiabilité des nombres issus de la « Liste des noms ». Le déséquilibre des sexes, à l’âge de fécondité, a perturbé la formation des couples en Belgique, quoique dans une moindre mesure qu’en France, où le déficit masculin était beaucoup plus important  [231].

83Étudier la géographie de la mortalité militaire sur la base de la « Liste des noms » implique un travail de codage : les noms de lieu (de décès, de résidence habituelle, de naissance) y sont généralement des noms de commune ou de hameau de l’époque, complétés d’une province, d’une région, d’un pays ou d’un continent. Les lieux de résidence habituelle ont été transformés en arrondissements de l’époque par cohérence avec le reste de la présente étude, par reconnaissance automatique au moyen d’un fichier des anciennes communes (1894-1940) ou, secondairement, des noms des secteurs statistiques actuels. Les lieux de décès ont été affectés aux communes actuelles, beaucoup moins nombreuses qu’à l’époque, qui fournissent une meilleure précision que les arrondissements pour la cartographie. Les adresses à l’étranger ont simplement été affectées à un pays, voire à un continent. Une partie des lieux posaient problème (homonymie, absence de correspondance, orthographe, etc.) et ont nécessité un traitement manuel. Des recherches de précision ont alors été conduites dans les fiches individuelles de la « Liste de noms » ou via Internet. Il reste 138 localisations ambiguës du lieu de résidence habituelle en Belgique et 285 du lieu de décès (en dehors des localisations inconnues).

Graphique 20

Indices 1920 / 1910 de l’effectif des générations, par sexe et sans les décès militaires

Graphique 20. Indices 1920 / 1910 de l’effectif des générations, par sexe et sans les décès militaires

Indices 1920 / 1910 de l’effectif des générations, par sexe et sans les décès militaires

Sources : Recensement général du 31 décembre 1910, op. cit. ; Recensement général du 31 décembre 1920, op. cit. ; In Flanders Fields Museum, « Liste des noms », op. cit.
Graphique 21

Rapports de masculinité par âge en 1910 et en 1920 (dont : sans les décès militaires)

Graphique 21. Rapports de masculinité par âge en 1910 et en 1920 (dont : sans les décès militaires)

Rapports de masculinité par âge en 1910 et en 1920 (dont : sans les décès militaires)

Sources : Recensement général du 31 décembre 1910, op. cit. ; Recensement général du 31 décembre 1920, op. cit. ; In Flanders Fields Museum, « Liste des noms », op. cit.

84On ne peut pas étudier la géographie de la mortalité militaire en Belgique sans prendre en compte la structure des âges. En effet, le recul de la fécondité a été plus précoce en Wallonie qu’en Flandre, ce qui fait que, au début de XXe siècle, la Wallonie présentait déjà une structure d’âge vieillie (plus rectangulaire, comme dans l’arrondissement de Charleroi : cf. Graphique 11), ce qui n’est pas le cas de la structure présentée par la Flandre (plus triangulaire, comme dans les arrondissements d’Ypres, de Hasselt et d’Anvers : cf. Graphiques 4, 7 et 12). En conséquence, les principales générations soumises au risque de décès militaire ont quasiment le même effectif en Wallonie (24 % de différence entre les générations la plus et la moins fournies, respectivement 19 ans et 42 ans) (cf. Graphique 22), tandis que les plus jeunes générations sont sensiblement plus fournies en Flandre (60 % de différence entre 19 ans et 45 ans). À 45 ans, l’effectif flamand excède son correspondant wallon de 36 % mais, à 15 ans, c’est de 93 % : l’effectif flamand vaut près du double de son équivalent wallon.

Graphique 22

Effectifs comparés des principales générations masculines soumises à la mortalité militaire de la Guerre 1914-1918 en Wallonie et en Flandre en 1910

Graphique 22. Effectifs comparés des principales générations masculines soumises à la mortalité militaire de la Guerre 1914-1918 en Wallonie et en Flandre en 1910

Effectifs comparés des principales générations masculines soumises à la mortalité militaire de la Guerre 1914-1918 en Wallonie et en Flandre en 1910

Source : Recensement général du 31 décembre 1910, op. cit.

85Nous avons construit un indicateur indépendant de la structure d’âge en estimant le nombre des décès attendus dans l’hypothèse où la mortalité militaire par génération aurait été la même partout et en rapportant le nombre de décès observés à ce nombre de décès attendus. Nous avons calculé d’abord les probabilités nationales de décès par génération en rapportant, pour chacune, le nombre de décès militaires à la population masculine en 1910, avant le conflit  [232]. Ensuite, pour chaque arrondissement, nous avons multiplié ces probabilités par les effectifs masculins locaux correspondants, ce qui fournit les décès attendus par génération. à une constante près cependant, parce que la somme des décès nationaux par génération n’est pas nécessairement égale à la somme des décès observés dans les différents arrondissements. Cette différence résulte du fait que le nombre d’individus dont on connaît la date de naissance, et donc la génération, n’est pas nécessairement égal à celui des individus dont on connaît le lieu de résidence habituelle. La constante de correction est donc le rapport de la somme des décès observés dans les différents arrondissements à la somme des décès nationaux par génération. Finalement, l’indicateur est le rapport entre les décès observés et les décès attendus pour la somme des générations.

86La carte 8 montre un contraste saisissant entre la Wallonie et la Flandre : tous les arrondissements où l’on observe plus de décès qu’attendu sont en Flandre, sans exception, et tous les arrondissements wallons, encore une fois sans exception, comptent moins de décès observés qu’attendu (dans celui de Tournai, la différence n’est cependant pas significative). En revanche, certains arrondissements flamands aussi comptent moins de décès observés qu’attendu. C’est le cas de ceux de Tongres (78 %), de Louvain (84 %), d’Eeklo (85 %) et de Termonde (90 %) ; tous ces écarts sont significatifs. De plus, plusieurs arrondissements flamands ont des effectifs observés proches des effectifs attendus, non significativement différents. La Flandre apparaît moins monolithique que la Wallonie. Cette opposition nette entre la Wallonie et la Flandre est d’autant plus étonnante que l’organisation de l’armée ne reflète pas la structure linguistique du pays. Ainsi, la 3e division d’armée (sur six) a son état-major à Liège mais comprend une brigade à Hasselt ; la 4e division d’armée, dirigée depuis Namur, compte une brigade à Laeken et un régiment à Tirlemont ; la 5e division d’armée, dirigée depuis Mons, comprend une brigade à Gand et un régiment à Louvain ; et la division de cavalerie (en dehors des six divisions d’armée), dont l’état-major est à Bruxelles, comprend une brigade gantoise  [233].

87La contribution flamande disproportionnée à la mortalité de guerre a été dénoncée très tôt, dans un article polémique de Rafaël Verhulst dans l’organe nationaliste flamand Het Vlaamsche Nieuws du 15 février 1917, et a été réexaminée par des historiens à partir de 1976  [234]. R. Verhulst compte 72,9 % de Flamands parmi les victimes militaires du front de l’Yser, d’où il conclut (abusivement) qu’il a dû y avoir jusqu’à 80 % de Flamands dans l’armée combattante  [235]. Hans Keymeulen et Luc De Vos  [236] ont voulu réfuter définitivement le mythe des 80 % ; leur résultat est de 65 % de morts militaires flamands pour 55 % de Flamands dans la population à l’époque, soit une surreprésentation de 10 %. Toutes ces études pèchent par des sources très partielles (cinquième liste de la Croix-Rouge, un régiment – bruxellois –, dix cimetières militaires de Flandre occidentale, etc.) ou par la méthode d’attribution du régime linguistique (recensement linguistique – par lieu de résidence – de la commune de naissance, etc.).

Carte 8

Rapport du nombre de morts militaires 1914-1920 selon le lieu de résidence habituelle et le nombre attendu en fonction de la structure d’âge des arrondissements en 1910 et de la répartition des décès par génération de la Belgique

Carte 8. Rapport du nombre de morts militaires 1914-1920 selon le lieu de résidence habituelle et le nombre attendu en fonction de la structure d’âge des arrondissements en 1910 et de la répartition des décès par génération de la Belgique

Rapport du nombre de morts militaires 1914-1920 selon le lieu de résidence habituelle et le nombre attendu en fonction de la structure d’âge des arrondissements en 1910 et de la répartition des décès par génération de la Belgique

Sources : Ministère de l’Intérieur, Recensement général du 31 décembre 1910, op. cit. ; In Flanders Fields Museum, « Liste des noms », op. cit.

88Dans la présente analyse, nous privilégions une approche territoriale plutôt qu’individuelle, par cohérence avec le reste de notre article. Utilisant les arrondissements de l’époque, antérieurs à la constitution des Régions, nous avons défini la Flandre comme la somme des provinces d’Anvers, de Flandre occidentale, de Flandre orientale et de Limbourg et des arrondissements de Bruxelles et de Louvain ; symétriquement, nous avons considéré pour la Wallonie les provinces de Hainaut, de Liège, de Luxembourg et de Namur et l’arrondissement de Nivelles  [237]. Ce faisant, nous nous écartons de la situation actuelle en ne séparant pas Bruxelles-Capitale de la Flandre, et en ne tenant pas compte d’une série de transferts de communes ou parties de communes lors de la définition de la frontière linguistique en 1962-1963 – notamment, mais pas uniquement, Mouscron-Comines et Fourons  [238]. En fait, séparer le territoire de l’actuelle Région de Bruxelles-Capitale de l’arrondissement de Bruxelles est tout simplement impossible : les résultats des recensements qui nous concernent sont publiés par arrondissement et pour les communes d’au moins 20 000 habitants. Plusieurs communes de l’actuelle Région bruxelloise n’atteignent alors pas ce seuil. Il faut donc bien comprendre que cette approche territoriale oppose les habitants de la Flandre (et Bruxelles) et ceux de la Wallonie, et ce indépendamment de la langue la plus pratiquée. À l’époque, les bourgeois de Flandre étaient généralement francophones, comme aussi les officiers de cette région, tandis que la Wallonie avait connu dans la seconde moitié du XIXe siècle une importante immigration de Flamands, suite entre autres à la crise de la pomme de terre et au plus grand développement industriel de la Wallonie  [239]. En outre, les langues vernaculaires en Flandre et en Wallonie n’étaient pas encore unifiées à l’époque : la Flandre parlait des patois si différents qu’un Ostendais et un Limbourgeois ne se comprenaient pas et les Wallons parlaient aussi bien le wallon ou le picard que des dialectes du français (par exemple, le borain et le liégeois différaient sensiblement).

