CAIRN.INFO : Matières à réflexion

11. « Tout ça pour ça ? »… Telle est sans doute la première réflexion qui vient à l’esprit de celui qui considère la Convention de La Haye du 30 juin 2005 sur les accords d’élection de for [1][2]. Les raisons de ce dépit sont connues. La Convention du 30 juin 2005, alors même qu’elle est le fruit d’un processus de négociation particulièrement laborieux (une douzaine d’années au total), ne réalise que très partiellement – c’est un euphémisme – les ambitions originelles de ses promoteurs. Le projet, dont la paternité revient à Arthur Taylor Von Mehren [3], remonte en effet au début des années 1990. L’éminent internationaliste proposait alors l’élaboration, au sein de la Conférence de La Haye, d’une convention mondiale sur la compétence et l’exécution des jugements en matière civile et commerciale, destinée à améliorer tout spécialement la reconnaissance mutuelle des décisions entre l’Europe et les États-Unis [4]. On sait cependant que les négociations, après avoir conduit à l’adoption d’un avant-projet de convention relativement abouti [5], ont finalement achoppé sur les irréductibles divergences opposant les systèmes de conflit de juridictions des États membres de la Conférence, et notamment ceux des pays de common law à ceux des pays de tradition romano-germanique [6]. En définitive, la décision a été prise, pour éviter l’abandon pur et simple du projet, d’en réduire très sensiblement l’objet. Un consensus a alors rapidement émergé sur l’idée d’une convention limitée aux clauses attributives de juridiction conclues entre professionnels. Deux ans plus tard, la Convention sur les accords d’élection de for voyait le jour [7].

22. De prime abord, on peut évidemment être tenté d’ironiser sur la peau de chagrin à laquelle se réduit finalement l’objet de la Convention [8]. Et il est vrai que la maigreur du résultat contraste singulièrement avec l’ambition du projet initial. D’une convention qui devait porter sur l’ensemble de la matière civile et commerciale (dans un sens très voisin de celui retenu par l’article 1er du règlement Bruxelles I), on est parvenu de fil en aiguille à une convention limitée aux seuls accords exclusifs d’élection de for entre professionnels. L’expérience est révélatrice des difficultés de l’entreprise d’harmonisation en matière de conflits de juridictions [9] – discipline apparaissant aujourd’hui comme celle dans laquelle les particularismes nationaux sont les plus tangibles en droit international privé. Les doutes que l’on peut entretenir a priori quant à l’utilité d’un instrument aussi limité sont d’autant plus forts qu’il s’agit là de la troisième convention relative à l’élection de for négociée dans l’enceinte de la Conférence et que les deux conventions précédentes n’ont pas précisément marqué les mémoires par leur succès [10]. Et pourtant, on aurait tort de dénier tout mérite à cette nouvelle Convention et de la jeter trop rapidement aux oubliettes, déjà fort peuplées [11], des conventions de La Haye mort-nées faute de ratifications étatiques suffisantes. En premier lieu, parce que la Convention du 30 juin 2005 a de bonnes chances d’entrer en vigueur relativement rapidement, puisqu’elle a déjà été approuvée par le Mexique et qu’elle a été signée par les États-Unis et par la Communauté européenne [12]. Une volonté politique de mise en œuvre de la Convention semble donc bel et bien à l’œuvre de part et d’autre de l’Atlantique. En second lieu, et s’agissant cette fois de la méthode, parce que le parti finalement pris par les auteurs de la Convention – celui de la modestie – n’est pas nécessairement le moins pertinent en matière de conflits de juridictions. En d’autres termes – et nous y reviendrons – la limitation drastique qu’a subie l’objet de la Convention tient peut-être plus de la nécessité structurelle que du simple choix conjoncturel. En troisième et dernier lieu, sur le fond, parce que les solutions retenues par la Convention sont globalement assez convaincantes. Elles offrent à tout le moins une réponse crédible à certaines questions cruciales pour l’efficacité des clauses attributives de juridiction. Sans doute les options entérinées par la Convention semblent-elles parfois insuffisantes, incomplètes ou trop timides. Mais ce qui frappe avant tout, à la lecture de la Convention, c’est l’interminable liste des restrictions que comporte son champ d’application, pourtant déjà très circonscrit. La première lecture du texte éveille ainsi des sentiments mitigés, car l’intérêt réel des solutions qu’il promeut semble atténué par les limites draconiennes qui affectent son champ d’application. C’est le bien-fondé de cette première impression qu’il convient à présent de soumettre à l’examen, en procédant pour cela, de manière très classique, à l’étude du champ d’application de la Convention (I), puis des solutions de fond qu’elle retient (II).

I. — Le champ d’application de la convention

33. Les limites dans lesquelles la Convention trouve à s’appliquer n’apparaissent pas d’emblée parfaitement limpides, tant les dispositions qui les concernent sont nombreuses, rédigées de manière alambiquée et éparpillées à des endroits divers de la Convention. Le manque de clarté est d’ailleurs un défaut récurrent de la Convention [13]. L’étude systématique des conditions d’application de la Convention n’en révèle pas moins une tendance patente à réduire encore l’objet déjà naturellement restreint de celle-ci. L’encadrement excessif du champ d’application de la Convention n’est toutefois pas entièrement imputable à ses négociateurs. Le domaine de la Convention est en effet affecté tant par des limites internes (A) que par des limites externes (B). Si les limites « internes » traduisent la volonté des membres de la Conférence de restreindre à certains égards le champ d’application de la Convention afin d’en exclure les questions susceptibles de faire surgir des dissensions irréductibles entre États, les limites « externes », quant à elles, sont indépendantes de la volonté des États négociateurs. Elles tiennent, non plus à leur choix délibéré d’éviter certaines questions trop sensibles, mais à l’existence d’autres instruments internationaux applicables en matière d’élection de for, dont il était nécessaire de ménager l’autorité en les faisant prévaloir, dans certains cas, sur la Convention.

A. – Les limites internes

4Ces limites tiennent classiquement à la détermination du champ d’application matériel (1), temporel (2) et spatial (3) de la Convention.

1. Le champ d’application matériel de la Convention

54. On l’a déjà dit, les limites ratione materiae de la Convention sont très nombreuses et d’autant plus frappantes que le projet initial de convention était à l’inverse particulièrement vaste. La première restriction, essentielle, par rapport au projet initial, tient au fait que la Convention du 30 juin 2005 ne porte, comme son nom l’indique, que sur les accords d’élection de for. Au stade de l’instance directe, elle s’applique donc uniquement lorsque le juge du for est, soit désigné dans un accord d’élection de for, soit saisi au mépris d’un tel accord, afin de déterminer l’effet qu’il convient d’attribuer à l’accord. Au stade de l’instance indirecte, la Convention s’applique lorsque la décision étrangère dont l’exequatur est demandé a été rendue par un juge désigné dans un accord d’élection de for [14].

65. Bien que très importante, cette première restriction au champ d’application de la Convention nous semble devoir être approuvée. À la différence de la matière des conflits de lois, dont l’unification peut sembler particulièrement souhaitable pour assurer l’harmonie internationale des solutions, l’unification des conflits de juridiction paraît effectivement moins nécessaire. L’uniformisation des conditions de régularité internationale des jugements étrangers peut sans doute se recommander de l’harmonie internationale des solutions, car il est bon qu’une décision donnée soit unanimement déclarée exécutoire ou qu’à l’inverse, elle se heurte à un refus de reconnaissance systématique, quel que soit l’État dans lequel l’exequatur en est demandé. Or, l’homogénéisation des conditions de régularité internationale des décisions étrangères facilite certainement la réalisation de cet objectif [15]. S’agissant des règles de compétence directe, en revanche, leur absence d’unification paraît moins regrettable car une telle unification est quasiment dépourvue d’effet positif sur l’harmonie internationale des solutions [16]. Aussi importe-t-il peu que tous les États n’attribuent pas exactement les mêmes limites à la compétence internationale de leurs juridictions, dès lors que chacun assigne des limites raisonnables à la compétence de ses propres tribunaux [17]. Sauf à tenir l’uniformité des règles de droit pour une fin en soi, il n’y a donc pas d’intérêt spécifique à unifier les règles de compétence juridictionnelle directe à l’échelle mondiale [18]. Cela étant, dans certaines matières spécifiques, l’harmonisation des règles de compétence directe retrouve un indéniable intérêt. Tel est le cas s’agissant des clauses d’élection de for. Ici, en effet, la diversité des règles applicables à la régularité de ces clauses et à leurs effets peut s’avérer regrettable, dans la mesure où elle risque de conduire à des conflits positifs ou négatifs de compétence si l’ordre juridique du juge élu tient la clause pour valable tandis que celui d’un autre juge, saisi au mépris de la clause, la considère comme nulle (ou inversement). En cette matière, comme en quelques autres [19], il ne suffit donc pas que l’ensemble des États suive des règles raisonnables, et il paraît souhaitable que tous les États appliquent exactement les mêmes règles. A priori, le choix des auteurs de la Convention de s’en tenir aux clauses d’élection de for est donc parfaitement défendable. Toutefois, les limites apportées à l’objet d’ores et déjà bien circonscrit de la Convention ne s’arrêtent pas là.

76. En premier lieu, la Convention ne s’applique pas à tous les types de clauses attributives de juridiction, mais seulement aux accords exclusifs d’élection de for conclus en matière civile et commerciale (art. 1er, § 1). La référence à la matière civile et commerciale exclut les litiges de droit public et de droit pénal [20], matières traditionnellement réfractaires à l’élection de for. L’article 2, § 5, de la Convention précise cependant que le seul fait qu’un État ou l’émanation d’un État soit partie au litige n’exclut pas nécessairement celui-ci du champ d’application de la Convention. Plus importante est la limitation tenant au caractère exclusif de l’accord d’élection de for. Sont ainsi rejetés en dehors du domaine de la Convention les accords donnant compétence au juge élu sans pour autant exclure la compétence de tout autre tribunal (art. 3 a). Une telle exclusion paraît regrettable [21], car si les clauses attributives de juridiction non exclusives sont peu familières des droits de tradition civiliste, elles sont nettement plus répandues dans les droits de common law[22]. La raison d’être de cette limite, comme de la grande majorité des restrictions apportées au champ matériel de la Convention, est d’éluder une question délicate, car envisagée de manières très diverses selon les États, en l’occurrence celle du règlement des conflits de procédures susceptibles de se former en présence d’un accord d’élection de for non exclusif. L’accord lui-même n’étant d’aucun secours pour déterminer le juge devant rester saisi du litige, il aurait fallu, pour résoudre de tels conflits, trancher entre le critère chronologique du mécanisme civiliste de l’exception de litispendance et le critère du for le plus approprié retenu dans la doctrine anglo-américaine du forum non conveniens[23]. C’est pour éviter d’arbitrer ce débat que la Convention se limite aux accords exclusifs d’élection de for. La solution présente cependant l’inconvénient d’abandonner les accords non exclusifs au droit commun des États contractants, souvent moins protecteur de la force obligatoire de l’élection de for. L’exclusion supporte toutefois deux tempéraments. En premier lieu, l’article 3 c de la Convention précise qu’un accord d’élection de for est réputé exclusif à moins que les parties ne soient expressément convenues du contraire. La Convention se détache à cet égard de manière heureuse de la solution retenue dans les droits de common law[24], en faisant de l’exclusivité le principe. En second lieu, les États contractants peuvent déclarer qu’ils reconnaîtront et exécuteront les jugements rendus dans d’autres États contractants en vertu d’accords non exclusifs d’élection de for (art. 22) [25].

87. Curieusement, la définition retenue par l’article 3 de la Convention de la notion d’accord exclusif d’élection de for conduit à faire de certaines exigences, traditionnellement considérées comme des conditions de validité de ces accords, des conditions d’application de la Convention. Tel est le cas de l’exigence que l’accord porte sur « des litiges nés ou à naître à l’occasion d’un rapport de droit déterminé » et qu’il soit « conclu ou documenté : i) par écrit ; ou ii) par tout autre moyen de communication qui rende l’information accessible pour être consultée ultérieurement ». Il résulte de l’érection de ces exigences au rang des conditions d’application de la Convention que les clauses d’élection de for purement verbales ou ne portant pas sur un rapport de droit déterminé ne sont pas invalidées, mais seulement rejetées en dehors du champ d’application de la Convention. S’agissant de la forme, cette qualification devrait a priori avoir pour conséquence que l’existence d’un écrit au sens de l’article 3 de la Convention ne garantit nullement la validité formelle de l’accord – qui demeurerait soumise aux règles applicables selon le droit de l’État du juge élu. Le rapport explicatif précise néanmoins qu’un accord satisfaisant aux exigences de l’article 3 c ne peut être soumis à aucune exigence de forme supplémentaire [26]. C’est donc bien une règle matérielle que la Convention énonce sur ce point, afin de régler directement la question de la validité formelle des accords d’élection de for. Sur le fond, la solution retenue apparaît assez libérale. Non seulement l’article 3 c autorise la forme électronique [27], mais la référence qu’il contient à un accord simplement « documenté » par écrit permet aussi de valider des accords constatés dans un document ne portant pas la signature des parties, et ce, quelle que soit la partie dont le document émane [28]. De manière générale, et en dépit des précisions apportées par le rapport explicatif, on pourra tout de même regretter le caractère extrêmement vague de l’article 3 c sur cette question de la forme de l’accord, que l’on sait pourtant cruciale [29]. On relèvera enfin que, bien que cela ne ressorte pas explicitement des termes de la Convention, l’inexistence manifeste de l’accord est également une cause d’exclusion de l’application de la Convention [30] – ce qui signifie en pratique simplement que le juge saisi en violation de l’accord peut apprécier l’éventuelle inexistence manifeste de celui-ci en vertu de ses propres conceptions, sans passer par le droit régissant l’accord en vertu de la règle de conflit de lois applicable.

98. À ces premières restrictions, non négligeables, au champ d’application de la Convention, s’ajoute ensuite toute une série d’exclusions supplémentaires. L’article 2 – disposition la plus longue de la Convention – les égrène dans une liste comptant pas moins de vingt entrées. Mis à part l’arbitrage, dont l’exclusion allait presque sans dire, les matières ainsi rejetées en dehors du champ d’application de la Convention sont dans leur grande majorité des matières dans lesquelles la régularité des clauses attributives de juridiction peut sembler douteuse, soit qu’elles soient peu propices aux clauses attributives de juridictions en raison du caractère extracontractuel (responsabilité délictuelle pour dommages aux biens tangibles ; indemnisation des dommages corporels et moraux subis par des personnes physiques), voire extrapatrimonial (état et capacité des personnes physiques ; droit extrapatrimonial de la famille) des droits en cause ; soit qu’elles présentent un caractère au moins partiellement d’ordre public [ordre public familial pour les régimes matrimoniaux et successions ou les obligations alimentaires ; ordre public de protection pour les contrats de consommation ou de travail ; ordre public économique pour les procédures d’insolvabilité ou les entraves à la concurrence [31]], ou qu’elles impliquent la « souveraineté » d’un État [matière réelle immobilière ; validité des personnes morales ; validité des inscriptions sur les registres publics ; validité et contrefaçon des droits de propriété intellectuelle autres que les droits d’auteur et droits voisins [32] ; dommages nucléaires ; immunités des États et des organisations internationales [33]]. D’autres exclusions sont justifiées par l’existence de conventions internationales dans la matière exclue. Il en est ainsi de l’exclusion de toutes les formes de transport et de diverses questions de droit maritime (pollution maritime, limitation de responsabilité, sauvetage d’urgence, etc.) [34]. Enfin, pour parer à la situation dans laquelle, en dépit de cette impressionnante liste d’exclusions, un État estimerait encore que le champ d’application de la Convention est trop large, l’article 21 de celle-ci autorise les États contractants à déclarer qu’ils n’appliqueront pas la Convention à d’autres matières particulières présentant pour eux un intérêt spécifique [35], sous réserve que la déclaration soit formulée dans des termes aussi limités que possible [36].

