CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1Suite aux élections européennes de mai 2014, les médias ont observé à l’unanimité un « triomphe des eurosceptiques » (Le Figaro 2014). Ces partis hostiles à l’Union européenne sont la plupart du temps présentés comme populistes. Ce constat a amené les chercheurs à interroger le rapport entre populisme et euroscepticisme dans le discours des partis politiques.

2Cette contribution cherche à savoir comment populisme et euroscepticisme s’articulent dans le discours des partis de la droite et de la gauche radicales. La littérature nous a permis de développer l’hypothèse selon laquelle, pour les partis de la droite et de la gauche radicales, l’euroscepticisme est une variante du populisme. Ainsi, nous pensons démontrer que, tant à gauche qu’à droite de l’échiquier politique, les partis qui développent une rhétorique populiste s’approprient les arguments eurosceptiques pour renforcer leur discours anti-élite [1] – ce discours lui-même soutenu par une identification au peuple et un appel à davantage de démocratie. Ces partis prendraient appui sur les arguments contre l’Union européenne pour soutenir et donner davantage de poids à leur rhétorique populiste.

3Pour tester notre hypothèse, nous appréhendons le populisme comme un style rhétorique plus global dans lequel s’inscrit l’euroscepticisme, compris comme un contre-narratif, notion par laquelle nous entendons un discours développé en réaction au discours qui légitime l’intégration européenne (De Wilde & Trenz 2012).

4S’il est vrai que plusieurs études récentes, présentées ci-dessus, dénoncent cette focalisation sur les extrêmes et constatent que l’euroscepticisme ne se limite pas ou plus aux partis protestataires ou en marge du système partisan, nous pensons que les plus féroces opposants à l’Union européenne restent ces partis anti-establishment – les partis plus mainstream ayant davantage tendance à adoucir leurs critiques vis-à-vis de l’Union européenne qu’ils ont contribué à construire.

5Nous commencerons par définir et préciser les notions d’euroscepticisme et de populisme, dont l’usage est fréquent et obscur dans le langage courant. Suivra ensuite l’analyse des données, qui se fera en deux temps. D’abord, nous procéderons à l’analyse qualitative de six programmes électoraux de partis de la gauche et de la droite radicales – à savoir le Parti du Travail de Belgique et le Vlaams Belang en Belgique, le Socialistische Partij et le Partij voor de Vrijheid au Pays-Bas, ainsi que le Parti de gauche et le Front National en France. Il s’agira principalement ici de présenter et comparer les arguments déployés par ces partis contre l’Union européenne. Nous vérifierons également s’ils appuient ces arguments sur une rhétorique populiste ou non. Il s’agira ensuite d’approfondir ces premiers constats par une analyse quantitative, via le logiciel lexico-métrique TXM. Seront étudiés les discours prononcés, à la télévision et en radio durant la campagne électorale précédant les élections de mai 2014, par Jean-Luc Mélenchon, à l’époque co-président du Parti de gauche, et Marine Le Pen, présidente du Front National.

1. Etat de la littérature

6Notons, avant toute chose, que malgré l’important poids normatif de ces deux notions, l’objectif de cet article n’est ni de justifier ni de délégitimer le populisme ou l’euroscepticisme mais bien d’en étudier les relations dans une perspective strictement analytique. Ce chapitre consistera donc à démontrer comment ces deux notions, bien que normativement chargées, peuvent être mobilisées comme des concepts analytiques.

1.1. Le populisme comme rhétorique

7Des deux concepts, celui de populisme est sans doute le plus problématique. Ce terme est la plupart du temps utilisé hors de la sphère académique, bien souvent pour délégitimer un adversaire politique (Jamin 2009). Dans la littérature scientifique, le concept fait débat mais la définition proposée par Margaret Canovan est la plus souvent reprise : « an appeal to ‘the people’ against both the established structure of power and the dominant ideas and values of the society » (Canovan 1999, p. 3).

8Les discussions traitent principalement de la nature du populisme. Alors que certains auteurs tendent à le qualifier d’idéologie (Jasper de Raadt, David Hollanders & André Krouwel 2004, Cas Mudde 2004), d’autres refusent de considérer le populisme comme tel estimant qu’il « n’offre pas un discours sur le monde ni des indications précises sur le chemin que les militants doivent suivre » (Jamin 2012, p. 32). Il est alors défini comme une rhétorique, un style plutôt que comme un contenu politique (par exemple, Godin 2012). C’est l’approche qu’ont suivi Jan Jagers et Stefaan Walgrave (2007) dans leur étude du discours politique du Vlaams Belang. Ils ont en effet choisi d’appréhender le populisme comme « a political communication style of political actors that refers to the people » (2007, p. 322), style qui est mobilisé dans le cadre d’une stratégie électorale. C’est ainsi que nous appréhenderons le populisme dans cet article.

1.2. Les principales caractéristiques du populisme

9Malgré ce débat sur la nature du populisme, la plupart des auteurs s’accordent sur certaines caractéristiques typiques des discours dits populistes, principalement sur l’opposition entre le peuple et l’élite. Cela consiste donc principalement en une « rejection of the national elite » (Harmsen 2010, p. 334) qui ne penserait qu’à servir ses intérêts propres au détriment du peuple, en une « attitude de rejet par rapport aux pratiques gouvernementales régnantes » (Rancière 2013, p. 137). Le peuple est alors présenté comme l’opposé de ces élites dirigeantes et devient le noyau autour duquel se construit le discours populiste.

10A cela s’ajoutent un leader charismatique (Jamin 2009) ainsi qu’une tendance à la simplification excessive – tant d’un point de vue institutionnel que dans leur analyse des enjeux historiques et sociopolitiques, réduits à une lutte entre les élites et le peuple (Godin 2012).

11Margaret Canovan, de son côté, estime que les partis populistes sont profondément liés aux structures de pouvoir même s’il est faux de dire que « what makes them populist is their reaction to the structure of power » (1999, p. 4). Le populisme ne peut en effet être réduit à une critique des élites et du système car il s’attaque également à leurs valeurs. Dès lors, le contenu du discours populiste variera selon les circonstances et selon le discours des élites.

