CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1En France, au début de l’année 2018, parallèlement au lancement de la police de sécurité du quotidien, une mission parlementaire a été constituée pour mener des travaux de réflexion « sur la définition [d’un] continuum de sécurité et sur l’articulation des interventions respectives des forces de l’État, des polices municipales et des acteurs privés de la sécurité [1] ». Cette mission a été confiée à deux députés LREM, l’avocate Alice Thourot (élue de la Drôme) et l’ancien patron du RAID Jean-Michel Fauvergue (élu en Seine-et-Marne). Le rapport qu’ils ont remis en septembre 2018 préconise d’abandonner le terme de « continuum » au profit de la notion plus intégrée de « sécurité globale » (Thourot, Fauvergue, 2018). Loin d’être franchement nouvelle en France [2], cette terminologie n’apparaît guère plus qu’une incantation dans ce rapport, mais elle témoigne de mutations certaines que la fortune de l’expression « coproduction de sécurité » (Le Goff, 2004) avait en son temps également contribué à souligner. Si discutables soient-ils, ces référentiels successivement employés dans le langage technocratique sont significatifs des évolutions qui traversent le gouvernement des politiques de sécurité.

2Dans le creuset de la sécuritisation du monde (Balzacq, 2016, p. 165-249), les États-nations se voient effectivement confrontés à la nécessité de réaménager leurs dispositifs de sécurité publique. En dépit de pressions à l’harmonisation de leurs politiques en ce domaine dans un cadre supranational élargi, ils réagissent encore assez différemment en fonction de l’histoire spécifique de leurs propres appareils régaliens (de Maillard, 2017). Assaillis et déstabilisés par des menaces plus ou moins inédites (hyperterrorisme, cybercriminalité, etc.), ils cherchent en tout état de cause à mettre en œuvre des dispositifs de sécurité plus efficaces (Ocqueteau, 2019). Ces menaces ne sauraient, à elles seules, constituer une clé de lecture suffisante pour rendre compte des évolutions que connaissent nos armatures de sécurité actuelles. En France comme ailleurs, elles se conjuguent à un contexte de crise durable des finances de l’État qui touche bien d’autres secteurs que la sécurité et pousse les pouvoirs publics à réagir. Ce contexte s’accompagne d’impératifs de gestion des polices civiles et militaires au plus juste coût (Ocqueteau, Schlosser, 2019) ; il encourage la mobilisation conjointe des ressources de protection du marché, de celles des collectivités territoriales et de celles de populations appelées à toujours plus de vigilance.

3Observable dans l’ensemble des pays comparables, cette diversification des ressources et des acteurs impliqués est appréhendée par les sciences sociales à travers le paradigme anglo-saxon de la pluralisation du policing. Difficilement traduisible en français, la notion de policing correspond à l’art de policer les espaces collectivement partagés. Telle que nous en avons précédemment balisé les contours (Malochet, 2017a, p. 25), nous la reprenons ici « dans son acception large, en référence à l’ensemble des activités de surveillance et de sécurisation visant à garantir le bon ordre et le respect des lois. Cette acception recoupe en partie la définition extensive du mot français “police”, celle que lui donne notamment Thierry Oblet “pour qualifier les réponses apportées par les pouvoirs publics et d’autres acteurs professionnels et sociaux à [l’]insécurité”, dans l’objectif de “défendre et affermir la société” (Oblet, 2008, p. 3-4) ».

4Quant à la notion de pluralisation, elle reste associée à toute une série d’autres catégories analytiques dont nous ne discuterons pas ici la portée mais qui se rapportent toutes à l’idée d’un partage accru de la fonction policière – multilateralization of policing (Bayley, Shearing, 2001), plural policing (Jones, Newburn, 2006 ; Crawford et al., 2005 ; Crawford, 2008), extended policing family (Crawford, Lister, 2004), etc. Nous leur préférons le terme de « pluralisation » qui nous semble être le plus neutre, le moins connoté, et par conséquent le mieux à même de décrire les processus en cours. Contre l’idée réductrice d’une privatisation de la sécurité, ces phénomènes de pluralisation donnent à voir une multitude d’agencements possibles entre le niveau central et le niveau local, les acteurs publics et les acteurs privés. À l’évidence, ces « assemblages de sécurité » (Brodeur, 2010 ; Quéro, Dupont, 2019) sont à saisir en regard des cadres nationaux et de leurs spécificités. Comme le montrent les approches comparatistes (Jones, Newburn, 2006 ; Terpstra, Devroe, 2015 ; O’Neill, Fyfe, 2016), la pluralisation du policing est un mouvement d’ensemble qui se décline différemment selon les caractéristiques propres à chaque territoire. L’objet de cet article est de donner à voir ce qu’il en est dans le cadre français.

5Notre réflexion porte sur les traits de la gouvernance de la sécurité en France aujourd’hui. Il s’agit d’interroger l’actuelle pluralisation des ressources et des forces au sein d’un modèle de police particulièrement centralisé, supposé stabilisé et consolidé par l’histoire politique de notre État de droit républicain depuis la Seconde Guerre mondiale (Monjardet, 1996 ; Monjardet, Ocqueteau, 2004). Au-delà des slogans politiques, quels sont les manifestations concrètes et les effets tangibles de ces phénomènes de pluralisation ? Dans quelle mesure altèrent-ils la nature du modèle ? En matière d’offre de sécurité, si personne ne conteste à l’État de tenir le premier rôle et de conserver le monopole de la violence physique légitime, d’autres acteurs (publics, commerciaux, civils) interviennent pour répondre à des besoins supposés non couverts par les seuls services de police et de gendarmerie nationales, ce qui soulève la question de leurs degrés d’interdépendance et d’articulation.

6Face à une demande exponentielle de protections sécuritaires, ces acteurs semblent devenir indispensables à l’État central bien qu’ils ne soient pas suffisamment puissants pour s’en autonomiser au point d’en remettre en cause les fondements régaliens. C’est d’ailleurs de l’État central qu’ils tirent leur légitimité, c’est par lui que semble nécessairement passer la reconnaissance de leur rôle dans la gouvernance et la production de sécurité. La pluralisation du policing en France n’est donc pas forcément le spectre annonciateur d’un affaiblissement dramatique de la puissance publique. Au contraire, nous soutenons l’hypothèse que les mécanismes à l’œuvre confortent le pouvoir central dans son rôle « d’État-stratège ». Comme l’a montré Philippe Bezes dans bien d’autres domaines d’action publique, les organes de l’État, contraints par des réductions budgétaires drastiques, sont mis en posture d’apprendre à coordonner les acteurs en présence pour gérer des appareils complexes à la verticale, sans forcément parvenir à anticiper et contrôler tous les enjeux horizontaux et les défis soulevés par le bas (Bezes, 2005, 2009).

7L’argumentation de cet article écrit à quatre mains s’appuie sur une somme de travaux empiriques que nous avons chacun conduits dans différents rouages de la machinerie politico-administrative de l’offre de sécurité. À dominante qualitative, ces travaux reposent pour l’essentiel sur des campagnes d’entretiens, des séquences d’observations de terrain et des dépouillements systématiques de la littérature grise. Frédéric Ocqueteau n’a cessé d’actualiser ses recherches dans ce domaine lors d’enquêtes successives qui, ces dix dernières années, ont notamment porté sur les trajectoires, compétences et pouvoirs des responsables de la sécurité/sûreté des grandes entreprises, la mise en place du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS), les usages de la main courante informatisée ou encore, la renaissance d’un code de déontologie commun à la police et à la gendarmerie nationales. De son côté, Virginie Malochet a conduit plusieurs enquêtes illustrant d’autres dimensions du policing en France : le développement des polices municipales, les dispositifs de sécurisation des transports publics, l’implication des bailleurs sociaux dans le champ de la tranquillité résidentielle ou la participation citoyenne en matière de sécurité locale. Le matériau recueilli et les résultats capitalisés de part et d’autre nous ont paru avoir atteint un degré de saturation suffisant pour nous permettre de les unir dans une problématique commune [3].

