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Introduction

1Dans une société fragmentée notamment selon le clivage philosophique, la nomination d’un évêque diocésain est un fait politique dans la mesure où elle touche à l’exercice de l’autorité dans l’une des principales composantes de la société.

2Le mode de structuration du “monde” catholique recèle une particularité que n’ont pas les autres “mondes”, celle de posséder, outre les divers pôles socio-politiques autour desquels gravitent des ensembles d’organisations, un pôle religieux. Les débats suscités à l’occasion d’une nomination importante dans la sphère religieuse et les effets d’une telle nomination ne sont pas sans avoir des répercussions sur l’ensemble du monde qui se réfère à la foi chrétienne, et même bien au-delà, car les changements d’équilibres au sein d’un des mondes est susceptible d’influencer l’équilibre des “mondes” entre eux.

3Si traditionnellement une large autonomie par rapport au pôle religieux existe dans la gestion des organismes laïcs chrétiens, l’évolution récente, dans la lignée des options doctrinales du Vatican et de la politique de nominations que celui-ci mène en soutien à ces options, éclaire d’un jour nouveau cette autonomie et a commencé d’en dévoiler certaines limites. C’est notamment sur cette toile de fond que le présent Courrier hebdomadaire se propose de décrire le processus de la nomination de l’abbé André Léonard comme évêque de Namur.

4Ordonné prêtre en 1964, André Léonard fut promu docteur en philosophie à l’Université catholique de Louvain en 1968. Il fut chargé de recherche au Fonds national de la recherche scientifique de 1970 à 1974, chargé de cours à l’Université catholique de Louvain de 1974 à 1976 puis professeur à partir de 1976. En 1980, il fut nommé professeur ordinaire à la même université. Son enseignement portait sur la philosophie morale, la métaphysique et l’explication d’auteurs modernes, en particulier les idéalistes allemands.

5Parallèlement à ses charges académiques, A. Léonard fut, de 1967 à 1978, membre de la direction du Séminaire Léon ?III à Louvain et depuis 1978 président du Séminaire Saint-Paul à Louvain-la-neuve. Parmi les publications scientifiques d’A. Léonard, on compte La foi chez Hegel (1970), Commentaire littéral de la logique chez Hegel (1974), Pensées des hommes et foi en Jésus-Christ (1980), Les raisons de croire (1987) et Cohérence de la foi (1989).

6Il succéda le 14 février 1987 à Monseigneur Ph. Delhaye [1], professeur de théologie à l’Université catholique de Louvain, comme membre de la Commission théologique internationale-CTI, présidée par le cardinal J. Ratzinger, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi.

7En 1986, A. Léonard se présenta, en même temps que d’autres candidats à la succession d’E. Massaux au rectorat de l’Université catholique de Louvain. Il ne fut pas désigné.

8En 1986 également, il fut proposé à l’épiscopat lors de la nomination du successeur de G.-M. van Zuylen, évêque de Liège. Le pape Jean Paul II avait alors rencontré les souhaits exprimés par la Conférence épiscopale belge et nommé A. Houssiau, ancien doyen de la Faculté de théologie de l’Université catholique de Louvain.

9Critiqué pour son orientation doctrinale, A. Léonard est contesté par la majorité des collaborateurs – clercs et laïcs – de l’évêque sortant, qui voient en lui le promoteur d’une tendance conservatrice actuellement dominante à la Curie romaine. Le Vatican imposa un évêque au diocèse en dépit de l’avis défavorable de nombreuses personnes actives dans les structures de l’Eglise diocésaine et belge. Les faits qui ont marqué le renouvellement de l’équipe dirigeante du diocèse de Namur sont l’occasion d’analyser non seulement le processus interne de décision de l’Eglise catholique mais également les rapports que celle-ci entretient avec les autres composantes de la société.

10Le présent Courrier hebdomadaire fait le point sur cette nomination et se propose d’éclairer ceux qui tenteraient d’en évaluer les conséquences dans le contexte socio-politique actuel. A cette fin sont décrits brièvement le statut et les pouvoirs de l’évêque dans l’Eglise catholique et l’organisation des diocèses, en particulier du diocèse de Namur. Ensuite sont examinés les étapes de la procédure de nomination et les modes d’intervention de divers groupes et personnes ayant réagi à l’intérieur et à l’extérieur du diocèse. Les premières décisions et la politique mise en œuvre par le nouvel évêque sont enfin brièvement passées en revue.

1 – Les diocèses en Belgique

11Dans sa définition du diocèse, le code de droit canonique ne fait pas appel à une notion territoriale : c’est “une portion du peuple de Dieu, confiée à un évêque pour qu’avec l’aide de son presbytérium[2] il en soit le pasteur (…)” (Can 369). Cependant, comme Eglise locale, le diocèse est la plupart du temps circonscrit par un territoire.

12Le territoire de la Belgique correspond, en termes de droit canonique, à une province ecclésiastique, aujourd’hui divisée en huit circonscriptions diocésaines (ou diocèses) : les diocèses d’Anvers, Bruges, Gand, Hasselt, Liège, Malines-Bruxelles, Namur et Tournai.

13Le territoire des diocèses correspond à celui d’une province pour les diocèses de Bruges (Flandre occidentale), Hasselt (Limbourg), Liège (Liège) et Tournai (Hainaut). Le diocèse de Gand comprend la province de Flandre orientale ainsi que la commune de Zwijndrecht (province d’Anvers). Le diocèse d’Anvers correspond à la province d’Anvers sans la commune de Zwijndrecht ni les cantons de Duffel, Malines, Puurs et Willebroeck. Le diocèse de Malines-Bruxelles s’étend à la province de Brabant ainsi qu’aux cantons de Duffel, Malines, Puurs et Willebroeck (province d’Anvers). Il comprend quatre vicariats avec évêques auxiliaires, un pour le Brabant flamand, un pour le Brabant wallon, un pour Bruxelles, pastorale néerlandophone, et un pour Bruxelles, pastorale francophone. Le diocèse de Namur comprend les provinces de Namur et de Luxembourg.

14En 1986, le vicariat aux forces armées fut érigé en diocèse, dont G. Danneels devint l’évêque. Celui-ci délégua ses pouvoirs de gestion au vicaire général du nouveau diocèse, A. Luysterman [3].

15Les diocèses sont divisés en paroisses dont la charge pastorale est confiée aux curés. Les doyennés sont des groupements de paroisses, groupements qui correspondent en règle générale aux cantons administratifs à la tête desquels se trouvent des doyens, chargés notamment de coordonner l’action apostolique.

16Le tableau 1 reprend les caractéristiques principales des diocèses belges en termes de superficie, de nombre d’habitants, de doyennés et de paroisses, de prêtres diocésains et de couvents (d’hommes et de femmes).

Tableau 1

Les diocèses en Belgique

Tableau 1
Diocèses Superficie km2 Nbre d’habitants Doyennés Paroisses Prêtres diocésains Couvents H F Malines-Bruxelles 3.659 2.482.017 71 663 1.269 186 785 Anvers 2.570 1.374.303 32 313 754 60 342 Bruges 3.132 1.098.271 25 367 1.159 51 440 Gand 2.995 1.347.545 38 425 306 72 394 Hasselt 2.422 740.000 21 313 600 51 178 Liège 3.869 992.068 34 520 761 40 158 Namur 8.078 641.778 39 742 695 66 167 Tournai 3.796 1.271.649 34 584 688 51 251

Les diocèses en Belgique

Source : Annuaire catholique de Belgique 1990-1991

17A la tête de la province ecclésiastique belge se touve l’archevêque de Malines-Bruxelles. Les autres circonscriptions diocésaines gardent toutefois leur autonomie. L’autorité sur un diocèse relève de la fonction épiscopale, exercée par l’évêque. Le concile Vatican II a accru l’importance de l’autorité épiscopale, le diocèse n’étant pas pensé en termes de décentralisation mais de présence de l’Eglise.

Le statut de l’évêque dans l’Eglise catholique

18Dans l’Eglise catholique, l’autorité suprême appartient au pape, qui possède le pouvoir sur l’Eglise toute entière ainsi que sur toutes les Eglises particulières et leurs regroupements. Il a le droit de déterminer la façon personnelle ou collégiale d’exercer sa charge (Can 333, §1 et 2). Contre une sentence ou un décret du pape, il n’y a ni appel ni recours (Can 333, §3). Le nouveau code de droit canonique de 1983 ajoute, à la suite du concile Vatican II, que le collège des évêques, réunis en concile œcuménique à l’initiative du pape, est aussi “en union avec son chef et jamais sans lui, sujet du pouvoir suprême et plénier sur l’Eglise toute entière.”

19L’autorité de l’évêque s’exerce au niveau d’une Eglise particulière. La fonction épiscopale et la notion de diocèse sont essentielles dans l’Eglise catholique. La mission de l’évêque est définie comme suit :

20“§ 1 Les évêques qui d’institution divine succèdent aux Apôtres par l’Esprit Saint qui leur est donné sont constitués Pasteurs dans l’Eglise pour être, eux-mêmes, maîtres de doctrine, prêtres du culte sacré et ministres de gouvernement. § 2 Par la consécration épiscopale elle-même, les Evêques reçoivent avec la charge de sanctifier, celles d’enseigner et de gouverner, mais en raison de leur nature, ils ne peuvent les exercer que dans la communion hiérarchique avec le chef et les membres du Collège” (Can 375).

21Il n’y a donc dans l’Eglise que deux niveaux d’autorité : celui du pape et du collège des évêques pour l’Eglise entière, territoires et personnes, et celles de l’évêque sur le territoire et les personnes qui lui sont confiés. Toutes les autres formes d’autorité dérivent de celles-là, en vertu d’une délégation explicite ou implicite.

22Le pouvoir des évêques n’est pas un pouvoir délégué, c’est-à-dire qu’il est directement lié, par le droit canonique, a la fonction épiscopale. Cependant, il s’exerce sous l’autorité (“communion hiérarchique”) du pape.

La nomination des évêques

23Le pape nomme librement les évêques (Can 377 § 1). Le droit canonique prévoit la procédure de nomination (Can 377 § 2 et 3), qui comporte un certain nombre de consultations et dans laquelle le nonce apostolique (qui est l’ambassadeur du Vatican en Belgique) joue un rôle essentiel.

24Tous les trois ans au moins, les évêques d’une province ecclésiastique sont tenus de dresser, d’un commun accord et en secret, une liste de prêtres les plus aptes à l’épiscopat. Chaque évêque garde en outre le droit de faire connaître séparément au Siège apostolique le nom des prêtres qu’il estime en mesure d’assumer la charge. Cette liste d’“épiscopables” n’est qu’une proposition au Saint Siège qui reste totalement libre de choisir un futur évêque en dehors de cette liste.

25Lorsqu’un évêque diocésain doit être nommé, le nonce apostolique est chargé de mener une enquête et de dresser une liste de trois noms à proposer au Saint Siège et de communiquer à celui-ci, avec son propre avis, les suggestions des autres évêques de la province ecclésiastique. L’enquête peut aussi concerner d’autres personnes que celles proposées par les évêques.

26La procédure de consultation prévoit encore que le nonce entende des membres du collège des consulteurs et des membres du chapitre cathédral. S’il le juge à propos, il peut demander secrètement et séparément l’avis de quelques membres du clergé et de laïcs “reconnus pour leur sagesse”.

27Depuis 1917, le code de droit canonique ne reconnaît plus, en principe, aux autorités civiles, aucun droit ou privilège d’élection, nomination, présentation ou désignation d’évêque. Mais les conventions existantes entre certains Etats et le Saint Siège ne furent pas abolies, de sorte que le principe est assorti de nombreuses exceptions [4].

28En Belgique, aucune convention de ce type n’existe au sujet de la nomination des évêques et autres ministres du culte. Les articles qui concernent la nomination des évêques dans la loi du 18 germinal an X (8 avril 1802), loi qui est toujours d’application sous certains de ses aspects, sont abrogés par la Constitution. Selon le régime concordataire, la nomination des évêques par le pape était dépourvue d’effets si elle n’était pas approuvée par le pouvoir civil. L’article 16 alinéa 1er de la Constitution dispose que : “L’Etat n’a le droit d’intervenir ni dans la nomination ni dans l’installation des ministres d’un culte quelconque, ni de défendre à ceux-ci de correspondre avec leurs supérieurs et de publier leurs actes, sauf, en ce dernier cas, la responsabilité ordinaire en matière de presse et de publication”. En pratique, en raison de l’importance psychologique, sociale, et parfois aussi politique, de la nomination d’un évêque, il y a eu des contacts entre le gouvernement et le Vatican lorsque celle-ci revêt une certaine importance.

29Si le pouvoir civil n’intervient pas, en droit, dans la procédure de nomination des évêques, il intervient, notamment financièrement, dans d’autres domaines. Selon l’article 117 de la Constitution : “Les traitements et pensions des ministres des cultes sont à la charge de l’Etat ; les sommes nécessaires pour y faire face sont annuellement portées au budget”. Au niveau diocésain, l’Etat supporte le traitement des évêques, vicaires généraux et épiscopaux, chanoines et secrétaires d’évêchés. Il intervient par ailleurs dans la construction, l’entretien et la restauration d’édifices du culte. Beaucoup d’entre eux sont des bâtiments classés. Les communautés et les régions interviennent de leurs côtés au titre de la protection du patrimoine. Les provinces quant à elles sont tenues d’intervenir dans l’entretien des palais épiscopaux et de combler le déficit du budget des fabriques cathédrales [5].

30Lorsque les autorités ecclésiastiques envisagent la création d’un nouveau diocèse, elles doivent en adresser la demande au gouvernement. En dernier ressort, c’est au Parlement que revient la décision, celui-ci étant appelé à délibérer sur le projet de loi que lui soumet le gouvernement à ce sujet. Ce droit d’intervention se justifie notamment par les répercussions financières et politiques que peut entraîner une telle décision.

La gestion des diocèses

31Selon le droit canonique, l’évêque est institué comme maître de la foi, prêtre du culte divin et chargé de gouverner l’Eglise. Il exerce son pouvoir dans ces trois domaines : celui, proprement religieux, du culte sacré, celui de l’enseignement de la doctrine chrétienne et celui de la gestion de l’organisation ecclésiale dans son diocèse et, par un partage des responsabilités interdiocésaines, dans sa province ecclésiastique.

32L’évêque dispose d’un ensemble d’institutions et de personnes (la curie diocésaine) qui l’aident dans l’exercice de ses fonctions, en ce compris la direction de l’action pastorale, l’administration du diocèse et l’exercice du pouvoir judiciaire en matière religieuse.

33L’évêque dispose d’un secrétariat, dont les membres sont choisis par lui. Il se choisit pour l’assister un ou plusieurs vicaires généraux (qui sont parfois eux-mêmes des évêques, appelés alors évêques auxiliaires), et un ou plusieurs vicaires épiscopaux, qui exercent des missions spécialisées pour un temps déterminé. Vicaires généraux et épiscopaux forment avec l’évêque le conseil épiscopal, que préside l’évêque et qui est à la fois un organe consultatif et une “équipe gouvernementale” où chaque “ministre” exerce sa fonction dans les matières qui lui sont attribuées.

34Pour juger les causes internes à l’Eglise, il dispose d’un vicaire judiciaire.

35A la suite du concile. Vatican II fut instituée la charge d’économe diocésain. Nommé par l’évêque diocésain après avis du collège des consulteurs et du conseil économique pour un mandat de cinq ans renouvelable, il gère les biens du diocèse selon les directives dudit conseil économique, que préside l’évêque.

36Le conseil économique est composé d’au moins trois fidèles [6] nommés par l’évêque, compétents dans les affaires économiques et en droit civil. Leur mandat est de cinq ans et est renouvelable. Le conseil économique prépare le budget des recettes et des dépenses à prévoir pour l’année à venir et approuve les comptes pour l’année écoulée, toute cette matière étant soumise à l’autorité de l’évêque et le conseil devant suivre ses instructions. Il a un pouvoir d’avis pour les actes d’administration importants de l’évêché ou d’une œuvre diocésaine. Si un engagement financier de plus de BEF 25 millions est à prendre, l’évêque doit obtenir le consentement du conseil économique [7]. Il examine les comptes que lui présentent les administrateurs des biens ecclésiastiques soumis au pouvoir de gouvernement de l’évêque.

37Aux termes du droit canonique, l’évêque a le pouvoir de lever un impôt, après avis du conseil économique et du collège des consulteurs, sur les organismes ou institutions créés par l’évêché.

38Pour l’action pastorale [8], l’évêque dispose du clergé séculier sur lequel il a autorité. Il peut également utiliser l’aide de deux conseils à compétence consultative : le conseil presbytéral et le conseil pastoral. La diminution importante du nombre de prêtres a conduit l’Eglise à faire participer des laïcs à certaines tâches liturgiques et à des responsabilités d’enseignement.

