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Répartition spatio-temporelle des prisonniers en Grande-Bretagne

1Les prisonniers se trouvent soit dans des centres de détention fermés (prisons et pontons) soit dans des lieux ouverts ou parole towns, assortis de conditions restrictives de liberté : c’est le régime des cautionnements [1].

A – Détenus des prisons et des pontons

2L’analyse des états chiffrés établis d’après les listes du Transport Office montre tout d’abord que le nombre de centres de détention augmente au cours de la période 1803-1814 [2]. Au début du conflit avec la France, l’Écosse n’est pas une terre d’incarcération : en 1807, sur neuf centres aménagés pour accueillir des prisonniers, un seul, Greenlaw, près d’Édimbourg est situé en Écosse. Mais sur les quatre nouveaux centres ouverts au cours des années suivantes, trois le sont en Écosse, portant ainsi à treize le nombre de centres de détention en Grande-Bretagne.

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Tableau 11 - Derniers centres créés Villes Zone géographique Date de la 1ère affectation Edimbourg Ecosse août 1809 Valleyfield Ecosse octobre 1810 Perth Ecosse avril 1812 Deal Angleterre sud-est avril 1812

3Le choix de l’Écosse comme « terre d’accueil » peut surprendre, puisqu’il implique un temps de transport beaucoup plus important que lorsque l’incarcération a lieu dans la zone sud de l’Angleterre. Mais c’est précisément ce choix qui montre que le Transport Office, à partir du moment où les prisonniers capturés pendant les guerres d’Espagne et du Portugal arrivent en grand nombre, n’a plus les capacités d’hébergement suffisantes dans les prisons anciennes du sud, notamment celles proches de la Manche. Le nouveau centre de Deal, ville située entre Douvres et Cantorbery, ne peut accueillir que quelques dizaines de prisonniers. Il faut donc trouver des solutions beaucoup plus au nord, d’où le choix de l’Écosse pour l’implantation de nouveaux centres ou pour l’affectation de centres anciens à l’hébergement de prisonniers de guerre.

i – Nombre de prisonniers par centre

4Selon les états chiffrés, les lieux de détention peuvent porter des noms différents alors qu’il s’agit des mêmes entités, ce qui rend difficile une comparaison entre les époques. Pour cette raison, nous avons préféré présenter, dans certains tableaux ou graphiques, des résultats agrégés : tel est le cas pour les centres de Valleyfield, Greenlaw et Esk Mills en Écosse, qui sont englobés sous le nom de « groupe Penicuik » [3].

5Autre difficulté pour comparer les différents centres : certains ne sont que des lieux de passage. Fort heureusement, les documents comptables comportent une colonne « doubles emplois » permettant de savoir si tel ou tel centre a vocation à être un lieu d’incarcération ou un simple lieu de transit vers un autre centre. En effet, pour calculer le nombre réel de prisonniers ayant séjourné pour des durées plus ou moins longues dans un centre de détention, il est nécessaire de distinguer les prisonniers en transit et ceux qui sont demeurés dans un centre ; en l’absence de cette précaution, certains prisonniers seraient comptés plusieurs fois. C’est pourquoi les états chiffrés de Vincennes distinguent fort opportunément, pour chaque centre, les nombres bruts (prisonniers entrés pour la première fois) et les doubles emplois (prisonniers sortis pour être affectés dans un autre centre).

6Une vision d’ensemble, indiquant pour chaque centre le nombre net de prisonniers hébergés est présentée au graphique 2 ci-dessous : les données des villes à pontons sont figurées en bleu, et en vert lorsqu’elles concernent les villes à prisons. Cependant, une représentation spécifique a été adoptée pour l’agglomération Portsmouth-Forton car les données disponibles à Vincennes ne distinguent pas, malgré leur importance, Portsmouth (ville à pontons) et Forton (ville à prisons) [4].

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7Le rôle joué par chaque centre (ou agrégat s’agissant de Portsmouth-Forton) au regard des missions d’hébergement ou de transit est mis en relief au tableau 12 ci-dessous :

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Tableau 12 - Prisonniers français en Grande-Bretagne, 1803-1814 Lieux Nombre bruts Doubles emplois Détenus, nombre net en % du total des détenus Greenlaw 1 125 574 551 0,55 Valleyfield 5 388 5 216 172 0,17 secteur Penicuik 6 513 5 790 723 0,72 Chatham 9 462 1 9 461 9,40 Dartmoor 8 857 3 905 4 952 4,92 Deal 43 43 0,04 Edimbourg 564 546 18 0,02 Norman Cross 6 517 5 6 512 6,47 Perth 5 366 1 849 3 517 3,49 Plymouth 27 857 4 27 853 27,68 Portchester 9 583 1 9 582 9,52 Portsmouth et Forton 33 363 607 32 756 32,55 Stapleton 4 904 4 904 4,87 Yarmouth 314 314 0,31 Totaux 113 343 12 708 100 635 100,00

8Le nombre moyen de prisonniers détenus pour chaque centre, déduction faite des doubles emplois, avoisine 8 400 (les valeurs nettes au-dessus de la moyenne sont en bleu) mais il n’est pas significatif car la médiane est de 4 900. En effet, la répartition des prisonniers entre les différents centres est très inégale car certains n’hébergent que quelques dizaines de prisonniers, alors que pour d’autres l’unité de compte est la dizaine de milliers. Le tableau 13 ci-dessous, en regroupant les centres en agrégats plus homogènes, accentue le contraste :

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Tableau 13 - Prisonniers français en Grande-Bretagne 1803-1814, centres de détention fermés, par groupes Nombre de prisonniers Nombre de centres Nombre de prisonniers en % du total Plus de 10 000 2 60 609 60,23 De 3 à 10 000 6 38 928 38,68 moins de 3 000 4 1 098 1,09 TOTAL 12 100 635 100,00

9On voit ici que deux centres, regroupant les trois villes de Portsmouth, Forton et Plymouth hébergent plus de 60 % de la population carcérale ; à l’opposé les plus petits centres constituent le tiers des villes d’internement, mais n’accueillent que 1 % des prisonniers.

ii – Analyse des flux par grandes périodes

10Les tableaux de données mentionnent pour chaque centre de détention les périodes d’arrivée des prisonniers. Un des documents donne « l’état des lieux » au 26 mai 1807, date à laquelle l’administration britannique a constitué une première liste nominative de prisonniers, ce qui laisse supposer que la nécessité d’établir un décompte précis ne s’était pas posée auparavant, peut-être en l’absence de flux importants. À cette date, on comptait, en nombres bruts 21 953 prisonniers entrés depuis le début des hostilités, pour un total de 113 343 à la fin des hostilités [5].

11Ainsi, au cours des quatre premières années du conflit, le nombre de prisonniers arrivés, en données brutes, représente seulement 19,4 % des entrées de la période 1803-1814, contre 80,6 % pour les sept années suivantes. Si l’on considère les valeurs nettes (100 635 prisonniers après défalcation des 12 708 doubles emplois), les valeurs homologues sont respectivement de 21,8 % et 78,2 %.

12Il est difficile de chiffrer le nombre d’arrivées en année pleine, car les données disponibles ont été constituées à partir de listes en provenance de Londres, qui la plupart du temps chevauchent deux années et recouvrent des périodes de longueur variable. Nous avons donc calculé un flux moyen mensuel, pour chaque période, pour permettre les comparaisons utiles. Le tableau 14 ci-dessous met en évidence les mouvements de prisonniers :

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Tableau 14 - Prisonniers français en Grande-Bretagne, flux de 1803 à 1814, centres de détention fermés seuls PERIODE Moyenne mensuelle pour 12 mois Moyenne mensuelle Nombre Dates Durée Arrivées Total net 22 mai 1803 au 25 mai 1807 4 ans 21 953 0 21 953 5 488 5 488 26/05/1807 au 30/07/1809 2 ans 2 mois 15 535 0 15 535 7 170 7 170 1/08/1809 au 30/09/1810 1 an 2 mois 20 591 218 20 373 17 649 17 463 1/10/1810 au 30/09/1811 1 an 17 211 6 732 10 479 17 211 10 479 1/10/1811 au 31/12/1812 1 an 3 mois 24 546 3 860 20 686 19 637 16 549 1/01/1813 au 30/04/1814 1 an 4 mois 13 507 1 898 11 609 10 130 8 707 TOTAL GENERAL 10 ans 11 mois 113 343 12 708 100 635 10 383 9 218

13On peut déduire du tableau 14 que pour la période qui va de mai 1803 à mai 1807 le nombre net moyen de prisonniers est de près de 5 500 par an, et de 11 400 pour la période qui va de juin 1807 à fin avril 1814 : les arrivées annuelles moyennes ont donc plus que doublé pendant la seconde période.

14Les mouvements sont particulièrement denses :

  • du 1er août 1809 au 30 septembre 1810, soit pendant 1 an et 2 mois, on compte près de 20 600 arrivées en nombre brut et 20 400 en nombre net soit un taux de rotation presque nul ;
  • du 1er octobre 1810 au 30 septembre 1811, soit pendant 1 an, on compte environ 17 200 arrivées en nombre brut et près de 10 500 en nombre net ; le taux de rotation est donc élevé ;
  • du 1er octobre 1811 au 31 décembre 1812, soit pendant 1 an et 3 mois, on compte environ 24 500 arrivées en nombre brut et près de 20 700 en nombre net.
Ces trois périodes, dont le total est de 3 ans et 5 mois et qui couvrent moins d’1/3 de la durée des hostilités, ont vu arriver 55 % des contingents transférés en Grande-Bretagne de 1803 à 1814 (62 300 individus). Si l’on considère uniquement le nombre net de prisonniers, ces trois périodes représentent cette fois 40 % du total général.

15Alors que sur la totalité de la période d’hostilités le nombre moyen mensuel de prisonniers arrivés est proche de 10 400, les trois périodes ci-dessus affichent des valeurs nettement plus élevées, de l’ordre de 17 à 19 000 ; le nombre net moyen de prisonniers est également, pour ces trois périodes, largement supérieur à la moyenne générale. On notera qu’un pic est atteint entre le 1er avril et le 30 septembre 1812. Ce résultat est dû aux centres de Plymouth et Portsmouth-Forton, qui en 6 mois seulement accueillent près de 6 300 prisonniers, soit plus des ¾ des prisonniers arrivés au cours de cette période, tous centres confondus. Il est vrai que sur l’ensemble de la période, ces deux centres ont reçu 54 % des prisonniers arrivés en Grande-Bretagne (61 220/113 343).

