CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 – Le flâneur de Paris au XIXe siècle et l’employé de Berlin au début du XXe siècle

1Gustave Le Bon écrit dans sa Psychologie des foules que « les foules sont un peu comme le sphinx de la fable antique : il faut savoir résoudre les problèmes que leur psychologie nous pose, ou se résigner à être dévoré par elles » [1]. Les théories de psychologie des foules au XIXe siècle étaient des « miroirs déformants » sur la foule (Barrows, 1981) qui était inconnu, étrange (uncanny). Puisque les compréhensions de la foule, de ses significations et de ses figures sont croisées avec les idées socio-politiques développées depuis lors, la foule implique plusieurs sens.

2La foule pour Benjamin et Kracauer est à la fois cachée et exposée comme la Lettre volée d’Edgar A. Poe. Nous allons d’une part mettre en question les textes sur la masse, en particulier les textes sur le flâneur. Nous pourrions passer en revue les œuvres de Walter Benjamin, qui remontent aux années 1930 à Paris et décrivent les figures de flâneur parisien, et celles de Franz Hessel dont le thème principal est le flâneur de Berlin (Promenades dans Berlin). D’autre part, nous essaierons de trouver les liens (in)directs entre les œuvres de Benjamin/de Hessel et celles de Kracauer qui écrit plusieurs articles dans les journaux et publie des livres comme L’Ornement de la masse (1927) et Les Employés : aperçus de l’Allemagne nouvelle (1930).

3Il serait difficile d’examiner l’enchaînement chronologique des écrits de Benjamin, qui commençait à écrire, à la fin des années 1920, des fragments de Paris, capitale du XIXe siècle, Le Livre des passages, et ceux de Kracauer et Hessel. On dispose de pas mal d’études sur les œuvres de Hessel, qui soulignent les points communs avec celles de Benjamin. Par contre, nous manquons d’études sur la relation entre les textes des années 1930 de Benjamin et ceux de Kracauer. Nous essaierons ici de les examiner avec les méthodes de l’intertextualité. Nous pourrons percevoir dans notre recherche que la masse-nomade est déjà figurée chez Benjamin et Kracauer. Elle pourrait être réfléchie en relation avec le phénomène récent de l’élargissement de la masse errante et nomadique.

4Dans cette recherche, nous pourrons examiner et reconstituer la figure de flâneur de Benjamin et la relation de loisir/travail de Kracauer. Nous pourrions y trouver un modèle précédent de la masse moderne, souple et nomadique qui a tendance à se différencier en petits « tribus ». Elle est tout à fait différente de la masse ferme et solide autrefois rassemblée et organisée par les classes ou les idéologies politiques. Et puis, nous pourrions réfléchir les significations de la relation de la socialité de cette masse-nomade avec les signes et images culturels. Enfin, nous pourrions faire attention au phénomène du nomadisme « transnational » de masse contemporain, des masses qui passent sans cesse des frontières de régions, de nations, en nous référant aux textes de Benjamin et Kracauer dans les années 1920-30.

2 – Le type perceptif du flâneur

5Vers 1840, la mode était de promener des tortues dans la rue. Cela donne une idée du rythme de la flânerie (Benjamin, I.2, 627 ; M 3, 8). Les flâneurs, qui avaient fait l’éloge de la lenteur comme de la nonchalance au rythme des tortues qu’ils s’amusaient alors à promener dans les rues parisiennes, disparaissaient au fur et à mesure de la construction des grands boulevards et de la croissance des transports. Le taylorisme s’appliqua à lutter « contre la flânerie » des ouvriers, les gestes inutiles et les temps morts grâce à l’organisation scientifique du travail. Malgré tous les systèmes rationnels tayloriens, les flâneurs survivent toujours, comme le remarque Benjamin, à propos de F. Hessel et du « retour du flâneur » (1929). Si on considère les histoires de flâneurs, le type de flâneur du XVIIIe siècle était le rêveur philosophique. Dans Les Rêveries du promeneur solitaire, Jean-Jacques Rousseau montre bien ce modèle antécédent du flâneur. Ce type de flâneur tient de la méditation philosophique intime, qui est à l’opposé du flâneur benjaminien du XIXe siècle qui tend vers le monde extérieur. Le flâneur benjaminien est un observateur de la foule informe, amorphe, qui reste passagèrement dans un café, un spectateur errant qui regarde en simple curieux les architectures urbaines et les passages.

