CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1

« Pour produire selon son tempérament et son cœur, et pour obéir à l’homme intérieur, (…) il lui faudrait, étant donné la société moderne, que l’artiste veuille ne pas compter sur sa production pour vivre. »
E. Rouart, L’artiste et la société, s.l., Éditions de la Libre Esthétique, 1902, p. 21.
« L’impression devenait réalité et la réalité s’imposait avec tellement de force : depuis des années les artistes restaient en rade. Comme pris dans une nasse. Tout entiers contenus dans une impasse, d’autant plus puissante qu’elle paraissait proprement inéluctable. »
A. Nayer, S. Capiau, « Un statut pour les artistes. Solutions concrètes pour la sécurité sociale et la fiscalité des artistes », Rapport final des travaux de la table ronde, Centre d’études et de recherches pluridisciplinaires en droit, économie, sociologie (CERP) / Communauté française, Direction générale de la Culture et de la Communication, 1993.
« Tous les enfants sont des artistes. Le problème, c’est de rester artiste une fois adulte. »
Attribué à Pablo Picasso.

2En Belgique, il n’existe pas de « statut de l’artiste ». En matière de sécurité sociale et de droit du travail, les artistes ne constituent pas une catégorie distincte, qui serait visée par un ensemble cohérent de lois et de réglementations spécifiques. Comme tous les travailleurs, les artistes exercent donc leur profession comme salariés, comme indépendants ou comme fonctionnaires (avec la spécificité qu’il leur arrive plus fréquemment que d’autres de cumuler plusieurs de ces statuts). Ils bénéficient dès lors des mécanismes de protection sociale conçus pour ces trois types de relation de travail, avec quelques adaptations ponctuelles des normes en vigueur, sous conditions. Ainsi, dans certains cas, des activités artistiques salariées peuvent donner lieu à une suspension de la dégressivité des allocations de chômage. On nomme souvent « statut d’artiste » cet avantage qui, en réalité, ne constitue ni un statut ni même un statut social, mais une simple dérogation conditionnelle à la réglementation du chômage.

3Ce cadre juridique sommaire résulte d’un long processus marqué notamment par la loi-programme (I) du 24 décembre 2002  [1], entrée en vigueur le 1er juillet 2003. Celle-ci introduit alors, entre autres éléments, la possibilité pour les artistes de bénéficier d’une présomption d’assujettissement à la sécurité sociale des travailleurs salariés ou d’opter pour un statut d’indépendant. À l’époque, ce nouveau dispositif prétend résoudre une série de problèmes liés à l’emploi artistique – avant tout en octroyant la possibilité de bénéficier de la protection sociale des salariés (en ce compris l’assurance chômage) à un panel élargi d’artistes, principalement les « artistes créateurs »  [2]. À partir de 2011, il apparaît cependant que l’exercice des professions artistiques reste confronté à d’importantes embûches réglementaires et administratives, qui tendent en outre à se multiplier au rythme d’une inflation de dispositions restrictives. Dès 2013, le cadre juridique est à nouveau adapté, les modifications étant progressivement mises en œuvre pour entrer pleinement en vigueur en 2017. Toutefois, ces récentes réformes peinent à convaincre l’ensemble des parties prenantes, publiques et privées, et nombre de critiques se font entendre, plaidant pour une nouvelle réforme de plus ou moins grande ampleur.

4À l’examen, cette problématique publique hautement symbolique – une démocratie se juge notamment à la manière dont elle traite ses artistes – se révèle traversée par deux forces centrifuges : d’une part, un fédéralisme belge de plus en plus complexe et, d’autre part, une multiplicité d’acteurs et de mécanismes participatifs. De surcroît, ces deux forces se déploient dans un cadre économique marqué par d’étroites contraintes budgétaires, et ce à tous les niveaux de pouvoir. Dès lors, bien que les différents acteurs semblent s’accorder sur la nécessité d’améliorer la condition de l’artiste, les pistes de solution ne font pas consensus : les enjeux politiques et économiques, les ajustements stratégiques des nombreuses parties prenantes et la technicité croissante des dispositifs donnent plutôt à penser que l’action publique est vouée à demeurer inaboutie et inachevée, au grand dam des artistes.

5L’actualité la plus récente a néanmoins remis la question à l’agenda politique. En particulier, le contexte de la pandémie de Covid-19 a jeté une lumière crue sur la précarité de nombreuses carrières artistiques et sur l’efficacité très relative des filets de protection sociale dont les artistes bénéficient. Une série de propositions et de débats censés remédier à ces constats ont vu le jour, laissant augurer des décisions et des révisions substantielles. Sur le plan politique, le gouvernement fédéral De Croo (PS/MR/Écolo/CD&V/Open VLD/SP.A/Groen) annonce dans son accord de gouvernement du 30 septembre 2020 une réforme en la matière : « Le gouvernement examinera en concertation avec le secteur et les partenaires sociaux comment poursuivre la réforme du statut social des artistes. Le gouvernement formulera des propositions précises, objectives et justes pour les artistes actuels et en devenir, qui valorisent l’ensemble des étapes du travail de création, de la répétition à la représentation, publication et vente »  [3].

6La présente étude, paraissant en trois livraisons successives du Courrier hebdomadaire, vise à retracer les étapes majeures de l’action publique en matière de protection sociale des artistes en Belgique, à en analyser les multiples enjeux et à présenter les positions en présence, à l’aube de possibles modifications du cadre législatif et réglementaire en vigueur. La situation présentée ici est celle arrêtée au 1er octobre 2020, date d’entrée en fonction du gouvernement fédéral De Croo.

1. Le cadre général

7Analyser les politiques publiques relatives à la protection sociale des artistes requiert de s’accorder au préalable sur une série de définitions et de constats. Cela n’est pas simple, notamment en raison de la multiplicité des regards, des enjeux et des pratiques que « l’art » génère. Ce premier chapitre vise dès lors à rappeler quelques éléments fondamentaux qu’il convient de prendre en compte avant d’en venir à une description et à une analyse des dispositions existantes.

1.1. La notion d’artiste

8Le terme « artiste » désigne tantôt un individu doté de qualités particulières (reconnues par ses pairs et par son public), tantôt une catégorie d’agents socio-économiques soumise à des normes (établies notamment par les autorités publiques : gouvernements, administrations, tribunaux). Toute définition de l’« artiste » est amenée à privilégier l’une de ces deux dimensions de la réalité artistique contemporaine.

1.1.1. Une définition problématique

9Or, quel que soit l’angle privilégié, plusieurs difficultés se posent. D’une part, l’approche esthétique ou philosophique bute sur une série d’interrogations irrésolues et sans doute insolubles. Qu’est-ce que l’art ? L’art existe-t-il en soi ou uniquement par sa réception ? Dès que l’on tente d’établir par ce biais les contours de ce qui est « artistique », on rencontre la problématique de l’identité : comment chacun se perçoit, se présente, est perçu, croit qu’il est perçu, etc. Confrontée à cette complexité, la littérature scientifique se résout le plus souvent (principalement en sociologie) à laisser prévaloir in fine le critère d’autodéfinition : est artiste celui qui déclare être artiste.

10D’autre part, l’approche empirique (centrée par exemple sur une étude exhaustive des formes d’emplois des artistes) découvre elle aussi une complexité impossible à cerner : comment définir un cadre statique englobant une fois pour toutes les métiers artistiques ? La tâche est d’autant plus vaine que les pratiques et les manières de les décrire varient dans le temps et dans l’espace, selon les acteurs qui les proposent, les instances qui les produisent et le contexte socio-économique qui les sous-tend. Les notions d’art et d’artiste fluctuent particulièrement à notre époque, au fil d’innovations techniques incessantes et à mesure que la sphère de la « créativité » tend à englober toutes les expressions culturelles, les figures de l’« artiste » et du « créatif » finissant par se confondre.

11Au final, qui est à même de définir ce qu’est ou ce que n’est pas un artiste : les responsables politiques, les artistes eux-mêmes, des instances médiatrices, les publics ? Et quelle serait la légitimité d’une telle définition ? En l’espèce, et afin de se soustraire à d’insolubles controverses, les textes législatifs et réglementaires évitent toute référence à une définition de l’« art » ou de l’« artiste » pour emprunter d’autres modes de catégorisation (par exemple, l’« activité artistique »).

1.1.2. Un besoin de catégories

12En effet, l’autorité publique ne peut se permettre d’en rester aux analyses philosophiques, esthétiques ou sociologiques : dès lors qu’elle prétend fixer une politique touchant à la condition des artistes, elle doit arrêter un cadre pour concevoir et mettre en œuvre cette politique. Il s’agit pour elle de circonscrire les arts et les artistes concernés et d’établir des mécanismes qui s’appliqueront à eux. C’est en particulier le cas en matière de protection sociale : plus l’autorité publique consent à prendre en compte certaines spécificités des carrières artistiques pour déroger au cadre général en vigueur, plus elle tend en retour à établir des critères stricts, censés réserver ces dérogations à un nombre limité d’artistes.

13Cette approche pragmatique entre nécessairement en tension avec la conception que les artistes ont de leur propre pratique. Ainsi, la phrase « Cette activité n’est pas de nature artistique » résonne différemment pour l’employé de l’administration appliquant une grille d’évaluation et pour le travailleur voyant dans son activité une part déterminante de son identité et de sa raison d’être. Le problème classique de la « reconnaissance » de l’artiste en tant qu’individu se double ainsi de la question de son « admissibilité » à certains dispositifs, réservés à un nombre restreint de ses pairs par l’autorité publique ou par les instances compétentes. Les normes qui permettent de déterminer quel artiste est « admissible » et quel artiste ne l’est pas résultent d’ajustements complexes, produits des priorités mais aussi des représentations mentales des acteurs pesant sur la décision.

14Le choix des critères identifiant les artistes bénéficiaires de telle ou telle politique publique se révèle donc toujours épineux et susceptible de contestations : sur quelles bases distinguer des individus et des pratiques qui se réclament d’un même champ, l’art, qu’aucune autorité publique démocratique ne peut prétendre définir ?

15À ce stade, la littérature scientifique offre quelques premiers repères. Plusieurs critères de distinction font en effet émerger les frontières définitoires, les limites mouvantes sur lesquelles se cristallisent les débats sociétaux et politiques, révélateurs d’enjeux symboliques et financiers sous-jacents. Ces distinctions fonctionnent volontiers par couples dichotomiques, notamment « artistique » versus « non artistique » et « professionnel » versus « amateur ».

1.1.3. La distinction « artistique » - « non artistique »

16Cette première distinction est fluctuante, floue et non consensuelle. Elle suit cependant une tendance claire à l’élargissement de la notion d’art à celle de créativité. Cette extension de la définition, éloignant les frontières de la catégorie, est couplée à une diminution du consensus en sa faveur : plus on s’éloigne du cœur artistique et plus les arguments d’opposition se font entendre. Afin de définir ce qui est artistique et ce qui ne l’est pas, l’attention peut se porter soit sur la discipline soit sur l’activité exercée.

17Les disciplines ou modes d’expression artistique sont parfois entendus au sens plus large de secteurs d’activité (par exemple, les arts plastiques ou visuels, la littérature, le spectacle). Certaines disciplines prêtent davantage à discussion, soit qu’elles sont régies par des mécanismes professionnels ou économiques bien établis (par exemple, l’architecture ou l’artisanat d’art), soit qu’elles paraissent aux yeux de certains ouvrir trop largement le champ de l’art (par exemple, la bande dessinée  [4], la création de jeux vidéo, le design, la création sonore, l’infographie, le stylisme, la gastronomie, etc.).

18Quant au critère de l’activité, il se rapporte davantage à la fonction ou la profession exercée (par exemple, créateur, interprète, enseignant, animateur, producteur, administrateur, médiateur, technicien, etc.). Certaines fonctions peuvent être perçues différemment selon les époques : par exemple, les fonctions de « technicien » ont connu une évolution fulgurante, liée à la place croissante de nouvelles technologies dans la création artistique contemporaine.

19De manière générale, la distinction entre « artistique » et « non artistique » se révèle difficilement opérante sur le terrain car il existe une forte hybridation des disciplines et des activités. Les trajectoires professionnelles artistiques sont caractérisées par la multi-activité et la polyvalence. Afin de pouvoir assurer leur subsistance et de maximiser leurs chances de viabilité professionnelle, les artistes sont souvent amenés à pratiquer plusieurs disciplines et à exercer plusieurs fonctions parfois simultanément.

20Cela mène à une dichotomie fondamentale entre les personnes et les activités. En d’autres termes, une même personne peut exercer diverses activités dont certaines sont reconnues comme « artistiques » et d’autres non. Cela peut engendrer une complexité administrative kafkaïenne pour les artistes qui vivent leur pratique de manière globale. Par exemple, des artistes exerçant parallèlement à leur création artistique une fonction dans l’enseignement artistique sont mis en marge de la protection sociale spécifique aux artistes car cette activité d’enseignement n’est pas jugée de nature artistique.

1.1.4. La distinction « artiste professionnel » - « artiste amateur »

21Une deuxième distinction propose d’opposer « artiste professionnel » et « artiste amateur ». L’amateur ferait de l’art pour son plaisir, comme hobby, alors que le professionnel en ferait son travail. La notion même de travail est pourtant à remettre en question. Nombre d’artistes vivent leur activité plus comme une vocation que comme une profession. L’activité artistique ne se perçoit pas comme un travail contraignant, avec un nombre donné d’heures à prester. Les obligations horaires sont d’ailleurs souvent largement dépassées et le travail non rémunéré est très fréquent sans être pour autant souhaité (ni s’inscrire dans le cadre juridique du volontariat). Un artiste professionnel peut donc exercer un travail même s’il ne bénéficie d’aucun contrat de travail officiel et s’il n’a pas le sentiment de « travailler ». Même la qualification fiscale du revenu (soit « professionnel » soit « occasionnel ») ne résout pas définitivement l’inclusion de l’artiste à l’une ou l’autre catégorie. Cela posé, plusieurs critères ont néanmoins été proposés pour tenter de cerner l’exercice professionnel de l’art. Il faut souligner que ces critères ne sont en rien exclusifs ou cumulatifs ; ce ne sont que des indices qui, par ailleurs, ne sont pas toujours facilement mesurables.

22Les sciences humaines identifient trois critères majeurs qui font référence à la formation, au marché et aux pairs  [5]. Soit, respectivement : obtenir un diplôme d’études supérieures dans l’un ou l’autre domaine artistique, nouer des relations économiques permettant de vivre de sa pratique artistique et être reconnu par les autres artistes professionnels. Si ces trois critères ouvrent d’ores et déjà nombre de questionnements méthodologiques pour être appliqués concrètement, d’autres auteurs ont élargi encore le champ des variables à considérer pour correspondre aux réalités professionnelles des artistes. Un artiste professionnel pourrait en ce sens être caractérisé par huit éléments  [6] : le temps consacré au travail artistique ; l’importance des revenus tirés d’activités artistiques ; le fait d’être considéré comme artiste par le public ; le fait d’être reconnu comme artiste par les autres artistes ; la qualité du travail artistique produit (ce qui implique que la notion de qualité doive, d’une façon ou d’une autre, être définie) ; l’appartenance à un groupe ou à une association d’artistes professionnels ; la qualification professionnelle (diplôme d’une école artistique) ; la réponse personnelle de chaque individu à la question « Suis-je un artiste ? ». À nouveau, rappelons que ces critères ne sont pas absolus. Par exemple, il n’existe pour ainsi dire pas de barrière à l’entrée dans les professions artistiques, mais cette apparente ouverture professionnelle reflète peu la haute sélectivité des carrières artistiques : il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Sur le terrain, la sélection se révèle quasiment absente à l’entrée dans la profession et s’intensifie de manière drastique au cours de la carrière.

23Ainsi, la qualification professionnelle est loin d’être un critère toujours efficient. D’une part, les formations initiales ne représentent pas un passage obligé pour exercer un métier artistique : l’autodidactisme reste présent et son existence est généralement défendue par le secteur culturel. Il n’est donc pas nécessaire d’avoir obtenu un diplôme d’une école supérieure artistique pour exercer son art (le refus d’une mainmise monopolistique du système académique reste vivace). D’autre part, si les formations officielles ne sont pas nécessaires, elles deviennent de moins en moins suffisantes. Non seulement il n’est pas indispensable d’être diplômé pour pouvoir exercer, mais un diplôme n’offre aucune garantie d’exercice futur de la profession visée.

24De même, il convient de souligner l’absence d’ordres professionnels qui contingenteraient l’exercice de chaque profession. Les métiers artistiques ne font pas l’objet de mécanismes sélectifs lors de l’entrée effective dans la profession  [7]. Il n’existe pas de cadre corporatiste réglant l’autorisation des pratiques artistiques. La mise sur pied d’une « carte professionnelle », qui serait l’outil classique d’un tel protectionnisme corporatiste, ne fait pas l’objet d’un consensus au sein du secteur culturel (pas plus que, plus récemment, celle d’un « visa artiste » ou d’une « carte artiste » délivré par la Commission Artistes). Il prévaut un principe de liberté d’accès, chacun pouvant se lancer dans le métier et y tenter sa chance.

25Ces éléments concourent à favoriser des entrées aisées et nombreuses dans plusieurs professions artistiques, alors même que le marché du travail ne peut absorber tous les nouveaux entrants. La sélection s’opère donc en cours de carrière et non en amont, le marché du travail départageant par défaut les artistes professionnels et les artistes amateurs, selon que leur pratique s’insère ou pas dans les échanges économiques.

26Ajoutons que l’activité artistique demeure soumise à un principe d’incertitude  [8] qui se résout par des écarts de revenus très importants, que ce soit entre artistes ou pour un même artiste selon les périodes de travail et les secteurs d’activité. Alors que le grand public est bercé par les sommes démesurées touchées par les stars internationales, les revenus de la grande majorité des artistes restent relativement modestes et plutôt faibles en regard de leurs niveaux de qualification (souvent d’un niveau de master de l’enseignement supérieur artistique) ; ils ne permettent dès lors pas de distinguer pleinement les artistes professionnels et les artistes amateurs.

27On le voit, s’il n’est pas impossible d’identifier un faisceau de caractéristiques qui seraient propres au caractère professionnel de l’activité artistique, l’appréciation de ces caractéristiques s’avère complexe. Aucun des critères mentionnés ne pourrait à lui seul être jugé suffisant et les modalités de leur application restent fragiles.

1.1.5. La distinction « artiste créateur » - « artiste interprète »

28Cette troisième distinction marque et oriente profondément les choix posés par les instances législatives, exécutives, judiciaires et administratives. Cela est dû d’abord à des raisons historiques : les artistes interprètes (en particulier ceux du spectacle) ont été les premiers à structurer des revendications cohérentes et à obtenir une esquisse de statut social (cf. Chapitre 4).

29L’importance de cette distinction s’explique ensuite par des formes de prestation et de rémunération potentiellement différentes pour les artistes créateurs et les artistes interprètes. Les premiers mèneraient surtout un travail de longue haleine et de rythme irrégulier, rémunéré généralement à la livraison ou à la vente de l’œuvre projetée ou commandée. Les seconds fourniraient une prestation limitée dans le temps et dans l’espace, rémunérée généralement selon un contrat de travail (à la durée ou à la tâche) ou selon un contrat d’entreprise. Cependant, la loi-programme (I) du 24 décembre 2002 a jeté les bases d’un statut social commun, accessible non seulement aux artistes interprètes mais aussi sous certaines conditions à certains artistes créateurs.

30En outre, cette distinction n’est pas aussi nette dans l’exercice des professions artistiques contemporaines : non seulement de nombreux artistes peuvent cumuler les deux fonctions, mais une seule et même fonction peut mêler exécution et création (par exemple dans le cas des metteurs en scène et des professions technico-artistiques). Le fait de scinder trop rigoureusement ces deux catégories peut donc poser des problèmes cornéliens à celles et ceux dont la pratique quotidienne est ancrée simultanément dans la création et l’interprétation, ainsi qu’aux pouvoirs publics qui penseraient s’appuyer sur une dichotomie stable et y découvriraient des sables mouvants.

1.1.6. Un éventail de définitions de portée limitée

31À la difficulté patente de définir des critères solides et pérennes pour distinguer les pratiques artistiques s’ajoute, en Belgique, l’absence d’un cadre cohérent applicable aux artistes, notamment en matière de protection sociale et de droit du travail (cf. Chapitre 3). Dès lors, lorsqu’il s’agit de prescrire aux artistes des normes et des procédures, les textes légaux et réglementaires recourent à un éventail de définitions de portée limitée, chacune étant conçue pour un champ d’application spécifique. Cette option peut répondre à une exigence pragmatique d’efficacité dans un domaine précis, mais elle contribue à fragmenter le cadre normatif global que les artistes doivent prendre en compte.

32Par exemple, une définition de l’« activité artistique » a été forgée spécifiquement pour encadrer diverses dispositions propres aux artistes en matière d’assujettissement à la sécurité sociale et en matière d’accès au chômage (cf. Chapitre 3). Mais la même notion d’« activité artistique » se trouve définie de manière significativement différente dans d’autres domaines de l’action publique : elle se trouve élargie à certaines prestations techniques dans le champ du travail temporaire ; elle est cernée d’une tout autre manière en matière d’application de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ; elle ne recouvre pas non plus l’ensemble des disciplines inscrites au programme des établissements de l’enseignement artistique officiel.

33Certaines réalités inséparables de la pratique et de la carrière artistiques se trouvent ainsi appréhendées par le biais de notions et de cadres conçus isolément les uns des autres. Au sein de ces différents référentiels, une seule et même expression en vient parfois à désigner des réalités sensiblement différentes selon le champ considéré. Dès lors, les artistes doivent fréquemment composer avec des terminologies fluctuantes voire dénuées de cohérence, qu’ils sont pourtant tenus de connaître et de maîtriser afin d’inscrire leurs activités dans les cadres légaux ou réglementaires disparates qui s’appliquent à elles.

1.1.7. Des définitions plurielles et concurrentes

34Enfin, un élément de complexité supplémentaire tient au fait que les cadres normatifs appliqués aux artistes sont pluriels et émanent de sources diverses, théoriques ou empiriques. En d’autres termes, la reconnaissance et la validation du caractère artistique de la pratique visée se fondent parfois sur des définitions, des considérations et des priorités multiples, pouvant se superposer ou entrer en collision, quelle que soit leur position dans la hiérarchie des normes. Dans le champ de la sécurité sociale, notamment, cela contribue à générer de nouvelles contradictions ou incohérences dans les manières de reconnaître (ou pas) l’activité artistique examinée.

35Par exemple, s’agissant de l’accès des artistes au chômage, une première série de normes est édictée par les textes légaux et réglementaires en vigueur. Ceux-ci sont ensuite susceptibles d’être interprétés, adaptés ou appliqués de diverses manières par les institutions chargées de leur mise en œuvre. En particulier, l’administration dispose d’une marge d’interprétation des textes en vigueur, qui la conduit à produire une deuxième série de normes, écrites ou non écrites, s’éloignant parfois sensiblement du cadre initialement prescrit. Ainsi, l’Office national de l’emploi (ONEM) produit très régulièrement de nombreux outils à usage interne ou externe (« circulaires », « directives », « feuilles infos »), censés à la fois expliciter ses décisions et orienter le comportement des bénéficiaires.

36Par ailleurs, un certain pouvoir de décision peut être délégué à une instance autonome, dont les membres sont choisis pour leur compétence dans les matières concernées. Cette instance est réputée pouvoir rendre des arbitrages plus fins et plus complexes qu’un corpus de textes figés, et examiner en connaissance de cause des situations ou des matières particulières. C’est le cas en Belgique de la Commission Artistes, dont les missions ont été progressivement étendues (cf. Chapitre 2). Cette instance se trouve ainsi fondée à produire une troisième série de normes, susceptibles d’entrer en contradiction avec celles de l’administration. La Commission Artistes s’en est elle-même émue dans un passé récent : « Plusieurs facteurs peuvent conduire à une différence de traitement d’un même dossier au niveau de la Commission (…) et au niveau de l’ONEM »  [9].

37D’autres normes ou prescriptions peuvent émaner directement d’un secteur d’activité, par le biais de certaines associations professionnelles, qui organisent (d’initiative ou en concertation avec les pouvoirs publics) une autorégulation de leur secteur. Cela se concrétise par exemple par l’octroi de cartes professionnelles attestant, auprès des autorités publiques, de la reconnaissance de l’artiste par ses pairs (comme le projet de « carte d’acteur professionnel » de 1968 : cf. infra, section 4.2.4). Ces associations professionnelles peuvent ici adopter des stratégies corporatistes, visant à limiter les effectifs de la profession afin de maximiser les opportunités professionnelles. Il peut s’ensuivre une restriction d’accès aux métiers artistiques par une instance dont les buts poursuivis ne se fondent pas nécessairement sur l’intérêt général artistique et culturel.

1.1.8. Une tâche inachevée

38On le voit, les contours de la catégorie « artiste » varient selon les contextes et selon les instances qui la construisent. Il en va de même des normes que l’autorité publique prétend lui appliquer, sur la base de définitions et de cadres multiples conçus à cet effet. Au final, il n’existe pas de catégorie « artiste » préexistante qu’il s’agirait de découvrir. Au contraire, définir cette catégorie représente un choix social et politique pour les pouvoirs publics, choix éventuellement fondé sur un consensus obtenu auprès des différentes parties prenantes.

39De surcroît, la multiplicité des référentiels convoqués pour tenter d’ordonner et de catégoriser l’ensemble des pratiques artistiques contribue à brouiller les pistes. D’autant qu’aucun de ces référentiels ne permet de forger une grille d’analyse dotée d’une cohérence et d’une efficacité pratiques. Toute tentative de définition de l’« artiste » ou de l’« artistique » apparaît dès lors comme une tâche en permanence inachevée, évoluant au gré des représentations, des priorités, des clivages et des rapports de pouvoir à l’œuvre parmi les parties impliquées dans les processus de décision.

1.2. Les enjeux de l’amélioration de la condition des artistes

40À la lumière de ce qui précède, il apparaît que toute action publique visant à régir le statut et la protection sociale des artistes présuppose une série d’arbitrages complexes, fondés entre autres sur des éléments d’ordres philosophique, politique et socio-économique. Ces éléments se trouvent notamment exprimés dans de nombreuses déclarations publiques internationales ou nationales, soutenant une amélioration des conditions d’exercice des métiers artistiques. Il s’agit là d’une tendance de fond, identifiable depuis plusieurs décennies, du moins si l’on s’en tient aux discours tenus.

1.2.1. Les recommandations internationales

41À partir des années 1970, plusieurs organisations internationales se penchent avec attention sur les conditions de travail et d’accès à la sécurité sociale des artistes. L’Organisation internationale du travail (OIT), le Bureau international du travail (BIT) et l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), entre autres, publient alors des rapports détaillés assortis de recommandations. Parmi de nombreux exemples, on peut citer un rapport de l’OIT de 1977 sur « La condition de l’artiste » (comportant un « Résumé des réponses à un questionnaire élaboré conjointement par le BIT et l’UNESCO sur la condition économique, sociale, professionnelle et morale de l’artiste »)  [10] et, surtout, la « Recommandation relative à la condition de l’artiste » formulées par l’UNESCO lors de sa conférence générale d’octobre 1980, tenue à Belgrade  [11].