16C’est manifestement la guerre de la péninsule Ibérique qui fournit les gros contingents de prisonniers. Les victoires françaises et les bulletins de satisfaction de Napoléon n’empêchent pas les transferts massifs de Français vers les geôles britanniques, alors que dans le même temps les contingents de prisonniers britanniques détenus en France demeurent à un niveau modeste.

iii – Taux de transit

17Le taux de transit moyen, pendant toute la période d’hostilités et pour l’ensemble des détenus est légèrement supérieur à 11 % : d’une façon générale, on peut dire que le prisonnier qui arrive dans un centre est destiné à y rester.

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Tableau 15 - Taux de transit des prisonniers français 1803-1814 centres de détention fermés Lieux Nombre bruts Doubles emplois Détenus, nombre net Taux de transit % Greenlaw 1 125 574 551 51,02 Valleyfield 5 388 5 216 172 96,81 secteur Penicuik 6 513 5 790 723 88,90 Chatham 9 462 1 9 461 0,01 Dartmoor 8 857 3 905 4 952 44,09 Deal 43 43 0,00 Edimbourg 564 546 18 96,81 Norman Cross 6 517 5 6 512 0,08 Perth 5 366 1 849 3 517 34,46 Plymouth 27 857 4 27 853 0,01 Portchester 9 583 1 9 582 0,01 Portsmouth et Forton 33 363 607 32 756 1,82 Stapleton 4 904 4 904 0,00 Yarmouth 314 314 0,00 Totaux 113 343 12 708 100 635 11,21

18Le taux moyen de transit masque cependant des situations contrastées, notamment entre les centres anglais et les nouveaux centres créés en Écosse à partir de 1809. Pour les plus importants, le groupe Portsmouth-Forton et le centre de Plymouth, représentant plus de la moitié des entrées, le taux de transit tend vers zéro, respectivement 1,82 % et 0,01 % ; dans les villes de Portsmouth et Plymouth, qui sont des centres à pontons, on peut supposer que les prisonniers admis sur un ponton y demeurent autant que dure l’incarcération en Grande-Bretagne.

19À l’inverse, les taux de transit sont très élevés dans certains centres d’Écosse, tels ceux du secteur de Penicuik et Édimbourg, qui ne sont que des lieux de passage. Perth est également une plaque tournante, mais dans une moindre mesure, car cette ville conserve les 2/3 des prisonniers qu’elle reçoit. Pour des effectifs tout à fait comparables, les prisons écossaises de Valleyfield et de Perth ont un rôle très différent. À Valleyfield, les gros contingents des premiers 18 mois de fonctionnement de ce centre sont réacheminés vers d’autres prisons, ce qui laisse supposer que Valleyfield est doté de faibles capacités d’hébergement. En revanche, Perth est certainement un centre important, pouvant accueillir simultanément plus de 3 000 prisonniers : le tableau ci-après montre que les 3 200 prisonniers arrivés entre avril 1812 et octobre 1812 sont restés à Perth jusqu’à la fin des hostilités en 1814.

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Valleyfield 01/10/1810 au 30/09/1811 01/10/1811 au 01/04/1812 01/04/1812 au 01/10/1812 01/10/1812 au 31/12/1812 01/01/1813 au 01/04/1813 01/04/1813 au 01/07/1813 01/07/1813 au 01/01/1814 TOTAL arrivées 3 757 1 609 1 21 5 388 doubles emplois 3 607 1 609 5 216 Total net 150 0 1 21 0 0 0 172 Nombre de mois de la période 12 6 6 3 3 3 6 39 Perth 01/10/1810 au 30/09/1811 01/10/1811 au 01/04/1812 01/04/1812 au 01/10/1812 01/10/1812 au 31/12/1812 01/01/1813 au 01/04/1813 01/04/1813 au 01/07/1813 01/07/1813 au 01/01/1814 TOTAL arrivées 156 3 202 2 001 4 3 5 366 doubles emplois 1 845 4 1 849 Total net 0 0 156 3 202 156 0 3 3 517

20La prison de Dartmoor, située dans le Devon (sud-ouest de l’Angleterre) et qui ne comporte aucun effectif jusqu’au 26 mai 1807, apparaît comme une plaque tournante à partir de cette date jusqu’à décembre 1812, avec un taux de transit moyen de 44 %.

tableau im8
Dartmoor 26/05/1807 au 30/07/1809 01/08/1809 au 01/04/1810 01/04/1810 au 30/09/1810 01/10/1810 au 30/09/1811 01/10/1811 au 01/04/1812 01/04/1812 au 01/10/1812 01/10/1812 au 31/12/1812 TOTAL arrivées 3 553 1 027 203 1 861 707 1 506 8 857 doubles emplois 201 1 651 547 1 506 3 905 Total net 3 553 1 027 2 210 0 160 0 4 952

21En analysant les mouvements d’effectifs de Dartmoor dans le détail, on voit cependant que ce centre n’est pas en permanence un lieu de transit : les 4 580 prisonniers reçus de fin mai 1807 à fin mars 1810 – ce résultat donne une idée de sa capacité d’hébergement simultané – ne reçoivent pas de nouvelle affectation, c’est seulement au cours des périodes suivantes et notamment à la fin de l’année 1812 que Dartmoor joue un rôle de redistribution.

iv – Arme d’origine des prisonniers des dépôts (pontons et prisons)

22Sur les 98 409 prisonniers détenus en Grande-Bretagne et revenus en France, plus de la moitié (51 400, soit 52,2 %) sont des militaires de l’armée de terre (cf. tableau 7, et détail par arme et grade en annexe 3).

23On peut supposer que les prisonniers arrivés au cours de la période 1808-1812 proviennent principalement des guerres qui se déroulent dans la péninsule Ibérique, car c’est là surtout que les Britanniques peuvent faire des prisonniers français. Cette hypothèse est vérifiée, car nous disposons de la répartition de ces 51 400 prisonniers relevant de l’armée de terre, selon leur provenance géographique [6] :

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Tableau 16 - Prisonniers de l’armée de terre incarcérés en Grande-Bretagne, libérés de 1803 à 1814 Colonies 12 653 24,62 Provenance Nombre % Espagne et Portugal 38 747 75,38 TOTAL 51 400 100,00

24Pendant la période 1808-1812, les contingents qui arrivent en Grande-Bretagne sont particulièrement nombreux au cours du seul second semestre de 1812 : alors qu’au 29 juin 1812, « suivant le compte du Transport Office inséré dans L’Alfred du 29 juin 1812 [7] », il existe 52 649 détenus français, leur nombre s’élève à 62 849 le 26 décembre suivant soit près de 20 % de plus. Cette augmentation de 10 200 prisonniers est due essentiellement aux défaites françaises en Espagne : garnison de Badajoz (2 600), affaire de Salamanque (6 000) ; le reliquat provenant de Batavia (800) et des captures sur mer (800) [8]. Ainsi, ce sont les défaites françaises devant les Britanniques en Espagne, bien plus que les batailles perdues sur les mers, qui sont les pourvoyeuses des gros contingents de prisonniers arrivés en Grande-Bretagne pendant la période 1803-1812 [9].

B – Prisonniers des parole towns (cautionnements)

25Nous avons rappelé, en introduction, que le mode de gestion ordinaire des prisonniers officiers est l’assignation à résidence dans une parole town : c’est le régime du cautionnement. L’étude quantitative des prisonniers dans les parole towns consiste bien sûr à étudier leur répartition dans les différents centres, mais une analyse plus fine implique de se poser deux autres questions :

  • tous les officiers prisonniers sont-ils dans les parole towns ?
  • tous les prisonniers qui résident dans les villes de cautionnement sont-ils officiers ?

i – Approche quantitative globale

26On peut avoir une idée de l’impact de la présence de prisonniers dans les villes de cautionnement, à partir de leur nombre moyen. Nous avons classé les 44 parole towns en deux catégories, en fonction du nombre net de prisonniers. Pour les 12 villes les plus importantes, dans lesquelles le nombre net de prisonniers est supérieur à 200, et dont le total représente environ 58 % de l’ensemble, nous indiquons les différentes valeurs par ville. Pour les 32 autres villes, nous avons agrégé les résultats.

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Tableau 17 - Répartition des prisonniers dans les centres de cautionnement "Parole towns" (cautionnements) Nombre bruts Doubles emplois Nombre net en % Wincanton 834 279 555 9,00 Chesterfield 422 42 380 6,16 Wantage 327 327 5,30 Okehampton 318 4 314 5,09 Lichfield 304 6 298 4,83 Ashby-de-la-Zouch 411 126 285 4,62 Thame 277 6 271 4,40 Tiverton 260 3 257 4,17 Bridgnorth 254 18 236 3,83 Odiham 260 35 225 3,65 Launceston 239 16 223 3,62 Reading 220 4 216 3,50 total des 12 centres importants 4 126 539 3 587 58,18 total des 32 autres centres 3 992 1 414 2 578 41,82 Total des 44 centres de cautionnements 8 118 1 953 6 165 100,00

27Aucune des 12 villes les plus importantes n’est une grande métropole. Cette situation n’est pas le fait d’un hasard, mais certainement le résultat d’un choix délibéré, car plus le territoire à surveiller est petit, plus le contrôle des mouvements des prisonniers est facile.

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Tableau 18 - Nombre moyen de prisonniers dans les cautionnements Catégorie Moyenne Mediane 12 grands centres 299 278 32 autres centres 80 63 Ensemble des centres ("parole towns") 140 141

28En moyenne les centres les plus importants accueillent près de 300 prisonniers, mais dans les autres centres le nombre de prisonniers est loin d’être négligeable, notamment pour 13 d’entre eux où leur nombre s’échelonne entre 100 et 200. Si ces nombres sont peu élevés en valeur absolue, leur valeur relative est d’autant plus importante, dans des petites villes où ils résident sans y être incarcérés. Nous avons déjà évoqué le cas des prisonniers qui participent directement à la vie locale en exerçant une profession à temps plein dans les parole towns. Par ailleurs, le nombre de prisonniers rend très vraisemblable l’existence, relatée dans de nombreux récits, d’une vie sociale passant par la constitution d’associations philosophiques ou autres.

ii – Les prisonniers des parole towns non officiers

29Pour les officiers prisonniers, l’assignation à résidence est la norme. Mais les prisonniers soumis au régime du cautionnement sont-ils tous des officiers ? On peut supposer que certains civils bénéficient de ce régime, mais on a la certitude que dans les parole towns résident également des sous-officiers (ou officiers mariniers, s’agissant de la Marine).

