CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Arrêt

2(…)

3Faits et procédure

42. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 septembre 2018), en vue de parvenir à l'exécution d'une sentence arbitrale condamnant M. Attia à lui payer une certaine somme, la société Metelmann & Co, société allemande ayant son siège social à Hambourg (la société), a saisi le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Paris, sur le fondement de l'article 815-17, alinéa 3, du code civil, afin de provoquer le partage judiciaire d'un bien immobilier situé à Issy-les-Moulineaux, propriété indivise de M. et Mme Attia, mariés sous le régime de la séparation de biens. La société a contesté la décision qui a constaté l'incompétence de ce juge et, plus généralement, des juridictions françaises au profit des juridictions algériennes.

53. Par arrêt du 7 octobre 2015, la cour d'appel de Paris a infirmé cette décision et, statuant à nouveau, dit le juge aux affaires familiales incompétent matériellement et déclaré compétent le tribunal de grande instance de Nanterre.

64. Un arrêt de la Cour de cassation (1re Civ., 1er juin 2017, pourvoi n° 15-28.344, Bull. 2017, I, n° 125) a cassé cet arrêt en toutes ses dispositions aux motifs que la compétence spéciale du juge aux affaires familiales pour connaître de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des époux, résultant de l'article L. 213-3, 2°, du code de l'organisation judiciaire n'est pas subordonnée à la séparation des époux et que l'action par laquelle le créancier personnel d'un indivisaire provoque le partage d'une indivision, exercée au nom de ce dernier, doit être portée devant le juge compétent pour connaître de l'action de ce débiteur.

75. Statuant sur renvoi, la cour d'appel de Paris autrement composée, après avoir constaté que les époux Attia résidaient en Algérie, a confirmé en toutes ses dispositions la décision du juge aux affaires familiales ayant constaté l'incompétence des juridictions françaises sur le fondement de l'article 1070 du code de procédure civile.

8Examen du moyen

9Énoncé du moyen

106. La société fait grief à l'arrêt de constater l'incompétence du juge aux affaires familiales de Paris et, plus généralement, des juridictions françaises, au profit des juridictions algériennes, pour connaître de son action aux fins de provoquer le partage de l'indivision entre les époux Attia portant sur un bien immobilier situé en France et d'inviter en conséquence le créancier à mieux se pourvoir auprès des juridictions territorialement compétentes, alors « que l'extension à l'ordre international des règles internes relatives à la compétence territoriale du juge aux affaires familiales résultant de l'article 1070 du code de procédure civile, fondées sur le critère de résidence de la famille ou de l'un des deux époux selon le cas envisagé, ne saurait avoir pour effet de méconnaître le respect de la compétence exclusive dont disposent les juridictions françaises pour statuer sur l'action en partage d'un bien immobilier situé en France ; qu'en écartant en l'espèce la compétence des juridictions françaises pour connaître de l'action de la société Metelmann & Co GmbH aux fins de provoquer, sur le fondement de l'article 815-17 du code civil, le partage de l'indivision entre les époux Attia portant sur un bien immobilier situé en France, au motif inopérant que ces derniers résident en Algérie, la cour d'appel, qui a méconnu la compétence exclusive précitée, a violé les principes qui régissent la compétence internationale, ensemble l'article 1070 du code de procédure civile étendu à l'ordre international. »

11Réponse de la Cour

12Recevabilité du moyen, contestée par la défense

137. M. et Mme A. soulèvent l'irrecevabilité du moyen, en ce qu'il reprocherait à la juridiction de renvoi d'avoir statué conformément à l'arrêt de cassation qui la saisissait (Ass. plén., 21 décembre 2006, pourvoi n° 05-17.690, Bull. 2006, Ass. plén, n° 14).

148. Cependant, l'arrêt de la Cour de cassation du 1er juin 2017 n'a pas statué sur la question de la compétence internationale des juridictions françaises, qui n'était pas soulevée par le moyen. Il ne s'est prononcé que sur la juridiction française compétente matériellement pour connaître de l'action oblique d'un créancier en partage d'un bien immobilier indivis entre époux séparés de biens, en application de l'article 815-17, alinéa 3, du code civil.

159. Le moyen est donc recevable.

16Bien-fondé du moyen

17Vu les principes qui régissent la compétence internationale, ensemble l'article 1070 du code de procédure civile :

1810. Selon les principes qui régissent la compétence juridictionnelle internationale des tribunaux français, celle-ci se détermine par l'extension des règles de compétence interne, sous réserve d'adaptations justifiées par les nécessités particulières des relations internationales.

1911. Aux termes de l'article 1070 du code de procédure civile, le juge aux affaires familiales territorialement compétent est le juge du lieu où se trouve la résidence de la famille ; si les parents vivent séparément, le juge du lieu de résidence du parent avec lequel résident habituellement les enfants mineurs en cas d'exercice en commun de l'autorité parentale, ou du lieu de résidence du parent qui exerce seul cette autorité ; dans les autres cas, le juge du lieu où réside celui qui n'a pas pris l'initiative de la procédure ; en cas de demande conjointe, le juge compétent est, selon le choix des parties, celui du lieu où réside l'une ou l'autre. Toutefois, lorsque le litige porte seulement sur la pension alimentaire, la contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant, la contribution aux charges du mariage ou la prestation compensatoire, le juge compétent peut être celui du lieu où réside l'époux créancier ou le parent qui assume à titre principal la charge des enfants, même majeurs. La compétence territoriale est déterminée par la résidence au jour de la demande ou, en matière de divorce, au jour où la requête initiale est présentée.

2012. Pour déclarer les juridictions françaises incompétentes, l'arrêt retient que, par application de ce texte, M. et Mme A. étant domiciliés en Algérie, les juridictions françaises sont incompétentes internationalement.

2113. En statuant ainsi, alors que, s'agissant d'une action en partage d'un bien immobilier situé en France, exercée sur le fondement de l'article 815-17, alinéa 3, du code civil, l'extension à l'ordre international des critères de compétence territoriale du juge aux affaires familiales, fondés sur la résidence de la famille ou de l'un des parents ou époux, n'était pas adaptée aux nécessités particulières des relations internationales, qui justifiaient, tant pour des considérations pratiques de proximité qu'en vertu du principe d'effectivité, de retenir que le critère de compétence territoriale devait être celui du lieu de situation de ce bien, la cour d'appel a violé les texte et principes susvisés.

22Portée et conséquences de la cassation

2314. Tel que suggéré par le mémoire ampliatif, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

2415. Il y a lieu de dire le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Nanterre internationalement compétent au regard du lieu de situation de l'immeuble litigieux.

25Par ces motifs, la Cour : casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris […].

26Du 4 mars 2020 - Cour de cassation (Civ. 1re) - Pourvoi n° 18-24.646 - Mme Batut, prés. - SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Yves et Blaise Capron, av.

27Il y a certaine ironie dans le fait qu'au moment même où l'éditorial de la première livraison de cette Revue pour l'année 2020 constatait le considérable allègement de la jurisprudence nationale intéressant la théorie générale [1], la Cour de cassation a livré le 4 mars 2020 deux arrêts qui non seulement s'y intéressent, mais renouent ostensiblement avec la grande tradition [2]. Il est vrai que l'européanisation des règles de compétence juridictionnelle a souvent donné à la Cour de cassation l'occasion d'appliquer les règles du droit commun. Cette rareté justifie qu'il soit porté un intérêt particulier aux arrêts qui, comme en l'espèce, font application des « principes qui régissent la compétence juridictionnelle des tribunaux français », et particulièrement du vénérable principe d'extension internationale des règles de compétence interne, et de ses nécessaires adaptations. Ironie dans l'ironie, cette revitalisation de la théorie générale intervient au sujet d'une espèce dont la soumission au droit commun n'est pas indiscutable, aujourd'hui ou pour l'avenir.

28L'affaire alimente la chronique judiciaire depuis des années [3]. Une société allemande détient une créance, en exécution d'une sentence arbitrale, sur une personne domiciliée en Algérie mais propriétaire indivis, avec son épouse, d'un bien immobilier situé à Issy-les-Moulineaux. Le créancier saisit le juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de Paris sur le fondement de l'article 815-17, alinéa 3, du code civil afin de provoquer le partage judiciaire du bien immobilier [4]. Un premier arrêt d'appel a dit le juge aux affaires familiales incompétent et a déclaré compétent le Tribunal de grande instance de Nanterre. Un premier arrêt de la Cour de cassation du 1er juin 2017 a cassé cet arrêt d'appel et jugé que la compétence spéciale du juge aux affaires familiales pour connaître de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des époux, résultant de l'article L. 213-3, 2° du code de l'organisation judiciaire, n'était pas subordonnée à la séparation des époux et que l'action par laquelle le créancier personnel d'un indivisaire provoque le partage d'une indivision, exercée au nom de ce dernier, doit être portée devant le juge compétent (à savoir le JAF) pour connaître de l'action de ce débiteur [5]. Sur renvoi, c'est à l'incompétence internationale que le demandeur se trouvait à présent en butte : la Cour d'appel de Paris a considéré que les juridictions françaises n'étaient pas compétentes sur le fondement de l'article 1070 du code de procédure civile parce que les époux résidaient en Algérie. Le créancier allemand faisait grief à cet arrêt d'avoir méconnu une compétence exclusive des juridictions françaises pour statuer sur l'action en partage d'un immeuble situé en France. La question se posait donc de savoir si les juridictions françaises étaient compétentes internationalement pour se prononcer sur le partage de l'indivision entre époux séparés de biens portant sur un immeuble situé en France, lorsque les époux n'y résident pas.

