Au 1er décembre 2007, 1748 commissaires et hauts fonctionnaires (dont environ 18 % de femmes [Pruvost, 2007]) encadrent un effectif global de 146391 agents de la police nationale, avec l’aide de 12137 officiers et gradés qui les assistent directement dans cette mission. Le corps des commissaires, labellisé depuis 1995 corps de conception et de direction, pose en France de nouvelles questions à la fonction publique d’État. Elles tiennent notamment à la défense opiniâtre d’un statut professionnel singulier hérité de l’histoire et plongé dans un contexte idéologique qui tend à le mettre à mal. Redevabilité et performances des services publics de sécurité sont en effet, comme ailleurs, les mots d’ordre triomphants du moment. C’est encore dans le domaine de la sécurité urbaine qu’agissent les plus gros bataillons des commissaires de police. C’est dans le creuset même de cette nouvelle assignation au travail de protection et de réassurance des populations que s’apprécient la plupart des résultats du management des politiques publiques de sécurité, et que se redessine l’identité professionnelle du groupe entier.
Pour mieux comprendre les défis posés aux commissaires dans leur contribution à la « productivité » de l’appareil de sécurité publique, on procédera en deux temps. D’une part, on montrera la nature particulière du statut de ces cadres au sein de la haute fonction publique d’État, un statut qui résiste à toutes les réformes de l’histoire. D’autre part, on évaluera comment l’introduction d’une idéologie de la performance et de la culture du résultat dans leurs services affecte néanmoins progressivement leur identité professionnelle…