CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Note liminaire

1 Pour les calculs de date à date, nous arrondissons à l’année supérieure lorsque le nombre de mois est au moins égal à sept et inversement, nous arrondissons à l’année inférieure lorsque le nombre de mois ne dépasse pas six.

2 Comme pour les maréchaux de l’Empire, les données de base sont toujours inférieures à 100, le calcul de pourcentages n’est pas pertinent ; les rapports entre les valeurs comparées sont exprimés sous forme de fractions.

3 Les moyennes calculées sur des effectifs faibles peuvent être très dépendantes des valeurs extrêmes ; on affine donc les résultats en calculant aussi les valeurs médianes.

4 Pour les statistiques par tranches d’âge ou d’années, nous appliquons le principe des regroupements quinquennaux ou décennaux utilisés par l’INSEE et l’INED, par exemple 35-39 ans puis 40-45 ou 1755-1759 puis 1760-1764, ce qui évite les erreurs dues aux chevauchements de type 40-45 puis 45-50, etc.

5 Le sénatus-consulte organique du 28 floréal an XII (18 mai 1804), appelé Constitution de l’an XII, instaure l’Empire. Son article 48 dispose : « Les grands officiers de l’Empire sont, premièrement, des maréchaux de l’Empire, choisis parmi les généraux les plus distingués. Leur nombre n’excède pas celui de seize. Ne font point partie de ce nombre les maréchaux de l’Empire qui sont sénateurs [1]. »

6 Selon le ministre Joseph Fouché, Napoléon avait une raison forte d’instituer le maréchalat. Plus que militaire, cette opération avait des buts éminemment politiques : « C’était dans l’armée seule qu’il semblait vouloir jeter les racines de son gouvernement : aussi le vit-on se hâter de conférer la dignité de maréchal de l’empire, soit à ceux de ses généraux qui lui étaient le plus dévoués, soit à ceux qui lui avaient été opposés, mais qu’il lui eût été impolitique d’exclure [2]. »

7 Les exploits des maréchaux de l’Empire et leur carrière politique sont bien connus ; c’est pourquoi nous avons estimé utile d’étudier ce « corps » de militaires sous l’angle démographique [3].

8 Nous sommes marqués par l’image du jeune et brillant général de la Révolution de 1789, guerrier farouche bravant le danger sur le front des troupes, sabre au clair, mourant sur le champ de bataille avant l’âge de trente ans. A priori, tout laisse à penser que les maréchaux de Napoléon, eux aussi formés pendant les guerres de la Révolution, accèdent au maréchalat dans leur jeunesse. De même, puisqu’ils ne quittent pas les champs de bataille pendant les quinze années que durent les guerres du Consulat et de l’Empire, il est naturel de penser que nombre d’entre eux, après avoir subi maintes blessures, meurent au combat encore jeunes. Est-ce bien la réalité ?

9 Pour répondre à cette question, nous avons analysé les données, individuelles ou collectives, liées à l’âge des maréchaux, à partir du moment où ils atteignent le grade de général. Dans un second temps, nous avons étudié les données relatives à la mortalité proprement dite des maréchaux [4].

I) Les durées de carrière des maréchaux

10 Le maréchalat n’est pas un grade militaire mais une dignité civile. Pourtant, force est de constater que tous les maréchaux de l’Empire sont d’extraction militaire et qu’ils n’ont exercé que des fonctions militaires après leur accession au maréchalat, même si leurs missions ne se sont pas toujours déroulées sur les champs de bataille. Ils ne sont pas tous, au début de leur carrière, passés par les mêmes grades, notamment parce que pendant la Révolution, certains grades s’obtenaient par la voie de l’élection. En revanche, ils ont tous porté le grade de général de brigade, puis celui de général de division avant d’accéder au maréchalat.

A. Vingt-six élus en sept promotions

11 Général de division à 26 ans, Napoléon nommera vingt-six maréchaux de 1804 à 1815 [5].

12 La première promotion, celle du 19 mai 1804, est de très loin la plus importante : elle comporte dix-huit maréchaux, soit plus des deux tiers.

Nombre de nominations par année

Nombre de nominations par année

Nombre de nominations par année

De 1805 à 1815, huit nouvelles nominations seront presque compensées par sept décès. En conséquence, on comptera dix-neuf maréchaux en 1807 et 1808, vingt et un en 1809 et 1810, vingt-deux en 1811 et vingt-trois en 1812, chiffre le plus élevé de l’effectif en vie. Après avoir varié entre dix-huit et vingt-trois, le nombre de maréchaux vivants sera de dix-neuf à la fin de l’Empire. Il n’aura donc jamais atteint le nombre total de nominations, vingt-six sur toute la période :

Évolution du nombre de maréchaux, période 1804-1815

Évolution du nombre de maréchaux, période 1804-1815

Évolution du nombre de maréchaux, période 1804-1815

13 Évolution du nombre de maréchaux, période 1804-1815 ///schema02

i. La grande promotion de 1804

14 La première promotion est de loin la plus importante puisqu’elle comporte dix-huit maréchaux, soit sept nominations sur dix pour la période 1804-1815. Tous sont des militaires, dont Napoléon souhaite reconnaître de manière tangible les mérites personnels. Cependant, si certains sont récompensés uniquement pour leur conduite au feu, d’autres le sont pour leur soutien au coup d’État du 18 brumaire. Napoléon accomplit donc également un acte à caractère politique. Les maréchaux seront une des assises de la nouvelle noblesse, tous étant titrés princes, ducs ou comtes, même lorsqu’ils possèdent déjà un titre de l’Ancien Régime, tels les marquis Pérignon et Grouchy.

15 Sont ainsi nommés, selon un ordre qu’il est très difficile de comprendre [6], Louis-Alexandre Berthier, Joachim Murat, Bon-Adrien Jeannot de Moncey, Jean-Baptiste Jourdan, André Masséna, Pierre Augereau, Jean-Baptiste Bernadotte, Jean-de-Dieu (dit Nicolas), Soult, Guillaume Brune, Jean Lannes, Edouard Mortier, Michel Ney, Louis Davout, Jean-Baptiste Bessières, soit quatorze maréchaux au titre de la première catégorie, alors que la nouvelle constitution autorise seize nominations.

16 La seconde catégorie comprend quatre maréchaux dits « honoraires » parce que, bien que généraux, ils sont déjà sénateurs : François Kellermann et Jean Sérurier (depuis 1799), François Lefebvre (depuis 1800) et Dominique Pérignon (depuis 1801). Il n’y aura plus de nominations de maréchaux honoraires.

17 Fouché classe les maréchaux de 1804 en trois catégories. Ceux dont la fidélité est récompensée : Berthier, Murat, Lannes, Bessières, Davout, Soult et Lefebvre. À la deuxième catégorie appartiennent Jourdan, Masséna, Bernadotte, Ney, Brune et Augereau, « plus républicains que monarchiques ». Quant à Pérignon, Sérurier, Kellermann, tous trois sénateurs, auxquels il ajoute Mortier, « ils n’étaient là que pour faire nombre et pour compléter les dix-huit colonnes de l’Empire, dont l’opinion ratifia le choix » [7] . On notera que Fouché a laissé de côté le maréchal Moncey, pourtant troisième sur la liste des promus, alors qu’il aurait pu le classer dans le premier groupe, Moncey ayant été favorable au coup d’État du 18 brumaire.

18 La promotion de 1804 est donc le résultat d’un subtil dosage obéissant à des motivations complexes.

ii. Les promotions ultérieures

19 En revanche, les nominations suivantes seront directement liées à des faits d’armes, mais tous les hauts faits d’armes ne donnent pas lieu à nomination : malgré les victoires d’Austerlitz, Elchingen et Ulm en 1805, d’Iéna, Auerstaedt et Lübeck en 1806, Napoléon n’accorde le maréchalat à personne. Il en est de même en 1808, 1810 et 1814.

20 Les six promotions décidées de 1807 à 1815 viennent honorer huit généraux de division en activité.

21 La promotion de 1807 ne comprend que Claude Victor Perrin, dit Victor, héros des batailles de Montebello, Marengo, Iéna et surtout Friedland le 14 juin 1807, où il succède à Bernadotte, blessé quelques jours plus tôt à Spanden. Le 13 juillet 1807, Victor devient maréchal de l’Empire.

22 La promotion de 1809 est, elle aussi, la conséquence immédiate d’un fait d’armes : la victoire de Wagram, le 6 juillet 1809. Accèdent ainsi à la dignité de maréchal, le 12 juillet suivant, trois généraux de division : Louis Viesse de Marmont, Etienne Macdonald et Nicolas Oudinot.

23 Au moment de sa nomination, les mérites de Marmont sont, d’une part son rôle dans le coup d’État du 18 brumaire et, d’autre part, ses états de service de soldat ; il se fait remarquer en effet lors de la campagne d’Italie en tant que commandant de l’artillerie, et plus particulièrement à Marengo. Il se distingue également lors de la campagne d’Égypte et de la campagne d’Allemagne ; avant son accession au maréchalat, il est déjà honoré par le titre de duc de Raguse, ville de Dalmatie où il a combattu victorieusement les Russes et les Monténégrins.

24 Macdonald se fait remarquer lui aussi au cours de la campagne d’Italie, mais ses sympathies pour Moreau le tiennent un temps en disgrâce. C’est sa conduite sur le champ de bataille de Wagram qui lui vaut sa réhabilitation et le bâton de maréchal.

25 Quant à Oudinot, il prend une part décisive à la victoire de Friedland, mais c’est également celle de Wagram qui le fait accéder au maréchalat.

26 Le général Marbot, dans ses mémoires, émet quelques doutes sur la valeur réelle des promus de 1809 : « Le soir même de la bataille, l’Empereur, voulant récompenser les bons services de Macdonald, Oudinot et Marmont, remit à chacun d’eux le bâton de maréchal ; mais il n’était pas en son pouvoir de leur donner les talents de chef d’armée… » Marbot explique qu’il ne s’agit que de bons exécutants, même si leur courage est avéré. Et il en rajoute, ne pouvant s’empêcher de les comparer au maréchal Lannes, mort il y a un peu plus d’un mois, et auquel il est très attaché : « On prétendit dans l’armée que l’Empereur, ne pouvant remplacer Lannes, avait voulu en avoir la monnaie ; ce jugement était sévère, mais il faut reconnaître que ces trois maréchaux eurent une part souvent malheureuse dans les campagnes qui aboutirent à la chute de Napoléon et à la ruine du pays [8]. »

27 Marbot considère Marmont comme « une erreur de Napoléon, séduit par quelques succès d’école jadis obtenus. […] L’Empereur supposait à ce maréchal des talents militaires que sa conduite à la guerre ne justifia jamais [9]. » Il faut dire que, succédant à Masséna dans le commandement de l’armée du Portugal, Marmont annonce imprudemment qu’il va battre Wellington ! On connaît la suite : Marmont est vaincu, blessé aux Arapiles, il perd plusieurs provinces… Napoléon apprend la bonne nouvelle alors qu’il est déjà empêtré dans la campagne de Russie – ses troupes ont été sérieusement malmenées à la bataille de La Moskova – et qu’il s’apprête à entrer dans Moscou.

28 En 1811, le seul élu est Louis Suchet. Après s’être distingué en Italie, notamment à Marengo, à Austerlitz, en Pologne, il entre en Espagne en 1808 et y reste jusqu’à la chute de l’Empire comme commandant en chef de l’armée d’Aragon. De nombreuses victoires en Catalogne lui valent le bâton de maréchal en 1811, du reste le seul octroyé pendant la campagne d’Espagne.

