CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 La pertinence de la notion de « sud » est partiellement remise en cause par le renforcement de la mondialisation. Les grandes villes sont marquées par des phénomènes d’internationalisation qui tiennent tout autant aux « flux d’investissement qu’à la circulation d’individus, de savoirs, de modèles ordinaires ou savants, de normes spatiales, d’images, reliés au monde, et aux liens multiples et protéiformes qui construisent les “territoires circulatoires” » [Deboulet, Roulleau-Berger, Berry-Chikhaoui, sous presse]. Cette communauté de destin n’annule pas les spécificités. On peut d’ailleurs supposer qu’elles tiennent en partie aux différences d’intensité et de modalités de l’internationalisation. Mais elle rend particulièrement stimulant et enrichissant le croisement des regards. L’approche comparatiste permet d’éclairer les convergences et de saisir ainsi ce qui relève des contextes locaux.

2 La question des convergences prend une acuité particulière lorsque l’on s’intéresse aux politiques de restructuration urbaine. Dans un système de plus en plus mondialisé, les villes sont soumises à une concurrence accrue à l’échelle internationale. Dans la course à la métropolisation, le développement économique et la création d’infrastructures de transport sont donnés comme des moyens majeurs, combinés à des politiques de réhabilitation ou de rénovation urbaine dans les quartiers centraux. Au « nord » comme au « sud » et en descendant dans la hiérarchie urbaine, les villes sont de plus en plus portées par un enjeu global de « renaissance » qui passe par la reconquête spatiale et sociale des quartiers populaires dans les centres-villes [Smith, 2003].

3 Dans le débat en cours sur la gentrification [Bidou-Zachariasen, 2003], la question se pose de savoir comment les politiques de restructuration urbaine dans les centres anciens sont vécues par les citadins pauvres ? En quoi le contexte mondial et, plus précisément, les grands projets visant au renforcement économique des villes posent de nouvelles contraintes aux habitants, notamment liées à leur déplacement ?

4 Une première hypothèse qui sous-tend ces questionnements est que les habitants sont réactifs face à ces politiques et s’engagent le cas échéant dans l’action. Une seconde est liée à notre démarche qui est comparative. Nous mettons en perspective les réactions citadines face à la restructuration urbaine à travers l’analyse croisée de deux projets en cours, impliquant le déplacement de populations : d’une part, le programme de requalification des quartiers anciens de Marseille, dont les acteurs principaux sont l’Établissement public d’aménagement Euroméditerranée (EPAEM) créé en 1995 et la ville et, d’autre part, la réalisation d’une « Avenue Royale » à travers la « médina extra-muros » de Casablanca  [1], dont la maîtrise d’ouvrage est réalisée par une société d’économie mixte, la Sonadac (société nationale d’aménagement communal), créée ad hoc en 1994 sous la tutelle du ministère de l’Intérieur. Nous supposons que les logiques d’intervention sur la ville présentent des dénominateurs communs renvoyant au global, au-delà des actions qui se déclinent selon les contextes sociétaux. Dans ce sens, l’étude comparée de la mise en œuvre des deux projets et des interactions qui s’y construisent entre acteurs institutionnels et habitants a pour objectif de saisir, au-delà des divergences, des convergences entre des villes habituellement appréhendées à partir de leur appartenance respective à un « Nord » développé et à un « Sud » en développement.

Internationaliser la ville

5 Casablanca et Marseille sont toutes deux concernées par la mise en œuvre de grands projets publics visant à modifier et requalifier durablement le paysage urbain, l’organisation fonctionnelle mais aussi la symbolique de la ville, en lui conférant une identité et un rayonnement internationaux.

6 Les enjeux d’internationalisation de la ville de Marseille ont été largement soulignés dans les recherches relatives au projet public Euroméditerranée. Dans cette ville, le renouvellement urbain se fonde, à partir de l’idée d’un centre directionnel, sur une « géostratégie économique, sociale, culturelle et urbaine capable de “faire de Marseille une métropole de premier plan au sein de la zone euroméditeranéenne” » [Bertoncello et Rodrigues Malta, 2001, p. 405]. À Casablanca, c’est a posteriori que les professionnels ont conféré au projet de l’Avenue Royale une dimension résolument internationale. En effet, à l’origine ce projet est lié à l’édification sur le littoral casablancais de la mosquée Hassan II, pensée comme l’élément fondateur d’une « reconfessionalisation » de la ville [Cattedra, 2001]. Il émane de la volonté du roi Hassan II et s’inscrit dans la conception sécuritaire de l’urbanisme des années 80 au Maroc, ici fortement inspirée des réalisations haussmaniennes. L’inscription du projet dans une logique d’internationalisation de la ville et de renforcement de sa compétitivité économique ira en s’affirmant, tant dans la communication sur le projet que dans sa conception. La référence à l’international est d’abord évoquée pour la mosquée et sa mise en valeur comme élément structurant d’une centralité renouvelée à travers la rénovation des quartiers dégradés environnants. Puis l’internationalisation de Casablanca va être explicitée par les techniciens comme un objectif majeur. En 2001 et 2002, la Sonadac présente ses projets dans deux plaquettes différentes  [2] mais introduites par un même énoncé : « Casablanca, capitale économique du Royaume, est le point d’articulation de l’économie marocaine à l’économie mondiale. Continuer à jouer ce rôle dans l’avenir exige de la ville, plus de compétitivité sur la scène internationale et régionale qu’auparavant. Ceci implique une mise à niveau permanente des structures urbaines d’accueil et d’attraction de l’investissement national et étranger ».