6Le flâneur est, pour Benjamin, un homme oisif pour lequel l’oisiveté est plus précieuse que le travail. Nous pourrions voir une similitude entre le flâneur benjaminien et la masse kracauerienne qui jouit des jeux de la culture contre le travail. Les références de Benjamin à Taylor et à ses collaborateurs et successeurs qui déclaraient « la guerre à la flânerie », montrent que le flâneur est à l’opposé du système mécanique de production (Benjamin, 2002, M 10, 1). Pourrions-nous dire que « l’oisiveté du flâneur est une protestation contre la division du travail » (ibid., M 5, 8) ? Le type de flâneur qui se situe dans les marges du système moderne de la production est lié étroitement aux lieux typiques de la ville comme la rue, le café, le grand magasin, le cinéma, la gare, le casino, l’hôtel, le musée, etc. Ces lieux sont des lieux où l’on reste provisoirement, des lieux vulgaires, non sacrés, des flâneurs.

7Chez Benjamin, nous trouvons deux caractéristiques du comportement des flâneurs. La première est l’observation, un trait qui pourrait être comparé à l’acte du détective. C’est ainsi qu’est caractérisé le flâneur qui reste dans les cafés en observant la masse informe et anonyme, tel l’« homme des foules » de Poe. Il est un observateur de la masse qui « efface toutes les traces de l’individu » (ibid., M 16, 3), et il trouve avec un regard chercheur l’existence moderne. Ce type de flâneur-observateur est celui qui se tient à distance de la masse. D’autre part, un deuxième comportement typique du flâneur est lié à l’effervescence d’être sorti de la solitude individuelle et de s’être mêlé à la foule. Dans son poème « À une passante », Baudelaire – qui est lui-même un flâneur parisien – décrit la situation typique des rues urbaines. Le narrateur, dans ce sonnet, aimerait parler à une passante. Il incarne le sentiment étrange des individus dans la foule où règne l’anonymat. Benjamin explique ce sonnet : pour l’habitant de la grande ville, la foule n’est pas un antagoniste, mais un objet d’amour. La foule est présentée comme « le lieu où trouve refuge l’amour fuyant le poète » (Benjamin. 1990, pp. 69-71.).

8

La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d’une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l’ourlet
[…]
Un éclair… puis la nuit ! - Fugitive beauté
Dont le regard m’a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l’éternité ?
[…]
(Baudelaire, À une passante, Les fleurs du mal)

9Les rencontres de l’un avec l’autre dans la foule où règnent le hasard et le provisoire nous montrent les possibilités d’isolement et de déviance de la masse. Les vraies rencontres ne s’achèvent jamais, elles retardent sans cesse. Le fait de différer la possibilité de la constitution des sens de la rencontre est une source de vacuité et de vanité. Or cette vacuité et cette vanité des individus sont compensées par l’être dans la « foule » et par l’effervescence collective de la foule. En tant que flâneur, l’individu est attiré par un rassemblement et s’y fond dans une intense jouissance.

10« Le promeneur solitaire et pensif tire une singulière ivresse de cette universelle communion. Celui-là qui épouse facilement la foule connaît des jouissances fiévreuses dont seront éternellement privés l’égoïste, fermé comme un coffre, et le paresseux, interné comme un mollusque » (Baudelaire, Les foules, Le Spleen de Paris).

11La foule décharge l’individu de sa solitude (Moscovici). Comme une monade isolée moderne, l’individu aurait « un obscur besoin de fusion dans le tout » (Moscovici). Le sentiment euphorique, jubilant est assimilé chez Baudelaire à l’« ivresse religieuse » : « Le plaisir d’être dans les foules est une expression mystérieuse de la jouissance de la multiplication du nombre. […] Ivresse religieuse des grandes villes » (Cité par Benjamin, 2002, J 34a, 3).

12L’individu mêlé à la foule n’est plus individu. À propos du passage de l’individu à la masse, Baudelaire se réfère à la distinction entre le flâneur et le badaud de Victor Fournel : « Le simple flâneur… est toujours en pleine possession de son individualité. Celle du badaud disparaît, au contraire, absorbée par le monde extérieur… qui le frappe jusqu’à l’enivrement et l’extase » (ibid., M 6, 5). Cette distinction qui est dans un fragment du Livre des passages nous montre l’identité des habitants des villes, qui va et vient comme un pendule entre l’individu et la masse. Le badaud est impersonnalisé et absorbé dans la foule, alors que le flâneur possède en partie de son individualité. Le passage du flâneur au badaud est un moment de sortie de soi-même, d’extase (en grec, ekstasis est le transport, ce qui fait sortir de soi) de l’individu qui s’absorbe dans la masse. L’expérience de mélange dans la foule du flâneur n’est pas loin de celle de se laisser aller dans les fantasmagories du monde extérieur. C’est comme l’expérience du consommateur dans le grand magasin et celle du touriste. Sortir de soi et devenir un autre, qui serait la foule ou la fantasmagorie du monde extérieur.

