CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Le bicentenaire de sa naissance en 2008 a occasionné toute une série de publications sur Napoléon III. La biographie de Johannes Willms, correspondant de la Süddeutsche Zeitung à Paris et auteur d’une biographie de Napoléon I, publiée en 2005 et très appréciée en Allemagne, est le premier livre d’un auteur allemand sur le dernier empereur français depuis plusieurs décennies. Willms ne dissimule pas sa sympathie pour son héros, et dans la préface il révèle comme motif principal de ses efforts la réhabilitation de l’empereur. Parmi bien des Allemands, Willms croit pouvoir découvrir un certain mépris pour lui, tandis que les Français ne semblent pas vouloir le ranger parmi les grands hommes d’État de leur histoire. Dans la France de la Troisième République, on considérait Napoléon III comme responsable de la débâcle de 1870-71 et de la perte de l’Alsace-Lorraine, tandis que de l’autre côté du Rhin on lui reprochait ses tentatives d’empêcher que les Allemands arrivassent à l’unité nationale. En même temps, on a contrasté défavorablement l’habileté diplomatique de Bismarck avec les échecs de la politique étrangère napoléonienne. Cependant, il faut ajouter que son principal adversaire politique en Allemagne, Otto von Bismarck, l’a jugé beaucoup plus favorablement. Dans une lettre de 1857, Bismarck qui était à ce moment ambassadeur de la Prusse auprès de la Diète de la Confédération germanique à Francfort, soutint que « la présente forme de gouvernement en France n’a rien d’arbitraire que Napoléon III pourrait installer ou changer à son gré » ; tout au contraire, « elle est probablement la seule méthode suivant laquelle l’on peut gouverner la France pour longtemps » (p. 13).

2L’œuvre de réhabilitation que Willms s’est proposée ne se fonde pas sur la découverte de sources inconnues ou sur l’utilisation de sources peu estimées jusqu’à présent par les historiens. Elle ne se fonde pas non plus sur une interprétation nouvelle de l’empereur et de sa politique. Un tel propos aurait supposé au moins une analyse détaillée de l’état de la recherche internationale sur Napoléon III, analyse que Willms ne donne pas. Il n’a même pas ajouté une bibliographie. La raison en est tout probablement que son livre ne s’adresse pas tant aux historiens qu’au public plus large. L’objet principal de l’effort de Willms semble consister à assurer à l’empereur une place plus favorable dans la mémoire collective des Allemands. Dans la préface, l’auteur affirme que Napoléon III est un personnage important non seulement de l’histoire française ou européenne « mais aussi et surtout de l’histoire allemande » (p. 14).

3Willms reconnaît l’importance de Napoléon III avant tout dans sa politique économique, dans le développement des infrastructures, dans l’agrandissement du réseau des chemins de fer, dans ses visions de politique sociale et dans la transformation de Paris. En ce qui concerne la politique étrangère du Second Empire Willms souligne le motif fondamental, c’est-à-dire l’accomplissement d’une révision des traités de 1815, surtout pendant les années cinquante. Dans la seconde moitié du règne, cependant, l’empereur aurait de plus en plus adopté une politique aventurière et hasardeuse. Willms insiste surtout sur les difficultés insurmontables qui résultaient de l’envoi d’une armée française à Rome en 1849 pour permettre à Pie IX de rentrer au Vatican et qui demeuraient une hypothèque grave pour la politique étrangère de la France jusqu’à la fin de l’empire. En ce qui concerne les origines de la guerre de 1870, Willms considère la nomination du duc de Gramont au ministère des Affaires étrangères comme l’erreur décisive (p. 247) et reconnaît dans la demande de garanties de la part du gouvernement français que la maison de Hohenzollern n’aspirerait plus jamais au trône d’Espagne, l’action qui a rendu la guerre inévitable (p. 253). Il est convaincu que si la France s’était contentée de la déclaration de renonciation du prince Léopold de Hohenzollern-Sigmaringen, la crise diplomatique n’aurait pas fini en guerre. Les erreurs de la politique française dans les dernières années du régime sont largement attribuées par Willms à la dégradation de l’état de santé de l’empereur.

Volker Sellin
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 07/03/2011
https://doi.org/10.3917/napo.103.0153
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