1.3. Tentatives de définition de l’euroscepticisme

12La littérature sur l’euroscepticisme s’est densifiée ces dernières années, principalement suite à la remise en cause du consensus permissif et offre presque autant de conceptualisations que d’auteurs (Crespy &Verschueren 2009). D’une manière générale, nous pouvons définir la notion d’euroscepticisme par « opposition to European integration or to some of its aspects » (Rovny 2004, p. 32). Plus précisément, la distinction entre les idéaux-types « hard Euroscepticism » et « soft Euroscepticism » établie par Paul Taggart et Aleks Szczerbiak (2002, p. 7), bien que critiquée et retravaillée depuis, semble constituer une base au débat. Ces auteurs définissent l’euroscepticisme dur comme « a principled opposition to the EU and European integration » tandis que l’euroscepticisme doux se retrouve

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Where there is NOT a principled objection to European integration or EU membership but where concerns on one (or a number) of policy areas leads to the expression of qualified opposition to the EU, or where there is a sense that ‘national interest’ is currently at odds with the EU trajectory
(Taggart & Szczerbiak 2002, p. 7).

14Depuis cette première tentative de définition, beaucoup d’auteurs ont construit leurs propres typologies jugeant la distinction établie par Paul Taggart et Aleks Szczerbiak trop réductrice face aux réalités diverses et variées auxquelles renvoie l’euroscepticisme. Parmi eux, nous pouvons citer les propositions de Chris Flood (2002), Petr Kopecký et Cas Mudde (2002) ou encore celle de Sofia Vasipoulou (2009).

15Amandine Crespy et Nicolas Verschueren préfèrent eux parler de résistance à l’intégration européenne, plutôt que d’euroscepticisme, c’est-à-dire « une hostilité individuelle ou collective, latente ou manifeste, envers un (ou plusieurs) aspect(s) de l’intégration européenne perçu(s) comme une menace » (2008, p. 20).

16D’autres auteurs proposent d’envisager l’euroscepticisme plutôt comme un discours. C’est le cas par exemple de Pieter de Wilde et Hans-Jörg Trenz qui l’appréhendent comme « an element of political discourse on European integration based on propositions and arguments that contest the legitimacy of European integration or the EU » (2012, p. 538). Comme pratique discursive, l’euroscepticisme est dès lors un phénomène principalement réactif, « expressed in response to both the continuing European integration process itself and the pro-European arguments employed by political actors » (p. 541). Dans cette perspective, il consiste donc en contre-arguments qui sont à étudier étroitement avec le discours pro-européen. Cécile Leconte (2015) défend, elle aussi, une approche discursive et propose même d’envisager l’euroscepticisme comme une forme de populisme. C’est cette approche de l’euroscepticisme comme élément de discours se construisant en réaction au discours dominant sur l’Union européenne – nous parlerons ci-dessous de contre-narratif – que nous adopterons dans le cadre de cet article.

1.4. Les relations populisme-euroscepticisme dans la littérature

17Dès sa première tentative de définition de l’euroscepticisme, Paul Taggart (1998) a établi un lien entre les partis critiques envers l’Union européenne et les partis dits protestataires. En effet, il a qualifié l’euroscepticisme de « touchstone of domestic dissent » (p. 384), expression par laquelle il souhaite rendre compte du fait que ce sont le plus souvent les partis à la périphérie du système partisan qui intègrent une posture eurosceptique. Ainsi, les partis protestataires, qu’il définit comme « parties whose appeal stems either partly or wholly from being parties that both reject and stand outside the established group of (usually governmental) parties » (p. 368), seraient les plus susceptibles de s’opposer sévèrement à la construction européenne. L’attitude négative de ces partis vis-à-vis de l’Europe se greffe alors à leur opposition plus générale au système politique.

18Aleks Szczerbiak (2000), Peter Mair (2000) ou encore Jan Rovny (2000) le rejoignent et affirment que les partis protestataires sont les plus enclins à adopter une position très critique envers l’Union européenne, notamment dans le but de se différencier des partis mainstream.

19Depuis ces premiers constats, plusieurs auteurs s’accordent à dire que « « populisme » et « euroscepticisme », sans se réduire l’un à l’autre, entretiennent des affinités, et peuvent faire l’objet d’un questionnement commun » (Neumayer, Roger, Zalewski 2008, p. 4). Bastien Nivet affirme ainsi que l’Union européenne « fournit (…) un terreau favorable aux populismes en brouillant la cartographie des lieux de pouvoir, de représentation et de contrôle politiques et démocratiques » (2011, p. 25). En effet, comme le confirme Florian Hartleb (2012), la tendance populiste à opposer le peuple aux élites dirigeantes s’ajuste parfaitement à la critique de l’Union européenne. Cécile Leconte explique que

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Eurosceptic attitudes are underpinned by the same logics as populist ones: the defiance towards mainstream political parties, as well as the perception of ‘losing out’ as a result of Europeanization and globalization processes
(2015, p. 255).

21L’auteure va d’ailleurs jusqu’à affirmer que l’euroscepticisme peut être appréhendé comme l’une des expressions du populisme. Pierre-André Taguieff va dans le même sens lorsqu’il affirme que « l’antieuropéisme n’est (...) qu’une variante de l’antiélitisme », l’Union européenne étant critiquée parce que « dirigée par des élites « coupées du peuple » et devenues étrangères aux peuples européens » (2007, p. 28). Pour ces auteurs, se positionner contre l’intégration européenne est une façon d’encore se distancier des partis du système et c’est « l’une des ressources que mobilisent les acteurs politiques « populistes » dans leur dénonciation de l’ordre politique établi » (Neymayer, Roger & Zalewski 2008, p. 4).

22Nick Sitter (2002) a lui été jusqu’à présenter l’euroscepticisme comme un discours de l’opposition. En effet, il soutient que « Euroscepticism is to a considerable extent ‘the politics of opposition’ » (2002, p. 5). S’il reconnait que les partis protestataires jouent avec l’enjeu européen pour renforcer leur critique générale des partis de gouvernement – l’Union européenne étant visualisée comme une construction des élites nationales –, l’auteur étend ce constat aux partis qui se trouvent dans l’opposition. En effet, ce sont les gouvernements nationaux qui guident le développement et la trajectoire de l’Union européenne. Or, c’est le rôle de l’opposition de contester les politiques du gouvernement, et cela comprend les accords supranationaux que ce dernier a approuvés (Sitter 2002, p. 5).