29 En 1812, Laurent de Gouvion-Saint-Cyr, ancien de l’armée d’Italie, des campagnes de Prusse et d’Espagne accède enfin au maréchalat, après avoir connu au préalable quelques traversées du désert. Il aurait dû être de la promotion de 1804, mais l’Empereur saura le faire patienter, à cause de son caractère jugé trop indépendant (en 1803, en service à Naples, il avait intrigué pour que ses troupes ne signent pas les pétitions appelant à l’Empire). Les mérites de ce bon manœuvrier finiront par être reconnus. Gouvion-Saint-Cyr est de la campagne de Russie, qu’il commence avec le grade de général de division, commandant le 6e corps dont l’effectif est de 24 000… Bavarois. Il est placé sous les ordres d’Oudinot qui commande le 2e corps. Gouvion-Saint-Cyr est notamment vainqueur des Russes à Polotsk (aujourd’hui en Biélorussie) le 18 août 1812, remplaçant au pied levé Oudinot blessé, au moment où la bataille semble perdue : « Le maréchal Oudinot venait de laisser l’armée dans une situation très alarmante », nous dit Marbot, mais heureusement « Saint-Cyr prit d’une main habile et ferme les rênes du commandement, et en peu d’heures les choses changèrent totalement de face, tant est grande l’influence d’un homme capable qui sait inspirer la confiance [10]. » Marbot ne tarira pas d’éloges. « Saint-Cyr était un des militaires les plus capables d’Europe. […] Je n’ai jamais connu quelqu’un qui dirigeât mieux ses troupes sur un champ de bataille [11]. » Marbot ne cache pas, à côté d’incontestables talents militaires, le caractère étrange de Gouvion-Saint-Cyr, que ses hommes craignent et n’aiment pas. « L’Empereur avait une telle antipathie pour Saint-Cyr, que lors de la création des maréchaux, il ne le porta pas sur la liste des promotions, bien que le général eût de meilleurs services et beaucoup plus de talents que la plupart de ceux auxquels Napoléon donna le bâton de commandement [12]. » Mais finalement la victoire de Polotsk sera reconnue par l’Empereur comme un haut fait d’armes, puisqu’il enverra le bâton de maréchal à Gouvion-Saint-Cyr. Il sera honoré huit ans après ses collègues de la première promotion, mais il sera nommé maréchal au cours de la campagne de Russie, et pour toute l’année 1812, ce qui peut-être le consolera.

30 En 1813, la promotion comprendra également une seule nomination, le prince Joseph Poniatowski, de la famille royale de Pologne (il est le neveu du dernier roi de Pologne, Stanislas II Poniatowski). Il combat pour la France à partir de 1806, se distingue au cours de la campagne de Russie, à la tête d’un corps composé de Polonais, notamment à Smolensk et à la Moskova. Il est particulièrement en vue à la bataille de Leipzig, au cours de laquelle deux autres maréchaux, Marmont et Ney, sont blessés. Poniatowski y gagne son bâton de maréchal, qu’il n’aura pas l’occasion de porter, puisqu’il va mourir trois jours après avoir été nommé.

31 En 1814, Napoléon ne nomme aucun maréchal.

32 En 1815, il ne prononce qu’une seule nomination, pendant les Cent-Jours. Le marquis Emmanuel de Grouchy reçoit le bâton de maréchal le 15 avril, environ deux mois avant la défaite de Waterloo, qui le rendit tristement célèbre. Napoléon reconnaît d’une part les services rendus en Italie, à Hohenlinden, Eylau, Friedland, Wagram, La Moskova ; d’autre part, l’action de Grouchy au cours de la campagne de France en 1814 et en 1815 est récompensée, car il a fait prisonnier le duc d’Angoulême ; plutôt savoureux pour un aristocrate de l’Ancien Régime, un temps chassé de l’armée par un décret qui en excluait tous les nobles…

B. L’âge et la carrière des futurs maréchaux dans le grade de général

33 Sous l’Empire, il n’existe que deux grades parmi les officiers généraux : général de brigade (signe distinctif : deux étoiles) et général de division (trois étoiles), équivalant respectivement, sous l’Ancien Régime, aux grades de maréchal de camp et de lieutenant général, qui réapparaîtront au retour des Bourbons. Le commandement d’un corps d’armée ou d’une armée est confié à un général de division ou à un maréchal. Ces commandements ne sont que des fonctions temporaires, même si un général en chef porte sur ses épaulettes quatre étoiles d’argent et quelques autres signes distinctifs, tel le bicorne avec plumet blanc, alors que les autres généraux de division ou de brigade portent le plumet noir [13]. Le maréchal est doté d’un bâton de velours bleu, sur lequel trente-deux aigles ont remplacé les fleurs de lis de l’Ancien Régime. Il a les mêmes épaulettes que le général de division, sur lesquelles les trois étoiles sont remplacées par deux bâtons en croix [14].

34 Compte tenu de l’état de guerre permanent, l’expérience s’acquiert vite et les promotions sont rapides dans tous les grades, même pour les officiers généraux. Pour devenir maréchal sous l’Empire, le fait d’avoir été aide de camp de Napoléon ne donne pas d’avantage particulier. En effet, deux maréchaux seulement ont compté au nombre des trente-sept officiers ayant exercé cette fonction : Murat, nommé aide de camp le 29 février 1796 quelques jours après avoir accédé au grade de chef de brigade (colonel), et Marmont, en 1796 [15].

35 Les maréchaux ont deux points communs. Ils sont, tout d’abord, des soldats de la Révolution, voire de l’ancien Régime, tel Kellermann, déjà maréchal de camp (général de brigade) en 1788. Ils sont choisis par Napoléon, non parce qu’ils sont issus de l’École de Guerre ou de son équivalent, mais parce qu’ils ont fait l’école de la guerre.

36 Second point commun entre les maréchaux : ceux qui doivent leurs étoiles à Napoléon constituent l’exception. Si Bessières a été nommé général de brigade le 18 juillet 1800, tous les autres ont obtenu leurs premières étoiles avant le 9 novembre 1799, date d’instauration du Consulat. De même, trois maréchaux seulement ont reçu leur 3e étoile sous le Consulat : Davout et Marmont en 1800 puis Bessières en 1802 (Poniatowski a été nommé général de division en 1806, mais en Pologne).

i. Les généraux de brigade

37 De nombreux maréchaux ont accédé au grade de général de brigade en 1793 et avant (treize sur vingt-six), dont neuf au cours de la seule année 1793. L’abondance des nominations en 1793 n’est évidemment pas un hasard. C’est l’année de la Terreur, le départ de Danton du Comité de salut public et l’arrivée de Robespierre. Si, selon le mot fameux (mais apocryphe), « la République n’a pas besoin de savants », elle a certainement besoin de soldats. Le 23 août 1793, la Convention décrète la levée en masse, 750 000 hommes répartis en neuf armées, pour défendre les frontières ; ce sont les fameux soldats de l’an II.

38 Il faut de nouveaux généraux pour en assurer l’encadrement, d’autant que les généraux vaincus et ceux qui sont d’origine noble sont destitués ou guillotinés. Robespierre estime que, toutes les administrations publiques ayant été renouvelées, il est impensable de conserver « un corps de fonctionnaires armés, créé par le despotisme et dont la constitution était fondée sur les maximes les plus extravagantes de l’aristocratie [16] ».

39 Le général Marbot, dans ses mémoires, est sans complaisance, mais sans condescendance non plus lorsqu’il juge les généraux issus de la Révolution, car il les a côtoyés. Certains sont « de ces officiers créés par le hasard et par leur courage, et qui, tout en déployant une valeur très réelle devant l’ennemi, n’en étaient pas moins incapables par leur manque d’instruction d’occuper convenablement les postes élevés… » [17].

40 Ainsi, l’épuration à tous les niveaux de commandement permet des promotions accélérées, ce qui ne veut pas dire imméritées puisque l’on doit faire immédiatement ses preuves sur les champs de bataille, qui ne manquent pas. On peut commencer une carrière d’officier comme officier supérieur, avec le grade de chef de bataillon ou de lieutenant-colonel, car les procédures de désignation par élection ont cours dans les armées de la Révolution. Ainsi, l’heure des généraux de moins de 30 ans a sonné. C’est l’époque des Hoche, général de division à 25 ans, mort à 29 ans, et des Marceau, général de division à 25 ans, mort à 27 ans. C’est aussi celle de… Bonaparte, nommé général de brigade le 22 décembre 1793 à 24 ans [18].

41 Compte tenu des besoins en hommes et en chefs dans les armées de la Révolution, les carrières vont vite, et particulièrement pour les futurs maréchaux. Beaucoup d’entre eux ont échappé à la Terreur et, dans une certaine mesure, ils lui doivent leur carrière de général.

42 Pour les motifs indiqués plus haut, notamment parce que les maréchaux ne commencent pas leur carrière au même grade ou « sautent » des grades, il est difficile de calculer le temps passé comme officier subalterne et officier supérieur. C’est pourquoi nous avons choisi de comparer seulement l’âge auquel les maréchaux accèdent au grade de général de brigade ou de maréchal de camp, grades considérés comme équivalents, et la durée de carrière en qualité d’officier général [19].

43 L’âge atteint au moment de la nomination comme général de brigade est souvent assez bas, 32 ans et 3 mois en moyenne, l’âge médian étant de 30 ans et 24 ont moins de 40 ans. Fait remarquable, 11 ont moins de 30 ans. Le plus jeune a été nommé à 23 ans et deux mois et donc à un âge moins avancé que Napoléon : c’est Davout, que trente ans séparent du plus âgé, Kellermann.

Âge atteint lors de la nomination comme général de brigade

Âge atteint lors de la nomination comme général de brigade

Âge atteint lors de la nomination comme général de brigade

44 La structure par groupes d’âge quinquennaux comporte un groupe largement majoritaire, celui des 25-29 ans avec neuf généraux, c’est-à-dire plus du tiers des nominations. Deux autres groupes suivent de peu, celui des 30-34 ans avec sept généraux et celui des 35-39 ans avec six généraux. La tranche d’âge 40-49 ans ne comporte aucun général, et les plus âgés sont déjà quinquagénaires : Sérurier approche 51 ans, et Kellermann 53 ans, lorsqu’ils accèdent au grade de général de brigade.

45 Mais si les futurs maréchaux sont particulièrement jeunes lorsqu’ils sont nommés au grade de général de brigade, la performance est encore plus remarquable si on compare les nouveaux maréchaux aux généraux. Pour une tranche d’âge un peu différente, celle des générations 1750-1799 (les dates de naissance des maréchaux s’échelonnent de 1735 à 1774) ceux qui accèdent au grade de général ont en moyenne 44 ½ ans, ce qui signifie un écart de plus de douze ans en faveur des futurs maréchaux [20].

46 Les généraux de brigade obtiennent la troisième étoile dans un délai moyen de deux ans et huit mois, la durée médiane n’étant que de deux ans, car les écarts sont assez importants entre les promus. Huit généraux, soit près du tiers, accèdent au cours de la même année au grade de général de brigade puis à celui de général de division. Les groupes les plus importants sont ensuite ceux des généraux qui obtiennent leur troisième étoile dans un délai allant de deux ans à moins de trois ans.

Temps passé dans le grade de général de brigade

Temps passé dans le grade de général de brigade

Temps passé dans le grade de général de brigade

47 Le plus rapide est Lefebvre, nommé général de brigade le 2 décembre 1793 puis de général de division le 10 janvier 1794, à peine un mois plus tard ! Ne sont pas très loin Jourdan (à peine deux mois) puis Augereau, Gouvion-Saint-Cyr et Pérignon (environ trois mois). Il faut moins de quatre mois à Moncey et Bernadotte, et près de huit mois à Mortier pour obtenir leur troisième étoile.

48 Compte tenu de la valeur moyenne et de la valeur médiane des durées de carrières comme général de brigade, nous considérons comme carrières longues celles qui dépassent quatre ans. Il en est ainsi, tout d’abord, de Kellermann, Brune et Soult.

49 La situation de Davout est atypique car il demeure général de brigade pendant près de sept ans après avoir été le plus jeune nommé à ce grade. Il gagne sa deuxième étoile le 25 juillet 1793, à l’armée de l’Ouest, mais le 30 juillet suivant, il refuse la troisième. Les historiens sont partagés quant au motif du refus. Certains pensent que Davout s’estimait insuffisamment expérimenté pour mériter une promotion aussi rapide. Pour d’autres, il s’agissait de se conformer à un décret de la Convention excluant les nobles de l’armée. La première hypothèse semble plus défendable, car Davout, d’origine noble, avait déjà modifié l’orthographe de son nom, donnant ainsi un signe d’allégeance à la Révolution [21]. Finalement, ce n’est qu’au retour de l’expédition d’Égypte qu’il sera promu général de division, le 3 juillet 1800.

