CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Par une recommandation adoptée le 14 septembre 2019, le Groupe européen de droit international privé se fait l’écho des réflexions consacrées à l’avenir de la Commission internationale de l’état civil (CIEC) par Hans van Loon (H. van Loon, Requiem or Transformation? Perspectives for the CIEC/ICCS and its work, Yearbook of PIL, vol. 20, 2018/2019, p. 73 s.). En effet, depuis 2008, onze États ont décidé de se retirer de cette organisation : l’Autriche (2008), la Hongrie (2012), le Royaume Uni et l’Italie (2014), la Croatie, l’Allemagne et le Portugal (2015), le Mexique et la Pologne (2017), les Pays-Bas (2018) et finalement même la France (2019), qui est pourtant l’État qui accueille l’organisation sur son territoire. Le déclin de cette organisation, dont la création remonte à 1950 (ses États fondateurs sont la Belgique, la France, le Luxembourg, les Pays Bas et la Suisse), est aujourd’hui un fait établi. L’explication ne tient pas tant à son échec qu’à un certain succès qu’ont connu plusieurs instruments adoptés en son sein. Il est à cet égard révélateur que l’Union européenne s’en soit largement inspirée lors de l’adoption de son règlement (UE) 2016/1191 du 6 juillet 2016 sur la circulation des documents publics. Or, si l’adoption du nouveau texte européen, dont la priorité est assurée par son article 19 (selon l’art. 19(2), le règlement prévaut, pour les questions auxquelles il s’applique et dans la mesure qu’il prévoit, sur d’autres dispositions contenues dans des accords ou arrangements bilatéraux ou multilatéraux conclus par les États membres dans les rapports entre les États membres qui y sont parties), a pu détourner l’attention des conventions adoptées dans le cadre de la CIEC, il ne les remplace pas, surtout que les formulaires multilingues établies par celles-ci peuvent circuler en tant que documents autonomes, contrairement aux formulaires types du règlement.

2Le déclin de la CIEC ne signifie pas que la mission dont elle a été investie serait aujourd’hui accomplie. Et c’est précisément sur ce point que la recommandation du GEDIP entend attirer l’attention.

3Au regard de la forte croissance de la mobilité internationale des personnes au cours des dernières décennies, les besoins de coopération dans le domaine de l’état civil sont importants, notamment au regard du contexte migratoire actuel, dans lequel la preuve de l’état civil représente un enjeu majeur. L’ONU ne s’y trompe pas en insistant, parmi ses objectifs de développement durable pour l’horizon 2030, sur la nécessité de « garantir à tous une identité juridique, notamment grâce à l’enregistrement des naissances » (v. la cible 16.9 des Objectifs de développement durable des Nations Unis). Par conséquent, il convient aujourd’hui de poursuivre les efforts de coopération en matière d’état civil. L’Union européenne ne peut pas se contenter du régime de circulation des actes d’état civil mis en place entre États membres par le nouveau règlement, mais doit se préoccuper également des relations avec les États tiers. En outre, elle devrait chercher à créer une synergie avec la CIEC et son acquis d’instruments.

4Par ailleurs, en pratique, les conventions de la CIEC continuent à être utilisées par les administrations nationales des États contractants. Certaines ont été ratifiées par des États non membres de l’organisation et apportent un soutien précieux au bon fonctionnement des conventions de La Haye ou d’autres instruments internationaux ou européens (v. en particulier l’art. 8 et les consid. 11, 22, 49 du Règl. (UE) 2016/1191). Il est dès lors indispensable d’assurer un suivi de ces conventions de la CIEC, afin de ne pas en perdre l’acquis. Une des pistes intéressantes à explorer, selon Hans van Loon, au cas où il devrait s’avérer que la CIEC ne pourrait pas être sauvegardée, serait de transférer progressivement certaines fonctions de la CIEC à la Conférence de La Haye de droit international privé. Ce serait effectivement le cadre le plus approprié. Entretemps, la recommandation du GEDIP a reçu un accueil favorable au sein de la CIEC et son Bureau s’en est déjà inspiré pour proposer un certain nombre de propositions à l’organisation et aux États parties aux Conventions de la CIEC.

5« Lors de sa réunion de Katowice le 14 septembre 2019, le Groupe européen de droit international privé,

6Constatant que la diminution du nombre d’États membres de la Commission internationale de l’état civil (CIEC) est susceptible d’affecter le développement et le suivi d’instruments de coopération internationale dans le domaine de l’état civil ;

7Constatant que le règlement (UE) 2016/1191 du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 2016 visant à favoriser la libre circulation des citoyens en simplifiant les conditions de présentation de certains documents publics dans l’Union européenne, largement inspiré par les travaux de la CIEC, préserve la possibilité pour les personnes de bénéficier de facilités procurées par d’autres instruments internationaux, telles les conventions adoptées par la CIEC ;

8Constatant que les conventions de la CIEC continuent à être utilisées par les administrations des États contractants et bénéficient aux personnes en mobilité internationale, y compris les citoyens de l’Union européenne ;

9Constatant que plusieurs de ces conventions sont des instruments ouverts à la ratification par des État non membres de l’organisation et que certaines ont été ratifiées par un nombre significatif de ces États ;

10Conscient des problèmes soulevés en matière d’état civil par le contexte migratoire actuel ;

11Estimant l’importance d’instruments de coopération dans le domaine de l’état civil pour la facilitation de la mobilité internationale des personnes, y compris au sein de l’Union européenne ;

12Estimant également l’importance d’un suivi efficace des instruments existants, ainsi que l’intérêt de promouvoir de tels instruments entre un nombre croissant d’États dans un contexte de mobilité internationale ;

13Considérant que plusieurs des conventions de la CIEC constituent un complément utile au fonctionnement d’autres instruments européens et internationaux, en particulier adoptés par l’Union européenne et par la Conférence de La Haye de droit international privé :

14Engage les institutions concernées à prendre toute mesure en vue de :

15

  • préserver l’acquis, en particulier en maintenant ou en appuyant un dispositif apte à assurer le suivi des conventions de la CIEC ;
  • poursuivre le travail de coopération au niveau international en matière d’état civil ;
  • examiner les moyens permettant à l’Union européenne de participer à ces conventions ou à d’autres instruments futurs en matière d’état civil dans le but d’élargir le cercle des personnes bénéficiaires de tels instruments. »

Mis en ligne sur Cairn.info le 30/06/2020
https://doi.org/10.3917/rcdip.194.1109
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