23Plusieurs auteurs ont tenté d’expliquer ce lien entre les partis protestataires, d’une part, et le populisme et l’euroscepticisme, d’autre part. Une des explications les plus récurrentes réside dans le « second order character of European Parliament elections » (Harmsen 2010, p. 338) qui servent souvent à exprimer un désaccord ou un mécontentement avec les politiques domestiques et donc à « punir » le(s) parti(s) mainstream ou du gouvernement (Taggart 1998).

24Un autre élément à prendre en compte est le non-clivage de l’enjeu européen. La plupart des auteurs refusent effectivement de voir dans l’intégration européenne un nouveau clivage politique pro-/anti-intégration (Harmsen & Spiering 2005). Cécile Leconte (2015) explique que l’émergence d’un clivage autour de l’intégration européenne parmi les électeurs mais son absence chez les partis politiques mainstream favorisent l’émergence d’un discours protestataire critique de l’Union européenne.

25Cependant, ces dernières années, plusieurs auteurs ont sévèrement nuancé le rapprochement qui a souvent été fait dans la littérature entre euroscepticisme et populisme (Reungoat 2010, Harmsen 2010). Nathalie Brack et Nicholas Startin (2015) notent, plus récemment, que l’euroscepticisme n’est plus confiné aux partis en marge des systèmes partisans mais au contraire est de plus en plus présent également dans les partis mainstream – depuis le traité de Maastricht mais encore plus suite à la crise économique. Cécile Leconte confirme, elle aussi, que depuis la victoire du « non » en France et aux Pays-Bas lors des référendums sur la constitution européenne de 2005, « researchers have started to investigate the mainstream dimension of Euroscepticism among political elites » (2015, p. 253). Pour terminer, notons que Paul Taggart et Aleks Szczerbiak (2002) ont eux-mêmes nuancé leurs premières conclusions selon lesquelles l’euroscepticisme serait uniquement un phénomène de périphérie.

2. Opérationnalisation

2.1 Les trois indices du populisme

26Afin de pouvoir mesurer la part de rhétorique populiste dans le discours des candidats et des partis politiques, nous utiliserons la méthode développée par Emmanuelle Reungoat dans son article « Anti-EU Parties and the People : An analysis of Populism in French Euromanifestos » (2010). S’inspirant de la définition proposée par Jan Jagers et Stefaan Walgrave (2007), elle y développe trois indices pour évaluer le degré de populisme dans les programmes européens des partis politiques français. Le premier, l’indice du peuple, mesure « the proportion of text devoted to an ‘appeal to the people’ or an identification of the party with the people » (Reungoat 2010 p. 293). Pour cet indice, nous nous inspirerons également de Matthijs Rooduijn et Teun Pauwels (2011) qui énumèrent, dans leur article, différents termes, tels que population, nation, nous, communauté, etc., faisant référence au peuple et à prendre en compte dans l’étude du populisme [2]. Emmanuelle Reungoat utilise ensuite l’« anti-elite index », destiné à mesurer la part du discours consacré à une critique des élites. Enfin, le « claim for democracy index », auquel nous ferons référence, en français, par l’intitulé « indice de démocratie », évalue l’attitude du parti envers la démocratie (p. 293).

27Étant donné la variété de réalités qu’englobe le populisme, nous avons choisi de le concevoir comme un spectre partant d’un extrême à l’autre plutôt que de catégoriser un parti comme strictement populiste ou non. Les partis se rapprochant du pôle « non populiste » seront ceux qui ne comprennent presque aucun terme lié au populisme dans leurs discours tandis que les partis proches du pôle « populiste » seront ceux qui font énormément usage de la rhétorique populiste. Bien entendu, il sera difficile de trouver des partis à situer à l’une ou l’autre extrémité, celles-ci servant davantage d’idéaux-types.

2.2. Le discours eurosceptique

28Appréhendé comme contre-narratif, l’euroscepticisme, selon nous, se raconte et est donc plus difficilement réduit à la présence ou non de mots-clés. C’est pourquoi, nous avons décidé de ne pas construire d’axe relatif à l’euroscepticisme mais d’analyser les arguments qu’un parti ou candidat développe sur l’Union européenne ainsi que sur l’intégration européenne plus généralement. Pour ce faire, tout comme Jan Rovny (2004), nous relèverons la quantité et la sévérité – sur base de la distinction établie par Taggart et Szczerbiak (2002) entre euroscepticisme fort et doux – des critiques envers l’Union européenne. Si l’euroscepticisme ne peut s’y réduire, nous nous aiderons de mots-clés inspirés de la littérature présentant les arguments eurosceptiques « classiques » (Commission, Europe, austérité, euro, démocratie, libéralisme, etc.) [3] pour analyser le discours tenu sur la construction européenne mais également sur l’idée plus générale de l’intégration européenne. Avec le logiciel lexicométrique TXM, nous pourrons identifier le nombre de fois où ces termes sont prononcés mais également le discours qu’ils servent à tenir, grâce à l’outil du concordancier sur lequel nous reviendrons ci-dessous.

3. Méthodologie générale

3.1. Analyse des programmes électoraux

29La première partie de notre analyse sera consacrée à une étude des programmes électoraux de six partis : le Parti du travail de Belgique (PTB) et le Vlaams Belang (VB) en Belgique, le Socialistische Partij (SP) et le Partij Voor de Vrijheid (PVV) aux Pays-Bas ainsi que le Parti de gauche (PG) et le Front National (FN) en France.

30Concernant la catégorisation gauche radicale-droite radicale, nous nous sommes basés sur la littérature et les analyses journalistiques. Ainsi, le PG, le PTB et le SP sont présentés comme des partis de la gauche radicale tandis que les trois autres, le FN, le VB et le PVV sont caractérisés comme étant d’extrême-droite même si souvent, ils s’opposent à une telle labellisation (Chapel Hill Expert Survey 2014). Notons toutefois que le Front National refuse ces catégories et se dit « ni à droite, ni à gauche » (Le Pen citée dans Libération 2013).