8Sur ces bases empiriques, l’article décrit et analyse en trois temps les évolutions du modèle français de sécurité désormais soumis à des phénomènes de pluralisation spécifiques. La première partie dresse un état des lieux des acteurs qui interviennent à un titre ou un autre dans la sécurisation des espaces collectifs en dehors des forces de police et de gendarmerie nationales. La deuxième interroge les modalités de gouvernance et la consistance des mécanismes d’articulation de ces différents dispositifs d’un triple point de vue institutionnel, territorial et vocationnel. Enfin, la troisième montre comment ce régime pluralisé s’institutionnalise dans le giron de l’État central, dans une dynamique qui répond à la fois d’une volonté de régulation et d’une logique de renforcement des pouvoirs des contributeurs non régaliens.

Les acteurs de la sécurité hors du périmètre étatique

9En France, au regard des comparaisons internationales, la gestion de la sécurité est réputée relever d’un modèle très étatique et centralisé. Profondément ancré, ce modèle n’est toutefois pas figé, et bien d’autres acteurs assurent des missions de surveillance et de sécurisation aux côtés des 250 000 agents des forces nationales [4]. Le policing se pluralise au travers de trois phénomènes principaux : l’essor et la légitimation du marché de la sécurité privée ; la montée en puissance des polices municipales et le renforcement des pouvoirs locaux ; et, dans une moindre mesure, la mobilisation directe des citoyens, considérant que la sécurité serait « l’affaire de tous ».

Les acteurs économiques de la sécurité privée

10Les acteurs économiques des dispositifs de sécurité privée sont les plus nombreux. En tant que personnels de protection des biens et des personnes, ils ont pris une place décisive dans les paysages urbains (Ocqueteau, 2004). Si les sources de comptabilisation des entreprises et des agents de ce secteur d’activités ont toujours été controversées (Ocqueteau, 2020), les plus fiables restent néanmoins celles de l’INSEE qui reposent sur des nomenclatures connues et stabilisées (Robin, Mordier, 2013 ; Fresson-Martinez, Vucko, 2016 ; Gallot, 2018). En l’espèce, l’INSEE répertorie depuis des décennies les activités de sécurité privée en les ventilant selon trois grandes catégories de services : 1) la « sécurité privée » proprement dite, c’est-à-dire les services de garde et de patrouille et les services de transports de fonds et de valeurs utilisant un personnel équipé pour protéger les biens pendant le transport ; 2) les « systèmes de sécurité » qui regroupent la surveillance et la surveillance à distance de systèmes de sécurité et d’alarme électronique (incluant les activités d’installation, de réparation, de réfection et d’adaptation des dispositifs de verrouillage mécanique ou électronique, de coffres-forts et de chambres fortes, avec, par la suite, leur surveillance ou surveillance à distance) ; 3) les activités d’« enquête privée », détectives et assimilés qui représentent une part marginale de l’ensemble.

11Ainsi, en 2017, d’après les dernières statistiques consolidées disponibles (Gallot, 2018), la sécurité privée se compose de 5 700 unités légales et 139 000 salariés en équivalents temps plein (ETP) tandis que les systèmes de sécurité rassemblent 2 500 unités légales et 16 700 salariés en ETP. Au total, ces deux segments emploient donc 155 000 agents en ETP. En 2017 toujours, ils ont dégagé un chiffre d’affaires global de 9,4 milliards d’euros (7 milliards pour le premier, 2,4 pour le second). Concernant le segment de la sécurité privée, le gardiennage de locaux professionnels et d’immeubles d’habitation représente la part majeure (52 %) du chiffre d’affaires, le contrôle et la surveillance de l’activité commerciale 22 %, et le transport de fonds 11 % [5]. Quant aux activités liées aux systèmes de sécurité (surveillance et installation), pour un tiers d’entre elles, elles s’adressent aux particuliers et aux ménages. Le personnel y est généralement plus qualifié, bénéficie de salaires horaires bruts moyens plus élevés, et de contrats à temps complet ; les taux de rotation y sont bien moindres. Les statistiques d’évolution de ces activités attestent d’une forte progression globale des chiffres d’affaires entre 2010 et 2017, de l’ordre de 3,8 % par an, avec une accélération significative en 2016 (+ 7,1 %) imputable aux attentats terroristes, à la révision du plan Vigipirate et à l’organisation du championnat d’Europe de football.

12Les sociologues spécialisés ont longtemps pensé que les technologies de surveillance à distance (télé ou vidéo surveillance) dans les espaces publics ou domestiques allaient virtuellement remplacer, à terme, une main-d’œuvre prolétaire dédiée à la garde et à la patrouille des personnes et des biens dans les espaces privés recevant du public [6]. Ce diagnostic prématuré était lié au constat, opéré sur trente ans, d’un ralentissement de la croissance des agents mobilisés durant la dernière décennie, jugée exponentielle par rapport à la croissance des effectifs cumulés des fonctionnaires de police et de gendarmerie (Ocqueteau, 2006). Outre que pour bien des criminologues, le comparatif en ratio des effectifs publics et privés par nombre d’habitants dans chaque pays de l’Union européenne n’a plus grand sens (De Waard, 1999), pour l’INSEE, rien ne semblerait aujourd’hui devoir confirmer la thèse de la substitution progressive des personnes par l’emprise des technologies. Philippe Gallot conclut ainsi son étude macro-économique portant sur les sept dernières années : « les chiffres d’affaires du secteur de la sécurité privée montrent un dynamisme deux fois moindre que ceux des systèmes de sécurité. Mais cette activité s’exerce souvent en complément plutôt qu’en substitution de la sécurité privée » (Gallot, 2018).

Les pouvoirs publics locaux

13La pluralisation du policing en France se manifeste aussi par le renforcement des pouvoirs locaux dans les politiques de sécurité. C’est un fait notable dans un pays de tradition centralisatrice (Bonnet et al., 2015), a fortiori dans ce champ d’action que l’imaginaire jacobin tend à enclore dans une vision avec ténacité régalienne. Les collectivités territoriales sont pourtant mises à contribution, en particulier les communes parce que les maires sont dotés de larges prérogatives pour assurer le bon ordre, la sécurité, la tranquillité et la salubrité publiques dans leur ville. À travers l’exercice de leurs pouvoirs de police, ils réactivent le rôle de « patron de la sécurité quotidienne » qui leur avait été attribué sous la Troisième République (Le Goff, 2004). À l’évidence, tous ne l’interprètent pas de la même façon : les politiques municipales de sécurité diffèrent en fonction des problèmes qui se posent localement et des choix que les élus font pour y répondre ; elles jouent sur plusieurs leviers (présence humaine, vidéosurveillance et autres dispositifs techniques, prévention sociale ou situationnelle, médiation, répression). Mais en tendance, l’investissement des maires se confirme et progresse d’autant plus visiblement que la pression sécuritaire s’est raffermie face à la menace terroriste.

14Les polices municipales illustrent à la fois cette diversité de positionnements et cette montée en puissance globale. Leurs missions, leurs effectifs et leur niveau d’équipement varient fortement selon les communes. De manière générale, on peut cependant dire qu’elles ont gagné en envergure et en légitimité (Malochet, 2007, 2009). Fortes d’environ 22 000 agents répartis dans près de 4 000 communes, elles se sont institutionnalisées, professionnalisées et, pour ainsi dire, banalisées dans le paysage policier français (Malochet, 2013). Depuis 2015, le contexte d’attentats à répétition les conforte dans un rôle de police à part entière et favorise plus encore leur développement : les recrutements sont en hausse, la tendance est à la généralisation de l’armement, et l’inflexion sécuritaire de l’activité est manifeste, encouragée par le législateur au travers d’une série de dispositions qui continuent d’accroître les compétences répressives des policiers municipaux (Millet, 2017). Même à Paris où le préfet de police reste le personnage-clé dans la gestion de la sécurité (Renaudie, 2008), la ville intensifie son action en matière de tranquillité et de lutte contre les incivilités (Maillard, Zagrodzki, 2017 ; Maillard et al., 2015), et la maire – en fonction au moment où nous écrivons cet article – vient d’annoncer la création d’une police municipale en tant que telle. Par-delà le statut particulier de la capitale, l’exemple est révélateur de l’implication des élus locaux dans un domaine qui répercute de forts enjeux d’image et d’attractivité sur fond de compétition interurbaine.

