CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 Depuis son classement parmi les hot spots de la biodiversité mondiale [Myers et al., 2000], Madagascar est au cœur des préoccupations environnementales internationales. Le pays est l’objet d’une multitude de projets visant à mesurer, analyser et contenir la dégradation des écosystèmes. Les activités anthropiques font l’objet d’une attention spécifique et celles qui sont pratiquées en milieu rural cristallisent les inquiétudes. Au sommet de la hiérarchie des activités destructrices, l’extraction minière artisanale et la culture sur brûlis ont de tout temps été frappées d’anathème par les protecteurs de l’environnement.

2 À Madagascar, depuis le début des années 1990, ces deux activités sont très majoritairement le fait d’une population migrante [1] ayant été poussée à abandonner des systèmes de production traditionnels pour survivre. Certaines recherches [Thibaud, 2010 ; Emqvist et al., 2007 ; Bidou, Droy, 2007], reprenant des analyses « à chaud » du phénomène [Kiomba-Madio, 1997 ; Fauroux, Koto, 1993], semblent indiquer que la variabilité climatique, et notamment l’intensification des sécheresses, pourrait jouer un rôle central dans le déclenchement de ces migrations de survie. Lorsqu’ils sont évoqués, les autres facteurs de crise (pauvreté, enclavement, blocages politiques, etc.) paraissent toujours être secondaires. On peut donc s’interroger sur la pertinence de cette relation entre sécheresse et crises migratoires, contribuant ainsi à alimenter un débat plus vaste sur la relation entre l’homme et l’environnement.

3 Les migrations de survie qui ont frappé le sud de Madagascar au cours des vingt dernières années sont-elles le produit de la seule variabilité climatique ou résultent-elles de la combinaison d’un ensemble de facteurs (climatiques, sociaux, économiques, etc.) devant conduire à relativiser le rôle du facteur « naturel » ? En d’autres termes, et sans discuter la pertinence sémantique [2] de l’expression, cela revient à discuter le statut de « réfugié climatique » [Bates, 2002 ; Myers, 1993b ; El-Hinnawi, 1985] parfois attribué à ces migrants [Thibaud, 2010], qui conduit à sous-estimer d’autres causes plus profondes et moins avouables [3] pour les dépositaires de la gouvernance de ces espaces. Nous souhaitons mettre à profit le recul fourni par le temps long de l’observation pour ré-analyser cette question qui relève d’un débat fondamental dans le champ des migrations environnementales [Black, 2001], notamment en Afrique [Jonsson, 2010], tout en bénéficiant de la lumière fournie par les études climatiques [Ferry, L’Hote, 1998 ; Jury et al., 1995 ; Randriamanga et al., 1993], anthropologiques [Kaufman, Tsirahamba, 2006 ; Fauroux, 2001] et géographiques [Canavesio, 2010, 2013 et 2014 ; Bidou, Droy, 2007 ; Ranaivoarivelo, 2002 ; De Saint Sauveur, 1998] réalisées dans le sud de Madagascar depuis deux décennies.

4 Pour y parvenir, l’analyse qui va suivre se fonde sur une synthèse des études de la variabilité climatique dans cette région. Leurs principaux résultats seront prolongés par un travail permettant de fournir des données actualisées sur la période la plus récente. À cette occasion, nous verrons si les périodes de sécheresse observées dans la région peuvent être influencées par le réchauffement global. Nous étudierons ensuite les principales crises migratoires qui ont secoué cette région au sein d’une analyse multifactorielle [4] qui se concentrera sur les causes environnementales (variabilité climatique, crises écologiques) et celles relevant des sphères économiques, politiques et spatiales (enclavement). Ce travail représente donc un prolongement et une illustration des travaux visant à identifier la part du facteur « naturel » dans le déclenchement des phénomènes migratoires [Morissey, 2009 ; Boano et al., 2007 ; Black, 2001] en prenant garde à ne pas tomber dans le travers environnementaliste dominant [Ramlogan, 1996 ; Myers, 1993a et 1993b].

5 Même réduite à l’échelle régionale, l’étude des migrations climatiques représente un objet d’étude vaste et complexe nécessitant des approches variées. L’analyse des conséquences des épisodes de sécheresse sur les écosystèmes – développement de ravageurs par exemple – et les systèmes de production du sud de Madagascar mériterait notamment d’être approfondie, mais l’ambition de cet article est ailleurs. Il s’agit de proposer une étude diachronique des migrations de survie appréhendée par le double prisme des variations du régime de précipitations et de l’évolution de la sphère socio-économique locale. Dans cette optique, il aurait été intéressant de traiter une vaste période ; mais les informations dont nous disposons au sujet des grandes migrations de la première moitié du xx e siècle (1928, 1931, 1943) [Kiomba-Madio, 1997] sont trop parcellaires et les relevés de précipitations insuffisamment fiables pour étendre l’analyse détaillée à ces crises migratoires. En dehors de quelques comparaisons, l’analyse se limitera donc aux dernières décennies et approfondira tout particulièrement la période 1990-2005, très riche d’enseignements.