89Nos calculs mènent à 69 % de morts militaires résidant en Flandre pour 61 % d’habitants (en 1910). La part de victimes de Flandre est alors supérieure à l’estimation de H. Keymeulen et L. De Vos  [240] (+ 4 %) mais moins que celle de résidents (+ 6 %) ; la surreprésentation passe ainsi de 10 % à 8 %. La part de décès attendus est identique à celle des résidents ; contrairement à notre conviction initiale, la différence de structure d’âge ne joue donc pas, au moins globalement.

90Si l’on considère séparément les trois périodes principales de la guerre, la part de la Flandre parmi les décès militaires est de 65,2 % pendant l’invasion (du 4 août au 30 octobre 1914), 70,8 % pendant la guerre de position (du 31 octobre 1914 au 27 septembre 1918) et 70,9 % pendant l’offensive finale (du 28 septembre au 10 novembre 1918). La surreprésentation flamande parmi les décès militaires s’observe donc dès la première période, même si elle devient sensiblement plus forte ensuite, jusqu’à atteindre quasiment les valeurs de R. Verhulst.

Carte 9

Lieu de décès des militaires du 4 août au 30 octobre 1914 par communes actuelles

Carte 9. Lieu de décès des militaires du 4 août au 30 octobre 1914 par communes actuelles

Lieu de décès des militaires du 4 août au 30 octobre 1914 par communes actuelles

Source : In Flanders Fields Museum, « Liste des noms », op. cit.
Carte 10

Lieu de décès des militaires du 31 octobre 1914 au 27 septembre 1918 par communes actuelles

Carte 10. Lieu de décès des militaires du 31 octobre 1914 au 27 septembre 1918 par communes actuelles

Lieu de décès des militaires du 31 octobre 1914 au 27 septembre 1918 par communes actuelles

Source : In Flanders Fields Museum, « Liste des noms », op. cit.
Carte 11

Lieu de décès des militaires du 28 septembre au 10 novembre 1918 par communes actuelles

Carte 11. Lieu de décès des militaires du 28 septembre au 10 novembre 1918 par communes actuelles

Lieu de décès des militaires du 28 septembre au 10 novembre 1918 par communes actuelles

Source : In Flanders Fields Museum, « Liste des noms », op. cit.

91Pour mieux comprendre, nous avons besoin de disposer de plus d’outils : des cartes des lieux de décès pour les trois périodes principales et les rapports des décès observés aux attendus par phase de la guerre et par arrondissement de résidence habituelle.

92Les cartes des lieux de décès pendant les mêmes périodes (cf. Cartes 9 à 11) concernent uniquement l’armée belge. Les combats autour de Charleroi et de Mons n’apparaissent pas sur la carte de l’invasion (cf. Carte 9) car ils opposaient les Français et les Britanniques aux Allemands. De même, sur la carte de la guerre de position (cf. Carte 10), Ypres ne se voit guère parce que la ville était défendue par les Britanniques. Par ailleurs, à côté des sites des combats, des décès isolés ou de petits groupes apparaissent un peu partout sur les cartes, même en Belgique occupée  [241]. Ils correspondent généralement à des décès faisant suite à une blessure ou à une maladie, plus rarement à une opération de commando ayant mal tourné (faire sauter un pont, etc.). En dehors de ce cas de figure, les informations manquent généralement pour savoir pour quelle raison tel décès s’est produit en tel endroit. Ces cas particuliers constituent une très faible part des décès, quelques pour cent tout au plus. Les décès ont été comptés et représentés dans les communes actuelles, ce qui permet de donner une image plus précise que par arrondissement, tout en évitant l’émiettement qu’aurait produit l’utilisation des communes anciennes.

93Dans le tableau 1, nous avons calculé le rapport des décès observés aux décès attendus par arrondissement et province de résidence habituelle pour toute la guerre et pour les trois périodes. Pour la première période, correspondant à l’invasion, nous avons calculé les indices séparément pour les principaux sites de combat, en gardant la structure des probabilités de décès par génération de la période, tous lieux de décès réunis (la brièveté de la période permet cette approximation). Nous avons aussi calculé les indices par lieu de résidence habituelle des militaires décédés en Allemagne (prisonniers de guerre) en prenant la structure des probabilités de décès par génération de l’ensemble de la guerre, et aux Pays-Bas (internés) avec la structure de la première période puisque l’on sait que cette fuite s’est produite après la chute de la place d’Anvers. La significativité des écarts à l’unité a été testée pour α = 5 %, généralement par χ2, sinon par la loi de Poisson quand l’effectif attendu est inférieur à 5. Les valeurs significatives sont en grisé dans le tableau 1. La significativité dépend bien sûr de l’importance de l’écart à 1 mais aussi des effectifs concernés ; ainsi, les écarts sont plus rarement significatifs dans certains arrondissements peu peuplés, comme ceux de Courtrai et d’Arlon, ou dans des colonnes correspondant à peu de décès (Pays-Bas ou Allemagne, par exemple). C’est pourquoi nous avons aussi testé la significativité au niveau des provinces, plus peuplées. Il peut alors arriver que l’écart soit significatif pour une province alors que ce n’est le cas pour aucun de ses arrondissements (décès en Allemagne de résidents en province de Luxembourg, par exemple).

Tableau 1

Rapports des décès militaires observés selon le lieu de résidence habituel au nombre attendu en fonction de la structure d’âge des arrondissements et des provinces en 1910 et de la répartition des décès par génération de la Belgique en 1914-1918 ; selon les trois périodes distinguées, par site de combat pour la guerre de mouvement et par pays pour les décès de prisonniers en Allemagne et de réfugiés internés aux Pays-Bas

Tableau 1. Rapports des décès militaires observés selon le lieu de résidence habituel au nombre attendu en fonction de la structure d’âge des arrondissements et des provinces en 1910 et de la répartition des décès par génération de la Belgique en 1914-1918 ; selon les trois périodes distinguées, par site de combat pour la guerre de mouvement et par pays pour les décès de prisonniers en Allemagne et de réfugiés internés aux Pays-Bas

Rapports des décès militaires observés selon le lieu de résidence habituel au nombre attendu en fonction de la structure d’âge des arrondissements et des provinces en 1910 et de la répartition des décès par génération de la Belgique en 1914-1918 ; selon les trois périodes distinguées, par site de combat pour la guerre de mouvement et par pays pour les décès de prisonniers en Allemagne et de réfugiés internés aux Pays-Bas

Sources : Ministère de l’Intérieur, Recensement général du 31 décembre 1910, op. cit. ; In Flanders Fields Museum, « Liste des noms », op. cit.

94Lors de l’invasion, l’armée belge comptait 234 000 hommes, issus de la mobilisation générale  [242], et ne connut pas de renfort pendant cette période. La classe 1914 a été levée en septembre 1914 mais était encore en formation en France (jusqu’en mars 1915)  [243]. D’après les décès attendus, les habitants de Flandre auraient dû représenter 61 % des décès de cette période, soit la même proportion que dans la population. Il y en a eu en réalité 65 %, soit 4 % de plus – moins que sur l’ensemble de la guerre –, que la différence de structure d’âge n’explique pas. On pourrait penser que la cause de cette légère surreprésentation flamande parmi les victimes est la localisation des combats. Les faits sont en réalité moins simples.

95Les premiers combats se sont déroulés autour de Liège (cf. Carte 9). « Pour défendre Liège, [le lieutenant-général] Leman dispose de la 3e division d’armée et des troupes de forteresse, soit respectivement 32 000 et 15 000 hommes. Craignant une attaque de grande envergure, Leman a obtenu le renforcement de son dispositif par le détachement de la 15e brigade (Charleroi) de la 4e division d’armée de Namur. (…) Les unités natives de Liège et de sa région sont chargées de la défense de la position. Quant aux missions d’intervention, elles sont confiées à des éléments des 9e (Bruxelles) et 11e (Hasselt) brigades ainsi qu’aux chasseurs de Charleroi »  [244]. Comme on l’a vu plus haut, la 3e division, dont l’état-major est à Liège, compte une brigade bruxelloise et une brigade hasseltoise ; l’essentiel des miliciens des provinces de Liège et de Limbourg y sont regroupés. En conséquence, les arrondissements comptant significativement plus de morts qu’attendu appartiennent à ces deux provinces plus l’arrondissement de Bruxelles (cf. Tableau 1, colonne « Invasion / Liège »). Ces huit arrondissements ne représentent que 54 % des morts lors de ces combats (mais pour seulement 29,5 % de la population en 1910), le reste étant dispersé parmi les autres arrondissements de résidence, dont les décès effectifs sont toujours inférieurs aux décès attendus ou n’en diffèrent pas significativement. Les décès de l’arrondissement de Charleroi sont conformes aux attendus. Si l’on considère ces 33 arrondissements (41 – 8) selon leur attribution à la Flandre ou à la Wallonie dans ce Courrier hebdomadaire, les rapports des décès observés aux attendus sont de 71 % pour la Wallonie et de 63 % pour la Flandre, ce qui, dans les deux cas, n’est quand même pas négligeable. Cela montre aussi que la répartition des militaires entre les différents corps ne dépendait pas seulement de leur lieu de résidence mais aussi de leurs compétences particulières et des besoins des différents corps. Lors de ces combats localisés en Wallonie, 54 % des militaires décédés étaient donc des résidents de Flandre ; c’est moins que leur part dans la population mais c’est néanmoins très élevé pour des combats localisés en Wallonie.

96Le deuxième site de combats, Namur (cf. Carte 9), est tenu par la 4e division d’armée  [245], qui est centrée à Namur mais qui comprend des brigades à Laeken, Arlon et Charleroi, ainsi qu’un régiment à Tirlemont  [246]. Cette division d’armée regroupe l’essentiel des miliciens des provinces de Namur et de Luxembourg. Les arrondissements de résidence habituelle surreprésentés significativement parmi les décédés (cf. Tableau 1, colonne « Namur ») sont ceux de ces deux provinces ainsi que ceux de Bruxelles (Laeken), de Louvain (Tirlemont) et de Saint-Nicolas. En dehors de ce dernier arrondissement, les résultats sont donc logiques. Néanmoins, les deux provinces wallonnes et les arrondissements flamands du Brabant ne représentent ensemble que 44 % des décès (mais pour 25,4 % de la population). Et, malgré la situation wallonne des combats et la position centrale de la 4e division, 60 % des décès correspondent à des résidents de Flandre et 40 % de Wallonie ; comparés aux parts dans la population, la surreprésentation wallonne est donc très réduite.

