CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Depuis le milieu des années 1990, de nombreux travaux ont souligné le lien qui existe entre les opinions des citoyens à l’égard de l’immigration et les jugements que ces derniers portent sur l’Union européenne (McLaren, 2002 ; Stockemer et al., 2018 ; Kentmen-Cin et Erisen, 2017).
Dans leur récente méta-analyse de 21 articles de revues scientifiques, publiés entre 2005 et 2017, Daniel Stockemer et al. (2018) observent une corrélation négative entre attitudes d’opposition à l’immigration et soutien à l’Union européenne dans plus de 70 % des cas.
D’un point de vue théorique, cette association statistique est le plus souvent interprétée à partir des hypothèses de « compétition ethnique » (ethnic competition) et/ou de menace ethnique (ethnic threat) (Blalock, 1967 ; Quillian, 1995 ; Hainmueller et Hopkins, 2014). Pour Claes De Vreese et Hajo G. Boomgaarden (2005), les attitudes anti-immigration sont le corolaire d’une valorisation par les individus de leur groupe d’appartenance (in-group). Les individus les plus opposés à l’immigration s’identifient à la majorité des « natifs » et se perçoivent potentiellement sous la « menace » de divers groupes exogènes, au premier rang desquels les immigrés.
Une telle évaluation normative par les individus de l’immigration comme « menace » a pour effet de diminuer de manière significative et souvent substantielle le degré d’adhésion à l’Union européenne (McLaren, 2007 ; Lubbers, 2008 ; Lubbers et Coenders, 2017). L’opposition à l’Union européenne se fonde dès lors sur la vision de l’intégration européenne comme un projet d’abaissement des frontières nationales, d’ouverture à l’immigration et de promotion du multiculturalisme (De Vreese et Boomgaarden, 2005, p…

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Cet article propose de réexaminer la question de l’impact de la crise des réfugiés de 2015 sur les attitudes individuelles à l’égard de l’immigration et de l’effet de ces dernières sur la confiance dans l’Union européenne. L’examen longitudinal des données comparatives des enquêtes European Values Studies (EVS) sur la période 1990-2017 suggère que cet effet demeure hétérogène selon les contextes régionaux ou nationaux, et qu’il varie également dans le temps. L’hypothèse d’un impact de la crise migratoire est corroborée dans une douzaine de pays de l’Union européenne à l’ouest comme à l’est de l’Europe. Au niveau macro, l’effet de la « pression migratoire » dans les États européens n’est pas significatif. La crise semble avoir avant tout activé des sentiments xénophobes dans les pays de l’Union européenne les moins affectés par la récession et le chômage, dessinant les contours d’un possible « euroscepticisme » des riches. Enfin, la politisation de l’Europe par les partis politiques nationaux reste un facteur déterminant, qui vient interagir avec la structuration d’attitudes de masse vis-à-vis de l’immigration et de l’Union européenne dans les opinions publiques européennes.

  • immigration
  • attitudes
  • Union européenne
  • confiance
  • crise migratoire
Gilles Ivaldi
SciencesPo Paris, CEVIPOF
gilles.ivaldi"at"sciencespo.fr
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Mis en ligne sur Cairn.info le 20/12/2021
https://doi.org/10.4000/ress.7848
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