6 Cette étude se fonde par ailleurs sur un important travail de terrain (deux ans) réalisé entre 2001 et 2008 dans le cadre d’une thèse de doctorat [Canavesio, 2010]. La plupart des chiffres sont le résultat d’une enquête [5] menée en juin 2007 auprès de la population migrante des villages miniers de la région d’Ilakaka située dans le sud-ouest du pays (carte 1). Cette enquête a notamment permis de mesurer et de cartographier les migrations spectaculaires qui déstabilisèrent la quasi-totalité de cette région entre octobre 1998 et l’année 2000.

Carte 1

Carte de localisation des principales villes et régions du sud de Madagascar

Carte 1

Carte de localisation des principales villes et régions du sud de Madagascar

Sources : réalisation de l’auteur.

La variabilité climatique à Madagascar : observation et prospective

Les climats de Madagascar

7 Bien qu’étant presque intégralement comprise dans la zone intertropicale, l’île de Madagascar connaît plusieurs climats bien différenciés en raison de la présence d’un ensemble de hauts-reliefs ininterrompus selon un axe nord-sud et d’un étirement latitudinal de plus de 1 600 kilomètres. Du fait de cette topographie particulière et de sa position par rapport à l’alizé, le climat de l’est de Madagascar (côte au vent) est extrêmement humide avec des précipitations importantes toute l’année – leur cumul annuel est souvent supérieur à 2 000 millimètres (mm). Dans ce tiers oriental du pays, la variabilité interannuelle des précipitations est relativement faible et les épisodes cycloniques qui se produisent de novembre à avril représentent la seule source majeure d’incertitude.

8 Les deux tiers ouest du pays ont un régime de précipitation radicalement différent, marqué par l’alternance entre une saison des pluies parfois violente – notamment dans le nord-ouest où les précipitations mensuelles peuvent excéder 500 mm entre décembre et mars – et une saison sèche qui s’allonge à mesure que l’on progresse vers le sud – 6 mois à Majunga sur la côte nord-ouest et 9 mois à Toliara sur la côte sud-ouest. La saison des pluies parfois appelée « mousson malgache » correspond au passage de la zone de convergence intertropicale venue du nord pendant l’été austral. Pendant l’hiver (saison sèche), la situation synoptique est différente. L’équateur météorologique est repoussé au nord de Madagascar et l’ensemble de l’île se trouve soumis à l’alizé [Cornet, 1974]. Dans les deux tiers ouest du pays situés « sous le vent », la convection est inhibée sous l’effet du foehn [6] et les précipitations sont inexistantes. Néanmoins, au cœur de l’hiver austral, l’extrémité méridionale, positionnée sous le tropique du Capricorne, connaît parfois l’intrusion de fronts froids très affaiblis venus des hautes latitudes. À cette occasion, de petites pluies stratiformes [7] associées à des températures sensiblement plus fraîches peuvent survenir et apporter un complément de précipitation appréciable pour la végétation et les cultures au cœur de la saison sèche.

Une variabilité des précipitations importante dans le sud

9 Le climat du sud de Madagascar est ainsi marqué par l’aridité [Donque, 1971]. Avec moins de 400 mm annuels sur le littoral au sud de Tuléar, il peut être considéré comme sahélien dans les secteurs les plus secs [Bidou, Droy, 2007]. Les hauts plateaux du centre-sud sont légèrement plus humides (500-900 mm annuels) mais restent néanmoins rattachés – selon Armelle De Saint Sauveur [1998] – au climat sahélo-soudanien tel qu’il fut défini par André Aubreville [1949]. Dans la pratique, la population du sud-ouest de Madagascar distingue trois saisons : une saison des pluies qui va de décembre à mars, une saison sèche et fraîche entre avril et août, et une saison sèche et chaude de septembre à novembre [Ranaivoarivelo, 2002].

10 Par ailleurs, la variabilité des précipitations est une autre caractéristique majeure de cette région. À l’échelle locale, il a été montré que leurs irrégularités causées par leur nature essentiellement convective (averses localisées) étaient une source importante de déstabilisation des systèmes agro-pastoraux fragiles de la région [Bidou, Droy, 2007]. À ce problème spatial s’ajoute aussi la question de l’irrégularité temporelle. La migration vers le sud de la zone de convergence intertropicale est plus ou moins marquée d’une année à l’autre. Certaines années, le déplacement méridional de l’équateur météorologique est si limité que les pluies de mousson sont quasiment inexistantes. À l’inverse, les cyclones tropicaux peuvent occasionnellement apporter des précipitations torrentielles en quelques heures [8]. Pour bien comprendre l’incidence de ces variabilités sur les systèmes de production régionaux, il serait donc nécessaire d’avoir une approche à la fois diachronique et à haute résolution spatiale. Si le réseau de mesure est trop peu dense pour permettre cette finesse d’analyse, les travaux menés dans le sud de Madagascar démontrent que ce sont généralement les années les plus sèches qui sont également celles qui connaissent la plus forte variabilité locale des précipitations [Ibid.]. Une étude interannuelle de cette variabilité doit donc apporter des éléments suffisants pour étudier la relation entre déficit pluviométrique et migrations de survie.