7 L’enjeu de la restructuration urbaine est bien de positionner la capitale économique dans le réseau des villes qui comptent sur la scène mondiale. La notion de « métropole », comme à Marseille, est par ailleurs convoquée non pas tant pour rendre compte des fonctions de commandement de la ville mais pour signifier l’objectif de mondialisation [Lévy et Lussault, 2001]. Cet enjeu d’ouverture à l’international prend néanmoins dans les deux villes des connotations différentes renvoyant aux contextes économiques locaux.

8 À Marseille, l’internationalisation répond à une volonté politique locale et nationale [Dubois, Olive, 2004b] de sortir la ville de la crise économique [Morel, 1999]. La restructuration urbaine est pensée comme le moyen d’assurer la « renaissance » de Marseille, thème récurent dans les campagnes électorales et les discours politiques locaux [Péraldi, 2001, p. 38]. L’objectif énoncé est celui de rendre la ville attractive, d’en changer l’image pour attirer les investisseurs et renforcer l’emploi, qui fait l’objet de perspectives et d’annonces ronflantes pour des créations néanmoins attendues dans des secteurs de pointe et donc en inadéquation avec une part importante de la demande locale peu qualifiée.

9 À Casablanca, l’enjeu d’internationalisation renvoie à un enjeu national de croissance économique. C’est en grande partie à travers sa capitale économique que le Maroc entend attirer les flux d’investissements étrangers [3] de manière à « articuler » l’économie marocaine à l’économie mondiale. Cette logique d’articulation est aujourd’hui inscrite à l’échelle métropolitaine dans les documents récents de planification, d’une part dans le schéma d’organisation fonctionnelle d’aménagement de l’aire métropolitaine (SOFA) et, d’autre part, dans le diagnostic territorial du schéma directeur d’aménagement urbain de la wilaya du Grand Casablanca, réalisé par l’Agence urbaine de Casablanca et l’IAURIF [4]. La coïncidence entre l’enjeu d’internationalisation de Casablanca et le positionnement du Maroc à l’échelle mondiale y est rapportée à la prépondérance économique, politique et démographique de l’ « axe atlantique » – dont Casablanca et Rabat sont les pôles – dans l’armature urbaine du pays.

10 Si l’affirmation d’un enjeu d’internationalisation de la ville rapproche ainsi les grands projets urbains à Marseille et à Casablanca, cet enjeu situe donc la première comme une métropole en crise dans un pays développé et la seconde comme le moteur d’une économie en développement.

Attirer les investisseurs

11 L’attrait des investisseurs dans les secteurs de l’économie et de l’immobilier est bien une préoccupation principale sous-jacente à la restructuration des quartiers centraux à Marseille et à Casablanca : de leur engagement dépend la réussite des grands projets publics.

12 Au début des années 2000, à Casablanca, le nouveau directeur de la Sonadac, ancien cadre supérieur au Ministère des finances, entend focaliser sa stratégie sur un renforcement de la communication auprès des investisseurs nationaux et internationaux. Il commande à une société d’études et d’ingénierie parisienne, Sato et Associés, une étude pour « la rénovation du centre et de la Corniche de Casablanca », devant aboutir à un « master plan »  [5], dont l’un des objectifs est d’inciter les investisseurs à s’engager dans l’opération. L’étude sera en effet présentée au MIPI (Marché international des professionnels de l’immobilier) en 2002 à Cannes et lors d’une journée porte ouverte à Casablanca afin d’ « inviter les investisseurs nationaux à réfléchir sur l’opportunité d’une participation et d’un partenariat avec des investissements étrangers ». Toutefois, cette communication se heurte aux réalités concrètes d’une opération de rénovation urbaine dont la mise en œuvre s’avère complexe d’un double point de vue politique et opérationnel.

13 Dès l’origine du projet, l’engagement d’investisseurs nationaux et internationaux est pensé comme décisif. L’équilibre financier de l’opération de rénovation urbaine couplée à une opération de relogement des habitants devait être principalement assuré par la réalisation d’un second projet, l’aménagement d’une Nouvelle Corniche, vierge d’habitat, le long du littoral, au-delà de la mosquée Hassan II jusqu’à la pointe El Hank [Cattedra, 2001]. Ce projet, conçu comme une opération à forte plus-value, prévoit l’aménagement puis la vente des terrains (notamment gagnés sur la mer) à des investisseurs en vue de réaliser une zone touristique, commerciale et d’habitat de haut standing, articulée au site de la grande mosquée. Sa réalisation se heurte, dans un premier temps, au retard que prend la dépollution de la baie, finalement achevée en 1995 [Haouès-Jouve, 1999]. Elle est confrontée aujourd’hui aux difficultés d’aménagement d’un site rocheux et soumis à la houle  [6] ainsi qu’à des blocages fonciers. La cohérence du projet, sa faisabilité et sa crédibilité impliquent surtout la résorption d’un bidonville situé à la pointe de la Nouvelle Corniche (El Hank). Or, cette opération de résorption qui, selon les chiffres officiels, impliquerait le déplacement de 750 ménages, est à peine engagée en 2006. Elle constitue elle-même une opération coûteuse qui s’avère d’autant plus sensible qu’elle intervient dans un contexte de contestation sociale du projet de relogement des habitants de l’Avenue Royale.