39Le conseil presbytéral est un organe créé après le concile Vatican II. Présidé par l’évêque, il est composé de prêtres dont une moitié environ doit être librement élue par les prêtres du diocèse, de membres de droit (les membres du conseil épiscopal) et de prêtres que l’évêque nomme librement. En Belgique, la Conférence épiscopale a décidé par un décret du 26 mars 1985 que dans les conseils presbytéraux des diocèses belges, les membres élus doivent être légèrement majoritaires et que les membres supplémentaires choisis par l’évêque le soient de façon à assurer un meilleur équilibre entre régions, entre fonctions, entre clergé diocésain et clergé régulier, etc.

40Au sein du conseil presbytéral, l’évêque choisit entre six et douze prêtres, pour cinq ans renouvelables, afin de constituer le collège des consulteurs, qu’il préside. Le collège des consulteurs est chargé de donner un avis ou son consentement sur un certain nombre d’actes administratifs ou de décisions de l’évêque. C’est ce collège qui élit l’administrateur diocésain qui gouvernera le diocèse ad intérim en cas de vacance du siège épiscopal.

41Le conseil pastoral fut également institué après le concile Vatican II mais, contrairement à celle du conseil presbytéral, sa constitution dans un diocèse n’est pas obligatoire. Il comprend des laïcs, des clercs et des membres de congrégations religieuses. Les membres en sont choisis selon des modalités déterminées par l’évêque [9]. Le conseil pastoral se donne un règlement d’ordre intérieur, qui doit être approuvé par l’évêque. Le conseil pastoral est chargé d’étudier, sous l’autorité de l’évêque qui le préside, ce qui touche à l’activité pastorale, de l’évaluer et de proposer des conclusions pratiques. Comme le conseil presbytéral, il n’a qu’un pouvoir consultatif, l’évêque ayant seul le pouvoir d’adopter les conclusions de ses travaux.

42L’évêque peut en outre prendre l’initiative de réunir un synode diocésain. Font partie de cette assemblée essentiellement le conseil épiscopal, le conseil presbytéral, les doyens et au moins un autre prêtre par doyenné, les supérieurs de communautés religieuses, et enfin, des laïcs, dont le nombre et les modalités de désignation sont à déterminer par l’évêque. Toutes les questions proposées sont soumises à la libre discussion des membres dans les sessions du synode. Le résultat des débats est de nature purement consultative, l’évêque demeurant le seul maître des décisions à prendre à la suite des discussions.

43L’évêque choisit également les prêtres qu’il nomme chanoines, dont le rôle a diminué d’importance en raison de la création des conseils presbytéral et pastoral et du collège des consulteurs. Ils sont aujourd’hui chargés des fonctions plus solennelles dans les églises, cathédrales et collégiales. Les chanoines du chapitre cathédral sont consultés au cours de la procédure de nomination d’un nouvel évêque.

44Au terme de cette description formelle des pouvoirs de l’évêque, citons le code de droit canonique : “Il appartient à l’évêque diocésain de gouverner l’Eglise particulière qui lui est confiée avec pouvoir législatif exécutif et judiciaire, selon le droit. L’évêque exerce lui-même le pouvoir législatif ; il exerce le pouvoir exécutif par lui-même ou par les vicaires généraux ou les vicaires épiscopaux, selon le droit ; le pouvoir judiciaire, par lui-même ou par le vicaire judiciaire et les juges, selon le droit” (Can 391).

45Une véritable “cartographie” des pouvoirs réels de l’évêque ne peut se baser uniquement sur le droit canonique. L’approche descriptive des multiples organisations, dont beaucoup ont pris la forme d’asbl, qui gravitent autour des évêchés révélerait soit la présence personnelle de l’évêque soit celle d’un de ses représentants dans les conseils d’administration. Cela ne signifie pas que l’évêché intervient toujours activement dans les orientations de ces organisations. Il s’agit plutôt d’un pouvoir ou d’une capacité d’influence le plus souvent potentiel.

46Du reste, il faut distinguer de ce point de vue le niveau diocésain du niveau interdiocésain.

47Au niveau interdiocésain, il faut relever les cas particuliers des universités catholiques. Le droit canonique (Can 807) définit le statut ecclésiastique des universités et instituts d’enseignement supérieur que l’Eglise se réserve le droit de créer et de diriger.

48Dans ces universités et instituts, l’autorité statutaire “a le devoir de veiller à ce que soient nommés dans les universités catholiques des enseignants qui, outre leur capacité scientifique et pédagogique, se distinguent par l’intégrité de la doctrine et la probité de leur vie, et à ce qu’ils soient écartés de leur charge si ces conditions viennent a manquer, en respectant la procédure définie par les statuts” (Can 810 § 1). En 1981, le pape Jean-Paul II a évoqué la nécessité de donner une charte aux universités catholiques. Le 25 septembre 1990, il a publié la Constitution apostolique sur les universités catholiques, document préparé par la Congrégation romaine pour l’éducation catholique et par des consultations des épiscopats, congrégations religieuses et universités catholiques. Dans les normes qu’il édicté, ce document réaffirme le rôle important de l’évêque diocésain de la région ou de la nation où l’université est située dans la préservation de son caractère catholique, sans rien retirer au droit d’intervention du Saint-Siège. Les évêques ont “le droit et le devoir de veiller à la préservation et au renforcement de son caractère catholique. Si des difficultés surgissent, l’évêque local prendra les initiatives nécessaires, en accord avec les autorités académiques compétentes, selon les procédures établies, et, si besoin était, avec l’aide du Saint-Siège”.

49En Belgique, on compte deux universités catholiques, chacune avec deux campus (l’Université catholique de Louvain, installée à Louvain-la-Neuve et Woluwé-Saint-Lambert et la Katholieke Universiteit Leuven, à Louvain et à Courtrai), plusieurs facultés universitaires (à Anvers, Bruxelles, Namur et Mons) et de nombreux instituts d’enseignement supérieur. Le pouvoir organisateur de l’Université catholique de Louvain est formé de l’archevêque de Malines-Bruxelles et des évêques diocésains de la partie francophone du pays auxquels s’ajoutent A. Califice, (ancien ministre PSC et ministre d’Etat), J. Michel (ancien ministre PSC), J. Godeaux (ancien gouverneur de la Banque nationale de Belgique et administrateur de la Société générale de Belgique) et H. Simonart (ancien secrétaire général de la Générale de Banque).

50Au niveau diocésain, notons par exemple que relève de l’évêque la nomination des aumôniers auprès des congrégations religieuses, des hôpitaux, des mouvements d’action catholique, des œuvres sociales et des organismes socio-caritatifs. Bien qu’ils n’interviennent pas directement dans la gestion de ces organisations, ces aumôniers jouent un rôle de conseiller moral dont il n’est pas aisé d’apprécier la capacité d’influence.

51Certains mouvements reçoivent des subsides au niveau diocésain et au niveau interdiocésain, sans préjudice de subsides accordés par les pouvoirs publics. En 1990, pour l’ensemble de la Communauté française, les mouvements de jeunesse catholiques ont reçu de la Conférence épiscopale BEF 4 millions, dont 2 ont été accordés à l’organisme qui les coordonne, le Conseil de la jeunesse catholique-CJC, tandis que les mouvements d’adultes ont reçu BEF 3,7 millions. Les mouvements charismatiques reçoivent un subside qui n’est pas repris dans les montants cités.

52Les pouvoirs organisateurs des établissements rattachés au réseau catholique de l’enseignement sont souvent liés à l’évêché par des liens de divers types. Dans le cas des collèges diocésains, l’évêché est lui-même à l’origine du pouvoir organisateur de l’institution et peut intervenir directement ou indirectement dans la nomination des directeurs et des professeurs. Dans d’autres cas, des établissements prévoient la présence d’un représentant de l’évêché ou une autre forme de lien ou de dépendance. La désignation des professeurs de religion dans les écoles des réseaux officiels relève également de l’évêque.

53Les institutions catholiques du secteur de l’aide sociale et de santé sont regroupées au niveau interdiocésain dans les diverses organisations de Caritas catholica. Il s’agit là d’organisations interdiocésaines scindées depuis quelques années sur un plan communautaire. Les évêchés n’interviennent pas dans la gestion de ces institutions. Cependant, un débat a lieu, périodiquement entre les autorités ecclésiastiques et les responsables des institutions de santé du monde catholique sur la signification de leur appartenance à ce monde. Parmi les enjeux de ce débat, on trouve les options à prendre en matière de bio-éthique (interruption volontaire de grossesse, fécondation in vitro, etc.).

54Si l’évêque n’intervient pas dans la gestion de ces institutions dans son diocèse, on notera par exemple que les statuts des asbl d’institutions de santé et d’aide sociale qui dépendent de congrégations religieuses prévoient parfois qu’en cas de dissolution de l’asbl, le solde de l’actif est à mettre à la disposition de l’évêque du lieu.

2 – Le diocèse de Namur

55Lorsqu’en 1559, le pape Paul IV remanie les limites des diocèses des Pays-Bas méridionaux à la demande du roi d’Espagne Philippe II, le diocèse de Namur est créé par la scission du diocèse de Tongres-Maestricht-Liège et devient suffragant (dépendant) de Cambrai. A cette époque, il se compose de l’actuel Brabant wallon et du Comté de Namur (soit une moitié de la province de Namur [10]). Après la révolution française, le diocèse est restructuré dans le prolongement du concordat de 1801 de manière à faire coïncider ses limites avec celles du département de Sambre-et-Meuse [11] et il devient suffragant de Malines. En 1823, le Luxembourg – y compris le Grand-duché qui en sera détaché en 1840 pour devenir un vicariat apostolique indépendant [12] – et les cantons de Couvin et Philippeville sont annexés au diocèse de Namur par le Saint Siège. En 1843, de manière à s’adapter davantage aux limites des provinces administratives, une trentaine de paroisses sont échangées entre les diocèses de Liège et de Namur. C’est de cette époque que date la configuration actuelle du diocèse à l’exception de quelques modifications mineures apportées ultérieurement (en 1903 et 1977) en vue de faire correspondre le territoire du diocèse avec celui des provinces.

56Avec 8.067 km2 de superficie (un quart du pays), le diocèse de Namur est le plus étendu de Belgique. C’est aussi le moins peuplé : il compte moins du quinzième de la population du pays (640.000 habitants environ).

57Le diocèse de Namur est constitué de 742 paroisses (réparties en quarante cures, 696 succursales et six succursales épiscopales) qui forment trente-neuf doyennés. Le territoire du diocèse est, depuis une trentaine d’années, réparti en neuf régions pastorales réunissant plusieurs doyennés. Quatre régions pastorales couvrent la province de Namur : Namur (huit doyennés dont un archiprêtré), Philippeville (quatre), Beauraing (quatre) et Dînant (quatre) tandis que la province de Luxembourg en compte cinq : Marche-en-Famenne (cinq), Neufchâteau (quatre), Virton (trois), Arlon (trois) et Bastogne (quatre). Les limites géographiques des régions pastorales s’apparentent généralement à celles des arrondissements, tandis que celles des doyennés se fondent en principe sur les cantons. Pour chaque région pastorale, un doyen principal (généralement celui du doyenné le plus important) est nommé ; il doit servir de relais entre le conseil épiscopal et les doyennés de sa région pastorale. A cette fin, il réunit les doyens et les aumôniers d’œuvres deux ou trois fois par an. Cette structure a toutefois un rôle assez effacé.

58Un décret pris par l’évêque de Namur, R.-J. Mathen, le 8 septembre 1978 répartit le diocèse en secteurs pastoraux qui regroupent chacun plusieurs paroisses. L’évêque en précise les missions dans sa lettre pastorale du 12 octobre 1979 intitulée “Pour une Eglise porteuse d’espérance” : “Ce n’est pas une superparoisse, ce n’est pas simplement une entité géographique et sociologique bien définie. C’est un cadre de service où laïcs, prêtres, diacres permanents, religieux, religieuses, prennent en charge l’animation d’un ensemble” [13].

59Au 27 mai 1991, le diocèse de Namur comptait 425 doyens, desservants, chapelins et recteurs, 295 vicaires, professeurs, aumôniers, prêtres des instituts et pensionnés ainsi que quarante-deux diacres. On dénombre encore septante couvents de religieux et 192 communautés de religieuses.

L’organisation du diocèse de Namur

60Voici à présent une brève présentation de l’organisation du diocèse de Namur telle qu’elle existait jusqu’à l’entrée en fonction d’A.-M. Léonard.

Le conseil épiscopal

61Sous R.-J. Mathen, le conseil épiscopal réunissait dix personnes. L’évêque en était le président, tandis que l’évêque auxiliaire, J.-B. Musty, déjà nommé sous A.-M. Charue, était entre autres attaché à l’animation pastorale dans la province du Luxembourg tout en résidant à Namur. R.-J. Mathen avait désigné deux autres vicaires généraux. L’un, J. Meunier, était notamment chargé de l’animation pastorale dans la province de Namur ; l’autre était F. Toussaint. Son conseil épiscopal comportait en outre six vicaires épiscopaux : L. Son, E. Gillet, J.-M. Jadot, L. Wéry, le président du séminaire M. Didier et le doyen principal de Namur M. Tasiaux.

Le conseil presbytéral et le collège des consulteurs

62Le conseil presbytéral de R.-J. Mathen, présidé par l’évêque lui-même, comptait quarante-deux membres. En faisaient partie, comme membres de droit, les vicaires généraux, le président du Séminaire ainsi que le vicaire épiscopal J.-M. Jadot chargé de coordonner les activités des conseils et d’en assurer le suivi.

63Trente-deux membres étaient des prêtres élus par leurs pairs. Le dernier renouvellement de la composition du conseil presbytéral a eu lieu début 1986, peu après l’assemblée diocésaine de Nassogne en octobre 1985 (voir ci-dessous). Septante-cinq pourcent des prêtres du diocèse ont pris part au scrutin, soit un pourcentage de participation particulièrement élevé par rapport aux élections antérieures. D’aucuns ont attribué à l’assemblée de Nassogne un effet d’entraînement qui a également eu des retombées sur la participation à ces élections. Deux religieux étaient présentés par les congrégations.

64Le conseil presbytéral comptait en outre six membres cooptés : cinq en vue d’offrir une représentation à certaines catégories de prêtres (les prêtres ouvriers, les jeunes prêtres, les prêtres chargés de la formation permanente, les prêtres fidei donum, les aumôniers d’hôpitaux) et un modérateur.

65Outre l’évêque qui le préside de droit, le collège des consulteurs comptait dix membres présentés par le conseil presbytéral constitué en 1986. Celui-ci avait retenu six membres du collège des consulteurs précédent bien qu’ils ne fassent plus partie du conseil presbytéral. L’évêque les a cependant reconduits dans leur fonction.

Les conseils pastoraux

66Deux conseils pastoraux étaient constitués dans le diocèse de Namur, l’un pour la province de Namur, l’autre pour celle de Luxembourg. Les deux avaient pour président l’évêque et leurs activités étaient coordonnées par une équipe dirigée par le vicaire épiscopal J.-M. Jadot. Le conseil pastoral de la province de Luxembourg comptait quarante-deux membres parmi lesquels l’évêque auxiliaire J.-B. Musty, huit prêtres, un religieux et une religieuse. Celui de Namur était composé de quarante-six membres parmi lesquels le vicaire général pour la province de Namur, six prêtres et deux religieuses. Leur composition était le reflet de la représentation du monde catholique retenue pour l’assemblée de Nassogne. Les laïcs constituaient 75 % des membres du premier et 80 % du second.

67Les conseils pastoraux, dont la composition avait été renouvelée au début de l’année 1986, se réunissaient cinq fois par an. Leurs réunions étaient essentiellement consacrées au suivi de l’assemblée diocésaine de Nassogne. Pendant les deux premières années, le thème principal fut la prise en compte des pauvretés tandis que les deux années suivantes, les réflexions eurent pour objet la pastorale des jeunes.

Le conseil économique

68Dans le diocèse de Namur, le conseil économique fonctionne depuis le 20 décembre 1986 et le mandat de cinq ans que ses membres (le chanoine R. Schwartz (économe diocésain), Sœur Chantai (Fille de Marie de Pesche) et le notaire Pierard de Marche-en Famenne) ont reçu, arrive à échéance à la fin de l’année.

69Le conseil économique examine les comptes et les budgets, ainsi que l’endettement et la capacité de remboursement de toutes les œuvres diocésaines, décanales ou paroissiales, soit environ 300 œuvres, associations sans but lucratif ou associations de fait. R.-J. Mathen définissait comme suit son rôle à l’égard des œuvres : “Il leur reviendra d’évaluer les possibilités financières, de prévoir une répartition équitable des disponibilités et des ressources, qui seront mises au service des paroisses, des mouvements, des écoles, de la formation, de la catéchèse, compte tenu de la pastorale d’aujourd’hui” [14]. Les modalités d’intervention du conseil sont stipulées dans le décret diocésain du 26 novembre 1988 : “Décret concernant les actes administratifs et les interventions du conseil économique et du collège des consulteurs” [15].