11 Cette variabilité (figure 1) a été analysée par plusieurs climatologues [Jury et al., 1995 ; Ferry, L’Hote, 1998] suite à une sécheresse particulièrement longue qui affecta la région entre 1991 et 1993. Les statistiques font apparaître une succession de périodes de sécheresse, parfois pluriannuelles, séparées par des périodes aux précipitations proches ou supérieures aux moyennes, pouvant durer plus d’une décennie – c’est le cas entre 1971 et 1990 par exemple. Si la notion de sécheresse est un concept flou [Dorize, 1990], les spécialistes s’accordent en général pour dire qu’un cumul de précipitations légèrement inférieur aux moyennes n’est pas suffisant pour caractériser une sécheresse. Il faut en effet que ce déficit soit marqué par une forme d’exceptionnalité (intensité, durée, extension spatiale). À l’échelle du Grand Sud (carte 1), cela nous conduit d’emblée à écarter certaines années telles que 1943 [9] ou 1981 bien que celles-ci soient régulièrement considérées comme ayant été marquées par la sécheresse dans la littérature.

Figure 1

Écart à la moyenne des précipitations annuelles mesurées dans le sud de Madagascar (1935-1992)

Figure 1

Écart à la moyenne des précipitations annuelles mesurées dans le sud de Madagascar (1935-1992)

Sources : Ferry, L’Hote [1998, p. 94], modifié par l’auteur.

Vers une amplification des sécheresses dans le sud de Madagascar ?

12 À l’image de la plupart des régions marquées par des saisons des pluies aléatoires, le sud de Madagascar apparaît comme étant extrêmement vulnérable dans le contexte d’un changement climatique global [Thornton et al., 2008]. Les études visant à établir les conséquences possibles du réchauffement climatique sur cette région restent néanmoins limitées au regard de celles qui ont été menées sur d’autres espaces aux caractéristiques climatiques équivalentes tels que le Sahel [Roudier et al., 2011 ; D’Orgeval, 2008] ou l’Afrique australe.

13 Les rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) [2007] qui traitent cette question à l’échelon mondial ne fournit pas d’indications claires quant à la variation attendue de la pluviométrie sur le sud de Madagascar au cours de la saison des pluies. Pendant l’hiver austral en revanche, la moyenne des modèles utilisés par le GIEC anticipe une réduction des précipitations pouvant atteindre près de 20 % dans le sud du pays. Sur ce point, l’extrémité méridionale de Madagascar semble donc exposée à une évolution comparable à celle qui est attendue pour le reste de l’Afrique australe. Cette baisse des précipitations qui est également prévue par le GIEC sur la quasi-totalité de l’hémisphère sud aux latitudes comparables peut être expliquée par une moindre progression vers le nord des masses d’air polaires – et des fronts qui y sont associés – circulant autour de l’Antarctique pendant l’hiver austral. Concrètement, cela pourrait donc se traduire par une baisse des précipitations frontales hivernales dans l’extrême sud de Madagascar, et donc par un accroissement de l’aridité de la région pendant la longue saison sèche.

14 Ces prévisions semblent entériner l’idée d’un accroissement probable des périodes de sécheresse dans le siècle à venir, pouvant conduire à une réduction de plus de 20 % de la durée de la période végétative dans le sud-ouest de Madagascar [Thornton et al., 2008]. Elles confirment également la grande vulnérabilité de cette région et laissent entrevoir une probable multiplication des crises agro-économiques dans les décennies futures. Rien ne prouve, en revanche, que la grande sécheresse du début des années 1990 et celle qui toucha l’Androy de 2000 à 2004 [Bidou, Droy, 2007] aient été des conséquences locales précoces du réchauffement climatique global dans la mesure où elles sont avant tout le résultat d’une baisse des précipitations en saison des pluies.

Approche multifactorielle des migrations de survie dans le sud de Madagascar

15 Depuis la première guerre mondiale [10] le sud de Madagascar est l’origine de plusieurs vagues migratoires significatives (1928, 1931, 1943, 1990-1994, 1998-2000) ayant affecté à des degrés divers les autres régions du pays. Malgré l’absence d’analyses spécifiques, et à l’image de la plupart des travaux relatifs aux migrations de survie qui touchèrent cette région depuis le début du xx e siècle, la crise migratoire de la première moitié des années 1990 est attribuée avant tout au déficit de précipitations. Les autres facteurs de risque sont évoqués en tant que simples catalyseurs de ces aléas naturels. Nous allons maintenant analyser ces différentes crises migratoires afin de déterminer le rôle joué par la variabilité des précipitations dans le déclenchement de chacune d’elles.

Les migrations de survie du sud de Madagascar dans les années 1990

16 Au cours des années 1990, le sud de Madagascar a connu deux vagues migratoires de très grande ampleur. La première (1990-1994) alimenta largement la croissance démographique des plus grandes villes régionales, notamment Tuléar, et réactiva d’anciens circuits migratoires mahafales [11] et tandroys [12] hérités de la période coloniale [13]. La seconde (1998-2002) s’organisa essentiellement autour de l’économie minière artisanale.