15Il n’est pas anecdotique de noter que la Ville de Paris subventionne aussi les bailleurs sociaux membres du Groupement parisien inter-bailleurs de surveillance (GPIS). Structure unique en son genre, ce groupement salarie près de 200 agents. Vêtus d’un uniforme bleu sombre, armés de bâtons de défense et de bombes lacrymogènes, ils patrouillent et interviennent la nuit pour maintenir la tranquillité dans les parties communes de 500 résidences d’habitant social (Malochet, 2017a). À l’instar des services de sécurité internes des grands organismes de transport, à savoir le service de sûreté ferroviaire (dit « Suge ») de la Société nationale des chemins de fer (SNCF) [7] et le Groupement de protection et de sécurisation des réseaux (GPSR) de la Régie autonome des transports parisiens (RATP) [8], le GPIS relève juridiquement des activités privées de sécurité mais comporte une forte dimension parapublique eu égard à la nature des organismes dont il émane. Ces services de type hybride témoignent donc eux aussi de la pluralisation des acteurs engagés dans les dispositifs locaux de sécurité, en l’espèce de la mobilisation accrue des opérateurs de transport (Le Goff, Malochet, 2013) et des bailleurs sociaux (Gosselin, Malochet, 2017).

16Dans une moindre mesure, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) sont aussi concernés par ces sujets. Le droit leur donne compétence pour la prévention de la délinquance et leur permet de mutualiser les agents de police municipale et les dispositifs de vidéosurveillance. Cependant, dans les faits, les intercommunalités ne s’emparent que très modérément de ces mesures, entre autres raisons parce que les maires se montrent réticents à se dessaisir de la gestion directe des affaires de sécurité. L’approche locale nous invite toutefois à nuancer ce constat. Comme le montre une étude récemment conduite en Île-de-France (Malochet, 2018), certains EPCI mènent des actions et des politiques de sécurité, autour de projets structurants qui débordent les frontières municipales (brigade de sécurisation des réseaux de transport par exemple) et, surtout, permettent aux communes de payer moins ensemble pour mettre en œuvre des services qu’elles n’auraient pas les moyens d’assumer seules (police intercommunale, vidéosurveillance, etc.).

17Les conseils départementaux sont également des acteurs dont il faut tenir compte. La plupart d’entre eux concourent à la prévention de la délinquance à travers l’exercice de leurs compétences sociales, comme prévu par les textes. Dans l’espace francilien notamment, certains se démarquent aussi par des initiatives qui relèvent à proprement parler du champ de la sécurité (subventions aux communes pour l’équipement des polices municipales, l’installation de caméras, l’achat d’outils de cartographie de la délinquance, etc.). Quant aux régions, elles n’ont pas de prérogatives spécifiques en matière de sécurité mais peuvent investir dans la sécurisation des espaces et équipements relevant de leurs compétences, notamment dans les transports en commun et les lycées. Depuis vingt ans, le conseil régional d’Île-de-France se distingue à ce titre par une politique dédiée de sécurité qui le positionne avant tout comme un partenaire financeur, en soutien des villes et des forces étatiques. Cette politique volontariste, tout comme celles des conseils départementaux évoqués supra, indiquent que la suppression de la clause de compétence générale n’a pas réellement d’incidence sur ce plan (Malochet, 2018).

18Sur le terrain de la sécurité quotidienne, les collectivités locales et les intercommunalités se mobilisent désormais. Elles s’engagent à des degrés variables selon les territoires et les échelons, mais la tendance est nette, accentuée par les attaques terroristes, révélatrice d’un partage accru des responsabilités dans la gouvernance de la sécurité publique. Directement interpellés par les autorités centrales, les pouvoirs locaux sont sommés d’agir, chacun à leur niveau, à des fins de sécurisation des espaces collectifs, de prévention de la délinquance et de lutte contre la radicalisation.

Les voisins vigilants, les réservistes et autres citoyens mobilisés

19Le contexte de lutte anti-terroriste ravive aussi la question de la participation citoyenne à la sécurité locale. Dans les couloirs du métro parisien (où la RATP nous enjoint d’être « attentifs ensemble ») comme dans la plupart des espaces ouverts au public, les appels à la vigilance se multiplient, confortant l’idée que la sécurité est l’affaire de tous, y compris de la population. En France, vu la primauté de l’État dans le modèle d’organisation sociale, l’implication des habitants en ce domaine est cependant moindre que dans d’autres pays comme les États-Unis, et d’autant plus suspecte que le traumatisme de la Seconde Guerre mondiale et de la collaboration est profond. Mais elle existe et recouvre une diversité de pratiques plus ou moins ponctuelles ou pérennes, encadrées ou autonomes, correspondant chacune à des profils et des projets spécifiques (Malochet, 2017b).

20Outre les comportements relevant de la civilité ordinaire, souvent peu visibles mais déterminants pour le maintien d’un ordre social sans cesse négocié dans l’interaction (Borzeix et al., 2006 ; Gayet-Viaud, 2008), le phénomène le plus notoire concerne les réseaux connus sous l’appellation de « voisins vigilants ». Deux types sont à distinguer. Le premier est un dispositif officiel dit de « participation citoyenne », labellisé comme tel par le ministère de l’Intérieur, localement supervisé par le maire et le représentant des forces de l’ordre. Dans les zones couvertes par la gendarmerie où il s’est davantage développé, 3 200 communes y adhéraient en 2017 (on ne dispose pas des chiffres en zone police nationale). Le second n’a rien d’institutionnel. Il rassemble des groupes d’habitants fédérés par l’entremise d’une plate-forme web gérée par une entreprise privée (Voisins vigilants®). Celle-ci recense plus de 10 000 communautés, soit plus de 200 000 foyers inscrits. Dans les deux cas de figure, ces réseaux procèdent d’une logique défensive de protection du quartier et de détection de l’intrus[ion]. Axés sur la surveillance, ils visent à informer les forces de l’ordre de tout fait « suspect ». En principe du moins, ils ne relèvent cependant pas de la définition commune du vigilantisme (Johnston, 1996 ; Favarel-Garrigues, Gayer, 2016) puisque leurs membres ne sont pas censés intervenir directement.

21L’engagement à servir dans les réserves de la gendarmerie et de la police nationales correspond à un stade supérieur d’implication dans la production de la sécurité : il s’agit d’assurer des vacations rémunérées, en tenue et en arme, en renfort des forces de l’ordre dans l’exercice de leurs missions de sécurisation. Fin 2016, sur fond d’état d’urgence, la garde nationale souhaitée par le président F. Hollande est mise en place pour accroître et tirer meilleur parti de ce gisement de citoyens volontaires. Très « éloignée de son ancêtre historique » (Haberbusch, 2017), elle regroupe en fait les différentes réserves opérationnelles existantes. D’après les chiffres publiés fin 2018, elle compte alors 37 000 réservistes opérationnels dans les trois armées, 30 000 dans la gendarmerie, et 6 500 dans la réserve civile de la police nationale, ce qui représente 75 000 volontaires au total, soit 7 000 réservistes engagés par jour en moyenne. C’est un vivier sur lequel l’État s’appuie pour optimiser le déploiement des forces de sécurité au quotidien.

22S’agissant de la gouvernance des politiques de sécurité et non plus de la contribution directe à l’ordre, la participation des habitants reste en revanche très marginale. Dans les instances dédiées, à de très rares exceptions, aucune place ne leur est faite pour leur permettre d’intervenir et de peser sur les décisions. Le sujet est réputé trop sensible et trop expert pour les acteurs institutionnels qui, majoritairement, rejettent l’éventualité d’une association directe des citoyens. Quant aux conseils de quartier, conseils citoyens et autres lieux institués de démocratie participative, ils ouvrent des espaces potentiels pour discuter collectivement des questions de sécurité, mais leur articulation avec les instances de pilotage des politiques de sécurité et de prévention de la délinquance reste à travailler pour permettre d’aller au-delà du traitement réactif des doléances – sans parler des enjeux de représentativité et de la capacité à faire écho aux voix minoritaires ou à celles qui ne portent pas publiquement.

23Cela étant, parfois, c’est hors des canaux institutionnels que ces voix se font entendre, dans une logique protestataire qui s’exprime indépendamment des pouvoirs publics, voire contre eux. C’est typiquement le cas des manifestations et collectifs de lutte contre les abus policiers : ils rassemblent des personnes plus distantes, sinon défiantes vis-à-vis des institutions, mais n’en portent pas moins sur la conduite des politiques de sécurité. C’est aussi le cas des mobilisations spontanées d’habitants qui, faute d’autres garants des lieux, tentent de se réapproprier les espaces collectifs pour lutter contre le trafic de stupéfiants notamment. Néanmoins, ces mouvements autonomes donnent à voir des points de connexion avec les institutions car c’est vers elles qu’ils sont souvent tournés, ce sont elles qu’ils cherchent à interpeller in fine (Jobard, de Maillard, 2015, p. 245).

