CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Henri Desbois et Olivier Lazzarotti (HD/OL) : Écrire, comme vous le dites dans votre roman La Carte des Mendelssohn (p. 190), est-ce toujours inventer des lieux, des « lieux romanesques » en l’occurrence ? Toujours produire des espaces habités ? Écrire, est-ce produire des lieux, même si ces lieux sont métaphoriques ? Par cela, tout écrivain n’est-il pas nécessairement géographe ?

2Diane Meur (DM) : Tout comme il est impossible de raconter une histoire sans référence au temps, il me paraît impossible de le faire sans référence à l’espace. Mais c’est peut-être quelque chose qui m’est propre, ou qui ne s’appliquerait pas à toute démarche d’écriture. Je me garderai donc d’ériger mon expérience en règle universelle.

3Le fait est que mon imaginaire est très spatial et même géographique, je le constate dans mes rêves. En relisant ceux-ci pour les faire publier en anglais [2], j’ai été frappée de voir le nombre de fois où ils s’ouvrent sur une mention géographique précise, quoique parfois erronée. Quelques exemples : « Je suis à Bruxelles et je pars faire du jogging, du côté de la rue Vanderkindere et de l’avenue Bel-Air » (7 août 2008) ; « Je dois aller à Villeneuve-Saint-Georges, qui est une ancienne ville impériale avec des palais, des domaines entourés de murs, etc. ; un peu ce que Potsdam est à Berlin, y compris géographiquement. Au sud-ouest, donc » (31 décembre 2009) ; « Je suis à Montréal et je découvre avec beaucoup de plaisir qu’il y a un front de mer avec des marchands de glaces, une promenade en bois au soleil » (2 avril 2010) ; « Je me trouve à Ventspils, qui fait encore partie de l’Union soviétique et où l’on parle russe, avec des soldats de l’Armée rouge, etc. La ville est d’ailleurs traversée par le Rideau de fer, il y a un Ventspils-Est et un Ventspils-Ouest » (12 mai 2010) ; « Un quartier avec de longues rues, des domaines bordés de grilles, des ponts. J’ai le sentiment géographique que c’est dans le coin d’un quadrilatère dont deux bords sont le boulevard Raspail et le boulevard Montparnasse, même si ça n’y ressemble pas du tout » (4 novembre 2010).

4On dirait bien que même en rêve, je me trouve toujours quelque part sur la carte, et que je ne suis pas capable d’imaginer sans la conscience d’être, physiquement, en un endroit particulier. Et cette présence aux lieux presque physique doit probablement marquer aussi ma fiction. Même dans ceux de mes romans qui campent une géographie complètement inventée, comme Les Villes de la plaine, les lieux n’ont rien de métaphorique ni d’abstrait, et plus généralement ils ne sont pas pour moi un « cadre », une « toile de fond » : c’est une spatialité que je vois vraiment en trois dimensions, que je peux parcourir, etc. Ou, plus exactement, qui se développe, se prolonge, s’enrichit de détails à mesure que je la parcours.

5HD/OL : Revenons-en à La Carte des Mendelssohn. Valoriser la carte, y compris dans un usage inhabituel, est-ce considérer que l’espace est un bon moyen pour entrer dans une histoire et la dérouler ?

6DM : Paradoxalement, l’importance prise par la carte dans ce roman est venue d’un déficit initial de géographie, de lieu cernable et tangible. Car le risque, en racontant l’histoire de toute la descendance Mendelssohn, c’était de ne l’envisager que sous l’aspect temporel : il arrive ceci puis cela à tel personnage, qui a ensuite tels et tels enfants, lesquels croisent le cours de la grande Histoire en telle et telle occasion… Un récit très désincarné. Ma « carte » (dont l’élaboration a précédé l’écriture du texte) était avant tout un moyen d’incarner les personnages, de me les représenter en tant que corps – matérialisés par les diverses étiquettes – et de leur donner place dans un certain espace, à savoir ce grand objet plan que je déployais chaque matin sur la table du salon.