97Ces deux épisodes se traduisent par des captures de prisonniers, envoyés en Allemagne : 5 000 rien qu’à Namur  [247], 46 019 pour l’ensemble de la guerre  [248], soit l’équivalent d’une division et demie. Si l’on examine les lieux de résidence habituelle des militaires belges morts en Allemagne (cf. Tableau 1, colonne « Allemagne »), trois provinces sont significativement surreprésentées par rapport aux attendus : Namur (+ 73 %), Luxembourg (+ 41 %) et Liège (+ 25 %). Trois provinces ne présentent pas de différence significative : Brabant, Flandre orientale et Limbourg. Et trois provinces comptent significativement moins de décès qu’attendu : Anvers, Flandre occidentale et Hainaut (entre – 18 % et – 21 %). Il semblerait donc que les Allemands faisaient de moins en moins de prisonniers à mesure de l’avancée de la guerre, et cela déjà lors de la guerre de mouvement. La conséquence est que les effectifs des 3e et 4e divisions ont été particulièrement affaiblis. Si l’on extrapole à partir du rapport des effectifs totaux de prisonniers et de morts, il y aurait eu 14 700 prisonniers sur les quatre provinces correspondantes, soit une demi-division. Sur les 1 277 décès en Allemagne de militaires résidant habituellement en Belgique, 44 % résidaient en Wallonie et 56 % en Flandre. Ici, la Wallonie est surreprésentée. Cela contraste avec les proportions de combattants qui se sont rendus volontairement à l’ennemi, parmi lesquels on compte 93,4 % de Flamands, 3,7 % de Wallons et 2,9 % de Bruxellois (sur un total de 136)  [249].

98Les lieux suivants de combats intenses concernent les arrondissements de Louvain, de Malines, d’Anvers et de Termonde, le nord de celui de Bruxelles et jusqu’à celui de Hasselt, en une large zone étalée d’est en ouest au centre-nord du pays (cf. Carte 9). Cette fois, c’est toute l’armée belge qui est impliquée puisqu’elle s’est retirée dans la place-forte d’Anvers et a conduit des offensives à partir de là. Les combats sont très meurtriers. Il y a deux fois et demie plus de morts que dans les deux sites précédents réunis. Les 3e et 4e divisions, au cœur des combats antérieurs, sont affaiblies  [250] par les morts, les blessés (deux fois et demie plus que de tués sur l’ensemble de la guerre  [251]) et les prisonniers ; la mortalité de ces deux divisions représente ici 69 % des décès attendus (cf. Tableau 1, colonne « Centre-nord »). Ce sont surtout les provinces de Flandre occidentale et de Flandre orientale, regroupées dans la 1re division d’armée, qui contribuent plus que leur part : 25 % de plus que les décès attendus. Les deux seuls autres arrondissements dans ce cas sont ceux de Bruxelles et de Tournai, ce dernier comptant une brigade rattachée à la 5e division (Bruxelles) et un régiment dépendant de la 6e division (Mons). Les provinces d’Anvers (2e division), de Brabant (6e) et de Hainaut (5e) comptent chacune un nombre de morts proche de l’attendu. On s’étonnera néanmoins que la province d’Anvers et les arrondissements de Louvain et de Termonde ne soient pas surreprésentés alors qu’ils sont au cœur des combats et comptent moins de prisonniers qu’attendu. Au cours de cette période, 68 % des décès sont des résidents de Flandre, 32 % de Wallonie.

99Après la chute d’Anvers, 30 000 à 40 000 soldats, soit l’équivalent d’une division d’armée, fuient aux Pays-Bas  [252]. D’après la base de données, 565 militaires belges y décèdent  [253], dont 69 % résidant habituellement en Flandre et 41 % en Wallonie. Les provinces significativement surreprésentées (cf. Tableau 1, colonne « Pays-Bas ») sont celles d’Anvers et de Flandre orientale (particulièrement les arrondissements d’Eeklo et de Saint-Nicolas). Une province est significativement sous-représentée : la Flandre occidentale. On notera que les lieux de résidence diffèrent ici sensiblement de ceux des morts de cette phase des combats : la proximité du lieu de résidence, qui implique une familiarité avec le territoire de l’autre côté de la frontière, a probablement encouragé le passage de la frontière. Par la suite, nombre de militaires réfugiés seront rejoints par leur famille.

100Vient ensuite le repli de l’armée belge sur le littoral et la première bataille de l’Yser (cf. Carte 9). Les décès ont lieu principalement dans les arrondissements de Dixmude et de Furnes, ce dernier majoritairement derrière les lignes, où les blessés sont acheminés. Seuls deux arrondissements de résidence présentent significativement plus de morts qu’attendu : Bruxelles et Furnes (cf. Tableau 1, colonne « Yser »). Dans cette période, 67 % des décès correspondent à des résidents de Flandre et 33 % de Wallonie.

101L’analyse de la guerre de mouvement montre que les liens entre lieu de décès et lieu de résidence habituelle résultent largement de l’organisation de l’armée. Plusieurs observations se dégagent. Primo, avant que l’armée ne se regroupe, les combats sont surtout assumés par la division locale. Secundo, l’organisation de l’armée ne reflète guère la structure linguistique du pays ; au contraire, quel que soit le lieu du combat, Wallons et Flamands sont généralement associés, si bien que la communauté locale n’est jamais surreprésentée de beaucoup. Tertio, l’effet de décisions d’état-major est visible, comme la place importante de la 1re division (Flandre occidentale et Flandre orientale) dans les combats localisés entre Bruxelles et Anvers. Quarto, la façon dont les miliciens sont affectés a pour conséquence que, quel que soit le lieu de la bataille, les lieux de résidence habituelle des militaires tués sont répartis sur tout le territoire. En conclusion, même si l’organisation de l’armée en atténue les effets, la concentration des combats en Flandre (79 % des décès) serait bien l’explication majeure de la surreprésentation des résidents de Flandre parmi les décédés (65 %, contre 61 % dans la population). Que nombre de soldats issus de Wallonie aient été faits prisonniers est un facteur d’explication supplémentaire.

102Au cours de la seconde période, la guerre de position (cf. Carte 10), l’armée s’est enrichie de 130 668 hommes  [254]. Le 1er juillet 1918, vers la fin de la période, l’armée belge compte 221 500 hommes  [255], soit quasiment l’effectif initial, ce qui montre les ravages de la guerre (morts, blessés, prisonniers, disparus). Ces nouvelles recrues rajeunissent les effectifs ; l’âge moyen au décès passe de 26,4 ans à 25,4 ans. En conséquence, la part attendue de décès de résidents de Flandre augmente à 66,9 % : recruter dans ces tranches d’âge conduisait à recruter une proportion issue de Flandre supérieure à leur part dans la population parce qu’elle était plus grande dans les âges concernés. La part réelle de décès flamands augmente à 70,8 % ; la surreprésentation reste donc à 4 %. Celle-ci ne s’explique plus par la localisation des combats, puisque toute l’armée est concentrée dans les tranchées de l’Yser : presque tous les décès ont lieu en Flandre, principalement dans les arrondissements de Furnes, de Dixmude et d’Ypres. L’écart s’explique par les difficultés de recrutement. La classe 1914, arrivée en mars 1915 après sa formation en France, a été levée en septembre 1914, quand une grande partie de la Belgique était déjà occupée, particulièrement la Wallonie, le Brabant et le Limbourg. Les décès y sont significativement sous-représentés (cf. Tableau 1, colonne « Tranchées »), de 26 % en moyenne. Les levées suivantes n’ont pu se faire que dans la petite partie derrière les lignes, quasiment l’arrondissement de Furnes, et parmi les réfugiés à l’étranger  [256], essentiellement en France et en Grande-Bretagne, à quoi s’ajoutent 50 000 volontaires  [257]. Les décès sont significativement surreprésentés dans les provinces de Flandre occidentale (+ 53 %) et de Flandre orientale (+ 14 %) et dans l’arrondissement d’Anvers (+ 18 %). Dans les arrondissements de Furnes, Ypres et Dixmude, les décès observés dépassent le double des effectifs attendus et à Ostende et à Bruges respectivement de 78 % et 51 %. Si le cas de l’arrondissement de Furnes est logique, les quatre autres arrondissements impliquent des renforts de volontaires passés par la mer et éventuellement par les Pays-Bas. Alors que les résidents en France représentaient moins de 1 % des décès pendant l’invasion, ils en constituent 2,6 % pendant la guerre de position, ce qui montre bien l’apport étranger (réfugiés, volontaires) pendant cette période. Mais la France est quasiment seule dans ce cas : elle représente 81 % des résidences connues hors de Belgique (contre 67 % pendant l’invasion) ; aux 297 morts de résidence française se comparent 7 résidents néerlandais, 5 canadiens, 5 américains (USA), 4 britanniques, etc. Le recrutement parmi les réfugiés en Grande-Bretagne n’est donc pas avéré. Il est cependant possible que des volontaires aient transité par les Pays-Bas ou le Royaume-Uni sans y acquérir de résidence officielle.

103Pendant la troisième période, l’offensive finale, il n’y a pas d’apport de nouvelles recrues et la part attendue de décès issus de Flandre redescend à 61,6 %, quasiment la part dans la population, parce que l’armée a vieilli ; l’âge moyen au décès passe de 25,4 ans à 26,9 ans, soit plus que pendant la première période (26,4 ans). C’est donc ici que la surreprésentation de la Flandre est la plus forte : 9,3 %. Elle s’explique, non par une augmentation de la part des résidents de Flandre parmi les morts militaires (on passe de 70,8 % à 70,9 %), mais par le vieillissement de l’armée, qui fait attendre une contribution flamande relativement plus faible, évidemment illusoire vu l’absence de nouvelles forces. Les combats repoussent l’armée allemande jusqu’à une ligne Gand-Mons, puis l’Armistice est signé. La reconquête s’est donc passée essentiellement en Flandre (cf. Carte 11), principalement dans les arrondissements de Roulers – qui avait échappé aux combats pendant les deux premières périodes mais en concentre la plus grande part pendant l’offensive finale (27 % des décès du pays dans cet arrondissement) –, de Dixmude, de Furnes, d’Ypres, de Gand, de Bruges, etc. Deux provinces de résidence sont significativement surreprésentées (cf. Tableau 1, colonne « Offensive finale ») : Anvers et la Flandre occidentale. Dans cette dernière, les arrondissements sont contrastés : Furnes et Ypres comptent plus de trois fois plus de décès qu’attendu, Dixmude et Ostende plus de deux fois, Bruges et Roulers respectivement 62 % et 41 % de plus, et Tielt 28 % de moins. Le Brabant et les quatre provinces wallonnes sont significativement sous-représentés. Dans les provinces wallonnes aussi la diversité est grande : le rapport des décès observés aux attendus va de 46 % (arrondissement de Waremme) à 98 % (arrondissement de Thuin). Les provinces de Flandre orientale et de Limbourg ne s’écartent guère des effectifs attendus.

