CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Sagement, la Revue critique de droit international privé a choisi de célébrer le cinquantenaire de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 [1] plutôt que celui de « mai 1968 » qui, pourtant, à l’époque, avait fait nettement plus de bruit que ce traité européen ! La Revue a eu raison, car ce texte était une véritable révolution (qualificatif que l’on peut contester pour les événements de mai 1968) et les 50 ans qui ont suivi ont montré l’extraordinaire potentiel qu’il contenait.

2Le doyen Henri Batiffol écrivait dans la préface consacrée à l’ouvrage fondateur de P. Gothot et D. Holleaux [2] : « La Convention a constitué un système judiciaire européen dont l’originalité et l’effectivité n’ont pas d’équivalent ».

3Quels enseignements tirer, 50 ans après la signature de la Convention, de l’évolution qui a suivi ?

4Les débuts furent prometteurs : entrée en vigueur le 1er février 1973 entre les six États qui constituaient la Communauté économique européenne, la Convention était un instrument qui devait permettre de régler de façon satisfaisante la détermination de la juridiction compétente dans les litiges intra-communautaires et faciliter la circulation des décisions en allégeant les contrôles d’un État à l’autre tout en faisant strictement respecter les droits de la défense. La Cour de justice des Communautés a eu compétence à partir du 1er septembre 1975 pour interpréter la Convention. On pouvait alors se féliciter d’avoir réussi à adopter un instrument « double », traitant à la fois de la compétence directe et de la reconnaissance des jugements et d’avoir une juridiction communautaire à même d’en assurer une interprétation uniforme. G. Droz, qui avait participé activement, aux travaux préparatoires de la Convention estimait que juristes et justiciables entraient dans un « monde nouveau » [3]. Deux grandes idées apparaissent déjà : il faut assurer la sécurité juridique des plaideurs avec des règles de compétence directe unifiées et construire une confiance mutuelle entre les divers États membres pour permettre la circulation des décisions [4].

5Les premiers temps connurent des succès indéniables. En particulier, en Allemagne, en Belgique, en France, en Italie, aux Pays-Bas, de nombreuses décisions d’exequatur attestèrent de l’utilité et du bon fonctionnement du titre III de la Convention [5] et la Cour de justice eut l’occasion de rendre quelques « grands arrêts » fondateurs [6].

6Puis, de nombreuses nouveautés vinrent enrichir le droit, mais souvent aussi rendre la situation beaucoup plus complexe. L’Europe s’agrandit selon les étapes que chacun connaît pour passer de six à vingt-huit membres…devant revenir à vingt-sept avec le récent Brexit[7]. La Communauté économique européenne devint Communauté européenne puis Union européenne (UE). La méthode de la convention intergouvernementale fut abandonnée au profit de celle du règlement, règlement Bruxelles I du 22 décembre 2000 auquel succéda le règlement Bruxelles I bis du 12 décembre 2012. Ces règlements furent adoptés respectivement sur la base des articles 61 et 65 du traité d’Amsterdam (1997), et des articles 67 et 81 du traité de Lisbonne (2009). Ce fut un facteur de complication comme on le verra un peu plus loin. De plus, la Convention de Bruxelles reste applicable à certains territoires [8].

7Les textes se sont succédé aussi s’agissant des traités conclus avec l’Islande, la Norvège et la Suisse : la « convention parallèle » signée à Lugano en 1988 fut remplacée en 2007 par une nouvelle convention de Lugano qui s’aligna sur le règlement Bruxelles I.

8Avec l’accroissement du nombre des États de l’UE, avec les modifications apportées à la Convention de Bruxelles par les règlements successifs, le nombre des questions préjudicielles posées à la Cour de justice des Communautés, devenue Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), a augmenté de façon prodigieuse. Il devient difficile pour la pratique et pour la doctrine de maîtriser cette très abondante jurisprudence, d’autant plus que les arrêts, souvent fort longs, ne sont pas toujours aisés à interpréter. En certains domaines, par exemple, s’agissant de la responsabilité pour les délits commis sur internet, les arrêts de la CJUE se multiplient mais la jurisprudence est casuistique et on peine parfois à dégager des lignes directrices claires.

9À partir du traité d’Amsterdam, et de façon encore plus nette à partir du traité de Lisbonne, on a voulu créer un « espace de liberté, de sécurité et de justice », qui s’est concrétisé par l’émergence de l’espace judiciaire européen : de nombreux actes sont intervenus pour réaliser une coopération judiciaire en matière civile [9] et la Convention de Bruxelles de 1968, puis les règlements Bruxelles I et I bis sont devenus des éléments d’un ensemble beaucoup plus vaste avec, pour ne citer que les textes les plus importants, les règlements sur les procédures d’insolvabilité (2000, puis 2015) et ceux sur la matière matrimoniale et la responsabilité parentale [10]. De plus ont été adoptés plusieurs règlements de procédure destinés à faciliter la solution des contentieux en Europe [11]. Enfin plus largement encore car ne portant plus seulement sur la compétence judiciaire et la reconnaissance des décisions, mais aussi sur la loi applicable, s’est élaboré un véritable droit international privé européen (avec les règlements Rome I, Rome II, Rome III, puis les règlements successions, régimes matrimoniaux et effets patrimoniaux des partenariats enregistrés). Il a en outre été nécessaire de modifier le règlement Bruxelles I bis après l’adoption, le 17 décembre 2012 du règlement n° 1257/2012 sur le brevet européen à effet unitaire : ce fut le règlement n° 542/2014 du 15 mai 2014 qui ajouta quatre articles au règlement Bruxelles I bis. La Convention de Bruxelles et les deux règlements qui lui ont succédé doivent maintenant s’insérer dans cet ensemble constituant un corps substantiel de droit international privé européen et il est nécessaire d’assurer une certaine cohérence entre les divers instruments, ce qui est manifestement une préoccupation de la CJUE. Il faut aussi préciser les domaines d’applications respectifs des divers textes et la tâche est souvent complexe [12].

10Ajoutons à cela les bouleversements technologiques apportés par l’informatique et soulevant des questions que l’on pouvait difficilement imaginer en 1968, même si les premiers ordinateurs existaient depuis quelque temps, sachant qu’il a fallu attendre les années 1970-1980 pour que se développe l’internet. Actuellement les contrats passés par internet, y inclus les clauses attributives de juridictions, les prestations de service effectuées « en ligne » sont des phénomènes courants et les délits commis sur internet se multiplient. Les règlements Bruxelles I et I bis ont timidement tenu compte de ces bouleversements technologiques en admettant qu’une clause attributive de juridiction puisse résulter d’une « transmission par voie électronique » permettant de la consigner durablement (art. 23 Bruxelles I et 25 Bruxelles I bis), mais on ne trouve aucune disposition concernant de façon générale les contrats ou les délits visant les nouveaux modes de communication. La CJUE doit donc, au gré des questions qui lui sont posées, tenter de répondre aux problématiques nouvelles engendrées par l’internet.

