CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1 Durant la dernière décennie, une profusion de travaux a été produite sur la radicalisation, aussi bien des études scientifiques que des préconisations d’experts, destinées aux politiques d’accompagnement et de prévention. À cet égard, le programme de « déradicalisation » et de réhabilitation des jihadistes, lancé en 2014 dans la ville danoise d’Aarhus, est éclairant et, on va le voir, exemplaire des pratiques actuellement en vogue. Le gouvernement y a mis en place un protocole reposant sur deux piliers. Il s’appuie d’une part sur un système de mentorat, à savoir qu’un tuteur personnel est attribué aux personnes radicalisées pour les accompagner dans toutes leurs démarches d’insertion et pour échanger avec elles sur les questions religieuses ou morales. Et, d’autre part, sur un protocole de suivi psychologique relevant du dispositif « psychologie de la vie » (life psychology), qui vise à amener la personne à évacuer les frustrations ressenties durant sa quête existentielle vers « une belle vie », selon l‘expression utilisée. [1] D’un côté, le mentor « déconstruit les grands récits mis en place par les extrémistes » ; d’un autre côté, le psychologue l’amène, via des entretiens motivationnels, à « acquérir une solide maîtrise de sa vie ». [2] Le programme semble à première vue bien agencé, organisé autour de fonctions précises, aux fiches de mission bien ficelées. Mais à bien y regarder, rien n’y est précisé concernant les mécanismes psychologiques en jeu : dans cette méthode dite « proactive », comme dans toutes les méthodes organisées autour d’autres techniques psycho-éducatives du même type, aucune explication ne vient nous éclairer sur les processus qui fondent les convictions du sujet radicalisé, ni sur les mécanismes qui conduisent au renoncement à ces convictions, ou qui aboutissent à leur résistance. Tout se passe comme si nous avions affaire à des comportements plaqués, superficiels, entièrement liés à l’environnement immédiat, qu’un simple changement d’environnement, assuré par les conseils quotidiens et bien sentis de personnes bienveillantes (le mentor et le psychologue de la belle vie), pourrait suffire à modifier.

2 Mais les phénomènes de radicalisation ne sont-ils qu’une affaire de comportement et de gestion des émotions ? Nous ne le pensons pas, et c’est pourquoi nous l’aborderons sous un autre angle : comme la synthèse opérée par le sujet entre les deux registres anthropologiques à la croisée desquels il évolue, à savoir les dimensions civilisationnelle et culturelle. C’est là, dans la zone de frottement entre ces deux grandes plaques telluriques, souvent contradictoires, que sont la civilisation (mondiale) et la culture (locale), que se produit selon nous l’adoption des discours radicaux – adoption qui aurait alors pour le sujet valeur de solution de compromis, c’est-à-dire de symptôme. Voilà en tout cas la thèse, inspirée de notre pratique de terrain, que nous sommes actuellement en train de développer et qui a récemment fait l’objet d’un protocole de recherche proposé à l’Agence Nationale de la Recherche – le projet CliREST. [3] Plutôt qu’un travail abouti, cet article présente donc les axes d’un programme en cours de réalisation, un work in progress. Avant d’articuler notre thèse, tentons de commencer par diagnostiquer l’état actuel des connaissances.

1. Tour d’horizon et état de l’art

3 Comme le montre aisément une revue des programmes européens de prévention de la radicalisation [4], les analyses des experts partagent un même socle de présupposés, à savoir que les individus tentés par l’extrémisme (politique ou religieux) auraient en commun certains stéréotypes (sur les Juifs, l’Occident, etc.), une intolérance à la frustration et des difficultés à gérer leur violence. [5] Un schéma d’analyse simple s’est ainsi progressivement fait jour : la radicalisation apparaît comme le résultat de la prévalence de stéréotypes chez des sujets mal insérés socialement qui ne parviennent pas à traiter leur frustration autrement que par la violence. Voilà pourquoi les méthodes de « déradicalisation » ou de prévention de la radicalisation se présentent, globalement, sous deux modalités. La première modalité consiste en des modules de formation à la citoyenneté [6], c’est-à-dire en ateliers collectifs supposés permettre aux individus d’interroger leurs stéréotypes, pour les dissoudre par des contre-discours religieux [7] ou « critiques » [8], de façon à ce qu’une fois ces stéréotypes fragilisés, la personne délaisse sa croyance. La seconde voie de déradicalisation consiste à travailler sur la frustration, le sentiment d’exclusion, la violence et le contrôle de soi, via le sport [9] ou l’intégration sociale (tous les pays incluent ce volet dans leurs programmes). La psychologie n’intervient ici que sur quatre modes : la psychologie sociale produit des méthodes pour amener à déconstruire les représentations stéréotypées ; la psychologie comportementale invente des techniques de décryptage des signes de radicalisation et de dangerosité ; la psychologie du travail vise à favoriser l’insertion, grâce à des entretiens motivationnels permettant de hiérarchiser les besoins ; et, quant aux thérapies, elles cherchent, par des techniques basées sur la communication, à renforcer la confiance et l’estime de soi. La psychopathologie est rarement convoquée ; lorsque c’est le cas, elle se contente de tracer des profils pathologiques, notamment dans les cas dits de « loups solitaires ». [10] Il convient de remarquer qu’aucun des travaux étudiés ne décrit les processus psychologiques en jeu : seuls les « profils » [11] sont quelquefois décrits, mais en revanche les mécanismes psychologiques, conscients et inconscients, ou la fonction psychique dynamique de l’adhésion ne sont jamais expliqués. Pourtant, la notion même de « radicalisation » porte en elle de telles dimensions dynamiques et processuelles, comme le montrent les travaux de Farhad Khosrokhavar. [12]