104À la lumière de tout ce qui précède, on comprend mieux que la carte du rapport des décès observés aux décès attendus (cf. Carte 8) soit beaucoup plus complexe que la simple opposition entre la Wallonie et la Flandre. Les grandes lignes sont expliquées, même si quelques mystères subsistent.

8. Conclusion : les bilans migratoire et démographique de la Première Guerre mondiale

105Lors du recensement du 31 décembre 1910, la population de la Belgique était de 7 423 784 habitants. Exactement dix ans plus tard, au recensement suivant, le chiffre le plus comparable (cf. Chapitre 1) est l’effectif officiel moins la population de La Calamine, acquise par le Traité de Versailles  [258], soit 7 401 353  [259]. La population a donc diminué de 22 431 personnes  [260]. Comme le recensement du 31 décembre 1920 donne les structures par âge dans un effectif différent, mais moins exact, de 7 406 299, on trouve aussi comme évolution une diminution de 17 485 personnes  [261].

106Si l’on tient compte des 1 355 790 naissances, des 1 145 891 décès civils et des 40 367 décès militaires enregistrés officiellement entre ces deux recensements, le bilan migratoire est de – 191 963 personnes, ce qui est très proche de la somme du bilan des étrangers en Belgique (– 104 870) et des Belges supplémentaires en France, en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas et aux États-Unis (92 000), soit 197 000 (cf. Chapitre 3). On ne s’étonnera pas de la différence : ces bilans négligent les naissances, les décès et les changements de nationalité et l’on ignore les nombres de Belges supplémentaires dans d’autres pays et régions du monde (dont la Suisse, le Canada et l’Amérique du Sud). Ce bilan comprend les immigrations d’enfants nés à l’étranger d’exilés et les décès à l’étranger d’exilés et de travailleurs forcés. R. Olbrechts a estimé l’émigration nette de 1914 à 1920 à 215 000 personnes  [262].

107Le même calcul peut être effectué par sexe, le seul élément manquant étant la répartition par sexe de la population de La Calamine en 1920 (4 216 habitants), que nous avons prise égale à celle du pays. On obtient alors un déficit migratoire de 98 633 hommes et 93 328 femmes, soit un excès de 5 305 hommes. Le rapport de masculinité (nombre d’hommes pour 100 femmes) est de 105,7 pour le bilan migratoire, ce qui contraste avec celui des populations (98,3 en 1910, 96,9 en 1920) et dépasse même celui des naissances, classiquement élevé (104,8). Les hommes sont donc surreprésentés dans l’émigration, comme ils le sont aussi dans les décès civils (107,4) et bien sûr dans les décès militaires. En conséquence, la diminution de population de 22 431 habitants entre les recensements de 1910 et de 1920 se décline en une diminution de 38 561 hommes et une augmentation de 16 132 femmes.

Carte 12

Bilan migratoire 1910-1920 en pourcentage de la population moyenne aux recensements de 1910 et de 1920

Carte 12. Bilan migratoire 1910-1920 en pourcentage de la population moyenne aux recensements de 1910 et de 1920

Bilan migratoire 1910-1920 en pourcentage de la population moyenne aux recensements de 1910 et de 1920

Sources : Ministère de l’Intérieur, Recensement général du 31 décembre 1910, op. cit. ; Ministère de l’Intérieur et de l’Hygiène, Recensement général du 31 décembre 1920, op. cit. ; Mouvement de la population et de l’état-civil en Belgique pour les années 1911 à 1920, op. cit. ; In Flanders Fields Museum, « Liste des noms », op. cit.

108Le calcul peut aussi être opéré par arrondissement. La carte 12 exprime le bilan migratoire en pour cent de la moyenne des populations aux deux recensements encadrants. Ici, le bilan migratoire intègre les migrations extérieures et intérieures. On constate que seuls trois arrondissements ont des bilans migratoires positifs significatifs : Bruxelles (4,9 %), Charleroi (2,4 %) et Soignies (0,8 %). Il est vraisemblable que les migrations intérieures, positives, l’emportent ici sur les migrations extérieures, négatives. Cinq arrondissements présentent un bilan non significatif, résultant vraisemblablement d’un équilibre entre les sorties extérieures et les entrées intérieures : Anvers, Hasselt, Mons, Liège et Furnes. La légende montre clairement la dissymétrie entre les valeurs positives, qui n’atteignent pas 5 %, et les valeurs négatives, où cette valeur est dépassée dans plus de la moitié des cas et où trois arrondissements dépassent le triple de cette valeur : Ypres (42,6 %), Dixmude (34,2 %) et Roulers (15,2 %). Nous avons rencontré à de multiples reprises ces trois arrondissements, ravagés par la guerre de position ou par l’offensive finale. Ils se distinguent clairement des arrondissements encadrants : Tielt (9,3 %), Ostende (4,2 %), Courtrai (3,5 %), Bruges (2,0 %) et Furnes (0,5 %). Ce dernier cas mélange un rôle de refuge et, à la fin de la guerre, de fuite. On peut être tenté de rapprocher cette carte de celle des scores de la première composante (cf. Carte 2), qui avait été interprétée comme une synthèse de la migration. Elle repose sur les évolutions intercensitaires des effectifs par génération, résultant des migrations et des décès, comparées chaque fois à la moyenne, si bien que le zéro représentait le comportement moyen et non, comme ici, le bilan nul. Par ailleurs, la première composante intègre aussi, à travers l’importance des naissances et des décès, celle de l’exil temporaire, autrement dit les personnes revenues avant le recensement de 1920, ignorées ici. On ne s’étonnera donc pas des différences.

109Très peu d’auteurs ont estimé la perturbation apportée par la guerre dans le bilan migratoire de cette période. Pour A. Lambert, la guerre a augmenté l’émigration nette de 70 000 personnes  [263]. Les valeurs qu’il utilise sont les sommes officielles d’immigrants et d’émigrants des communes, corrigées du sous-enregistrement des départs. Il l’estime à 4 %  [264] à partir de l’évolution de la population entre les recensements de 1910 et de 1920, du bilan naturel et du nombre d’immigrants sur cette décennie  [265]. Il construit le bilan migratoire sans guerre en prolongeant de 1914 à 1920 le bilan migratoire annuel moyen de 1911 à 1913  [266]. Or sa correction (4 %) est calculée sur l’ensemble de la période intercensitaire. On peut supposer que le sous-enregistrement des départs était plus important pendant la guerre que de 1911 à 1913. Pour éclairer la question, nous avons calculé le sous-enregistrement des émigrations pendant les périodes intercensitaires encadrantes. Nous avons trouvé 1,8 % de 1901 à 1910 et 0,6 % de 1921 à 1930. Les 4 % de 1911 à 1920 sont donc une valeur très élevée, liée à la moins bonne qualité des données du temps de guerre. Cette estimation est certainement trop élevée pour la période 1911-1913, sur laquelle il appuie son estimation du bilan migratoire sans guerre. Il aurait mieux valu, pour 1911-1913 en tout cas, appliquer une correction intermédiaire entre celles des deux périodes encadrantes, soit 1,2 %. Si l’on extrapole, comme le fait A. Lambert, le bilan migratoire de 1911-1913 à la décennie 1911-1920, mais avec cette correction revue, le bilan sans guerre devient + 69 385 (contre – 124 038 chez A. Lambert). On voit bien ici la sensibilité des estimations au choix des hypothèses. Comme le bilan réel est de – 191 963 (– 194 422 chez A. Lambert  [267]), la guerre a donc diminué le bilan migratoire de 261 348 personnes. Ce résultat est radicalement différent de celui d’A. Lambert (– 70 384). Notre estimation du bilan migratoire sans guerre (+ 69 385) s’inscrit dans la continuité des bilans migratoires des deux décennies encadrantes : + 12 665 de 1901 à 1910, + 140 873 de 1921 à 1930, contrairement à celle d’A. Lambert. Par ailleurs, la reconstitution minutieuse par T. Eggerickx et Jean-Pierre Hermia du bilan migratoire des seuls étrangers  [268] conclut aussi à un bilan positif, en moyenne annuelle hors guerre, de 6 481, soit 64 810 sur la décennie s’il n’y avait pas eu de guerre, ce qui est du même ordre de grandeur.

110Si l’on tient compte des différents mouvements estimés sans guerre (1 124 221 naissances de 1914 à 1920, 497 369 décès de 1914 à 1918 et 69 385 immigrants nets entre le 31 décembre 1910 et le 31 décembre 1920), la population de la Belgique au 31 décembre 1920 aurait été de 8 078 328 habitants, soit 676 975 de plus qu’au recensement (9 %). Ce déficit provoqué par la guerre se déclinerait en 280 027 naissances et un déficit migratoire de 261 348 personnes (combinaison d’immigrants manquants et de surcroît d’émigrants), 95 233 décès civils supplémentaires et 40 367 décès militaires  [269]. On le voit, l’impact démographique de la Première Guerre mondiale a surtout joué par le déficit de naissances (41 %) et par le bilan migratoire (39 %) ; l’effet du surcroît de décès est finalement beaucoup moins important et les décès civils excédentaires (14 %) l’emportent largement sur les décès militaires (6 %).