7Je pense que l’écriture n’aurait pas été possible sans la carte. J’aurais abandonné le projet, tout simplement. Parce que, sans la carte, il était impossible d’écrire un roman à ce propos : ce serait devenu une série de biographies, ou une longue étude sur l’histoire d’une famille et, par contrecoup, sur toute l’histoire de l’Europe entre le xviiie et le xxe siècles. Mais je n’aurais pas réussi à susciter cet espace que je partage avec mes personnages et sans lequel, pour moi, il n’y a pas de roman.

8HD/OL : Comment envisagez-vous les liens entre la carte et l’écriture ? Écrire, est-ce doubler par un texte ce qui a été représenté par la carte ? Y a-t-il des phénomènes qui ne sont formalisables que par la carte ? Que par les mots écrits ? Vous proposez une carte consultable par Internet : la considérez-vous comme partie intégrale du texte ou comme simple illustration ?

9DM : L’écriture ne vient pas doubler ce qui est représenté sur la carte. L’évocation dans le texte la fabrication de la carte (chapitre 14) amène plutôt le lecteur à faire le même parcours que moi, à toucher du doigt mes problèmes de formalisation et de géométrisation, à éprouver la sensation d’écrasement et de noyade que j’avais éprouvée en explorant l’étendue de cette immense descendance. Or ce processus n’aurait pas pu être déclenché par la simple reproduction de la carte dans le livre – outre le fait qu’elle était matériellement impossible, l’objet original mesurant environ un mètre sur deux, avec des étiquettes déjà imprimées en corps 10, ce qui interdisait de réduire encore l’échelle.

10Et puis, j’ai écrit tout le livre dans l’idée que la carte en resterait absente, de même que resterait absente toute illustration. C’est justement par l’ekphrasis, c’est-à-dire la description dans le texte d’objets ou d’œuvres absents du texte, que je pouvais directement solliciter l’imagination du lecteur, lui donner le sentiment, à son tour, de se mouvoir au sein d’un espace, et ainsi l’embarquer avec moi dans mon périple. Je ne suis pas sûre qu’en ayant réellement la carte sous les yeux, le lecteur y aurait lui aussi perçu une image du monde (en forme de planisphère) et vécu son expérience de lecture comme une navigation au long cours – ce qui est le cas grâce à cette vaste ekphrasis : à la fin du roman, l’image du monde et la représentation graphique de la famille se sont si bien superposées que le dernier chapitre peut s’intituler « Le passage du Nord-Ouest » sans provoquer l’étonnement.

11La décision de rendre la carte accessible sur Internet est venue dans un second temps, et je considère sa consultation en ligne comme une démarche tout à fait distincte de la lecture du livre, et tout à fait facultative, d’ailleurs. Le livre est censé se suffire à lui-même. Mais l’élaboration de la photo numérique de la carte – dix bonnes heures de travail – avait été une telle prouesse technique, une telle épreuve, presque, comme l’avaient été avant elle la fabrication de la carte puis l’écriture du livre, que je voulais absolument la publier en tant que document parallèle.

12La carte numérisée est très utile aux lecteurs que le sujet intéresse, car elle fournit bien plus d’informations que le roman, délibérément lacunaire. Elle peut aussi être utile à ceux qui font autre chose que lire le texte : mon traducteur suédois a été amené à s’y reporter fréquemment pour des raisons linguistiques, car en suédois, « petit-fils » par exemple ne se dit pas de la même façon selon qu’on veut parler du fils de la fille d’Untel, ou du fils de son fils – vous imaginez la difficulté, pour traduire un roman de cinq cents pages évoquant en permanence des liens de parenté. Chaque langue ne « cartographie » pas le monde réel exactement de la même façon que les autres, et c’est pourquoi j’ai reproduit ma correspondance avec ce traducteur dans un petit livre sur la traduction et l’écriture, Entre les rives, où il est beaucoup question de frontières, de territoires, et de cette cartographie du monde qu’opèrent les langues naturelles [3].

13HD/OL : À travers le livre, nous avons eu l’impression d’assister au combat de l’écrivain, dans son face-à-face avec un réel, pour l’œuvre. En cela, on peut y lire un singulier parallèle avec le travail des sciences sociales. Mais en même temps, il y a de fortes différences, en particulier sur le rendu de ce qui s’est passé et a eu lieu. Où placeriez-vous ces différences et comment distinguent-elles ce qui vous semble relever de la littérature et des sciences sociales ?

