CAIRN.INFO : Matières à réflexion

5. Positionnements récents des principaux acteurs

1Dans ce chapitre, nous étudions successivement les positionnements récents des principaux partis politiques (dont les évolutions sont rythmées par les rendez-vous électoraux), ceux des gouvernements (à différents niveaux de pouvoir) et ceux des autres acteurs en mesure de peser sur l’évolution de la problématique (des instances judiciaires aux organisations syndicales, sectorielles et professionnelles, en passant par le CNT et l’ONEM).

5.1. Les positionnements face à la réforme de 2013-2014

2Nous avons évoqué plus haut les réactions des milieux artistiques, tantôt hostiles, tantôt favorables à la réforme de 2013-2014. Au fur et à mesure de la mise en application des nouvelles règles, c’est l’ensemble des principaux acteurs qui se positionnent et opèrent des ajustements stratégiques, voire défendent une nouvelle inflexion de l’action publique. Certains valident le nouveau cadre issu de la réforme et ne prennent pas position en faveur de sa modification ; d’autres le jugent inadapté et défendent sa révision, soit en faveur d’une protection sociale étendue des artistes, soit au contraire au profit d’un renforcement des contrôles par les pouvoirs publics pour prévenir de nouveaux abus. Schématiquement, ce sont donc trois points de vue qui s’expriment alors, dont les arguments et les modes de diffusion vont évoluer au fil du temps.

3Un élément contribue à la diversité de ces positionnements : la situation de l’emploi artistique varie notablement d’une région à l’autre (cf. Graphique 6). Dès 2012, le volume d’emploi diminue le plus fortement en Flandre, laissant la Région bruxelloise accueillir le plus grand volume d’artistes (le volume d’emploi est calculé ici selon le domicile du travailleur). On remarque également une sensible remontée du volume d’emploi à partir de 2017. Celle-ci pourrait notamment s’expliquer par l’ouverture du mécanisme fiscal de « tax shelter » aux arts de la scène.

Graphique 6

Volume d’emploi salarié artistique en équivalents temps plein, par région de domicile du travailleur et par trimestre (2004-2019)

Graphique 6. Volume d’emploi salarié artistique en équivalents temps plein, par région de domicile du travailleur et par trimestre (2004-2019)

Volume d’emploi salarié artistique en équivalents temps plein, par région de domicile du travailleur et par trimestre (2004-2019)

Source : ONSS.

4La situation du chômage est également spécifique à chaque région et fortement liée à l’emploi (cf. Tableau 5). En ce sens, c’est la Région bruxelloise qui concentre le volume le plus élevé tant de l’emploi artistique que du chômage des artistes. Pour des raisons que l’on n’évoquera pas ici, les capitales exercent le plus souvent une force d’attraction vis-à-vis du monde culturel et des artistes : Bruxelles n’échappe pas à cette règle même si des villes comme Anvers et Mons recèlent nombre de qualités culturelles. Mais d’autres éléments sont à épingler. On constate ainsi des différences marquées entre la Flandre et les deux autres régions. D’une part, le volume d’emploi salarié est relativement similaire en Flandre et en Région bruxelloise, mais le volume de chômage dans cette dernière apparaît plus important, tant du point de vue des effectifs que des montants d’allocations. D’autre part et à l’inverse, les volumes de chômage sont très proches en Flandre et en Wallonie, mais le volume d’emploi dans cette dernière est significativement moins élevé. Comparativement à ses deux voisines, la Flandre peut ainsi apparaître comme la région où un volume d’emplois artistiques relativement élevé se combine avec un volume de chômage artistique relativement moindre. Un dernier élément nuance cependant ce tableau : le montant moyen des allocations par artiste (« unité physique ») est globalement comparable dans les trois régions, étant quelque peu plus élevé en Région bruxelloise et moins élevé en Flandre par rapport à la moyenne nationale, située à 921 euros par mois. Soulignons au passage que ce montant moyen national des allocations de chômage par artiste est inférieur au seuil de pauvreté, qui est de 1 115 euros.