3.2. Une analyse de discours à l’aide du logiciel TXM

31La seconde étape de notre analyse a consisté à examiner plus en détails, à l’aide du logiciel TXM, les discours de Marine Le Pen, présidente du Front National, et de Jean-Luc Mélenchon, à l’époque co-président du Parti de gauche. Ce choix s’explique d’abord par notre souci d’éviter tout problème lié à la variable nationale. Il s’agissait également de travailler sur des partis utilisant la même langue afin de faciliter l’analyse.

32Notre corpus de texte est composé des discours prononcés par les présidents de partis dans les médias de télévision et de radio français entre le début officiel de leur campagne et le 25 mai 2014, jour des dernières élections européennes tels que répertoriés sur leur site internet respectif [4]. Nous avons choisi de nous concentrer sur la campagne électorale pour les élections européennes, estimant que c’était l’occasion pour les partis et leurs candidats d’exposer leur position (actuelle) sur l’Union européenne.

33Afin d’être tout-à-fait complets, nous avons rajouté les programmes électoraux à notre corpus de textes. Ces discours moins spontanés incarnent la position du parti et les promesses qu’il fait aux électeurs. Nous avons également intégré les clips de campagne, des vidéos de quelques minutes diffusées sur les chaînes de télévision publique et reprenant les principaux arguments de chaque parti contre l’Union européenne. Enfin, nous avons rajouté l’appel à voter que chacun des deux candidats a posté, deux jours avant les élections, soit le 23 mai 2014, sur YouTube.

34Parmi les outils disponibles via le logiciel TXM, celui du concordancier – qui replace chaque terme dans son cotexte direct – nous a été très utile pour comprendre comment certains termes étaient mobilisés par les candidats et pour tenir quel discours. Ainsi, par exemple, il permet de comprendre au nom de qui parle Jean-Luc Mélenchon lorsqu’il évoque le « nous », à savoir le Front de gauche, le peuple ou encore la France (tableau 1). L’outil des coocurrences – qui indique les termes les plus souvent associés – s’est également révélé très précieux. Par exemple, chez Marine Le Pen, les termes « Union européenne » apparaissent le plus souvent associés aux formes « interdit », « contre », « imposée » ou encore « voter », ce qui traduit son animosité envers la construction européenne (tableau 2). Enfin, l’outil des occurrences, qui permet de connaître le nombre d’apparitions d’un terme donné, a été particulièrement utile pour mesurer le degré de rhétorique populiste dans le discours des deux candidats.

Tableau 1 : Concordancier du terme « nous » chez Jean-Luc Mélenchon

Tableau 1 : Concordancier du terme « nous » chez Jean-Luc Mélenchon

Tableau 2 : Cooccurrences pour l’expression « Union européenne » chez Marine Le Pen

Tableau 2 : Cooccurrences pour l’expression « Union européenne » chez Marine Le Pen

4. Analyse des données

4.1 Analyse des programmes électoraux

35A la lecture des différents programmes électoraux, rapidement, un premier constat se dessine et deux catégories de programmes apparaissent : les programmes élaborés de plusieurs centaines de mots et les programmes courts d’une à trois pages maximum. Ici, les partis de droite et de gauche s’opposent, ces derniers proposant un programme largement plus fourni que leurs adversaires politiques.

36Ces programmes partagent toutefois un discours très critique envers l’Union européenne. Tous soulèvent effectivement certains problèmes à résoudre impérativement. Néanmoins, beaucoup d’entre eux ne peuvent être gérés depuis le Parlement européen et nécessitent plutôt des compétences nationales – par exemple, la décision de sortir de l’euro ou le refus d’appliquer les politiques d’austérité. Tous ces programmes semblent donc en grande partie destinés à dénoncer les dysfonctionnements de l’Union européenne ainsi qu’à proposer une organisation alternative plutôt qu’à promettre des changements réalisables par ces « simples » élections européennes.

37Les arguments avancés contre l’Union européenne ne semblent pas être les mêmes à gauche et à droite de l’échiquier politique. Si les partis de la gauche radicale se rejoignent pour dénoncer l’emprise de la logique néolibérale et de la finance sur l’Union européenne ainsi que son déficit démocratique, il est moins évident de trouver un fil rouge entre les programmes des partis de la droite radicale. Le Front National insiste sur l’ « idéologie ultra libérale » (Front National 2014, p. 47) de l’Union et la perte de souveraineté que cette construction implique tandis que le Vlaams Belang et le Partij Voor de Vrijheid s’intéressent principalement aux questions économiques et à l’immigration. Néanmoins, si le premier s’oppose à l’Union européenne post-Maastricht, le parti néerlandais de Geert Wilders appelle à en sortir complètement. Leurs positions sont donc nettement moins homogènes que celles des partis de gauche. Notons toutefois que si ces derniers s’accordent sur les constats, le Socialistische Partij semble appeler à un retour vers de simples coopérations entre États européens et donc à moins d’Union européenne tandis que le Parti du Travail de Belgique et le Front de gauche s’accordent sur le projet d’une Europe forte mais alternative. Le tableau 3 ci-dessous reprend les principaux reproches et revendications que formulent ces partis envers l’Union européenne (UE) :

Tableau 3 : Principales critiques de l’Union européenne par programme de parti

Arguments contre l’UEPTBVBSPPVVFG[5]FN
Politiques néolibéralesXXXX
Déficit démocratiqueXXXX
Super-État/Perte de souverainetéXXX
Coût de l’UEXXX
ImmigrationX
Une UE alternativeXX
Moins/Hors de l’UEXXXX
Sortie de la zone euroXXX

Tableau 3 : Principales critiques de l’Union européenne par programme de parti

38Concernant la rhétorique populiste, ses trois indices – le peuple, la critique des élites et l’appel à la démocratie – sont particulièrement perceptibles dans les programmes des partis de la gauche radicale qui, ici aussi, se rejoignent. Les références au(x) peuple(s) y sont très présentes, notamment quand les programmes insistent sur les souffrances des peuples nationaux et européens comme résultat des décisions de l’Union européenne, au service du néolibéralisme. Ces références s’accompagnent d’une critique claire des élites, tant politiques qu’économiques et financières : les classes dirigeantes, les gouvernements nationaux, la Commission européenne non élue, la Banque centrale européenne, etc. Enfin, ces partis appellent également à davantage de respect de la démocratie et des souverainetés populaires. La critique de l’Union européenne s’inscrit donc ici directement dans la rhétorique populiste et s’y appuie. Ainsi, l’Union européenne est dirigée par et représente une élite aliénée dont la volonté est de « saigner le peuple » (PTB-go! 2014, p. 60). Pour sauver l’Europe, il faut redonner sa voix au peuple, notamment par l’organisation de référendums.