Le budget

70Sans pouvoir être exhaustif dans le relevé du budget global de l’évêché, mentionnons le montant total des dépenses supportées par l’asbl Evêché de Namur [16]. Ces charges, d’un montant, pour 1989, de BEF 16.755.168, étaient destinées au fonctionnement de ses services et de divers services interdiocésains. “Elles comprennent, d’une part, des frais de personnel, de secrétariat, de fournitures diverses, d’assurances et de fonctionnement de l’Evêché, de publications, d’organisation des réunions des Conseils diocésains, de formation permanente diocésaine, de contribution à l’aide aux plus pauvres, etc. Tout cela a provoqué, en 1989, une dépense de 8.673.262 FB. L’Evêché de Namur est également intervenu, a raison de 8.081.906 FB, dans les charges interdiocésaines : mouvements et coordinations de l’Action Catholique entre les diocèses, Justice et Paix, Pax Christi, Centres de Préparation au Mariage, Institut de musique religieuse (IMEP de Namur), Centre National des Vocations, Séminaire Cardijn[17] à Jumet, Séminaire St-Paul à Louvain-la-Neuve, Séminaire d’Afrique, étudiants étrangers, statistiques religieuses, secrétariat de la Conférence épiscopale, etc.” [18].

71Les dépenses de l’asbl ne concernent toutefois pas les fabriques d’église ni le séminaire diocésain qui sont des institutions de droit public dotées de statuts propres.

72Pour faire face à ces dépenses, l’évêché de Namur a bénéficié d’une collecte organisée dans les églises du diocèse, de dons personnels ou de communautés, d’abonnements aux publications de l’évêché, de revenus mobiliers et de quelques legs. “Bâtir avec notre évêque”, association qui a adopté le statut d’asbl en 1986 [19], organise en outre une tombola annuellement pour soutenir des initiatives pastorales.

Le séminaire

73Le séminaire de Namur comprenait jusqu’à juin 1990 deux sections : la philosophie et la théologie. Depuis 1974, le président du Séminaire était Marcel Didier. La section de philosophie avait pour professeurs : C. Bastin (communauté), Y. Fosséprez (formation pastorale), E. Dejaifve (formation spirituelle), C. Dubois (du diocèse de Tournai, formation intellectuelle) et P. Thiry (du diocèse de Liège). La section de théologie comptait quatre professeurs : D. Chavée (communauté), P. Goffinet (formation spirituelle), J. Solot (formation pastorale) et A. Wénin (formation intellectuelle).

74Le Sénevé-Centre d’études théologiques de Namur, association de fait fondée par R.-J. Mathen en 1982, était chargé de la formation théologique des laïcs, des religieux, religieuses et prêtres désireux d’une mise à jour de leur formation théologique. C’était au Sénevé que les séminaristes de la section de théologie recevaient l’essentiel de leur formation intellectuelle. Le centre accueillait au total, en 1990-91, 230 étudiant(e)s à Namur et 90 à Libramont. Huit séminaristes étaient inscrits en section de théologie au cours de cette année académique-là.

75Le directeur, P. Goffinet, et le secrétaire, A. Wénin, formaient la direction du Sénevé. En plus de ceux-ci, il y avait cinq professeurs ordinaires : D. Chavée, P. Hennequin, J. Reding, J. Solot et T. Tilquin.

76Le conseil d’orientation était l’organe responsable vis-à-vis du pouvoir organisateur, l’évêque du diocèse. Ce conseil était présidé par L. Son, représentant de l’évêque, et il comprenait M. Didier, président du séminaire, C. Gérard, responsable de la formation permanente ainsi que le directeur et le secrétaire du centre.

Les commissions et les services diocésains

77Treize commissions diocésaines avaient une mission pastorale à l’égard d’un groupe de personnes (pastorale des jeunes, des malades, par exemple), ou d’une thématique (pastorale œcuménique, du tourisme, etc.). Par ailleurs, treize services fonctionnaient dans le diocèse (documentation, censure des livres, informations, par exemple) [20].

Les institutions dépendant du diocèse

78De nombreux services, établissements et organisations sont créés dans l’orbite des évêchés. L’évêque est pouvoir organisateur de certains d’entre eux ; le diocèse finance certaines de leurs dépenses et il peut exercer un contrôle sur les activités et le budget de certaines asbl ou associations de fait qui dépendent plus ou moins directement de lui. Deux champs d’activités importants sont l’enseignement diocésain et la presse.

L’enseignement diocésain

79Le diocèse de Namur est le pouvoir organisateur, par l’intermédiaire d’asbl distinctes, d’établissements scolaires des niveaux maternel, primaire et secondaire, mais il n’est le pouvoir organisateur d’aucun établissement supérieur. Pour l’enseignement fondamental, on dénombre quatre établissements diocésains, créés dans l’environnement d’établissements diocésains d’enseignement secondaire : à Dinant, à Namur, à Marche-en-Famenne et à Andenne.

80Le diocèse de Namur compte huit collèges épiscopaux :

  • le Collège Notre-Dame de Bellevue, à Dinant ;
  • le Collège Notre-Dame de Bonlieu, à Virton ;
  • l’Institut Saint-Louis, à Namur ;
  • l’Institut Saint-Remacle, à Marche-en-Famenne ;
  • l’Institut Saint-Michel, à Neufchâteau ;
  • l’Institut technique de Namur-ITN, à Saint-Servais ;
  • l’Institut Saint-Begge, à Andenne ;
  • le Collège Saint-André, à Auvelais ;

81auxquels il convient d’ajouter deux établissements scolaires qui ont eu le statut de séminaire mineur jusqu’en 1967 : le Petit Séminaire de Floreffe et le Petit Séminaire de Bastogne. Ils ont conservé leur nom mais sont aujourd’hui assimilés à des collèges épiscopaux.

Vers l’Avenir

82L’évêché de Namur détient la majorité du capital dans la société anonyme Vers l’Avenir qui édite le titre Vers l’Avenir et coiffe des entreprises d’édition, d’imprimerie, de distribution et de développement audiovisuel.

83Le groupe de presse Vers l’Avenir a une implantation régionale dominante et comprend cinq quotidiens : Vers l’Avenir (quatre éditions : Namur, Entre-Sambre-et-Meuse, Huy-Waremme et Brabant Wallon), L’Avenir du Luxembourg (province du Luxembourg), Le Jour-Le Courrier (Verviers et sa région), Le Courrier de l’Escaut (Hainaut occidental), Le Rappel (sud et est du Hainaut). Les sociétés éditrices des titres quotidiens du groupe Vers l’Avenir emploient au cours de l’exercice 1990 près de 350 personnes, leur chiffre d’affaires globalisé atteint BEF 1,5 milliard. La diffusion payante de l’ensemble des titres du groupe Vers l’Avenir s’élève en 1990 à 121.931 exemplaires.

84Ces dix dernières années, le groupe Vers l’Avenir a assuré son développement par le rachat de titres quotidiens régionaux (Le Jour, Le Rappel), la transformation de la présentation de ces titres, un renforcement de sa présence dans la presse publicitaire gratuite et un investissement dans les radios et télévision privées. Le conseil d’administration de la société de tête du groupe (SA Vers l’Avenir) est présidé par le baron Philippe de Thysebaert. Parmi les sept autres membres [21], l’abbé R. Gérard était le représentant de l’évêché de Namur sous l’épiscopat de R.-J. Mathen.

La vie du diocèse

85On examinera ici à la fois le mode de représentation des composantes sociologiques du diocèse et un moment de la vie de celui-ci, l’assemblée diocésaine de Nassogne en 1985.

La pratique religieuse

86Le nombre de pratiquants est passé de 274.300 en 1967 à 202.244 en 1979, ce qui signifie que le pourcentage de la population assistant à la messe dominicale a diminué au cours de cette période de 45,60 % à 32,30 %. Les autres indicateurs de la pratique religieuse – baptêmes, mariages et funérailles – indiquent également une tendance à la diminution. A l’instar des autres diocèses, cette régression est toutefois moins forte que celle de la pratique dominicale, ainsi qu’en atteste le tableau 2.

87Tant en 1967 qu’en 1979, on observe une pratique religieuse proportionnellement plus élevée dans le diocèse de Namur que dans l’ensemble de la Wallonie ou dans l’ensemble du pays, en termes de pratique dominicale ou selon d’autres indicateurs (baptêmes, mariages et funérailles religieuses). En termes d’évolution, on constate que la régression au cours de la période sous revue est similaire à celle observée pour le pays et pour la Wallonie, sauf en ce qui concerne les baptêmes (où elle est moins marquée) et les funérailles (où la diminution est plus importante).

Tableau 2

Pratique religieuse dans le diocèse de Namur, en Wallonie et dans le pays (situation en 1967 et 1979)1,2,3,4

Tableau 2
1967 1979 Pays Wallonie Namur Pays Wallonie Namur Messe dominicale 1 35,9 28,3 45,6 23,4 18,8 32,3 Baptêmes 2 94,0 93,0 97,5 84,0 85,0 92,8 Mariages 3 86,1 83,5 93,3 76,4 73,7 82,7 Funérailles 4 84,3 79,3 99,8 83,4 78,7 94,8

Pratique religieuse dans le diocèse de Namur, en Wallonie et dans le pays (situation en 1967 et 1979)1,2,3,4

1. En % de la population âgée de 5 à 69 ans.
2. En % du nombre d’enfants nés vivants.
3. En % du nombre de mariages civils.
4. En % du nombre des décès.
Source : Service statistique du Centre interdiocésain.

Les résultats électoraux du PSC

88La distribution des voix obtenues par les trois principaux partis lors des élections législatives du 13 décembre 1987 à la Chambre, bien qu’elle soit susceptible d’interprétations diverses, permet d’évaluer dans l’ensemble de l’électorat le poids politique du monde chrétien à travers le Parti social-chrétien dans les deux provinces tout en sachant que des voix de chrétiens se répartissent ailleurs.

Tableau 3

Pourcentage de voix obtenues par le PS, le PSC et le PRL aux élections législatives du 13 décembre 1987 (Chambre des représentants)

Tableau 3
Province de Luxembourg Province de Namur % voix % voix PS 29,6 41.863 42,1 108.188 PSC 34,4 48.753 24,2 62.284 PRL 28,7 40.667 23,4 60.284

Pourcentage de voix obtenues par le PS, le PSC et le PRL aux élections législatives du 13 décembre 1987 (Chambre des représentants)

89Avec 34,4 % des voix, le PSC est le premier parti dans la province de Luxembourg. Les écarts entre les trois principales formations y sont moins grands que dans la province de Namur, qui compte quasiment le double d’électeurs de la province de Luxembourg et où le PSC arrive en deuxième position (24,2 % des voix) derrière le parti socialiste (42,1 %).

La représentation des composantes du monde catholique

90Pour connaître la représentation du monde catholique telle qu’elle est prise en compte par les autorités du diocèse, on dispose des données relatives à l’importance des différents types de mouvements, groupes, associations qui œuvrent dans l’Eglise de Namur-Luxembourg préparées en vue de l’assemblée diocésaine qui s’est tenue à Nassogne en 1985. Ces données, qui déterminent la représentation de chaque groupe, ont été établies de manière à ce que les différents modes d’engagement, de milieux, d’âges, soient représentés plus ou moins proportionnellement. Treize grands secteurs ont été distingués en vue de répartir 307 délégués. Ils sont présentés ici par ordre d’importance décroissante du nombre des délégués :

  • les paroisses et les secteurs pastoraux : soixante-huit délégués, soit 22,1 % (vingt de l’arrondissement de Namur et six de chacun des autres doyennés principaux) ;
  • les structures diocésaines : quarante-cinq délégués, soit 14,7 % (sept pour le conseil épiscopal, vingt organisateurs, douze pour les deux conseils pastoraux et six théologiens) ;
  • le monde ouvrier au sens large : trente délégués, soit 9,8 % (vingt-sept venant des organisations ouvrières et trois des milieux immigrés) ;
  • le monde des jeunes : vingt-huit délégués, soit 9,1 % (dix choisis par les mouvements spécialisés comme la Jeunesse ouvrière chrétienne-JOC, la Jeunesse étudiante chrétienne-JEC, etc., dix choisis par les patros, les scouts et les guides et huit choisis par les mouvements spirituels) ;
  • les prêtres, diacres, religieux, séminaristes [22] : vingt-cinq délégués, soit 8 % ;
  • les organisations socio-caritatives : vingt-quatre délégués, soit 7,8 % (représentants un ensemble d’organismes et de services : équipes de visiteurs de malades, maisons de personnes en difficultés, cliniques, Arche de J. Vanier, Vivre Ensemble et Entraide et Fraternité, associations pour le quart-monde, etc) ;
  • le monde rural : vingt délégués, soit 6,5 % (seize venant de l’Action catholique rurale des femmes-ACRF et des organisations éducatives et quatre venant des organisations professionnelles) ;
  • l’enseignement : vingt délégués, soit 6,5 % ;
  • le monde des indépendants : dix délégués, soit 3,2 % (sept choisis par l’Action catholique des milieux indépendants-ACI, un choisi par l’Association des dirigeants et cadres chrétiens-ADIC et deux choisis dans le monde du tourisme) ;
  • la formation chrétienne : dix délégués, soit 3,2 % (deux pour la catéchèse et huit pour la formation permanente) ;
  • la “spiritualité active” : dix délégués, soit 3,2 % (trois pour les groupes charismatiques, 4 pour les pèlerinages, un représentant des Focolari, une représentante de la Légion de Marie et une de Vie montante) ;
  • la famille : sept délégués, soit 2,2 % (deux pour la préparation au mariage, deux pour Mariage-Rencontre, deux pour les équipes de foyers, un conseiller conjugal) ;
  • le socio-politique : cinq délégués, soit 1,6 % (dont deux pour le monde des médias) ;
  • en outre, cinq observateurs étrangers étaient invités à l’assemblée.

91Dans cette répartition, les structures d’Eglise bénéficient d’une représentation importante puisque les structures paroissiales et décanales, les structures diocésaines et les ecclésiastiques (prêtres, religieux, etc.) constituent 45 % de l’ensemble des délégués. La représentation par statuts professionnels s’élève à 25,3 %, tandis que les autres regroupements (jeunes, famille, formation chrétienne, spiritualité active, socio-caritatif et socio-politique) concernent 27,1 % des membres. Le découpage qui a été opéré ne distingue en fait pas des catégories mutuellement exclusives. On a plutôt affaire à une représentation qui correspond à l’action pastorale dans le diocèse. Celle-ci a ensuite servi de base pour repréciser la composition des conseils pastoraux.

L’Assemblée diocésaine de Nassogne

92L’épiscopat de R.-J. Mathen a été marqué par l’Assemblée diocésaine qui s’est tenue à Nassogne en octobre 1985. Elle a été préparée par deux réunions, la première en 1980 portant sur une “Analyse de la société”, la seconde en mars 1982 sur “Engagement et foi”, et inscrite dans le projet que l’évêque avait initié notamment à travers ses lettres pastorales de novembre 1977 “Tous responsables”, de novembre 1979 “Pour une église diocésaine porteuse d’espérance” et de 1983 “Tous appelés”. L’assemblée diocésaine a réuni des délégués de divers milieux de vie et de différentes régions du diocèse en vue de réfléchir aux grandes options de l’Eglise locale. Plus de trois cents personnes ont participé à cette assemblée ; plus des deux tiers étaient des laïcs. Elles étaient choisies sur base d’une répartition proportionnelle des différents groupes ou milieux.

93Une large consultation a précédé l’assemblée tant pour ce qui concerne sa dimension représentative que pour ce qui a trait à des suggestions sur la vie et la mission ecclésiales. Celles-ci ont donné lieu à un dépouillement et à un regroupement présenté dans un document de travail à partir duquel l’assemblée a discuté puis voté des motions (vingt et une sur les trente propositions étudiées) et défini des moyens en vue de leur réalisation concrète. Sept propositions prioritaires ont été ensuite dégagées. Cette consultation de la base à l’échelle de l’Eglise locale fut vécue par beaucoup de participants comme un essai de “démocratie”. Toutefois, les statuts des motions votées étaient clairement définis dès le départ : l’évêque pouvait accepter ou refuser ces motions, la décision finale lui revenant. Celui-ci a ratifié les sept propositions prioritaires et en a fait des décisions diocésaines :

  • la lutte contre la pauvreté,
  • la solidarité avec les exclus, la collaboration des régions a des projets concrets de développement dans le Tiers-Monde,
  • le soutien au travail des mouvements de jeunes et d’adultes,
  • la reconnaissance, comme actions d’Eglise, des recherches faites par les mouvements chrétiens avec des non-chrétiens sur le sens de la vie,
  • la promotion d’une formation à la foi adaptée au monde d’aujourd’hui,
  • l’organisation, pour les jeunes, de lieux de prière, de partage d’Evangile et d’éveil au sens chrétien de la vie,
  • la redécouverte du rassemblement dominical qui se fait à partir de l’Eucharistie”.

94L’évêque a ajouté une huitième priorité : “le renouveau des paroisses, petites et grandes, dans le cadre des secteurs pastoraux.” [23]. L’assemblée de Nassogne débouchait ainsi sur la volonté “d’une Eglise diocésaine davantage à l’écoute du monde et de ce que vivent les femmes et les hommes de cette fin de vingtième siècle, tout particulièrement les exclus de notre société d’abondance” [24].