17 Ces mouvements de population ont largement dépassé le simple phénomène d’exode rural qui touche le pays depuis les années 1970. Ils ont été si massifs et se sont accompagnés d’un tel sentiment d’urgence (figure 3) qu’ils ont parfois été comparés dans la presse locale aux mouvements de réfugiés provoqués par les conflits – marqués par la désorganisation, l’improvisation, etc. – en dépit de l’absence de causes politiques évidentes [14]. Trois « sous-régions » d’émigration principales ont été mises en évidence pour ces deux vagues d’immigration successives : le plateau mahafale, la région d’Androy et les environs de Fort-Dauphin (Anosy).

18 Les nombreux travaux menés dans le sud-ouest du pays pendant la première de ces deux crises migratoires (1990-1994) par Emmanuel Fauroux et Bernard Koto [1993] pour les migrations mahafales et par Bertrand Réau [1997] et Lucile Rabearimanana [1995] pour les migrations tandroys n’ont pas permis de quantifier ce phénomène avec précision. Ils ont en revanche contribué à en dessiner les principales conséquences sociologiques et spatiales. Il apparaît que l’espace mahafale, entre Ampanihy et la côte, déjà en temps normal le plus aride du pays, a été particulièrement frappé par la sécheresse du début des années 1990 [Ferry, L’Hote, 1998]. Afin de garantir sa survie, la population locale a massivement quitté le secteur pour s’adonner à la culture sur brûlis [Milleville et al., 2001] et au commerce du charbon de bois dans les espaces forestiers peu peuplés et relativement plus fertiles proches de Sakaraha [Mahatsanga, 2000], d’Andranovory et de la vallée Fiherenana [Lasry et al., 2005]. En tant que principale agglomération régionale, la ville de Tuléar fut également l’une des destinations privilégiée des migrants [Fauroux, 2001]. Bien qu’intense, ce phénomène migratoire est resté d’une ampleur spatiale limitée, assez typique des migrations climatiques [Jonsson, 2010]. Du fait de cette relative proximité entre espaces d’immigration et d’émigration, les relations des migrants avec leurs villages d’origine (tanindrazana[15]) ont pu être largement conservées [Fauroux, Koto, 1993], limitant l’impact social de la migration et contribuant à une forme de « ruralisation » de la principale agglomération régionale [Ibid.]. Dans le même temps, les populations de l’Androy et de l’Anosy furent également frappées par la sécheresse. Jusqu’en 1994, ces migrants réactivèrent d’anciens réseaux claniques et familiaux décrits par Georges Heurtebize [1986] et réanalysés dans le cadre des migrations du début des années 1990 par Bertrand Réau [1997] et Lucile Rabearimanana [1995]. Ces migrations tandroys se firent ainsi prioritairement à destination des grandes régions de plantation commerciales de l’ouest et du nord de Madagascar (carte 2).

Carte 2

Principales migrations de survie affectant les territoires du sud de Madagascar entre 1990 et 1994 (période de sécheresse)

Carte 2

Principales migrations de survie affectant les territoires du sud de Madagascar entre 1990 et 1994 (période de sécheresse)

Sources : chiffres issus de l’enquête de l’auteur à Ilakaka, en 2007 ; réalisation de l’auteur.

19 La crise migratoire des années 1998-2000 vit émerger des parcours migratoires nouveaux et concerna prioritairement la région d’Ilakaka, avec l’arrivée de 130 000 migrants dont 50 000 provenant du Grand Sud (carte 3) [16]. En fait, dès 1994 les migrants tandroys délaissèrent assez largement les réseaux traditionnels impliquant prioritairement le Menabe (région de Morondava) et le nord de Madagascar et réorganisèrent leurs migrations autour de l’activité minière artisanale. L’exploitation des gisements de saphir d’Andranodambo [17] qui attira 15 000 migrants environ – dont 10 000 Tandroys – en 1994 [Rakotondrazafy et al., 2008] et d’Ambondromifehy – avec 20 000 migrants en 1996 – amorcèrent cette tendance [Canavesio, 2010]. En octobre 1998, la découverte d’un gisement de saphirs exceptionnel dans la région d’Ilakaka-Sakaraha [Guerin, Moreau, 2000] déclencha un mouvement migratoire sans précédent qui assécha la plupart des autres flux migratoires intra-régionaux et contribua à remanier en profondeur le peuplement de la région.

Carte 3

Principales migrations de survie affectant les territoires du Sud de Madagascar entre 1998 et 2002 (période humide)

Carte 3

Principales migrations de survie affectant les territoires du Sud de Madagascar entre 1998 et 2002 (période humide)

Sources : chiffres issus de l’enquête de l’auteur à Ilakaka, en 2007 ; réalisation de l’auteur.

Des migrations sans sécheresses…

20 La relation entre sécheresse et migration dans le sud de Madagascar est souvent évoquée pour des périodes relativement récentes [Thibaud, 2010 ; Canavesio, 2010 ; Bidou, Droy, 2007 ; Fauroux, 2001 ; Moizo, Samisoa, 1999 ; De Saint Sauveur, 1998 ; Lebigre et al., 1997 ; Koto, 1995] ou plus lointaines [Rabearimanana, 1995] dans la mesure où, à l’image du Sahel, les systèmes de production de la région dominés par l’agro-pastoralisme sont très fortement exposés à l’aléa climatique du fait de l’aridité latente. Lorsque les cumuls de précipitations sont faibles, la population de la région est directement affectée par la baisse des rendements agricoles [Heurtebize, 1986] et par la réduction de l’important cheptel bovin régional. Entre 1990 et 1993, ce dernier a ainsi diminué de 25 % dans le district d’Ampanihy [Kaufmann, Tsirahamba, 2006]. L’analyse des grands épisodes migratoires observés dans le sud de Madagascar mise en écho avec les relevés de précipitations montre pourtant que cette relation n’est pas systématique.