11Enfin la rapidité et la facilité d’emploi d’internet a entraîné une possibilité d’information immédiate et très étendue, qui a certes ses avantages mais recèle aussi des dangers : risque de se laisser submerger par le nombre des informations, manque de temps pour les apprécier, les hiérarchiser, prendre du recul. On sait qu’en France où il a été décidé de mettre la quasi totalité des décisions de justice en ligne (loi n° 2016-1321 du 7 oct. 2016, pour une République numérique), outre la difficulté qu’il y a à concilier cette diffusion avec la protection de la vie privée (d’où la nécessité de recourir à des techniques d’anonymisation ou de pseudonymisation), on s’inquiète de la « surcharge d’informations difficilement exploitables et non hiérarchisées (qui) masquerait à l’utilisateur l’information utile actuellement disponible dans le cadre de canaux de diffusion du droit pourtant plus limités » [13]. Ajoutons à cela les changements fréquents des textes (et le phénomène se constate aussi bien en droit national qu’en droit européen), un texte nouveau adopté avant même qu’on ait pu apprécier sereinement les effets du texte précédent. Le juriste en général et la doctrine en particulier ont du mal à ne pas être emportés dans une espèce de tourbillon bien peu satisfaisant pour l’esprit.

12Comment tous ces bouleversements, évoqués ainsi à grands traits, se sontils traduits dans ce que j’appellerai le « Système de Bruxelles », englobant par là la Convention de 1968, et les règlements Bruxelles I et Bruxelles I bis ?

13Je tenterai de l’examiner à trois niveaux différents : les rapports du système de Bruxelles avec les personnes privées (I), avec l’Europe (II), avec les pays tiers (III).

I – Le système de Bruxelles et les personnes privées

14À l’égard des personnes privées, personnes physiques ou personnes morales, la convention de Bruxelles, puis les règlements Bruxelles I et I bis, ont très certainement le souci d’assurer la sécurité juridique. Cet objectif est atteint dans une certaine mesure, mais il reste encore beaucoup à faire.

15Le bilan est satisfaisant s’agissant de la reconnaissance et de l’exécution des jugements : la circulation des décisions se fait assez facilement dans l’UE et soulève relativement peu de contentieux ; le système de Bruxelles se révèle efficace pour conforter le « droit à l’exécution des décisions de justice » proclamé par la Cour européenne des droits de l’homme [14].

16Le bilan est beaucoup plus mitigé s’agissant de la compétence directe des juridictions. Certes la place importante donnée aux clauses attributives de juridiction devrait assurer une certaine sécurité : l’article qui leur est consacré a été souvent remanié, toujours dans un souci de plus grande sécurité juridique [15]. Les diverses formes possibles ont été détaillées et le règlement Bruxelles I bis a même tenté de résoudre la question du droit applicable à la clause. De plus on sait que, si la Cour de justice, dans le malheureux arrêt Gasser[16] avait préféré retenir la compétence du juge premier saisi alors que la compétence du juge second saisi reposait sur une clause attributive de juridiction, cette solution a été condamnée par le règlement Bruxelles I bis dont l’article 31 fait prévaloir la clause attributive de juridiction. Quant à la prorogation tacite de compétence, là encore le règlement Bruxelles I bis, en ajoutant un paragraphe à l’article 26 a privilégié la sécurité juridique : lorsque le défendeur est une partie faible, il doit être averti de son droit de contester la compétence et de la portée de sa comparution.

17Pourtant, il apparaît, après des décennies d’utilisation de ces clauses attributives de juridiction qu’elles sont loin d’assurer la sécurité que l’on était en droit d’espérer : le contentieux né de ces clauses est considérable et la Cour de Luxembourg a rendu de très nombreux arrêts à leur sujet. Les caractéristiques de « l’écrit » dans lequel peut s’inscrire la clause sont souvent discutées : emplacement, lisibilité, langue employée etc. Quant aux « usages du commerce international », on peine à les définir de façon précise ; certes la CJUE a donné quelques éléments permettant d’apprécier s’il y a ou non usage, mais ce sera au juge national de décider dans chaque cas s’il y a vraiment usage ou non.

18Enfin, en retenant l’applicabilité du « droit » du tribunal élu pour régir les conditions de fond de la clause, le règlement Bruxelles I bis a ouvert une discussion : s’agit-il du droit matériel de ce tribunal, ou du droit international privé (de la règle de conflit, sachant que le règlement Rome I n’est ici d’aucun secours puisqu’il ne s’applique pas aux prorogations de compétence). Bien d’autres questions restent difficiles s’agissant des clauses attributives de juridiction : leur opposabilité à des parties qui ne les ont pas signées, leur transmissibilité, le degré de précision requis lorsque le litige concerne des infractions au droit de la concurrence etc. Finalement, la sécurité juridique n’est pas toujours assurée, loin de là, par l’adoption d’une clause attributive de juridiction.

19Cette sécurité juridique est aussi souvent mise à mal, en l’absence de toute prorogation de compétence par certaines des règles de compétence adoptées. En particulier, on sait le contentieux sans fin qui s’est élevé et continue à s’élever s’agissant de la règle de compétence spéciale retenue « en matière contractuelle » [17] et il est inutile d’y insister. On regrettera que n’ait pas été suivie la suggestion faite par G. Droz dès 1997 [18] de supprimer purement et simplement cette règle. Et, pour des raisons différentes, la compétence « en matière délictuelle » a suscité une abondante jurisprudence de la CJUE, en particulier pour les délits commis sur internet avec le traitement particulier conféré aux atteintes aux droits de la personnalité. On pourrait encore citer les règles sur la compétence exclusive en matière de droits réels immobiliers, sur la litispendance, sur les codéfendeurs… Les questions en interprétation préjudicielle sont multiples sur tous ces points, ce qui n’est pas signe d’une grande sécurité juridique.

20Mais il est sans doute vain de vouloir une sécurité absolue : par hypothèse les litiges qui donnent lieu à ces questions sont complexes, ont des points de contact avec plusieurs États, et il n’est pas étonnant qu’il soit souvent difficile d’arriver à déterminer l’État dont les tribunaux sont compétents. Il est toutefois décevant de constater que la détermination des tribunaux compétents n’est pas toujours plus facile lorsque s’applique le système de Bruxelles que lorsque joue le droit international privé commun de chaque État et que les contentieux sur la compétence peuvent durer de nombreuses années.