29Après avoir précisé que le pourvoi était bien recevable dans la mesure où le premier arrêt de cassation (1er juin 2017) n'avait pas tranché la question de la compétence internationale mais seulement la question de « la juridiction française compétente matériellement pour connaître de l'action oblique d'un créancier en partage d'un bien immobilier indivis entre époux séparés de biens », la Cour de cassation casse l'arrêt au visa des « principes qui régissent la compétence internationale, ensemble l'article 1070 du code de procédure civile ». Selon ces principes, ajoute la Cour, la compétence internationale des juridictions françaises « se détermine par l'extension des règles de compétence interne, sous réserve d'adaptations justifiées par les nécessités particulières des relations internationales ». Or, « s'agissant d'une action en partage d'un bien immobilier situé en France, exercée sur le fondement de l'article 815-7, alinéa 3, du code civil, l'extension à l'ordre international des critères de compétence territoriale du juge aux affaires familiales, fondés sur la résidence de la famille ou de l'un des parents ou époux, n'était pas adaptée aux nécessités particulières des relations internationales, qui justifiaient, tant pour des considérations pratiques de proximité qu'en vertu du principe d'effectivité, de retenir que le critère de compétence territoriale devait être celui de situation de ce bien ». La cour d'appel a donc violé les textes et principes visés et la Cour de cassation, cassant l'arrêt et statuant au fond, dit le juge aux affaires familiales du Tribunal judiciaire de Nanterre internationalement compétent au regard du lieu de situation de l'immeuble litigieux.

30La solution - nouvelle à notre connaissance - est digne d'intérêt et l'arrêt est rédigé en motivation étendue, ce qui permet d'avoir des précisions, notamment sur le plan des justifications, qui faisaient défaut jusque-là. Remarquons immédiatement, pour ne plus y revenir, que la formule pourrait paraître maladroite, ou au moins incomplète, en ce qu'elle consacre le lieu de situation du bien comme « critère de compétence territoriale ». Certes, ce critère est à la fois un critère de compétence internationale (parfois dite générale) et de compétence territoriale (parfois dite spéciale), cependant la question qui se posait en premier chef était celle de la compétence internationale. La Cour d'appel de Paris avait dit les juridictions françaises incompétentes internationalement et c'est bien sur ce terrain que la Cour de cassation se place puisqu'elle dit « le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Nanterre internationalement compétent au regard du lieu de situation de l'immeuble litigieux ».

31L'arrêt écarte la solution traditionnelle de l'extension internationale des règles de compétence interne (I) et consacre une règle de compétence véritablement internationale supplémentaire en droit commun français (II). Un point reste néanmoins en suspens, celui de l'applicabilité d'un texte de droit international privé européen, ce qui hypothèque un peu la portée de ce qui aurait pu être un bel arrêt, sinon un grand arrêt (III).

I - L'inadaptation de l'extension internationale de l'article 1070 du code de procédure civile

32La Cour écarte, en l'espèce, l'extension de l'article 1070 (A) en prenant argument de son caractère inadapté (B).

A - La solution : le refus de l'extension internationale de l'article 1070 du code de procédure civile

33On sait que sous l'empire du droit commun, la jurisprudence a affirmé le « principe qui étend à l'ordre international les règles françaises internes de compétence » [6] et plus précisément que « la compétence internationale se détermine par extension des règles de compétence territoriale interne » [7]. Cette solution a été réaffirmée après la réforme du code de procédure civile de 1975 [8]. Par application de ce principe, la compétence internationale ordinaire des tribunaux français se détermine en utilisant les règles françaises de compétence territoriale. Il suffit donc pour l'établir, que l'élément (ou l'un des éléments) de rattachement utilisés par une disposition interne de compétence territoriale soient réalisés ou localisés en France.

34Ce « principe régissant la compétence internationale » est ici rappelé par la Cour de cassation mais ce n'est pas pour l'avoir mal appliqué que la cour d'appel voit son arrêt censuré. Au contraire, cette dernière en avait fait une application (trop) stricte, à l'issue du raisonnement suivant. Comme on l'a dit, il s'agissait en l'espèce d'une action visant à provoquer le partage judiciaire d'un bien immobilier en indivision situé en France, sur le fondement de l'article 815-7 alinéa 3 du code civil qui donne au créancier « la faculté de provoquer le partage au nom de leur débiteur ou d'intervenir dans le partage provoqué par lui ». Conformément au premier arrêt de la Cour de cassation de 2017 rendu dans la même affaire, la cour d'appel avait considéré que cette action relevait de la compétence spéciale du juge aux affaires familiales pour connaître de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des époux, selon l'article L. 213-3, 2°, du code de l'organisation judiciaire [9]. Sur renvoi, la Cour d'appel de Paris en avait déduit que la compétence internationale de ce juge devait être déterminée par application de l'article 1070 du code de procédure civile, disposition réglementant sa compétence territoriale, et mobilisable pour les besoins de la compétence internationale, selon le principe sus énoncé. La cour d'appel en avait déduit que, les époux défendeurs résidants en Algérie, aucun des rattachements de l'article 1070 ne se réalisait en France. Les juridictions françaises se trouvaient donc incompétentes.

35À s'en tenir au principe de l'extension, ce raisonnement ne souffrait aucune critique. En effet, ce principe a été appliqué à l'article 1070 du code de procédure civile de jurisprudence constante [10]. C'est une solution établie que, lorsque les parties ne sont pas de nationalité française (et ne peuvent se prévaloir de l'application subsidiaire des privilèges de juridiction) et que le ou les rattachements retenus par les règles de compétence territoriale interne ne se réalisent pas sur le territoire français, les juridictions françaises sont incompétentes [11]. En retenant que les défendeurs étant domiciliés en Algérie, les juridictions françaises étaient incompétentes, la cour d'appel avait suivi les principes les mieux établis en la matière.

36Si l'arrêt encourt la cassation, c'est pour avoir négligé un tempérament important au principe de l'extension et avoir appliqué ce dernier, à tort, de manière systématique. Comme le rappelle la Cour dans l'arrêt sous commentaire : si la compétence juridictionnelle internationale des tribunaux français se détermine par l'extension des règles de compétence interne c'est « sous réserve d'adaptations justifiées par les nécessités particulières des relations internationales ».

37Cette solution est ancienne et - ajouterait-on volontiers - consubstantielle au principe de l'extension lui-même [12]. La doctrine n'a jamais accepté, comme cela a pu être jugé par le passé, que « les règles de compétence internationale ne sont que la projection sur le plan du conflit de juridictions des règles internes de compétence » [13]. Si l'extension a toujours paru comme un expédient commode et raisonnable pour surmonter le désintérêt du législateur pour la question de la compétence internationale, elle n'est précisément que cela. Ainsi que cela a été - et est encore - unanimement souligné en doctrine, une application trop stricte aurait « méconnu les particularités des situations internationales : le respect de l'indépendance des souverainetés, la satisfaction des besoins propres aux relations internationales et le souci d'une bonne administration de la justice imposent tantôt la compétence judiciaire française dans des cas où les règles de compétence territoriale interne ne la justifieraient pas, tantôt l'incompétence des tribunaux français dans l'hypothèse inverse » [14]. Il faut donc adapter les règles de compétence territoriales, ou plus exactement, les écarter de manière ponctuelle pour les remplacer par une règle de compétence « proprement internationale » [15].

38L'idée que le principe de l'extension devait subir des adaptations a par exemple été affirmée en 1979 dans l'affaire Nassibian. C'est en effet « par dérogation au principe qui étend à l'ordre international les règles internes de compétence territoriale » que le Cour de cassation a jugé que « les tribunaux français sont seuls compétents pour statuer sur l'instance en validité d'une saisie-arrêt pratiquée en France et qu'ils peuvent statuer éventuellement, à cette occasion, sur l'existence de la créance invoquée par la saisie-arrêt » [16]. On se souvient que dans cette affaire, l'article 567 de l'ancien de code de procédure civile désignait, pour les besoins de la compétence territoriale, le juge du domicile du défendeur, qui se trouvait en l'espèce en Suisse, pour connaître des demandes en validité et les demandes en mainlevée d'une saisie-arrêt. La simple extension de cette règle aurait dû mener à l'incompétence des juridictions françaises. Cependant, depuis l'arrêt Compagnie française de navigation Cyprien Fabre de 1931 [17] - un moment où le principe de l'extension n'était pas officiellement proclamé - la jurisprudence s'était convaincue que les juridictions françaises ne pouvaient être compétentes, que ce soit sur le fondement des privilèges de juridiction ou de l'ancien article 567, pour connaître « d'une demande en nullité ni en mainlevée d'une saisie-arrêt pratiquée en pays étranger, entre les mains d'un tiers saisi étranger, en vertu d'une décision des autorités judiciaires de ce pays », cela sur le fondement du « principe de l'indépendance et de la souveraineté respective des États ». Sur le même fondement, la réciproque (le juge étranger ne peut pas connaître d'une demande en nullité ni en mainlevée d'une saisie-arrêt pratiquée en France) devait imposer la compétence du juge français pour connaître de l'instance en validité d'une saisie arrêt pratiquée en France. Une fois le principe d'extension des règles de compétence territoriale interne bien installé, cette solution est demeurée, et a fait son chemin jusque dans l'affaire Nassibian. Il est donc entendu que si le principe est celui de l'extension, il ne s'agit là que d'un principe susceptible de dérogation.

39Si l'exception existe incontestablement, elle n'est pas très souvent explicitement mise en œuvre. Les études consacrées à cette question révèlent de nombreuses hypothèses dans lesquelles la jurisprudence prend des libertés avec l'extension [18], mais sans ressentir le besoin de le faire par une formule à portée générale comme dans l'arrêt sous commentaire. D'ailleurs, il est remarquable que la formule ici utilisée, ouvertement dogmatique, ne se retrouve à notre connaissance que dans un arrêt de 1985 dans lequel la Cour de cassation a écarté les règles de la Convention franco-italienne de 1930 au motif que cette convention « ne modifie pas les principes qui régissent la compétence juridictionnelle internationale des tribunaux français, laquelle se détermine par l'extension des règles de compétence interne, sous réserve d'adaptations justifiées par les nécessités particulières des relations internationales », sans qu'elle tire des conséquences particulières du dernier membre de phrase [19].