21 Bien que nous soyons moins bien renseignés sur la première partie du xx e siècle que sur la période plus récente, les crises humanitaires et migratoires de 1928 [Bidou, Droy, 2007], 1931 [Fauroux, Koto, 1993] et 1943 [Rabearimanana, 1995] apportent des éléments de réponse. Lors des deux premières, les systèmes de production du Grand Sud ont été totalement déstabilisés suite à la destruction des raketa [18] par une cochenille importée de l’île de la Réunion [Kiomba-Madio, 1997]. La faiblesse des précipitations ne peut donc expliquer à elle seule les importantes migrations de survie enregistrées au cours de ces années. De la même manière, la terrible famine de 1943 et l’exode qui s’ensuivit ne peuvent être prioritairement attribués au (léger) déficit des précipitations (figure 1). Les multiples conséquences de la seconde guerre mondiale sur la région telles que le renforcement de l’enclavement et le détournement de l’aide pour l’effort de guerre doivent probablement expliquer l’essentiel de cette crise [19].

22 Beaucoup plus récemment, la période 1998-2002 montre que le déclenchement des migrations de survie dans le sud de Madagascar peut même intervenir pendant des périodes très humides (figure 2). Après un fort déficit pluviométrique dans les années 1991-1993 – avec une fréquence de retour de 40 ans environ selon Luc Ferry et Yann L’Hote [1998] – qui représenta la seule véritable période de sécheresse qui toucha le sud de Madagascar au cours des trois dernières décennies du xx e siècle, les années 1998 et 1999 furent marquées par des cumuls de précipitations nettement supérieurs aux moyennes, autant en Androy qu’en pays mahafale. Or la zone a été à nouveau touchée par un exode massif de sa population. L’année 1999, qui est même jugée « excellente » [Bidou, Droy, 2007] du point de vue climatique pour les systèmes agro-pastoraux du sud de Madagascar, est marquée par une émigration massive d’Antandroys. L’enquête menée en 2007 à Ilakaka a montré que plus de 5 % des habitants de la région d’Amboassary-Ambovombe ont alors quitté l’Androy pour se rendre dans les fronts pionniers d’Ilakaka (figure 3) et que cette migration a eu essentiellement lieu entre octobre 1998 et le début de l’année 2000 [Canavesio, 2010].

Figure 2

Variation des précipitations pendant la saison des pluies sur le littoral mahafale à la station de Beheloka (1988-2005)

Figure 2

Variation des précipitations pendant la saison des pluies sur le littoral mahafale à la station de Beheloka (1988-2005)

Sources : direction générale de la météorologie de Madagascar ; réalisation de l’auteur.
Figure 3

Village temporaire construit spontanément par des mineurs migrants dans la région d’Ilakaka

Figure 3

Village temporaire construit spontanément par des mineurs migrants dans la région d’Ilakaka

Sources : Rémy Conavecio ©, mai 2006.

23 Par ailleurs, si le Grand Sud contribua largement au phénomène, de nouveaux foyers d’émigration sont apparus très loin des régions touchées par le déficit pluviométrique du début des années 1990, notamment dans le secteur des hauts plateaux de la région de Fianarantsoa (pays betsiléo) et dans certaines parties de la côte est (carte 3). En fait, cette spectaculaire ruée vers les fronts pionniers d’Ilakaka au cours d’une période climatiquement favorable aux systèmes agro-pastoraux locaux et en l’absence d’autres facteurs de crise de type « naturel » – invasions acridiennes significatives par exemple – indique que la crise structurelle multifactorielle qui affecte Madagascar depuis la fin des années 1970 (baisse du produit intérieur brut par habitant, instabilité politique, perte d’efficacité de l’État) est probablement la cause principale de cette migration (figure 4). Dans les régions d’émigration du sud du pays, ce déclin se double en effet d’une crise spatiale marquée par le délabrement progressif des infrastructures de transport [20], limitant et renchérissant les importations de denrées alimentaires. Dès lors, on peut considérer que ces contraintes structurelles ont lourdement pesé dans le déclenchement des autres migrations de la période récente, y compris lorsque le climat a pu jouer un rôle indiscutable – au cours de la période 1990-1994 par exemple.

… et des sécheresses sans migrations

24 Si l’association de facteurs spatiaux, politiques, économiques et agronomiques avec des périodes relativement sèches a déjà provoqué d’importants déplacements de population en 1928, 1931, 1943 et entre 1990 et 1994, on constate que certains épisodes de sécheresse comparables voire plus intenses (figure 1) n’ont laissé aucune trace de crise migratoire majeure. La comparaison des années 1970 et 1991 est très révélatrice. En effet, alors que l’année 1991, qui correspond au « cœur » de la crise migratoire, est marquée à l’échelle régionale par un déficit de précipitations moyen correspondant à une fréquence de retour de 40 ans environ, l’année 1970 – qui détient le record du déficit de précipitations sur la période 1935-1995, avec une fréquence de retour de 75 ans environ selon Luc Ferry et Yann L’Hote [1998] – n’a connu aucun mouvement migratoire significatif.