La montée d’une idéologie du continuum de la sécurité

24Cette diversification des acteurs interroge le mode de gestion « à la française » de la sécurité. Elle soulève des défis d’articulation qui s’imposent aux autorités centrales et invitent à discuter de la notion de complémentarité. À ce titre, en 2014, un préfet délégué aux coopérations de sécurité a été institué auprès du ministre de l’Intérieur pour conduire le dialogue et développer les partenariats avec les polices municipales, le secteur de la sécurité privée et les professions et activités particulièrement exposées à la délinquance. Dans le même sens, début 2018, la mission parlementaire sur le continuum de sécurité est lancée. Si le rapport qui en résulte conforte une vision stato-centrique du dispositif de sécurité publique (Thourot, Fauvergue, 2018), son objet même répercute des enjeux de gouvernance et de coopération auxquels s’affrontent l’ensemble des pays comparables face aux réalités actuelles d’un policing pluriel (Shearing, Stenning, 2016).

Approche institutionnelle : de la portée limitée des dispositifs partenariaux

25Pour favoriser la cohérence d’ensemble, des dispositifs institutionnels ont été mis en place. Ainsi, et pour ne citer que les principaux, à l’échelle des communes ou des EPCI, les conseils locaux ou intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD ou CISPD) constituent le cadre de concertation sur les priorités de la lutte contre l’insécurité et la prévention de la délinquance [9]. Obligatoires dans les communes de plus de 10 000 habitants ou comportant un quartier prioritaire de la politique de la ville, ils sont présidés par les maires ou les présidents d’intercommunalité, ce qui témoigne là encore des responsabilités confiées aux élus locaux en ce domaine. Ils peuvent donner lieu à l’élaboration de contrats locaux de sécurité (CLS) ou de stratégies territoriales de sécurité et de prévention de la délinquance (STSPD). Au niveau opérationnel, des conventions de coordination sont parallèlement établies entre les polices municipales et les services de police nationale ou de gendarmerie [10]. Des conventions locales de coopération de sécurité peuvent également être conclues entre les forces publiques et les acteurs privés de la sécurité, sur des secteurs spécifiquement identifiés comme des quartiers de gare ou des zones d’activités commerciales par exemple.

26Ces différents dispositifs rendent compte de la volonté institutionnelle d’organiser les partenariats. Leur existence ne gage cependant pas la qualité des coopérations. Quel qu’en soit le contenu, leur portée réelle dépend de ce que les acteurs en font concrètement. Comme le montrent les enquêtes de terrain, les dynamiques sont très variables selon les territoires. S’agissant par exemple des CLSPD/CISPD, l’écart est souvent important entre la philosophie initiale et la réalité des pratiques. Ces conseils rassemblent une pluralité d’acteurs (collectivités territoriales, police, justice, services socio-éducatifs, etc.) dont le poids relatif, les référentiels et le degré d’implication sont loin d’être équivalents. Ils ouvrent certes des espaces d’échanges mais, globalement, ne modifient qu’à la marge les relations partenariales et ne permettent pas de véritables discussions de fond pour définir une stratégie d’action commune (Gautron, 2010).

27Nos travaux posent un constat similaire concernant les conventions de coordination entre les polices municipales et les forces de l’État. Quand les autorités locales se contentent de calquer le modèle-type sans souci d’ajustement aux besoins, quand les réunions prévues n’ont pas lieu et que les prescriptions ne sont pas respectées, ces conventions n’ont d’autre valeur que celle d’un document officiel, sans effet sur le terrain. En pratique, ce qui compte avant tout, c’est la propension de chacun à jouer le jeu du partenariat. Or, entre police municipale et police nationale ou gendarmerie, malgré la bonne entente généralement affichée au niveau du commandement, les relations ne sont pas toujours fluides au niveau de la base. Par-delà les frictions interpersonnelles, elles butent sur des difficultés récurrentes liées aux limites de compétences respectives, aux transferts de charge et à l’impact que l’action des uns a nécessairement sur celle des autres, et inversement (Malochet et al., 2008).

28Pour une coopération effective, il ne suffit donc pas d’installer un CLSPD, de rédiger une stratégie ou de signer une convention ; encore faut-il faire vivre ces dispositifs et leur donner des contenus concrets, en correspondance avec les réalités du terrain, dans le respect de l’autonomie et des prérogatives de chacun. Cela suppose un minimum de confiance, le partage d’objectifs communs par-delà les divergences de culture professionnelle, une reconnaissance mutuelle et un relatif équilibre des rapports entre partenaires. Mais les retours d’expériences et les observations de terrain indiquent qu’en dépit des évolutions soulignées, ces rapports restent très asymétriques et instrumentaux. D’emblée, dans les différentes instances, les représentants des services de l’État tendent à occuper une position de surplomb. Le modèle étatique centralisé continue de prévaloir. Il imprègne en profondeur les modes de gouvernement de la sécurité et, bien souvent, l’apparente collaboration des forces se réduit en fait à des liens de subordination.

29En outre, et comme déjà souligné, ces modes de gouvernement ne laissent quasiment aucune place à la population. Malgré l’affichage d’un souci croissant de dialogue et de concertation en amont, la gestion des enjeux de sécurité reste très institutionnelle, centrée sur le traitement des lieux et non pas sur la mise en mouvement des gens (Donzelot et al., 2003). Trop souvent réduits aux rôles passifs d’auteurs ou de victimes, les publics ne sont pas considérés comme des interlocuteurs légitimes avec lesquels débattre des priorités d’action et auxquels rendre des comptes. Par comparaison, la donne paraît sensiblement différente dans d’autres pays et notamment aux États-Unis : sans se laisser duper pour autant par des succès avant tout rhétoriques qui souvent masquent de grandes inégalités de traitement, l’on peut admettre que la redevabilité (accountability) et l’implication des habitants y sont perçues comme des éléments essentiels du policing (Skogan, Hartnett, 1997). En France, c’est encore très loin d’être le cas.

Approche territoriale : de l’empilement des périmètres d’intervention

30La question du pilotage de la sécurité face à la pluralité des acteurs recouvre aussi celle de l’articulation des échelles dans un système où les responsabilités de chacun restent associées à des périmètres géographiques strictement délimités. Mais ceux des services déconcentrés de l’État, ceux des pouvoirs décentralisés et ceux des autres forces mobilisées se superposent sans nécessairement se recouper. En matière de sécurité comme dans les autres champs d’action, l’image du millefeuille reflète ces effets d’empilement, de fragmentation et d’enchevêtrement dans une architecture institutionnelle qui ne facilite pas la gouvernance. Les intercommunalités notamment ignorent bien souvent les découpages des circonscriptions de sécurité publique, de la carte judiciaire voire, dans certains cas, ceux des départements donc des préfectures, ce qui multiplie les interlocuteurs et peut poser des problèmes de coordination.

31Compte tenu de ces incohérences de périmètres, certains élus et responsables administratifs préconisent de s’émanciper des frontières administratives établies pour raisonner davantage sur les territoires vécus. À cet effet, ils convoquent à nouveaux frais l’idée de « bassin de vie » ou, plus précisément ici, de « bassin de délinquance ». Passée dans le langage courant des policiers et des gendarmes, cette notion reste très approximative faute de critères explicites pour en délimiter les contours. Elle se diffuse néanmoins et tend à s’imposer comme une catégorie d’action publique (Malochet, 2015). Elle irrigue le rapport des députés A. Thourot et J.-M. Fauvergue qui proposent de l’adopter « comme cadre de référence pour définir la coproduction de sécurité entre l’État et ses partenaires », notamment pour y mettre en place un conseil unique se substituant à l’ensemble des autres instances existantes (CLSPD/CISPD, groupes locaux de traitement de la délinquance et autres cellules dédiées). Ces parlementaires ne disent cependant rien des critères de définition de tels bassins, sinon que « c’est aux responsables des forces de sécurité de l’État dans les territoires » qu’il reviendra d’en juger (Thourot, Fauvergue, 2018, p. 48-49).