109. L’interminable liste des questions écartées du champ d’application de la Convention donne évidemment à réfléchir sur le fréquent pointillisme des conventions internationales et le risque d’éparpillement dont la méthode conventionnelle est trop souvent porteuse [37]. De plus, si l’on peut comprendre que les États n’aient pas cherché à s’entendre sur les limites exactes de l’interdiction des accords d’élection de for dans des matières naturellement rétives à de tels accords, on peut tout de même regretter qu’aucun consensus n’ait été recherché sur une question aussi cruciale que celle de la licéité des clauses attributives de juridiction dans les contrats de travail ou de consommation. Pourtant, il serait excessif d’en déduire que ces restrictions vident la Convention de tout intérêt, car le texte reste malgré tout applicable à la majorité des clauses attributives de juridiction conclues à l’occasion de contrats commerciaux internationaux. Or il s’agit de toute évidence du domaine naturel de développement de ces clauses. L’intérêt de la Convention demeure donc réel [38], sous réserve que la possibilité d’exclusions additionnelles offerte par l’article 21 soit peu utilisée par les États contractants. En outre, quelques précisions viennent limiter ces exclusions. L’article 2, § 3, indique ainsi que l’existence d’une question préalable relevant de l’une des matières exclues du champ d’application de la Convention par son article 2, § 2, n’emporte pas inapplicabilité de la Convention à la demande principale, tandis que l’article 17 de la Convention précise que, lorsque l’accord d’élection de for est inséré dans un contrat d’assurance ou de réassurance, le fait que le risque assuré relève lui-même d’une matière exclue du champ d’application de la Convention [39] n’emporte pas inapplicabilité de celle-ci à l’accord.

2. Le champ d’application spatial de la Convention

1110. S’agissant des conditions d’application de la Convention tenant à la localisation du litige, l’article 1er, § 1, précise tout d’abord que l’instrument a vocation à régir les seules situations internationales. Les solutions très favorables à l’élection de for que prévoit la Convention sont ainsi réservées aux rapports de droit « plurilocalisés ». On sait cependant que la portée de cette exigence est largement tributaire de la définition que l’on retient de la notion, extrêmement fuyante, d’internationalité [40]. Sur ce point, la Convention adopte des solutions mesurées. L’article 1, § 2, rejette nettement l’idée selon laquelle la stipulation d’un accord d’élection de for en faveur d’un juge étranger dans un rapport contractuel par ailleurs purement interne suffirait à lui conférer un caractère international [41], pour adopter une définition essentiellement objective de l’internationalité [42]. Au stade de l’instance directe, en effet, « une situation est internationale sauf si les parties résident dans le même État contractant et si les relations entre les parties et tous les autres éléments pertinents du litige, quel que soit le lieu du tribunal élu, sont liés uniquement à cet État ». Une telle définition nous paraît devoir être approuvée [43], dans la mesure où l’internationalité objective de la situation apparaît comme la raison d’être de l’autonomie accrue que l’on reconnaît aux parties en matière internationale. D’abord, les liens que présente la situation internationale avec de multiples ordres juridiques génèrent une incertitude quant au droit applicable, incertitude qu’il est bon de permettre aux parties de lever [44], spécialement en matière contractuelle. Ensuite, la « plurilocalisation » de la situation internationale implique un lien moins étroit entre celle-ci et chacun des ordres juridiques avec lesquels elle présente un rattachement que le lien unissant une situation interne à son ordre juridique de rattachement. C’est ce lien relâché qui explique que les ordres juridiques tolèrent que la situation leur échappe [45]. Mais si, sur ce point, la Convention se montre à juste titre exigeante, elle affiche à d’autres égards une position plus libérale. Ainsi la définition négative que l’article 1, § 2, donne de l’internationalité fait-elle de celle-ci le principe (« une situation est internationale sauf si… ») [46]. Les précisions apportées par l’article 4, § 2, sur la notion de résidence des parties facilitent également la caractérisation de l’internationalité du litige puisque, s’agissant des personnes morales, l’article retient une définition alternative de la résidence, qui résulte aussi bien du siège statutaire que de l’incorporation, de l’administration centrale ou du principal établissement de la personne dans un État donné [47]. On relèvera par ailleurs que la Convention ne donne pas de précisions sur la date à laquelle il convient d’apprécier le caractère international de la situation. L’hésitation paraît ici permise [48]. D’un côté, la logique de la matière contractuelle inciterait à se placer à la date de conclusion de l’accord plutôt qu’à celle de l’introduction de l’instance [49]. D’un autre côté, la faveur à la reconnaissance de l’internationalité affichée par l’article 1, § 2, pourrait conduire à considérer qu’est internationale toute situation qui, soit l’était originellement, lors de la conclusion de l’accord, soit, devenant internationale par la suite, l’était au jour de l’introduction de l’action [50]. Enfin, dernier signe du libéralisme de la Convention sur la condition d’internationalité : au stade de l’instance indirecte, l’internationalité résulte, aux termes de l’article 1, § 3, du seul fait qu’un jugement étranger soit présenté au juge de l’État requis, sans que doive être vérifiée l’internationalité de la situation au stade de l’instance directe. Bien qu’en elle-même parfaitement orthodoxe [51], cette double définition de l’internationalité altère la fermeté de l’exigence posée au stade de l’instance directe, en la privant de sanction au stade de l’exequatur. En effet, le fait que le juge élu ait accepté de statuer sur un litige purement interne à un autre État ne pourra être sanctionné, au stade de l’instance indirecte, par un refus d’application du régime libéral de reconnaissance et d’exécution prévu par la Convention, puisque l’État requis (souvent celui auquel la situation était purement interne) ne pourra contester l’internationalité de la situation, qui résultera de la seule nationalité étrangère du jugement dont l’exequatur est requis. Pour réparer cet effet pervers de l’article 1, § 3, l’article 20 autorise les États contractants à faire une déclaration ajoutant un motif de refus de reconnaissance à ceux déjà prévus par l’article 9 de la Convention, et jouant lorsque, mise à part la désignation du juge élu dans l’accord d’élection de for, l’affaire était strictement interne à l’État requis. On peut penser que beaucoup d’États feront la déclaration, à tel point qu’il eût sans doute été plus logique de retenir la solution inverse, permettant aux États contractants de faire une déclaration excluant le motif de refus de reconnaissance tiré de l’absence d’internationalité de la situation [52].

1211. Outre cette première exigence, tenant à l’internationalité de la situation, il est encore nécessaire, pour que la Convention s’applique, que le rapport de droit en cause présente un certain rattachement avec un État contractant. Au stade de l’instance directe, la Convention s’applique dès lors que le juge d’un État contractant est désigné dans l’accord (art. 3 a). Elle régit alors la validité et les effets de l’accord tant devant le juge élu que devant le juge éventuellement saisi en violation de la clause – sous la réserve évidente, quoique implicite, que le juge saisi soit lui-même celui d’un État contractant. Au stade de l’exequatur, la Convention s’applique aux seules décisions rendues par le juge élu d’un État contractant, sous réserve, là encore, que l’État requis soit lui-même un État contractant. Si la solution semble a priori plus large que celle retenue par le Règlement Bruxelles I, qui subordonne l’application de son article 23 à la condition supplémentaire que l’une des parties à la clause, au moins, soit domiciliée dans un État membre, elle revient tout de même à subordonner l’application de la Convention à une condition de réciprocité qui a pu être diversement appréciée par les auteurs [53]. L’idée des rédacteurs de la Convention semble être que l’application de celle-ci n’est utile que lorsqu’elle permet réellement d’assurer aux accords d’élection de for un traitement uniforme devant l’ensemble des juridictions appelées à en connaître. Dans cette perspective, il n’y a aucune raison d’obliger le juge d’un État contractant saisi en violation d’un accord à en apprécier la régularité et les effets en vertu des règles posées par la Convention si le juge élu est celui d’un État tiers à la Convention, qui n’appréciera pas la régularité et les effets de l’accord en vertu des mêmes règles. En réalité, cependant, un tel raisonnement est regrettable car la solution sur laquelle repose la Convention est la référence au point de vue de l’ordre juridique du juge élu [54]. Or même si la Convention n’est pas applicable devant ce dernier, il est bien évident que le juge élu se réfèrera au point de vue de son propre ordre juridique pour apprécier l’effet qu’il convient d’attribuer à la clause. La réciprocité exigée par la Convention apparaît ainsi comme une nouvelle limitation inutile à son application.

1312. S’agissant enfin de l’application de la Convention dans les États comprenant diverses unités territoriales relevant de systèmes juridiques différents, tels les États fédéraux, l’article 25, § 1, précise que toute référence de la Convention à un « État » doit en principe être comprise comme visant chacune des unités territoriales de l’État plutôt que l’État lui-même (au sens du droit international). Dans le cas particulier de la condition d’internationalité, l’article 25, § 2, permet cependant à de tels États de ne pas appliquer la Convention aux situations qui leur sont internes. L’article 28 permet également aux États contractants à systèmes juridiques non unifiés de prévoir que la Convention ne s’appliquera qu’à certaines de leurs unités territoriales [55]. Là encore, la Convention se montre donc très flexible et laisse une grande marge de manœuvre aux États contractants.

3. Le champ d’application temporel de la Convention

1413. La détermination du champ d’application ratione temporis de la Convention, évidemment liée à la date d’entrée en vigueur de celle-ci, suppose quelques précisions sur ce point. C’est l’article 31 de la Convention qui règle la question. Il prévoit que la Convention entrera en vigueur le premier jour du mois suivant l’expiration d’une période de trois mois après le dépôt du deuxième instrument de ratification ou d’accession, puis, pour chaque nouvel État contractant, le premier jour du mois suivant l’expiration d’une période de trois mois après le dépôt de l’instrument de ratification ou d’accession de l’État en cause. S’agissant ensuite des modalités de ratification, il convient de tenir compte, pour les États membres de la Communauté européenne, de l’article 30 de la Convention. Cette disposition autorise les organisations régionales d’intégration économique, c’est-à-dire en pratique l’Union européenne [56], à ratifier la Convention en lieu et place de leurs États membres sous réserve que les organisations en question aient compétence exclusive dans la matière traitée par la Convention. Or c’est précisément ce qu’a considéré le Conseil dans une décision du 26 février 2009 relative à la signature, au nom de la Communauté européenne, de la Convention du 30 juin 2005 [57]. Le Conseil y affirme que la Communauté dispose d’une compétence exclusive pour toutes les questions régies par la Convention et que celle-ci ne sera en conséquence pas ratifiée par les États membres mais conclue par la Communauté européenne pour ceux-ci (à l’exception du Danemark) [58]. La ratification de l’instrument se fera ainsi, par l’intermédiaire de la Communauté, de manière collective. Bien qu’il ne s’agisse que de la conséquence prévisible de solutions précédemment développées par la Cour de justice des Communautés européennes [59], le mode de ratification ainsi retenu est symptomatique de l’accélération actuelle du processus de communautarisation du droit international privé des États membres [60]. Les controverses que soulève ce processus débordant largement le cadre de cet article, nous nous contenterons simplement d’observer combien le sort de la Convention du 30 juin 2005 est emblématique des tenants et des aboutissants de ce débat. Il illustre en effet tout à la fois l’ampleur considérable du transfert de compétences ainsi opéré à la faveur de l’article 65 du Traité d’Amsterdam – ampleur étonnante eu égard à la lettre particulièrement prudente de ce texte [61] – et les indéniables avantages que le procédé de la ratification communautaire présente en termes d’efficacité. La décision du Conseil sur la signature de la Convention ayant été publiée de manière à peu près concomitante à la signature de la Convention par les États-Unis et à son approbation par le Mexique, une entrée en vigueur prochaine du texte entre de nombreux pays paraît en effet plausible, pour peu que ces signatures soient suivies d’actes de ratification.

1514. C’est alors vers l’article 16 de la Convention qu’il conviendra de se tourner pour déterminer le champ d’application temporel de celle-ci. Le texte fait une distinction entre applicabilité ratione temporis de la Convention devant le tribunal élu, et devant le tribunal saisi. La Convention est applicable dans l’État du tribunal élu si l’accord d’élection de for attribuant compétence à son juge a été conclu après l’entrée en vigueur de la Convention dans cet État (art. 16, § 1), tandis qu’elle « ne s’applique pas aux litiges engagés avant son entrée en vigueur » dans l’État du tribunal saisi (art. 16, § 2). Si cette dernière disposition n’est guère limpide au premier abord, il ressort clairement du rapport explicatif (n° 219), d’une part, que « l’État du tribunal saisi » visé à l’article 16, § 2, est aussi bien l’État d’un juge saisi en violation de l’accord que l’État d’un juge requis d’accorder l’exequatur à la décision rendue par un juge élu et, d’autre part, que devant un tel juge, la Convention n’est applicable que si l’accord d’élection de for a été conclu après l’entrée en vigueur de la Convention dans l’État du tribunal élu et si l’instance a été engagée dans l’État du juge saisi en violation de la clause ou requis de donner exequatur au jugement du tribunal élu après l’entrée en vigueur de la Convention dans ce dernier État [62]. En définitive, la solution paraît donc conforme aux règles classiques du droit transitoire en matière contractuelle, puisqu’elle consiste globalement à appliquer la Convention aux accords conclus après son entrée en vigueur [63].

16Force est de constater, au terme de ces premiers développements, que de très nombreuses restrictions limitent le champ d’application de la Convention du 30 juin 2005. À ces limites internes, liées à la volonté délibérée des négociateurs de la Convention de réduire l’objet de celle-ci, s’ajoutent en outre des limites externes, tenant à la nécessité de tenir compte de l’existence d’autres instruments internationaux applicables aux accords d’élection de for.

B. — Les limites externes

1715. Il eût été concevable de renvoyer purement et simplement au droit commun des traités le règlement des conflits d’instruments internationaux risquant de s’élever à l’occasion de la mise en œuvre de la Convention du 30 juin 2005. De manière assez évidente, toutefois, les conflits promettaient d’être fréquents en pratique, étant donné le nombre élevé de conventions internationales régissant les clauses attributives de juridiction [64]. Eu égard à l’extrême difficulté des interrogations soulevées par les conflits de conventions et au manque d’uniformité des solutions retenues en la matière [65], il paraissait donc plus sage de prévoir un ensemble de dispositions réglant explicitement, et autant que possible clairement, ces difficultés. Aussi bien l’article 26 de la Convention est-il consacré à cette délicate question. La première remarque que l’on peut formuler à la lecture de cette disposition a trait à l’extrême complexité de celle-ci. L’article comporte six paragraphes rédigés dans des termes particulièrement sibyllins – en raison notamment de l’usage abusif qui y est fait de la forme négative [66]. À titre d’illustration, on citera le paragraphe 2 de l’article 26 : « La présente Convention n’affecte pas l’application par un État contractant d’un traité, que ce traité ait été conclu avant ou après cette Convention, lorsque aucune des parties ne réside dans un État contractant qui n’est pas partie au traité ». On a beau lire et relire le texte, il est très difficile d’en déterminer le sens sans se référer au rapport explicatif de la Convention. Un tel manque de clarté est regrettable pour des dispositions d’une importance aussi cruciale. Quoi qu’il en soit, le texte règle de manière distincte son articulation avec les conventions internationales (cinq premiers paragraphes de l’article 26) et avec les « règles d’une Organisation régionale d’intégration économique » – autrement dit, avec le règlement Bruxelles I (art. 26, § 6).