21Si l’objectif de sécurité juridique concerne aussi bien les personnes morales que les personnes physiques, il est un autre objectif apparu clairement dès 1968 et qui, cette fois, ne concerne que les personnes physiques : la protection des parties faibles. En 1968 seuls les consommateurs et les assurés avaient été pris en compte, mais dès 1989 furent ajoutés les salariés. Des origines à la période actuelle les articles concernant ces trois catégories de parties faibles ont connu diverses modifications, tendant toujours à mieux assurer leur protection. Sans entrer dans les détails, on sait que la partie faible se voit reconnaître en général le droit de porter son litige devant un tribunal qui a de forts liens de proximité avec lui : tribunal du domicile pour le consommateur, le preneur d’assurance, l’assuré et le bénéficiaire de l’assurance, tribunal du lieu habituel d’exécution du travail pour le salarié. La jurisprudence de la Cour de justice est abondante sur la détermination de ce lieu habituel d’exécution du travail lorsqu’il est difficile à déterminer (dans les secteurs de l’aviation et du transport maritime en particulier). Là encore la Cour ne peut se départir d’une certaine casuistique, mais la tendance générale est de fixer ce lieu d’exécution dans un État avec lequel le salarié a effectivement, malgré le caractère « itinérant » de son travail, des liens particuliers. On mentionnera par exemple le récent arrêt Ryanair du 14 septembre 2017 [19] qui indique que la « base d’affectation » du personnel navigant est un indice significatif pour déterminer le lieu habituel d’exécution du travail. Ceci correspond bien à la volonté exprimée dans toute la jurisprudence de la Cour de Luxembourg s’agissant de la fixation du lieu habituel d’exécution du travail : il y a « nécessité tant de déterminer le lieu avec lequel le litige présente le lien de rattachement le plus significatif aux fins de désigner le juge le mieux placé pour statuer que d’assurer une protection adéquate au travailleur en tant que partie contractante la plus faible et d’éviter la multiplication des tribunaux compétents ». Et, poursuit la Cour, c’est de cet endroit « que le travailleur peut, à moindres frais, intenter une action judiciaire à l’encontre de son employeur… » [20].

22Depuis le règlement Bruxelles I bis, ces règles très favorables à la partie faible sont applicables, pour le consommateur et le salarié, même si le défendeur est domicilié dans un État tiers ce qui augmente considérablement la protection de ces deux catégories.

23Enfin ce souci de protection des parties faibles se traduit encore par la réglementation spécifique des clauses attributives de juridiction : les prorogations de compétence doivent être postérieures à la naissance du différend et ne peuvent qu’ouvrir des possibilités supplémentaires à la partie faible.

24Et, comme on l’a déjà souligné, en cas de prorogation tacite, depuis le règlement Bruxelles I bis, l’attention de la partie faible qui comparaît doit être attirée sur la portée de cette comparution.

25Récemment la Commission a préparé un texte visant à améliorer encore la protection des consommateurs en ouvrant la voie à des recours collectifs [21].

26Ainsi, pour les personnes privées destinataires du « système de Bruxelles » si l’objectif de sécurité juridique est loin d’être atteint (mais est-il possible de l’atteindre tant les questions de compétence internationale sont complexes ?), en revanche l’objectif de protection des parties faibles a bénéficié d’un traitement plus satisfaisant et que le règlement Bruxelles I bis a sérieusement renforcé en étendant cette protection aux cas où le défendeur est domicilié dans un État tiers.

27Initialement, en effet, en 1968, la Convention de Bruxelles ne se préoccupait que de l’Europe et les rapports du système de Bruxelles avec l’Europe sont en effet particulièrement étroits.

II – Le système de Bruxelles et l’Europe

28La Convention de Bruxelles de 1968 a joué un rôle important dans la construction européenne. L’idée initiale correspondait à un véritable besoin : règles de compétence unifiées et circulation des décisions facilitée étaient les supports juridiques indispensables pour une intégration économique véritable. En 1968, cette intégration était la préoccupation essentielle et dans les premiers temps la Cour de justice des communautés a mentionné des litiges « intra-communautaires ». Mais rapidement, et très clairement depuis l’arrêt Owusu[22], il est apparu que le litige pouvait dépasser les frontières européennes et relever pourtant du système de Bruxelles dès lors que le défendeur était domicilié dans un État membre ou qu’une clause attribuait compétence aux tribunaux d’un État membre, ou encore que ces tribunaux bénéficiaient d’une règle de compétence exclusive : il s’agit toujours de favoriser l’intégration européenne. La Cour de justice a joué un rôle essentiel en assurant l’interprétation uniforme [23] des textes qui se sont succédé et en dégageant des « notions autonomes » telles que, par exemple, celles de « matière contractuelle » ou « matière délictuelle », de « consommateur », de « demande reconventionnelle », etc. Sa tâche s’est compliquée lorsque d’autres textes sont venus enrichir le droit international privé européen : il faut assurer une certaine cohérence entre ces textes [24]. Et on s’interroge pour savoir si l’interprétation donnée pour les règles de compétence judiciaire et celle donnée pour les règles de compétence législative (conv. Rome de 1980, règl. Rome I et règl. Rome II) sont nécessairement similaires dans la mesure où les objectifs respectifs de ces textes sont différents [25].

29Avec l’élargissement de la Communauté européenne, il y eut plus de complexité : jusqu’au règlement Bruxelles I, les nouveaux États [26] durent négocier des « conventions d’adhésion » à la Convention de Bruxelles, ce qui était un processus long avec souvent quelques modifications du texte originaire. La méthode du règlement a simplifié les choses : le texte s’applique immédiatement à tous les États, et les dix États admis en 2004 n’eurent pas à négocier de conventions, pas plus qu’ensuite la Roumanie et la Bulgarie en 2007, puis la Croatie en 2013. Mais le traité d’Amsterdam apporta une nouvelle difficulté : trois États, Danemark, Royaume-Uni et Irlande n’entendaient pas être soumis automatiquement aux actes pris sur le fondement du titre IV du traité et se réservaient la faculté d’opter. Pour les règlements Bruxelles I et Bruxelles I bis, le Royaume-Uni et l’Irlande acceptèrent d’emblée d’y être soumis. En revanche, pour le Danemark il fallut à chaque fois négocier un accord spécifique (en 2005 et en 2013) [27].

30Actuellement le règlement Bruxelles I bis s’applique à toutes les actions intentées à partir du 10 janvier 2015, et le règlement Bruxelles I continue à s’appliquer aux actions intentées entre le 1er mars 2002 et le 10 janvier 2015 ainsi qu’aux décisions rendues éventuellement après le 10 janvier 2015 mais sur des actions intentées entre 1er mars 2002 et le 10 janvier 2015 [28]. La situation est donc très complexe pour la pratique.

