CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1M. Staffan X… c/ Mme Agnès Y… et son fils Justin Y…

2La Cour : – Attendu, selon les arrêts attaqués (Paris, 21 oct. 2014, 14 avr. 2015 et 8 mars 2016), que, le 2 août 2012, Mme Y…, de nationalité camerounaise, a donné naissance, en France, à l’enfant Justin Y… ; qu’agissant tant en son nom qu’en celui de son fils, elle a assigné en recherche de paternité M. X…, de nationalité suédoise ; que celui-ci a soutenu que l’action était irrecevable, au regard du droit camerounais applicable, compte tenu de l’inconduite notoire de la mère ; […]

3Sur le troisième moyen : – Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt du 14 avril 2015 d’écarter les dispositions de la loi camerounaise, désignées par l’article 311-14 du code civil, comme étant contraires à l’ordre public international français, de juger recevable l’action de Mme Y… et d’ordonner une mesure d’expertise biologique alors, selon le moyen, que n’est pas contraire à l’ordre public international français la loi étrangère qui, sans prohiber de manière générale l’établissement du lien de filiation entre le père prétendu et l’enfant, se borne à le soumettre à certaines conditions, seraient elles plus restrictives que celles de la loi française ; qu’en jugeant contraire à l’ordre public international français l’application de la loi camerounaise motif pris qu’elle aboutirait à priver un enfant mineur né en France et y demeurant habituellement de son droit d’établir sa filiation paternelle, tout en constatant que ses dispositions, identiques à celles des articles 340 et 340-1 du code civil français dans leur rédaction antérieure à la loi du 8 janvier 1993, prévoyant la reconnaissance judiciaire de la paternité hors mariage dans des cas d’ouverture et des fins de non-recevoir limitativement énumérés, n’emportait pas prohibition générale de l’établissement de la filiation paternelle, la cour d’appel a violé les articles 3 et 311-14 du code civil ;

4Mais attendu qu’après avoir relevé qu’aux termes de la loi camerounaise, l’action en recherche de paternité est irrecevable lorsque, pendant la période légale de conception, la mère a été d’une inconduite notoire ou si elle a eu commerce avec un autre homme, la cour d’appel a exactement retenu que ces dispositions, qui privaient l’enfant de son droit d’établir sa filiation paternelle, étaient contraires à l’ordre public international français ; que le moyen n’est pas fondé ;

5Par ces motifs : – Rejette le pourvoi.

6Du 27 septembre 2017 – Cour de cassation (Civ. 1re) – Pourvoi n° 16-19.654 (arrêt n° 1010, F-P+B) – Mme Anne-Marie Batut, prés., M. Vincent Vigneau, rapp., Mme Martine Valdès-Boulouque, av. gén. – SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Bénabent et Jéhannin, av.

7(1) 1. L’arrêt commenté passe sous silence ce que les tenants de la théorie de l’« ordre public de proximité » présentent comme la condition indispensable du déclenchement de l’exception d’ordre public : l’existence d’une Inlandsbeziehung, c’est-à-dire d’un lien entre l’affaire et l’État du for. L’affirmation de l’abandon de cette théorie par la Cour de cassation, que certains commentateurs avaient cru déceler dans un arrêt rendu en 2011 mais qui fut démenti par la suite, peut aujourd’hui s’appuyer sur de nouveaux éléments.

82. Les faits de l’espèce et la procédure à laquelle ils ont donné lieu étaient les suivants. Le 2 août 2012, Mme Agnès Y…, de nationalité camerounaise, a donné naissance, en France, à l’enfant Justin Y… Agissant tant en son nom qu’en celui de son fils, elle a assigné M. X… en recherche de paternité devant le tribunal de Paris. Le tribunal, par un jugement du 26 novembre 2013, a écarté les dispositions de la loi camerounaise désignées par l’article 311-14 du code civil, comme étant contraires à l’ordre public international français, a déclaré la demanderesse recevable en son action et, avant dire droit, a ordonné une expertise génétique. Le défendeur a interjeté appel de ce jugement. Par arrêt du 21 octobre 2014, la Cour de Paris a rejeté la demande d’annulation de l’acte introductif d’instance et du jugement, et elle a enjoint à l’appelant de conclure au fond. Par arrêt du 14 avril 2015, elle a confirmé le jugement en toutes ses dispositions, à l’exception de celle désignant l’expert, en a désigné un autre et a renvoyé l’affaire à une audience ultérieure. L’appelant ayant refusé de se soumettre à la mesure d’expertise, la même cour d’appel a, par arrêt du 8 mars 2016, dit que M. X… était le père de l’enfant. Le 29 juin 2016, M. X… s’est pourvu en cassation contre les trois arrêts de la Cour de Paris.

93. Le pourvoi reprochait à la Cour d’appel de Paris d’avoir confirmé le jugement du 26 novembre 2013 en ce qu’il avait écarté les dispositions de la loi camerounaise comme étant contraires à l’ordre public international français, au motif que « l’application de la loi camerounaise, qui ne permet la recherche de paternité que dans des cas extrêmement limités, aboutirait à priver un enfant mineur, né en France et y demeurant habituellement, de son droit d’établir sa filiation paternelle ; qu’elle doit donc être écartée comme contraire à l’ordre public français et la loi française reconnue applicable au litige » (arrêt du 14 avr. 2015), alors que, selon le pourvoi, les dispositions de la loi camerounaise, identiques à celles des articles 340 et 340-1 du code civil français dans leur rédaction antérieure à la loi du 8 janvier 1993, prévoyant la déclaration judicaire de la paternité hors mariage dans des cas d’ouverture et établissant une liste limitative de fins de non-recevoir, n’étaient pas contraires à l’ordre public international français puisque, sans prohiber de manière générale l’établissement du lien de filiation entre le père prétendu et l’enfant, elles se bornaient à le soumettre à des conditions plus restrictives que celles de la loi française.

104. Par son arrêt du 27 septembre 2017, la première chambre civile a rejeté le pourvoi. La décision a été rendue sur un rapport de M. le conseiller Vigneau et un avis de Mme l’avocat général Valdès-Boulouque, qui éclairent d’un jour nouveau l’arrêt commenté. Les magistrats y reviennent sur certaines des conditions du déclenchement de l’exception d’ordre public français (I) en tant que ce déclenchement conduit à refuser d’appliquer une loi étrangère relative à l’établissement de la filiation : le caractère concret de l’appréciation de la contrariété à l’ordre public français, le moment auquel il faut se placer pour mesurer l’ampleur de cette contrariété, le rôle qu’il faut reconnaître ou dénier à l’Inlandsbeziehung, et l’influence des droits fondamentaux. Le rapport et l’avis concluent à l’abandon de la théorie de l’Inlandsbeziehung. Il est vrai que cette théorie est affectée d’irrémédiables faiblesses (II).

I – L’Inlandsbeziehung et les conditions du déclenchement de l’exception d’ordre public

115. Il est classique de définir le droit international privé comme le droit de la tolérance [1] (en ce sens très spécifique que, par son droit international privé, un État s’oblige, à certaines conditions qu’il fixe lui-même, à donner effet à des normes étrangères qui sont peut-être différentes des siennes) et l’exception d’ordre public comme la limite de cette tolérance. La décision de déclencher ou de ne pas déclencher l’exception d’ordre public de droit international privé dépend de neuf variables ou conditions [2] ; l’une de ces variables est la temporalité de l’extranéité qui caractérise l’affaire soumise au for. La théorie de l’Inlandsbeziehung est, pour ce qui concerne cette temporalité de l’extranéité, l’une des trois théories concurrentes qui se disputent les faveurs du droit positif (B). Trois autres aspects du déclenchement de l’exception d’ordre public seront préalablement étudiés (A), à la lumière de l’arrêt commenté et du rapport et de l’avis qui l’ont précédé.

A – Trois aspects du déclenchement de l’ordre public

126. Indépendamment des questions d’Inlandsbeziehung, l’arrêt du 27 septembre 2017, le rapport de M. le conseiller Vigneau et l’avis de Mme l’avocat général Valdès-Boulouque illustrent éloquemment trois aspects du déclenchement de l’exception d’ordre public de droit international privé : l’actualité de l’ordre public (1), l’appréciation in concreto de la contrariété à l’ordre public (2) et l’influence des droits fondamentaux (3).