1816. S’agissant tout d’abord de l’articulation de la Convention du 30 juin 2005 avec d’autres conventions internationales, l’idée des rédacteurs de la Convention était d’assurer autant que possible une coexistence harmonieuse de ces instruments. Ils doivent donc en principe être appliqués cumulativement, sauf incompatibilité avérée entre les textes [67]. Pour limiter les hypothèses d’incompatibilité, l’article 26 § 1 préconise, de manière générale, d’interpréter la Convention dans un sens compatible avec les exigences des autres conventions concurremment applicables [68]. En cas de conflit ouvert, diverses « clauses de déconnexion » viennent préciser si la Convention du 30 juin 2005 prévaut ou cède devant la Convention incompatible. Les plus importantes sont celles prévues aux paragraphes 2 et 4 de l’article 26. L’article 26, § 2, d’abord, fait prévaloir la Convention du 30 juin 2005 dans l’instance directe dès lors que l’une des parties [69] au moins réside dans un État contractant à la Convention du 30 juin 2005 mais tiers à la Convention concurrente. On illustrera cette hypothèse à partir de la Convention de Lugano, en supposant que seuls les États-Unis et la Suisse ratifient la Convention du 30 juin 2005. En vertu de l’article 26, § 2, la Convention du 30 juin 2005 prévaut devant le juge suisse sur la Convention de Lugano si l’une des parties à l’accord lui donnant compétence réside aux États-Unis, État contractant à la Convention du 30 juin 2005 et tiers à la Convention de Lugano. À l’inverse, si les parties résident toutes deux dans des États parties à la Convention de Lugano (telle la Suisse ou la Norvège) ou tiers à la Convention du 30 juin 2005 (telle la Chine ou le Brésil), la Convention de Lugano prévaut [70]. En matière de reconnaissance et d’exécution des jugements, ensuite, l’article 26, § 4, énonce que, lorsqu’un État contractant à la Convention du 30 juin 2005 est lié par un autre traité plus favorable à la reconnaissance ou à l’exécution d’une décision étrangère, ce dernier prévaut sur la Convention du 30 juin 2005, dans l’optique de faciliter la circulation des jugements. Ainsi la Convention de Lugano, plus favorable à la reconnaissance des décisions des États contractants que la Convention du 30 juin 2005, en ce qu’elle interdit tout contrôle de la compétence du juge d’origine, prévaudra dans les États simultanément parties à l’une et à l’autre de ces conventions.

1917. L’articulation de la Convention avec le règlement Bruxelles I, ensuite, est réglée par une clause de déconnexion autonome. On aurait pu s’attendre, puisque règle spécifique il y a, à ce que celle-ci réserve mieux le jeu du règlement Bruxelles I que les clauses de déconnexion applicables aux conventions internationales, car on sait que la Communauté a une conception très extensive de l’application du droit communautaire [71] et est assez peu encline à voir l’application de son droit céder devant celle du droit international [72]. Tel est effectivement le cas s’agissant de la reconnaissance et de l’exécution des jugements. Sur ce point, l’article 26, § 6, b se montre particulièrement favorable au règlement Bruxelles I, qu’il fait prévaloir systématiquement sur la Convention lorsqu’est demandée la reconnaissance ou l’exécution d’un jugement d’un État membre dans un autre État membre, sans formuler de réserve tenant au caractère plus favorable à la reconnaissance du règlement Bruxelles I. De manière surprenante, en revanche, la solution retenue à propos de l’instance directe ne consiste pas à préserver autant que possible le domaine d’application traditionnel de l’article 23 du règlement Bruxelles I – qui se veut applicable dès lors qu’une clause attributive de juridiction donne compétence au juge d’un État membre et qu’une partie à la clause au moins est domiciliée dans un État membre – mais à l’inverse à en réduire sensiblement le champ d’application. En effet, l’article 26, § 6, a fait prévaloir la Convention sur le règlement dès lors que l’une des parties au moins réside dans un État contractant non membre de la Communauté européenne. Ce qui signifie concrètement que, si la Communauté ratifie la Convention, l’article 23 du règlement Bruxelles I ne sera plus applicable qu’aux situations dans lesquelles, soit les deux parties à la clause sont domiciliées dans la Communauté, soit l’une des parties est domiciliée dans la Communauté tandis que l’autre est domiciliée dans un État non membre de la Communauté et tiers à la Convention de La Haye. L’article 26, § 6, a est donc potentiellement porteur d’un important changement pour les juridictions des États membres. La solution, favorisant une application large de la Convention, contraste avec les autres dispositions relatives au champ d’application de la Convention du 30 juin 2005. Sa combinaison avec l’article 26, § 6, b soulève toutefois une difficulté dans le domaine des assurances. En la matière, la Convention admet largement les accords d’élection de for et se montre plus libérale que le règlement, qui les encadre strictement dans son article 13, dont la violation peut être sanctionnée par un refus de reconnaissance ou d’exécution (art. 35 du règlement). C’est pourquoi, en dépit de l’absence de réserve en ce sens dans l’article 26 § 6 b, les auteurs du rapport explicatif [73] préconisent de faire prévaloir la Convention sur le règlement s’agissant de l’exequatur des décisions rendues en matière d’assurances lorsque l’une des parties est domiciliée dans un État contractant non membre de la Communauté, pour éviter la situation absurde dans laquelle le juge élu serait obligé de se déclarer compétent en vertu de la Convention, applicable aux termes de l’article 26, § 6, a, pour qu’ensuite sa décision soit privée d’effet par le règlement Bruxelles I, applicable en vertu de l’article 26, § 6, b.

2018. S’agissant, pour terminer, de la portée de cette ultime clause de déconnexion, il semble qu’elle soit la même que celle des autres clauses, le principe restant l’application cumulative de la Convention et du règlement tandis que la déconnexion intervient en cas d’incompatibilité des deux textes [74]. Le règlement s’applique donc dans toute la mesure du possible aux accords d’élection de for soumis à la Convention de La Haye et ne cède que lorsque ses dispositions sont inconciliables avec celles de la Convention. D’après les auteurs du rapport [75], une telle incompatibilité existe essentiellement dans deux hypothèses : celle des assurances – déjà évoquée – et celle de la litis-pendance. En la matière, l’interdiction faite par l’article 5 de la Convention au juge élu de décliner sa compétence dès lors que l’accord d’élection de for est valable se heurte à la solution retenue par l’article 27 du règlement Bruxelles I tel qu’interprété par la Cour de justice des Communautés européennes dans l’affaire Gasser[76]. On le sait, il résulte de cette décision que le juge saisi en second lieu doit surseoir à statuer en faveur du juge premier saisi du litige, tant que ce dernier n’a pas décliné sa compétence, même si une clause attributive de juridiction donne compétence exclusive au juge second saisi. Par conséquent, si la Convention est ratifiée par la Communauté, la jurisprudence Gasser ne sera plus suivie dès lors que l’une des parties à la clause au moins résidera dans un État contractant non membre de la Communauté [77]. Cela étant, il est plausible que d’autres questions révèlent une incompatibilité entre la Convention et le règlement Bruxelles I. La question de la forme de l’accord, notamment, paraît résolue différemment par l’une et par l’autre [78]. Les deux instruments prétendant régler de manière exhaustive la question de la forme [79], l’hésitation est permise sur ce point.

21L’étude des conditions d’application de la Convention du 30 juin 2005 révèle qu’outre leur caractère globalement très restrictif, les dispositions relatives à ces questions présentent une extrême complexité. Cette complexité caractérise également, quoiqu’à un moindre degré, les solutions retenues par la Convention s’agissant du régime des accords d’élection de for et de l’exequatur des jugements rendus sur le fondement de ces accords.

II. — Les solutions retenues par la convention

22Sur le fond, la ligne directrice de la Convention du 30 juin 2005 est très clairement la faveur aux accords d’élection de for. Cette faveur s’exprime tant à travers le régime juridique qu’elle attribue aux accords d’élection de for (A), que par les conditions dans lesquelles elle organise la reconnaissance et l’exécution des décisions rendues par des juridictions désignées dans de tels accords (B).

A. — Le régime des clauses d’élection de for

23Le manque de clarté et la complexité de la Convention, déjà relevés s’agissant de la définition de son champ d’application, se retrouvent s’agissant des conditions de régularité de ces clauses (1). La question des effets qu’il convient de leur attribuer est, en comparaison, traitée plus simplement et plus clairement (2).

1. La régularité des clauses d’élection de for

2419. La relative obscurité de la Convention sur ce point est liée à deux facteurs. Non seulement les conditions de régularité des clauses d’élection de for sont disséminées dans des dispositions éparses de la Convention, mais en outre la question de la régularité de ces clauses n’est jamais traitée en tant que telle, mais en lien tantôt avec le champ d’application de la Convention, tantôt avec les effets qu’il convient d’attribuer à l’élection de for – la nullité de celle-ci étant présentée comme une exception à l’obligation, pour l’ensemble des juges susceptibles d’être confrontés à l’accord, de respecter la compétence qu’il confère au juge élu. Cette obscurité est très regrettable, s’agissant de dispositions clés pour les parties désireuses de connaître précisément les exigences à satisfaire pour conclure un accord d’élection de for efficace.

2520. Cela étant dit, la Convention adopte, pour régler la question de la validité de ces accords, la méthode conflictuelle (lato sensu) [80] en désignant un ordre juridique auquel elle donne compétence pour déterminer si la clause est nulle, plutôt que d’énoncer des règles matérielles. La solution a pu être critiquée par certains [81], mais elle nous semble à la fois logique et réaliste. Car si les accords d’élection de for sont des contrats particuliers appelant un régime en partie dérogatoire au droit commun, notamment en raison de leur double nature procédurale et contractuelle, il n’en demeure pas moins que bien des questions se posent de manière identique s’agissant de ces clauses et des autres types de contrats [82]. Dès lors, on voit mal pourquoi il faudrait édicter systématiquement des règles matérielles spécifiques à ces accords. En outre, il serait à la fois fastidieux et peu satisfaisant en termes de sécurité juridique de prétendre ériger un ensemble complet de règles matérielles propres à ces accords, alors que les droits nationaux des contrats constituent des corps de règles bien développés et raffinés techniquement, dans lesquels les juridictions peuvent puiser des solutions précises, établies depuis fort longtemps, et donc prévisibles. Le procédé de la réglementation indirecte a d’indéniables avantages par rapport à celui consistant à édicter un droit matériel autonome dont le sens devra peu à peu être précisé à chaque fois qu’une question d’interprétation nouvelle se posera. L’adhésion de principe à la méthode conflictuelle n’empêche au demeurant nullement d’édicter un certain nombre de règles matérielles sur les questions le justifiant, ainsi qu’en témoigne la présente Convention [83]. Celle-ci énonce en effet tout de même deux règles matérielles décisives pour la régularité des accords d’élection de for. La première est celle de l’exigence formelle d’un écrit (art. 3 c), sur laquelle nous ne reviendrons pas puisqu’elle a déjà été discutée [84]. La seconde est celle de l’autonomie de ces accords (art. 3 d) qui, sans être admise dans ses conséquences les plus extrêmes, paraît retenue dans son principe essentiel : la validité de l’accord ne peut être contestée au seul motif que le contrat à l’occasion duquel il est conclu est nul. La précision est utile pour les droits dans lesquels cette solution de bon sens n’est pas clairement admise [85]. L’autonomie juridique en revanche n’est pas reconnue [86] puisque, précisément, la méthode conflictuelle adoptée par la Convention conduit à rattacher la clause à un ordre juridique étatique déterminé. Certains ont pu le regretter [87]. Une telle solution nous semble pourtant assez inévitable. Car si l’on peut à la rigueur concevoir l’idée d’une « délocalisation » du rapport de droit lorsque les parties à une transaction ont opté pour l’arbitrage, on voit moins bien comment une relation pourrait être considérée comme délocalisée et autonome de tout ordre juridique étatique lorsque les parties à cette relation ont choisi de donner compétence à un juge étatique – localisant ainsi, en quelque sorte, leur relation dans l’État du juge élu [88].

2621. La règle de conflit retenue par la Convention consiste dès lors, très logiquement, à rattacher l’accord au droit de l’État dont le tribunal est désigné par les parties. La solution résulte de l’article 5, § 1 (le juge désigné se déclare compétent sauf si l’accord est nul en vertu du droit de son État), de l’article 6 a (un juge saisi en violation de l’accord décline sa compétence sauf si l’accord est nul en vertu du droit de l’État du tribunal élu) et de l’article 9 a de la Convention (le juge de l’État requis doit reconnaître et exécuter la décision rendue par le juge élu à moins que la clause ne soit nulle en vertu du droit de l’État du tribunal élu). Précision importante toutefois : la référence au droit de l’État du tribunal élu inclut ses règles de conflit de lois [89]. Autrement dit, il s’agit de prendre en compte le point de vue concret de l’État du tribunal élu sur la validité de la clause [90], c’est-à-dire de considérer la clause régulière si la loi applicable à la clause en vertu du système de conflit de lois du juge élu valide celle-ci. La question de la validité formelle de l’accord étant évacuée au stade de la détermination du champ d’application de la Convention et soumise à une règle matérielle (art. 3 c), la règle concerne uniquement la validité au fond de l’accord. Concrètement, pour le juge élu, la Convention ne devrait donc rien changer par rapport à la méthode antérieurement suivie pour apprécier la validité au fond de la clause.

2722. La solution est intéressante, dans la mesure où elle permet de répondre de manière convaincante aux conflits de systèmes dont toute clause d’élection de for porte le ferment [91]. Le risque, ainsi qu’on a déjà pu le relever, est en effet que le juge élu déclare la clause valable en vertu du droit qu’il estime applicable à celle-ci tandis qu’un autre juge, saisi en violation de la clause, prononce la nullité de celle-ci en vertu d’un autre droit que ses propres règles de conflit lui commandent d’appliquer à la clause. La variété des solutions envisageables pour la détermination de la loi applicable aux clauses d’élection de for [loi du for, loi du juge élu, lex contractus, loi ayant les liens les plus étroits avec l’accord, ou encore, cumulativement, loi du juge élu et loi du juge exclu [92]] rend cette hypothèse parfaitement crédible. Sur le plan des principes, la solution retenue par la Convention mérite donc d’être approuvée car elle fournit la seule réponse réellement logique à cette difficulté, en se référant au point de vue de l’ordre juridique choisi (et donc consulté) par les parties. En pratique, toutefois, cette solution risque de s’avérer complexe à mettre en œuvre, car elle oblige les juges saisis en violation de l’accord à rechercher le contenu des règles de droit international privé applicables aux accords d’élection de for dans l’ordre juridique étranger du juge élu. Or force est de constater que ces solutions ne sont pas toujours d’une grande clarté [93]. Ainsi existe-t-il une certaine incertitude en droit commun français quant au droit applicable aux accords d’élection de for [94]. Un juge étranger saisi au mépris d’un accord donnant compétence au juge français sera ainsi bien en peine de déterminer le point de vue de l’ordre juridique français sur la validité de l’accord. La solution ne garantit ainsi pas pleinement que la validité de l’élection de for sera appréciée en vertu du même droit devant le juge élu et devant le juge saisi en violation de l’accord. Elle ne permettra pas non plus toujours aux parties de connaître à l’avance, et avec un degré élevé de certitude, le droit en vertu duquel la validité de leur accord sera jugée. On peut donc déplorer que les auteurs de la Convention n’aient pas saisi l’occasion que celle-ci offrait de lever les doutes entourant cette question, en posant une règle de conflit de lois uniforme en la matière [95]. Sans doute l’élaboration de cette règle de conflit de lois aurait-elle nécessité de longues discussions, mais elle eût été préférable à la solution consistant à abandonner purement et simplement cette question au droit commun des États contractants. En définitive, on regrettera donc que la Convention retienne une solution qui apparaît plus utile en droit commun qu’en droit conventionnel.

