CAIRN.INFO : Matières à réflexion
« Merde pour les pastiches ! »
Marcel PROUST  [1].

PARODIE ET PASTICHE DU XVIIe AU XIXe SIÈCLE

1 Le pastiche se développe longtemps dans l’ombre de la parodie. D’une part parce que le discours critique ne s’occupe pendant longtemps que de la notion de parodie, présente dans les poétiques depuis l’antiquité [2] alors que le terme même de pastiche, au sens littéraire, n’apparaît qu’à la fin du siècle des Lumières ; d’autre part parce que, du point de vue des pratiques de réécriture, la parodie l’emporte largement sur le pastiche jusqu’à la fin du XIXe siècle. Rappelons simplement son rôle de premier plan sur les scènes dramatiques : aux XVIIe et XVIIIe siècles, les théâtres sans privilège – Comédie-Italienne, Opéra comique, Théâtre de la Foire – fondent leur répertoire sur la parodie des grandes pièces à succès des théâtres officiels, avec un systématisme qui a pu faire parler de séries parodiques [3], et le phénomène se poursuit au XIXe siècle, où « la parodie se présente comme le passage obligé de la reconnaissance théâtrale, le sceau de la réussite  [4] ».

2 Pour être plus discret, le pastiche n’en est cependant pas moins présent durant les mêmes périodes. Comme l’a rappelé Paul Aron dans son Histoire du pastiche, La Fontaine écrit des « Vers à la manière de Neuf-Germain », Pascal pastiche le style de Mlle de Scudéry dans l’une de ses Provinciales et La Bruyère celui de Montaigne dans sesCaractères [5]. On peut penser aussi aux antiromans de Sorel, Furetière ou Scarron qui, autant qu’à des hypotextes singuliers (Amadis de Gaule, L’Astrée), s’en prennent au style des romans de chevalerie et des romans pastoraux, et qui conjoignent ainsi parodie et pastiche. Au XVIIIe siècle, le pastiche se rencontre également dans les suites, nombreuses à une époque où les œuvres ne sont pas encore protégées (voir, par exemple, les continuations du Don Quichotte, la suite que Mercier donne à La Nouvelle Héloïse dans Mon bonnet de nuit, etc.) ; dans le genre du dialogue des morts, censé imiter stylistiquement les auteurs convoqués ou plutôt évoqués ; dans les apocryphes (voir les nombreuses fausses lettres de Rousseau et de Voltaire alors en circulation), et dans les pastiches proprement dits, comme ceux de La Fontaine par Despréaux  [6].

3 Si le pastiche s’est moins développé que la parodie à l’âge classique, c’est parce qu’il a fallu attendre la fin du XVIIIe siècle pour que deux conditions nécessaires à son épanouissement s’imposent. La première était l’émergence d’une idéologie qui promeuve la singularité, l’originalité (notion apparue au XVIIIe siècle  [7]) et qui valorise par conséquent le style individuel, la « manière », la personnalité stylistique à imiter ; la seconde était la mise en place d’une véritable législation de la propriété littéraire qui empêche les auteurs de reproduire sans le signaler le style et les contenus des textes qu’ils imitaient. Pour exister comme genre et recevoir sa légitimité, le pastiche devait en effet se démarquer du plagiat ou de l’apocryphe. Or la première définition littéraire du pastiche, qui se rencontre chez Marmontel, témoigne de la difficulté qu’il pouvait y avoir, à l’époque, à les distinguer :

4

Ce mot s’emploie par translation, pour exprimer en littérature une imitation affectée de la manière et du style d’un écrivain ; comme on l’emploie au propre pour désigner un tableau peint dans la manière d’un grand artiste et que l’on fait passer pour être de sa main  [8]

5 Dérivé d’une pratique picturale qui visait à produire des faux, le pastiche tel qu’il est défini par Marmontel n’est pas conçu autrement que comme une forme de plagiat. Et, de fait, on rencontre à l’âge classique des techniques d’appropriation stylistique qui relèvent de cela, ainsi le plagianisme[9] du rhétoricien Richesource (1616-1694), qui enseignait l’art d’assimiler le discours des autres et de le reproduire sans que le pillage ne se voie.

LA MAUVAISE RÉPUTATION DU PASTICHE

6 On pourrait penser que le XIXe siècle, doté d’un appareil légal protégeant la propriété littéraire et porté à la valorisation de l’individualité et de l’originalité, donne son essor au pastiche. Or si la parodie bénéficie du désir des romantiques de rompre avec l’imitation et la gravité classiques (le terme de parodie est omniprésent dans la Préface de Cromwell, où il désigne toutes sortes de transformations déformantes et moqueuses au service du grotesque), le pastiche ne semble pas en profiter, restant jusqu’à la fin du XIXe siècle une pratique occasionnelle. Genette parle d’un « statut marginal », d’« exercices d’amateurs, qui s’adonnent à l’imitation en passant, dans leur correspondance ou par la bouche de personnages romanesques  [10] », marginalité qui est confirmée par Paul Aron et Jacques Espagnon dans leur Répertoire des pastiches et parodies littéraires : « Au XIXe siècle, le pastiche n’existe pratiquement pas “en soi”, sauf à la fin [du siècle]  [11]. »

