CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 On sait que Bernard Lamy, dans son influent De l’art de parler, s’interroge non sur l’existence de « styles d’auteurs » qu’il pose comme une évidence (« quand on dit qu’un tel discours est du stile de Ciceron, on entend que Ciceron a coûtume de s’exprimer de cette maniere  [1] ») mais sur ce qui distingue ces styles puisque les grilles fournies par la rhétorique classique s’appliquent mal dans la mesure où elles ne prennent pas en compte les singularités subjectives. Il conclut à trois raisons fondamentales :

2

  1. « Tous les hommes n’imaginent pas de la même maniere : la substance du cerveau n’a pas les mêmes qualitez dans toutes les testes : c’est pourquoy l’on ne doit pas s’estonner, si les manieres de parler de chaque Auteur font differentes  [2]. »
  2. « Les expressions heureuses & justes sont l’effet d’une bonne memoire  [3]. »
  3. « Les esprits estant […] si differens, quelle merveille que le stile de chaque Auteur ait un caractere qui le distingue de tous les autres, quoyque tous prennent leurs termes, & leurs expressions dans l’usage commun d’une même langue  [4] ? »

3 Différences d’imagination, de mémoire et d’esprit, ce dernier devant présenter un degré élevé d’« étendue », de « délicatesse » et de « justesse ». Dès lors, « on peut connoître l’humeur d’une personne dans son stile » puisque « le discours est le caractere de l’ame, nostre humeur se peint dans nos paroles ; & chacun sans y penser suit le stile auquel ses dispositions naturelles le portent  [5] ».

4 Tout est donc en place dès le milieu du XVIIe siècle, dans un système où expression, manière de parler et style paraissent synonymes, pour qu’une autorité trouve une formule forte capable de synthétiser les idées en cours ; ce sera Buffon prononçant, près de quatre-vingts ans plus tard (1753), devant l’Académie française une formule destinée au plus grand destin : « Le style est l’homme même » non pour défendre une absolue singularité de l’expression personnelle mais pour dire, dans la droite lignée de Lamy, que le style engage toutes les facultés de l’homme dans sa quête d’une parfaite adéquation de son dire à la chose, qu’il le distingue aussi par là de toutes les autres créatures. L’intérêt dès lors tient à voir comment la première moitié du siècle suivant va reprendre et déformer la formule (le slogan ?) pour en faire le mot d’ordre tant d’une esthétique de l’expressivité que d’une manière nouvelle et souvent caricaturale de penser le style d’auteur.

5 Dans un article récent, Patrick Brasart, soucieux de prouver que cette lecture « singulière » de la phrase de Buffon était anachronique, convoque toute une série de remarques d’écrivains du XVIIIe siècle mais les déforme en se refusant à les placer correctement en contexte  [6]. Ainsi si Buffon lui-même peut déclarer que « l’impression du même sceau sur des productions diverses décèle le manque de génie », c’est en réalité pour défendre l’idée d’une nécessaire adaptation du style à ses objets et non pour empêcher de penser la possibilité d’un « style d’auteur » : « Selon les différents sujets, la manière d’écrire doit donc être très différente ; et pour ceux même qui paraissent les plus simples, le style, en conservant le caractère de simplicité, ne doit cependant pas être le même  [7]. » Quand Voltaire note, par exemple, dans Le Temple du goût que Marot « n’a qu’un style », sa critique va dans ce sens et sert à justifier la réduction de son œuvre à quelques feuillets représentatifs mais non pas à remettre en cause l’idée que Marot puisse avoir un style bien à lui. Quant à Beaumarchais, s’il répond à un critique qui lui reproche des « phrases négligées qui ne sont pas de [son] style » : « De mon style, monsieur ? Si par malheur j’en avais un, je m’efforcerais de l’oublier », c’est moins pour nier l’originalité de son écriture (la fausse modestie est évidente) que pour affirmer la nécessité, pour tout auteur dramatique qui se respecte, de donner des styles propres à ses personnages afin d’éviter de n’aboutir qu’à un de « ces fades camaïeux où tout est bleu, où tout est rose, où tout est l’Auteur, quel qu’il soit  [8]. » On peut en conclure que la lecture que beaucoup, à l’époque romantique, vont faire de la phrase de Buffon du style comme processus d’individuation ne déforme pas tant que cela les propos de l’Académicien et la pensée des Lumières, d’autant qu’elle s’accompagne souvent de précisions qui recoupent celles qui viennent d’être notées.