39Dans le programme du Front National, nous retrouvons ces trois indices de la même façon : l’Europe agit sans et contre les peuples qui ne peuvent que subir ses décisions. Elle bafoue les souverainetés populaires et œuvre au service d’une élite prête à tout pour sauver le projet européen. Par contre, il est difficile de déceler ces indices dans le microprogramme du Partij Voor de Vrijheid. Enfin, si le Vlaams Belang semble faire référence au peuple, les deux autres indices sont moins perceptibles dans son programme. Le tableau 4 synthétise la présence ou non de chacun des indices dans chacun des programmes :

Tableau 4 : Les trois indices du populisme par programme de parti

Indices du populismePTBVBSPPVVFGFN
Indice du peupleXXXXX
Indice anti-éliteXXXX
Indice de démocratieXXXX

Tableau 4 : Les trois indices du populisme par programme de parti

40En conclusion, les programmes des partis de la gauche radicale sont beaucoup plus semblables, du moins en ce qui concerne leurs critiques, que ceux des partis de la droite radicale. Ensemble, ils dénoncent dans les grandes lignes les mêmes dérives de l’Union européenne et se rejoignent sur les grands principes à défendre, tout cela au sein d’une rhétorique populiste. Les partis de la droite radicale, par contre, sont moins unanimes dans leurs critiques et revendications – peut-être ceci s’explique-t-il par le nationalisme présent au cœur de leurs discours. Il est même possible de dire que le Front National, en dénonçant le manque de démocratie, l’oppression des peuples et l’idéologie néolibérale au service de laquelle œuvre l’Union européenne, développe un discours proche de celui des partis de la gauche radicale présentés ci-dessus – ce que nous allons tenter de vérifier par l’analyse lexico-métrique.

4.2. Analyse des discours de Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen : l’euroscepticisme

41L’examen du discours de Jean-Luc Mélenchon fait face à un obstacle de taille. En effet, le candidat a consacré la majeure partie de ses interventions en radio et télévision à la critique du gouvernement socialiste. Grâce à TXM, à la recherche des occurrences et à l’outil du concordancier, il a toutefois été possible d’isoler les termes présentés plus haut et donc d’analyser sa position sur l’Union européenne. Lorsqu’il s’exprime sur l’Union européenne, sont particulièrement visés par Jean-Luc Mélenchon l’absence d’harmonisation sociale au niveau européen, l’apologie du capitalisme et les obstacles à la démocratie populaire. Dans le même temps, le candidat appelle à réformer l’Union européenne plutôt qu’à la détruire ou la quitter. Il s’inscrit donc dans une approche positive envers le principe même de l’intégration européenne, ce qui n’est pas le cas de Marine Le Pen. En effet, la candidate du Front National insiste, elle, sur l’importance des souverainetés populaires, sur le néolibéralisme qui guide les décisions européennes ou encore sur le contrôle des frontières tout en appelant à une autre forme d’Europe, plus respectueuse des souverainetés, une « Europe des Nations » (Le Pen sur France-2, 22 mai 2014).

42L’analyse de leurs discours montre à quel point les deux candidats se rejoignent sur les constats, par exemple dans leur critique du néolibéralisme et de l’austérité. Ils s’accordent également lorsqu’ils dénoncent le déficit démocratique de l’Union européenne ou les négociations sur le Traité transatlantique – sans être toutefois d’accord sur tout : nous ne retrouvons pas, par exemple, d’appel à mettre fin à l’immigration chez Jean-Luc Mélenchon. Ils constatent principalement les mêmes problèmes, au point que Jean-François Copé, à l’époque président de l’UMP, affirme que le Front National et le Front de gauche partagent le même programme (BFM TV, 18 mai 2014). En matière européenne, les deux candidats se distinguent en réalité principalement par les solutions qu’ils proposent à ces problèmes : quitter l’Union européenne pour l’une, la refonder pour l’autre.

43Interrogés à ce propos, chacun avait sa propre opinion sur la question. Ainsi, Marine Le Pen a déclaré : « Parfois, Jean-Luc Mélenchon peut avoir raison, parfois. Dans le constat, pas dans les solutions, j’ai remarqué » (Le Pen sur RTL Radio, 19 mai 2014). Dans une autre interview, elle ajoute :

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Le problème de Jean-Luc Mélenchon, c’est qu’il fait parfois des constats qui sont justes mais qu’il veut rester dans l’Union européenne. Il veut qu’on conserve l’euro dont on sait que c’est un des éléments du chômage de masse dans notre pays. Donc il est assez contradictoire
(Le Pen sur France-3, 12 mai 2014).

45De son côté, le candidat du Front de gauche s’est dit satisfait que son adversaire dénonce les mêmes problèmes car ainsi :

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Sur ces sujets, en quelque sorte, elle élargit le consensus national hostile à l’austérité, hostile aux politiques libérales, hostile au Grand Marché Transatlantique et aux États-Unis d’Amérique, je ne vais quand même pas pleurer
(Mélenchon sur Public Sénat, 6 mai 2014).

47Toutefois, il n’a pas apprécié, lors de la même interview, la comparaison avec le parti de la droite radicale, estimant qu’au contraire du Front National, le Parti de gauche n’est pas raciste ou ethniciste « et par conséquent, il est plus difficile de comprendre que le responsable de nos malheurs, c’est le financier, le banquier plutôt que de croire que c’est l’immigré » (Idem).