7 En effet, dans la première moitié du XIXe siècle, les auteurs qui publient des pastiches se comptent sur les doigts d’une main : on peut citer Baudelaire, qui pastiche Balzac dans « Comment on paie ses dettes quand on a du génie » (Le Corsaire-Satan, 24 novembre 1845), Petrus Borel, qui donne « Un chapitre inédit de Montaigne : Du jugement publicque [sic] » dans L’Artiste (9 janvier 1848) et Balzac, seul auteur à pratiquer le pastiche de façon plus assidue – ce qui n’étonne pas chez un romancier intéressé par la polyphonie. Balzac pastiche Sainte-Beuve dans Un prince de la bohème, il donne une suite à L’Âne mort et la femme guillotinée de Janin (dans la revue Le Voleur, 5 février 1830), il pastiche le roman Empire à travers Olympia ou les Vengeances romaines dans La Muse du Département, et il procure un grand pastiche de Rabelais dans ses Contes drolatiques (1832-1835). Cependant, comme Éric Bordas le souligne dans un article consacré au chronotope des Contes drolatiques, Balzac s’y défend d’avoir fait un pastiche : « cette œuvre est la plus originalement conçue de cette époque, ce livre n’est pas un pastiche », et il affirme aussi n’avoir pas fait une supercherie – « une plaisanterie à la Macpherson » –, mais des contes véritablement écrits « dans l’esprit du temps », une œuvre de « rénovation littéraire  [12] ».

8 Si Balzac refuse l’étiquette de pastiche et revendique une originalité superlative, c’est qu’au moment où il écrit, le pastiche est encore largement perçu comme opposé à l’originalité. Dans un article sur Balzac pasticheur, Aude Déruelle rappelle que le Grand Larousse du XIXe siècle définit le pastiche comme : « imitation, œuvre d’art ou de littérature imitée d’autres œuvres et dépourvue d’originalité [13] ». À lire cette définition-condamnation, on comprend la désaffection dont le pastiche est victime durant une grande partie du siècle.

9 D’autre part, le fait que Balzac prenne ses distances d’avec les supercheries littéraires (« une plaisanterie à la Macpherson ») montre aussi que le pastiche reste fortement associé à la pratique du faux – apocryphe, supposition d’auteur, voire plagiat. Car, malgré la législation mise en place au tournant du siècle, il a fallu un certain temps pour que le nouveau droit sur la propriété littéraire passe dans les faits, et des affaires comme le procès Courchamps montrent qu’il subsistait un certain flou dans les pratiques et les comportements des écrivains.

10 Le cas de Nodier est, de ce point de vue, tout à fait intéressant : voilà un auteur qui, d’un côté, avec ses Questions de littérature légale, essai traitant du plagiat, de la supposition d’auteurs et des supercheries qui ont rapport aux livres (1812 et 1828), contribue à fixer les règles du jeu littéraire, et qui, d’un autre côté, n’a de cesse de se livrer lui-même à toutes sortes de mystifications : pseudonymie multiple, invention de pensées de Shakespeare, collaboration à des apocryphes comme les Mémoires d’une contemporaine, soutien à la supercherie littéraire de Clotilde de Surville, etc.  [14]. Mais, surtout, ne voit-on pas le même Nodier, qui avait pourtant établi une typologie précise des pratiques de la littérature au second degré, confondre allègrement plagiat et pastiche dans sa fameuse Histoire du roi de Bohême et de ses sept châteaux (1830) ?

11 Dans le chapitre « Objection » on peut lire en effet :

12

– Eh, monsieur, je vois ce que c’est ! encore un mauvais pastiche des innombrables pastiches de Sterne et de Rabelais… –
Mauvais, cela vous plaît à dire… et puis, que diable vous faut-il si vous ne voulez pas des pastiches ?
Oserois-je vous demander quel livre n’est pas pastiche, quelle idée peut s’enorgueillir aujourd’hui d’éclore première et typique ?…

13 Et un peu plus loin dans ce même chapitre :

14

Et vous voulez que moi, plagiaire des plagiaires de Sterne –
Qui fut plagiaire de Swift –
Qui fut plagiaire de Wilkins –
Qui fut plagiaire de Reboul –
Qui fut plagiaire de Guillaume des Autels –
Qui fut plagiaire de Rabelais –
Qui fut plagiaire de Morus–
Qui fut plagiaire d’Érasme –
Qui fut plagiaire de Lucien – ou de Lucius de Patras – ou d’Apulée – car on ne sait lequel des trois a été volé par les deux autres, et je ne me suis jamais soucié de le savoir…
Vous voudriez que j’inventasse la forme et le fond d’un livre  [15] !…

15 Ce n’est pas seulement une question de terminologie : Nodier écrit un livre excentrique, un livre qui rompt avec « les règles communes de la composition et du style  [16] », mais il inscrit son excentricité, ses ruptures, dans une esthétique de l’imitation selon laquelle nous venons trop tard et ne pouvons plus innover [17]. Provocation mise à part, cette posture reflète bien l’ambivalence de l’esthétique romantique qui, si elle veut en découdre avec une conception de l’imitation considérée comme servile, n’en rejette pas pour autant l’imitation en soi et opère avant tout un changement de modèles : Shakespeare est préféré à Racine, des auteurs qui n’entraient pas dans les moules classiques sont remis au goût du jour (cf. Les Grotesques de Gautier) et la contestation passe souvent par la continuation de mouvements ou d’auteurs qui ont représenté une rupture dans le passé. C’est précisément le cas des récits excentriques, qui s’inscrivent dans la lignée de l’antiroman des XVIIe et XVIIIe siècles.

16 Il n’en reste pas moins que, pour les raisons que nous avons vues, le pastiche est peu pratiqué et n’a pas bonne réputation jusqu’à la fin du XIXe siècle. Quand quelque chose de l’ordre de l’imitation stylistique apparaît, c’est sans le mot pastiche (par exemple le recueil d’Aloysius Bertrand, Gaspard de la Nuit, a pour sous-titre fantaisies à la manière de Rembrandt et de Callot), et quand ce mot escorte un titre, le caractère ludique de ce dernier enlève tout sérieux à cette mention : ainsi en va-t-il par exemple de la section des Cariatides de Banville intitulée En habit zinzolin et sous-titrée pastiches (1842).