Tableau 5. Montants des allocations de chômage et effectifs d’allocataires, par région (2004-2019)

Tableau 5. Montants des allocations de chômage et effectifs d’allocataires, par région (2004-2019)

Tableau 5. Montants des allocations de chômage et effectifs d’allocataires, par région (2004-2019)

Source : ONEM.

5.2. Les orientations des partis politiques de 2014 à 2019

5Les scrutins multiples du 25 mai 2014 et du 26 mai 2019 constituent de bons points de départ pour examiner les positionnements récents des partis politiques sur cette problématique. Rappelons que ces scrutins ont chacun renouvelé six assemblées par élection directe (la Chambre des représentants, le Parlement wallon, le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, le Parlement flamand, le Parlement de la Communauté germanophone et la représentation belge au Parlement européen) et cinq autres de façon indirecte (le Sénat, le Parlement de la Communauté française et les assemblées des trois commissions communautaires bruxelloises). Dans un tel contexte, chargé d’enjeux communautaires, les partis tendent à affiner leurs propositions en matière de politiques culturelles. Les positions affichées par les principales formations partisanes à la veille de ces scrutins donnent dès lors une bonne idée de l’état de leurs réflexions et de leurs intentions, notamment sur la question dite du statut de l’artiste.

5.2.1. Les orientations des partis politiques en mai 2014

6Comme on le sait, les élections du 25 mai 2014 prennent place au lendemain d’une réforme importante des dispositions légales et réglementaires appliquées aux artistes.

5.2.1.1. Les partis favorables au maintien du cadre institué en 2014

7Plusieurs partis – PS, CD&V, Open VLD, CDH, VB et PP – expriment une position favorable au maintien du cadre issu de la réforme de 2014, que ce soit de manière explicite ou, plus généralement, implicite.

8Le Parti socialiste (PS) se focalise uniquement sur la question de l’emploi artistique et ne fait pas mention du statut social de l’artiste. Rappelons que celui-ci vient alors d’être modifié par une ministre socialiste (cf. supra) ; en faire l’examen critique pourrait peut-être être interprété comme un désaveu de l’action ministérielle menée. Le PS annonce néanmoins sa volonté de « garantir et sécuriser l’emploi artistique » ; à cette fin, il propose notamment de « réaliser un cadastre de l’emploi dans le secteur artistique (…) ; assurer une répartition objective des aides à la création dans les domaines artistiques (…) ; développer un pôle de formation aux métiers techniques de la filière culturelle »  [1].

9Le Christen-Democratisch en Vlaams (CD&V) ne se prononce pas sur le fond du dossier, mais il met l’accent sur la gouvernance multi-niveaux et appelle une plus grande implication de la Flandre en la matière par la concertation structurelle entre niveaux de pouvoir : « Consultation structurelle entre le gouvernement flamand et le gouvernement fédéral sur les compétences fédérales liées à la culture, telles que les droits d’auteur, les statuts sociaux et fiscaux des auteurs, des artistes et des bénévoles, la TVA, etc. »  [2]. Sans évoquer clairement de transfert de compétence, cette position laisse donc transparaître la volonté d’un rôle régional accru. Quant à lui, le Centre démocrate humaniste (CDH) défend clairement le cadre réglementaire récemment modifié, en déclarant succinctement vouloir « pérenniser le statut d’artiste qui permet le cumul entre une allocation de l’ONEM et une activité intermittente, émergente ou partielle »  [3].

10Bien qu’ils développent chacun leur vision particulière des politiques culturelles, l’Open Vlaamse Liberalen en Democraten (Open VLD)  [4], le Vlaams Belang (VB)  [5] et le Parti populaire (PP)  [6] ne prévoient pas de mesure spécifique concernant le statut social de l’artiste. Ils se prononcent donc, à tout le moins par défaut, en faveur du cadre institué.

5.2.1.2. Les partis favorables à une nouvelle modification du cadre

11Du côté francophone, le MR, Écolo et les FDF marquent particulièrement leur volonté d’améliorer le système de protection sociale des artistes. Du côté néerlandophone, les positions prennent deux voies : Groen défend une révision du statut social alors que la N-VA et le SP.A s’orientent plus sensiblement vers une lutte contre les abus de ce statut. Le PTB exprime quant à lui également une volonté d’amélioration du statut de l’artiste.