40Il n'en reste pas moins que les juridictions du fond doivent se garder d'appliquer systématiquement le principe de l'extension et maintenir l'œil ouvert pour des considérations qui pourraient nécessiter de s'en écarter. C'est pour ne l'avoir pas fait en l'espèce que la Cour d'appel de Paris voit son arrêt cassé. Plus précisément, après avoir rappelé dans l'attendu de principe, la règle de l'extension et son tempérament, la Cour de cassation relève que « s'agissant d'une action en partage d'un bien immobilier situé en France, […] l'extension à l'ordre international des critères de compétence territoriale du juge aux affaires familiales, fondés sur la résidence de la famille ou de l'un des parents ou époux, n'était pas adaptée aux nécessités particulières des relations internationales […] ». Ainsi, ce sont les nécessités particulières des relations internationales qui justifient que l'on s'écarte, en ce qui concerne l'action en cause, de la simple extension des règles de compétence territoriale interne, et que soit compétente la juridiction du lieu de situation du bien.

41Le point crucial est donc celui de l'adaptation (ou l'inadaptation) de la règle de compétence interne, dont l'extension est envisagée, aux nécessités particulières des relations internationales.

B - La justification : le caractère inadapté de l'extension de l'article 1070 du code de procédure civile

42Si l'arrêt de la cour d'appel est cassé c'est pour n'avoir pas vu que le principe de l'extension des règles de compétence interne, ici l'article 1070 du code de procédure civile, n'était pas adapté aux nécessités particulières des relations internationales. Ce qui peut paraître satisfaisant dans l'ordre interne ne l'est plus dans l'ordre international : l'application de l'article 1070 à l'action en partage d'un bien immobilier situé en France, exercée sur le fondement de l'article 815-17, alinéa 3, du code civil.

43Pour comprendre cette inadaptation, peut-être faut-il commencer par remonter à la source du problème, c'est-à-dire, à l'application, dans l'ordre interne, de l'article 1070 à l'action en cause. On peut s'étonner, en effet, que l'action en partage d'un bien immobilier, exercée par le créancier d'un époux, relève de cette règle qui fixe la compétence territoriale du juge aux affaires familiales. À ce stade, l'interrogation concerne la compétence matérielle, avant la compétence territoriale. Ainsi qu'on l'a rappelé, sur le plan de la compétence matérielle cette solution est le fruit de l'arrêt de la Cour de cassation rendu le 1er juin 2017 dans la même affaire qui attribué au juge aux affaires familiales la connaissance du partage d'une indivision entre époux, même en dehors de la séparation des époux et même quand l'action est exercée par le créancier personnel d'un époux indivisaire [20]. Cette solution a été affirmée au visa de l'article L. 213-3 du code de l'organisation judiciaire, et spécialement du 2° de cette disposition qui donne compétence au juge aux affaires familiales pour connaître non seulement du divorce, de la séparation de corps et de leurs conséquences mais aussi « de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des époux ». Ainsi que cela a pu être relevé par des commentateurs, la solution n'allait pas de soi lorsque c'est un tiers qui agit [21]. La Cour de cassation a donné une double justification à ce que cette action du tiers relève de la compétence d'attribution du juge aux affaires familiales. En premier lieu, « la compétence spéciale du juge aux affaires familiales pour connaître de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des époux, résultant de cet article (l'art. L. 213-3, 2°, COJ) n'est pas subordonnée à la séparation des époux ». Cela peut se comprendre - l'action concernant une indivision entre époux et exercée par l'un d'eux ne se présente pas différemment en cas de séparation ou pas - mais cela ne semble pas concerner le tiers. En second lieu, et de manière déterminante, « l'action par laquelle le créancier personnel d'un indivisaire provoque le partage d'une indivision exercée au nom de ce dernier, doit être portée devant le juge compétent pour connaître de l'action de ce débiteur ». L'idée sous-jacente est que le créancier exerce sur le fondement de l'article 815-17, alinéa 3, du code civil une action oblique en partage de l'indivision (action exercée « au nom » de l'indivisaire) : il emprunte l'habit de son débiteur pour exercer les droits de ce dernier, et par conséquent son action suit les règles attachées aux relations du débiteur, notamment en ce qui concerne la compétence [22]. Il est sans doute possible de discuter certaines étapes de ce raisonnement [23]. La rédaction même de l'article L. 213-3, 2° du code de l'organisation judiciaire fait un lien entre la séparation et le partage des intérêts patrimoniaux. En outre, bien que présentée comme une forme d'action oblique, l'action du créancier personnel d'un époux n'est pas en tout point identique à celle du débiteur [24]. Cela dit, la solution n'en a pas moins pu être approuvée comme concentrant et unifiant le contentieux des intérêts patrimoniaux devant le juge aux affaires familiales [25]. Voilà donc ce qui justifie, dans l'ordre interne, que l'action en cause relève de la compétence d'attribution de ce juge. Cet objectif de concentration se retrouve dans les rattachements, hiérarchisés retenus par l'article 1070 du code de procédure civile, qui retiennent la résidence de la famille ou de l'un des époux. L'idée est bien de concentrer le contentieux patrimonial du couple devant un seul juge proche du couple. Une telle logique se comprend bien dans l'ordre interne. Pourquoi n'est-elle pas reconduite dans l'ordre international ? La réponse à cette question peut être exposée selon deux perspectives inverses, à partir d'un point de vue internationaliste ou interniste.

44Le point de vue interniste prolonge la discussion esquissée ci-dessus. On voit que - en droit interne - l'inclusion de l'action dont s'agit à la compétence d'attribution du juge aux affaires familiales n'est pas indiscutable. Cette action du créancier de l'indivisaire se situe à la marge : elle est incluse, mais elle aurait aussi bien pu ne pas l'être, en raison de l'idée que se font le législateur et la jurisprudence des principes qui guident la compétence d'attribution de ce juge. Le peu d'enjeu de la question de la compétence territoriale interne fait que, une fois opéré ce choix de compétence d'attribution, rien ne s'oppose à ce qu'il en soit simplement tiré les conséquences du point de vue de la compétence territoriale, et que soit appliquée la règle correspondante, à savoir l'article 1070 du code de procédure civile. Cela alors même que cette règle de compétence n'est pas spécialement adaptée au contentieux liquidatif [26]. C'est en toute hypothèse une juridiction française qui sera saisie. Cependant, si du point de départ purement interne, l'on s'éloigne pour envisager une situation internationale, les éventuelles insatisfactions que l'on pourrait éprouver à appliquer la règle de compétence territoriale vont se trouver exacerbées, en raison des enjeux bien plus importants de la compétence internationale. À la marge de la compétence d'attribution du juge aux affaires familiales, l'action en partage exercée par le créancier de l'indivisaire est alors prête à basculer en dehors du champ de la règle de compétence territoriale interne correspondante, étendue à la matière internationale.

45La seconde perspective - internationaliste - peut être résumée par l'idée que la non-réalisation sur le territoire français du rattachement retenu par la règle de compétence territoriale interne que l'on se propose d'étendre est insupportable ou au moins très insatisfaisante. Parce que, en raison du caractère international de la situation, le rattachement n'aboutit plus à la désignation d'une autre juridiction au sein de l'ordre juridique français, mais à l'incompétence des juridictions françaises, il faut s'en écarter. En l'espèce, le créancier aurait dû aller saisir le juge algérien, s'agissant d'un immeuble en France, et rien ne garantit d'ailleurs que ce juge se serait reconnu compétent. De surcroît, la décision devant s'exécuter dans l'ordre juridique de situation de l'immeuble, il fallait ensuite en demander la reconnaissance en France. Un tel détour peut paraître superflu [27]. Il est naturel que, comme c'est le cas en l'espèce, le départ de la logique d'extension serve à éviter l'incompétence des juridictions françaises. De ce point de vue, il faut souligner que le rattachement auquel il est dérogé revient à celui du domicile du défendeur, lorsqu'il est situé à l'étranger. C'était déjà le cas dans l'arrêt Nassibian. Ce dernier rattachement est la victime toute désignée de cette aversion pour l'incompétence des juridictions françaises, qui apparaît dans la perspective internationaliste : pratiqué sans risque dans l'ordre interne où ses attraits s'expriment de la manière la plus pure (entre toutes les juridictions d'un même ordre juridique, choisir celle qui est la moins défavorable au défendeur), l'actor sequitur peut considérablement perdre de sa séduction lorsque la considération - dont le caractère subalterne apparaît alors - de protection du défendeur risque d'aboutir à l'incompétence des juridictions françaises. Alors, notre ordre juridique se montre singulièrement moins enclin à s'en remettre à cette « maxime de justice universelle ». S'il est finalement dérogé à l'actor sequitur, la question se pose de savoir pourquoi l'incompétence des juridictions françaises est-elle insupportable, pour le type d'action en cause ?

46C'est que ce type d'action exige la compétence des juridictions françaises. Du rejet de l'extension, on passe alors à l'affirmation de la compétence des juridictions françaises.

II - L'affirmation de la compétence internationale de la juridiction du lieu de situation de l'immeuble pour se prononcer sur le partage

47La Cour de cassation affirme le principe de compétence de la juridiction du lieu de situation de l'immeuble « s'agissant d'une action en partage d'un bien immobilier situé en France, exercée sur le fondement de l'article 815-17, alinéa 3, du code civil » (A), en invoquant le principe d'effectivité et des considérations pratiques de proximité (B).

A - La solution : compétence internationale de la juridiction du lieu de situation de l'immeuble

48Une fois écarté pour l'action en cause le principe de l'extension, la Cour juge que les « nécessités particulières des relations internationales […] justifiaient, tant pour des considérations pratiques de proximité qu'en vertu du principe d'effectivité, de retenir que le critère de compétence territoriale devait être celui du lieu de situation de ce bien ».

49La compétence du juge du lieu de situation du bien pour connaître d'une action en partage est donc préférée à celle organisée par l'article 1070, fondée « sur la résidence de la famille ou de l'un des parents ou époux ». On rapprochera sans difficulté cette solution, ponctuelle, de celle, générale, selon laquelle les actions réelles immobilières sont de la compétence des tribunaux du pays où l'immeuble est situé.