PASTICHES CACHÉS ET PASTICHES D’OUTRE-TOMBE

17 En fait, durant tout le XIXe siècle, le pastiche peine à se dégager de ses accointances originelles avec ces écritures de la mystification que sont l’apocryphe ou la supercherie littéraire et il se développe principalement dans deux domaines, à propos desquels on pourrait parler de cryptopastiches. Le premier de ces domaines est celui des « suppositions d’auteur », dont on sait combien elles prolifèrent au XIXe siècle : Théâtre de Clara Gazul et La Guzla (Mérimée), Poésies de Clotilde de Surville et de Clémence Isaure, Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme (Sainte-Beuve), Déliquescences d’Adoré Floupette, Chansons de Bilitis (Pierre Louÿs), etc. On peut parler de pastiches à propos de ces textes attribués à des auteurs imaginaires dans la mesure où, comme l’écrit Jean-François Jeandillou, « l’auteur supposant tente […] de maquiller son propre style pour copier celui de l’auteur supposé », bien que « l’imitation ne repose sur aucun modèle véritablement singulier et prédéfini [18] ». Mais Genette leur conteste ce statut : « En toute rigueur et en principe, le pastiche imaginaire, n’ayant pas de modèle réel, n’est pas un véritable pastiche : l’auteur y forge de toutes pièces un idiolecte jusqu’alors inconnu, qui ne provient d’aucun texte préexistant et ne médiatise donc aucune relation transtextuelle  [19]. » Disons que s’il n’y a pas pastiche d’un auteur reconnaissable par le lecteur, il y a quand même pastiche car la cible peut être un style identifiable : style troubadour, style décadent, etc. En ce qui concerne les affinités de ces pastiches avec les apocryphes et autres faux littéraires, il faut remarquer que si les suppositions d’auteur procèdent d’une volonté de mystification, celle-ci est conçue pour ne pas durer : les auteurs supposants prennent en effet soin de semer des indices pour être découverts à moyen terme. On peut se demander dès lors pourquoi ils éprouvent le besoin de passer par la supposition littéraire. Jeandillou observe que cette « forme d’exploration des limites  [20] » est souvent le fait de jeunes auteurs (cf. Mérimée, Sainte-Beuve, Pierre Louÿs…) auxquels elle permet de dégager leur responsabilité, de jouer sur plusieurs tableaux, et surtout d’apprendre à écrire à travers l’imitation d’un style supposé. Cette fonction d’apprentissage, constamment assignée au pastiche, correspond à ce qu’Antoine Albalat appellera « l’assimilation [du style] par imitation  [21] ».

18 Le second domaine où le pastiche se développe est constitué par les écrits spirites. On sait qu’à partir du milieu du XIXe siècle, de nombreux cercles, de toutes catégories sociales, s’adonnent à l’évocation des esprits à travers les tables tournantes et tiennent procès-verbal des messages dictés par l’au-delà. Les plus célèbres de ces procès-verbaux sont ceux des Tables tournantes de Jersey, dans lesquels Hugo et les membres de sa famille dialoguent avec les esprits de nombreux personnages historiques (César, Annibal, Robespierre, Napoléon Ier…), religieux (le Christ, Moïse, Luther, Abel, Caïn, Judas…) et une foule d’écrivains de tous les temps (Eschyle, Aristophane, Apulée, Dante, Shakespeare, Racine, Molière, Diderot, Rousseau, Voltaire, André Chénier, Byron, Walter Scott, Chateaubriand, etc.). Ces écrivains dictent des scènes (Shakespeare), complètent des poèmes qu’ils n’ont pu achever de leur vivant (Chénier) et, d’une manière générale, s’expriment en de longues tirades souvent composées d’alexandrins  [22]. Dans le même ordre d’idées, la Revue spirite publie régulièrement des textes d’auteurs morts qui se manifestent à des médiums : ainsi en 1858-1859 paraît un long feuilleton intitulé Une nuit oubliée ou la Sorcière Manouza, mille deuxième nuit des Contes arabes, dictée par l’esprit de Frédéric Soulié ; en 1862, c’est un dialogue entre Frédéric II et Voltaire ; en 1866, des vers de Musset, dictés à une Madame X  [23]. On ajoutera telle nouvelle de Charles Cros, « L’évocation des endormis » (Tout Paris, 13 juin 1884), qui cite un poème dicté par l’esprit d’Hugo et consacré à la chute de Satan, ainsi que, plus tardivement, la série des Contes de l’au-delà, sous la dictée des esprits, de Charles d’Orino (1904, pseudonyme de la Csse Pillet-Will) qui recueille des textes signés par « l’esprit de Maupassant » et d’autres esprits. Tous ces textes, qui font parler des auteurs morts, doivent reproduire leur style et sont donc à considérer comme des pastiches. C’est d’ailleurs ainsi que, dans leur Anthologie du pastiche, Léon Deffoux et Pierre Duffay jugeaient les Tables tournantes de Jersey : « pastiches de l’au-delà  [24] ». Et les auteurs du Répertoire… leur emboîtent le pas quand ils remarquent : « L’expression “l’esprit qui parle” ne serait donc pas éloignée de “parler dans l’esprit de…”, et donc de “A la manière de…”  [25]. »