6 Harald Weinrich explique la modification traditionnelle de la phrase : « Le style est l’homme même. » en « Le style, c’est l’homme. » par la volonté de rendre sensible hors contexte la « mise en relief avec emphase » exprimée par le « même » que Buffon emprunte à Cicéron pour distinguer « certains phénomènes « hors de l’homme », appelés par lui sommairement « choses » et groupant les connaissances, les faits et les découvertes », de ce qui est « “dans” l’homme, voire dans le plus intime de sa nature  [9] ». Une étude un peu précise des modifications que subit l’énoncé dans la première moitié du XIXe siècle révèle d’autres raisons. Les confidences du savant, rapportées par Hérault-de-Séchelles dans Les Siècles littéraires de la France, ne sont pas sans jouer un rôle déterminant dans l’évolution de la phrase comme on le voit d’entrée dans ce passage :

7

« Le style est l’homme, me répétait-il souvent ; les poètes n’ont pas de style, parce qu’ils sont gênés par la mesure du vers qui fait d’eux des esclaves. Aussi quand on vante devant moi un homme, je dis toujours : Voyons ses papiers ». […] « Voulez-vous […] être original ? Quand vous aurez un sujet à traiter, n’ouvrez aucun livre ; tirez tout de votre tête, ne consultez les auteurs que lorsque vous sentirez que vous ne pouvez plus rien produire de vous-même  [10]. »

8 Le « même » a disparu mais surtout la lecture singularisante se trouve confirmée dans la défense du génie individuel indépendant des modèles. Quant au style, il est présenté comme « une découpure qu’il faut rogner, nettoyer dans tous les sens, afin de lui donner la forme qu’on désire » une fois qu’on a « écout[é] le premier mouvement » qui « est en général le meilleur  [11] ».

9 La transformation suivante de « Le style est l’homme » en « Le style est tout l’homme », qui va devenir la formule la plus courante dans les mêmes années, au grand dam de certains puristes  [12], est due, par ailleurs, à l’influence des travaux très à la mode de Lavater. La phrase va ainsi prendre une coloration nettement physiognomonique, et ce jusqu’au grotesque :

10

Si jamais chose au monde peut servir à faire connaître l’homme, c’est son style. Tels nous sommes, tels nous parlons et tels nous écrivons. Le physionomiste dira un jour, à la vue d’un orateur, d’un homme de lettres : c’est ainsi qu’il parle, c’est ainsi qu’il écrit. Il dira un jour sur le son de la voix d’un homme qu’il n’a pas vu, sur le style d’un ouvrage dont il ignore l’auteur : cet inconnu doit avoir tels et tels traits, une autre physionomie n’est pas faite pour lui. Chaque ouvrage porte le caractère de son ouvrier. Un homme dont le front est allongé et presque perpendiculaire, aura toujours le style sec et dur  [13].

11 Le pas est, dès lors, facile à franchir, qui permet, en s’appuyant sur la phrase, d’identifier dans le choix et la disposition mêmes des constituants du discours la trace des lois qui président au comportement de l’individu, et d’affirmer notamment, comme dans ce discours présenté en 1813 à l’Académie des Jeux floraux, que « louer les écrits de Pascal c’est presque louer son caractère  [14] ». Une idée que l’on retrouve, comme on pouvait s’en douter, pour toute une série d’autres écrivains de référence, dans l’ouvrage de référence que constituera le Nouveau dictionnaire d’histoire naturelle mais avec une visée plus médicale (ce n’est plus la haute moralité de Pascal mais sa mélancolie qui se trouve identifiée) :

12

Quel est l’observateur, pour peu qu’il ait de tact et d’habitude, qui ne puisse pas deviner le tempérament d’un écrivain qu’il n’a jamais vu, à son seul style ? On a beau se contrefaire, il y a toujours quelque indice pour un esprit attentif. Le style est l’homme même, a dit Buffon. Vous pourrez aisément deviner ce qu’étoit le physique de Voltaire, à ses écrits. On trouve la mélancolie dans Pascal, l’atrabile dans J.-J. Rousseau : on reconnoît l’âme douce et sensible dans Racine, dans Fénélon ; le caractère élevé et héroïque dans P. Corneille et Bossuet. Ces qualités morales sont empreintes aussi sur les figures de ces hommes illustres  [15].

13 Balzac n’hésite pas, quant à lui, à exporter la phrase, désormais totalement banalisée  [16], dans un domaine plus objectif comme le montre l’avertissement qui ouvre L’Art de mettre sa cravate du Baron de l’Empesé et qu’on aurait tort de croire ironique :

14

Il est une vérité, c’est que la cravate d’un homme de génie ne ressemble nullement à celle d’un petit esprit, et nous sommes certains que tel ou tel auteur de mélodrames ne dispose pas le nœud de la sienne de la même manière que le façonnerait l’auteur des Martyrs. Que l’on veuille bien comparer l’extérieur de M. Ancelot avec celui de M. Lamartine, et vous verrez qu’il existe de notables différences entre la cravate classique et la cravate romantique. Si, comme l’a dit Buffon, « Le style est l’homme » l’auteur a eu raison de dire à son tour que la cravate était l’homme même. C’est le thermomètre de son degré de goût en fait de mise et d’éducation [17].

15 Mais, surtout, l’interprétation physiognomonique conduit à une correction surprenante dans l’édition des Œuvres complètes de Buffon de 1835. La phrase célèbre devient en effet : « Le style est de l’homme même  [18]. » Il reviendra à Philarète Chasles de corriger l’erreur en 1859  [19] ; en attendant, le mal est fait, qui conduit à des commentaires coupants :

16

On a toujours défiguré cette citation. Buffon n’a jamais dit le style est l’homme ; cette manière de s’exprimer, qui n’a qu’un côté vrai, eût contredit trop formellement les principes qu’il émettait dans son discours. Il a dit le style est de l’homme, c’est-à-dire appartient à l’homme, ce qui est vrai rigoureusement, surtout par opposition aux découvertes dont il a parlé précédemment, qui s’enlèvent, se transportent et s’altèrent  [20].