13En tant que consommateur de marchandises, spectateur de films, touriste, le flâneur pourrait lire les environnements des villes et la masse qui enveloppe la ville comme un voile. Il a le regard fascinant des détectives et des lecteurs qui lisent des textes jamais écrits. Il ne serait pas hasardeux de reconnaître les écrivains et les journalistes comme des flâneurs typiques. Or la flânerie de Benjamin ne leur appartient pas. Le flâneur en tant que détective incarne le caractère de masse moderne qui remplit une existence vide et creuse de passions et de fantasmagories. Pour Benjamin, ces deux comportements du flâneur sont liés à ses idées sur la trace et l’aura.
« Trace et aura. La trace est l’apparition d’une proximité, quelque lointain que puisse être ce qui l’a laissée. L’aura est l’apparition d’un lointain, quelque proche que puisse être ce qui l’évoque » (ibid. M 16a, 4).
Le flâneur, qui poursuit à la trace les hommes et les marchandes, le flâneur qui fascine en se laissant aller aux fantasmagories de la ville et de la marchande… Ces deux attitudes du flâneur constituent les deux types de perception de la masse moderne. Pourrions-nous dès lors considérer le flâneur comme une miniature de la masse moderne et de l’industrie moderne ?

3 – La masse ferme et la masse souple

14Selon Benjamin, la foule anonyme et amorphe est « le moule qui a servi soixante-dix ans plus tard à fondre la communauté nationale » (Benjamin, 2002, J 66, 1). C’est-à-dire que la foule est un récipient qui se forme concrètement par la classe (bourgeois/prolétaire) et la situation (spectateur/consommateur/électeur votant). D’un côté, la foule facho fondée par le régime fasciste. De l’autre, le « prolétariat révolutionnaire » qui est le « seul adversaire irréductible » de « l’agent du capitalisme monopolistique » et qui commence à s’affirmer en réveillant « la réalité de la classe » (ibid., J 81a, 1). À l’opposé de la foule baudelairienne, qui est comprise comme un voile enveloppant la ville, la foule d’un point de vue réaliste perd son caractère imaginaire et possède la concrétude et la réalité. Selon Benjamin, le jeune Marx aurait eu pour mission de transformer la masse sans forme en masse solide de prolétariat (Benjamin, 1980a, p. 619).

15Or ni Benjamin ni Kracauer n’éprouvent la nécessité à réfléchir sur la masse dans le cadre de « l’analyse sociologique de la structure de classe » (voir Mülder-Bach, 1998, p. 12). Comme le remarque S. Buck-Moss (1986), Benjamin focalise son attention sur la consommation plus que sur la production. Le flâneur ou le badaud que Benjamin met en relief ressemblent au consommateur (voir Buck-Moss, 1986, p. 106). Nous pourrions l’affirmer dans Le Peintre de la vie moderne, où Benjamin décrit le caractère consommateur du flâneur. Il y écrit que le flâneur erre dans le labyrinthe de la marchandise (Benjamin, 1980a, p. 557). Il n’est pas moins important de donner corps à ce type de flâneur-consommateur dans notre société de consommation. Mais ce qui est évident, c’est que le flâneur ne peut être réduit au consommateur capitaliste. Le flâneur est un promeneur oisif, un spectateur dans les rues de la ville, un client dans les cafés, etc. Les comportements du flâneur montrent l’aspect dialectique d’être observateur des spectacles et d’être absorbé dans la foule et l’environnement urbain.