31Enfin, d’autres difficultés surgissent avec le Brexit : la sortie du Royaume-Uni de l’UE implique qu’il ne relèvera plus du système de Bruxelles. Cette perspective inquiète nombre de juristes britanniques, mais aussi des simples citoyens et des entreprises : une décision rendue au Royaume-Uni ne sera plus facilement reconnue et exécutée dans les pays de l’UE. Et on touche là à quel point l’unification des règles de conflit de juridictions (compétence, reconnaissance et exécution) est importante pour rapprocher des États. Le système de Bruxelles est un élément significatif de l’intégration européenne et nos amis britanniques se demandent ce qui va advenir. Les Britanniques seront-ils poussés à recourir fréquemment à des clauses attributives de juridiction à des tribunaux d’États de l’UE afin d’obtenir un jugement qui circulera facilement dans tous les États de l’UE ? Le « marché » des services juridiques pourrait être sérieusement impacté par ces nouvelles pratiques et les États de l’UE vont rivaliser pour se montrer attractifs. Ainsi en France, une chambre spécialisée pour les litiges commerciaux internationaux a été créée à la Cour d’appel de Paris en février 2018 : la Chambre internationale de la Cour d’appel de Paris (CICAP) [29]. Des initiatives analogues sont prises à Bruxelles, Amsterdam, Dublin, Francfort… Mais, il n’est pas sûr que les Britanniques renoncent aux avantages procurés par le système de Bruxelles : ils pourraient demander à l’UE de passer avec eux un accord, analogue à celui passé avec le Danemark après l’adoption des règlements Bruxelles I et Bruxelles I bis, se réservant ainsi une sorte de « opt in » pour le système de Bruxelles. Toutefois parce que le Royaume-Uni sera sorti de l’UE, cet « opt in » se heurtera à des difficultés : quelques modifications du texte seront nécessaires et les Britanniques ne relèveront plus de la compétence de la CJUE. Enfin il n’est pas certain que l’UE accepte un tel accord : elle pourrait préférer profiter du Brexit pour attirer des contentieux internationaux devant les tribunaux d’États de l’UE [30]. Plusieurs groupes de travail sont aussi à l’œuvre au Royaume-Uni et il semble que la position du gouvernement soit en faveur du maintien autant que faire se peut, de la coopération en matière de compétence judiciaire et de reconnaissance des jugements [31].

32Ainsi, le Brexit est un excellent révélateur de l’utilité du système de Bruxelles, de son caractère intégrationniste et des difficultés rencontrées lorsqu’on en sort.

33Cette utilité n’avait pas échappé à trois pays de l’AELE, la Suisse, la Norvège et l’Islande qui très tôt avaient souhaité bénéficier du mécanisme de la Convention de Bruxelles : ce fut la convention de Lugano de 1988, véritable convention parallèle de la convention de 1968, puis la convention de Lugano de 2007, à nouveau véritable convention parallèle du règlement Bruxelles I. Et dans ces deux conventions les trois États s’engagent à tenir compte des décisions de la Cour de justice. Les conventions de 1988 et de 2007 traduisent le rôle constructif du système de Bruxelles au niveau de l’Europe de l’AELE. Une troisième convention de Lugano qui tiendrait compte du règlement Bruxelles I bis ne paraît pas à l’ordre du jour : peut-être la suppression de l’exequatur fait-elle hésiter les trois États concernés… mais force est de reconnaître que, actuellement, on ne peut plus guère parler de textes « parallèles ».

34La Convention de Bruxelles et les textes qui lui ont succédé ont également renforcé l’Europe en encadrant strictement la notion d’ordre public : dès 1968, et ces conditions ont été maintenues par la suite, il est possible de refuser la reconnaissance et l’exécution d’une décision émanant d’un autre État membre si les droits de la défense n’ont pas été respectés ou si elle est contraire à l’ordre public de l’État requis. Si l’ordre public reste national, la Cour de justice a toutefois rapidement contrôlé étroitement cette notion : elle a indiqué qu’elle devait être interprétée restrictivement [32] et ne pouvait être invoquée que s’il y avait une « violation manifeste d’une règle de droit considérée comme essentielle dans l’ordre juridique de l’État requis ou d’un droit reconnu comme fondamental dans cet ordre juridique » [33]. Même une mauvaise application du droit communautaire n’est pas nécessairement contraire à l’ordre public [34].

35Certes, la Cour se refuse à donner une définition du contenu de l’ordre public, contenu qui reste propre à chaque État, mais l’encadrement est si strict qu’il ne serait pas abusif d’estimer qu’émerge en ce domaine un ordre public européen.

36La Charte des droit fondamentaux, adoptée en 2000, et ayant la même valeur que les traités depuis l’entrée en vigueur en 2009 du Traité de Lisbonne [35] est encore un facteur de création d’un véritable ordre public européen. Cette Charte, proche de la Convention européenne des droits de l’homme, rapproche aussi l’UE de cette autre Europe qu’est le Conseil de l’Europe. Déjà la Cour de Strasbourg a eu l’occasion dans le célèbre arrêt Bosphorus[36] de poser une présomption d’équivalence de protection des droits fondamentaux dans le droit de l’UE et dans le droit issu de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales de 1950. Plus précisément, dans l’affaire Aventis c/ Lettonie[37] elle a jugé qu’un exequatur accordé en Lettonie en application des règles du règlement Bruxelles I ne heurtait pas cette convention ; pour autant la Cour de Strasbourg n’entend nullement se substituer à la CJUE pour interpréter les textes émanant de l’UE [38]. Les rapports entre l’UE et le Conseil de l’Europe ont donc des aspects positifs. Il est, à notre avis, dommage que, pourtant, la CJUE ait donné, le 18 décembre 2014 un avis négatif (avis 2/13) quant à l’adhésion de l’UE à la Convention européenne des droits de l’homme. Le système de Bruxelles a donné à l’UE une force et une cohésion suffisante pour qu’elle n’ait pas à souffrir, bien au contraire, de son adhésion à cet instrument qui manifesterait la volonté de l’UE de renforcer la construction de l’Europe entendue au sens large et de s’affirmer sur la scène mondiale.

37Malgré le refus de cette adhésion, il reste que le système de Bruxelles tend à jouer un rôle de plus en plus important sur la scène mondiale en commençant à prendre en compte les États tiers.

III – Le système de Bruxelles et les États tiers

38En 1968, les négociateurs de la Convention de Bruxelles se sont peu préoccupés des États tiers. Les règles de compétence avaient été écrites dans une perspective essentiellement intra-communautaire [39] et celles concernant la reconnaissance et l’exécution ne visaient que les décisions rendues dans un des États contractants. Toutefois, le troisième considérant du préambule de la Convention de Bruxelles mentionnait qu’il fallait déterminer la compétence des juridictions des États contractants « dans l’ordre international », et, à plusieurs reprises, la Cour de Luxembourg avait, assez tôt, eu l’occasion d’indiquer que la Convention de Bruxelles s’appliquait quand bien même les juridictions d’un État tiers étaient en cause [40].