Notes

  • [1]
    Pierre-Alain Tallier et Sofie Onghena ont inventorié près de 14 000 références sur la Première Guerre mondiale en Belgique ou en relation avec la Belgique publiées sur papier entre 1985 et 2018 (P.-A. Tallier, S. Onghena, Cent ans – et plus – d’ouvrages historiques sur la Première Guerre mondiale en Belgique, 2 tomes, Bruxelles, Archives générales du Royaume, 2019).
  • [2]
    R. Olbrechts, « La population », in E. Mahaim (dir.), La Belgique restaurée. Étude sociologique, Bruxelles, Lamertin, 1926, p. 1-69.
  • [3]
    T. Eggerickx, « L’impact démographique de la Première Guerre mondiale. Tendances générales et diversités spatiales », in H. Hasquin (dir.), La bataille de Charleroi, 100 ans après, Bruxelles, Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique, 2014, p. 105-135.
  • [4]
    On mentionnera aussi un mémoire consacré aux conséquences démographiques de la Première Guerre mondiale en Belgique et à leur cartographie : S. Van Laere, Over-leven na de Groote Oorlog. De demografische gevolgen van de Eerste Wereldoorlog in België in kaart gebracht, Mémoire de master en histoire, UGent, 2009. Ce travail produit 70 cartes, malheureusement généralement brouillées par des aléas suite au choix de travailler au niveau des plus de 2 600 communes de l’époque, pour la plupart peuplées de trop peu d’habitants pour que les résultats soient significatifs.
  • [5]
    A. Lambert, « La démographie de la Belgique dans la Guerre 1914-1918 », Communication lors de la journée conjointe de la Société démographique francophone de Belgique et de la Vereniging voor Demografie, 27 mars 2014, http://adrass.net.
  • [6]
    J. Winter, « Some paradoxes of the First World War », in R. Wall, J. Winter (dir.), The upheaval of war, family, work and welfare in Europe, 1914-1918, Cambridge, Cambridge University Press, 1988, p. 25-27 ; P. Scholliers, F. Daelemans, « Standards of living and standards of health in wartime Belgium », in R. Wall, J. Winter (dir.), The upheaval of war, family, work and welfare in Europe, 1914-1918, op. cit., p. 139-158.
  • [7]
    J. Horne, A. Kramer, 1914, les atrocités allemandes. La vérité sur les crimes de guerre en France et en Belgique, Paris, Taillandier, 2005.
  • [8]
    M. Amara, Des Belges à l’épreuve de l’exil. Les réfugiés de la Première Guerre mondiale : France, Grande-Bretagne, Pays-Bas, 1914-1918, Bruxelles, éditions de l’Université de Bruxelles, 2008.
  • [9]
    A. Lambert, « La démographie de la Belgique dans la Guerre 1914-1918 », op. cit., p. 6 (d’après L. De Vos, La Première Guerre mondiale, Braine-l’Alleud, Collet, 1997, p. 163).
  • [10]
    Cité par R. Olbrechts, « La population », op. cit., p. 14.
  • [11]
    Ministère de l’Intérieur et de l’Hygiène, Annuaire statistique de la Belgique et du Congo belge, tome 46 : Quarante-sixième à cinquantième année, 1915-1919, 1re partie : Années 1914-1918, Bruxelles, Lesigne, 1920, p. 100.
  • [12]
    J. Winter, « Victimes de la guerre : morts, blessés et invalides », in S. Audoin-Rouzeau, J.-J. Becker (dir.), Encyclopédie de la Grande Guerre, 1914-1918. Histoire et culture, Montrouge, Bayard, 2013, p. 1015-1024.
  • [13]
    S. De Schaepdrijver, La Belgique et la Première Guerre mondiale, Bruxelles et al., Peter Lang, 2004, p. 178.
  • [14]
    J.-M. Rohrbasser, « Hécatombe », in J.-M. Rohrbasser (dir.), Bouleversements démographiques de la Grande Guerre, Paris, Institut national d’études démographiques (INED), 2014, p. 9-18.
  • [15]
    R. Olbrechts, « La population », op. cit., p. 14.
  • [16]
    Ministère de l’Intérieur et de l’Hygiène, Annuaire statistique de la Belgique et du Congo belge, tome 46, op. cit., 1re partie, p. 100.
  • [17]
    R. Olbrechts, « La population », op. cit., p. 40-41.
  • [18]
    A. Lambert, « La démographie de la Belgique dans la Guerre 1914-1918 », op. cit., p. 22.
  • [19]
    J. Winter, « Some paradoxes of the First World War », op. cit., p. 25-27 ; J. Winter, « Victimes de la guerre », op. cit.
  • [20]
    A. Lambert, « La démographie de la Belgique dans la Guerre 1914-1918 », op. cit.
  • [21]
    R. Olbrechts, « La population », op. cit., p. 22.
  • [22]
    T. Eggerickx, « L’impact démographique de la Première Guerre mondiale. Tendances générales et diversités spatiales », op. cit., p. 105-135.
  • [23]
    Par exemple, P. Trogh, « The impact of the First World War on the citizen of Ypres: a demographic perspective », Revue belge d’histoire contemporaine, tome 51, n° 1-2, 2021, p. 20-52.
  • [24]
    Par exemple, B. Brulard, La grippe espagnole en Belgique occupée (1918-1919) : analyse épidémiologique et étude de l’imaginaire et de la perception de l’épidémie à travers les carnets de guerre, Mémoire de master en histoire, UCLouvain, 2018.
  • [25]
    Ce qui est malheureusement le cas, par exemple, des publications traitant de la grippe dite espagnole.
  • [26]
    À l’exception de la pyramide de la somme des arrondissements d’Ypres et de Dixmude publiée par nos soins dans J.-P. Grimmeau (dir.), Atlas de Belgique, tome 6 : Population, Gand, Academia Press, 2015, p. 11, mais où la population attendue n’est pas calculée pour les personnes nées entre les deux recensements.
  • [27]
    M. Amara, Des Belges à l’épreuve de l’exil, op. cit., p. 21 et 30.
  • [28]
    De 1913 à 1920-1921.
  • [29]
    La population change en continu. Elle est établie annuellement par rapport à une date de référence, à l’époque le 31 décembre, et même une heure de référence, minuit. Tous les événements démographiques (naissances, décès, migrations) arrivés avant le 31 décembre à minuit sont pris en compte, après non. Dans les statistiques récentes, la date de référence est le 1er janvier (à 0 heure).
  • [30]
    T. Eggerickx, « L’impact démographique de la Première Guerre mondiale », op. cit., p. 107.
  • [31]
    T. Eggerickx ne précise pas pourquoi la référence est ici le 1er janvier. On notera que le 1er janvier à 0 heure est la même référence que le 31 décembre à minuit, mais évidemment l’année change : le 1er janvier 1914 correspond alors au 31 décembre 1913.
  • [32]
    Ibidem, p. 107-108.
  • [33]
    En 1917, une « séparation administrative » entre la Wallonie et la Flandre (cette dernière comprenant l’arrondissement de Bruxelles) a été décrétée par l’occupant allemand. Cf. P. Delforge, La Wallonie et la Première Guerre mondiale. Pour une histoire de la séparation administrative, Namur, Institut Destrée, 2008 ; P. Delforge, La Wallonie et la Première Guerre mondiale (la suite). Nouveaux éclairages sur la “Wallonenpolitik”, Namur, Jules Destrée, 2020.
  • [34]
    La Belgique comptait 2 633 communes en 1913 et 2 638 en 1919 (Ministère de l’Intérieur et de l’Hygiène, Annuaire statistique de la Belgique et du Congo belge, 1915-1919, op. cit., 2e partie, p. 6).
  • [35]
    Ministère de l’Intérieur et de l’Hygiène, Annuaire statistique de la Belgique et du Congo belge, 1915-1919, op. cit., 1re partie, p. 17.
  • [36]
    R. Olbrechts, « La population », op. cit., p. 21-22.
  • [37]
    S. Van Laere, Over-leven na de Groote Oorlog, op. cit., p. 42.
  • [38]
    Ministère de l’Intérieur et de l’Hygiène, Annuaire statistique de la Belgique et du Congo belge, 1915-1919, op. cit., 1re partie, p. 2-3.
  • [39]
    Ministère de l’Intérieur, Statistique de la Belgique. Population. Recensement général du 31 décembre 1910, tome 3, Bruxelles, Weissenbruch, 1913 ; Ministère de l’Intérieur et de l’Hygiène, Statistique de la Belgique. Population. Recensement général du 31 décembre 1920, tome 3, Bruxelles, Weissenbruch, 1926.
  • [40]
    La tentative de le faire au niveau des communes, très nombreuses à l’époque, n’est pas convaincante (cf. S. Van Laere, Over-leven na de Groote Oorlog, op. cit.) : les effectifs sont beaucoup trop faibles pour échapper aux aléas statistiques. La source utilisée est le Mouvement de la population et de l’état-civil en Belgique. Les recensements de l’époque ne donnent les informations au niveau des communes que si celles-ci comptent plus de 20 000 habitants.
  • [41]
    Merci à Alain Colard pour l’encodage et à Corinne Lacroix et l’unité Demos de la Direction générale Statistiques du SPF Économie, PME, Classes moyennes et Énergie pour le scannage des volumes.
  • [42]
    Mouvement de la population et de l’état-civil en Belgique pour les années 1911 à 1920, Gand, Volksdrukkerij, 1928.
  • [43]
    R. Olbrechts, « La population », op. cit., p. 39-40.
  • [44]
    Ibidem, p. 40.
  • [45]
    A. Lambert, « La démographie de la Belgique dans la Guerre 1914-1918 », op. cit., p. 6.
  • [46]
    B. Benvindo, Des hommes en guerre. Les soldats belges entre ténacité et désillusion, 1914-1918, Bruxelles, Archives générales du Royaume, 2005, p. 37.
  • [47]
    Zone neutre entre 1816 et 1919 sous le nom de Moresnet-neutre.
  • [48]
    Kreis : circonscription administrative prussienne.
  • [49]
    Ministère de l’Intérieur et de l’Hygiène, Recensement général du 31 décembre 1920, op. cit., tome 1, p. 45.
  • [50]
    Chiffre mentionné en note sur Statbel, « Recensement - census », https://statbel.fgov.be. Il est donné par R. Olbrechts, « La population », op. cit., p. 63 et utilisé par T. Eggerickx, « L’impact démographique de la Première Guerre mondiale », op. cit., p. 107.
  • [51]
    Ministère de l’Intérieur et de l’Hygiène, Recensement général du 31 décembre 1920, op. cit., tome 2, p. 404 et 427.
  • [52]
    Ministère de l’Intérieur et de l’Hygiène, Recensement général du 31 décembre 1920, op. cit., tome 3, p. 547-587.
  • [53]
    H. Bunle, Le mouvement naturel de la population dans le monde de 1906 à 1936, Paris, Institut national d’études démographiques (INED), 1954.
  • [54]
    Institut national de statistique, Recensement de la population au 1er mars 1981, données individuelles inédites anonymisées.