4 Le sociologue et anthropologue considère que l’apport de cette notion en sociologie a consisté en un changement de regard qui a complété celui qu’elle avait sur le terrorisme. Celui-ci était centré sur l’étude des groupes usant de la violence idéologique et de sa signification politique et sociale. Or, la notion de radicalisation a permis une approche en termes de processus des trajectoires individuelles qui conduisent les sujets vers la violence, dans la mesure où il n’y a jamais un basculement soudain, mais une évolution sur un temps plus ou moins long. C’est pourquoi cet auteur définit la radicalisation comme « le processus par lequel un individu ou un groupe adopte une forme violente d’action, directement liée à une idéologie extrémiste à contenu politique, social ou religieux qui conteste l’ordre établi sur le plan politique, social ou culturel ». [13] Cette conception sociologique établit une association directe entre une idéologie extrémiste et radicale et « une action violente qui est considérée par son acteur comme une conséquence directe de ladite idéologie » [14] ; à tel point que l’absence d’une des deux dimensions – « par exemple lorsqu’il y a action violente sans idéologie ou idéologie extrémiste sans action violente » [15] –, classe le phénomène hors du champ de la radicalisation.

5 L’ensemble de ces éléments, que l’on retrouve chez de nombreux autres auteurs de référence [16], s’ils éclairent indéniablement le phénomène, ont néanmoins contribué à le situer essentiellement dans le domaine d’expertise de la sociologie et de la psychologie sociale. Cette approche a donné lieu à des études rétrospectives des acteurs de mouvements tels que le groupe d’Action directe en France, ou bien celui de la Fraction armée rouge en Allemagne [17], parmi bien d’autres. Le but est de parvenir à dégager des critères formels descriptifs de la radicalisation, comme dans les travaux d’Isabelle Sommier [18] qui en situe la formation à la conjonction de trois paramètres : le contexte social et idéologique, la trajectoire individuelle et subjective, l’adhésion à un groupe radical, dont la rencontre est aujourd’hui facilitée par Internet. Il en résulte l’abandon du « pourquoi » de la radicalisation, au profit du « comment », qui est désormais privilégié en adéquation avec l’analyse processuelle. Chez Xavier Crettiez [19], il s’agit des déterminismes de l’engagement individuel dans « l’activisme à haut risque », abordés selon trois éléments cumulatifs : les facteurs incitatifs, les mécanismes cognitifs et les processus évolutifs de l’acteur, en délaissant complètement la notion de profil, au profit de celle de carrière du radicalisé. D’autres travaux mettent surtout en avant la dimension groupale de la radicalisation, délaissant alors les processus individuels au profit de dynamiques collectives. [20]

6 Dans cette avalanche de publications internationales, repérons un vide épistémique : tous ces travaux sont inscrits dans les champs de la sociologie, de la psychologie sociale et comportementale [21], soit autant d’approches appuyant leurs descriptions sur une position de surplomb au regard des phénomènes étudiés ; en revanche, aucun ne met en œuvre le paradigme de la psychologie clinique d’orientation psychanalytique. [22] L’abord psychanalytique engage tout d’abord à prendre en compte la singularité des phénomènes, telle qu’elle se manifeste dans la parole des sujets radicalisés, à y repérer les récurrences structurales, pour ensuite les articuler à des considérations sur le contexte culturel qui a favorisé leur émergence. Il ne s’agit donc pas, dans ce cadre épistémique, d’étudier la radicalisation à partir de son lien aux comportements violents et/ou potentiellement criminels dont il faudrait mesurer la dangerosité ; il ne s’agit pas non plus de la restreindre aux coordonnées d’un environnement social, ni d’en faire la conséquence du ressentiment ou de la frustration sociale. La clinique analytique s’intéresse à la fonction d’un comportement pour le sujet : il est ici question d’interroger, via une analyse des processus psychologiques impliqués, le lien que chaque radicalisé entretient avec sa croyance, le contexte singulier qui l’a incité à l’adopter ainsi que les modalités par lesquelles il pourrait être amené à l’abandonner, une fois celle-ci devenue obsolète au regard du malaise, voire des troubles psychiques, qu’elle était supposée résoudre. Mettons cette approche à l’épreuve des phénomènes à partir d’une question de départ qui nous servira de fil conducteur : comment certains sujets en viennent-ils à adhérer à l’idéologie islamiste radicale, au point d’en épouser toutes les conséquences jusqu’aux plus extrêmes ? Les processus psychologiques qui nous intéressent doivent être situés à différentes échelles des réalités humaines qui les englobent, les niveaux macro (civilisation contemporaine), meso (cultures locales avec effets de « niche écologique ») et micro (l’individu, le sujet).