32En tout cas, cette idée de bassin vient légitimer des initiatives qui s’affranchissent des périmètres administratifs en vigueur : ici, une police intercommunale déployée à l’échelle infra-EPCI de deux communes partageant les mêmes établissements scolaires et le même réseau de bus ; là, un CISPD constitué dans une logique de mobilité supra-EPCI autour de la portion Sud de la ligne C du RER, etc. Dans le même esprit, cette idée de bassin de délinquance a explicitement servi à justifier l’extension du ressort de la préfecture de police de Paris aux trois départements de la petite couronne en 2009, à un moment où la question du Grand Paris s’inscrivait à l’agenda public (Malochet, Le Goff, 2015). Ceci étant, pour le préfet de police une décennie plus tard, c’est l’échelon régional qui doit plus largement s’imposer pour la coordination de la sécurité intérieure en Île-de-France, et ce, au motif que « le véritable bassin est là » (Malochet, 2018, p. 62).

33La notion de bassin est donc très labile, volatile, utilisée pour désigner des espaces à géométrie variable. Mais tout comme les périmètres administratifs, elle cède finalement devant des problèmes et des mouvements qui la débordent largement. Les schémas territoriaux et les approches spatiales classiques sont effectivement mis à mal par des dynamiques de flux qui épuisent en partie la question de l’échelle d’action pertinente et rendent sa quête nécessairement illusoire (Vanier, 2015). Partant de là, l’enjeu n’est pas tant de définir la bonne échelle que de savoir articuler les échelles entre elles par-delà les limites et les incohérences des différents découpages administratifs. Comme l’expliquaient Dominique Monjardet et Jean-Paul Brodeur dans un clairvoyant article en 2003, les territoires de sécurité font à la fois l’objet d’une indifférenciation croissante au regard de phénomènes illégaux sans frontières (trafics en tout genre, terrorisme, etc.) et d’un fractionnement toujours plus marqué au regard des micro-territoires de référence pour l’action publique. Comme dans bien d’autres domaines, l’État est donc débordé tant par le haut que par le bas, et c’est dans cette double dynamique de globalisation/localisation que les modes de gouvernance de la sécurité trouvent de nouvelles formes d’inscription spatiale (Monjardet, Brodeur, 2003).

Approche vocationnelle : de la redistribution des rôles entre les forces

34Autre dimension analytique de cette pluralisation, l’évolution de la division du travail de sécurité pose la question des identités professionnelles et du « qui fait quoi ? ». Les notions de coproduction et de continuum de sécurité sont sous-tendues par l’idée de partage des tâches et de gradation des missions. Reste à savoir comment la redistribution des rôles s’opère effectivement. Aux côtés des forces étatiques, les autres acteurs se développent-ils en complémentarité ou en substitution ? Proposent-ils des alternatives au modèle policier standard, un modèle en crise (Maillard, 2009) et en déficit de confiance (Lévy, 2016) par trop éloigné de la population et de ses préoccupations (Mouhanna, 2011) ? En regard de l’échec de l’ambitieuse réforme de police de proximité (Roché, 2005) et de ses avatars plus modestes [11], ces autres métiers de la sécurité, souvent de vieilles formules habillées de nouveaux uniformes (Smeets, 2006), prétendent fournir un service davantage tourné vers l’usager et des relations plus apaisées avec le(s) public(s). Mais est-ce bien le cas ?

35À première vue, les limites de compétence de ces divers agents non étatiques peuvent le laisser penser, et c’est d’ailleurs un argument structurant de leur rhétorique de légitimation. Qu’il s’agisse des polices municipales, des services de sécurité internes des transporteurs et des bailleurs ou des entreprises de surveillance humaine, tous revendiquent le principe de complémentarité, sur le thème « chacun son métier, sans confusion des rôles ». Mais en réalité, les rôles respectifs ne sont pas toujours aussi nettement définis que ce que les discours officiels et autres conventions donnent à croire (Malochet, 2017c). Parfois, les frontières d’action se révèlent très poreuses, d’autant que les forces étatiques sont tentées d’utiliser les autres acteurs de la sécurité comme des supplétifs permettant d’ajuster l’emploi de leurs propres ressources.

36Ainsi, sur le terrain, les observations laissent entrevoir un mouvement de délégation en chaîne et des glissements de missions. Sans même parler des unités les plus musclées au style interventionniste assumé, ces glissements transparaissent assez banalement, au gré des vacations, quand les agents de police municipale, ceux de la Suge, du GPSR ou du GPIS, voire les agents de sécurité privée lambda, se trouvent en première ligne confrontés à des situations qui relèvent parfois plus du maintien de l’ordre que de la surveillance préventive. Dans ces circonstances, et dans l’attente d’éventuels renforts leur permettant de passer le relais, ils peuvent être amenés à faire usage de la force et à se repositionner dans un registre qui déborde leur cadre d’intervention initial.

37Ces glissements transparaissent aussi dans les esprits, dans la culture professionnelle de ces différents agents du policing local pour lesquels les forces étatiques constituent un puissant modèle d’identification. Dans leur manière d’investir leur travail, ces agents tendent à valoriser les « missions qui bougent », les « flags » et les arrestations qui, pourtant, ne constituent qu’une faible part de l’activité ordinaire. Ce constat vaut aussi pour un autre groupe professionnel que nous n’avons pas évoqué jusqu’alors mais qui participe tout autant de la pluralisation de la sécurité : les opérateurs de vidéosurveillance. Dans la coulisse de ce métier observé au plus près des pratiques, il ressort que la dissuasion préventive n’est clairement pas leur principal moteur (Le Goff, 2013). En revanche, leur travail est orienté par des agents plus légitimes de la police judiciaire, des parquets et du siège, dans la mesure où les bandes vidéo sont devenues, en tant que preuves dans la machinerie pénale, une ressource de pouvoir et un enjeu de lutte entre protagonistes de la justice (Lemaire, 2017, 2019).

38À des degrés divers, les exemples mobilisés ici témoignent donc tous de la difficulté à renouveler les référentiels et à forger une culture commune de la prévention. Les médiateurs sociaux, agents d’ambiance et autres correspondants de nuit présentent néanmoins un cas quelque peu différent. En l’occurrence, eux misent pleinement sur le dialogue pour pacifier les espaces publics (Faget, Maillard, 2002 ; Maillard, 2004). Si l’on s’en tient à la définition stricte de la médiation sociale, la sécurisation des lieux n’est d’ailleurs pas leur finalité première : ils sont d’abord chargés de créer du lien social. Il n’empêche qu’à travers leur présence, ils contribuent plus ou moins directement à la tranquillité publique (Maillard, Benec’h le Roux, 2011), et d’un point de vue institutionnel, c’est ce qui motive avant tout leur mise en place (Macé, 1997, 1998). Recrutés sur des compétences expérientielles sinon sur leurs attributs individuels (âge, origine ethnique, appartenance au quartier), ces médiateurs se livrent à un exercice délicat qui consiste à « imposer une autorité sans avoir recours à la coercition » (de Maillard, 2013). Mais leur mandat reste souvent large et leur métier flou (Jeannot, 2005), les obligeant à construire leur rôle au travers d’un engagement personnel éprouvant (Pasquier, Rémy, 2008). Ils interviennent dans les interstices de la gestion urbaine sans forcément parvenir à faire valoir leur place propre dans l’environnement existant.

39Dans l’ensemble, même si leurs pouvoirs répressifs sont limités, voire nuls, ces « nouveaux » métiers de la sécurité échouent donc à valoriser la composante préventive du travail de sécurité publique (Dupont, Ocqueteau, 2013). Sauf à considérer les médiateurs qui, seuls, semblent échapper au tropisme policier, on peut même dire des forces municipales, privées et hybrides qu’elles s’éloignent toujours plus, à mesure qu’elles se développent, d’une stratégie résolument tournée vers la prévention, la résolution des problèmes et le tissage de liens de confiance avec la population (Malochet, 2017c). Quant aux services de police et de gendarmerie nationales, malgré la PSQ et les initiatives en faveur d’un rapprochement avec les citoyens, ils ne s’illustrent pas davantage. Au prétexte d’un recentrage sur leur « cœur de métier » (intervention réactive, arrestation, enquête) (Ocqueteau, Schlosser, 2019), ils semblent au contraire profiter de la pluralisation des forces non pas seulement pour se décharger des tâches dites indues, mais plus largement pour se désengager de cette présence préventive et régulatrice des troubles qui constitue pourtant l’essence même du travail policier de voie publique.