39Une disposition touchait indirectement les États tiers et avait été très mal reçue par eux : dans un souci de non-discrimination entre ressortissants de la Communauté économique européenne, l’article 4 § 2 de la Convention de Bruxelles prévoyait que le demandeur domicilié dans un État contractant agissant contre un défendeur domicilié dans un État tiers pouvait invoquer contre ce défendeur toutes les règles de compétence de l’État contractant, y compris les règles exorbitantes. Ainsi un Allemand domicilié en France pouvait invoquer l’article 14 du code civil s’il agissait contre un défendeur domicilié au Brésil. Les réactions hostiles avaient été rapides [41] et la possibilité offerte par l’article 59 de la Convention de Bruxelles de conclure des traités autorisant l’État tiers à ne pas reconnaître une décision lorsque la compétence était fondée sur une règle de compétence exorbitante avait été de peu de secours car rarement utilisée [42] et a d’ailleurs disparu dans les règlements qui ont remplacé la convention. L’article 4 alinéa 2 de la convention a pourtant été repris sans modification par le règlement Bruxelles I (art. 4 § 2) puis par le règlement Bruxelles I bis (art. 6 § 2) et le système a sa logique : puisque chaque État de l’UE garde ses règles de compétence propres lorsque le défendeur est domicilié dans un État tiers (avec toutefois la réserve des cas de compétence exclusive, et, depuis le règlement Bruxelles I bis celle des actions intentée par le consommateur ou le salarié), il n’y a pas de raison particulière d’écarter les règles exorbitantes, mais, le principe de non-discrimination en raison de la nationalité conduit à étendre leur champ d’application.

40Il serait toutefois souhaitable d’adopter quelques dispositions plus constructives montrant que le système de Bruxelles ne peut constituer un ilôt isolé, totalement coupé des États tiers (étant entendu qu’on excepte de ces États tiers les trois États relevant de la convention de Lugano, Suisse, Norvège, Islande), alors que la mondialisation de la vie économique et juridique s’intensifie de façon significative.

41Or les avancées sur ce point sont très modestes. Pourtant, dès 1972, G. Droz, dans sa thèse, émettait l’idée que les compétences exclusives de l’article 16 pourraient avoir un « effet réflexe » : si un tribunal français a compétence exclusive pour statuer sur un droit réel concernant un immeuble situé en France, pourquoi le juge japonais n’aurait-il pas la même compétence, et ce quand bien même le défendeur serait domicilié dans l’UE ? Le raisonnement est convaincant… et pourtant cet effet réflexe des compétences exclusives n’est toujours pas admis, pas plus dans le règlement Bruxelles I bis[43] que dans le règlement Bruxelles I.

42La même question se pose à propos des clauses attributives de juridiction : les prorogations de compétence en faveur de tribunaux d’États tiers ne sont pas visées par la Convention de Bruxelles, pas plus que par les règlements qui ont suivi. En présence d’une telle clause, c’est le droit international commun de chaque État qui s’applique ; c’est une occasion manquée alors qu’adopter une solution unitaire [44] aurait permis de renforcer le rôle du système de Bruxelles à l’égard des États tiers. La Convention de La Haye de 2005 sur les accords d’élection de for pourra jouer ce rôle unificateur, mais on sait que, à ce jour, elle n’est applicable que dans l’UE, au Mexique, au Montenegro et à Singapour…

43Adopter une position unitaire concernant les clauses conférant compétence à des juridictions d’États tiers aurait, de plus, eu l’avantage de permettre une prise de position sur les rapports entre ces clauses et les lois de police (lois de police du for, ou lois de police de l’UE) : on sait les discussions qui ont suivi l’arrêt Monster Cable[45] dans lequel la Cour de cassation française a admis la validité d’une clause attributive de juridiction aux juridictions de Californie alors qu’une loi de police française était en cause, et on sait aussi que les positions des États membres de l’UE divergent sur ce point [46]. Il est dommage que, sur cette question difficile et sensible, les règlements Bruxelles I et I bis n’apportent aucun élément de solution même si la CJUE semble favorable à l’indépendance de la clause de compétence par rapport au fond du droit applicable à l’affaire [47].

44En réalité, il a fallu attendre le règlement Bruxelles I bis pour constater une timide prise en considération des pays tiers : le nouveau texte régit en effet les cas de litispendance et de connexité avec des États tiers (art. 33 et 34) : il y a donc maintenant une véritable « européanisation » [48] de la litispendance et de la connexité internationale. Les mécanismes retenus sont souples et assez proches de ceux que connaît le droit international privé français de droit commun ; il est normal qu’il n’y ait pas d’obligation de dessaisissement au profit d’un juge d’un État tiers, mais il est bon que les juges de l’UE soient soumis à des règles communes lorsqu’ils sont confrontés à des procédures concurrentes se déroulant hors de l’UE.

45On appréciera aussi que la protection des consommateurs et des salariés soient depuis le règlement Bruxelles I bis étendue au cas où le défendeur (professionnel ou employeur) est domicilié dans un pays tiers (v. supra II).

46En revanche, s’agissant de la reconnaissance et de l’exécution des décisions émanant des juridictions d’États tiers, le règlement Bruxelles I bis est aussi silencieux que les textes qui le précédaient. C’est donc, à nouveau, le droit commun de chaque État qui décidera des conditions de régularité des décisions venant des pays tiers et des procédures concernant leur reconnaissance et leur exécution. Là encore, on regrettera la timidité du législateur de l’UE ; certains travaux, en particulier ceux du Gedip (spécialement lors de la session de Padoue en 2009), montraient qu’une unification était possible. La Conférence de La Haye de Droit international privé donne l’exemple : dans le projet de convention « Jugements » [49] est prévu un régime unifié pour la reconnaissance et l’exécution des décisions et on constate que ce texte s’inspire largement du système de Bruxelles en l’adaptant au contexte mondial. Mais il faut encore que ce projet soit adopté et devienne la « convention jugements » qui devra ensuite être ratifiée par les États ; le processus sera nécessairement long. On aurait pu aller plus vite au niveau de l’UE en insérant dans le règlement Bruxelles I bis un régime unifié pour la reconnaissance et l’exécution des décisions venant des États tiers [50].

47Ainsi, dans les rapports avec les États tiers, le bilan du système de Bruxelles n’est pas complétement négatif car ce système ne saurait vivre en « autarcie juridique » [51], mais il reste décevant [52]. Ce n’est là qu’une manifestation de plus de la difficulté qu’a l’UE à s’affirmer comme une véritable unité sur la scène internationale, difficulté que l’on connaît bien en matière de politique étrangère ou de politique de défense.

48Espérons que les années à venir permettront de progresser et que le système de Bruxelles acquerra une cohésion satisfaisante à l’égard des États tiers. Techniquement, ce ne serait pas très difficile, mais les oppositions politiques de chaque État membre seront plus difficiles à vaincre.