14 Le principal système de péréquation pensé en amont pour financer la percée et le relogement des habitants de l’Avenue Royale est donc caduc. Aussi, le projet s’enlise-t-il dans des difficultés financières tandis que les résistances des populations au déplacement, et en particulier des propriétaires, entravent l’avancée des travaux de démolition. Le fait est qu’aujourd’hui la réalisation des projets de l’Avenue Royale et de la Nouvelle Corniche, malgré leur « relookage » dans un « master plan » qui les intègre dans une vision plus globale de restructuration du centre-ville, manque de crédibilité. Leur portage par la Sonadac, remise en cause dans ses compétences, est de plus en plus perçu comme problématique. La presse nationale relaie largement les difficultés opérationnelles de la société d’aménagement et se fait l’écho de négociations entre le ministère de l’Intérieur (qui en a la tutelle) et la puissante Caisse des Dépôts et de Gestion (CDG) qui vise une prise de contrôle sur la jeune société.

15 Dans une « compétition autour de la centralité » [Cattedra, 2001, p. 324] dans laquelle se jouent des investissements nationaux, à travers par exemple l’édification très médiatisée des tours du « Casablanca Twin Center » au milieu des années 90 [Cattedra et Catusse, 2000], ou internationaux (émergence d’un nouveau quartier des affaires à la périphérie sud-ouest de Casablanca), la CDG, dirigée par un ancien cadre de la Sonadac, ambitionne la gestion de l’ensemble des grands projets concernant le littoral casablancais, par le biais de ses filiales : la CDG Développement pour l’Avenue Royale et la Nouvelle Corniche, et Al Manar. Cette filiale réalise depuis 2006 la maîtrise d’ouvrage d’un autre projet très emblématique de l’internationalisation de la ville, une marina face à la médina entre le port et la mosquée Hassan II. À travers ses orientations urbanistiques, la mobilisation d’opérateurs internationaux, la recherche d’innovations architecturales et le recours à des grands noms de l’architecture (Yves Lion, également présent à Marseille), à travers aussi l’implication d’investisseurs arabes, ce projet incarne parfaitement une « nouvelle génération de projets urbains » au Maghreb (Barthel, Sidi Boumedine)  [7]. Ces projets, en partie orientés vers un tourisme de luxe, présents dans plusieurs villes marocaines (Rabat, Tanger, Marrakech, Agadir), tablent sur des opportunités d’investissements internationaux [Barthel, 2006, p. 54], en particulier en provenance des pays du golfe  [8].

16 À Marseille, le projet Euroméditerranée a sans conteste un effet sur l’attraction des entrepreneurs et des investisseurs, nationaux et internationaux, à travers la création d’un nouveau quartier des affaires et la revalorisation de l’image de la ville. Les flux d’investissement, dans une « ivresse spéculative » [Peraldi et Sanson, 2006, p. 258], profitent par ailleurs de l’effondrement des prix de l’immobilier puis de leur remontée à partir de la fin des années quatre-vingt-dix. Ils profitent aussi des défiscalisations permises par un outil spécifique de la réhabilitation lorsqu’il est associé à une zone de protection du patrimoine, les périmètres de restauration immobilière (PRI), créés par la ville sur l’ensemble des quartiers centraux situés hors du périmètre Euroméditerranée (Belsunce, Noailles, Le Panier).

17 L’arrivée sur la scène marseillaise d’un fonds d’investissement, Lone Star, créé en 1992 et spécialisé dans le « rachat d’actifs immobiliers en déshérence »  [9], est particulièrement emblématique de l’inscription de la ville dans des flux internationaux d’investissements. Ce fonds rachète en 2004 à un industriel alsacien la société P2C Immobilier qui compte à son actif plus de 1 200 logements au sein du patrimoine hausmanien de la ville (rue de la République et ses environs).

18 Ce rachat est le dernier acte d’une série de transactions et de spéculations financières depuis la fin des années quatre-vingt [Dubois et Olive, 2004a]. À la différence des précédents propriétaires, que l’EPAEM s’est efforcé en vain d’impliquer dans une opération de réhabilitation [Oliver et Dubois, op. cit.], le fonds d’investissement fonde sa stratégie sur une rénovation lourde avec un retour rapide sur investissement (2004-2010), grâce à la revente d’immeubles réhabilités et vides d’habitants [Berry-Chikhaoui, Deboulet, sous presse]. Le directeur de Marseille République, l’émanation locale du fonds, évoque un faisceau de conditions favorables à son arrivée sur la scène marseillaise. D’origine varoise, il a toujours gardé un œil sur la rue de la République. La décision de P2C de revendre sa société immobilière marseillaise constitue une opportunité qu’il attendait activement. Simultanément, il noue des contacts avec la ville s’assurant de son engagement à réaliser les travaux de requalification de la rue (tramway, parking souterrain, triplement des trottoirs et plantation d’allées d’arbres) qui sécuriseront l’opération de réhabilitation. Il table sur le mouvement à la hausse des prix de l’immobilier, le « redécolage » économique de Marseille et l’arrivée de « cadres mutés à Euroméditerranée » alors que les logements en accession à la propriété sont insuffisants sur le marché local. Il mise aussi sur la « situation géographique exceptionnelle » d’une ville méridionale dotée d’un « aéroport international, d’une gare TGV et d’un bon maillage autoroutier ».