50 Le record de durée dans le grade de général de brigade est détenu, de très loin, par Poniatowski. Nommé très jeune (26 ans) en 1789 alors qu’il est dans l’armée polonaise, il attendra 1806, soit plus de dix-sept ans, pour obtenir sa troisième étoile.

ii. Les généraux de division

51 Quel que soit le temps passé dans le grade de général de brigade, quel que soit leur âge, tous les futurs maréchaux passent obligatoirement par le grade de général de division. Il n’y a pas d’exception en 1804 et il n’y en aura pas ultérieurement.

52 Une fois obtenues les deux étoiles de général de brigade, la suite de la carrière est tout aussi rapide. Ceux qui se distinguent sur les champs de bataille sont promus sans tarder. Dès qu’ils accèdent au grade de général de division, la porte leur est ouverte pour commander des formations importantes, corps d’armée ou même armée.

53 La moyenne d’âge des généraux de division au moment de leur nomination dans ce grade est de 34 ans et onze mois, l’âge médian étant de 32 ans, car les deux généraux les plus âgés, Kellermann et Sérurier, tirent la moyenne vers le haut : ils étaient déjà respectivement doyen et vice-doyen d’âge en accédant au grade de général de brigade. Lorsqu’il obtient sa troisième étoile, Kellermann a 56 ans et sept mois, et Sérurier a 52 ans et six mois.

54 La structure par groupes d’âge quinquennaux montre que quatre généraux ont moins de 30 ans : Grouchy n’a pas encore 29 ans, Macdonald vient de les avoir et Suchet les a un peu dépassés. C’est Marmont qui détient le record, car il n’a pas encore 26 ans et deux mois lorsqu’il gagne sa troisième étoile ; à quelques jours près, il fait mieux que Napoléon. Le groupe le plus nombreux, qui comprend la moitié de l’effectif, se situe dans la tranche 30-34 ans, et vingt et un généraux sur vingt-six ont moins de 40 ans.

Âge atteint, lors de la nomination comme général de division, par groupes d’âges quinquennaux

Âge atteint, lors de la nomination comme général de division, par groupes d’âges quinquennaux

Âge atteint, lors de la nomination comme général de division, par groupes d’âges quinquennaux

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56 La carrière des généraux de division dure en moyenne neuf ans et deux mois, la durée médiane étant de dix ans. Cette durée est certes courte, mais comme les guerres sont continuelles, l’expérience du commandement s’acquiert plus vite. Si l’on compare les durées de carrières en les regroupant par tranches de cinq ans, le groupe de loin le plus nombreux est celui des quatorze généraux dont la carrière de général de division dure de neuf à moins de treize ans.

Temps passé dans le grade de général de division

Temps passé dans le grade de général de division

Temps passé dans le grade de général de division

57 La carrière dans le grade de général de brigade, ainsi qu’on l’a rappelé ci-dessus, étant en moyenne de deux ans et huit mois, il faut donc douze ans environ (onze ans et dix mois) à partir du grade de général de brigade pour accéder au maréchalat, la durée médiane de la carrière dans le grade de général étant de onze ans.

58 L’examen des carrières individuelles montre des situations contrastées. Macdonald demeure dans le grade de général pendant près de seize ans, car il est nommé général de brigade en août 1793 alors qu’il n’a pas encore 28 ans. La carrière de Gouvion-Saint-Cyr, en tant que général, dure plus de dix-huit ans, car il n’accède au maréchalat qu’en 1812 alors qu’il a été nommé général de brigade en juin 1794 et général de division en septembre 1794 [22]. Grouchy était déjà maréchal de camp (général de brigade) en 1792 ; par voie de conséquence, sa carrière de général dure près de vingt-trois ans lorsqu’il reçoit le bâton de maréchal en 1815. La carrière la plus longue est celle de Poniatowski car, en 1813, il y a vingt-quatre ans qu’il a été nommé général de brigade. Pour ces quatre maréchaux, ce n’est pas un retard de carrière qui explique le temps passé dans le grade de général, mais tout simplement l’âge précoce auquel ils ont reçu le grade de général de brigade.

59 La situation de Kellermann est un peu différente, même s’il demeure dans le grade de général pendant seize ans, comme Macdonald. Kellermann est nommé général de brigade en mars 1788, alors que ses collègues cités ci-dessus – Macdonald, Grouchy, Gouvion-Saint-Cyr et Poniatowski – n’avaient pas encore ce grade. Il est nommé général de division sans trop attendre, en mars 1792. Mais ce n’est pas l’âge précoce lors de la nomination comme général de brigade qui explique la longue carrière de général : Kellermann est nommé général de brigade à 53 ans, alors que ses quatre collègues ont été nommés à 25 ans et dix mois (Grouchy), 26 ans et deux mois (Poniatowski), 27 ans et neuf mois (Macdonald) et 30 ans et deux mois (Gouvion-Saint-Cyr).

60 S’agissant des carrières les plus courtes, il ne faudra que cinq ans à Mortier, sept ans à Lannes, près de huit ans à Ney et huit à Murat pour parcourir le chemin allant du grade de général de brigade au maréchalat. Le record est détenu par Bessières, nommé général le 18 juillet 1800 à la suite de sa brillante conduite à la bataille de Marengo le mois précédent. Comme il fait partie de la première promotion des maréchaux en 1804, il ne reste dans le grade de général que trois ans et dix mois, dont un an et huit mois seulement comme général de division, ce qui est également un record.

C. L’entrée et la carrière dans le maréchalat

61 Quel est l’âge des maréchaux au moment de leur promotion ? Quelle est leur durée de vie dans le maréchalat ?

i. L’âge des nouveaux maréchaux

62 La question est de savoir si Napoléon s’est entouré de jeunes ou de vieux maréchaux. Pour y répondre précisément, il existe deux approches complémentaires. D’une part, on peut classer les maréchaux par groupes d’âge quinquennaux, sans tenir compte de la date de leur nomination. Cette classification est utilisable à n’importe quel moment de la carrière, quel que soit le grade. D’autre part, on peut calculer l’âge précis des maréchaux au moment de leur entrée dans le maréchalat. La seconde méthode est différente de la première car l’âge lors de l’entrée dans le maréchalat dépend de la date de la nomination qui, au cas particulier, s’échelonne sur douze années.

63 La première approche montre que les dates de naissance des maréchaux s’échelonnent sur cinq décennies : près de quarante ans séparent Kellermann, né en 1735, de Marmont, né en 1774. Les maréchaux honoraires figurent des groupes recouvrant les périodes les plus anciennes, avant 1760, et le plus « jeune » d’entre eux Lefebvre, né en 1755, a quand même vingt ans de moins que le doyen, Kellermann. Deux groupes quinquennaux sont largement majoritaires : six maréchaux sont nés au cours de la période 1760-1764 et neuf sont nés au cours de la période 1765-1769. Ainsi, quinze maréchaux sur vingt-six sont nés au cours d’une période de dix ans. Ceux qui sont nés à partir de 1770 constituent l’exception.

64 La seconde approche, qui consiste à calculer l’âge des maréchaux, non plus dans l’absolu mais au moment de leur nomination, montre en premier lieu que l’âge moyen d’accession au maréchalat est de peu supérieur à 44 ans, pour les vingt-six maréchaux. Les sexagénaires Kellermann et Sérurier tirent la moyenne vers le haut, ce qui fait que l’âge médian n’est que de 43 ans. Pour la promotion de 1804, de loin la plus nombreuse (sept maréchaux sur dix), la moyenne d’âge est identique à celle de l’ensemble, 44 ans, mais si on retire du calcul les quatre maréchaux honoraires, qui appartiennent aux groupes d’âge les plus anciens, l’âge moyen des promus de 1804 est de 40 ans et deux mois et leur âge médian de 39 ans.

Âge atteint lors de l'accession au maréchalat

Âge atteint lors de l'accession au maréchalat

Âge atteint lors de l'accession au maréchalat

65 Napoléon recrute selon un éventail très large, s’agissant de l’âge, qui varie du simple au double puisque le plus vieux, Kellermann, a près de 69 ans, alors que le plus jeune, Davout, vient d’avoir 34 ans !

66 Si l’on classe les maréchaux, au moment de leur nomination, par tranches d’âge homogènes (âges arrondis à l’année la plus proche), on peut distinguer quatre groupes. Le premier est constitué par les huit maréchaux qui ont de 30 à 39 ans : le plus jeune est Davout, 34 ans, puis viennent Marmont, qui n’a pas encore 35 ans, Soult, Lannes, Ney et Bessières 35 ans, Mortier, 36 ans et enfin Murat, 37 ans.

67 Les quadragénaires, au nombre de douze, soit près de la moitié, sont représentatifs de la moyenne. Figurent dans cette tranche d’âge, par âge croissant, Brune, Bernadotte et Suchet, qui ont plus de 41 ans, puis, pour les valeurs centrales, Jourdan, Oudinot, Victor, Macdonald, Masséna, Augereau, qui ont entre 42 et 46 ans. Gouvion-Saint-Cyr, Grouchy et Lefebvre figurent parmi les plus âgés car ils ont dépassé 48 ans.

68 Le groupe des quinquagénaires compte quatre maréchaux, étant observé que Moncey et Pérignon n’ont pas tout à fait 50 ans et que Poniatowski et Berthier ont moins de 51 ans.

69 Enfin viennent les sexagénaires : Sérurier, avec 61 ans et cinq mois, et le doyen Kellermann, presque septuagénaire (68 ans, onze mois et vingt et un jours). Ces âges ne peuvent surprendre si l’on se souvient que ces deux maréchaux ne sont pas que des produits de la Révolution mais qu’ils ont aussi été soldats dans l’armée du Roi.

70 Sérurier, entré dans le métier des armes à l’âge de 13 ans, a fait la guerre de Sept Ans, autrement dit il a déjà servi sous Louis XV [23]. Il a combattu avec l’armée d’Italie et a soutenu Bonaparte le 18 brumaire. Il a été gouverneur de Venise et gouverneur des Invalides, et sera vice-président du Sénat. Toutefois, on ne le rencontrera pas sur les champs de bataille des armées impériales.

71 Kellermann est soldat dès l’âge de 15 ans. Tout comme Sérurier, il a fait la guerre de Sept Ans et il a acquis le grade de maréchal de camp en 1788. Il passe à la notoriété grâce à la bataille de Valmy. Il sera, comme Sérurier, sénateur (il présidera le sénat en 1804). Compte tenu de son âge, il ne se verra confier par Napoléon, sur le plan militaire, que des rôles secondaires, tel le commandement de troupes de réserve ou d’observation. Les sexagénaires, vraisemblablement choisis sur des considérations plus politiques que militaires, se trouvent donc dans une situation atypique.

Âge atteint, lors de l’accession au maréchalat, par groupes d’âges décennaux

Âge atteint, lors de l’accession au maréchalat, par groupes d’âges décennaux

Âge atteint, lors de l’accession au maréchalat, par groupes d’âges décennaux

72 Ainsi, que l’on considère l’année de naissance des maréchaux ou leur âge précis lors de leur nomination, on ne peut soutenir que Napoléon a nommé des jeunots au maréchalat. En effet, sur vingt-six maréchaux, quinze sont nés entre 1760 et 1769 et d’autres, plus anciens, ont même servi sous Louis XV. Il reste que dix-huit maréchaux, soit sept sur dix, ont plus de 40 ans lors de leur nomination, toutes promotions confondues. Napoléon a donc réservé le maréchalat à des hommes d’âge mûr, l’âge moyen atteint au moment de la nomination étant supérieur à 44 ans.

ii. La durée de vie après l’accession au maréchalat

73 Malgré un âge moyen relativement élevé au moment de leur nomination, les maréchaux ont une durée de vie plutôt inattendue pour l’époque et du fait de leur engagement dans les guerres de l’Empire. De la date de l’accès au maréchalat jusqu’à la date de décès, la durée de vie moyenne des maréchaux est en effet de vingt et un ans et sept mois, mais la durée médiane n’est que de seize ans à cause de valeurs extrêmes très éloignées. C’est ainsi que, pour les durées les plus brèves, on trouve Poniatowski, qui meurt trois jours après son entrée dans le maréchalat, et Lannes, qui meurt cinq ans plus tard. Pour les durées les plus longues, on trouve Marmont, mort quarante-trois ans et huit mois, et Soult, mort quarante-sept ans et six mois après l’accession au maréchalat. Fait remarquable, les quatre maréchaux honoraires, bien que d’âges différents au moment de leur nomination, ont une durée de vie voisine dans le maréchalat, de l’ordre de quinze ans.