17 Il ne s’agit certes pas de l’avis d’un rhétoricien mais le rôle dévolu à la préposition de paraît intéressant en ce qu’il révèle le problème essentiel qui se joue : à la lecture référentielle de la phrase attributive qui identifie le style à l’ensemble de ce qui fait un homme (opinions comme modes d’expression), le physiologiste préfère une tournure qui fait du style une caractéristique qui, entre beaucoup d’autres, permet de différencier les individus les uns des autres, un élément d’individuation, caractérisé « par ses relations d’appartenance et ses relations d’exclusion à d’autres classes  [21] » et qui paraît « de nature » au même titre que la couleur des cheveux ou des yeux et, par là, peu sujet à modifications.

18 Certains, pour autant, sont conscients que la généralisation physiologique constitue une trahison de la pensée de Buffon comme le précise, dans le Spectateur français au XIXe siècle, le très sérieux Dussault, qui limite cette individuation en se gaussant des dérives « métaphysiques » :

19

Depuis quelque temps je vois citer par-tout une phrase de M. de Buffon ; et cette phrase on la dénature, soit pour le sens, soit pour les termes : Le style est tout l’homme, nous dit-on avec une sorte d’emphase, et sous l’autorité de ce grand écrivain. D’abord voici le texte de Buffon : Le style est l’homme même ; ce qui me paroît un peu moins à prétention, et ce qu’il n’avance point d’une manière absolue comme on a soin de le supposer, mais seulement par opposition aux connoissances, aux faits, aux découvertes qui peuvent aisément s’enlever, comme il le dit lui-même, tandis que le style est inhérent à l’homme même, et ne peut pas lui être dérobé. Voilà tout ce que l’auteur a voulu dire ; et sans doute il riroit, s’il pouvoit en être témoin, des singulières applications qu’on a faites d’une phrase dont les termes sont peut-être un peu trop généraux, mais dont le sens est parfaitement clair à l’endroit où elle se trouve  [22].

20 D’autres estiment qu’elle laisse de côté l’importance des acquis culturel. Brillat-Savarin, dans la préface de sa Physiologie du goût, éprouve ainsi le besoin de justifier ce qui fait à ses yeux la singularité de son style, la présence continue de néologismes par importation massive de mots étrangers, comme un indice non de sa personnalité profonde mais de son savoir linguistique :

21

Il me reste quelque chose à dire sur mon style, car le style est tout l’homme, dit Buffon.
Et qu’on ne croie pas que je vienne demander une grace qu’on n’accorde jamais à ceux qui en ont besoin : il ne s’agit que d’une simple explication. Je devrais écrire à merveille, car Voltaire, Jean-Jacques, Fénélon, Buffon, et plus tard Cochin et d’Aguesseau, ont été mes auteurs favoris ; je les sais par cœur.
Mais peut-être les dieux en ont-ils ordonné autrement ; et s’il est ainsi, voici la cause de la volonté des dieux.
Je connais, plus ou moins bien, cinq langues vivantes : ce qui m’a fait un répertoire immense de mots de toutes livrées  [23].

22 D’autres enfin, que certains facteurs rentrent en jeu qui font écran dans l’emploi proprement stylistique du langage à cette supposée transparence. Dès lors, deux solutions très différentes : la première consiste à revenir à la réalité matérielle de l’écriture, afin de se débarrasser des incertitudes du « style », pour une « science » nouvelle, la graphologie :

23

Tel homme qui cherche à tromper dans une lettre, communique à la tournure de ses phrases, au choix de ses expressions, l’intention de flatter ou de séduire ; mais il ne cherchera sûrement pas à modifier son écriture d’après ce sentiment : seule elle restera exempte de toute imposture. Le style étant un langage, il peut aussi se prêter à la déception ; et puisque malheureusement la droiture de l’âme n’est pas toujours une condition du talent, on peut discuter ce principe émis par Buffon : le style est tout l’homme. Quelques écrivains n’ont-ils pas caché leur perversité sous les couleurs de la vertu ? Peut-être eussent-ils fait moins de dupes, si tout le monde eût pu lire dans leurs cahiers originaux  [24].

24 La seconde à passer, comme le propose Stendhal en 1817, par les arts plastiques pour remettre en cause « visiblement » la légitimité d’une analyse pseudo-scientifique qui ne séduit que par la grâce d’un style fallacieux :

25

On trouve ensemble les plus belles formes de la tête et le discernement le plus borné, ou même la folie la plus complète. Par malheur pour la peinture, l’on voit au contraire des têtes, qui s’éloignent ridiculement des belles formes de l’Apollon, donner des idées où il est impossible de ne pas reconnoître du talent et même du génie. C’est aux médecins idéologues, et par conséquent véritables admirateurs d’Hippocrate et de sa manière sévère de ne chercher la science que dans l’examen des faits, qu’il faut demander justice de tous ces jugements téméraires sur lesquels Paris voit bâtir, tous les vingt ans, quelque science nouvelle. […] Mais Buffon répondroit fort bien, que le style est tout l’homme, que les faits se prêtent plus difficilement à l’éloquence qu’une théorie vague dont on modifie les circonstances suivant les besoins de la phrase  [25].