95R.-J. Mathen confia la mise en œuvre des décisions prises à la suite de l’assemblée à ses conseils pastoraux et à son conseil presbytéral, tandis que J.-M. Jadot fut, comme vicaire épiscopal, directement chargé de ce suivi. L’impact de cette assemblée a des prolongements jusqu’aujourd’hui et de nombreux acteurs qui sont intervenus dans les événements récents dont il est rendu compte plus loin, font référence aux orientations, aux options et aux suites de l’assemblée diocésaine.

3 – La nomination d’A. Léonard comme évêque de Namur

La procédure de nomination

96Evêque de Namur depuis 1974, R.-J. Mathen présenta sa démission pour raison de santé au début de 1990, démission que le Saint-Siège accepta le 21 février 1990.

97Le nonce apostolique, G. Moretti, en poste à Bruxelles depuis le 15 juillet 1989, fut chargé par la Congrégation romaine des évêques de procéder aux consultations prévues par le droit canonique. Il ne disposait pas de la liste d’“épiscopables” que la Conférence épiscopale belge avait charge de constituer tous les trois ans au moins. Cette pratique avait été abandonnée par les évêques belges. Dès lors, les premières consultations consistèrent à constituer une première liste de noms de personnes pouvant accéder au poste vacant.

98Il consulta d’abord individuellement les évêques de Belgique. Leur position ne fut pas rendue publique. Dès le début du mois de mars, le nonce s’adressa par lettre [25] à un nombre relativement important de personnes dans le diocèse de Namur sur base d’une liste de noms communiquée à sa demande par l’évêché : cette liste comprenait les membres du conseil épiscopal, du collège des consulteurs, du chapitre cathédral (chanoines titulaires), du conseil presbytéral, des deux conseils pastoraux, les chanoines honoraires, le conseil diaconal, les professeurs du Grand Séminaire, ainsi que les doyens. Ces lettres invitaient les personnes consultées à s’exprimer sur la manière dont elles voyaient l’avenir du diocèse et à proposer trois noms en justifiant leur choix. On peut penser que beaucoup répondirent à cette consultation. Dès cette époque, des bruits avaient circulé sur la possible nomination d’A. Léonard. Il est notoire que beaucoup de réponses, si elles ne citèrent pas ce dernier comme personne à ne pas désigner, s’attachèrent à décrire le profil de la personne souhaitée de telle manière qu’il ne pouvait y correspondre. Sans y être invités, le conseil épiscopal et le conseil presbytéral [26] délibérèrent à ce sujet. Ils exprimèrent le souhait d’une continuité, notamment dans la mise en œuvre de l’action pastorale décidée par l’ancien évêque à la suite de l’assemblée diocésaine de Nassogne en 1985.

99Des noms furent cités dans les milieux consultés à cette époque. Parmi eux, B. Saintmard, doyen de Marche-en-Famenne, soutenu par une majorité des doyens du Luxembourg, et R. Forthomme, doyen d’Auvelais, tous deux perçus comme s’identifiant à la ligne définie à l’assemblée de Nassogne. On cita également A. Haquin, chargé de cours à l’UCL. Parmi les noms de personnes extérieures au diocèse furent cités par la suite J. Dufrasne, du diocèse de Tournai, où il est vicaire épiscopal et président du séminaire, G. Ringlet, vice-recteur et professeur à l’UCL, K. Gatzweiler, du diocèse de Liège où il est vicaire général, A. Beauduin, directeur général du Secrétariat national de l’enseignement catholique-SNEC (aile francophone) et M. Van Parijs, prieur du monastère de Chevetogne [27]. Une solution transitoire fut envisagée par le nonce, la nomination de L. Son, vicaire épiscopal et recteur des sanctuaires de Beauraing. Celui-ci aurait refusé.

100Il est probable que d’autres avis parvinrent également au nonce. On sait par exemple qu’un membre du conseil presbytéral, M. Dangoisse, aumônier des Sœurs de Notre-Dame à Namur et actif au sein d’une communauté de chrétiens charismatiques (l’Emmanuel), multiplia les démarches en faveur d’A. Léonard.

101A l’initiative du nonce, parut dans La Libre Belgique au début mars 1990, ainsi que dans Vers l’Avenir le 6 avril, un entrefilet appelant quiconque à écrire au nonce pour lui proposer des noms. C’est la première fois, en Belgique, qu’un appel public est lancé par la nonciature en vue de recueillir des avis sur des personnes aptes à accéder à l’épiscopat [28]. Si les partisans d’A. Léonard étaient très minoritaires au sein des structures d’Eglise, dont les membres furent consultés par lettre, il est certain qu’ils ont fait connaître leur avis à ce moment, notamment en manifestant leur opposition à certains noms qui étaient cités par le bouche-à-oreille.

102Au 1er juillet 1990, croyant imminente la nomination de son successeur, R.-J. Mathen décida la cessation des activités du conseil presbytéral et des deux conseils pastoraux. Ceux-ci ne se réunirent plus, du moins officiellement. Cependant, le temps anormalement long de la procédure ne laissait pas d’inquiéter les divers responsables du diocèse, à commencer par le clergé.

103Le 15 octobre, les doyens principaux du diocèse firent parvenir à G. Danneels, archevêque de Malines-Bruxelles, une lettre dans laquelle ils lui demandaient d’user de toute son influence pour obtenir la nomination d’un évêque selon leurs vœux : “Pourriez-vous faire comprendre, Monseigneur, que c’est d’un «Pasteur» que nous avons besoin… (qui connaît ses brebis et que ses brebis connaissent…) et pas d’un parachuté !… et que nous en avons besoin sans tarder…)” Ils disaient craindre “que se renouvelle pour notre Eglise le drame dévastateur de Coire, de Cologne ou d’ailleurs”. Dans une réponse laconique, le cardinal leur disait qu’il tiendrait compte de ce que les doyens lui avaient écrit, mais que “la décision finale, évidemment” ne lui appartenait pas.

104En novembre 1990, il apparut que le nonce apostolique procédait à une nouvelle consultation. Il invitait cette fois ses interlocuteurs à réagir sur des noms qui lui avaient été proposés. Un questionnaire d’enquête était joint à ces noms, dont la liste complète n’est pas connue, dans la mesure où les personnes consultées étaient appelées à se prononcer sur trois “épiscopables”, les noms n’étant pas les mêmes selon l’interlocuteur. De même, la liste des personnes consultées n’est pas connue non plus, la consultation ayant lieu cette fois “sub peculari secreto pontificio” [29].

105En novembre 1990, l’une des personnes consultées prit l’initiative de rendre publique la lettre du nonce, accompagnée d’un commentaire signé sous le pseudonyme de Golias [30]. Dans cette lettre, étaient soumis à enquête les noms de J. Abel et M. Abel, deux frères originaires du diocèse de Namur et professeurs de théologie à Salvador da Bahia (Brésil), ainsi que celui d’A. Léonard.

106Dans son commentaire, “Golias” qualifiait la nouvelle consultation du nonce de “consultation bidon”, les demandes d’avis ayant été envoyées en majorité, selon lui, à des personnes favorables à A. Léonard [31].

107Il devenait public qu’A. Léonard était toujours pris en compte par les autorités ecclésiastiques malgré les nombreuses mises en garde exprimées dès le début de la consultation.

108L’émoi suscité par cette nouvelle chez ceux qui redoutaient la nomination d’A. Léonard a pu renforcer chez le légat pontifical l’opinion selon laquelle le diocèse de Namur avait “besoin d’un homme d’ordre”. Si le nonce n’était pas particulièrement favorable à A. Léonard au début de ses consultations (d’aucuns le disaient soutenir des personnalités comme J. Dufrasne ou A. Beauduin), il le serait devenu devant les remous provoqués par les consultations.

109En provenance du diocèse de Namur, le nonce reçut au total 263 lettres comprenant 438 signatures. Ces lettres se répartissent comme suit : 111 lettres de prêtres (comprenant 122 signatures), 4 lettres de diacres (comprenant 4 signatures), 20 lettres de religieuses (comprenant 20 signatures) et 128 lettres de laïcs (comprenant 292 signatures). Parmi ces lettres, 72 n’ont pas exprimé de préférence pour un nom particulier. Le taux de “réponse” du clergé et des religieuses à cette consultation est considéré comme assez élevé (14 %) et traduit l’effervescence dans laquelle fut plongé le diocèse à l’occasion de cette nomination.

110A. Léonard fut nommé évêque de Namur le 7 février 1991. Comme on le verra plus loin, les réactions se multiplièrent aussitôt. A. Léonard fut ordonné au cours d’une cérémonie à la cathédrale le 14 avril 1991. Parmi les personnalités politiques présentes on comptait notamment W. Martens, Premier ministre, M. Wathelet, vice-Premier ministre et ministre de la Justice, E. Deworme, secrétaire d’Etat à l’Energie, A. Dalem, membre de l’Exécutif de la Région wallonne, et Ch.-F. Nothomb, président de la Chambre des représentants.

Les réactions à la nomination

111Au fur et à mesure que la nomination d’A. Léonard comme évêque de Namur devenait plus probable, puis était officiellement annoncée, de nombreux groupes et individus se sont exprimés tant sur la procédure que sur l’opportunité de cette désignation. La longueur de la phase de consultation et le secret dont elle était entourée, de même que le risque de voir nommer quelqu’un d’étranger au diocèse qui ne fera pas l’unanimité, inquiètent d’abord certains. Les réactions se font toutefois plus nombreuses lorsque la nomination est annoncée. Plus tard, et en quelque sorte en réponse aux manifestations défavorables au nouvel évêque, des personnes s’organisent et expriment leur soutien à A. Léonard. On retiendra ici les positions adoptées par des groupes au sujet de la nomination du nouvel évêque.

112Les consultations organisées par le nonce sont toutes individuelles. Pendant cette procédure toutefois, certains groupes se réunissent et définissent une position commune. Rappelons à ce propos la lettre que les doyens principaux du diocèse de Namur ont écrit à l’archevêque G. Danneels le 15 octobre 1990 dans laquelle ils disent craindre la désignation d’une personnalité fortement contestée, à l’instar de nominations récentes dans d’autres pays.

113Au mois de décembre, le conseil pastoral de la province de Luxembourg, réuni alors que R.-J. Mathen a décidé la cessation des activités des conseils au 1er juillet 1990, écrit au nonce apostolique, au cardinal Danneels, à R.-J. Mathen et à J.B. Musty. Dans cette lettre, le conseil pastoral s’étonne “de la façon peu claire dont la consultation a été organisée” et regrette qu’il n’y ait pas eu de consultation du conseil dans son ensemble sur un projet global d’Eglise diocésaine. Il s’interroge également sur la façon dont le nouvel évêque tiendra compte “de l’esprit conciliaire encouragé par ses prédécesseurs et, plus récemment, par l’assemblée diocésaine mise en place par Mgr Mathen en 1985”. Cette lettre du 8 décembre 1990 ne sera toutefois rendue publique que le 9 mars 1991, à la suite d’une nouvelle réunion du conseil pastoral de la province de Luxembourg, après la nomination d’A. Léonard. Au cours de cette réunion s’expriment “une vive déception par rapporta la procédure utilisée” ainsi que des craintes et des attentes “vis-à-vis de la pastorale future de Mgr Léonard”.

114La plupart des prises de position n’interviennent qu’après l’annonce de la nomination d’A. Léonard comme évêque. Entre cette date (7 février 1991) et son ordination épiscopale (14 avril 1991), de nombreux groupes s’expriment, qu’ils émanent de l’intérieur du diocèse ou qu’ils aient un champ d’activité plus large, s’étendant par exemple à l’ensemble de l’Eglise francophone de Belgique.

115Parmi ces derniers, le Conseil général de l’apostolat des laïcs-CGAL, qui regroupe une centaine de délégués d’associations, conseils, services et groupements, a examiné la désignation d’A. Léonard au cours de son assemblée générale du 2 mars 1991. Les réactions très majoritairement négatives concernent tant la personnalité du nouvel évêque que la procédure mise en œuvre pour le désigner. Il est décidé que le comité du CGAL entame des démarches auprès du cardinal G. Danneels, du nonce apostolique et du nouvel évêque. A la quasi-unanimité, il est également décidé de faire une déclaration publique au cours du mois de mars. Celle-ci devrait au préalable avoir reçu l’approbation des deux tiers de ses membres. Le 20 avril, un communiqué est publié [32] dans lequel le CGAL estime ne pas pouvoir “taire nos interrogations et notre désarroi”. Le conseil considère notamment ne pas avoir été écouté au cours de la procédure qui a précédé la nomination, il justifie son opposition à la nomination d’A. Léonard et il s’interroge sur “la manière dont le Pape met en œuvre sa mission fondamentale qui est d’être au service de la communion”.

116De son côté, la Jeunesse étudiante chrétienne dans l’enseignement supérieur-JEC-sup a, dans un premier temps, écrit au cardinal Danneels, disant être interpellée “par la nouvelle orientation prise au sein de l’Eglise catholique belge suite à cette nomination”. Et d’interroger le primat sur le respect “des orientations claires du prédécesseur de Monseigneur Léonard”, sur l’importance “du travail sur le terrain, d’entendre et d’écouter ceux qui sont à la base” et sur l’autonomie du personnel scientifique de l’Université catholique de Louvain, notamment en matière de bio-éthique, alors que A. Léonard devient membre du pouvoir organisateur de l’université. Le jour de l’ordination épiscopale, la JEC-sup distribue le numéro de son mensuel Subjectif consacré à A. Léonard. Il porte le titre générique “Obéissance ou résistance” [33] et contient une série d’articles relatifs à la personnalité du nouvel évêque, aux évolutions de l’Eglise et aux enjeux qui la traversent. Plus tard, le mouvement publiera encore un numéro intitulé “Eglise en questions” [34] contenant notamment une longue interview d’A.-M. Léonard [35].

117Au sein du diocèse, vingt-huit prêtres représentant 80 % du clergé de l’arrondissement d’Arlon, relèvent dans leur communiqué du 21 mars 1991 qu’il n’a pas été tenu compte des pistes qui se dessinaient après les consultations. Ils considèrent que par le choix de A. Léonard, la curie romaine poursuit sa “mise sous tutelle” des Eglises locales et ils craignent que les orientations des évêques précédents ne soient pas suivies. Ils lancent enfin un appel pour que le nouvel évêque entre “dans un dialogue franc et efficace”.

118De son côté, le Conseil de la jeunesse catholique du Luxembourg – qui regroupe la Jeunesse ouvrière chrétienne-JOC et la Jeunesse ouvrière chrétienne féminine-JOC/F, la Fédération nationale des patros-FNP et la Fédération nationale des patros féminins-FNP-F du Sud Luxembourg, la FNP et la FNP-F du Centre-Nord, les Guides catholiques de Belgique-GCB, la Fédération des scouts catholiques-FSC, Jeunesse et Santé-J&S et les Jeunes syndicalistes CSC-JCSC – regrette dans un communiqué daté du 1er mars 1991 “que Rome ait cru devoir imposer Monsieur l’Abbé Léonard comme évêque de Namur” et émet le souhait que le nouvel évêque approfondisse les priorités dégagées par l’Assemblée diocésaine de Nassogne dans la concertation.

119A l’issue d’une assemblée Solidarité-Namur-Luxembourg-Sonalux qui s’est tenue à Marche-en-Famenne le 23 mars 1991, un bureau de sept personnes [36] est constitué dans le but de “soutenir le projet dans lequel le diocèse est engagé depuis plusieurs années mais qui est désormais menacé dans plusieurs options”. Il a reçu un mandat de six mois pour :

  • assurer la liaison et la transmission des informations ;
  • évaluer en permanence la situation ;
  • proposer des actions à mener ;
  • coordonner les initiatives.

120Deux assemblées seront organisées par Sonalux [37], le 15 juin et le 28 septembre 1991, pour évaluer la situation, informer sur les enjeux du conflit, envisager des actions et définir des perspectives.

121Plus de trois mille personnes ont souscrit l’achat de deux pages dans les huit éditions de la chaîne Vers l’Avenir en vue de publier le 5 avril 1991 un hommage à R.-J. Mathen et J.-B. Musty. Elles contiennent également un extrait du message de l’évêque sortant à l’adresse de son successeur et elles rappellent les priorités de l’assemblée diocésaine de Nassogne. Enfin, elles se terminent par un engagement des signataires à être fidèles aux orientations antérieures “dans un temps qui ne sera pas facile”. Le texte a également été signé par A. Léonard, ce qui fait écrire à l’agence CIP : “Le message, dont la phrase finale laisse transparaître une vive inquiétude quant à la continuité des options diocésaines sous l’épiscopat du nouvel évêque de Namur, a récemment été signé… par Mgr André-Mutien Léonard lui-même. Ce qui laisse perplexe nombre de signataires du message. «Le nouvel évêque, se demandent certains, serait-il, plus qu’il ne l’a montré, proche des options de Mgr Mathen et de l’assemblée diocésaine de Nassogne ? Ou bien Mgr Léonard voudrait-il se montrer solidaire de tous ceux qui éprouvent des réticences à son égard ?»” [38].