Durée de vie après l'accession au maréchalat

Durée de vie après l'accession au maréchalat

Durée de vie après l'accession au maréchalat

74 Une approche complémentaire consiste à regrouper par tranches décennales les durées de vie après l’accession au maréchalat. La tranche 10-19 ans regroupe treize maréchaux, exactement la moitié. Les valeurs extrêmes de cette tranche sont de onze ans pour Berthier et dix-neuf ans pour Davout. La tranche suivante (valeurs supérieures à 20 ans et inférieures à 30) ne comporte que Jourdan, dont la durée de vie dans le maréchalat est de vingt-neuf ans et six mois. La tranche 30-39 ans comprend six maréchaux, avec pour valeurs extrêmes Macdonald, 31 ans et deux mois et Oudinot, 38 ans et deux mois. Le dernier groupe comprend les maréchaux dont la durée de vie après l’accession au maréchalat dépasse trente-neuf ans, les records de longévité étant détenus par Marmont, qui vit pendant près de quarante-deux ans et huit mois après avoir reçu le bâton de maréchal, et le doyen Soult, quarante-sept ans et six mois !

75 Les maréchaux ont donc une longévité particulièrement élevée. Il en résulte que, dans leur grande majorité, ils peuvent poursuivre leur carrière au service des Bourbons et des Orléans, après avoir servi sous Louis XVI – voire sous Louis XV –, fait les guerres de la Révolution, avant d’être distingués par Napoléon. Les maréchaux auront des occasions de trahir Napoléon et le seul fidèle sera Davout, ministre de la Guerre durant les Cent-Jours puis chassé de Paris par Louis XVIII. Mais celui-ci finira par le rappeler et en faire un pair de France [24]… On peut supposer que Lannes, s’il avait vécu en 1814-1815, serait lui aussi demeuré parmi les fidèles.

II) La mortalité des maréchaux

76 Dans quelles circonstances et de quoi les maréchaux de l’Empire meurent-ils ? A priori, comme les guerres sont incessantes de 1804, année de la première promotion, et 1815, année de la dernière, on peut supposer que les maréchaux ont de forts risques de mourir au feu. Sont-ils réellement exposés ?

77 Le mot qui revient le plus souvent, pour les qualifier, est « bravoure », qualité que l’on peut aisément associer à certains surnoms. Lannes est ainsi « le Rolland de l’armée d’Italie » ou « l’Achille de la Grande Armée ». Ney est « le Lion rouge », « le Brave des braves », « l’Infatigable ». Oudinot est « le Bayard de l’armée française » ou bien encore « le Sauveur de l’armée » [25]. Dans son classement des maréchaux, A. Pigeard place en tête, pour le critère « bravoure », Bessières, Davout, Lannes, Masséna, Murat, Ney et Oudinot [26]. Cette liste correspond-elle à celle des maréchaux blessés ?

A. Un critère d’évaluation des risques : les blessures par faits de guerre

78 Une fois nommés, les maréchaux ne sont pas exposés dans les mêmes proportions au cours des guerres de l’Empire, ne serait-ce que parce qu’ils ne sont pas engagés dans les mêmes combats et que le temps de présence au feu n’est pas identique pour tous. Parmi les maréchaux honoraires, Kellermann et Lefebvre ont participé aux campagnes de l’Empire, ce qui n’est pas le cas de Pérignon et Sérurier, mais ceux-ci ont couru des risques avant leur nomination. D’une façon générale, on peut affirmer que les maréchaux de l’Empire, tout comme les généraux et les autres officiers, vont au feu à la tête de leurs troupes. Ils peuvent donc être exposés à une mort violente, aussi bien par la nature des missions qui leur sont confiées que par les risques qu’ils prennent personnellement. Ces risques, encourus volontairement ou non, peuvent être mesurés concrètement à partir des blessures reçues au cours des combats.

i. L’exemple de l’Empereur

79 Pour Napoléon, les blessures reçues sont un critère d’évaluation de la valeur militaire : « Vous devez partir du principe qu’il faut avoir, pour me garder, quatre quartiers de noblesse, c’est-à-dire quatre blessures reçues au combat [27]. » On ne s’étonnera donc pas de compter Napoléon parmi les blessés, car il donnera toujours l’exemple, ne combattant pas de Paris, par personnes interposées : « Ce n’est pas des Tuileries qu’on peut diriger une armée », déclare-t-il à Chaptal [28]. La discrétion est de mise sur ses blessures. Selon Las Cases, « l’Empereur répétait qu’il avait été très souvent exposé dans ses batailles ; mais on le taisait avec le plus grand soin. Il avait recommandé une fois pour toutes le silence le plus absolu sur toutes les circonstances de cette nature [29]. »

80 On lui connaît plusieurs blessures. Alors qu’il n’est encore que chef de bataillon, il est blessé d’un coup de baïonnette à la cuisse à l’assaut du fort Mulgrave le 17 décembre 1793, lors du siège de Toulon ; les chirurgiens évoquent un moment l’amputation ! Napoléon est blessé sans gravité le 15 novembre 1796 au pont d’Arcole, le 14 janvier 1797 à Rivoli, le 21 mai 1809 à Essling, le 6 juillet 1809 à Wagram, le 15 septembre à Moscou (brûlure au cuir chevelu), le 20 mars 1814 à Arcis-sur-Aube. L’alerte est plus chaude au cours du siège de Ratisbonne, le 23 avril 1809, où il est touché au talon droit (ou à une autre partie du pied, les témoignages divergent sur la localisation exacte).

81 L’Empereur a de la chance, car s’il n’est pas sérieusement blessé, cela ne veut pas dire qu’il ne s’expose pas. À plusieurs reprises, des patrouilles ennemies sont sur le point de l’enlever ou de le tuer : à Borghetto en 1796, à Austerlitz en 1805, à Maloïaroslavets en 1812. Grâce à… sa plaque de la Légion d’honneur, Napoléon évite la lance d’un cosaque à Brienne en 1814, pendant la campagne de France.

82 La chance de Napoléon est d’autant plus manifeste que plusieurs de ses collaborateurs vont mourir près de lui, tels Muiron et Elliott en 1796 à Arcole et Cervoni en 1809 à Eckmühl. Le 22 mai 1813, à Markersdorf près de Görlitz, pendant la campagne d’Allemagne, le même boulet emporte Duroc, grand maréchal du palais, et Kirgener de Planta, commandant le génie et gendre du maréchal Lannes. En 1815 à Waterloo, Desvaux de Saint-Maurice, commandant l’artillerie de la Garde, meurt aux côtés de l’Empereur.

83 Lorsque les boulets n’atteignent pas les collaborateurs immédiats de l’Empereur, ce sont ses montures qui sont touchées. Napoléon estime lui-même que dix-huit ou dix-neuf chevaux ont été tués sous lui… L’Empereur échappe aussi à quelques accidents ou attentats (une noyade dans la vase à Marengo en 1800, le passage du Saint-Bernard, la machine infernale de la rue Saint-Nicaise, une tentative d’assassinat au château de Schönbrunn en 1809).

84 À Waterloo où, selon Victor Hugo, il y a bien un tombeau anglais et un tombeau allemand, « il n’y a point de tombeau français. Pour la France, toute cette plaine est un sépulcre ». Le miracle continue : entre la Belle-Alliance et la Haie-Sainte, « les boulets ricochaient sur le pavé de la chaussée autour de Napoléon. Comme à Brienne, il avait sur sa tête le sifflement des balles et des biscayens [30]. »

85 Ainsi, Napoléon est réellement exposé au feu, tout comme ceux que l’on appelle familièrement les « emplumés » et les « grosses épaulettes ».

ii. Les maréchaux blessés

86 On ne compte ici, évidemment, que les blessures sérieuses, celles relatées dans les biographies ou dans le Bulletin de la Grande Armée, et non les simples égratignures. Ces blessures sont nombreuses, dues à un coup de sabre ou de lance, ou bien encore causées par un boulet ou un biscaïen. Bien entendu, le risque de blessures dépend directement de la durée de la période au cours de laquelle les maréchaux sont exposés sur les champs de bataille.

87 Nous décomptons bien entendu les blessures reçues après l’accession au maréchalat, mais aussi celles reçues précédemment au cours des guerres de la Révolution et du début de l’Empire, cela pour deux raisons. D’une part, les maréchaux étaient presque tous soldats en 1789 [31]. D’autre part, comme nous l’avons mentionné plus haut, Napoléon jugeait ses soldats notamment eu égard au nombre des blessures reçues.

88 Le décompte des blessures peut être effectué selon deux approches complémentaires : d’une part à partir du nombre de maréchaux blessés, d’autre part en calculant le nombre de blessures reçues par chacun.

89 Les maréchaux ne sont pas moins épargnés que l’Empereur pendant les guerres de la Révolution et celles de l’Empire. Pas moins de vingt et un maréchaux sur vingt-six, autrement dit quatre sur cinq, versent leur sang sur les champs de bataille, beaucoup d’entre eux à plusieurs reprises. Le nombre total de blessures est de 95, mais elles sont inégalement partagées, si l’on examine le nombre de blessures reçues par chaque maréchal.

Blessures reçues au cours des combats

Blessures reçues au cours des combats

Blessures reçues au cours des combats

90 Augereau, général de division à l’armée des Pyrénées-Orientales, est blessé en 1794 à Saint Laurent de La Mouga (aujourd’hui Saint Laurent de Cerdans, haute vallée du Tech). Il a beaucoup de chance en 1806, pendant la campagne de Pologne, car son cheval est tué par un boulet à Golymin. En 1807, Augereau est sérieusement blessé au bras à Eylau ; bien que soigné efficacement par Larrey, il est obligé de rentrer en France.

91 Bernadotte est blessé grièvement en Prusse orientale à Spanden le 5 juin 1807, mais il est vainqueur des Russes.

92 Berthier ne sera pas seulement un remarquable chef d’état-major. En 1798, il prendra Rome et annoncera la naissance de la République romaine. Il aura l’occasion de manifester son courage : on le verra au pont de Lodi, il recevra une blessure à Marengo, et il aura un cheval tué sous lui à Wagram. En 1814, lors de la campagne de France, il sera blessé à Brienne d’un coup de lance à la tête.

93 Bessières, réputé pour son courage, cavalier intrépide, aura de la chance, en sortant indemne de bien des charges. Mais en 1809, à Wagram, il est blessé alors que son cheval a été fauché par un boulet. Il attendra 1813 pour mourir au combat.

94 Davout est de bien des batailles de la Révolution et de l’Empire. Chose remarquable, il ne connaît jamais la défaite. Il est de l’expédition d’Égypte et des grandes batailles en Europe de l’est. À Borodino-La Moskova, il est commotionné par un boulet au point de perdre connaissance, et il a beaucoup de chance car son cheval est tué sous lui.

95 Gouvion-Saint-Cyr méritera son bâton de maréchal en 1812 après une grave blessure à Polotsk le 18 août 1812, alors qu’il commande le 6e corps de la Grande Armée.

96 Quant au marquis de Grouchy, il reçoit la bagatelle de quatorze blessures à Novi (15 août 1799) où il tombe aux mains des Autrichiens. Sous l’Empire, il est blessé à Friedland. Au cours de la campagne de Russie, alors qu’il commande le 3e corps de cavalerie, il est blessé à la bataille de La Moskova. Il sera grièvement blessé en 1814, au cours de la campagne de France, à Craonne, ce qui l’obligera à quitter l’armée provisoirement.