42À cette occasion, dans la foulée de divers textes plus spécifiques  [12], l’UNESCO souhaite favoriser l’établissement de statuts spécifiques aux artistes : « Le système de sécurité sociale que les États membres seraient conduits à adopter, améliorer ou compléter devrait tenir compte de la spécificité de l’activité artistique, caractérisée par l’intermittence de l’emploi et des variations brusques de revenus de beaucoup d’artistes, sans impliquer pour autant une limitation de la liberté de créer, d’éditer et de diffuser leurs œuvres »  [13]. L’UNESCO invite les États membres à « s’efforcer, dans leurs environnements culturels respectifs, d’offrir aux artistes salariés ou indépendants la même protection sociale que celle qui est habituellement accordée aux autres catégories de travailleurs salariés ou indépendants »  [14] et à « envisager l’adoption de modes de financement spéciaux de la sécurité sociale des artistes, par exemple en faisant appel à des formes nouvelles de participation financière soit des pouvoirs publics, soit des entreprises qui commercialisent ou exploitent les services ou les œuvres d’artistes »  [15].

43En outre, l’UNESCO propose une définition de l’artiste que certains prendront comme référence : « On entend par “artiste” toute personne qui crée ou participe par son interprétation à la création ou à la recréation d’œuvres d’art, qui considère sa création artistique comme un élément essentiel de sa vie, qui ainsi contribue au développement de l’art et de la culture, et qui est reconnue ou cherche à être reconnue, en tant qu’artiste, qu’elle soit liée ou non par une relation de travail ou d’association quelconque »  [16]. Cette définition se veut très large, au point de trancher quelque peu avec l’aspect plus pragmatique et restreint qui est de mise dans les diverses législations nationales. D’autant que l’UNESCO précise que sa prise de position s’applique « à tous les artistes (…) quelle que soit la discipline ou la forme d’art que ces artistes pratiquent. Elle s’applique, entre autres, à tous les artistes auteurs et créateurs »  [17].

44Depuis lors, l’UNESCO procède à des consultations chargées d’étudier l’état d’avancement des recommandations, notamment via un questionnaire élaboré en 2015 en concertation avec des associations internationales d’artistes  [18]. La première consultation s’est tenue en 1983 et la deuxième en 2011, les suivantes s’enchaînant ensuite à un rythme plus soutenu en 2015 et en 2019, soit tous les quatre ans  [19]. En 2015, l’UNESCO estime que « la couverture sociale proposée aux artistes a progressé partout dans le monde », même si « des efforts supplémentaires sont nécessaires »  [20]. Plus largement, elle réaffirme l’importance et la pertinence de sa recommandation, tout particulièrement en ce qui concerne « les nouvelles tendances en matière de technologies numériques, la liberté d’expression et la mobilité transnationale des artistes »  [21].

45Durant la même période, les institutions européennes se montrent également préoccupées par le sort des artistes dans les États membres. « Le souci de mieux connaître la condition sociale des artistes est à l’ordre du jour. Les administrations nationales se préoccupent des problèmes posés, entreprennent des études, préparent des textes législatifs ou réglementaires… Les organismes internationaux se préoccupent également de la situation faite aux artistes. Des associations, dans les différents pays, sont fondées dans le but de rendre service aux artistes » : ainsi s’exprime un rapport de 1977 consacré aux « travailleurs culturels du spectacle et de l’interprétation musicale » destiné à la Commission des Communautés européennes  [22]. Plusieurs autres rapports sont rédigés en ce sens sur des thématiques connexes, notamment les « problèmes de la sécurité sociale des travailleurs culturels »  [23].

46Dans un contexte de libre circulation des citoyens et des travailleurs entre les États membres, l’enjeu pour les institutions européennes est d’identifier et de désamorcer les freins à la mobilité des « travailleurs culturels ». L’un des rapports souligne ainsi que, « du point de vue communautaire, les inégalités, l’absence de débouchés, le chômage inéluctable [que doivent affronter les artistes des États membres] ont pour conséquence d’engendrer des comportements défensifs, voire corporatistes qui vont à l’encontre même des intérêts des travailleurs culturels et compromettent les possibilités d’échanges internationaux et plus particulièrement ceux qui peuvent valablement s’établir dans le cadre de la libre circulation, à l’intérieur de la [Communauté économique européenne (CEE)] »  [24].

47Le Parlement européen produit également plusieurs rapports qui comportent des résolutions invitant les États membres à adopter des dispositions sociales et fiscales améliorant le statut des artistes, notamment la résolution du 9 mars 1999 sur la situation et le rôle des artistes dans l’Union européenne. La Commission de la Culture et de l’Éducation du Parlement européen commande également une étude sur la situation des professionnels de la création artistique en Europe, finalement publiée en 2006  [25]. Dans la foulée, le Parlement européen adopte, le 7 juin 2007, une résolution encourageant les États membres à concevoir des dispositifs de protection de l’activité artistique. Plus particulièrement, il « invite les États membres à élaborer ou à mettre en œuvre un cadre légal et institutionnel afin de soutenir la création artistique par l’adoption ou l’application d’un ensemble de mesures cohérentes et globales incluant la situation contractuelle, la sécurité sociale, l’assurance maladie, la taxation directe et indirecte et la conformité aux règles européennes » ; il « souligne qu’il convient de prendre en considération la nature atypique des méthodes de travail de l’artiste » ; il « souligne par ailleurs qu’il convient de prendre en considération la nature atypique et précaire de toutes les professions liées à la scène »  [26]. L’Union européenne ne peut aller beaucoup plus loin qu’une résolution du Parlement, étant donné que ses compétences excluent explicitement toute harmonisation réglementaire en la matière  [27].

48Parallèlement, les avancées au sein de tel ou tel cadre national peuvent nourrir les comparaisons entre États membres et influer sur les analyses au sein de chacun d’eux. C’est ainsi que, dès les années 1970, la France, l’Allemagne et plus tard le Luxembourg font figure de précurseurs « en aménageant leurs règles d’assurances sociales ou d’aide sociale ainsi que leur régime fiscal aux conditions de travail et de revenus particulières aux artistes du spectacle et aux créateurs : basculement de la protection sociale des artistes indépendants dans le régime des salariés, règles d’accès et de maintien des assurances aménagées (chômage, vacances annuelles, retraite), nouvelles sources de financement des assurances sociales (par les entreprises exploitant des œuvres ou des prestations artistiques), étalement des revenus exceptionnels, déductions forfaitaires des charges professionnelles, taxation particulière des droits d’auteur »  [28]. Plusieurs de ces éléments seront par la suite repris dans la législation belge.

49Certaines associations internationales d’artistes s’efforcent aussi de peser sur les débats, par exemple en diffusant leurs plaidoyers en faveur d’une amélioration des conditions de travail de leurs pairs. En témoigne par exemple le manifeste rédigé en 2014 par la Fédération internationale des acteurs (FIA) et la Fédération internationale des musiciens (FIM), qui appelle notamment l’UNESCO à remettre ce thème à son agenda et enjoint l’Union européenne et ses États membres à mettre en œuvre les résolutions du Parlement européen du 9 mars 1999 et du 7 juin 2007. Ces fédérations formulent alors cinq recommandations : « de nouveaux cadres juridiques et institutionnels adaptés à la situation professionnelle atypique des artistes-interprètes ; un noyau de droits attachés à l’emploi pour les artistes-interprètes ; une meilleure coordination et des informations claires pour faciliter la mobilité ; une protection forte des droits de propriété intellectuelle des artistes-interprètes ; l’implication des artistes-interprètes dans les processus de décision »  [29].

50Dans le domaine des arts visuels, l’Association internationale des arts plastiques (AIAP), une organisation non gouvernementale (ONG) particulièrement active, se fend en 2012 d’une enquête auprès de ses comités nationaux sur la condition des artistes, dont les résultats sont ensuite soumis à l’UNESCO. L’AIAP plaide notamment pour l’établissement d’une « convention qui lierait davantage les États afin d’avoir un cadre juridique international pour la protection des artistes »  [30].

51Bien documentées, nombreuses et parfois prestigieuses, ces déclarations génèrent le plus souvent un unanimisme bienveillant, mais sont peu suivies d’actions concrètes. En effet, les intentions manifestées sont rapidement confrontées à la fragmentation des architectures institutionnelles et légales  [31] et à la mosaïque des intérêts s’exprimant au sein de chaque contexte national. Malgré cela, au-delà de la praticabilité variable de leur transposition dans les droits nationaux, l’intérêt principal de ces déclarations est de couvrir un large argumentaire, propre à justifier un renouvellement de l’action publique relative à la protection sociale de l’artiste.

1.2.2. L’importance économique du secteur culturel et créatif

52La floraison des recommandations internationales va de pair avec une reconnaissance croissante du poids des professions artistiques, culturelles et créatives dans la création de valeur ajoutée (numéraire, symbolique, relationnelle), et ce quelle que soit l’échelle territoriale considérée. Sans doute, la valeur de la culture est plurielle et son importance ne se laisse pas réduire à ses dimensions économiques : on ne saurait limiter cette valeur à une mesure purement comptable et à des indicateurs purement monétaires. En outre, le poids économique d’un secteur n’indique rien sur le niveau de revenu des travailleurs qui y sont actifs, en l’occurrence très variable.

53Mais il faut relever que l’importance économique du secteur culturel et créatif (SCC) fait aujourd’hui l’unanimité. Du reste, elle est confirmée régulièrement à l’échelle mondiale  [32], à l’échelle européenne  [33] et dans des pays voisins tels que la France  [34]. En Belgique, le montant du chiffre d’affaires du SCC s’élève à environ 48 milliards d’euros en 2012, ce qui représente 4,8 % du chiffre d’affaires global  [35]. En 2011, le SCC a dégagé en Belgique autour de 15,6 milliards d’euros de valeur ajoutée, soit environ 4,8 % du produit intérieur brut (PIB)  [36].

54Cet ordre de grandeur est similaire aux divers constats européens et place le SCC dans une position avantageuse, qui souligne une réelle opportunité d’investissement pour les pouvoirs publics. On parle d’un effet « multiplicateur de la production » lorsque, pour chaque euro dépensé en faveur d’une organisation culturelle, une somme supérieure est produite dans le reste de l’économie par effets directs, indirects ou induits sur toute la chaîne de production nationale  [37]. En Belgique, selon une étude de Henri Capron (ULB) réalisée en 2010, « le coefficient multiplicateur tourne autour de 2 » s’agissant des établissements scientifiques fédéraux  [38]. D’autres études mentionnent un impact beaucoup plus important, de l’ordre de 1 à 6, mais elles reposent généralement sur des méthodologies peu fiables  [39].

55Si ces données montrent la vigueur des acteurs privés de la culture, les pouvoirs publics ne sont pas en reste. En 2014, selon les chiffres de la Banque nationale de Belgique (BNB), les dépenses des pouvoirs publics belges se sont élevées à environ 220 milliards d’euros, dont 2,8 milliards pour les services culturels, de radiodiffusion, de télévision et d’édition.

56Il faut toutefois relever que le SCC est hétéroclite et que la santé financière des différents sous-secteurs culturels n’est pas uniforme. Les secteurs dont les œuvres créatives peuvent être reproduites ou numérisées ont une marge bénéficiaire potentielle plus élevée que ceux qui sont soumis à une économie de prototype (où chaque œuvre est unique, comme dans les arts vivants). Globalement, alors que dans toute l’histoire de l’humanité la culture n’a jamais été autant diffusée et accessible, les chaînes de valeurs économiques sont fortement bousculées par le phénomène de dématérialisation des biens et des services culturels. Cette phase de mutations technologiques met tout particulièrement en péril les professions liées à la recherche et au développement, c’est-à-dire aux métiers créatifs et, plus particulièrement, aux artistes.

57Dans ce contexte, l’amélioration des conditions d’exercice, d’accompagnement et de soutien des carrières artistiques peut sembler un investissement opportun pour les pouvoirs publics, d’autant que le coût de cet investissement apparaît comme relativement modeste au regard des volumes financiers concernés. Ainsi, afin de se faire une idée de l’ordre de grandeur budgétaire relatif à la couverture sociale de l’artiste, signalons que, pour l’ensemble de la Belgique, en 2016, les allocations de chômage octroyées aux artistes salariés en situation de chômage se sont élevées à 81 millions d’euros. Les dispositions réglementaires qui se rapportent à ce montant représentent la neutralisation de la dégressivité des allocations de chômage de certains artistes (disposition erronément nommée « statut d’artiste »). À l’évidence, cette somme ne représente qu’une fraction marginale des dépenses publiques en matière culturelle et de l’apport global de la culture à l’économie du pays. Cela plaide pour la mise en œuvre de dispositifs de protection sociale relevant d’un principe solidaire d’assurance et non pas d’assistance aux artistes tel que cela existe depuis la création de la Caisse centrale des artistes en 1849  [40].

1.2.3. Les enjeux philosophiques et politiques

58Autre élément pris en compte dans les débats portant sur l’amélioration du sort des artistes, l’argument philosophique et politique consiste à identifier et à reconnaître la place emblématique jouée par ces derniers (et par l’art en général) au sein des régimes démocratiques. En effet, l’activité artistique représente une expression des plus abouties des libertés individuelles défendues par les démocraties libérales. La liberté artistique est nécessairement associée aux valeurs démocratiques et s’éloigne de tous les absolutismes. Les régimes totalitaires nazi, fascistes et communistes ont montré à suffisance leur mépris du pluralisme démocratique et leur volonté d’annihiler l’autonomie des artistes. C’est que les pratiques artistiques permettent un regard sur le monde singulier et unique, fruit de la démarche d’un sujet autonome. La création artistique libre véhicule ainsi un message philosophique, moral et politique de portée universelle.

59De surcroît, l’unicité de chaque geste créateur renvoie immanquablement à la multiplicité des expressions, à la pluralité des sensibilités et à la diversité des convictions éthiques et esthétiques, dont seuls les régimes démocratiques autorisent la vivacité. Protéger et soutenir les activités artistiques et, partant, l’exercice des professions artistiques, revient donc à reconnaître la valeur proprement esthétique de la liberté démocratique et à la promouvoir sur la scène internationale.

60En ce sens, le statut de l’artiste ne se limite pas à un simple dispositif de protection sociale, c’est un véritable marqueur de la démocratie. Les rapports de l’Organisation des Nations unies (ONU) illustrent à l’envi que l’universalité des valeurs des droits humains suit un cheminement long et ardu, loin de toute évidence. Réaffirmer l’attachement à ces valeurs chères à l’Occident devient alors aussi un devoir de mémoire culturelle.

1.3. Les spécificités des professions artistiques

61Faciliter, améliorer et protéger l’exercice des professions artistiques suppose toutefois un important effort d’analyse préalable de la part de l’autorité publique ou de tout acteur souhaitant peser sur le débat et la décision. En effet, les modalités pratiques d’exercice de ces professions sont particulières. Toute initiative politique visant à (re)définir la protection sociale (voire le statut) des artistes doit tôt ou tard prendre en considération cette spécificité des activités et des carrières artistiques.

62Comme nous le détaillerons plus avant, les unes et les autres se révèlent peu réductibles aux schémas dominants du marché du travail. Par ailleurs, les activités artistiques ne sont généralement pas perçues par leurs auteurs comme un « travail », comme une activité « laborieuse ». Le plus souvent, l’activité artistique répond à un besoin, à une nécessité d’expression qui l’éloigne, à divers degrés, des considérations matérielles. Autrement dit, nombre d’artistes ne créent pas (ou pas uniquement) pour « gagner leur vie », d’où cet effet collatéral : nombre d’entre eux sont prêts à accepter de s’adonner à leur art en étant peu ou en n’étant pas rémunérés.

63Les pouvoirs publics sont alors appelés à ajuster les dispositifs existants (par exemple en matière de sécurité sociale) de manière à répondre aux spécificités rencontrées et à pallier les phénomènes récurrents de précarité. La résolution du Parlement européen du 7 juin 2007 (cf. supra) est éloquente à cet égard, en ce sens qu’elle touche à la définition du périmètre d’action en invitant à « prendre en considération la nature atypique et précaire de toutes les professions liées à la scène »  [41]. Nous verrons plus loin que l’inclusion des travailleurs intermittents du spectacle vivant ou audiovisuel (artistes et techniciens) à un statut de l’artiste pose de nombreuses questions aux pouvoirs publics.

64Globalement, il ne s’agit donc pas de faire quelque exception pour les artistes, mais de tenir compte des caractéristiques et des conditions singulières (notamment socio-économiques) dans lesquelles s’exercent les professions artistiques, pour leur permettre de jouir d’un régime de protection sociale adapté et adéquat. Cet effort est d’autant plus crucial que ces singularités façonnent les pierres d’achoppement auxquelles se trouve inévitablement confronté le législateur, l’exécutif ou l’administration. Les éléments suivants sont particulièrement spécifiques et typiques : l’hyper-concurrence, la valorisation du travail artistique, la temporalité de ce travail et son exposition au risque et à l’incertitude.

1.3.1. L’hyper-concurrence et le financement de la création artistique

65Il faut tout d’abord souligner l’importance et l’impact du contexte global de financement de la création artistique sur la condition de l’artiste. Pour le dire rapidement, les mutations économiques dues à la dématérialisation et à la mondialisation de la culture pèsent lourdement sur les mécanismes de valorisation de l’activité créative. Cet environnement génère une hyper-concurrence  [42] des biens et services culturels et, par conséquent, de l’emploi artistique.

66De surcroît, la Belgique compte un enseignement supérieur artistique de haut niveau, attirant de nombreux étudiants étrangers, et diplômant près de 2 000 nouveaux travailleurs chaque année. La pression sur le marché de l’emploi artistique qui en découle favorise l’intermittence et complique à l’évidence la tâche des pouvoirs publics car elle augmente inévitablement le coût des systèmes de protection sociale.

67La question du financement public et privé de la création artistique et de l’emploi artistique se révèle donc au moins partiellement liée à la condition de l’artiste et à l’éventuelle élaboration d’un statut spécifique. Plus précisément, il faut évoquer l’existence de réflexions émergeant à l’échelle européenne et visant à dégager de nouveaux flux financiers dédiés à la création artistique. Citons par exemple une taxation des fournisseurs d’accès à l’Internet, une perception de droits sur les œuvres tombées dans le domaine public, une taxe visant les acteurs majeurs du numérique (GAFAM  [43], Netflix, etc.) à l’échelle européenne, le développement du financement participatif (crowdfunding) et du mécénat, et des mécanismes fiscaux incitatifs (tax shelter, crédit d’impôt, etc.).

1.3.2. La valorisation financière de l’activité artistique

68La valorisation financière de l’activité artistique peut être multiple. Elle peut passer par une contractualisation du travail réalisé, par la vente de l’œuvre produite et/ou par la perception de droits de propriété intellectuelle  [44]. De ce fait, une distinction est généralement opérée entre « travail » et « création » selon la nature des revenus perçus par l’artiste, en fonction des catégories légales (sociales et fiscales) existantes.

69Selon cette distinction, il y aurait, d’une part, des artistes interprètes qui seraient engagés, comme employés ou indépendants, et, d’autre part, des artistes créateurs qui créeraient de manière autonome et percevraient des droits d’auteur et, le cas échéant, le produit de leurs ventes. Ces catégories sont bel et bien fondées sur des pratiques existantes, la création relevant davantage de droits intellectuels et l’interprétation de revenus du travail. Toutefois, elles ne sont pas absolues, comme on l’a vu, et elles butent concrètement sur deux phénomènes, deux défis qui complexifient leur usage par les autorités publiques.

70Le premier défi relève à nouveau de la multi-activité des artistes. En effet, il n’est pas rare qu’un artiste soit à la fois créateur et interprète (par exemple, un compositeur musicien, un auteur chanteur, un acteur metteur en scène). De plus, un artiste créateur peut être salarié dans le cadre d’une commande d’œuvre et un artiste interprète peut percevoir des droits voisins auprès de PlayRight ou de la Société civile pour l’administration des droits des artistes et musiciens interprètes (ADAMI) en France. Bref, qu’ils soient créateurs ou interprètes, les artistes peuvent percevoir des revenus provenant du travail et aussi des droits intellectuels. Les catégories sont poreuses et se mêlent, créant des zones d’achoppement tant pour les pouvoirs publics que pour les artistes qui se trouvent ballottés d’une catégorie à l’autre. La prise en considération des revenus de la propriété intellectuelle dans le cadre de la protection sociale des artistes salariés en est une illustration.

71Le deuxième défi concerne la tendance à une sorte d’« ingénierie sociale et fiscale » pratiquée par certains opérateurs. Cette tendance consiste à combiner les différents revenus de l’activité artistique et à les requalifier selon les voies financières les plus favorables, c’est-à-dire à optimiser un assortiment de paiements en combinant les dispositifs existants (salaire, droit d’auteur, défraiement, etc.) de manière avantageuse. La précarité financière de nombreux artistes permet d’expliquer au moins partiellement les ressorts et motivations de tels procédés, associés à une optimisation plus ou moins légale des gains de leurs activités. Généralisée, cette tendance ne peut toutefois que créer une dynamique d’ajustements stratégiques réciproques entre pouvoirs publics et secteur culturel qui, comme nous le verrons plus loin, dessert largement la mise en œuvre d’une action publique claire et pérenne.

1.3.3. La temporalité du travail artistique : l’intermittence

72La temporalité du travail artistique se révèle elle aussi complexe et plurielle, résistant à toute entreprise de généralisation. La seule caractéristique qui paraisse vérifiable est l’absence de correspondance au modèle de contrat à durée indéterminée (CDI). Le travail artistique peut être bref et ponctuel, comme le travail de voix d’un acteur pour une publicité à la radio, ou long et pluriannuel, comme l’écriture d’un roman qui peut s’étaler sur plusieurs années par périodes d’écriture inégales.

73Dans certains secteurs tels que celui du spectacle, le travail est de plus en plus caractérisé par une intermittence, c’est-à-dire par la succession de périodes de travail de durées courtes et variables, de quelques heures à quelques mois. Cette intermittence est aussi parfois saisonnière, comme dans le cas du spectacle vivant où l’on constate des périodes de creux ou d’affluence selon les mois de l’année. Selon les pays et les modes d’organisation du marché du spectacle, cette intermittence est variable, parfois peu présente (Allemagne) et parfois démultipliée (France).

74À la temporalité de l’activité artistique même s’ajoute celle des revenus : ceux-ci sont inégalement répartis dans le temps et parfois différés de plusieurs années. C’est parfois le cas des droits intellectuels (droits d’auteur, droits voisins) dont le paiement différé cause à l’artiste des problèmes par rapport aux réglementations sociales et fiscales basées sur l’annualité. Cette situation appelle parfois des « solutions » d’étalement des montants perçus sur plusieurs exercices fiscaux.

1.3.4. Le risque et l’incertitude

75Enfin, l’activité artistique est soumise aux principes de risque et d’incertitude. Chaque œuvre nouvelle appelle une période de « recherche et développement », dont le financement n’est pas assuré et dont le succès futur est incertain. La réception des œuvres par les publics est largement imprévisible et dépend de facteurs extrinsèques tels que la mode et « la médiation culturelle (…) de nombreux intermédiaires »  [45], sans oublier d’autres prescripteurs esthétiques ou liés aux médias publicitaires.

76Dans une économie de prototypes sans cesse renouvelés, les investissements sont éminemment risqués. Ce risque est généralement supporté par les professions artistiques elles-mêmes, en partie via le travail en amont non rémunéré, et relativement peu par les structures de production artistique qui en bénéficient en aval. L’ensemble de ces contraintes « pèsent lourdement sur les métiers artistiques et particulièrement sur les métiers de la création »  [46]. Cette situation n’est pas propre aux artistes occupés en Belgique, mais est commune aux travailleurs des industries artistiques, culturelles et créatives de nombreux pays.

77L’organisation du marché du travail est une deuxième source d’incertitude pour les artistes du fait qu’« il existe (…) un lien incertain entre la formation, la qualification, l’activité réelle et le salaire »  [47]. La formation initiale, nous l’avons dit, ne garantit aucune perspective d’emploi et n’est par ailleurs pas nécessaire à l’entrée dans la profession. Les formes standardisées d’activation de l’emploi telles que les candidatures spontanées par l’envoi d’une lettre de motivation et d’un curriculum vitae sont généralement en décalage avec les pratiques plus informelles d’embauche du secteur artistique  [48].

78Troisième facteur d’incertitude, la relation entre l’activité artistique réelle et les modes de rémunération est aussi à tout le moins équivoque : le travail non rémunéré est présent jusque dans les organisations culturelles soutenues par les pouvoirs publics. De surcroît, les modalités de rémunération sont plurielles, du simple défraiement au régime du salariat en passant par des facturations de prestation pour lesquelles l’artiste est amené à choisir le régime de travail.

79Ainsi, note l’OIT, « de manière globale et même s’il est difficile d’étendre une analyse générale à tous les pays, toutes les activités et tous les sous-secteurs, on peut dire que (…) ces travailleurs à “portefeuilles d’activités” [“portfolio workers”] combinent plusieurs statuts d’emploi, le plus souvent parce qu’ils n’ont pas le choix (par exemple parce qu’ils sont engagés pour se produire dans un seul concert ou de jouer dans un seul projet de film). En l’espace d’une semaine, d’un mois ou d’une saison, ils peuvent être tour à tour salariés à temps partiel, travailleurs indépendants, chômeurs (avec ou sans allocations de chômage) et engagés dans des activités non rémunérées, comme du travail volontaire, une formation de mise à niveau, des études ou leur vie familiale »  [49].

1.3.5. L’inadéquation des référentiels classiques

80Ces traits propres aux carrières artistiques éloignent considérablement l’artiste des normes qu’il est censé respecter pour bénéficier d’un statut d’emploi et d’un statut social valides. Dès lors, les conditions dans lesquelles il exerce sa pratique peuvent mécaniquement le mener vers la précarité, au terme d’un dialogue de sourds avec l’autorité publique ou ses administrations. Ainsi, bien que le salariat à temps plein et à durée indéterminée demeure le modèle sous-jacent des pouvoirs publics et des interlocuteurs sociaux, il ne correspond pas ou plus à la réalité du marché de l’emploi des artistes.

81Plus largement, il faut du reste observer qu’au-delà des éléments spécifiques aux carrières artistiques, certains facteurs (hyper-concurrence, multi-activité, intermittence, diversité des statuts d’emploi) tendent à devenir des caractéristiques récurrentes au sein d’un nombre croissant de professions et d’emplois. Cette tendance s’accentue notamment au fil d’innovations dans le domaine du droit du travail, via le recours à des formes de contrats atypiques. La résurgence de la problématique des faux indépendants dans divers secteurs pèse également sur la généralisation de nouveaux modèles (comme celui de l’« économie collaborative ») centrés sur des liens faibles et flexibles entre parties prenantes (travailleur–employeur ou prestataire–donneur d’ordre). Dès lors, la réflexion portant sur les spécificités des professions artistiques peut, par certains aspects, anticiper une réflexion plus générale sur l’accompagnement et la sécurisation des nouveaux types de parcours professionnels, tous secteurs confondus.

2. Le cadre institutionnel

82Le cadre général mouvant et inachevé que nous venons d’évoquer se double, en Belgique, d’un cadre institutionnel singulier, source d’autres confusions et malentendus. Dans ce pays en effet, les pouvoirs publics sont susceptibles d’agir à différents niveaux de pouvoir sur les conditions d’exercice des professions artistiques et sur la protection sociale des artistes. C’est encore plus vrai depuis la sixième réforme de l’État, qui a rendu plus complexe la répartition des compétences entre l’Autorité fédérale et les entités fédérées. Les artistes sont particulièrement exposés à cette complexité. En effet, ne jouissant pas d’un statut spécifique, ils sont visés par une série d’adaptations ponctuelles des normes en vigueur, conçues par des instances distinctes, non coordonnées et parfois régies par des niveaux de pouvoir différents.