50Avant même que le principe de l'extension des règles de compétence interne soit formellement acquis, la Cour de cassation avait déjà jugé, au visa de l'article 3, alinéa 2, du code civil que « par application du principe de territorialité des lois relatives aux immeubles admis par cet article, ces biens sont régis par la loi du lieu où ils sont situés », ce dont elle avait déduit que « la dévolution successorale des immeubles sis en pays étranger échappe, en principe, à la loi française et à la connaissance des tribunaux français, même lorsqu'il sont de la propriété de Français » [28]. Réciproquement, il fallait comprendre que la compétence - exclusive et impérative - des juridictions françaises s'imposait lorsque l'immeuble était situé en France, et que s'appliquait la loi française, même dans les procès entre étrangers [29]. Une fois l'extension internationale des règles de compétence territoriale interne consacrée, cette solution a pu également se réclamer de l'application de son principe à l'article 44 du code de procédure civile : « en matière réelle immobilière, la juridiction du lieu où est situé l'immeuble est seule compétente ». Cependant, alors que la solution antérieure de compétence du lieu de situation de l'immeuble avait une vocation générale, l'extension des règles de compétence interne risquait d'aboutir à soumettre certaines demandes relatives à des immeubles à des règles de compétence spéciales, qui ne retenaient pas comme critère de rattachement le lieu de situation. L'exemple le plus flagrant a été celui de l'article 45 du code de procédure civile qui prévoyaient qu'en matière de succession, soient « portées devant la juridiction dans le ressort de laquelle est ouverte la succession jusqu'au partage inclusivement » les demandes y afférentes. Le risque était donc de voir les demandes successorales immobilières concernant des immeubles en France échapper au juge français. Les tribunaux français ont donc fait exception au principe de transposition pour affirmer leur compétence lorsque l'immeuble est situé en France. De la même manière que l'arrêt Nassibian constituait le pendant de l'arrêt Cyprien Fabre (compétence des juridictions françaises pour connaître de l'instance en validité d'une saisie-arrêt pratiquée en France ; incompétence des juridictions françaises pour connaître de la même instance au sujet d'une saisie-arrêt pratiquée en pays étranger), a été affirmée la compétence des juridictions françaises pour connaître d'une action en partage d'un bien immobilier situé en France comme symétrique à l'obiter dictum du grand arrêt Weiss qui excluait de la portée générale de l'article 14 du code civil, les demandes en partage (successoral) portant sur un immeuble situé à l'étranger.

51C'est dans ce mouvement jurisprudentiel que s'inscrit l'arrêt sous commentaire. Malgré l'article 1070 du code de procédure civile et le principe d'extension, il ne pouvait pas ne pas y avoir de compétence des juridictions françaises : l'extension était inadaptée ; l'arrêt d'appel est cassé pour ne l'avoir pas senti. La Cour consacre donc explicitement une règle de compétence « purement » ou « spécifiquement » internationale, c'est-à-dire un de ces « chefs originaux de compétence internationale, propres aux litiges internationaux et sans rapport avec ceux de la compétence territoriale interne » [30]. Ici cette consécration concerne l'action en partage du créancier d'un indivisaire, fondée sur l'article 815-17 du code civil et permet aux juridictions françaises d'être compétentes lorsque l'immeuble se situe en France.

52Un tel résultat - la compétence directe des juridictions françaises s'agissant d'une action en partage d'un bien immobilier situé en France - aurait peut-être pu être obtenu par une autre voie, celle de la qualification d'action mixte. En effet, dans l'ordre interne, la Cour de cassation a pu qualifier par le passé l'action en partage d'action mixte. Elle a ainsi jugé, en 1976, précisément dans une affaire d'indivision entre époux séparés de bien, que « l'action en partage qui procède d'une prérogative personnelle reconnue au co-indivisaire tend à la détermination de son droit de propriété privatif sur le bien qui sera mis dans son lot et présente, en conséquence, le caractère d'une action mixte » [31]. On sait que l'action mixte, à côté de l'action personnelle et de l'action réelle, est celle « qui tend, tout à la fois, à la réalisation d'un droit personnel et d'un droit réel nés semblablement d'une même opération juridique » [32]. L'articulation, au sein de l'action mixte, entre l'action personnelle et l'action réelle peut être successive (ex. de l'anéantissement des actes juridiques translatifs de droits réels immobiliers) ou simultanée (ex. de l'action ayant pour objet l'exécution d'un acte juridique qui transfert un droit réel immobilier tout en donnant naissance à un droit de créance). On rattache en général l'action en partage à la seconde catégorie [33]. L'un des intérêts de cette qualification réside dans les règles de compétence territoriale interne : l'article 46 du code de procédure civile permet en cette matière au demandeur d'agir, outre devant la juridiction du lieu ou demeure le défendeur, devant la juridiction du lieu où est situé l'immeuble. C'est ainsi que dans l'arrêt du 18 mai 1976, la Cour de cassation, après avoir qualifié l'action en partage du co-indivisaire d'action mixte, avait alors approuvé la cour d'appel qui avait déclaré compétent territorialement pour connaître de cette action le tribunal dans le ressort duquel étaient situées les parcelles de terre achetées indivisément pendant leur mariage par des époux séparés de biens.

53La qualification de l'action en partage du co-indivisaire d'action mixte a été incidemment confirmée par la suite dans une situation internationale [34]. Cette qualification avait été mobilisée par la Cour de cassation, en 2015, pour faire échapper l'action en partage ainsi qualifiée de mixte du domaine d'application ratione materiae de l'article 22-1° du règlement Bruxelles I, selon un principe d'interprétation stricte de cette exception « au principe général de compétence » des juridictions du domicile du défendeur. Cette utilisation des catégories du droit français pour définir la notion autonome de « droits réels immobiliers » au sens de l'article 22 du règlement n'était pas satisfaisante et la Cour est revenue sur cette dernière solution, en décidant le 20 avril 2017 que l'action en partage appartenait bien à la catégorie autonome de « droits réels immobiliers », sans plus faire aucune référence à la qualification nationale d'action mixte [35]. Cette correction ne remet pas profondément en cause la qualification du partage en action mixte car elle ne vaut que lorsque le système de Bruxelles est applicable (sur cette question v. infra).

54Ainsi, pour parvenir à une compétence directe des juridictions françaises pour connaître d'une action en partage d'une indivision portant sur immeuble situé en France, il était envisageable de passer par la qualification d'action mixte et l'extension de l'article 46 [36]. L'arrêt n'emprunte pas cette voie. Est-ce le signe que de telles actions ne relèvent finalement plus de la catégorie des actions mixtes, au sens de l'article 46 alinéa 4 ? Ou est-ce seulement une correction nécessaire s'agissant non pas des actions en partage en général, mais uniquement de l'action en partage exercée (par un indivisaire ou son créancier) dans une situation relevant de l'article L. 213-3, 2° du code de l'organisation judiciaire (compétence d'attribution du juge aux affaires familiales) ? Il semble bien que c'est parce que la Cour de cassation avait au préalable tranché la question de la compétence d'attribution en faveur du juge aux affaires familiales que la voie de l'article 46, alinéa 4, du code de procédure civile était fermée, ce qui justifie la création d'une règle de compétence purement internationale en faveur du situs de l'immeuble.

55Ainsi présentée, la solution souligne la force d'attraction du situs du bien immobilier : lorsque pour des raisons tenant à l'organisation de la compétence d'attribution, la règle de compétence risque de ne pas permettre la compétence des juridictions françaises alors que l'immeuble est situé en France, la solution est immédiatement éludée. Cette solution vaut donc aussi pour le partage d'une indivision immobilière, en dehors du cadre conjugal. La comparaison avec le droit judiciaire européen accentue encore ce constat. En effet, la Cour de justice a jugé dans une affaire Komu « que relève de la catégorie des litiges “en matière de droits réels immobiliers” au sens de cette disposition une action en dissolution, au moyen d'une vente dont la mise en œuvre est confiée à un mandataire, de la copropriété indivise sur un bien immeuble » [37]. L'arrêt de la Cour de cassation du 20 avril 2017 n'avait d'ailleurs neutralisé la qualification nationale d'action mixte que pour soumettre l'action en partage à la compétence (exclusive) du juge du lieu de situation de l'immeuble sur le fondement de l'article 22-1° du règlement. Que ce soit par application du système de Bruxelles I (et la qualification autonome de « droit réel immobilier ») ou sous l'empire du droit commun (et la qualification nationale d'action mixte), la juridiction française est compétente pour se prononcer sur l'action en partage concernant un bien immobilier situé en France.

56Au-delà de la discussion technique (mais inévitable, v. infra) sur le corps de règle effectivement applicable à cette question (droit national ou droit judiciaire européen), on peut remarquer, et se féliciter, de cette convergence de solution entre droit commun et droit judiciaire européen. Il aurait été étrange que la même action soit réservée, sous l'empire du second, à la compétence exclusive du juge du lieu de situation, et sous l'empire du premier, retirée à la connaissance de ce juge pour être confiée uniquement au juge du lieu où se trouve la résidence de la famille. Malgré l'enchevêtrement des systèmes de compétence, la compétence du juge du lieu de situation de l'immeuble est de nature à rassembler les différentes hypothèses de partage. En effet, c'est en matière de partage successoral que cette compétence a été affirmée (avant l'entrée en vigueur du règlement successions[38]). L'action en partage d'un bien immobilier, exercée sur le fondement de l'article 815-17, alinéa 3, du code civil, c'est-à-dire par le créancier de l'indivisaire se trouve en alignement. Quelle est la portée de la solution ? À suivre la lettre de l'arrêt, seule l'action du créancier est concernée. Les autres actions, par exemple celles entre époux séparés de bien ayant droit au partage de leurs biens indivis même avant la dissolution du mariage [39], doivent-elles demeurer dans le giron de l'article 1070 du code de procédure civile ? Certes, cette dernière action constitue, bien plus sûrement que l'action du créancier d'un époux indivisaire, le cœur de la compétence matérielle du juge aux affaires familiales, ce qui l'arrime un peu plus sûrement aux règles déterminant sa compétence territoriale. Cependant les raisons (v. infra) avancées pour justifier la compétence du juge du lieu de situation de l'immeuble sont transposables. Et surtout, dans l'arrêt du 1er juin 2017, la Cour de cassation a lié les deux actions en jugeant que « l'action par laquelle le créancier personnel d'un indivisaire provoque le partage d'une indivision, exercée au nom de ce dernier, doit être portée devant le juge compétent pour connaître de l'action de ce débiteur » [40]. Si le juge français est compétent, comme juge du lieu de localisation de l'immeuble indivis, pour connaître de l'action du créancier du débiteur indivis, il l'est forcément aussi pour connaître plus généralement de la demande en partage présentée par l'un des indivisaires. En dehors de la compétence d'attribution du juge aux affaires familiales (relations patrimoniales des couples), l'action en partage d'une indivision (qui échapperait à l'application du système de Bruxelles I) devrait également relever de la compétence du juge français lorsque l'immeuble est situé en France. Il faut donc considérer que la règle ici consacrée vaut pour toutes les hypothèses de partage (sauf le partage successoral, soumis au Règlement succession[41]).