122Quelques jours plus tard, le 11 avril 1991, six prêtres ouvriers du diocèse publient une lettre ouverte à A. Léonard. Les signataires reprochent au futur évêque d’avoir déclaré dans une interview accordée à Vers l’Avenir et publiée le 11 février 1991 que “ce qui a fait foirer l’expérience des prêtres ouvriers, c’est le fait que cette mission a été confiée aux prêtres les moins spirituels, les moins contemplatifs”. Bien que chaque prêtre ouvrier ait reçu une lettre d’excuse, ils réclament un démenti public à cette déclaration publique.

123D’abord enthousiasmés par la nomination du nouvel évêque, puis surpris par l’ampleur des réactions défavorables, les personnes qui sont proches d’A.-M. Léonard ont tardé à se manifester. Leurs réactions sont davantage le fait d’individus. Trois expressions publiques de soutien au nouvel évêque émanant de groupes restreints sont toutefois à relever.

124S’exprimant au nom de l’Hospitalité Notre-Dame de Lourdes, le président Ch. Pochet diffuse le 11 avril un communiqué dans lequel il considère que les consultations n’ont pas été unanimement négatives à l’égard du futur évêque, il reproche les “prises de positions (qui) heurtent profondément les laïcs chrétiens que nous rencontrons de la part de ceux qui suspectent d’avance le futur évêque”, il fait part de sa “joie d(e l)’accueillir comme un cadeau fait à notre diocèse” et il termine en demandant “à nos prêtres de se souvenir humblement qu’à leur ordination, ils ont promis obéissance à leur Evêque et à ses successeurs” et aux laïcs d’entrer “résolument dans un dialogue franc et efficace”.

125Un bulletin trimestriel, dont les premiers numéros sont parus en avril, juin, juillet et octobre 1991 sous le titre “Vérité et Espérance 2000” [39], se fixe pour objectif de “développer une information objective”. La première livraison du bulletin contient “quelques réflexions à propos de l’opération «Merci Monseigneur»”. Après y avoir commenté les 167 premières signatures, le bulletin critique l’opération : “L’Opération «Merci Monseigneur» était très habile, car elle n’attaquait pas de front le nouvel évêque et permit de récolter les signatures de nombreux chrétiens qui ne se rendaient pas compte du mobile véritable sous-jacent a la démarche”.

126Il considère en outre contradictoire que les auteurs “qui veulent «que l’Eglise s’engage dans la lutte contre les pauvretés» récoltent de l’argent afin de … financer une publicité dans la presse” et que des prêtres et laïcs “étrangers à notre diocèse” “qui prônent l’autonomie des Eglises locales (…) viennent se mêler des affaires internes du diocèse de Namur”.

127Les autres livraisons portent les titres suivants : “Nouvelles récentes du diocèse de Namur” (n° 2), “Des prêtres pour demain” (n° 3) et “Eglise et signes des temps” (n° 4).

128Par ailleurs, une pétition de soutien à l’évêque est diffusée :

129

Monseigneur Léonard,
Nous nous permettons de vous assurer de notre totale fidélité à votre enseignement et à vos directives pastorales.
Confiants en notre Dieu et en notre Mère, la Vierge Marie, unis à la Sainte Eglise, a Jean-Paul II et à notre évêque, nous vous suivons de tout cœur dans la voie de la vérité évangélique.
Daignez accepter, Monseigneur, nos hommages respectueux et reconnaissants et croire à notre union profonde dans la prière”.

130Le 14 avril, lors de l’ordination épiscopale, Sonalux distribue des images-souvenirs humoristiques et un tract “Quelques raisons qui font que nous sommes heureux, quelques raisons de regretter ce qui se passe aujourd’hui, quelques-unes de nos espérances”. Il y a aussi eu un calicot portant l’inscription “Rome = dictature – Léonardo ? Boff” et la présence d’une dame vêtue d’une soutane qui portait une croix sur laquelle était écrit : “Femmes. Silence”.

4 – Les suites de la nomination d’A. Léonard

Au niveau interdiocésain

131La démission de R.-J. Mathen et celle, entraînée par la première, de l’évêque auxiliaire, J.-B. Musty, ont amené une nouvelle répartition des responsabilités interdiocésaines au sein de la Conférence épiscopale de Belgique. A.-M. Léonard devient délégué auprès de l’Union des religieuses de Belgique et auprès du Conseil du centre national des vocations. Sa nomination d’assistant ecclésiastique à l’Union des religieuses contemplatives sera proposée à la Congrégation du Vatican pour les Instituts de vie consacrée. D’autre part, A. Houssiau, évêque de Liège, a été nommé en remplacement de J.-B. Musty comme évêque délégué auprès du CGAL ainsi qu’auprès de l’Enseignement catholique francophone.

132L’Union des religieuses de Belgique ainsi que l’Union des religieuses contemplatives ont décidé de poursuivre le travail entamé, avant la nomination d’A.-M. Léonard, avec P. Lanneau, évêque auxiliaire et vicaire général du vicariat de Bruxelles, pastorale francophone (l’un des quatre vicariats de l’archidiocèse de Malines-Bruxelles). Par ailleurs, les deux Unions ont dit leur intention d’inviter une fois par an le délégué officiel de la Conférence épiscopale à participer à leurs travaux.

133Le 7 mai 1991, les évêques de Belgique ont désigné le successeur d’A. Léonard à la présidence du Séminaire Saint-Paul à Louvain-la-Neuve. Il s’agit de Ph. Thiry, prêtre du diocèse de Liège, professeur à la section de philosophie du Grand Séminaire de Namur et aux Facultés Notre-Dame de la Paix.

Au niveau diocésain

Le renouvellement des organes d’administration et de consultation

Le conseil économique

134Le mandat des membres du conseil économique du diocèse est arrivé à terme avec la démission de R.-J. Mathen. Il existe la possibilité pour l’évêque de renouveler ces mandats ; il peut aussi choisir d’autres personnes.

135Le mandat de l’économe diocésain, actuellement détenu par R. Schwartz, arrive à expiration le 20 décembre 1991. Un nouvel économe devra dès lors être désigné par l’évêque.

Le conseil épiscopal

136Un décret de nomination des membres du nouveau conseil épiscopal a été publié le 22 avril 1991. A la différence de son prédécesseur, A.-M. Léonard a renouvelé entièrement le conseil épiscopal. L’évêque de Namur se réserve personnellement la responsabilité de la formation des futurs prêtres, de la formation permanente, des communautés religieuses et des auxiliaires de l’apostolat.

137J. Bayet, doyen de Walcourt, est nommé vicaire général pour l’ensemble du diocèse avec résidence dans la province de Namur.

138J.-M. Huet, secrétaire à l’évêché, est nommé vicaire judiciaire et vicaire épiscopal pour les affaires matrimoniales et canoniques.

139G. Rollin, doyen principal de Neufchâteau, est nommé vicaire épiscopal pour la province de Luxembourg.

140R. Greindl, animateur à l’Institut Sainte Begge à Andenne, est nommé vicaire épiscopal pour l’enseignement et la pastorale scolaire.

141Cl. Bastin, professeur à la section de philosophie du Grand Séminaire et vicaire dominical à Pétigny, est nommé vicaire épiscopal pour la pastorale de la jeunesse et des vocations et secrétaire du conseil épiscopal. Il est également nommé, depuis septembre, président du Grand Séminaire.

142Ces nominations sont survenues rapidement après la prise en charge de sa fonction par le nouvel évêque. Mais leur liste n’était pas complète : il manquait un vicaire général pour l’ensemble du diocèse avec résidence dans la province de Luxembourg et un vicaire épiscopal chargé de la vie des prêtres et de la pastorale familiale. Devant l’opposition de la quasi-totalité du clergé du Luxembourg, le vicaire général pour cette province n’a été nommé qu’en octobre, dans la personne de G. Martin [40], inspecteur diocésain de religion dans l’enseignement moyen libre et professeur à l’Ecole normale de Bastogne, G. Rollin demeurant vicaire épiscopal et doyen principal de Neufchâteau.

Le conseil presbytéral et les deux conseils pastoraux provinciaux

143Les conseils ayant cessé officiellement leurs activités au 1er juillet 1990, il appartient au nouvel évêque de prendre l’initiative d’organiser des élections pour la désignation d’une partie des membres de ces conseils et de nommer ceux dont la désignation lui revient de droit.

144Dans une lettre pastorale publiée en septembre 1991, A.-M. Léonard annonce que “l’automne prochain sera également la période oh, selon les normes déjà observées antérieurement, nous procéderons à la désignation du nouveau conseil presbytéral et des deux conseils pastoraux provinciaux. Je désire recourir assidûment aux services de ces organes consultatifs destinés à éclairer l’évêque et ses collaborateurs sur les enjeux pastoraux tels qu’ils sont perçus quotidiennement sur le terrain. Leurs avis me seront précieux, notamment, afin de voir comment nous allons concrètement poursuivre la mise en œuvre des priorités pastorales dégagées sous l’épiscopat de Monseigneur Mathen, lors de l’Assemblée diocésaine de 1985. C’est durant l’automne et, au plus tard, pour la fin de l’année civile que sera achevée la composition du conseil épiscopal”.

Le collège des consulteurs

145Les membres du collège des consulteurs étant choisis par l’évêque parmi les membres du conseil presbytéral, il faudra attendre que ce dernier soit constitué pour que l’évêque puisse faire connaître son choix.

La question de l’érection d’un nouveau diocèse

146Bien qu’elle ait déjà été posée par le passé [41], la question de la création d’un diocèse distinct pour la province de Luxembourg apparaît comme un enjeu actuel dans l’Eglise locale. Le conseil pastoral de cette province y fait explicitement allusion dans une lettre qu’il envoie à la suite de sa réunion du 8 décembre 1990, notamment au cardinal G. Danneels, pour communiquer son avis sur l’avenir du diocèse. Au cours de cette réunion, la nécessité d’un traitement spécial pour la province de Luxembourg a été réexprimée et la lettre aborde la question en ces termes : “Les membres profitent également de cette réunion pour attirer l’attention sur le fait que bon nombre de personnes engagées dans la province se sont prononcées pour la création d’un diocèse dans le Luxembourg”.

147Dans une interview à L’Appel [42], R.-J. Mathen considère également que ce point de vue se justifie, même s’il voit certains obstacles à sa mise en œuvre : “Il y aurait sans doute des raisons pastorales pour plaider en faveur d’un deuxième diocèse. L’actuel est tellement grand qu’il exige bien des déplacements et des fatigues si on veut être près des gens. Mais c’est là une question délicate qui a des implications politiques. Comme Mgr Musty, l’actuel évêque auxiliaire, se retire aussi, on pourrait peut-être penser à la nomination d’un évêque auxiliaire ou d’un vicaire général qui résiderait dans le Luxembourg”.

148Par contre, le nouvel évêque, dans une longue interview qu’il accorde à Vers l’Avenir au lendemain de sa désignation [43], déclare pour sa part ne pas envisager une scission du diocèse. Il n’y est pas favorable “parce que Namur reste un petit diocèse en population, parce que les moyens de communication y sont de plus en plus rapides avec l’autoroute et parce que les mentalités, dans les deux provinces, sont relativement homogènes. De plus, nous allons vivre dans une économie de moyens humains alors qu’une séparation imposerait la multiplication des effectifs dans la structure”.

La formation des prêtres et des laïcs

149Le jour de sa désignation comme évêque (7 février 1991), A. Léonard rencontre les séminaristes et les formateurs en philosophie et en théologie du séminaire de Namur pour leur faire part de ses préoccupations à l’égard du recrutement et de la formation des séminaristes : il exprime son intention de prier le Seigneur de lui donner vingt séminaristes pour la prochaine rentrée de septembre et il s’engage à ménager pour les séminaristes des conditions optimales de formation. C’est peu après son ordination épiscopale toutefois que A.-M. Léonard entreprend des démarches en vue d’abord d’interroger les séminaristes et les formateurs sur leur enseignement, ensuite de réformer la formation des prêtres.

150Il reçoit successivement les formateurs de la section de théologie (le 26 avril 1991) puis le conseil des professeurs du Sénevé (le 2 mai 1991), qui présentent leurs projets de formation. Le nouvel évêque, observent les théologiens, “manifeste une grande préoccupation pour les futurs séminaristes qu’il compte appeler : des jeunes qui craignent que le séminaire ne soit pas assez formateur, des jeunes avec un grand désir de docilité”. L’évêque considère la formation théologique “inadaptée à la formation des futurs prêtres parce que, à ses yeux, trop critique et trop questionnante”.

151Le débat s’engage alors sur les orientations théologiques. Il doit se poursuivre le 22 mai et l’évêque annonce que le débat sera serré. Entre ces deux réunions toutefois, plusieurs événements se produisent :

  • les professeurs du Sénevé décident de convoquer le conseil d’orientation du centre à la réunion du 22 mai et en avertissent l’évêque ;
  • celui-ci, de son côté, demande les syllabus des professeurs et refuse la publication dans Communications, l’organe mensuel de l’Evêché de Namur, du programme des cours du Sénevé pour l’année 1991-1992 ;
  • l’Association des étudiants et anciens du Sénevé-AEAS, créée en 1990, fait une démarche pour que l’évêque la reçoive avant de prendre une décision quant à l’avenir du Sénevé ;
  • trente-six doyens du diocèse (sur trente-sept qu’il était possible de consulter) demandent qu’une délégation soit reçue par l’évêque pour pouvoir être partie prenante au débat sur la formation des futurs prêtres ; ils demandent par ailleurs au séminaire et au Sénevé que le débat sorte de la confidentialité du dialogue entre l’évêque et les théologiens. L’évêque accepte de rencontrer une délégation de doyens (cette rencontre a lieu le 3 juin) ;
  • en acceptant la présence du conseil d’orientation du Sénevé à la réunion du 22 mai, l’évêque demande de modifier l’ordre du jour et propose de clarifier ses propositions concrètes pour que les théologiens et le conseil d’orientation du Sénevé puissent réagir en vue d’y faire des ajustements ;
  • le président du séminaire rencontre l’évêque pour lui faire part de ses inquiétudes et lui demander de ne pas prendre de décision hâtive de changement.

152Au cours de la réunion du 22 mai, A.-M. Léonard fait part de ses projets et déclare non négociable la fermeture temporaire de la section de théologie du Grand Séminaire de Namur. Il projette que les séminaristes iront l’année suivante à l’Institut d’études théologiques-IET de la Compagnie de Jésus à Bruxelles, à l’Université catholique de Louvain ou dans un séminaire diocésain de Tournai ou Liège. Il annonce également son projet de créer une Ecole cathédrale regroupant le Sénevé et l’Ecole de la foi [44]. La direction de l’Ecole cathédrale serait confiée à E. Massaux, ancien recteur de l’UCL.

153La décision de fermer la section de théologie du Grand Séminaire est annoncée par la presse le 24 mai 1991 [45] et confirmée par l’évêque le lendemain [46] ; mais celui-ci revient sur sa décision le 26 mai, déclarant dans un communiqué que les consultations sont “inopportunément court-circuitées par cette publication prématurée et inexacte” [47].

154La décision de fermer la section de théologie est finalement annoncée le 28 mai [48] par l’évêque aux séminaristes de la section de théologie et de philosophie. Plusieurs réactions suivent cette décision : celle de quarante-deux jeunes prêtres ordonnés par R.-J. Mathen entre 1974 et 1990 qui écrivent à A.-M. Léonard, celle du président du séminaire qui remet sa démission, celle des quatre formateurs de la section de théologie qui réagissent dans un communiqué aux propos de l’évêque relatifs à la divulgation de ses intentions, celle de la Société des rédacteurs du groupe Vers l’Avenir qui regrette que l’honnêteté d’un rédacteur ait été mise en cause. L’évêque rencontre ensuite vingt-quatre doyens (porteurs de dix procurations), puis le président démissionnaire du séminaire et le conseil des professeurs du Sénevé, ces derniers étant accompagnés d’une délégation de huit doyens. Au fil de ces réunions, le climat se détériore, les communiqués succèdent aux communiqués, la crise larvée devient ouverte.

155L’évêque reçoit par la suite des représentants laïcs de l’Association des étudiants et anciens du Sénevé-AEAS et une délégation des quarante-deux jeunes prêtres, tandis que des réunions se tiennent et des prises de position sont exprimées à l’intérieur du diocèse (ainsi une rencontre organisée par Sonalux à Marche-en-Famenne, des déclarations du Mouvement ouvrier chrétien-MOC de la province de Luxembourg, de jeunes prêtres, de chrétiens de la paroisse de Beauraing) comme à l’extérieur (une réunion d’une soixantaine de prêtres et laïcs à Liège, le groupe Formation à l’animation de la foi-FAF du diocèse de Liège, des jeunes prêtres du diocèse de Liège, le Centre de formation Cardijn-CEFOC de Jumet, le Centre de recherche et de formation théologique-CREFOT (Hainaut), les formateurs des groupes de formation chrétienne pour adultes ANIME de Bruxelles et du Brabant wallon, le Conseil général de l’apostolat des laïcs-CGAL, par exemple). Par ailleurs, la section francophone du Conseil de l’association européenne de théologie catholique-AETC [49] a sollicité une audience auprès du cardinal Danneels à propos “des événements qui secouent actuellement le diocèse de Namur”.