83Il en résulte deux éléments qui influencent en profondeur les débats et les prises de décision en la matière. D’une part, les acteurs qui ne maîtrisent pas la complexité du cadre institutionnel (dont un grand nombre d’artistes) méconnaissent les normes qui s’appliquent et les instances qui les produisent. Il s’ensuit une difficulté récurrente à produire un contre-discours ciblé, adressé à l’interlocuteur pertinent. D’autre part, les acteurs qui identifient correctement le cadre institutionnel ont la possibilité d’en tirer un bénéfice en matière de communication. Il leur est notamment possible de prétendre s’emparer publiquement d’une matière alors même qu’ils n’en détiennent pas la compétence et ne disposent donc d’aucun mode d’action concret. Par exemple, ce sont les Communautés qui montrent le plus grand intérêt politique pour la question du statut de l’artiste dans le débat public, puisqu’elles sont compétentes en matière culturelle, mais elles ne peuvent ou ne veulent agir que parcimonieusement via les quelques leviers à leur disposition.

84Rendre lisibles les modalités d’action de l’autorité publique sur la condition des artistes implique donc de décrire avec précision deux éléments qui conditionnent directement cette action : la structure du cadre institutionnel et l’identité des acteurs de la décision.

2.1. La répartition des compétences

85En Belgique, l’exercice des professions artistiques dépend pour une large part de l’existence d’aides et de subsides publics divers, dispensés aux structures publiques ou privées qui engagent les artistes (subsides de fonctionnement des théâtres ou des centres culturels, aides à la production, aides à la diffusion, commandes et achats d’œuvres, etc.). À cet égard, tous les niveaux de pouvoir sont concernés, y compris les provinces et les collectivités locales.

86Par ailleurs, il convient de voir dans quelles mesures et selon quelles modalités l’autorité publique peut également agir de manière directe sur les types d’emploi accessibles aux artistes. En la matière, ce sont l’Autorité fédérale, les Régions et les Communautés qui détiennent les clés d’une amélioration des conditions de travail des artistes.

87Enfin, à chacun de ces niveaux, les pouvoirs exécutifs et législatifs peuvent se mobiliser pour mettre à l’agenda le statut social de l’artiste, alimenter les débats et, le cas échéant, initier une action publique. Cet état de fait crée une gouvernance multi-niveaux du statut de l’artiste : il s’agit là d’un aspect fondamental des politiques culturelles, qui comporte d’importants enjeux en termes de coordination de ces politiques.

88Cela posé, les leviers d’action diffèrent considérablement selon l’entité concernée. Ainsi, en matière de sécurité sociale ou de statut de travail, c’est l’Autorité fédérale qui reste presque exclusivement compétente. Elle règle les différents statuts de travail – salarié, indépendant, fonctionnaire – ainsi que les réglementations relatives au chômage, à l’assurance maladie et à la pension. À cet égard, il faut rappeler que l’action de l’Autorité fédérale s’exerce selon des voies juridiques différentes selon les matières visées. Ainsi, toute adaptation du statut social des artistes suppose (comme en 2002 ou 2013, cf. infra) un acte législatif validé par le Parlement fédéral ; en revanche, une modification de la réglementation du chômage applicable aux artistes est du ressort du gouvernement fédéral, qui peut agir de sa propre initiative par voie d’arrêté royal ou ministériel ; enfin, une révision ou une supervision des normes administratives appliquées aux artistes par l’Office national de l’emploi (ONEM) ou l’Institut national d’assurances sociales pour travailleurs indépendants (INASTI) est de la compétence du ministre fédéral exerçant un pouvoir de tutelle sur ces administrations.

89À la suite de la sixième réforme de l’État, certaines compétences en matière d’emploi et de chômage ont été transférées de l’Autorité fédérale aux Régions. Celles-ci ont notamment vu leur rôle élargi en matière d’aide à l’emploi et de contrôle du chômage, cela incluant notamment les procédures d’« activation du comportement de recherche d’emploi des chômeurs » (ACRE).

90Quant aux Communautés, elles n’ont a priori aucune compétence en la matière. Ces entités ne peuvent dès lors agir que parcimonieusement : soit directement via les rares (mais précieux) leviers à leur disposition, notamment ceux de la formation et de l’information ; soit indirectement, sur l’emploi artistique (via des subventions ou des quotas de volume d’emploi imposés à leurs bénéficiaires).

2.2. L’enchevêtrement et la confusion des rôles

91Curieusement, c’est pourtant au niveau des Communautés que les discours politiques cherchent à se positionner dans le débat public : les programmes des partis politiques mentionnent principalement la question du « statut de l’artiste » au chapitre des Communautés et très peu au niveau fédéral. Tout se passe comme si, dans l’imaginaire politique et dans les débats publics, les Communautés s’imposaient comme les interlocuteurs incontournables, au point d’entretenir des discours de changement de politique publique, alors même qu’elles n’ont pas la possibilité d’y intervenir de manière directe et effective. C’est alors principalement sur le mode de la déclaration d’intention que les ministres en charge de la culture affichent les uns à la suite des autres une volonté d’améliorer le « statut des artistes ».

92Sans doute, la présence discursive des Communautés n’est pas réellement étonnante puisque ce sont elles qui s’adressent majoritairement au secteur de la culture et à ses associations sectorielles et professionnelles. De fait, lorsqu’un ministre de la Culture fraîchement désigné par son parti politique dresse l’inventaire du secteur d’activité dont il a la charge, il découvre que de nombreuses associations professionnelles revendiquent une amélioration des conditions de travail des artistes dont, notamment, un meilleur statut social. Et pourtant, la Communauté française n’est pas directement compétente en la matière et doit se limiter à des axes restreints, quoique significatifs, tels que la promotion de l’emploi dans le secteur culturel.

93Mais cette superposition des niveaux de pouvoir favorise également des pratiques d’évitement du blâme de la part de responsables politiques. En effet, les ministres communautaires de la Culture peuvent aisément se déclarer favorables à une amélioration du « statut de l’artiste » tout en renvoyant la responsabilité à l’Autorité fédérale. Par exemple, en 2014, pendant que la ministre de la Culture au sein du gouvernement de la Communauté française, Fadila Laanan (PS), entendait améliorer le statut de l’artiste, la ministre des Affaires sociales au sein du gouvernement fédéral, Laurette Onkelinx (PS), mettait en œuvre une réforme restrictive. L’asymétrie des coalitions gouvernementales ne permettait pas d’aligner l’action des deux ministres provenant pourtant du même parti politique.

94Pour le dire autrement, le débat public mené entre les associations professionnelles ou sectorielles et les pouvoirs publics a son centre de gravité dans les Communautés alors que le centre décisionnel réside principalement au niveau fédéral. En résumé, les Communautés sont les arènes de débat qui font écho aux préoccupations du secteur culturel alors que les débats politiques précédant les décisions législatives se font au niveau de l’Autorité fédérale, cependant que les Régions décident ou mettent en application nombre de réglementations relatives à l’emploi et au chômage.

95Dans ce contexte, au-delà des jeux et des joutes politiques qui surviennent entre ces différents niveaux de pouvoir selon que les coalitions gouvernementales y sont symétriques ou non, il faut encore relever que les modes d’organisation et de participation de la société dite civile diffèrent entre les niveaux de pouvoir. Deux cultures de la participation à la décision se trouvent confrontées. Au niveau fédéral, elle est ancrée dans un modèle néocorporatiste, qui réunit paritairement les représentants des employeurs et des employés au sein d’organes de délibération légalement institués (Conseil national du travail, commissions paritaires). Au niveau communautaire, la participation s’approche davantage d’un modèle consociatif, régi par la recherche de consensus entre parties prenantes au fil de délibérations multiples et permanentes, formelles ou informelles ; ce modèle garantit la protection et assure la présence des tendances idéologiques et philosophiques (les partis politiques) et des représentants des usagers (les organisations représentatives de secteurs ou de professions), selon les usages du Pacte culturel de 1973  [50] appliqués distinctement au sein de chaque Communauté.

96Ces divergences d’usages et de méthodes, peu perçues et rarement explicitées, achèvent de brouiller les repères des acteurs les moins rompus aux négociations avec les pouvoirs publics. D’autant que chaque modèle de participation mobilise et légitime des interlocuteurs différents.

2.3. L’Autorité fédérale et ses interlocuteurs

97C’est donc l’Autorité fédérale qui est principalement compétente pour décider les réglementations relatives au statut social de l’artiste. Pour ce faire, elle s’appuie sur ses administrations, sur plusieurs institutions publiques de sécurité sociale ainsi que sur diverses instances participant à la concertation sociale.

98La participation au niveau fédéral s’effectue principalement sur le mode de la concertation paritaire entre représentants des employeurs et des employés reconnus par l’autorité politique. Cela se traduit au sein du Conseil national du travail (CNT) et, sectoriellement, au sein de commissions paritaires (CP).

2.3.1. Les institutions publiques de sécurité sociale

99Outre les services publics fédéraux (SPF, c’est-à-dire les administrations), plusieurs institutions publiques de sécurité sociale (IPSS) peuvent jouer un rôle dans le processus d’action publique, telles que l’Office national de sécurité sociale (ONSS), l’Office national de l’emploi (ONEM) et l’Institut national d’assurances sociales pour travailleurs indépendants (INASTI). Ces deux dernières instances ont même orienté de manière déterminante l’histoire du statut social des artistes lors de certains épisodes clés (cf. Chapitre 4).

100Si l’on s’en tient à l’histoire récente, c’est sans aucun doute l’ONEM qui agit le plus significativement en la matière. Institution publique de sécurité sociale placée sous la tutelle du ministre fédéral de l’Emploi et dont les missions sont définies par l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs  [51], l’ONEM est géré paritairement par des représentants des employeurs et des travailleurs. Son comité de gestion se compose des organisations patronales et syndicales et de représentants du gouvernement fédéral. L’ONEM met notamment en œuvre le régime d’assurance chômage  [52] et, selon son contrat d’administration, « exécute la réglementation en la matière »  [53]. L’exécution des réglementations lui laisse néanmoins des marges de manœuvre qui exposent les artistes à des insécurités récurrentes (cf. infra). Par ailleurs, l’ONEM joue un rôle de conseil et de soutien du gouvernement fédéral dans la préparation et l’exécution de sa politique. Le contrat d’administration de l’ONEM prévoit que celui-ci « participe activement (…) à la rédaction de projets de réglementation »  [54]. Cette mission d’avis et de conseil est exercée selon la hiérarchie administrative ; elle ne fait pas l’objet de publicité ou de communication des positionnements défendus.

2.3.2. Le Conseil national du travail (CNT)

101Institué en 1952  [55], le CNT est « un organe de droit public qui a [principalement] comme mission d’émettre des avis ou des propositions à un ministre ou à un législateur, de sa propre initiative ou à la demande de ceux-ci, sur des problèmes généraux d’ordre social, qui concernent des travailleurs et des employeurs »  [56]. Le CNT est composé de 26 membres effectifs représentant à parts égales les organisations interprofessionnelles les plus représentatives des travailleurs et des employeurs. Les trois organisations syndicales belges sont la Confédération des syndicats chrétiens de Belgique (CSC), la Fédération générale du travail de Belgique (FGTB) et la Centrale générale des syndicats libéraux de Belgique (CGSLB). La Fédération des entreprises de Belgique (FEB) est quant à elle l’organisation patronale la plus importante.

102Le CNT dispose de la possibilité de « confier toutes études préparatoires à une commission »  [57] qui rassemble les interlocuteurs sociaux, toujours selon une représentation paritaire. Outre les membres désignés, le CNT peut y inviter des experts et des représentants des administrations, des IPSS ou encore, comme il l’a déjà fait, de la Commission Artistes  [58]. Ses avis et ses propositions « doivent être donnés sous la forme d’un rapport et mentionner tous les points de vue exposés pendant la discussion »  [59]. Les avis sont dits partagés quand les représentants des travailleurs et ceux des employeurs expriment des positions différentes, et sont qualifiés d’unanimes lorsqu’une position commune se dégage.

103Le CNT a rendu plusieurs avis spécifiquement consacrés au statut social des artistes, particulièrement à la question de leur accès à la sécurité sociale. À ce titre, il a joué un rôle prépondérant dans le dossier du statut de l’artiste. L’examen de ces avis révèle trois tendances récentes en la matière : tout d’abord, depuis 2002, le CNT rend des avis unanimes ; ensuite, le CNT est systématiquement consulté par les ministres ou les parlementaires travaillant sur le sujet ; enfin, le CNT n’hésite pas à se saisir de la question de sa propre initiative lorsqu’il le juge nécessaire  [60]. Bien que les avis du CNT n’aient pas de caractère contraignant, ils demeurent un point de référence incontournable pour l’Autorité fédérale en matière de concertation sociale.

2.3.3. Les commissions paritaires (CP)

104Au niveau des CP sectorielles, il n’existe pas de regroupement correspondant au secteur artistique ou culturel dans son ensemble ; en outre, certaines commissions sont scindées selon le critère linguistique. L’appartenance de plusieurs CP au secteur de la culture peut néanmoins être clairement identifiée, par exemple pour les branches d’activité suivantes : la CP 304 pour le spectacle, la CP 329 pour le socio-culturel, la CP 303 pour l’industrie cinématographique et la CP 227 pour l’audiovisuel. Il faut noter au passage qu’une part non négligeable de l’emploi artistique peut s’effectuer via le secteur de l’intérim, et relever dès lors de la CP 322 (travail intérimaire et entreprises agréées fournissant des travaux ou services de proximité).

105Chacune de ces CP rassemble des représentants de travailleurs et d’employeurs. Les travailleurs sont systématiquement représentés par les organisations syndicales reconnues : la CSC, la FGTB et la CGSLB. Les organisations représentant les employeurs sont quant à elles généralement spécifiques au secteur d’activité et se rapportent à l’ensemble de la Belgique ou, plus fréquemment, à une communauté culturelle (cf. Tableau 1).

106Les commissions et les sous-commissions paritaires ont pour mission : de concourir à l’élaboration de conventions collectives de travail (CCT) par les organisations représentées ; de prévenir ou de concilier tout litige entre employeurs et travailleurs ; de donner au gouvernement fédéral, au CNT, au Conseil central de l’économie (CCE) ou aux conseils professionnels, à leur demande ou d’initiative, des avis sur les matières qui relèvent de leur compétence ; de remplir toute autre mission qui leur est dévolue par la loi ou en vertu de celle-ci  [61].

Tableau 1. Commissions paritaires relatives au secteur culturel, composition et fonds liés

Tableau 1. Commissions paritaires relatives au secteur culturel, composition et fonds liés

Remarques :
- Ce tableau reprend les cinq commissions paritaires les plus directement concernées par le travail des artistes. Cependant, certains employeurs d’artistes relèvent d’autres commissions paritaires telles que la CP333 (Commission paritaire des attractions touristiques) ou la CP200 (Commission paritaire auxiliaire pour employés).
- La composition est celle renseignée en janvier 2019 par le site Internet du SPF Emploi, Travail et Concertation sociale.

107Les CP ont une capacité d’action via la négociation et la conclusion de conventions collectives de travail, qui peuvent être coulées sous la forme d’arrêté leur conférant une force obligatoire. Ces conventions collectives de travail règlent plusieurs aspects des relations de travail relatifs aux horaires de travail, aux modes de défraiement, à la classification des fonctions et aux barèmes salariaux. Les CP jouent également un rôle en matière d’emploi, de formation ou de pension par la création de différents fonds (cf. Tableau 1).

2.3.4. La Commission Artistes

108La Commission Artistes est un autre interlocuteur relevant de l’Autorité fédérale que peut consulter le pouvoir exécutif. Le cheminement de cette Commission a été pour le moins inégal, sinon chaotique. Sa création est prévue par l’article 172, § 1er, de la loi-programme (I) du 24 décembre 2002. La commission a été « officiellement constituée le 24 mars 2004, soit près de neuf mois après l’entrée en vigueur du nouveau statut social des artistes forgé par la réforme législative de 2002. L’installation effective de la commission était en effet subordonnée à la nomination de son président, qui intervint le 1er mars 2004 »  [62].

109À cette époque, la Commission Artistes est composée de deux fonctionnaires de l’ONSS, de deux fonctionnaires de l’INASTI et d’un président, personnalité indépendante qui doit avoir exercé des fonctions judiciaires pendant huit années  [63]. Elle est alors chargée de trois missions : « 1° d’informer à leur demande, les artistes de leurs droits et obligations en matière de sécurité sociale découlant de leur assujettissement à la sécurité sociale des travailleurs salariés ou au statut social des travailleurs indépendants ; 2° de donner des avis, sur demande d’un artiste ou de sa propre initiative, sur la question de savoir si l’affiliation d’un artiste visé à l’article 1erbis de la loi du 27 juin 1969 révisant l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs au régime d’assurance sociale des travailleurs indépendants correspond à la réalité socio-économique ; 3° de délivrer, sur requête de l’artiste, une déclaration d’indépendant dans les conditions et selon les modalités fixées par arrêté royal délibéré en Conseil des ministres »  [64].

110Son premier rapport d’activité, qui date de 2005, fait état de nombreuses difficultés rencontrées, notamment le fait qu’aucun financement n’ait été prévu pour le fonctionnement de la Commission, une charge de travail très importante n’étant pas prise en considération par les hiérarchies respectives, des missions variées et complexes, l’étendue de la mission d’information de la Commission, les lacunes et imprécisions des textes de loi, le risque de chevauchement des compétences entre l’Autorité fédérale et les entités communautaires ou régionales, etc.  [65]. Il faut ensuite attendre l’année 2016 pour que la Commission Artistes publie un deuxième rapport d’activité  [66], trois ans après avoir vu ses missions et son mode de fonctionnement profondément renouvelés par la réforme de 2013-2014 (cf. infra).

111La Commission Artistes apparaît au carrefour des deux grandes logiques de participation au processus de décision politique soulignées plus haut (néocorporatisme et consociativisme), qui ont du reste trouvé des points de rencontre cristallisés dans diverses institutions tant au niveau fédéral qu’au niveau communautaire. Si l’Autorité fédérale et ses services administratifs semblent avoir été majoritairement inspirés par les organes consultatifs paritaires, la Commission Artistes est dorénavant ouverte à d’autres acteurs issus du secteur culturel. Composée auparavant de 5 personnes, elle compte maintenant 28 membres effectifs répartis en deux chambres linguistiques  [67] et 24 membres suppléants. Y sont représentés les institutions fédérales concernées – ONSS, ONEM et INASTI –, trois représentants des syndicats de travailleurs (CSC, FGTB, CGSLB), trois représentants des organisations patronales et, se démarquant ainsi d’un paritarisme strict, trois représentants du secteur artistique. En outre, un représentant de chacune des trois Communautés est invité à siéger selon le régime linguistique. Les deux chambres linguistiques sont présidées par une seule et même personne, issue de la magistrature. La Commission Artistes incarne donc une hybridation des modèles de légitimité de représentation, mêlant instances d’arbitrage, institutions de sécurité sociale, syndicats de travailleurs et d’employeurs, représentants des entités fédérées et représentants du secteur artistique, le tout dans un dédoublement de nature linguistique.

112En 2013, le législateur fédéral a élargi les missions de la Commission Artistes au-delà de l’information aux artistes et de la vérification de l’adéquation du statut d’indépendant  [68]. Désormais, l’instance est amenée à statuer sur l’attribution d’un « visa artiste » aux artistes qui en font la demande, ce visa attestant du caractère artistique des prestations fournies dans le cadre d’un contrat d’emploi spécifique, le « contrat 1erbis » (cf. Chapitre 3). L’ONEM n’est donc plus la seule institution à statuer sur le caractère artistique d’une prestation, ouvrant vers des acceptions divergentes à propos d’un même cas, comme le relève alors la Commission : « À l’heure actuelle, plusieurs facteurs peuvent conduire à une différence de traitement d’un même dossier au niveau de la Commission Artistes et au niveau de l’ONEM »  [69].

113La Commission Artistes est aussi chargée de délivrer une « carte artiste », permettant d’accéder à un régime de paiement de prestations sous la forme d’un simple défraiement (régime des petites indemnités, RPI). Elle s’est également vu confier la mission de donner des avis quant aux projets de loi, d’arrêté et tous projets de norme qui lui sont soumis. Elle est donc dorénavant un interlocuteur officiel de l’Autorité fédérale dans les débats relatifs au statut de l’artiste. Elle est également invitée à participer à des réunions du CNT portant sur la question.

2.4. Les Communautés et leurs interlocuteurs

114Quant à elles, les Communautés sont compétentes dans les matières culturelles visées à l’article 4 de la loi spéciale du 8 août 1980  [70]. À ce titre, elles octroient des soutiens financiers à des organisations et à des personnes physiques dont l’activité principale est la création artistique. Cela comprend donc les arts visuels, les arts du spectacle, l’audiovisuel, la musique et la littérature. Bref, les politiques culturelles des Communautés exercent une influence directe sur les conditions d’emploi des artistes. Ces derniers confèrent dès lors aux Communautés un rôle d’autorité publique de référence. A contrario, deux commissions communautaires de la Région bruxelloise – la Commission communautaire française (COCOF) et la Vlaamse Gemeenschapscommissie (VGC, Commission communautaire flamande) –, bien qu’elles organisent des soutiens aux secteurs culturels, n’incarnent que peu la figure symbolique de « ministre de la Culture ». Elles ne sont par ailleurs pas non plus compétentes en matière de protection sociale des artistes. C’est également le cas de la Commission communautaire commune (COCOM), qui n’exerce de surcroît aucune compétence culturelle.

2.4.1. Les initiatives des Communautés

115En Communauté française  [71], il semble devenu coutumier pour les ministres de la Culture d’organiser de grandes consultations à l’entame de leur mandat. Ainsi, en une quinzaine d’années, se sont succédé les « États généraux de la culture », les « Assises du développement culturel territorial » et l’opération « Bouger les lignes » (BLL). Ces modes de participation charrient un ensemble de discours, de revendications et de synthèses qui tracent parfois des lignes suivies par les exécutifs. Le dernier en date, BLL, initié en 2014 par la ministre de la Culture du gouvernement de la Communauté française Demotte III (PS/CDH), Joëlle Milquet (CDH), a permis à la successeure de celle-ci au sein du même gouvernement, Alda Greoli (CDH), de produire une synthèse proposant de réaliser 40 actions pour une nouvelle politique culturelle. Deux actions touchent particulièrement au statut de l’artiste : l’action 11 « Amélioration du “statut” d’artiste et des règles y relatives » et l’action 14 « Renforcement de l’emploi artistique »  [72].

116Durant les travaux de BLL, le Guichet des Arts a établi un rapport fouillé sur les perspectives de modification des réglementations relatives au statut social des artistes  [73]. Rappelons toutefois que l’autorité communautaire ne dispose pas des compétences pour légiférer directement dans le domaine de la sécurité sociale. Quant à la promotion de l’emploi, il semble que l’exécutif communautaire n’ait à ce jour pas trouvé de moyen d’action praticable, bien que la question s’invite de manière récurrente à l’agenda parlementaire  [74].

117En Communauté flamande, il existe une instance faîtière chargée d’émettre des avis sur les questions de politiques culturelles : le Strategische Adviesraad voor Cultuur, Jeugd, Sport en Media (SARC, Conseil d’avis stratégique pour la culture, la jeunesse, le sport et les médias). Le SARC a rédigé un mémorandum pour la période 2019-2024  [75], dans lequel il aborde la question du statut de l’artiste. Il préconise le développement des carrières dans les secteurs de la création artistique et du patrimoine, et défend la nécessité de prendre des mesures réglementaires concrètes s’agissant notamment d’un renforcement du statut de l’artiste et de la position vulnérable des travailleurs freelance ou à missions de courte durée  [76].

118Le ministre de la Culture du gouvernement flamand Bourgeois (N-VA/CD&V/Open VLD), Sven Gatz (Open VLD), aborde également la thématique dans sa note de politique annuelle 2018-2019. Il y dit souhaiter « renforcer durablement la position de l’artiste avec une attention particulière pour les jeunes talents »  [77]. Il déclare avoir travaillé sur la question en concertation avec l’Autorité fédérale et la Communauté française, et avoir établi avec cette dernière une liste commune des problématiques et des propositions d’adaptation.

119Il est à noter au passage qu’à la différence de la Communauté française, la Communauté flamande n’attend pas un hypothétique transfert de compétences pour s’avancer dans une matière touchant à la sécurité sociale. Depuis 2008, elle participe au financement d’une pension complémentaire pour les artistes du spectacle vivant avec la CP 304 (rôle linguistique néerlandophone)  [78]. Le budget payé par la Communauté flamande est destiné aux artistes (répondant au code ONSS « Artistes ») qui ont travaillé auprès d’employeurs subventionnés structurellement et faisant partie de la CP du spectacle (304). Le montant octroyé à l’artiste varie chaque année selon son âge (plus il est âgé, plus le montant est élevé) et selon son montant salarial brut. Cette pension complémentaire pour les artistes est automatique et s’effectue auprès de la société Ethias. En 2016, 451 000 euros ont été partagés entre 2 499 artistes  [79].

120La Communauté germanophone développe également des politiques culturelles, notamment par des programmes de soutien tels que l’attribution de bourses aux artistes, la promotion de projets culturels, la promotion de l’art amateur, et le soutien aux associations culturelles professionnelles et aux infrastructures culturelles, aux musées et aux studios de création. Elle met également en œuvre des dispositifs de soutien direct aux artistes par l’achat de littérature et d’œuvres d’artistes de la Communauté germanophone. En revanche, elle ne développe pas de mécanisme touchant à la protection sociale des artistes.

2.4.2. Les organisations sectorielles, professionnelles et autres

121Actives au niveau des Communautés mais aussi parfois à l’échelon fédéral (au sein de CP ou de la Commission Artistes), de multiples organisations sont parties prenantes et irriguent les débats publics tant au sud qu’au nord de la Belgique. Si la Communauté française organise à ce jour un système d’agréation de ces associations, octroyant une reconnaissance à des fédérations professionnelles (anciennement dénommées organisations représentatives d’utilisateurs agréées - ORUA) qui permet de poser sa candidature pour siéger dans des « chambres de concertation », la Communauté flamande et la Communauté germanophone ne prévoient rien de tel. Soulignons néanmoins que la Communauté germanophone organise, une fois par an, des entretiens individuels entre le ministre de la Culture, d’une part, et les institutions culturelles professionnelles reconnues et le Musikverband Födekam Ostbelgien (qui est la fédération des arts amateurs), d’autre part, durant lesquels les professionnels de la culture échangent des informations avec le ministre sur la planification de leurs activités pour l’année à venir. Ces entretiens offrent la possibilité de discuter de problèmes et de questions éventuels. Il est à noter en outre que « les distances à parcourir pour se rendre au Ministère et auprès du ministre responsable de la Culture sont très courtes en Communauté germanophone, de sorte que l’échange peut également avoir lieu à court terme et à des occasions spécifiques »  [80].

122Le panorama des structures associatives montre globalement la représentation d’intérêts soit sectoriels soit professionnels et, à quelques exceptions près, suit toujours la logique de la frontière linguistique. Toutefois, les organisations représentatives franchissent de plus en plus souvent cette frontière linguistique pour porter ensemble des revendications communes auprès de l’Autorité fédérale, parallèlement au circuit « classique » de concertation sociale  [81].

123Rassemblant des sous-secteurs de la culture (musique, cirque, théâtre pour l’enfance et la jeunesse, etc.) ou des métiers de la culture (auteurs, techniciens, plasticiens, producteurs, chorégraphes, etc.), ces associations disposent de moyens financiers très inégaux. Certaines d’entre elles peuvent compter sur des activités lucratives pour financer leurs missions de représentation, mais la plupart le font tout à fait bénévolement.