57La remarquable convergence des solutions autour de la compétence du juge du lieu de situation de l'immeuble s'explique par les considérations propres à cette matière, qui paraissent dicter le rattachement au situs de l'immeuble.

B - Les justifications : proximité et effectivité

58Si la Cour de cassation consacre « le critère de compétence territoriale […] du lieu de situation de ce bien », c'est parce que « s'agissant d'une action en partage d'un bien immobilier situé en France », les « nécessités particulières des relations internationales (le) justifiaient, tant pour des considérations pratiques de proximité qu'en vertu du principe d'effectivité ».

59L'arrêt invoque donc en premier lieu des considérations pratiques de proximité. L'invocation de la proximité peut faire référence au « caractère classiquement localisateur, ou savignien » du situs[42]. L'idée, abstraite, paraît être que la localisation de l'immeuble en France justifie la compétence directe des juridictions françaises. L'expression exacte de l'arrêt (« considérations pratiques de proximité ») indique que, plus concrètement, la saisine d'un juge proche des éléments matériel du litige est satisfaisante. Effectivement selon les représentations les plus largement acceptées, il n'est pas nécessaire d'invoquer autre chose que la proximité de la justice pour fonder la compétence directe des juridictions françaises [43]. Bien sûr, on pourrait objecter que le domicile (à l'étranger) des défendeurs, rattachement ici éludé, témoignerait également d'une telle proximité. Une telle objection manquerait ici de pertinence : il ne s'agit pas de dire que la juridiction étrangère aurait manqué de proximité, mais seulement que la juridiction française (peut-être parmi d'autres) constitue une juridiction suffisamment proche. L'inscription de la solution dans la logique privatiste la mieux établie est indiscutable.

60Elle est confirmée, au moins en partie, par l'invocation d'un « principe d'effectivité ». Celui-ci, « nouveau venu parmi les principes qui régissent la compétence internationale », en tout cas dans la jurisprudence de la Cour de cassation [44], nécessite une explicitation. Il peut être ramené à la conception privatiste, exposée plus haut : la décision sur le partage d'un bien immobilier indivis peut nécessiter des investigations factuelles et expertises ; la licitation fera intervenir les autorités locales ; des inscriptions sur des registres fonciers seront nécessaires. De telles considérations justifient sans difficulté la compétence des juridictions françaises, et de ce point de vue l'invocation de l'effectivité s'inscrit dans la perspective plus générale de la bonne administration de la justice, fondement traditionnel de la compétence empruntant aux notions d'efficacité procédurale et de commodité des parties [45].

61La référence à « un principe d'effectivité » ne devrait pas, cependant, être limitée à cette conception privatiste. En effet, l'effectivité a pu, en matière réelle immobilière, être présentée comme un prolongement d'une justification souverainiste de la compétence, mais d'un point de vue pratique [46]. Les éventuelles mesures à prendre devront forcément s'exécuter au lieu de situation de l'immeuble, et devront tout aussi forcément être conformes aux vues de cet ordre juridique, pour être effectives. Cela milite en faveur de la compétence du juge local et pourrait contribuer à justifier cette solution. Certes, la Cour de cassation ne fait pas directement référence à la souveraineté, ce qui peut étonner tant l'idée selon laquelle « l'immeuble n'est pas seulement un bien mais aussi un élément du territoire, dont l'État, par conséquent, ne peut se désintéresser » [47] continue de recevoir un certain crédit [48]. Par comparaison, la jurisprudence Cyprien Fabre-Nassibian, invoquait, en matière de voie d'exécution, le « principe de l'indépendance et de la souveraineté respective des États » au soutien de la dérogation au principe d'extension. La différence s'explique parce qu'il ne s'agissait ici que de fonder la compétence directe des juridictions françaises : à cela, les considérations de proximité et de bonne administration de la justice suffisent. L'invocation de la souveraineté intervient d'ordinaire pour justifier un renforcement du régime de la compétence directe ainsi fondée, de manière à la rendre exclusive. Dans la doctrine américaine, cette solution est connue sous le nom de « Land Taboo » [49]. Cela dit, l'idée que la matière réelle immobilière mettrait directement en cause la souveraineté de l'État du situs a perdu beaucoup de son audience en doctrine. Il est plus volontiers soutenu une implication indirecte de la souveraineté étatique, à travers deux canaux. Le premier canal est celui de la concordance du forum et jus qui soulignerait « un certain exclusivisme de rattachement » [50]. L'arrêt sous commentaire ne mentionne pas non plus cette considération de forum legis, mais il ne fait pas de doute que l'action est soumise à la lex rei sitae française. Le second canal est précisément celui de l'effectivité. Cette dernière a été mobilisée par la doctrine pour justifier, en matière successorale, l'incompétence des juridictions françaises face à l'« inéluctable localisation à l'étranger de l'exécution du partage à intervenir sur les immeubles concernés » [51]. Il existerait en ce domaine « un lieu d'exécution nécessaire » de la décision et « la protection et la répartition de la propriété immobilière sont ainsi l'objet d'une espèce de juridiction immédiate de l'État de localisation » [52]. Cette idée a même paralysé, dans l'arrêt Le Van Chau[53], l'argument tiré du for de nécessité en ce qui concerne un immeuble situé à l'étranger. Il serait inutile d'engager le demandeur à « un geste platonique et, d'ailleurs purement frustratoire… » [54]. L'invocation, à côté de la proximité, du principe d'effectivité, même pour affirmer une « simple » compétence directe des juridictions françaises, souligne la particularité incompressible de la matière immobilière et pourrait justifier, au-delà, le caractère exclusif de cette compétence. On s'éloignerait alors radicalement du régime de compétence juridictionnelle des actions mixtes qui, si elles peuvent être présentées aussi devant le juge du lieu de situation de l'immeuble, ne lui appartiennent pas exclusivement [55].

62C'est la voie résolument indiquée par le système de Bruxelles I. Dans l'affaire Komu, la juridiction finlandaise avait été saisie par certains indivisaires d'une demande en dissolution d'une indivision concernant un immeuble situé en Espagne et elle demandait à la Cour si relevait de la catégorie des litiges « en matière de droits réels immobiliers » au sens de l'article 22-1° du règlement une action en dissolution, au moyen d'une vente dont la mise en œuvre est confiée à un mandataire, de la copropriété indivise sur un bien immeuble. Pour la Cour de justice (fidèle en cela aux explications du Rapport Jenard [56]), il y a trois séries de considérations qui justifient la compétence du juge du lieu de situation de l'immeuble : des considérations classiques de bonne administration de la justice [57] et de proximité [58] (les vérifications, les enquêtes, les expertises, l'obtention de preuve), des considérations d'effectivité [59] (la circonstance que les droits de propriété font l'objet d'enregistrement ; la nécessité de passer par des procédures locales pour la licitation) ; des considérations classiques de forum legis[60] (c'est en général le droit local qui sera appliqué).

63La comparaison avec la solution retenue par le système de Bruxelles montre, au-delà de la simple convergence sur la question de la compétence directe en matière de partage immobilier, la tentation du basculement vers une compétence exclusive. Le pas est résolument sauté pour le système de Bruxelles, qu'en est-il du droit commun ? L'arrêt sous commentaire, qui se limite à l'établissement de la compétence directe, ne se prononce pas sur la question mais la référence aux considérations d'effectivité semble orienter vers une exclusivité (qui existait par ailleurs pour le partage en matière successorale). D'ailleurs, la convergence de justifications entre le système de Bruxelles et le système de droit commun milite pour une convergence du régime de la compétence et donc pour l'exclusivité.

64Convergence du rattachement au situs, convergence des justifications, et - peut-être ? - convergence du régime, sont remarquables, reste que techniquement un doute persiste sur le système de compétence qui était véritablement applicable en l'espèce.

III - La question du choix du texte applicable

65La Cour a tranché la question de la compétence des juridictions françaises par application du droit commun et le moyen annexé révèle, dans le rappel des motifs, que les juridictions du fond se sont bornées à écarter succinctement le Règlement Bruxelles II bis, inapplicable « en matière de liquidation de régime matrimonial ». L'applicabilité d'un texte du droit judiciaire privé européen n'était pas davantage relevée devant la Cour de cassation. Effectivement, le règlement régimes matrimoniaux[61] n'est pas applicable ratione temporis (action lancée avant le 29 janvier 2019). Cela dit, si l'action était intentée aujourd'hui, l'applicabilité ratione materiae de ce texte se poserait (B). Avant cependant d'en arriver là, concernant l'affaire en cause, c'est l'applicabilité du Règlement Bruxelles I qui aurait pu être débattue, et ne l'a malheureusement pas été (A).