19 La requalification de la rue de la République s’inscrit donc dans une conjonction forte entre une visée de reconquête par la ville et des intérêts financiers privés, nationaux et internationaux. La « situation d’attente » dans laquelle la rue se trouvait jusque-là [Fournier et Mazella, 2004, p. 27], les « hésitations » et la « lenteur des procédures » mises en œuvre par les acteurs publics, sont aujourd’hui balayées par le volontarisme et les moyens colossaux de l’acteur global, aussi bien financiers que relationnels et sa capacité à mobiliser toutes sortes d’opérateurs extérieurs (juristes, économistes, urbanistes…). En 2006, les travaux de réhabilitation sont engagés et Marseille République entre dans une phase de marketing qui s’apparente à du marketing urbain. À travers une exposition « permanente », installée dans de somptueux locaux rénovés et inaugurée en présence du maire de Marseille, l’acteur privé met en scène la rue de la République, son histoire et sa « renaissance ». De grands panneaux mettent en perspective le percement de la rue à la fin du XIXe siècle, le chantier actuel (creusement du parking, construction de la ligne de tramway, réhabilitation) et une projection : immeubles réhabilités, larges allées plantées, tramway en circulation, enseignes commerciales et piétons flânant…

Normalisation spatiale et standards internationaux d’aménagement

20 À Casablanca comme à Marseille, le renforcement sur la scène internationale passe par une normalisation spatiale qui prend les atours de standards internationalisés de l’aménagement. Les projets de restructuration urbaine dans les deux villes accordent une place majeure à l’internationalisation du centre-ville et à son ouverture sur le littoral, à l’instar de grands projets qui ont pris une valeur d’exemplarité, dans de grandes villes européennes. Cela est bien montré pour Marseille. Des lieux d’interface avec l’international sont créés au sein du périmètre Euroméditerranée à travers le nouveau quartier des affaires situé en front de mer (la Joliette) et le réaménagement de la gare et de ses alentours (implantations hôtelières, école de l’internet…) tandis que la projection de promenades et d’équipements culturels ambitionne un renouveau de la vie urbaine et culturelle sur la façade littorale [Rodrigues-Malta, 2004].

21 À Casablanca, l’Avenue Royale, dont l’actuelle projection rappelle la mise en scène de la rue de la République dans la plaquette publicitaire de Marseille République, est conçue comme une artère structurante du centre et une vitrine internationale. À terme, elle devrait accueillir des éléments structurants de la centralité urbaine (théâtre, nouveau siège de la wilaya…) et offrir des lieux d’interface avec l’échelle internationale, dans les domaines économique (immobilier de bureau, réaménagement de la grande halle de la foire internationale…), du tourisme d’affaires et du tourisme culturel (palais des congrès, centre artisanal, office du tourisme, musée du patrimoine…). L’idée d’ouverture sur le littoral est aussi largement promue. Sato et Associés, à qui la Sonadac a confié au début des années 2000 la réalisation d’un « master plan », entend composer « l’image moderne du centre-ville ouvert sur l’océan » en s’appuyant sur son expérience beyroutine, développée à la fin des années quatre-vingt-dix dans l’aménagement de la « Grande Corniche » de la capitale libanaise  [10].

22 À Casablanca comme à Marseille, des tours emblématiques de la ville internationale sont d’ailleurs projetées dans ces espaces d’interface. À Marseille, l’armateur mondial CGA-CGM a commandé à l’architecte de renom Zaha Hadid une tour de 110 mètres, à l’architecture innovante, pour son siège social. À Casablanca, la pièce rapportée la plus frappante du « master plan » est sans doute l’Atlantique Gate, constituée de deux tours de 35 étages, « au débouché du boulevard Zerkouni sur la mer », conçues par un groupement d’architectes marocains. Ces tours de verre, que seules la hauteur et la majesté du minaret de la mosquée Hassan II rivalisent sur le littoral, rendent compte d’un style international et symbolisent l’internationalité de la ville : par leur monumentalité et leur hauteur, leur affectation (bureaux et hôtels) et leur fonction de seuil ouvrant sur l’océan.

23 La normalisation spatiale ou la mise à niveau de la ville par des standards internationaux s’accompagne aussi, dans les deux cas, d’une intervention sur le bâti ancien et de la production d’un habitat de haut standing en centre-ville. Néanmoins, les modalités d’intervention sur le bâti ancien différencient les deux projets, renvoyant à des histoires distinctes de la patrimonialisation dans les deux pays. C’est la réhabilitation qui est privilégiée à Marseille alors qu’à Casablanca le projet implique une rénovation urbaine lourde sur 1,5 kilomètres de long et 60 mètres de large.

24 Dans cette ville, la « modernisation » du centre justifie la destruction d’un habitat populaire édifié en dehors de toute planification urbaine à partir des années 1910, dans le contexte du protectorat (1912) et du développement du port [Cohen et Eleb, 1998]. « Cette microchirurgie urbanistique donnera au centre de la ville de Casablanca et aux abords de la Mosquée Hassan II, un visage plus digne d’une métropole économique, conformément au souhait de S. M. le roi Hassan II », souligne en 1995 le directeur de la Sonadac. Si jusque-là ce quartier n’avait pas été assimilé au clandestin et jouissait d’un statut particulier au regard de la gestion urbaine, au même titre que les médinas, il est présenté dans ce projet non seulement comme un habitat insalubre mais aussi « anarchique ». Cette représentation révèle une vision normative de la ville, la « belle » ville, la ville « moderne » étant la ville planifiée, projetée, réglementaire qui, sur des espaces fortement stratégiques ou le devenant, exclut la ville des pauvres généralement illégale, et se traduit par des destructions de grande ampleur.