97 Jourdan gagnera ses étoiles de divisionnaire après des blessures reçues pour la défense de la République en 1793 à Hondschoote, où un biscaïen lui transperce la poitrine, ainsi qu’à Wattignies. Il n’aura pas l’occasion de s’exposer aux blessures sous l’Empire, car Napoléon ne lui donnera pas de commandements militaires.

98 Lannes sera le premier des maréchaux à mourir sur un champ de bataille. Il sert à l’armée des Pyrénées contre les Espagnols de 1793 à 1795, et une balle lui traverse le bras à Banyuls (Pyrénées-Orientales). Pendant la campagne d’Italie, il est blessé deux fois à Bassano le 8 septembre 1796 et à Governolo le 15 septembre. Le 15 novembre suivant, à Arcole, il reçoit trois blessures, dont une en se portant au secours de Bonaparte. Il suit ce dernier en Égypte, prend part à tous les combats, est blessé à la tête en menant un assaut à Saint-Jean-d’Acre le 8 mai 1799, assez grièvement puisque dans un premier temps, ses soldats le croient mort [32]. Il est promu général de division à cette occasion. Il est à nouveau blessé au siège du fort d’Aboukir (27 juillet 1799), où il reçoit une balle dans la jambe. Il est soigné par le chirurgien en chef de la Garde impériale Larrey qui, selon ses propres termes, aura « le bonheur de lui porter des secours efficaces pour d’autres blessures qu’il avait reçues en Syrie et en Égypte » [33]. Lannes est aussi blessé à Montebello le 9 juin 1800, ce qui lui vaut son titre de duc. Il a de la chance à Austerlitz (2 décembre 1805), car deux aides de camp sont tués à ses côtés. Il est encore chanceux à Iéna (14 octobre 1806), où un boulet cause des dégâts matériels à son uniforme. Il est également blessé en Pologne à la bataille de Pultusk (26 décembre 1806) tout en étant vainqueur des Russes.

99 Lefebvre est présent dans toutes les batailles importantes dans le Nord et sur le Rhin de 1793 à 1799 ; il est blessé à Pfullendorf (21 mars 1799).

100 Macdonald est blessé mais victorieux à Modène (12 juin 1799) puis battu à La Trébie (du nom de la rivière Trebbia) les 17 et 19 juin suivants. Dix ans plus tard, alors qu’il est à l’armée d’Italie avec le prince Eugène, il est blessé à la bataille de La Piave (8 mai 1809) au cours de la marche sur Vienne pour rejoindre la Grande Armée qui mène la campagne d’Autriche.

101 Marmont sera blessé en 1807 en Croatie. Il sera grièvement blessé à un bras en Espagne à la bataille des Arapiles par un boulet (22 juillet 1812). Cette blessure le tiendra éloigné des combats jusqu’en 1813, où il reprendra du service pour la campagne d’Allemagne ; il sera blessé à la bataille de Leipzig.

102 Mortier sera chanceux à l’armée du Nord, lors de la bataille de Quiévrain (Belgique), avec un cheval tué sous lui, mais il sera blessé le 15 octobre 1793 à Dourlers (département du Nord, arrondissement d’Avesnes-sur-Helpe), puis en Espagne à Ocaña, le 19 novembre 1809.

103 Murat sera blessé au cours de la campagne d’Italie en 1797 lors de la marche sur Mantoue. Au cours de la campagne d’Égypte, à la bataille d’Aboukir, le 25 juillet 1799, une balle lui traverse la mâchoire de part en part ; il sera également blessé en Syrie. À Austerlitz, des dragons russes sont près de l’enlever, mais son heure n’est pas encore venue. Il sera toujours à la pointe du danger, conduisant des charges impressionnantes à la tête de ses cavaliers.

104 Ney est blessé en 1794 au cours du siège de Mayence. En 1799, il reçoit d’autres blessures à Winterthur et à Mannheim. On le retrouve pendant la campagne de Russie, où il est blessé au cou par une balle lors de la prise de Smolensk le 17 août 1812. Il se couvre de gloire en organisant la retraite, paye de sa personne et son courage fait merveille sur le moral des troupes ; il demeure dans la place de Vilna, à l’annonce de l’arrivée des Cosaques, dans la nuit du 9 au 10 décembre 1812, alors que Murat, auquel Napoléon a laissé le commandement de la Grande Armée, s’en éloigne précipitamment. Ney fait passer le Niémen sur la glace à toutes les troupes et il est le dernier à quitter le territoire russe, le 14 décembre 1812. Son sang coulera encore en 1813 à Lützen et lors de la bataille de Leipzig. Malgré des charges héroïques – mais tactiquement contestables – à Waterloo (d’aucuns se demanderont s’il ne veut pas en finir avec l’existence), il échappera à la mort, malgré quatre chevaux tués sous lui. Paradoxalement, ce sont des balles françaises qui auront raison de lui.

105 Pérignon sera grièvement blessé à la tête en Catalogne en 1793, après avoir vaincu les Espagnols à Rosas. Pendant la campagne d’Italie, il sera grièvement blessé et capturé à Novi (15 août 1799).

106 Le prince Poniatowski sera blessé en 1812 à la bataille de La Bérézina. Le 12 octobre 1813, il est atteint d’un coup de lance, ce qui ne l’empêche pas d’être présent le 16 pour la grande bataille de Leipzig. Le 19 octobre, il reçoit deux nouvelles blessures, peu avant de trouver la mort par noyade en essayant de franchir la rivière Elster.

107 Le maréchal Soult, bon stratège ayant la confiance de Napoléon, a la réputation de prendre peu de risques, restant à distance du front ; l’Empereur dira de lui : « C’est un excellent ministre de la Guerre ou major général : il sait beaucoup mieux disposer une armée que commander en chef. » Mais Masséna, alors qu’il commande l’armée d’Helvétie, estimera que Soult « s’est conduit avec un sang-froid et un courage admirables ». Toujours sous les ordres de Masséna, Soult sera blessé au cours du siège de Gênes, en mai 1800, une balle lui brisant le genou.

108 Suchet, présent notamment à Lodi, Rivoli, Castiglione, Bassano et Arcole, est blessé à deux reprises (1796-1797) alors qu’il n’est pas encore général.

109 Victor sera grièvement blessé au ventre, pendant le siège de Toulon (prise de la redoute anglaise dite Petit Gibraltar le 17 décembre 1793), où sa conduite lui vaudra d’être nommé général de brigade. Il sera blessé en Italie à La Trébie en juin 1799, bataille au cours de laquelle Macdonald est battu par le général russe Souvorov. Le sang de Victor coulera encore à Friedland. Il sera, comme son collègue Grouchy, blessé à Craonne en 1814, au cours de la campagne de France.

110 C’est à Oudinot, général de brigade à 28 ans, que revient le record des blessures. En 1808, alors qu’il est gouverneur d’Erfurt, il organise l’entrevue entre les deux empereurs. Napoléon le présente au tsar Alexandre Ier comme « le Bayard de l’armée française ». Oudinot tiendra lui-même la comptabilité de ses blessures, non sans quelque coquetterie. On peut, avec le général Marbot, se demander si le nombre élevé de blessures ne cache pas en réalité un manque d’organisation ou une certaine inconscience. Au début de la campagne de Russie, une première rencontre a lieu avec les troupes de Wittgenstein, au moment où Marbot, qui commande un régiment [34], vient de passer sous le commandement d’Oudinot. « Ce début confirma la haute opinion que j’avais de son courage, mais il m’en donna une plus faible de ses talents militaires. » Les récits qui suivent montrent à de nombreuses reprises l’impéritie d’Oudinot ; il nie l’évidence, n’écoute pas son chef d’état-major, ne tient pas compte des rapports de ses aides de camp ; « cette incrédulité fut sur le point de nous devenir fatale » [35]. Pendant les guerres de la Révolution, Oudinot est blessé à la tête le 17 décembre 1793 à Haguenau ; l’année suivante, il reçoit six blessures à Neckerau et il est même laissé pour mort. Il est blessé à de multiples reprises alors qu’il sert dans l’armée de Moselle. Combattant avec l’armée d’Helvétie, chef d’état-major de Masséna, il est blessé à Zurich en septembre 1799.

111 Oudinot est ensuite de toutes les guerres de l’Empire, hormis les campagnes d’Espagne et du Portugal. Il a notamment une cuisse transpercée le 8 octobre 1805 à Hollabrunn (nord-ouest de Vienne), une jambe cassée près de Dantzig en mai 1807, ce qui ne l’empêchera pas de se battre à Friedland. Il est blessé à Essling, puis à Wagram. Au cours de la campagne de Russie, il est grièvement blessé à Polotsk (18 août 1812), ce qui l’oblige à se retirer en Lituanie. Il sera indisponible pendant deux mois. Encore convalescent, il reprend le commandement de ses troupes pour la retraite et il est à nouveau gravement touché au passage de la Berezina, où il est remplacé par Ney. Au cours de la campagne de France, il échappe de peu à la mort à Brienne (29 janvier 1814), les deux cuisses éraflées par un boulet, puis à Arcis-sur-Aube (20 mars), lorsqu’une balle s’écrase sur sa plaque de grand aigle de la Légion d’honneur…

112 Le nombre de blessures reçues par Oudinot est vraisemblablement de trente-deux [36].

113 Le rapprochement de la liste « bravoure » établie par Alain Pigeard avec le nombre de blessures reçues aboutit à une concordance en ce qui concerne Oudinot et Lannes, respectivement premier avec trente-deux blessures et troisième avec onze blessures reçues. Ney ne compte que cinq blessures et Murat trois blessures seulement. Les deux autres maréchaux les plus braves, Bessières et Davout, ne peuvent faire valoir qu’une blessure.

114 Une approche synthétique des maréchaux, selon le nombre de blessures reçues, aboutit à un nombre moyen de blessures, calculé sur l’ensemble de l’effectif, de 3,7. Ce chiffre est tiré vers le haut car, comme l’énumération précédente le montre, quelques maréchaux ont reçu un grand nombre de blessures ; pour cette raison, la médiane n’est que de deux blessures. Si l’on considère uniquement les maréchaux blessés, soit vingt et un, le nombre moyen de blessures est de 4,5, la médiane, évidemment, étant toujours de deux.

115 Si l’on regroupe les maréchaux selon le nombre de blessures reçues, il apparaît que quatre maréchaux sur cinq ont reçu au moins une blessure, les plus nombreux étant ceux qui ont reçu deux blessures.

NOMBRE DE BLESSURES REÇUESNOMBRE DE MARÉCHAUX
16
28
3 à 54
6 à 90
10 et plus3
sous-total blessés21
sous-total épargnés5
TOTAL26

iii. Les maréchaux épargnés

116 Sur les vingt-six maréchaux, cinq ne sont pas recensés au nombre des blessés : Brune, Kellermann, Moncey, Sérurier et Masséna. L’absence de blessures peut avoir plusieurs causes. Les maréchaux épargnés peuvent avoir été plus chanceux que les autres. Ils ont peut-être, surtout les plus jeunes, été engagés dans un moins grand nombre de combats. Enfin, tout en participant à de nombreuses batailles, certains se sont volontairement moins exposés.

117 Masséna, dont l’Empereur dira qu’il a « des talents militaires devant lesquels il faut se prosterner », se taille une première réputation au cours de la campagne d’Italie ; lors du siège de Gênes, il échappe de peu à une bombe tirée d’un navire anglais. Il est de bien des batailles de la Révolution et de l’Empire, et notamment en Europe de l’Est. Mais en fait de blessures de guerre, Masséna se contente d’une chute de cheval à Wagram, dans l’île de Lobau, alors qu’il est en reconnaissance avec l’Empereur. Le général Marbot, témoin oculaire, précise que le cheval de Masséna est tombé dans un trou caché par de hautes herbes et que « le maréchal fut assez grièvement blessé à une jambe pour ne plus pouvoir se tenir en selle » [37]. Il commandera donc à partir d’une calèche, son chirurgien près de lui… Masséna pourrait être compté au nombre des maréchaux blessés pour faits de guerre, mais pas au feu. Puisqu’il figure au nombre des maréchaux les plus braves sur la « liste Pigeard » donnée plus haut, l’absence de blessures n’est certainement pas due à son manque d’engagement dans les combats.