1. L’actualité de l’ordre public

137. Par actualité de l’ordre public, on entend généralement deux choses. À strictement parler, il s’agit uniquement d’affirmer que l’exception d’ordre public doit ou non être déclenchée en considération des normes non applicables actuellement en vigueur dans l’ordre juridique du for [3]. Certains changements législatifs dans des domaines proches de celui qui est en cause peuvent ainsi exercer une influence sur la façon dont sera évalué le contraste entre l’effet qu’il s’agit de donner à la norme étrangère et les principes généraux se dégageant de l’ordre juridique du for. L’expression « actualité de l’ordre public » est aussi employée dans un second sens, à propos de situations dans lesquelles la loi étrangère est la même que ce qu’était, peu de temps auparavant, la loi du for [4]. Si l’on considère que le déclenchement de l’exception d’ordre public signale une incompatibilité majeure entre une norme étrangère et l’ordre juridique du for, ne faut-il pas exclure un tel déclenchement lorsqu’il est constaté que, dans un passé proche, une règle identique à la règle étrangère figurait en bonne place dans la marqueterie normative de l’État du tribunal saisi ? La pièce de bois étrangère ne peut-elle pas s’insérer au milieu des autres éléments de l’ordre juridique du for d’une façon aussi ajustée que ne le faisait l’ancienne lex fori ? Et n’est-il pas étonnant que l’État du tribunal saisi s’offusque de la consécration étrangère d’une valeur dont hier encore il célébrait le culte ? L’argument est connu [5] ; mais il n’emporte pas la conviction. Car s’il est une disposition de la lex fori à laquelle la norme étrangère doit être comparée, c’est bien la norme qui lui correspond dans l’ensemble de celles qui sont actuellement en vigueur dans l’ordre juridique du for ! À cet égard, les auteurs qui se réclament de l’état antérieur du droit du for ne sont jamais loin de pratiquer ce qu’on appelle en rhétorique l’ignoratio elenchi, c’est-à-dire la feinte de plaidoirie par laquelle, comme si l’on ignorait le point central du débat, l’on prouve autre chose et l’on déplace la question insensiblement : « Messieurs les jurés, nous laisserons de côté le motif du meurtre, les circonstances dans lesquelles il a été accompli, et aussi le meurtre lui-même. Dans ces conditions, que reprochez-vous à mon client ? » [6].

148. En l’espèce, la loi matérielle étrangère désignée par la règle de droit international privé français avait une teneur identique à celle « des articles 340 et 340-1 du code civil français dans leur rédaction antérieure à la loi du 8 janvier 1993, prévoyant la reconnaissance judiciaire de la paternité hors mariage dans des cas d’ouverture et des fins de non-recevoir limitativement énumérés, n’emportait pas prohibition générale de l’établissement de la filiation paternelle ». La Cour d’appel de Paris a pertinemment estimé que cela ne devait pas l’empêcher de déclencher l’exception d’ordre public de droit international privé français à l’encontre de cette loi étrangère, et la Cour de cassation a rejeté le moyen du pourvoi qui prenait pour cible cet argument.

2. L’appréciation in concreto

159. On pourrait imaginer que la décision de déclencher ou de ne pas déclencher l’exception d’ordre public se prenne en mesurant le contraste qui se manifeste entre la loi étrangère prise abstraitement et les principes généraux dégagés des normes du for, à la façon de ce qui s’observe dans certains États lorsqu’une cour constitutionnelle examine toutes les applications et les conséquences possibles d’une disposition législative avant de la juger conforme ou non à la Constitution du pays. Une telle conception du fonctionnement de l’exception d’ordre public conduirait à refuser d’appliquer une loi étrangère qui en l’espèce n’aurait pourtant rien de choquant, le refus s’appuyant sur le simple fait que la loi étrangère pourrait avoir, dans d’autres circonstances, des mises en œuvre intolérables [7]. Cette conception de l’ordre public pourrait également conduire (c’était l’espoir de l’auteur du pourvoi en l’espèce) à considérer que la législation étrangère, certes fort gênante pour l’une des deux parties dans l’affaire qu’il s’agit de trancher, présente dans son ensemble un équilibre tout à fait tolérable, et que le sort regrettable de tel ou tel individu est négligeable au regard de la qualité générale de la loi applicable. Cette façon de procéder, qualifiée d’abstraite, ne correspond pas au droit positif.

1610. En l’espèce, l’auteur du pourvoi soutenait que la loi camerounaise, contemplée dans son ensemble, ne fermait pas complètement la porte à la recherche de paternité en dehors du mariage. Certes, la demanderesse en première instance se heurtait, en l’espèce, à une fin de non-recevoir (l’exceptio plurium prévue à l’art. 340, al. 2, 1°, du code civil camerounais), mais, soutenait l’auteur du pourvoi, le simple fait que la loi étrangère soumette l’action en recherche de paternité à des conditions plus restrictives que celles de la loi française ne suffit pas à la rendre contraire à l’ordre public français. Conformément à la jurisprudence antérieure, les juges parisiens ont procédé à une appréciation in concreto, et ont constaté qu’en l’espèce, puisque « l’application de la loi camerounaise… aboutirait à priver un enfant mineur… de son droit d’établir sa filiation paternelle », elle heurtait l’ordre public de droit international privé français.

3. L’influence des droits fondamentaux

1711. Le déclenchement de l’ordre public est influencé par les droits fondamentaux que l’ordre juridique du for consacre par des normes de rang conventionnel, constitutionnel ou législatif (il n’est pas indispensable d’en appeler à des normes supra-législatives pour déclencher l’exception d’ordre public) [8]. Et une modification de l’importance des droits fondamentaux ou de certains d’entre eux dans l’ordre juridique du for peut affecter le raisonnement même qui est suivi par les tribunaux au moment de statuer sur le moyen tiré de la contrariété de la loi étrangère à l’ordre public du for. La lecture comparée des rapports et avis de 2011 et de 2017 est à cet égard éclairante [9]. En 2011, le conseiller rapporteur et l’avocat général avaient bien conscience que les juridictions françaises ne devaient pas violer la Convention européenne des droits de l’homme et les protocoles qui la complètent [10], mais cela ne les a pas empêchés de considérer que la France pouvait continuer à soumettre le déclenchement de son exception d’ordre public à l’existence d’une Inlandsbeziehung, et donc à abandonner à leur sort de victimes d’une loi civile étrangère injuste les enfants étrangers résidant à l’étranger qui, par leur action en justice, se seraient pourtant placés sous la juridiction de la France [11]. Six ans plus tard, le contexte juridique a changé : aux arrêts de la Cour de Strasbourg rendus avant 2011, mais curieusement passés sous silence dans le rapport et l’avis de 2011, sont venus d’ajouter l’arrêt A. M. M. c/ Roumanie[12], les arrêts Mennesson[13] et Labassée[14], et une prise de conscience accrue de l’importance de la Convention internationale des droits de l’enfant signée à New York le 20 novembre 1989. La conviction s’est manifestement répandue que la France pourrait à tout moment être poursuivie devant la Cour européenne des droits de l’homme et condamnée par elle pour n’avoir pas déclenché son exception d’ordre public dans un cas où elle aurait dû le faire [15]. Cette conviction a manifestement contribué à provoquer l’éviction de l’exigence d’Inlandsbeziehung de la liste des conditions de déclenchement de l’exception d’ordre public. Mais, précisément, en quoi consistait cette exigence ?

B – Trois temporalités de l’extranéité

1812. Dans plusieurs pays européens, depuis le xixe ou le xxe siècle, les autorités étatiques requises d’appliquer une loi étrangère contrastant avec la leur ont imaginé de faire varier leur tolérance selon que la situation qui leur était soumise était plus ou moins enracinée dans d’autres pays. Dans certains cas, c’est l’enracinement passé qui a été déterminant (1), dans d’autres cas l’enracinement futur (2), et dans d’autres cas encore l’enracinement présent (3). Dans les trois hypothèses, il s’est toujours agi de créer une dualité de seuils de tolérance.