19 Cependant, comme dans le genre du dialogue des morts, dont le procès-verbal spirite est aussi l’héritier, l’imitation stylistique n’est souvent pas un souci primordial. Quiconque se penche sur les dictées de Jersey se rend assez vite compte que tous les auteurs convoqués ont tendance à faire du Hugo : Molière et Shakespeare versifient comme lui, la poésie de Chénier est « soumise à une orthodoxie pré- ou post-romantique  [26] », etc. De même, le narrateur satiriste de « L’évocation des endormis » se moque de son ami, adepte de communications spirites, qui lui « apporte tous les jours des réponses de Socrate, d’Annibal, de Vâlmiki, etc., réponses où tous ces braves gens parlent comme des bandagistes  [27] ». Mais bien des textes de ce corpus apparaissent comme des pastiches : par exemple, dans « L’évocation des endormis », précisément, le poème prêté à l’esprit d’Hugo s’avère un pastiche convaincant  [28], et les vers de Musset publiés par la Revue spirite sont si ressemblants que Gautier en fut « troublé » et qu’un journaliste de l’époque « émit l’hypothèse d’un inédit utilisé pour une mystification  [29] »…

CAUSES DE L’ESSOR DU PASTICHE

20 Le pastiche assumé comme tel ne prend son essor que dans la seconde moitié du XIXe siècle. Genette, qui voit cet essor « s’amorcer » sous le Second Empire, en esquisse deux causes possibles : la gloire d’Hugo, qui « engendre une vague d’imitations sans précédent » et « l’esprit du règne, qui s’illustre comme on le sait dans les opérettes d’Offenbach  [30] ». Il est certain qu’Hugo a joué un rôle décisif : en suscitant non seulement, comme nous l’avons vu, d’innombrables répliques parodiques de ses drames, mais aussi de ses recueils poétiques (Chansons des grues et des boas d’André Gill, Chansonnettes des rues et des bois de Monselet, Odes funambulesques de Banville, La Légende des sexes d’Edmond Haraucourt, Les Recontemplations, etc.), Hugo a été l’auteur le plus caricaturé du XIXe siècle. Mais il est la cible de parodies plus que de pastiches, car on s’en prend à des poèmes marquants (cf. « Oceano Nox » revisité par Corbière, les multiples parodies des « Djinns », etc.) plutôt qu’à son style, et nous verrons que c’est justement parce qu’aucun de ses poèmes en soi n’est remarquable que Coppée, qui remplacera Hugo comme tête de turc, infléchira la parodie vers le pastiche. Quant à « l’esprit du règne », il est évident qu’un régime qui répète l’histoire de façon farcesque [31] ne peut que provoquer (à) la parodie. La presse satirique de l’époque ne manque en effet pas de caricaturer abondamment le règne de Napoléon le Petit et cette caricature passe souvent par les moyens de la parodie ainsi que du pastiche.

21 Mais les journaux et les revues satiriques ne sont pas les seuls à utiliser ces moyens. On sait que la presse en général se développe considérablement dans la seconde partie du XIXe siècle. Or, comme l’a montré Marie-Ève Thérenty, la nouvelle écriture journalistique qui s’invente alors, avec la collaboration active des écrivains, recourt volontiers à des procédés comme l’ironie et la parodie, d’où par exemple la floraison de fausses interviews (auto-interviews, interviews apocryphes, blagueuses, fictionnelles…) ou des textes comme les nouvelles en trois lignes de Fénéon, dont le but est de « contraster avec la revendication de sérieux et de professionnalisme » qui caractérise la presse  [32]. Paul Aron a aussi relevé cette nouvelle dimension des journaux, devenus, comme les théâtres, « les principaux vecteurs de la sociabilité des imitations en vogue », et pénétrés par « toutes les formes du pastiche et de la parodie : pastiches critiques et pastiches satiriques, charges, caricatures, parodies, à-peu-près, reprises de thèmes et d’airs, détournements, transformations et bien d’autres  [33] ». On peut dire que le pastiche, qui a eu longtemps mauvaise presse, trouve dans celle du XIXe une véritable caisse de résonance.

22 Un autre facteur déterminant pour son essor est le développement de ce que Daniel Grojnowski appelle, à la suite d’Henri Cros, le groupisme. On sait que la vie littéraire de la seconde partie du XIXe siècle a été rythmée par la succession de cercles, souvent éphémères, qui ont eu pour noms « Hydropathes, Hirsutes, Incohérents, Zutistes, Jemenfoutistes », etc., et qui ont réuni de jeunes artistes et écrivains dans des cafés et des cabarets (le plus célèbre a été Le Chat Noir) d’abord localisés dans le Quartier Latin, puis, après 1870, du côté de Montmartre. Ces groupes, qui se voulaient en rupture avec l’establishment (académies, éditeurs, mouvements dominants…) et qui cultivaient l’esprit fumiste [34], c’est-à-dire tournaient en farce toutes les valeurs (politique, religion, société, culture…), se moquaient évidemment de la littérature qui avait pignon sur rue et, pour cela, exploitaient à l’envi la parodie et le pastiche. On ne peut ici que renvoyer le lecteur aux anthologies L’Esprit fumiste et La Muse parodique pour qu’il se fasse une idée de cette intense production parodique  [35].