25 Par ailleurs, alors que « la persistance de plusieurs années sèches, telle que celles de 1990 à 1993, n’est pas extraordinaire puisqu’elle a déjà été observée de 1935 à 1938 ; de 1948 à 1951 et de 1957 à 1963 » [Ferry, L’Hote, 1998, p. 95], on s’aperçoit que ces autres périodes de déficit pluriannuel des précipitations dans le sud de Madagascar n’ont donné lieu à aucune crise migratoire mémorable (figure 4). Une telle absence de migrations entre la fin de la seconde guerre mondiale et le début des années 1970, malgré l’existence de sécheresses majeures, s’explique en réalité par une amélioration significative des conditions socio-économiques régionales. Dans le sud, ces années furent notamment marquées par le développement de grandes cultures commerciales de sisal [21] dans le bas-Mandrare [Réau, 1997] qui ont permis l’emploi d’une grande partie de la population régionale.

Figure 4

Sécheresses, crises, exploitation minière artisanale et migrations de survie dans le sud de Madagascar (1925-2010)

Figure 4

Sécheresses, crises, exploitation minière artisanale et migrations de survie dans le sud de Madagascar (1925-2010)

Source : réalisation de l’auteur à partir de Canavesio [2010].

26 En fait, à l’image des autres crises migratoires de la première moitié du xx e siècle (1928, 1931 et 1943 notamment), le déficit pluviométrique du début des années 1990 semble n’avoir été que le révélateur conjoncturel d’une crise plus globale et plus durable. L’appauvrissement progressif de la population malgache à partir du milieu des années 1970 (figure 4) et le délitement des structures sociales qui l’accompagna [Fauroux, 2001] semblent avoir durement affecté la capacité de résilience des systèmes de production. Dans le sud de Madagascar, cette dynamique nationale a été sensiblement accentuée par la décadence de l’économie du sisal [Fanokoa, 2007] qui a assuré une bonne part de la prospérité régionale des décennies précédentes.

27 Couplée à la croissance démographique soutenue [22], et en se renforçant année après année, cette crise multifactorielle obligea la population à trouver des sources de revenus complémentaires. On constate par exemple que de nombreux gisements de pierres précieuses connus parfois depuis des décennies – mais négligés du fait de leur faible rentabilité – commencèrent à être mis en valeur de manière artisanale à partir du début des années 1990 (figure 4).

28 Il est certain qu’en s’ajoutant à la longue liste des facteurs de crise, l’aléa climatique peut participer à renforcer notablement la détresse des populations et donc à alimenter des mouvements migratoires importants. Pendant les périodes humides bénéfiques aux systèmes agro-pastoraux de la région, la stabilité socio-économique reste néanmoins extrêmement précaire et les besoins élémentaires (alimentation, santé, éducation) ne sont pas assurés. Un mouvement migratoire permanent est ainsi enregistré et toute perturbation du système – crise endogène ou stimulation de la mobilité par un regain d’attractivité des régions d’immigration – peut déclencher un emballement du phénomène et conduire au développement de migrations de survie spectaculaires. Ce mécanisme n’est pas spécifique à la partie méridionale de Madagascar :

29

« on peut dire que pour nombre de sociétés africaines, la nécessité de migrer s’inscrit dans le contexte de crise de systèmes en tension perpétuelle et ce, sans qu’il soit nécessaire d’invoquer des événements plus ou moins imprévus et exceptionnels tels que les catastrophes naturelles (sécheresse) ou les conflits politiques. En d’autres termes, le cas le plus général est celui, apparemment paradoxal, où la situation de crise devient ou est devenue au fil du temps “la situation normale” à laquelle il convient de s’adapter en envisageant un départ. »
[Cambrézy, 2007, p. 6]

30 Finalement, à Madagascar comme dans de nombreux autres pays d’Afrique [Gonin, Lassailly-Jacob, 2002 ; Cambrézy, 2007], l’argument climatique parfois avancé pour expliquer ces phénomènes migratoires tient bien souvent une place disproportionnée dans les discours visant à expliquer ces migrations de survie. Cette rhétorique fréquemment employée par les dépositaires des gouvernances locales et internationales [23] [Kibreab, 1997] ne doit pas faire oublier que la pauvreté et les carences de l’État restent la principale source de vulnérabilité des systèmes socio-spatiaux face à des aléas climatiques qui, s’ils semblent destinés à s’amplifier dans les décennies à venir, sont partie intégrante des climats sahélo-soudaniens.