1. L’extranéité passée ou la théorie de l’ordre public atténué

1913. Héritière de la doctrine statutiste de maintien des droits acquis, la théorie de l’ordre public atténué crée une dualité de seuils de tolérance selon que l’État du for est requis de prêter son concours à la constitution d’une situation sur son territoire en application d’une loi étrangère, d’une part, ou qu’il est requis de faire produire des effets sur son territoire, en application d’une loi étrangère, à une situation constituée sur le territoire d’un État étranger en conformité avec la loi de cet État, territoire étranger sur lequel elle a déjà produit ses principaux effets, d’autre part. L’idée qui préside à cette théorie est que, lorsqu’elles reçoivent un livre dont les premiers chapitres ont déjà été écrits ailleurs et à une autre époque d’une façon qui, là-bas et à cette époque-là, était régulière et effective, les autorités du for, requises d’écrire le chapitre suivant du même livre, doivent résister, plus longtemps que si elles avaient dû écrire le livre elles-mêmes de la première à la dernière page, à la tentation de refuser de donner effet à une loi étrangère différente de la leur. Cela ne signifie pas que toute constitution d’une situation sur le territoire de l’État du for en application de la loi étrangère doive être déclarée intolérable cependant que tout effet à accorder sur le territoire de l’État du for en application de la loi étrangère, à une situation régulièrement constituée à l’étranger en vertu de la loi étrangère, doive être déclaré tolérable. En réalité, quatre hypothèses doivent être distinguées.

20▪ (a) La constitution d’une situation sur le territoire de l’État du for en application de la loi étrangère peut être déclarée soit tolérable (première hypothèse), soit intolérable (deuxième hypothèse).

21Première hypothèse – Un ressortissant suisse domicilié en Suisse conduit en territoire français une voiture immatriculée en Suisse ; il renverse un piéton suisse domicilié en Suisse. La victime saisit le juge français dans l’espoir qu’il applique la loi française. La convention de La Haye en cette matière, ratifiée par la France, prévoit dans ce cas l’application de la loi suisse, qui tient compte de la faute contributive de la victime, même pour le préjudice corporel (alors que la loi française ne la prend pas en compte pour le préjudice corporel). Le juge français appliquera la loi suisse sans déclencher son exception d’ordre public [16].

22Deuxième hypothèse – Un citoyen new-yorkais domicilié à New York conduit en territoire français une voiture immatriculée à New York ; il renverse un piéton new-yorkais domicilié à New York. La victime saisit le juge français dans l’espoir qu’il applique la loi française. La convention de La Haye en cette matière, ratifiée par la France, prévoit dans ce cas l’application de la loi new-yorkaise, qui permet à la victime d’obtenir des dommages punitifs d’un montant non proportionné au préjudice subi. Le juge français déclarera la loi new-yorkaise contraire à l’ordre public français en tant qu’elle permet l’allocation de dommages punitifs d’un montant non proportionné au préjudice subi. [17]

23▪ (b) Les effets à accorder sur le territoire de l’État du for en application de la loi étrangère à une situation constituée sur le territoire d’un État étranger en conformité avec la loi de cet État, territoire étranger sur lequel elle a déjà produit ses principaux effets, peuvent être déclarés soit tolérables (troisième hypothèse), soit intolérables (quatrième hypothèse).

24Troisième hypothèse – La loi du pays X permet le mariage des enfants non pubères (au sens médical du terme). Deux enfants de ce pays sont ainsi mariés, sur le territoire de ce pays-là. Trente ans plus tard, ils émigrent en France. L’un des deux époux quitte l’autre et déménage dans un troisième pays. Deux ans plus tard, la partie qui est restée en France demande le divorce contre l’autre, en application de leur loi nationale commune. Pour échapper aux inconvénients du divorce, la partie défenderesse excipe de la nullité du mariage. Certes, soutient-elle, le mariage est valable selon la loi nationale commune des parties (applicable selon le droit international privé français), mais la validité d’un mariage entre enfants non pubères ne révulse-t-elle pas la France ? Le moyen sera écarté, au nom de la théorie de l’ordre public atténué.

25Quatrième hypothèse – La loi du pays Y autorise l’esclavage. Deux personnes mariées viennent en France avec leur esclave, qui parvient à s’évader et qui saisit la justice française de demandes diverses contre ses propriétaires (notamment une demande d’arriérés de salaire). Les défendeurs disent que la relation juridique qui les unit à leur domestique est parfaitement conforme à la loi applicable de leur pays, et que la loi française n’a aucun titre à s’appliquer à une telle relation contractuelle qui ne s’exécute sur le territoire français que pendant quelques jours de vacances. Les juges français n’hésiteront cependant pas à déclarer que cette loi étrangère est contraire à l’ordre public. Dans la théorie de l’ordre public atténué, même lorsqu’il s’agit de donner effet à une situation créée à l’étranger et qui y a produit ses principaux effets, l’État du for conserve sa capacité d’indignation [18].

2. L’extranéité future ou la théorie du destin de la décision à rendre

2614. Moins fréquemment consacrée en droit positif que ses deux concurrentes, la théorie du destin de la décision à rendre fait varier la tolérance du for selon le résultat d’un pronostic portant sur les suites de la décision que le for est sur le point de rendre. L’idée qui préside à cette théorie est que le for doit éviter de rendre des décisions qui n’auraient aucune chance d’être reconnues par l’État auquel il est le plus probable qu’une telle reconnaissance soit demandée, et qu’en revanche le for peut montrer moins d’empressement à respecter la loi d’un État étranger, fût-elle en principe applicable selon le droit international privé du for, lorsque la décision à rendre ne fera le plus probablement l’objet d’aucune demande de reconnaissance devant les autorités de cet État étranger. La théorie du destin de la décision à rendre crée elle aussi une dualité de seuils de tolérance : de nouveau, quatre hypothèses doivent être distinguées.

27▪ (a) L’application par le for de la loi d’un État étranger contrastant fortement avec les conceptions de l’État du for et conduisant à une décision qui a de fortes chances de devoir produire ces principaux effets dans l’État du for ou faire l’objet d’une demande de reconnaissance devant les autorités d’un second État étranger, qui partagerait les vues de l’État du for, peut être déclarée soit tolérable (première hypothèse), soit intolérable (deuxième hypothèse).

28Première hypothèse – Le 7 novembre 1944, un ressortissant italien né à Zurich et ayant toujours résidé à Zurich, libéré par un jugement suisse de divorce des liens qui l’unissaient à une ancienne ressortissante suisse depuis lors remariée, demanda au Conseil d’État (gouvernement cantonal) de Zurich l’autorisation de se remarier à Zurich. Alors même que les principaux effets du mariage à célébrer allaient devoir se produire dans le canton, le directeur (ministre cantonal) de l’Intérieur et de la Justice refusa [19] de déclencher l’exception d’ordre public de droit international privé suisse à l’encontre de la loi italienne qui interdisait à ce ressortissant italien de se remarier après le divorce.

29Deuxième hypothèse – Le 4 mars 1939, le même Conseil d’État de Zurich, saisi d’une demande d’autorisation du mariage d’un ressortissant argentin de confession israélite et d’une ressortissante allemande « de sang allemand », déclencha son exception d’ordre public de droit international privé suisse à l’encontre de la loi allemande normalement applicable à raison de la fiancée allemande, en tant que cette législation faisait découler un empêchement matrimonial de la prétendue différence de « race » des fiancés, et autorisa la célébration. Cette décision [20] fut prise en considération du fait qu’après la célébration, la fiancée allait perdre sa nationalité allemande et acquérir la nationalité de son mari, que l’Argentine reconnaîtrait le mariage, délivrerait un passeport à l’épouse et renouvellerait celui du mari, et que les deux parties étaient sur le point d’émigrer en Argentine pour s’y établir définitivement, sans aucune intention de retourner en Allemagne.

30▪ (b) L’application par le for de la loi d’un État étranger contrastant fortement avec les conceptions de l’État du for et conduisant à une décision qui a de fortes chances de faire l’objet d’une demande de reconnaissance devant les autorités de ce premier État étranger, ou devant celles d’un autre État, qui partagerait les vues de celui-ci, peut être déclarée soit tolérable (troisième hypothèse), soit intolérable (quatrième hypothèse).

31Troisième hypothèse – Constatant que les mariages catholiques célébrés sur le territoire de la République de Saint-Marin entre ressortissants italiens domiciliés en Italie n’étaient plus reconnus par les autorités du Royaume d’Italie lorsqu’ils étaient célébrés en violation du décret-loi italien n° 1728 du 17 novembre 1938 portant dispositions « pour la défense de la race italienne », qui interdisait « le mariage des citoyens italiens de race aryenne avec des personnes appartenant à une autre race », l’archiprêtre de la Basilique de Saint-Marin se résigna le 30 décembre 1940 [21], à l’invitation du chef du gouvernement saint-marinais, à demander aux curés de la République de cesser de célébrer de tels mariages.