124Le tableau 2 donne un aperçu des organisations représentatives qui sont peu ou prou invitées par l’un ou l’autre niveau de pouvoir public à exprimer leur position sur des questions d’action publique. On constate immédiatement que le nombre des parties prenantes est assez élevé en regard des organisations présentes dans les organes consultatifs permanents de l’Autorité fédérale. C’est que plusieurs intérêts catégoriels, sectoriels ou professionnels ne trouvent pas leur expression au sein des interlocuteurs sociaux et mènent à la création d’associations ad hoc. De plus, des collectifs d’artistes se créent régulièrement, bien souvent de manière éphémère, afin de faire valoir leurs points de vue sur la condition de l’artiste en Belgique.

125Outre ces nombreuses associations fondées sur un secteur artistique ou sur un groupe professionnel, quelques organisations ont pour caractéristique d’être difficilement identifiables. Il en est ainsi de l’organisation Smart. À l’origine, « Smart » est l’acronyme de « Société mutuelle pour artistes ». Sous le statut d’association sans but lucratif (asbl), elle se constitue en 1998 et propose des services similaires à un secrétariat social ou proches d’un portage salarial, offrant également des conseils en matière administrative, comptable, fiscale et financière, à destination des musiciens puis, rapidement, d’autres artistes. L’association se finance en prélevant un pourcentage sur chaque somme facturée au donneur d’ordre pour la prestation artistique. Smart connaît une croissance fulgurante, capitalisant des moyens financiers peu communs pour le secteur artistique belge. Elle démultiplie alors ses activités en autant de structures juridiques. L’asbl crée des sociétés privées à responsabilité limitée (sprl) pour des activités d’intérim, informatiques et immobilières. Elle crée également une fondation et étend son modèle à d’autres pays, caressant le projet de s’établir à l’échelle européenne. Récemment, Smart devient une société coopérative dont le core business excède désormais largement le seul secteur artistique pour s’intéresser aux nouvelles formes de travail précaires faisant généralement appel à des services d’intermédiaires du salariat tels que ceux proposés par Smart. Dernièrement, une association est apparue en Flandre qui paraît emprunter une part du modèle de Smart : Artists United. S’identifiant comme une association de défense des artistes, elle propose également des services de secrétariat social.

126Le tableau 2 recense 63 associations actives dans la représentation d’intérêts professionnels en lien avec le secteur de la création artistique  [82]. Bien que l’inventaire ait été effectué selon une optique large et inclusive, il ne peut prétendre à l’exhaustivité, notamment du fait de la création ou de la cessation d’activités parfois rapide de certaines organisations (un quart des associations ont moins de dix ans d’existence). Parmi elles, certaines se structurent clairement selon la représentation soit de travailleurs soit d’employeurs, plusieurs d’entre elles étant d’ailleurs présentes au sein de CP. Bien que certaines organisations demeurent actives à l’échelle de la Belgique, la plupart développent une activité ancrée à l’échelon communautaire francophone, néerlandophone ou germanophone. Le secteur du spectacle est le plus présent (tant les arts de la scène que l’audiovisuel) alors que celui des arts plastiques est le moins représenté. Le nombre important de ces associations ne préjuge en rien de leur pouvoir décisionnel au sein des instances de concertation, en particulier au niveau fédéral.

Tableau 2. Organisations sectorielles ou professionnelles dans le secteur artistique

Tableau 2. Organisations sectorielles ou professionnelles dans le secteur artistique

2.4.3. La mission d’information des Communautés envers les artistes

127Confrontés à un cadre institutionnel et réglementaire extrêmement complexe, les artistes et les organisations culturelles peinent souvent à identifier et à comprendre les normes qui leur sont appliquées. Cette difficulté a pour effet direct de fragiliser la pratique artistique et la situation matérielle de nombreuses parties prenantes. Si, en toutes circonstances, la compréhension par la population des normes qui lui sont appliquées constitue un enjeu démocratique fondamental, cela vaut davantage encore quand cette compréhension conditionne l’accès à une sécurité juridique, à une rémunération professionnelle ou à des prestations de sécurité sociale. Dans ce contexte, une série d’éléments incitent les Communautés à remplir une mission d’information auprès des artistes.

128Certes, de nombreuses organisations non liées aux Communautés sont censées remplir une telle mission. Au premier rang d’entre elles se trouvent les caisses de paiement des allocations de chômage, c’est-à-dire les trois organisations syndicales reconnues (CSC, FGTB et CGSLB)  [83] et la Caisse auxiliaire de paiement des allocations de chômage (CAPAC) : « les organismes de paiement restent compétents et responsables pour les missions qui leur incombent en vertu de l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs et de la loi du 11 avril 1995 visant à instituer la charte de l’assuré social, à savoir informer le travailleur sur ses droits et devoirs à l’égard de l’assurance chômage »  [84]. Ce rôle important de premier contact reste toutefois cantonné à l’information relative aux droits et devoirs à l’égard de l’assurance chômage. En outre, le degré d’information peut se révéler fort inégal d’une caisse de paiement à l’autre. Enfin, le degré de complexité croissant de la réglementation du chômage (en particulier de celle appliquée aux artistes) peut nécessiter un temps d’adaptation plus ou moins long des équipes des caisses de paiement, voire mettre sérieusement à l’épreuve leurs propres capacités de compréhension.

129La Commission Artistes a également dans ses attributions une mission d’information auprès des artistes quant à leurs droits et obligations en matière de sécurité sociale (que ceux-ci découlent du statut de travailleur salarié ou de celui d’indépendant). Force est pourtant de constater que cette mission n’est pas investie outre mesure, sauf éventuellement lors de contacts privés initiés par les artistes. Il n’existe à tout le moins pas de supports publics de communication mis en œuvre par la Commission Artistes pour informer de manière explicite les artistes de leurs droits et devoirs (brochures, foire aux questions, site Internet, séances d’information, etc.). Cela est probablement dû, au moins partiellement, aux moyens humains et financiers restreints dont dispose la Commission, ce dont celle-ci fait d’ailleurs état dans certains rapports (cf. supra).

130Par ailleurs, le manque d’accès des artistes à l’information, champ d’action stratégique partiellement délaissé par les organisations syndicales, a longtemps été comblé par diverses organisations privées, dont Smart, la plateforme Artist Project (ILES asbl) ou, plus récemment, l’asbl Atelier des droits sociaux. La plupart des organisations sectorielles ou professionnelles mentionnées précédemment diffusent également des informations auprès de leurs membres et du grand public sur les questions de statut social et fiscal des artistes. Plusieurs de ces associations ont développé une expertise juridique pointue et offrent parfois des services de conseil ou de formation à leurs membres, par exemple les sociétés d’auteurs (SABAM, SACD, SCAM, etc.).

131Dans ce contexte, la nécessité d’accéder à une information fiable et objective a suscité l’idée de créer un « guichet unique » en la matière. Dans le cadre de leurs compétences, ce sont les Communautés qui ont pris en charge cette mission d’information, parfois aussi de formation et de conseil, à destination des artistes et des organisations culturelles. Sous la forme d’un « guichet unique d’information », elles ont créé deux structures dans des proportions quelque peu différentes : le Guichet des Arts en Communauté française et le Cultuurloket (auparavant dénommé Kunstenloket) en Communauté flamande.

132L’expérience francophone n’a toutefois eu qu’une existence pour le moins éphémère. L’asbl Guichet des Arts a été créée en 2013  [85] et a été dissoute en 2017  [86]. Durant cette période, cette association a bénéficié d’une convention de la Communauté française octroyant annuellement 100 000 euros  [87]. À ce jour, ses missions n’ont pas été transférées à une autre association.

133En Communauté flamande, l’asbl Kunstenloket a été créée en 2004  [88] et a repris les activités du Helpdesk Kunsten. Elle était alors composée de représentants des organisations patronales, des organisations de travailleurs et des « kunstensteunpunten » flamands. Fin 2017  [89], elle a été rebaptisée Cultuurloket. La composition de son conseil d’administration comprend désormais une moitié d’administrateurs provenant des membres nommés par la Communauté flamande et l’autre moitié de membres indépendants reconnus pour leur expertise. Le Cultuurloket reçoit une subvention de la Communauté flamande dans le cadre d’une convention pluriannuelle, pour un montant qui s’élève chaque année à 1 522 000 euros durant la période 2018-2022  [90].

2.5. Les Régions et leurs interlocuteurs

134Les Régions ont des compétences qui agissent directement sur l’exercice des professions artistiques : les réductions spécifiques de cotisations salariales relatives aux artistes ; le contrôle de la disponibilité des chômeurs ; l’agrément des agences de travail temporaire, intérimaire et de placement (communément appelées bureaux sociaux pour artistes - BSA).

2.5.1. Les réductions de cotisations sociales

135Mise en œuvre en 2003, la réduction de cotisations sociales applicable aux artistes a été modifiée en 2014, avec pour conséquence une diminution substantielle de ces cotisations (cf. Graphique 1). Jusqu’au 31 décembre 2013, le mécanisme de réduction de cotisations sociales était basé sur l’arrêté royal du 23 juin 2003 portant des mesures concernant la réduction des cotisations de sécurité sociale dues pour l’artiste  [91]. Cet arrêté a été abrogé par la loi du 24 avril 2014 visant à adapter les réductions des cotisations patronales pour la sécurité sociale à la suite de la sixième réforme de l’État  [92], qui a créé une réduction « groupe-cible artistes », plafonnée à 517 euros par trimestre et par artiste. La compétence des réductions de cotisations « groupe-cible artistes » a alors été transférée aux Régions. À ce jour, les Régions n’ont pas modifié le mode de calcul de ces réductions. À l’échelle de la Belgique, le montant total des réductions de cotisations pour artistes s’élevait à 8,7 millions d’euros en 2018.

Graphique 1

Montants trimestriels des réductions de cotisations pour les artistes, par région du domicile du travailleur, en euros (2004-2019)

figure im3

Montants trimestriels des réductions de cotisations pour les artistes, par région du domicile du travailleur, en euros (2004-2019)

Source : ONSS.

2.5.2. Le contrôle de la disponibilité des chômeurs

136Suite à la sixième réforme de l’État, le contrôle de la disponibilité active des chômeurs est devenu une compétence des Régions (ainsi que, par suite d’un transfert d’exercice de compétence entre la Région wallonne et cette entité fédérée à la date du 1er janvier 2016, de la Communauté germanophone), bien que le cadre normatif applicable soit resté du ressort de l’Autorité fédérale  [93]. Les Régions et la Communauté germanophone peuvent uniquement définir les délais et les modalités de contrôle. Elles exercent désormais les tâches d’évaluation de la « disponibilité active et passive » des chômeurs. Les organisations ayant obtenu ces compétences sont : depuis 2016, l’Office wallon de la formation professionnelle et de l’emploi (FOREM) pour la Région wallonne, le Vlaamse Dienst voor Arbeidsbemiddeling en Beroepsopleiding VDAB pour la Région flamande, l’Arbeitsamt der Deutschsprachigen Gemeinschaft (ADG) pour la Communauté germanophone et, depuis 2017, Actiris pour la Région de Bruxelles-Capitale.

2.5.3. Les agences de travail temporaire, intérimaire et de placement

137Par son article 182, la loi-programme (I) du 24 décembre 2002 a inséré un article dans la loi du 24 juillet 1987 sur le travail temporaire, le travail intérimaire et la mise de travailleurs à disposition d’utilisateurs  [94] permettant d’engager des travailleurs artistiques. Cet article était alors formulé comme suit : « Les prestations artistiques qui sont fournies et/ou les œuvres artistiques qui sont produites contre paiement d’une rémunération, pour le compte d’un employeur occasionnel ou d’un utilisateur occasionnel, peuvent constituer du travail temporaire. Pour l’application de [cette disposition], il faut entendre par “fourniture de prestations artistiques et/ou production des œuvres artistiques” la création et/ou l’exécution ou l’interprétation d’œuvres artistiques dans le secteur de l’audiovisuel et des arts plastiques, de la musique, de la littérature, du spectacle, du théâtre et de la chorégraphie. Sont également considérées comme prestations artistiques pouvant constituer du travail temporaire les prestations exécutées par les techniciens de spectacle ».

138Depuis la sixième réforme de l’État, ce sont les Régions et la Communauté germanophone qui sont devenues compétentes pour le contrôle et la reconnaissance des agences d’intérim et de placement. Chaque Région dispose de sa propre réglementation et de sa propre procédure d’habilitation. Celles-ci se réfèrent à la catégorie des travailleurs artistiques d’une manière relativement similaire mais pas identique. À propos de « service de placement d’artistes », la Région wallonne et la Région de Bruxelles-Capitale évoquent les « personnes qui fournissent des prestations artistiques et/ou produisent des œuvres artistiques, à savoir la création et/ou l’exécution ou l’interprétation d’œuvres artistiques dans le secteur de l’audiovisuel et des arts plastiques, de la musique, de la littérature, du spectacle, du théâtre et de la chorégraphie »  [95]. Les réglementations wallonne et bruxelloise distinguent les agences de placement, soumises à un enregistrement, des agences d’intérim, soumises à un agrément. Quant à elle, la Région flamande fait mention des « artistes de spectacle : artistes dramatiques, lyriques, chorégraphiques et de variétés, musiciens, chefs d’orchestre, maîtres de ballet et artistes de complément qui se produisent contre rémunération lors de représentations, de répétitions, d’enregistrements sonores ou visuels » (« schouwspelartiesten: dramatische, lyrische, choreografische en variétéartiesten, musici, orkestleiders, balletmeesters en aanvullingsartiesten die tegen betaling optreden tijdens voorstellingen, repetities, auditieve of visuele opnames »)  [96]. Enfin, la Communauté germanophone cible le « placement d’artistes de spectacle : le service ayant pour objet d’aider les artistes, notamment des comédiens, des chanteurs, des danseurs, des artistes de variétés et de cirque, des mannequins, musiciens, chefs d’orchestre, chorégraphes et figurants à obtenir, contre cachet, des essais, des représentations et des enregistrements »  [97].

139Le tableau 3 montre les différentes reconnaissances accordées par les trois Régions concernant la mise à disposition de travailleurs intérimaires artistes  [98]. Certaines des entreprises reconnues sont actives sur l’ensemble du pays quand d’autres restent cantonnées à l’une ou l’autre région (ou bien, en toute hypothèse, n’ont pas encore réalisé la démarche idoine pour être catégorisées par la Région en tant qu’entreprises d’intérim réalisant la mise à disposition d’artistes). Les disparités régionales tiennent donc aux spécificités des marchés régionaux et, probablement en partie, à la complexité des procédures multiples d’agrément et d’enregistrement concernant la mise à disposition d’intérimaires artistes et le placement d’artistes.

Tableau 3. Entreprises agréées par les Régions concernant la mise à disposition d’intérimaires artistes (2019)

Tableau 3. Entreprises agréées par les Régions concernant la mise à disposition d’intérimaires artistes (2019)

Sources : Service public de Wallonie (SPW), « Liste des agences de placement agréées ou dispensées comme service de travail intérimaire, travailleurs artistes », 17 juin 2018 ; Service public régional de Bruxelles, « Agences d’emploi privées reconnues pour la mise à disposition d’artistes intérimaires », s.d. ; Vlaanderen, « Erkende uitzendbureaus voor artiesten », 4 janvier 2019.

2.5.4. La consultation et la concertation au niveau régional

140Les Régions disposent également d’organes de consultation et de concertation qui peuvent, le cas échéant, émettre des avis sur des matières touchant au statut social des artistes. En Région wallonne, il s’agit du Conseil économique, social et environnemental de Wallonie (CESE Wallonie) ; en Région bruxelloise, du Conseil économique et social de la Région de Bruxelles-Capitale (CESRBC) ; en Région flamande, du Vlaams Economisch Sociaal Overlegcomité (VESOC). À notre connaissance, seul l’organe bruxellois a publié un avis spécifique au statut social des artistes.

141En mai 2017, le CESRBC remet en effet un avis d’initiative sur les aspects régionaux du statut d’artiste  [99]. Ce document comporte deux aspects : les réductions groupes-cibles et le contrôle de la disponibilité sur le marché de l’emploi. Les réductions de cotisations ONSS pour les contrats d’artistes ayant été transférées aux Régions, chacune d’elles peut réajuster ce levier de soutien à l’emploi dans le sens qu’elle souhaite. Pour sa part, le CESRBC « considère qu’il est impératif de maintenir, voire de renforcer, le dispositif actuel afin de créer une dynamique d’évolution forte et d’en faire un levier économique substantiel »  [100]. Le contrôle de la disponibilité sur le marché de l’emploi est également examiné par le CESRBC, la réglementation actuelle stipulant que les artistes peuvent limiter leur recherche d’emploi au seul secteur artistique et non au marché général du travail à la seule condition qu’ils puissent prouver 156 jours de travail (dont 104 de nature artistique) dans les 18 mois. À cet égard, le CESRBC demande « l’instauration d’une certaine souplesse dans la détermination des prestations artistiques, au vu de leur particularité. Il souhaite qu’Actiris évalue le projet professionnel du demandeur d’emploi en tant que projet de vie et qu’il ne s’enferme pas dans des critères purement quantitatifs »  [101]. Le CESRBC entend sans doute par là se démarquer de la philosophie de contrôle propre à l’ONEM, auparavant compétent en la matière.

2.6. Les enjeux d’une coordination multi-niveaux

142Les lieux de débat et de décision se révèlent donc multiples, tant et si bien qu’apparaissent des enjeux de gouvernance multi-niveaux tels que les besoins de coordination et les difficultés d’homogénéisation. Il est à noter dès à présent que des discussions s’étant déroulées en 2017 au sein de la Commission des Affaires sociales de la Chambre des représentants rendent compte de ce souci car elles mentionnent l’appel fait aux Communautés pour remettre un avis sur la problématique. À cette époque, les ministres des Communautés française et flamande en charge de la Culture, respectivement A. Greoli et S. Gatz, ont répondu positivement et conjointement à cette sollicitation. Leur homologue au sein du gouvernement de la Communauté germanophone, Isabelle Weykmans (PFF), ne semble pas avoir été associée à cette démarche.

143Il est à relever que la gouvernance multi-niveaux de la culture a significativement été prise en considération depuis le début de la législature 2014-2019, notamment par la mise en œuvre de l’accord de coopération culturelle du 7 décembre 2012 conclu entre la Communauté française et la Communauté flamande  [102]. Mais également par la création de rencontres régulières baptisées « conférence interministérielle de la culture » (CIM Culture) initiées en septembre 2016 par les ministres A. Greoli et S. Gatz. Douze ministres sont conviés, représentant les niveaux de pouvoirs suivants : l’Autorité fédérale, la Communauté française, la Communauté flamande, la Communauté germanophone, la Commission communautaire française (COCOF), la Vlaamse Gemeenschapscommissie (VGC), la Région wallonne et la Région de Bruxelles-Capitale  [103]. Ce sont donc huit gouvernements qui se trouvent autour de la table de discussion. À ce jour, la CIM Culture n’a rendu public aucun travail relatif au statut de l’artiste. Toutefois, en 2020, la ministre de la Culture du gouvernement de la Communauté française Jeholet (PS/MR/Écolo), Bénédicte Linard (Écolo), émet le souhait d’établir une CIM spécifique au « statut de l’artiste ».

144Dès lors que l’on conçoit la relation intrinsèque et insécable entre le travail des artistes et leur statut social ou fiscal, la nécessité d’une coordination multi-niveaux des pouvoirs publics paraît peu mise en question. Toutefois, l’asymétrie politique de coalitions entre les différents niveaux de pouvoir et la volonté de chaque ministre de préserver l’exclusivité de ses compétences sont de nature à compliquer l’adoption de réglementations coordonnées.

2.6.1. Le fédéralisme de coopération et le fédéralisme de responsabilité

145Il convient également de souligner les effets croisés des politiques publiques de soutien à l’emploi artistique et des arbitrages en matière de sécurité sociale. D’une part, les politiques culturelles des Communautés ont une capacité de soutenir l’emploi artistique qui influe sur les nécessités de recourir à l’assurance chômage. D’autre part et inversement, la protection sociale des artistes porte des effets sur leurs trajectoires professionnelles et sur le marché de l’emploi artistique soutenu par les Communautés.

146Outre l’évident besoin d’un fédéralisme de coopération, émerge alors la nécessité d’un fédéralisme de responsabilité, au sein duquel chaque entité agit en prenant soin de ne pas faire porter de charge démesurée sur une autre entité de l’État fédéral, que cela soit à dessein ou non. Dans cette perspective, les dispositifs de protection sociale ne peuvent devenir le soin palliatif des manquements de politiques culturelles, et inversement. Les secteurs de la création artistique reposant pour une part significative sur l’intervention financière des Communautés, celles-ci disposent d’un levier d’action effectif sur le marché de l’emploi artistique ; la manière dont elles utilisent ce levier est forcément scrutée par les autres entités.

147En effet, dans le contexte politique belge, où des revendications de régionalisation de la sécurité sociale sont régulièrement émises, toute asymétrie communautaire ou régionale de recours à l’assurance chômage par les artistes pourrait constituer un argument en faveur d’une scission des mécanismes de solidarité. De fait, les marchés de l’emploi artistique du sud et du nord du pays diffèrent au moins à deux égards : selon les Communautés et les politiques culturelles qu’elles mènent (notamment les obligations en matière d’emploi liées aux subventions octroyées), et selon les accords à géométrie variable conclus au sein de sous-commissions paritaires sexuées linguistiquement (en particulier les barèmes salariaux définis distinctement par les CP selon le rôle linguistique).

2.6.2. L’évolution et l’hybridation des modes de participation

148De surcroît, le champ des associations représentatives est extrêmement vaste (cf. supra, Tableau 2). La multiplicité d’interlocuteurs sectoriels ou professionnels n’aide pas à rendre lisibles les positionnements des parties prenantes. Nous avons vu que chaque niveau de pouvoir est porteur d’une culture de la participation politique différente et que certaines institutions ont déjà incarné des formules hybrides, entre logique consociative et néocorporatiste. De fait, on remarque que les logiques de consultation, davantage présentes au niveau communautaire, et celles de concertation, ancrées dans les pratiques de l’Autorité fédérale, ont tendance à s’hybrider, voire à s’interpénétrer.

149Sans aller jusqu’à évoquer une crise du paritarisme, force est de constater l’apparition de nouveaux modes de participation à l’action publique. Causée notamment par l’action des Régions et surtout des Communautés, l’apparition de nouveaux modes de participation bouleverse les codes établis entre gouvernants et gouvernés et renouvelle les pratiques démocratiques bottom-up.

150Dès lors, de nouvelles légitimités voient le jour dans la représentation de pans sectoriels ou professionnels, qui entrent en concordance ou parfois en concurrence avec la logique paritaire largement ancrée dans les institutions fédérales, seules à être directement compétentes en matière de statut social des artistes. En d’autres termes, si les organes consultatifs fédéraux ont une vision plus large du marché du travail et de la sécurité sociale, ils ne sont pas toujours au diapason des organisations sectorielles qui ont une connaissance plus fine des réalités de terrain. L’hybridation des modes de participation s’opère de manière complexe dans ces interstices.

151Soulignons que ces évolutions ne règlent pas le problème de la multiplicité des canaux d’information destinés aux artistes, évoquée plus haut, qui entretient la confusion quant à la situation administrative et juridique de ces derniers. Ce handicap est encore accentué par le rythme élevé des modifications législatives, des ajustements réglementaires et des interprétations qu’en fait l’ONEM.

2.7. Les actions et déclarations hors-cadre

152Cet examen du cadre institutionnel complexe au sein duquel le sort des artistes est discuté resterait incomplet sans une brève évocation des modes de déclaration ou d’action qui échappent (au moins partiellement) à ce cadre. C’est en effet l’une des particularités des artistes (comme individus ou comme groupe socio-économique) que de pouvoir manifester leur perception du monde par leurs propres canaux d’expression, classiques ou réinventés. Parfois, leur notoriété accroît leur visibilité, ce qui leur confère la possibilité d’interpeller les décideurs politiques en dehors des voies institutionnelles ordinaires.

153Sans risquer ici une analyse systématique du phénomène, bornons-nous à signaler deux moyens utilisés par les artistes pour faire valoir leurs revendications. D’une part, l’interpellation directe du monde politique à l’occasion d’événements médiatiques : citons par exemple l’une ou l’autre tribune d’artiste lors de la cérémonie des Magritte ou l’intervention d’un artiste belge de renom au journal télévisé à une heure de grande écoute. D’autre part, la création d’une œuvre conçue spécifiquement pour dénoncer certaines conditions d’exercice d’une activité artistique : il peut notamment s’agir d’un film  [104] ou d’un spectacle de théâtre  [105]. Il n’y a pas lieu de surestimer l’impact de ces déclarations ou de ces actions mais il convient de souligner leur existence comme un élément parmi d’autres du débat démocratique en la matière, élément auquel les artistes peuvent recourir davantage que d’autres catégories professionnelles. Enfin, l’usage des réseaux sociaux tend à propager et amplifier les discours et les mobilisations tant d’organisations structurées que de personnalités ou de collectifs émergents.

3. Le statut social actuel de l’artiste

154Après avoir rappelé le cadre général et le cadre institutionnel dans lesquels s’inscrivent les politiques publiques en matière de protection sociale des artistes, nous livrons dans ce troisième chapitre un aperçu des dispositions légales et réglementaires régissant cette protection sociale. Par souci de clarté, ce chapitre examine les dispositions légales et réglementaires de référence, conçues comme permanentes au moment de la publication du présent Courrier hebdomadaire. Les mesures a priori provisoires, suspendant partiellement ce cadre de référence dans le contexte de la pandémie de Covid-19 (et parfois prolongées au fil des épisodes de la crise sanitaire) font l’objet d’une analyse ultérieure (cf. Chapitre 6).

3.1. La notion de « statut »

155Les mots « statut de l’artiste » peuvent être employés dans différentes acceptions. Il convient notamment de distinguer l’usage juridique de l’expression et son utilisation courante, en particulier dans le secteur artistique.

3.1.1. Les usages juridiques

156D’un point de vue juridique, un statut est un ensemble cohérent de lois et de réglementations qui déterminent les droits et les devoirs d’une catégorie de personnes dans un champ précis (par exemple, le statut de réfugié). En Belgique, « artiste » ne constitue pas une catégorie de ce type et les artistes ne se voient donc reconnaître aucun statut particulier.

157Dans le champ plus restreint de l’emploi, un statut social est un ensemble cohérent de normes fixant les prestations de sécurité sociale octroyées à une catégorie de travailleurs. Le droit commun distingue trois statuts sociaux correspondant à trois types de relations de travail : le statut social d’indépendant, celui de salarié et celui de fonctionnaire. Ce dernier est lui-même régi par un corpus de règles très précises constituant un statut à part entière : on parle dès lors de « travailleurs statutaires » ou de « travailleurs engagés sous statut » pour désigner les travailleurs de la fonction publique (concernés donc par un « statut de droit public »).

158En droit belge, les artistes ne sont pas pleinement identifiés comme une catégorie spécifique de travailleurs dotés mécaniquement d’un statut social déterminé. Dans une certaine mesure, la législation leur reconnaît, depuis 2002, la possibilité d’être liés par une relation de travail d’une nature particulière (le contrat dit 1erbis, qui n’est ni un contrat de travail classique, ni un contrat d’entreprise, ni un engagement statutaire). Mais, comme on va le voir, ce type de contrat ne procure pas aux artistes un statut social singulier : il crée uniquement, à leur usage exclusif, une modalité spécifique d’obtenir le statut social de salarié et la protection sociale correspondante.

159Tout artiste exerçant une activité professionnelle rémunérée et déclarée se voit donc attribuer, comme n’importe quel travailleur, tantôt le statut social d’indépendant, tantôt celui de salarié, tantôt celui de fonctionnaire. Cumuler plusieurs statuts sociaux lui est également possible, au besoin en combinant activités artistiques et non artistiques (par exemple, enseignant salarié à titre principal et artiste indépendant à titre complémentaire).