14DM : Je suis toujours un peu surprise quand on suggère que La Carte des Mendelssohn serait en partie un travail de sciences sociales, voire un modèle pour une recherche en sciences sociales. C’est évidemment faux. S’il y a eu recherche en amont du livre, voire surabondance de recherches, l’exploitation de leurs résultats est bien peu scientifique. L’intention de départ est des plus floues – explorer la descendance d’un philosophe allemand des Lumières : pourquoi ? pour montrer quoi ? la question n’est jamais posée –, le projet se modifie en cours de route sans autre forme de procès, et le cheminement narratif obéit avant tout à des lois artistiques et esthétiques, quand ce ne sont pas celles de la pure et simple subjectivité (ainsi la place disproportionnée occupée par Margarethe Longard, religieuse ursuline qui se trouve avoir passé l’essentiel de sa vie dans mon pays natal, au détriment d’autres descendants dont je ne dis rien et qui méritaient sans doute tout autant d’attention). Contrairement au chercheur en sciences sociales, l’auteur d’un roman peut faire absolument ce qu’il veut.

15Si une certaine rigueur scientifique a joué, c’est à un autre niveau : l’utilisation scrupuleuse des sources – car le roman est truffé de citations signalées comme telles et renvoyant à des notes en fin d’ouvrage avec référence bibliographique, numéro de page, etc. En effet, malgré la liberté dont je jouissais en tant que romancière, je ne voulais pas « trafiquer » le passé, mettre des propos inventés dans la bouche de figures historiques réelles. Même les dialogues, à part dans les quelques passages fantastiques où, pour le lecteur, il doit être clair qu’on est dans la pure fiction, sont des montages d’extraits de correspondances ou d’autres ouvrages publiés. Pourquoi m’être imposé ces contraintes ? Peut-être parce que j’ai eu une formation universitaire et que mes activités de traductrice continuent de me rattacher à la philologie. Or un chercheur ou un philologue respecte le matériau historique, ne fait pas dire n’importe quoi aux sources, aux témoins. Pour moi, c’était une question de probité, particulièrement importante à une époque où prévaut l’idée que tout n’est que récit, que le monde se réduit à une construction langagière, mettant donc sur un même plan information et storytelling, voire « faits alternatifs ».

16D’où un travail minutieux sur la formulation : dans le détail du texte, je m’efforçais de ne pas en dire plus que je ne savais avec certitude, et d’être transparente sur le statut de ce qui était avancé – fait avéré, hypothèse, version des événements douteuse, mais entrée telle quelle dans la tradition. Sans pour autant perdre le lecteur par trop de restrictions et d’incidentes, car je voulais rester aussi fluide que possible. Je me souviens ainsi du mal que m’a donné le bref passage sur l’inauguration de la « Maison de l’art allemand » par Heydrich à Prague en 1941 (p. 436-437). Je voulais à la fois citer l’extraordinaire roman Mendelssohn est sur le toit de Jiri Weil, tout en y départageant sans lourdeur la fantaisie romanesque de la vérité historique, laquelle n’était d’ailleurs pas si simple à cerner.

17S’il subsiste des erreurs ou des approximations historiques, elles sont généralement involontaires. Je dis « généralement », car je me suis autorisé un certain nombre d’anachronismes dans la terminologie et dans le ton d’ensemble. D’abord parce que je les trouvais drôles (une justification qui, à elle seule, résumerait la différence entre littérature et sciences sociales !), mais aussi, plus sérieusement, pour que le lecteur n’oublie jamais qu’il a affaire à un récit subjectif, narré par une autrice née à telle date, qui a accompli ses recherches à telle autre date, et est en train de se promener dans le passé, sans y appartenir. Voilà qui distingue très nettement La Carte des Mendelssohn d’un roman historique, où, au contraire, on évite avec soin tout ce qui viendrait rompre l’illusion temporelle, la « couleur historique locale ».

18HD/OL : Écrire, est-ce mettre en mots sa propre place ? Et reconnaître la fin, est-ce reconnaître ce que l’on n’attendait pas ? Du coup, écrire, est-ce faire un chemin, son chemin ?

