CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 Évoquer la géopolitique brésilienne fait immanquablement penser – dans les milieux intéressés par le thème – aux généraux de l’époque de la dictature militaire (1964-1985) qui, de fait, se sont beaucoup appuyés sur des arguments géopolitiques pour justifier leurs politiques internes et externes. Sans nier l’usage très idéologique fait de la géopolitique lors de cette période, on doit néanmoins la mettre en perspective – les militaires ont quitté le pouvoir il y a maintenant près de trente ans – et prendre en compte les mutations du Brésil, devenu aujourd’hui un des grands « pays émergents », pour voir à la fois comment a évolué la pensée géopolitique brésilienne et comment le changement de statut du pays se reflète – ou non – dans la vision que les Brésiliens ont du monde qui les entoure et de la place qu’ils y occupent.

2 On analysera donc en premier lieu la nouvelle géopolitique brésilienne, qui s’est progressivement « civilisée », au sens premier du terme, c’est-à-dire à mesure qu’elle passait des mains des militaires à celles des civils, en portant une attention particulière à deux ensembles stratégiques pour le Brésil, l’Amérique du Sud et l’Amazonie. À cette lumière et en fonction de la nouvelle situation du Brésil dans la division internationale du travail, on pourra alors tenter de mesurer les flux de relations qui en émanent, ou y mènent (en analysant ses liaisons aériennes et son commerce extérieur), de façon à tenter de comprendre comment le monde est vu du Brésil et quelle est aujourd’hui sa place dans le monde.

Une nouvelle géopolitique brésilienne

3 L’évolution de la pensée géopolitique brésilienne et de son influence directe ou indirecte sur les questions que nous appelons stratégiques pour le développement du Brésil depuis les premières décennies du siècle dernier (souveraineté nationale, intégrité et cohésion territoriales, intégration des populations indigènes, indépendance énergétique) peut se résumer en trois principales caractéristiques. Tout d’abord, comme cela avait déjà été noté dans l’étude de Costa (1991), la géopolitique au Brésil a été durant soixante ans – de 1920 à 1980 – une activité presque exclusivement réservée aux milieux militaires de l’appareil d’État. Elle reflétait alors dans une large mesure l’hégémonie de la pensée autoritaire et politique de l’État et inspirait les politiques d’organisation interne du territoire, les politiques territoriales (occupation de l’Amazonie, répartition de la population, réduction des déséquilibres et des tensions entre régions) et la projection extérieure de la puissance nationale (satellisation des pays voisins les plus faibles, rivalité avec les plus puissants, notamment l’Argentine).

4 Deuxièmement, comme cela s’est produit en Allemagne sous les nazis et dans certains pays d’Amérique du Sud, en particulier au Brésil, au Chili et en Argentine, la géopolitique était accaparée par l’armée [3]. Cette appropriation était facilitée par le fait qu’il s’agissait de formuler une pensée et de définir les moyens qui seraient appliqués à des politiques publiques dans des contextes où ses protagonistes étaient plus souvent en même temps penseurs, décideurs et exécutants de ces politiques. La géopolitique était donc instrumentale, pragmatique et systématiquement appliquée, soit grâce à l’influence dominante de l’armée dans les politiques publiques, soit par les régimes militaires qui ont dominé presque tous les pays de la région pendant les années 1960 et 1970.

5 Ces régimes autoritaires, outre une forte centralisation du pouvoir politique national en général, ont également soumis à la pensée et à l’action des forces armées l’essentiel de la politique publique, en particulier son versant territorial. Outre les programmes régionaux de planification et d’infrastructures de transports, par exemple, ils ont également pris en main les programmes de colonisation des régions éloignées comme l’Amazonie, la Patagonie et le désert d’Atacama. Ils ont exercé également une forte influence sur la politique étrangère de leurs pays respectifs, comme les revendications de souveraineté sur l’Antarctique, en Argentine et au Chili, et les actions conjointes visant à la répression transfrontalière des mouvements de résistance à ces régimes. De même, les caractéristiques franchement militaires du programme nucléaire brésilien dans les années 1970, et l’attaque soudaine des Malouines par les troupes argentines en 1982 sont illustratifs de l’hégémonie de la géopolitique militaire dans la région au cours de cette période.

6 L’application prolongée de cette approche géopolitique pragmatique à un pays de dimensions continentales comme le Brésil a permis à l’État, au cours de ces soixante années, d’inspirer et de diriger la planification stratégique visant à la reconfiguration du territoire. En d’autres termes, l’occupation effective des régions frontalières, les politiques « d’intégration nationale », les programmes de colonisation, l’occupation de l’Amazonie, la construction de Brasilia, la planification urbaine et régionale, la répartition des investissements dans les infrastructures de transport et d’énergie. Bref, il s’agissait là d’une mise en œuvre autoritaire des concepts et pratiques de la géopolitique classique inspirée de Ratzel et Mackinder, et qui peuvent être résumés comme une forme radicale du principe de cohérence territoriale, par une occupation aussi homogène que possible de l’espace national et son quadrillage par des voies de communication connectant toutes ses parties à une capitale judicieusement localisée.

7 Les analystes qui ont examiné l’évolution de la géopolitique brésilienne concordent pour dire que l’auteur qui reflète le mieux la combinaison de la pensée et de la pratique de ce que nous pourrions appeler la phase d’hégémonie militaire est Mario Travassos, un officier qui, en 1931, a publié l’ouvrage devenu la principale référence pour la réflexion géopolitique brésilienne classique, Projeção Continental do Brasil. Avec lui se dessine pour la première fois la stratégie qui a été appliquée les décennies suivantes dans les politiques brésiliennes pour l’Amérique du Sud. Sur cette même trajectoire doit être mise en évidence l’importance de deux autres militaires, tous deux inspirés par Travassos, les généraux Golbery (Geopolítica do Brasil, 1952) et Meira Mattos, Brasil, geopolítica e destino [1975].