Une pluralisation sous le contrôle de l’État central

40Si l’État central reconnaît et soutient la dynamique de pluralisation du policing en France, il la supervise et la régule assez directement. De ce point de vue, certes les lignes bougent, mais la base du modèle perdure dans le changement puisque l’État reste l’acteur principal et le maître du jeu. Les pouvoirs publics organisent et encadrent la coproduction de sécurité, en même temps qu’ils étendent les prérogatives et renforcent la symbolique du pouvoir des métiers non régaliens. La France, à l’instar des systèmes de police du monde anglo-saxon, est bien engagée dans un modèle de policing par les tierces parties (third party policing), lequel suppose la réunion d’au moins deux conditions : la nécessité pour le tiers agissant avec ou pour la police publique de contrôler ou de prévenir certains pans de la criminalité (volontairement ou par la contrainte légale), et l’existence d’un levier juridique pour inciter ce « tiers » à prendre effectivement en charge certaines mesures de contrôle (Mazerolle, Ransley, 2006). Au-delà des citoyens indifférenciés qui, dans le contexte français, sont loin de répondre à ces conditions, la question reste de savoir jusqu’à quel point le « centre » contrôle bien les tierces parties organisées. Ou, pour le dire autrement, de savoir si les agents appartenant à ces dernières sont appelés à faire jeu égal en légitimité de performances avec les fonctionnaires d’État – ce que peut laisser présumer l’idée de multilatéralisation des activités de sécurité (Bayley, Shearing, 2001).

Les velléités de régulation

41Peu ou prou, le pouvoir central cherche à contrôler le développement de ces dispositifs de sécurité qui lui échappent en partie puisqu’ils se déploient indépendamment de lui. S’agissant par exemple des contributions citoyennes à l’ordre, l’État ne les promeut pas toutes, mais seulement celles qu’il canalise et instrumentalise au profit de ses propres services dans une logique d’enrôlement. Cette logique est évidente concernant l’engagement dans les réserves opérationnelles de la gendarmerie et de la police puisqu’il s’agit de servir au sein même des forces de l’État, dans le respect de la hiérarchie, des règles et des objectifs qui y prévalent. Cette logique est également manifeste concernant le dispositif dit de participation citoyenne évoqué supra. À la différence des communautés d’habitants qui se forment librement sur la plate-forme web développée par l’entreprise Voisins vigilants, l’initiative revient ici aux autorités locales et fait l’objet d’un protocole officiel. Comme indiqué sur la plaquette de présentation diffusée par la gendarmerie, le dispositif est « strictement encadré » pour prévenir toute dérive milicienne, avec un message clair à l’endroit des résidents mobilisés : ils sont encouragés « à adopter une attitude vigilante et solidaire ainsi qu’à informer les forces de l’ordre de tout fait particulier », mais n’ont « pas vocation à se substituer à [leur] action ».

42Même type de posture vis-à-vis des polices municipales : le ministère de l’Intérieur et les parlementaires cherchent à garantir des pratiques conformes au fonctionnement de l’État, ce qui transparaît notamment dans la production législative et réglementaire. Plusieurs textes sont ainsi venus cadrer et professionnaliser l’activité des polices municipales. À ce titre, on peut notamment citer les décrets de 1994 relatifs à l’organisation du recrutement (sur concours) et de la formation initiale, première étape importante dans ce processus d’institutionnalisation. Mais on doit surtout insister sur la loi du 15 avril 1999 relative aux polices municipales qui mise tout à la fois sur la formation continue, l’accroissement des pouvoirs, l’uniformisation des équipements, les conventions de coordination avec la police et la gendarmerie nationales, le code de déontologie et le raffermissement des mécanismes de contrôle étatique (double agrément du préfet et du procureur, clarification de la procédure d’armement, dispositif d’inspection). Si cette loi contribue à la reconnaissance officielle des polices municipales, c’est donc aussi parce qu’elle instaure des garde-fous face aux dérives localistes. Elle traduit les velléités de contrôle étatique.

43Concernant la sécurité privée, la loi fondatrice du 12 juillet 1983 a édifié un système de régulation à l’entrée sur le marché, destiné à débarrasser le secteur d’un héritage pesant en matière d’atteintes aux libertés publiques (Warfman, Ocqueteau, 2011, p. 9-19). Puis, trente ans plus tard, la nécessité se fit pressante de le refonder différemment. La mise à l’agenda de la refonte de ce système fut tâtonnante mais au total, assez rapide (Ocqueteau, 2013 ; Paulin, 2017). Un nouveau dispositif de régulation délégué, le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS), est apparu dans le paysage institutionnel français à la fin du quinquennat de N. Sarkozy et n’a fait que renforcer sa légitimité sous le quinquennat de F. Hollande. Institué par l’article 31 de la loi du 14 mars 2011 et le décret du 21 décembre 2011, le CNAPS est un établissement public administratif qui s’est substitué aux préfectures départementales jusqu’alors mobilisées pour moraliser le secteur privé en tant que profession contrôlée. Les missions de ce conseil dont les orientations sont fixées par un conseil d’administration [12] sont de trois sortes : disciplinaires, de contrôle, de conseil et d’assistance. Accédant légalement à différents fichiers de police et de justice sur les antécédents judiciaires des agents de sécurité, les agents du CNAPS sont chargés de délivrer les agréments et les autorisations aux salariés et aux dirigeants des entreprises entrant dans son champ de compétence selon un système de « guichet unique » centralisé à Paris. Les déclinaisons locales de l’organisme sont, de leur côté, missionnées pour trancher des litiges susceptibles de survenir lors des activités du contrôle des titres en circulation et des déviations des entreprises et salariés de la sécurité. Huit commissions locales d’agrément et de contrôle (CLAC) en métropole et deux pour les Outre-mer ont été instituées, respectant en miniature une parité identique à celle du conseil national.

L’extension des prérogatives et des missions

44Soucieux de conserver son leadership en matière de sécurité, l’État central s’efforce d’organiser et de contrôler la pluralisation du policing en France. Ce faisant, et même s’il n’assume pas nécessairement cette position, il encourage aussi le développement de ces autres services et métiers sur lesquels il cherche à s’appuyer pour consolider le dispositif de sécurité intérieure dans un contexte doublement marqué par de lourdes contraintes budgétaires et par une forte pression sécuritaire. À cet effet, il les promeut au travers d’une série de dispositions qui viennent créditer leur autorité et les conforter dans un rôle pour ainsi dire policier. En ce sens, on assiste à un phénomène d’extension de leurs prérogatives, notamment des missions de verbalisation, qu’on peut aussi lire comme un mouvement continu de délégation justifié par l’idée d’un nécessaire recentrage des forces étatiques sur leur « cœur de métier ».

45Ce mouvement est très net s’agissant des policiers municipaux. En tant qu’agents de police judiciaire adjoints (APJA), leurs pouvoirs restent limités sur le plan judiciaire, mais depuis la loi du 15 avril 1999 (qui les a habilités au relevé d’identité et à la verbalisation des contraventions aux arrêtés municipaux ainsi qu’à la plupart des dispositions du code de la route) jusqu’aux mesures les plus récentes (qui leur ouvrent le champ de la police des transports et leur facilitent l’accès aux fichiers des permis de conduire et des immatriculations), leur mandat répressif s’est considérablement accru, et cela se répercute indéniablement sur la nature de leur activité. Ce mouvement touche également les services de sécurité internes de la SNCF et de la RATP dont le champ d’action potentiel s’est également élargi avec la loi du 22 mars 2016 visant à renforcer la prévention et la lutte contre les actes terroristes, la délinquance, la fraude et les incivilités dans les transports collectifs. Cette loi leur redonne notamment la possibilité de travailler en civil et armés (donc, dans une logique d’investigation et d’interpellation). Elle les autorise en outre à « procéder à l’inspection visuelle des bagages, ainsi qu’à leur fouille avec le consentement du propriétaire, voire à des palpations de sécurité « lorsque les circonstances le justifient » – c’est la formulation juridique, il appartient aux tribunaux d’en apprécier la portée en cas de litiges.