49En conclusion, 50 ans après l’adoption de la Convention de Bruxelles (mais son entrée en vigueur ne date que du 1er février 1973), le bilan est mitigé : la convention et les deux règlements qui l’ont suivie étaient destinés à assurer une plus grande sécurité juridique, à protéger les parties faibles, à garantir les droits de la défense et à faciliter la circulation des décisions. Ces objectifs ne sont pas encore parfaitement atteints. Si la protection des parties faibles est, surtout depuis le règlement Bruxelles I bis, correctement assurée, si la garantie des droits de la défense paraît satisfaisante, la multiplication du contentieux sur la compétence est malheureusement la preuve que la sécurité juridique est loin d’être garantie : la détermination des juridictions compétentes en matière contractuelle et en matière délictuelle reste trop souvent problématique et la présence d’une clause attributive de juridiction ne suffit pas à éliminer toute incertitude. La circulation des décisions semble satisfaisante mais il est trop tôt pour savoir si la suppression de l’exequatur par le règlement Bruxelles I bis ne va pas aboutir à un report du contentieux au stade de l’exécution.

50On regrettera surtout que, pour les raisons évoquées au début de cet article, le système de Bruxelles soit de plus en plus compliqué, de plus en plus difficile à mettre en œuvre, et suscite une jurisprudence pléthorique de la CJUE. La Convention de Bruxelles de 1968 s’est appliquée pendant 29 ans (1973-2002), le règlement Bruxelles I pendant 13 ans (2002-2015, même s’il reste encore applicable aux actions intentées avant le 10 janvier 2015) et l’article 79 du règlement Bruxelles I bis prévoit un rapport sur l’application de ce dernier texte en 2022 avec éventuellement des propositions de modification ; un nouveau texte pourrait donc intervenir vers 2023 : 29 ans, 13 ans, 8 ans… le rythme des changements s’accélère. Certes cela correspond à un mouvement global de profondes et rapides transformations des sociétés et du droit en général, à des rapports nouveaux entre l’espace et le temps, mais cette accélération effraie : il faut quand même une certaine durée pour que la pratique s’approprie ces textes très techniques [53] et pour que l’on puisse dresser un bilan fiable des résultats obtenus, des dispositions à réformer, des nouveautés à apporter. Il n’est pas souhaitable qu’un « Bruxelles I ter » advienne trop rapidement.

51Enfin il ne faut pas oublier que tout le système de Bruxelles repose sur la « confiance mutuelle » que se font les États, et spécialement la confiance qu’ils mettent dans leurs appareils juridictionnels respectifs. Or cette « confiance mutuelle », souvent invoquée comme un véritable mantra, est évidemment souhaitable mais elle ne se décrète pas et ne peut exister seulement parce qu’on la proclame [54]. La confiance mutuelle résulte d’un processus long impliquant des échanges fréquents et une connaissance approfondie des systèmes juridiques et judiciaires des autres États de l’UE. Il est difficile de faire confiance à ce qu’on connaît peu ou mal et c’est là une des raisons pour lesquelles les plaideurs cherchent le plus souvent à plaider dans « leur État », que ce soit celui de leur nationalité, ou simplement de leur domicile.

52La Convention de Bruxelles et les règlements qui l’ont suivie ont fait une œuvre très utile, ont impulsé une dynamique favorable à la construction européenne, ont donné un élan certain et irremplaçable à l’émergence de « l’espace de liberté, sécurité et justice » mais, comme toute œuvre humaine, le système est perfectible.

53Enfin, dans la mesure, où cet espace implique de faire vivre harmonieusement des États membres toujours plus nombreux, il faut rester modeste sur le rôle du système de Bruxelles : le droit ne se réduit pas au contentieux, et la société ne se réduit pas au droit.