25 Ainsi, comme dans d’autres grandes villes du sud, le principe d’ « éradication » est au cœur du projet à Casablanca et l’on peut s’étonner de voir des urbanistes ou architectes occidentaux y adhérer, d’autant que la rénovation urbaine implique ici un déplacement massif [11]. C’est donc là une différence majeure avec les interventions urbaines en quartiers anciens dans les pays européens où, dès les années soixante pour certains d’entre eux, la normalisation passe, comme à Marseille, par des actions combinées de réhabilitation, de restauration et ponctuellement de destruction. Au Maroc, le mouvement de patrimonialisation concerne surtout les médinas, à travers notamment leur classement au patrimoine mondial de l’humanité. Aucune valeur d’art ou d’histoire, y compris urbaine, n’est reconnue à la « médina extra-muros » de Casablanca, même si on lui accorde une similarité architecturale avec l’ « ancienne médina », promue comme « objet patrimonial » dans les années quatre-vingt [Cattedra, 2003].

Conflits de territoire et réactions citadines

26 Qu’il s’agisse de rénovation urbaine ou principalement de réhabilitation, le déplacement est dans les deux projets inhérent à la normalisation spatiale, selon des modalités et des raisons diverses qu’il serait trop long d’expliciter ici, et implique des relations conflictuelles avec les habitants.

27 Sur la question des réactions citadines, on pourrait penser, au regard des contextes et des cultures politiques, que la mise en perspective de terrains dans un pays du « nord » et un pays du « sud » en l’occurrence sans tradition démocratique resterait stérile. En effet, on le soulignera au fur et à mesure de l’analyse, les différences fondamentales dans l’expression et les modalités du conflit tiennent en partie à des différences de systèmes politiques et de construction du débat public. La mise en perspective entre le nord et le sud renvoie donc principalement ici à la comparaison entre la construction d’actions dans des systèmes politiques divergents.

28 Néanmoins, l’antagonisme nord-sud mérite d’être dépassé en situant les citadins comme des acteurs sociaux, dotés de compétences pratiques, cognitives et réactives, capables de mobiliser des ressources sociales, d’analyser et d’interpréter la situation dans laquelle ils sont engagés, de négocier, de construire une argumentation ou des justifications rendant compte de leurs points de vue, tout en restant « intelligibles » [Cefaï, 2002]. Il ne s’agit certes pas de faire du citadin un sujet souverain [Berry-Chikhaoui, Deboulet, 2000] mais de reconnaître sa capacité à s’engager dans des actions et à inscrire ces actions et leurs justifications [Boltanski et Thévenot, 1991] dans un système normatif de contraintes. Il s’agit notamment de reconnaître la capacité des habitants à évaluer « les risques de répression ou les chances de réception de leurs demandes dans des structures d’opportunité politique » [Cefaï, 2002, p. 78]. Du reste, tout projet n’est jamais définitivement établi, selon une stratégie clairement adoptée en amont, et mise en œuvre par un acteur unitaire. En revanche, il s’agit d’insister sur la dimension d’interactions dans la réalisation du projet, prépondérante dans les situations de conflits.

29 Parmi les contestations et les justifications des habitants face à des projets qu’ils perçoivent comme une intrusion dans leur vie résidentielle, certaines sont très proches renvoyant au droit à la ville, décliné en un droit à vivre au centre-ville. Aux qualifications spatiales de la restructuration urbaine en terme de « modernisation », de « renaissance », de « lutte contre l’habitat insalubre », de « qualité de vie » ou de « mixité sociale », selon que l’on est à Casablanca ou à Marseille, les habitants opposent des qualités inscrites dans leurs relations aux espaces de vie.

30 Dans les deux villes, les incertitudes et les inquiétudes que provoquent l’éviction ou le risque d’éviction tiennent à une peur du déracinement amplifiée par l’éventualité ou la certitude d’une installation en périphérie : la cité de relogement dans la périphérie de Casablanca ou les grands ensembles de logements sociaux situés au nord de Marseille (les « quartiers nord »). Dans cette ville, les habitants expliquent que les possibilités de logements sociaux dans un quartier central sont quasiment impossibles, tandis que la pression immobilière leur interdit de se reloger dans les mêmes conditions et les oblige à l’éloignement. C’est autour de cette question du déracinement ou de la rupture socio-spatiale que les habitants construisent, dans les deux villes, leur dénonciation et leur contestation de la restructuration urbaine, et pour certains s’engagent dans l’action, soulignant ainsi la disjonction entre conception des projets et vécu de la ville.

