La mort d’Henri tire un nouveau fil du destin de Mme de Sévigné. Retirée en Bretagne, elle aurait pu conserver un temps sa réputation, mais « hors de Paris il n’y a point de salut pour les honnêtes gens », et son nom, associé peu à peu à une dame de campagne, n’aurait brillé que dans sa province. Son retour dans la capitale lui rouvre les portes d’un monde pour lequel elle est faite. Très vite, elle devient, selon le titre de la comédie de Jean Donneau de Visé, la « veuve à la mode ». Une décennie de gloire et de louanges se prépare.
Du vivant de son mari, déjà, Marie a pu fréquenter la société parisienne. À l’hôtel de Condé, auprès de son cousin Bussy-Rabutin, elle côtoie la duchesse de Longueville, Pierre Lenet, et les poètes Jacques Carpentier de Marigny et Mathieu de Montreuil. Lenet est sans aucun doute un homme de bonne compagnie. Rattaché au prince de Condé en tant qu’intendant des vivres, il laisse à Mme de Sévigné des souvenirs pleins de gaieté. C’est lui qui, pendant le blocus de Paris en février 1649, n’a pas pu fournir de blé à la marquise. En mars de la même année, la disette passée, elle lui déclare, sur le mode badin, qu’elle ne voyait, en ces temps troublés, « guère de différence entre [sa] cruauté et celle d’un Polonais » (14 mars 1649), mais elle n’oublie pas, on l’a vu, leur complicité : « [S]ouvent nous avons pensé crever de rire ensemble » (14 mars 1649). Bien après sa mort, survenue en 1671, elle se souvient de cet homme « qui avait de l’esprit comme douze » (5 juin 1689) et qui lui écrivait des triolets pendant la Fronde : « [J]’étais bien jeune quand je riais avec lui » (5 juin 1689)…