Notes

  • (1)
    Cinquantenaire célébré à Luxembourg par une conférence internationale organisée par la CJUE et le Max Planck Institute de Luxembourg les 27 et 28 sept. 2018.
  • (2)
    La Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, Compétence judiciaire et effets des jugements dans la CEE, éd. Jupiter, 1985.
  • (3)
    G. Droz, Compétence judiciaire et effets des jugements dans le Marché commun (Étude de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968), préface H. Batiffol, Dalloz, 1977, 577 p., spéc. n° 2.
  • (4)
    V. S. Francq, Le droit international privé européen, entre sécurité juridique et confiance mutuelle, communication au Comité français de Droit international privé du 9 juin 2017, à paraître in Travaux du Comité.
  • (5)
    V. le n° spécial de la Gaz. Pal. n° 2-3, 2-3 janv. 1991.
  • (6)
    Pour n’en citer que quelques-uns parmi les plus célèbres : 6 oct. 1976, aff. 12/76, Tessili ; 6 oct. 1976, aff. 14/76, De Bloos ; 30 nov. 1976, aff. 21/76, Mines de Potasse d’Alsace ; 19 juin 1984, aff. 71/83, Tilly Russ ; 8 déc. 1987, aff. 144/86, Gubisch, etc.
  • (7)
    La loi organisant le retrait du Royaume-Uni de l’UE a été promulguée le 26 juin 2018. Le calendrier prévu est le suivant : le 29 mars 2019 le Royaume-Uni quitte officiellement l’UE ; s’ouvre ensuite une période de transition qui doit s’achever le 31 décembre 2020. Mais devant les nombreuses difficultés rencontrées il est difficile de savoir si ce calendrier sera respecté.
  • (8)
    Nouvelle-Calédonie et collectivités françaises d’outre-mer, ainsi qu’Aruba.
  • (9)
    V. le volumineux (1304 p.) Code de l’espace judiciaire civil européen annoté, par G. Payan et P. Gielen, Bruylant, 2017.
  • (10)
    Bruxelles II en 2000 et Bruxelles II bis en 2003.
  • (11)
    Règlements sur le titre exécutoire européen, le règlement des petits litiges, l’ordonnance européenne d’injonction de payer, la saisie conservatoire des comptes bancaires.
  • (12)
    V. par ex. les divers arrêts de la CJCE, puis de la CJUE, sur les domaines respectifs des règlements « insolvabilité » et de la Convention de Bruxelles ou des règlements Bruxelles I et I bis.
  • (13)
    L. Cadiet, rapport de nov. 2017, L’open data des décisions de justice, spéc. p. 23 ; v. aussi le colloque de l’Ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation du 12 févr. 2018, La justice prédictive, à paraître chez Dalloz, coll. « Thèmes et commentaires ».
  • (14)
    V. spéc. CEDH 19 mars 1997, n° 18357/91, Hornsby c/ Grèce, AJDA 1997. 977, chron. J.-F. Flauss ; D. 1998. 74, note N. Fricero ; RTD civ. 1997. 1009, obs. J.-P. Marguénaud ; et CEDH 5 oct. 2017, n° 32269/09, Mazzeo c/ Italie, D. 2018. 1223, obs. A. Leborgne, l’arrêt estimant que le droit à exécution découle du principe de sécurité juridique.
  • (15)
    V. les versions successives : art. 17 de la convention, art. 23 règl. Bruxelles I et art. 25 règl. Bruxelles I bis.
  • (16)
    CJCE 9 déc. 2003, aff. C-116/02, Erich Gasser (Sté) c/ MISAT (Sté), D. 2004. 1046, et les obs., note C. Bruneau ; Rev. crit. DIP 2004. 444, note H. Muir Watt.
  • (17)
    Conv. Bruxelles, art. 5, § 1, et règl. Bruxelles I bis, art. 7, § 1.
  • (18)
    Delendum est forum contractus ? Vingt ans après les arrêts De Bloos et Tessili interprétant l’article 5-1° de la Convention de Bruxelles du 27 sept. 1968, D. 1997. Chron. 351.
  • (19)
    Aff. jtes C-168/16 et 169/16, D. 2018. 107, note P. Dupont et G. Poissonnier ; ibid. 966, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke ; Dr. soc. 2017. 1085, obs. V. Lacoste-Mary ; Rev. crit. DIP 2018. 279, note F. Jault-Seseke ; RTD com. 2018. 515, obs. A. Marmisse-d’Abbadie d’Arrast ; RTD eur. 2018. 163, obs. L. Grard.
  • (20)
    Point 58 de l’arrêt Ryanair qui se réfère à des arrêts antérieurs.
  • (21)
    V. la proposition de directive « relative aux actions représentatives dans le domaine de la protection des intérêts collectifs des consommateurs » présentée le 11 avr. 2018, COM(2018) 184 final.
  • (22)
    CJCE 1er mars 2005, aff. C-281/02, D. 2006. 1259, obs. C. Nourissat ; ibid. 1495, obs. P. Courbe et F. Jault-Seseke ; Rev. crit. DIP 2005. 698, note C. Chalas.
  • (23)
    V. M. Audit, L’interprétation autonome du droit international privé communautaire, JDI 2014. 789 s.
  • (24)
    V. par ex. CJUE 9 mars 2017, aff. C-551/15, Pula Parking, Rev. crit. DIP 2017. 472, note L. Pailler, où il s’agissait de statuer sur la notion de juridiction qui n’est pas définie dans le règlement Bruxelles I bis, mais dont on trouve des définitions dans d’autres règlements (v. en particulier concl. av. gén. M. Michal Bobek dans cette affaire).
  • (25)
    V. sur ce point, B. Haftel, Entre Rome II et Bruxelles I : l’interprétation communautaire uniforme du règlement Rome I, JDI 2010. 761 s.
  • (26)
    Par ordre d’entrée dans la Communauté européenne : Danemark, Royaume-Uni, Irlande, Grèce, Espagne et Portugal, puis Autriche, Finlande et Suède.
  • (27)
    Sur le manque d’unité de l’espace judiciaire européen, v. M. Lehmann et E. Lein, L’espace de justice à la carte ? La coopération judiciaire en Europe à géométrie variable et à plusieurs vitesses, à paraître in Mélanges en l’honneur du Professeur B. Ancel, LGDJ-IPROLEX, 2018.
  • (28)
    Si l’action en première instance a été intentée avant le 10 janv. 2015, mais l’instance d’appel après cette date et que l’exécution de l’arrêt d’appel soit demandée dans un autre État de l’UE, on tiendra compte de la date d’introduction de l’appel et l’exécution sera donc soumise au règlement Bruxelles I bis : v. en ce sens Paris, 10 avr. 2018, n° 17/15593.
  • (29)
    V. Le Point 13 déc. 2017, Le Monde 13 janv. 2018, Journal spécial des sociétés n° 29, avr. 2018 et surtout le rapport du Haut Comité juridique de la place financière de Paris en date du 3 mai 2017, consultable sur le site de ce comité (rapport Canivet). J. Bouyssou, Paris, juridiction internationale, LPA 11 janv.2018, p. 3 ; v. aussi les informations données sur le site Capital.fr Droit des affaires le 9 févr. 2018. L’association Paris place de droit animée en particulier par Me Bouyssou est active à ce sujet. Les protocoles concernant cette chambre spéciale ont été signés le 7 févr. 2018 en présence de la ministre de la Justice : la procédure est aménagée en s’inspirant quelque peu des procédures des droits de common law ; une large place est faite à la langue anglaise (accompagnée de traduction) mais la décision devra être rendue en français pour respecter l’ordonnance de Villers-Cotterets de 1539 ! En avril 2018 la CICAP comprenait 10 magistrats maîtrisant aussi bien la langue anglaise que le droit de common law. Et de façon plus générale, v. G. Hannotin, Réforme de la procédure civile : le modèle anglais comme source d’inspiration ?, D. 2018. 1213 ; D. Bureau et H. Muir Watt, « L’avenir du contentieux intertional des affaires en Europe: Disputation sur le marché des services juduicuiares post-Brexit, in Mélanges en l’honneur du professeur B. Ancel, préc.
  • (30)