31 Cette peur du déracinement est soulignée par les habitants dans sa dimension à la fois symbolique et fonctionnelle dont rend bien compte, à Marseille, l’évocation des personnes âgées décrites comme les premières victimes de la réhabilitation et la métaphore de l’ « exil » pour qualifier un déplacement vers les « quartiers nord ». Le déplacement remet en cause l’urbanité des populations, fortement ancrées dans l’espace local, à travers les relations de voisinage ou de quartier, les pratiques liées aux commerces et services de proximité, les habitudes, les souvenirs, un attachement aux lieux et aux modes de vie. Mais c’est aussi à travers les avantages que procure un logement en centre-ville que le déplacement est perçu comme une « périphérisation » : proximité des équipements, des administrations, accès facile aux transports en commun. À Casablanca, les habitants soulignent en particulier l’extrême imbrication entre les lieux d’habitat et de travail. Leur inquiétude face à un déplacement contraint en périphérie est amplifiée par la crainte de perdre leur travail, y compris quand il s’agit d’un travail précaire, irrégulier et faiblement rémunéré, ou de ne pouvoir supporter le coût économique induit par la dissociation entre lieux d’habitat et de travail.

32 Cette proximité de justification se traduit néanmoins par des attitudes différenciées face aux projets. On insistera ici sur les différences de revendications et d’engagement dans l’action à Marseille et à Casablanca, tenant principalement aux cadres politiques. Au Maroc, malgré l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement de l’alternance en 1998 et l’ouverture démocratique, et simultanément l’affirmation d’une volonté de rupture avec des pratiques autoritaires et technocratiques en particulier dans les projets urbains [Navez-Bouchanine, Berry-Chikhaoui 2005], les marges d’action des habitants demeurent restreintes. Leur engagement reste cloisonné à un mode principal : la négociation individuelle ou familiale qui se joue quasiment dans un huis clos avec la Sonadac tandis qu’à Marseille émerge une « arène publique » [Cefaï, 2002] sur des « scènes » multiples.

33 La première différence fondamentale entre Casablanca et Marseille porte sur l’objet même de la revendication. À Casablanca, les habitants ne posent pas publiquement la question du maintien dans le quartier. Situant avec justesse le projet comme une émanation royale ou du pouvoir politique ( « makhzen »), ils « font avec » [Certeau, 1990] l’obligation de partir et la destruction de leur quartier. Dans ce contexte, ils déplacent leurs revendications sur les conditions de relogement qu’ils contestent de façon à faire valoir leur propre point de vue et à poser sur la table des négociations la définition d’un relogement « juste » et « légitime » tout en restant, pour la plupart des personnes enquêtées, dans le cadre de contrainte fixé par la Sonadac, celui d’un relogement dans la cité de recasement. Les revendications portent principalement sur le nombre de logements octroyés, leur taille, leur localisation dans la cité et, pour les propriétaires et les zinataires  [12], sur le montant des indemnités et l’octroi d’un local commercial. Le maintien dans le logement n’est pas ici une fin mais un moyen de compter dans la négociation, car il permet de bloquer l’avancement de la démolition. À Marseille, en revanche, les résistances portent sur le maintien dans le logement ou dans le quartier mais dans des conditions similaires de logement, prônant une réhabilitation avec les habitants.

34 Une autre différence concerne les modalités d’engagement dans l’action et les espaces en jeu. À Marseille, le conflit autour de la réhabilitation prend une dimension véritablement publique au fur et à mesure que s’en saisissent des acteurs appartenant à différentes « scènes », de la vie ordinaire et quotidienne et des lieux familiers, du monde associatif, judiciaire, des médias locaux et nationaux, du monde politique et des techniciens. Ces « scènes » s’inscrivent à des échelles différentes, celle de l’immeuble, du quartier, du centre-ville d’une part, de la ville et la nation d’autre part, notamment à travers les médias nationaux et l’implication de l’État par le biais du préfet de région. La dimension publique de la contestation se construit à travers une densification des connections entre les différentes scènes. Dans cette densification, l’association Un Centre ville pour Tous, créée au début des années 2000 pour défendre les intérêts des locataires menacés d’éviction à Belsunce et Noailles, joue un rôle fondamental. En 2004, un petit collectif d’habitants s’est constitué rue de la République, suite aux premiers non-renouvellements de baux par le nouveau propriétaire. Il a su trouver un appui technique, organisationnel et juridique dans l’association Un Centre Ville pour Tous. Les premières actions conjointes avaient pour objectif l’interprétation de la situation et l’établissement du lien entre les non-renouvellements de baux. De 2004 à 2006, le mouvement s’est renforcé en conférant au problème des évictions une dimension publique, à travers l’implication de la presse locale et nationale, écrite et audiovisuelle, le recours à la justice et des procès gagnés contre Marseille République, la mise en œuvre d’une coordination entre associations et collectifs (dont les CIQ), l’interpellation des acteurs politiques (municipaux, conseil général et conseil régional). Au niveau de la préfecture, un comité de pilotage est constitué sous la pression de la contestation, avec une exigence de clarification sur la question du relogement des habitants et sur l’engagement du fonds d’investissement à respecter l’accord relatif à la cession d’immeubles à des bailleurs sociaux, signé entre Euroméditerranée et le précédent propriétaire. Simultanément, les actions se poursuivent avec pour scène la rue : distribution de tracts, banderoles aux balcons et placardages d’affichettes contestataires, porte à porte, discussion sur les paliers, en bas des immeubles, chez les commerçants… ou encore manifestations publiques.