19DM : Oui, pour moi il est clair que l’écriture de chaque roman me modifie et me « fait bouger ». Dans La Carte des Mendelssohn, on me voit parcourir un énorme chemin mental sur plusieurs centaines de pages, chemin qui m’amène d’ailleurs à un point (le lac de Schwielow, dans les environs de Potsdam) assez peu éloigné, finalement, de mon point de départ (la ville de Dessau). Cela dit, il faut se garder d’une lecture trop crédule et, encore une fois, ne pas prendre pour une démonstration ou un témoignage ce qui est une autofiction. Ce n’est pas pour rien qu’il est écrit « roman » sur la couverture. Bien sûr que je suis allée à Schwielow en juin 2012, et que j’ai écrit un poème à ce propos dans les jours suivants. Mais la décision d’en parler tout à la fin de La Carte des Mendelssohn relève de la construction romanesque. En toute rigueur, j’aurais dû en parler au début, puisque l’idée de clore le livre sur ce poème m’est venue avant que j’aie écrit l’incipit du premier chapitre, avant même que je sache réellement où me « mènerait » le roman. Cependant le livre aurait été encore plus touffu, digressif et capricant qu’il n’est déjà, bref incompréhensible, si j’avais transcrit mon cheminement dans l’ordre strict où je l’avais vécu. Il fallait élaguer, remettre les choses dans l’ordre, ou du moins orchestrer avec soin le désordre, garder pour moi des pans entiers de ma recherche qui ne trouvaient pas leur place, artistiquement, dans l’édifice d’ensemble… Reste que la sérendipité a joué un grand rôle dans l’élaboration de ce livre. Mais, dans le livre même, cette sérendipité n’est que mimée, mise en scène après coup.

20Je pense à autre chose. Si j’éprouve si souvent le besoin de « mettre en mots ma propre place » dans ce roman, de me sentir « quelque part », d’insister sur « le lieu où je suis », c’est aussi parce qu’il est né d’une certaine ivresse du numérique et du virtuel que j’éprouvais alors, tout en en ressentant déjà les dangers. C’est un roman qui n’aurait pas pu être écrit ni même conçu sans les outils numériques, sans le recours à Internet. Les passages sont donc nombreux où j’évoque mes « sauts » de lien en lien, mes séances de navigation sans boussole sur un océan d’informations en apparence infini, mon sentiment d’être partout à la fois dans l’espace et même dans le temps. Vertigineux ! Mais aussi source de désorientation, de déréalisation et de mystification, car en surfant sur Internet nous ne sommes pas « partout à la fois ». Nous sommes assis derrière notre écran, le cul sur une chaise, et notre navigation éthérée dans un prétendu non-espace dépend de l’existence de lieux bien réels, et parfois peu riants : des mines de métaux rares, des data centers, des usines thermoélectriques… J’ai prolongé cette réflexion, sur un mode plus critique, dans mon dernier roman Sous le ciel des hommes (2020), qui marque en quelque sorte un retour (salutaire) aux lieux et à leur matérialité.

21HD : Dans Sous le ciel des hommes justement, vous situez votre roman dans un petit État européen imaginaire, le Grand-Duché d’Éponne, plus ou moins un paradis fiscal. Comment, selon vous, l’écriture peut-elle « jongler » avec les échelles, du lieu au monde en passant par l’Europe ?

22DM : L’écriture, et en particulier l’écriture romanesque, a une remarquable plasticité pour ces changements d’échelle : dans la même phrase, elle peut presque insensiblement passer du très grand au très petit, comme elle peut jongler entre faits passés, présents et futurs, entre modes réel, irréel, potentiel, optatif… Il n’était donc pas si difficile de faire ressortir des thématiques globales à l’intérieur d’un espace aussi resserré que le grand-duché d’Éponne. C’était même, de ma part, un choix délibéré : dans ce petit théâtre au décor assez anachronique et pittoresque, mais qui est aussi, économiquement, une plaque tournante, un lieu de décisions ayant des incidences sur l’existence matérielle de millions d’êtres humains, montrer, par la rencontre de quelques personnages, comment ces interdépendances planétaires s’incarnent dans des destins individuels et se jouent parfois sous nos yeux, même si nous préférons le plus souvent détourner le regard.