  • [55]
    In Flanders Fields Museum, « Liste des noms », www.inflandersfields.be.
  • [56]
    Écarts à la moyenne divisés par l’écart-type.
  • [57]
    La rotation entre les troisième et quatrième analyses est dans la logique de la méthode, qui effectue une rotation du système d’axes, et le fait qu’elle soit faible est très rassurant.
  • [58]
    Pour ceux qu’étonne la différence d’angle entre les deux paires de composantes, rappelons que nous sommes dans un espace (mathématique) de 65 (pour la première) ou 72 (pour la seconde) dimensions.
  • [59]
    Pour rappel, le principe d’efficacité de l’ACP conduit à mettre en évidence des oppositions entre deux groupes d’observations, ici des arrondissements. Un de ces groupes est dit positif et l’autre négatif, mais le signe est arbitraire et sans autre signification que de désigner l’un et l’autre des groupes opposés et d’établir la correspondance entre observations et variables. Les observations positives pour une composante ont généralement des valeurs supérieures à la moyenne pour les variables corrélées positivement à cette composante et inférieures à la moyenne pour les variables corrélées négativement à la même composante ; les observations négatives ont les caractéristiques opposées.
  • [60]
    Pour rappel, le terme « score » désigne les coordonnées dans le nouveau système d’axe. Les scores des composantes remplacent les indices ou proportions des variables soumises à l’ACP.
  • [61]
    La dépression des corrélations autour de 25 ans concerne les deux sexes et le décalage (plus jeune pour les femmes) pointe plutôt vers une migration en couple (cf. infra).
  • [62]
    Les populations attendues des générations en 1920 dans les arrondissements valent leur population observée en 1910 ou à la naissance multipliée par l’indice national d’évolution de la même génération de 1910 – ou de la naissance – à 1920.
  • [63]
    Selon la convention habituelle, les hommes sont à gauche et les femmes à droite et l’importance des classes d’âge est exprimée en ‰ par rapport à la population totale sexes réunis. Pour la facilité, les classes sont toutes quinquennales (sinon, il aurait fallu introduire des corrections). Pour la comparabilité des populations observées et attendues, l’importance des classes d’âge ont toutes été exprimées en ‰ de la population totale observée.
  • [64]
    Carte dans R. Christens, K. De Clercq, Frontleven 14/18. Het dagelijkse leven van de Belgische soldaat aan de Ijzer, Tielt, Lannoo, 1987, p. 20.
  • [65]
    J. Keegan, La Première Guerre mondiale, Paris, Perrin, 2005, p. 171.
  • [66]
    Avec G. Van Hamme, dans J.-P. Grimmeau (dir.), Atlas de Belgique, tome 6, op. cit., p. 8-11.
  • [67]
    A. Lambert, « La démographie de la Belgique dans la Guerre 1914-1918 », op. cit., p. 14.
  • [68]
    Le bilan migratoire peut aussi être positif sans que l’indice ne soit supérieur à 1 puisqu’il y a de la mortalité.
  • [69]
    R. Gobyn, « La crise du logement et le problème du logement provisoire en Belgique après la Première Guerre mondiale », in M. Smets (dir.), Resurgam. La reconstruction en Belgique après 1914, Bruxelles, Crédit communal de Belgique, 1985, p. 169-188.
  • [70]
    Ibidem, p. 184.
  • [71]
    M. Amara, Des Belges à l’épreuve de l’exil, op. cit. Les chiffres de R. Olbrechts, « La population », op. cit. et de P. Nivet, « Réfugiés », in S. Audoin-Rouzeau, J.-J. Becker (dir.), Encyclopédie de la Grande Guerre, op. cit., p. 753-764 sont du même ordre de grandeur.
  • [72]
    J.-P. Wauters, Mary Widmer-Curtat et le Comité suisse de secours aux réfugiés belges pendant la Grande Guerre, Lausanne, Société d’histoire de la Suisse romande, 2015.
  • [73]
    R. Olbrechts, « La population », op. cit., p. 8.
  • [74]
    M. Amara, Des Belges à l’épreuve de l’exil, op. cit., p. 61.
  • [75]
    J. Horne, A. Kramer, 1914, les atrocités allemandes, op. cit.
  • [76]
    Simultanément, l’armée allemande envahit la France en Lorraine et les mêmes atrocités sont signalées (ibidem, p. 27).
  • [77]
    Ibidem, p. 42 et 625-626.
  • [78]
    Ibidem, p. 42.
  • [79]
    J. Keegan, La Première Guerre mondiale, op. cit., p. 103.
  • [80]
    Ce type de canons a été appelé la grosse Bertha, même par les Allemands (« Dicke Bertha »), par référence à la fille héritière, prénommée Bertha, de l’industriel Friedrich Krupp, qui les produisait (l’adjectif vise seulement le canon).
  • [81]
    J. Horne, A. Kramer, 1914, les atrocités allemandes, op. cit., p. 57-58.
  • [82]
    M. Amara, Des Belges à l’épreuve de l’exil, op. cit., p. 47-49.
  • [83]
    Contrairement à la Belgique, ils ne constituaient pas un passage obligé pour les Allemands voulant envahir la France.
  • [84]
    R. Olbrechts, « La population », op. cit., p. 20.
  • [85]
    J. Horne, A. Kramer, 1914, les atrocités allemandes, op. cit., p. 61-65.
  • [86]
    Ibidem, p. 65-73.
  • [87]
    Ibidem, p. 83-97. Cf. aussi A. François, Les événements du mois d’août 1914 à Dinant. Essai sur la genèse d’un massacre et réflexions autour de la culture de guerre, Bruxelles, Archives générales du Royaume, 2001.
  • [88]
    J. Horne, A. Kramer, 1914, les atrocités allemandes, op. cit., p. 75-77.
  • [89]
    Ibidem, p. 105-107.
  • [90]
    M. Amara, Des Belges à l’épreuve de l’exil, op. cit., p. 47-49 et 81-82.
  • [91]
    Ibidem, p. 35.
  • [92]
    Créé à Anvers le 28 août.
  • [93]
    Ibidem, p. 37.
  • [94]
    J. Keegan, La Première Guerre mondiale, op. cit., p. 160-161.
  • [95]
    J. Horne, A. Kramer, 1914, les atrocités allemandes, op. cit., p. 77-83.
  • [96]
    Ibidem, p. 103-105.
  • [97]
    Cf. M. Derez, A. Tixhon (dir.), “Villes martyres”. Visé, Aarschot, Andenne, Tamines, Dinant, Leuven, Dendermonde. Belgique, août-septembre 1914, Namur, Presses universitaires de Namur, 2014.
  • [98]
    J. Horne, A. Kramer, 1914, les atrocités allemandes, op. cit., p. 132-133.
  • [99]
    M. Amara, Des Belges à l’épreuve de l’exil, op. cit., p. 37, 47-49 et 238.
  • [100]
    Ibidem, p. 240.
  • [101]
    Ibidem, p. 47-49.
  • [102]
    J. Keegan, La Première Guerre mondiale, op. cit., p. 162.
  • [103]
    J. Horne, A. Kramer, 1914, les atrocités allemandes, op. cit., p. 126.
  • [104]
    M. Amara, Des Belges à l’épreuve de l’exil, op. cit., p. 81-82.
  • [105]
    Ibidem, p. 160-161.
  • [106]
    Ibidem, p. 47-49 et 81-82.
  • [107]
    Ibidem, p. 382.
  • [108]
    J. Keegan, La Première Guerre mondiale, op. cit., p. 165-170.
  • [109]
    M. Amara, Des Belges à l’épreuve de l’exil, op. cit., p. 39.
  • [110]
    Ibidem, p. 82-83.
  • [111]
    Ministère de l’Intérieur et de l’Hygiène, Annuaire statistique de la Belgique et du Congo belge, tome 46, op. cit., 1re partie, p. 102.
  • [112]
    La version d’origine de cette carte est reproduite dans P.-A. Tallier, S. Onghena, Cent ans – et plus – d’ouvrages historiques sur la Première Guerre mondiale en Belgique, op. cit., tome 1, p. 498. Il existe une carte plus récente, due à R. Gobyn, dans M. Smets (dir.), Resurgam, op. cit., p. 76 (reprise dans J.-P. Grimmeau (dir.), Atlas de Belgique, tome 6, op. cit., p. 11).
  • [113]
    R. Gobyn, « La crise du logement et le problème du logement provisoire en Belgique après la Première Guerre mondiale », op. cit., p. 173.
  • [114]
    R. Olbrechts, « La population », op. cit., p. 16.
  • [115]
    M. Amara, Des Belges à l’épreuve de l’exil, op. cit., p. 381.
  • [116]
    Ibidem, p. 41.
  • [117]
    Ibidem, p. 45-47.
  • [118]
    Ibidem, p. 241-246.
  • [119]
    Ibidem, p. 382.
  • [120]
    « Le contre-espionnage germanique estime à 50 000 le nombre de Belges mobilisables qui passèrent la frontière belgo-hollandaise entre 1914 et 1918 » (O. Lahaie, « La ligne électrifiée sur la frontière hollando-belge (1915-1918) », Guerres mondiales et conflits contemporains, n° 229, 2008, p. 76).
  • [121]
    Ibidem, p. 61-62. Cf. aussi les travaux d’Alex Vanneste, principal spécialiste de la question (cf. A. Vanneste, « La clôture électrifiée à la frontière belgo-hollandaise pendant la Première Guerre mondiale », www.1914-1918.be). Nous reprenons les données chiffrées d’A. Vanneste, plus vraisemblables que celles d’Olivier Lahaye.
  • [122]
    M. Amara, Des Belges à l’épreuve de l’exil, op. cit., p. 248-249. L’auteur cite aussi des colonies scolaires où des enfants belges ont bénéficié de cures de santé mais ces déplacements étaient temporaires et donc sans effet démographique notable.
  • [123]
    Ibidem, p. 377.
  • [124]
    500 000 : R. Olbrechts, « La population », op. cit., p. 8 ; S. De Schaepdrijver, La Belgique et la Première Guerre mondiale, op. cit., p. 105. 600 000 : M. Amara, Des Belges à l’épreuve de l’exil, op. cit. Intermédiaire : P. Nivet, « Réfugiés », op. cit., p. 758.
  • [125]
    Principalement Ministère de l’Intérieur et de l’Hygiène, Annuaire statistique de la Belgique et du Congo belge, tome 46, op. cit. ; R. Olbrechts, « La population », op. cit. ; M. Amara, Des Belges à l’épreuve de l’exil, op. cit. Les interpolations sont linéaires.
  • [126]
    R. Olbrechts, « La population », op. cit., p. 12.
  • [127]
    Wikipédia, « Prisonniers de guerre de la Première Guerre mondiale en Allemagne », https://fr.wikipedia.org.
  • [128]
    128 R. Olbrechts, « La population », op. cit., p. 11.
  • [129]
    Ibidem, p. 63.
  • [130]
    Ibidem.
  • [131]
    M. Amara, Des Belges à l’épreuve de l’exil, op. cit., p. 365.
  • [132]
    Ibidem, p. 366.
  • [133]
    Ibidem, p. 370.
  • [134]
    Ibidem, p. 367 et 370.
  • [135]
    R. Olbrechts, « La population », op. cit., p. 64.
  • [136]