35 À Casablanca, les actions des habitants se déploient dans un cadre très contraint politiquement. Leurs mécontentements ne sont pas relayés publiquement par des acteurs voulant jouer un rôle de caisse de résonance ou en capacité de le faire. Quelques habitants ont créé une amicale de quartier qui a connu une certaine adhésion. Mais cette amicale n’a aucunement donné lieu à un mouvement collectif : son président a inscrit son action dans une relation d’intermédiation [Navez-Bouchanine et Hayot, 1997] entre les habitants et la Sonadac, avec une visée stratégique, celle de faire valoir son propre intérêt dans le relogement. Il a d’ailleurs été assez rapidement relogé, bénéficiant de plusieurs « avantages », et signant la fin de l’amicale. Les élus n’ont pas joué non plus de rôle majeur dans la transmission des revendications. Ils sont décrits par les habitants comme peu impliqués dans leur défense et œuvrant pour leurs propres intérêts. La presse est également peu présente et accorde davantage de place au projet, à travers des revues spécialisées, ou aux difficultés opérationnelles de la Sonadac qu’aux effets d’éviction des populations.

36 Les habitants les plus engagés dans la résistance ont évalué leur marge de manœuvre en testant les autorités à travers l’organisation d’une manifestation publique sur le site du projet. La réaction vive et immédiate des autorités, par l’emprisonnement des leaders, a définitivement inscrit les habitants dans des actions individuelles ou familiales, parfois en petits groupes, dont la forme principale est la négociation avec l’opérateur, à travers des visites répétées auprès des agents du relogement et des indemnisations, et dans le cadre d’une commission des litiges.

37 Quelques habitants, propriétaires et commerçants, envisagent la possibilité de recourir à la justice si leurs revendications ne sont pas satisfaites, en particulier celles liées au montant des indemnisations. Ils jugent celles-ci dérisoires au regard de leurs intérêts économiques dans le quartier (revenus locatifs, activités économiques), de sa centralité et de son devenir, et fondent leur réévaluation sur la base d’expertises immobilières qu’ils ont fait réaliser dans un secteur voisin. Mais aucun procès n’a été engagé, à la différence de ce qui se passe à Marseille, où la justice participe à la définition d’un contre-pouvoir.

38 Dans la mobilisation, la recherche d’informations par les habitants est une activité permanente à Casablanca comme à Marseille. C’est en effet une grande opacité et confusion qui entourent les projets et leur mise en œuvre et cela, malgré un arsenal législatif en France relatif à la concertation qui pourrait sembler favorable à la circulation des informations à Marseille. Dans ce contexte d’opacité voire de désinformation, de rumeurs qui circulent, les revendications et les actions des habitants s’inscrivent dans des temporalités entre autres déterminées par la recherche et l’obtention d’informations. À Casablanca, celles-ci sont délivrées en situation de huis clos par l’administration mais circulent partiellement par le biais des réseaux sociaux (voisinage, quartier, aller-retour entre la médina extra-muros et la cité de recasement) sur les procédures et les possibilités de revendication. En revanche, à Marseille, la circulation des informations par le biais associatif et des médias constitue un moyen majeur dans l’organisation d’une résistance collective rue de la République. Les associations peuvent assurer une veille sur les événements à partir des réseaux de relations qu’elles ont construits et en tant qu’interlocutrices actives des différents acteurs de la restructuration urbaine, techniques et politiques, et faire ainsi « redescendre » des informations.

Conclusion

39 À Marseille comme à Casablanca, la restructuration urbaine à l’œuvre révèle et induit des conflits de territoire. Ces conflits traduisent une disjonction entre conception et vécu de la ville. La conception est réalisée dans une autre sphère que celui du vécu quotidien, celle de la « ville internationale », niant la multiplicité des rapports que les habitants ont construit avec les lieux de résidence, ou autrement dit occultant leur urbanité.

40 On le voit bien, dans les deux villes, à partir d’une perception proche du déplacement, des actions s’engagent selon des modalités différenciées. À Casablanca, le mouvement collectif est réprimé, tandis que son émergence est possible à Marseille où il s’inscrit dans une tradition de démocratie qui permet la traduction d’un problème identifié et porté par plusieurs acteurs en question publique. Dans ce sens, la mobilisation tient en grande partie à Marseille à l’engagement local d’une association, déjà très active pour la défense du droit des habitants à demeurer dans le centre-ville. Les attentes des habitants en terme de participation ou de concertation constituent sans doute aussi un terreau à l’émergence d’un mouvement collectif, tout comme, rue de la République, la conscience de résister à un acteur global qui légitime l’action et situe le combat à un niveau d’intérêt général. Ce n’est pas le cas au Maroc où l’idée de concertation ou de participation émerge difficilement au tournant du XXe siècle comme une modalité envisageable de renouvellement des projets d’aménagement.

41 Néanmoins, face à la crainte du déplacement tous les habitants ne réagissent pas également, y compris dans le contexte français où les marges de manœuvre collective sont plus grandes. Si certains s’inscrivent dans la résistance ou tentent de faire valoir leurs intérêts, d’autres acceptent, plus ou moins vite, le relogement. On observe aussi à Marseille comme à Casablanca l’existence de voix citadines qui ne s’exprime pas publiquement et, dans les deux villes, une usure des résistances, qu’elles prennent une forme individuelle ou collective, face à la détermination des acteurs de la restructuration urbaine.

42 En croisant les regards, il ne s’agit donc pas de nier les différences entre les deux zones d’étude, liées aux contextes sociétaux, mais de « dénaturaliser » des catégories spatiales, le « nord » et le « sud » qui enferment les analyses dans un particularisme ne permettant pas toujours d’interroger les terrains à partir de questionnements communs.