12Le Mouvement réformateur (MR) propose de faciliter l’accès à la protection sociale des artistes en diminuant le nombre de jours de travail requis pour bénéficier des allocations de chômage, de 312 à 216  [7]. À cet égard, il souhaite que « les techniciens du secteur artistique bénéficient de la règle de calcul avantageuse des prestations de travail pour ouvrir le droit aux allocations de chômage dont bénéficient les travailleurs effectuant des prestations artistiques »  [8]. Le MR entend également diminuer la durée exigée pour bénéficier de la protection de l’intermittence (alors fixée à 156 jours)  [9]. Par ailleurs, il souhaite soutenir l’emploi des artistes. En ce sens, il propose de réaliser un cadastre de l’emploi artistique « afin de s’assurer que les professions artistiques ne soient pas les laissés-pour-compte des politiques culturelles »  [10]. Il invite aussi à maintenir ou à augmenter les réductions de cotisations patronales. Enfin, il défend une diminution du nombre de jours de travail requis pour que les artistes puissent ne pas accepter un « emploi convenable » dans un autre secteur que celui de la culture.

13Écolo propose d’« adopter un véritable statut pour les artistes »  [11]. Il note le démantèlement progressif du statut social de 2002 par les mesures prises à partir de 2011, souligne l’action restrictive de l’ONEM qui outrepasse ses compétences, et déplore les effets des modifications de 2014 : « Avec cette réforme, les jeunes et les techniciens sont tout simplement menacés d’exclusion du statut d’artiste ! »  [12] Écolo propose de mettre fin aux discriminations existantes en accordant une protection sociale incluant les artistes interprètes et créateurs et les techniciens. Par ailleurs, Écolo développe toute une série de propositions visant à soutenir l’emploi artistique, notamment par la réalisation d’un cadastre de l’emploi, par la création d’un Fonds Maribel propre au secteur artistique et par la clarification des obligations en termes d’emploi assignées aux organisations subventionnées pluriannuellement.

14Les Fédéralistes démocrates francophones (FDF)  [13] appellent à mettre en place un « statut légitime pour les artistes »  [14]. Se disant inquiets des réformes récentes du statut des artistes, ils pointent les durcissements opérés tant sur la protection de l’intermittence que sur la règle du cachet et les contrats 1erbis. Considérant que les artistes « exercent un rôle social incontournable et doivent pouvoir intervenir librement dans une société », les FDF estiment que la loi devra « rapidement faire l’objet d’une évaluation, car de potentiels effets pervers sur le travail au noir pourraient être créés »  [15].

15La Nieuw-Vlaamse Alliantie (N-VA) déclare son souhait de protéger les artistes en rendant le système viable financièrement. Elle dénonce les abus sociaux et fiscaux du statut actuel, et veut y mettre fin par un changement de réglementation et par le renforcement des contrôles sociaux : « Afin de lutter contre les abus fiscaux et sociaux, nous assainissons légalement le statut de l’artiste et renforçons le contrôle social. Si nous ne le faisons pas, le système s’effondrera sous le fardeau financier, et les artistes en seront les victimes »  [16].

16Le Socialistische Partij Anders (SP.A) propose d’alléger le quotidien des artistes par des mesures de simplification légale et administrative : « Le SP.A réduit considérablement le fardeau administratif et juridique des artistes »  [17]. Il défend la nécessité de mieux délimiter le « statut de l’artiste » afin d’en supprimer les abus : « Une délimitation meilleure et plus claire nous aidera à éliminer les abus du statut de l’artiste. Nous étudions comment la “Commission fédérale des artistes” peut jouer un rôle plus important à cet égard »  [18].