2. Trois niveaux d’analyse : le contexte civilisationnel, le registre de la niche écologique et la dimension subjective du symptôme

7 Au niveau macro : la mondialisation actuelle, à la suite de celle de la colonisation, a créé de nouveaux champs de tension entre le monde occidental et le monde musulman. En même temps que les ensembles humains sont entraînés dans le même flux des échanges et des homogénéisations technoscientifiques et économiques, que leur interpénétration s’étend, des craintes réciproques voient le jour, des traumatismes anciens sont réveillés. Nous assistons à une fragilisation du sentiment d’identité de part et d’autre, ce qui témoigne qu’il y a aussi une interconnexion des crises, même si elles ne sont pas de même nature ici et là et ne procèdent pas des mêmes causes. Il y un effet de bord à bord synaptique.

8 Le monde musulman connaît une transformation profonde et paradoxale où un mouvement de renaissance inédit s’accompagne d’agonie du monde ancien. Côté renaissance : le XXe siècle voit s’amplifier un élan qui affecte tous les domaines de la civilisation. Émancipation des femmes de la réclusion domestique, développement des institutions du savoir culminant dans des centaines d’universités, afflux considérable de richesses – et pas seulement de rente pétrolières, mais aussi d’échanges commerciaux et de génie industrieux –, extension des soins médicaux à l’origine de l’explosion démographique, émergence d’une importante élite de scientifiques, d’écrivains, d’artistes producteurs de connaissances et de perceptions du présent et du passé, élaboration de nouveaux systèmes de droits par les États postcoloniaux où les lois théologiques sont minoritaires. L’émergence d’un sujet moderne dans les classes sociales moyennes et supérieures. Côté agonie du monde ancien : le fondamentalisme né de l’islam peut certes être comparé aux autres fondamentalismes qui ont vu le jour dans toutes les religions, tant leurs structures traditionnelles ne sont plus en mesure de répondre aux changements des sociétés et des individus, impulsés par la modernité, laquelle ne va pas sans une occidentalisation massive. Sauf qu’une partie du fondamentalisme musulman a été armée dans un contexte de conflits géopolitiques majeurs. L’Afghanistan qui fut le lieu d’une confrontation cruciale entre l’Est et l’Ouest, a été la première école du jihadisme, qui plus est, un jihadisme auréolé du succès d’avoir provoqué l’effondrement de l’empire soviétique. Cet événement a eu des répercussions d’une grande ampleur, inaperçu d’abord, dans la diffusion du jihadisme comme idéologie et comme mobilisation combattante. Il a nourri et attisé les foyers de guerres civiles, tels qu’en Algérie par exemple. Dans la même période, le grand récit national postcolonial s’épuisait un peu partout dans les pays à majorité musulmane, tant les États qui ont en recueilli la légitimé n’ont pas répondu aux aspirations des couches défavorisées de leurs peuples. L’explosion démographique a débordé les institutions nouvelles et anciennes, a mis en déshérence des masses nombreuses dans des agglomérations urbaines misérables, où toute une jeunesse s’est trouvée à l’abandon. À défaut d’autres espérances, une partie de cette jeunesse a trouvé dans l’offre des idéaux islamistes le moyen d’une survie au sentiment d’indignité. L’idéologie fondamentaliste islamiste a diffusé une théorie élaborée qui repose sur deux schèmes puissants émotionnellement : l’idéal d’un retour à l’origine de l’islam où résiderait la réponse à tous les problèmes et au principe de souveraineté de l’empire : le califat ; mais c’est un idéal blessé par l’Occident et par la défection des Musulmans modernes, ce qui articule ce schème de l’idéal blessé à celui du préjudice subi par la communauté musulmane, dont la réparation passe par la restauration de la puissance sacrale et la vengeance des outrages infligés à la divinité par la sécularisation occidentale. La guerre civile, dont l’islam est aujourd’hui le lieu et l’enjeu, oppose les bénéficiaires de la renaissance et les perdants de l’agonie du monde ancien, avec toute une zone grise intermédiaire où se tiennent les ambivalents, les hésitants, les partagés. Dans le contexte de la guerre civile au sein du monde musulman, l’islamisme radical a développé une théorie identitaire qui noue l’idéal et le préjudice, et fait de sa réparation une mission épique et héroïque. Cette offre capte des individus qui s’identifient les uns aux autres à travers l’idée d’un dommage réel ou imaginaire de leur vie. [23]

9 Dans le monde occidental, la « radicalisation » islamiste est devenue un phénomène sociétal épidémique à partir du milieu des années 2000, au moment où l’usage de ce terme s’est imposé pour devenir prévalent dans les sciences humaines et sociales, les travaux des experts et les médias. [24] Comment penser le phénomène de la radicalisation dans les sociétés occidentales ? Ici, on peut considérer qu’il existe aussi une crise des idéaux, mais d’une autre manière que dans le monde musulman. Elle passe par l’essoufflement du grand récit du progrès, aussi bien scientifique que social. C’est en même temps une période de perte de confiance dans les institutions et d’affaiblissement de la force performative des discours politiques, hérités de la modernité, notamment le discours communiste. Dans l’espace laissé vacant s’est installé l’économisme qui substitue aux valeurs symboliques la gouvernance par les nombres. [25] Entre autres conséquences, l’amplification des formes d’exclusions sur le plan matériel et celui du lien social a touché des populations dont les affiliations sont fragiles. Parmi elles, deux groupes semblent particulièrement exposés : des enfants issus de l’immigration des pays musulmans en souffrance de références, et des enfants d’autochtones affectés par des incohérences normatives propres à cette période de mutation. Les uns et les autres, par un cheminement différent, trouvent dans l’idéologie islamiste radicale une certitude et une soumission à un ordre accompli, qui semble les délivrer d’un vécu anomique du monde.