156Le 18 juin, la presse publie la première Lettre pastorale d’A.-M. Léonard. L’évêque y déclare qu’au terme de ses rencontres avec les théologiens et avec les doyens, il accepte qu’une partie des séminaristes de théologie puisse encore être formée à Namur à condition que la formation qui y est dispensée évolue afin de mieux rencontrer ses préoccupations légitimes. Il n’est pas question, affirme-t-il, de supprimer le Sénevé mais de faire des passerelles entre les options théologiques du Sénevé et d’autres préoccupations doctrinales et ecclésiales dans le cadre d’une Ecole cathédrale [50] à créer. Le 25 juin, les théologiens du Sénevé annoncent qu’ils ne peuvent s’engager en conscience dans la direction imposée par A.-M. Léonard et annoncent la création d’un “Sénevé nouveau” dont le pouvoir organisateur serait composé de deux doyens, de deux délégués des étudiants, du directeur et du secrétaire du centre et d’un représentant de l’évêque “dont nous demandons qu’il soit assez ouvert à notre orientation théologique et ecclésiale”.

157Au-delà des décisions prises de part et d’autre, ces deux documents contiennent l’expression des positions en présence et développent la perception que les principaux acteurs ont des enjeux du conflit qui les oppose.

158Dans sa lettre pastorale, l’évêque part d’un constat, celui de la chute du nombre des vocations et partant de celui des prêtres en service actif, ainsi que d’une conviction : “si l’on prend les décisions adéquates, des candidats plus nombreux et de qualité se présentent”. Il se défend de condamner le type d’appel au sacerdoce et de formation en place, de juger les jeunes prêtres ordonnés au cours des vingt dernières années ou de désavouer ceux qui l’ont précédé : “7/5 avaient leurs lumières, leurs priorités, que je respecte entièrement, que j’assume largement et qui ont porté beaucoup de fruits en de nombreux domaines, mais pas dans celui du nombre des ordinations sacerdotales”.

159L’évêque exprime ensuite en ces termes la manière dont il conçoit l’enjeu de la formation sacerdotale : “Dans le contexte d’aujourd’hui, où l’Eglise doit simultanément être très à l’écoute des problématiques contemporaines et profondément enracinée en Celui qui est pour elle et pour tout homme «le Chemin, la Vérité et la Vie» (Jn 14,6), les prêtres sont appelés, plus que jamais, à satisfaire à des exigences contrastées mais complémentaires, afin d’être pleinement «hommes de Dieu» et «hommes des hommes». De ces exigences découlent immédiatement des conséquences capitales pour la formation des futurs prêtres. Bien équilibrés humainement et psychologiquement, les séminaristes doivent en effet être capables de comprendre les hommes et les femmes de ce temps, de les prendre tels qu’ils sont et de cheminer avec eux ; mais, tout en sympathisant avec les interrogations contemporaines, ils doivent aussi avoir de solides points de repère doctrinaux, lucidement appuyés sur l’Ecriture et la Tradition et en harmonie confiante et responsable avec le Magistère de l’Eglise. Conjointement, leur capacité d’écoute et leur ouverture au monde actuel ne seront significatives que s’ils sont en même temps de grands priants et des hommes d’Eglise. Je les souhaite donc profondément contemplatifs, passionnés de la Parole de Dieu, amoureux de l’Eucharistie célébrée et adorée de tout cœur, familiers du sacrement de pardon auquel ils n’attireront les fidèles qu’en le recevant eux-mêmes fréquemment avec joie, habités par un grand attachement à l’Eglise et notamment à celle qui en personnifie le mystère caché, à savoir la Vierge Marie, et a ceux qui garantissent visiblement et objectivement son unité dans la foi, à savoir l’Evêque sur le plan de l’Eglise locale, et le Pape sur le plan de l’Eglise universelle. Inversement, la pierre de touche d’une authentique spiritualité sacerdotale sera, chez le prêtre et le futur prêtre, son aptitude à développer en eux une véritable proximité à l’égard des hommes et des femmes de ce temps, avec une prédilection évangélique pour les plus pauvres et les laissés pour compte. Car la vie spirituelle chrétienne ne peut jamais être évasion du monde ; elle est toujours spiritualité de l’Incarnation, branchée sur l’amour divin s’engouffrant au cœur du monde afin de le sauver et de le transfigurer.

160Or, pour devenir prêtres de cette manière et pour cette Eglise-là, les candidats, effectifs et potentiels, sont aujourd’hui nombreux. Notre devoir le plus impérieux est de les accueillir tels qu’ils sont et tels que le Seigneur les veut, et tout de suite. Nous ne pouvons les décevoir et devons donc leur offrir immédiatement les conditions optimales d’une formation répondant au mieux et simultanément à toutes les exigences énoncées à l’instant. Si nous le faisons généreusement, nous permettrons au Seigneur de garantir l’avenir du sacerdoce en nos pays et nous donnerons ainsi aux prêtres aujourd’hui en fonction la joie, 6 combien méritée, d’avoir des collaborateurs et des successeurs. Tel était, à mes yeux, l’enjeu ultime des récents remous”.

161Dans leur lettre du 25 juin, les théologiens du Grand Séminaire estiment devoir s’exprimer car “la violence et la rapidité des décisions de Mgr Léonard à l’égard de la formation théologique dans le diocèse ne s’expliquerait pas sans de graves enjeux. (…) Voici comment les enjeux nous apparaissent”. L’analyse de ces enjeux fait apparaître trois grands thèmes : les tendances théologiques, les implications pour la société et le droit des personnes et des institutions au sein de l’Eglise. Elle indique que ces enjeux dépassent les options et décisions d’un individu pour se greffer sur des aspects ecclésiaux et sociétaux plus larges.

162La tendance théologique imposée par le nouvel évêque suscite plusieurs interrogations chez les théologiens. Une première a trait à ce qui sous-tend la décision d’A.-M. Léonard de retirer à l’équipe théologique mise en place par R.-J. Mathen la responsabilité de former des prêtres mais de lui laisser la formation des laïcs : “Existe-t-il une théologie qui serait valable pour les laïcs et une autre pour les prêtres ? Pour nous, cette division est regrettable et même inacceptable dans la perspective de Vatican ?I.” Cette décision a pour conséquence une rupture dans la politique de formation théologique : “Il est vrai que les dernières années, les vocations qui naissaient dans nos régions devenaient rares. L’avenir de l’animation pastorale de nos régions nous préoccupait et jamais nous n’avons envisagé et encore moins souhaité une Eglise sans prêtre. Mais la direction qu’avait prise le diocèse était celle du «Tous responsables» de Mgr Mathen. Petit à petit, dans un partage nouveau des responsabilités, la vie des communautés chrétiennes de notre diocèse s’organisait avec souffle. (…) La formation des jeunes prêtres s’effectuait en symbiose croissante avec la formation du laïcat et la formation permanente des prêtres. Les décisions de Mgr Léonard marquent une rupture par rapport à une telle perspective”. La ligne théologique nouvelle va attirer des “jeunes fragiles et en besoin d’identité forte” d’autres diocèses, voire d’autres pays. “Nous avions pris, quant à nous, l’option d’une communauté chrétienne bien de chez nous qui trouverait dans ses propres racines de quoi traverser le désert qui s’annonce”. S’ils admettent qu’il importe de présenter avec clarté le message chrétien à des jeunes fragilisés par la multiplicité des références qui traversent notre société, ils s’interrogent “quel rapport l’Eglise catholique va-t-elle avoir avec la fragilité des jeunes d’aujourd’hui ? Avec le thème de la nouvelle évangélisation, se développent pour le moment dans l’Eglise des envies catéchétiques et évangélisatrices qui ressemblent étrangement aux méthodes des sectes”.

163Les enjeux, les théologiens les perçoivent aussi reliés à la société dans son ensemble. Notre perspective théologique, observent les théologiens, était différente et dérangeante : “Il est trop simple, injuste et jusqu’à présent non fondé d’insinuer que l’enseignement théologique dispensé au Sénevé faisait peu de cas de la tradition et même du magistère et de laisser planer un soupçon sur la qualité de relation qui y était proposée et vécue avec le Dieu de Jésus-Christ ? A nos yeux il s’agit plutôt d’une manière différente de penser et de vivre la relation avec Dieu dans notre société”. Ils reprennent à leur compte à ce propos les termes d’une lettre adressée par une étudiante du Sénevé à A.-M. Léonard : “Contrairement à ce qui se dit, je crois, Monsieur l’Evêque, que vous n’êtes pas tout seul et que d’aucuns, peu diserts jusquà présent, se réjouissent de ce que vous fassiez taire une parole trop dérangeante”. Leur option, ils la définissent ainsi : “Nous choisissons d’entrer dans l’adoration émerveillée de Dieu, du Père de Jésus, d’entrer dans le mystère eucharistique par la porte du respect radical de l’autre homme et surtout du plus écrasé. Cette option qui situe autrement et évangéliquement la place du prêtre n’est d’ailleurs pas facultative. C’est l’évangile lui-même qui nous le dit. Qu’en serait-il du nombre et de la qualité des vocations sacerdotales si une telle option était plus visible dans notre Eglise aujourd’hui ?” La décision d’A.-M. Léonard “ne serait-elle pas un coup de force qui entend faire passer pour vérité catholique une orientation à tout le moins partielle ?”.

164Enfin, les théologiens regrettent que ce qui apparaît à leurs yeux pour un coup de force “mette à mal le droit des personnes et des institutions”. Pour eux, le “ton de la lettre ressemble à la justification d’un coup de force (…) qui est un changement de cap important et fondamental”. Et qui pose le problème du fonctionnement de l’Église : “Le problème est de ne pas tolérer que continuent dans une institution des façons de procéder qui sont marquées par l’arbitraire. (…) De telles manières d’agir ne sont pas tolérables dans une société comme la nôtre. Que penser d’une Eglise qui procède ainsi ? Une telle Eglise perd toute crédibilité dans le monde actuel car des pratiques semblables sont contraires aux droits de l’homme. D’autre part, il n’y a pas d’instance d’appel à l’intérieur de l’Eglise locale en cas de conflit. (…) A cet égard nous sommes devant un vide juridique inquiétant”.

165Les promoteurs du “Sénevé nouveau” ont toutefois abandonné leur projet suite au rejet d’A.-M. Léonard d’un centre dont le lien avec l’évêque serait trop ténu et qu’il considère aller dans la voie de la constitution d’une Eglise parallèle. Celui-ci décide alors de suspendre provisoirement le fonctionnement du Sénevé, les théologiens refusant pour leur part d’en revenir à l’ancien statut du centre.

166La décision finale du nouvel évêque prévoit que la formation des futurs prêtres sera donnée au Grand Séminaire de Namur pour le cycle de philosophie (sous la direction de Cl. Bastin) ou au Séminaire Saint-Paul de Louvain-la-Neuve tandis que les séminaristes de théologie recevront leur formation dans quatre lieux différents : l’Institut d’études théologiques-IET [51] de Bruxelles, la Faculté de théologie de l’UCL, l’Institut Notre-Dame de Vie de Vénasque en France ainsi que le séminaire diocésain de Bois-le-Duc aux Pays-Bas. La section de philosophie continue donc à prodiguer son enseignement avec le même corps professoral à l’exception de P. Thiry (nommé président du Séminaire Saint-Paul de Louvain-la-Neuve) et de C. Dubois (retourné dans le diocèse de Tournai). Un autre prêtre du diocèse de Tournai, J. Hospied, est ajouté à l’équipe enseignante. C. Bastin est nommé directeur du Grand Séminaire.

167Vingt et un nouveaux séminaristes sont inscrits au Grand Séminaire de Namur pour l’année académique 1991-1992. Parmi ceux-ci, six proviennent du diocèse de Namur [52], treize de l’archidiocèse de Malines-Bruxelles, et deux de l’étranger (Canada et Pologne).

Les orientations pastorales

168Les orientations pastorales du nouvel évêque étaient attendues par beaucoup avec crainte dans la mesure où était connue la réticence d’A.- M. Léonard vis-à-vis des formes de participation aux décisions dans l’Eglise.

169Au sujet des orientations pastorales issues de l’assemblée de Nassogne en 1985, A.-M. Léonard déclare : “Plus particulièrement à propos de Nassogne, je vais étudier les textes pour garder tout ce qui est actuel et pertinent” [53]. Il fait part également de son intention de réunir “une assemblée diocésaine dans plus ou moins cinq ans, en la considérant davantage comme une assemblée bilan d’une action déjà entreprise”. Cette assemblée devrait dans son esprit avoir le statut d’un synode diocésain.

Les visites pastorales

170D’ici là A.-M. Léonard déclare désirer “recourir assidûment aux services (des) organes consultatifs[54] destinés à éclairer l’évêque et ses collaborateurs sur les enjeux pastoraux tels qu’ils sont perçus quotidiennement sur le terrain” [55].

171L’intention de l’évêque est de visiter régulièrement les paroisses et doyennés. Son intention serait actuellement d’y passer environ quatre mois par an de façon à faire le tour du diocèse endéans les cinq ans.

172Lors de la réunion annuelle des doyens du diocèse, qui s’est déroulée à Namur les 3 et 4 septembre 1991, ceux-ci ont attiré l’attention de leur évêque “sur le fait qu’il était prématuré d’entreprendre pareil déplacement aujourd’hui, alors que les plaies de la crise récente restent toujours ouvertes” et d’autant plus “qu’ils n’ont pas été consultés sur le fond de ce projet” [56]. De son côté, le 8 septembre 1991, un groupe de quarante-trois jeunes prêtres ordonnés par R.-J. Mathen a adressé une lettre à tous les doyens pour leur faire part de leur “déception face à la «résignation» et l’«apathie» qui semblent s’instaurer dans les réactions face aux propositions concernant l’avenir du diocèse : la clarté des attitudes de mai et de juin qui avait suscité l’adhésion et l’espérance d’une majorité des diocésains n’est-elle pas en train de s’étioler ?” et de leur “volonté de refuser les visites de l’évêque dans les doyennés : ce moment de blessures, où les projets ne sont pas clairs, concertés et partagés, ne favorise pas ce genre de visites”.

173Les visites pastorales de A.-M. Léonard ont débuté le 1er octobre. Du 1er au 13 octobre, l’évêque visite le doyenné de Barvaux-sur-Ourthe et du 13 au 28 octobre celui de Neufchâteau. Le nouvel évêque attache beaucoup d’importance à un contact direct avec la population (visites d’institutions, messes avec homélie, conférences-débats, rencontres avec des enfants, des enseignants, des membres des fabriques d’églises, etc.) qui semble apprécier ces visites et qui réserve à l’évêque un accueil favorable.

174L’évêque valorise d’autres formes de contacts directs avec ses diocésains. Le 24 septembre fut organisée à son initiative une rencontre de jeunes au Grand Séminaire de Namur et une autre eut lieu à Libramont le 17 octobre. Concernant l’organisation de ces soirées, le CJC-Luxembourg regrette que “Mgr Léonard n’a associé en aucune manière ni le CJC-Luxembourg, ni les mouvements qui le constituent à la préparation et au déroulement de cette rencontré” [57].

La catéchèse paroissiale et scolaire

175En matière de catéchèses paroissiale et scolaire, les équipes responsables fonctionnant sous l’épiscopat de R.-J. Mathen sont toujours en place. L’intérêt que le nouvel évêque a dit porter à ces questions dès sa nomination est toutefois à l’origine de la crainte exprimée par ceux qui ont en charge ces domaines. Ces responsables redoutent en effet que le travail de recherche et d’élaboration de méthodes, entamé depuis une vingtaine d’années sur le plan paroissial et depuis douze ans sur le plan scolaire, soit remis en question par la nouvelle équipe dirigeante à la tête du diocèse. Si, jusqu’à présent, aucune décision n’a été prise, beaucoup se souviennent que l’évêque a annoncé qu’une évaluation serait menée et que le vicaire général R. Greindl l’a présentée comme un “audit”. Celui-ci aurait débuté par l’analyse des manuels catéchétiques. D’autre part, quand les responsables de la catéchèse ont demandé à être consultés ou associés, il leur a été répondu qu’ils sont à la fois juge et partie, d’où la perception qu’ils ont d’être engagés dans une procédure de jugement.

176En toile de fond, apparaît ici aussi la coexistence de deux conceptions extrêmement différentes que l’on peut schématiquement résumer comme ceci. Une première conception est davantage empreinte de réflexion sur l’humanité des jeunes et vise l’évolution intérieure de chacun ; on la qualifie d’existentielle. L’autre est plus préoccupée de transmettre un contenu, une doctrine ou, dans le domaine scolaire, un cours objectif dont l’assimilation peut être évaluée. Le premier courant, qui est celui des responsables actuels de la catéchèse, a donné naissance pour ce qui concerne la catéchèse scolaire à des publications (dans la collection Effata) ; l’exécution du programme demandait encore quatre années de préparation et d’expérimentation. Le second courant est notamment représenté par J. Léonard, frère de l’évêque, auteur d’un ouvrage largement commenté au moment de sa parution.