2823. Le choix de la Convention de se référer au seul point de vue de l’ordre juridique du juge élu manque en outre de réalisme s’agissant d’apprécier la licéité de l’élection de for. En la matière, c’est-à-dire lorsqu’il s’agit d’assurer le respect des compétences impératives de fors autres que celui du juge élu, il paraît assez naturel de se référer au point de vue de ces fors [96]. Le juge saisi au mépris d’un accord, en particulier, doit pouvoir refuser de donner effet à l’accord, quand bien même le juge élu le tiendrait pour valable, s’il porte atteinte à l’une de ses compétences impératives (évidemment définies par sa propre lex fori) [97]. La difficulté soulevée par cette hypothèse est cependant pratiquement écartée par les très nombreuses exclusions prévues par l’article 2 de la Convention, qui rendent celle-ci inapplicable dans toutes les matières susceptibles d’être le siège de compétences impératives [98]. Au final, la solution revient d’ailleurs à abandonner la question de la licéité des accords d’élection de for au droit commun des États contractants. Il n’en demeure pas moins qu’il eût été plus didactique de consacrer la distinction entre licéité et validité (ou admissibilité et formation) des accords d’élection de for [99] et d’attribuer explicitement à chacune sa loi naturelle (lex fori pour la licéité ; lex causae pour la validité).

2924. De manière surprenante, la Convention retient une solution particulière s’agissant de la capacité. Devant le juge élu, elle est examinée de la même manière que les autres conditions de validité, en vertu de la loi applicable à celle-ci d’après les règles de conflit du juge élu. Mais un juge saisi en violation de la clause peut refuser de décliner sa compétence si, d’après la loi applicable en vertu de son propre système de conflit de lois, l’une des parties n’avait pas la capacité de conclure l’accord (art. 6 b). Il en va de même devant le juge de l’État requis, qui peut refuser de donner effet à la décision rendue par le juge élu si, d’après la loi applicable en vertu de son propre système de conflit de lois, l’une des parties n’avait pas la capacité de conclure l’accord (art. 9 b). La capacité de chacune des parties est donc susceptible d’être soumise cumulativement à trois lois différentes – ou plus vraisemblablement en pratique à deux lois différentes, loi nationale et loi du domicile. Ce regain de sévérité pour l’appréciation de cette condition, officiellement justifié par l’impossibilité d’édicter une règle de conflit de lois commune à tous les États sur ce point [100], ne convainc pas [101]. La difficulté d’édicter une règle de conflit de lois commune ne paraît d’abord pas limitée à la capacité. La preuve en est que, précisément, la Convention n’en édicte aucune [102]. Ensuite, la capacité ne constitue pas intrinsèquement une condition plus importante que les autres et l’on peut se demander si la réserve d’ordre public (art. 6 c et 9 e) ne suffisait pas à protéger les intérêts des États autres que celui du juge élu. Rien ne paraît donc justifier le sort particulier ainsi réservé à la capacité.

3025. Rien n’est dit, en revanche, s’agissant de la transmission des accords d’élection de for dans le cadre de chaînes de contrats ou en cas de circulation de l’obligation par cession de créance ou de contrat ou encore par subrogation [103]. Dès lors, de deux choses l’une : soit les États contractants se réfèrent à leurs règles de droit commun sur ce point ; soit ils considèrent que le renvoi qu’opère la Convention au point de vue du tribunal élu vaut également pour cette question. Rien ne l’interdit et une telle solution semblerait même assez conforme à la logique de la Convention [104]. Quoi qu’il en soit, on le voit, si la solution retenue par la Convention apparaît à première vue satisfaisante, sa mise en œuvre soulève de nombreuses incertitudes.

2. Les effets des accords d’élection de for

31Il faut distinguer ici les effets de l’accord pour le juge élu (art. 5) et les effets de l’accord pour les autres juges, éventuellement saisis au mépris de l’accord (art. 6).

3226. Le juge élu est compétent si la clause est valable (art. 5, § 1) et il ne peut refuser de donner effet à celle-ci au motif qu’un autre tribunal devrait connaître du litige (art. 5, § 2). Sont ainsi exclus tant la doctrine du forum non conveniens des droits de common law que l’exception de litispendance des droits de tradition romano-germanique [105]. La précision apportée par l’article 5, § 2, est particulièrement utile puisque, dans le cadre de l’espace judiciaire européen, la jurisprudence Gasser conduit à l’inverse à faire prévaloir la chronologie des procédures sur l’existence d’une clause attributive de juridiction, tandis que dans les pays de common law, la doctrine du forum non conveniens demeure applicable en présence d’une clause attributive de juridiction, quoique dans une version plus restrictive qu’en droit commun [106]. C’est donc ici que réside l’un des apports majeurs de la Convention par rapport au droit commun de l’élection de for [107]. A priori, l’article 5 implique qu’un accord d’élection de for ne peut être tenu en échec en raison de l’absence de lien étroit entre le litige et le juge élu. Cependant, les États contractants peuvent émettre une réserve en ce sens, l’article 19 les autorisant à faire une déclaration permettant à leur juge de décliner sa compétence, en dépit de sa désignation dans un accord exclusif d’élection de for, s’il n’entretient aucun lien objectif avec le litige. Cette disposition paraît regrettable. Elle tempère d’abord fortement l’exclusion de la doctrine du forum non conveniens affirmée par l’article 5, § 2 [108], alors que l’application de cette doctrine aux clauses attributives de juridiction exclusives est critiquable [109]. En outre, les parties peuvent avoir des motifs parfaitement légitimes de donner compétence à un tribunal sans lien avec le litige. Elles peuvent notamment rechercher la compétence d’un juge neutre par rapport à chacune d’elles ou encore d’une juridiction particulièrement compétente dans la matière les intéressant [110]. Le second tempérament à l’interdiction faite au juge élu de décliner sa compétence résulte de l’article 5, § 3, qui réserve les règles de compétence interne de l’État dont le tribunal est élu. Ainsi la Convention n’oblige pas les États à donner pleinement effet aux accords portant atteinte à leurs règles de compétence d’attribution ou à leurs règles de compétence territoriale interne [111]. S’agissant de ces dernières, deux précisions doivent cependant être apportées. En premier lieu, dans les pays où le tribunal élu dispose d’un pouvoir discrétionnaire de renvoyer l’affaire à un autre tribunal de son État, il doit tout de même tenir compte du choix opéré par les parties dans la clause (art. 5, § 3 b) et ne doit déroger au choix des parties que s’il existe des motifs pressants de le faire. En second lieu, et ainsi que nous le verrons [112], un tel renvoi hypothèque sérieusement la force contraignante de l’accord vis-à-vis des juridictions éventuellement saisies en violation de la clause ou requises de donner effet au jugement rendu par le juge de renvoi, de sorte qu’il apparaît déconseillé d’effectuer un renvoi de cette nature lorsque les parties avaient désigné dans leur accord un tribunal particulier de l’État contractant.

3327. S’agissant ensuite des autres tribunaux, éventuellement saisis au mépris de l’accord d’élection de for, l’article 6 les oblige à décliner leur compétence sans ménager la moindre réserve tenant à l’existence d’un for plus approprié ou d’une procédure parallèle à l’étranger. Le juge saisi en violation de l’accord ne peut refuser de décliner sa compétence que dans quelques hypothèses limitativement énumérées : nullité de la clause en vertu du droit du juge élu ; incapacité de l’une des parties en vertu du droit du tribunal saisi au mépris de la clause [113] ; injustice manifeste ou contrariété manifeste à l’ordre public ; déclinatoire de compétence du juge élu ; enfin lorsque, « pour des motifs exceptionnels hors du contrôle des parties, l’accord ne peut raisonnablement être mis en œuvre ». Les deux dernières exceptions appellent des précisions. La réserve des hypothèses dans lesquelles le juge élu a décliné sa compétence, tout d’abord, inclut les situations dans lesquelles le juge désigné dans la clause aurait transféré l’affaire à un autre juge du même État contractant, en vertu de l’article 5, § 3, b, contre la volonté des parties de conférer compétence à un tribunal particulier de l’État contractant élu [114]. C’est la raison pour laquelle une telle prérogative ne doit être utilisée par le juge élu qu’avec la plus grande retenue, car elle hypothèque fortement le respect de l’accord par les juridictions des autres États contractants. La réserve tenant aux situations dans lesquelles l’accord ne peut raisonnablement être mis en œuvre pour des motifs exceptionnels échappant au contrôle des parties, ensuite, se rapproche d’une exception de force majeure. Elle jouera, par exemple, en cas d’impossibilité d’agir devant le juge élu en raison d’une guerre civile affectant le fonctionnement des tribunaux dans l’État du juge élu [115]. En d’autres termes, il s’agit de réserver les hypothèses dans lesquelles, suite à un changement de circonstances imprévisible pour les parties, la mise en œuvre de l’accord les exposerait à un risque de déni de justice. Nul doute, donc, qu’aucune des exceptions prévues par l’article 6 n’autorise le juge saisi en violation d’un accord valable à refuser de décliner sa compétence au motif qu’il est mieux placé pour trancher le litige. L’article 6 aurait également l’avantage, si la Convention était ratifiée par l’Union européenne, de lever les incertitudes existant au sein de l’espace judiciaire européen depuis l’arrêt Owusu de la Cour de justice [116] quant à l’effet des clauses d’élection de for désignant les juridictions d’États tiers à l’Union européenne [117].

3428. On peut noter qu’aucune limite à la force obligatoire des accords d’élection de for n’est ménagée en cas de litige complexe, impliquant de multiples parties, afin de permettre, par le jeu de règles de compétence dérivée, une concentration du litige devant le même juge [118]. Il faut en déduire que toute atteinte de cette nature à l’autorité des accords d’élection de for est exclue [119]. La Convention ne permet donc pas, par exemple, d’écarter un accord si l’une des parties, défenderesse à un procès intenté par un tiers, souhaite appeler en garantie l’autre partie à la clause. La seule limite supplémentaire à la force obligatoire des accords d’élection de for réside dans l’exigence, de bon sens, que le litige soit couvert par l’accord [120]. L’exigence n’est pas stricte, toutefois, puisque rien n’exclut, si la clause est libellée dans des termes suffisamment larges, qu’elle couvre des demandes de nature délictuelle découlant du rapport contractuel à l’occasion duquel l’accord a été conclu [121].

3529. Globalement, les solutions retenues par la Convention apparaissent donc protectrices de la force obligatoire des accords d’élection de for et représentent un véritable progrès par rapport aux solutions généralement retenues en droit commun. Elles assurent toutefois la force obligatoire des accords d’élection de for sur le seul terrain de la compétence du juge élu et des juges exclus. Il eût été possible d’aller plus loin encore, en envisageant les sanctions complémentaires que constituent les injonctions anti-suit [assurant l’exécution forcée en nature des accords d’élection de for [122]] et les dommages-intérêts [assurant leur exécution par équivalent [123]]. Sans doute le caractère extrêmement controversé des premières [124] et encore largement inexploré des seconds [125] explique-t-il le silence de la Convention sur ce point [126]. On pourra, en revanche, regretter que la Convention demeure trop timorée sur la question du pouvoir du juge saisi en violation d’un accord de contrôler la validité de celui-ci [127]. En la matière, de sérieux arguments militent en effet en faveur d’une certaine extension de l’effet négatif du principe de compétence-compétence du droit de l’arbitrage aux accords d’élection de for, afin de limiter le pouvoir du juge saisi en violation d’un accord de contrôler la validité de celui-ci en donnant priorité au juge élu pour trancher cette question [128]. Sans doute l’adoption d’un tel mécanisme pourrait-elle retarder inutilement le dénouement du litige dans les cas où le juge élu n’est pas encore saisi de l’affaire lorsque la validité de l’accord est contestée devant un juge saisi en violation de celui-ci. Dans les situations de conflits de procédures entre juge élu et juge saisi en violation de l’accord, en revanche, l’idée de conférer priorité au juge élu pour contrôler la validité de l’accord paraît très recommandable. Ainsi la Convention aurait-elle pu préciser que le tribunal saisi en violation de la clause doit en principe surseoir à statuer lorsqu’une instance parallèle est pendante devant le juge élu (peu important que celui-ci ait été saisi en premier ou en second lieu) sans contrôler la régularité de l’accord, sauf nullité ou inapplicabilité manifeste de celui-ci. La Convention se serait alors démarquée plus nettement, et de manière fort heureuse, de la solution retenue dans l’espace judiciaire européen par l’arrêt Gasser de la Cour de justice [129].

3630. Une ultime précision est apportée, concernant l’étendue de la compétence du juge élu, par l’article 7 de la Convention. La disposition indique que cette compétence n’affecte pas les mesures provisoires et conservatoires, qui peuvent parfaitement être accordées par les juges d’autres États que celui auquel l’accord a donné compétence, dès lors que leur droit national les autorise à prononcer de telles mesures. La question demeure ainsi régie par le droit commun des États contractants.

B. — La reconnaissance des décisions rendues par une juridiction désignée dans un accord exclusif d’élection de for

3731. Les règles prévues aux articles 8 et suivants de la Convention afin d’assurer la reconnaissance et l’exécution des décisions rendues par un juge désigné dans un accord d’élection de for constituent le grand apport de la Convention par rapport à celle de 1965, dont l’article 8 se contentait de renvoyer sur ce point au droit commun des États contractants. La Convention du 30 juin 2005 peut ainsi se revendiquer comme « le véritable pendant de la convention de New York de 1958 en matière d’arbitrage » [130]. Elle édicte logiquement des règles favorables à l‘exequatur des décisions rendues sur le fondement d’un accord d’élection de for, en posant dans son article 8, § 1, que la reconnaissance et l’exécution de telles décisions ne peuvent être refusées que pour certains motifs précis qu’elle énonce limitativement. La Convention fait ainsi de la reconnaissance le principe et de la non-reconnaissance l’exception.

3832. Avant d’énumérer les motifs de refus de reconnaissance à proprement parler, la Convention édicte un certain nombre de limites assez classiques au pouvoir du juge de l’État requis : interdiction de la révision au fond de la décision étrangère et obligation de respecter les constatations de fait sur lesquelles le juge étranger a fondé sa compétence, sauf défaillance du défendeur (art. 8, § 2) ; subordination de la reconnaissance à la condition que la décision produise ses effets et de l’exécution au caractère exécutoire de la décision dans l’État d’origine (art. 8, § 3) ; possibilité de suspendre ou de refuser la reconnaissance ou l’exécution si un recours a été intenté contre la décision dans son État d’origine ou tant que le délai pour exercer les voies de recours ordinaires n’est pas expiré (art. 8, § 4). L’article 8, § 5, précise enfin que le régime de reconnaissance et d’exécution qu’institue la Convention s’applique même si la décision a été rendue par un tribunal auquel l’affaire a été renvoyée par le tribunal élu dans le cadre de l’article 5, § 3, de la Convention, c’est-à-dire en raison de l’incompétence d’attribution ou de l’incompétence territoriale interne du tribunal élu, à supposer que l’accord ait désigné un tribunal précis de l’État contractant. Est cependant réservée l’hypothèse dans laquelle le juge élu a renvoyé l’affaire à un autre tribunal de son État en vertu du pouvoir discrétionnaire dont il disposait sur ce point. Dans ce cas de figure, le juge de l’État requis peut refuser la reconnaissance ou l’exécution du jugement « à l’égard d’une partie qui s’était opposée en temps utile au renvoi dans l’État d’origine » [131].