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11 Au niveau meso : nous empruntons à Ian Hacking [26] la notion de « niche écologique » pour penser le milieu qui se constitue entre la dimension macro et la dimension micro de la radicalisation. La notion de « niche écologique » désigne l’ensemble des éléments d’une culture dont la convergence, à un moment donné, favorise l’apparition et la diffusion d’une expression de la folie propre à une époque, qui disparaît par la suite, lorsque les conditions dans la niche ne sont plus réunies. Une fois apparue, décrite par des experts et diffusée dans la société, cette expression de la folie forme une « maladie transitoire » [27], c’est-à-dire une maladie « prêt-à-porter » susceptible d’être adoptée par les sujets habitant la culture qui l’avait suscitée. Notre emprunt de ce « schéma formaliste » se fera moyennant un déplacement de ses visées initiales, puisque la « radicalisation » n’est pas considérée comme une maladie, mais comme un comportement fondé sur un rapport des sujets à des discours considérés comme extrémistes. [28] C’est moins l’emploi du terme dans le champ médical qui va nous intéresser, que son usage en sociologie, en psychosociologie et en criminologie, qui en ont modifié les contours initiaux. À la façon de Ian Hacking, nous aborderons la radicalisation islamiste comme un phénomène subjectif et sociétal suscité par « une niche écologique » que nous nommons « islamo-occidentale », dans la mesure où elle est la coproduction d’une interpénétration entre les deux ensembles humains et civilisationnels à plusieurs niveaux et sur un long cours historique. Par exemple, le clivage entre modernistes et fondamentalistes musulmans dans toute l’aire islamique, depuis le début du XIXe siècle, n’est pas pensable hors de ce rapport Occident-Islam. Il en est de même de la formation de la première école du jihadisme en Afghanistan, comme nous l’indiquions plus avant. Nous reprenons ici, succinctement, les quatre vecteurs de la théorie de I. Hacking :

12 – La polarité culturelle entre vice et vertu, nous la localiserons dans les représentations de la radicalisation comme révolte. Dans le registre vertueux de la dignité, ce sont les thèmes relatifs au soulèvement de « la nation islamique », portés par un souffle romantique, contre l’Occident oppresseur et contre les injustices commises par ses alliés, les pouvoirs dans les pays musulmans. Dans le registre sombre et angoissant, il s’agit des mouvements millénaristes aussi bien en Occident qu’en Islam, qui ont régulièrement soulevé les masses en quête du millénium, du paradis sur terre, qu’elles espéraient réaliser en sapant toutes les institutions symboliques, en levant tous les interdits fondateurs, en suspendant la loi. En Europe, ces révoltes proliférèrent entre le XIe et le XIVe siècle. [29] Des phénomènes comparables ont secoué également le monde musulman, tel le célèbre événement messianique de la grande résurrection d’Alamut au XIIe siècle. [30] Les mouvements islamistes jihadistes entremêlent ces deux versants de la révolte des masses : la quête vertueuse de justice d’un côté, et de l’autre la menace d’une suspension de la loi et du chaos qui en serait la conséquence inquiétante. Ainsi en est-il de la stratégie de l’organisation de « l’État islamique » (Daech) qui repose sur « L’Administration de la sauvagerie », titre d’un traité paru en 2004 [31] qui préconise la destruction de toutes les institutions de la société et au premier chef les États, afin d’instaurer le chaos, à la suite duquel peut être imposé un ordre basé sur la stricte charia.

13 – Une taxinomie, non pas médicale, mais sociologique, psychologique et criminologique. C’est dans ces champs épistémiques qu’un phénomène a été repéré et nommé « radicalisation », avant d’être décrit, quantifié, inscrit dans des grilles d’observation. Pour cela, il a fallu que ce phénomène quitte les trois espaces où il se situait jusque-là – les sciences religieuses, la police et la justice –, lorsqu’il n’était envisagé qu’en tant que fondamentalisme et terrorisme, pour être pensé comme un processus dynamique pouvant susciter des comportements déviants au regard des normes sociétales et de la loi.

14 – L’observabilité : elle a deux sources dans le cas de la radicalisation. Tout d’abord le champ institutionnel (MIVILUDES) et associatif (UNADFI, ADFI, etc.) dédié à la surveillance des sectes, un champ armé d’une longue expérience et d’un cadre doctrinal, celui de la manipulation mentale et de l’emprise. C’est par leurs prismes et dans le contexte d’une surveillance des comportements inquiétants suscités par « les dérives sectaires », que la radicalisation a commencé à entrer dans le discours des experts, en France. Mais dès lors que le phénomène a été rendu consistant par ce discours, il a commencé à être massivement repris et diffusé dans les médias : le terme « radicalisation », qui englobait au départ une série de phénomènes politiques et politico-religieux, s’est réduit aux phénomènes islamistes, surtout depuis les attentats de Merah à Toulouse en 2012 [32], rendant dès lors ces derniers d’autant mieux observables par un public élargi.

15 – Le désir d’évasion, et notamment d’évasion vers cet ailleurs promis par l’organisation de l’État islamique (Daech), celui de la Cité islamique et du Califat restauré, loin du marasme social, de l’ennui et de l’absence de perspectives (vraie ou fantasmée), évoqués par les sujets radicalisés en Europe et dans les pays du monde musulman.