48Pour terminer, notons à quel point Marine Le Pen a visiblement veillé à rester cohérente dans son message sur l’Union européenne tout au long de la campagne électorale. Un passage de son interview par Ruth Elkrief sur BFM TV le 29 avril 2014 semble témoigner de sa stratégie de campagne. Alors que la journaliste lui demande comment, si elle avait été députée à l’Assemblée nationale, elle aurait voté le programme de stabilité présenté par Manuel Valls, elle répond :

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Contre, évidemment. Contre, parce que ce pacte de stabilité est un pacte d’austérité. La réalité, ce n’est que l’application bête et méchante du début d’ailleurs seulement de l’austérité imposée par l’Union européenne à l’ensemble des pays
(Le Pen sur BFM TV, 29 avril 2014).

50Ainsi, alors que Jean-Luc Mélenchon a passé beaucoup de temps et de discours à dénoncer la politique nationale du gouvernement socialiste, Marine Le Pen, lorsque interrogée sur la politique domestique, a souvent réussi à ramener le débat sur l’Union européenne. Bien sûr, se différencier de la gauche au pouvoir était un enjeu de la campagne du Front de gauche et donc de Jean-Luc Mélenchon. Ce dernier a d’ailleurs déclaré que « le 25 mai, nous allons mettre un bulletin de vote. Ce bulletin de vote contient un jugement sur l’action de François Hollande » (Mélenchon sur Public Sénat, 6 mai 2014).

4.3. Analyse des discours de Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen : le populisme

51Grâce aux trois indices construits par Emmanuelle Reungoat, nous avons pu calculer le degré de rhétorique populiste dans les discours de chacun des candidats en relevant le nombre d’apparitions des termes associés au populisme. Tel qu’expliqué ci-dessus, nous avons cherché le nombre de répétitions de termes liés au peuple (peuple(s), populaire, population, français, France, citoyen, communauté, nation, etc.), aux élites (élite, Bruxelles, troïka, gouvernement, Hollande, PS, UMP, Union européenne, système, marché, pouvoir, Banque, euro, etc.) ainsi qu’à la démocratie (démocratie, vote, souveraineté, souverain, élections, référendum, etc.) [6].

52Identifiés grâce à TXM – via l’outil des occurrences qui donne le nombre d’apparitions d’une forme graphique donnée – additionnés puis divisés par le total des formes graphiques, ces termes ne représentaient qu’une part infime des discours. Nous avons estimé que ce calcul n’était pas représentatif. En effet, si ces termes seuls ne représentent qu’un faible pourcentage du discours, ils apparaissent dans des phrases auxquelles ils donnent sens. Un mot n’a, en effet, de sens que dans un réseau de mots – d’où l’utilité de l’outil des cooccurrences présenté plus haut. Nous avons dès lors décidé de calculer, non pas leur pourcentage par rapport au nombre total de mots dans notre corpus, mais plutôt par rapport au nombre total de lignes. Ainsi, nous pensons être mieux à même de rendre compte de la présence d’une rhétorique populiste, qui ne se limite pas à des termes mais à des phrases complètes.

53Pour le sous-corpus de Jean-Luc Mélenchon, un tel calcul nous donne un résultat de 10,7% pour l’indice du peuple, 24,2% pour l’indice anti-élite et 7,1% pour l’indice de la démocratie [7]. Force est donc de constater que l’appel au peuple dans le discours de Jean-Luc Mélenchon reste relativement limité. Pour l’indice anti-élite, il faut souligner que ce sont principalement les élites nationales qui sont visées. La critique liée aux élites économiques touche toutefois davantage les institutions européennes et l’euro. Si l’indice de la démocratie ne représente que 7,1% du discours de Jean-Luc Mélenchon, ce dernier, lorsqu’il s’exprime sur le peuple, insiste sur son caractère souverain et la nécessité de lui redonner le pouvoir. Ensemble, ces indices rassemblent 42% du discours [8], soit un chiffre significatif témoignant d’une quantité non négligeable de références populistes.

54Dans son discours, Marine Le Pen obtient un pourcentage de 25,7% pour l’indice du peuple – soit plus du double de ce que représentent ces termes chez Jean-Luc Mélenchon –, de 26,4% pour l’indice anti-élite et de 8,8% pour l’indice de la démocratie [9]. Concernant le peuple, la candidate est catégorique : pourtant souverain, il souffre des décisions que lui impose l’Union européenne. Quand elle caractérise l’élite, ses mots sont bien plus virulents que ceux de son adversaire. Ainsi, l’Union européenne comme le PS et l’UMP agissent contre l’intérêt du peuple français et lui imposent des politiques néfastes. Si la première est illégitime, les seconds ne tiennent pas leurs promesses et renforcent encore cette Union qu’ils ont créée.

55Ensemble, ces indices rassemblent 60,9% du discours de Marine Le Pen [10]. La rhétorique populiste est donc bien présente dans le discours de Marine Le Pen et, nous l’avons vu, vise principalement l’Union européenne. Des trois indices, c’est à nouveau la critique des élites qui domine, suivie de près par l’appel au peuple. Comme chez son adversaire, si la référence à la démocratie représente l’indice le plus faible, son importance est toutefois soulignée lorsqu’à plusieurs reprises, la candidate reproche à l’Union européenne ainsi qu’au PS et à l’UMP d’aller à l’encontre de la volonté populaire française.

4.4. Conclusion en deux temps

56Notre analyse a démontré à quel point les deux candidats formulaient des critiques similaires. S’ils se rejoignent sur les principaux reproches, la présidente du Front National appelle à sortir de l’Union européenne tandis que le co-président du Parti de gauche souhaite reconstruire l’Europe sur de nouvelles bases, plus démocratiques et plus sociales.