118 Brune combat un peu partout pendant les guerres de la Révolution et s’illustre dans les armées du Nord, de l’Ouest, de Hollande, d’Italie, à Arcole et Rivoli. Le Directoire va lui confier le commandement de l’armée d’Italie, mais sous l’Empire, il tombe en disgrâce après la campagne de Prusse en 1807.

119 Moncey n’a pas une mauvaise réputation. Il combat dans les armées de la Révolution, à Marengo. Il est envoyé par Napoléon en Espagne au début de 1808, où il remporte des succès et fait les sièges de Valence et de Saragosse. Il commande les réserves de 1809 à 1813 et, alors qu’il est sexagénaire, il dirige la défense de Paris, le 30 mars 1814.

120 Kellermann, nommé à 69 ans, n’aura pas l’occasion de briller sur les champs de bataille ; dans la période précédente, il n’a guère couru de risques à la bataille de Valmy où, du reste, il n’est que le subordonné de Dumouriez mais il a un chef d’état-major nommé… Berthier [38]. Kellermann a pourtant eu l’occasion d’être exposé au feu, lorsqu’il a commandé les armées des Alpes et d’Italie depuis le 20 mai 1793 jusqu’à son remplacement par un certain… Bonaparte.

121 Sérurier, vice-doyen des maréchaux, a combattu au cours de la guerre de Sept Ans. Il se fera toujours remarquer par ses qualités de sérieux et de courage, notamment par Bonaparte lui-même qui le prendra comme adjoint à l’armée d’Italie. Mais c’est pratiquement à l’armée d’Italie qu’il terminera sa carrière « active ».

122 On peut donc considérer que l’absence de blessures est logique pour Kellermann et Sérurier, alors qu’elle s’explique difficilement pour Brune ou Moncey, et encore moins pour Masséna, dont l’absence de blessures au feu ne peut être le résultat de son manque de bravoure.

B. Analyse quantitative des décès

123 Malgré les risques encourus, malgré des taux de mortalité élevés pour l’époque et une espérance de vie à la naissance particulièrement faible, malgré des pertes militaires importantes sous l’Empire, les maréchaux constituent une exception, aussi bien à cause de leur longévité que par les causes de décès.

i. L’âge au décès

124 Toutes promotions confondues, l’âge moyen au décès des maréchaux du Premier Empire approche 65 ans et neuf mois, ce qui est un âge particulièrement élevé pour le début du XIXe siècle. Les âges de décès des maréchaux s’échelonnent de 40 ans pour Lannes jusqu’à près de 88 ans pour Moncey. L’âge médian est de 66 ans, valeur très proche de l’âge moyen, du fait d’une répartition homogène des groupes d’âge de décès.

Âge du décès

Âge du décès

Âge du décès

125 Le groupe des quadragénaires, en dehors de Lannes, comprend Bessières, Ney et Murat. Les quinquagénaires sont au nombre de six : Poniatowski, Brune, Davout, Suchet, Masséna et Augereau. Le groupe des sexagénaires comprend cinq maréchaux : Berthier, Pérignon, Lefebvre, Gouvion-Saint-Cyr et Mortier. Les septuagénaires sont au nombre de cinq : Jourdan, Macdonald, Victor, Sérurier et Marmont. Le dernier groupe comprend six octogénaires : Oudinot et Grouchy, morts à plus de 80 ans, Bernadotte, mort à 81 ans, Soult, sur le chemin des 83 ans, Kellermann qui a dépassé 85 ans et enfin Moncey, le doyen, mort à près de 88 ans.

126 De ce bilan, on peut retenir les valeurs extrêmes :

127

  • quatre maréchaux, autrement dit un sur sept, décèdent avant d’avoir atteint 50 ans, ce qui n’a rien d’étonnant puisque deux meurent au combat et deux sont fusillés ;
  • les octogénaires représentent près du quart des maréchaux (six sur vingt-six).

128 La longévité des maréchaux est d’autant plus remarquable qu’elle dépasse de beaucoup celle de leurs contemporains, dont l’espérance de vie à la naissance n’excède guère 35 ans [39].

ii. L’extinction du corps des maréchaux

129 L’effectif de départ est de dix-huit en 1804 et il ne sera pas inférieur à ce chiffre jusqu’en 1815, les nominations nouvelles compensant les décès successifs. Il demeure inchangé en 1805 et 1806 et il s’étoffe à partir de 1807 pour atteindre son maximum en 1812, avec vingt-trois maréchaux vivants. Les décès commencent dès 1809, avec la mort de Lannes. De 1809 à 1814, l’effectif reste au-dessus de vingt, mais il va en décroissant à partir de 1813, car le nombre de nouvelles nominations est inférieur à celui des décès.

130 Depuis la création du corps, on déplore un décès seulement en 1809 et deux en 1813, tous survenus au cours des combats.

131 C’est l’année 1815, celle de la chute définitive de Napoléon, qui détient le record du nombre de décès et, paradoxalement, aucun des quatre maréchaux morts en 1815 ne meurt sur un champ de bataille : trois décès sont consécutifs au changement de régime politique (Brune, Ney, Murat), ce qui pourrait être aussi le cas de Berthier, dans l’hypothèse où il aurait été assassiné.

132 L’année 1815 est à la fois la dernière année de nominations et l’année qui marque la fin de l’Empire. C’est donc à partir de 1816 que, mécaniquement, le corps des maréchaux de l’Empire entre en extinction, mais très lentement. En effet, de 1816 à 1852, le nombre de décès dépasse rarement un par an et il est de deux au maximum. On compte en moyenne un décès tous les deux ans, ce qui est également le cas pour la période 1804-1815, alors que les maréchaux étaient en activité et engagés dans les guerres de l’Empire.

PÉRIODENOMBRE D’ANNÉESNOMBRE DE MORTSMOYENNE ANNUELLE
1804/18151270,58
1816/185237190,51
Ensemble49260,53

133 Ce n’est qu’en mars 1852, avec la mort de Marmont, que s’éteint le corps des maréchaux de l’Empire. Quelques mois plus tard, le neveu du créateur des maréchaux de l’Empire est proclamé empereur des Français sous le nom de Napoléon III.

134 Clin d’œil de l’Histoire, treize maréchaux mourront au cours de la période 1809-1820, et treize au cours de la période 1823-1852. Napoléon mourra entre ces deux périodes…

Évolution et extinction du corps des maréchaux

Évolution et extinction du corps des maréchaux

Évolution et extinction du corps des maréchaux

A. Les causes de décès

135 On peut distinguer deux grandes catégories de causes de décès : les morts violentes et les morts naturelles. D’une façon générale, on peut dire que sur les vingt-six maréchaux, rares sont ceux qui termineront leur carrière sur un champ de bataille. Quelques-uns mourront de mort violente, mais pas à la tête de leurs hommes, même si leur décès a un rapport direct avec le service de l’Empereur. Le plus étonnant est que, dans une proportion proche des trois quarts, les maréchaux de Napoléon finiront leurs jours dans leur lit !

Causes de décès

Causes de décès

Causes de décès

i) Les maréchaux morts au combat

136 Curieusement, trois maréchaux seulement sur vingt-six meurent au combat.

137 Au cours des cinq ans qui suivent la grande promotion de 1804, le premier décès est celui de Lannes, mort le 31 mai 1809 des suites de blessures reçues à la bataille d’Essling le 22 mai précédent. Par un étrange caprice du destin, le général de brigade Pouzet, un ancien sergent du régiment de Champagne, qui avait discerné les aptitudes militaires du jeune sous-lieutenant Lannes au 1er bataillon des volontaires du Gers, est tué d’une balle perdue qui le frappe en pleine tête, alors qu’il marche aux côtés de son ancien protégé. Lannes est très ému, car il éprouve une très grande reconnaissance pour celui qui lui a appris le maniement des armes et l’art de la manœuvre. Pendant qu’on enlève le cadavre de son ami, le maréchal Lannes s’assied, tout ému, au bord d’un fossé ; c’est alors qu’il est fauché par le boulet qui lui sera fatal [40]. Il est âgé de 40 ans à peine.

138 Le 22 mai 1809, selon le récit du chirurgien Larrey, « un boulet de gros calibre, après avoir fait un premier ricochet dans le fort de sa course, rencontra le genou gauche du maréchal, le traversa dans son épaisseur et, changeant de direction, sans perdre de sa force, effleura la cuisse droite, dont il coupa les tégumens et une portion du muscle vaste interne, au lieu le plus saillant, et très près de l’articulation du genou, laquelle, fort heureusement, n’avait pas été entamée. Le duc fut renversé sur le coup, en éprouvant une violente commotion au cerveau et un très grand ébranlement dans tous les organes [41]. » Larrey panse la jambe droite puis pratique l’amputation de la jambe gauche, après avoir recueilli les avis de quelques confrères, contrairement à ce que soutient le général Marbot, aide de camp du maréchal Lannes [42].

139 Après quelques jours de relatif répit, le maréchal entre en agonie. Il meurt le 30 mai, âgé de 40 ans à peine, victime vraisemblablement d’une septicémie, à Kaiser-Ebersdorf, chez un brasseur où il a été hébergé pour se faire soigner. L’Empereur est atterré, car il éprouvait à la fois une grande affection pour Lannes, qui était un des rares à le tutoyer dans l’intimité, et une grande admiration pour ses qualités de soldat sorti du rang. Napoléon qualifie la mort du maréchal de « perte pour la France » et demande à Marbot, aide de camp de Lannes, de faire embaumer le corps et de le faire rapatrier. Ainsi disparaît « un homme qui, sorti des dernières classes de la société, mais doué d’une haute intelligence et d’un courage à toute épreuve, s’était élevé par son propre mérite au premier rang… » [43].

140 On ne compte aucun décès de maréchal en 1810, 1811 et même en 1812, alors que, dans la campagne de Russie, sont engagés Berthier, Bessières, Davout, Gouvion-Saint-Cyr, Grouchy, Lefebvre, Macdonald, Mortier, Murat, Ney, Oudinot, Poniatowski et Victor. Ces treize maréchaux représentent la moitié de l’effectif, et même plus de la moitié si l’on retranche du total Lannes (déjà mort) et Bernadotte (qui n’est plus sous le commandement de Napoléon depuis 1810). Cette absence de décès tient du miracle quand on songe que, du fait de cette campagne, quarante-quatre généraux mourront (soit près de 15 % de l’effectif engagé), dont trente-six dès 1812.

141 Deux décès surviennent en 1813, mais dans des circonstances finalement peu glorieuses pour des hommes de cette trempe. Ainsi Bessières, dont l’action fut déterminante à la bataille d’Essling, se fait tuer en Saxe à Rippach (plus précisément à Poserna) le 1er mai 1813, la veille de la bataille de Lützen. Au cours d’une patrouille de reconnaissance, il se fait trouer la poitrine par un boulet. Il n’a pas encore 45 ans.

142 Le 19 octobre suivant, Joseph Poniatowski meurt à la bataille de Leipzig trois jours après son accession au maréchalat. Alors qu’il est chargé de protéger la retraite de l’armée française, il se noie bêtement en traversant la rivière Elster, car un sapeur du génie a fait sauter un pont prématurément. Poniatowski meurt ainsi à 50 ans, après avoir affronté maintes batailles et survécu à la campagne de Russie.

143 Il est difficile de faire une comparaison pertinente entre les maréchaux et les généraux, s’agissant des causes de décès par morts violentes au cours des combats. En effet, les grandeurs en cause sont très différentes et tous les généraux n’ont pas été engagés dans des campagnes pendant toute la durée de la période, alors que c’est le cas de presque tous les maréchaux. Cependant, sur un effectif engagé de 1 546 généraux pendant la période 1800-1815, on dénombre 350 décès, toutes causes confondues, soit près de 23 % [44]. Sur vingt-six maréchaux, sept sont morts pendant la période 1804-1815, proportion qui n’est pas trop éloignée de celle observée pour les généraux. Mais si la comparaison porte sur les causes de décès, la situation est radicalement différente. Sur 309 décès enregistrés de 1804 à 1815, 224, soit près des trois quarts, sont imputables à des morts violentes en cours de campagne (tués, morts sur blessures ou d’épuisement), alors que pour les maréchaux, la proportion est inférieure à la moitié (trois décès sur sept : il aurait fallu cinq décès sur sept pour obtenir le même résultat que pour les généraux.).

ii. Les autres morts violentes

144 Les morts violentes autres que celles survenues sur le champ de bataille sont au nombre de cinq, dont quatre surviennent en 1815 : Berthier, Brune, Murat et Ney.