17Du côté néerlandophone, le programme de Groen est de loin le plus détaillé sur cette matière. Il comprend une dizaine de propositions très précises, qui entendent améliorer le statut des artistes et offrir à ceux-ci une protection pleine et entière : « Le statut social des artistes doit encore beaucoup s’améliorer. Groen s’engage pour une protection correcte et donc pleine et entière des artistes »  [19]. Groen veut notamment lutter contre les abus du système et propose de le faire en améliorant la règle du cachet : « Nous voulons améliorer le cachet des artistes concernés, mais en même temps, nous voulons lutter contre les abus »  [20]. Par ailleurs, le programme se distingue par des mesures variées touchant notamment à la fiscalité (séparer le taux progressif des impôts du principe d’annualité) ainsi qu’à la représentation des artistes dans la Commission Artistes.

18Le programme général du Parti du travail de Belgique (PTB ; en néerlandais, Partij van de Arbeid van België - PVDA) reste muet sur la question du statut social de l’artiste. Cependant, le programme pour la Wallonie y fait référence dans le chapitre consacré à la culture : « Les récentes réformes du statut social des artistes portent atteinte aux conditions mêmes de la création artistique. En renforçant considérablement les conditions d’accès à ce statut (voire en rendant cet accès impossible), on condamne de nombreux créateurs à la précarité ou à l’abandon de leur travail. Ainsi, beaucoup d’artistes vivent aujourd’hui en dessous du seuil de pauvreté. Les artistes sont doublement pénalisés puisque les réductions de budgets que vivent de plus en plus les grandes institutions culturelles et artistiques se font généralement au détriment de l’engagement des artistes. Ils sont ainsi, trop souvent, pris comme une “variable d’ajustement” budgétaire. Tôt ou tard, cela nuira à notre production culturelle. Paradoxalement, ce sont les créateurs qui sont le plus durement touchés par les mesures d’austérité »  [21]. Le programme consacré à la Région bruxelloise reprend le même texte  [22]. Par ailleurs, le chapitre consacré à la culture est disponible séparément sur le site Internet du PTB et diffère quelque peu des versions « wallonne » et « bruxelloise » précédentes. Il mentionne une mesure concrète et chiffrée : « Retour sur la réforme du statut social de l’artiste et passer à 15 000 euros sur dix-huit mois pour y accéder »  [23].

5.2.1.3. Synthèse

19Les clivages politiques classiques peinent à rendre compte des divers positionnements affichés dans ce dossier en mai 2014, exception faite partiellement du clivage linguistique. Du côté néerlandophone, les positions se révèlent moins convergentes entre elles que du côté francophone. Les intentions sont davantage dispersées. Lorsque la problématique est mise à l’agenda, les partis néerlandophones oscillent significativement vers le renforcement des contrôles et la lutte contre les usages qualifiés d’abusifs des dispositions de sécurité sociale propres aux artistes. Les mesures proposées vont parfois de pair avec une modification du cadre réglementaire, présentée comme offrant une meilleure protection des artistes. Globalement, les positions des partis francophones se distinguent par l’intention quasi généralisée de favoriser l’emploi des artistes.

20Dans l’ensemble, on notera également qu’en mai 2014, le cadre institué par la récente réforme est soutenu, explicitement ou tacitement par un peu moins de la moitié des formations politiques se présentant aux élections fédérales.

5.2.2. Les orientations des partis politiques en mai 2019

21Cinq ans plus tard, lors du scrutin multiple du 26 mai 2019, les positions des partis vis-à-vis du statut social des artistes révèlent une accentuation de l’écart entre le sud et le nord du pays. À nouveau, on n’observe pas de positionnements homogènes par famille politique (famille socialiste, famille libérale, famille de tradition sociale-chrétienne, famille écologiste) qui seraient clivés selon un axe gauche-droite. Les programmes électoraux marquent plutôt un grand écart du point de vue culturel et linguistique.

22Ainsi, au sud du pays, on constate un large consensus pour mettre une nouvelle réforme du statut social des artistes à l’agenda politique. Malgré quelques différences quant aux solutions proposées, la quasi-unanimité exprimée pour une modification du cadre en vigueur doit être soulignée. À l’inverse, au nord du pays, les partis politiques n’évoquent pas ou pas en détail la problématique, laissant implicitement se dégager une volonté globale de maintenir la réglementation en l’état.