32Quatrième hypothèse – Alors même que le mariage qu’il s’agissait de célébrer ne serait jamais reconnu par les autorités marocaines, les autorités françaises, dans l’affaire Mohammed et René, décidèrent de déclencher leur exception d’ordre public de droit international privé à l’encontre de l’interdiction que le Maroc faisait peser sur chacun de ses ressortissants d’épouser une personne de même sexe [22].

3. L’extranéité présente ou la théorie de l’Inlandsbeziehung

3315. Comme ses concurrentes, la théorie de l’Inlandsbeziehung crée une dualité de seuils de tolérance. Elle le fait selon que, au moment où se pose la question du déclenchement de l’exception d’ordre public, l’affaire présente avec l’État du for des liens d’une nature et d’une intensité pertinentes. Cela ne signifie pas que l’application de toute loi étrangère à une situation ne présentant pas de tels liens avec l’État du for doive être déclarée tolérable, ni que l’application de toute loi étrangère à une situation présentant de tels liens avec l’État du for doive être déclarée intolérable. En réalité, quatre hypothèses doivent être distinguées.

34▪ (a) L’application d’une loi étrangère à une situation présentant avec l’État du for des liens d’une nature et d’une intensité pertinentes peut être déclarée soit tolérable (première hypothèse), soit intolérable (deuxième hypothèse).

35Première hypothèse – Il est tolérable d’appliquer en France une loi étrangère qui permet qu’un enfant français ou résidant habituellement en France établisse la paternité d’un homme qui n’est pas marié à sa mère, mais qui enserre l’action dans des délais plus courts que ceux de la loi française [23].

36Deuxième hypothèse – Il est intolérable d’appliquer en France une loi étrangère qui ne permet pas du tout qu’un enfant français ou résidant habituellement en France établisse la paternité d’un homme qui n’est pas marié à sa mère, quand bien même elle lui permettrait d’obtenir des aliments [24].

37▪ (b) L’application d’une loi étrangère à une situation ne présentant pas avec l’État du for des liens d’une nature et d’une intensité pertinentes peut être déclarée soit tolérable (troisième hypothèse), soit intolérable (quatrième hypothèse).

38Troisième hypothèse – Il est tolérable d’appliquer en France une loi étrangère qui ne permet pas qu’un enfant étranger ne résidant pas habituellement en France établisse la paternité d’un homme qui n’est pas marié à sa mère, dès lors que cette loi lui permet tout de même d’obtenir des aliments, à certaines conditions, qui ne sont peut-être pas remplies en l’espèce [25].

39Quatrième hypothèse – Il est intolérable d’appliquer en France une loi étrangère qui ne permet pas qu’un enfant étranger ne résidant pas habituellement en France établisse la paternité d’un homme qui n’est pas marié à sa mère, et ne lui permet pas non plus d’obtenir des aliments [26].

4016. L’arrêt commenté déclenche l’exception d’ordre public à l’encontre de l’application de la loi étrangère sans faire dépendre ce déclenchement de la présence d’aucun lien particulier avec le for. Cette omission avait déjà été observée dans un arrêt rendu le 26 octobre 2011 [27], et les commentateurs avaient légitimement pu conjecturer que cette absence de manifestation d’une exigence pût être comprise comme la manifestation d’une absence d’exigence. Mais la publication du rapport annuel de la Cour de cassation en 2013 [28] et deux arrêts rendus la même année [29] étaient venus considérablement affaiblir cette lecture de l’arrêt de 2011. Six ans plus tard, les adversaires de l’Inlandsbeziehung peuvent reprendre espoir. En effet, si la collation des deux arrêts ne permet pas de déceler de différence notable, la comparaison des deux rapports et des deux avis fait apparaître le plus grand des contrastes.

4117. En 2011, Mme le Conseiller Vassalo avait présenté un rapport qui était presqu’exclusivement consacré à l’exigence d’une Inlandsbeziehung pour que l’exception d’ordre public pût être déclenchée, et qui relevait « qu’en l’espèce l’enfant est né en France, lieu de résidence de sa mère. [Or, la] jurisprudence a fait usage de l’exception d’ordre public pour substituer au rattachement prévu par l’article 311-14 du code civil la loi française dans des cas où les éléments de rattachement au droit français, tant pour la mère que pour l’enfant, sont nombreux » [30]. Et dans son avis, l’avocat général Chevalier s’était plus explicitement demandé s’il était souhaitable que la Cour de cassation se saisît de l’occasion d’affirmer, notamment au nom de la protection des droits de l’homme, l’abandon de l’exigence de toute Inlandsbeziehung, et il avait répondu par la négative : « les mécanismes conflictualistes de droit international privé, dont vous admettez désormais la confrontation avec les normes supranationales, reposent sur un équilibre qu’il convient de maintenir. Tout d’abord, l’exception d’ordre public reste exceptionnelle pour ne pas déroger au jeu normal de la règle de conflit. Ensuite, cette réserve de l’ordre public reste enfermée aux seules hypothèses où le lien avec le for est réel, soit que l’enfant ait la nationalité française, soit qu’il réside en France. Spécialement, lorsque les liens entre la situation et la loi du for sont étroits (ordre public de proximité), cette exception de l’ordre public trouve alors tout son sens pour écarter une loi inégalitaire ou un article désigné. […] Dans la présente affaire, l’enfant répond aux critères de proximité avec le for » [31]. La lecture du rapport et de l’avis, dans l’affaire de 2011, n’apporte donc pas d’argument à l’appui de l’affirmation que la Cour de cassation aurait voulu, à l’époque, abandonner la théorie de l’Inlandsbeziehung.

4218. En 2017, il en va tout autrement. Dans son rapport, M. le conseiller Vigneau se demande si la Cour de cassation doit, comme l’y invite le pourvoi, renouer avec l’affirmation explicite de la nécessité d’une Inlandsbeziehung pour que l’exception d’ordre public puisse être déclenchée, et il répond qu’à son estime, il y a des raisons de penser qu’une telle position ne serait pas « conforme avec les exigences du droit au respect de la vie privée, affirmé à l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dont la Cour européenne des droits de l’homme, dans sa jurisprudence la plus récente, a déduit l’existence d’un droit à connaître son ascendance. […] Se pose aussi la question de la compatibilité de la position défendue par le mémoire ampliatif avec la convention internationale des droits de l’enfant signée à New York le 20 novembre 1989 » [32]. Dans son avis, Mme l’avocat général Valdès-Boulouque est encore plus affirmative : « l’analyse proposée par le demandeur au pourvoi est de nature à méconnaître le droit au respect de la vie privée résultant de l’article 8 de la CEDH, et plus particulièrement “le droit de connaître son ascendance” consacré par la Cour de Strasbourg […] Enfin, le raisonnement adopté par [le demandeur] ne saurait être admis au vu des dispositions de l’article 7 de la Convention internationale des droits de l’enfant qui reconnaît à l’enfant “le droit à un nom, le droit d’acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux” » [33]. Cette fois-ci, on peut donc bel et bien penser que l’heure est venue de célébrer la messe de requiem de l’Inlandsbeziehung.

II – L’irrémédiable faiblesse de la théorie de l’Inlandsbeziehung

4319. La théorie de l’Inlandsbeziehung s’est attirée de vives critiques (A). Les adaptations qui ont été proposées pour la sauver se sont révélées vaines (B).

A – Critiques de l’exigence d’une Inlandsbeziehung

4420. Plusieurs griefs ont été adressés à la théorie de l’Inlandsbeziehung : selon ses adversaires, il s’agit d’une théorie incohérente, née d’une confusion (1), et qui exprime la déconsidération (2).