145 Berthier, le fidèle chef d’état-major, qui s’est rallié aux Bourbons en 1814, qui suit Louis XVIII à Gand, est rayé de la liste des maréchaux par Napoléon, comme il se doit. Il se réfugie en Bavière et, le 1er juin 1815, quelques jours avant la bataille de Waterloo, il se tue en tombant d’une fenêtre du château de Bamberg, dans la région de Nuremberg, où il réside avec sa famille. Il a 61 ans et six mois. On pense généralement qu’il s’agit d’un suicide, car il était depuis quelque temps atteint de neurasthénie. Cependant, certains se demandent si ce n’est pas un assassinat, d’autres penchent pour un accident, une crise d’apoplexie ayant entraîné sa chute. Quelle que soit la cause du décès, il s’agit d’une mort violente mais non imputable à un combat.

146 Brune meurt aussi en 1815, le 2 août, peu après la bataille de Waterloo. Il n’y a aucun doute sur les causes du décès. Après avoir rallié les Bourbons en 1814, Brune se repent et Napoléon, de retour de l’île d’Elbe, le fait pair, lui donnant un commandement en Provence. Des bandes de royalistes soulèvent le midi de la France contre les Bonapartistes : c’est la Terreur blanche. En route pour Paris, Brune se fait prendre à Avignon, où il a été obligé de se réfugier dans une auberge. Il est, si l’on peut dire, tué plusieurs fois : par balles et à coups de poignard par des Verdets [45] dans cette auberge, puis par noyade, car on a jeté son corps dans le Rhône, puis enfin à coups de fusil… Il a un peu plus de 52 ans.

147 Murat l’intrépide meurt dans des circonstances dramatiques le 13 octobre 1815, à 48 ans et six mois. La mort, maintes fois côtoyée sur les champs de bataille d’Europe, n’a pas voulu de lui sabre au poing. Roi de Naples, il tente de récupérer son royaume car, contrairement aux ordres de Napoléon, il s’est attaqué aux Autrichiens et, le 2 mai 1815, il a perdu la bataille de Tolentino et son trône. Il s’enfuit en France, puis revient en Italie. Débarqué à Naples le 8 octobre, il se fait arrêter par Ferdinand IV, celui-là même que les alliés ont rétabli sur le trône de Naples au congrès de Vienne. Murat est condamné à mort en un rien de temps et fusillé le 13 octobre 1815.

148 Ney se rallie aux Bourbons et promet à Louis XVIII de ramener l’usurpateur dans une cage de fer, mais, en cours de route, il succombe au charme de l’Empereur. Il combat à Waterloo, où quatre chevaux sont tués sous lui. Encore un soldat qui ne mourra pas au cours d’une bataille. Lorsqu’il demande, à Waterloo, « il n’y a donc rien pour moi ? », Victor Hugo répond : « Tu étais réservé à des balles françaises, infortuné [46] ! » Ney est arrêté au début du mois d’août 1815. Il est un temps incarcéré à la Conciergerie, puis jugé par un conseil de guerre dans lequel siègent quelques-uns de ses collègues, Jourdan, Masséna et Mortier. En revanche, Moncey refuse de siéger et Davout vient témoigner en faveur du maréchal Ney. Finalement, le conseil de guerre se déclare incompétent, mais la Chambre des pairs vote la peine capitale. Ney, seul parmi les maréchaux de Napoléon, sera exécuté au nom du roi ; les autres, pour une conduite identique, mériteront la mansuétude royale, voire des honneurs. Le Brave des braves sera fusillé derrière le Luxembourg, avenue de l’Observatoire, le 7 décembre 1815, à 46 ans ; c’est le seul maréchal de Napoléon qui meurt sous des balles françaises.

149 La dernière mort violente est celle de Mortier, mais loin de la période troublée de 1815. Rallié à Napoléon pendant les Cent-Jours, il commande en chef la Garde impériale mais ne participe pas à la bataille de Waterloo, car il est malade et remplacé par le général Drouot. Mortier se réconcilie avec Louis XVIII, qui en fait un pair de France, puis il sert Louis-Philippe, qui le nomme ambassadeur en Russie en 1830 et grand chancelier de la Légion d’honneur, puis ministre de la Guerre en 1834. Au cours d’une sortie avec le roi des Français, qui se rend à la Bastille pour y célébrer la fête de la révolution de 1830, Mortier, avec dix-sept autres personnes, figure au nombre des victimes de la machine infernale de Fieschi, le 28 juin 1835. Il a un peu plus de 67 ans. C’est le seul maréchal décédé par mort violente après 1815.

150 Ainsi, sur cinq morts violentes, trois sont dues au changement de régime politique (Brune, Murat et Ney). Les deux autres sont imputables, soit à un suicide – ou un accident – (Berthier), soit à un attentat (Mortier). Berthier et Mortier sont sexagénaires ; l’âge des trois autres s’échelonne autour de 50 ans. Leur âge moyen est de 60 ans. Si l’on considère l’ensemble des morts violentes, l’âge moyen des huit victimes est de 51 ans et trois mois, leur âge médian, de 49 ans.

iii. Les morts naturelles

151 Dans l’immense majorité des cas, le décès des maréchaux n’est pas dû à une arme blanche ou à une arme à feu. Pour dix-huit d’entre eux, soit sept sur dix, la mort survient alors qu’ils sont dans leur lit, emportés par la maladie ou tout simplement par la vieillesse. Ils ont en moyenne 72 ans ; l’âge médian est plus élevé, 76 ans, car certains maréchaux sont morts de maladie en étant seulement cinquantenaires.

152 La maladie est responsable de neuf décès, qui s’échelonnent de 1816 (Augereau) à 1851 (Soult).

153 La nature précise des affections n’est pas toujours qualifiée de manière identique selon les auteurs, d’autant que le nom même des maladies a varié dans le temps [47]. Mais cela est d’une importance mineure puisque nous comparons ici les décès par maladie aux autres causes de décès. La moyenne d’âge des maréchaux morts de maladie est de 66 ans et quatre mois, mais comme les octogénaires Soult et Bernadotte tirent cette moyenne vers le haut, l’âge médian au décès par maladie n’est que de 64 ans.

154 Davout est le plus jeune maréchal à être emporté par la maladie : il s’éteint à peine âgé de 53 ans, victime de phtisie pulmonaire, maladie qui emporte également Masséna alors qu’il n’a pas encore 59 ans. Après Davout, le plus jeune maréchal mort de maladie est Suchet : il ne résiste pas à un cancer de l’estomac, aggravé ensuite par un cancer du foie. L’hydropisie de poitrine frappe Augereau dans sa cinquante-neuvième année et Lefebvre, dans sa soixante-cinquième année. C’est l’apoplexie qui cause le décès de Pérignon à 64 ans passés. Bernadotte coule des jours heureux comme roi de Suède, mais sa santé se dégrade à l’automne 1843 ; une sclérose des artères provoque une gangrène qui débute au pied droit puis remonte dans la jambe, et il meurt à 81 ans. Sérurier meurt à 77 ans, atteint d’une paralysie du cerveau faisant suite à des crises de goutte récidivantes. Enfin, c’est sous l’action simultanée d’une pneumonie et d’une affection cardiaque que Soult meurt dans sa 83e année.

155 Les « maladies de poitrine » sont donc majoritaires, étant précisé qu’au début du XIXe siècle, on englobe sous ce vocable aussi bien les affectations de l’appareil respiratoire que les maladies cardiaques mais, pas plus que les autres maladies, elles ne semblent consécutives, ni à la fréquentation des champs de bataille, ni à la vie militaire.

156 Les autres morts naturelles sont également au nombre de neuf : tous les maréchaux qui ont échappé aux morts violentes ou aux maladies meurent tranquillement de vieillesse dans leur lit. Leur âge moyen avoisine 77 ans et dix mois, valeur significative car elle est très proche de l’âge médian, 78 ans.

157 Le plus jeune est Gouvion Saint-Cyr, qui meurt sans avoir atteint 66 ans. Jourdan, Macdonald, Victor et Marmont sont septuagénaires [48]. Oudinot, l’homme aux trente-deux blessures, Grouchy, Kellermann et Moncey sont octogénaires ; ce dernier, pour un peu, serait mort nonagénaire. Les décès des maréchaux morts de vieillesse surviennent de 1820 pour Kellermann, à 1852 pour Marmont, qui est aussi dernier maréchal en vie [49].

158 Curieusement, les morts s’échelonnent, non en fonction de l’âge des maréchaux, mais en fonction des causes de décès, comme le montre le tableau ci-après :

CAUSE DE DÉCÈS1ER DÉCÈS ENDERNIER DÉCÈS EN
mort au combat18091813
autres morts violentes18151835
maladie18161851
vieillesse18201852

159 Ainsi, une fois franchis les écueils de la mort due aux combats, aux suites de blessures ou aux épidémies, l’exercice physique sous les latitudes et les climats les plus variés donne un passeport de longue vie à nos maréchaux.

Synthèse des observations

160 Les données démographiques analysées ci-dessus présentent quelques aspects significatifs.

161

  1. Lorsqu’ils accèdent au grade de général de brigade, les futurs maréchaux sont très jeunes : 32 ans en moyenne, étant rappelé que onze ont moins de trente ans, et que quatre ont moins de 26 ans.
  2. Ils sont également très jeunes lors de leur nomination au grade de général de division : 35 ans en moyenne ; ils demeurent moins de trois ans dans le grade précédent.
  3. Ils attendent neuf ans avant l’accession au maréchalat, qu’ils atteignent alors qu’ils ont en moyenne 44 ans, avec aux extrêmes 34 et 69 ans. C’est donc à des hommes mûrs, et non pas à des jeunots, comme on le croit souvent, que Napoléon remet le bâton de velours bleu aux trente-deux aigles.
  4. Dans leur grande majorité, les maréchaux de Napoléon ont couru des risques élevés, reçu des blessures, résisté à la maladie, à une époque où les taux de mortalité par suite de blessures étaient élevés. Pourtant, ce n’est pas sur les champs de bataille qu’ils finissent leurs jours. Les maréchaux morts au combat – trois sur vingt-six – constituent l’exception. Avec les autres morts violentes, les décès prématurés représentent environ un tiers des décès. Un autre tiers des causes de décès est constitué par les maladies et le dernier tiers est dû à la vieillesse. Ainsi, plus des deux tiers des maréchaux (dix-huit sur vingt-six) finissent leur vie « comme tout le monde », c’est-à-dire dans leur lit.
  5. Pour l’époque, l’âge moyen des maréchaux, au décès, toutes causes confondues, est très élevé : ils ont près de 66 ans (âge moyen et âge médian). Sur les seize maréchaux morts après 60 ans, deux mourront prématurément de mort violente (Berthier et Mortier) et les quatorze autres mourront dans leur lit. Les quatre plus jeunes, morts avant 50 ans, mourront, soit sur un champ de bataille, tels Lannes et Bessières, soit fusillés, tels Murat et Ney. Enfin, sur les onze maréchaux ayant dépassé 70 ans, huit mourront de vieillesse.
  6. Malgré des effectifs très faibles, le corps des maréchaux de l’Empire survivra à son créateur pendant plus de trente ans, et il perdurera pendant un demi-siècle !