8 Le point commun entre ces trois « généraux géopoliticiens » est l’idée que le Brésil doit par tous les moyens à sa disposition chercher à étendre son influence sur les pays voisins d’Amérique du Sud, en fonction de ce qu’ils croyaient être une forme de suprématie du pays dans la région. Il s’agissait d’une double stratégie déjà esquissée par Travassos. D’une part, le resserrement des relations économiques et politiques principalement avec l’Uruguay, le Paraguay, la Bolivie et le Pérou, afin de contrer l’influence argentine, qui était alors clairement le rival géopolitique du Brésil. D’autre part, la promotion de l’« intégration territoriale » entre les deux grands bassins fluviaux du Brésil (l’Amazone et la Plata) et les façades de l’Atlantique et du Pacifique. Pour cela, comme Golbery l’expose, il était nécessaire d’occuper et de peupler les zones frontalières, de promouvoir l’occupation du plateau central du pays (amorcée par le projet de création de Brasilia) et, à partir de là, d’intégrer l’Amazonie et de peupler les frontières du Nord. Enfin, comme le préconisait Meira Mattos, de rechercher la coopération avec d’autres pays amazoniens et de promouvoir ce qu’il appelait la « Pan-Amazonie », une idée qui serait réalisée plus tard par la création du traité de Coopération amazonienne. Un point supplémentaire à noter est que le général Travassos est encore considéré comme un des inspirateurs de l’armée brésilienne, que Golbery a été l’un des créateurs de l’École supérieure de guerre, l’un des architectes du coup d’État militaire de 1964 et le créateur et le premier directeur du SNI (Service national d’information), l’organe principal de la politique du régime militaire. Meira Mattos, quant à lui, est considéré comme l’un des plus éminents intellectuels militaires du pays et a enseigné durant des décennies à l’École du commandement de l’état-major de l’armée.

CARTE 1

VISIONS GÉOPOLITIQUES DES POLITIQUES RÉGIONALES

figure im1
Régions géopolitiques des militaires
d'après Golbery do Couto e Silva
Île
amazonienne
Péninsule
du Nordeste
Routes
Chemin de fer
Péninsule du Voie navigable
Noyau
Centre-ouest
central
Péninsule
du Sud
Régions réservées
Zone de frontière
Amazônia legal
Polygone de la sécheresse
© HT 2012 - Revue Hérodote N° 146

VISIONS GÉOPOLITIQUES DES POLITIQUES RÉGIONALES

La conception géopolitique d’une nécessaire articulation des différentes parties du pays par les axes de transport trouve son pendant dans les zones de planification mises en place sous le régime militaire.
L’enjeu – la satellisation de toute l’Amazonie, au-delà des frontières du Brésil – et le moyen de l’obtenir – la construction de routes transamazoniennes – sont annoncés dès la couverture du livre.

9 Le développement de la géopolitique a donc eu lieu, au Brésil, comme dans les pays de ce qu’on appelait alors le tiers monde, en dehors du milieu universitaire et intellectuel, et nous devons reconnaître que ce processus d’aliénation de la géographie et des autres sciences n’était pas uniquement dû à l’action délibérée des milieux militaires. La communauté des géographes brésiliens, comme beaucoup de ses collègues européens et nord-américains, a préféré se maintenir à une « distance prudente » de la géopolitique et de ce qu’elle considérait comme les déviations éthiques, morales et scientifiques de cette discipline, en raison de ses aventures et mésaventures au cours de la Seconde Guerre mondiale. Il s’agissait, en fait, d’un comportement typique d’exclusion mutuelle, et la rupture de ce paradigme ne s’est produite que dans les années 1980 et a reflété les changements profonds qui s’étaient produits dans diverses sphères de la vie nationale.

10 Tout d’abord, l’accélération des processus de transformation du pays, en particulier l’industrialisation, l’urbanisation et la modernisation en général, qui ont connu leur rythme maximum dans les années 1960 et 1970. Dans le même temps, de profonds changements ont eu lieu dans la dynamique des populations, la structure sociale, et en particulier dans le processus de démocratisation du pays, qui s’est intensifiée avec la loi d’amnistie pour les prisonniers politiques, exilés et déchus de leurs droits en 1969, le droit à l’organisation libre des partis, les élections directes pour les gouverneurs en 1982, le Congrès constitutionnel en 1988 et la première élection directe à la présidence en 1989.

11 C’est dans ce nouveau contexte qu’apparurent dans les universités les premiers groupes d’intellectuels qui se consacrèrent à l’étude de la géopolitique comme une pensée explicitement civile, non autoritaire et relativement autonome de l’État. De bons exemples de cette période de transition sont les œuvres de Miyamoto [1981], Becker [1982], Vessentini [1986], Mello [1987] et Costa [1988]. La plus emblématique des études de cette période, courte et intense, de la production académique où fleurit une nouvelle géopolitique est le texte de Becker intitulé A Geografia e o resgate da Geopolítica (« La géographie et le sauvetage de la géopolitique »), en 1988. Elle y explique la rupture entre la pensée ancienne et la nouvelle dans ce domaine et indique les pistes pour une réflexion théorique qui implique non seulement l’expansion et la diversification de l’objet et des sujets d’étude, mais surtout des approches théoriques qui permettent de réconcilier la géopolitique avec les pratiques de la géographie humaine contemporaine et des sciences politiques.

12 Dans le même temps, nous devons mentionner le fort impact, dans le monde universitaire brésilien, de l’effervescence intellectuelle française, causée par les idées d’Yves Lacoste et de son équipe de l’université de Vincennes, et plus particulièrement parmi ceux qui s’intéressent à la relation entre la géographie, l’idéologie et la politique. La publication de son brûlot La géographie, ça sert, d’abord, à faire la guerre [1976] et du premier numéro de la revue Hérodote, en 1976, a représenté une étape importante non seulement pour l’évolution de la géopolitique, mais aussi et plus généralement pour celle de la géographie au Brésil.

13 L’influence française dans ce renouveau de la géopolitique brésilienne peut également être portée au crédit du travail de Raffestin (1980), qui, en appliquant les idées de Foucault, offre la première analyse critique complète de la géopolitique classique née avec Ratzel et montre également que le pouvoir politique et son organisation territoriale ne se produisent pas uniquement dans l’orbite de l’État. Cette innovation théorique et méthodologique peut également être trouvée dans les contributions de Béatrice Giblin [1986] quand elle attire l’attention sur les régions politiques et géopolitiques.

14 À partir du milieu des années 1980, cet environnement marqué par une combinaison de modernisation et de démocratisation du pays dans son ensemble, et en particulier des institutions, a grandement favorisé l’émergence de centres de recherche et de débat sur des questions directement ou indirectement géopolitiques et stratégiques. Ces centres, qui aux États-Unis sont appelés think-tanks, sont essentiellement des centres consacrés à la pensée stratégique qui, en général, réunissent des décideurs à la fois militaires et civils, des intellectuels, des universitaires et des représentants de la société civile en général. Dans le même temps se sont multipliés les troisièmes cycles en géographie et sciences politiques dans le domaine des relations internationales. En conséquence est apparue une forte activité de recherche et de réflexion sur la géopolitique dans pratiquement tous les domaines qui touchent directement ou indirectement aux thèmes de la stratégie, du développement et de la politique internationale.