23 Il semble que le groupe crée des conditions particulièrement favorables à la pratique de la parodie et du pastiche. Qu’on pense, au XVIIe siècle, à l’entreprise de Chapelain décoiffé, qui rassemble tout un groupe d’écrivains autour de Boileau, et, à l’autre extrémité, aux premiers pastiches de Proust, nés dans le cadre des activités d’un groupe d’élèves du Lycée Condorcet, auxquels appartiennent Fernand Gregh et Robert Dreyfus, et qui fondent des revues, montent un théâtre d’ombres chinoises (Le Chat Bourbon, en souvenir du Chat Noir) et s’entre-pastichent [36]. Le groupe crée une émulation, soit que ses membres rivalisent entre eux dans l’écriture de pastiches, soit qu’ils les composent à plusieurs mains, et le cercle des auditeurs donne la possibilité d’essayer immédiatement ce qui a été écrit : « Il y a, de la sorte, pour les jeunes, un débouché facile et un public, qui pour être restreint, n’est pas moins très bon juge  [37]. »

24 Pour en revenir aux groupes à l’enseigne du fumisme, le plus connu est sans conteste celui des zutistes, rendu célèbre par Rimbaud et Verlaine [38]. Rappelons que ce cercle, issu lui-même des Vilains Bonshommes, se réunissait en 1871-1872 dans une chambre louée par le musicien Cabaner à l’entresol de l’hôtel des Étrangers (actuellement hôtel Belloy St-Germain, un hôtel de la chaîne Best Western) et qu’il a laissé un Album zutique, sorte de livre d’or tenu durant les réunions. Dans cet album, qui compte une trentaine de pages, on trouve en majorité des poèmes, mais aussi quelques chansons, des calembours, des caricatures et des dessins obscènes. Un grand nombre de textes sont dus à Rimbaud (24) et à Léon Valade (24 également), les autres se partageant entre Verlaine (12), Germain Nouveau (7), Charles Cros, Antoine Cros, Henri Cros, André Gill, Albert Mérat, Raoul Ponchon, etc. Une forte proportion de ces textes est constituée par des parodies (par exemple, « La mort des cochons », sonnet signé par Rimbaud et Verlaine et qui parodie « La mort des amants » de Baudelaire), et surtout par des pastiches. Et presque tous ces pastiches ont pour cible Coppée.

25 Dans la mesure où ce dernier revêt une importance considérable dans le développement du pastiche au XIXe siècle, il me semble nécessaire de lui consacrer la fin de mon tour d’horizon.

PASTICH… COPPÉE

26 Comme je l’ai déjà signalé, Coppée ravit la palme de la parodie à Hugo et devient à la fin du siècle l’auteur le plus pastiché de la littérature française [39]. Mais, alors que les parodies d’Hugo sont des exercices d’admiration indirecte (voir la préface de 1857 des Odes funambulesques) à l’égard d’un auteur et d’une œuvre monumentaux, les pastiches de Coppée relèvent toujours de la charge et ne sont jamais des hommages déguisés… Coppée irrite parce qu’il est le type même du poète officiel, opportuniste (cf. sa position à l’égard de la Commune), cherchant à plaire à tous les publics avec une poésie faussement simple, qui se veut désinvestie de toute idéologie. Présentés comme « des riens », écrits « ainsi qu’on fait des cigarettes  [40] », les dizains d’alexandrins à rimes plates des Promenades et intérieurs traitent de sujets tels que le plaisir de goûter la campagne à la sortie du bureau, une promenade dans un paysage où sèche une lessive, le spectacle des gens du peuple ou des « pioupious » dans les cabarets, la description d’un boudoir ancien, l’évocation d’une vieille mère posant une bûche dans le foyer, la charité d’une veuve dont le fils est à la guerre, le bonheur qu’il peut y avoir à être vicaire dans un vieil évêché de province, etc. À propos de cette thématique lénifiante, Steve Murphy parle très justement de « misérabilisme », de « pathétique facile », d’« éloge de la résignation populaire  [41] », et Jean-Louis Arroui relève que, « prétendument réalistes, les poèmes de Coppée sont imbibés d’idéalisme, ou témoignent vis-à-vis des “humbles” d’une attitude de compassion qui cache souvent un sentiment bourgeois de supériorité  [42] ». Mais, déjà à l’époque, Jules Lemaitre avait su dégager les recettes thématiques et stylistiques du succès de Coppée : « Sa marque, c’est précisément d’être le plus populaire des versificateurs savants, à la fois subtil assembleur de rimes et peintre familier de la vie moderne, avec assez d’émotion et de drame pour plaire à la foule, assez de recherche et de mièvrerie pour plaire aux décadents  [43]. »

27 Si le reste de son œuvre n’a pas été épargné (voir les soixante références du Répertoire d’Aron et Espagnon), les dizains de Coppée, déjà du fait de leur forme facilement identifiable, ont été l’objet privilégié des pasticheurs et ont même donné lieu à un genre spécifique, le « vieux coppée » ou « faux coppée » (mais ces appellations ne sont pas exclusives, voir infra). Dans cette intense production, il faut citer, outre les pièces de l’Album zutique, la série des dix dizains de Verlaine recueillis dans Cellulairement [44] ; les cinquante Dixains réalistes, parus en 1876 à l’initiative de Charles Cros (qui, avec Verlaine et Mallarmé, avait été évincé du troisième Parnasse contemporain par un jury dont Coppée faisait partie…) et dus à Cros lui-même, Germain Nouveau, Nina de Villard, Maurice Rollinat et quelques autres ; les pastiches de Nadar, « Le homard à la Coppée » et « La fève », dans L’Hôtel des Coquecigrues (Dentu, 1880) ; les « Coppéeiana » d’Émile Verhaeren dans Le Petit Touriste (janv. 1884) ; les « Coppéiades » de Henry Berguer (Première moisson, 1884) ; les pastiches de « François Coupé » par Gill dans La Parodie (1869-1870) ; d’autres pastiches encore par Ernest La Jeunesse (Les Nuits, les ennuis…, 1896), Jules Lemaitre (un « Sonnet-Coppée » dans la 4e série des Contemporains) et Vermersch (Le Grelot, 3 août 1873).