46Quant au secteur de la sécurité privée, la tentation est devenue de plus en plus forte de déployer des missions de gardiennage sur la voie publique en dépit de la censure formelle du Conseil constitutionnel de 2011, comme en atteste une proposition du rapport prospectif commandité en 2016 au préfet M. Burg sur l’évolution de la sécurité privée à dix ans (Burg, 2016) [13]. Et l’imagination est débordante au sujet des possibles missions hydrauliques, pour reprendre cette métaphore du monde anglo-saxon relative aux missions non essentielles dont l’État pourrait se délester sur la sécurité privée. Le rapport des députés A. Thourot et J.-M. Fauvergue préconise en ce sens de confier aux sociétés privées les gardes statiques devant les bâtiments justifiant une surveillance (à l’exception des sites les plus sensibles), le transfert vers les hôpitaux des personnes en état d’ivresse publique et manifeste ou des détenus non dangereux, l’exécution de missions administratives dans les centres de rétention administrative ou encore le transport et la garde des scellés jusqu’à la fin des procédures judiciaires en cours, etc.

Le partage d’attributs symboliques de la fonction policière

47Par-delà l’extension des missions, la reconnaissance (sinon la promotion) étatique des acteurs non régaliens de la sécurité passe aussi par le partage d’attributs symboliques de la fonction policière. Cette dimension concerne notamment la symbolique des uniformes : pour les polices municipales, l’homogénéisation des tenues a constitué un enjeu majeur et fait l’objet d’un vif débat tranché par la loi du 15 avril 1999. Pour les agents de sécurité privée, la question semble à nouveau se poser aujourd’hui en des termes différents, alors que des trésors d’imagination avaient toujours été de mise pour combattre la confusion des apparences. Ainsi, dans leur rapport, les députés A. Thourot et J.-M. Fauvergue reprennent les suggestions du préfet M. Burg. Sans aller jusqu’à prévoir un numéro matricule opposable aux citoyens, ils préconisent de « rendre obligatoire le port d’un uniforme spécifique pour les agents privés de sécurité identique à toute la profession ».

48Mais cette dimension se rapporte aussi et surtout à la question de l’armement qui, par-delà sa fonction instrumentale, répercute de forts enjeux d’image et de légitimation : elle touche au cœur de la représentation symbolique de la force policière. Armement que l’État encourage désormais ouvertement pour l’ensemble des acteurs de la sécurité, à l’exception des réseaux de voisins vigilants, la législation française étant claire et stricte à ce sujet : pas de place pour les groupes d’autodéfense [14]. Il vaut en revanche de rappeler que les citoyens réservistes qui servent en police et en gendarmerie sont armés, et cet attribut semble n’émouvoir personne dans le débat public. Pas plus, d’ailleurs, que n’émeut l’équipement des agents de la Suge et du GPSR qui, c’est le fruit de leur histoire [15], portent un revolver à la ceinture.

49La donne est différente pour les policiers municipaux. En l’état actuel du régime juridique, c’est sur demande motivée et circonstanciée du maire au préfet qu’ils peuvent obtenir une autorisation nominative de port d’arme(s). Le principe est donc à la libre appréciation des maires, et tous n’adoptent pas les mêmes positions idéologiques à ce sujet. Pour autant, et par-delà les clivages antérieurs, l’armement tend aujourd’hui à s’imposer dans tous les services de police municipale. Le contexte d’attentats à répétition a largement infléchi le débat sur le sujet, notamment depuis les attentats de janvier 2015 et la mort de Clarissa Jean-Philippe, policière municipale stagiaire prise pour cible à Montrouge au seul motif qu’elle portait un uniforme. Sous cette pression, nombre d’élus locaux jusqu’alors rétifs ou indécis se sont résolus à armer leurs agents. Ceux qui s’y refusent sont de plus en plus minoritaires, et leur voix est devenue presque inaudible dans ce climat. Quant à l’État, il soutient et participe à cette évolution par différentes mesures en direction des collectivités soucieuses de renforcer l’équipement de leurs policiers municipaux : octroi de subventions pour l’achat de gilets pare-balles, mise à disposition de 4 000 revolvers 357 magnum de la police nationale, ajout des pistolets semi-automatiques 9 mm à la liste des armes autorisées. Adoptée quelques jours après l’attentat de Nice, une loi du 21 juillet 2016 prorogeant l’état d’urgence a en outre assoupli les conditions d’armement des policiers municipaux (art. 16) : il revient toujours au maire de faire la demande de port d’arme pour ses agents, mais il n’a dorénavant plus besoin de justifier cette demande, et le préfet n’est donc plus fondé à la contester. De fait, l’armement des polices municipales se banalise, quelle que soit la taille des services ou l’affiliation politique des maires. De ce point de vue, la proposition d’armement obligatoire défendue par les députés A. Thourot et J.-M. Fauvergue est bien dans l’air du temps (Malochet, 2019).

50Quant aux agents relevant de la sécurité privée, jusqu’à peu, hormis pour les convoyeurs de fonds, le principe était celui du non-armement. Cependant, de premières brèches apparurent dans ce régime en application d’une disposition de la loi du 2 mars 2010 renforçant la lutte contre les violences de groupe et la protection des personnes chargées d’une mission de service public, puis du décret du 21 décembre 2011 sur les conditions d’armement des personnes chargées du gardiennage et de la surveillance de certains immeubles collectifs d’habitation, un décret ad hoc pour l’armement des agents du GPIS puisque, de fait, les seuls à avoir été autorisés à s’équiper de bâtons de défense et de bombes lacrymogènes.

51Dans une grande indifférence, un pas plus décisif encore a été franchi avec la loi relative à la sécurité publique du 28 février 2017 et le décret du 29 décembre 2017. Ce dernier texte et ses quatre arrêtés d’application d’octobre 2018 ont définitivement consacré, sans le rendre obligatoire, le principe de « l’exercice de certaines activités privées de sécurité avec le port d’une arme » (Ocqueteau, 2018). Le code de la sécurité intérieure s’en est trouvé modifié en vue de « mieux encadrer l’exercice d’une activité de sécurité privée avec le port d’une arme » [16]. Deux catégories d’armes peuvent désormais être utilisées : les armes défensives de catégorie D (matraques de type bâtons de défense ou tonfa ; matraques ou tonfas télescopiques, générateurs d’aérosols lacrymogènes ou incapacitants) et, pour certains agents de protection rapprochée, les armes à feu offensives de catégorie B (revolvers chambrés de calibre 38 ou armes de poing pour calibre de 9 mm).

52Par-delà les controverses sur la portée létale ou non létale de ces armes, l’innovation est substantielle, puisque jamais depuis 1983, les agents de sécurité privés n’avaient été autorisés à être équipés d’armes offensives, ce que personne n’avait d’ailleurs jamais officiellement revendiqué. Le nouveau régime d’autorisation de l’armement des agents privés s’aligne tendanciellement sur celui des policiers nationaux et municipaux, incluant des obligations d’entraînement au maniement des armes et de mise en sécurité des armes. S’agissant des armes à feu, le décret stipule qu’elles doivent être « apparentes et associées à un port obligatoire d’un gilet pare-balle » dans une durée de « mission de surveillance nécessairement accomplie en duo ». Quant au client qui souhaiterait disposer d’agents dotés d’armes de catégorie D, il doit justifier d’une « situation particulièrement dangereuse » et d’un « risque d’agression » dans la mission effectuée au sein ou aux abords des locaux à surveiller.

53Autrement dit, les pouvoirs publics se sont persuadés, durant la période de panique suscitée par les attentats terroristes de ces dernières années, qu’une législation de riposte en légitime défense (Codaccioni, 2018, p. 281-308) devenait une nécessité, au point de rompre avec la doctrine ancestrale de l’État français de prohibition du pouvoir de coercition par la sécurité privée. Au final, cette mise en armement tend à unifier tous les métiers du continuum de sécurité dans une même famille professionnelle, la famille étendue du policing, au risque d’atténuer ce qui faisait la spécificité de leurs identités respectives. Du côté de l’État et des collectivités locales comme dans les entreprises et autres organismes vulnérables à la malveillance, les politiques de sécurité « investissent » massivement dans les équipements matériels, l’arsenal des moyens de protection individuelle, la vidéosurveillance, les solutions dites intelligentes et les algorithmes prédictifs, etc. Bien moins d’efforts sont en revanche consentis pour promouvoir une véritable culture de l’ancrage local et de la prévention, alors même que cela semble essentiel pour agir sur les enjeux de sécurité au plus près des territoires et de leurs populations.