Conclusion

31 Les migrations de survie qui ont touché le sud de Madagascar au cours du xx e siècle sont souvent présentées comme ayant été principalement causées par les sécheresses qui touchent épisodiquement cette région. Notre analyse diachronique et multifactorielle a montré que la baisse des précipitations dans le sud de l’île pouvait jouer un rôle de « détonateur » dans un contexte de difficultés socio-économiques plus globales. La crise migratoire du début des années 1990 s’explique ainsi par ce cumul de facteurs relevant à la fois du climat et du système socio-spatial. L’étude des différentes migrations ayant concerné cette région au cours des deux dernières décennies et les informations disponibles sur les crises migratoires plus lointaines [Rabearimanana, 1995] ont révélé que de tels phénomènes pouvaient aussi avoir lieu au cours de périodes climatiquement « neutres ». Dans certains cas, des migrations de survie de grande ampleur ont même pu affecter la partie méridionale de Madagascar pendant des périodes humides très favorables aux systèmes agro-pastoraux de cette région. Ce constat implique donc de relativiser l’argument climatique trop fréquemment avancé pour expliquer ces déplacements de population.

32 Cette dérive « environnementaliste » dénoncée par Richard Black [2001] et parfois qualifiée de « néo-malthusianiste » n’est pas spécifique au cas malgache [Jonsson, 2010] dans la mesure où elle relève d’une position adoptée d’emblée dans de nombreux travaux de référence qui imprègnent ce champ d’analyse [Myers, 1993b notamment]. Les raisons de ce recours excessif à l’explication climatique, lequel s’observe chez les scientifiques comme dans la sphère du politique, est l’objet de débats très stimulants [Morissey, 2009] que le présent article n’avait pas la prétention d’interroger en dépit de leur intérêt théorique et pratique. Le retour de ces problématiques à l’ordre du jour politique international [Gemenne, 2012] doivent néanmoins inciter à la vigilance.

33 Dans cette optique, notre travail a également questionné les migrations de survie appréhendées par le prisme du changement climatique global. L’analyse diachronique des mouvements de population et de la variabilité climatique n’a pas permis de mettre en évidence de tendances claires dans ce domaine. Néanmoins, dans le sud de Madagascar, la perspective d’une baisse des précipitations hivernales pourrait mettre à l’épreuve des systèmes de production dont la résilience a déjà été fortement entamée par les crises sociales, économiques et politiques qui se sont accumulées depuis les années 1980. Si les prévisions inquiétantes du GIEC [2007] venaient à se vérifier, le facteur climatique pourrait devenir une source structurelle supplémentaire de tension pour les agro-systèmes fragilisés de cette région.