1. Une théorie incohérente née d’une confusion

4521. La théorie de l’Inlandsbeziehung est née d’un malentendu. Elle a été inventée par Ernst Zitelmann [34]. Selon cet auteur, l’exception d’ordre public (qu’il appelle Vorbehaltsklausel : clause de réserve) est une règle de désignation de la loi applicable (une Kollisionsnorm[35], une règle de conflit), comparable à la règle bilatérale soumettant les conditions de fond du mariage à la loi nationale des intéressés. Comme toute Kollisionsnorm, elle a trois éléments : le rapport de droit, le critère de désignation (que les Allemands appellent Anknupfungspunkt, point de rattachement, et que Zitelmann appelle Beziehung, relation, ou Bezug, lien), et la loi applicable. Mais, contrairement aux autres Kollisionsnormen, la Vorbehaltsklausel n’a pas ses propres catégories de rapports de droit : à cet égard, elle se greffe sur les autres Kollisionsnormen. Ensuite, en cas de déclenchement de l’exception d’ordre public, la loi applicable est toujours, selon Zitelmann, la lex fori ; pour que se déclenche l’exception d’ordre public, il faut donc nécessairement, selon Zitelmann, que la Beziehung se concrétise dans la sphère de l’ordre juridique du for : il faut nécessairement, dit-il, que la Beziehung soit une Inlandsbeziehung (une « relation avec l’intérieur du pays [du for] »). À partir de ces prémisses erronées, Zitelmann en arrive à proclamer que, par nécessité logique, l’on ne peut déclencher l’exception d’ordre public à l’encontre d’une norme étrangère qu’à la condition que l’affaire présente une relation avec le for, puisque c’est cette relation qui sera le critère de désignation de la lex fori[36]. Il reconnaît toutefois que son système est intenable et dangereux et, abandonnant la prétendue nécessité logique sur laquelle il s’était appuyé jusque-là, il concède de façon tout à fait incohérente que, dans le cas où la règle bilatérale normalement applicable conduirait à un résultat excessivement choquant, l’exception d’ordre public pourrait être déclenchée, même en l’absence de toute Inlandsbeziehung[37].

4622. La théorie de l’Inlandsbeziehung repose donc sur l’affirmation fausse et confuse que l’exception d’ordre public serait une règle de conflit de lois. Or, non seulement l’exception d’ordre public n’est pas une règle de désignation de la loi applicable au fond de l’affaire dont le for est saisi, mais en outre elle est susceptible de se déclencher à l’encontre de bien d’autres effets amicaux que le for serait requis d’accorder à une norme étrangère (effets autres que l’application d’une loi étrangère désignée par une règle bilatérale), et sans pour autant que ce déclenchement soit suivi d’une désignation de la lex fori comme loi applicable au fond de l’affaire : application d’une loi de police étrangère auto-désignée [38], reconnaissance ou exécution d’un jugement étranger [39], prise en considération amicale d’une loi étrangère à l’occasion de l’application de la lex contractus[40], entraide judiciaire en matière pénale [41], entraide administrative en matière fiscale [42], extradition à fins de jugement [43], extradition à fins d’exécution d’une condamnation [44], admission du moyen de défense tiré de ce que le juge saisi est forum non conveniens dans les pays qui connaissent ce moyen de défense [45], admission du moyen tiré de la litispendance internationale [46], etc.

2. Une théorie de la déconsidération

4723. Préconiser que l’exception d’ordre public ne se déclenche qu’à la condition que l’affaire présente avec l’ordre juridique du for des liens d’une intensité suffisante implique nécessairement que ce mécanisme ne sera pas mis en œuvre en l’absence de liens d’une telle intensité, c’est-à-dire, par exemple, lorsque les parties ne sont pas ressortissantes de l’État du for, ou qu’elles ne résident pas sur son territoire, ou lorsque ces deux hypothèses coïncident. Ces justiciables-là sont abandonnés à leur sort. Les partisans de cette théorie justifient cette solution en versant occasionnellement dans un racisme hérité de l’époque coloniale (« Ils ne sont pas des nôtres : qu’ils ne viennent pas se plaindre ») complétée d’une proclamation d’irresponsabilité (« Cela ne nous concerne pas, nous n’avons donc pas à rougir d’appliquer une loi qui heurte tous nos principes »), le tout habillé de bons sentiments (« Nous ne souhaitons pas régenter le monde »).

4824. La proclamation d’irresponsabilité découle d’une erreur : celle qui consiste à croire que, du seul fait qu’un tribunal est amené à appliquer une loi étrangère, les magistrats qui forment ce tribunal et l’État au nom duquel ils rendent la justice n’ont plus de comptes à rendre à personne. Il s’agit pourtant de rendre la justice au nom d’un État, en rendant des jugements revêtus de la formule exécutoire, dont l’exécution bénéficiera, le cas échéant, de la main-forte de la police et de la gendarmerie dans cet État et dans tous ceux qui sont susceptibles d’accorder leur exequatur à la décision rendue. Des actes aussi graves ne s’accomplissent pas en dehors de toute responsabilité. Pour n’en mentionner qu’une : de même que le complice d’un criminel répond de sa complicité [47] (à défaut de répondre du crime principal), de même le simple fait que les juridictions d’un État partie à la Convention européenne des droits de l’homme aient à statuer sur la demande d’une partie, fût-ce au stade de l’exécution d’un jugement rendu à l’étranger, suffit à rendre cet État justiciable de la Cour de Strasbourg, devant laquelle il aura, le cas échéant, à répondre de sa décision [48].

4925. La déclaration de volonté de ne pas régenter le monde, qui est censée exprimer le sens de ses propres limites, repose sur une erreur similaire à la précédente. Un seul effet est commun à toutes les hypothèses de déclenchement de l’exception d’ordre public : le refus d’accorder un effet amical à une norme étrangère lorsque cet effet amical contraste excessivement avec les principes du for. Ce refus de prêter main-forte à un ordre juridique étranger n’est en rien un acte d’impérialisme.

5026. Enfin, les discriminations stupéfiantes auxquelles conduit la théorie de l’Inlandsbeziehung peuvent difficilement s’expliquer autrement que par une permanence de conceptions coloniales [49]. Ainsi le 1er décembre 2011 la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a-t-elle dû se prononcer dans une hypothèse comparable à celle de l’affaire Baaziz[50]. Un ressortissant algérien était décédé le 12 juin 2003 en laissant deux veuves à sa survivance, l’une, française, épousée en France en 1970 et dont il avait divorcé en 1990, et l’autre, épousée en Algérie en 1989, algérienne au moment du mariage et naturalisée française en 2003. La première fit valoir ses droits à la pension de réversion le 7 juillet 2004, avec succès ; la seconde le 24 novembre 2004, en vain. Conformément à la jurisprudence Baaziz, la deuxième chambre civile a estimé que, « ayant retenu qu’à la date du mariage célébré en Algérie, le premier mariage célébré en France entre Abdelamit X…, de nationalité algérienne, et Mme Y…, de nationalité française, n’avait pas été dissout, la cour d’appel en a déduit à bon droit, et sans discrimination, ni atteinte au principe d’égalité, que la conception française de l’ordre public international s’opposait à ce que le mariage polygamique contracté en Algérie par celui qui savait être encore l’époux d’une Française, produise des effets en France » [51]. Une seconde épouse de bonne foi, française, portugaise [52] ou espagnole au moment des faits, aurait eu droit, elle, à une telle part de la pension de réversion, au titre de la putativité. Un mariage nul conclu par une Européenne continue, soixante ans après la fin du régime colonial, à produire plus d’effets qu’un mariage valablement conclu par une femme qui, au moment des faits, était algérienne de statut musulman.

B – Vaines tentatives de sauver l’exigence d’une Inlandsbeziehung

5127. Depuis de plusieurs décennies, des tentatives ont été faites d’apporter à la théorie de l’Inlandsbeziehung les modifications propres à la mettre à l’abri des critiques. Ces tentatives relèvent respectivement de la proximité étendue (1) et de la proximité « proportionnelle » (2).