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17 Au niveau micro, c’est-à-dire au niveau des processus impliqués, nous n’envisagerons pas la radicalisation comme une nouvelle pathologie ; en revanche, nous l’inscrivons au registre du symptôme, au sens psychanalytique.

3. Une niche écologique pour une infinie diversité de bricolages symptomatiques singuliers

18 En psychanalyse, le symptôme est la tentative de solution apportée par un sujet à un conflit psychique. Il n’est donc pas la maladie proprement dite : la maladie est le désordre issu du conflit ; le symptôme quant à lui est déjà une réponse auto-thérapeutique à la maladie, une solution de compromis qui vise la guérison. Le symptôme ainsi compris implique que le sujet se soit confronté au conflit qui l’a rendu nécessaire : il est l’indice d’un choix actif (quoique inconscient, en partie du moins) du sujet, qui va le construire en le parant d’éléments anodins empruntés à l’environnement du sujet (expériences ordinaires, bribes de culture, religion, etc.). Il arrive pourtant que le sujet parvienne à faire l’économie d’avoir à produire et à soutenir un symptôme : en adoptant la solution religieuse, en tant que « névrose obsessionnelle universelle » [33], pour traiter ses conflits psychiques ; ou alors en escamotant ces conflits derrière un voile [34], pour éviter de les affronter, ce qui peut susciter des tentatives de résolution par le passage à l’acte. Nous n’aborderons pas ici la psychose, par manque de place, pour nous concentrer sur ce qui se produit du côté de la névrose.

19 C’est en ce double sens que nous envisagerons la radicalisation, dans sa dimension d’enveloppe transitoire issue d’une niche écologique propre à la culture mondiale contemporaine : soit dans le cadre du symptôme (névrotique) proprement dit, comme bricolage singulier mobilisant des ressources symboliques qui peuvent, à l’occasion, emprunter certains matériaux à la religion ; soit, par son collage à quelque discours fondamentaliste, en tant que « névrose universelle » ; concentrons-nous sur deux vignettes cliniques dont nous tirerons des réflexions sur l’abord actuel de la radicalisation en termes de profils et de signaux (forts/faibles).

20 Ali, notre premier cas, est un jeune homme d’une vingtaine d’années qui se présente comme Salafiste. Il est issu d’un milieu musulman très modéré, auquel il reproche son laxisme religieux. Il aspire à retrouver la grandeur de l’empire turc d’avant Atatürk, ce qui le met sur les pas, sans nécessairement qu’il le sache, de la ligne idéologique tracée par Sayyid Qutb. [35] C’est ainsi qu’il nous explique qu’il aimerait vivre dans une cité (« Une Oumma ») intégralement régentée par Dieu, via un Calife : un homme, précise-t-il, qui aurait adhéré sans reste à la Loi divine et dont la parole véhiculerait cette Loi auprès de son peuple. Face à un tel homme, dont toutes les décisions porteraient l’inspiration divine, nulle violence ne serait requise, puisque le peuple, composé de Musulmans aspirant à vivre selon la Loi d’Allah, se soumettrait librement à ses directives. Au cœur de la cité utopique d’Ali se trouve donc une incarnation consistante de la Loi, dont les directives ne se discutent pas – elles s’appliquent, à la lettre, seul moyen d’atteindre la paix. Ali, qui semble lui-même avoir trouvé la paix, illustre ainsi à la lettre, encore une fois, les significations des termes « islam » (soumission au dieu unique, et paix) et « musulman » (celui qui s’est soumis à Dieu) : il s’est, intégralement, soumis à la volonté d’Allah et à l’application littérale de Sa Loi (favorisant la lettre au détriment de l’esprit de celle-ci). Son rapport à la loi n’a pourtant pas toujours été aussi strict. Ali est en effet entré en religion juste après avoir traversé une période de grande addiction aux jeux en ligne : seule la religion, pratiquée avec rigueur, est parvenue à réguler son irrépressible compulsion. Il y a donc une nette coupure entre un avant et un après : d’abord un temps de jouissance débridée, puis une vie d’ascète méditatif ; entre les deux, l’adoption de la voie salafiste ultra-rigoriste. Son rapport au texte sacré et à la liturgie religieuse est si littéral qu’il paralyse leur métabolisation. Ali ne cherche d’ailleurs pas à emprunter à la religion les éléments symboliques qui lui permettraient de se fabriquer un symptôme singulier propice à traiter ses conflits psychiques : il a adopté le discours religieux en tant que « névrose obsessionnelle universelle ». [36] Il est ainsi resté à la surface du texte, qu’il lit dans le texte et répète en arabe à longueur de journée. Il s’agit pour lui de domestiquer ses pulsions, de les discipliner en leur imposant la rigueur du texte sacré. Ce texte, il l’a endossé tel quel, sans y faire un pli, sans le réinterpréter à partir de son désir. C’est pourquoi Ali semble voué à coller à cette identification aux « salafs » : sa quête d’un fondement à partir duquel soutenir une identité sans cela fragile, ce jeune homme en panne d’héritage symbolique l’a résolue en collant aux représentations fantasmatiques des premiers compagnons du Prophète dont l’image idéalisée hante les branches dures de l’islam.

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22 Ce n’est pas une telle quête de fondements qui guide notre second cas, mais la question irrésolue de ce qui fait lien social lorsqu’aucune institution symbolique ne se porte garante du pacte collectif.