57À première vue, pour les discours de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen, nous pourrions confirmer notre hypothèse selon laquelle les partis populistes s’approprient les arguments eurosceptiques pour renforcer leur discours anti-élite. Il est vrai que les deux candidats formulent de sévères critiques envers l’Union européenne qu’ils appuient sur une rhétorique populiste. Toutefois, pour être tout-à-fait précis, il nous faut procéder en deux temps et distinguer les discours de Marine Le Pen de ceux de Jean-Luc Mélenchon. En effet, si notre analyse se limitait aux interventions de la présidente du Front National, nous pourrions confirmer notre hypothèse aisément : la candidate dénonce une Union européenne dirigée par une élite politique et financière soucieuse de ses intérêts propres uniquement et qui impose des décisions non démocratiques à un peuple qui souffre. L’appel au peuple est présent dans son discours, peuple à qui elle s’identifie et qu’elle a compris. Cette identification avec le peuple se construit également dans la critique des élites politiques qui ont tourné le dos aux Français et ont agi contre leur volonté. L’Union européenne renforce encore ceci de par sa technocratie. Tous les ingrédients populistes, le peuple, les élites et la démocratie, sont donc réunis et la critique de l’Union européenne se fond parfaitement dans ce moule.

58Pour ce qui est du discours de Jean-Luc Mélenchon, nous nous devons de rester plus nuancés. Tout d’abord, parce que la somme finale des indices populistes dans son discours est plus faible que dans celui de la candidate frontiste, même si elle reste non négligeable. Ensuite, s’il est donc vrai qu’il mobilise une certaine rhétorique populiste, celle-ci n’est pas directement associée à sa critique de l’Union européenne. Ainsi, si le candidat fait, effectivement, appel au peuple et se montre critique envers les élites et ce qu’il décrit comme leur mépris pour la démocratie, cette rhétorique est principalement utilisée contre les élites françaises pour leurs politiques nationales et vise moins l’Union européenne. Néanmoins, la critique des élites nationales peut être interprétée comme une tentative de les délégitimer aux yeux des électeurs et de présenter le Front de gauche comme l’unique force de gauche capable de représenter le peuple et de défendre ses intérêts au niveau européen.

59Notons pour terminer que pour chacun des candidats, c’est l’indice anti-élite qui domine le discours par rapport aux deux autres indices du populisme tels qu’identifiés par Emmanuelle Reungoat. Tout en gardant en tête les limites concernant le contenu du discours du Jean-Luc Mélenchon, nous pouvons conclure que le discours eurosceptique de ces deux candidats tend à s’inscrire dans une rhétorique populiste qui renforce leur critique des élites et ainsi confirmer notre hypothèse.

Conclusion générale

60Par cet article, nous avons cherché à comprendre les relations entre euroscepticisme et populisme, deux notions qu’il a fallu définir dès le départ. A l’instar de Jan Jagers et Stefaan Walgrave (2007), nous avons envisagé le populisme comme un style rhétorique mobilisant certaines thématiques liées au peuple, aux élites et à la démocratie. Pour l’euroscepticisme, la littérature offre une multitude d’approches différentes, toutes avec leur pertinence et leurs manquements. Dans le cadre de cette recherche, nous sommes partis de la définition de Pieter de Wilde et Hans-Jörg Trenz (2012) qui envisagent l’euroscepticisme comme un discours politique sur la légitimité de l’Union européenne.

61Sur cette base, nous avons construit l’hypothèse selon laquelle l’euroscepticisme est une variante du populisme, c’est-à-dire que les partis mobilisant une rhétorique populiste s’approprient les arguments contre l’Union européenne pour renforcer leur discours anti-élite. Grâce à notre analyse des données, nous sommes en mesure de confirmer cette hypothèse, tout en formulant certaines réserves.

62La première étape de notre analyse nous a permis de nous rendre compte de l’attitude particulièrement négative des partis de la droite et de la gauche radicales envers l’Union européenne et de l’argumentation qu’ils développent à son encontre. Les partis de la gauche radicale se rejoignent dans leurs critiques et mobilisent une certaine rhétorique populiste en insistant sur les peuples meurtris par les politiques européennes, sur la responsabilité des élites politiques et financières et sur la nécessité de respecter la volonté populaire. Ces partis, dans leur programme, tendent ainsi à confirmer notre hypothèse. A droite de l’échiquier, les partis, hormis leur volonté plus ou moins ferme de quitter l’Union européenne ou de retourner à une forme plus libre de coopération, étaient moins unanimes dans leur critique contre l’Europe telle qu’elle existe actuellement. Ce manque d’homogénéité se ressent d’autant plus dans leur mobilisation de la rhétorique populiste. Seul le Front National mobilise les trois indices du populisme, c’est-à-dire le peuple, la critique des élites et l’appel à davantage de démocratie.

63Ensuite, la seconde et principale étape de notre analyse se focalisait sur les (co-) présidents du Parti de gauche et du Front National, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen et leurs interventions en radio et à la télévision durant la campagne électorale. Si leurs arguments se rejoignent pour la plupart, les deux candidats proposent toutefois des solutions différentes : la sortie de l’Union européenne pour Marine Le Pen et sa reconstruction pour Jean-Luc Mélenchon. L’analyse de leur rhétorique populiste a confirmé que leur critique vis-à-vis de l’Union européenne s’inscrivait dans un discours anti-élite, ce dernier étant le plus important des trois indices du populisme. Si l’analyse des discours de Marine Le Pen a permis de valider notre hypothèse, il nous a toutefois fallu nuancer cette conclusion en rappelant la manière dont Jean-Luc Mélenchon s’est focalisé, durant sa campagne pour les élections européennes, sur l’actualité française et la critique du Parti socialiste au gouvernement. C’est là probablement une des principales faiblesses de cette contribution : nous avons travaillé sur un discours qui ne traite pas en majeure partie de l’Union européenne, notre objet d’analyse.

64Certaines analyses approfondies, difficilement réalisables dans les limites de cet article, permettraient d’aller plus loin dans la réflexion sur les liens entre populisme et euroscepticisme. Ainsi, en conceptualisant l’euroscepticisme comme un contre-narratif, il serait particulièrement intéressant pour les recherches futures d’opposer le discours pro-européen au contre-narratif développé par les eurosceptiques afin d’étudier à quel point le second « réagit » au premier.