26 Et donc à poser une lecture définitivement psychologique, résumée ainsi par Honoré Déo :

27

On a dit que le style était l’homme : c’est un aphorisme fondé en vérité. Le style est tout l’homme moral ; c’est l’expression de tout ce qui se passe au-dedans de lui, de toutes ses idées, de ses hallucinations, de ses rêveries, de ses écarts d’imagination, de ses vertus  [26].

28 Une fois évacuée, dès lors, la scientificité factice de la lecture physiologique, la conséquence pratique de la phrase de Buffon, pour un siècle qui va aimer les systèmes, c’est la distinction entre deux styles, l’un « naturel », émanation directe du « caractère », l’autre artificiel, qui tient de l’embellissement factice. C’est ce qui permet à une des figures éminentes du Risorgimento, Ludovico di Breme, de distinguer, non sans arrière-pensée politique, ce qui se joue de fondamentalement différent entre les littératures française et italienne du début du siècle. D’un côté, des Français qui s’abritent derrière Buffon pour s’autoriser tous les idiotismes : « Cette assertion qu’on n’a eu l’air de combattre avec succès qu’en lui prêtant un sens illégitime, est placée aujourd’hui par des littérateurs philosophes au nombre des vérités incontestables. Ils entendent par style cette fidelle expression de soi-même, cette traduction du modèle intérieur, qui peut seule constituer la respective habileté des écrivains en tout genre. » De l’autre, des Italiens chez qui l’ornement est devenu obligatoire et stéréotypé au point d’empêcher toute affirmation de soi : « Comme tous les agrémens, les qualités estimées du style [sont] inviolablement fixées d’avance, si on pouvoit encore se distinguer, ce ne serait plus que par des défauts et des insubordinations littéraires  [27]. »

29 C’est cette même opposition que résume, vingt ans plus tard, le grammairien Napoléon Caillot :

30

Le style c’est l’homme, a dit Buffon ; et là se borne, pour ainsi dire, la définition du style : l’homme se peint lui-même dans sa manière d’écrire. Un homme qui n’a pas un style à lui n’a pas un caractère prononcé, a dit Boiste, avec raison. Il en est donc du style comme du caractère, chacun a le sien, sans que jamais celui de l’un soit assez semblable à celui de l’autre pour lui être vraiment comparé ; aussi, comme le dit Vanier, le style reçoit-il tontes les épithètes que l’écrivain mérite, ou s’attire : style brûlant, froid, sublime, rampant, etc. On peut dire, avec raison, que le style est l’habit de la pensée ; et il en est encore, à cet égard, de la pensée comme de l’homme : l’homme qui se pare avec afféterie, qui ne sait pas choisir le costume qui lui sied, est toujours ridicule ; la pensée qui se drape d’ornements qui ne lui sont ni propres, ni naturels, n’est plus qu’une bouffonnerie  [28].

31 Quant à Hugo, il prendra l’exemple de Mirabeau père pour donner un exemple de cette dichotomie à l’œuvre chez un seul et même auteur :

32

Le marquis de Mirabeau son père avait deux espèces de style, et comme deux plumes dans son écritoire. Quand il écrivait un livre, un bon livre pour le public, pour l’effet, pour la cour, pour la Bastille, pour le grand escalier du Palais-de-Justice, le digne seigneur se drapait, se roidissait, se boursoufflait, couvrait sa pensée, déjà fort obscure par elle-même, de toutes les ampoules de l’expression ; et l’on ne peut se figurer sous quel style à la fois plat et bouffi, lourd et traînant en longues queues de phrases interminables, chargé de néologismes au point de n’avoir plus nulle cohésion dans le tissu, sous quel style, disons-nous, tout ensemble incolore et incorrect, se travestissait l’originalité naturelle et incontestable de cet étrange écrivain […]. Mais quand cet homme, ce même homme, voulait écrire une lettre, quand il oubliait le public et ne s’adressait plus qu’à la longue mine roide et froide de son vénérable frère le bailli, ou à sa fille la petite Saillannette, « la plus émolliente » femme qui fût jamais, ou encore à la jolie tête rieuse de madame de Rochefort, alors cet esprit tuméfié de prétention se détendait ; plus d’effort, plus de fatigue, plus de gonflement apoplectique dans l’expression ; sa pensée se répandait sur la lettre de famille et d’intimité, vive, originale, colorée, curieuse, amusante, profonde, gracieuse, naturelle enfin, à travers ce beau style grand-seigneur du temps de Louis XIV, que Saint-Simon parlait avec toutes les qualités de l’homme et madame de Sévigné avec toutes les qualités de la femme. […] Après un livre du marquis de Mirabeau, une lettre de lui c’est une révélation. On a peine à y croire. Buffon ne comprendrait pas cette variété de l’écrivain. Vous avez deux styles et vous n’avez qu’un homme  [29].