23 Paul est un jeune converti au parcours tortueux : sa quête d’un ailleurs vivable l’a conduit au Maghreb, il y a quelques années, où il a eu des soucis avec la justice. Il nous narre, lors d’un atelier collectif, l’histoire du « Commandeur », un personnage imaginaire. En une écoute superficielle, ce Commandeur évoque le Calife d’Ali : l’un et l’autre apparaissent comme la manifestation temporelle de la Loi divine. Sa légitimité, nous dit Paul, le Commandeur la tient de son refus de la violence. De la même façon que pour le Calife d’Ali, la communauté qu’il gouverne accepte ses directives, sans rien trouver à y redire, puisqu’elles portent en elles l’expression directe des volontés de Dieu. Mais ce Commandeur est-il réellement une reformulation du Calife ? Autrement dit, Ali et Paul parlent-ils de la même chose ? Pour comprendre à quoi répond cette invention, il nous faut en re-situer les éléments dans le cadre de l’anamnèse du jeune homme.

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25 Paul a grandi dans un hôtel dont sa mère s’occupait ; il évoque avec nostalgie ce temps où il évoluait dans une sorte d’espace suspendu et poreux où l’intimité de clients inconnus lui était quotidiennement accessible. Il aimait entrer dans les chambres, une fois libérées de leurs occupants de passage, pour y glaner des bouts d’histoire énigmatiques – papiers froissés, restes et rebuts de vies dont il essayait de recoller les morceaux. Au cœur du même, l’altérité laissait sa marque – l’hétérogène s’infiltrait dans l’homogène. Outre ces premières manifestations de son désir d’ailleurs, ce qui transpire bien vite de ces évocations, c’est la promiscuité où il a vécu. Car son hôtel, comme tous les hôtels, accueille des intimités furtives : les clients s’abritent, l’espace d’un temps souvent très bref, derrière leurs portes closes. Mais qu’en est-il de cette intimité lorsque l’on vit, à plein temps, dans un tel endroit, lorsqu’on s’installe et se sédentarise dans un lieu de passage ? Les limites, pour ceux qui vivent dans un hôtel, entre l’espace intime et l’espace public apparaissent bien vite fragiles : à tout moment, le monde extérieur peut s’immiscer dans l’intimité familiale. Pour Paul, la famille, elle-même « désinstitutionnalisée » [37], n’assurait plus sa fonction de répartition des places en une structure stable. Ce qui manquait, dans cette vie organisée autour d’une promiscuité de tous les instants, n’était-ce pas l’instance susceptible de se porter garante d’une zone d’intimité ? Les récits de Paul tournent pour l’essentiel autour de l’absence de ce que Lacan nomma « l’au-moins-un », à savoir le registre du Tiers dont Freud [38], sous la forme de l’idéal du moi dans ses multiples manifestations (père, meneur, grand récit), fit la condition du lien social. La question, inconsciente et informulée, qui anime Paul, ce point aveugle de son désir qui l’a porté vers d’autres cultures (Maghreb) avant de l’engager, via la mythologie de la Oumma et du califat, sur les voies du salafisme, touche au vivre ensemble : comment les êtres humains tiennent-ils ensemble lorsque aucune institution symbolique ne se porte garante du lien social ? Comment les hommes peuvent-ils faire communauté, si le lieu du Tiers est vide ? Paul pense avoir trouvé une solution du côté de la Oumma, telle qu’elle pourrait s’organiser dans le contexte du Califat. Mais encore une fois, que nomme-t-il « Oumma » ? Dans son discours, ce terme désigne une communauté d’égaux, comme dans le récit d’Ali, à ceci près que la communauté rêvée par Paul se présente comme une collectivité qui aurait trouvé le moyen de tenir sans qu’un quelconque meneur n’occupe la place du Tiers. Mais alors, que devient le Commandeur, dans ce système strictement égalitaire ? Cette figure, lorsque Paul en parle, apparaît bien vite comme une instance abstraite, dématérialisée : elle n’est qu’un lieu vide, un corps d’idées, une référence purement symbolique. L’idéal que vise Paul, il le dira d’ailleurs clairement, ne serait, au fond, rien d’autre qu’un système fondé sur la démocratie participative, « comme dans les pays du Nord », nous dira-t-il : un système démocratique composé d’égaux ayant un même idéal éthique, un système « autonome », au sens propre, à savoir un système organisant une communauté à partir des lois qu’elle se serait données à elle-même et auxquelles, dès lors, elle ne pourrait que librement consentir.

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27 À partir d’un même fonds symbolique, on voit ici comment chaque sujet s’empare des récits religieux pour en tirer les matériaux susceptibles de traiter des problèmes singuliers, propres à l’histoire de chacun : là où Paul, qui a vécu dans un univers désinstitutionnalisé, trouve, dans le texte religieux, les voies d’une solution qui lui permettrait de se passer du Tiers, Ali y débusque au contraire les éléments pour soutenir son désir d’un fondement solide, incarné par une figure consistante de l’autorité.