28 Dans l’Album zutique, on trouve vingt-trois vieux coppées, ce qui montre que le pastiche de l’auteur de Promenades et intérieurs est une activité prioritaire du groupe. Prenons l’exemple du « Balai », pastiche dû à Rimbaud. Ce dernier s’y attaque à la propension de Coppée à poétiser des objets communs, tirés de l’univers quotidien – corde à linge, ancienne affiche, tablier, fagot, dé à coudre… – en poussant le procédé à l’extrême puisque son pastiche célèbre… un balai de chiotte. Cet instrument domestique est décrit à l’aide d’adjectifs que l’on trouve couramment chez Coppée : « humble », « ancienne »… Le vers « J’aime de cet objet la saveur désolée » est censé résumer l’attitude de Coppée à l’égard de ces objets paradoxaux, a priori antipoétiques, que sa poésie élit, et le terme désolé l’animisation pathétique ou empathique qu’il projette sur ces objets, mais saveur, qui est pris au sens figuré, peut aussi être entendu au sens propre (si l’on peut dire), ce qui nous fait tomber dans le scatologique et le comique. Des tournures stylistiques coppéennes sont pastichées : « C’est un humble balai… » rappelle « C’est un boudoir meublé… » du dizain XI des Promenades et intérieurs ; de même, la formule « et ne vaut pas qu’on rie » (v. 3) renverse l’entame du dizain VII : « Vous en rirez. » Du point de vue de la versification, on retrouve évidemment les rimes plates des dizains de Coppée, mais Rimbaud, dans les vers 5-6, utilise une rime pauvre (i) que n’aurait jamais employée ce parnassien et qui, en mettant en relation gi et chi, attire notre attention sur ce dernier signifiant. De même pour qu’on rie à la rime (v. 3).

29 En fait, la description gentiment railleuse d’un objet déplacé dans le domaine poétique et qui singe les objets domestiques chers aux intérieurs de Coppée débouche sur une double dimension scatologique et pornographique. De la première, encore sensible dans la diérèse chi-endent (v. 1), on glisse à la seconde avec la canicule du v. 5, la Lune du dernier vers (image argotique pour désigner le postérieur) et nombre de formules équivoques suggérant une thématique sexuelle : le balai trop dur, le manche blanchi qui rougit à la canicule, la racine qui a aussi en argot le sens de sexe (le crin représentant les poils pubiens), et surtout l’expression bords de lait, dans laquelle on peut entendre bordel évidemment, mais aussi bordelais, qui d’après Steve Murphy pourrait être une allusion au gouvernement de Versailles, lequel avait siégé à Bordeaux (balayer les Versaillais à coups de balai de chiotte !). Le de permet quant à lui deux interprétations des deux derniers vers : l’une où il serait question de laver (avec le balai) les bords de lait d’une lune, et la métaphore désignerait alors une cuvette de WC (lecture innocente) ; l’autre où, le de signifiant avec du, il s’agirait de laver les bords d’une lune avec du lait, ce qui suggère l’acte sodomite  [45].

30 C’est une constante de l’Album zutique : les pastiches ne cachent pas seulement un texte sous le texte (l’écriture honnie de Coppée), mais aussi un message latent, de nature transgressive, dont le contenu est politique, sexuel et/ou scatologique. Il faut ajouter que ce contenu est attribué à Coppée lui-même, car la règle est de signer le pastiche de son nom ou de ses initiales (parfois doublées de celles du pasticheur). Ce dispositif, qui en fait un apocryphe (un « faux coppée »), a deux conséquences : il met dans la bouche de Coppée des propos subversifs, orduriers, etc., ce qui procure au pasticheur la satisfaction de le compromettre, et il fait porter le soupçon sur le statut du discours coppéen : et si ce discours était lui-même à double niveau, s’il était moins innocent qu’il n’y paraît ?

31 À reprendre les dizains des Promenades et intérieurs, le lecteur s’avise alors que la sexualité, et même l’homosexualité, y est bien présente, mais sous forme euphémisée : dans le dizain X, Coppée s’insurge contre le « désir hystérique » des collégiens de voir « les nudités en cire des coiffeurs » : « Car du court mantelet rose et bordé de cygne, / Émergent des appas où brille un petit signe » ; dans le XXIIe dizain, le grand-père « Se rappelle, installé dans son fauteuil de jonc, / Le temps où, beau chasseur, il courait la laitière » (pourquoi ce jonc ? pourquoi la laitière ?) ; dans le XXIXe, un « joyeux invalide » qui a touché sa solde raconte une bataille à un jeune soldat : « Et là, plein d’abandon, vers le pousse-café, / Son bâton à la main, le bonhomme échauffé/Conte au jeune soldat… » ; dans le XXXe dizain, c’est un abbé qui donne la main à un marquis de douze ans et qui « médite une ruse oratoire/Pour dire au noble enfant en des termes adroits/Ce que fut son aïeul, mignon de Henri Trois » ; et le dizain XXXIII évoque un éléphant admiré par de « naïfs tourlourous/Tendant la trompe, avec ses airs de gros espiègle ». Dans leurs pastiches, Rimbaud et les zutistes ne font donc que mettre à jour un discours graveleux qui s’autocensure chez Coppée, ils « réintroduisent le refoulé du discours coppéen  [46] ».