177La volonté que l’évêque a annoncée aux doyens lors de leur réunion des 3 et 4 septembre dernier de ramener l’âge de la confirmation aux environs de 6 ou 7 ans a également surpris les responsables de la catéchèse paroissiale, dans la mesure où elle remet en question la recherche et la pratique en cours et où elle s’oppose à une option prise par les évêques belges au milieu des années 1980 de donner la confirmation dans l’année ou les deux années qui suivent la profession de foi [58]. Les doyens ont opposé de vives objections à ce projet, estimant “que pareille réforme ne peut être entreprise sans être soumise à l’ensemble de la conférence épiscopale, et sans procéder à une révision fondamentale de la catéchèse et de l’enseignement de la religion” [59].

178D’autre part, une circulaire a été envoyée le 3 septembre 1991 par R. Greindl aux directrices et directeurs des écoles du diocèse de Namur. Elle a pour objet de rappeler “concrètement ce que peut être l’animation spirituelle” en fournissant cinq propositions :

179- “Le Directeur accordera un soin particulier à la désignation des maîtres de religion et aux conditions dans lesquelles ce cours est donné.

180- Organiser la vie des classes avec une prière le matin.

181- Prévoir un temps utile l’eucharistie pour chaque classe ou groupe de classes.

182Dès le début de l’année établir un calendrier de journées spéciales d’animation adaptées à chaque niveau des classes et avec ceux qui peuvent les accompagner.

183- Rendre accessibles aux élèves un lieu et des temps de prière dans la vie quotidienne”.

184La nomination de G. Martin comme vicaire général laisse vacant le poste d’inspecteur diocésain de religion dans l’enseignement moyen libre. Dans le contexte actuel, son remplacement constitue un enjeu en rapport avec les différentes conceptions possibles de catéchèse scolaire.

Vers l’Avenir

185Parmi les collaborateurs qu’il se choisit peu après son ordination, A.-M. Léonard nomme E. Massaux, ancien recteur de l’Université catholique de Louvain, comme représentant de l’évêché au conseil d’administration de la société Vers l’Avenir.

186Par ailleurs, craignant qu’un resserrement de la présence épiscopale vienne entraver l’autonomie dans leur travail, les journalistes du groupe Vers l’Avenir ont constitué le 19 mai 1990 une Société des rédacteurs. Le 1er juin 1991, lors de l’assemblée annuelle de celle-ci, ses membres décident de rédiger une charte fixant notamment les critères d’engagement des journalistes ainsi que les modalités de déplacement à l’intérieur du groupe. Au cours de leur assemblée, les journalistes ont également “«vivement regretté» la façon avec laquelle l’évêché de Namur a contesté dans un communiqué les informations publiées dans certains journaux du Groupe Vers l’Avenir à propos de la fermeture du séminaire de Namur. Observant que «ces informations avaient été confirmées en substance, par Mgr Léonard, à la radio et à la télévision, le jour même de leur publication», la Société des Rédacteurs «déplore, dans ces conditions, que l’honnêteté professionnelle d’un de ses membres ait pu être délibérément mise en cause»” [60].

187Par ailleurs, à la suite du conseil d’administration de la société Vers l’Avenir du 14 août 1991, un communiqué a été diffusé annonçant que le rédacteur en chef J.-Cl. Baffrey et la société de presse ont décidé de mettre fin à leur collaboration “de commun accord”. Le rédacteur en chef adjoint, Y. Lambert, a été nommé à sa place, comme le souhaitait déjà la rédaction lors du choix de J.-Cl. Baffrey il y a onze ans. Le communiqué fort laconique du conseil d’administration ne permet pas de faire le lien entre cette décision et la nomination d’A. Léonard. Par contre, une mise au point du service de presse diocésain publiée par Vers l’Avenir, en date du 12 octobre 1991, à propos du compte rendu d’une rencontre de l’évêque avec des jeunes du diocèse indique que l’entourage de l’évêque, ou l’évêque lui-même, se montre critique par rapport à la manière d’informer du quotidien namurois.

Conclusion

188Le processus de décision qui a abouti à la nomination du nouvel évêque de Namur et les premières suites observées de cette nomination renvoient à deux enjeux fondamentaux. Le premier est interne à l’Eglise catholique et concerne les modalités d’exercice du pouvoir dans l’organisation ecclésiale ; le second concerne la relation entre l’Eglise et la société.

189L’accent a été mis dans cette étude sur des aspects descriptifs généralement peu connus de l’organisation et du mode de gestion d’un diocèse. L’évêque y apparaît comme cumulant de droit les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, sans que ces pouvoirs soient contrôlés par un quelconque mode de représentation des personnes concernées par ses décisions. Dans quelques cas, il doit obtenir le consentement d’organes consultatifs (le conseil économique et le collège des consulteurs), mais on a observé qu’il choisit et nomme lui-même les membres de ces organes.

190En matière pastorale, les deux conseils – presbytéral et pastoral – dont il dispose n’ont qu’une compétence strictement consultative. L’Eglise n’est pas une démocratie, comme le rappelait d’ailleurs A.-M. Léonard lui-même dans une interview à l’époque de son ordination épiscopale. Si des modes de fonctionnement d’aspect plus démocratique sont introduits à certains moments dans la vie d’un diocèse, ils dépendent en réalité uniquement des conceptions que l’évêque se fait de sa charge, des rapports qu’il souhaite entretenir avec ses diocésains ou du degré d’adhésion qu’il souhaite obtenir. Il ne s’agit alors pas pour lui de se rallier à une opinion majoritaire mais d’aboutir à des décisions éclairées par des personnes compétentes et très en contact avec le terrain ; des décisions qui, parce qu’elles auront été préparées par ceux qui auront à les mettre en œuvre, ont plus de chances d’être bien appliquées. Si dans le siècle, la démocratie apparaît comme une valeur, dans l’Eglise, lorsque la hiérarchie s’y réfère, c’est davantage pour son efficacité fonctionnelle et symbolique. Ceux des groupes de chrétiens qui sont imprégnés par les valeurs démocratiques les vivent en référence aux valeurs évangéliques et c’est au nom de l’enseignement chrétien lui-même qu’ils contestent les pratiques autocratiques de la hiérarchie.

191Cela est vrai également pour la procédure de nomination d’un nouvel évêque. Les consultations préalables à la nomination par le pape ne se justifient aucunement, dans le mode actuel de fonctionnement de l’Eglise, par une référence à une valeur démocratique. Il s’agit de recueillir des avis et non de faire participer à la décision.

192Dans le diocèse de Namur, ces consultations préalables ont eu un caractère inhabituel. Au mois de mars 1990, un premier appel public lancé par voie de presse et la large diffusion d’une demande d’avis par lettre personnelle ont étonné plus d’un responsable diocésain au regard de l’extension donnée par le nonce à son enquête. Un temps anormalement long s’écoula ensuite. Le public concerné prit connaissance, en automne 1990, d’une seconde vague de consultation qui aurait dû rester secrète. Cela eut pour effet d’augmenter les craintes de ceux qui espéraient que leur demande de continuité dans le diocèse serait entendue. On ignore les proportions de partisans et d’opposants d’A. Léonard qui se sont exprimés. Mais il faut tenir compte du fait que ses partisans – parmi lesquels il ne faut pas exclure qu’il y en ait eu d’influents – ont pu, sans passer par le nonce apostolique, s’adresser directement à Rome, où A. Léonard dispose d’appuis importants.

193Il est difficile de mesurer l’impact réel des consultations. La vague d’opposition a pu donner aux autorités ecclésiastiques l’impression que le diocèse avait besoin d’ordre. Il est possible aussi que le Vatican avait l’intention de nommer A. Léonard quel que soit le résultat de ces consultations.

194La stratégie du Vatican renvoit au deuxième enjeu. Depuis plus de dix ans, le pape donne sa préférence, dans ses nominations, à des évêques à identité doctrinale forte, à coloration fondamentaliste, voire intégriste [61]. Ces tendances n’excluent pas l’utilisation des techniques les plus modernes de communication et la forte médiatisation des actes des autorités religieuses.

195Il ne faut cependant pas opposer de façon simpliste une “droite” et une “gauche” dans l’Eglise, comme si tous ceux qui ne montrent pas de sympathie pour la tendance représentée par A.-M. Léonard étaient des “progressistes”. La tendance dominante au sein de la Conférence épiscopale belge est extrêmement modérée, avec des réflexes conservateurs qui s’expriment à des moments clés. Par exemple, lors de sa visite en Belgique en 1985, le pape avait assisté à une manifestation organisée par le Conseil de la Jeunesse catholique-CJC à Namur (la “manifête”). La hiérarchie de l’Eglise avait alors fait pression pour orienter le choix des thèmes qui devaient faire l’objet des prises de paroles des jeunes.

196Les courants plus traditionnalistes qui ont toujours existé dans l’Eglise sont aujourd’hui mis en avant, tandis que la génération de théologiens qui avaient puisé dans le concile Vatican II une doctrine davantage à l’écoute de la modernité est entravée dans ses moyens d’expression.

197Dans l’Eglise de Belgique, les conséquences les plus importantes de cette tendance se feront sentir à long terme. L’un des points stratégiques est le domaine de la formation des prêtres. A Namur, le premier acte politique du nouvel évêque fut de fermer la section de théologie du Grand Séminaire et d’envoyer ses séminaristes dans des écoles plus conformes à ses conceptions. Mais les autres pans de l’activité d’enseignement de l’Eglise sont également touchés. L’évêque a le pouvoir direct, par la voie de ses directives pastorales et de la nomination des professeurs et des inspecteurs, sur les orientations de l’enseignement religieux des futures générations d’élèves. Dans les établissements diocésains, les effets pourront aller beaucoup plus loin que sur le seul enseignement de la religion.

198Un enjeu important dans un avenir proche est celui de la composition des futurs conseils diocésains (le conseil presbytéral et les deux conseils pastoraux provinciaux) et l’usage que le nouvel évêque fera des délibérations de ces conseils. L’intention d’A.-M. Léonard de convoquer un synode diocésain dans cinq ans (et non une assemblée comme celle de Nassogne en 1985), davantage pour faire un bilan que pour projeter des lignes d’orientations, est interprétée comme une volonté de recléricalisation des modes de participation à la vie du diocèse.

199Au niveau interdiocésain, les conséquences peuvent également se faire sentir, non seulement parce que le nouvel évêque y a reçu des responsabilités personnelles, mais également parce que, fort de son soutien romain et doté d’une personnalité particulièrement forte, il pourrait y exercer une influence non négligeable.

200L’extension internationale de ce courant frappe les observateurs. On peut en effet voir un parallélisme entre ce courant et d’autres courants, de nature plus économique et politique, d’internationalisation. D’aucuns interprètent le rôle que joue la haute hiérarchie ecclésiale dans l’articulation de ces courants comme un retour à un augustinisme préconciliaire.

201La “résistance” dans l’Eglise se heurte à des difficultés importantes et spécifiques. La plupart des fidèles ignorent les enjeux qui se jouent au travers de décisions telles que celles que l’on a relevé dans cette étude. En témoigne le type d’accueil que le nouvel évêque reçoit dans ses contacts avec ses diocésains lors de ses déplacements et par exemple lors des rencontres avec les jeunes. Seul le clergé dans sa majorité et certains groupes de laïcs font une lecture différente des événements. Mais ils se heurtent aux habitudes consensuelles de l’Eglise, qui répugne à considérer ouvertement les conflits et les tensions comme des moments potentiellement créateurs et qui les vit souvent comme en contradiction avec l’enseignement de base de la doctrine chrétienne.

Annexes

1 – Liste des commissions et des services diocésains

1 – Les commissions diocésaines

202- Liturgie

203- Pastorale œcuménique

204- Pastorale familiale

205- Art sacré

206- Musique sacrée

207- Formation permanente

208- Pastorale de l’enseignement secondaire libre

209- Pastorale des milieux de l’enseignement officiel

210- Pastorale du tourisme

211- Pastorale des malades

212- Service diocésain des vocations

213- Commission diocésaine des employés d’église

214- Pastorale des jeunes.

2 – Les services diocésains

215- Service diocésain de la catéchèse

216- Censure des livres

217- Centre diocésain de documentation

218- Service diocésain d’information

219- Centres diocésains (maison diocésaine de Namur et Centre pastoral du Luxembourg-CEPALUX de Libramont)

220- Moyens de communication sociale (Multimédia)

221- Musée diocésain

222- Pèlerinages diocésains

223- Sanctuaires de Beauraing

224- Centre de sociologie religieuse

225- Tombola «Bâtir avec notre évêque»

226- Association Saint-Aubain

227- Solidarité presbytérale du diocèse de Namur

2 – Première consultation du nonce apostolique

tableau im4
SUB SECRETO NONCIATURE APOSTOLIQUE Bruxelles, le 1er mars 1990 Monsieur l’abbé, J’ai l’honneur de vous informer qu’à la demande de S.E. Mgr Robert Mathen d’être relevé de sa charge d’évêque de Namur pour raisons de santé, sa démission a été acceptée par le Saint-Père “nunc pro tunc”, c’est-à-dire qu’elle ne sera effective qu’au moment de la prise de possession canonique de son successeur. Maintenant, afin de recueillir toutes les informations nécessaires et les jugements opportuns en vue de la présentation au Saint-Père de la “terne” habituelle des candidats, je vous serais reconnaissant si vous vouliez bien m’indiquer les qualités particulières qu’on souhaiterait rencontrer chez le nouvel évêque, et, dans cette perspective, quels sont les noms des ecclésiastiques que vous croyez les plus aptes à remplir cet office. La réponse que je vous demande est strictement personnelle et confidentielle. En priant avec vous le Saint-Esprit, je vous prie de croire, Monsieur l’abbé, en mes sentiments dévoués dans le Seigneur. + Giovanni Moretti Nonce Apostolique

3 – Lettre ouverte du 9 novembre 1990 de Golias, rendant publique la seconde consultation du nonce apostolique

228Chers amis et confrères,

229C’est avec un sentiment de désolation que nous croyons en conscience, à plusieurs, devoir vous communiquer de toute urgence le document ci-joint émanant de la nonciature.

230La situation est claire : la consultation antérieure étant bien loin d’avoir donné le résultat escompté, une consultation “bidon” est organisée qui va être substituée à la première… en caricature d’esprit conciliaire et de démocratie.

231“Coucou”… l’incontournable refait surface !… flanqué de deux autres braves garçons dont toute la préparation pastorale consiste à être professeur de théologie.

232A part quelques erreurs, dont la nôtre, les questionnaires orientés ci-joint n’ont été envoyés qu’à des gens que les “services de renseignement” ou les réponses antérieures auraient pu faire classer dans les “favorables”.

233Le conseil presbytéral, les doyens, les deux conseils pastoraux sont désormais ignorés.

234L’Eglise de Namur pourrait montrer sa vitalité par une réponse massive avec les documents ci-joint, où chacun répondrait encore une fois, selon sa conscience en vue du bien réel de l’Eglise et de son UNITE.

235Que le Saint Esprit frappe un grand coup et qu’il vienne en aide à notre pauvre Eglise.

236GOLIAS

tableau im5
NONCIATURE APOSTOLIQUE Bruxelles, le 6 novembre 1990 N. 581/90 Cher Monsieur l’abbé. Comme candidats à la charge d’évêque de Namur on a proposé entre autres les noms de : - Monsieur l’abbé Jean ABEL (Brésil) ; - Monsieur l’abbé Maurice ABEL (Brésil) ; - Monsieur l’abbé André LEONARD (Louvain-la-Neuve). Je vous serais très reconnaissant si vous vouliez bien me communiquer, dans l’ordre du questionnaire figurant au verso, tous les renseignements utiles à leur sujet. Il se peut que vous ne connaissiez pas tous ces candidats. Veuillez dans ce cas me renvoyer uniquement les questionnaires concernant les candidats que vous connaissez ou d’autres que vous préférez. Je vous remercie vivement pour le service que vous rendrez ainsi à l’Eglise et, en particulier, au Saint-Père, et je saisis cette occasion pour vous exprimer mes sentiments très dévoués dans le Seigneur. + Giovanni Moretti Nonce Apostolique

Sub secreto pontificio - Questionnaire

237Concernant chaque candidat,

2381. Que savez-vous de :

  1. sa santé ;
  2. ses qualités intellectuelles : études, formation générale ;
  3. son caractère et comportement moral : personnalité, équilibre psychologique, jugement, prudence, sens des responsabilités ;
  4. ses qualités sacerdotales : esprit de foi, charité, piété, sens du sacrifice, zèle pastoral,… ?

2392. A-t-il une connaissance approfondie des sciences ecclésiastiques : théologie, droit canon, catéchèse ?

2403. Pouvez-vous témoigner de

  1. son orthodoxie et sa fidélité au Magistère et à l’enseignement conciliaire et pontifical ;
  2. son attachement à la Hiérarchie et au Saint-Siège ?

2414. a) A-t-il une connaissance convenable du français et du néerlandais ?

242b) De quelles autres langues a-t-il une connaissance active ou passive ?

243c) A-t-il une bonne élocution, du talent oratoire ?

2445. a) Possède-t-il l’esprit de dialogue et de collaboration avec les prêtres, les religieux, les laïcs ?