15 Il ne fait aucun doute que, parmi les changements institutionnels de cette période, le plus remarquable est celui qui s’est produit au cœur de la pensée et de la gestion politico-militaro-stratégique de l’État, avec la suppression des ministères militaires (ministères de l’Armée, de la Marine et de l’Armée de l’Air) au début des années 2000 et la création du ministère de la Défense, et qui a eu un fort impact sur l’équilibre du pouvoir politique au niveau national, changement analysé par l’excellente étude de Oliveira [2005]. Comme les événements ultérieurs l’ont pleinement démontré, ce changement dans la configuration institutionnelle des questions de sécurité et de défense nationales ne peut pas être réduit à une simple réorganisation bureaucratique. Elle exprime en fait une nouvelle façon de concevoir, formuler et mettre en œuvre la stratégie nationale dans ce domaine et a donc profondément influencé le cours de la géopolitique au Brésil.

16 En outre, ce qui est arrivé au Brésil reflète une tendance générale dans la région, liée au passage du pouvoir politique des régimes militaires à des gouvernements démocratiques. Au milieu des années 2000, tous les pays d’Amérique du Sud avaient établi leurs ministères de la Défense et, par conséquent, entièrement subordonné la sécurité nationale et la défense au pouvoir civil. Au Brésil, cela a signifié une large ouverture de ces questions dans les milieux universitaires et, en particulier, leur participation de plus en plus active aux think-tanks auxquels nous nous référions.

17 L’expérience qui a le mieux symbolisé ce changement a été le processus d’élaboration de la politique de défense nationale, adoptée en 2005. Pour la première fois ont participé à ce genre d’activité des intellectuels de divers horizons et orientations idéologiques et politiques, des militaires et des diplomates, ces derniers jouant un rôle de plus en plus important dans la formulation des politiques relatives à la défense nationale et aux stratégies de projection externe. Une autre nouveauté dans ce scénario est l’interaction entre les centres de réflexion militaires et les universitaires, ce qui s’est traduit par le nombre croissant d’officiers inscrits dans les cycles supérieurs des universités et, d’autre part, dans l’intérêt croissant de l’université pour ces questions. Sans doute la meilleure illustration de cette tendance est-elle la création et le succès rapide de l’ABED (Association brésilienne d’études de la défense), lieu représentatif de ces « temps nouveaux » où les questions de sécurité et de défense suscitent davantage d’intérêt dans la société civile.

18 En conséquence de ce nouveau cadre institutionnel et intellectuel, la géopolitique qui se développe dans le pays a considérablement élargi la portée et l’approche de ses réflexions. Prenons par exemple deux objets d’étude chers aux spécialistes traditionnels de la région, l’Amérique du Sud et l’Amazonie.

L’Amérique du Sud et l’Amazonie

Le choix de la coopération

19 Pour les penseurs militaires de l’époque du régime militaire (1964-1985), l’Amérique du Sud était une région destinée à être absorbée par le débordement naturel de l’influence du Brésil. Depuis les années 1980 cependant, et en particulier au cours des quinze dernières années, les concepts et les politiques du Brésil à l’égard de l’Amérique du Sud sont passés d’un cadre stratégique clairement axé sur l’exercice de l’hégémonie et la concurrence avec les pays voisins (en particulier l’Argentine) à un autre fondé sur les concepts et les pratiques de la coopération régionale. En bref, un changement profond qui exprime le passage de situations de conflits potentiels et de rivalités à la situation actuelle dans laquelle prédomine un franc processus d’intégration dans les domaines de l’économie, de la politique, des infrastructures, de la sécurité et de la défense.

20 Cette tendance progressive à approfondir l’intégration sud-américaine a commencé dans les années 1980 avec les traités bilatéraux entre le Brésil et l’Argentine, qui ont mené à la création du Mercosud dans la décennie suivante. Sous le gouvernement de Fernando Henrique Cardoso (1995-2002), l’édifice régional a été consolidé, dans le domaine économique, par la croissance du commerce régional et, dans le champ politique, par le rejet de la proposition des États-Unis de créer la ZLEA (Zone de libre-échange des Amériques). Sous le gouvernement Lula (2003-2010) ce processus s’est accéléré en raison principalement des efforts du Brésil et de l’Argentine pour institutionnaliser et élargir le processus d’intégration, dont les plus importants ont été l’entrée du Venezuela (qui a fait que le Mercosud articule pour la première fois le continent des pays de la Plata à ceux du bassin de l’Amazone), la création de l’Unasur (Union des nations sud-américaines, 2008) et le Conseil de défense sud-américain (2008). En outre, lors de cette dernière période, le gouvernement brésilien a massivement investi dans un processus d’intégration économique fondée sur l’échange d’investissements directs dans divers secteurs industriels et d’infrastructure, et plus récemment des services spécialisés. Avec cela, l’intégration sud-américaine dépasse de loin les objectifs initiaux qui ont inspiré la création d’un bloc de commerce régional et ce processus a inspiré de nombreuses études ces dernières années.

21 Une des œuvres les plus emblématiques de ce processus de changement dans la région, et qui a exprimé la symbiose croissante entre les cercles militaires et civils autour des questions stratégiques et géopolitiques, est le livre organisé par Oliveira [2008], intitulé Segurança e Defesa na América do Sul : da competição a cooperação (« Sécurité et défense en Amérique du Sud : de la concurrence à la coopération »). Sur un plan plus strictement géopolitique, certaines études ont également tenté d’exprimer le thème de l’intégration régionale, dont deux ont été publiées en France : « Les politiques territoriales brésiliennes dans le contexte de l’intégration sud-américaine » [Costa, 2002] et « O Brasil e a América do Sul : cenários e os desafios da integração » (« Le Brésil et l’Amérique du Sud : scénarios et défis de l’intégration ») [Costa, 2008]. À souligner, également, le livre Intégrations en Amérique du Sud, dirigé par Girault [2010] à partir d’un séminaire organisé par lui, dans le cadre du Programme Arcus, à l’Instituto des Altos Estudos de l’USP (université de São Paulo), dont les articles sont consacrés spécifiquement à ce sujet, notamment un article de Costa et Théry [2010] dans lequel les auteurs examinent le processus récent de l’intégration régionale et identifient ce que sont, pour eux, les forces de convergence et de divergence dans ce scénario. Dans le premier cas, ce sont les politiques efficaces d’intégration économique, politique et stratégique, déjà mentionnées, qui se sont exprimées de façon concrète dans l’approfondissement de la coopération bilatérale et multilatérale dans tous les domaines de relations de voisinage. En témoignent, par exemple, la prolifération des expériences de coopération transfrontalière, y compris celles qui mènent à une coopération dans le domaine de l’urbanisme, ou les emblématiques projets d’infrastructures de connexion entre pays sud-américains, par l’implantation ou la réfection de routes, de voies ferrées, d’oléoducs et de gazoducs.