33 Nombre de romantiques vont dès lors s’emparer avec enthousiasme de la formule de Buffon et de son héritage physiognomonique, pour construire un nouveau système de valeurs qui minore le respect des autorités pour mettre au premier plan l’expressivité neuve comme le montrent notamment les élans d’un Émile Deschamps :

34

C’est l’ordre des idées, la grâce ou la sublimité des expressions, l’originalité des tours, le mouvement et la couleur, l’individualité du langage, qui composent le style ; c’est après une peinture éloquente de toutes ces qualités que Buffon a dit : Le style est l’homme même. […] On corrige quelques détails dans son style, on ne le change pas. Autant d’hommes de talent, autant de styles. C’est le son de voix, c’est la physionomie, c’est le regard. On peut préférer un style à un autre, mais on ne peut contester qu’il y ait cent façons d’écrire très-bien. Il n’y a au contraire qu’une manière de très-mal écrire, c’est d’écrire comme tout le monde ; car il ne faut pas compter ceux qui ne savent pas écrire du tout  [30].

35 Même son de cloche chez un polygraphe comme Édouard Richer qui va jusqu’à défendre la valeur de l’expression non travaillée, immédiate :

36

Il faut conserver le souvenir des règles, sans doute ; mais il faut être rempli d’un sentiment tel, qu’on s’abandonne tout entier à ses idées, et qu’on laisse au goût, à l’habitude, à une sorte d’instinct le soin de se conformer à ces règles ; elles dépendent, pour ainsi dire, d’une partie de nous-mêmes, faisant ses fonctions à l’insçu de notre intelligence, qui a bien autre chose à s’occuper que de l’emploi de quelques termes ou de la construction de quelque phrase. C’est alors, et seulement alors, que le style est tout l’homme, parce qu’il peint ce qui se passe en nous. C’est une tradition animée de la parole, comme celle-ci est l’expression plus ou moins vive de ce qui s’opère dans l’âme. Sommes-nous vivement émus, notre style se précipite. Sommes-nous dans la douleur, il se traîne lentement, comme si nous demandions moins à exprimer, à peindre d’un coup de pinceau le chagrin qui nous accable, qu’à revenir cent fois sur le trait qui nous a blessés  [31].

37 Dès lors il devient possible de renverser la hiérarchie classique qui fait du style le complément de l’invention pour lui donner la prééminence comme le tente le traducteur et satiriste Deguerle lorsqu’il propose de considérer que « c’est […] le fond d’un ouvrage [qui] en est le corps, et que le style en est l’âme ; la matière appartient à tous, mais elle est morte pour la plupart, et l’esprit seul peut l’animer. “Bien écrire, dit Buffon, c’est à la fois bien penser, bien sentir, et bien peindre ;” et l’auteur d’Athalie répétait souvent lui-même : “Je ne pense pas autrement que Coras et Bonnecorse, mais je m’exprime autrement qu’eux” » pour conclure de façon radicale qu’« en un mot, le style est l’homme, le style est le génie  [32] ».

38 C’est ce type de raisonnement qui permet notamment à Arago d’attaquer Fourier, ce qui va obliger, du coup, celui qui se considère comme un « inventeur » à se défendre en minorant l’importance du style dans les domaines autres qu’artistiques et inaugurer un mouvement net de défiance d’un certain nombre de scientifiques à l’égard des prestiges trop sensibles du style :

39

Quand Buffon a dit : « Le style c’est tout l’homme, » il a voulu dire que le genre de style caractérise le genre de génie, la carrière ou direction que suit un homme de génie ; mais non pas que le style fût la condition essentielle du génie inventif. Platon et Voltaire étaient riches de style, ils n’ont rien inventé. […] Sans doute il serait à souhaiter qu’un inventeur pût réunir les dons de génie et style, comme Kepler et Leibnitz ; mais la condition du style est très secondaire ; la postérité admirera de Kepler, ses trois lois de gravitation ; et de Leibnitz sa théorie du calcul différentiel, bien plus que leur style : de moi, elle admirera mes trois lois de répartition équilibrée, et ma théorie de mécanisme des passions par discords échelonnés en série : elle devra son bonheur à ces découvertes, elle m’exaltera, elle stigmatisera mes détracteurs qui n’auront brillé que par le style  [33].

40 On notera, en l’occurrence, que la gradation mal équilibrée qui conclut cette citation sonne dans sa rhétoricité maladroite comme une tentative inaboutie (et ironique ?) de faire style.

41 Penser le style comme ce par quoi transparaît le mieux le génie ou la richesse émotionnelle d’un auteur ne pouvait par ailleurs qu’offusquer les classiques qui n’ont de cesse de réaffirmer que le génie préexiste au style, comme le montre, à leurs yeux, la Phèdre de Racine :

42

Quant au développement d’une passion qui n’a jamais été plus tragique que dans ce rôle, il fallait autre chose que l’art d’écrire, il fallait l’art de sentir vivement et de concevoir avec profondeur. Le style est destiné sans doute à compléter l’effet, mais sans ces premiers moyens le style seul peut n’être qu’un calque. C’est ainsi que l’auteur d’Omasis prétendait avoir un style racinien ; c’est ainsi que les amis de l’auteur de Louis IX lui attribuent le même mérite. Mais cependant M. Ancelot et M. Baour passent pour des auteurs froids, surtout M. Baour qui non-seulement calquait son style mais ses idées ; donc le style n’est pas tout  [34].