16Benjamin saisit chez Poe et Baudelaire une autre figure du flâneur qui est la masse considérée comme automate. Comme disait Tarde, la foule est comme l’état hypnotique. Elle n’a que des idées suggérées. Telle est l’illusion propre au somnambule ainsi qu’à la foule. L’acte de la foule est inconscient, comme un rêve en action. Cette inconscience est causée par le mécanisme du monde extérieur où la foule se fait badaud ou homme de métier. Les caractéristiques du somnambule coïncident avec ce que Simmel a appelé l’homme métropolitain blasé. Les marches mécaniques de la foule sont loin de la marche du flâneur. Le flâneur qui se plonge dans le monde extérieur intériorise des allusions extérieures, par exemple les affiches, les publicités, les monuments, les images des marchandises, etc. Le promeneur solitaire se transforme en badaud et en homme-sandwich. L’homme-sandwich est une personne dont l’activité consiste à circuler à pied dans les rues en portant deux placards de publicité. Il est un symbole de « flâneur salarié » et correspond aux employés d’aujourd’hui. Comme l’écrit Benjamin, « l’homme-sandwich est la dernière incarnation du flâneur » (Benjamin, 2002, M 19, 2). Le flâneur benjaminien, qui se distingue toujours du monde du travail, est ici intégré au monde du métier. Malgré tout ce procès de l’absorption de la masse dans le système rationnel, comment se constitue la flânerie nomadique et la masse-nomade ?
Lorsque le flâneur s’identifie à l’homme-sandwich, il n’est pas possible de considérer le flâneur en tant que masse marginale. En effet, dans les fragments du Livre des passages, divers points de vue existent parallèlement, où le flâneur et l’homme-sandwich ne s’identifient pas. Le flâneur, le badaud, l’homme-sandwich expriment les relations dynamiques entre l’individu et la masse. Susan Buck-Moss (1986) propose une hypothèse concernant la différence et la similitude entre le flâneur et l’homme-sandwich. En se référant au Livre des passages de Benjamin, elle perçoit des liens entre le flâneur et le journaliste, l’homme de lettres et le policier. Ce sont des « flâneurs salariés » qui travaillent dans les rues de la ville. Or elle n’arrive pas à concevoir la signification de la masse marginale, qui est une grande partie de la figure du flâneur. Elle introduit la distinction entre le prolétaire au chômage, le SDF et l’intellectuel bourgeois dandy en recourant au schème des classes dans les études sur le flâneur. Ces points de vue ne sont pas irraisonnables, mais ce qui est plus important, c’est le fait qu’en dehors de ce schéma et de ce cadre de la classe nous pouvons trouver les implications profondes du flâneur en tant que marginal. Dans la section suivante, nous traiterons les employés de Kracauer comme les flâneurs. Le métier des employés serait compris comme un acte culturel et non pas un acte professionnel.

4 – La malédiction de l’individualisation et la socialité nomadique

17La poupée fabriquée dans une usine américaine rappelle à Kracauer (1977) l’individu qui, dans la masse, se transforme en abstraction mécanique. L’individu se dissipe dans la masse, dont les idées sont gouvernées par le mécanisme de la production/consommation. Ce mécanisme ronge les liens entre les individus tandis qu’il unit la masse à un certain cadre.

18Dans Les Employés, Kracauer centre son attention sur l’apparition des employés salariés au XXe siècle. Les employés, qui sont de la masse salaire, se distinguent des travailleurs prolétaires (Kracauer, 1998, p. 88). Pour lui, les employés sont des classes moyennes qui ne pourront jamais arriver à communiquer avec un pouvoir ultime dans une société hautement industrialisée. Ils vivent, pourrait-on dire, dans une structure irrationnelle.

19Comme le suggère Kracauer, nous pourrions retrouver ces aspects dans les écrits de Kafka. Les personnages de Kafka sont des employés, par exemple des employés de banque, des voyageurs de commerce, des ingénieurs de terrain, etc. Ils errent dans le labyrinthe des classes moyennes et se confrontent à la fin tragique, mystérieuse. Selon Kracauer, les œuvres de Kafka présentent un portrait définitif d’une grande firme humaine labyrinthique (Kracauer, 1998, p. 48).

20Les personnages de Kafka incarnent la masse de la société industrialisée, plus mélancolique que la foule décrite par Poe ou Baudelaire. La mélancolie des personnages de Kafka est causée par le paradoxe de la société de masse. Plus l’organisation de la société est rationnelle, moins on a à faire l’un avec l’autre. L’isolement et l’aliénation de l’individu dans la masse sont donc liés à la rationalisation de la structure sociale par la logique capitaliste. Gregor, héros de Métamorphose, décrit ces expériences.

21« Ah, mon Dieu, songea-t-il, quel métier fatigant j’ai choisi ! Jour après jour en tournée. Les affaires vous énervent bien plus qu’au siège même de la firme, et par-dessus le marché je dois subir le tracas des déplacements, le souci des correspondances ferroviaires, les repas irréguliers et mauvais, et des contacts humains qui changent sans cesse, ne durent jamais, ne deviennent jamais cordiaux. Que le diable emporte tout cela ! » (Kafka, La métamorphose).