Notes

  • [*]
    Docteur en géographie, membre du laboratoire Littoral environnement télédétection géomatique-Géographie physique et environnement (LETG Caen - Geophen, UMR 6564), associé au Centre de recherches insulaires et Observatoire de l’environnement (Criobe, USR 3278) et au laboratoire Société traditionnelles et contemporaines en Océanie (Eastco).
  • [1]
    Les travaux menés sur cette question sensible [Réau, 1997] ont montré que si la culture sur brûlis était parfois traditionnelle, la migration rendait cette pratique plus fréquente et plus agressive pour les milieux forestiers.
  • [2]
    Le mot « réfugié » est parfois contesté en raison du sens juridique complexe de ce terme [Lallemant, 2009].
  • [3]
    Pour certains auteurs [Gonin, Lassailly-Jacob, 2002], l’utilisation de cette expression serait souvent encouragée par les autorités souhaitant être dédouanées de leurs responsabilités lorsque d’autres facteurs (économiques, politiques, etc.) s’ajoutent au facteur environnemental pour expliquer les mouvements migratoires.
  • [4]
    La dimension culturelle de ces migrations sera néanmoins à peine appréhendée – voir le cas des Tandroys plus loin – pour ne pas alourdir l’argumentation et dans la mesure où, contrairement aux migrations régulières, les crises migratoires ponctuelles semblent peu influencées par ce facteur.
  • [5]
    Cette enquête a été menée entre mars et juin 2007 auprès de 640 habitants de quatre villages de la région des fronts pionniers d’Ilakaka (Andohan Ilakaka, Manombo Kelly, Andranomena et Bekily).
  • [6]
    Phénomène climatique conduisant au réchauffement et à l’assèchement des masses d’air lorsque celles-ci franchissent un relief important.
  • [7]
    En opposition avec les averses convectives violentes et localisées de la saison des pluies, les pluies stratiformes sont le résultat d’ascendances lentes qui se produisent en général à la limite entre deux masses d’airs différentes. Elles sont souvent très étendues, durables mais de faible intensité.
  • [8]
    Cette variabilité des précipitations est telle qu’il n’est pas rare qu’un cyclone tropical puisse apporter en une seule journée plus de précipitations que le cumul annuel des années les plus sèches – cela a été le cas du cyclone Haruna en février 2013 par exemple.
  • [9]
    En effet, l’année 1943 est une année de déficit pluviométrique isolée entre des années « moyennes » (1942) ou largement excédentaires (1941 et 1944). De plus, l’intensité du déficit fut relativement modérée puisque sur la période 1935-1992, au moins cinq années ont enregistré un déficit sensiblement plus intense (1950, 1957, 1959, 1970 et 1991).
  • [10]
    Avant la première guerre mondiale, les informations au sujet des migrations sont très peu nombreuses de sorte qu’il n’est pas possible d’avoir une analyse précise de ces phénomènes. Les différents auteurs ayant travaillé sur cette problématique s’accordent néanmoins à dire que les migrations du sud du pays vers les autres régions étaient très limitées. Selon Lucile Rabearimanana [1995] et Bertrand Réau [1997], rejoignant les analyses de R. Decary [1930], les premières migrations tandroys significatives dateraient des années 1920.
  • [11]
    Ethnie malgache occupant une vaste partie des plateaux côtiers arides du sud-ouest du pays et dont Ampanihy est considéré comme la capitale.
  • [12]
    Ethnie malgache occupant les régions semi-arides du sud du pays – le pays tandroy est parfois appelé « pays des épines » en raison de la végétation particulière qui se développe sous l’effet de l’aridité –, à l’est du plateau mahafale. Ambovombe et Amboasary Sud en sont les principales villes.
  • [13]
    Les travaux de Bertrand Réau [1997] et de Lucile Rabearimanana [1995] soulignent l’importance de ces réseaux formés à partir de la seconde guerre mondiale dans les trajectoires migratoires tandroys des années 1980-1995. Ils rappellent également que durant l’entre-deux-guerres, ces migrations étaient souvent motivées par des considérations politiques (échapper à l’impôt, recrutements militaires) et par des volontés individuelles d’enrichissement dans les cultures commerciales du Menabe notamment (maïs, tabac).
  • [14]
    En droit international le statut de réfugié est reconnu aux personnes ayant fait l’objet de persécutions clairement établies pour des raisons de « race », de religion, de nationalité, d’opinion politique ou pour l’appartenance à un groupe social particulier (définition arrêtée par la Convention des Nations unies de 1951 et par son amendement de 1967 [Bates, 2002]).
  • [15]
    Le tanindrazana correspond littéralement à la « terre des ancêtres ».
  • [16]
    En plus des 35 000 migrants provenant des régions de Tuléar, Fort-Dauphin, du plateau mahafale et de l’Androy, les autres espaces du Grand Sud (Ibara notamment) ont été à l’origine d’une migration de 15 000 personnes environ durant cette même période.
  • [17]
    D’après l’enquête réalisée à Ilakaka en 2007, il semblerait que 70 % environ des 10 000 mineurs travaillant à Andranodambo en 1996 étaient originaires de la région Androy alors que la majorité des 30 % restants étaient originaires de la région Anosy (Fort-Dauphin).
  • [18]
    Cactus dont le fruit est largement consommé par les populations du sud. Les feuilles charnues débarrassées de leurs épines servent également d’alimentation pour le bétail.
  • [19]
    Lucile Rabearimanana rappelle : « L’effort de guerre confère à Madagascar une remise en question de la géographie de certains échanges inter-régionaux et de sa politique commerciale en général. […] La demande en vivres des populations de l’Androy ne constitue donc guère une priorité aussi bien pour l’administration que pour les commerçants. » [Rabearimanana, 1995, p. 305]. En 1943, la mortalité est multipliée par deux ou par trois selon les secteurs et la population est quasiment divisée par deux dans les districts d’Ambovombe et de Tsihombe à la suite des effets cumulés de la surmortalité et des migrations.
  • [20]
    Depuis 2008 le port en eau profonde de Fort-Dauphin est à nouveau utilisable à la suite des investissements réalisés par le groupe minier Rio Tinto qui exploite un gisement d’ilménite dans la région. Le réseau routier – non goudronné – n’a en revanche pas profité de ce projet et poursuit son délabrement [Canavesio, 2014].
  • [21]
    Plante des régions semi-arides produisant des fibres très appréciées dans certaines industries (cordages en fibres naturelles par exemple).
  • [22]
    La croissance démographique annuelle a été proche ou supérieur à 3 % depuis le début des années 1980.
  • [23]
    Selon Gaim Kibreab [1997], le classement des migrants en tant que « réfugiés climatiques » permettrait aux États du Nord de se dédouaner des droits d’asile qu’ils se doivent d’accorder aux réfugiés politiques.
Français

Les importantes migrations qui affectent le sud de Madagascar depuis deux décennies favorisent le développement d’activités qui menacent la stabilité sociopolitique d’une part, et les milieux naturels d’autre part. L’analyse confirme une importante simultanéité entre les mouvements migratoires qui touchent cette région au début des années 1990 et la réduction des précipitations. Cependant, en étudiant l’ensemble des migrations dans la partie méridionale de Madagascar au cours des vingt dernières années, l’article montre que la crise globale et structurelle du système socio-spatial de la région reste la raison principale du phénomène. Néanmoins, dans les prochaines décennies, le facteur climatique pourrait à son tour devenir une cause latente de tension dans cette région, en raison de la réduction attendue des précipitations provoquée par le changement climatique.

Mots-clés

  • migration
  • sécheresse
  • changement climatique
  • réfugiés climatiques
  • Madagascar

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Rémy Canavesio [*]
  • [*]
    Docteur en géographie, membre du laboratoire Littoral environnement télédétection géomatique-Géographie physique et environnement (LETG Caen - Geophen, UMR 6564), associé au Centre de recherches insulaires et Observatoire de l’environnement (Criobe, USR 3278) et au laboratoire Société traditionnelles et contemporaines en Océanie (Eastco).
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/12/2016
https://doi.org/10.3917/autr.074.0259
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