5.2.2.1. Les partis favorables au maintien du cadre en vigueur

23Du côté francophone, aucun parti politique n’exprime le souhait d’un statu quo.

24Du côté néerlandophone, une part importante des partis politiques – N-VA  [24], VB  [25], Open VLD  [26] et Groen  [27] – ne mentionnent aucune position sur la thématique. Ces formations se montrent dès lors implicitement favorables au maintien du système existant. Épinglons au passage l’évolution singulière du positionnement de Groen, qui ne reprend pas son argumentaire détaillé de 2014.

5.2.2.2. Les partis favorables à une nouvelle modification du cadre

25Du côté francophone, le MR, Écolo et Défi marquent comme en 2014 leur volonté d’améliorer le système de protection sociale des artistes ; lors de ces élections, ils sont rejoints en outre à cet égard par le PS et le CDH. Les argumentaires des partis se révèlent fort développés, démontrant une ouverture par rapport aux divers mémorandums et revendications émanant du secteur culturel. Les propositions soulignent également le rôle à jouer par la Communauté française en matière de soutien à l’emploi artistique et d’information envers le secteur culturel et les artistes. Du côté néerlandophone, les positions du CD&V et du SP.A expriment quelques pistes de changements mais de manière plus succincte et relativement principielle.

26Le PS souhaite « lutter contre la précarisation des artistes en facilitant l’accès au statut de l’artiste, en rendant son maintien plus accessible et en renforçant les conditions d’emplois artistiques dans les conventions et contrats-programmes de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de ses opérateurs soutenus »  [28]. Il veut aussi créer un « code de l’intermittent qui prendra en compte la nature fluctuante du travail d’un artiste (et) inclura les techniciens du spectacle et aura notamment pour objectif de diminuer le nombre de jours à valoriser pour accéder aux allocations de chômage »  [29]. Le PS souhaite également « limiter d’office, pour la règle du cachet, le plafond de jours valorisables par trimestre à 156 et pas selon les mois où l’artiste a touché un revenu » et « élaborer un système de taxation progressif des droits d’auteur et des droits voisins ». Il veut aussi « réaliser un cadastre des emplois artistiques afin de quantifier l’emploi artistique en Fédération Wallonie-Bruxelles ». Il souhaite « renforcer l’emploi dans le secteur artistique » et, à cette fin, il s’agit selon lui « d’identifier clairement dans les conventions et contrats-programmes la part qui revient à l’emploi artistique ».

27Le MR constate que « la problématique du statut et de l’emploi des artistes souffre de l’éclatement des compétences publiques en la matière (Communautés, fédéral, Régions) » et veut « faciliter l’accès aux allocations de chômage » et « diminuer le nombre de jours nécessaire à l’octroi des allocations tel qu’existant déjà pour des travailleurs particuliers : 216 au lieu de 312 ». Le MR affirme qu’« il convient que les techniciens du secteur artistique bénéficient de la règle de calcul avantageuse des prestations de travail pour ouvrir le droit aux allocations de chômage dont bénéficient les travailleurs effectuant des prestations artistiques ». Il souhaite également « faciliter l’accès à la protection de l’intermittence » et « adapter la notion d’emploi non convenable »  [30]. Le MR veut « réaliser un cadastre de l’emploi culturel et favoriser l’emploi artistique au sein des institutions culturelles subventionnées ». Il veut soutenir l’emploi notamment par la création d’un « fonds pour l’emploi pérenne dans le secteur du spectacle vivant » et par l’augmentation de « la réduction de cotisations patronales pour l’engagement d’artistes ». Il entend également développer la mission d’information vers le secteur culturel et « créer un guichet d’informations pour artistes et entrepreneurs culturels (…), une structure d’accompagnement qui puisse exercer de manière neutre des missions d’information et de conseil auprès des artistes et des entrepreneurs culturels ».