30Ceci est attesté par un document de 1813, intitulé Liste des premiers maîtres d’équipage français, adressée par le gouvernement anglais, comme ayant droit au cautionnement conformément à ce qui s’est pratiqué en France à l’égard des masters de la marine anglaise[10].

31La liste comporte 41 noms, avec mention du lieu de détention et le nom des navires sur lesquels ils étaient embarqués au moment de leur capture. Après une expertise rapide à partir des dates de prise des navires, on peut conclure que les prisonniers bénéficiaires ont été incarcérés au moins depuis 1809. La synthèse des lieux de détention et du nombre de prisonniers est donnée ci-contre (les villes à pontons sont en bleu et en italique).

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Lieux de détention Nombre Chatham 3 Dartmoor 8 Forton 5 Norman Cross 5 Plymouth 10 Portchester 2 Portsmouth 3 Stapleton 4 Valleyfield 1 Total 41

32Une note du ministère français de la Marine permet de connaître l’historique de cette procédure originale, dont l’initiative revient à la cour de Saint-James. Selon cette note, un arrêté du conseil de Sa Majesté Britannique en date du 28 octobre 1808 – en réalité du 28 septembre –ordonne que tous les masters auront rang immédiatement après le dernier lieutenant à bord des vaisseaux, et que les masters et pilotes des vaisseaux seront assimilés aux lieutenants d’artillerie de marine. Le ministère français de la Marine répond le 10 janvier 1809 aux commissaires du Transport Office « que du moment qu’ils auront fait connaître que les maîtres et contremaîtres de Sa Majesté Impériale détenus en Angleterre sont traités comme officiers, les masters […] et pilotes anglais jouiront en France de la même faveur » [11].

33Les Britanniques estimant que leurs masters sont en réalité d’un grade supérieur à celui des premiers maîtres français, une longue phase de négociation se déroule jusqu’en mai 1813 pour définir avec précision les grades concernés, dans chaque marine. Finalement, une décision française du 26 juillet 1813 établit que « les masters anglais détenus en France bénéficient du régime du cautionnement et du traitement de lieutenant de vaisseau » ; le 24 novembre suivant, une liste de 17 noms est adressée au Transport Office. Les autorités françaises sont capables d’aller plus loin, puisque des prisonniers qui ne sont ni officiers ni même sous-officiers sont admis au bénéfice du cautionnement : un « état nominatif de différents prisonniers anglais qui sont au dépôt de Verdun [et] qui ne sont pas gradés, mais qui jouissent de la même liberté que ceux qui le sont » mentionne des passagers et de simples matelots, admis au cautionnement « pour servir un officier » et même « pour vivre auprès de leurs parents » [12].

iii – Les officiers sont-ils tous dans les parole towns ?

34Théoriquement, tous les officiers peuvent bénéficier du régime du cautionnement. En sont exclus ceux condamnés à l’incarcération pour manquement à la parole donnée ou pour tentative d’évasion, ou bien encore ceux qui ont refusé le régime du cautionnement, soit parce qu’ils ont refusé de prêter le serment demandé, soit parce que leurs moyens financiers sont insuffisants pour vivre dans une parole town. Malheur à celui qui se trouve, quelle qu’en soit la cause, sur un ponton ou dans une prison, car les conditions de vie y sont les mêmes pour tous, les régimes de faveur pour les officiers relevant de la seule initiative du commandant du ponton ou de la prison et non des règlements du Transport Office.

35Le principe du cautionnement est-il une réalité pour les officiers, autrement dit certains peuvent-ils, notamment en dehors de mesures disciplinaires, être incarcérés sur un ponton ou dans une prison ?

36Deux documents des archives de Vincennes donnent des informations différentes. D’une part, un Etat numérique des prisonniers de guerre français conduits en Angleterre dans les cautionnements établit leur total net à 6 165 prisonniers. D’autre part, l’exploitation de deux états présentant, par arme et grade, le détail des officiers rentrés en France depuis le début des hostilités jusqu’à la paix générale, aboutit à un total de 7 755 prisonniers. La différence entre ces deux nombres représente, jusqu’à preuve contraire, le nombre d’officiers détenus ailleurs, c’est-à-dire dans des centres fermés, prisons ou pontons [13].

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Tableau 19 - Régime de détention des officiers, données brutes Catégories d’officiers Nombre en % Détenus en d’autres lieux Total Nombre en % 6 165 79,50 1 590 20,50 7 755 100,00

37Comment expliquer un écart de plus de 20 % entre le total des officiers revenus en France et celui des officiers recensés dans les parole towns ?

38Il faut tenir compte des évasions réussies : sur 675 évadés, 413 sont répertoriés comme « évadés étant sur parole » (cf. tableau 5 rubr. 7) dont 408 officiers et 5 passagers ou douaniers : ces évadés ont vocation à bénéficier du régime du cautionnement [14]. Il faut tenir compte aussi des résidents des parole towns qui n’ont pas le statut d’officiers : tel est le cas des 41 premiers maîtres admis au bénéfice du cautionnement. Il faudrait tenir compte enfin des officiers qui se sont volontairement exclus du système du cautionnement (refus de donner leur parole ou moyens financiers insuffisants) mais nous ne disposons d’aucune statistique pour ces cas de figure. Le nombre d’officiers des parole towns pourrait être corrigé, au mieux, comme suit :

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Tableau 20 - Régime de détention des officiers, données corrigées Nombre en %Catégories d’officiers Prisonniers des parole towns Détenus en d’autres lieux Total officiers rentrés Officiers évadés Officiers mariniers Total corrigé 6 165 408 -41 6 532 84,23 1 223 15,77 7 755 100,00

39Ainsi, près de 16 % des officiers semblent être détenus dans les prisons ou sur les pontons, étant rappelé que certains le sont à juste titre, après une tentative d’évasion manquée où pour une sanction quelconque, ainsi que le confirme le Transport Office, dans une note du 25 juin 1812 relative aux officiers ayant manqué à leur parole.

40N.B. Les nombres portés dans cet état ne comprennent que les personnes qui se sont échappées des lieux fixés pour leur résidence. Un grand nombre d’officiers ont été mis en prison pour différentes autres infractions qu’ils avaient faites à des engagements d’honneur [15].

41Par ailleurs, on peut affirmer que les officiers qui ont été sur les pontons ou dans les prisons de manière transitoire ont été recensés ensuite au titre des cautionnements, puisque les statistiques disponibles distinguent toujours les doubles emplois pour éviter de compter plusieurs fois les prisonniers ayant séjourné successivement à plusieurs endroits. Malheureusement les données manquent pour calculer le nombre d’officiers incarcérés directement et définitivement dans les prisons ou sur les pontons, en contradiction avec les règles du Transport office.

iv – Taux de transit

42Les états qui distinguent les nombres bruts (prisonniers entrés) et les doubles emplois (prisonniers sortis puis réaffectés dans un autre lieu de détention) permettent de calculer un « taux de transit », qui détermine si une ville est un réel lieu de séjour ou une simple résidence de passage. Malheureusement aucun document des archives de la marine ne permet de connaître les causes précises de réaffectation des officiers. A priori, les doubles emplois entre parole town ne sous-entendent des changements de résidence d’une ville à une autre, modification sans incidence sur le régime de détention, mais les doubles emplois peuvent aussi concerner des transferts de prisonniers vers des centres de détention fermés, en cas de sanction.

tableau im15
Tableau 21 - Taux de transit des prisonniers selon le lieu d’assignation à résidence "Parole towns" (cautionnements) Nombre net Taux de transit Wincanton 555 33,45 Chesterfield 380 9,95 Wantage 327 0,00 Okehampton 314 1,26 Lichfield 298 1,97 Ashby-de-la-Zouch 285 30,66 Thame 271 2,17 Tiverton 257 1,15 Bridgnorth 236 7,09 Odiham 225 13,46 Launceston 223 6,69 Reading 216 1,82 total des 12 centres importants 3 587 13,06 total des 32 autres centres 2 578 35,42 Total des 44 centres de cautionnements 6 165 24,06

43Alors que le taux de transit est de 11 % (cf. tableau 15) dans les centres de détention fermés (prisons et pontons), il est de 24 % dans les villes à cautionnement, ce qui signifie qu’en moyenne un prisonnier sur quatre est amené à changer de résidence surveillée.

44Cette moyenne cache cependant des situations contrastées. On comprend mieux le manque d’homogénéité à l’intérieur de chaque catégorie de centres, en calculant les médianes : dans les grands centres la moyenne s’établit à 13,6 %, alors que la médiane est de 4,4 et dans les petits centres, le taux de transit est trois fois plus élevé avec une moyenne de 35,4 %, taux qui cache également une grande dispersion puisque la médiane est de 16,04.

45Dans le détail, on constate que deux des parole towns importantes ont les taux de transit les plus élevés : Wincanton, située dans le sud (Somerset) dont le taux dépasse 33 %, et Ashby-de-la-Zouch, ville du centre de l’Angleterre, non loin de Leicester, avec un taux qui avoisine 31 % ; ces deux centres sont vraisemblablement des plaques tournantes. En revanche, cinq des douze grands centres ont un taux de transit allant de 0 à 2,2 %, ce qui signifie que presque tous les officiers assignés à résidence dans ces centres y demeurent au cours de leur détention.

46C’est à partir du 1er août 1809 que les états comptables mentionnent les doubles emplois, autrement dit les transferts à destination d’autres parole towns ou de centres fermés. Wincanton est la première parole town concernée, qui entre le 1er août 1809 et le 1er avril 1810 reçoit 359 prisonniers et en transfère 268.

v – Mouvements périodiques

47L’état numérique des prisonniers détenus dans les centres de cautionnement montre qu’à l’origine, c’est-à-dire au moment de l’établissement des premières listes de détenus en mai 1807, 18 villes sont constituées en parole towns, parmi lesquelles figurent 9 des centres que nous avons classés dans le groupe des centres importants [16]. Progressivement, jusqu’au 1er janvier 1814, 26 autres villes viennent s’ajouter à la liste initiale pour former un total de 44 parole towns.

48Dans les 12 centres les plus importants, les flux de prisonniers ne sont pas constants tout au long de la période des hostilités : Lauceston, Lichfield Thame, Tiverton, Odiham et Wincanton, soit la moitié des centres, cessent de recevoir des prisonniers après le 30 septembre 1811 ; seule Thame, après juillet 1813, enregistre de nouvelles arrivées. Wantage ne reçoit que quelques rares prisonniers entre août 1809 et août 1810, Okehampton cesse d’en accueillir après septembre 1811. Reading et Bridgnorth entrent en activité seulement à partir d’avril 1812.