3933. L’article 9 énonce ensuite les motifs de refus de reconnaissance ou d’exécution. La décision peut d’abord être privée d’effet si l’accord d’élection de for est nul en vertu du droit de l’État du tribunal élu, à moins que celui-ci n’ait constaté que l’accord est valable. Concrètement, le pouvoir du juge de l’État requis de contrôler la validité de l’accord est donc très restreint, car dès lors que le juge élu aura procédé au contrôle de la validité de la clause lors de l’instance directe, ce qui sera logiquement presque toujours le cas, sa décision ne pourra plus être contestée sur ce point au stade de l’exequatur ( [132]. La solution n’est pas illogique : d’une part, le juge élu est certainement le mieux placé pour apprécier la validité de la clause, soumise au droit désigné par ses propres règles de conflit de lois ; d’autre part, un contrôle au regard de l’ordre public de l’État requis (art. 9 e) peut sembler suffisant pour sanctionner les nullités les plus grossières. La reconnaissance peut ensuite être refusée si l’une des parties n’avait pas la capacité de conclure l’accord en vertu du droit de l’État requis (art. 9 b). La disposition, symétrique à l’article 6 b, réserve là encore une éventuelle divergence entre la règle de conflit de l’État du tribunal élu et celle de l’État du tribunal requis en matière de capacité. L’article 9 c réserve, quant à lui, les hypothèses dans lesquelles le défendeur n’aurait pas été averti en temps utile et dans des formes appropriées de l’existence de la procédure [133]. L’article 9 d autorise le juge de l’État requis à priver d’effet une décision résultant d’une fraude relative à la procédure (subornation de témoin, de juge ou de juré, dissimulation délibérée d’éléments de preuve essentiels… par l’une des parties). Bien évidemment, la reconnaissance et l’exécution peuvent également être refusées lorsque la décision étrangère est manifestement incompatible avec l’ordre public de l’État requis (art. 9 e), étant précisé que l’ordre public ainsi visé n’est pas seulement l’ordre public de fond, mais aussi l’ordre public de procédure (les « principes fondamentaux d’équité procédurale » de l’État requis) [134]. Les exceptions énoncées aux points c, d et e de l’article 9 se recoupent ainsi assez largement [135]. Les points f et g de cet article traitent enfin des conflits de décisions. La reconnaissance et l’exécution peuvent être refusées à une décision incompatible avec un jugement rendu dans l’État requis dans un litige entre les mêmes parties, peu important alors les dates respectives du jugement de l’État d’origine et du jugement de l’État requis. Une décision peut aussi être privée d’effet lorsqu’elle est incompatible avec un jugement rendu dans un autre État entre les mêmes parties dans un litige ayant le même objet et la même cause, à condition cette fois que le jugement en question soit antérieur à la décision du juge élu et qu’il réunisse les conditions nécessaires à sa reconnaissance dans l’État requis. Les solutions retenues par la Convention en matière de conflits de décisions sont ainsi très voisines de celles du règlement Bruxelles I, alors que dans le contexte spécifique de la reconnaissance de jugements rendus par des juridictions dont la compétence se fonde sur la volonté des parties, on aurait pu songer à écarter le critère de la chronologie des décisions pour faire prévaloir beaucoup plus largement la décision rendue par le juge désigné dans l’accord [136].

4034. Les réserves ainsi posées à la reconnaissance et à l’exécution des décisions rendues en vertu d’accords d’élection de for sont, somme toute, assez classiques. Les articles 10 et 11 apportent quelques précisions plus originales. S’agissant d’abord de la question déjà évoquée auparavant des questions préalables portant sur des matières exclues du champ d’application de la Convention, il a été dit que l’existence d’une telle question ne rend pas la Convention inapplicable et n’oblige donc pas le juge saisi en vertu d’un accord exclusif d’élection de for à décliner sa compétence. Toutefois, l’article 10, § 1, précise que, si le juge d’origine a eu à connaître d’une telle question, sa décision sur cette question n’est pas reconnue ou exécutée en vertu de la Convention. Autrement dit, le juge de l’État requis apprécie s’il entend ou non donner effet à cette partie de la décision en vertu de son droit commun [137]. L’article 10 précise ensuite, dans ses paragraphes 2 et 4, qu’un jugement peut se voir priver d’effet si, et dans la mesure où, il est fondé sur une décision relative à une matière exclue du champ d’application de la Convention en vertu de son article 2, § 2, ou en vertu d’une déclaration faite par l’État requis au titre de l’article 21. La réserve est importante. L’article 10, § 3, la limite néanmoins en matière de propriété intellectuelle, en précisant que lorsque la décision servant de « support » au jugement dont l’exequatur est demandé porte sur la validité d’un droit de propriété intellectuelle autre qu’un droit d’auteur ou qu’un droit voisin, la reconnaissance ou l’exécution du jugement ne pourra être refusée ou différée que si la décision support est incompatible avec une décision d’une autorité compétente de l’État du droit duquel découle le droit de propriété intellectuelle en cause ou si une procédure sur la validité de ce droit de propriété intellectuelle est pendante dans cet État. La précision paraît heureuse, dans la mesure où le contentieux de la propriété intellectuelle est abondant et où la question de la validité des droits eux-mêmes y est très souvent soulevée comme moyen de défense [138].

4135. L’article 11 autorise quant à lui le juge de l’État requis à refuser partiellement de reconnaître ou d’exécuter une décision accordant des dommages-intérêts d’un montant supérieur au préjudice réellement subi par la victime, tels des dommages-intérêts punitifs. La décision étrangère peut alors n’être reconnue que pour la partie correspondant à l’indemnisation du préjudice réellement subi par la victime, compte dûment tenu, indique l’article 11, § 2, des dommages-intérêts compensant les frais de procédure exposés par la victime [139]. Cette disposition est héritée des débats très vifs qu’avait soulevés la question des dommages-intérêts punitifs lors des négociations du projet initial de convention globale sur la compétence et l’effet des jugements en matière civile et commerciale [140]. Il est cependant regrettable qu’elle vise sans nuance toutes les formes de dommages-intérêts non strictement compensatoires, sans distinction selon leur montant. Seuls les « treble damages » du droit américain auraient en effet pu être visés car, en vérité, seule cette forme de dommages-intérêts punitifs d’un montant exorbitant pose réellement problème [141]. À l’inverse, des dommages-intérêts punitifs d’un montant raisonnable ne sont pas nécessairement choquants dans une perspective internationaliste de tolérance de l’hétérogénéité des solutions retenues d’un ordre juridique à l’autre. Au demeurant, le rapport explicatif (n° 205) indique que la disposition n’a vocation à s’appliquer qu’en cas de disproportion manifeste entre le préjudice réellement subi et le montant des dommages-intérêts alloués à la victime. Dans ces conditions, il eût été préférable de formuler l’article 11 de manière restrictive, plutôt que d’adopter une disposition qui autorise formellement à refuser la reconnaissance de tous les dommages-intérêts excédant même de manière marginale le montant réel du préjudice subi, permettant ainsi une forme de révision au fond du jugement étranger [142]. L’article 17, § 2, b précise néanmoins, pour limiter ce motif de refus d’exequatur, qu’un jugement relatif à la responsabilité encourue en vertu d’un contrat d’assurance ou de réassurance ne peut être privé d’effet, ne serait-ce que partiellement, au motif qu’il couvre la responsabilité encourue par un assuré aux termes d’une décision portant condamnation à payer des dommages-intérêts punitifs [143]. Dans le même ordre d’idées, l’article 15 de la Convention autorise l’exequatur partiel, lorsque seule une partie de la décision fait l’objet d’une demande de reconnaissance ou d’exécution ou lorsque seule une partie de la décision est susceptible de reconnaissance ou d’exécution en vertu de la Convention. Il faut alors simplement que la partie du jugement recevant exécution soit divisible du reste de la décision et susceptible d’exécution autonome [144].

4236. L’article 20 permet d’ajouter un motif de refus de reconnaissance et d’exécution, lorsque les parties avaient leur résidence dans l’État requis et que les relations entre les parties et tous les autres éléments pertinents du litige, hors le lieu du tribunal élu, étaient liés uniquement à l’État requis. En d’autres termes, il s’agit de réserver l’hypothèse dans laquelle la situation n’était pas internationale au sens de la Convention et où le juge de l’État d’origine a tout de même accepté la compétence que lui auraient conférée les parties – réserve rendue nécessaire par l’existence de définitions différentes de l’internationalité au stade de l’instance directe et au stade de l’exequatur[145]. À l’inverse, le bénéfice du régime de reconnaissance et d’exécution prévu par la Convention est étendu à deux égards. D’abord l’article 12 précise que les transactions judiciaires homologuées par le juge d’un État contractant désigné dans un accord exclusif d’élection de for et exécutoires dans l’État d’origine sont reconnues et exécutées en vertu de la Convention dans les mêmes conditions qu’un jugement. Ensuite, l’article 22 de la Convention, déjà évoqué, permet aux États contractants de déclarer qu’ils donneront effet aux jugements rendus par des juridictions d’États contractants désignées dans des accords non exclusifs d’élection de for [146]. Si l’État d’origine comme l’État requis ont fait la déclaration prévue à l’article 22, l’État contractant requis est alors tenu de donner effet à la décision rendue par le juge de l’État contractant d’origine désigné dans l’accord non exclusif d’élection de for dans les mêmes conditions que celles posées pour la reconnaissance et l’exécution des décisions rendues par un juge désigné dans un accord exclusif d’élection de for. L’article 22, § 2, ajoute cependant quelques motifs de refus de reconnaissance spécifiques, tirés de l’existence d’une décision émanant d’un autre juge susceptible d’être saisi aux termes de l’accord ou d’une instance pendante devant un tel juge opposant les mêmes parties sur un litige ayant le même objet et la même cause, et exige encore que le juge de l’État d’origine ait été premier saisi de l’affaire [147]. La Convention se montre ainsi nettement moins favorable à la reconnaissance et à l’exécution des décisions rendues en vertu d’accords d’élection de for non exclusifs qu’à la circulation des décisions rendues en vertu d’accords exclusifs.

4337. Les articles 13 et 14 traitent quant à eux des aspects procéduraux de l’exequatur. L’article 13, § 1, énonce les pièces à fournir en vue de l’obtenir : copie du jugement ; copie de l’accord d’élection de for ; pour les jugements rendus par défaut, copie du document attestant la notification à la partie défaillante de l’acte introductif d’instance ; le ou les documents attestant que la décision étrangère produit ses effets dans son État d’origine et y est exécutoire ; pour les transactions judiciaires, un certificat d’un tribunal de l’État d’origine attestant que la transaction judiciaire est exécutoire aux mêmes conditions qu’un jugement de l’État d’origine. L’article 13, § 2, autorise le juge de l’État requis à demander tout autre document nécessaire pour qu’il apprécie si les conditions de la reconnaissance ou de l’exécution sont remplies, tandis que l’article 13, § 3, permet l’emploi d’un formulaire-type élaboré par la Conférence de La Haye, dont l’utilisation est facultative mais peut être recommandée pour faciliter la circulation de la décision. L’article 13, § 4, précise enfin que les documents doivent être accompagnés d’une traduction dans une langue officielle de l’État requis s’ils ne sont pas rédigés dans l’une de ses langues officielles – à moins que le droit commun de l’État requis ne soit plus libéral sur ce point. On notera que l’article 18 de la Convention dispense de toute légalisation les documents transmis en vertu de la Convention, ce qui vise notamment les documents à remettre en vue de l’exequatur d’un jugement étranger. S’agissant enfin de la procédure elle-même, l’article 14 renvoie tout simplement au droit de l’État requis, en précisant seulement que celui-ci doit agir avec célérité.

4438. On relèvera pour terminer quelques clauses habituelles dans les Conventions de La Haye. L’article 23 invite les États contractants à interpréter la Convention en tenant compte de son caractère international, dans le but d’assurer son unité d’interprétation, tandis que l’article 24 confie au secrétaire de la Conférence de La Haye la mission de surveiller la mise en œuvre et le fonctionnement de la Convention pour proposer, le cas échéant, que certains amendements soient apportés au texte. Il y a fort à parier que l’expérience confirmera la nécessité de certaines évolutions – à supposer que la Convention entre un jour en vigueur. Pourtant, la Convention de La Haye du 30 juin 2005 ne nous paraît en définitive pas mériter un jugement trop sévère. Ce nouvel instrument, dont l’adoption a d’ailleurs été accueillie avec un certain enthousiasme [148], présente en effet de réels atouts en dépit de ses imperfections. Si les innombrables restrictions affectant son champ d’application nuisent à la clarté du texte, qu’elles contribuent à alourdir, elles ne privent pas pour autant l’instrument de toute utilité puisqu’il demeure potentiellement applicable à l’essentiel des accords d’élection de for conclus à l’occasion de contrats commerciaux internationaux. En outre, la fermeté avec laquelle la Convention sanctionne ces accords est porteuse d’un réel progrès par rapport au droit positif actuel de bien des États. L’examen approfondi des dispositions conventionnelles conduit ainsi à nuancer la première impression donnée par le texte et à souhaiter que l’on permette à ce nouvel instrument de faire ses preuves. La balle est donc aujourd’hui dans le camp des États. C’est à eux qu’il appartient, à travers leur éventuelle ratification, de démontrer que les treize longues années de négociations qui ont été nécessaires à l’élaboration de la Convention du 30 juin 2005 n’auront pas été menées en vain.