1. La proximité étendue

5228. La théorie de l’Inlandsbeziehung est mêlée d’égoïsme (« Protégeons les nôtres contre les normes étrangères ») et d’indifférence (« Ce qui est choquant cesse d’être choquant dès qu’aucun des nôtres n’est impliqué dans l’affaire »). On peut bien élargir le champ de l’égoïsme du for et, au lieu de protéger les seuls ressortissants de l’État de l’autorité saisie – de l’État allemand, par exemple –, protéger les ressortissants de quelques États proches : on ne fera que réduire le problème, dans une faible mesure au demeurant. On reproche à l’Inlandsbeziehung (relation avec le pays intérieur) de n’être le plus souvent qu’une deutsche Staatsangehörigkeitsbeziehung (une relation consistant en la qualité de ressortissant allemand) : ce n’est pas en en faisant une europäische Staatsangehörigkeitsbeziehung (une relation consistant en la qualité de ressortissant d’un État européen) que l’on rendra moins choquante l’indifférence que l’on manifesterait envers le sort des ressortissantes d’États tiers victimes de répudiation (par exemple). À une conférencière qui se faisait la porte-parole de cette version renouvelée de la théorie de l’Inlandsbeziehung, et qui pensait la mettre à l’abri de la critique d’égoïsme nationaliste en élargissant le bénéfice de cet égoïsme aux ressortissantes des autres États européens, le professeur Heuzé avait répondu : « Et les Néo-Zélandaises ? ». En vain tenterait-on de pallier les défauts d’une telle réponse en élargissant encore le cercle des femmes protégées par l’égoïsme du for. En allant jusqu’à ériger en critère de rattachement toute monogamische Personalstatutsangehörigkeitsbeziehung (relation consistant en l’appartenance à un statut personnel monogamique), on manifesterait encore une souveraine indifférence envers les personnes qui n’appartiendraient pas au cercle ainsi défini. Sans compter qu’il faudrait un nouveau cercle pour chaque matière (droit des personnes, droit des biens, etc.), pour chaque chapitre (filiation, mariage, etc.), pour chaque section (filiation adoptive, filiation par procréation charnelle, etc.).

5329. L’erreur de cette théorie est de vouloir décider a priori de ce qui sera choquant et de ce qui ne le sera pas. La théorie de l’Inlandsbeziehung est en définitive l’une des théories des lois d’ordre public[53], c’est-à-dire l’une de ces théories dont on sait depuis Bartin [54] qu’elles sont inexactes, parce que toute délimitation a priori de ce qui serait choquant et de ce qui ne le serait pas sera toujours immédiatement prise en défaut par des cas situés à l’intérieur du cercle et qui cependant n’ont rien de choquant (loi étrangère similaire à celle de for, mais dans une matière fondamentale, et dans une situation impliquant des ressortissants du for), et des cas situés en dehors du cercle et qui cependant appelleront un déclenchement de l’exception d’ordre public.

2. La proximité « proportionnelle »

5430. Dans sa thèse de doctorat [55] et dans le commentaire [56] qu’il a publié du présent arrêt, M. Bihannic défend une conception renouvelée de l’ordre public de proximité, qui serait dominée par la proportionnalité. Sous ce mot, l’auteur place cinq affirmations : (1) pour que l’exception d’ordre public puisse être déclenchée, les liens de l’affaire avec le for doivent être d’autant plus intenses que les valeurs du for qui sont en cause sont moins importantes, et réciproquement [57] ; (2) les valeurs du for sont d’importance variable, selon une hiérarchie substantielle qui ne se réduit pas à la hiérarchie des normes [58] ; (3) le for peut encore se réclamer de valeurs qui lui sont propres pour déclencher son exception d’ordre public [59] ; (4) il faut maintenir un juste équilibre entre les valeurs du for qui sont en cause [60] ; (5) la décision de déclencher l’exception d’ordre public doit prendre en compte les spécificités de l’espèce [61].

5531. M. Bihannic renvoie ensuite au commentaire de Mme Guillaumé sous le même arrêt [62]. L’auteure y rappelle ce qu’est le raisonnement du contrôle de proportionnalité (l’application de la loi étrangère remplissant ici le rôle de la restriction au droit fondamental), et elle donne de ce qu’est devenu le droit positif une description en termes de remplacement de l’exigence de liens avec le for par une exigence de proportionnalité : « La relativité fondée sur les liens avec la France et intervenant au stade de la définition du contenu de l’ordre public international serait ainsi remplacée par une relativité fondée sur la proportionnalité appréciée au stade du contrôle de conformité de la loi étrangère ». Un remplacement est une mise à l’écart : il faut donc comprendre que, dans une telle description, la théorie de l’ordre public de proximité n’est plus de droit positif.

5632. Enfin, M. Bihannic se réclame de deux arrêts [63] rendus le même jour que la décision ici commentée, à propos de deux compositeurs français établis de longue date en Californie, et qui avaient l’un et l’autre exhérédé les enfants d’un premier mariage. Dans ces deux arrêts, la Cour de cassation affirme qu’« une loi étrangère désignée par la règle de conflit qui ignore la réserve héréditaire n’est pas en soi contraire à l’ordre public international français et ne peut être écartée que si son application concrète, au cas d’espèce, conduit à une situation incompatible avec les principes du droit français considérés comme essentiels », et, après avoir constaté qu’il n’est pas soutenu que l’application de la loi étrangère laisserait l’un ou l’autre des demandeurs « dans une situation de précarité économique ou de besoin », elle rejette les deux pourvois. La mention, dans ces deux arrêts, de la longue durée de l’établissement respectif des deux testateurs en Californie est-elle un dernier hommage à l’exigence (qui ne serait donc pas remplie en l’espèce) d’une Inlandsbeziehung pour que l’exception d’ordre public puisse être déclenchée ? Il n’y a aucune raison de le penser. Toute mention du domicile ou de la résidence des personnes dans une décision de justice n’est pas une affirmation de la positivité de la théorie de l’ordre public de proximité : le lieu et l’ancienneté de l’établissement des parties peuvent ainsi être invoqués à l’appui l’affirmation de l’existence d’une fraude [64] ou de son absence [65], en tant que rattachement caractérisé de l’affaire avec l’État du juge d’origine lors du contrôle la compétence indirecte [66], ou en tant que critère de désignation de la loi normalement applicable (comme c’était le cas dans ces deux espèces), sans qu’en ces occasions l’établissement des parties ne serve de critère de déclenchement de l’exception d’ordre public.

5733. Dans la première des deux affaires dont se réclame M. Bihannic, les enfants du premier mariage avaient soutenu devant la Cour de Paris que « la situation juridique particip[ait], en l’espèce, d’un ordre public de proximité caractérisé par la nationalité française conservée par le défunt, leur propre nationalité française, leur domiciliation en France et la localisation dans ce pays d’une partie des biens de la succession » ; et la cour d’appel [67] avait si peu pris au sérieux cet argument qu’elle n’y avait même pas répondu. Changeant leur fusil d’épaule en cassation, les mêmes parties avaient affirmé dans leur pourvoi que « l’ordre public de proximité ne jou[ait] pas en présence de principes essentiels du droit français » et avaient réclamé un déclenchement de l’exception d’ordre public qui fût indifférent à la faiblesse des liens de l’espèce avec la France. Le rapport ne fait aucune mention de l’existence ou de l’absence de tels liens, et l’arrêt ne mentionne la résidence du de cujus en Californie « depuis presque trente ans » qu’en tant qu’élément d’une situation soumise au droit californien selon le droit international privé français.

5834. Dans l’autre affaire invoquée par M. Bihannic, les enfants du premier mariage ne s’étaient, devant la cour de Paris, appuyés sur aucun lien entre l’espèce et le for : ils avaient simplement soutenu que l’absence de réserve héréditaire en droit californien était en elle-même contraire à l’ordre public français, et que l’opération par laquelle le de cujus avait, quatorze ans avant son décès, apporté un immeuble parisien à une SCI était entaché de fraude. La cour d’appel [68] avait rejeté le moyen tiré de la contrariété à l’ordre public français et jugé que la fraude n’était pas établie. Le pourvoi réitérait le moyen relatif à l’ordre public, et le mémoire ampliatif ajoutait qu’était en cause « non la reconnaissance de droits acquis à l’étranger, mais l’acquisition de droits en France et que la proximité avec la France était caractérisée ». Le rapport se contente sur ce point de citer les mémoires des parties, et il peut être dit du second arrêt ce qui a été dit du premier. On ne peut présenter les deux décisions invoquées par M. Bihannic comme des consécrations prétendument persistantes de la théorie de l’ordre public de proximité.

5935. En définitive, il est vain de vouloir maintenir dans notre droit positif l’exigence d’une Inlandsbeziehung pour que l’exception d’ordre public puisse être déclenchée : cette exigence discriminatoire ne peut avoir pour résultat, comme le relèvent le rapport de M. le conseiller Vigneau et l’avis de Mme l’avocat général Valdès-Boulouque, que de conduire la France à violer les droits fondamentaux qu’elle s’est conventionnellement engagée à respecter.