245b) Jouit-il d’une bonne réputation, e.a. dans les milieux où il a exercé son ministère ?

246c) Est-il sainement ouvert aux problèmes actuels sur le plan humain, moral, social, religieux et ecclésiastique ?

247d) A-t-il des préoccupations œcuméniques ?

248e) Se sent-il solidaire des jeunes Eglises ?

2496. Possède-t-il les aptitudes requises pour

  1. la direction et l’animation pastorale du diocèse ;
  2. l’administration diocésaine ;
  3. la collaboration avec la Conférence Episcopale ?

2507. Avez-vous d’autres informations ou considérations à communiquer à son sujet ?

2518. Quel est votre avis global concernant sa nomination éventuelle comme évêque de Namur : très favorable – favorable – défavorable ?

2529. Avez-vous d’autres noms à proposer ? Lesquels et pourquoi surtout ?

Notes

  • [1]
    Un décret de la Conférence épiscopale belge de 1970 a rendu facultatif l’usage des titulatures. Dans cette étude, nous n’utiliserons donc pas les titres honorifiques tels que Monseigneur, chanoine honoraire, etc.
  • [2]
    C’est-à-dire ses prêtres diocésains.
  • [3]
    A. Luysterman fut nommé en 1990 évêque coadjuteur (c’est-à-dire avec droit de succession à l’évêque diocésain en place) du diocèse de Gand. En 1991, il succéda A. Van Peteghem, démissionnaire.
  • [4]
    Voir J.B. D’Onorio, La nomination des évêques, Editions Tardy, 1985, 153 pages.
  • [5]
    Les fabriques d’églises paroissiales et les fabriques cathédrales sont des organismes de droit administratif créés par la loi, dotés de la personnalité juridique et chargés de gérer les biens matériels du culte (loi du 4 mars 1870 sur le temporel des cultes, Moniteur belge, 9 mars 1870).
  • [6]
    C’est-à-dire tant des clercs que des laïcs ou des religieux, sans exclusion des femmes.
  • [7]
    Au-delà de BEF 100 millions, l’engagement financier doit être approuvé par le Saint-Siège.
  • [8]
    C’est-à-dire essentiellement la transmission du contenu de la foi chrétienne. L’action pastorale est souvent spécialisée selon les destinataires : on parle de pastorale familiale, des jeunes, des aînés, du monde ouvrier, etc.
  • [9]
    Voir J. Petitjean, Un conseil pastoral élu : le Conseil francophone de Bruxelles, Courrier hebdomadaire du CRISP n° 474-475, 1971.
  • [10]
    L’autre moitié de la province de Namur faisait principalement panic du diocèse de Liège. Le Luxembourg était également du ressort du diocèse de Liège à l’exception d’une petite panic qui dépendait de l’archevêché de Trèves. Quelques communes des cantons de Gedinne et de Bouillon relevaient en outre de l’archidiocèse de Reims.
  • [11]
    Le reste du territoire actuel du diocèse (la partie du Luxembourg belge située au sud d’Erezée, Marche-en-Famenne et Saint-Huben ainsi que les cantons de Couvin et Philippeville) appartenait aux évêchés de Liège et de Metz.
  • [12]
    Un évêché en 1870 et un archidiocèse en 1988.
  • [13]
    Cité dans Vers l’Avenir, supplément au n° 29 du 4 février 1986.
  • [14]
    Vers l’Avenir, id., p. 10.
  • [15]
    Lettres pastorales, tome II, n° 36.
  • [16]
    L’asbl Evêché de Namur a été constituée en 1924. La publication des statuts dans les annexes au Moniteur belge porte le numéro 231/24. La dernière composition du conseil d’administration a été publiée dans les Annexes au Moniteur belge du 6 mars 1980 (n° 1940/80). En étaient membres: R.-J. Mathen (président), J.-B. Musty, F. Toussaint, J. Meunier et R. Gérard.
  • [17]
    Le 26 mars 1990, les évêques francophones de Belgique ont décidé “de ne plus poursuivre, au-delà de juin 1990, l’expérience de formation des candidats au ministère presbytéral menée depuis 1967 par cette institution” (La Cité, 12 avril 1990). Les évêques autorisent toutefois la continuation de la formation des laïcs. En 1991, on apprenait que le Centre de formation Cardijn-CEFOC voyait ses subsides réduits de près des trois-quarts.
  • [18]
    Bulletin CIP, n° 46.13, 29 mars 1990.
  • [19]
    Annexes au Moniteur belge, 16 juillet 1986 (n° 19991/86). Suite aux dernières modifications publiées dans les Annexes au Moniteur belge du 1er juin 1989 (n° 6469/89), le conseil d’administration se composait de R.-J. Mathen (administrateur de droit), J. Oth (président), C. Labar (secrétaire), N. Duwez, J. Goffinet, M. Colette, E. Gilson, P. Mignolet et L. Goffinet.
  • [20]
    Voir en annexe 1 la liste des commissions et des services diocésains existants en 1990.
  • [21]
    Jean Desclée de Maredsous, Henri Monville, Abbé René Gérard, Philippe Sonet, Jacques Bourguignon, André Petit et François Desclée de Maredsous. Comme on le verra ci-dessous, l’abbé R. Gérard a été remplacé par E. Massaux comme représentant de l’évêque. Par ailleurs, Jacques de Thysebaen, directeur général de Vers l’Avenir, a été nommé administrateur délégué en juin 1991.
  • [22]
    Cette catégorie regroupe les prêtres, les diacres, les religieux et les séminaristes en tant que tels, étant entendu que des prêtres, des religieux, etc. font également partie des autres catégories.
  • [23]
    Cité dans J.-M. Jadot, Le diocèse de Namur dans la foulée de l’Assemblée diocésaine d’octobre 1985, La Foi et le Temps, XX, 1990-2, p. 123.
  • [24]
    Ibid. p. 150.
  • [25]
    Voir en annexe 2.
  • [26]
    Voir Vers l’Avenir, 7 juin 1990.
  • [27]
    Promu aujourd’hui au rang d’abbaye, dont M. Van Parijs est le père abbé.
  • [28]
    En 1990, lors de l’enquête préalable à la désignation par le Vatican d’un évêque coadjuteur pour le diocèse de Gand, le nonce avait également lancé un appel public mais cette fois en utilisant le seul bulletin officiel de l’évêché.
  • [29]
    La rupture du secret pontifical est une cause d’excommunication.
  • [30]
    Du nom de la revue Golias, le Journal catho tendre et grinçant, mensuel publié en France.
  • [31]
    Voir, en annexe, la lettre ouverte de “Golias” ainsi que les documents rendus publics par lui.
  • [32]
    Bulletin CIP n° 47.11, 11 avril 1991, p. 11.
  • [33]
    Subjectif, n° 5, avril 1991, 20 pages.
  • [34]
    Subjectif, n° 7, juin 1991, 16 pages. Ce numéro devrait être suivi, en novembre 1991, d’un second sur le même thème.
  • [35]
    A partir de son ordination, A. Léonard adopta le prénom d’André-Mutien, par référence au nom du saint canonisé par le pape Jean-Paul II le 10 décembre 1989 et vénéré à Malonne (Namur). Voir à ce propos N. Lambert, Les clés d’un évêché, La Revue Nouvelle, n° 4, avril 1991, pp. 89-91.
  • [36]
    R. Dardenne, O. Hilgers, P. Malherbe, Y. Nissen, J.-M. Poncelet, J.-C. Schingtenne et A. Wenkin.
  • [37]
    Voir infra.
  • [38]
    Bulletin CIP, n° 47.11, 11 avril 1991, p. 6.
  • [39]
    L’éditeur responsable en est P. Brandt. D’aucuns considèrent cependant que la cheville ouvrière, voire l’initiateur, serait M. Dangoisse, aumônier des Sœurs de Notre-Dame et professeur à ‘ Ecole de la Foi (voir infra).
  • [40]
    Au moins six personnes avaient été auparavant approchées par l’évêque pour la charge de vicaire général. Toutes ont refusé. Il s’agit de P. Dehotte, aumônier diocésain des émigrés; G. Glaudot, attaché à l’équipe pastorale de la paroisse de Louvain-la-Neuve; J. Solot, professeur à la section de théologie du Grand Séminaire; A. Colot, curé-doyen de Rochefort; J. Yansenne, curé-doyen de Nassogne et R. Forthomme, curé-doyen d’Auvelais.
  • [41]
    Notamment au début des années 1960. Voir à ce propos Les évêchés en Belgique, Courrier hebdomadaire du CRISP, n° 132, 1961, pp. 8-14.
  • [42]
    L’Appel n° 133, avril 1990.
  • [43]
    Vers l’Avenir, 11 février 1991.
  • [44]
    Association de fait créée en 1982 par le père Dejond s.j., l’Ecole de la foi organise des cours de formation théologique à destination des clercs et des laïcs. Parmi les professeurs qui y enseignent : J. Giblet, G. Chantraine, M. Dangoisse, M. Leclerc, J. Léonard (frère de l’évêque), A. Rose; A.-M. Léonard y a également enseigné. Les cours sont donnés dans les locaux des Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix de Namur dont elle est toutefois structurellement indépendante.
  • [45]
    Vers l’Avenir, 24 mai 1991.
  • [46]
    La Libre Belgique, 25 mai 1991, RTBF et Canal C.
  • [47]
    Dépèche de l’agence CIP datée du 26 mai 1991, publiée dans Vers l’Avenir le 27 mai ainsi que dans La Libre Belgique du même jour.
  • [48]
    Soit le jour où l’agence CIP diffuse le communiqué de l’évêque dont question ci-dessus. Le même jour, l’évêque écrit aux doyens que l’annonce par Vers l’Avenir de la fermeture de la section de théologie du séminaire est une “publication intempestive (…) le fruit dune «fuite»”.
  • [49]
    La section belge francophone de l’AETC regroupe quatre-vingt théologiens. Son bureau se compose de Roger Aubert, Ignace Berten, Alphonse Borras, Alice Dermience, Camille Focant, Adolphe Geshé, Philippe Goffinet, José Reding, Paul Tihon et Jacques Vermeylen.
  • [50]
    Notons qu’à Paris existe une institution qui porte le même nom, créée par l’archevêque J.-M. Lustiger.
  • [51]
    Le Provincial et son conseil étaient réticents à l’arrivée de séminaristes de Namur dans leur institut et avaient adopté une solution de compromis en demandant de respecter un délai d’un an avant leur entrée. L’ordre est venu du Général de la Compagnie de Jésus qui aurait cédé aux pressions de personnes de l’entourage du pape qui sont favorables à A.-M. Léonard. Lors de la séance académique de rentrée de l’institut – qui constitue la section francophone de la Faculté de théologie des Jésuites de Belgique – les responsables ont déclaré que “c’est le souci de conciliation ecclésiale qui a conduit à renoncer au délai de réflexion et consultation qui avait d’abord paru préférable et à recevoir dès cette année l’inscription de séminaristes belges” et qu’ils espèrent “que cette disposition sera transitoire et que dans l’avenir le plus rapproché, la section théologique du séminaire diocésain pourra rouvrir ses portes” (Bulletin CIP, n° 47.39, 26 septembre 1991, p. 6).
  • [52]
    En 1990, sur quatorze demandes d’entrée au séminaire, treize provenaient du diocèse de Namur et dix ont été acceptées.
  • [53]
    Interview d’A-M. Léonard, L’Appel n° 140-141, mars 1991, p 5.
  • [54]
    Le conseil presbytéral et les conseils pastoraux.
  • [55]
    Communications, n° 9, septembre 1991, p. 234.
  • [56]
    La Libre Belgique, 10 septembre 1991.
  • [57]
    L’Avenir du Luxembourg, 16 octobre 1991.
  • [58]
    Actuellement, deux-tiers environ des confirmés sont dans cette tranche d’âge, tandis que les autres reçoivent la confirmation vers 15-16 ans.
  • [59]
    Vers l’Avenir cité par La Libre Belique, 10 septembre 1991.
  • [60]
    Bulletin CIP n° 47.23, 6 juin 1991, p. 5.
  • [61]
    Le fondamentalisme se défie du siècle et de la politique, il se propose de retourner en arrière, aux sources de la foi et de la pratique, dans une perspective de resserrement/revitalisation du champ du religieux; l’intégrisme est un projet de société aux accents théocratiques, où le religieux sort de son cadre pour remodeler en profondeur l’espace social et politique du futur.” (P. Blaise et V. de Coorebyter, L’islam et l’école. Anatomie d’une polémique, Courrier hebdomadaire du CRISP n° 1270-1271, 1990, pp. 49-50).
Etienne Arcq
Pierre Blaise
Dans une société fragmentée notamment selon le clivage philosophique, la nomination d'un évêque diocésain est un fait politique dans la mesure où elle touche à l'exercice de l'autorité dans l'une des principales composantes de la société. Le mode de structuration du 'monde' catholique recèle une particularité que n'ont pas les autres 'mondes', celle de posséder, outre les divers pôles socio-politiques autour desquels gravitent des ensembles d'organisations, un pôle religieux. Les débats suscités à l'occasion d'une nomination importante dans la sphère religieuse et les effets d'une telle nomination ne sont pas sans avoir des répercussions sur l'ensemble du monde qui se réfère à la foi chrétienne, et même bien au-delà, car les changements d'équilibres au sein d'un des mondes est susceptible d'influencer l'équilibre des 'mondes' entre eux. Si traditionnellement une large autonomie par rapport au pôle religieux existe dans la gestion des organismes laïcs chrétiens, l'évolution récente, dans la lignée des options doctrinales du Vatican et de la politique de nominations que celui-ci mène en soutien à ces options, éclaire d'un jour nouveau cette autonomie et a commencé d'en dévoiler certaines limites. C'est notamment sur cette toile de fond que le présent Courrier hebdomadaire se propose de décrire le processus de la nomination de l'abbé André Léonard comme évêque de Namur. Ordonné prêtre en 1964, André Léonard fut promu docteur en philosophie à l'Université catholique de Louvain en 1968. Il fut chargé de recherche au Fonds national de la recherche scientifique de 1970 à 1974, chargé de cours à l'Université catholique de Louvain de 1974 à 1976 puis professeur à partir de 1976. En 1980, il fut nommé professeur ordinaire à la même université. Son enseignement portait sur la philosophie morale, la métaphysique et l'explication d'auteurs modernes, en particulier les idéalistes allemands. Parallèlement à ses charges académiques, A. Léonard fut, de 1967 à 1978, membre de la direction du Séminaire Léon XIII à Louvain et depuis 1978 président du Séminaire Saint-Paul à Louvain-la-Neuve. Parmi les publications scientifiques d'A. Léonard, on compte La foi chez Hegel (1970), Commentaire littéral de la logique chez Hegel (1974), Pensées des hommes et foi en Jésus-Christ (1980), Les raisons de croire (1987) et Cohérence de la foi (1989). Il succéda le 14 février 1987 à Monseigneur Ph. Delhaye (1), professeur de théologie à l'Université catholique de Louvain, comme membre de la Commission théologique internationale (CTI), présidée par le cardinal J. Ratzinger, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi. En 1986, A. Léonard se présenta, en même temps que d'autres candidats à la succession d'E. Massaux au rectorat de l'Université catholique de Louvain. Il ne fut pas désigné. En 1986 également, il fut proposé à l'épiscopat lors de la nomination du successeur de G.-M. van Zuylen, évêque de Liège. Le pape Jean Paul II avait alors rencontré les souhaits exprimés par la Conférence épiscopale belge et nommé A. Houssiau, ancien doyen de la Faculté de théologie de l'Université catholique de Louvain. Critiqué pour son orientation doctrinale, A. Léonard est contesté par la majorité des collaborateurs – clercs et laïcs – de l'évêque sortant, qui voient en lui le promoteur d'une tendance conservatrice actuellement dominante à la Curie romaine. Le Vatican imposa un évêque au diocèse en dépit de l'avis défavorable de nombreuses personnes actives dans les structures de l'Eglise diocésaine et belge. Les faits qui ont marqué le renouvellement de l'équipe dirigeante du diocèse de Namur sont l'occasion d'analyser non seulement le processus interne de décision de l'Eglise catholique mais également les rapports que celle-ci entretient avec les autres composantes de la société. Le présent Courrier hebdomadaire fait le point sur cette nomination et se propose d'éclairer ceux qui tenteraient d'en évaluer les conséquences dans le contexte socio-politique actuel. A cette fin sont décrits brièvement le statut et les pouvoirs de l'évêque dans l'Eglise catholique et l'organisation des diocèses, en particulier du diocèse de Namur. Ensuite sont examinés les étapes de la procédure de nomination et les modes d'intervention de divers groupes et personnes ayant réagi à l'intérieur et à l'extérieur du diocèse. Les premières décisions et la politique mise en oeuvre par le nouvel évêque sont enfin brièvement passées en revue. (1) Un décret de la Conférence épiscopale belge de 1970 a rendu facultatif l'usage des titulatures. Dans cette étude, nous n'utiliserons donc pas les titres honorifiques tels que Monseigneur, chanoine honoraire, etc.
Mis en ligne sur Cairn.info le 12/07/2014
https://doi.org/10.3917/cris.1330.0001
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