CARTE 3

AMAZONIE, AMAZONIE BLEUE ET AMÉRIQUE DU SUD

figure im2
VENEZUELAGUYANA
SURINAM
Guyane (Fr)
COLOMBIE
ÉQUATEUR
e
An
o
maz
BRÉSIL
PÉROU
BOLIVIE
PARAGUAY
CHILI
Présence de pétrole
prouvée
URUGUAY
ARGENTINE
Mercosud Amazonie
Bases des États-Unis Plateforme continentale hors ZEE
© HT 2012 - Revue Hérodote N° 146
Pays membres Bassin de l’Amazone Amazônia legal
Pays associés Amazonie bleue
Zone économique exclusive (ZEE)
Actuelles
SuppriméePre-sal
En projet Bassins pétroliers 1 000 km

AMAZONIE, AMAZONIE BLEUE ET AMÉRIQUE DU SUD

22 D’autres études ont examiné ces changements récents dans de nombreux domaines, telles que celles de Guimarães [2008], Rückert [2008] et Saint-Pierre [2009], notamment les conséquences de l’approfondissement des arrangements institutionnels multilatéraux existants et la façon dont la région cherche à s’organiser pour faire face aux nouveaux défis du système international. Dans le domaine de la politique régionale en Amérique du Sud a été mis en évidence le rôle de l’Unasur et le rôle joué par le Brésil et l’Argentine dans le processus de résolution du conflit entre la Colombie et l’Équateur (et en partie le Venezuela) causé par l’attaque par l’armée colombienne du camp des FARC en Équateur. Peut également être mentionné le comportement diplomatique et non belligérant du gouvernement brésilien au cours de l’épisode de la nationalisation des installations de la Petrobras en Bolivie. On notera enfin l’engagement clair du Brésil et de l’Argentine afin de minimiser les tensions entre la Colombie et le Venezuela causées par la militarisation en Colombie au long de la dernière décennie, récemment aggravée par le renforcement de l’appareil logistique de l’armée américaine sur son territoire. L’action de l’Unasur, combinée avec la nouvelle position de l’actuel gouvernement colombien (qui, au contraire de son prédécesseur, est clairement multilatéraliste, c’est-à-dire engagé dans les systèmes régionaux de coopération et disposé à maintenir le dialogue avec ses voisins, en particulier le gouvernement du Venezuela), a contribué à une réduction significative des tensions dans la politique régionale. D’autre part, les études indiquent que, malgré tous ces efforts de nature franchement coopérative, persistent encore de nombreux exemples de l’action des forces divergentes et des rivalités régionales. C’est le cas, entre autres, des conflits frontaliers aggravés par les trafics de tous ordres, le trafic de drogue en particulier. Des contentieux fiscaux ou douaniers ont mené à la mise en place d’obstacles au commerce de certains produits, et d’autres conflits ont découlé de l’augmentation des flux migratoires, souvent ceux de Brésiliens qui se sont installés il y a plusieurs décennies au Paraguay et, plus récemment, en Bolivie, au Pérou, au Venezuela et en Guyane française. Les plus aigus sont actuellement ceux qui sont liés à la présence des petits producteurs de grain au Paraguay (les « brasiguaios ») et des grands producteurs de soja dans la région orientale de la Bolivie (région de Santa Cruz).

23 Il y a, toutefois, un consensus parmi les experts sur le fait que le facteur de risque le plus important pour l’avenir de l’intégration est l’approfondissement des asymétries graves entre les pays de la région. Si, au début de ce processus, était déjà évidente la disproportion entre les économies, par exemple, du Brésil, de l’Uruguay et du Paraguay, la croissance du PIB (produit intérieur brut) brésilien s’est encore accélérée dans la dernière décennie, et la situation du Mercosud est susceptible de devenir insoutenable si n’est pas adoptée une politique spécifique visant à promouvoir une plus grande équité dans le développement régional, comme l’a été la création récente des Fonds structurels, une pratique bien établie dans l’Union européenne et adoptée ici sous le nom de FOCEM (Fonds de convergence structurelle et de renforcement institutionnel du Mercosud).

24 Toujours dans le domaine des risques menaçant l’intégration, on doit mentionner la persistance des facteurs de tensions de nature spécifiquement militaro-stratégique. À part des cas de faible gravité, comme, par exemple, les différends de frontière entre le Pérou et l’Équateur, le Venezuela et la Guyane, le Pérou et le Chili, ou la perte – traumatique pour elle – de l’accès à la mer de la Bolivie, ce qui peut être considéré comme une situation à haut risque est la présence et l’expansion récente des systèmes militaires des États-Unis sur le territoire colombien, engagés sous prétexte de soutenir ce pays dans sa lutte contre le trafic de drogue (« plan Colombie »), mais qui représentent en fait une tête de pont de la superpuissance dans la région. Il est notoire que les nouvelles bases militaires américaines abritent des avions capables de voler sur plus de six mille kilomètres, ce qui signifie clairement que le théâtre des opérations militaires possibles ne se limite pas aux zones dominées par le trafic de drogue colombien et les FARC. C’est donc le principal « point chaud » de l’Amérique du Sud, la plus grave situation de frottement stratégique et géopolitique, et le thème prioritaire des organismes multilatéraux et de consultation mutuelle dans la région.

L’Amazonie : « vulnérabilité » stratégique nationale

25 Prenant également la politique de défense nationale brésilienne (PDN) comme référence, il est intéressant de noter quelles sont les deux priorités stratégiques pour le pays. La première est l’Amérique du Sud et le rôle du Brésil dans le processus d’intégration régionale. La deuxième priorité est l’Amazonie, décrite comme la plus grande « vulnérabilité » stratégique nationale. Cette région a été l’un des principaux objets de préoccupation et de recherche au cours des quatre-vingts ans de réflexion géopolitique brésilienne et, de fait, avec plus de cinq millions de kilomètres carrés, le bassin-versant le plus important dans le monde, recélant une des plus grandes biodiversités tropicales de la planète, et plus de huit mille kilomètres de frontières, elle mériterait d´être considérée comme stratégique par n’importe quel État de la communauté internationale.