Notes

  • (1)
    En ce sens, v. not. C. Thiele, « The Hague Convention on Choice-of-Court Agreements : Was It Worth the Effort ? », in E. Gottschalk et al. (éd.), Conflict of Laws in a Globalized World, Cambridge University Press, 2007, p. 63.
  • (2)
    Le texte de la Convention a été publié dans cette Revue, 2005. 844. Sur ce texte, v. not., parmi une abondante littérature, M. Dogauchi, T. C. Hartley, Convention du 30 juin 2005 sur les accords d’élection de for, Rapport explicatif, 20e session de la Conférence de La Haye de droit international privé (disponible sur internet : www.hcch.net), ci-dessous « Rapport explicatif » ; R. A. Brand, P. M. Herrup, The 2005 Hague Convention on Choice of Court Agreements, Commentary and Documents, Cambridge University Press, 2008 ; C. Kessedjian, « La Convention de La Haye du 30 juin 2005 sur l’élection de for », JDI 2006. 813 ; B. Audit, « Observations sur la Convention de La Haye du 30 juin 2005 relative aux accords d’élection de for », Vers de nouveaux équilibres entre ordres juridiques : Liber Amicorum Hélène Gaudemet-Tallon, Dalloz, 2008, p. 171 ; M. Attal, « Union européenne et convention de La Haye de 2005 sur les accords d’élection de for : vers un droit communautaire de source non communautaire », D. 2009. 2379.
  • (3)
    Sur ce point, v. not. P. Nygh, « Arthur’s Baby : The Hague Negotiations for a World-Wide Judgments Convention », Law and Justice in a Multistate World, Essays in Honor of Arthur T. von Mehren, Transnational Publishers, 2002, p. 151 ; L. E. Teitz, « The Hague Choice of Court Convention : Validating Party Autonomy and Providing an Alternative to Arbitration », Am. J. Comp. L., 2005, vol. 53, p. 543.
  • (4)
    Sur ce point, v. not. M. H. Adler, M. Crimaldi Zarychta, « The Hague Convention on Choice of Court Agreements : The United States Joins the Judgment Enforcement Band », Northwestern Journal of International Law & Business, 2007, vol. 27, n° 1, p. 1.
  • (5)
    V. P. Nygh, F. Pocar, Rapport sur l’avant-projet de Convention sur la compétence et les jugements étrangers en matière civile et commerciale, Doc. prél. n° 11 d’août 2000 à l’intention de la 19e session diplomatique de juin 2001 (disponible sur internet : www.hcch.net). Sur ce texte, v. not. A. Bucher, « Vers une convention mondiale sur la compétence et les jugements étrangers », La Semaine Judiciaire, 2000, n° 2, p. 77 ; J. J. Barceló, K. M. Clermont (dir.), A Global Law of Jurisdiction and Judgments : Lessons from the Hague, Kluwer, 2002.
  • (6)
    Pour une présentation et une analyse des divergences à l’origine de l’échec du projet initial, v. not. A. T. Von Mehren, « La rédaction d’une convention universellement acceptable sur la compétence judiciaire internationale et les effets des jugements étrangers : Le projet de la Conférence de La Haye peut-il aboutir ? », cette Revue, 2001. 85 ; M. H. Adler, M. Crimaldi Zarychta, op. cit., p. 6 s.
  • (7)
    V. not. A. Schulz, « The Hague Convention of 30 June 2005 on Choice of Court Agreements », YBPIL 2005. 1, spéc. p. 5-6. Sur les raisons pour lesquelles un consensus était plus facile à obtenir en matière d’élection de for, v. W. J. Woodward Jr, « Saving the Hague Choice of Court Convention », University of Pennsylvania Journal of International Law, 2008, vol. 29, n° 3, p. 657, spéc. p. 661-662.
  • (8)
    V. par ex. J. Talpis, N. Krnjevic, « The Hague Convention on Choice of Court Agreements of June 30, 2005 : The elephant that gave birth to a mouse », Southwestern Journal of Law and Trade in the Americas, 2006, vol. 13, n° 1, p. 1. Comp. M. Attal, op. cit., qui qualifie le domaine de la Convention d’« étendu ».
  • (9)
    Sur ce point, v. not. H. Gaudemet-Tallon, « De quelques raisons de la difficulté d’une entente au niveau mondial sur les règles de compétence judiciaire internationale directe », Law and Justice in a Multistate World, Essays in Honor of Arthur T. von Mehren, Transnational Publishers, 2002, p. 55.
  • (10)
    Ni la Convention du 15 avril 1958 sur la compétence du for contractuel en cas de vente à caractère international d’objets mobiliers corporels, ni la Convention du 25 novembre 1965 sur les accords d’élection de for n’ont été ratifiées par le moindre État.
  • (11)
    Sur les trente-trois conventions conclues au sein de la Conférence de La Haye entre le début des années 1950 et le début des années 2000, huit ne sont jamais entrées en vigueur et quatre lient moins de cinq États. Sur ces échecs et les difficultés qu’ils soulèvent, v. not. S. Lecuyer, Appréciation critique du droit international privé conventionnel, LGDJ, 2008.
  • (12)
    Pour cette dernière, v. décision 2009/397/CE du Conseil du 26 février 2009 relative à la signature, au nom de la Communauté européenne, de la convention sur les accords d’élection de for, JOUE L 133/1, 29 mai 2009. Sur l’état des signatures, v. infra, p. 261.
  • (13)
    Rappr. B. Audit, op. cit., p. 173-174 (soulignant le manque de lisibilité et de cohérence du plan adopté par la Convention) ; C. Kessedjian, op. cit., p. 821, n° 28 (soulignant l’emploi trop fréquent de tournures négatives).
  • (14)
    Art. 8, § 1, de la Convention. Le texte ne s’applique donc pas lorsque le juge de l’État requis est confronté à une décision rendue en violation d’un accord d’élection de for, par un autre juge que celui désigné dans l’accord.
  • (15)
    Encore que l’harmonie atteinte ne soit que très relative lorsqu’un jugement rendu dans un État donné se heurte à un refus d’exequatur à l’étranger. Quand bien même ce refus serait unanime, il demeurerait en effet une divergence entre la position de l’État d’origine et celle des autres États.
  • (16)
    Sauf à élaborer un ensemble de règles attribuant systématiquement compétence exclusive au « juge naturel » de chaque catégorie de litiges, ce qui n’apparaît guère souhaitable. Outre la difficulté de l’entreprise, un tel système serait inutilement rigide (par exemple il exclurait vraisemblablement la compétence du domicile du défendeur, alors que ce chef de compétence est à la fois intéressant pour le demandeur et favorable au défendeur) et peu à même de garantir le respect des « droits de la demande », dont la protection plaide, en matière internationale, en faveur de l’admission des options de compétence (sur ce point, v. not. G. A. L. Droz, « Les droits de la demande dans les relations privées internationales », Trav. com. fr. DIP, 1993-1994, p. 97).
  • (17)
    En ce sens, v. notre étude : La régulation de la compétence juridictionnelle en droit international privé, Economica, 2008. On objectera que le droit uniforme est plus propice à l’élaboration de solutions raisonnables que les droits communs nationaux. Sans nier les progrès apportés par exemple par la Convention de Bruxelles à l’époque de son adoption, une telle objection ne nous paraît cependant pas résister à une comparaison de la jurisprudence de droit international privé de la Cour de cassation française (on songe aux arrêts Simitch, Miniera di Fragne, ou encore, plus récemment, Prieur, Corne-lissen) et de celle de la Cour de justice des Communautés européennes (on pense ainsi aux arrêts De Bloos et Tessili, ou plus récemment aux arrêts Gasser et Owusu, pour ne citer qu’eux). Il ne nous paraît pas évident qu’un examen du droit commun anglais ou allemand doive mener à une conclusion radicalement différente : en droit international privé, ni l’inaptitude fondamentale des droits nationaux à parvenir à des solutions satisfaisantes, ni le constat de la supériorité manifeste du droit uniforme sur le droit commun ne s’impose de manière criante.
  • (18)
    Certes, il a pu apparaître parfois que l’unification des règles de compétence directe était une condition nécessaire à l’harmonisation des règles relatives à l’exequatur des jugements étrangers, notamment lors de l’élaboration de la Convention de Bruxelles (v. not. P. Jenard, « Rapport sur la convention concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (signée à Bruxelles le 27 septembre 1968) », JOCE C 59/1, 5 mars 1979, p. 46 ; G. A. L. Droz, La compétence judiciaire et l’effet des jugements dans la Communauté économique européenne selon la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, Dalloz, 1972, n° 11-12). Toutefois, dans le cas de la Convention de Bruxelles, l’unification des règles de compétence directe était rendue nécessaire par l’abandon total du contrôle de la compétence indirecte auquel on souhaitait procéder au stade de l’instance indirecte. Dans un système plus modéré, et plus vraisemblable à l’échelle mondiale dans laquelle s’inscrivent les conventions négociées à La Haye, un contrôle minimal de la compétence indirecte subsiste (v. not. art. 25 à 27 de l’ancien avant-projet de Convention sur la compétence et l’effet des jugements en matière civile et commerciale, in P. Nygh, F. Pocar, op. cit., p. 14-15). Point n’est alors besoin de s’entendre sur des règles de compétence directe uniformes. C’est pourquoi la formule de la convention « mixte », suggérée par A. T. Von Mehren (v. not. « Recognition and Enforcement of Foreign Judgments : A New Approach for the Hague Conference ? », Law & Contemporary Problems, 1994, vol. 57, p. 271, spéc. p. 282 s.) lors des négociations du projet initial de convention globale sur la compétence et l’effet des jugements en matière civile et commerciale, pouvait sembler particulièrement appropriée pour mener à bien un tel projet.
  • (19)
    Ainsi il y a un intérêt à harmoniser les mécanismes de règlement des conflits de procédures, pour éviter les impasses auxquelles peut conduire un règlement selon des critères différents dans chacun des fors saisis.
  • (20)
    V. Rapport explicatif, n° 49.
  • (21)
    Rappr. C. Kessedjian, op. cit., n° 5.
  • (22)
    V. not. sur ce point A. Briggs, Agreements on Jurisdiction and Choice of Law, OUP, 2008, p. 110 s. ; D. Joseph, Jurisdiction and Arbitration Agreements and their Enforcement, Sweet & Maxwell, 2005, p. 86 s. ; T. Kruger, « The 20th Session of the Hague Conference : A New Choice of Court Convention and the Issue of EC Membership », ICLQ 2006. 447, p. 448-449.
  • (23)
    V. Rapport explicatif, n° 47-48 ; T. Kruger, op. cit., p. 448 ; L. E. Teitz, op. cit., p. 555.
  • (24)
    Et notamment en droit américain et canadien : v. not. J. Talpis, N. Krnjevic, op. cit., p. 9 ; A. Schulz, op. cit., p. 8-9 ; T. Kruger, op. cit., p. 449. Sur les solutions plus nuancées du droit anglais, v. A. Briggs, ibid. ; D. Joseph, op. cit., p. 91 s.
  • (25)
    Sur cette solution, v. infra, n° 36.
  • (26)
    Rapport explicatif, n° 110. Une élection de for ne peut ainsi être invalidée au motif que l’écrit la constatant ne comporte pas de signature spéciale pour l’accord, n’est pas rédigé dans des caractères de taille suffisante ou encore dans une langue appropriée – sauf à établir, pour cette dernière question, l’absence totale de consentement à une clause rédigée dans une langue inconnue de l’un des contractants. Mais l’exigence linguistique ne peut être sanctionnée en tant que telle.
  • (27)
    V. Rapport explicatif, n° 13, n° 40.
  • (28)
    V. Rapport explicatif, n° 112 et n° 114.
  • (29)
    Dans le même sens, v. not. B. Audit, op. cit., p. 180.
  • (30)
    V. Rapport explicatif, n° 95-96.
  • (31)
    Ce qui n’inclut pas la concurrence déloyale (v. Rapport explicatif, n° 60).
  • (32)
    Sauf, pour les actions en contrefaçon, si l’action est liée à la violation d’un contrat entre les parties relatif à un droit de propriété intellectuelle (art. 2, § 2, o).
  • (33)
    Etant précisé que le seul fait qu’un État ou l’une de ses émanations soit partie au litige n’exclut pas l’application de la Convention (art. 2, § 5).
  • (34)
    V. Rapport explicatif, n° 58 ; A. Bucher, « La Convention de La Haye sur les accords d’élection de for », Revue suisse de droit international et européen, 2006, n° 1, p. 29, spéc. p. 33.
  • (35)
    Sur la raison d’être de l’article 21, v. not. A. Schulz, op. cit., p. 13 ; A. Bucher, op. cit., p. 45.
  • (36)
    La convention est alors inapplicable à l’égard de la matière visée par la déclaration : – dans l’État contractant auteur de celle-ci de manière générale (qu’il soit élu, saisi en violation d’un accord ou requis) ; – dans les autres États contractants lorsqu’ils sont confrontés (soit comme État du juge saisi en violation de l’accord, soit comme État requis) à un accord d’élection de for désignant le juge de l’État déclarant. Dans la matière visée par la déclaration, l’État déclarant ne bénéficiera donc plus de la garantie de respect des clauses d’élection de for conclues en faveur de ses juges apportée par la Convention. Cela devrait limiter quelque peu la prolifération des déclarations.
  • (37)
    Sur lesquelles, v. not. Y. Lequette, « Le droit international privé de la famille à l’épreuve des conventions internationales », RCADI 1994, II, t. 246, p. 9.
  • (38)
    Dans le même sens, v. B. Audit, op. cit., p. 175.
  • (39)
    Par exemple, une assurance contractée à l’occasion du transport maritime de marchandises ou une assurance de responsabilité civile délictuelle.
  • (40)
    Sur la plasticité de cette notion, v. not. L’internationalité, bilans et perspectives, colloque Toulouse 26 octobre 2001, RLDA 2002, n° 46. Sur sa pertinence même en tant que condition préalable à l’application des règles de droit international privé, v. not. J.-L. Elhoueiss, « L’élément d’extranéité préalable en Droit international privé », JDI 2003. 39 ; contra, v. not. D. Bureau, H. Muir Watt, Droit international privé, Puf, 2007, n° 326.
  • (41)
    Proposition défendue notamment par G. A. L. Droz à propos de l’article 17 de la Convention de Bruxelles : v. Compétence judiciaire et effets des jugements dans le Marché commun, préc., n° 207.
  • (42)
    Comp. Cass. civ. 1re, 4 octobre 2005, Keller Grundbau c/EDF, Gaz. Pal. janvierfévrier 2006. somm. 221, note M.-L. Niboyet ; cette Revue, 2006. 413, note M. Audit ; JDI 2006. 169, note J.-M. Jacquet (se référant à « la commune volonté des parties » pour apprécier l’internationalité de la relation). Comp. également en droit français de l’arbitrage, art. 1492 C. pr. civ. (retenant une définition économique de l’internationalité).
  • (43)
    Dans le même sens, v. not. H. Gaudemet-Tallon, Compétence et exécution des jugements en Europe, 3e éd., LGDJ, 2002, n° 134 ; P. Schlosser, « Rapport sur la convention relative à l’adhésion du Royaume de Danemark, de l’Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord à la convention concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (signée à Luxembourg le 9 octobre 1978) », JOCE C 59/71, 5 mars 1979, n° 174 ; P. Gothot, D. Holleaux, La convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, Jupiter, 1985, n° 167 ; B. Audit, G. A. Bermann, « The Application of Private International Norms to ‘Third Countries’ : The Jurisdiction and Judgments Example », in A. Nuyts, N. Watté (éd.), International Civil Litigation in Europe and Relations with Third States, Bruylant, 2005, p. 55, spéc. p. 77. Comp. C. Kessedjian, op. cit., n° 16.
  • (44)
    Rappr. B. Ancel, Y. Lequette, Les grands arrêts de la jurisprudence française de droit international privé, 5e éd., Dalloz, 2006, n° 72, § 2.
  • (45)
    Rappr. B. Audit, « Le critère d’application des conventions judiciaires multilatérales », Le droit international privé : esprit et méthodes, Mélanges en l’honneur de Paul Lagarde, Dalloz, 2005, p. 19, spéc. p. 32.
  • (46)
    B. Audit, « Observations sur la Convention de La Haye du 30 juin 2005… », préc., p. 176.
  • (47)
    V. Rapport explicatif, n° 120.
  • (48)
    Le silence de la Convention s’expliquerait d’ailleurs par l’impossibilité de trouver un consensus sur ce point : v. A. Bucher, op. cit., p. 31.
  • (49)
    Rappr. C. Kessedjian, op. cit., n° 16 ; Cass. civ. 1re, 4 octobre 2005, Keller Grundbau c/ EDF, préc.
  • (50)
    En ce sens, v. not. R. A. Brand, P. M. Herrup, op. cit., p. 52.
  • (51)
    Sur le caractère inéluctablement variable de l’exigence d’internationalité selon les perspectives, v. not. P. Mayer, V. Heuzé, Droit international privé, 9e éd., Montchrestien, 2007, n° 5.
  • (52)
    Rappr. B. Audit, op. cit., p. 178.
  • (53)
    Critiquée par certains pour l’inconvénient qu’elle présente de maintenir dans le droit des États contractants deux corps de règles différentes en matière d’élection de for, selon que le juge élu est celui d’un État contractant ou d’un État tiers (v. C. Kessedjian, op. cit., n° 6), cette condition a aussi pu être jugée insuffisante dans la mesure où l’accession de nouveaux États à la Convention n’est pas subordonnée à l’approbation des autres, ce qui pourrait s’avérer dangereux si le droit de l’État accédant n’offre pas de garanties sérieuses d’équité (v. B. Audit, op. cit., p. 179). Cette seconde critique nous paraît cependant tempérée par le fait que l’exception d’ordre public offre tout de même aux parties une protection minimale contre un tel risque.
  • (54)
    V. infra, n° 21.
  • (55)
    Pour des précisions sur la mise en œuvre de ces dispositions, v. not. T. C. Hartley, « The Hague Choice-of-Court Convention », European Law Review, 2006, vol. 31, p. 414, spéc. p. 418-419 ; A. Bucher, op. cit., p. 32.
  • (56)
    T. Kruger, op. cit., p. 454.
  • (57)
    Décision 2009/397/CE du Conseil du 26 février 2009 relative à la signature, au nom de la Communauté européenne, de la convention sur les accords d’élection de for, JOUE L 133/1, 29 mai 2009.
  • (58)
    V. not. considérant 4 et Annexe II de la décision 2009/397/CE.
  • (59)
    V. not. CJCE 31 mars 1971, aff. 22/70, Commission c/ Conseil (AETR), Rec. 1971, p. 263, spéc. point 17 (« chaque fois que, pour la mise en œuvre d’une politique commune prévue par le traité, la Communauté a pris des dispositions instaurant, sous quelque forme que ce soit, des règles communes, les États membres ne sont plus en droit, qu’ils agissent individuellement ou même collectivement, de contracter avec les États tiers des obligations affectant ces règles ») ; CJCE 7 février 2006, avis 1/03, Compétence de la Communauté pour conclure la nouvelle convention de Lugano, D. 2006. 1260, obs. C. Nourissat, RDUE 2006. 472, obs. T. Uyen Do (déduisant de la jurisprudence AETR la compétence exclusive de la Communauté pour négocier la révision et procéder ensuite à la ratification de la nouvelle version de la Convention de Lugano).
  • (60)
    Sur lequel v. not. C. Kohler, « Interrogations sur les sources du droit international privé européen après le traité d’Amsterdam », cette Revue, 1999. 1 ; K. Boele-Woelki, R. H. Van Ooik, « The Communitarization of Private International Law », YBPIL 2002. 1 ; A. Borrás, « Le droit international privé communautaire : réalités, problèmes et perspectives d’avenir », RCADI 2005, t. 317, p. 313 ; E. Pataut, « De Bruxelles à La Haye, Droit international privé communautaire et droit international privé conventionnel », Le droit international privé : esprit et méthodes, Mélanges en l’honneur de Paul Lagarde, Dalloz, 2005, p. 661 ; J. Heymann, Le droit international privé à l’épreuve du fédéralisme européen, thèse dactyl. Paris I, 2009.
  • (61)
    L’affirmation sans nuance de l’exclusivité de la compétence communautaire pour conclure le traité peut aussi surprendre. Car si l’on comprend que la Communauté puisse avoir compétence, et même compétence exclusive, pour négocier la clause de « déconnexion » de la Convention de La Haye et du règlement Bruxelles I, on voit moins bien en quoi toute compétence étatique devrait être évincée s’agissant des solutions retenues dans les litiges échappant au règlement Bruxelles I, aux termes de la clause de déconnexion, pour tomber dans le giron de la Convention (rappr. A. Borrás, op. cit., p. 493 ; J. Heymann, thèse préc., n° 131 s. ; comp. M. Wilderspin, A.-M. Rouchaud-Joët, « La compétence externe de la Communauté européenne en droit international privé », cette Revue, 2004. 1, spéc. p. 34).
  • (62)
    Comp. A. Bucher, op. cit., p. 35.
  • (63)
    Rappr. C. Kessedjian, op. cit., n° 12.
  • (64)
    Outre la Convention de Lugano et le Règlement Bruxelles I, la Convention du 30 juin 2005 est ainsi susceptible d’entrer en conflit avec la Convention de Minsk relative à l’entraide judiciaire et aux relations judiciaires en matière civile, familiale et pénale de 1993 (sur laquelle v. not. E. Gerasimchuk, « La relation entre le projet sur les jugements et certains instruments régionaux dans le cadre de la Communauté d’États indépendants », Doc. prél. n° 27 d’avril 2005 à l’intention de la 20e session diplomatique de juin 2005, p. 11-12 [disponible sur internet : www.hcch.net]) ainsi qu’avec diverses conventions américaines de droit international privé (sur lesquelles v. not. A. Schulz, A. Muriá Tuñón, R. Villanueva Meza, « Les instruments américains du droit international privé, Une note sur leurs rapports avec la future Convention de La Haye sur les accords exclusifs d’élection de for », Doc. prél. n° 31 de juin 2005 à l’intention de la 20e session diplomatique de juin 2005 [disponible sur internet : www.hcch.net]).
  • (65)
    Sur lesquelles, v. not. C. Brière, Les conflits de conventions internationales en droit privé, LGDJ, 2001 ; D. Bureau, « Les conflits de conventions », Trav. com. fr. DIP, 1998-2000, p. 201. V. aussi le compte-rendu de J.-P. Rémery sur la précédente communication, cette Revue, 2001. 230, spéc. p. 234, soulignant combien les solutions des conflits de conventions paraissent « rebelles à tout effort de systématisation ».
  • (66)
    Reproche formulé de manière plus générale par C. Kessedjian, op. cit., p. 821, n° 28.
  • (67)
    Rapport explicatif, n° 267.
  • (68)
    Rapport explicatif, n° 270.
  • (69)
    Est « partie » au sens de l’article 26 toute personne liée par l’accord et partie à l’instance (v. Rapport explicatif, n° 275).
  • (70)
    Cela signifie que la Convention prévaut également si l’une des parties réside dans un État partie à la Convention de Lugano (Suisse par exemple) tandis que l’autre réside dans un État tiers à la Convention du 30 juin 2005 (en Chine par exemple).
  • (71)
    Dans le même sens, v. not. M. Attal, op. cit., p. 2383.
  • (72)
    V. not. CJCE 3 septembre 2008, aff. C-402/05 P, Kadi et Al Barakaat c/ Conseil, Rec. 2008, p. I-6351, spéc. points 278 s. ; CJCE 12 décembre 1972, aff. 21 à 24/72, International Fruit Company e.a. c/ Produktschap voor Groenten en Fruit, Rec. 1972, p. 1219 ; CJCE 23 novembre 1999, aff. 149/96, Portugal c/ Conseil, Rec. 1999, p. I-8395, spéc. point 47 ; CJCE 9 septembre 2008, aff. 120/06 P, FIAMM c/ Conseil et Commission, Rec.2008, p. I-6513, spéc. points 105 s. Sur ce point, v. aussi H. Gaudemet-Tallon, « La cohérence des sources communautaires et internationales », in A.-M. Leroyer, E. Jeuland (dir.), Quelle cohérence pour l’espace judiciaire européen ?, Dalloz, 2004, p. 67, spéc. p. 73-76.