Notes

  • [1]
    La dignité de maréchal avait été supprimée par la Convention nationale le 21 février 1793.
  • [2]
    Mémoires de Fouché, Paris : Flammarion, 1947 p. 221.
  • [3]
    Le mot corps est utilisé par commodité car, contrairement aux corps de la fonction publique (même sous l’Empire), il n’existe pas, pour les maréchaux, de statuts, avec grades, classes et échelons, grilles de rémunérations, etc.
  • [4]
    Les données démographiques analysées ici complètent et approfondissent le Dictionnaire des maréchaux du Premier Empire de Jacques JOURQUIN, Paris : Christian-Jas, 2001.
  • [5]
    Le nombre vingt-six est-il attaché à la personne de Napoléon ? Victor Hugo commence ainsi la description de la charge des cuirassiers de Milhaud à Waterloo : « C’étaient des hommes géants sur des chevaux colosses. Ils étaient vingt-six escadrons… », et il constate que Wellington va leur opposer une défense de fantassins organisée symétriquement : « Bizarre coïncidence numérique, vingt-six bataillons allaient recevoir ces vingt-six escadrons. » Les misérables, 2e partie, livre Ier « Waterloo », chapitre IX, « L’inattendu », Paris : J.-J. Pauvert, 1963, pp. 437-438.
  • [6]
    On a dit par exemple que l’ordre du tableau est celui de l’accession au grade de général de division, sauf pour Berthier et Murat ; mais l’examen des dates ne permet pas de justifier cette hypothèse.
  • [7]
    Mémoires de Fouché, Paris : Flammarion, 1947, pp. 221-222.
  • [8]
    Mémoires du général baron de Marbot, Paris : Mercure de France, 1983, t. I, p. 638
  • [9]
    MARBOT, op. cit., t. II, p. 334.
  • [10]
    MARBOT, op. cit., p. 312.
  • [11]
    MARBOT, op. cit., p. 306.
  • [12]
    MARBOT, op. cit., p. 307.
  • [13]
    Détail donné par Alain PIGEARD, Dictionnaire de la Grande Armée, Paris : Tallandier, 2002 p. 295. De nos jours, les grades de général de corps d’armée – quatre étoiles – et de général d’armée – cinq étoiles – font partie intégrante de la hiérarchie militaire ; la dignité de maréchal donne droit au port de sept étoiles.
  • [14]
    Le détail de l’uniforme des maréchaux est fixé par les décrets des 18 juillet et 13 décembre 1804.
  • [15]
    La date de nomination de Marmont comme aide de camp est incertaine. Le Dictionnaire Napoléon (Paris : Fayard, 1999) indique p. 53, à la rubrique aide de camp, le 3 décembre 1796, mais p. 278, à la rubrique Marmont, sous une autre plume, il s’agit de « février 1796 ». Pour Georges SIX, Marmont a été nommé aide de camp le 3 février 1796 (Dictionnaire des généraux de la Révolution et de l’Empire, Paris : Saffroy, 1934, p. 158).
  • [16]
    Cité dans L.-H. PARIAS (dir.), Histoire du peuple français, Paris : Nouvelle Librairie de France, 1952, t. III, p. 264.
  • [17]
    MARBOT, op. cit., t. I, p. 103.
  • [18]
    La promotion de Napoléon Bonaparte est des plus rapides : nommé chef de bataillon deux mois plus tôt (18 octobre 1793), il « saute » ainsi les grades de major (lieutenant-colonel) et colonel. Peut-être aura-t-il un regret de n’être pas passé par le grade de colonel, puisqu’il portera, à partir de 1802, l’uniforme de colonel des chasseurs à cheval ou celui des grenadiers à cheval…
  • [19]
    La date de nomination de Poniatowski au grade de général de brigade ne nous est pas connue ; il a été nommé général de division à 29 ans, et il était général-major en 1789 (Jean TRANIÉ, L’entourage de Napoléon, Paris : Pygmalion, 2001, p. 365) ; comme il est né en 1763, on a considéré qu’il était général de brigade (ou un grade équivalent) au plus tard à 26 ans.
  • [20]
    Jacques HOUDAILLE, dans Population, n° 4/5, 1994, p. 1169.
  • [21]
    Avant la Révolution, le nom s’écrit d’Avout ou d’Avoust. Pour éviter de se faire suspecter de sympathie avec l’Ancien Régime, le futur maréchal abandonne la particule… D’autres, une fois entrés dans la noblesse impériale, s’en attribueront une. Le nom figurant sur la façade est de l’arc de triomphe de l’Étoile est orthographié « Davoust ».
  • [22]
    Gouvion Saint-Cyr a toutefois connu antérieurement une promotion record : il s’enrôle en 1792, devient capitaine la même année, adjudant général (intermédiaire entre colonel et général de brigade) en 1793 puis général de division en 1794 !
  • [23]
    À la suite d’un renversement des alliances, la France et l’Autriche ont été opposées à la Prusse et à l’Angleterre ; la guerre dure de 1756 à 1763, se terminant par le traité de Paris ; la France perd de manière définitive l’Inde et le Canada, notamment.
  • [24]
    Ministre de la Guerre pendant les Cent-Jours, du 20 mars au 8 juillet 1815, il est placé en résidence surveillée à Louviers, mais le roi finit par lui rendre son bâton de maréchal en 1817 pour le nommer ensuite pair de France en 1819.
  • [25]
    Alain PIGEARD, op. cit., p. 395.
  • [26]
    Alain PIGEARD, op. cit., p. 394-395. Les autres critères de classement sont la science militaire et tactique, l’intégrité et l’honnêteté. Les maréchaux sont cotés d’une à quatre étoiles.
  • [27]
    Lucian REGENBOGEN, Napoléon a dit, Paris : Les Belles Lettres, 2002, p. 20.
  • [28]
    Jean-Antoine CHAPTAL, Mes souvenirs sur Napoléon, Paris : Mercure de France, 2009, p. 128.
  • [29]
    LAS CASES, Mémorial de Sainte-Hélène, Paris : Ernest Bourdin, 1842, p. 251.
  • [30]
    Victor HUGO, Les Misérables, Paris : J.-J. Pauvert, 1963, 2e partie, livre premier, « Waterloo », chapitre VIII, pp. 431 et 432. Le biscaïen est un petit boulet, de la taille d’un œuf, tiré d’une bouche à mitraille.
  • [31]
    D’après Georges Six, Lannes entre au 2e bataillon du Gers en 1792, Marmont, au bataillon de garnison de Chartres en 1790, et Suchet, dans la cavalerie de la garde nationale de Lyon en 1791.
  • [32]
    Selon Marbot, « le général Lannes ayant eu dans cette affaire le cou traversé par une balle, portait depuis cette époque la tête constamment penchée sur l’épaule gauche et conserva toujours certains embarras dans le larynx » (op. cit., t. I, p. 607).
  • [33]
    D. J. LARREY, Mémoires de chirurgie militaire et campagnes, Paris : Smith et Buisson, 1812, t. III, p. 279. Malgré une exposition au feu pendant toutes les guerres de l’Empire qui lui vaudront plusieurs blessures, Larrey a la « baraka » : il mourra seulement en 1842, âgé 66 ans, non pas en opérant des blessés sur un champ de bataille d’Europe, mais des suites d’une maladie contractée au cours de ses inspections des hôpitaux en Algérie…
  • [34]
    Marbot n’est encore que chef d’escadrons, mais il commande le 23e régiment de chasseurs, 5e brigade de cavalerie légère, appartenant au 2e corps d’Oudinot.
  • [35]
    MARBOT, op. cit., t. II, p. 257.
  • [36]
    Dictionnaire encyclopédique des armées de terre et de mer, Paris, 1864, t. II, p. 939. Le Dictionnaire Napoléon indique, sous la rubrique « Oudinot », p. 442, que le maréchal reçut sa trente-deuxième blessure à Arcis-sur-Aube en mars 1814, mais en p. 443, sous la rubrique « Oudinot » (les blessures du maréchal) la liste de ses états de service, close en 1840, mentionne vingt-sept blessures. Son descendant Marc Oudinot opte pour trente-deux blessures (Le maréchal Oudinot, Paris : de Fallois, 2007, p. 417).
  • [37]
    MARBOT, op. cit., t. I, p. 625.
  • [38]
    « La canonnade de Valmy devient rétrospectivement une bataille décisive et – quoique le gros de l’armée française fut encore d’Ancien Régime – la première victoire militaire de la Révolution » ; François BLUCHE, Stéphane RIALS et Jean TULARD, La Révolution française, Paris : PUF, 1989, p. 80.
  • [39]
    Jacques HOUDAILLE, dans Population, n° 1-1971, p. 146, ou même 32,5 ans, dans Population, n° 1-1972, p. 44.
  • [40]
    MARBOT, op. cit., t. I, p. 589.
  • [41]
    D.-J. LARREY, op. cit. p. 278.
  • [42]
    Selon Marbot, Larrey a pratiqué l’amputation contre l’avis de ses confrères, notamment du docteur Yvan qui estimait que « la fermeté de son moral donnait quelques chances de guérison, tandis qu’une opération pratiquée par un temps aussi chaud conduirait infailliblement le blessé dans la tombe ». Il faisait en effet 30° (MARBOT, op. cit., t. I, p. 590). Larrey est pourtant sûr de lui : « Tous mes camarades reconnaissaient la nécessité de faire sur-le-champ l’amputation de ce membre, mais personne n’aurait osé l’entreprendre à cause du peu d’espérance de succès que présentait cette opération. »
  • [43]
    MARBOT, op. cit., t. I, p. 599.
  • [44]
    Nous avons constitué une base de données avec les généraux qui sont morts au cours de la période 1800-1815 et qui ont commandé des troupes combattantes pendant cette période.
  • [45]
    Royalistes ultras, partisans de l’action armée, qui organisent la Terreur blanche, notamment dans le Midi en 1815. La couleur de la livrée du comte d’Artois était le vert.
  • [46]
    Victor HUGO, op. cit., 2e partie, livre premier, « Waterloo », chap. XII, « La Garde », p. 449.
  • [47]
    Les classifications évoluent avec le temps. La première classification a été conçue en 1893 par le médecin et statisticien Jacques Berthillon. Elle est confiée à l’OMS depuis 1945, et a été affinée au fil des années pour tenir compte de l’évolution de la médecine, couvrant maintenant le champ de la morbidité (maladies). La dixième révision (CIM-10) contient 15 000 codes et fera place à la onzième en 2018.
  • [48]
    Pierre SAINT-MARC, Le maréchal Marmont, Paris : Fayard, 1957, p. 360, considère que Marmont est mort d’apoplexie, hypothèse qui ne semble pas avoir été adoptée par d’autres auteurs.
  • [49]
    Le maréchal Kellermann, alité en septembre 1820, meurt le 13 septembre ; peut-être s’était-il préparé pour attendre l’anniversaire de la bataille de Valmy, le 20 septembre…
Français

L’analyse démographique des maréchaux du Premier Empire réserve bien des surprises en ce qui concerne leur longévité. Entrés très jeunes dans la carrière de général, c’est plutôt lorsqu’ils ont atteint l’âge mûr qu’ils accèdent au maréchalat, aussi bien en 1804 que lors des promotions ultérieures.
Pour la plupart, ils sont engagés dans la totalité des guerres de l’Empire, présents sur le front des troupes et payant de leur personne, soumis sous toutes les latitudes aux maladies et aux blessures. Pourtant, rares sont ceux qui meurent avant d’avoir atteint l’âge de cinquante ans. Les maréchaux qui meurent au combat restent l’exception. Dans leur très grande majorité, ils meurent comme tout le monde, dans leur lit, le plus souvent de vieillesse. Ainsi, le « corps » des vingt-six maréchaux se caractérise par une exceptionnelle longévité. Grâce à un grand nombre de septuagénaires et d’octogénaires, il va perdurer pendant près d’un demi-siècle !

Patrick Le Carvèse
P. Le Carvèse est membre correspondant dans l’édition de la Correspondance générale de Napoléon Bonaparte par la Fondation Napoléon, aux éditions Fayard. Pour Napoleonica. La Revue, il a déjà publié « Les prisonniers français en Grande-Bretagne, de 1803-1814 », 1re partie (n° 8, septembre 2010/2), 2e partie (n° 9, décembre 2010/3), et « Napoléon III, un futur empereur au prénom incertain » (n° 13, mars 2012/1).
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 20/06/2017
https://doi.org/10.3917/napo.027.0004
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