26 À l’apogée du régime militaire, la géopolitique dans cette région s’était matérialisée essentiellement par le Plan d’intégration nationale de 1971 qui portait, en particulier, sur les investissements dans des infrastructures de circulation, de production d’énergie et de télécommunications, ainsi que sur la création de « pôles de développement », fondés sur l’industrie, l’agro-industrie et des programmes de colonisation dirigée. Cette stratégie d’occupation, principalement destinée à la défense de la souveraineté nationale, qui cristallisait les visions de l’ancienne géopolitique militaire, a été vivement critiquée par la nouvelle géopolitique qui s’est développée dans le pays à partir des années 1980. Tel est le cas avec l’ouvrage de Becker « Géopolitique de l’Amazonie » [1982], qui énonce clairement les tensions entre, d’une part, les impératifs de la défense de la souveraineté nationale par l’occupation et l’intégration à tout prix, et, de l’autre, les conséquences de ce modèle de planification territoriale autoritaire et centralisé, parmi lesquels on peut citer les conflits fonciers liés à l’expansion agricole, l’expropriation et la violence exercées à l’encontre des populations traditionnelles, en particulier les communautés autochtones, et les dommages à l’environnement, notamment la déforestation accélérée.

27 Ce qu’on pourrait appeler une seconde phase d’études de l’Amazonie dans une perspective géopolitique a été largement inspirée par la formidable influence du débat international sur l’avenir de la région, en termes de durabilité de l’environnement, au cours de la conférence de Rio en 1992, et ses effets sur la production académique et les politiques territoriales, et plus particulièrement de l’environnement. Il faut également mentionner le programme de zonage écologico-économique de l’Amazonie, qui a engendré des recherches approfondies sur les aspects physiques, biotiques et socioéconomiques de la région, en plus de soutenir les politiques visant à l’aménagement du territoire et de l’environnement dans les neuf États amazoniens. D’autres études ont cherché à explorer la transversalité des questions environnementales dans les politiques pour le territoire amazonien, pour démontrer que c’est un chemin ardu mais aussi le plus approprié pour aborder ce domaine dans la perspective qui inspire la nouvelle géopolitique brésilienne. Le travail qui exprime le mieux cette tendance est celui de Neli Aparecida de Mello-Théry, Território e gestão ambiental na Amazônia (« Territoire et gestion de l’environnement en Amazonie ») [2011].

28 Toujours dans cette perspective, on peut citer l’initiative du Centre de gestion pour les études stratégiques (un think-tank dans l’orbite du gouvernement), qui approfondit les études engagées dans le Plan pour une Amazonie durable, dont est né le livre Um projeto para a Amazônia do século XXI (« Un projet pour l’Amazonie du XXIe siècle »), qui vise à résumer ce que serait un projet de développement durable pour la région, gouverné par les principes de la protection et l’amélioration des droits sociaux, culturels et environnementaux. Il s’agit d’un effort conceptuel et analytique qui cherche à maintenir l’impératif de la souveraineté brésilienne sur ce territoire tout en intégrant les défis de sa gestion décentralisée, participative et fondée sur la coopération internationale [CGEE, 2009].

29 Enfin, il convient de noter que ces dernières années ont vu la consolidation d’un nouveau sujet géopolitique, la côte, les eaux brésiliennes territoriales et l’Atlantique Sud. Il s’agit d’un nouveau thème stratégique pour le pays, développé depuis le milieu des années 1990 avec l’application des principes définis par la convention des Nations unies sur les droits de la mer, qui a permis au pays de définir une zone économique exclusive de 200 milles. Dans le même temps, l’expansion de l’exploration pétrolière en mer a permis la découverte de gisements de pétrole sous la couche de sel (dit petróleo pré-sal), dont certains sont situés dans les limites des eaux brésiliennes. Ainsi, le pays s’ouvre à un nouveau défi stratégique qui concerne maintenant le potentiel d’influence au-delà de la ZEE, l’espace élargi du plateau continental (parfois appelé l’« Amazonie bleue ») et l’Atlantique Sud. Les textes les plus récents sur le sujet sont, par exemple, Prospectiva, estratégias e cenários globais – visões do Atlântico Sul, Africa lusófona, América do Sul e Amazônia (« Potentiels, stratégies et scénarios globaux – visions de l’Atlantique Sud, de l’Afrique lusophone, de l’Amérique du Sud et de l’Amazonie ») [IPEA, 2011], qui souligne que le défi est précisément la capacité du pays, dans les années à venir, à combiner habilement deux politiques. D’une part, une action spécifiquement militaro-stratégique, visant à défendre la souveraineté étendue de ce pays et l’expansion de l’influence du pays dans cette région. D’autre part, avancer dans l’Atlantique Sud pour resserrer les liens de coopération avec les pays riverains, sud-américains et africains, sur la base des principes qui inspirent sa politique étrangère dans son ensemble. En d’autres termes, être guidé par la défense de la paix et le maintien de cette partie de l’Atlantique comme zone dénucléarisée, la franche coopération internationale et la défense et la protection de l’intégrité des ressources naturelles marines.

30 Enfin, les experts attirent l’attention sur le fait que l’expansion des zones sous sa souveraineté et l’élargissement des zones d’influence du pays, en particulier vers les eaux profondes de l’océan, représentent un environnement stratégique nouveau et difficile, et que par conséquent le pays devrait s’apprêter à faire de lourds investissements dans la modernisation à court et moyen terme de ses forces armées, en particulier le rééquipement de la marine. D’où l’importance du programme de modernisation de la flotte brésilienne, et en particulier l’Accord stratégique entre le Brésil et la France, en 2008, qui comprend la construction de cinq nouveaux sous-marins, dont un à propulsion nucléaire, qui devrait être lancé en 2020.

31 Face à ces nouveaux défis, nés de la nouvelle position du Brésil dans la division internationale du travail et de la puissance, comment évolue l’image que les Brésiliens se font du monde et de la place qu’ils y occupent ?

Le monde vu du Brésil

32 La vision que le Brésil a du Monde n’est pas encore bien définie. Même l’opinion plus informée n’est pas très consciente des changements massifs de la position du pays dans le panorama mondial. Loin de considérer le pays comme une puissance mondiale – ce qu’il est probablement en voie de devenir – ou au moins comme une puissance émergente – ce qu’il est déjà largement –, elle a encore souvent le complexo do vira-lata[4], le « complexe du corniaud », une expression inventée par l’écrivain et dramaturge brésilien Nelson Rodrigues, qui se référait initialement au traumatisme subi par les Brésiliens en 1950, lorsque l’équipe du Brésil a été battue par l’équipe uruguayenne en finale de la Coupe du monde, au Maracanã. Comment cette image peut-elle évoluer ? Il sera intéressant de l’observer dans les années à venir, à mesure que s’affirme la nouvelle position du pays.