  • (73)
    V. Rapport explicatif, n° 306-310.
  • (74)
    Bien que l’article 26, § 1, semble seulement prôner la conciliation de la Convention avec les conventions concurrentes, il vise vraisemblablement également le règlement. C’est ce qui ressort en tout cas clairement du rapport explicatif, n° 300-301.
  • (75)
    V. Rapport explicatif, n° 295.
  • (76)
    CJCE 9 décembre 2003, aff. C-116/02, Erich Gasser GmbH c/ MISAT Srl, D. 2004. 1046, note Ch. Bruneau ; cette Revue, 2004. 444, note H. Muir Watt ; JDI 2004. 641, obs. A. Huet.
  • (77)
    Comp. T. Kruger, op. cit., p. 453-454.
  • (78)
    Par exemple la forme prévue par les usages du commerce international dans la branche d’activité des parties ou conforme aux habitudes établies entre les parties, admise en droit communautaire (v. not. CJCE 14 décembre 1976, aff. 25/76, Segoura c/ Bonakdarian, D. 1977. IR. 349, obs. B. Audit ; cette Revue, 1977. 585, note E. Mezger ; JDI 1977. 734, obs. J.-M. Bischoff, et art. 23.1 du règlement Bruxelles I), n’est pas envisagée par l’article 3 c de la Convention.
  • (79)
    V. not. CJCE 24 juin 1981, aff. 150/80, Elefanten Schuh GmbH c/ Jacqmain, JDI 1981. 903, obs. A. Huet ; cette Revue, 1982. 152, note H. Gaudemet-Tallon, spéc. point 25 ; Rapport explicatif, n° 110.
  • (80)
    De manière sans doute plus exacte, on peut voir dans la solution retenue par la Convention une application de la méthode de référence à l’ordre juridique compétent. Sur ce point, v. infra, n° 21.
  • (81)
    V. not. C. Kessedjian, op. cit., n° 35-36 ; A. Bucher, op. cit., p. 38 s. V. plus généralement, en faveur d’une réglementation matérielle des clauses attributives de juridiction, C. Blanchin, L’autonomie de la clause compromissoire : un modèle pour la clause attributive de juridiction ?, LGDJ, 1995, p. 90 s.
  • (82)
    Rappr. C. Blanchin, op. cit., p. 94 ; en matière de conventions d’arbitrages, S. Bollée, Les méthodes du droit international privé à l’épreuve des sentences arbitrales, Economica, 2004, n° 435 s.
  • (83)
    Si la régularité des accords d’élection de for est réglée par le biais de la méthode conflictuelle, celle des effets de ces accords est régie par des règles matérielles (v. infra, n° 26 s.). La solution paraît logique, car c’est essentiellement sur le terrain des effets de l’accord que s’exprime la nature processuelle de l’élection de for.
  • (84)
    V. supra, n° 7.
  • (85)
    De manière surprenante, tel semble être le cas du droit commun anglais, dans lequel très peu de précédents abordent explicitement la question : sur ce point, v. A. Briggs, op. cit., p. 80.
  • (86)
    B. Audit, op. cit., p. 173, n° 8.
  • (87)
    V. not. C. Kessedjian, op. cit., n° 35 ; A. Bucher, op. cit., p. 39. En faveur d’une réglementation matérielle des clauses attributives de juridiction, v. aussi B. Audit, Droit international privé, 5e éd., Economica, 2008, n° 394.
  • (88)
    Comp. C. Blanchin, op. cit., p. 63 s., proposant l’alignement du régime des clauses attributives de juridiction sur celui des clauses compromissoires, autrement dit la consécration de leur autonomie juridique.
  • (89)
    V. Rapport explicatif, n° 3, 125, 149, 183.
  • (90)
    C’est dans cette mesure que l’on peut voir dans cette solution une application de la méthode de référence à l’ordre juridique compétent, théorisée par P. Picone (« La méthode de référence à l’ordre juridique compétent en droit international privé », RCADI 1986, II, t. 197, p. 229).
  • (91)
    Approuvant également la solution, v. not. B. Audit, « Observations sur la Convention de La Haye du 30 juin 2005… », préc., p. 181.
  • (92)
    Sur cette dernière proposition, v. H. Gaudemet-Tallon, La prorogation volontaire de juridiction en droit international privé, Dalloz, 1965, n° 128 s. Plus généralement, v. B. Ancel, Y. Lequette, op. cit., p. 659-660.
  • (93)
    Rappr. B. Audit, op. cit., p. 183-184.
  • (94)
    En effet, le principal précédent en droit commun français (Cass. civ. 1re, 3 décembre 1991, cette Revue, 1992. 340, note H. G.-T., distinguant licéité et validité de la clause et soumettant cette dernière à la loi du contrat) n’est pas parfaitement limpide et paraît contredit par des décisions retenant des solutions divergentes : v. not. Paris, 10 octobre 1990, cette Revue, 1991. 605, note H. Gaudemet-Tallon (application cumulative de la loi du juge saisi et de celle du for exclu tant à la validité qu’à la licéité de la clause) ; Cass. com., 10 janvier 1989, Bull. civ. IV, n° 20 ; Cass. com., 26 mai 1992, cette Revue, 1992. 703, note H. Gaudemet-Tallon ; Cass. civ. 1re, 30 juin 1992, Bull. civ. I, n° 203, D. 1994. 169, note Ph. Guez (appréciant directement l’existence du consentement à la clause sans faire référence ni à la Convention de Bruxelles, ni à un quelconque droit national rendu applicable par le jeu d’une règle de conflit). Un tel manque de clarté n’est au demeurant pas propre au droit français : v. ainsi, signalant l’absence de règle de conflit en matière d’élection de for en droit suisse, A. Bucher, op. cit., p. 40 ; sur les difficultés que risque de soulever aux États-Unis l’absence d’unification à l’échelle nationale des règles de conflit de lois et de compétence, v. aussi W. J. Woodward Jr, op. cit., spéc. p. 675 s.
  • (95)
    Rappr. A. Bucher, op. cit., ibid.
  • (96)
    Rappr. P. Mayer, V. Heuzé, op. cit., n° 301 ; N. Coipel-Cordonnier, Les conventions d’arbitrage et d’élection de for en droit international privé, LGDJ, 1999, spéc. p. 72-73.
  • (97)
    En ce sens, v. not. P. Nygh, Autonomy in International Contracts, Oxford University Press, 1999, p. 37-38 ; B. Audit, op. cit., p. 183 ; en droit français, v. aussi Cass. civ. 1re, 17 décembre 1985, Cie de signaux et d’entreprises électriques, D. 1986. IR/SC. 265, obs. B. Audit, cette Revue, 1986. 537, note H. Gaudemet-Tallon.
  • (98)
    V. supra, n° 8. La solution retenue par la Convention s’explique peut-être également par le constat du relatif recul des revendications étatiques de compétence impérative, qui s’est notamment illustré dans l’époque récente à l’occasion de litiges mettant en cause une loi de police du for exclu. La tendance, déjà visible aux États-Unis, dont les juges sont pourtant friands d’unilatéralisme, s’est récemment manifestée en France (v. Cass. civ. 1re, 22 octobre 2008, Monster Cable, JCP 2009. II. 10187, note L. d’Avout, D. 2009. 200, note F. Jault-Seseke, JDI 2009. 599, note M.-N. Jobard-Bachellier et F.-X. Train, cette Revue, 2009. 69, chron. D. Bureau, H. Muir Watt, « L’impérativité désactivée ? (à propos de Cass. civ. 1re, 22 octobre 2008) », cette Revue, 2009. 1 ; v. aussi A. Huet, « Clause attributive de juridiction à un tribunal étranger et loi française de police et de sûreté (étude du droit commun) », D. 2009. 684), ce qui paraît confirmer a posteriori l’option retenue par les auteurs de la Convention de ne prévoir aucune limite à la force obligatoire des accords d’élection de for fondée sur l’applicabilité au litige d’une loi de police du for exclu.
  • (99)
    Rappr. B. Audit, op. cit., p. 182-183, regrettant que la Convention ne distingue pas validité et licéité des accords d’élection de for. Comp. A. Bucher, op. cit., p. 40 et 43.
  • (100)
    V. Rapport explicatif, n° 150 et n° 184.
  • (101)
    Rappr. C. Kessedjian, op. cit., n° 42 et n° 56 ; B. Audit, op. cit., p. 181-182, n° 29.
  • (102)
    Ainsi que nous l’avons déjà relevé, la référence au droit de l’État du tribunal élu constitue en effet une règle de conflit de systèmes, et non une règle de conflit de lois.
  • (103)
    La question a pourtant soulevé de nombreuses interrogations et des solutions parfois divergentes, notamment à propos des clauses attributives de juridiction stipulées dans des connaissements maritimes : comp. Cass. civ. 1re, 12 juill. 2001, D. 2001. SC. 3246, obs. Ph. Delebecque, RTD com. 2001. 1063, obs. J.-M. Jacquet et Ph. Dele-becque, Gaz. Pal. novembre-décembre 2001. somm. 4288, note M.-L. Niboyet ; et Cass. com., 4 mars 2003, JCP 2004. II. 10071, note A. Sinay-Cytermann, RTD com. 2003. 421, obs. Ph. Delebecque. Sur la solution récemment apportée à ce conflit (dans le cadre communautaire du moins), v. Cass. civ. 1re, 16 décembre 2008 ; Cass. com., 16 décembre 2008, D. 2009. 89, obs. X. Delpech.
  • (104)
    En ce sens, v. A. Bucher, op. cit., p. 41.
  • (105)
    V. Rapport explicatif, n° 3 et n° 134.
  • (106)
    V. not. en droit anglais The Eleftheria [1970] P 94 ; The El Amria [1981] 2 Lloyd’s Rep. 119 (CA). En droit américain, v. not. Bremen v. Zapata Off-shore Co, 407 US 1 (1972). V. aussi D. Joseph, op. cit., p. 237 s. ; T. C. Hartley, « The Modern Approach to Private International Law, International Litigation and Transactions from a Common-Law Perspective », RCADI 2006, t. 319, p. 9, spéc. p. 113-123.
  • (107)
    Dans le même sens, v. not. C. Thiele, op. cit., p. 73.
  • (108)
    Dans le même sens, v. C. Thiele, op. cit., p. 74.
  • (109)
    Elle est d’ailleurs critiquée par certains juristes de common law eux-mêmes : v. par exemple E. Peel, « Exclusive Jurisdiction Agreements : Purity and Pragmatism in the Conflict of Laws », LMCLQ 1998. 182 ; J. Talpis, N. Krnjevic, op. cit., p. 20.
  • (110)
    En ce sens, v. not. P. Nygh, op. cit., p. 55 s. ; rappr. C. Kessedjian, op. cit., n° 26 ; H. Gaudemet-Tallon, Compétence et exécution des jugements en Europe, préc., n° 101 ; CJCE 17 janvier 1980, aff. 56/79, Zelger c/ Salinitri, cette Revue, 1980. 387, note E. Mezger, JDI 1980.435, obs. A. Huet, point 4 ; Cass. com., 19 décembre 1978, Europa-Carton, cette Revue, 1979. 617, note A. Huet, JDI 1979. 366, note H. Gaudemet-Tallon. Comp. P. Mayer, V. Heuzé, op. cit., n° 304.
  • (111)
    Dans les États à systèmes juridiques non unifiés, c’est-à-dire dont les unités territoriales ne sont pas soumises à un seul et même ordre juridique et judiciaire, tels les États-Unis ou le Royaume-Uni, on peut se demander si le mot « État » visé à l’article 5, § 2, interdisant au juge élu de décliner sa compétence au profit du tribunal « d’un autre État », vise l’unité territoriale soumise à un système donné ou, à l’inverse, l’État au sens international. Cette seconde interprétation limiterait fortement le caractère obligatoire de l’élection de for, puisqu’elle permettrait par exemple au juge de l’État de New York de transférer l’affaire à un juge texan ou californien si cela lui semble plus approprié. Le rapport (n° 128) indique donc qu’en principe, la première interprétation doit être retenue et l’article 5, § 2, être compris comme interdisant au juge élu de transférer l’affaire au juge d’une autre unité territoriale de l’État. Il faut cependant tenir compte du libellé de l’accord (v. Rapport explicatif, n° 129 à 131 ; T. C. Hartley, « The Hague Choice-of-Court Convention », European Law Review, 2006, vol. 31, p. 414, spéc. p. 418-419). Ainsi un accord désignant les tribunaux « anglais » interdirait le transfert de l’affaire au juge écossais, alors qu’un accord visant les tribunaux « du Royaume-Uni » n’exclurait pas un tel transfert.
  • (112)
    V. infra, n° 27 et 32.
  • (113)
    Là encore, cela vise les règles de droit international privé du tribunal saisi, réservant ainsi les cas dans lesquels juge élu et juge exclu ne soumettent pas la capacité à la même loi.
  • (114)
    V. Rapport explicatif, n° 156 s.
  • (115)
    V. Rapport explicatif, n° 154.
  • (116)
    CJCE 1er mars 2005, aff. C-281/02, Owusu c/ Jackson, Gaz. Pal. mai-juin 2005. somm. 1958, note M.-L. Niboyet ; cette Revue, 2005. 698, note C. Chalas ; JDI 2005. 1177, note G. Cuniberti et M. M. Winkler.
  • (117)
    Sur ces incertitudes, v. not. L. E. Teitz, « Choice of Court Clauses and Third Countries from a US Perspective : Challenges to Predictability », in A. Nuyts, N. Watté (éd.), International Civil Litigation in Europe and Relations with Third States, Bruylant, 2005, p. 285 ; T. Kruger, Civil Jurisdiction Rules of the EU and their Impact on Third States, Oxford University Press, 2008, p. 234 s. ; P. de Vareilles-Sommières, « La compétence internationale de l’espace judiciaire européen », Vers de nouveaux équilibres entre ordres juridiques : Liber Amicorum Hélène Gaudemet-Tallon, Dalloz, 2008, p. 397, spéc. p. 409 s.
  • (118)
    Comp. en droit français Cass. com., 2 janvier 1968, cette Revue, 1969. 506 (1re esp.), note J. Normand ; Paris, 18 mars 1968, cette Revue, 1969. 506 (3e esp.), note J. Normand ; Cass. civ. 1re, 23 octobre 1990, Columbia Pictures, Bull. civ. I, n° 219 ; Cass. civ. 1re, 24 février 1998, cette Revue, 1999. 309 (2e esp.), note A. Sinay-Cytermann ; en droit anglais Evans Marshall & Co Ltd v. Bertola [1973] 1 WLR 349 (CA) ; Citi-March Ltd v. Neptune Orient Lines Ltd [1997] 1 Lloyd’s Rep. 72 ; The MC Pearl [1997] 1 Lloyd’s Rep. 566.
  • (119)
    Le rapport explicatif le confirme très clairement (n° 143).
  • (120)
    La condition trouve son fondement dans la référence que font les articles 5 et 6 à « un litige auquel l’accord s’applique » (v. Rapport explicatif, n° 144).
  • (121)
    V. Rapport explicatif, n° 101.
  • (122)
    En faveur d’une telle analyse v. Cass. civ. 1re, 14 octobre 2009, In Beverage International c/ In Zone Brands Inc., pourvois n° 08-16.369/08-16.549, infra, p. 158, note H. Muir Watt. Rappr. dans le contexte voisin de l’arbitrage international, S. Bollée, « Quelques remarques sur les injonctions anti-suit visant à protéger la compétence arbitrale (à l’occasion de l’arrêt The Front Comor de la Chambre des Lords) », Rev. arb. 2007. 223.
  • (123)
    Sur l’émergence d’une pratique en ce sens en droit anglais, v. not. A. Briggs, op. cit., p. 299 s. V. aussi l’arrêt fondateur en la matière : Union Discount Co v. Zoller [2002] 1 WLR 1517 (CA). En droit américain, v. not. D. Tan, « Damages for Breach of Forum Selection Clauses, Principled Remedies, and Control of International Civil Litigation », Texas International Law Journal, 2005, vol. 40, p. 623.
  • (124)
    V. en dernier lieu CJCE 10 février 2009, aff. C-185/09, Allianz c/ West Tankers, D. 2009. 981, note C. Kessedjian ; JCP 2009, n° 37, 227, note P. Callé ; cette Revue, 2009. 373, note H. Muir Watt ; Rev. arb. 2009. 407, note S. Bollée (parachevant le rejet du mécanisme de l’espace communautaire initié dans l’arrêt Turner c/ Grovit : CJCE 27 avril 2004, aff. C-159/02, cette Revue, 2004. 654, note H. Muir Watt).
  • (125)
    En tant que remède à l’inexécution d’un accord d’élection de for du moins.
  • (126)
    Un auteur (C. Thiele, op. cit.) estime que l’article 6 de la Convention interdit implicitement le recours aux injonctions anti-suit car l’obligation qu’il fait au juge saisi en violation d’un accord de décliner sa compétence empêcherait ce juge d’émettre une injonction visant à faire cesser l’action intentée devant le juge élu. Une telle analyse traduit cependant une méconnaissance profonde du mécanisme des injonctions anti-suit, dont l’usage le plus fréquent n’est évidemment pas le fait de juges saisis en violation d’un accord d’élection de for cherchant à priver l’accord de tout effet, mais à l’inverse le fait de juridictions désignées dans un accord et protégeant la compétence que celui-ci leur confère au moyen d’une injonction mettant fin à l’action étrangère introduite en violation de la clause. Or un tel recours aux injonctions anti-suit ne paraît pas exclu par la Convention.
  • (127)
    Rappr. C. Kessedjian, op. cit., n° 31 et n° 41 ; B. Audit, op. cit., p. 184 s. ; D. Bureau, H. Muir Watt, op. cit., n° 869.
  • (128)
    Pour plus de détails sur ce point, v. notre étude, La régulation de la compétence..., préc., n° 430 s.
  • (129)
    CJCE 9 décembre 2003, aff. C-116/02, Erich Gasser GmbH c/ MISAT Srl, préc. Les auteurs du rapport explicatif de la Convention affirment (n° 296 et s.) que la solution qu’elle retient diffère de celle de l’arrêt Gasser, mais en réalité, la différence est très relative. Elle est réelle s’agissant du juge élu, saisi en second lieu, qui n’a pas à surseoir à statuer au profit du juge premier saisi en violation de l’accord. Mais ce dernier, quant à lui, est exactement dans la même position dans le cadre de la Convention que dans l’arrêt Gasser, puisqu’il a toujours la possibilité d’examiner pleinement la validité de l’accord pour décider s’il doit se dessaisir.
  • (130)
    B. Audit, op. cit., p. 172. Dans le même sens, v. not. T. Kruger, op. cit., p. 452.
  • (131)
    La reconnaissance ou l’exécution peut être refusée si la partie qui s’était opposée au renvoi n’a pas obtenu satisfaction devant le juge de renvoi. Autrement dit, si c’est le demandeur qui s’était opposé sans succès au renvoi, la reconnaissance ou l’exécution pourra être refusée si le juge de renvoi l’a débouté de sa demande ; si c’est le défendeur qui s’était opposé sans succès au renvoi, la reconnaissance ou l’exécution pourra être refusée si le juge de renvoi l’a condamné. Sur ce point, v. not. A. Schulz, op. cit., p. 11.
  • (132)
    A. Bucher, op. cit., p. 48.
  • (133)
    Le texte distingue deux hypothèses. L’absence totale de notification au défendeur de l’acte introductif d’instance ou d’un acte équivalent en temps utile afin qu’il puisse organiser sa défense rend la décision irrégulière, sauf si le défendeur a comparu sans contester la notification devant le juge d’origine, si le droit de celui-ci le lui permettait. La notification de l’acte introductif d’instance ou d’un acte équivalent dans l’État requis selon une forme incompatible avec les principes fondamentaux de cet État en matière de notification des documents justifie également un refus d’exequatur, par exemple si la notification s’est faite par l’intermédiaire d’un simple avocat remettant l’acte au défendeur à son domicile dans l’État requis, alors que cet État exige normalement l’intervention de l’un de ses officiers publics et considère cette forme de notification de la procédure étrangère sur son territoire comme une atteinte à sa souveraineté (Rapport explicatif, n° 187).
  • (134)
    Rappr. en droit communautaire CJCE 28 mars 2000, aff. C-7/98, Krombach c/ Bamberski, cette Revue, 2000. 481, note H. Muir Watt ; JDI 2001.690, obs. A. Huet.
  • (135)
    Dans le même sens, v. Rapport explicatif, n° 190 ; C. Kessedjian, op. cit., n° 59.
  • (136)
    Rappr. C. Kessedjian, op. cit., n° 60, p. 842.
  • (137)
    La précision est particulièrement utile pour les États contractants de common law, dans lesquels le principe de l’issue estoppel oblige normalement le juge de l’État requis à accorder l’autorité de chose jugée non seulement au dispositif de la décision, mais aussi aux motifs tranchant les questions préalables dont la résolution était nécessaire pour parvenir à la décision finale. Sur cette doctrine, v. not. P. R. Barnett, Res Judicata, Estoppel and Foreign Judgments : The Preclusive Effects of Foreign Judgments in Private International Law, Oxford University Press, 2001.
  • (138)
    V. aussi Rapport explicatif, n° 198, justifiant cette précision par le besoin de clarté particulièrement fort pour les parties dans ce domaine et par la possibilité d’identifier plus facilement les hypothèses dans lesquelles il existe effectivement un risque d’incohérence entre la décision du juge élu et celle des autorités de l’État du droit duquel découle le droit de propriété intellectuelle litigieux.
  • (139)
    La précision est utile pour les décisions provenant de pays, tels les États-Unis, où chaque partie supporte ses frais de procédure quelle que soit l’issue du litige.
  • (140)
    V. not. M. H. Adler, M. Crimaldi Zarychta, op. cit., p. 25. Sur les difficultés que soulèvent les condamnations au paiement de dommages-intérêts punitifs en droit international privé, v. not. S. C. Symeonides, « Resolving Punitive-Damages Conflicts », YBPIL 2003. 1.
  • (141)
    V. C. Kessedjian, op. cit., n° 65 ; v. aussi Rapport explicatif, n° 205, évoquant de manière révélatrice des « dommages et intérêts allant bien au-delà du préjudice réel subi par le demandeur ».
  • (142)
    Le risque d’une telle dérive est d’autant plus important que l’article 11 concerne toute forme de dommages-intérêts excédant le préjudice réel, même qualifiés de compensatoires par le juge d’origine (v. A. Bucher, op. cit., p. 52), qu’ils soient d’origine légale (tels des intérêts moratoires) ou conventionnelle (tels des dommages-intérêts prévus au terme d’une clause pénale ou de liquidated damages, ou encore des intérêts conventionnels de retard).
  • (143)
    En revanche, un assureur qui serait lui-même condamné au paiement de dommages-intérêts punitifs pourrait parfaitement profiter de l’article 11 de la Convention pour échapper en partie à l’exequatur de sa condamnation dans un autre État (v. Rapport explicatif, n° 227).
  • (144)
    V. Rapport explicatif, n° 217.
  • (145)
    V. supra, n° 10.
  • (146)
    La notion recouvre tant les accords donnant compétence aux tribunaux de plusieurs États contractants nommément désignés, à l’exclusion de tout autre, que ceux désignant les tribunaux d’un seul État contractant, sans pour autant obliger les parties à agir devant ce juge (v. art. 22, § 1 et Rapport explicatif, n° 246).
  • (147)
    Cette curieuse disposition, énoncée par l’article 22, § 2, c de la Convention, est particulièrement difficile à comprendre. Pourquoi exiger que le juge de l’État d’origine ait été le premier saisi de l’affaire lorsqu’aucune instance n’est pendante devant un autre juge compétent en vertu de l’accord et qu’aucune décision n’a été rendue par un autre juge compétent en vertu de l’accord ? Le rapport explicatif (n° 251) indique que la disposition peut jouer si l’un des juges élus se déclare forum non conveniens (la doctrine restant applicable si l’accord d’élection de for est non exclusif, puisqu’il échappe alors aux articles 5 et 6 de la Convention). Dans cette hypothèse, le juge de l’État requis ne sera obligé de donner effet à la décision rendue par le juge d’origine qu’à condition que celui-ci ait été le premier saisi de l’affaire. On voit cependant mal pourquoi il faudrait refuser l’exequatur à la décision rendue par l’un des juges élus, saisi en second lieu, lorsqu’un autre des juges élus, premier saisi, a décliné sa compétence parce qu’il s’estimait moins bien placé pour trancher le litige.
  • (148)
    Sur ce constat, v. not. C. Thiele, op. cit., p. 85 ; A. Bucher, op. cit., p. 61 ; A. Schulz, op. cit., p. 16.
Français