Conclusion

54Significative de la pluralisation du policing à l’œuvre en France, la mission parlementaire confiée aux députés A. Thourot et J.-M. Fauvergue avait pour mandat explicite de proposer des solutions innovantes autour du « continuum de sécurité ». Par-delà les mesures énoncées, le rapport qui en résulte ne suggère rien d’autre que de reconnaître officiellement les polices municipales comme une « troisième force de sécurité » et, sans aller jusqu’à l’évocation d’une quatrième force pour la sécurité privée, d’améliorer l’image d’un « secteur fragile et éclaté, mais capable de produire de belles réussites ». Mais, à tout le moins, ce rapport reflète la place croissante et désormais légitime des ressources apportées par des fournisseurs de sécurité autres que les forces régaliennes. Malgré la prégnance d’un modèle de police particulièrement centralisé, les lignes de la doctrine étatique ont considérablement bougé en l’espace de quelques décennies. Des acteurs locaux et privés se sont progressivement imposés dans le dispositif français de sécurité intérieure, à défaut d’avoir toujours été dûment invités à y contribuer. Et ce processus semble irréversible.

55Dans un contexte marqué par une double pression sécuritaire et budgétaire, les mécanismes de pluralisation sont donc actifs et ne font que se renforcer, soulevant des enjeux de taille sur le plan de la gouvernance et de l’articulation des dispositifs. Rien ne permet cependant de penser que les dynamiques à l’œuvre remettent fondamentalement en cause les grandes orientations du modèle de police français. L’État régalien garde la haute main sur la police judiciaire et le renseignement ; il conserve l’image d’un État fort en ces domaines. Quant à la gestion de la sécurité publique au quotidien, le pouvoir central et ses services déconcentrés peuvent sembler défaillants en regard des préoccupations locales, amoindris par une crise des finances publiques propice au développement de ressources concurrentielles. Pour autant, le diagnostic n’est pas celui d’un État faible sur ce plan, mais plutôt d’un État stratège qui organise la coproduction de sécurité, délègue toujours plus de missions mais reste campé dans sa position d’acteur dominant.

56Contraintes de gérer au plus juste des effectifs non élastiques, les forces de l’État sont désormais tenues de composer avec d’autres responsables et fournisseurs de sécurité dont elles deviennent progressivement plus dépendantes. Ces autres intervenants n’offrent cependant pas nécessairement d’alternative au modèle policier standard, ni ne parviennent à s’autonomiser pleinement vis-à-vis d’une tutelle étatique qui reste manifestement pesante. De fait, ils sont avant tout mobilisés comme forces supplétives d’un appareil régalien particulièrement crispé sur les questions sécuritaires face aux mouvements protestataires et aux menaces du moment. Autrement dit, au regard de la variété des acteurs engagés, le policing se pluralise en France comme partout ailleurs, mais il ne se réinvente pas pour autant dans ses approches et ses modes d’intervention. Finalement, les pouvoirs publics français investissent encore assez peu dans les politiques préventives et les stratégies de résolution des problèmes avec le concours de la population, faute de savoir imaginer une vraie place aux citoyens dans le gouvernement des enjeux de sécurité.

Notes

  • [1]
    Extrait de la lettre de mission émanant du Premier ministre, datée du 19 mars 2018.
  • [2]
    La notion de sécurité globale s’est diffusée dès 2003 à l’Institut des hautes études de sécurité intérieure (IHESI) lorsqu’il s’est agi de le transformer en Institut national des hautes études de sécurité et de justice (INHESJ), dans une hostilité déclarée à la promotion du concept américain de « sécurité nationale », trop connoté par le Patriot Act (Ocqueteau, 2007).
  • [3]
    Nos travaux utiles à la démonstration seront annoncés au fil des développements de l’article.
  • [4]
    Précisément, le dernier rapport de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale de l’administration fait état, en 2017, d’un effectif de 148 400 agents (en équivalents temps plein travaillés) dans la police nationale et de 98 900 agents dans la gendarmerie nationale (Gissler et al., 2017, p. 16).
  • [5]
    Comme d’autres activités économiques de soutien très consommatrices de main-d’œuvre, tels l’intérim ou la propreté, le secteur de la sécurité externalisée reste massivement constitué de prestataires tournés vers une clientèle d’entreprises, et ce, dans une proportion de 86 %. Mais, à la différence de l’intérim (32,4 millions d’euros de chiffre d’affaires) et de la propreté (22,4 millions), les chiffres d’affaires y sont beaucoup plus faibles.
  • [6]
    Les ERP (établissements recevant du public) en sont la traduction juridique. Les espaces hybrides de ces établissements privés sont régis par des normes publiques plus ou moins contraignantes, notamment les normes de prévention de l’incendie et de l’organisation des secours à la personne.
  • [7]
    Environ 3 000 agents équipés de revolver, habilités à verbaliser les infractions à la police des transports.
  • [8]
    Environ 1 000 agents de statut similaire, également armés.
  • [9]
    Institués en 2002, les CLSPD/CISPD sont venus remplacer les conseils communaux de prévention de la délinquance (CCPD) créés en 1983 suivant les préconisations du rapport de la commission des maires sur la sécurité présidée par Gilbert Bonnemaison. Comme leur nom l’indique, ils intègrent une dimension sécuritaire explicite que les CCPD n’avaient pas vocation à traiter.
  • [10]
    C’est obligatoire dès lors que le service de police municipale comporte au moins cinq effectifs, que ses agents sont armés ou qu’ils travaillent de nuit.
  • [11]
    Des unités territoriales de quartier (Uteq) en 2008, en passant par les brigades spécialisées de terrain (BST) en 2010 et autres patrouilleurs en 2011, jusqu’à l’actuelle police de sécurité quotidienne (PSQ) qu’il est pour l’heure prématuré d’évaluer mais dont la mise en œuvre semble encore floue.
  • [12]
    Le collège est composé pour moitié de responsables administratifs, et pour l’autre moitié, de dirigeants de syndicats patronaux des différentes branches, plus quatre personnes qualifiées.
  • [13]
    « Sans revenir sur les principes constitutionnels et prétoriens relatifs aux prérogatives des agents de sécurité privée sur la voie publique, il conviendrait de réfléchir à une nouvelle définition de leur présence sur la voie publique conformément à la pratique maintenant bien établie. La réflexion pourrait s’engager sur la présence encadrée de la sécurité privée sur la voie publique dans certaines hypothèses très précises et parfaitement définies dans le prolongement de l’article L 613 du code de la sécurité intérieure » (Burg, 2016, proposition no 9, 119-120).
  • [14]
    Le code de la sécurité intérieure interdit le port d’armes par des particuliers et prévoit la dissolution de toute association ou groupement de fait présentant par leur forme et leur organisation militaire le caractère de milice privée. De ce point de vue, on reste dans une remarquable continuité de doctrine liée au tabou de la hantise de la reconstitution des ligues dissoutes, et par conséquent de leur prohibition (Front populaire de 1936).
  • [15]
    Leur existence même est héritée de la législation de 1845 sur la police des chemins de fer.
  • [16]
    Décrites ainsi désormais : toutes activités ayant pour objet la surveillance humaine ou la surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou le gardiennage des biens meubles et immeubles ainsi que la sécurité des personnes se trouvant dans ces immeubles ou dans les véhicules de transport public de ces personnes.
Français

Le dispositif de sécurité intérieure de l’État français se caractérise par une architecture originale et centralisée, héritée de son histoire, qui met désormais en scène, aux côtés de la police et de la gendarmerie nationales, la contribution de la sécurité privée, des polices municipales et des réseaux de vigilance citoyens. À l’aide des recherches empiriques cumulatives des auteurs, l’article revient sur l’émergence du référentiel de continuum de sécurité et analyse le développement des différentes ressources mobilisées. Il montre comment le pouvoir central, loin de se laisser déposséder de ses prérogatives, s’efforce de tirer parti d’un mouvement de pluralisation qu’il encadre et promeut tout à la fois dans un contexte marqué par une double pression sécuritaire et budgétaire.

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  • sécurité publique

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Virginie Malochet
Institut Paris Région
(ex-Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région Île-de-France)
CESDIP
Frédéric Ocqueteau
CNRS, CESDIP
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Mis en ligne sur Cairn.info le 16/06/2020
https://doi.org/10.3917/gap.201.0009
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