22La perte du lien avec les autres signifie la perte des points communs généraux qui sont hors de l’individuel. C’est la raison pour laquelle l’être ensemble, être nous, être la masse est une tentation particulière. Diminuent les situations où s’éprouvent les sentiments de pleine satisfaction alors que s’accroît le mécanisme imposant qui pourrait faire les liens. Kracauer explique ces situations de la masse moderne comme une perte des liens sociaux causée par la perte des liens à l’absolu (Die Beziehungslosigkeit zum Absoluten) et l’individuation (Vereinzelung) (Kracauer, 1977, p. 107). Les individus modernes perdent la croyance religieuse et l’intégration sociale, ils passent par tant d’épreuves de la malédiction de l’individualisation (Fluch der Vereinzelung) (ibid., p. 108).
La masse tente de résoudre ces problèmes, cherchant à établir les liens sociaux différents de ceux des sociétés traditionnelles. Il s’agit de nouveaux liens établis autour de la mode, de la culture, du sport, etc., bref autour d’activités en dehors du travail. Ces activités culturelles offrent, écrit métaphoriquement Kracauer, les foyers pour les homeless (Kracauer, 1998, p. 94).

5 – La masse-nomade et la ville de rêve

23Dans La théorie du roman (1920), Georg Lukacs écrit que la masse moderne perd le but et l’universalité et se caractérise par un transcendental homelessness, une perte ontologique qu’elle essaie de compenser par la culture et les jeux culturels [2]. Comme l’analyse Kracauer, les gens métropolitains qui ont faim de glamour et de distraction se rassemblent sous le slogan out of the business of work into the business of entertainment (Kracauer, 1998, p. 91). Parallèlement, ils essaient de compenser la grisaille de la vie professionnelle par une vie culturelle luxueuse. Pour les employés, satisfaire les besoins culturels est plus important que de gagner son pain. Pour eux, la maison ou le foyer sont plus qu’un séjour, cadrés qu’ils sont par les publicités des magazines pour employés (ibid., p. 88). Les explications de Kracauer sur la culture de masse nous permettraient de comprendre les délires de notre société pour les marchandises culturelles et les phénomènes de la mode. Autrement dit, la marchandise culturelle est comprise comme un foyer où git le besoin de la masse contemporaine sans foyer. Elle aurait une « force coercitive magique (magischer Zwang) » (Kracauer, 1977, p. 51). Le point de vue de Kracauer sur les activités culturelles de la masse coïncide avec celui de Simmel sur « la mode », un phénomène à la fois individuel et communautaire. Selon Simmel (1995), la mode signifie à la fois une inclusion des pairs et une exclusion des autres. Elle est une marque d’individualité, de différenciation et de reconnaissance sociale. Dans la mode, il y a deux tendances contradictoires : la tendance à l’égalisation sociale et la tendance à la distinction individuelle, à la variation. Nous pourrions y entrevoir le besoin de retrouver les liens sociaux perdus avec les autres dans les modes culturelles.

24Comme le dit justement Canetti, « c’est seulement tous ensemble qu’ils [les hommes] peuvent se libérer de leurs charges de distance », la mode exprimant une psychologie de masse d’être-ensemble avec les autres et d’être identifié aux autres. La séduction de la mode, écrit Benjamin, est la capacité d’être la femme « contemporaine de tout le monde ». « Être contemporaine de tout le monde, c’est la satisfaction la plus secrète et la plus ardente que la mode donne à la femme » (Benjamin, 2002, B 2, 4). Benjamin va jusqu’à dire que ce qui donne le ton à la masse, ce ne sera pas la vérité mais la mode (B 1a, 2).

25Partager les cinémas, les feuilletons télévisés, les jeux vidéo exprime comme la mode le besoin d’identification de la masse moderne. Lorsque les besoins de l’identification de la masse s’affaiblissent, « la masse va se décomposer en ses éléments, en ses atomes narcissiques » (Moscovici, 1985, p. 370). La socialité perdue pourrait être récupérée provisoirement par les symboles de la culture. La mode, le sport, le voyage, en bref les activités culturelles compensent l’intériorité transcendantale et l’universalité sociale perdues. Les activités culturelles se caractérisent comme temporaires, provisoires, improvisées, etc. En nous référant à Amirou (1994), qui analyse les touristes à travers le mode de socialité particulière que sont les vacances, nous pourrions dire que la masse moderne est caractérisée par une socialité « nomadique ».