65Le récent référendum au Royaume-Uni qui a vu le « oui » à une sortie de l’Union européenne l’emporter nourrira certainement les discours des partis eurosceptiques. Présenté par la majorité des médias européens comme un « choc historique » (L’Express 2016) et un coup dur pour le projet européen, le Brexit fait suite à une intense campagne entre les partisans du « Remain » et ceux du « Leave ». Dès l’annonce du résultat et malgré l’incertitude qui règne autour de ses conséquences réelles, hommes et femmes politiques n’ont pas manqué de réagir. En France, cette sortie du Royaume-Uni a été saluée par Marine Le Pen qui célèbre la « victoire de la liberté » (Le Pen, Twitter, 24 juin 2016) et appelle à un même référendum en France. De son côté, Jean-Luc Mélenchon estime que « le Brexit donne une leçon à toute l’Europe : l’UE, on la change ou on la quitte » (Mélenchon, Twitter, 24 juin 2016). Il s’agit là d’un précédent que les partis dits eurosceptiques continueront à mobiliser dans leurs discours et qui ne manquera pas d’encore étoffer la littérature sur l’euroscepticisme.

Annexe 1 : Indices du populisme et de l’euroscepticisme

Indices du populisme (Reungoat, 2010)Indicateurs
Indice du peuplePeuple, population, communauté, nous, français, populaire, citoyen, société, nation, classes, électeurs, électorat, travailleurs, etc. (Rooduijn & Pauwels, 2011)
Indice anti-éliteÉlite, Bruxelles, commission, Union européenne, Merkel, Hollande, Valls, gouvernement, système, pouvoir, capitalisme, marché, banques, euro, intérêt, etc.
Indice de démocratieDémocratie, démocratisation, souveraineté, souverain, vote, voter, référendum, élection, parlement, etc.
IndiceIndicateurs
EuroscepticismeCommission, immigration, 2005 (date du référendum français sur la constitution europénnée), austérité, euro, Bruxelles, intérêts, crise, contre, libéralisme, capitalisme, etc.

66Pour plus d’informations sur la méthodologie et les données, contactez l’auteur : chloe.thomas@usaintlouis.be

Annexe 2 : Récapitulatif des discours retranscrits

Notes

  • [1]
    Nous entendons par « rhétorique » la forme et le style du discours. Par « discours », nous faisons référence au contenu et aux arguments d’un propos.
  • [2]
    Cf. Annexe 1 : Indices du populisme et de l’euroscepticisme
  • [3]
    Cf. Annexe 1 : Indices du populisme et de l’euroscepticisme ; Voy. par exemple Heine S., Une gauche contre l’Europe ?, Bruxelles, Editions de l’Université de Bruxelles, 2009, 190 p. ; Escalona F., Vieira M., « Le sens et le rôle de la résistance à l’UE pour le Parti de gauche », Politique européenne, Vol. 1, n° 43, 2014, pp. 68-92 ; Hainsworth P., O’Brien C., Mitchell P., « Defending the Nation: The Politics of Euroscepticism on the French Right », In Harmsen R., Spiering M. (eds.), Euroscepticism Party Politics, National Identity and European Integration, New York, Rodopi, 2005, pp. 37-58 ; Moschonas G., « L’Union européenne et les dilemmes de la gauche radicale. Réflexions préliminaires », Transform!, n° 9, 2011, pp. 8-23 ; Rodriguez-Aguilera De Prat C., Euroscepticism, Europhobia and Eurocriticism. The Radical Parties of the Right and Left vis-à-vis the European Union, Brussels, Peter Lang, 2013, 153 p. 
  • [4]
    Cf. Annexe 2 : Récapitulatifs des discours retranscrits
  • [5]
    L’abréviation FG tient pour Front de gauche, coalition de partis au sein de laquelle le Parti de gauche a fait campagne pour les élections européennes de 2014.
  • [6]
    Ces mots clés sont inspirés de la littérature, principalement Rooduijn & Pauwels 2011. Cf. Annexe 1.
  • [7]
    A partir des calculs suivants : 455 (nombre de répétitions des termes liés au peuple) / 4235 (nombre total de lignes) = 0,1074 – 1024 (nombre de répétitions des termes liés aux élites) / 4235 (nombre total de lignes) = 0,2417 – 302 (nombre de répétitions des termes liés à la démocratie) / 4235 (nombre total de lignes) = 0,0713.
  • [8]
    Pourcentage obtenu par la somme des trois indices du populisme, soit 10,7% + 24,2% + 7,1% = 42%.
  • [9]
    A partir des calculs suivants : 731 (nombre de répétitions des termes liés à au peuple) / 2848 (nombre total de lignes) = 0,2566 – 753 (nombre de répétitions des termes liés à aux élites) / 2848 (nombre total de lignes) = 0,2643 – 252 (nombre de répétitions des termes liés à aux élites) / 2848 (nombre total de lignes) = 0,0884.
  • [10]
    Pourcentage obtenu par la somme des trois indices du populisme, soit 25,7% + 26,4% + 8,8% = 60,9%.
Français

Cet article étudie les relations entre euroscepticisme et populisme dans les discours des partis politiques. Nous partons de l’hypothèse selon laquelle l’euroscepticisme est une variante du populisme. Ainsi, tant à gauche qu’à droite de l’échiquier politique, les partis mobilisant une rhétorique populiste s’approprieraient les arguments eurosceptiques pour renforcer leur discours anti-élite. Notre analyse est basée, d’une part, sur l’examen des programmes électoraux de six partis de la droite et de la gauche radicales – à savoir le Parti du Travail de Belgique, le Vlaams Belang, le Socialistische Partij, le Partij voor de Vrijheid, le Parti de gauche et enfin, le Front National – et d’autre part, sur l’étude quantitative des interventions de Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon dans les médias français lors de la campagne électorale pour les élections européennes de 2014. Malgré une légère nuance pour le candidat du Parti de gauche, cet article a permis de confirmer notre hypothèse.

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    • Libération (2013) « Marine Le Pen s’insurge contre l’étiquette « extrême droite » du FN », 2 octobre.
    • L’Express (2016) « Brexit : Le Royaume-Uni quitte l’Union européenne, un choc historique », 24 juin.
  • Programmes électoraux

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Chloé Thomas
Assistante en science politique à l’Université Saint-Louis – Bruxelles. Elle y développe une thèse sur les études critiques de la sécurité et de la militarisation de la lutte contre le terrorisme.
Mis en ligne sur Cairn.info le 03/11/2020
Pour citer cet article
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