32 Quant à la scatologie, elle est évidemment impliquée par la « raison sociale » du cercle : les zutistes disent « zut ! » à tout, et cette expression vaut pour une interjection plus crue, « exclamation de colère, d’impatience, de mépris, de refus » (Petit Robert, art. « Merde ») que Rimbaud ne cesse de proférer dans l’Album et ailleurs. Mais, du point de vue du pastiche, et du pastiche coppéen en particulier, il se pourrait que l’énoncé scatologique aille de pair avec une volonté de purgation. On le sait, le pastiche permet à la fois de s’approprier les grands modèles et de s’en libérer. Proust, souffrant de l’emprise de Flaubert sur son style, s’en défait à l’aide du pastiche, et il parle de ce dernier en termes de purge : « Le tout était surtout pour moi affaire d’hygiène ; il faut se purger du vice naturel d’idolâtrie et d’imitation » ; « Pour ce qui concerne l’intoxication flaubertienne, je ne saurais trop recommander aux écrivains la vertu purgative, exorcisante du pastiche  [47]. » Les « vieux coppées » jouent donc ce rôle de purge pour Rimbaud et les poètes de sa génération. Mais comme Coppée n’est pas Flaubert et qu’il s’agit pour eux de se débarrasser d’une mauvaise influence, ils ne manquent pas d’attirer notre attention sur le caractère excrémentiel de ce qu’ils pastichient

Notes

  • [1]
    Cité par J. Milly, Les Pastiches de Proust, Paris, Armand Colin, 1970, p. 20.
  • [2]
    Pour un historique des conceptions de la parodie, voir mon essai La Relation parodique, Paris, José Corti, 2007, 1re partie.
  • [3]
    Ainsi Mariamne de Voltaire est parodié dans Quatre Mariamnes de Fuzelier, puis dans Huit Mariamnes de Piron… Voir les actes du Colloque Séries parodiques au siècle des Lumières, S. Menant et D. Quéro (éd.), PUPS, 2005.
  • [4]
    D. Compère et C. Dousteyssier-Khoze, Zola. Réceptions comiques. Le naturalisme parodié par ses contemporains, Paris, Eurédit, 2008, p. 11.
  • [5]
    P. Aron, Histoire du pastiche, Paris, PUF, coll. « Les littéraires », 2008, p. 50 sq. Voir aussi son article « Naissance du pastiche », Du pastiche, de la parodie et de quelques notions connexes, P. Aron (éd.), Québec, Éditions Nota Bene, 2004, p. 30 sq.
  • [6]
    P. Aron, Histoire du pastiche, op. cit., p. 95.
  • [7]
    Voir l’ouvrage classique de R. Mortier, L’Originalité. Une nouvelle catégorie esthétique au siècle des lumières, Genève, Droz, 1982.
  • [8]
    Article « Pastiche » de l’Encyclopédie méthodique de Panckoucke (1781), cité par P. Aron, op. cit., p. 100.
  • [9]
    Et non le plagiarisme, comme on l’a souvent écrit par suite d’une erreur de lecture sur laquelle J.-F. Jeandillou a attiré l’attention. Sur le plagianisme, voir P. Aron, op. cit., p. 68.
  • [10]
    G. Genette, Palimpsestes, Paris, Le Seuil, 1982, rééd. coll. « Point/Le Seuil », p. 123.
  • [11]
    P. Aron et J. Espagnon, Répertoire des pastiches et parodies littéraires des XIXe et XXe siècles, PUPS, 2009, Préface, p. 24.
  • [12]
    Cité par É. Bordas, « Chronotopes balzaciens », Poétique, 2000, n° 121, p. 6-7.
  • [13]
    A. Déruelle, « Poétique balzacienne du pastiche », L’Année balzacienne 2001, p. 126. Je souligne.
  • [14]
    Voir l’introduction de J.-F. Jeandillou à son édition critique des Questions de littérature légale, Genève, Droz, 2003.
  • [15]
    Ch. Nodier, Histoire du roi de Bohême et de ses sept châteaux, Delangle, 1830, Reprint Plasma, 1979, p. 23 et 26-27. Rappelons que l’Histoire du roi de Bohême a un double frontispice, dont le second indexe clairement le livre au genre du pastiche : Histoire du roi de Bohême et de ses sept châteaux./Pastiche./Paris/chez les libraires/qui ne vendent pas de nouveautés (p. 35).
  • [16]
    Cf. mon Récit excentrique, Paris, José Corti, 1987.
  • [17]
    Cf. La Bruyère : « Tout est dit, et l’on vient trop tard depuis plus de sept mille ans qu’il y a des hommes et qui pensent », Paris, Flammarion, coll. « GF », 1965, p. 82.
  • [18]
    J.-F. Jeandillou, Supercheries littéraires. La vie et l’œuvre des auteurs supposés, Genève, Droz, coll. « Titre courant », 2001, p. 484.
  • [19]
    G. Genette, Palimpsestes, op. cit., p. 175.
  • [20]
    J.-F. Jeandillou, Supercheries littéraires, op. cit., p. 493.
  • [21]
    Voir A. Albalat, La Formation du style, Paris, Armand Colin, 1901, chap. II.
  • [22]
    Voir G. Simon, Les Tables tournantes de Jersey, Conard, 1923 (édition partielle) et Procès-verbaux des tables parlantes à Jersey, éd. J. Gaudon, in V. Hugo, Œuvres complètes, éd. J. Massin, Club Français du livre, 1971, t. IX, vol. 2. Je me permets de renvoyer également à mon article « Scènes de tables : Hugo et les tables parlantes », Spectacles de la parole, H. Millot et C. Saminadayar-Perrin (éd.), Saint-Étienne, Éditions des Cahiers intempestifs, 2003.
  • [23]
    Voir St. Mahieu, Petit manuel de littérature d’outre-tombe. Anthologie des tables tournantes, Ginkgo, 2008.
  • [24]
    L. Deffoux et P. Dufay, Anthologie du pastiche, Crès, 1926, t. II, p. 209.
  • [25]
    P. Aron et J. Espagnon, Répertoire des pastiches et parodies…, op. cit., p. 18.
  • [26]
    P. Laforgue, « Hugo et Chénier : un dialogue d’outre-tombe », Cahiers Roucher-André Chénier 15, 1995, p. 206.
  • [27]
    Ch. Cros, « L’évocation des endormis », in Humour 1900, Paris, J.-Cl. Carrière, J’ai lu, 1963, p. 115.
  • [28]
    A. Spiquel, que je remercie, l’a identifié comme un pastiche et jugé « assez drôle et bien fait » (courriel du 26 janvier 2007).
  • [29]
    St. Mahieu, Petit manuel de littérature d’outre-tombe, op. cit., p. 32.
  • [30]
    G. Genette, Palimpsestes, op. cit., p. 123.
  • [31]
    Rappelons le mot de Marx dans Le 18 brumaire de Louis Bonaparte : « Hegel fait quelque part cette remarque que tous les grands événements et personnages se répètent pour ainsi dire deux fois. Il a oublié d’ajouter : la première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce. »
  • [32]
    M.-E. Thérenty, La Littérature au quotidien. Poétiques journalistiques au XIXe siècle, Paris, Le Seuil, coll. « Poétique », 2007, p. 153.
  • [33]
    P. Aron, Histoire du pastiche, op. cit., p. 148 et 150.
  • [34]
    Rappelons que le fumiste qui lui a donné son nom était un personnage de vaudeville dont la profession était bien d’entretenir des cheminées et des chauffages, mais qui ne cessait de faire des farces et s’en vantait en répétant : « c’est une farce de fumiste »…
  • [35]
    D. Grojnowski et B. Sarrazin, L’Esprit fumiste et les rires fin-de-siècle, Paris, José Corti, 1990 et D. Grojnowski, La Muse parodique, Paris, José Corti, 2009.
  • [36]
    Voir R. Dreyfus, Souvenirs sur Marcel Proust, Grasset, 1926. F. Gregh a collaboré à la rédaction des premiers A la manière de… de Reboux et Muller.
  • [37]
    G. Rodenbach cité par D. Grojnowski, Aux commencements du rire moderne. L’esprit fumiste, Paris, José Corti, 1997, p. 46.
  • [38]
    Précisons qu’il y a eu un second cercle zutiste, fondé en 1883 par Charles Cros en souvenir du premier et dont il ne sera pas question ici.
  • [39]
    Cf. L. Deffoux et P. Dufay : « Personne n’a été de notre temps aussi pastiché que Coppée… » (Anthologie du pastiche, Crès, 1926, t. I, p. 221).
  • [40]
    F. Coppée, Promenades et intérieurs, Lemerre, 1875, dizains I, p. 101, et XXXIX, p. 127. Rappelons qu’une première série de dix-sept pièces a paru dans le Parnasse contemporain de 1871.
  • [41]
    St. Murphy, « Détours et détournements : Rimbaud et le parodique », Parade sauvage, Colloque n° 4, Rimbaud : textes et contextes d’une révolution poétique, 2004, p. 109.
  • [42]
    J.-L. Arroui, « Quand Verlaine écrit des dizains : les “coppées” », L’École des lettres, 1996, n° 14, p. 141.
  • [43]
    J. Lemaitre, Les Contemporains. Études et portraits littéraires, 1re série, Lecène et Oudin, 1888.
  • [44]
    Voir l’analyse qu’en fait ici même A. Bernadet.
  • [45]
    Voir St. Murphy, Le Premier Rimbaud ou l’apprentissage de la subversion, CNRS-Presses Universitaires de Lyon, 1990, « Chorégraphies du balai », auquel mes lectures sont très redevables.
  • [46]
    Ibid., p. 246.
  • [47]
    Cité par M. Schneider, Voleurs de mots, Paris, Gallimard, 1985, p. 68.
Français