Notes

  • (1)
    V., inter al. : Werner Goldschmidt, Derecho internacional privado, derecho de la tolerancia, basado en la teoría trialistica del mundo jurídico, 3e éd., Buenos Aires, Depalma, 1977. Pour une réflexion beaucoup plus approfondie : H. Muir Watt, Discours sur les méthodes du droit international privé, RCADI, 2018, vol. 38, p. 9-410, spéc. p. 237-267.
  • (2)
    V. D. Boden, L’ordre public, limite et condition de la tolérance, th. Univ. Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2002, p. 696-804.
  • (3)
    V. D. Boden, op. cit., p. 731-738.
  • (4)
    Ibid., p. 784-786.
  • (5)
    V., inter al. : Y. Lequette, note ss. Paris, 1re ch. C, 14 juin 1994, Osmar B… c/ Proc. gén. Paris, Rev. crit. DIP 1955. 308-319, spéc. 317 ; Y. Lequette, Le droit international privé et les droits fondamentaux, in R. Cabrillac, M.-A. Frison-Roche et Th. Revet (dir.), Libertés et droits fondamentaux, 5e éd., Dalloz, 1999, p. 79-101, spéc. p. 98-99 ; P. Mayer et V. Heuzé, Droit international privé, Lextenso, n° 833 ; T. 1re inst. Bruxelles, 13e ch. civ., 16 déc. 1992, M. L… (aff. Sarah El F…), Pas. 1993. III. 3-5, note F. B. et Rev. trim. dr. fam. 1993. 444-446 (argument écarté ensuite par le tribunal).
  • (6)
    B. Vian, Le Brouillard, in Les Fourmis (1949), Le Livre de Poche (1997), 2001, p. 135-149, spéc. p. 141-142.
  • (7)
    On trouve un tel raisonnement, à l’appui d’un refus d’exequatur, in U.S. Distr. Ct., oct. 9, 1951, Boivin v. Talcott, [1952] 102 F. Supp. 979-981, per J. Freed.
  • (8)
    P. Mayer, La Convention européenne des droits de l’homme et l’application des normes étrangères, Rev. crit. DIP 1991. 651.
  • (9)
    Rapport du 26 mai 2011 du conseiller B. Vassalo et avis du 13 sept. 2011 de l’av. gén. P. Chevalier, sur Civ. 1re, 26 oct. 2011, M. A… c/ Mme Y…, n° 09-71.369 ; rapport du 11 mai 2017 du conseiller V. Vigneau et avis du 21 juin 2017 de l’av. gén. M. Valdès-Boulouque, sur Civ. 1re, 27 sept. 2017, M. Staffan X… c/ Mme Agnès Y… et son fils Justin Y…, n° 16-19.654.
  • (10)
    Rapport du 26 mai 2011, préc., p. 8-9 ; avis du 13 sept. 2011, préc., p. 5.
  • (11)
    Au sens de l’art. 1er de la Conv. EDH.
  • (12)
    CEDH 14 févr. 2012, n° 2151/10, cité dans le rapport du 11 mai 2017, préc., p. 13.
  • (13)
    CEDH 26 juin. 2014, n° 65192/11, cité dans le rapport du 11 mai 2017, préc., p. 13 et dans l’avis du 21 juin 2017, préc., p. 4.
  • (14)
    CEDH 26 juin 2014, n° 65941/11, cité dans le rapport du 11 mai 2017, préc., p. 13 et dans l’avis du 21 juin 2017, préc., p. 4.
  • (15)
    CEDH 20 juill. 2001, n° 30882/96, Pellegrini c/ Italie ; CEDH 3 mai 2007, n° 70830/01, Ern Makina Sanayi Ve Ticaret A.S. c. Turquie.
  • (16)
    Crim. 26 avr. 1990, n° 88-84.586, François X c/ Radoine Y… ; Crim. 16 juin 1993, n° 92-83.871, Irmgard Schubert, ép. Elfein c/ Klaus Fritges.
  • (17)
    Illustration librement inspirée de : Civ. 1re, 1er déc. 2012, n° 09-13.303, Époux X… c/ Société Fountaine Pajot.
  • (18)
    Illustration très librement inspirée de : Soc. 10 mai 2006, n° 03-46.593, Époux Moukarim c/ Melle Stella Isopehi.
  • (19)
    Lettre du 10 nov. 1944 de Jakob Kägi, directeur (ministre cantonal) de l’Intérieur et de la Justice du canton de Zurich, Staatsarchiv des Kantons Zürich, Akten der Direktion des Innern, Zivilstandswesen, 1944, Titel F2-F3, Signatur N 224-2 (Jahr 1944, Abtlg F.3, Prot. 1097).
  • (20)
    Arrêté (Verfügung) du 4 mars 1939 du secrétaire-adjoint de la direction, Kaspar Rosenberg, au nom de la direction de l’Intérieur du canton de Zurich, Staatsarchiv des Kantons Zürich, Akten der Direktion des Innern, Zivilstandswesen, 1939, Titel F3-H, Signatur N 219-2 (Jahr 1939, Abtlg F.3, Prot. 212). Même raisonnement à l’encontre de l’impedimentum disparitatis cultus de droit polonais, normalement applicable à une Polonaise israélite qui souhaitait épouser un Italien catholique : arrêté (Verfügung) du 9 févr. 1937 du secrétaire de la direction, Hans Sträuli, au nom de la direction de l’Intérieur du canton de Zurich, concernant Melle X…, à Winterthur, Staatsarchiv des Kantons Zürich, Akten der Direktion des Innern, Zivilstandswesen, 1937, Titel A-F, Signatur N 217-1, Jahr 1937, Abtlg F.3, Prot. 105.
  • (21)
    Commentaire de Luigi Ceccoli, archiprêtre de la Basilique de Saint-Marin, au bas de la lettre qu’il a écrite le 30 déc. 1940 à Giuliano Gozi, secrétaire d’État de la République de Saint-Marin (Archivio della Pieve, Parrocchia di San Marino, Carteggio 1938-1949, vol. 1, Luigi Donati).
  • (22)
    Civ. 1re, 28 janv. 2015, n° 13-50.059, Mohamed et René, Rev. crit. DIP 2015. 400, note D. Boden, S. Bollée, B. Haftel, P. Hammje et P. de Vareilles-Sommières ; JDI 2015. Comm. 5 à 7, note J. Guillaumé, et S. Godechot-Patris, Th. Vignal et B. Mathieu.
  • (23)
    Civ. 1re, 6 juill. 1999, n° 97-19.453, Mme Y… c/ M. X… (aff. Léonor), JCP 2000. II. 10353, obs. Th. Vignal.
  • (24)
    Civ. 1re, 10 févr. 1993, n° 89-21.997, Mohamed Latouz c/ Mme Khedija B… et sa fille Sarah, D. 1994. 66, note J. Massip ; Rev. crit. DIP 1993. 620, note J. Foyer ; JCP 1993. I. 3688, p. 302, obs. H. Fulchiron ; JDI 1994. 124, note I. Barrière-Brousse.
  • (25)
    Civ. 1re, 3 nov. 1988, n° 87-11.568, Melle Zahia A… ès qual. c. M. Aïssa C…, Rev. crit. DIP 1989. 495 ; JDI 1989. 703, note Fr. Monéger ; adde : Civ. 1re, 10 mai 2006, n° 05-10.299, Jérôme Sanson c/ Linda Bouchenak.
  • (26)
    Lecture a contrario de : Civ. 1re, 3 nov. 1988, préc.
  • (27)
    Civ. 1re, 26 oct. 2011, n° 09-71.369, M. A… c/ Mme Y…, D. 2011. 2728 ; ibid. 2012. 1228, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke ; AJ fam. 2012. 50, obs. E. Viganotti ; RLDC 2011, n° 88,P. 44, note E. Pouliquen ; RJPF 2011, n° 12, p. 28, note Th. Garé ; Dr. fam. 2012. 46, note M. Farge ; RLDC 2012, n° 92, p. 32, note M.-C. Meyzeud-Garaud ; Gaz. Pal. 16 mars 2012, p. 30, note A. Devers ; JDI 2012. 176, note J. Guillaumé ; JDI 2012. 887-901, note D. Sindres.
  • (28)
    « Pour faire intervenir l’ordre public, le juge prend en considération les liens, plus ou moins proches, entretenus entre la situation juridique et le for. […] L’intervention de l’ordre public international exige des liens de rattachement suffisants entre le for et la situation juridique considérée et, lorsque la première chambre civile se réfère à la nationalité française ou à la résidence habituelle sur le territoire français de l’une des parties, elle pose une exigence de proximité. » (L’ordre public, rapport annuel de la Cour de cassation, 2013, p. 128-129).