26Dans Les Employés, Kracauer considère les activités culturelles comme secondaires, marginales, en marge des activités professionnelles. Or, dans L’Ornement de la masse, il les traite directement comme des activités principales. Kracauer y indique la multiplicité de strates (de la grande bourgeoisie au prolétaire) de consommateurs de la culture (Kracauer, 1977, p. 67) et la nouvelle forme de masse qui est la classe bourgeoise en fermentation (ibid., p. 71). Les meilleures ventes de livre, la mode, le cinéma, le sport, le voyage, etc., sont des éléments constitutifs de la nouvelle masse, par lesquels se constitue la « nomadisation » de la masse.

27Selon Kracauer, les activités culturelles de la masse ne sont pas tout à fait spontanées, car elles sont consécutives aux nécessités de la société. Dans les années 1920, Kracauer a publié dans la Frankfurter Zeitung un article intitulé « Les petites vendeuses vont au cinéma » [3], dans lequel il discute des significations sociales du cinéma pour la masse moderne. Il y définit le cinéma comme le « rêve éveillé de la société ». En réalité, il est très rare que la bonne se marie à un propriétaire de Rolls Royce. Des films stupides et irréels constituent ainsi le « rêve éveillé de la société » (Kracauer, 1977, p. 280).

28Le cinéma est la rêverie qui remplit la vacuité d’une existence. Or ce qui est irréel, absurde, fantaisiste représente paradoxalement la société de masse de façon correcte. Car la conscience de la masse dépend plus de thèmes de rêveries vulgaires que de thèmes rationnels et logiques. La quintessence des thèmes des films est la somme des idéologies sociales, dont le charme est disparu par les interprétations de thèmes (Kracauer, 1977, p. 282) Les cinémas populaires ne devraient pas être jugés comme vulgaires, non parce qu’ils ne le sont pas, mais parce que leurs vulgarités représentent la somme des idéologies d’une société.

29Analysant les films, Kracauer réfléchit à la division des lieux sociaux, et notamment à celle entre l’« office machine » et les lieux culturels. Sa critique de la masse anticipe les analyses d’Adorno et Horkheimer dans leur Dialectique de la raison. Or, d’après les recherches récentes consacrées à Kracauer – qui se basent sur la remarque d’Adorno (1965, p. 94), selon lequel Kracauer lui-même aurait éprouvé du plaisir à voir les films et aurait trouvé chez les petites vendeuses des réactions semblables aux siennes à propos du cinéma – on le considère comme un flâneur/consommateur/spectateur qui jouit de la masse populaire (par exemple le cinéma) et comme un prophète des théories de la culture qui est pour la masse (Fleischer, 2001, p. 12 ; Hansen, 1992, p. 67).

30Aujourd’hui, le lieu culturel est devenu un lieu indépendant et le domaine des activités de loisirs dépasse celui du travail. La perception de Kracauer a été anticipative de ces changements. La masse nomadique se rassemble et se sépare autour de lieux culturels et elle tend à sortir du système social solide et ferme.

31C’est le rêve qui caractérise la conscience de la masse errante. Selon Benjamin, le rêve n’est pas simplement une activité individuelle mais il est une activité liée à la conscience collective. Se réveiller de ce rêve implique la désillusion de la fantasmagorie sociale sur laquelle se concentre le flâneur. Comme Benjamin attribue au « surréalisme » une fonction révolutionnaire, l’éveil du rêve tient lieu de moment « révolutionnaire ». Les rues désertes dans les photos d’Atget ou les peintures de G. Chirico expriment l’état de l’éveil du rêve de la masse ou du flâneur. L’éveil du rêve de la masse aurait une signification socio-critique, mais les rêves benjaminiens ne sont pas simplement des étapes précédentes de l’éveil. La place vide de la ville nous permettrait de penser le sens de la pause ou de l’arrêt comme le cycle régulier des vacances. Comme celles-ci, le cycle du rêve et de la veille est un moment ordinaire répétitif.

32« Il suffit maintenant de transposer de l’individu au collectif l’état de la conscience, tel qu’il apparaît diversement dessiné et quadrillé par la veille et le sommeil. Bien des choses sont naturellement, pour le collectif, intérieures, qui sont extérieures pour l’individu. Les architectures, les modes et même les conditions atmosphériques sont, à l’intérieur du collectif, ce que les sensations cénesthésiques, le sentiment d’être bien portant ou malade sont à l’intérieur de l’individu » (Benjamin, 2002, K 1, 5).