49C’est vers la fin de 1810 que les petits centres commencent à recevoir des prisonniers, alors que dans le même temps les centres les plus importants n’en reçoivent presque plus. On peut supposer que d’une part les petits centres sont ouverts parce que les plus importants sont arrivés à saturation ; d’autre part, la multiplication des petits centres est le signe que le Transport office confirme sa politique consistant à répartir les prisonniers dans des localités de taille modeste pour permettre une meilleure surveillance.

IV – Mortalité des prisonniers

50Peut-on sérieusement imputer aux geôles britanniques tous les décès de prisonniers ? La malnutrition et les mauvais traitements sont, bien sûr, des causes de mortalité liées à la condition carcérale. De même, une part des décès est imputable à la promiscuité, propice à la prolifération des maladies contagieuses. D’autres causes de décès existent, telles les morts violentes (tentatives d’évasion, rixes, suicides). Mais certains prisonniers meurent aussi de vieillesse, les conditions de détention pouvant certes accélérer le moment du décès sans en être la cause directe. Pour savoir si les prisonniers français sont maltraités, la connaissance, même sommaire, des causes de décès serait nécessaire. Il serait également utile d’analyser les données relatives à la mortalité par âge car l’étude des décès chez les jeunes adultes prisonniers permettrait de rechercher des corrélations éventuelles avec la condition carcérale.

51Malheureusement, les informations chiffrées relatives aux causes de décès et à la mortalité par âge font totalement défaut aux archives de la Marine ; seules sont disponibles des données statistiques relatives au nombre de décès. Cependant, il est possible de conduire une analyse quantitative de la mortalité puisqu’on dispose du nombre de prisonniers entrés et du nombre de décès. On peut également calculer un taux de mortalité différentielle, selon les lieux d’incarcération, l’arme d’appartenance et le grade. On peut enfin comparer le taux de mortalité des prisonniers à terre à celui des prisonniers à bord des pontons.

A – Nombre de prisonniers décédés

52Pour un total de 129 769 prisonniers au cours de la période 1803-1814 le nombre de décès est de 13 076, tous lieux de détention confondus, y compris en mer au cours de transferts (cf. tableau 4, rubrique 5). Le taux global de mortalité est ainsi de 10,08 %. Cependant, les services du ministère français de la Marine, à l’heure du bilan de 1814, estiment que le nombre de décès qui est adossé à des listes nominatives établies par les services britanniques, ne décrit que partiellement la réalité.

53La mortalité eût été bien plus grande si le gouvernement anglais n’avait point eu la précaution de renvoyer en France comme invalides 12 787 prisonniers français qui étaient dans un tel état d’infirmité que plusieurs d’entre eux sont décédés pendant la traversée, et une grande quantité à leur conduite dans les hôpitaux, où ils étaient placés à leur débarquement, de sorte qu’on peut dire qu’il les a renvoyés en France pour ne pas les laisser mourir en Angleterre [17].

54Perfide Albion, coupable même de provoquer un biais statistique ! Les services français considèrent le nombre de morts résultant des listes britanniques comme un minimum. En ajoutant aux décès survenus dans les geôles britanniques ceux des prisonniers considérés comme « revenus en état de mort » ils corrigent fortement le total des décès :

Tableau 22
Tableau 22 – Reconstitution ex post du nombre de prisonniers morts Réellement morts en Grande-Bretagne, selon les listes britanniques ?13 076 « Revenus en état de mort », selon le ministère de la Marine ?8 525 TOTAL des décès, selon le ministère de la Marine 21 601

55Il est difficile d’accepter un tel décompte, qui majore de près de 40 % le nombre de morts et qui porte ainsi le taux de décès de 10,1 % à 16,6 %. D’une part, en comparant le nombre des infirmes « revenus en état de mort » au total initial des décès, on constate que les 8 525 décès rajoutés par les services français représentent très exactement les 2/3 des 12 787 infirmes renvoyés en France (tableau 5, rubrique 1 : 12 787 x 2/3 = 8 524,67). Aucun état chiffré ne vient répartir ces nouveaux décès selon les critères précédemment utilisés (lieu, arme notamment) : la correction apportée par le ministère de la Marine procède manifestement d’une évaluation grossière plutôt que d’un décompte fondé sur des valeurs réelles.

56D’autre part, en admettant même que l’on puisse calculer le nombre de décès parmi les infirmes, il faudrait prouver que les infirmités des prisonniers sont uniquement dues à leurs conditions de détention, et définir une date jusqu’à laquelle le décès d’un prisonnier infirme, après son retour en France, est la conséquence directe de son incarcération. Or il est évident que ni les Britanniques ni les autres belligérants, au moment de la capture, ne peuvent faire le tri entre les prisonniers bien portants et les autres : certains ont déjà reçu, au combat, des blessures invalidantes, dont ils mourront plus ou moins rapidement sans que les conditions d’incarcération aient une quelconque influence sur l’issue fatale. À titre de comparaison, les calculs effectués par le ministère français de la Marine le 12 juillet 1815 pour les prisonniers britanniques et leurs alliés aux mains des autorités françaises [18], aboutissent à un taux de décès un peu supérieur à 7 % :

tableau im17
Tableau 23 - Prisonniers britanniques en France, 1803-1814 Répartition selon leur destine nombre soit en % du total général du total libéré Pris du service en France 5 276 7,31 8,70 Renvoyés dans leurs patries 55 292 76,60 91,22 Restés malades dans les hôpitaux 50 0,07 0,08 Total prisonniers libérés 60 618 83,98 100,00 Morts en France 5 246 7,27 Déserteurs 6 315 8,75 TOTAL GENERAL 72 179 100,00

57Aucune raison objective ne permet d’expliquer pourquoi chez les prisonniers français le nombre de décès, corrigé par le ministère de la Marine, aboutit à un taux de 16,6 % contre 7,27 % pour les troupes britanniques et alliées, à moins de supposer que ces dernières sont particulièrement résistantes et que les troupes françaises sont de santé fragile. On peut même se demander si les services français n’ont pas sous-estimé volontairement le nombre de prisonniers britanniques morts en France, surtout celui des « restés malades dans les hôpitaux » car leur faible nombre (moins de 1 % des prisonniers libérables) laisse entendre que tous les prisonniers britanniques étaient en bon état à la fin des hostilités. À défaut de preuve contraire, il faut donc considérer que, pour la période 1803-1814, le total des prisonniers français décédés n’est pas de 21 601 selon le nouveau décompte du ministère de la Marine, mais bien de 13 076, selon le calcul fondé sur les « listes britanniques », soit un taux de décès légèrement supérieur à 10 %.

B – Analyse des décès, par lieu de détention

58Les lieux de décès peuvent être regroupés en quatre grandes catégories : prisons et pontons en Grande-Bretagne, entité la plus importante puisqu’elle représente près de 4 décès sur 5, villes à cautionnement ou parole towns, colonies et enfin un groupe « divers ».

tableau im18
Tableau 24 - Prisonniers décédés 1803-1814 selon le lieu de détention (situation résumée) Lieux Nombre en % 1 - Morts en Grande-Bretagne, pontons et prisons 10 205 78,04 2 - Morts en Grande-Bretagne, cautionnements 158 1,21 sous-total Grande-Bretagne 10 363 79,25 3 - Morts aux colonies 2 428 18,57 4 - Morts en divers lieux 285 2,18 TOTAL GENERAL 13 076 100,00

59Les rubriques du tableau 24 sont analysées plus loin aux tableaux 25, 26, 27, 28 et 29.

i – Prisons et pontons

60Pour un effectif total de 100 635 prisonniers en Grande-Bretagne sur les pontons ou dans les prisons (et donc hors colonies et hors cautionnements) on compte 90 430 survivants et 10 205 décès. Le détail par centre est donné au graphique 3 ci-dessous.

figure im19

61Il est possible de construire un agrégat permettant d’évaluer le niveau de mortalité par type de centre, selon leur spécialisation ; une catégorie spécifique a dû être constituée pour Portsmouth et Forton, car ces deux centres sont regroupés dans les archives de la Marine alors que Portsmouth est centre à pontons et Forton un centre à prisons [19]. Les trois groupes permettent des comparaisons pertinentes, car le nombre de détenus y est de même grandeur, chaque groupe représentant environ 1/3 de l’ensemble.

62Rapporté au total des prisonniers détenus en Grande-Bretagne, soit 100 635, le nombre de morts en captivité correspond à un taux de décès légèrement supérieur à 10 %, ainsi que le montre le tableau 25 ci-dessous.

tableau im20
Tableau 25 - Prisonniers détenus et décédés en Grande-Bretagne résultats agrégés par type de centre (prisons et pontons) Type de centre 1-détenus, nombre net 2-détenus, en % 3-décédés, nombre net 4-décédés, en % 5- % décès / détenus (col. 3 / col. 1) 1-Mixte 32 756 32,55 2 988 29,28 9,12 2-Prisons 30 251 30,06 4 194 41,10 13,86 3-Pontons 37 628 37,39 3 023 29,62 8,03 TOTAL 100 635 100,00 10 205 100,00 10,14

63Ce n’est pas le groupe des centres à pontons qui arrive en tête pour le niveau de décès, comme le laisserait supposer la littérature habituelle, c’est le groupe « prisons », à deux points de vue. D’une part le taux de mortalité y est le plus élevé, dépassant largement la moyenne puisqu’il tend vers 14 %, soit près de 1 décès pour 7 détenus. D’autre part le groupe « prisons », qui est le moins important numériquement avec 30 % du total des détenus, compte pourtant plus de 41 % des décès, ce qui est le taux le plus élevé des trois groupes.

64À l’inverse, les pontons, qui regroupent le plus grand nombre de prisonniers avec plus de 37 % du total, comptent pour moins de 30 % dans l’ensemble des décès, et ont un taux de mortalité dépassant à peine 8 %, c’est-à-dire le moins élevé des trois groupes.

65Pour les centres de type 1-Mixte le taux de mortalité est inférieur d’un point au taux moyen : l’agrégat constitué par Portsmouth, ville à pontons, et Forton, ville à prisons, ne modifie guère les résultats des centres du groupe 3-Pontons : si l’on classait l’agrégat Portsmouth-Forton dans la catégorie des pontons, le taux de mortalité du groupe 3 n’augmenterait que très légèrement, passant de 8,03 % à 8,54 %, mais si cet agrégat était classé dans le groupe 2, le taux de mortalité dans les prisons diminuerait, passant de 13,86 à 11,40 %.