  • (29)
    Civ. 1re, 23 oct. 2013, n° 12-21.344, M. Abdelhak X… c/ Mme Fairouz Y… (« dès lors que l’épouse était domiciliée en France ») ; du même jour, n° 12-25.802, M. X… c/ Mme Y… (« le jugement du tribunal de Tanger ne pouvait être reconnu en France, s’agissant de deux époux qui y étaient domiciliés »).
  • (30)
    Rapport du 26 mai 2011 du conseiller B. Vassalo, p. 5.
  • (31)
    Avis du 13 sept. 2011, préc., p. 5.
  • (32)
    Rapport du 11 mai 2017, préc., p. 12 et 14.
  • (33)
    Avis du 21 juin 2017, préc., p. 4.
  • (34)
    E. Zitelmann, Internationales Privatrecht, 2 vols. en 4 t., Leipzig, Dunker & Humblot, 1897-1912, vol. Ier, t. II, p. 196-394.
  • (35)
    Ibid., p. 317-319.
  • (36)
    Ibid, p. 356-358.
  • (37)
    Ibid, p. 374.
  • (38)
    Par ex. : U.S. Court of App., 2nd Circ., 8 nov. 1965, Rep. of Iraq v. First National City Bank, 353 F.2d 47.
  • (39)
    Par ex. : Civ. 1re, 1er déc. 2012, n° 09-13.303, Époux X… c/ Société Fountaine Pajot.
  • (40)
    Par ex. : T. Féd. suisse, 1re sect. civ., 28 sept. 1937, Frankl et Cie c/ Institut Fina, JDI 1939. 192-197, n. Ch. Knapp.
  • (41)
    Par ex. : Conv. eur. d’entraide judiciaire en matière pénale de Strasbourg du 20 avr. 1959 (Conseil de l’Europe, STE n° 30), art. 2.b.
  • (42)
    Par ex. : Conv. multilatérale de Strasbourg du 25 janv. 1988 concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale (OCDE et Conseil de l’Europe, amendée par le protocole du 27 mai 2010, DOI :http://dx.doi.org/10.1787/9789264115682-fr), art. 21.2.b.
  • (43)
    Par ex. : CE, sect., 27 févr. 1987, n° 78665, Memik Fidan, Lebon ; D. 1987. J. 305-309.
  • (44)
    Par ex. : Bastia, 11 oct. 2000, n° 2000/00350, Alvaro Loicono (pourvoi rejeté par : Crim. 16 janv. 2001, n° 00-87.018).
  • (45)
    Par ex. : Ch. Lords, 20 juill. 2000, Lubbe and others v. Cape plc, [2000] 4 All. E.R. 268-287 ; Rev. crit. DIP 2002. 690, note C. Chalas.
  • (46)
    Par ex. : BGH, 4e ch. civ., 2 oct. 1957, IV ZR 95/57, NJW 1958. 103-104, JDI 1965. 142, obs. Kl. Wähler ; Civ. 1re, 23 févr. 2011, n° 10-14.101, Anissa X… c. Ghassan Y….
  • (47)
    L. Ganagé, Les méthodes du droit international privé à l’épreuve des conflits de cultures, RCADI, 2011, vol. 357, p. 223-490, spéc. p. 338.
  • (48)
    CEDH 7 juill. 1989, n° 14038/88, Soering c/ Royaume-Uni, § 83-91, 113 ; CEDH 26 juin 1999, n° 12747/87, Drozd et Janouzek c/ France et Espagne, § 110 ; CEDH 20 juill. 2001, n° 30882/96, Pellegrini c/ Italie, § 40.
  • (49)
    D. Boden, op. cit., p. 782-783, 791-794 ; K. Zaher, Conflit de civilisations et droit international privé, th. Univ. Paris 1 [2007], L’Harmattan, 2009, p. 208-209.
  • (50)
    Civ. 1re, 6 juill. 1988, n° 85-12.743, Marinette Louise Baaziz c/ Féhita Baaziz, Rev. crit. DIP 1989. 71, note Y. Lequette.
  • (51)
    Civ. 2e, 1er déc. 2011, n° 10-27.864, Mme Z… c/ Mme Y…, Rev. crit. DIP 2012. 339, note P. Lagarde.
  • (52)
    Civ. 2e, 12 mars 2009, n° 08-10.974, Mme Olinda Y… c/ Mme Z…
  • (53)
    P. Mayer et V. Heuzé, Droit international privé, 11e éd., Lextenso, 2014, n° 216, comparent très justement le procédé de l’ordre public de proximité à un hybride empruntant aux lois de police (qui ont un critère d’auto-désignation) et à l’exception d’ordre public (qui se définit par son effet d’éviction).
  • (54)
    É. Bartin, Les dispositions d’ordre public, la théorie de la fraude à la loi et l’idée de communauté internationale, RD int. légis. comp. 1897. 385-427 et 613-658.
  • (55)
    K. Bihannic, Repenser l’ordre public de proximité. D’une conception hiérarchique à une conception proportionnelle, th. Univ. Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2017.
  • (56)
    K. Bihannic, L’exception d’ordre public à la croisée des chemins. Digressions méthodologiques au départ de l’arrêt du 27 septembre 2017, RDLF 2018. Chron. 6.
  • (57)
    K. Bihannic, th. préc., n° 292 ; comm. préc., points 13-15.
  • (58)
    Th. préc., nOS 365 à 395 ; comm. préc. point 16.
  • (59)
    Th. préc., n° 353 ; comm. préc., point 17.
  • (60)
    Th. préc., nOS 900 et 915 ; comm. préc., point 20.
  • (61)
    Th. préc., nOS 911 à 913 ; comm. préc., point 21.
  • (62)
    J. Guillaumé, La loi étrangère qui prive l’enfant de son droit à établir sa filiation paternelle est (en elle-même ?) contraire à l’ordre public international français ?, D. 2017. 2518.
  • (63)
    Civ. 1re, 27 sept. 2017, n° 16-17.198, Jean-Michel J… et al. c/ Fui F… et al.et Civ. 1re, 27 sept. 2017, n° 16-13.151, David C… et al. c/ Dana K… et al., Rev. crit. DIP 2018. 87, note B. Ancel ; JDI 2018. 113, note E. Bendelac.
  • (64)
    Civ. 1re, 20 juin 2012, n° 11-30.120, M. X… c/ Mme Y…, Rev. crit. DIP 2012. 900, note H. Gaudemet-Tallon ; Civ. 1re, 17 déc. 2014, n° 13-21.365, Mme Y… c/ M. X…, Rev. crit. DIP 2015. 443, note S. Laval.
  • (65)
    Civ. 1re, 30 sept. 2009, n° 08-18.769, M. X… c/ Mme Y…, JDI 2010. 136, note J. Guillaumé.
  • (66)
    Civ. 1re, 17 févr. 2004, n° 02-17.479, Fatma H… c/ Ahmed A…, JDI 2004. 1200, note L. Ganagé.
  • (67)
    Paris, 16 déc. 2015, n° 13/17078, David C… et al. c/ Dana K… et al., Dr. et patr. déc. 2016, p. 87 et 89, obs. M.-É. Ancel.
  • (68)
    Paris, 11 mai 2016, n° 14/26247, Jean-Michel J… et al. c/ Fui F… et al., Dr. et patr. déc. 2016, eod. loc.
Français

Est contraire à l’ordre public français en tant qu’elle prive l’enfant de son droit d’établir sa filiation paternelle la loi étrangère qui, à la façon de l’ancien article 340-1 du code civil français (en vigueur de 1972 à 1993), rend irrecevable l’action en recherche de paternité s’il est établi que, pendant la période légale de la conception, la mère était d’une inconduite notoire ou qu’elle a eu commerce avec un autre individu (1).

Mots clés

  • Filiation
  • Établissement judiciaire
  • Loi nationale de la mère
  • Mère étrangère
  • Loi étrangère plus restrictive que la loi française
  • Exceptio plurium
  • Contrariété à l’ordre public (oui)
  • Exigence d’une Inlandsbeziehung (non)
  • Droit étranger similaire à l’état antérieur du droit français
  • Actualité de l’ordre public (oui).
Didier Boden
Maître de conférences à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
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Mis en ligne sur Cairn.info le 07/06/2020
https://doi.org/10.3917/rcdip.184.0882
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