33 Encore faut-il s’intéresser au reste du monde. Or le Brésil est un pays essentiellement autocentré, l’immense majorité des Brésiliens s’intéressent peu au reste du monde, à ce qui se passe là fora (au-dehors). On peut le comprendre si l’on pense que la plupart d’entre eux n’ont jamais voyagé à l’étranger et que les habitants des deux principaux foyers de peuplement du pays vivent soit à près de 2 000 kilomètres de la frontière la plus proche (pour les grandes villes du Sudeste comme São Paulo et Rio de Janeiro), soit à plus de 4 000 kilomètres (pour celles du Nordeste, Recife ou Fortaleza). La presse ne les y aide guère, elle parle peu de l’étranger et ne compare que très rarement le Brésil à d’autres pays, sauf pour dire qu’il est le plus grand ou le meilleur, ou parfois le plus nul au monde (complexo do vira-lata...). On peut croire à une plus grande ouverture quand on constate que les mêmes médias donnent régulièrement les résultats des championnats de football des principaux pays européens, mais on se rend vite compte qu’il ne s’agit que des équipes où opèrent des joueurs ou des entraîneurs brésiliens...

34 Cela ne signifie pas que le Brésil ne soit pas concerné par la mondialisation, il l’est au contraire profondément – à vrai dire, il l’est depuis l’arrivée des caravelles portugaises – par son commerce extérieur, par sa dette, par son intégration culturelle. Cela ne signifie pas non plus que sa diplomatie ne soit pas active, ni que son expansion n’ait pas de conséquences sur ses voisins, dont certains reparlent parfois de l’« impérialisme brésilien », comme du temps de la dictature militaire, sans que cela les empêche de consommer ses produits, d’y venir en vacances ou d’y faire des études. Pour jauger objectivement la place du Brésil dans le monde, nous avons choisi deux domaines, les flux aériens et le commerce international, flux de personnes et de marchandises qui révèlent les orientations de ses relations privilégiées avec certains pays.

Flux aériens

35 Quatre compagnies brésiliennes ont des réseaux internationaux, dont le dessin souligne les régions du monde avec lesquelles le Brésil entretient les échanges les plus denses. Toutes privilégient nettement trois directions, les pays voisins d’Amérique du Sud, l’Europe et les États-Unis. En des temps plus fastes, la Varig avait des lignes vers le Japon, via la Californie, et vers Bangkok, via l’Afrique du Sud, vers l’Angola et le Nigeria, mais ces temps de gloire sont désormais révolus et le pragmatisme a amené les compagnies brésiliennes à se concentrer sur les lignes les plus rentables.

36 Heureusement, bon nombre de compagnies étrangères desservent le Brésil, issues des pays avec lesquels il entretient des relations anciennes (voisins sud-américains, États-Unis, Japon et Europe), mais aussi de ceux avec lesquels ses échanges se sont plus récemment développés, notamment la Chine, les Émirats arabes unis et la Turquie. Celle-ci dessert au passage le Sénégal, ce qui atténue un peu le vide africain, les liaisons avec ce continent censé tenir une place clé dans la diplomatie brésilienne se résumant à une ligne vers l’Angola et une vers l’Afrique du Sud, l’une et l’autre tenues par des compagnies étrangères.

Commerce extérieur

37 Le commerce extérieur du Brésil montre bien les orientations de ses échanges, leurs évolutions récentes et la place du pays dans le monde d’aujourd’hui. Les partenaires principaux sont les voisins du Mercosud (principalement l’Argentine), les États-Unis, l’Europe, et de plus en plus la Chine, dont le poids était très limité il y a dix ans. Elle a aujourd’hui largement dépassé le Japon comme principal partenaire asiatique, grâce à ses achats massifs de minerai de fer, de soja, de viande et de sucre, en échange d’une foule de produits manufacturés, des plus banals (textiles de bas de gamme) aux plus sophistiqués (électroménager et informatique).

38 Le solde est néanmoins positif pour le Brésil, comme il l’est avec la Russie, plusieurs pays du Moyen-Orient (le Brésil ayant acquis son autosuffisance en pétrole en 2006) et avec ses voisins d’Amérique du Sud, à l’exception de la Bolivie à qui il achète du gaz sans pouvoir lui vendre beaucoup en échange, en raison de sa faible population et, plus encore, de son faible pouvoir d’achat. En revanche, les soldes sont négatifs avec les États-Unis et l’Europe, qui vendent au Brésil des produits à haute valeur unitaire et lui achètent principalement des minerais et des denrées agricoles, à la notable exception des avions de l’Embraer.

39 Le Brésil a donc une position très spécifique dans la division internationale du travail. Pour la fabrication des produits technologiques, il a un solde positif avec des pays moins développés que lui en Amérique du Sud, en Afrique et au Moyen-Orient, et des soldes négatifs avec les grandes puissances économiques. Cela signifie qu’il occupe une position intermédiaire entre les pays développés du « centre » (auxquels il achète des produits manufacturés, ainsi que des services, qui n’apparaissent pas ici, et vend des produits primaires), et les pays plus « périphériques » que lui (voisins sud-américains, producteurs de pétrole d’Afrique et du Moyen-Orient), auxquels il vend des biens manufacturés et achète des produits primaires, ce qui reflète sa position intermédiaire entre « Sud » et « Nord ».

40 Cette position s’est également révélée dans les actions qu’il a menées à l’OMC, l’Organisation mondiale du commerce, l’une contre la protection accordée par les États-Unis à leurs producteurs de coton, l’autre contre la protection accordée par l’Union européenne à ses producteurs de sucre, et les a gagnées toutes les deux (le responsable du dossier voulait aussi attaquer le Japon sur sa protection du marché national du riz, et regrette encore aujourd’hui d’en avoir été dissuadé par son chef). Tout n’est pas réglé, les États-Unis traînent les pieds, temporisent, même face à la menace de représailles sur leurs produits sensibles, mais dans les deux cas le Brésil espère gagner des parts de marché, ses avantages comparatifs lui permettant de produire plus et moins cher que ses concurrents.

41 Dans les négociations avec les Chinois, les Brésiliens ont eu moins de succès. La Chine a fait comprendre clairement au Brésil que, pour eux, il est avant tout une source de matières premières, notamment de soja et de fer, mais qu’elle souhaite acheter l’un sous forme de minerai et l’autre de graines brutes, et non laisser le Brésil y incorporer de la valeur ajoutée en lui vendant des profilés d’acier ou de la viande de volailles et de porc. Malgré des ouvertures timides lors du premier voyage de la présidente Dilma Rousseff en Chine, en avril 2011 – comme l’autorisation donnée à quelques abattoirs brésiliens d’exporter de la viande de porc vers la Chine –, le bras de fer avec l’empire du Milieu continue.