66L’analyse différentielle, selon le tableau 26 ci-dessous, montre des disparités encore plus grandes dans les taux de mortalité selon les localités. Quelques données lacunaires dans les documents d’archives aboutissent à des résultats aberrants pour Valleyfield et Édimbourg, où le nombre de décès est supérieur au nombre de détenus, d’où un pourcentage de décès supérieur à 100. Pour Valleyfield, l’anomalie relevée est certainement due au défaut d’homogénéité des données, car un même lieu peut être dénommé différemment selon les documents ; la difficulté est résolue si l’on regroupe Greenlaw et Valleyfield sous le vocable « Penicuik », nom d’une autre ville très proche. On aboutit malgré tout à un résultat impressionnant, puisque le taux de mortalité est de 47 %, mais pour le cas où les données seraient erronées, elles ne compromettraient pas les résultats de l’ensemble puisqu’elles comptent pour 0,7 % dans le total des prisonniers, et pour 0,3 % dans le total des décès. Cette observation s’applique a fortiori au taux aberrant constaté pour Édimbourg, les nombres en cause étant encore plus faibles.

tableau im21
Tableau 26 - Répartition des prisonniers par lieu de détention en Grande-Bretagne (prisons et pontons) Lieux Grande région Type de centre Détenus, nombre net Détenus, en % du total décédés % décès / détenus (1) Greenlaw Ecosse prison 551 0,55 17 3,09 Valleyfield Ecosse prison 172 0,17 324 188,37 secteur Penicuik 723 0,72 341 47,16 Chatham Angleterre ponton 9 461 9,40 705 7,45 Dartmoor Angleterre prison 4 952 4,92 1 127 22,76 Norman Cross Angleterre prison 6 512 6,47 674 10,35 Perth Ecosse prison 3 517 3,49 210 5,97 Plymouth Angleterre ponton 27 853 27,68 2 299 8,25 Portchester Angleterre prison 9 582 9,52 757 7,90 Portsmouth et Forton Angleterre prison+ ponton 32 756 32,55 2 988 9,12 Stapleton Angleterre prison 4 904 4,87 1 044 21,29 Deal Angleterre prison 43 0,04 12 27,91 Edimbourg Ecosse prison 18 0,02 29 161,11 Yarmouth Angleterre ponton 314 0,31 19 6,05 Totaux 100 635 100 10 205 10,14 (1) les taux de décès aberrants sont en rouge

67Le taux moyen de mortalité dépend étroitement des résultats de Plymouth et du groupe Portsmouth-Forton, qui représentent environ 60 % des effectifs de prisonniers et 52 % des décès. Cependant, parmi les centres importants, on peut pointer du doigt deux villes à prisons qui reçoivent près de 5 000 détenus : à Stapleton, située au sud de Bristol, le taux de mortalité est de 21,3 %, dépassant le double du taux moyen. Le taux de mortalité est encore plus élevé à Dartmoor, ville située au nord de Plymouth, avec près de 23 % de décès.

68Dans le groupe des villes à pontons, Plymouth, le principal centre, a un taux de mortalité de 8,25 %, qui se situe nettement en dessous de la moyenne générale (10,14 %). Les deux autres centres ont des taux encore plus bas puisque pour Chatham, objet de toutes les vindictes si l’on en croit une pétition du 20 août 1812 [20], le taux de mortalité n’est que de 7,45 %, et il est encore plus faible pour Yarmouth (6,05 %), ville située au sud de l’Angleterre, dans l’île de Wight.

69On peut estimer que les taux de mortalité sont, en eux-mêmes, trop élevés aussi bien dans les prisons que sur les pontons mais il s’agit là d’une appréciation subjective. Il reste que les taux de mortalité dans les centres à pontons sont à la fois inférieurs à la moyenne de l’ensemble des centres, et inférieurs aux taux de chacun des deux autres groupes. Presque tous les prisonniers sont des militaires, habitués à des conditions de vie particulièrement rudes ; il est donc difficile d’expliquer pourquoi ils résistent mieux sur les pontons que dans les prisons. En tout état de cause, les chiffres observés ne permettent pas de corroborer les commentaires habituellement faits à propos des geôles britanniques : le taux global de mortalité étant de 10 %, il n’est pas convenable d’accuser le gouvernement de Londres d’avoir perpétré un génocide, notamment à l’encontre des prisonniers des pontons, dont le taux de mortalité n’est que de 8 %.

ii – Prisonniers sous cautionnements dans les parole towns

tableau im22
Tableau 27 - Prisonniers décédés en Grande-Bretagne comparaison selon le type de centre de détention Lieux de décès Nombre de prisonniers Nombre de décès % de décès Pontons et prisons 100 635 10 205 10,14 Cautionnements 6 165 158 2,56 TOTAUX 106 800 10 363 9,70

70Le tableau 27 ci-dessus fait ressortir une situation très favorable pour les prisonniers bénéficiant du régime du cautionnement. Pour 6 165 prisonniers (cf. le détail des effectifs donné plus haut au tableau 17 pour les centres les plus importants) on ne compte que 158 décès, soit 2,56 %. On est donc loin du taux moyen de 10,14 % observé pour les détenus du groupe « pontons & prisons », car si ce taux était le même pour les prisonniers des parole towns, on dénombrerait dans les centres de cautionnement non pas 158 décès mais 625, soit 4 fois plus.

71Malgré les plaintes et les pétitions individuelles ou collectives des officiers, le régime de l’assignation à résidence est particulièrement avantageux, en tout cas du point de vue de la mortalité : ici ce n’est sûrement pas la promiscuité, comme dans les prisons ou sur les pontons, qui est responsable des décès.

iii – Colonies

tableau im23
Tableau 28 - Prisonniers français décédés comparaison Europe/Colonies Devenir des prisonniers TOTAL dont Europe dont colonies en %, Europe en %, colonies 1-Nombre de prisonniers revenus en France 111 062 98 409 12 653 88,61 11,39 2-Individus n’étant pas sujets de la France et/ou qui ont pris du service en Angleterre (attribués par défaut au groupe "Europe") 5 631 5 631 0 100,00 0,00 3-s/total prisonniers survivants 116 693 104 040 12 653 89,16 10,84 4-Morts en captivité 13 076 10 648 2 428 81,43 18,57 5-Total général 129 769 114 688 15 081 88,38 11,62

72La mortalité est particulièrement élevée parmi les prisonniers détenus dans les colonies. D’une part, ces 15 081 prisonniers représentent 11,6 % de l’effectif total (129 769), mais ils comptent pour 18,6 % dans le total des décès, autrement dit près de 1 décès sur 5 survient outre-mer. D’autre part, si l’on compare le nombre de morts dans les colonies au nombre de prisonniers dans les colonies, on constate que le taux de décès, soit 16,1 % (rubrique 4 / rubrique 5 du tableau 28 ci-dessus), dépasse largement le taux moyen pour l’ensemble des prisonniers, tous lieux de résidence ou d’incarcération confondus, qui inférieur à 10,1 %.

73Il n’existe pas de données chiffrées permettant d’affirmer que les prisonniers sont moins bien traités dans les geôles des colonies que dans celles de Grande-Bretagne. En revanche, on peut raisonnablement estimer que des conditions climatiques défavorables constituent un facteur d’accélération de la morbidité puis de la mortalité dans les colonies.

iv – Autres lieux

74Une dernière catégorie regroupe les 285 décès survenus dans des circonstances exceptionnelles ; elle ne représente que 2,2 % des 13 076 décès enregistrés (cf. la situation résumée des décès au tableau 24).

tableau im24
Tableau 29 - Prisonniers décédés, divers lieux Circonstances du décès Nombre en % Noyés à la mer 7 2,46 Morts en rentrant en France sur un navire britannique 230 80,70 Autres morts 48 16,84 TOTAL 285 100,00

75Les décès les plus nombreux (4/5) sont ceux survenus sur des navires britanniques. Si l’on en croit un Etat numérique des prisonniers français morts en Angleterre et dans les colonies anglaises depuis le commencement des hostilités jusqu’à ce jour (« ce jour » désigne la fin de la guerre), 230 prisonniers sont morts « dans la traversée sur les parlementaires qui les ramenaient en France » notamment à Morlaix [21]. Mais aucun autre document n’évoque le cas des prisonniers morts en mer sur un navire les conduisant vers la Grande-Bretagne. Sur ce point on peut comprendre l’intérêt, pour les services du Transport office, de sous-évaluer le nombre de décès sur les navires convoyant des prisonniers vers les îles britanniques, pour ne pas se faire accuser de les transporter dans des conditions déplorables. Mais de là à ne comptabiliser aucun décès…

76La rubrique « noyés à la mer » n’est guère explicite. Elle pourrait recouvrer les tentatives d’évasion de prisonniers dirigés vers un centre de détention quelconque, car les données détaillées relatives aux évasions (cf. tableau 5, rubriques 7 & 8) ne concernent que les 675 évasions réussies. Quant à la rubrique « autres morts » elle est encore plus floue, aucune information ne figurant dans les archives de la Marine.

77En définitive, il n’est pas facile de localiser avec précision les décès intervenus en dehors des prisons, pontons ou centres de cautionnement, mais il vrai que leur poids est de faible importance au regard de l’ensemble des décès, comme on le voit au graphique 4 ci-dessous :

figure im25

C – Analyse des décès selon l’arme d’appartenance

i – Vue d’ensemble

78Certains documents chiffrés des archives de Vincennes distinguent les décès des prisonniers selon qu’ils concernent les effectifs de la marine ou ceux de l’armée de terre [22]. Toutefois, la notion d’arme d’appartenance doit s’entendre dans un sens élargi. D’une part, le terme « marine » englobe la marine de guerre, les corsaires et la marine marchande ; la marine de guerre est la plus importante (28 533 prisonniers sur les 44 702 du groupe « marine », soit près des 2/3). D’autre part, les valeurs affectées à la marine de guerre et à l’armée de terre peuvent englober des civils ; cette méthode peut être admise pour les personnels non militaires affectés à une arme donnée, mais elle est contestable pour les douaniers et surtout pour les passagers.

79Pour effectuer une comparaison pertinente, il faudrait connaître, parmi les 129 769 prisonniers (cf. données globales au tableau 5) ceux relevant de l’armée de terre et ceux relevant de la marine, selon la définition qui vient d’être donnée, et connaître la répartition des 13 076 décès selon les mêmes critères. Malheureusement nous ne disposons pas de toutes les informations utiles ; seule est possible une analyse partielle, à partir de données homogènes, portant sur les prisonniers militaires détenus en Grande-Bretagne.