A - Applicabilité du Règlement Bruxelles I

66Ainsi qu'on l'a déjà relevé, pour souligner la convergence des solutions en la matière, la Cour de cassation a considéré en 2017 qu'un litige relatif à la propriété et au partage, entre des résidents français, d'une indivision portant sur un immeuble situé en Espagne relevait de la catégorie des litiges « en matière de droit réel immobilier » de l'article 22, point 1, du règlement Bruxelles I. Les juridictions françaises étaient donc incompétentes. La Cour de cassation, abandonnant ainsi sa jurisprudence antérieure, s'appuyait sur l'arrêt Komu de la Cour de justice qui avait jugé qu'une « action en dissolution, au moyen d'une vente dont la mise en œuvre est confiée à un mandataire, de la copropriété indivise sur un bien immeuble » relevait de cette disposition. La solution était d'autant plus marquante que le moyen avait été relevé d'office par la Cour, s'appuyant sur l'article 25 du règlement disposant que « le juge d'un État membre, saisi à titre principal d'un litige pour lequel une juridiction d'un autre État membre est exclusivement compétent, se déclare d'office incompétent ». Un commentateur de cet arrêt avait bien souligné alors « l'impact de la qualification sur la place réservée aux règles de droit international privé commun » [62]. En effet, sous l'empire de la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation (arrêt du 23 septembre 2015), l'action en partage, qualifiée d'action mixte, échappait à la catégorie des droits réels immobiliers et au domaine d'application de l'article 22, point 1, du règlement Bruxelles I, pour entrer dans le domaine des règles de compétence ordinaire du règlement (en matière personnelle, puisque le règlement ne réserve pas de sort particulier aux actions mixtes). De la sorte, lorsque le défendeur à l'action en partage n'était pas domicilié sur le territoire d'un État membre, le règlement n'était pas applicable. Dans un cas comme celui de l'espèce, où les défendeurs sont domiciliés sur le territoire d'un État tiers, le règlement n'est pas applicable, et c'est justement que la compétence est déterminée par application du droit commun. À partir du moment, cependant, où avec l'arrêt du 20 avril 2017, la Cour de cassation a considéré que l'action en partage relevait bien de la catégorie des droits réels immobiliers et entrait dans le domaine de l'article 22, point 1, les règles d'applicabilité spatiale changent : cette disposition joue sans considération de domicile, il suffit que le critère de compétence exclusive (ici la situation de l'immeuble) se réalise sur le territoire d'un État membre [63]. Quand bien même les parties étaient domiciliées comme en l'espèce dans un État tiers, le règlement était bien applicable, imposant la compétence exclusive des juridictions françaises. Alors la question se déplace : le règlement était-il applicable ratione materiae ?

67À première vue, on pourrait croire que non : le règlement n'exclut-t-il pas « les régimes matrimoniaux » et « les régimes patrimoniaux relatifs aux relations qui, selon la loi qui leur est applicable, sont réputés avoir des effets comparables au mariage » [64] ? Rappelons que l'arrêt du 20 avril 2017 avait été rendu au sujet de personnes ayant vécu en concubinage, et non d'époux ou anciens époux, il n'était donc pas concerné par l'exclusion. De plus, aux yeux du droit français, ainsi que la Cour de cassation l'a indiqué dans l'arrêt du 1er juin 2017, l'action en partage entre époux (exercée par l'époux lui-même ou un créancier) relevait bien de la catégorie « de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des époux » au sens de l'article 213-3 du code de l'organisation judiciaire. Une telle qualification n'est pourtant pas déterminante s'agissant d'une exclusion dans un texte de droit international privé européen, exclusion qui doit recevoir une interprétation autonome. Sur ce terrain, il n'est pas certain que la question de la dissolution d'une indivision entre époux séparés de biens relève à proprement parler d'une question de « régime matrimonial ». Les contours de cette exclusion ont fait l'objet d'une étude approfondie dans le Rapport Schlosser (en raison des difficultés propres que posait de ce point de vue l'adhésion du Royaume-Uni et de l'Irlande) [65]. La Rapport avait bien identifié l'existence de « certains rapports patrimoniaux entre époux qui résultent de l'application du droit général des obligations, du droit délictuel ou du droit de la propriété » [66]. De telles relations patrimoniales devaient être soumises à la convention « dans le cas également où elles existent entre époux » [67]. L'exclusion ne devait s'appliquer qu'en ce qui concerne les « droits de propriété découlant des liens du mariage » [68]. Cette expression a été reprise par la Cour de justice dans l'arrêt de Cavel. La Cour a jugé que la notion de « régimes matrimoniaux » devait comprendre « tous les rapports patrimoniaux résultant directement du lien conjugal ou de la dissolution de celui-ci » [69]. Si l'exclusion englobait bien les « rapports juridiques patrimoniaux entre époux résultant directement du lien conjugal ou de la dissolution de celui-ci », en revanche, « les relations juridiques patrimoniales existant entre eux, mais sans rapport avec le mariage » étaient bien soumises à la Convention. Cette distinction a été reprise depuis dans une affaire Iliev[70]. La Cour de cassation a, elle aussi, eu à se prononcer sur le périmètre de l'exclusion. Dans un arrêt de 2004, des époux, séparés de bien, avaient signé deux conventions : la première « une proposition de convention régulatrice de leur séparation conjugale » dans le cadre d'une séparation judiciaire à intervenir ; et la seconde, prévue par la première, une cession à l'épouse des parts détenues par l'époux dans une société sise en Espagne. L'épouse agit en nullité de ce dernier acte, l'époux soulève l'incompétence de la juridiction française au profit de la juridiction espagnole (de son domicile), sur le fondement de la Convention de Bruxelles, exception accueillie par la cour d'appel au motif que l'acte de cession « ne fait pas référence à la situation matrimoniale des époux, qu'il n'est pas soutenu que cette vente se rattacherait à l'acte précédent […] et que cette vente ne procède pas directement d'une relation conjugale de sorte que l'exclusion de l'article 1er de cette convention ne saurait s'appliquer ». L'arrêt est cassé au motif que « cette vente de parts sociales […] constituait l'exécution immédiate de l'accord passé […] auparavant pour définir les modalités de leur séparation conjugale, de sorte que l'action engagée par (l'épouse), qui avait un lien direct avec la convention relative à la rupture du lien conjugal, relevait de l'exclusion relative aux régimes matrimoniaux prévue par l'article 1er de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 conduisant à la compétence […] du tribunal de grande instance de Perpignan, juge de leur divorce » [71].

68La transposition de ces enseignements jurisprudentiels fragmentaires à l'espèce n'est pas facile mais on peut tout de même faire les remarques suivantes. Certes, l'immeuble semble avoir été acquis par les époux pendant le mariage, mais l'indivision ne paraît pas pouvoir être qualifiée de « droits de propriété découlant des liens du mariage » (critère du Rapport Schlosser/de l'arrêt de Cavel) puisqu'elle existe entre époux séparés de biens, pas plus que l'action en partage ne s'inscrit dans « la dissolution de celui-ci » (arrêts de Cavel/ Iliev). Il semble bien que le partage de l'indivision entre époux séparés de bien relève de la catégorie, tracée par l'arrêt de Cavel, « des relations juridiques patrimoniales existant entre eux, mais sans rapport avec le mariage », relevant donc du champ d'application du système de Bruxelles I. Il en va d'autant plus ainsi que l'action n'est pas exercée par un époux mais par un créancier. Si une telle circonstance n'est pas absolument déterminante (le Rapport Schlosser envisage exceptionnellement l'action des tiers dans la matière matrimoniale [72]), elle ne milite pas en faveur de l'inclusion dans la matière matrimoniale. En dehors de cette circonstance particulière, il faut bien remarquer que les règles qui sont ici applicables sont celles du régime général de l'indivision (art. 815 et s. du code civil) ce qui détache un peu plus la situation d'indivision du « lien conjugal ». La Cour de cassation paraît néanmoins décidée à avoir une interprétation large de l'exclusion, ce dont pourrait témoigner - par son silence sur la question - l'arrêt sous commentaire.

69La situation pourrait devenir encore plus délicate - ou plus simple - avec l'entrée en vigueur du Règlement régime matrimoniaux.

B - Applicabilité du Règlement Régimes matrimoniaux

70Le règlement n'était pas applicable ratione temporis, mais il le sera à l'avenir, ce qui implique d'en vérifier l'applicabilité dans une espèce comme celle en cause. Ce texte s'applique, selon son article 1er, paragraphe 1er, aux « régimes matrimoniaux », ce qui recouvre « l'ensemble des règles relatives aux rapports patrimoniaux entre époux et dans leurs relations avec des tiers, qui résultent du mariage ou de sa dissolution » (art. 3, § 1, a), critère reprenant la jurisprudence de Cavel. Le règlement édicte également une liste de matières exclues qui vise notamment la capacité juridique des époux, les obligations alimentaires, la succession du conjoint décédé, mais aussi « la nature des droits réels portant sur un bien » (art. 1er, § 2, g) ou « toute inscription dans un registre de droits immobiliers ou mobiliers, y compris les exigences légales applicables à une telle inscription ainsi que les effets de l'inscription ou de l'absence d'inscription de ces droits dans un registre » (art. 1er, § 2, h). Le dix-huitième considérant du règlement affirme le caractère autonome de la notion de régimes matrimoniaux et prévoit l'application du règlement à tous « les aspects de droit civil des régimes matrimoniaux, concernant tant la gestion quotidienne des biens des époux que la liquidation du régime, survenant notamment du fait de la séparation du couple ou du décès d'un de ses membres ». Il est précisé que la notion « comprend non seulement les régimes de biens spécifiquement et exclusivement conçus par certaines législations nationales en vue du mariage, mais également tous les rapports patrimoniaux entre les époux et dans les relations de ceux-ci avec des tiers résultant directement du lien conjugal ou de la dissolution de celui-ci ».