La Convention sur les accords d’élection de for signée à La Haye le 30 juin 2005 est venue clore un processus de négociation particulièrement long et houleux. À première vue, le texte risque fort de décevoir en raison du très grand décalage existant entre l’ampleur du projet initial – la conclusion d’une convention globale sur la compétence et les effets des jugements en matière civile et commerciale – et l’objet de l’instrument finalement obtenu – les accords exclusifs d’élection de for conclus entre professionnels. L’examen attentif des dispositions de la Convention convainc pourtant de ce qu’elle appelle un jugement plus nuancé, dans la mesure où, dans le domaine bien spécifique qui est le sien, la Convention paraît à même de contribuer de manière décisive au respect des clauses attributives de juridiction dans les litiges transnationaux.

English

On June 30, 2005, the member states of the Hague Conference of Private International Law adopted the Convention on Choice of Court Agreements. At first sight, one may be disappointed by the outcome of the lengthy negotiations carried out in the Hague. As a matter of fact, there is a huge gap between the ambitions of the initial project – a worldwide convention on jurisdiction and enforcement of judgments in civil and commercial matters – and the subject matter of the Convention which was finally concluded – business-to-business choice of court agreements. However, a thorough study of the Convention scheme reveals that it is far from useless, as it seems to fulfill its main goal, as limited as it may be : making choice of court agreements as effective as possible.

Laurence Usunier
Assistant professeur à l’Université du Luxembourg
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Mis en ligne sur Cairn.info le 07/06/2020
https://doi.org/10.3917/rcdip.101.0037
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