80Parmi les 111 062 prisonniers revenus en France, (cf. tableau 5 rubrique 11) 12 653 viennent des colonies et 98 409 de Grande-Bretagne, dont 45,43 % sont issus des différentes marines et 52,23 % de l’armée de terre, y compris les personnels non militaires, le reliquat de 2,34 % étant constitué par 2 307 prisonniers civils ayant le statut de passagers ou de douaniers [23] ; l’importance numérique des civils est faible au regard des prisonniers revenus de Grande-Bretagne, et encore plus faible au regard des 111 062 prisonniers revenus en France ou des 129 769 prisonniers faits par la Grande-Bretagne.

81Selon la définition ci-dessus, le total des marins, des soldats et civils assimilés revenus en France, en provenance de Grande-Bretagne, est de 96 102 (retours : 98 409 - 2 307 civils). Comme nous connaissons l’arme d’appartenance des prisonniers décédés sur les pontons, dans les prisons ou dans les centres de cautionnement, 10 363 ; il est possible d’analyser les taux de décès dans les deux armes (marine et armée de terre), pour les prisonniers en Grande-Bretagne.

82Une première approche permet de comparer sommairement la part de chaque arme, au sens large, dans le total des prisonniers militaires détenus en Grande-Bretagne et revenus en France, toutes dates confondues, et dans le total des décès, toutes origines confondues :

tableau im26
Tableau 30 - Prisonniers français décédés, 1803-1804 comparaison selon l’arme d’appartenance Catégories de prisonniers militaires & assimilés détenus en Grande-Bretagne, revenus en France ensemble des prisonniers décédés (tous lieux, toutes catégories) Marine Terre Total % Marine % Terre 44 702 51 400 96 102 46,52 53,48 6 524 6 552 13 076 49,89 50,11

83On peut déduire du tableau 30 que les décès de prisonniers relevant de l’armée de terre et ceux relevant de la marine s’équilibrent, puisque chaque catégorie entre dans le total des décès pour environ la moitié. Mais comme les prisonniers rattachés à la marine représentent 46,5 % du total des prisonniers militaires, contre 53,5 % pour ceux rattachés à l’armée de terre, c’est la marine qui, en valeur relative, paie le plus lourd tribut en ce qui concerne les décès.

ii – Prévalence des décès « marine » en Grande-Bretagne

84Les taux de décès varient selon les lieux, les écarts pouvant être considérables ainsi qu’il apparaît au tableau 31 (les pourcentages s’écartant nettement de la moyenne sont en bleu).

tableau im27
Tableau 31 - Prisonniers décédés, 1803-1814 Répartition par arme d’appartenance et par zone géographique N° de rubrique Lieux Marine Terre TOTAL % marine % terre Greenlaw & Eskmills 11 6 17 64,71 35,29 Valleyfield 38 286 324 11,73 88,27 sous-total groupe "Penicuik" 49 292 341 14,37 85,63 Chatham 439 266 705 62,27 37,73 Dartmoor 852 275 1 127 75,60 24,40 Deal 10 2 12 83,33 16,67 Edimbourg 29 0 29 100,00 0,00 Norman Cross 426 248 674 63,20 36,80 Perth 9 201 210 4,29 95,71 Plymouth 949 1 350 2 299 41,28 58,72 Portchester 358 399 757 47,29 52,71 Portsmouth et Forton 1 404 1 584 2 988 46,99 53,01 Stapleton 788 256 1 044 75,48 24,52 Yarmouth 17 2 19 89,47 10,53 1 s/total centres de détention (pontons et prisons) 5 330 4 875 10 205 52,23 47,77 2 Cautionnements 123 35 158 77,85 22,15 3 s/total des Français morts en Grande-Bretagne (rubr. 1 & 2) 5 453 4 910 10 363 52,62 47,38 4 Colonies 903 1 525 2 428 37,19 62,81 5 Noyés à la mer 7 7 0,00 100,00 6 s/total "listes anglaises" (rubr. 3& 4) 6 356 6 442 12 798 49,66 50,34 7 Morts en rentrant en France sur un navire britannique 126 104 230 54,78 45,22 8 Autres morts 42 6 48 87,50 12,50 9 TOTAL GENERAL 6 524 6 552 13 076 49,89 50,11

85L’analyse détaillée des taux de décès montre une prévalence des décès « marine » en Grande-Bretagne, et des décès « terre » aux colonies.

86En considérant, parmi les centres de détention fermés en Grande-Bretagne (pontons et prisons) ceux qui comptent pour au moins 10 % dans le total des décès (soit plus de 1 000 par centre), on constate qu’à Dartmoor et Stapleton, villes déjà mentionnées pour leur taux de mortalité très élevé car supérieur au double du taux moyen, les décès de prisonniers issus de la marine sont nettement plus nombreux que parmi les prisonniers issus de l’armée de terre, puisqu’ils comptent pour environ les ¾ dans le total des décès dans chacun de ces centres ; il est dommage de ne disposer d’aucune donnée chiffrée, selon l’arme d’appartenance, pour les prisonniers entrés à Dartmoor et à Stapleton, qui pourrait expliquer les raisons de la surmortalité des marins dans ces deux centres. La même question se pose pour Chatham et Norman Cross, centres de moindre importance mais où les taux de décès des marins sont nettement plus élevés que la moyenne des décès « marine » tous centres confondus (705 décès dont 62,3 % de marins à Chatham, 674 décès dont 63,2 % de marins à Norman Cross).

87Pour expliquer une surmortalité parmi les marins, on peut envisager en premier lieu une différence de vocation des centres – hébergement provisoire ou internement définitif – mais Dartmoor connaît un taux de transit élevé (44 %) alors que ce taux est nul pour Stapleton, Chatham et Norman Cross. En second lieu, on peut supposer l’existence d’un biais statistique, pour le cas où ces centres de détention recevraient majoritairement des prisonniers issus de la marine. En admettant l’hypothèse d’une spécialisation de certains centres pour l’incarcération des marins, il faudrait logiquement que d’autres centres reçoivent une majorité de prisonniers provenant de l’armée de terre. Or les centres dans lesquels le taux de décès de prisonniers issus de l’armée de terre dépasse largement la moyenne (groupe Penicuik et Perth) ne reçoivent que quelques centaines de prisonniers. C’est en fait le centre de Plymouth, avec près de 2 300 décès et seulement 41,3 % de décès « marine » qui pèse fortement à la baisse sur les résultats du groupe « marine » (52,23 % de décès) et, dans une moindre mesure, le groupe Portsmouth-Forton.

88Autre disparité observée entre marins et soldats : dans les « cautionnements » 123 décès sur un total de 158, soit 77,8 %, concernent des marins. Certes, l’observation porte sur des petits nombres, mais l’anomalie est réelle, car aucune donnée ne permet d’affirmer que, sur les 6 165 prisonniers des parole towns, 4 sur 5 étaient des marins.

89Lorsque l’on compare la totalité des effectifs, par arme, et la totalité des décès, également par arme, la surmortalité des marins se trouve confirmée. Le tableau 32 ci-dessous montre que la surmortalité constatée chez les marins est une réalité qui ne peut être attribuée à une possible spécialisation de certains centres ou parole towns.

tableau im28
Tableau 32 - Prisonniers militaires en Grande-Bretagne, comparaison des décès selon l’arme d’appartenance Catégories de prisonniers Marine Terre Total % Marine % Terre 1-Total des décès de militaires en Grande-Bretagne 5 453 4 910 10 363 52,62 47,38 2-Total des prisonniers rentrés en France 44 702 51 400 96 102 46,52 53,48 3-Total des prisonniers militaires 50 155 56 310 106 465 47,11 52,89 % de prisonniers décédés 10,87 8,72 9,73

90D’une part, la marine entre pour 52,6 % des décès de militaires, alors qu’elle ne représente que 47,1 % des effectifs de prisonniers. D’autre part, si l’on compare le nombre de décès au nombre total de prisonniers, on détermine un taux de décès moyen de 9,7 % tous effectifs confondus, alors que la marine est l’arme la plus durement touchée, avec un taux de décès de près de 10,9 %, contre 8,7 % pour l’armée de terre.

91La surmortalité des marins vient en quelque sorte compenser la situation très favorable qui leur est faite, comme nous l’avons montré plus haut (tableaux 7 et 8) au regard des perspectives de libération, puisque malgré des durées de détention moins longues, les prisonniers relevant de la marine ont des taux de mortalité plus élevés que ceux relevant de l’armée de terre.

iii – Prévalence des décès « armée de terre » aux colonies

92Nous disposons de la répartition des décès selon l’arme d’appartenance des prisonniers dans les colonies, mais nous ne connaissons pas le total par arme des effectifs engagés. Il n’est donc pas possible de calculer le taux de décès par arme des prisonniers morts aux colonies, seule est possible une comparaison entre le nombre de décès par arme.

93Les décès de prisonniers aux colonies concernent majoritairement les troupes terrestres, avec 1 525 décès sur un total de 2 428, soit près des 2/3 des décès (exactement 62,8 % cf. tableau 31 ci-dessus rubrique 4). Peut-on conclure à une surmortalité des soldats ?

94En toute logique, les prisonniers capturés sur terre sont des soldats, alors que les marins ne sont pas faits prisonniers sur un territoire mais plutôt sur un navire, et ils sont ensuite convoyés vers la Grande-Bretagne. Mais tous les prisonniers pris en mer ne sont pas tous des marins : ce peuvent être des soldats affectés à la défense des forts construits outre-mer, voire des personnels civils et même de simples passagers. Il est donc vraisemblable que l’effectif des prisonniers, dans les colonies, est essentiellement composé de troupes de garnison ou de troupes de débarquement (cf. tableaux 2 et 3), et par voie de conséquence la surmortalité des soldats dans les territoires situés outre-mer est due à un effet de structure plutôt que la marque de conditions d’existence plus rudes que celles des marins. La situation est ici inverse de celle observée chez les prisonniers incarcérés en Grande-Bretagne, puisque nous avons vu que la surmortalité des marins n’est pas due à une spécialisation des centres de détention.

Synthèse des principaux résultats

95Les données chiffrées disponibles aux archives centrales de la Marine permettent d’évaluer, avec un bon niveau de fiabilité, le nombre et les flux de prisonniers français détenus par les Britanniques au cours de la période 1803-1814. Lorsque les chiffres ne sont pas fournis par le Transport Office, le ministère français de la Marine élabore ses propres statistiques, et les deux administrations ont pour principe de construire les tableaux de synthèse à partir de listes nominatives.