71Le règlement ne donne donc aucune indication supplémentaire, puisqu'il se borne ici à consolider les directives jurisprudentielles déjà exposées. On fera seulement les remarques suivantes. En premier lieu, en général, et si l'on en croit l'expérience en matière de faillite [73], la Cour de justice se fait une conception réciproque des exclusions matérielles du règlement Bruxelles I bis : ce qui sort du champ d'application ratione materiae de ce texte entre automatiquement dans le champ d'application du texte spécial correspondant. De deux choses l'une alors : soit l'action en partage entre époux (à la demande d'un tiers ou pas) relève de la matière civile et commerciale, et dans ce cas-là il aurait fallu, en l'espèce, soulever d'office l'application de la compétence exclusive en matière réelle immobilière (art. 22/24) ; soit l'action relève de l'exclusion des régimes matrimoniaux, mais elle devra alors à l'avenir relever du règlement régimes matrimoniaux. En second lieu, si c'est ce dernier texte qui est bien applicable (ou le sera), dans une situation comme celle de l'espèce (époux domiciliés sur le territoire d'un État tiers), la compétence ne pourra pas être fondée sur les dispositions ordinaires (art. 5, 6, 7, 8) et devra être fondée sur l'article 10 « Compétence subsidiaire », qui permet de fonder la compétence sur la situation d'un bien immeuble sur le territoire d'un État membre.

72On retrouve ici la convergence des solutions déjà soulignée (et la force d'attraction du situs de l'immeuble), malgré un enchevêtrement des systèmes de compétence que l'on peut regretter et qui est le fruit de l'approche spécialisée par matière qui marque le droit international privé européen. Faisant un pas de côté, on livrera l'ultime remarque suivante : quoi qu'il en soit de l'action en partage entre époux, on peut penser que l'action du créancier de l'époux indivisaire a davantage vocation à s'inscrire dans la « matière civile et commerciale » que dans la « matière matrimoniale » dont elle est assez éloignée [74]. Cela aurait peut-être justifié une question préjudicielle. En tout cas, l'arrêt montre que même lorsque la Cour de cassation entend faire de la théorie générale du droit commun des conflits de juridictions, elle est rattrapée par le morcellement du droit international privé européen.