43 La principale menace aux yeux des classiques, c’est une autonomisation du style qui prendrait toute la place, deviendrait le seul élément digne d’intérêt et de jugement, comme le montre l’exemple de Chateaubriand aux yeux d’un Nisard toujours aussi perfide, mais dont on ne peut qu’admirer la clairvoyance quand on pense aux déclarations qui vont fleurir dans la seconde moitié du siècle :

44

Plus tard, […] la culture ayant étouffé l’instinct, il y aura séparation entre le sujet et le style, et un certain système pour comprendre l’un sans l’autre : le style sera devenu un but. […] Encore n’est-ce plus même le style, comme le définissait le grand écrivain Buffon, dont le discours sur le style est premièrement un discours sur l’art de concevoir et de disposer un sujet ; c’est le style séparé de ce qui en est la matière, le style existant par lui-même, le style au mot le mot, le style pour le style. […] Je n’ai pas besoin de dire que je place M. de Châteaubriand avant cette époque du règne absolu du style, ou plutôt que je le laisse et le contemple à sa place naturelle, qui est à la fin de nos deux grands siècles, entre les grandes traditions et les petites innovations, mais toutefois à une époque déjà de déclin, quand l’équilibre entre l’instinct et l’extrême culture menace de se rompre, que l’art d’écrire glisse vers le style, qu’on prend pour une définition cette belle parole de Buffon, qui n’est en soi qu’une conclusion : « Le style, c’est l’homme ; » et qu’insensiblement la critique refait la langue d’après le commencement de corruption dans les idées, et qualifie le prosateur du nom de poète, l’écrivain du nom d’artiste. Quoique M. de Châteaubriand ait écrit des ouvrages bien conçus, on peut dire que c’est moins par la force de ses plans que par la magnificence de son style qu’il a été grand écrivain  [35].

45 Avis que partagent certains romantiques, comme le montre, quelques années plus tôt, cette réflexion de l’historien libéral Prosper Brugière de Barante :

46

Maintenant on parle du style comme de la musique d’un opéra ; et l’on entend dire qu’avec de certains artifices de style, avec des procédés bien entendus, on peut rendre neuves et originales des pensées communes. C’est prendre l’art d’écrire pour un art mécanique  [36].

47 Plus que Chateaubriand, c’est, on s’en doute, Hugo qui sert de bouc émissaire pour dénoncer la dérive. Il s’agit de l’accuser à la fois d’être l’homme d’un seul style et de mettre celui-ci au premier rang de ses préoccupations au détriment de tout ce qui compte vraiment :

48

Jamais le mot mis à la mode dans le siècle dernier par le plus littéraire de tous les naturalistes, le style est l’homme, n’a reçu d’application plus éclatante et plus vraie. Le caractère saillant de la pensée de M. Hugo, c’est une prédilection assidue pour les images visibles, pour la partie pittoresque des choses, une préférence constante pour la couleur, à l’exclusion de toutes les autres qualités  [37].

49 En filigrane dans cette critique issue d’une des plus influentes bêtes noires du romantisme, la pensée de Bonald qui, en 1806, dans Du style et de la littérature, consacre plusieurs pages à gloser sur la phrase de Buffon, pour en conclure que :

50

L’homme est esprit et corps ; le style, expression de l’homme, sera donc idées et images : idées, qui sont la représentation d’objets intellectuels ; images, qui sont la représentation ou la figure d’objets sensibles et corporels. Un bon style consiste dans un heureux mélange de ces deux objets de nos pensées, comme l’homme lui-même, dans toute la perfection de son être, est formé de l’union des deux substances, et réunit à une intelligence étendue, des organes capables de la servir. Un style qui est tout en idées, est sec et triste ; un style qui est tout en images, éblouit et fatigue, comme ces représentations de théâtre, qui font passer rapidement devant les yeux une multitude d’objets divers  [38].

51 Contre le flou des romantiques qui louent les qualités du style à coup de superlatifs et d’effusions plus ou moins confuses et métaphoriques, l’objectif sera dès lors de s’attaquer au style de façon aussi rigoureuse que possible pour démontrer les défauts d’un auteur, voire d’une école tout entiers. Toutes les conditions sont, ainsi, en place, dans la négativité revendiquée, pour voir apparaître les premiers commentaires proprement stylistiques, à l’occasion de comptes rendus d’œuvres. Ils peuvent s’accompagner de l’affirmation d’une méthode comme le montre l’exemple qui suit, publié à l’occasion de la sortie des Chants du Crépuscule :