    « Des centaines d’hectares de terrains agricoles étaient devenus stériles sous l’action de la salinité de l’eau de mer » (R. Gobyn, « La crise du logement et le problème du logement provisoire en Belgique après la Première Guerre mondiale », op. cit., p. 173), suite à l’inondation volontaire de terres pour stopper la progression allemande.
  • [137]
    M. Amara, Des Belges à l’épreuve de l’exil, op. cit., p. 367.
  • [138]
    Ibidem, p. 372.
  • [139]
    Mortalité avant le premier anniversaire.
  • [140]
    R. Olbrechts, « La population », op. cit., p. 34-35.
  • [141]
    A. Lambert, « La démographie de la Belgique dans la Guerre 1914-1918 », op. cit., p. 5.
  • [142]
    P. Festy, « Effets et répercussions de la Première Guerre mondiale sur la fécondité française », Population, volume 39, n° 6, 1984, p. 977-1010 (également repris dans J.-M. Rohrbasser (dir.), Bouleversements démographiques de la Grande Guerre, op. cit., p. 201-244).
  • [143]
    R. Olbrechts, « La population », op. cit., p. 20.
  • [144]
    Ministère de l’Intérieur et de l’Hygiène, Annuaire statistique de la Belgique et du Congo belge, tome 46, op. cit., 1re partie, p. 115.
  • [145]
    R. Olbrechts, « La population », op. cit., p. 20-21.
  • [146]
    Ibidem, p. 21.
  • [147]
    Statistique donnée pour les autres années dans les Annuaires statistiques de la Belgique et du Congo belge.
  • [148]
    Pour 1915, nous considérons les mois de janvier à mars, avant la chute du nombre de naissances.
  • [149]
    Il y avait quelques milliers de Belges au Congo en 1920 (D. Van Reybrouck, Congo. Une histoire, Arles, Actes Sud, 2012, p. 128).
  • [150]
    32 % moins 9,2 % ne reconstituent pas 24,9 % parce que chacun de ces pourcentages est calculé par rapport aux naissances théoriques sans guerre de la période correspondante.
  • [151]
    A. Lambert, « La démographie de la Belgique dans la Guerre 1914-1918 », op. cit., p. 20.
  • [152]
    Le total des naissances ayant mené aux effectifs de moins de 10 ans au 31 décembre 1920 a été obtenu par rétroprojection à partir de ceux-ci et des indices 1920/naissances interpolés entre les générations 1913 et 1920 pour éliminer l’influence des migrations dans les indices des générations 1914-1919. La différence par rapport aux naissances enregistrées estime les naissances à l’étranger revenues au 31 décembre 1920.
  • [153]
    R. Olbrechts, « La population », op. cit., p. 22.
  • [154]
    Ibidem.
  • [155]
    Ibidem, p. 61.
  • [156]
    T. Eggerickx, « L’impact démographique de la Première Guerre mondiale », op. cit., p. 115.
  • [157]
    R. Olbrechts, « La population », op. cit., p. 28-30.
  • [158]
    Il le fait après élimination des arrondissements du front. La corrélation du déficit de naissances avec la proportion d’agriculteurs en 1920, calculée sur l’ensemble des arrondissements, n’est pas significative.
  • [159]
    Matériellement, par l’incorporation à l’armée, la déportation, etc.
  • [160]
    R. Olbrechts, « La population », op. cit., p. 24.
  • [161]
    Ibidem, p. 27.
  • [162]
    Ibidem, p. 16-20. Il démontre aussi que c’est le seul phénomène démographique qui est entièrement rattrapé après la guerre (ibidem, p. 43-44).
  • [163]
    R. Olbrechts, « La population », op. cit., p. 18.
  • [164]
    Ibidem, p. 15.
  • [165]
    Nous avons rapporté supra (point 3.2) que la France continue après le 15 juillet 1919 à verser de l’aide « pour les Belges originaires d’une quarantaine de communes dévastées de Flandre occidentale » (M. Amara, Des Belges à l’épreuve de l’exil, op. cit., p. 366). On peut donc penser que les données manquent parce que ces communes sont dépeuplées.
  • [166]
    R. Olbrechts, « La population », op. cit., p. 21-22.
  • [167]
    Ministère de l’Intérieur et de l’Hygiène, Annuaire statistique de la Belgique et du Congo belge, tome 46, op. cit., 1re partie, p. 115.
  • [168]
    Sur la base de 600 000 exilés pendant 4,5 ans et du taux de mortalité belge moyen estimé de 1912 et 1913.
  • [169]
    M. Amara, Des Belges à l’épreuve de l’exil, op. cit., p. 263.
  • [170]
    Ibidem, p. 258.
  • [171]
    R. Olbrechts, « La population », op. cit., p. 32.
  • [172]
    A. Charon, « Les déportations de la Grande Guerre : un phénomène encore méconnu », Science Connection, n° 53, 2017, p. 36.
  • [173]
    R. Olbrechts, « La population », op. cit., p. 12-13.
  • [174]
    Ministère de l’Intérieur et de l’Hygiène, Annuaire statistique de la Belgique et du Congo belge, tome 46, op. cit., 1re partie, p. 118.
  • [175]
    R. Olbrechts, « La population », op. cit., p. 13.
  • [176]
    A. Charon, « Les déportations de la Grande Guerre », op. cit., p. 36-39.
  • [177]
    S. De Schaepdrijver, La Belgique et la Première Guerre mondiale, op. cit., p. 229-230.
  • [178]
    A. Charon, « Les déportations de la Grande Guerre », op. cit., p. 37.
  • [179]
    P. Trogh, De Namenlijst. Een algemene inleiding: naar een inclusieve geschiedenis en herdenking van de Eerste Wereldoorlog in België, Ypres, In Flanders Fields Museum, 2019, p. 32.
  • [180]
    R. Olbrechts, « La population », op. cit., p. 38.
  • [181]
    Ibidem ; P. Scholliers, F. Daelemans, « Standards of living and standards of health in wartime Belgium », op. cit.
  • [182]
    R. Olbrechts, « La population », op. cit., p. 38.
  • [183]
    Ibidem.
  • [184]
    Ibidem.
  • [185]
    R. Christens, K. De Clercq, Frontleven 14/18, op. cit., p. 80 ; J. Winter, « La grippe espagnole », in S. Audoin-Rouzeau, J.-J. Becker (dir.), Encyclopédie de la Grande Guerre, op. cit., p. 885-890.
  • [186]
    Wikipédia, « Grippe espagnole. Pandémie grippale de 1918 », https://fr.wikipedia.org.
  • [187]
    R. Olbrechts, « La population », op. cit., p. 55.
  • [188]
    Ibidem.
  • [189]
    Ibidem, p. 4 ; J. Winter, « Victimes de la guerre », op. cit., p. 1017. On retrouve cet effectif en additionnant les 234 000 hommes issus de la mobilisation générale (P. Manigart, « L’évolution de la structure démographique des forces armées belges depuis 1900 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1012, 1983, p. 5) et les 130 668 renforts ultérieurs (R. Christens, K. De Clercq, Frontleven 14/18, op. cit., p. 33). Nous avons calculé la durée moyenne entre l’enrôlement et la fin de la guerre selon les données de cette dernière source. Bien sûr, il y a eu des décès, des prisonniers en Allemagne, des réfugiés aux Pays-Bas et des blessés envoyés en convalescence derrière les lignes, souvent en France ; mais ils sont toujours soustraits à la population civile et c’est ce qui nous importe ici.
  • [190]
    Cette estimation ne tient pas compte des décès à l’étranger d’exilés et déportés. Mais, si nous avons estimé en début de chapitre que 40 000 exilés seraient décédés, c’est selon la mortalité d’avant-guerre en Belgique, et ce qu’il faudrait estimer c’est le nombre de décès excédentaires, soit la différence entre le nombre de décès réels et l’estimation précédente. Or le nombre total de décès des exilés à l’étranger est inconnu, ce qui rend le calcul impossible. En ce qui concerne les déportés, nous avons vu plus haut qu’il existe une estimation du nombre d’hommes déportés comme travailleurs forcés et du nombre de décès parmi eux, mais ces estimations semblent fortement en dessous de la réalité et le nombre de déportés pendant l’invasion reste inconnu. L’estimation de la surmortalité des déportés est donc hors de portée.
  • [191]
    R. Olbrechts, « La population », op. cit., p. 39.
  • [192]
    Ministère de l’Intérieur et de l’Hygiène, Annuaire statistique de la Belgique et du Congo belge, tome 46, op. cit., 1re partie, p. 100.
  • [193]
    R. Olbrechts, « La population », op. cit., p. 40-41.
  • [194]
    A. Lambert, « La démographie de la Belgique dans la Guerre 1914-1918 », op. cit. On peut se demander pourquoi il n’a pas utilisé les tables centrées sur les recensements de 1910 et de 1920.
  • [195]
    J. Winter, « Some paradoxes of the First World War », op. cit.
  • [196]
    D. Veys, Cohort survival in Belgium in the past 150 years, Louvain, Katholieke Universiteit Leuven, Sociological Research Institute, 1983.
  • [197]
    J. Winter, The Great War and the British people, Londres, Palgrave Macmillan, 1985.
  • [198]
    J. Winter, « Some paradoxes of the First World War », op. cit.
  • [199]
    J. Winter, « Victimes de la guerre », op. cit., p. 1017.
  • [200]
    J. Winter, « Some paradoxes of the First World War », op. cit., p. 25-26.
  • [201]
    (146 000 + 97 000) x 3 – 39 000.
  • [202]
    J. Keegan, La Première Guerre mondiale, op. cit., p. 512.
  • [203]
    P. Trogh, De Namenlijst, op. cit.
  • [204]
    H. Keymeulen, L. De Vos, « Een definitieve afrekening met de 80 %-mythe? Het Belgisch leger (1914-1918) en de sociale en numerieke taalverhoudingen onder de gesneuvelden van lagere rang », Revue belge d’histoire militaire, volume 27, n° 8, 1988, p. 595-603 et volume 28, n° 1, 1989, p. 1-5.
  • [205]
    Ibidem, volume 27, n° 8, 1988, p. 595-603.
  • [206]
    B. Majerus, « War Losses (Belgium) », in U. Danielet al. (dir.), 1914-1918-online International Encyclopedia of the First World War, Freie Universtät Berlin, 2016, https://encyclopedia.1914-1918-online.net.
  • [207]
    Ibidem.
  • [208]
    R. Olbrechts, « La population », op. cit., p. 14.
  • [209]
    P. Trogh, De Namenlijst, op. cit.
  • [210]
    Situation au 12 mars 2020 (In Flanders Fields Museum, « Liste des noms », op. cit.). Merci au Kenniscentrum du In Flanders Fields Museum et plus particulièrement à Pieter Trogh, collaborateur scientifique de recherche, qui nous a transféré les données et a répondu à nos multiples questions, ainsi qu’à Benjamin Wayens, logisticien de recherche au Réseau des études bruxelloises (EBxl) de l’Université libre de Bruxelles (ULB), et à Joost Vaesen, assistant professor au département d’histoire de la Vrije Universiteit Brussel (VUB), qui nous ont mis sur la piste de cette base de données.