Notes

  • [1]
    H. Muir Watt, D. Bureau et S. Corneloup, La légèreté de la matière, Rev. crit. DIP 2020. 1.
  • [2]
    Sur l'autre arrêt (Civ. 1re, 4 mars 2020, FS-P+B+I, n° 18-26.661, D. 2020. 536 ; ibid. 951, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke ; AJ fam. 2020. 255, obs. J. Houssier ; RTD civ. 2020. 340, obs. L. Usunier), v. B. Ancel, JDI 2020. 955 ; Rev. crit. DIP 2020. 369, note D. Bureau ; JCP 2020. 818, note E. Fongaro.
  • [3]
    V. A Devers, Action en partage d'un bien immobilier situé en France, Droit de la famille, 2020, comm. 97.
  • [4]
    Sur cette action, v. C. Brenner, V° Partage : droit commun, Répertoire de droit civil, Dalloz, 2020, spéc. n° 129 s.
  • [5]
    Civ. 1re, 1er juin 2017, n° 15-28.344, D. 2017. 2012, note N. Pierre et S. Pierre-Maurice ; ibid. 2018. 641, obs. M. Douchy-Oudot ; AJ fam. 2017. 487, obs. J. Casey ; RTD civ. 2017. 620, obs. J. Hauser ; Procédures 2017. comm. 199, M. Douchy-Oudot ; JCP N 2017. 1282, L. Mauger-Vielpeau.
  • [6]
    Civ. 1re, 19 oct. 1959, Pelassa, JDI 1960. 486, obs. J.-B. Sialelli ; D. 1960. 37, note G. Holleaux ; Rev. crit. DIP 1960. 215, note Y. Lequette.
  • [7]
    Civ. 1re, 30 oct. 1962, Scheffel, Grands arrêts, n° 37.
  • [8]
    A. Huet, Fasc. 581-20 : Compétence des tribunaux français à l'égard des litiges internationaux. - Compétence internationale ordinaire. - Principe de l'extension à l'ordre international des règles de compétence territoriale interne, JurisClasseur Droit International, LexisNexis, 2018, n° 21.
  • [9]
    Article L. 213-3 du code de l'organisation judiciaire donnant au JAF compétence pour connaître « Du divorce, de la séparation de corps et de leurs conséquences, de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des époux, des personnes liées par un pacte civil de solidarité et des concubins, sauf en cas de décès ou de déclaration d'absence ».
  • [10]
    Civ. 1re, 13 janv. 1981, n° 79-10.693, Rev. crit. DIP 1981. 331, note H. Gaudemet-Tallon ; JDI 1981. 360, note A. Huet, qui rappelle le « principe qui étend à l'ordre international les règles internes de compétence et, notamment, en matière de divorce, celles de l'article 5 du décret n° 75-1124 du 5 décembre 1975 ».
  • [11]
    Civ. 1re, 16 avr. 1985, n° 83-16.741 « Si l'extranéité des parties n'est pas une cause d'incompétence des juridictions françaises, celles-ci ne peuvent […] se reconnaître compétentes […] dès lors qu'aucun critère ordinaire de compétence territoriale n'est réalisé en France ».
  • [12]
    V. M.-L. Niboyet et G. de Geouffre de la Pradelle, Droit international privé, LGDJ, 7 éd., 2020, n° 485 ; A. Huet, Fasc. 581-21, préc., n° 2.
  • [13]
    A. Huet, Fasc. 581-21 : Compétence des tribunaux français à l'égard des litiges internationaux. - Compétence internationale ordinaire. - Règle de compétence purement internationale, JurisClasseur Droit International, LexisNexis, 2018, n° 2. La doctrine distingue parfois les règles procédant d'une « adaptation » des règles de compétence territoriale interne de celles qui seraient « spécifiquement internationales (v. par ex. H. Gaudemet-Tallon, V° « Compétence internationale : matière civile et commerciale », Répertoire de droit international, Dalloz, mars 2019, n° 60 s.). On peut penser qu'à partir du moment où la jurisprudence s'écarte, comme en l'espèce, de la stricte extension de la règle de compétence territoriale interne, elle consacre une règle qu'il est difficile de ne pas caractériser comme une règle « spécifiquement internationale ».
  • [14]
    A. Huet, Fasc. 581-21, préc., n° 2.
  • [15]
    A. Huet, Fasc. 581-21, préc., n° 2.
  • [16]
    Civ. 1re, 6 nov. 1979, Nassibian, Grands arrêts, n° 59.
  • [17]
    Civ. 1re, 12 mai 1931, Cyprien-Fabre, DP 1933. 1. 60, note Silz ; S. 1932. 1. 137, rapp. Casteil, note J.-P. Niboyet ; JDI 1932. 387, note Perroud.
  • [18]
    A. Huet, Fasc. 581-21, préc., n° 2 ; H. Gaudemet-Tallon, Compétence internationale, préc., n° 60 s.
  • [19]
    Civ. 1re, 3 déc. 1985, n° 84-11.209.
  • [20]
    Civ. 1re, 1er juin 2017, n° 15-28.344, préc.
  • [21]
    V. J. Hauser, RTD civ. 2017. 620 et L. Mauger-Vielpeau, JCP N 2017. 1282, préc.
  • [22]
    A. Bénabent, Droit des obligations, LGDJ, 2019, 18e éd., n° 807 ; v. aussi C. Brenner, Partage : droit commun, préc., n° 131 s.
  • [23]
    L. Mauger-Vielpeau, JCP N 2017. 1282, préc.
  • [24]
    L. Mauger-Vielpeau, JCP N 2017. 1282, préc.
  • [25]
    V. J. Hauser, RTD civ. 2017. 620 et L. Mauger-Vielpeau, JCP N 2017. 1282, préc.
  • [26]
    A. Boiché, AJ fam. 2020. 313, préc.
  • [27]
    Comp. A. Boiché, AJ fam. 2020. 313, préc.
  • [28]
    Civ. 5 juill. 1933, Nagalingampoullé, Rev. crit. DIP 1934. 166, note J.-P. Niboyet ; JDI 1934. 892 ; DP 1934, 1, p. 133, note Silz ; S. 1934, 1, p. 337, note J.-P. Niboyet ; nous soulignons. Et avant : Req. 6 janv. 1841, S. 1841, 1, p. 24 ; 19 avr. 1859, S. 1859, 1, p. 411.
  • [29]
    Req. 10 nov. 1847, S. 1848. 1. 52 ; DP 1848. 1. 38.
  • [30]
    A. Huet, Fasc. 581-21, préc., n° 1.
  • [31]
    Civ. 1re, 18 mai 1976, n° 74-13.892.
  • [32]
    L. Cadiet et E. Jeuland, Droit judiciaire privé, LexisNexis, 202, 11e éd., n° 327, p. 295.
  • [33]
    V. V. Parisot, note sous Civ. 1re, 20 avr. 2017, n° 16-16.983, JDI 2018. 5 ; D. 2017. 921 ; ibid. 2018. 966, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke ; AJDI 2017. 453.
  • [34]
    Civ. 1re, 23 sept. 2015, n° 14-50.031, M. Townsend c/ Mme Gargas, Europe 2016. Chron. 1, spéc. n° 22, p. 6, obs. S. Chardenoux ; D. 2016, pan. spéc. p. 1056, obs. F. Jault-Seseke.
  • [35]
    Civ. 1re, 20 avr. 2017, n° 16-16.983, Guy Maurel c/ Martine Decochereaux, D. 2017. 921 ; ibid. 2018. 966, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke ; AJDI 2017. 453 ; JCP N 2017, 1315, p. 29, note S. Drapier ; JCP 2017. 693, p. 1197, note L. Perreau-Saussine ; LPA 22 juin 2017, p. 12, note V. Legrand ; Dr. fam. 2017, comm. 173, p. 1, obs. A. Devers ; JDI 2018. 5, V. Parisot.
  • [36]
    V. en ce sens A. Huet, Fasc. 581-20, préc., n° 53, pour qui l'action en partage d'une indivision conventionnelle est une action mixte qui relève de la simple extension de l'article 46, al. 4.
  • [37]
    CJUE 17 déc. 2015, aff. C-605/14, Komu, § 33 ; RTD com. 2016. 362, obs. A. Marmisse-d'Abbadie d'Arrast ; Europe 2016, comm. 80, obs. L. Idot ; Procédures 2016, comm. 54, obs. C. Nourissat ; Dalloz actualité, 8 janv. 2016, obs. F. Mélin.
  • [38]
    Lorsque le décès du de cujus est survenu à partir du 17 août 2015 s'applique le règl. (UE) n° 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juill. 2012 « relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d'un certificat successoral européen » (JOUE n° L 201, 27 juill. 2012, p. 107).
  • [39]
    Civ. 1re, 14 nov. 2000, n° 98-22.936, D. 2001. 1755, note P. Lipinski.
  • [40]
    Civ. 1re, 1er juin 2017, n° 15-28.344, préc.
  • [41]
    V. A. Devers, Droit de la famille, 2020, comm. 97, préc.
  • [42]
    T. Vignal, Réflexions sur le rattachement des immeubles en droit international privé, Travaux du Comité français de droit international privé 2006-2008, 2009, p. 19.
  • [43]
    D. Bureau et H. Muir Watt, Droit international privé, PUF, 2014, n° 138, p. 170.
  • [44]
    A. Devers, Droit de la famille, 2020, comm. 97, préc. Cet auteur le rapproche du principe d'effectivité en droit de l'Union européenne.
  • [45]
    Pour une étude de ce concept v. E. Farnoux, Les considérations substantielles dans le règlement de la compétence internationale des juridictions - Réflexion autour de la matière délictuelle, Thèse Paris I, 2017, dir. S. Bollée, n° 135 s.
  • [46]
    T. Vignal, Réflexions sur le rattachement des immeubles en droit international privé, préc., p. 18.
  • [47]
    Ibid.
  • [48]
    B. Ancel et Y Lequette, Grands arrêts, Dalloz, 5e éd. 2006, n° 70, § 13.
  • [49]
    Dans une perspective critique, M. Hancock, Full Faith and Credit to Foreign Laws and Judgments in Real Property Litigation : The Supreme Court and the Land Taboo, Stan. L. Rev., 1966, 1299.
  • [50]
    T. Vignal, Réflexions sur le rattachement des immeubles en droit international privé, préc., p. 18. Civ. 1re, 23 janv. 2007, n° 06-11.037 : le règlement d'une indemnité d'occupation d'un immeuble indivis relève des opérations de partage soumises à la loi de situation du bien de sorte que la loi française était applicable et que le tribunal français de situation du bien était compétent pour connaître du litige.
  • [51]
    B. Ancel, note sous Civ. 1re, 4 déc. 1979, Rev. crit. DIP 1980. 758.
  • [52]
    Grands arrêts, p. 451.
  • [53]
    Civ. 1re, 7 janv. 1982, Le Van Chau, Rev. crit. DIP 1983. 87, note B. Ancel
  • [54]
    B. Ancel, note sous Civ. 1re, 7 janv. 1982, Rev. crit. DIP 1983. 87, préc.
  • [55]
    B. Ancel et Y Lequette, Grands arrêts, préc., n° 49, § 7.
  • [56]
    P. Jenard, Rapport sur la convention concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (signée à Bruxelles le 27 septembre 1968), JOCE n° C 59, 5 mars 1979, spéc. p. 35.
  • [57]
    Elle a ajouté que « les considérations de bonne administration de la justice, qui sous-tendent l'article 22, point 1, […] militent également en faveur d'une telle compétence exclusive dans le cas où l'action tend, comme dans le litige au principal à la dissolution de la copropriété sur un bien immobilier » (para. 30)
  • [58]
    « [L]e motif essentiel de la compétence exclusive des juridictions de l'État contractant où l'immeuble est situé est la circonstance que le tribunal du lieu de situation est le mieux à même, compte tenu de la proximité, d'avoir une bonne connaissance des situations de fait et d'appliquer les règles et usages qui sont, en général, ceux de l'État de situation » (§ 20). Plus loin, sur un plan pratique, la Cour de justice souligne aussi que : « ainsi, dans le cas où les règles de droit matériel applicables dans l'affaire au principal impliqueraient une évaluation du caractère divisible ou non en nature de ces immeubles lors de la dissolution de la relation de copropriété, une telle évaluation serait de nature à donner lieu à des vérifications, au moyen d'expertises, que le tribunal de l'État membre où se situent lesdits immeubles serait le mieux à même d'ordonner ».
  • [59]
    En effet, la Cour a souligné que « les droits de propriété concernant lesdits immeubles ainsi que les droits d'usage grevant ces droits font l'objet d'inscriptions au registre foncier espagnol, conformément au droit espagnol, [et que] les procédures gouvernant la vente, le cas échéant aux enchères, de ces mêmes immeubles sont celles de l'État membre où sont situés ceux-ci, ou, encore, […] que, en cas de contestations, l'obtention de preuves se trouvera facilitée du fait de la proximité de ce lieu de situation » (§ 31).
  • [60]
    De surcroît, selon sa jurisprudence constante « s'agissant en particulier des litiges concernant des droits réels immobiliers, ceux-ci doivent en général être jugés selon les règles de l'État où l'immeuble est situé et les contestations auxquelles ils donnent lieu nécessitent fréquemment des vérifications, des enquêtes et des expertises qui doivent être faites sur place » (§ 31).
  • [61]
    Cons. UE, règl. (UE) 2016/1103, 24 juin 2016 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance et de l'exécution des décisions en matière de régimes matrimoniaux, JOUE n° L 183, 8 juill. 2016, p. 1 ; D. 2016. 2292, comm. S. Godechot-Patris.
  • [62]
    V. Parisot, JDI 2018. 5, préc.
  • [63]
    Contra H. Péroz, Droit et Patrimoine, n° 304, préc.
  • [64]
    L'exclusion de l'arbitrage (art. 1, pt 2, d) ne devrait pas jouer ici car l'action du créancier, qui cherche certes à faire exécuter une décision arbitrale, constitue une action autonome, dans laquelle la décision arbitrale ne constitue que le titre du créancier, établissant que sa créance est certaine, exigible et liquide, ouvrant le droit à l'action (oblique) de l'article 815-17 al. 3 du code civil (v. C. Brenner, préc., n° 138).
  • [65]
    P. Schlosser, Rapport sur la convention relative à l'adhésion du royaume de Danemark, de l'Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord à la convention concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, ainsi qu'au protocole concernant son interprétation par la Cour de justice (signée à Luxembourg le 9 octobre 1978), JOCE n° C 59, 5 mars 1979, point 45.
  • [66]
    P. Schlosser, Rapport, préc., pt 45.
  • [67]
    P. Schlosser, Rapport, préc., pt 46, italique dans le texte.
  • [68]
    P. Schlosser, Rapport, préc., pt 50.
  • [69]
    CJCE 27 mars 1979, aff. 143/78, de Cavel, pt 7, JDI 1979. 681, note A. Huet, Rev. crit. DIP 621, note G. Droz, nous soulignons.
  • [70]
    CJUE, ord., 14 juin 2017, aff. C-67/17, Iliev c/ Ilieva, pt 31, D. 2018. 966, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke ; RTD com. 2017. 742, obs. A. Marmisse-d'Abbadie d'Arrast : « s'agissant d'un litige entre anciens conjoints relatif à la liquidation d'un bien meuble acquis pendant le mariage, dès lors que ce litige concerne les rapports juridiques patrimoniaux entre ces personnes résultant directement de la dissolution du mariage, un tel litige relève non pas du champ d'application du règlement n° 1215/2012, mais de la deuxième catégorie » (en l'espèce les époux étaient mariés sous un régime de communauté).
  • [71]
    Civ. 1re, 8 juin 2004, n° 02-13.632, D. 2004. 2475 ; ibid. 2005. 1192, obs. P. Courbe et H. Chanteloup ; Rev. crit. DIP 2005. 111, note P. de Vareilles-Sommières. V. aussi dans un litige relatif à l'exécution d'une décision allemande condamnant un ex-époux à verser une certaine somme d'argent à son épouse en remboursement d'un trop-perçu par l'administration fiscale allemande des versements effectués par l'ex-épouse ayant donné lieu à restitution au profit de l'ex-époux, la décision qui censure un arrêt d'appel d'avoir déclaré le règlement Bruxelles I applicable « sans expliquer en quoi le présent litige n'entrait pas dans la catégorie des régimes matrimoniaux, alors qu'il résultait de la motivation de la décision étrangère que ce litige n'était pas dénué de tout lien avec le mariage et la dissolution de celui-ci » Civ. 1re, 5 nov. 2014, n° 13-19.812, D. 2015. 1056, obs. F. Jault-Seseke ; AJ fam. 2014. 699, obs. A. Boiché.
  • [72]
    P. Schlosser, Rapport, préc., point 50.
  • [73]
    V. en dernier lieu, en matière d'insolvabilité, note sous CJUE, 21 nov. 2019, aff. C-198/18, CeDe Group, D. 2019. 2294 ; Rev. crit. DIP 2020. 545, note E. Farnoux, et 4 déc. 2019, aff. C-493/18, UB c/ VA, D. 2019. 2349 ; ibid. 2020. 1970, obs. L. d'Avout, S. Bollée et E. Farnoux.
  • [74]
    Contra A. Boiché, AJ fam. 2020. 313, et H. Péroz, Droit et patrimoine, 2020, préc.
Français

S'agissant d'une action en partage d'un bien immobilier situé en France, exercée sur le fondement de l'article 815-17, alinéa 3, du code civil, l'extension à l'ordre international des critères de compétence territoriale du juge aux affaires familiales, fondés sur la résidence de la famille ou de l'un des parents ou époux, n'était pas adaptée aux nécessités particulières des relations internationales, qui justifiaient, tant pour des considérations pratiques de proximité qu'en vertu du principe d'effectivité, de retenir que le critère de compétence territoriale devait être celui du lieu de situation de ce bien.

  • PARTAGE IMMOBILIER
  • Compétence internationale
  • Partage d’une indivision
  • Immeuble situé en France
  • Article 1070 du code de procédure civile
  • Extension des règles de compétence interne (non)
  • Adaptations justifiées par les nécessités particulières des relations internationales (oui)
  • Proximité
  • Effectivité
  • Compétence du juge du lieu de situation du bien
Etienne Farnoux
Professeur à l'Université de Strasbourg
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 16/04/2021
https://doi.org/10.3917/rcdip.211.0106
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