52

C’est une chose de mauvais ton, et presque passée de mode, que la critique des mots et des phrases. On la renvoie dédaigneusement au défunt Mercure et aux feuilletons de l’Empire ; mais j’ai déjà dit que j’appartiens à l’ancien régime ; et puis, il ne m’est pas encore prouvé que cet épluchage, comme on l’appelle, ne puisse jamais, de nos jours, retrouver son à-propos ; quelque conclusion générale peut sortir parfois de ces critiques de détail ; et je ne ferais rien qui ne fût dans l’ordre et dans l’usage, si, de quelques vers isolés je déduisais un jugement sur M. Hugo tout entier, de ce jugement un aperçu de la littérature actuelle, de celle-ci une vue sommaire du siècle présent, considéré sous le rapport religieux, philosophique, politique, économique, etc. Je serai bien réservé encore si je m’en tiens là. Il y a moyen d’aller beaucoup plus loin.
Mais quoi ! examiner le style avant la pensée ? – Oui, le style avant la pensée ; car dans certains genres d’écrits, toute la pensée est dans le style. Et volontiers j’irais plus loin encore : j’essaierais de corriger la pensée en corrigeant le style, de rectifier le fond par la forme, en d’autres termes, d’attaquer le mal dans les symptômes du mal. Sur ce point, j’abonde dans le sens des médecins homéopathes. C’est, comme on le sait, à la branche malade qu’ils s’adressent pour guérir un mal qui lui vient du tronc ; c’est dans les symptômes qu’ils poursuivent l’affection morbifique plus profondément enracinée dans l’individu. Qu’ils aient tort ou raison, j’en abandonne volontiers le jugement à d’autres ; mais eussent-ils cent fois tort, j’ai raison de faire comme eux. La migraine n’est peut-être pas identique avec le mal d’estomac ; mais le style est l’homme même, je dis tout l’homme ; dans le style, je trouve l’auteur tout entier ; et lui-même s’y retrouvera, s’il veut être attentif et de bonne foi. Bien entendu que le mot de style désigne autre chose ici que les qualités grammaticales du langage. Observons cependant que si la correction grammaticale ne fait pas partie du style et ne peut par conséquent servir à faire connaître l’homme, il n’en est pas de même de l’incorrection du langage. Cette incorrection, quand elle est volontaire ou systématique, doit être comptée, aussi bien que le manque de pureté, parmi les caractères du style. Il est très-naturel, quoique singulier au premier coup-d’œil, que l’absence d’une qualité soit caractéristique dans une sphère où sa présence ne l’est pas  [39].

53 De la physiologie à l’homéopathie, les « sciences » nouvelles servent ainsi de modèles pour penser le style à l’époque romantique. Il s’agit de faire le deuil de ce qui a longtemps servi à juger : respect des normes (grammaticales ou génériques), respect des autorités. On peut dès lors se contenter de faire du style un indice physiologique comme un autre pour déterminer les traits principaux de la personnalité d’un auteur, mais quel intérêt, autre que de curiosité ou de vérification morale ? Affirmer la liberté radicale de l’individu, singulier dans sa constitution même et donc dans toutes ses manifestations, sert la cause romantique dans sa volonté de remettre en cause un respect trop grand des règles et des modèles mais fait long feu pour qui veut bien prendre en compte avec un peu de sérieux les facteurs qui entrent en jeu dans les choix à l’œuvre et trouvent leurs sources tant dans l’itinéraire particulier de chaque écrivain que dans le contexte précis ou s’inscrit sa création. Reste l’« épluchage » appelé à un grand destin en ce qu’il va devenir la méthode d’une discipline nouvelle, la stylistique, qui, une fois débarrassée de la nécessité de définir un objet indéfinissable, fera de l’étude des détails langagiers un mode herméneutique de compréhension d’un « auteur tout entier » en tant que représentant de toute une littérature, voire de toute une époque.