23Les particularismes locaux, ici, sont un peu un leurre. J’ai mis l’accent, surtout au début, sur le caractère fictif de ce cadre, pour décourager toute lecture à clé (qui aurait cherché l’allusion à telle crise récente, telle institution, telle figure politique réelle…) et faire mieux apparaître l’universalité des situations et conditions décrites. Assez vite, en effet, le lecteur se rend compte que c’est bien de son monde qu’il s’agit, quoiqu’il n’ait jamais mis les pieds, et pour cause, dans le grand-duché d’Éponne.

24Si ce micro-État imaginaire est néanmoins clairement situé en Europe, en Europe centrale pour être plus précise, c’est parce que je voulais aussi aborder le rapport des Européens à leur passé et notamment à leurs propres migrations, qu’ils semblent avoir un peu vite oubliées. Quand on emploie aujourd’hui le mot « migrant », cela sous-entend presque toujours « non européen », comme si les Européens eux-mêmes n’avaient jamais migré d’un pays européen à l’autre, ou de l’Europe vers d’autres continents.

25HD/OL : Écrit-on comme on habite ? À plusieurs reprises, Alain Mabanckou parle d’écrivains de la mobilité. Or, dans Les Vivants et les Ombres, l’histoire est racontée du point de vue d’une maison. Ce serait donc que l’on peut, aussi, écrire du point de vue d’une géographie immobile ? Écrit-on, finalement, aussi comme on habite ?

26DM : Je ne suis pas tout à fait d’accord avec cette présentation : Les Vivants et les Ombres n’est pas seulement raconté « du point de vue » d’une maison, mais par une maison, dotée d’un psychisme, d’une mémoire vivante, et d’affects à l’égard de ses habitants humains – curiosité, empathie ou jalousie, ce qui peut la rendre un peu manipulatrice parfois. C’est certes une voix prisonnière d’un corps de pierre, mais qui saisit toutes les occasions de s’en échapper. Par le biais des personnages qui partent au loin ou en reviennent, des langues et toponymes qui se succèdent, des frontières qui se modifient, on ne cesse de se déplacer, d’être en prise avec toute l’histoire du xixe siècle, avec un espace narratif allant de la France napoléonienne jusqu’à l’Empire ottoman et aux États-Unis, où émigrent certains protagonistes.

27En fait d’immobilité, tout le roman s’emploie à montrer à quel point le monde humain est mouvant, mobile, métissé, et à quel point la notion d’enracinement y est sujette à caution. Il me revient en tête une anecdote bien connue : « Je suis né dans la monarchie austro-hongroise, j’ai passé mon enfance et ma jeunesse en Tchécoslovaquie, j’ai fondé une famille en Hongrie, et depuis quelque temps je vis en Union soviétique. – On peut dire que vous avez pas mal voyagé. – Moi ? Je n’ai jamais quitté mon village. » En ce sens, oui, la maison est immobile… et encore, puisqu’elle réussit finalement à s’arracher.

28Est-ce que j’écris comme j’habite ? Peut-être, à condition de préciser que j’habite le monde et non pas seulement, cela va de soi, un immeuble et un quartier. Au fond, voilà peut-être le message très général que, d’un livre à l’autre, j’aimerais faire passer au lecteur : qu’il voie lui aussi le monde comme un grand espace habité en commun, et qu’il ait avec cet espace le rapport de douceur, de respect, de connaissance intime, qu’on devrait avoir avec un lieu d’habitation.

Notes

  • [1]
    D. Meur, La Carte des Mendelssohn, Paris, Sabine Wespieser Éditeur, 2015, 496 p.
  • [2]
    D. Meur, In Dreams, trad. Teresa L. Fagan, Calcutta, Seagull Books, 2012, 73 p.
  • [3]
    Entre les rives. Traduire, écrire dans le pluriel des langues, La Contre-Allée, 2019, en particulier les chapitres « Les Mendelssohn suédois » et « Galicie occidentale, Galicie orientale », où j’évoque l’espace linguistico-géographique du roman Les Vivants et les Ombres et mon expérience d’auto-traduction d’un de ses extraits vers l’allemand.
Diane Meur
Henri Desbois
Olivier Lazzarotti
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 23/07/2021
https://doi.org/10.3917/ag.739.0161
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour Armand Colin © Armand Colin. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
keyboard_arrow_up
Chargement
Chargement en cours.
Veuillez patienter...