Conclusion

28 On aura compris que notre approche clinique n’engage pas sur les voies de ladite « déradicalisation » : il ne s’agit pas de dépouiller, à tout prix, le symptôme de son enveloppe superficielle, même si cette enveloppe s’exprime sous forme de ce que l’on nomme « radicalisation ». Comme toute enveloppe, celle-ci a une fonction protectrice – il s’agit donc d’être prudent. Le psychologue se doit au contraire d’être particulièrement attentif non seulement à l’enveloppe, mais au symptôme lui-même : il ne s’agit pas, comme en médecine (où symptôme = maladie), d’abraser le symptôme, puisque dans ce cas, le risque serait de laisser le sujet dans son état de désarroi initial, qui suscita l’adoption de son symptôme. La thérapie consiste soit à réduire le symptôme (de façon à éviter qu’il ne devienne invalidant, s’il est source de souffrance), soit à permettre au sujet de l’abandonner au profit d’une autre solution (d’un symptôme occasionnant moins de souffrance, ou d’une activité de sublimation).

29 On voit également, à partir de nos deux exemples cliniques, combien la problématique de la radicalisation échappe à l’observation objectivante : pour comprendre les rouages intimes de l’adoption de discours radicaux, il est nécessaire d’écouter ce qu’en disent les sujets. Aucun profil ni aucune grille de repérage d’attitudes et de comportements ne peuvent ici suffire à saisir les mobiles profonds de ces phénomènes. C’est à la jonction du sujet et du contexte sociétal plus vaste où il s’inscrit que l’on doit porter notre attention, si l’on veut efficacement juguler cette épidémie d’islamisme. Comme Ian Hacking lorsqu’il s’interrogeait, dans son travail, sur la personnalité multiple, « sur la façon dont certaines catégories de personnes apparaissent », nous devons nous aussi commencer par nous demander : « Comment la manière d’étudier systématiquement et de caractériser certaines personnes exerce-t-elle une action en retour sur ces personnes ? » [39]

30 La multiplication des travaux visant à décrire les signes de radicalisation, c’est-à-dire l’enveloppe formelle de ce symptôme, a essentiellement eu pour effet la diffusion de ces signes et la prolifération des sujets qui les adoptent ; peut-être le moment est-il venu de laisser cet abord au profit de l’étude des processus subjectifs sous-jacents ?

Notes

  • [1]
    El Difraoui, A. (2015). Les politiques de dé-radicalisation, Allemagne, Grande-Bretagne et Danemark. Note pour le CIPD. Paris : Sciences-Po. http://www.aeciut.fr/wp-content/uploads/2016/07/aeldifraoui_Note-CIPD-Sciences-Po-Dé-radicalisation-en-Europe.pdf.
  • [2]
    Ibid.
  • [3]
    Le projet CliREST (la Clinique de la Radicalisation et Son Traitement) est un projet en cours d’évaluation par l’Agence Nationale de la Recherche. Porté par les auteurs de cet article (Pr Fethi Benslama et Thierry Lamote), en partenariat avec l’Université de Rennes 2 et l’Université Paris Descartes-Paris 5, il vise à développer une approche clinique de la radicalisation.
  • [4]
    Institute for Strategic dialogue (2010). The role of civil society in counter-radicalization and de-radicalisation. A workship paper of the european policy planners’ network on counter radicalization and polarisation. London : http://www.strategicdialogue.org/publications.
  • [5]
    Ibid.
  • [6]
    Il s’agit des programmes « Violence Prevention Network », en Allemagne, et « Slotervaart Action Plan to Prevent Radicalisation », aux Pays-Bas.
  • [7]
    Les programmes « Street » et « Prevent’s », en Angleterre.
  • [8]
    Le « Slotervaart Action Plan to Prevent Radicalisation », aux Pays-Bas.
  • [9]
    Le programme « Street », en Angleterre.
  • [10]
    Roy van Zuijdewijn, J. & Bakker, E. (2016). Analysing Personal Characteristics of Lone-Actor Terrorists: Research Findings and Recommendations. Perspectives on terrorism, 10, 2 ; McCauley, C. & Moskalenko, S. (2014). Toward a Profile of Lone Wolf Terrorists: What Moves an Individual From Radical Opinion to Radical Action. Terrorism and Political Violence, 26, 69-85.
  • [11]
    McCauley, C. & Moskalenko, S. (2014). Toward a Profile of Lone Wolf Terrorists: What Moves an Individual From Radical Opinion to Radical Action. Terrorism and Political Violence, Op. cit.
  • [12]
    Khosrokhavar, F. (2014). Radicalisation. Paris : Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme.
  • [13]
    Ibid.
  • [14]
    Khosrokhavar, F. (2013). Radicalization in prison: The French case. Politics, Religion and Ideology, 14, 2, 284-306.
  • [15]
    McCauley, C. & Moskalenko, S. (2008). Mechanisms of Political Radicalization: Pathways Toward Terrorism. Terrorism and Political Violence, Vol. 20, Issue 3, p. 415-433.
  • [16]
    Ibid.
  • [17]
    Borum, R. (2011). Radicalization into violent extremism. A review of social science theories. Journal of strategic Security, 4, 4, 7-36 ; Wilner, A. & Dubouloz, C.-J. (2010). Homegrown terrorism and transformative learning: an interdisciplinary approach to understanding radicalization. Global Change, Peace and security, 22, I, 33-51.
  • [18]
    Sommier, I. (2012). Engagement radical, désengagement et déradicalisation. Continuum et lignes de fracture. Lien social et Politiques, 68, 15-35.
  • [19]
    Crettiez, X. (2011). « High risk activism » : essai sur le processus de radicalisation violente (première partie). Pôle Sud, 1, 34, 45-60.
  • [20]
    McCauley, C. & Moskalenko, S. (2008). Mechanisms of Political Radicalization: Pathways Toward Terrorism. Terrorism and Political Violence, 20, 3, 415-433.
  • [21]
    Anonyme (2015). Recherches sur les radicalisations, les formes de violence qui en résultent et la manière dont les sociétés les préviennent et s’en protègent. État des lieux, propositions, actions. Paris : Athena.
    http://cache.media.education.gouv.fr/file/03__mars/22/9/Rapport_Radicalisation_ 545229.pdf?ts=1457090184.
  • [22]
    Repérons ici l’exception française : outre les ouvrages de F. Benslama, l’Université de Rennes 2 s’est en effet attachée à combler cette lacune depuis 2016.
  • [23]
    Benslama, F. (2014). La guerre des subjectivités en islam. Paris : Lignes & Benslama, F. (2015). L’idéal et la cruauté, subjectivité et politique de la radicalisation. Paris : Lignes.
  • [24]
    Guibet Lafaye, C. & Brochard, P. (2016). La radicalisation vue par la presse – Fluctuation d’une représentation. Bulletin de Méthodologie Sociologique, 131, p. 25-48.
  • [25]
    Supiot, A. (2015). La gouvernance par les nombres: Cours au Collège de France, 2012-2014. Paris : Fayard.
  • [26]
    Hacking, I. (2002). Les fous voyageurs. Paris : Seuil.
  • [27]
    Hacking, I. (2006). L’âme réécrite (1998). Paris: Seuil.
  • [28]
    Bronner, G. (2013). La pensée extrême. Paris : PUF.
  • [29]
    Cohn, N. (2011). Les fanatiques de l’Apocalypse (1957). Bruxelles : Aden.
  • [30]
    Jambet, C. (1990). La Grande résurrection d'Alamût. Les formes de la liberté dans le shî'isme ismaélien. Lagrasse : Verdier.
  • [31]
    Abu Bakr Naji (2007). Gestion de la barbarie : l’étape par laquelle l’islam devra passer pour restaurer le califat (2004). Paris : Editions de Paris.
  • [32]
    Guibet Lafaye, C. & Brochard, P. (2016). La radicalisation vue par la presse – Fluctuation d’une représentation. Op. cit., p. 43.
  • [33]
    Freud, S. (1997). Actions compulsionnelles et exercices religieux (1907). Névrose, psychose et perversion. Paris : PUF, p. 133-142.
  • [34]
    C’est par exemple le cas des toxicomanies : le produit d’addiction détourne l’attention, contourne le conflit, c’est pourquoi il ne s’agit pas d’un symptôme au sens freudien.
  • [35]
    Kepel, G. (2012). Le prophète et le pharaon (1984). Paris : Gallimard.
  • [36]
    Freud, S. (1997). Actions compulsionnelles et exercices religieux, Op. cit., p. 133-142.
  • [37]
    Rousset, I. (1989). La famille incertaine. Paris : Seuil.
  • [38]
    Freud, S. (1997). Actions compulsionnelles et exercices religieux, Op. cit., p. 133-142.
  • [39]
    Hacking, I. (2006). L’âme réécrite, Op. cit.
Français