3.1.2. Relation de travail, statut social et droit du travail

160En règle générale, le statut social d’un travailleur est déterminé par la nature de sa relation de travail. Celle-ci conditionne donc le régime de sécurité sociale auquel le travailleur est assujetti. Or on sait que les prestations sociales varient considérablement d’un régime à l’autre. Ainsi, à la différence des travailleurs salariés, les travailleurs indépendants ne bénéficient pas de prestation sociale équivalente en matière de chômage (même si des droits-passerelles peuvent être octroyés), d’accident du travail ou de maladies professionnelles ; ils ne touchent pas non plus de pécule de vacances. La nature de la relation de travail constitue donc un premier enjeu fondamental pour les artistes, compte tenu des incertitudes propres à leurs carrières et de l’intermittence de leurs rémunérations. La situation des artistes est néanmoins particulière du fait de l’introduction des contrats 1erbis.

161Par ailleurs, en règle générale, la nature de la relation de travail conditionne aussi les normes individuelles et collectives s’appliquant au travailleur en matière de droit du travail : conditions de travail, sécurité, horaires, rémunérations, fin de contrat, bien-être au travail, etc.

162Dès lors, en règle générale, pour l’artiste comme pour tout travailleur, la détermination de la relation de travail est à la fois un enjeu de sécurité sociale et de droit du travail. Le statut social de l’artiste n’est donc lui-même qu’un des éléments d’une double problématique, beaucoup plus vaste.

163Il convient de le rappeler car, au sein même des milieux artistiques, le débat se focalise volontiers sur le premier enjeu (le statut social) en passant sous silence le second (le droit du travail). La détermination du statut social accapare l’attention des parties prenantes, axant fréquemment leurs priorités sur l’accès à des revenus de remplacement stables et suffisants. Il s’ensuit que le droit du travail est souvent le grand absent des controverses sur la condition des artistes, comme si les avancées en matière de sécurité sociale devaient se payer de reculs en matière d’encadrement légal des activités artistiques.

3.1.3. L’expression « statut d’artiste » en Belgique

164De ce fait, à quelques exceptions près (dont les travaux des tables rondes de 1991-1992), les débats sur la condition des artistes portent systématiquement sur quelques aménagements mineurs qui leur sont consentis en matière de sécurité sociale. Ces aménagements sont réputés tenir compte de certaines particularités des professions et des carrières artistiques (cf. Chapitre 1). Ils s’appliquent (sous conditions) aux travailleurs exerçant des « activités artistiques » reconnues comme telles par les instances compétentes.

165En particulier, des « activités artistiques » salariées peuvent donner lieu à une neutralisation temporaire de la dégressivité des allocations de chômage, potentiellement reconductible d’année en année (cf. infra, section 3.2.5). Certains nomment aujourd’hui « statut d’artiste » cet avantage précis, qui juridiquement ne constitue ni un statut ni un statut social mais une simple dérogation ponctuelle à la réglementation du chômage. D’autres utilisent parfois la même expression en référence à l’avantage de la « règle du cachet » ou pour désigner l’accès dérogatoire à la sécurité sociale des travailleurs salariés via le contrat 1erbis (cf. infra).

166Cette réduction courante de la notion de « statut d’artiste » à certains dispositifs spécifiques en matière de chômage appelle deux remarques. D’une part, elle révèle le besoin criant qu’ont les artistes d’obtenir un revenu de remplacement stable et durable. D’autre part, elle traduit et alimente une méconnaissance de l’ensemble des enjeux de la problématique, pouvant conduire à une limitation des revendications portées ou prises en compte.

167Quoi qu’il en soit, cet usage restreint de l’expression « statut d’artiste » s’est généralisé en Belgique, y compris dans les médias. Prêtant à confusion, il contribue à brouiller un peu plus les perceptions d’une réalité déjà singulièrement complexe. Dans le présent Courrier hebdomadaire, par souci de clarté, nous n’utilisons jamais les mots « statut d’artiste » ou « statut de l’artiste » en ce sens.

3.1.4. Le « statut de l’artiste » dans un sens symbolique

168Symboliquement enfin, la notion de « statut » renvoie à la position occupée par un individu ou une fonction dans une communauté donnée, ainsi qu’à la manière dont cette communauté considère cette position. De fait, dans de nombreux discours visant à rappeler l’importance sociétale des artistes et de la culture, le mot tend à désigner le crédit et le soutien accordés aux activités artistiques par le corps social, en particulier par les pouvoirs publics. Il s’agit souvent, dans ces discours, d’appeler à une « revalorisation du statut de l’artiste ».

169L’expression prend ici un sens composite, qui déborde le champ juridique pour se charger de connotations, d’associations voire de projections difficiles à identifier et à démêler. Celles-ci nourrissent volontiers des revendications formulées pêle-mêle en termes de légitimité, de valeur, de condition d’emploi ou encore de reconnaissance. La prégnance et la constance de telles revendications semblent indiquer la persistance d’un fossé entre les attentes de la sphère artistique et les priorités (ou les référentiels) de la sphère politique.

3.1.5. Le « statut de l’artiste » dans la communication politique

170À cet égard, la multiplicité des sens, des connotations et des représentations associées à une terminologie est propice à des usages approximatifs de celle-ci. C’est particulièrement manifeste lors de déclarations ou d’annonces visant à susciter l’adhésion. De ce point de vue, la manière dont les acteurs politiques communiquent sur la problématique du « statut de l’artiste » (par voie de presse ou lors de la rédaction de programmes électoraux) est volontiers marquée d’une imprécision consciente ou inconsciente, qui peut procéder d’une forme de stratégie ou d’une forme de négligence.

3.2. Les dispositions en matière de sécurité sociale

171Cela posé, on peut mieux prendre la mesure de ce qui tient lieu de statut social des artistes en Belgique, à savoir une série d’adaptations ponctuelles consenties en matière de sécurité sociale. Fruits d’une histoire complexe et inachevée (cf. Chapitre 4), ces adaptations ne forment pas un système mais constituent une mosaïque de dispositions dérogatoires, conçues au fil d’une dynamique itérative de « bricolages ».

172Un premier type de dispositions dérogatoires (3.2.1 et 3.2.2) concerne les critères utilisés pour déterminer le mode d’assujettissement de l’artiste à la sécurité sociale. D’autres dispositions (3.2.3 à 3.2.6) consistent en des aménagements dans le champ limité de l’assurance chômage (conditions d’accès, non-dégressivité, etc.). Un troisième volet de dérogations (3.2.7 à 3.2.9) concerne les modalités d’accès à d’autres prestations au sein de la sécurité sociale des travailleurs salariés : allocations familiales, vacances annuelles, pension. Enfin, l’impact de la perception de droits d’auteur et droits voisins sur la couverture sociale des artistes requiert aussi quelques points d’attention (3.2.10).

173Pour la plupart des dispositions dérogatoires examinées, nous rappelons tout d’abord succinctement la règle générale en vigueur puis les adaptations propres aux artistes ; ensuite, nous détaillons les bénéficiaires concrètement concernés ; enfin, nous analysons la portée et les limites du dispositif.

3.2.1. L’assujettissement à la sécurité sociale en l’absence de contrat de travail

174En règle générale, un travailleur obtient le statut social de salarié s’il est occupé dans les liens d’un contrat de travail ; il obtient celui de travailleur statutaire s’il est occupé sous le statut d’agent de la fonction publique ; quant au travailleur indépendant, il est en principe défini par défaut comme « une personne physique qui exerce en Belgique une activité professionnelle pour laquelle elle n’est pas engagée par contrat de travail ou sous statut »  [106]. Selon ce principe, un artiste qui exercerait son activité professionnelle sans être engagé sous statut ni contrat de travail serait de facto assujetti à la sécurité sociale des travailleurs indépendants.

175Par dérogation à ce principe, l’artiste exerçant une activité artistique rémunérée en l’absence de contrat de travail peut être assujetti au régime général de sécurité sociale des travailleurs salariés sur la base de cette activité. C’est ce qu’établit l’article 1erbis de la loi du 27 juin 1969 organisant la sécurité sociale des travailleurs salariés (introduit dans le texte légal lors de la réforme législative de 2002 puis modifié lors de celle de 2013).

176L’article dispose dans son alinéa 1er que cette loi « est également applicable aux personnes qui, ne pouvant être liées par un contrat de travail parce qu’un ou plusieurs des éléments essentiels à l’existence dudit contrat au sens de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail sont inexistants, fournissent des prestations ou produisent des œuvres de nature artistique, contre paiement d’une rémunération pour le compte d’un donneur d’ordre, personne physique ou morale. Dans ce cas, le donneur d’ordre est assimilé à l’employeur et doit assurer les obligations [en matière de déclaration et de paiement des cotisations sociales] »  [107].

177Par ce texte, un assujettissement dérogatoire au régime général de sécurité sociale est instauré, sur la base d’un type de contrat d’un nouveau genre entre l’artiste et son donneur d’ordre. On parle de contrat 1erbis en référence au numéro de l’article de loi qui en détermine les applications  [108]. Ce contrat 1erbis n’est pas un contrat de travail : il pallie son absence en matière de sécurité sociale, dans un nombre restreint de situations d’emploi propres aux personnes qui « fournissent des prestations ou produisent des œuvres de nature artistique ».

178En effet, un contrat de travail en bonne et due forme requiert trois éléments essentiels : l’existence d’une prestation, celle d’une rémunération et celle d’un lien de subordination entre les deux parties. Ce dernier élément peut être difficile voire impossible à établir dans le cas d’une prestation artistique. En rendant cet élément facultatif pour certains artistes, l’article 1erbis inséré dans la loi du 27 juin 1969 leur permet d’être assimilés à des travailleurs salariés nantis d’un authentique contrat de travail, du moins pour ce qui concerne l’assujettissement à la sécurité sociale (cette assimilation ne vaut pas en matière de droit du travail, comme nous l’avons vu).

179Dès lors, « contrairement à une relation de travail ordinaire, l’exercice d’une autorité ou d’une subordination juridique ne doit (…) pas être démontrée pour les activités d’un artiste. Il suffit de constater que l’artiste fournit des prestations artistiques et/ou produit des œuvres artistiques sur commande et moyennant rémunération pour que l’assimilation soit applicable »  [109].

180Par ailleurs, le même article 1erbis prescrit l’assimilation du donneur d’ordre à l’employeur de l’artiste, ce qui permet d’identifier la personne physique ou morale tenue de s’acquitter du paiement des cotisations sociales. La loi précise ailleurs la définition du donneur d’ordre : « celui qui donne mission à une personne de fournir une prestation artistique ou de produire une œuvre artistique au sens de l’article 1erbis, § 1er, de la loi. Est aussi considéré comme donneur d’ordre celui chez qui la personne est mise à disposition »  [110].

3.2.1.1. Bénéficiaires du dispositif

181Le texte est susceptible de s’appliquer lors de « la fourniture de prestations et/ou la production d’œuvres de nature artistique ». Cette expression est plus loin définie comme suit : « la création et/ou l’exécution ou l’interprétation d’œuvres artistiques dans les secteurs de l’audiovisuel et des arts plastiques, de la musique, de la littérature, du spectacle, du théâtre et de la chorégraphie »  [111]. D’un point de vue strictement juridique, toute personne qui crée ou exécute une œuvre dans les secteurs précités est susceptible d’entrer dans le champ d’application de l’article 1erbis. Le recours au contrat 1erbis est donc ouvert tant aux artistes interprètes qu’aux artistes créateurs. Ces derniers sont particulièrement visés par l’assujettissement dérogatoire ainsi consenti, alors que les premiers sont a priori moins concernés.

182En effet, ordinairement, les conditions d’emploi des artistes interprètes ne sont pas de nature à empêcher l’établissement d’un contrat de travail. Ils sont le plus souvent engagés pour une prestation déterminée par un donneur d’ordre : celui-ci exerce un pouvoir de direction et de surveillance de cette prestation, laquelle donne lieu à une rémunération convenue entre les deux parties. Les trois éléments essentiels à l’existence d’un contrat de travail sont donc le plus souvent réunis, ce qui rend le recours au contrat 1erbisa priori sans objet.

183Il en va autrement pour une grande part des artistes créateurs, dont les conditions d’emploi ordinaires rendent la subordination de l’artiste à son donneur d’ordre moins tangible, voire inexistante. Ce dernier exerce rarement un réel pouvoir de direction ou de surveillance sur l’artiste, même en cas d’œuvre ou de prestation de commande. Pour les artistes créateurs, le contrat 1erbis joue donc pleinement son rôle en palliant l’absence de contrat de travail. Concrètement, pour autant que l’œuvre créée réponde à la commande d’un donneur d’ordre, ce dernier est assimilé à l’employeur de l’artiste créateur, et la somme acquittée pour l’œuvre est assimilée à une rémunération salariée ouvrant le droit au régime de sécurité sociale correspondant. Les artistes créateurs peuvent ainsi accéder à une couverture sociale étendue dont ils seraient autrement privés en restant assimilés à des travailleurs indépendants.

184Cependant, l’usage du contrat 1erbis n’est pas ouvert aux artistes de toutes les disciplines. Selon l’article précité, sont uniquement éligibles « les secteurs de l’audiovisuel et des arts plastiques, de la musique, de la littérature, du spectacle, du théâtre et de la chorégraphie ». Sont donc exclues les œuvres et prestations artistiques qui se situeraient en dehors de ces secteurs. Le législateur a opté « pour une énumération exhaustive des secteurs artistiques donnant lieu à assujettissement. La formulation du texte légal, l’absence de termes indiquant le caractère exemplatif de la liste et la dernière conjonction utilisée, plaide[nt] pour l’exhaustivité de l’énumération »  [112]. Bref, la liste est supposée close.

185Par ailleurs, un flou subsiste concernant les techniciens des secteurs artistiques dont l’activité peut aussi être de nature artistique, qu’il s’agisse de création ou d’interprétation. D’autant que l’importance des techniques et technologies au sein des créations et interprétations contemporaines, où croît l’interdisciplinarité, tend à inclure nombre de fonctions techniques aux activités artistiques. En pratique, l’ONEM dispose d’un pouvoir d’interprétation en la matière, donnant lieu à des contestations récurrentes. Pour sa part, la Commission Artistes exclut explicitement les techniciens et les fonctions de support du champ artistique. En revanche, lorsqu’il s’agit de travail temporaire et intérimaire, le technicien est assimilé légalement aux artistes.

3.2.1.2. Limites du dispositif

186Même au sein des secteurs artistiques éligibles, le recours au contrat 1erbis est strictement encadré. Il ne suffit pas qu’un artiste soit actif dans un de ces secteurs pour pouvoir bénéficier de l’assujettissement dérogatoire : celui-ci n’a rien d’automatique.

187Primo, l’artiste qui souhaite y recourir doit préalablement solliciter un « visa artiste » auprès de la Commission Artistes, par le biais d’un formulaire et selon une procédure clairement définis : « Le caractère artistique de ces prestations ou œuvres doit être attesté par le biais d’un visa artiste délivré par la Commission Artistes. À condition que, lors de sa demande de visa artiste, le demandeur adresse à la Commission Artistes une déclaration sur l’honneur attestant que la condition visée à l’alinéa premier est satisfaite, il est présumé exercer son activité conformément au présent article. Cette présomption vaut pour une durée de trois mois renouvelable une fois, et ce dès réception d’un accusé de réception délivré par la Commission Artistes attestant de la recevabilité de sa demande. En cas de refus du visa avant l’expiration de la période susvisée, la présomption tombe à partir de la date du refus »  [113]. Depuis le 1er janvier 2020, le visa artiste peut être sollicité directement via la plateforme en ligne officielle Artist@Work  [114], un accusé de réception est alors envoyé automatiquement au demandeur, en attendant la réponse de la Commission ; une requête par courrier demeure possible  [115].

188Le visa artiste est accordé si la nature artistique des œuvres ou des prestations fournies est dûment confirmée par la Commission Artistes. Celle-ci se prononce sur la base de la définition légale ainsi que d’une méthodologie figurant dans son règlement d’ordre intérieur. Concrètement, la Commission Artistes examine toute demande et peut être amenée à « examiner jusqu’à quel point une activité (création, production, prestation) a subi l’influence d’apport d’ordre artistique notamment sur le plan technique/technologique ou organisationnel ; se laisser inspirer par la législation sur les droits d’auteur et droits voisins ; tenir compte des formes, techniques ou technologiques, matériaux utilisés afin de réaliser une création / une prestation artistique »  [116].

189Secundo, le visa artiste est toujours consenti pour une durée limitée de 5 ans, renouvelable sur la base d’un nouvel examen par la même Commission Artistes, et peut être retiré par celle-ci « en cas d’abus ou de non-respect des conditions visées »  [117].

190Tertio, l’assujettissement dérogatoire n’est pas applicable « aux personnes qui fournissent des prestations et/ou produisent des œuvres artistiques dans le cadre de la personne morale dont elles sont le mandataire au sens de l’article 3, § 1er, alinéa 4, de l’arrêté royal n° 38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social des travailleurs indépendants »  [118], ni « lorsque la personne qui fournit la prestation artistique ou qui produit l’œuvre artistique fournit cette prestation artistique ou produit cette œuvre artistique à l’occasion d’événements de sa famille »  [119].

191Quarto, étroitement encadré légalement et administrativement, l’assujettissement dérogatoire de l’artiste au régime général de sécurité sociale en l’absence de contrat de travail est en outre réfragable, c’est-à-dire qu’il est susceptible d’être annulé ou interrompu à la demande de l’artiste : « Lorsque [l]es prestations [artistiques] ne sont pas fournies dans des conditions socio-économiques similaires à celles dans lesquelles se trouve un travailleur par rapport à son employeur, la commission Artistes peut délivrer à l’intéressé qui en fait la demande une déclaration d’activités indépendantes »  [120], la requête pouvant s’effectuer en ligne sur la plateforme Artist@Work depuis le 1er janvier 2020  [121].

192« Dans ce cas de figure, la reconnaissance du caractère artistique de l’activité pour laquelle la déclaration d’activités indépendantes a été octroyée ne s’accompagne pas de la délivrance d’un visa artiste »  [122]. Pour l’artiste, cela revient en somme à solliciter de la Commission Artistes l’autorisation de déroger à l’assujettissement dérogatoire : il fait le choix de restaurer le droit commun et d’être assujetti à la sécurité sociale des travailleurs indépendants, comme si l’article 1erbis n’existait pas. L’artiste n’est pas obligé de demander cette autorisation pour s’établir en tant qu’indépendant mais, pour peu qu’il soit dûment enregistré comme tel, l’autorisation de la Commission Artistes « lui garantit pour une durée de 2 ans maximum [renouvelable] qu’il a bien la qualité de travailleur indépendant pour le travail fourni »  [123].

193En théorie, seul l’artiste peut faire valoir ce caractère réfragable de l’assujettissement dérogatoire instauré par l’article 1erbis. Toutefois, « on ne peut (…) pas exclure qu’il y soit contraint par ses commanditaires ou donneurs d’ordre »  [124]. En effet, la situation du marché de l’emploi ne place pas forcément l’artiste en position de force pour imposer la relation de travail de son choix.

194Au final, il faut souligner l’originalité et l’importance de l’assujettissement à la sécurité sociale des salariés rendu possible par le contrat 1erbis, en particulier pour les artistes créateurs. Mais il convient aussi d’en relativiser précisément la portée, en épinglant une série d’éléments.

195En premier lieu, depuis la mise en place du visa artiste, on ne peut plus parler, au sens strict, d’une « présomption » d’assujettissement à la sécurité sociale des salariés consentie aux artistes dépourvus de contrat de travail. Ces derniers ne peuvent en effet recourir au contrat 1erbis et accéder à cet assujettissement qu’avec l’autorisation de la Commission Artistes et après en avoir fait la demande.

196En deuxième lieu, il faut insister sur le fait que le recours au contrat 1erbis n’assimile que partiellement l’artiste à un travailleur salarié. L’assimilation ne vaut en effet que pour l’assujettissement à la sécurité sociale : elle laisse l’artiste juridiquement démuni en termes de droit du travail. L’artiste y gagne sans doute l’accès à une protection sociale étendue (notamment en ce qui concerne la perception d’allocations de chômage), mais il ne bénéficie pas des autres protections dévolues au travailleur salarié sur la base d’un contrat de travail (loi sur le travail, barèmes fixés en conventions collectives de travail, etc.).

197En troisième lieu, cet assujettissement dérogatoire ne saurait précisément faire oublier la possibilité pour les artistes d’être assujettis à ce même régime de sécurité sociale par la voie ordinaire : en bénéficiant d’un contrat de travail lorsque leurs conditions d’emploi le permettent. Dans ce cas, ils redeviennent évidemment des travailleurs salariés comme les autres, bénéficiant cette fois de l’ensemble des avantages associés à cette relation de travail : en matière de sécurité sociale et aussi en matière de droit du travail.

198De ce point de vue, le contrat 1erbis a pu et peut encore apparaître à certains opérateurs comme une opportunité de se dégager de certaines contraintes vis-à-vis des artistes qu’ils engagent. In concreto, ces derniers disposent rarement d’un rapport de force avec les donneurs d’ordre leur offrant la possibilité d’exiger un contrat de travail, même dans les cas où celui-ci découle d’une obligation légale. Or l’entièreté du système de contrôle mis en place par les pouvoirs publics repose sur les déclarations des travailleurs. Il est dès lors impossible de quantifier les dérives nées de potentielles pressions exercées sur ces derniers par leurs donneurs d’ordre (l’un des motifs de ces pressions pouvant être la réduction de cotisations sociales associée au contrat 1erbis).

199En l’état actuel de la législation, le contrat 1erbis apparaît donc comme une alternative partielle au contrat de travail, offrant des droits moins étendus que ce dernier et réservée à un usage strictement encadré, dans des conditions d’emploi principalement rencontrées par les artistes créateurs. On verra ci-dessous (cf. 3.2.3 et 3.2.4) que les rémunérations perçues par l’artiste sous contrat 1erbis sont soumises, de surcroît, à un traitement spécifique en matière de chômage, tant sur le plan administratif que financier.

3.2.2. Les indemnités forfaitaires de défraiement : le « régime des petites indemnités » (RPI)

200En principe, toute rémunération perçue par un travailleur assujettit celui-ci à un des trois régimes de sécurité sociale et donne lieu au paiement de cotisations. En l’absence de paiement de ces cotisations, la rémunération est considérée comme frauduleuse (travail au noir). Par dérogation à ce principe de droit commun, le « régime des petites indemnités » (RPI) autorise un donneur d’ordre à octroyer à un artiste des indemnités de défraiement, exemptées de cotisations sociales et exonérées d’impôts. Ce système a été conçu afin de « régulariser » les échanges économiques souvent informels des franges les plus précaires du secteur culturel. Cependant, le RPI n’est en aucune façon considéré comme un mode de rémunération. Il s’agit d’un simple défraiement pour des activités artistiques « de petite échelle », soumis à certaines conditions.

201Concrètement, « sont considérées comme indemnités forfaitaires de défraiement (…) les indemnités octroyées aux personnes qui fournissent des prestations artistiques ou produisent des œuvres artistiques pour autant qu’elles ne dépassent pas 100 euros [132,13 euros en 2021] par jour et 2 000 euros [2 642,53 euros en 2021] par année civile. En outre, le nombre de jours pendant lesquels la personne peut prétendre à ces indemnités forfaitaires de défraiement ne peut dépasser 30 jours par année civile ni dépasser 7 jours consécutifs chez le même donneur d’ordre. Si, au cours du même jour, la personne fournit des prestations artistiques ou produit des œuvres artistiques pour différents donneurs d’ordre, les indemnités lui octroyées ne peuvent dépasser [132,13 euros en 2021] par donneur d’ordre ni être supérieures à [cette même somme] multiplié[e] par le nombre de donneurs d’ordre qui ont fait appel à lui pour ce jour »  [125]. Les montants maxima sont rattachés à l’indice santé et « adaptés au 1er janvier de chaque année (…). Au plus tard dans le courant du mois de décembre de chaque année, les montants applicables pour l’année civile suivante sont publiés au Moniteur belge »  [126].

202La volonté initiale du législateur était la suivante : « L’objectif de ce régime consiste à donner plus de sécurité juridique aux activités artistiques de “petite échelle” qui par la mise en place du nouveau statut social des artistes [forgé par la loi-programme (I) du 24 décembre 2002] se sont retrouvées, de façon involontaire, dans l’insécurité juridique. En vertu du nouveau statut social, toute indemnité octroyée à un artiste en contrepartie de la prestation artistique est considérée comme rémunération soumise à cotisations et ce peu importe la dénomination, la forme, la fréquence ou la hauteur de cette indemnité. Les indemnités de défraiement ne tombent toutefois pas sous la notion de rémunération. Les petites indemnités octroyées à des artistes dans le cadre d’activités artistiques de “petite échelle” (par exemple : les free-podium dans un café, les prestations d’une troupe théâtrale d’amateurs, l’exposition occasionnelle d’une académie de beaux-arts, etc.) constituent plutôt des indemnités de défraiement. Vu la spécificité de l’activité artistique et la grande diversité de frais occasionnés par une telle activité, il est administrativement très difficile (et donc coûteux), voire même impossible, de prouver le caractère de défraiement de ces indemnités »  [127].

3.2.2.1. Bénéficiaires

203De même que le contrat 1erbis, le RPI est exclusivement réservé aux artistes, voire seulement à certains d’entre eux. En effet, il n’est susceptible de s’appliquer que lorsqu’il y a « fourniture de prestations et/ou production d’œuvres de nature artistique » au sens de l’article 1erbis déjà cité  [128]. Les observations formulées au sujet du régime 1erbis valent donc également pour le RPI. En particulier, les techniciens des secteurs artistiques se voient a priori exclus du champ d’application.

204À la différence du contrat 1erbis, le RPI n’ouvre à lui seul aucun droit en matière d’assujettissement à la sécurité sociale ni en matière d’accès aux prestations sociales. Une prestation artistique réalisée en échange d’un paiement via le RPI n’est pas prise en compte pour l’ouverture ou la prolongation des droits en matière de chômage. Cela s’explique logiquement par le fait que le RPI n’occasionne le paiement d’aucune cotisation sociale. En revanche, la perception d’une indemnité forfaitaire de défraiement est assimilée à un travail et ne peut être cumulée avec la perception d’une allocation de chômage le même jour. L’artiste bénéficiant d’allocations de chômage doit donc noircir sa carte de pointage le jour où il recourt au RPI.

3.2.2.2. Limites du dispositif

205L’usage du RPI se trouve lui aussi partiellement encadré, notamment parce qu’il offre une alternative au salariat très attractive pour les employeurs en raison de l’exemption de cotisations sociales.

206Primo, l’artiste qui souhaite en bénéficier doit préalablement solliciter une « carte artiste » auprès de la Commission Artistes. Cette dernière est susceptible de refuser l’octroi de la carte artiste, si elle juge l’usage de celle-ci impropre en fonction de la demande reçue  [129]. Concrètement, « les cartes artistes font l’objet d’un examen préalable par le secrétariat de la Commission et les demandes problématiques sont soumises à la Commission Artistes même qui décide si la carte est octroyée ou refusée au demandeur »  [130]. Lorsqu’elle est accordée, la carte artiste est délivrée « gratuitement par le secrétariat de la Commission en même temps que la notification de la décision positive de la Commission »  [131].

207La carte artiste est également assortie d’un relevé des prestations, qui doit être tenu par année civile. Ce document, délivré par la Commission Artistes, reprend pour chaque prestation : le montant reçu à titre d’indemnités forfaitaires, la date de la prestation artistique, sa nature, sa durée chez un même donneur d’ordre, l’identité du donneur d’ordre et l’adresse de la prestation  [132]. L’artiste recourant au RPI est tenu de disposer sur son lieu de travail de sa carte artiste et de son relevé de prestations, ce dernier devant être complété avant le début de chaque prestation.