Notes

  • [*]
    UMR 5045 Mutations des Territoires en Europe, Université Montpellier III – berry-chikhaoui. isabelle@neuf.fr.
  • [1]
    Cet article s’appuie en partie sur de précédentes publications réalisées distinctement sur Casablanca et sur Marseille. Le terrain marseillais est réalisé avec Agnès Deboulet avec laquelle a été co-signé un article à paraître en 2007. Une centaine d’entretiens ont été principalement conduits dans cette ville depuis 2002 auprès d’acteurs institutionnels, associatifs et d’habitants ainsi qu’un suivi des mobilisations (lors notamment de réunions publiques). L’enquête, réalisée à Casablanca en juillet 2002 et 2003, compte une cinquantaine d’entretiens auprès d’acteurs institutionnels et d’habitants.
  • [2]
    L’édition de deux plaquettes à moins de deux années d’intervalle s’explique par un changement de direction de la Sonadac et par la volonté de la nouvelle direction d’afficher une conception renouvelée du projet de l’Avenue Royale et une « stratégie opérationnelle » face aux difficultés d’avancement de la percée.
  • [3]
    Sur la politique d’ouverture à l’international du Maroc, voir J. Bouoiyour, Partenariat Euro-marocain et dynamique des investissements directs étrangers, 2005, communication en ligne.
  • [4]
    « Il y a donc une exigence, pour le Grand Casablanca, de passer “à la vitesse supérieure” pour améliorer un positionnement sur la scène internationale et pour mériter le statut de grande métropole et de locomotive économique et culturelle du Maroc » [Royaume du Maroc, Ministère de l’intérieur, Agence urbaine de Casablanca, 2006, p. 253].
  • [5]
    Ce « master plan » est présenté dans une livraison de la revue Architecture du Maroc [2003].
  • [6]
    M. Saïdi, L’avenue royale, un projet urbain intégré, texte inédit.
  • [7]
    Communications de P.-A. Barthel et de R. Sidi Boumedine au séminaire « Territoires et politique », les 20 et 21 octobre 2007 à l’université Montpellier III, dans le cadre du programme de recherche coordonné par Pierre Signoles et financé par le FSP (ministère des affaires étrangères) « Faire la ville en périphérie (s). Territoires et territorialités dans les grandes villes du Maghreb ».
  • [8]
    J. Bouoiyour situe le Maroc comme l’une des destinations privilégiées des IDE parmi les pays d’Afrique du Nord et du Moyen Orient durant les deux dernières décennies. Il note une progression significative des investissements européens, liée avant tout au mouvement de privatisation des sociétés nationales. Il n’en reste pas moins que les investissements en provenance des payes arabes ont doublé entre 2000 et 2004, en particulier à travers l’intérêt que portent des investisseurs émirati aux grands projets urbains. Ainsi le premier groupe immobilier émirati, Emaar, est de plus en plus présent au Maghreb. On le retrouve dans de nombreux projets d’aménagement en Algérie, en Tunisie, au Maroc… dans les pays du golfe mais aussi en Inde ou au Pakistan (H. Ameyar, Liberté, 16 juillet 2006). Un autre groupe émirati, « Dubaï Holding », est impliqué dans le projet de la Marina de Casablanca ou encore dans l’aménagement du Bouregreg à Rabat (voir articles de presse du journal marocain L’économiste).
  • [9]
    Entretien en janvier 2006 avec le directeur de Marseille République, émanation du fonds à Marseille.
  • [10]
    Le groupe Bouygues qui en a assuré la maîtrise d’ouvrage a également réalisé la construction de la grande mosquée Hassan II à Casablanca.
  • [11]
    François Chaslin, critique d’architecture, se serait exclamé devant le quartier Sid Soufi : « c’est du gâteau », en guise de réponse à la question de la journaliste Selma Zerhouni « comment une métropole géante peut-elle se reconvertir en capitale digne de ce nom ? » [Architecture du Maroc, 2003, p. 42].
  • [12]
    Du « droit » de zina, qui est un droit coutumier d’usage du foncier.
Français

La pertinence de la notion de « sud » en opposition au « nord » est partiellement remise en cause par le renforcement de la mondialisation. Les villes sont soumises à une concurrence accrue à l’échelle internationale. L’enjeu pour elles est de se parer des atouts permettant d’attirer les flux d’investissements notamment internationaux. Cet enjeu oriente les politiques urbaines et s’illustre dans la conception et les modalités de la restructuration urbaine des quartiers centraux. Nous nous posons la question de savoir en quoi le contexte mondial et, plus précisément, les grands projets visant au renforcement économique des villes posent de nouvelles contraintes aux habitants et comment ceux-ci s’engagent dans des actions contestataires. Les terrains étudiés appartiennent au « sud » et au « nord », Casablanca et Marseille, de manière à d’abord interroger les convergences.

Mots-clés

  • « sud »
  • « nord »
  • mondialisation
  • internationalisation
  • restructuration urbaine
  • déplacement
  • réactions
  • contestations
  • justifications
  • urbanité
  • centralité
  • Casablanca
  • Marseille

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Isabelle Berry-Chikhaoui [*]
  • [*]
    UMR 5045 Mutations des Territoires en Europe, Université Montpellier III – berry-chikhaoui. isabelle@neuf.fr.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/03/2010
https://doi.org/10.3917/autr.041.0149
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