961) Le nombre de 150 000 morts annoncé par le maréchal de camp Pillet, est dénué du moindre fondement [24]. Le total des prisonniers ayant séjourné dans les geôles britanniques ou ayant été assignés à résidence pendant la période 1803-1814 n’atteint pas 130 000. Au moment de la conclusion de la paix en 1814, il reste encore 70 000 prisonniers français en Grande-Bretagne, autrement dit moins de la moitié des prisonniers de la période ont été libérés pendant la période des hostilités. Les programmes d’échanges de prisonniers mis en place à partir de 1809, après de dures négociations tant sur le principe que sur les effectifs libérables n’ont que partiellement porté leurs fruits, à cause de l’idée tenace de Napoléon d’échanger trois prisonniers français contre deux prisonniers espagnols et un prisonnier anglais, idée jugée offensante par le gouvernement de Londres [25]. Pourtant, Napoléon n’est pas en position de force car au cours de la période 1803-1814, seulement 72 000 prisonniers britanniques séjournent dans les prisons françaises alors que 130 000 Français sont détenus par les Britanniques.

972) Les lieux de détention qui sont en Grande-Bretagne sont de deux catégories : 14 villes sont dotées de centres de détention fermés, dont 10 avec prisons, 3 avec pontons, et un groupe mixte est formé par Portsmouth et Forton. Certaines de ces villes sont très proches l’une de l’autre ; 10 se trouvent en Angleterre, 4 en Écosse, mais aucune au Pays de Galles. Les officiers prisonniers bénéficient généralement d’une semi-liberté, dans les parole towns, villes situées essentiellement au centre et au sud de l’Angleterre. Les autres prisonniers sont détenus sur les pontons ou dans les prisons, mais ces règles souffrent des exceptions. La répartition des prisonniers entre les différents centres de détention est très inégale, quel que soit le type de centre : 12 parole towns, sur un total 44, rassemblent 58 % des effectifs ; dans la catégorie des centres fermés, 3 villes sur 14 regroupent, plus de 60 % des prisonniers. Les centres de détention n’ont pas tous la même vocation, certains ne faisant que recevoir des prisonniers pour les transférer vers d’autres centres.

983) Les centres de détention entrent en activité ou sont mis en sommeil à des dates différentes, au fur et à mesure que les prisonniers affluent en Grande-Bretagne et non pas selon un plan établi par le Transport Office. Au fil des années, le nombre de centres augmente en Angleterre stricto sensu, et l’Écosse devient une zone d’incarcération. Les flux de prisonniers sont irréguliers au cours de la période 1803-1814. Le premier état des lieux ne date que de fin mai 1807, et la période qui va du 1er août 1809 au 31 décembre 1812 est particulièrement dense.

994) Les conditions d’existence ne sont pas les mêmes pour tous les prisonniers : indépendamment des situations de fortune, le grade, l’arme d’appartenance et le lieu de séjour sont des paramètres qui entraînent des différences de traitement. La situation des officiers est de loin la meilleure, mais lorsqu’ils sont incarcérés sur les pontons ou dans les prisons, ils ne bénéficient que très rarement d’un régime plus favorable que celui des hommes de troupe. Sur l’ensemble de la période, contrairement aux règles fixées par le Transport Office, 16 à 20 % des officiers ne relèvent pas du régime des parole towns ; nous ne disposons pas d’informations chiffrées explicitant les motifs pour lesquels les officiers sont exclus du régime du cautionnement, mais avec une telle proportion, il est difficile de considérer l’incarcération des officiers comme une rareté.

100Des différences existent aussi selon l’arme d’origine en ce qui concerne les durées moyennes d’incarcération. Il est normal que les chances de libération soient grandes pour les civils en général et pour les passagers en particulier, puisque ce ne sont pas des belligérants. En revanche, rien n’explique pourquoi la proportion de marins libérés avant la paix générale est de 34 % pour les trois marines alors qu’elle n’est que de 21 % pour les soldats.

1015) Les chiffres disponibles sur la mortalité contredisent la mauvaise réputation faite aux geôles britanniques par la littérature relative aux pontons et aux prisons. Le taux moyen de mortalité des prisonniers n’est que de 10 %, ce qui serait un piètre résultat pour le Transport Office, pour le cas où il aurait voulu organiser un génocide.

102Des disparités existent selon le grade et l’arme d’appartenance. D’une part, le taux de mortalité des officiers, dans les parole towns n’est que de 2,6 %, soit quatre fois moins que dans les lieux de détention fermés, prisons ou pontons. D’autre part, il apparaît que les chances de survie des marins prisonniers en Grande-Bretagne sont plus faibles que pour les autres catégories de prisonniers : il n’y a que 45 % de marins parmi les prisonniers, alors que 53 % des prisonniers décédés sont des marins.

103Dans les centres de détention fermés, le taux de mortalité sur les pontons est inférieur au taux global, autrement dit c’est dans les prisons que le niveau de mortalité est le plus élevé. Il n’est donc pas convenable de qualifier les pontons de « sépulcres flottants » [26]. S’il existe des différences entre centres, elles ne sont pas dues au type de dépôt, ponton ou prison, mais au lieu de détention : c’est le cas pour Stapleton et Dartmoor, où les taux de mortalité dépassent 20 %, alors que la moyenne générale, tous sites confondus, n’est que de 10 %.

1046) Si les prisonniers sont maltraités, c’est certainement et en premier lieu parce que le Transport Office n’est pas équipé pour accueillir simultanément des dizaines de milliers de prisonniers. Lorsque la Grande-Bretagne combat la France principalement sur mer ou dans les colonies, les prisonniers qui arrivent en territoire britannique sont de l’ordre de quelques milliers. C’est le conflit dans la péninsule Ibérique qui, en très peu de temps, achemine vers la Grande-Bretagne près de 40 000 de prisonniers. Dans ces conditions, le Transport Office, même s’il entreprend la construction de nouvelles prisons, pare au plus pressé en transformant de vieux navires en centres de détention autrement dit en pontons.

105En mai 1812, les « officiers français et alliés prisonniers de guerre sur parole, en cautionnement à Thame, comté d’Oxford, royaume d’Angleterre » rédigent une Notice sur la situation des Français et de leurs alliés prisonniers de guerre en Angleterre, à l’attention des « très honorables lords commissaires de l’amirauté de la Grande-Bretagne » et « à leurs excellences les ministres de la Guerre, de la Marine et des colonies de l’Empire français ». Ils déclarent, non sans une certaine élégance, comprendre que la Grande-Bretagne, à cause de sa petite étendue et contrairement à la France, ne dispose pas de « places fortes, de citadelles et d’établissements spacieux pour y répartir avec aisance les prisonniers de guerre » et qu’elle ne peut être rendue responsable du « défaut de proportion entre les moyens et les effets » [27].

1067) Pour apprécier de manière encore plus objective la condition des prisonniers français, il faudrait pouvoir la comparer à celle des soldats et marins, français ou britanniques, notamment en campagne, en analysant leur morbidité et leur mortalité naturelles, c’est-à-dire les maladies et les décès qui ne sont pas la conséquence directe des combats. La vie militaire est en soi une épreuve quotidienne, tous les témoignages concordent : primum vivere, telle est implicitement la devise des troupes, et les chefs le savent bien ; contrairement à une opinion répandue, Napoléon ne s’intéresse pas uniquement aux batailles, en délaissant les questions d’intendance : innombrables sont les lettres de l’Empereur qui montrent sa préoccupation constante pour l’habillement et la nourriture des soldats et des marins.

107Les conditions de vie, difficiles pour les soldats, sont encore plus rudes à bord des navires embarqués pour de longues campagnes. Vingt ans plus tôt, La Pérouse, de retour de campagne dans la baie d’Hudson en 1783 revient avec 400 malades du scorbut sur 540 hommes embarqués, et 70 sont morts en route ! Le grand navigateur a pour obsession la lutte contre le scorbut et contre la corruption de l’eau douce ; il s’intéresse aux découvertes du capitaine Cook et trouve ses propres méthodes : à l’issue de son voyage en Océanie au cours des années 1785-1788, il ne dénombre aucun mort du scorbut [28].

108En définitive, l’appréciation sévère portée à l’égard des centres de détention britanniques, et spécialement des pontons doit être nuancée, car l’analyse des données chiffrées vient contredire bien des idées reçues (il est dommage de ne disposer d’aucune donnée sur la morbidité dans les prisons et sur les pontons). Certes, les archives de la Marine ne répondent pas aux questions de nature qualitative : les prisonniers sont-ils ou non maltraités, existe-t-il une surmortalité directement imputable aux geôliers britanniques ? En revanche, les données quantitatives permettent au moins de répondre, dans bien des domaines, à la question « combien ? ».

Annexe 1 : Coupe du ponton Le Brunswick en 1812

Annexe 1

109(SHM carton FF2-8_d2)

110Ce dessin pourrait être l’œuvre du colonel de gendarmerie Jacques Marie Hippolyte Lebertre auteur d’un Aperçu du traitement qu’éprouvent les prisonniers de guerre français en Angleterre (Paris, 1843). Soumis au cautionnement à Alresford, au nord de Portsmouth, il s’était fait prendre en essayant de fuir ; c’est donc logiquement, en tant que broke-parole, qu’il avait été sanctionné par transfert sur un ponton.