208L’obtention de la carte artiste a rapidement exigé un délai conséquent : 6 mois en 2016, ramenés à 8 semaines en 2017 pour les demandes les plus simples  [133]. Provisoirement, chaque artiste ayant sollicité la carte s’est alors vu autorisé à recourir au RPI sur la base du seul accusé de réception envoyé par la Commission Artistes, et ce en attendant l’avis (positif ou négatif) de celle-ci.

209Depuis la mise en service de la plateforme Artist@Work, le 1er janvier 2020, la demande peut être effectuée par enregistrement en ligne ainsi que par courrier ou courriel (avec, dans ces deux derniers cas, un traitement occasionnant « plusieurs mois de retard »  [134]) ; par ailleurs, recourir au RPI avant réception de la décision officielle de la Commission Artistes n’est plus autorisé  [135]. Enfin, il est à noter que l’artiste qui opte pour l’enregistrement en ligne est par la suite tenu d’encoder sur la plateforme Artist@Work chaque prestation donnant lieu à la perception d’un RPI, et ce avant le début de cette prestation  [136] : ce procédé revient à aligner le mode de déclaration d’un RPI par l’artiste sur celui de la « déclaration immédiate/onmiddellijke aangifte » (« dimona »), que tout employeur est tenu d’adresser à l’ONSS  [137].

210Secundo, l’accès au RPI via la carte artiste est accordé pour une période limitée à 5 ans, dont la reconduction nécessite une nouvelle demande examinée par la Commission Artistes  [138].

211Tertio, le recours au RPI n’est pas autorisé pour un artiste et un donneur d’ordre déjà liés par une relation de travail, via un contrat de travail, un contrat 1erbis, un contrat d’entreprise ou une désignation statutaire  [139]. Le RPI ne peut pas davantage être cumulé un même jour avec le remboursement d’autres frais forfaitaires ou réels par le même donneur d’ordre, ni avec une rémunération forfaitaire selon le régime du bénévolat.

212Quarto, l’utilisation du RPI dans des conditions impropres peut avoir d’importantes conséquences pour l’artiste et son donneur d’ordre. L’absence de carte artiste et/ou de relevé des prestations ou bien l’existence de mentions incomplètes ou fausses sur ce dernier exposent l’artiste et son donneur d’ordre à diverses sanctions : ils « ne pourront se prévaloir de ce régime pendant toute l’année civile en cours » et, pour les prestations déclarées erronément, « seront assujettis à toutes les branches [de la sécurité sociale des travailleurs salariés], le donneur d’ordre étant considéré comme l’employeur »  [140]. De même, en cas de dépassement du montant journalier autorisé, du montant annuel ou du nombre de jours annuels autorisés, l’indemnité forfaitaire de défraiement est susceptible d’être requalifiée en rémunération, impliquant le recouvrement de cotisations sociales et les conséquences fiscales  [141]. Cela vaut non seulement pour la prestation visée mais aussi « pour toutes les prestations artistiques effectuées et/ou œuvres artistiques produites pendant l’année civile pour le compte du donneur d’ordre (…), et ce pour toutes les indemnités payées par lui à cette personne au cours de l’année civile »  [142].

213Les missions et le fonctionnement de la Commission Artistes en matière d’octroi des cartes artistes n’ont été stabilisés qu’en 2017  [143], après une période de flou juridique d’une décennie. Durant cette période, le RPI était pratiqué sans aucune forme de contrôle ni de recensement via la carte artiste, alors inexistante bien que prévue par le législateur. Ce mécanisme a dès lors connu des dérives, voyant des employeurs (ou des commanditaires) opter pour un paiement en RPI en lieu et place d’un contrat de travail (ou d’un contrat 1erbis), sans doute par souci d’économie budgétaire (le paiement des cotisations sociales étant ainsi évité). De leur côté, les artistes les plus précaires ont pu être séduits par la perspective d’un revenu net et immédiat, ce défraiement devenant dans leur chef un salaire d’appoint, voire un mode de rémunération habituel lors de relations de travail sous-protégées et sous-rémunérées.

214Historiquement, le législateur motivait ainsi la création des RPI : « Ce régime spécifique d’indemnités de défraiement offre un cadre clair à l’intérieur duquel les activités artistiques de “petite échelle” peuvent être régularisées. De cette façon, l’initiative artistique est encouragée mais, en même temps, est développé un instrument (la carte “artistes”) permettant une meilleure traçabilité du travail bénévole dans le secteur artistique, condition première pour pouvoir combattre les abus dans ce secteur »  [144].

215La question de savoir si le RPI est à réserver aux artistes « amateurs » n’a pas été inscrite dans les réglementations, ni à l’époque ni plus tard (même si quelques déclarations ou publications officielles portant sur le RPI recourent ponctuellement à ce terme d’« amateurs »  [145]). Nous avons montré plus haut que la distinction entre artistes « amateurs » et artistes « professionnels » est globalement fragile, peu opérante et d’un usage complexe. En outre, en pratique, des « petites indemnités » ont été (et sont encore) susceptibles d’être payées à tous les artistes.

216S’agissant du nombre de demandes, les statistiques fournies par la Commission Artistes permettent aujourd’hui de tracer plus clairement qu’auparavant le bénévolat dans le secteur artistique (pour rappel, le RPI ne constitue pas une rémunération). En 2017, 13 253 demandes de carte artiste ont été reçues par la Commission. La carte artiste étant valable durant 5 ans, les demandes effectuées depuis 2014 n’ont en principe pas dû être renouvelées avant 2019. Sur cette période, 39 892 demandes ont été déposées et sont a priori le chef de personnes distinctes (cf. Tableau 4). Dans le même temps, le volume d’emploi salarié artistique équivaut environ à 3 000 équivalents temps plein (ETP). L’ampleur constatée de l’usage du RPI devrait permettre aux pouvoirs publics de s’atteler à combattre les situations abusives de travail non rémunéré (pour rappel, la loi considère que le RPI n’est pas une rémunération).

Tableau 4. Demandes de « cartes artistes » (RPI) reçues par la Commission Artistes (2014-2018)

Tableau 4. Demandes de « cartes artistes » (RPI) reçues par la Commission Artistes (2014-2018)

Remarque : Le tableau ne mentionne pas de « rôle germanophone », l’existence de ce dernier restant purement théorique dans les rapports d’activités de la Commission Artistes.

217Un examen complet de la problématique des abus doit toutefois intégrer le fait que les artistes eux-mêmes sont amenés à réagir aux modifications récurrentes et complexes de leur environnement professionnel et juridique. Ainsi, au cours des années récentes, l’accroissement de la complexité et parfois de la sévérité à leur égard en matière d’assurance chômage (cf. infra et Chapitre 4) a certainement contribué à faire du RPI une forme de « revenu de rechange » pour les plus démunis d’entre eux. Par ailleurs, cette adaptation des artistes à l’évolution des cadres en vigueur se produit toujours avec un certain délai, nécessaire pour que les nouvelles normes, souvent plus complexes que les précédentes, soient comprises et intégrées. C’est a fortiori le cas lorsque (comme la Commission Artistes) les instances officielles tardent elles-mêmes à concevoir et à communiquer leurs propres procédures.

3.2.3. L’admissibilité au chômage sur la base de prestations payées à la tâche : la « règle du cachet »

218Au sein du régime de sécurité sociale des salariés, les artistes peuvent bénéficier de dispositions dérogatoires en matière de chômage. La « règle du cachet » dont il est ici question concerne essentiellement la première étape en la matière : l’admissibilité aux allocations de chômage.

219En principe, pour être admis aux allocations de chômage, un travailleur doit prouver un nombre déterminé de jours de travail salarié (ou assimilés) au cours d’une période de référence. Le nombre de jours à prouver et la durée de la période de référence varient en fonction de l’âge du demandeur. Actuellement, pour un travailleur de moins de 36 ans, il faut prouver 312 jours de travail au cours des 21 mois précédant la demande. En outre, le nombre de jours pris en compte est calculé en fonction de l’horaire du travailleur, tel qu’il est mentionné dans le contrat de travail  [146].

220Un mode de calcul spécifique s’applique à l’artiste sollicitant l’admission au chômage sur la base de prestations artistiques rémunérées « à la tâche ». On parle également d’activités rémunérées « à la prestation », « à la pièce » ou « au cachet ». Ce dernier terme étant courant dans les secteurs artistiques, en particulier parmi les artistes du spectacle, il a donné son nom à la disposition dérogatoire  [147]. Quoi qu’il en soit, la loi définit la rémunération à la tâche (ou au cachet) comme suit : « le salaire versé par un employeur au travailleur qui a effectué une activité artistique lorsqu’il n’y a pas de lien direct entre ce salaire et le nombre d’heures de travail comprises dans cette activité »  [148].

221Pour les activités artistiques rémunérées à la tâche durant une période de référence considérée, la disposition dérogatoire suivante (règle du cachet) est appliquée par l’ONEM : « Le nombre de journées de travail pris en compte est obtenu en divisant la rémunération brute perçue pour ces occupations par 1/26e du salaire mensuel de référence [indexé et établi en fonction de l’âge du travailleur et des règles qui lui échoient en matière de revenu minimum mensuel] »  [149]. Autrement dit, le salaire brut payé « au cachet » est considéré comme le revenu d’une série de jours de travail fictifs, rémunérés au salaire de référence (62,53 euros par jour en 2021). Le nombre de jours fictifs généré par ce calcul est proportionnel au cachet perçu. Au sein de la période de référence, l’ONEM prend donc en compte un nombre de jours de travail supérieur au nombre effectivement mentionné sur le(s) contrat(s) au cachet (ou à la prestation). L’artiste bénéficiant de la règle du cachet voit ainsi son admission aux allocations de chômage facilitée, et ce d’autant plus que le cachet perçu est élevé.

222Étant donné la fragmentation croissante du marché de l’emploi artistique, il s’agit là d’un mode d’admission aux allocations de chômage incontournable pour de nombreux artistes, en particulier ceux qui débutent leur carrière professionnelle. En outre, la règle du cachet permet de suppléer l’absence d’un horaire de travail et d’un salaire horaire déterminés, circonstance courante tant pour les artistes créateurs que pour les artistes interprètes. Elle est également censée intégrer le fait qu’une prestation artistique rémunérée à la tâche, bien que renseignée à une date précise, suppose une période de travail préparatoire de répétition pour les artistes interprètes ou de conception pour les artistes créateurs, dont la rémunération convenue est supposée tenir compte.

223Enfin, il est à noter dès à présent que la règle du cachet trouve aussi à s’appliquer pour les artistes qui sollicitent l’application du mécanisme de « protection de l’intermittence », qui neutralise la dégressivité du montant des allocations de chômage (cf. infra, section 3.2.5).

3.2.3.1. Bénéficiaires

224Par définition, cette disposition dérogatoire s’applique aux « activités artistiques » reconnues comme telles par la loi : « la création et/ou l’exécution ou l’interprétation d’œuvres artistiques dans les secteurs de l’audiovisuel et des arts plastiques, de la musique, de la littérature, du spectacle, du théâtre et de la chorégraphie »  [150]. Cette définition recouvre celle de « la fourniture de prestations et/ou la production d’œuvres de nature artistique », établie pour les dispositions précédentes. La loi définissant la règle du cachet n’opère donc pas de distinction entre artistes interprètes et artistes créateurs. En revanche, les techniciens des secteurs artistiques en sont exclus.

225S’agissant des relations de travail, la règle du cachet s’applique de facto aux artistes salariés dont le contrat de travail mentionne une rémunération à la tâche. Mais elle s’applique aussi aux artistes sous contrat 1erbis, qui sont assimilés à des salariés en matière de sécurité sociale. Ces artistes, non soumis à un horaire car dispensés de tout lien de subordination vis-à-vis de leur donneur d’ordre, voient logiquement leur prestation considérée comme une activité rémunérée à la tâche : leur rémunération, assimilée à un salaire, est considérée par défaut comme un cachet.

3.2.3.2. Limites du dispositif

226Mécanisme dérogatoire emblématique, maintes fois reconsidéré, la règle du cachet se trouve encadrée et limitée par plusieurs règles et procédures.

227Primo, depuis 2014, le nombre de jours pris en compte après application de la disposition dérogatoire est limité à 156 par trimestre : il fait l’objet d’un calcul prenant en compte le nombre de mois durant lesquels les prestations visées ont été assujetties à la sécurité sociale  [151].

228Secundo, en matière de chômage, l’activité artistique rémunérée à la tâche est soumise à des exigences administratives spécifiques (et ce qu’elle soit effectuée sous contrat de travail ou sous contrat 1erbis). Ainsi, pour que la règle du cachet soit applicable, la ou les prestations prise(s) en compte doi(ven)t « faire l’objet d’une déclaration mensuelle supplémentaire à l’organisme de paiement (…). [Cette déclaration] doit s’effectuer sur un formulaire dont le contenu et le modèle sont fixés par le comité de gestion et selon les règles fixées par l’ONEM et doit comporter au moins le montant brut du salaire qui a fait l’objet de l’assujettissement et une déclaration sur l’honneur précisant les mentions apportées sur la carte de contrôle qui correspondent à l’activité »  [152]. En pratique, il s’agit d’un formulaire baptisé par l’ONEM « C3-artiste ».

229Tertio, pour l’ONEM, la pertinence de la « rémunération à la tâche » doit être appréciée avant toute application automatique de la règle du cachet. Selon les termes de l’ONEM, il est légitime de prendre en compte une prestation artistique rémunérée à la tâche uniquement « lorsque l’on ne peut pas, sur la base des [conventions collectives de travail] applicables, déterminer un lien entre la rémunération perçue et le temps de travail »  [153]. Cette interprétation récente de la loi par l’ONEM introduit donc une distinction entre les activités artistiques « légitimement » rémunérées à la tâche et d’autres, qui ne pourraient être prises en compte pour l’application de la règle du cachet. La distinction n’est cependant pas fondée par la loi et son usage est donc susceptible d’être contesté, pour peu que l’artiste ait la possibilité et les moyens de s’y risquer. Rappelons en effet que les positions et les interprétations administratives de l’ONEM n’ont pas force de loi et peuvent être contestées lorsqu’elles ne sont pas conformes à la loi, le cas échéant devant le tribunal.

230Quarto, l’application de la règle du cachet est devenue inséparable de celle d’une autre disposition censée atténuer sa portée : la période de chômage non indemnisable.

3.2.4. La période de chômage non indemnisable

231Depuis 2014, lorsque l’artiste travaille « à la tâche », il peut certes bénéficier de l’avantage de la règle du cachet, mais l’ONEM établit par ailleurs une période de chômage pendant laquelle il ne perçoit pas d’allocation. Cette période non indemnisable est calculée par le bureau du chômage sur une base trimestrielle : « Un nombre de jours pour lesquels le droit aux allocations est refusé, est déterminé par application [d’une] formule (…). Le résultat obtenu (…), arrondi à l’unité inférieure, représente le nombre de jours calendrier, dimanches exceptés, de la période calendrier non indemnisable ; cette période calendrier est située à partir du premier jour du mois qui suit la notification de la décision à l’organisme de paiement (…). [Cette période] couvre une période maximale de 156 jours calendrier, dimanches exceptés »  [154].

equation im6
Salaire de référence en 2019 : 91,95 euros.

232En clair, prenant en compte un salaire de référence, la formule associe au montant perçu par l’artiste un nombre de jours calendrier correspondant à une durée d’occupation fictive. Ces jours calendrier constituent une période non indemnisable, durant laquelle aucune allocation de chômage n’est perçue. Il s’agit en réalité d’un calcul plus ou moins symétrique à celui du nombre de jours d’occupation fictive attribués à l’artiste grâce à la règle du cachet.

233L’application (récente) de ce mécanisme revient concrètement à réduire l’usage des contrats à la tâche à une stricte fonction d’admissibilité, tout en les rendant budgétairement neutres ou peu coûteux pour l’ONEM. En effet, le bénéfice pour l’artiste reste intact en termes d’admissibilité au chômage : le nombre de jours pris en compte au cours de la période de référence peut être démultiplié. Par contre, cet avantage se paie d’une démultiplication comparable du nombre de jours non indemnisables. Il revient à l’artiste d’anticiper et d’affronter la perte ou l’irrégularité de revenus qui s’ensuit.

234Dans la lignée des travaux du CNT, ce dispositif tend à restreindre une pratique d’ingénierie sociale qui consiste en une compression factice de la durée de contrat afin de bénéficier de plus d’allocations de chômage. Concrètement, il s’agit d’empêcher une utilisation opportuniste du contrat à la tâche par l’artiste, susceptible d’accroître doublement les dépenses de l’ONEM : d’une part, en déclarant et en cochant sur sa carte de pointage un nombre minimum de jours de travail et, d’autre part, en faisant valoir une rémunération journalière élevée (lui assurant par ailleurs à peu de frais, grâce à la règle du cachet, une admissibilité ou une prolongation de ses droits).

235Théoriquement fondé d’un point de vue budgétaire, le dispositif de la période non indemnisable engendre toutefois un effet pervers majeur : en empêchant que le revenu de remplacement fasse fonction de complément, il constitue un piège à l’emploi. En d’autres termes, un artiste a peu d’intérêt à user d’un contrat à la tâche si cela ne permet pas d’augmenter in fine son revenu mensuel. En particulier, dans la mesure où ce dispositif s’applique de facto à tous les artistes engagés sous contrat 1erbis, il ne peut qu’avoir un impact significatif sur le recours à ce contrat, dont on a montré par ailleurs qu’il est strictement encadré et nécessite des démarches administratives conséquentes.

236En instaurant le contrat 1erbis, la loi-programme (I) du 24 décembre 2002 prétendait ramener dans le champ de la sécurité sociale une série de pratiques artistiques reléguées dans la précarité et l’illégalité faute d’un cadre légal adapté. On peut penser qu’a contrario, en vidant le contrat 1erbis de son attractivité, le dispositif de la période non indemnisable contribue à faire réapparaître les pratiques d’économie informelle qui prévalaient avant 2002.

3.2.5. La non-dégressivité du montant des allocations de chômage : la « protection de l’intermittence »

237Au sein du régime de sécurité sociale des salariés, on nomme classiquement « protection de l’intermittence » une autre disposition dérogatoire en matière de chômage propre aux artistes. Cette disposition concerne non plus les règles d’admissibilité mais celles d’indemnisation de l’artiste, une fois qu’il est admis au bénéfice d’allocations : elle détermine la succession des périodes d’indemnisation dans le système de dégressivité des allocations de chômage, c’est-à-dire l’évolution du montant de ces allocations dans le temps  [155].

238En règle générale, la réglementation du chômage dispose que « le montant journalier de l’allocation de chômage du chômeur complet est fixé en fonction d’un pourcentage de la rémunération journalière moyenne, de la catégorie familiale à laquelle le chômeur appartient (…), du montant limite applicable (…), de la durée du chômage et du passé professionnel. La durée du chômage est exprimée en périodes d’indemnisation qui sont subdivisées en phases »  [156]. En règle générale, durant chacune de ces périodes et phases, une formule précise s’applique pour le calcul du montant de l’allocation, qui évolue de manière dégressive  [157].

239La dérogation nommée « protection de l’intermittence » instaure, dans des conditions précises, un prolongement de la « première période d’indemnisation », autrement dit une non-dégressivité des allocations de chômage  [158]. L’avantage est consenti pour une durée de 12 mois, renouvelable sous conditions à chaque échéance. Créant une forme de stabilité de revenu dans le temps pour ceux qui en bénéficient, la protection de l’intermittence est fréquemment (et erronément) perçue comme un « statut d’artiste » à part entière qu’il s’agit d’obtenir et de ne pas perdre.

240Concrètement, le règlement dispose que le travailleur qui a effectué des activités artistiques « a droit, à sa demande, à l’expiration de la troisième phase de la première période d’indemnisation pour une période de douze mois à l’allocation journalière prévue pour cette troisième phase (…), s’il apporte la preuve dans une période de référence de dix-huit mois précédant l’expiration de cette troisième phase, d’au moins 156 journées de travail (…) suite à des activités artistiques »  [159]. La même disposition est applicable pour « le travailleur qui a effectué (…) des activités techniques dans le secteur artistique dans le cadre de contrats de travail de très courte durée »  [160].

3.2.5.1. Bénéficiaires

241La protection de l’intermittence s’applique donc dans des conditions précises « aux travailleurs qui exercent des activités artistiques et aux techniciens du secteur artistique »  [161]. À la différence des dispositions dérogatoires précédentes, un traitement équivalent est donc réservé à certains artistes et à certains techniciens.

242La définition de référence de l’activité artistique en matière de sécurité sociale a déjà été mentionnée. Une définition de l’activité technique, absente des autres textes, est établie et vaut spécifiquement pour l’application de la protection de l’intermittence. Ainsi, depuis 2014, « il faut entendre par activités techniques dans le secteur artistique, les activités exercées en tant que technicien ou dans une fonction de soutien consistant en : 1° la collaboration à la préparation ou à la représentation en public d’une œuvre de l’esprit à laquelle participe physiquement au moins un artiste de spectacle ou à l’enregistrement d’une telle œuvre ; 2° la collaboration à la préparation ou à la représentation d’une œuvre cinématographique ; 3° la collaboration à la préparation ou à la diffusion d’un programme radiophonique ou de télévision d’ordre artistique ; 4° la collaboration à la préparation ou à la mise en œuvre d’une exposition publique d’une œuvre artistique dans le domaine des arts plastiques »  [162].

243Ces activités techniques dans le secteur artistique peuvent donner accès à la disposition dérogatoire uniquement si elles font l’objet de « contrats de travail de très courte durée »  [163]. Cette notion est définie comme suit : « contrat de travail qui a une durée inférieure à trois mois »  [164].

244Il est utile de rappeler ici que cette protection de l’intermittence a longtemps été inscrite dans la loi sans être réservée aux seuls artistes et techniciens. En effet, depuis son entrée en vigueur en 1992 et jusqu’en 2014, la disposition pouvait juridiquement s’appliquer à n’importe quel travailleur salarié (excepté au sein de l’industrie hôtelière) pourvu qu’il soit occupé exclusivement dans les liens de contrats de très courte durée pendant une période de référence  [165]. Nous verrons que la réduction considérable du champ d’application de cette disposition, désormais circonscrit aux seuls artistes et techniciens des secteurs artistiques, s’inscrit globalement dans la logique restrictive de la « réforme de 2013-2014 » (cf. Chapitre 4).

3.2.5.2. Limites du dispositif

245À ce jour, l’accès à la protection de l’intermittence réservée aux artistes et techniciens du secteur artistique est encadré de deux manières qu’il faut distinguer : d’une part, les conditions à remplir pour y accéder et, d’autre part, celles permettant de la conserver.

246Pour bénéficier une première fois de la disposition, l’artiste « doit apporter la preuve de 156 jours de travail salarié dont au moins 104 suite à des activités artistiques dans une période de référence de 18 mois » précédant le début de la dégressivité de ses allocations de chômage  [166]. Il convient de souligner que la règle du cachet (cf. supra) est applicable pour le calcul des journées de travail prises en compte.

247Quant à lui, le technicien du secteur artistique doit prouver le même nombre de jours de travail salarié « suite à des activités (non artistiques) techniques dans le secteur artistique effectuées dans des contrats de très courte durée », pendant la même période de référence  [167]. La règle du cachet ne peut s’appliquer ici puisqu’elle ne vaut que pour les prestations artistiques.

248Pour renouveler, c’est-à-dire pour prolonger son droit à la protection de l’intermittence, l’artiste « doit apporter la preuve de trois prestations artistiques qui correspondent au moins à trois journées de travail » dans la période de 12 mois qui précède l’expiration de l’avantage obtenu  [168]. Ce renouvellement est susceptible de s’opérer aux mêmes conditions d’année en année.

249Des conditions de renouvellement similaires s’appliquent au technicien du secteur artistique : l’obligation porte sur « la preuve d’au moins trois contrats de travail de très courte durée qui correspondent à au moins trois journées de travail suite à des activités techniques dans le secteur artistique », là encore dans la période de 12 mois qui précède l’expiration de l’avantage obtenu  [169].

250Il est permis d’observer une certaine disproportion entre les exigences à satisfaire pour accéder à la protection de l’intermittence et celles à remplir pour la prolonger. D’une part, prester l’équivalent de 156 jours de travail salarié sur une période de référence de 18 mois représente un défi majeur pour un grand nombre d’artistes et de techniciens du secteur artistique, en particulier pour les jeunes professionnels qui entrent sur le marché de l’emploi. Pour les artistes, le recours à la règle du cachet facilite dans une certaine mesure l’atteinte du nombre de jours de travail salarié requis, mais c’est, rappelons-le, au prix d’une « période non indemnisable » ultérieure. D’autre part, prouver trois prestations correspondant à trois journées de travail constitue, pour l’artiste et le technicien du secteur artistique, une tâche nettement plus aisée. Une différence de traitement manifeste est ainsi opérée entre les artistes et techniciens bénéficiant déjà de la protection de l’intermittence (par exemple, en raison d’une carrière plus ancienne et déjà établie) et ceux (notamment les plus jeunes) confrontés à l’impérieuse nécessité d’y accéder.

251Il convient enfin d’insister sur le fait que, à la différence des dispositions précédentes, le dispositif de la protection de l’intermittence n’est susceptible d’être appliqué que si l’artiste ou le technicien du secteur artistique en fait la demande  [170]. Le fait d’être éligible à la disposition dérogatoire ne suffit donc pas : encore faut-il en connaître l’existence et les modalités d’application et de sollicitation.

3.2.6. L’aménagement de la notion d’« emploi convenable » en matière de chômage

252La notion d’« emploi convenable » désigne le type d’emploi qu’un travailleur au chômage ne peut refuser sous peine de sanction, avec le risque d’être privé de ses allocations, au motif qu’il cesse alors d’être inoccupé de manière involontaire. En principe, tout demandeur d’emploi est tenu d’accepter tout « emploi convenable » qui lui est proposé par un employeur ou dans le cadre d’un programme de suivi de sa recherche d’emploi.

253Les critères définissant l’emploi convenable sont notamment fonction de l’âge du demandeur d’emploi, de la période de chômage où il se trouve, de la distance au lieu de travail, de la durée du trajet et du revenu offert par le poste concerné. Depuis le 1er janvier 2018, la notion d’emploi convenable tient aussi davantage compte des compétences acquises hors du milieu professionnel ou lors des études.

254Un artiste doit donc accepter un emploi qui lui est proposé même si ce n’est pas un emploi artistique. Il peut toutefois refuser cet emploi s’il justifie 156 journées de travail dans des activités artistiques au cours des 18 mois qui précèdent l’offre  [171], dont 52 jours peuvent correspondre à des activités non artistiques. En outre, « pour l’appréciation du caractère convenable d’un emploi dans une autre profession que celle d’artiste, il est tenu compte de la formation intellectuelle et de l’aptitude physique de l’artiste, ainsi que du risque de détérioration des aptitudes requises pour l’exercice de son art »  [172].

255Par ailleurs, une autre disposition s’applique en cas de contrat dans les huit jours : « [Est] sans influence sur le caractère convenable de l’emploi (…) la circonstance que le travailleur reprendra prochainement le travail dans un autre emploi sauf s’il apporte au moment de l’offre la preuve qu’il est réellement engagé ; en outre, il doit apporter la preuve que cet engagement a été effectivement réalisé au plus tard dans les huit jours »  [173].