    Sur diverses possibilités concernant l’effet du Brexit sur le système de Bruxelles, v. en particulier les travaux du GEDIP, sessions de Milan, sept. 2016 et Hambourg, sept. 2017 (sur le site : gedip-egpil.eu). Et, au-delà du domaine juridique, A. Frachon dans Le Monde du 5 avr. 2018 évoque « le spectacle étonnant d’une négociation sur le Brexit qui n’a d’autre objet pour Londres que de rester associé au plus près à l’aventure européenne ».
  • (31)
    V. le Position Paper du gouvernement britannique : Providing a cross-border civil judicial cooperation framework du 22 août 2017 : www.gov.uk.
  • (32)
    CJCE 4 févr. 1988, aff. 145/86, Hoffmann c/ Krieg.
  • (33)
    CJCE 28 mars 2000, aff. C-7/98, Krombach, D. 2000. 122 ; Rev. crit. DIP 2000. 481, note H. Muir Watt ; RSC 2000. 686, obs. L. Idot ; RTD civ. 2000. 944, obs. J. Raynard ; 11 mai 2000, aff. C-38/98, Renault c/ Maxicar, Rev. crit. DIP 2000. 497, note H. Gaudemet-Tallon.
  • (34)
    CJUE 16 juill. 2015, aff. C-681/13, Diageo Brands BV, D. 2015. 1606 ; ibid. 2016. 1045, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke ; Rev. crit. DIP 2016. 367, note T. Azzi ; RTD eur. 2015. 872, obs. E. Treppoz.
  • (35)
    TUE, art. 6, § 1.
  • (36)
    CEDH, 30 juin 2005, n° 45036/98, AJDA 2005. 1886, chron. J.-F. Flauss ; RFDA 2006. 566, note J. Andriantsimbazovina ; RTD eur. 2005. 749, note J.-P. Jacqué ; ibid. 2015. 235, obs. L. d’Ambrosio et D. Vozza. Cette présomption d’équivalence céderait toutefois si le droit de l’UE révélait une « insuffisance manifeste de protection d’un droit garanti par la Convention » ; en ce cas les juridictions nationales « ne peuvent renoncer à examiner ce grief au seul motif qu’elles appliquent le droit de l’Union » (arrêt Aventis du 23 mai 2016 cité note suivante).
  • (37)
    Deux arrêts : arrêt de chambre du 25 févr. 2014, puis arrêt de la grande chambre du 23 mai 2016, n° 17502/07, AJDA 2016. 1738, chron. L. Burgorgue-Larsen ; D. 2017. 1011, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke ; RTD eur. 2017. 358, obs. F. Benoît-Rohmer.
  • (38)
    V., très net en ce sens, CEDH 6 mai 2004, n° 70807/01, Monique, Oriane et Lilian Hussin c/ Belgique.
  • (39)
    V. par ex., point 17 de l’arrêt Kongress Agentur Hagen (CJCE 15 mai 1990, aff. C-365/88, Rev. crit. DIP 1990. 564, note H. Gaudemet-Tallon).
  • (40)
    V. spéc. les arrêts CEDH 25 juill. 1991, Marc Rich, aff. C-190/89, Rev. crit. DIP 1993. 310, note P. Mayer ; 6 déc. 1994, The Ship Tatry, aff. C-406/92, D. 1995. 35 ; Rev. crit. DIP 1995. 588, note E. Tichadou ; 13 juill. 2000, Group Josi Reisurance, aff. C-412/98, D. 2000. 236, arrêts rappelés au point 26 de l’arrêt CEDH 1er mars 2005, Owusu, aff. C-281/02, D. 2006. 1259, obs. C. Nourissat ; ibid. 1495, obs. P. Courbe et F. Jault-Seseke ; Rev. crit. DIP 2005. 698, note C. Chalas (particulièrement net en ce sens).
  • (41)
    V. en part. E. Juenger, La Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 et la courtoisie internationale, Réflexions d’un américain, Rev. crit. DIP 1983. 37.
  • (42)
    V. notre ouvrage, Compétence et exécution des jugements en Europe, 5e éd., Lextenso, 2015, n° 96, 6e éd. par H. Gaudemet-Tallon et M.-E. Ancel, à paraître 2018.
  • (43)
    V. cependant § 2 du considérant 24 du règlement Bruxelles I bis, mais écrit à propos de la solution des procédures concurrentes.
  • (44)
    V. à ce sujet les travaux du Gedip en particulier dans sa session de Bergen en 2008. On aurait pu s’inspirer du droit belge, l’article 7 du code de droit international privé de 2004 disposant que, s’agissant de droits disponibles, en présence d’une clause attribuant compétence à un tribunal étranger, le tribunal belge qui a cependant été saisi doit surseoir à statuer sauf s’il apparaît que la décision à intervenir à l’étranger ne sera pas reconnue en Belgique.
  • (45)
    Civ. 1re, 22 oct. 2008, n° 07-15.823, D. 2009. 200, note F. Jault-Seseke ; ibid. 2008. 2790, obs. I. Gallmeister ; ibid. 2009. 684, chron. A. Huet ; ibid. 1557, obs. P. Courbe et F. Jault-Seseke ; ibid. 2384, obs. L. d’Avout et S. Bollée ; Rev. crit. DIP 2009. 1, étude D. Bureau et H. Muir Watt ; RTD com. 2009. 646, obs. P. Delebecque ; JCP 2008. II. 10187, L. d’Avout.
  • (46)
    V. par ex. Bundesgerichtshof, 5 sept. 2012, Rev. crit. DIP 2013. 890, note F. Jault-Seseke, l’arrêt autorisant le juge à écarter la clause si elle fait échec à une disposition impérative.
  • (47)
    V. spéc. à ce sujet, CJCE 16 mars 1999, aff. C-159/97, Trasporti Castelletti, D. 1999. 100 ; Rev. crit. DIP 1999. 559, note H. Gaudemet-Tallon et CJUE 21 mai 2015, aff. C-352/13, CDC, D. 2015. 2031, obs. L. d’Avout et S. Bollée ; ibid. 2016. 964, obs. D. Ferrier ; ibid. 1045, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke ; AJCA 2015. 382, obs. A.-M. Luciani ; RTD eur. 2015. 807, obs. L. Idot.
  • (48)
    Expression empruntée à V. Egéa, La résolution des conflits de procédures dans le règlement Bruxelles I bis, in E. Guinchard (dir.), Le nouveau règlement Bruxelles I bis, Bruylant, 2014, p. 147.
  • (49)
    Dernier projet en date de nov. 2017, consultable sur le site de la Conférence (hcch.net) ; une session diplomatique devrait avoir lieu en 2019.
  • (50)
    Sur les rapports en ce domaine entre la Conférence de La Haye et l’UE, v. M. Lehmann et E. Lein, art. préc. in Mélanges en l’honneur du professeur B. Ancel, op. cit.
  • (51)
    Expression empruntée à J.-S. Bergé et S. Robin-Olivier, Introduction au droit européen, 2e éd., PUF, 2011, qui écrivent au § 593 : « L’espace juridique européen ne saurait exister de manière autarcique ». La même constatation s’impose pour l’espace judicaire.
  • (52)
    Ce qui ne signifie pas pour autant que le système de Bruxelles devrait jouer en l’absence de tout lien significatif avec l’Union européenne : ainsi, par exemple, ne devraient pas suffire l’assignation d’un défendeur devant un tribunal d’un État de l’UE et l’absence de contestation de compétence par ce défendeur pour fonder la compétence du tribunal saisi au motif de « prorogation tacite de compétence » (art. 18 Conv. Bruxelles, art. 24 règl. Bruxelles I et art. 26 règl. Bruxelles I bis). Il faut d’abord que la convention ou le règlement soit applicable, ce qui implique un rattachement avec l’UE (v. sur ce point, B. Audit et L. d’Avout, Droit international privé, 7e éd., Économica, 2013, n° 631).
  • (53)
    La tâche est particulièrement difficile pour les États entrés les plus récemment dans l’UE.
  • (54)
    Sur le paradoxe entre la coexistence de l’importance donnée au juge et au principe de confiance mutuelle avec l’eurosepticisme ambiant, v. B. Hess, Le Droit international privé européen en temps de crise, communication du 1er juin 2018 au Comité français de Droit international privé, à paraître in Travaux du Comité.
Hélène Gaudemet-Tallon
Professeur émérite de l’Université Paris 2
Membre de l’Institut de Droit international
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 07/06/2020
https://doi.org/10.3917/rcdip.183.0411
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