Annexe 2 : Carte des centres de détention cités

Annexe 2

Annexe 3 : Arme d’appartenance et grade des prisonniers détenus en Grande-Bretagne et revenus en France

111Détail des tableaux 6 et 7 [29]

Annexe 3
Grade des prisonniers Libérés au cours de la période 1803-1814 Libérés en 1814 % libérés avant la paix générale Libérés avant la paix générale de 1814 Marine de guerre Marine marchande et corsaires Armée de terre Divers TOTAL 1803-1814 Marine de guerre Marine marchande et corsaires Armée de terre Divers TOTAL 1814 Marine de guerre Marine marchande et corsaires Armée de terre Divers TOTAL avant la paix générale vice-amiral 1 0 0 0 1 0 0 0 0 0 1 0 0 0 1 100,00 contre-amiral 2 0 0 0 2 1 0 0 0 1 1 0 0 0 1 50,00 capitaine de vaisseau 35 0 0 0 35 9 0 0 0 9 26 0 0 0 26 74,29 capitaine de frégate 55 0 0 0 55 23 0 0 0 23 32 0 0 0 32 58,18 lieutenant de vaisseau 224 0 0 0 224 88 0 0 0 88 136 0 0 0 136 60,71 enseigne de vaisseau 568 0 0 0 568 273 0 0 0 273 295 0 0 0 295 51,94 officiers d’artillerie 68 0 0 0 68 34 0 0 0 34 34 0 0 0 34 50,00 officiers d’administration 324 0 88 0 412 63 0 62 0 125 261 0 26 0 287 69,66 officiers de santé (chirurgiens & pharmaciens) 318 0 313 0 631 114 0 185 0 299 204 0 128 0 332 52,61 aspirant 735 0 0 0 735 373 0 0 0 373 362 0 0 0 362 49,25 officiers de commandement 0 2 203 0 0 2 203 0 954 0 0 954 0 1 249 0 0 1 249 56,70 maître 921 0 0 0 921 651 0 0 0 651 270 0 0 0 270 29,32 autres officiers mariniers & sous-officiers 6 681 0 7 314 0 13 995 4 245 0 5 365 0 9 610 2 436 0 1 949 0 4 385 31,33 marins ou soldats 15 653 12 899 40 438 0 68 990 11 678 8 355 33 002 0 53 035 3 975 4 544 7 436 0 15 955 23,13 artillerie de marine 2 152 0 0 0 2 152 1 451 0 0 0 1 451 701 0 0 0 701 32,57 surnuméraire 796 1 067 0 0 1 863 503 520 0 0 1 023 293 547 0 0 840 45,09 général de division 0 0 5 0 5 0 0 1 0 1 0 0 4 0 4 80,00 général de brigade 0 0 27 0 27 0 0 12 0 12 0 0 15 0 15 55,56 adjudant commandant 0 0 14 0 14 0 0 6 0 6 0 0 8 0 8 57,14 colonel ou major 0 0 66 0 66 0 0 24 0 24 0 0 42 0 42 63,64 lieutenant-colonel 0 0 170 0 170 0 0 63 0 63 0 0 107 0 107 62,94 capitaine 0 0 925 0 925 0 0 563 0 563 0 0 362 0 362 39,14 lieutenant ou sous-lieutenant 0 0 1 614 0 1 614 0 0 1 109 0 1 109 0 0 505 0 505 31,29 1-Total militaires 28 533 16 169 50 974 0 95 676 19 506 9 829 40 392 0 69 727 9 027 6 340 10 582 0 25 949 27,12 employés toutes classes 0 0 426 426 0 0 254 0 254 0 0 172 172 40,38 passagers 0 0 0 2 265 2 265 0 0 0 369 369 0 0 0 1 896 1 896 83,71 douaniers 0 0 0 42 42 0 0 0 35 35 0 0 0 7 7 16,67 2-Total civils 426 2 307 2 733 254 404 658 172 1 903 2 075 75,92 TOTAL GENERAL (1+2) 28 533 16 169 51 400 2 307 98 409 19 506 9 829 40 646 404 70 385 9 027 6 340 10 754 1 903 28 024 28,48 taux de libération par arme, en % 100 100 100 100 100 68,36 60,79 79,08 17,51 71,52 31,64 39,21 20,92 82,49 28,48

Notes

  • [1]
    Une carte de Grande-Bretagne comportant les principaux centres de détention cités est donnée en annexe 2.
  • [2]
    SHM carton FF2-8_f4.
  • [3]
    Penicuik est une ville d’Écosse située à 20 km d’Édimbourg ; un mémorial y a été édifié en l’honneur des prisonniers français des guerres napoléoniennes. Autre curiosité : dans les environs se trouve la chapelle de Rosslyn où à été tourné en partie le célèbre film Da Vinci Code, inspiré du roman de Dan Brown.
  • [4]
    Nous tenterons plus loin une évaluation.
  • [5]
    La pièce f4 du carton SHM FF2-17 mentionne « jusqu’au 1er janvier 1814 », mais par recoupement on constate qu’il s’agit en réalité de la fin mai 1814.
  • [6]
    SHM carton F2-17_f7 p.3 et FF2_17 dossier f2 et f7 ; sur les 51 400 prisonniers, on compte 426 civils.
  • [7]
    La publication est faite à Londres par L’Alfred.
  • [8]
    SHM carton F2-8_o27, o28 et o38 « Etat par aperçu des prisonniers français existant en Angleterre au 31 décembre 1812 » le nombre de prisonniers de chaque catégorie est manifestement arrondi ; à la même date, les prisonniers anglais ne sont que 19 035 en France, dont 849, soit 4,5 % se trouvent « dans les villes de l’Empire », autrement dit des officiers sous le régime du cautionnement.
  • [9]
    Il n’a pas été possible d’établir un compte précis des prisonniers français de la guerre d’Espagne et de Portugal ; le Dictionnaire de la Grande Armée d’Alain Pigeard mentionne le nombre de prisonniers seulement pour les batailles de Baylen (7 600 en 1808) Badajoz (3 000 en 1812) Fuentes de Onoro (200 en 1811) Talavera (150 en 1809) et Vitoria (2 800 en 1813) ; pour ces batailles-là, le total est de 13 750 prisonniers, soit un peu plus du tiers des 38 747 prisonniers figurant au détail du tableau 16 pour l’ensemble Espagne & Portugal.
  • [10]
    SHM carton FF2-8_e1. Dans un premier temps, les autorités françaises adressent, le 24 novembre 1813, un Etat général des premiers maîtres d’équipage français prisonniers en Angleterre ayant droit au cautionnement par une procédure qui a eu lieu en France en faveur des masters de la marine anglaise ; l’utilisation du mot « procédure » montre qu’il ne s’agit pas d’une mesure ponctuelle, mais bien d’une méthode d’administration, obéissant notamment à un principe de réciprocité.
  • [11]
    SHM carton FF2-22_D65 (note chronologique) D66 (« liste des masters détenus en France et qui y jouissent du cautionnement et du traitement de lieutenant de vaisseau », 28 juin 1813) et D67 (« compte de ce qui été fait relativement aux masters, 2es masters et pilotes ») ; également SHM carton FF2-22_A sans cote, rapport de la 5e division du ministère de la Marine au ministre, en date du 21 novembre 1808 et note du Transport Office en date du 28 octobre, appuyée de l’arrêté du conseil du roi en date du 28 septembre 1808.
  • [12]
    SHM carton FF2-22_D61 du 24juillet 1813 et SHM carton FF2-22_D62, liste nominative non datée.
  • [13]
    SHM carton FF2-17 dossier f5 pour 6 165, et FF2-17 dossiers f2 (dernière page) et f7, pour 7 755.
  • [14]
    Ces 413 prisonniers évadés figurent dans SHM carton FF2-17 sous les rubriques « évadés des cautionnements » (pièce f2) et « évadés sur parole » (pièce f7).
  • [15]
    SHM carton FF2-8_o27.
  • [16]
    SHM carton FF2-17_f5.
  • [17]
    SHM carton FF2-17_f1 ; commentaire figurant sur le Compte général des prisonniers de guerre du 22 mai 1803 […] au 30 mai 1814.
  • [18]
    SHM carton FF2-8_r15 , les « Anglais » étant au nombre de 67 308, soit 93 % des prisonniers aux mains des Français ; le détail des prisonniers selon leur devenir et par nationalité est donné par SHM carton FF2-17_f1.
  • [19]
    La situation de Plymouth est un peu particulière, car dans une lettre du 9 mai 1814 (SHM carton FF2-23_b1) la commission pour la libération des prisonniers relève que 85 % d’entre eux seulement étaient détenus sur des pontons ; nous avons malgré tout maintenu Plymouth dans la catégorie « pontons. »
  • [20]
    SHM carton FF2-8_d1 : pétition adressée à Decrès, ministre de la Marine, par 101 officiers de l’armée de terre, de la marine, de corsaires et de navires marchands détenus à bord du ponton Le Brunswick.
  • [21]
    SHM carton FF2-17_f8.
  • [22]
    SHM carton FF2-17_f, diverses pièces ; d’autres états détaillent les prisonniers par grade et arme d’origine, en distinguant les 3 marines, mais sans préciser le nom des centres de détention.
  • [23]
    Cf. tableaux 5, 6 et 26 notamment et, pour le détail, le tableau joint en annexe 3 : marine de guerre : 28 533, marine marchande et corsaires : 16 169, soit au total 44 702, et 51 400 pour l’armée de terre.
  • [24]
    Pillet, op. cit. préface page ij. Les chiffres surévalués ont la vie dure : dans la revue Chasse-marée, n° 216, août 2009, p. 40, un article relatif aux maquettes de prisonniers sur les pontons anglais affirme que « des milliers d’entre eux y moururent, jusqu’à cent vingt mille selon certaines sources ».
  • [25]
    Le 24 décembre de 1812, Napoléon avait écrit à Decrès : « Présentez-moi en outre un projet de réponse à la lettre du gouvernement anglais pour lui faire connaître que j’adhère à la proposition de renouveler la négociation pour l’échange des prisonniers ; bien entendu que les Espagnols et les Portugais seront considérés dans un échange général comme Anglais… » (Correspondance de Napoléon n° 19394, Éd. Plon, Paris 1867). Les officiers de marine français ne peuvent être confondus avec ceux des autres nationalités : à la fin de l’année 1811, Decrès refuse même au capitaine de vaisseau Barré, commandant des forces navales dans l’Adriatique, de faire entrer dans les comptes de compensation les officiers français qui avaient pris du service dans la marine italienne (SHM FF2-8_q1 à q4).
  • [26]
    Les sépulcres flottants, Philippe Masson, Éd. Ouest-France, 1987.
  • [27]
    SHM carton FF-2-8_e.
  • [28]
    Cf. article de B. de La Roncière La Pérouse et le scorbut dans le numéro d’octobre 2008 de La Baille (revue des anciens élèves de l’École navale).
  • [29]
    Source : SHM cartons FF2-17_f1 et f2 pour l’ensemble des libérations et FF2-17_f16 pour les libérations de 1814.
Français

Résumé

L’appréciation sévère portée généralement à l’égard des centres de détention britanniques, et spécialement des pontons, doit être nuancée, car l’analyse des données disponibles aux archives centrales de la Marine contredit bien des idées reçues. Certes ces données ne répondent pas aux questions de nature qualitative : les prisonniers sont-ils ou non maltraités, existe-t-il une surmortalité directement imputable aux geôliers britanniques ? En revanche, elles permettent de répondre, dans bien des domaines, à la question « combien ? ». Après une première approche globale concernant l’évolution du nombre de prisonniers et les modes de libération, cette étude s’attache à rendre compte de la répartition spatio-temporelle des prisonniers (selon les modes de détention que représentent les prisons, les pontons et les parole towns), et de la mortalité de ces hommes, suivant leur lieu de détention et leur arme d’appartenance.

Patrick le Carvèse
Mis en ligne sur Cairn.info le 07/03/2011
https://doi.org/10.3917/napo.103.0118
Pour citer cet article
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