Notes

  • [1]
    Paris, André Pralard, 1676, p. 208.
  • [2]
    Ibid., p. 210.
  • [3]
    Ibid., p. 211.
  • [4]
    Idem.
  • [5]
    Ibid., p. 221.
  • [6]
    « De Buffon à Danton : “l’homme même” et les cas d’espèce », Littérature, Paris, 2005, n° 137, p. 87-88.
  • [7]
    Correspondance inédite, Paris, Hachette, 1860, t. I, p. 293.
  • [8]
    Préface du Mariage de Figaro, Paris, Ruault, 1785, p. XLI.
  • [9]
    « Le style c’est l’homme c’est le diable », in M. Van Buuren (éd.), Actualité de la stylistique, Amsterdam, Rodopi, 1997, p. 12.
  • [10]
    Des Essarts, Chez l’auteur, 1800, t. I, p. 413.
  • [11]
    Idem.
  • [12]
    L’Académicien Charles-Marie de Féletz cite, pour les critiquer, plusieurs exemples de déformations qui vont dans le même sens, notamment chez Mme de Genlis, dans ses Mélanges de philosophie, d’histoire et de littérature, Paris, Grimbert & Dorez, 1830, t. V, p. 29 et 157.
  • [13]
    J.-M. Plane, Physiologie, ou l’Art de connaître les hommes sur leur physionomie, Meudon, Demoilly, 1797, t. I, p. 263-264.
  • [14]
    B. Desmousseaux, Éloge de Blaise Pascal, Gand, Houdin, 1813, p. 14. Ce type de lecture prend une tournure morale sous la plume de nombreux écrivains catholiques dans les années qui vont suivre. Le légitimiste Pierre-Sébastien Laurentie résume ainsi l’opinion dominante, en prenant la caution tant des autorités antiques que de Buffon, dans un ouvrage didactique de la Bibliothèque catholique de Belgique : « Et comment supposer, en effet, que l’esprit pût être sublime dans un homme dont le cœur serait bas et rampant ? que le style pût être élégant et poli dans un homme dont les habitudes seraient grossières et vicieuses ? », De l’étude et l’enseignement des lettres, Louvain, Vanlinthout & Vandenzande, 1829, p. 7.
  • [15]
    Deterville, 1819, t. XXVI, p. 119.
  • [16]
    Cf., entre autres, Eugène Sue qui, en 1836, traite la phrase de « vieille banalité » dans son Histoire de la marine française (Bonnaire, t. III, p. 144).
  • [17]
    Ledoyen, 1831, p. I-II.
  • [18]
    Duménil, t. I, p.30.
  • [19]
    Journal des Débats du 31 juillet.
  • [20]
    G. Grimaud de Caux, Physiologie de l’espèce, histoire de la génération de l’homme, Cousin, 1837, p.10.
  • [21]
    L. Jenny, « Du style comme pratique », Littérature, Paris, 2000, n° 118, p. 102. En ligne
  • [22]
    Huitième année, Saint-Michel et Beaucé, 1810, p. 330-331.
  • [23]
    Just Tessier, 1834, t. I, p. 49-50.
  • [24]
    Victoires, conquêtes, désastres, revers et guerres civiles des Français, Paris, Panckoucke, 1831, t. XXXIII, p. 357. Sur les relations entre style d’auteur et génétique de l’écriture matérielle, voir, ici même, l’étude d’Anne Herschberg Pierrot.
  • [25]
    Histoire de la peinture en Italie, Paris, Gallimard, coll. « Folio essais », 1996, p. 284.
  • [26]
    « Littérature du XIXe siècle », Le Mercure du dix-neuvième siècle, t. 32, 1831, p. 24.
  • [27]
    Grand commentaire sur un petit article, Genève, Paschoud, 1817, p. 215-216. On trouve le même type d’argument appliqué cette fois aux Allemands, accusés de trop penser le style en termes d’« accessoire », dans le tome III de la Revue germanique, 1828, p. 231-232.
  • [28]
    Grammaire générale, philosophique et critique de la langue française, Au Bureau, 1838, t. II, p. 542.
  • [29]
    « Sur Mirabeau » (1834), Littérature et philosophie mêlées II, Renduel, 1838, p. 319- 321. Lamartine enfoncera, cinquante ans plus tard, le même clou dans son étude tardive de Mme de Sévigné, en forme d’autocritique : « Le livre masque presque toujours l’auteur. Pourquoi ? Parce que le livre est une œuvre d’art et de volonté, où l’auteur se propose un but et où il se montre, non ce qu’il est, mais ce qu’il veut paraître. Ce n’est pas dans les livres qu’il faut chercher le véritable style : il n’est pas là. Je me trompe : il est là, mais c’est dans les livres que l’homme a écrits sans penser qu’il faisait un livre, c’est-à-dire dans ses lettres ; les lettres, c’est le style à nu ; les livres, c’est le style habillé », Madame de Sévigné, Michel Lévy, 1864, p. 132.
  • [30]
    Études françaises et étrangères, Levavasseur, 1831, p. LIII-LIV.
  • [31]
    « Du style », Le Lycée armoricain, 9e vol., Nantes, 1827, p. 352.
  • [32]
    « De l’imitation », Œuvres diverses, Delangle, 1829, p. 448.
  • [33]
    La Fausse industrie…, Bossange, 1836, p. 611.
  • [34]
    Journal de la langue française, Marle, 3e volume, 1828, p. 512.
  • [35]
    « Du dernier ouvrage de M. de Châteaubriand », Revue de Paris, t. 34, 1836, p. 160-161.
  • [36]
    De la littérature française pendant le XVIIIe siècle, Ladvocat, 1824, p. 189.
  • [37]
    Gustave Planche, « Lucrèce Borgia », Revue des Deux Mondes, t. I, 2e série, 1833, p. 390.
  • [38]
    Mélanges littéraires, philosophiques et politiques, Le Clère, 1819, t. I, p. 355-356.
  • [39]
    Le Semeur, t. V, 1836, p. 13.
Français

La célèbre phrase de Buffon sur le style est récupérée à l’époque romantique selon différentes modalités qui correspondent aux grands mouvements idéologiques qui en organisent les débats esthétiques et anthropologiques. Ce faisant elle permet de poser le style comme objet tant essentiel que problématique dans tous les champs du savoir et sert à préparer l’émergence de la stylistique comme discipline critique.

English

The famous Buffon’s phrase on style is used in the romantic era in different ways which correspond to the major ideological movements that organize the aesthetic and anthropological debates at the time. In doing so it helps to make the style an object as essential as problematic in all fields of knowledge and prepares the emergence of stylistics as a critical discipline.

Jacques DÜRRENMATT
(ELH-PLH — Université de Toulouse-Le Mirail)
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 26/06/2010
https://doi.org/10.3917/rom.148.0063
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