Durant la dernière décennie, une profusion de travaux a été produite sur la radicalisation, aussi bien des études scientifiques que des préconisations d’experts, destinées aux politiques d’accompagnement et de prévention. L’état de l’art montre cependant que ces études, tant théoriques que pratiques, ne disent rien des mécanismes psychologiques qui fondent les convictions du sujet radicalisé, ni des processus qui conduisent au renoncement à ces convictions, ou qui aboutissent à leur résistance. C’est là précisément le but de notre exploration. Fondée sur une approche clinique d’orientation analytique, elle vise à interroger, via une analyse des processus psychologiques impliqués, le lien que chaque sujet « radicalisé » entretient avec sa croyance, le contexte singulier qui l’a incité à l’adopter ainsi que les modalités par lesquelles il pourrait être amené à l’abandonner, une fois celle-ci devenue obsolète au regard du malaise, voire des troubles psychiques, qu’elle était supposée résoudre. Pour mener à bien ce travail, nous situerons les processus psychologiques qui nous intéressent à différentes échelles des réalités humaines qui les englobent : les niveaux macro (civilisation contemporaine), meso (cultures locales avec effets de « niche écologique ») et micro (l’individu, le sujet).

Mots-clés

  • radicalisation
  • niche écologique
  • processus psychologiques
  • symptôme

Bibliographie

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Thierry Lamote
Psychologue clinicien.
Maître de Conférences en Psychopathologie et Psychanalyse de l’université Paris-Diderot, il fait partie de l’équipe « Politique de la santé et minorités » du CRPMS, Centre de Recherche en Psychanalyse, Médecine et Société, Lab (EA 3522).
Fethi Benslama
Psychologue clinicien et psychanalyste.
Professeur de psychopathologie et directeur de l’UFR de Psychologie Clinique et Sciences Humaines de l’université Paris-Diderot, il dirige l’équipe du laboratoire « Politique de la santé et minorités » du CRPMS, Centre de Recherche en Psychanalyse, Médecine et Société, Lab (EA 3522).
Université Paris VII DiderotCampus Paris Rive GaucheBâtiment Olympe de Gouges11, rue Jean Antoine de Baïf75013 ParisFrance
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Mis en ligne sur Cairn.info le 06/06/2017
https://doi.org/10.3917/rep1.023.0015a
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