  • [211]
    P. Trogh, De Namenlijst, op. cit., p. 12 principalement.
  • [212]
    War Heritage Institute, « Belgian War Dead Register », www.wardeadregister.be. Merci à Willem Segers pour l’autorisation et à Géry Van Achter pour l’extraction.
  • [213]
    Par exemple, le 7 mai 1986, quatre soldats ont été tués par l’explosion d’une bombe à gaz dans le dépôt de déminage du SEDEE à Poelkapelle.
  • [214]
    M. Bourlet, La Belgique et la Grande Guerre, Saint-Cloud, Soteca, 2012, p. 187.
  • [215]
    G. Brosens, « Congo sur Yser. Les 32 soldats congolais de l’armée belge dans la Première Guerre mondiale », Cahiers bruxellois, tome 46, n° 1F, 2014, p. 251-264.
  • [216]
    J.-M. Rohrbasser, « Hécatombe », op. cit.
  • [217]
    Pour les raisons politiques de la lenteur de cette transformation, cf. R. Devleeshouwer, Les Belges et le danger de guerre, 1910-1914, Louvain / Paris, Nauwelaerts, 1958.
  • [218]
    B. Benvindo, Des hommes en guerre, op. cit., p. 33-34.
  • [219]
    R. Olbrechts, « La population », op. cit., p. 15.
  • [220]
    B. Benvindo, Des hommes en guerre, op. cit. ; R. Christens, K. De Clercq, Frontleven 14/18, op. cit.
  • [221]
    G. Letawe, « La vie quotidienne sur le front belge », in P. Pirlot (dir.), 1914-1918, la Grande Guerre vue de la Province de Liège et de Belgique, Liège, Province de Liège, 2014, p. 60.
  • [222]
    Ministère de l’Intérieur et de l’Hygiène, Annuaire statistique de la Belgique et du Congo belge, tome 46, op. cit., 1re partie, p. 100 (cité par R. Olbrechts, « La population », op. cit., p. 14).
  • [223]
    Que les auteurs ne précisent pas.
  • [224]
    R. Christens, K. De Clercq, Frontleven 14/18, op. cit., p. 80-82.
  • [225]
    Ibidem.
  • [226]
    B. Benvindo, Des hommes en guerre, op. cit., p. 37.
  • [227]
    Ibidem, p. 36.
  • [228]
    P. Trogh, De Namenlijst, op. cit., p. 46, 50, 72 et 79.
  • [229]
    Pour lesquels la date de naissance est connue.
  • [230]
    L’effectif reconstitué sur la pyramide et les graphiques 20 et 21 est légèrement surestimé parce qu’il suppose que tous les militaires tués à la guerre auraient sans celle-ci survécu au moins jusqu’au 31 décembre 1920, ce qui est irréaliste.
  • [231]
    L. Henry, « Perturbations de la nuptialité résultant de la Guerre 1914-1918 », Population, volume 21, n° 2, 1966, p. 273-332 (repris dans J.-M. Rohrbasser (dir.), Bouleversements démographiques de la Grande Guerre, op. cit., p. 141-200) ; P. Festy, « Effets et répercussions de la Première Guerre mondiale sur la fécondité française », op. cit.
  • [232]
    Les calculs tiennent compte de toutes les générations concernées ; les plus vieux décédés avaient entre 60 et 64 ans en 1910. Le graphique représente comme indiqué les principales générations masculines soumises à la mortalité militaire de la Guerre 1914-1918, soit 98 % des décès.
  • [233]
    Wikipédia, « Armée belge en 1914 », https://fr.wikipedia.org.
  • [234]
    Historique dans H. Keymeulen, L. De Vos, « Een definitieve afrekening met de 80 %-mythe? », op. cit., volume 27, n° 8, 1988, p. 590-594.
  • [235]
    Conclusion paradoxale puisqu’elle implique qu’il y aurait eu proportionnellement moins de victimes flamandes (73 % de victimes pour 80 % des combattants), soit l’inverse de la thèse nationaliste flamande selon laquelle les francophones étaient gradés ou planqués.
  • [236]
    H. Keymeulen, L. De Vos, « Een definitieve afrekening met de 80 %-mythe? », op. cit.
  • [237]
    C’est le découpage prévu par la loi du 22 mai 1878 relative à l’emploi des langues en matière administrative (abrogée par les lois du 31 juillet 1921 et du 28 juin 1932), sauf qu’elle a créé de facto trois régions administratives linguistiquement distinctes, l’arrondissement de Bruxelles ayant un statut bilingue.
  • [238]
    Cf. P. Marissalet al., Atlas de Belgique, tome 1 : Géographie politique, Gand, Academia Press, 2007 ; S. Rillaerts, « La frontière linguistique, 1878-1963 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2069-2070, 2010.
  • [239]
    Y. Quairiaux,L’image du Flamand en Wallonie, 1830-1914. Essai d’analyse sociale et politique, Saintes, Labor, 2006.
  • [240]
    H. Keymeulen, L. De Vos, « Een definitieve afrekening met de 80 %-mythe? », op. cit.
  • [241]
    Il y a même quelques décès hors du territoire national de l’époque, dans les cantons de l’Est, la « Liste des noms » ayant pris les limites actuelles du pays comme référence. Nous n’avons pas éclairci ces quelques cas, non repris sur nos cartes, qui auraient dû être considérés comme des décès en Allemagne.
  • [242]
    P. Manigart, « L’évolution de la structure démographique des forces armées belges depuis 1900 », op. cit., p. 5.
  • [243]
    S. De Schaepdrijver, La Belgique et la Première Guerre mondiale, op. cit., p. 171.
  • [244]
    M. Bourlet, La Belgique et la Grande Guerre, op. cit., p. 63.
  • [245]
    Ibidem, p. 72.
  • [246]
    Wikipédia, « Armée belge en 1914 », op. cit.
  • [247]
    M. Bourlet, La Belgique et la Grande Guerre, op. cit., p. 72.
  • [248]
    Wikipédia, « Prisonniers de guerre de la Première Guerre mondiale en Allemagne », op. cit.
  • [249]
    B. Benvindo, Des hommes en guerre, op. cit., p. 89.
  • [250]
    Les décès attendus n’en tiennent pas compte.
  • [251]
    B. Benvindo, Des hommes en guerre, op. cit., p. 37.
  • [252]
    M. Amara, Des Belges à l’épreuve de l’exil, op. cit., p. 240-241.
  • [253]
    Soit une mortalité acceptable pour 35 000 hommes pendant 4 ans en tenant compte que l’on meurt peu aux âges considérés en dehors des combats.
  • [254]
    R. Christens, K. De Clercq, Frontleven 14/18, op. cit., p. 33.
  • [255]
    P. Manigart, « L’évolution de la structure démographique des forces armées belges depuis 1900 », op. cit., p. 5.
  • [256]
    Pour les difficultés de ce recrutement à l’étranger, cf. M. Amara, Des Belges à l’épreuve de l’exil, op. cit., chapitre 9.
  • [257]
    R. Christens, K. De Clercq, Frontleven 14/18, op. cit., p. 33.
  • [258]
    Les Cantons de l’Est ne seront intégrés qu’en 1925 (cf. supra, Chapitre 1).
  • [259]
    Chiffre donné aussi par R. Olbrechts, « La population », op. cit., p. 63.
  • [260]
    Arrondi chez T. Eggerickx, « L’impact démographique de la Première Guerre mondiale », op. cit., p. 107.
  • [261]
    Arrondi chez A. Lambert, « La démographie de la Belgique dans la Guerre 1914-1918 », op. cit., p. 1.
  • [262]
    R. Olbrechts, « La population », op. cit., p. 63.
  • [263]
    A. Lambert, « La démographie de la Belgique dans la Guerre 1914-1918 », op. cit., p. 22.
  • [264]
    Ibidem, p. 7.
  • [265]
    Ce qui donne un nombre d’émigrés « corrigé » par rapport auquel on peut estimer le sur-enregistrement. Cette démarche est classique (cf. supra, Chapitre 1). Cela suppose que les naissances, décès et immigrations ont été parfaitement enregistrés, ce qui n’est pas sûr en temps de guerre.
  • [266]
    A. Lambert, « La démographie de la Belgique dans la Guerre 1914-1918 », op. cit., p. 20-21.
  • [267]
    Suite à des choix différents quant aux nombres de décès militaires et de la population en 1920.
  • [268]
    T. Eggerickx, J.-P. Hermia, in J.-P. Grimmeau (dir.), Atlas de Belgique, tome 6, op. cit., p. 67-69.
  • [269]
    Les décès à l’étranger d’exilés et de déportés ne sont pas comptés dans les décès civils mais dans les émigrations (ils sont partis mais pas revenus). Ces décès à l’étranger ne sont cependant pas tous des décès supplémentaires. En temps de paix, les offices statistiques étrangers en auraient communiqué les nombres, pour autant qu’ils aient gardé leur résidence officielle en Belgique ; ils auraient alors été incorporés aux statistiques belges de décès. Mais évidemment, s’il n’y avait pas eu de guerre, il n’y aurait eu ni exilés ni déportés. De même, les enfants nés à l’étranger de parents exilés sont comptés dans les immigrants s’ils se sont installés en Belgique.
Jean-Pierre Grimmeau
Pierre Marissal
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
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La Guerre 1914-1918 a provoqué en Belgique des morts militaires, une augmentation de la mortalité civile, une diminution des naissances, un exil à l’étranger et une diminution de l’immigration. Tous ces phénomènes ont affecté l’évolution de la population. Mais leurs effets n’ont pas touché l’ensemble du pays de la même façon : ils présentent des variations géographiques.

Plus de cent ans après les faits, on pourrait croire que tout cela est bien connu. Or il n’en est rien : les estimations sont rares et disparates. Palliant cette lacune, ce Courrier hebdomadaire constitue la première étude des conséquences démographiques de la Première Guerre mondiale en Belgique et de leur géographie. D’une part, il cartographie l’impact du conflit sur les différents phénomènes démographiques et permet d’en comprendre les facteurs. D’autre part, il construit des estimations justifiées et argumentées, et les compare aux principales propositions antérieures.

Tour à tour, l’analyse se penche sur l’exil, la déportation et la migration, sur l’opposition des évolutions dans les grandes villes et dans les campagnes, sur le déficit des naissances, sur la surmortalité civile et sur les décès militaires. La conclusion, qui établit le bilan migratoire et démographique de la guerre, réserve quelques surprises. Ce Courrier hebdomadaire présente 11 cartes, 9 pyramides d’âge et 20 autres graphiques, tous originaux, ainsi qu’une carte d’époque restaurée.

Mis en ligne sur Cairn.info le 15/11/2021
https://doi.org/10.3917/cris.2508.0005
ISBN 9782870752722
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