42 Ce retour au statut quasi colonial de producteur de denrées brutes et d’acheteur de produits manufacturés est le danger que redoutent certains, et qui porte même un nom, la comoditização, le risque de voir le Brésil ramené quelques siècles en arrière, au statut de producteur de commodities, les matières premières dont d’autres pays assureraient la transformation. C’est évidemment inacceptable pour un pays qui est déjà bien engagé sur la voie du développement industriel et dont l’économie repose déjà principalement sur les services. Et cela pèse naturellement sur la vision que le Brésil a du monde.

Quelle place dans le monde ?

43 Les relations avec les voisins sud-américains ont déjà été analysées ci-dessus. L’Afrique (et plus largement l’espace lusophone) et les autres grands pays émergents (dits BRIC, pour Brésil, Russie, Inde et Chine) ont été l’objet des soins du gouvernement Luíz Inácio Lula da Silva tout au long de ses deux mandats (2003- 2006 et 2007-2010). Lula a fait dix voyages en Afrique, dans 25 des 53 pays du continent, durant ces huit ans. Par exemple, en octobre 2007, lors de son septième voyage, il était accompagné d’entrepreneurs des secteurs de l’énergie, du bâtiment, de l’industrie aéronautique et des finances, et a fait étape au Burkina Faso, en République du Congo, en Afrique du Sud et en Angola. L’ordre du jour incluait la signature d’accords bilatéraux et multilatéraux et la participation au IIe sommet du Forum de dialogue Inde-Brésil-Afrique du Sud (IBAS). C’était cohérent avec sa politique d’ouverture au Sud, et avec la volonté de reprendre l’héritage du Portugal en Angola, au Mozambique et en Guinée-Bissau. Les résultats de tous ces voyages ont pourtant été décevants et des voix discordantes ont fait remarquer qu’à trop vouloir se placer en Afrique – dont le PIB ne représente que 1 % de celui de la planète – le Brésil perdait des parts de marché dans les pays qui comptent pour lui, en Amérique du Nord, en Europe et en Asie.

44 La Chine est aujourd’hui le point de mire du Brésil, chaque trimestre les observateurs comparent la progression du PIB national à celui de ce pays, et l’opinion craint que le Brésil ne prenne du retard : la principale manchette de la Folha de S. Paulo du 26 août 2011, qui portait sur la croissance du PIB pour 2011, était immédiatement suivie de la phrase suivante : « Si la projection du gouvernement est confirmée, le Brésil va croître moins que d’autres pays comme la Chine et l’Inde, mais à un rythme plus rapide que celle des pays avancés, comme les États-Unis. » Son économie souffre de la concurrence chinoise dans de nombreux secteurs, comme le textile, qui a déjà perdu plus de 250 000 emplois dans les dix dernières années.

45 Les espoirs des premières années du gouvernement Lula, qui était revenu de son premier voyage en Chine ravi des perspectives de collaboration, ont donc été déçus, comme l’ont été avant lui ceux de tant de chefs d´État dans les mêmes circonstances. Son élection, en janvier 2003, avait marqué un tournant dans les grandes orientations de la diplomatie brésilienne ; dès 2003, le discours était devenu nettement tiers-mondiste, notamment sous l’impulsion du numéro deux du ministère des Relations extérieures, Samuel Pinheiro Guimarães Neto, et des initiatives avaient été prises pour tourner la diplomatie brésilienne vers les pays du Sud, et pour jouer la carte des pays émergents.

46 Le Brésil peut en effet jouer sur les deux tableaux, et tente en permanence de le faire, en mettant l’accent tantôt sur l’un, tantôt sur l’autre. Il tente de maximiser ses avantages, notamment de grand producteur de produits agricoles et de biocarburants, de minimiser ses fragilités, principalement sa dépendance technologique et financière, et d’animer des dynamiques de recomposition des positions par rapport aux autres pays, pays plus développés d’un côté, pays pauvres de l’autre, en jouant de sa situation intermédiaire.

47 Un épisode montre bien l’ambiguïté de sa situation, la nationalisation des hydrocarbures en Bolivie, que l’opinion publique brésilienne a mal vécue. Le principal exploitant était la Petrobras, et la quasi-confiscation de ses raffineries a été ressentie comme une atteinte au prestige, voire à la souveraineté du pays. Le gouvernement du Parti des travailleurs (PT) et l’opinion éclairée ont été stupéfaits de se retrouver dans le rôle de puissance impérialiste, accusée de piller les ressources naturelles d’un pays pauvre, alors qu’il se pensait encore comme une victime de ce même jeu face aux pays développés du Nord.

48 Du coup la réaction a été embarrassée, le gouvernement a d’abord donné raison à la Bolivie, jusqu’à ce que les considérations économiques reprennent le dessus. La démission du ministre bolivien des Hydrocarbures (suite au désaveu, par la Présidence, de sa décision de faire de la Petrobras un simple opérateur de ses deux raffineries en Bolivie) a fait suite à la seule réaction ferme du Brésil, mais dans l’ensemble la réaction a été molle. Tout donne à penser que ce n’est que la face visible d’une négociation discrète et qui devrait finir par un accord sur un prix intermédiaire entre l’ancien prix, très bas, et celui que demande la Bolivie, bien plus élevé. Le Brésil a besoin du gaz bolivien en attendant la mise en exploitation du gaz découvert au large de Santos, et la Bolivie a besoin de vendre son gaz, avant que la production de ce même champ ne fasse tomber à rien la demande brésilienne. En fait, le Brésil commence seulement à faire l’apprentissage des côtés négatifs de son nouveau poids continental : renvoyé par les Chinois au rang de producteur de denrées de base, de préférence à bas prix, il est traité de puissance impérialiste par la Bolivie...

CARTE 4

LE MONDE VU DU BRÉSIL

figure im3
ASIE-PACIFIQUE
AMÉRIQUE DU NORD
EUROPE
Russie
OCCIDENTALEChine
Portugal
Timor
Leste
Inde
Cap Vert
BRÉSIL
Angola
Mozambique
Afrique du Sud
Le centre
La périphérie
Le Mercosud
L’Amérique du Sud La triade BRICS La solidarité La lusophonie

LE MONDE VU DU BRÉSIL

© HT 2012 - Revue Hérodote N° 146

49 Cette ambivalence est également apparue lors des grandes réunions internationales où le Brésil se voit et agit comme un des chefs de file des revendications des pays du Sud, (G20, G33...). Ce fut notamment le cas à la réunion de l’OMC à Cancún, en 2003, où il a largement contribué à bloquer les négociations en organisant la résistance des pays du Sud et à empêcher un accord qui semblait acquis. Il n’y a malheureusement guère eu de suites, ni lors du naufrage de la négociation de Doha, ni dans les autres forums internationaux, ni dans des initiatives sur la lutte contre la faim, un temps appuyée par Lula et Jacques Chirac. Les pays partenaires ont fait remarquer – avec l’exquise politesse des diplomates – que le Brésil devrait peut-être méditer sur l’échec de son programme Fome zero (« Zéro faim », inclus sans gloire et sans bruit dans les programmes d’assistance déjà mentionnés) avant de donner des leçons au reste du monde...