33De même que la mode ne représente pas seulement l’extérieur de l’individu mais aussi le corps collectif de la masse, les places publiques – passages, jardins d’hiver, panoramas, usines, cabinets de cires, casinos, gares, etc. – sont à la fois des « maisons de rêve collectifs » (ibid., L 1a, 2 ; L 1, 3) et des lieux de l’intérieur de masse. Ces places ne sont pas destinées à se loger. La masse qui les visite pourrait être comprise comme la masse-nomade qui ne se caractériserait pas par la classe ou le contrat. Le rêve de la masse est lié à la fantasmagorie de la ville.

34D’un ton critique Kracauer donne l’exemple de publicités commerciales qui séduisent les employés : l’hôtel Vaterland ou la résidence Casino qui vous disent qu’avec un peu d’argent vous aurez une respiration qui s’élargit au monde ! (Kracauer, 1998, p. 91). Sur les murs des chambres de l’hôtel Vaterland, plusieurs cadres ou tableaux font voir des panoramas exotiques tels une vue nocturne de Vienne, le train traversant le pont sur le Danube, etc. Kracauer écrit que l’hôtel Vaterland entoure le globe entier (ibid., p. 92). La fantasmagorie créée par le monde extérieur est désignée comme l’effet kitsch. Or ce qui nous semble intéressant, c’est que ces éléments de kitsch sont constitutifs de la masse-nomade sociale et que le rêve magique de masse ne pourrait être dissipé par les critiques intellectuels. Benjamin propose que l’on utilise le kitsch dans le cinéma et l’art plastique.

35« Or des formes vivantes, en devenir, doivent avoir en elles quelque chose qui réchauffe, qui soit utilisable, qui, enfin, apporte un certain bonheur ; elles doivent s’ouvrir dialectiquement au “kitsch”, et ainsi se rapprocher elles-mêmes de la masse tout en dépassant le kitsch. Seul le cinéma semble aujourd’hui en mesure de remplir cette tâche » (ibid., K 3a, 1).
Selon Benjamin, le kitsch est le côté par lequel la chose s’offre au rêve. Il est le côté qui a pris la patine de l’habitude et qui est garni de sentences commodes (Benjamin, 1989a, p. 620). La technologie efface les apparences des choses, tandis que le rêve constitue la couche de gris de poussière sur les choses (die graue Staubschicht auf den Dingen) (ibid.). Le rêve n’ouvre plus sur les lointains d’azur. Parce que la masse pense dans le rêve devenu gris, la couche grise est une mémoire collective qui se reflète sur les choses. Cette mémoire collective qui est ordinaire et banale constitue « l’objectivité » par l’interaction avec l’étrange, le nouveau. Le flâneur participe dans le processus de formation et dans l’utilisation propre de l’objectivité en poursuivant « la trace » effacée des choses dans le système social modernisé et en se plongeant dans « l’aura » grise dont sont marquées les choses. Pour le flâneur poursuivant « le dépaysement et la surprise, l’exotisme le plus saisissant » dans le « monde uniformisé » (Benjamin, 2002, M 14a, 4), l’image de kitsch n’est pas seulement liée au cinéma et au roman populaire, mais aussi à la conscience du paysage urbain et de la vie quotidienne. Ces idées benjaminiennes sont développées chez Kracauer à travers sa notion de « l’ornement ».
Le flâneur du XIXe siècle en tant que « prêtre du genius loci » (Benjamin, 1980b, p. 196) se retrouve dans les activités culturelles de la masse au début du XXe siècle. La masse d’aujourd’hui participe à la vie quotidienne de la masse-nomade en reproduisant créativement et en intériorisant l’environnement urbain. La ville reproduit l’extériorité devenue intériorité, la laïcité remplaçant la transcendalité. Dans la ville, « compénétration enivrée de la rue et de l’appartement » (Benjamin, 2002, M 3a, 5), l’extériorité de l’individu serait devenue l’intériorité de la masse.
Dans les discours de Benjamin et Kracauer, dans l’extériorité et la laïcité existent la théologie et la métaphysique propres à la modernité. Elles seraient le totem moderne qui récupère les liens des individus perdus, totem autour duquel se rassemble la masse et se constitue la socialité particulière nomadique [4]. Les analyses du flâneur de Benjamin et de l’employé de Kracauer nous permettent de comprendre la socialité de la masse-nomade d’aujourd’hui.

6 – Le nomadisme transnational du flâneur

36Les phénomènes de l’approche du lointain (l’aura) et de l’éloignement du proche (la trace), ceux du croisement de l’étrange et de l’ordinaire sont devenus de plus en plus courants à cause des progrès technologiques et économiques. Le flâneur de type perceptif et la masse-nomade sont donc en augmentation constante. Le flâneur parisien du XIXe siècle est devenu le flâneur postmoderne incarnant le sujet postmoderne et transnational. La figure du flâneur reste toutefois contradictoire car tout en impliquant un temps et un lieu concrets le flâneur cherche des issues à la vie urbaine hors de temps et de lieux concrets (Tester, 1994, p. 16).