256Enfin, pour tous les travailleurs de plus de 50 ans, en ce compris les artistes, « tout emploi est réputé non convenable s’il ne correspond ni à la profession à laquelle préparent les études ou l’apprentissage, ni à la profession habituelle, ni à une profession apparentée »  [174].

3.2.7. Les allocations familiales des artistes salariés et assimilés

257Comme tout travailleur salarié (sous contrat de travail) ou assimilé (sous contrat 1erbis), indépendant ou fonctionnaire, l’artiste peut être attributaire et allocataire de prestations familiales, c’est-à-dire ouvrir le bénéfice d’allocations aux enfants dont il a la charge et percevoir ces allocations.

258En principe, au sein de la sécurité sociale des salariés, le choix de la caisse d’allocations familiales revenait à l’employeur du travailleur attributaire. Cette règle était néanmoins peu adaptée aux carrières artistiques, le plus souvent constituées d’occupations de courte durée auprès d’employeurs multiples. Dès lors, la loi-programme (I) du 24 décembre 2002 a prescrit l’affiliation obligatoire de tous les employeurs d’artistes à une seule et même caisse d’allocations familiales pour les allocations en faveur des artistes qu’ils emploient  [175]. Depuis le deuxième volet de la sixième réforme de l’État en 2014, cette caisse unique est l’Agence fédérale pour les allocations familiales (FAMIFED), succédant à l’Office national d’allocations familiales pour travailleurs salariés (ONAFTS)  [176].

259La compétence étant transférée aux Régions  [177], ce seront ensuite les caisses régionales qui s’en chargeront, selon le domicile de l’enfant : Famiwal (Région wallonne), Famiris (Région bruxelloise), Fons (Région flamande) et Ostbelgienfamilie (Communauté germanophone). Une exception mineure est cependant maintenue pour les pouvoirs communaux et provinciaux ainsi que pour les établissements publics qui en dépendent, affiliés de plein droit à une caisse d’allocations familiales spéciale  [178].

260L’artiste au chômage peut également être attributaire et allocataire de prestations familiales, comme tout chômeur. Soulignons au passage que le fait de percevoir des allocations familiales est susceptible d’influencer à la hausse le montant des allocations de chômage perçues, le chômeur étant alors considéré comme « travailleur ayant charge de famille »  [179].

3.2.8. Les vacances annuelles des artistes salariés et assimilés

261En matière de paiement des vacances annuelles, ici encore afin de centraliser les paiements des pécules de vacances dus aux artistes salariés et assimilés, une disposition dérogatoire a été introduite. Elle s’applique à l’artiste sous contrat de travail ainsi qu’à l’artiste sous contrat 1erbis.

262En principe, au sein du régime général de sécurité sociale, le(s) pécule(s) de vacances des employés est (sont) payé(s) au travailleur par l’employeur. Ceux des ouvriers sont payés par une caisse de vacances propre au secteur d’activité de l’employeur. Or ces usages peuvent être sources de complications pour les artistes confrontés à un nombre important d’employeurs différents.

263Dès lors, depuis 2003, l’Office national des vacances annuelles (ONVA) est la caisse unique chargée de verser aux artistes salariés leurs pécules de vacances, quel(s) que soi(en)t leur(s) employeur(s)  [180]. La part de cotisations sociales alimentant ce pécule transite par l’ONSS, qui perçoit l’ensemble des cotisations dues par ce(s) dernier(s). Le paiement du pécule de vacances par l’ONVA a lieu non pas au terme de chaque contrat mais l’année qui suit la ou les période(s) d’emploi.

3.2.9. Artistes pensionnés et emploi

264Lorsqu’un travailleur accède au bénéfice de la pension, il ne peut poursuivre d’activité professionnelle que selon certaines conditions liées notamment au montant de rémunération, à l’âge et à la durée de la carrière. À nouveau, certaines dispositions dérogatoires existent pour les artistes : « Le bénéficiaire d’une pension et/ou son conjoint est autorisé, moyennant déclaration simple et préalable, à exercer une activité consistant en la création d’œuvres scientifiques ou en la réalisation d’une création artistique, n’ayant pas de répercussion sur le marché du travail pour autant qu’il n’ait pas la qualité de commerçant au sens du Code de commerce »  [181].

265Nous pouvons relever que le législateur n’a pas prévu de disposition spécifique aux artistes interprètes ou aux artistes exécutants. Par ailleurs, ce sont donc quatre conditions cumulatives qui s’appliquent, certaines étant difficilement objectivables, en particulier le fait de ne pas avoir de « répercussion sur le marché du travail »  [182]. Une autre dérogation en vigueur est le fait que l’artiste pensionné peut travailler sans devoir respecter de limite à ses revenus issus de l’activité artistique.

3.2.10. Droits d’auteur et assurance chômage

266Après plusieurs années d’insécurité juridique, la fiscalité des droits d’auteur a été clarifiée par la loi du 16 juillet 2008 modifiant le Code des impôts sur les revenus 1992 et organisant une fiscalité forfaitaire des droits d’auteur et des droits voisins  [183]. Les montants perçus par les artistes pour la cession ou la concession des droits d’auteurs ou droits voisins sont considérés comme des revenus mobiliers, pour autant qu’ils ne dépassent pas un plafond annuel équivalant à 62 090 euros en 2020 (montant indexable). À ce titre, ils sont imposables au taux de 15 % augmentés de la taxe additionnelle communale. Au-delà de cette limite, les droits d’auteur sont susceptibles d’être considérés comme des revenus professionnels et taxés en tant que tels.

267Cependant, le système d’assurance chômage établit quant à lui une prise en considération différente des mêmes droits d’auteur. Ceux-ci sont en effet considérés comme des revenus qui, s’ils dépassent le plafond annuel de 4 536,48 euros nets (en 2020, soit 9 072,96 euros bruts)  [184], entraînent une diminution de l’allocation de chômage en conséquence (soit 1/312e du montant excédentaire). La modification de l’article 130 de l’arrêté portant réglementation du chômage intervenue en 2014 énonce en effet que la limitation de cumul du revenu avec l’allocation de chômage concerne « tous les revenus découlant directement ou indirectement de l’exercice de l’activité artistique à l’exception du revenu tiré de l’exercice d’une occupation statutaire ou du revenu ou de la partie de celui-ci tiré de l’exercice d’une activité assujettie à la sécurité sociale des travailleurs salariés lorsque des retenues pour la sécurité sociale ont été opérées sur ce revenu ou sur la partie de celui-ci »  [185]. La qualification de droits d’auteur en revenus du travail reste cependant à ce jour contestée devant les cours et tribunaux.

268A contrario, ces revenus découlant directement ou indirectement de l’activité artistique ne sont pas pris en considération pour l’admissibilité à l’assurance chômage, laissant planer un déficit de cohérence sur la qualification des droits d’auteur choisie par l’autorité publique : plus que d’un choix définitoire ou principiel, il s’agit vraisemblablement d’un choix d’opportunité économique, opéré en l’espèce au détriment des artistes.

3.3. Une mosaïque de dispositions dérogatoires

269Ce panorama de la protection sociale de l’artiste montre très clairement qu’il n’existe pas un statut social propre à l’artiste mais une mosaïque de dispositions dérogatoires, inscrivant l’artiste dans les statuts sociaux existants au prix d’adaptations pour le moins sophistiquées et non exemptes de contradictions. Il s’ensuit de continuelles tensions d’adéquation, tant vis-à-vis des réalités professionnelles des artistes que vis-à-vis du système de sécurité sociale des salariés.

270D’une part, les dérogations au système général ne peuvent que répondre imparfaitement aux caractéristiques du travail artistique qui sont elles-mêmes hétéroclites. Par exemple, la temporalité discontinue de l’emploi artistique, qui conjugue une forte fragmentation des activités avec une perspective pluriannuelle des revenus (notamment les droits d’auteur, dont le paiement peut être différé de plusieurs années), correspond très difficilement avec le schéma annuel des réglementations de chômage, dont l’optimum en matière d’emploi reste le contrat à temps plein et à durée indéterminée. Les dispositifs dérogatoires paraissent alors boiteux à maints égards, même s’il faut remarquer, dans le même temps, l’adéquation de certains « bricolages » réglementaires opérés par le législateur en faveur des artistes.

271D’autre part et a contrario, toute dérogation représente une entorse aux règles générales valant pour tous les salariés, laissant poindre des allures de discrimination par rapport aux travailleurs d’autres secteurs. La solidarité interprofessionnelle est mise en difficulté et, au sein même des organisations syndicales, certains perçoivent ces dispositions dérogatoires comme des avantages indus, peu proportionnés aux efforts consentis par les autres salariés. Ce phénomène n’est cependant pas propre aux artistes, d’autres catégories professionnelles bénéficiant d’aménagements des réglementations (par exemple, les pêcheurs en mer ou les travailleurs portuaires).

272Ce double constat appelle deux pistes de solution. Pour certains, une telle situation plaide en faveur d’un statut spécifique aux artistes, sui generis, qui placerait les artistes au sein d’un cadre réglementaire pérenne et non plus face à de continuelles exceptions pouvant être remises en cause. Pour d’autres, le problème est plus général et concerne le développement de l’emploi intermittent, qui s’impose comme un régime d’emploi des plus ordinaires, affectant non seulement la protection sociale des artistes mais aussi celle de travailleurs issus d’autres secteurs.

3.4. Un impensé : emploi et chômage en régime d’intermittence

273Il faut encore tenir compte d’une catégorie de déclarations dénonçant des dérives et des abus parmi les bénéficiaires des dispositions spécifiques en matière de sécurité sociale des artistes. C’est au cœur du lien entre emploi et chômage qu’une série de difficultés apparaissent. Car, en ouvrant aux artistes les portes de l’emploi salarié, dès 2002, le législateur leur ouvre de facto celles de l’assurance chômage. Faisant bien souvent figure de revenu de complément plutôt que de remplacement  [186], l’assurance chômage semble alors devoir supporter de « nouveaux » arrivants à une partie desquels l’ONEM conteste le « statut d’artiste » dès 2011. L’ONEM est en cela précédé par le CNT, qui étaie et justifie alors la dynamique restrictive par la dénonciation d’un abus de ce statut (cf. Chapitre 4).

274Quelle serait l’ampleur de ces abus ? Aucune donnée ne permet de la mesurer. D’une part, plusieurs parlementaires demandent aux ministres concernés quelles sont les données relatives aux abus mentionnés sans jamais recevoir de réponse détaillée. D’autre part, comme évoqué précédemment, un système d’ingénierie sociale s’est répandu et certains intermédiaires du salariat ont permis techniquement de pratiquer ce type d’abus à large échelle. Quoi qu’il en soit, ces abus ne pourraient à eux seuls expliquer la hausse du chômage des artistes. Le législateur ou les administrations concernées ont probablement oublié l’élan de 2002 consistant à ouvrir la sécurité sociale des salariés à de nouvelles catégories telles que les artistes créateurs. L’ouverture du salariat à de nouvelles catégories d’artistes a augmenté le volume d’emploi et, de facto, celui du chômage.

275Pour cerner mieux cette question, il est utile de rappeler une loi socio-économique majeure du travail artistique : en régime d’intermittence, il existe une corrélation positive entre l’emploi et le chômage artistiques. Autrement dit, plus l’emploi augmente et plus le chômage augmente  [187] (cf. Graphique 2). Cette hypothèse a également pu être vérifiée en France par les travaux de Pierre-Michel Menger  [188]. Elle met en lumière un trait singulier des professions artistiques et contredit la logique intuitive qui veut que plus l’emploi augmente, plus le chômage diminue.

276Cette caractéristique, propre au régime de l’intermittence, a des implications dans la trajectoire professionnelle des artistes et aussi dans la manière dont les pouvoirs publics peuvent adopter des mesures adaptées aux professions artistiques, notamment par la mise en œuvre hypothétique d’un « statut d’artiste », c’est-à-dire d’un système de sécurité sociale autonome et spécifique aux artistes  [189].

277Cette relation entre travail et chômage artistiques offre un éclairage sur la lecture des données statistiques réalisées ces dernières années par les pouvoirs publics en général et par l’ONEM en particulier. Car, de 2004 à 2013, le volume d’emploi artistique a augmenté de plus de 80 %, parallèlement à l’évolution des allocations de chômage, laissant apparaître une corrélation positive (cf. Graphique 2). Autrement dit, la hausse du chômage des artistes, jugée anormalement élevée par certains, s’explique par la hausse de l’emploi artistique.

278L’ouverture au statut d’indépendant conçue en 2002 ne paraît pas avoir contrebalancé cette tendance car, bien qu’ayant doublé en une décennie (cf. Graphique 3), les effectifs comptent, en 2017, 49 % d’indépendants à titre complémentaire, c’est-à-dire des indépendants qui sont par ailleurs salariés ou fonctionnaires, et 8 % d’indépendants actifs après pension, pour 43 % d’indépendants à titre principal. La hausse des effectifs d’indépendants n’est donc pas accompagnée d’une diminution des artistes salariés. Il est également à noter que le statut d’indépendant connaît un essor plus marqué en Flandre que dans les deux autres régions, et notablement en Région bruxelloise où la hausse des effectifs est la plus faible. Relevons également qu’en 2017, 65 % des artistes développant une activité sous le statut d’indépendant sont des hommes, 35 % étant des femmes.

Graphique 2

Variations du volume d’emploi artistique en équivalents temps plein et des allocations de chômage en unités physiques (2004-2013)

Graphique 2. Variations du volume d’emploi artistique en équivalents temps plein et des allocations de chômage en unités physiques (2004-2013)

Variations du volume d’emploi artistique en équivalents temps plein et des allocations de chômage en unités physiques (2004-2013)

Sources : ONEM, ONSS.
Graphique 3

Artistes sous statut d’indépendant, par région (1994-2017)

Graphique 3. Artistes sous statut d’indépendant, par région (1994-2017)

Artistes sous statut d’indépendant, par région (1994-2017)

Source : INASTI.

279Ce paradoxe confronte donc les pouvoirs publics à une situation sibylline : en régime d’intermittence, favoriser une hausse de l’emploi ne parviendrait pas à enrayer une hausse du chômage et, au contraire, l’accentuerait davantage. Voici cristallisé le dilemme des pouvoirs publics : promouvoir l’ouverture du salariat et subir une hausse des coûts de sécurité sociale ou pratiquer une politique malthusienne de réduction concomitante de l’emploi salarié et de l’assurance chômage.

280Ajoutons à cela une troisième voie peu pratiquée à ce jour : favoriser une hausse de l’emploi de « longue » durée, c’est-à-dire réduire l’intermittence et la fragmentation de l’emploi. Réduire la fragmentation de l’emploi artistique tient en première instance à la volonté de chaque employeur. Cela peut aussi être stimulé au sein de chaque secteur par les interlocuteurs sociaux, via les conventions collectives de travail. Les pouvoirs publics peuvent également orienter une telle tendance, notamment en conditionnant l’octroi de subventions à certaines règles en la matière ou en proposant des incitants financiers en cas de bonne pratique.

281Le CNT et l’ONEM ont assurément choisi la deuxième voie (malthusienne), convaincus que la hausse relevait uniquement d’abus. Les textes du CNT et les interventions parlementaires laissent clairement percevoir, en ne le citant paradoxalement que très rarement, que les abus dénoncés sont supposés provenir d’un opérateur particulier (SmartBe). Cette organisation met en place des procédures d’intermédiaire du salariat ne permettant pas de juguler les abus potentiels ; en outre, elle s’adapte avec agilité aux modifications réglementaires. Cette configuration d’ajustements stratégiques forme une boucle de rétroaction positive : c’est-à-dire que chaque action d’une partie entraîne une réaction de l’autre dans un sens qui amplifie chaque fois la problématique. Dans cette situation qui prend les allures d’un combat presque individuellement orienté vers une organisation et dont les artistes ne finissent pas de pâtir, il reste à savoir quelles seront les orientations politiques ministérielles.

282En attendant la décision du pouvoir politique, comme cela a été le cas à d’autres périodes, c’est donc le pouvoir judiciaire qui est appelé à arbitrer là où les législations et les réglementations demeurent lacunaires ou soumises à des interprétations divergentes.