Le pastiche, qui s’est longtemps développé à l’ombre de la parodie, peine à s’imposer pendant une bonne partie du XIXe siècle. Considéré comme une écriture dépourvue d’originalité, il n’apparaît d’abord que sous la forme cryptique des « suppositions d’auteur » et des écrits spirites donnant la parole à des écrivains d’outre-tombe. S’il prend tout son essor à la fin du siècle, c’est sous l’effet conjugué de la presse satirique et des activités de groupes littéraires marginaux qui cultivent l’esprit fumiste, tels les zutistes. La parodie des grands textes de Victor Hugo cède la place au pastiche des petits dizains de François Coppée, entreprise qui correspond à une véritable volonté de purgation chez des auteurs comme Rimbaud.

English

The pastiche, which developed in the shadow of parody for a long time, struggled to assert itself for most of the XIXth century. Considered as a writing devoid of any originality, it first appeared under the cryptic form of “suppositions d’auteur” and of spiritualistic writings which let the writers from beyond the grave speak. If it expands rapidly in the end of the century, it is under the combined effect of the satirical press and the activities of marginal literary groups which devote themselves to the “esprit fumiste”, as the “zutistes”. The parody of Victor Hugo’s great texts yields to the pastiche of François Coppée’s ten-line stanzas, an undertaking which expresses a true will of purgation for writers like Rimbaud.

Daniel SANGSUE
(Université de Neuchâtel)
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 26/06/2010
https://doi.org/10.3917/rom.148.0077
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