37L’expression « village planétaire » (global village) montre que les conditions économiques et technologiques du nomadisme transnational ont mûri. L’augmentation de compagnies aériennes à bon marché (low cost), l’universalisation par l’Internet et les moyens d’information sont les nouvelles conditions de la fluidité du passage des frontières (Flusser, 2003, pp. 42-43). Dans ces conditions, le nomadisme des flâneurs est devenu transnational. Le flâneur parisien perçu par Benjamin au XIXe siècle, la masse culturelle de XXe siècle décrite par Kracauer se transforment de nos jours en voyageur transnational et en flâneur électronique (surfant sur internet) (Featherstone, 1998, p. 923).

38Faut-il distinguer le simple voyage et la flânerie ? Comme l’écrit Goebel dans Benjamin’s Flaneur in Japan (1998), la notion de flânerie transnationale pourrait impliquer une possibilité de relocalisation, par exemple à travers un processus autoréflexif de translation culturelle et de repositionnement conceptuel (Goebel, 1998, p. 389). Dans l’ère du nomadisme transnational, les conflits et les confusions culturelles surgissent très vite, la flânerie est devenue champ de conflit et de confusion, le flâneur ou le groupe des flâneurs sont devenus le nouveau type de sujet dans ce champ.

39« Le nomadisme de la bohème du XIXe siècle semble, à plus d’un titre, être devenu monnaie courante en cette fin de XXe siècle », a écrit M. Maffesoli (1997, p. 57). On pourrait trouver des recherches récentes dans les divers domaines d’études sur le nomadisme jubilatoire des tribus postmodernes qui décomposent les centres modernes constitués dans les cadres de la vie sédentaire. En poursuivant les recherches précédentes de Benjamin et de Kracauer, nous pourrions les développer dans les nouvelles conditions de notre époque de transnationalisation.

Notes

  • [*]
    HK Research Assistnat Professor at Hanyang University, Seoul, Korea.
  • [1]
    G. Le Bon, Psychologie des foules, Paris, PUF, 2008 (8e édition), p. 59.
  • [2]
    Sur les influences de Lukacs et Simmel sur Kracauer, voir l’introduction d’Inka Mülder-Bach dans le livre de Kracauer traduit en anglais The Salaried Masses (1998).
  • [3]
    Siegfried Kracauer fait ses débuts en tant que journaliste en 1921 à la Frankfurter Zeitung. Cet article est publié en 1927 dans Das Ornament der Masse (L’Ornement de la masse) où sont recueillis des essais datant de la République de Weimar et qui ont, pour l’essentiel, paru dans la Frankfurter Zeitung. Cet article est également repris dans Die Angestellten (Les Employés) en 1930.
  • [4]
    Cette socialité se retrouve dans les tribus postmodernes. Maffesoli (1988) utilise la métaphore de la tribu, baptisée postmoderne, pour faire référence aux micro-groupes fondés sur un « être-ensemble » et des « émotions en commun ».
Français

Résumé

Cet article est une recherche socio-historique sur le flâneur parisien du XIXe siècle qui est un prototype de la masse-nomade dans les domaines culturels au début du XXe siècle. En nous référant à Benjamin et ses descriptions de flâneurs et de flâneries, nous poursuivons le processus de transformation de flâneur en homme-sandwich. Ce processus où décroît la socialité se fait parallèlement avec la rationalisation sociale. En nous penchant sur un problème de socialité, nous examinons les recherches de Kracauer sur les activités culturelles de la masse et principalement celles des employés qui les amènent à devenir nomades et font renaître la socialité perdue, et les rassemblent comme les tribus autour de films, sports, voyages, etc. Ces phénomènes nous amènent à suggérer le « retour du flâneur ». Enfin, nous cherchons à trouver les significations actuelles de la flânerie dans notre époque de transnationalisation avec le développement de l’internet et les compagnies aériennes à bon marché.

Mots-clés

  • flâneur
  • Benjamin
  • Kracauer
  • employé
  • masse-nomade
  • kitsch
  • transnationalisation
  • enchevêtrement culturel

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Changnam Lee [*]
  • [*]
    HK Research Assistnat Professor at Hanyang University, Seoul, Korea.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 01/07/2011
https://doi.org/10.3917/soc.112.0123
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