Notes

  • [1]
    Loi-programme (I) du 24 décembre 2002, Moniteur belge, 31 décembre 2002.
  • [2]
    Concernant la distinction entre artiste créateur et artiste interprète, cf. infra, section 1.1.5.
  • [3]
    « Pour une Belgique prospère, solidaire et durable », Accord de gouvernement, 30 septembre 2020, p. 36.
  • [4]
    J.-E. Piette, « L’accession au statut d’artiste des dessinateurs de bande dessinée en France et en Belgique », Sociologie de l’art, volume 23-24, n° 1, 2015, p. 111-128.
  • [5]
    S. Karttunen, « How to identify artists? Defining the population for “status-of-the-artist” studies », Poetics, n° 26, 1998, p. 1-19.
  • [6]
    W. Pommerehne, B. Frey, La culture a-t-elle un prix ?, Paris, Plon, 1993.
  • [7]
    Il est à noter qu’il existe des mécanismes de sélection lors de l’admission dans des écoles supérieures artistiques : une épreuve d’admission ou examen d’entrée évaluant notamment les aptitudes artistiques. Toutefois, il apparaît que ces mécanismes sont parfois érodés, ne serait-ce que partiellement, par les effets pervers d’un financement des établissements basé sur le nombre d’étudiants inscrits.
  • [8]
    P.-M. Menger, Être artiste : œuvrer dans l’incertitude, Paris, Al Dante, 2012 ; A. Nayer, « Artistes et droit social : un nœud gordien », in P. Van Der Vorst (dir.), 100 ans de droit social belge, Bruxelles, Bruylant, 1986, p. 227-256.
  • [9]
    Commission Artistes, « Rapport annuel. 2016 », s.d., www.artistatwork.be, p. 14.
  • [10]
    Organisation internationale du travail (OIT), « La condition de l’artiste. Résumé des réponses à un questionnaire élaboré conjointement par le BIT et l’UNESCO sur la condition économique, sociale, professionnelle et morale de l’artiste », Note du Bureau international du travail (BIT), 1977 ; A. Nayer, S. Capiau, « La condition de l’artiste », BIT, Service des employés et travailleurs intellectuels, 1991.
  • [11]
    Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), « Recommandation relative à la condition de l’artiste », 27 octobre 1980.
  • [12]
    Notamment, UNESCO, « Convention internationale sur la protection des artistes interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion », 1961 ; « Meeting of Experts on the Performing Artist in the Technological Era (Tunisia, Hammamet International Cultural Centre, 30 March - 2 April 1987). Final report », UNESCO, Division du développement culturel et de la création artistique, 1987.
  • [13]
    UNESCO, « Recommandation relative à la condition de l’artiste », op. cit., article VI, 5.
  • [14]
    Ibidem.
  • [15]
    Ibidem.
  • [16]
    Ibidem.
  • [17]
    Ibidem.
  • [18]
    Arterial Network, Conseil international de la musique (CIM), Fédération internationale des acteurs (FIA), Fédération internationale des musiciens (FIM), International Affiliation of Writers Guilds (IAWG), International Authors Forum (IAF), Institut international du théâtre (ITT), PEN International, UNI Global Union (Division Médias, spectacle et arts - MEI).
  • [19]
    UNESCO, Conseil exécutif, « Application des instruments normatifs », 204 EX/18, 6 mars 2018.
  • [20]
    UNESCO, « Rapport d’analyse sur la mise en œuvre de la Recommandation de 1980 de l’UNESCO relative à la condition de l’artiste », 2015, p. 45.
  • [21]
    UNESCO, Conseil exécutif, « Application de la recommandation relative à la condition de l’artiste (1980) », 197 EX/20, 4 août 2015, p. 5.
  • [22]
    M.-M. Krust, Droit au travail et problèmes d’emploi des travailleurs culturels du spectacle et de l’interprétation musicale dans la Communauté économique européenne, volume 1, Bruxelles, Commission des Communautés européennes, 1977, p. 148.
  • [23]
    B. Schulte, Problèmes de la sécurité sociale des travailleurs culturels dans la communauté européenne, Bruxelles, Commission des Communautés européennes, 1979.
  • [24]
    M.-M. Krust, Droit au travail et problèmes d’emploi des travailleurs culturels du spectacle et de l’interprétation musicale dans la Communauté économique européenne, op. cit., p. 148 ; S. Capiau (sous la dir. d’A. Nayer ; avec la collaboration de P. Vielle, C. Saddouk), « La qualification et la variabilité des revenus des artistes au regard du droit fiscal et du droit de la sécurité sociale des États membres de la CEE », Commission de la Communauté économique européenne, 1989.
  • [25]
    S. Capiau, A. J. Wiesandet al., La situation des professionnels de la création artistique en Europe, Bruxelles, Parlement européen, 2006, www.europarl.europa.eu.
  • [26]
    Parlement européen, Statut social des artistes, Résolution, 7 juin 2007, 2006/2249(INI), P6_TA(2007)0236, www.europarl.europa.eu.
  • [27]
    Article 167 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).
  • [28]
    S. Capiau, « Une ambition pour la Belgique. (1/2) Statut des artistes, implémentation intelligente de la réforme de 2002 », Présence et action culturelle (PAC), Analyse n° 16, 2012, www.pac-g.be, p. 3.
  • [29]
    Fédération internationale des acteurs (FIA) / Fédération internationale des musiciens (FIM), « Manifeste sur la condition de l’artiste », 2014.
  • [30]
    Association internationale des arts plastiques (AIAP), Newsletter, n° 10, 2017, p. 5.
  • [31]
    M. D’Amours (dir.), La protection sociale des artistes et autres groupes de travailleurs indépendants : analyse de modèles internationaux, Étude présentée au Ministère canadien de la Culture et des Communications, Québec, Université Laval, Faculté des sciences sociales, 2012, www.mcc.gouv.qc.ca.
  • [32]
    Ernst & Young (EY), « Un monde très culturel. Premier panorama mondial de l’économie de la culture et de la création », 2015, https://fr.cisac.org.
  • [33]
    EY, « Creative Growth, Measuring cultural and creative markets in the EU », 2014, https://eaca.eu. Cf. aussi la résolution du Parlement européen du 9 mars 1999 sur la situation et le rôle des artistes dans l’Union européenne (cf. infra).
  • [34]
    T. Picard, Le poids économique direct de la culture en 2016, Paris, Ministère français de la Culture et de la Communication, 2018.
  • [35]
    E. Lazzaro, J.-G. Lowies, Le poids économique des industries culturelles et créatives en Wallonie et à Bruxelles, Namur, Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique (IWEPS), 2015, www.iweps.be. Cf. aussi A. Nayer, X. Parent, J. Van Langendonck, Étude ayant pour objet une analyse de l’importance de l’activité artistique dans l’économie belge et les possibilités de l’augmenter par une réforme du statut social et fiscal des artistes, 3 volumes, Bruxelles, ULB, Institut de Sociologie, 2000.
  • [36]
    Ibidem.
  • [37]
    Cf. H. Capron, D. Baudewyns, Impact des établissements scientifiques fédéraux sur le développement social, économique et culturel de la Belgique (Résumé opérationnel), Bruxelles, Université libre de Bruxelles (ULB), Centre d’économie régionale et de la technologie, 2006, p. 5.
  • [38]
    S. Godard, « Pourquoi la culture fédérale est aussi un poids lourd sur le plan économique », L’Écho, 31 octobre 2014.
  • [39]
    Notamment, les nombreuses études consacrées aux capitales européennes de la culture.
  • [40]
    Arrêté royal du 10 janvier 1849 qui approuve le règlement pour la Caisse centrale des artistes, Moniteur belge, 18 janvier 1849.
  • [41]
    Nous soulignons.
  • [42]
    J.-G. Lowies, Analyse des besoins en formation continue dans le secteur des arts de la scène, Fonds de sécurité d’existence des arts scéniques (Commission paritaire 304 : Spectacle vivant), 2015.
  • [43]
    Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft.
  • [44]
    F. Labadie, F. Rouet, « Régulations du travail artistique », Culture prospective, volume 4, n° 4, 2007, p. 1-20.
  • [45]
    S. Capiau, « Le statut social et fiscal de l’artiste plasticien », in G. Keutgen (dir.), L’art et le droit, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 114.
  • [46]
    Ibidem.
  • [47]
    S. Proust, « L’impossible transfert des règles de la société salariale dans les champs artistiques : l’exemple d’un dispositif de qualification dans le spectacle vivant », Formation emploi. Revue française de sciences sociales, volume 119, n° 3, 2012, p. 71.
  • [48]
    J. Siongers, A. Van Steen, J. Lievens, Acteurs in de spotlight. Onderzoek naar de inkomens en de sociaaleconomische positie van professionele Vlaamse acteurs, Universiteit Gent (UGent), Cultural Diversity: Opportunities and Socialization (CuDOS), s.d. [2014], www.vlaanderen.be, p. 77.
  • [49]
    G. van Liemt, « Employment Relationships in Arts and Culture », Working Paper, OIT, n° 1301, 15 août 2014, www.ilo.org, p. 7.
  • [50]
    Loi du 16 juillet 1973 garantissant la protection des tendances idéologiques et philosophiques, Moniteur belge, 16 octobre 1973.
  • [51]
    Articles 7 à 9 de l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs (Moniteur belge, 30 décembre 1944).
  • [52]
    Sur cette notion, cf. V. Lefebve, « Les réformes de l’assurance chômage (2011-2019) », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2438-2439, 2019.
  • [53]
    Office national de l’emploi (ONEM), « Contrat d’administration pour la période de 2016-2018 entre l’État belge et l’Office national de l’Emploi », s.d., www.onem.be, p. 11.
  • [54]
    Ibidem, p. 13.
  • [55]
    Loi du 29 mai 1952 organique du Conseil national du travail, Moniteur belge, 31 mai 1952.
  • [56]
    P. Humblet, M. Rigaux (dir.), Aperçu du droit du travail belge, Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 320.
  • [57]
    Article 15 du règlement d’ordre intérieur du CNT, approuvé par l’arrêté royal du 21 avril 1953 (Moniteur belge, 7 mai 1953) et modifié par l’arrêté royal du 2 août 1966 (Moniteur belge, 13 septembre 1966) et l’arrêté royal du 12 octobre 1970 (Moniteur belge, 5 décembre 1970).
  • [58]
    Concernant le suivi des avis relatifs au « statut des artistes », la « Commission des Relations individuelles du travail + Sécurité sociale » du 6 novembre 2017 comptait les participants suivants : président, Paul Windey ; membres et experts, Evelien Bloem (CGSLB), Amandine Boseret (Acerta), Liesbeth Dejonghe (Overleg Kunstenorganisaties - OKO), Nathalie Diesbecq (CSC), Isabelle Doyen (FGTB), Annick Hellebuyck (FEB), Ine Hermans (CSC), José Granado (CGSP), Robrecht Vanderbeeken (FGTB), Laurent Vander Elst (Union des entreprises à profit social - UNISOC), Celien Vanmoerkerke (FGTB), Catherine Vermeersch (FEB) ; représentants, Sabrine Amraoui (SPF Sécurité sociale), Claire De Haan (ONEM), Pierre Delchevalrie (ONSS), Fernand De Vliegher (Commission Artistes), Murielle Lejeune (ONEM), Perrine Nisol (SPF Sécurité sociale) ; secrétariat, Jean-Paul Delcroix (secrétaire), Jan Steenlant (secrétaire adjoint), Soumeya Azzourou, Camille Latin, Sarah Léonard, Stéphanie Parrein, Nelle Van Den Hoof, Anja Vanrobaeys. Cf. Conseil national du travail (CNT), Réunion de la Commission des Relations individuelles du travail + Sécurité sociale, « Procès-verbal », 6 novembre 2017.
  • [59]
    P. Humblet, M. Rigaux (dir.), Aperçu du droit du travail belge, op. cit., p. 320.
  • [60]
    CNT, Avis n° 712, 22 décembre 1981 (partagé) ; CNT, Avis n° 890, 7 juin 1988 (partagé) ; CNT, Avis n° 1166, 29 octobre 1996 (partagé) ; CNT, Avis n° 1415, 23 octobre 2002 (à la demande du ministre fédéral des Affaires sociales et de la ministre fédérale de l’Emploi – partagé) ; CNT, Avis n° 1416, 23 octobre 2002 (à la demande du ministre fédéral des Affaires sociales – unanime) ; CNT, Avis n° 1486, 29 juin 2004 (à la demande du ministre fédéral de l’Emploi et du ministre fédéral des Affaires sociales – unanime) ; CNT, Avis n° 1744, 13 octobre 2010 (d’initiative – unanime) ; CNT, Avis n° 1810, 17 juillet 2012 (d’initiative – unanime) ; CNT, Avis n° 1931, 24 mars 2015 (à la demande de la ministre fédérale des Affaires sociales – unanime) ; CNT, Avis n° 2061, 28 novembre 2017 (à la demande de la Commission des Affaires sociales de la Chambre des représentants – unanime).
  • [61]
    Article 38 de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires (Moniteur belge, 15 septembre 1969).
  • [62]
    Commission Artistes, « Rapport d’activités », 2005, p. 16.
  • [63]
    Arrêté royal du 26 juin 2003 relatif à l’organisation et aux modalités de fonctionnement de la Commission “Artistes”, Moniteur belge, 17 juillet 2003.
  • [64]
    Article 172, § 2, de la loi-programme (I) du 24 décembre 2002 précitée.
  • [65]
    Commission Artistes, « Rapport d’activités », 2005, p. 24-25.
  • [66]
    Commission Artistes, « Rapport annuel 2016 », www.artistatwork.be.
  • [67]
    Arrêté royal du 17 juillet 2014 portant exécution et fixant la date d’entrée en vigueur de l’article 4, § 1er, de l’arrêté royal du 26 mars 2014 complétant le statut social des artistes et fixant les modalités d’octroi du visa artiste et de la carte d’artiste, Moniteur belge, 7 août 2014.
  • [68]
    Articles 21-24 de la loi-programme (I) du 26 décembre 2013 (Moniteur belge, 31 décembre 2013).
  • [69]
    Commission Artistes, « Rapport annuel. 2016 », op. cit., p. 14.
  • [70]
    Loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, Moniteur belge, 15 août 1980.
  • [71]
    Précisons que la Communauté française a décidé, en mai 2011, d’adopter la dénomination de « Fédération Wallonie-Bruxelles » dans sa communication interne et externe. Ce nouveau nom n’ayant cependant pas la portée juridique que lui donnerait une révision de la Constitution allant dans le même sens, nous maintiendrons, dans ce Courrier hebdomadaire, l’appellation constitutionnelle de Communauté française.
  • [72]
    A. Greoli, « 40 actions pour une nouvelle politique culturelle en Fédération Wallonie-Bruxelles », 30 mai 2017, p. 12 et 15.
  • [73]
    G. Vandeplas, R. Leloup, L. Hennequin, « Analyse et préconisations adaptatives des régimes de travail intermittent dans le secteur créatif et culturel en Belgique », Guichet des Arts, 2015, http://horschamp-asbl.be.
  • [74]
    Dernièrement : Parlement de la Communauté française, Commission de la Culture et de l’Enfance, Compte rendu intégral, n° 9, 4 février 2019.
  • [75]
    Strategische Adviesraad voor Cultuur, Jeugd, Sport en Media (SARC), Algemene Raad, « Memorandum 2019-2024 », 2018, www.vlaanderen.be.
  • [76]
    Ibidem, p. 35.
  • [77]
    Parlement flamand, Beleidsbrief Cultuur 2018-2019 ingediend door minister Sven Gatz, n° 1725/1, 26 octobre 2018, p. 13.
  • [78]
    Convention collective de travail du 15 octobre 2008, conclue au sein de la Commission paritaire du spectacle (CP 304), modifiant le plan sectoriel de pension complémentaire, Moniteur belge, 2 décembre 2008.
  • [79]
    Suivant les clés de répartition reprises à l’article 6.l.3 du règlement d’assurance groupe n° 5406, souscrit par l’organisateur auprès d’Ethias.
  • [80]
    Information recueillie auprès du Ministerium der Deutschsprachigen Gemeinschaft en février 2021.
  • [81]
    Par exemple : Artists United, Association des réalisateurs et réalisatrices de films (ARRF), Association des scénaristes de l’audiovisuel (ASA), De Acteursgilde, deAuteurs, Genootschap Auteurs Lichte Muziek (GALM), Professionnels de la production et de la création audiovisuelles (Pro Spere), Société belge des auteurs, compositeurs et éditeurs (SABAM), Société civile des auteurs multimédia (SCAM), Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), Unie van Regisseurs, Union des artistes du spectacle (UAS), Vlaamse Scenaristengilde, « Lettre des artistes belges », 13 février 2019.
  • [82]
    Dans ce tableau, les descriptifs des organisations ont emprunté des extraits provenant de références légales (statuts publiés au Moniteur belge) et/ou des informations figurant sur leur site Internet.
  • [83]
    La division des compétences au sein de certaines structures peut ajouter à la confusion, par exemple, pour la FGTB, entre le Syndicat des employés, techniciens et cadres (SETCA) et la Centrale générale des services publics (CGSP).
  • [84]
    ONEM, « Contrat d’administration pour la période de 2016-2018 entre l’État belge et l’Office national de l’Emploi », op. cit., p. 5.
  • [85]
    Moniteur belge, 29 novembre 2013.
  • [86]
    Moniteur belge, 30 octobre 2017.
  • [87]
    Convention entre la Communauté française et l’asbl Guichet des Arts pour la période 2013-2017, p. 3.
  • [88]
    Moniteur belge, 14 avril 2004.
  • [89]
    Moniteur belge, 28 décembre 2017.
  • [90]
    Convention entre l’Autorité flamande et l’asbl Cultuurloket pour la période 2018-2022, p. 5.
  • [91]
    Arrêté royal du 23 juin 2003 portant des mesures concernant la réduction des cotisations de sécurité sociale due pour l’artiste (Moniteur belge, 30 juin 2003), modifié par l’arrêté royal du 3 juillet 2005 (Moniteur belge, 19 juillet 2005).
  • [92]
    Articles 18 et 21 de la loi du 24 avril 2014 visant à adapter les réductions des cotisations patronales pour la sécurité sociale à la suite de la sixième réforme de l’État (Moniteur belge, 23 mai 2014). Le montant forfaitaire visé à l’article 18 de la loi du 24 avril 2014 est déterminé par l’article 28/14 de l’arrêté royal du 16 mai 2003 pris en exécution du chapitre 7 du titre IV de la loi-programme du 24 décembre 2002 (I), visant à harmoniser et à simplifier les régimes de réductions de cotisations de sécurité sociale (Moniteur belge, 6 juin 2003) ; cet article a été inséré par l’article 9 de l’arrêté royal du 24 avril 2014 portant modification de l’arrêté royal du 18 juillet 2002 portant des mesures visant à promouvoir l’emploi dans le secteur non marchand et de l’arrêté royal du 16 mai 2003 pris en exécution du chapitre 7 du titre IV de la loi-programme du 24 décembre 2002 (I), visant à harmoniser et à simplifier les régimes de réductions de cotisations de sécurité sociale (Moniteur belge, 25 mai 2014).
  • [93]
    Arrêté royal du 14 décembre 2015, Moniteur belge, 23 décembre 2015.
  • [94]
    Loi du 24 juillet 1987 sur le travail temporaire, le travail intérimaire et la mise de travailleurs à disposition d’utilisateurs, Moniteur belge, 20 août 1987.
  • [95]
    Décret wallon du 3 avril 2009 relatif à l’enregistrement ou à l’agrément des agences de placement, Moniteur belge, 5 mai 2009 ; Ordonnance bruxelloise du 14 juillet 2011 relative à la gestion mixte du marché de l’emploi dans la Région de Bruxelles-Capitale, Moniteur belge, 10 août 2011.
  • [96]
    Décret flamand du 10 décembre 2010 relatif au placement privé, Moniteur belge, 29 décembre 2010.
  • [97]
    Décret germanophone du 11 mai 2009 relatif à l’agrément des agences de travail intérimaire et à la surveillance des agences de placement privées, Moniteur belge, 13 juillet 2009.
  • [98]
    Il faut relever que certaines entreprises ne sont pas agréées pour les « travailleurs intérimaires artistes » mais le sont parfois concernant le « placement d’artistes ». Ne sont ici reprises que les entreprises agréées (et non enregistrées) pour lesquelles l’administration régionale indique la fonction de mise à disposition d’artistes.
  • [99]
    Conseil économique et social de la Région de Bruxelles-Capitale (CESRBC), « Avis d’initiative. Aspects régionaux du statut d’artiste », n° A-034, 18 mai 2017.
  • [100]
    Ibidem, p. 4.
  • [101]
    Ibidem, p. 5.
  • [102]
    Moniteur belge, 13 décembre 2013. À ce propos, cf. J.-G. Lowies, M.-H. Schrobiltgen, « L’accord de coopération culturelle entre la Communauté française et la Communauté flamande », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2293-2294, 2016.
  • [103]
    A. Greoli, Communiqué de presse, 30 septembre 2016.
  • [104]
    Par exemple, « Culture en péril. Ceci n’est pas un statut », de Marc-Olivier Picron, 2015.
  • [105]
    Par exemple, « L’âme des cafards », de et avec David Murgia, 2014.
  • [106]
    Article 3, § 1er, de l’arrêté royal n° 38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social des travailleurs indépendants (Moniteur belge, 29 juillet 1967).
  • [107]
    Article 1erbis de la loi du 27 juin 1969 révisant l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs (Moniteur belge, 25 juillet 1969), inséré par l’article 170 de la loi-programme (I) du 24 décembre 2002 précitée et modifié par l’article 21 de la loi-programme (I) du 26 décembre 2013 précitée.
  • [108]
    Ibidem.
  • [109]
    Commission Artistes, « Rapport d’activités », 2015, p. 8.
  • [110]
    Article 17sexies, § 1er, de l’arrêté royal du 28 novembre 1969 pris en exécution de la loi du 27 juin 1969 révisant l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs (Moniteur belge, 5 décembre 1969), modifié par l’article 5 de l’arrêté royal du 26 mars 2014 complétant le statut social des artistes et fixant les modalités d’octroi du visa artiste et de la carte d’artiste (Moniteur belge, 17 avril 2014).
  • [111]
    Article 1erbis, § 1er, de la loi du 27 juin 1969 précitée, modifiée par la loi-programme (I) du 24 décembre 2002 précitée, tel que modifié par l’article 21 de la loi du 20 juillet 2015 portant dispositions diverses en matière sociale (Moniteur belge, 21 août 2015).
  • [112]
    C.-E. Clesse (dir.), Sécurité sociale. Dispositions générales, Bruxelles, Bruylant, 2016, p. 44.
  • [113]
    Article 1erbis, § 1er, de la loi du 27 juin 1969 précitée, modifiée par la loi-programme (I) du 24 décembre 2002 précitée.
  • [114]
  • [115]
    « FAQ. Visa artiste », www.artistatwork.be.
  • [116]
    Commission Artistes, « Règlement d’ordre intérieur (ROI) », article 17 (annexe à l’arrêté royal du 29 février 2016 approuvant le règlement d’ordre intérieur de la Commission Artistes, Moniteur belge, 22 mars 2016).
  • [117]
    Article 1, § 1er, de l’arrêté royal du 26 mars 2014 précité.
  • [118]
    Article 1erbis, § 3, de la loi du 27 juin 1969 précitée, modifiée par la loi-programme (I) du 24 décembre 2002 précitée.
  • [119]
    Article 1erbis, § 1er, de la loi du 27 juin 1969 précitée, modifiée par la loi-programme (I) du 24 décembre 2002 précitée.
  • [120]
    Ibidem.
  • [121]
    « FAQ. Déclaration d’activité indépendante », www.artistatwork.be.
  • [122]
    Article 1erbis, § 1er, de la loi du 27 juin 1969 précitée, modifiée par la loi-programme (I) du 24 décembre 2002 précitée.
  • [123]
    « FAQ. Déclaration d’activité indépendante », www.artistatwork.be.
  • [124]
    S. Capiau, « Le statut social et fiscal de l’artiste plasticien », op. cit., p. 120.
  • [125]
    Article 1er, § 3, de l’arrêté royal du 3 juillet 2005 modifiant l’arrêté royal du 28 novembre 1969 pris en exécution de la loi du 27 juin 1969 révisant l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs et pris en exécution de l’article 12ter de l’arrêté royal du 5 novembre 2002 instaurant une déclaration immédiate de l’emploi, en application de l’article 38 de la loi du 26 juillet 1996 portant modernisation de la sécurité sociale et assurant la viabilité des régimes légaux des pensions et révisant l’article 4, § 2, deuxième alinéa de l’arrêté royal du 26 juin 2003 portant fixation des conditions et des modalités d’octroi de la déclaration d’activité indépendante demandée par certains artistes (Moniteur belge, 19 juillet 2005).
  • [126]
    Article 1er, § 5, de l’arrêté royal du 3 juillet 2005 précité.
  • [127]
    Rapport au Roi (arrêté royal du 3 juillet 2005 précité).
  • [128]
    Article 17sexies, § 1er, 3°, de l’arrêté royal du 28 novembre 1969 précité.
  • [129]
    Commission Artistes, « Rapport annuel. 2016 », op. cit., p. 16-17 ; Commission Artistes, « Rapport annuel. 2017 », op. cit., p. 9-11.
  • [130]
    Commission Artistes, « Rapport annuel. 2017 », op. cit., p. 9.
  • [131]
    Article 1er de l’arrêté ministériel du 13 mars 2017 portant modification de l’article 4 de l’arrêté ministériel du 23 octobre 2015 relatif au modèle de la carte et du visa “artistes” (Moniteur belge, 24 mars 2017).
  • [132]
    Article 3 de l’arrêté ministériel du 23 octobre 2015 relatif au modèle de la carte et du visa “artistes” (Moniteur belge, 30 octobre 2015), inséré par l’arrêté ministériel du 2 mai 2019 portant modification de l’arrêté ministériel du 23 octobre 2015 relatif au modèle de la carte et du visa “artistes” (Moniteur belge, 6 mai 2019).
  • [133]
    Commission Artistes, « Rapport annuel. 2017 », op. cit., p. 13.
  • [134]
    « FAQ. Carte artiste », www.artistatwork.be.
  • [135]
    Ibidem.
  • [136]
    Ibidem.
  • [137]
    « Sécurité sociale. Employeurs. Infos générales. À propos de dimona », www.socialsecurity.be.
  • [138]
    Article 2, § 1er, de l’arrêté royal du 26 mars 2014 précité.
  • [139]
    Article 1er, § 4, de l’arrêté royal du 3 juillet 2005 précité.
  • [140]
    Article 6 de l’arrêté royal du 26 mars 2014 précité.
  • [141]
    Article 1er, § 6 et 7, de l’arrêté royal du 3 juillet 2005 précité.
  • [142]
    Article 1er, § 6, de l’arrêté royal du 3 juillet 2005 précité.
  • [143]
    Commission Artistes, « Rapport annuel. 2017 », op. cit., p. 9.
  • [144]
    Rapport au Roi (arrêté royal du 3 juillet 2005 précité).
  • [145]
    Cf. Commission Artistes, « Rapport d’activités », 2005, p. 9 et 41.
  • [146]
    ONEM, « Avez-vous droit aux allocations après une occupation ? », Feuille info T31, mise à jour le 1er janvier 2019, www.onem.be.
  • [147]
    Article 11 de l’arrêté ministériel du 26 novembre 1991 portant les modalités d’application de la réglementation du chômage (Moniteur belge, 25 janvier 1992).
  • [148]
    Article 10 de l’arrêté ministériel du 26 novembre 1991 précité, tel que modifié par l’arrêté ministériel du 7 février 2014 modifiant les articles 1er, 10, 31 et 71 de l’arrêté ministériel du 26 novembre 1991 portant les modalités d’application de la réglementation du chômage (Moniteur belge, 20 février 2014).
  • [149]
    Ibidem.
  • [150]
    Article 27, 10°, de l’arrêté ministériel du 26 novembre 1991 précité, tel que modifié par l’arrêté royal du 7 février 2014 modifiant les articles 27, 37, 71bis, 116 et 130 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, insérant un article 48bis et abrogeant un article 74bis dans le même arrêté et modifiant l’article 13 de l’arrêté royal du 3 mai 2007 fixant le régime de chômage avec complément d’entreprise (Moniteur belge, 20 février 2014).
  • [151]
    Article 10 de l’arrêté ministériel du 26 novembre 1991 précité, tel que modifié par l’arrêté ministériel du 7 février 2014 précité.
  • [152]
    Article 2 de l’arrêté royal du 7 février 2014 précité.
  • [153]
    ONEM, Riodoc 140424 : « Traitement des demandes d’allocations des travailleurs qui effectuent des prestations artistiques et des techniciens du secteur artistique ; détermination de l’indemnisation ; traitement des déclarations d’activités et de revenus », mis à jour le 22 septembre 2017, p. 16.
  • [154]
    Article 3 de l’arrêté royal du 7 février 2014 précité.
  • [155]
    Concernant le cadre général, cf. V. Lefebve, « Les réformes de l’assurance chômage (2011-2019) », op. cit.
  • [156]
    Article 114, § 1er, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage (Moniteur belge, 31 décembre 1991).
  • [157]
    Articles 114 à 119 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 précité.
  • [158]
    Articles 116, § 5 et 5bis, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 précité.
  • [159]
    Article 116, § 5, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 précité.
  • [160]
    Article 116, § 5bis, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 précité.
  • [161]
    ONEM, Riodoc 140424, op. cit., p. 34.
  • [162]
    Article 114, § 6, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 précité.
  • [163]
    Article 114, § 1erter, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 précité.
  • [164]
    Article 114, § 6, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 précité.
  • [165]
    Article 116, § 5, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 précité (erratum du 13 mars 1992), tel qu’en vigueur avant sa modification par l’article 6, 3°, de l’arrêté royal du 7 février 2014 précité.
  • [166]
    ONEM, Riodoc 140424, op. cit., p. 34.
  • [167]
    Ibidem, p. 44.
  • [168]
    Ibidem, p. 72.
  • [169]
    Ibidem, p. 78.
  • [170]
    Article 116, § 5, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 précité ; ONEM, Riodoc 140424, op. cit., p. 37.
  • [171]
    Article 31 de l’arrêté ministériel du 26 novembre 1991 précité.
  • [172]
    Article 31 de l’arrêté ministériel du 26 novembre 1991 précité, tel que modifié par l’article 3 de l’arrêté ministériel du 7 février 2014 précité.
  • [173]
    Article 32 de l’arrêté ministériel du 26 novembre 1991 précité.
  • [174]
    Ibidem.
  • [175]
    Article 175 de la loi-programme (I) du 24 décembre 2002 précitée.
  • [176]
    Article 31 de la loi du 4 avril 2014 portant modification des lois coordonnées du 19 décembre 1939 relatives aux allocations familiales pour travailleurs salariés (Moniteur belge, 5 mai 2014).
  • [177]
    Cf. V. Demertzis, « Le système des prestations familiales en Belgique avant la sixième réforme de l’État », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2405, 2018.
  • [178]
    Article 30 de la loi du 4 avril 2014 précitée.
  • [179]
    ONEM, « Quelle est votre situation familiale ? », Feuille info T147, mise à jour le 1er septembre 2018.
  • [180]
    Articles 176 à 181 de la loi-programme (I) du 24 décembre 2002 précitée.
  • [181]
    Article 64, § 2, F, de l’arrêté royal du 21 décembre 1967 portant règlement général du régime de pension de retraite et de survie des travailleurs salariés (Moniteur belge, 16 janvier 1968).
  • [182]
    T. Roosen, A. Genin, R. Leloup, Quel statut social pour les artistes en Belgique ?, Bruxelles, Société civile des auteurs multimédia (SCAM), 2019, https://uniondesartistes.be, p. 27-28.
  • [183]
    Loi du 16 juillet 2008 modifiant le Code des impôts sur les revenus 1992 et organisant une fiscalité forfaitaire des droits d’auteur et des droits voisins, Moniteur belge, 30 juillet 2008.
  • [184]
    Article 130 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 précité.
  • [185]
    Article 7 de l’arrêté royal du 7 février 2014 précité.
  • [186]
    L’emploi artistique est de fait souvent un condensé de formes d’emplois fragmentés et de situations de pluriactivité, de ressources combinées entre les emplois abris et les revenus indemnitaires où, paradoxalement, les indemnités de chômage constituent souvent la part la plus sûre du revenu d’un intermittent. Cf. P.-M. Menger, Profession artiste. Extension du domaine de la création, Paris, Textuel, 2005, p. 46-47.
  • [187]
    C. Levaux, J.-G. Lowies, « Salariat et chômage des artistes en Belgique », Revue de la Société liégeoise de musicologie, n° 31-32-33, 2015, p. 13-34 ; J.-G. Lowies, « The Belgian Artist’s New Status: A Case of Evidence-Based Governance? », 8th International Conference on Cultural Policy Research (ICCPR 2014), Université d’Hildesheim, septembre 2014.
  • [188]
    P.-M. Menger, Les intermittents du spectacle. Sociologie d’une exception, Paris, École des hautes études en sciences sociales, 2005, p. 32-33.
  • [189]
    À ce sujet, S. Capiau, A. J. Wiesandet al., La situation des professionnels de la création artistique en Europe, op. cit.
  1. Introduction
  2. 1. Le cadre général
    1. 1.1. La notion d’artiste
      1. 1.1.1. Une définition problématique
      2. 1.1.2. Un besoin de catégories
      3. 1.1.3. La distinction « artistique » - « non artistique »
      4. 1.1.4. La distinction « artiste professionnel » - « artiste amateur »
      5. 1.1.5. La distinction « artiste créateur » - « artiste interprète »
      6. 1.1.6. Un éventail de définitions de portée limitée
      7. 1.1.7. Des définitions plurielles et concurrentes
      8. 1.1.8. Une tâche inachevée
    2. 1.2. Les enjeux de l’amélioration de la condition des artistes
      1. 1.2.1. Les recommandations internationales
      2. 1.2.2. L’importance économique du secteur culturel et créatif
      3. 1.2.3. Les enjeux philosophiques et politiques
    3. 1.3. Les spécificités des professions artistiques
      1. 1.3.1. L’hyper-concurrence et le financement de la création artistique
      2. 1.3.2. La valorisation financière de l’activité artistique
      3. 1.3.3. La temporalité du travail artistique : l’intermittence
      4. 1.3.4. Le risque et l’incertitude
      5. 1.3.5. L’inadéquation des référentiels classiques
  3. 2. Le cadre institutionnel
    1. 2.1. La répartition des compétences
    2. 2.2. L’enchevêtrement et la confusion des rôles
    3. 2.3. L’Autorité fédérale et ses interlocuteurs
      1. 2.3.1. Les institutions publiques de sécurité sociale
      2. 2.3.2. Le Conseil national du travail (CNT)
      3. 2.3.3. Les commissions paritaires (CP)
      4. 2.3.4. La Commission Artistes
    4. 2.4. Les Communautés et leurs interlocuteurs
      1. 2.4.1. Les initiatives des Communautés
      2. 2.4.2. Les organisations sectorielles, professionnelles et autres
      3. 2.4.3. La mission d’information des Communautés envers les artistes
    5. 2.5. Les Régions et leurs interlocuteurs
      1. 2.5.1. Les réductions de cotisations sociales
      2. 2.5.2. Le contrôle de la disponibilité des chômeurs
      3. 2.5.3. Les agences de travail temporaire, intérimaire et de placement
      4. 2.5.4. La consultation et la concertation au niveau régional
    6. 2.6. Les enjeux d’une coordination multi-niveaux
      1. 2.6.1. Le fédéralisme de coopération et le fédéralisme de responsabilité
      2. 2.6.2. L’évolution et l’hybridation des modes de participation
    7. 2.7. Les actions et déclarations hors-cadre
  4. 3. Le statut social actuel de l’artiste
    1. 3.1. La notion de « statut »
      1. 3.1.1. Les usages juridiques
      2. 3.1.2. Relation de travail, statut social et droit du travail
      3. 3.1.3. L’expression « statut d’artiste » en Belgique
      4. 3.1.4. Le « statut de l’artiste » dans un sens symbolique
      5. 3.1.5. Le « statut de l’artiste » dans la communication politique
    2. 3.2. Les dispositions en matière de sécurité sociale
      1. 3.2.1. L’assujettissement à la sécurité sociale en l’absence de contrat de travail
        1. 3.2.1.1. Bénéficiaires du dispositif
        2. 3.2.1.2. Limites du dispositif
      2. 3.2.2. Les indemnités forfaitaires de défraiement : le « régime des petites indemnités » (RPI)
        1. 3.2.2.1. Bénéficiaires
        2. 3.2.2.2. Limites du dispositif
      3. 3.2.3. L’admissibilité au chômage sur la base de prestations payées à la tâche : la « règle du cachet »
        1. 3.2.3.1. Bénéficiaires
        2. 3.2.3.2. Limites du dispositif
      4. 3.2.4. La période de chômage non indemnisable
      5. 3.2.5. La non-dégressivité du montant des allocations de chômage : la « protection de l’intermittence »
        1. 3.2.5.1. Bénéficiaires
        2. 3.2.5.2. Limites du dispositif
      6. 3.2.6. L’aménagement de la notion d’« emploi convenable » en matière de chômage
      7. 3.2.7. Les allocations familiales des artistes salariés et assimilés
      8. 3.2.8. Les vacances annuelles des artistes salariés et assimilés
      9. 3.2.9. Artistes pensionnés et emploi
      10. 3.2.10. Droits d’auteur et assurance chômage
    3. 3.3. Une mosaïque de dispositions dérogatoires
    4. 3.4. Un impensé : emploi et chômage en régime d’intermittence
Jean-Gilles Lowies
Steve Bottacin
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La question du statut social des artistes est éminemment complexe. Sur le plan juridique, les artistes ne constituent en effet pas une catégorie distincte en matière de sécurité sociale et de droit du travail. Dès lors, comme tous les travailleurs, ils exercent leur profession comme salariés, comme indépendants ou comme fonctionnaires, et ils bénéficient des mécanismes de protection sociale conçus pour ces trois types de relation de travail. Tout au plus, quelques normes font l’objet d’adaptations ponctuelles à leur égard, sous conditions. Ainsi, dans certains cas, des activités artistiques salariées peuvent donner lieu à une suspension de la dégressivité des allocations de chômage. Cet avantage est souvent dénommé « statut d’artiste » alors que, en réalité, il ne constitue ni un statut ni même un statut social, mais une simple dérogation conditionnelle à la réglementation du chômage.

Paraissant en trois livraisons successives, ce Courrier hebdomadaire vise à retracer les étapes majeures de l’action publique en matière de protection sociale des artistes en Belgique, à en analyser les multiples enjeux et à faire état des positions en présence, alors que le gouvernement fédéral De Croo a annoncé son intention de réformer ce domaine.

Dans ce premier tome, J.-G. Lowies et S. Bottacin posent les cadres généraux du débat, décrivent le cadre institutionnel dans lequel s’inscrivent les politiques publiques en matière de protection sociale des artistes, et présentent les dispositions légales et réglementaires qui régissent actuellement le « statut d’artiste ».

Mis en ligne sur Cairn.info le 18/06/2021
https://doi.org/10.3917/cris.2494.0007
ISBN 9782870752630
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