50 Dans le même temps, le Brésil revendique, comme grande puissance émergente, un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU. Il n’a pas obtenu grand succès de ce côté, ses démarches sont contrariées par les ambitions et les contre-manœuvres de son voisin argentin, ou encore du Mexique. Il est peu probable qu’il aboutisse, le Brésil ne peut guère prétendre réussir là où l’Allemagne ou le Japon ont échoué. Les efforts faits pour placer des Brésiliens à la tête de grands organismes internationaux ont également échoué, en partie faute de recueillir l’accord de ses voisins, qui sont aussi ses concurrents. Une exception a été la récente élection du « père » du programme Fome zero, José Graziano, à la tête de la FAO (Food and Agriculture Organization) en juin 2011.

51 Ces revers dans la diplomatie multilatérale, malgré l’effort consenti en envoyant des troupes pour maintenir l’ordre en Haïti (et ainsi payer son ticket d’accès au rang des pays qui comptent dans les relations internationales), illustrent bien la position ambiguë du Brésil, pays émergent, situé à la fois dans le peloton de tête des grandes économies mondiales et encore pays sous-développé par bien des aspects. En fait, le Brésil a acquis un poids spécifique considérable par sa population (plus de 190 millions d’habitants), par la puissance de son agro-industrie et de son appareil industriel, sans équivalent dans l’hémisphère Sud, mais il n’a pas encore trouvé sa place ni dans la cour des grands, où il pèse peu, ni comme leader des petits, où les plus pauvres le trouvent trop gros, et où les autres pays émergents jouent leur propre jeu. Et il reste à penser une géopolitique qui prenne en compte cette nouvelle position du Brésil sur l’échiquier international, ce à quoi s’emploient désormais nombre de chercheurs civils et militaires, notamment ceux que rassemble l’Association brésilienne des études de défense (ABED).

Conclusion

52 En guise de conclusion on peut noter avec plaisir que, dans un domaine au moins, sa supériorité n’est pas contestée, le football, comme en témoignent ses cinq victoires à la Coupe du monde, et plus encore ses exportations de joueurs dans le monde entier. Près d’un millier d’entre eux ont rejoint des clubs de quatre-vingts pays du monde entier. Le pays qui en a accueilli le plus est le Portugal, pour des raisons linguistiques évidentes. Mais on en a aussi vu partir au Japon, en Corée, et d’autres vers des pays plus exotiques pour des Brésiliens (d’autant que la plupart des joueurs sont d’origine populaire et bien peu préparés à la vie à l’étranger) : en Indonésie, au Vietnam, en Chine, en Azerbaïdjan, en Finlande, etc. On notera qu’entre 2004 et 2008, alors que leur nombre a diminué dans les pays voisins, en Corée du Sud et au Japon, il a au contraire augmenté particulièrement vite en Afrique du Sud, dans les pays du Golfe et surtout en Europe orientale, pays dont le rôle international s’est affirmé dans ces années. Même dans ce domaine ludique (mais qui est aussi et, de plus en plus, un business), il est clair que la position du Brésil dans la mondialisation se renforce et l’on peut donc – au-delà du clin d’œil – utiliser le football comme symbole de cette affirmation : sport importé de Grande-Bretagne avec les premiers chemins de fer, il a été passablement transformé : le jeu de gentlemen inventé sur les pelouses d’Eton est devenu un sport de masse qui soulève la ferveur de masses métisses et colorées, et les Brésiliens, en y incorporant leur sens du rythme et de l’improvisation, ont souvent dominé les équipes européennes. Non sans retomber parfois dans le désespoir quand la seleção nationale perd un match. Décidément, ça n’est pas une mauvaise métaphore...

CARTE 5

EXPORTATIONS DE JOUEURS DE FOOTBALL BRÉSILIENS

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BRÉSIL
Nombre de transferts Variation du nombre de transferts
en 2008 de 2004 à 2008, en %
209 Portugal
58 Allemagne
1 0,86 0 -0,73
15 France
1 Jordanie
Source : CBF, Relação de transferências para o exterior - http://www.cbf.com.br/php/transferencias.php, 20/9/9

EXPORTATIONS DE JOUEURS DE FOOTBALL BRÉSILIENS

© HT 2012 - Revue Hérodote N° 146

Notes

  • [1]
    Professeur à l’université de São Paulo (USP).
  • [2]
    Directeur de recherche au CNRS-Creda, professeur invité à l’université de São Paulo (USP).
  • [3]
    On notera toutefois que l’armée brésilienne avait contribué à lutter contre l’Allemagne nazie pendant la Seconde Guerre mondiale, sur le front italien. Avant le coup d’État de 1964 ses interventions dans la vie politique s’étaient plutôt faites à gauche, comme le mouvement des tenentes (lieutenants), dans les années 1920, et le capitaine Lamarca a été un des leaders de la lutte armée contre la dictature militaire, jusqu’à sa mort, les armes à la main, en 1971.
  • [4]
    Le vira-lata est un chien de race indéfinie qui se nourrit souvent en renversant les poubelles, virando lattas.
Français

La géopolitique brésilienne ne se résume pas à celle la dictature militaire (1964-1985), utilisée par les généraux-géopoliticiens pour justifier leurs politiques internes et externes. Sans nier l’usage très idéologique fait de la géopolitique lors cette période, il faut prendre en compte les mutations du Brésil, devenu aujourd’hui un des grands « pays émergents », pour voir à la fois comment a évolué la pensée géopolitique brésilienne et comment le changement de statut du pays se reflète – ou non – dans la vision que les Brésiliens ont du monde qui les entoure et de la place qu’ils y occupent.

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Wanderley Messias da Costa [1]
  • [1]
    Professeur à l’université de São Paulo (USP).
Hervé Théry [2]
  • [2]
    Directeur de recherche au CNRS-Creda, professeur invité à l’université de São Paulo (USP).
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Mis en ligne sur Cairn.info le 15/11/2012
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