28Afin de « donner un statut aux artistes leur permettant d’avoir une vie professionnelle stable (notamment en intégrant la prise en compte des activités de répétition) et un statut social décent », Écolo veut « mettre en place une réforme profonde du cadre législatif encadrant le statut d’artiste qui mette fin aux discriminations existantes entre les différentes professions qui composent le secteur et entre les différentes générations (les nouveaux arrivés n’ont pas la possibilité d’accéder au statut actuel) »  [31]. Dans cette perspective, « Écolo-Groen s’est intéressé au modèle néerlandais et est actuellement en train d’échanger avec eux pour s’en inspirer », notamment concernant la mise en place d’un « dispositif participatif sur la situation des artistes sur le marché de l’emploi »  [32], étant donné qu’« une telle plateforme d’échanges et de recherche manque cruellement en Belgique »  [33]. Écolo souhaite également promouvoir l’emploi artistique, en définissant « une obligation minimale de maintien et/ou de création d’emplois artistiques dans les aides publiques et subventions en création culturelle », via « une politique de quotas minimum d’emplois artistiques imposée aux récipiendaires d’aides publiques en fonction des secteurs et de leurs spécificités et via une généralisation de l’accès aux aides à l’emploi »  [34].

29Le CDH veut « mettre en place un véritable statut des artistes leur permettant d’avoir accès à une sécurité d’existence et de valoriser leur apport créatif et culturel avec une attention particulière aux artistes féminines qui restent fort minoritaires ». Il entend également « veiller à garantir la part de l’emploi artistique généré par les opérateurs dans l’examen des demandes de subventions et dans les évaluations, et ce tant dans les aspects quantitatifs (part d’emploi artistique dans l’emploi total…), mais aussi dans les aspects qualitatifs (types de contrats, périodes rémunérées pendant les créations) »  [35]. Le CDH veut aussi développer la mission d’information vers le secteur culturel et « déployer un réseau cohérent d’agences-conseils pour les artistes et les créateurs »  [36].

30Le parti Démocrate fédéraliste indépendant (Défi, ex-FDF) veut « que les artistes soient enfin véritablement mis au centre en les dotant d’un statut simplifié et viable »  [37] et estime qu’« il est nécessaire à présent d’apporter des modifications au régime actuel telles que : assouplir l’entrée dans le “statut” d’artiste, l’élargir à un plus grand nombre, accentuer la protection des artistes, ou encore corriger les critères permettant de bénéficier des avantages liés au “statut” »  [38]. Défi souhaite entre autres que « l’ONEM, en dialogue avec les fédérations professionnelles, les Communautés et les Régions, définisse les fonctions artistiques et techniques en accord avec la nature réelle de l’activité exercée par le travailleur, clarifie et harmonise les règles de l’ONEM, en les rendant plus conformes à la réalité des situations ». Il souhaite aussi « une amélioration du statut des techniciens ; une protection de l’intermittence ; l’adaptation de la règle de l’emploi convenable ; la révision de la “règle du cumul” »  [39]. De surcroît, Défi veut « promouvoir une politique d’emploi artistique volontaire et ambitieuse » ; il « propose d’imposer une obligation d’emplois dans les contrats-programmes quinquennaux et de prévoir des sanctions en cas de non-respect de ces quotas précis ». Enfin, Défi « demande de mettre en place, en lien avec les Régions wallonne et bruxelloise, un cadastre de l’emploi artistique, sur base d’une nomenclature unifiée, ce qui permettra de disposer d’un état des lieux objectif et précis »  [40].

31Du côté néerlandophone, le CD&V souhaite soutenir davantage le secteur des arts et estime que le statut des artistes doit rester attractif et qu’une plus grande sécurité juridique doit être assurée. Le CD&V précise que, dans le même temps, il faut prévenir les abus sans perdre les talents d’aujourd’hui  [41].

32Quant au SP.A, il envisage un plan pour un meilleur soutien aux artistes et veut améliorer la connaissance du « statut de l’artiste »  [42]. Il s’efforce également de veiller à ce que les artistes et les travailleurs culturels reçoivent une rémunération équitable  [43].

33À quelques détails près, le programme du PTB est le même du côté francophone que du côté néerlandophone. Le parti affirme : « Nous luttons aux côtés des syndicats et des artistes pour améliorer et garantir la sécurité sociale des artistes »  [44]. Le programme francophone, mais non son pendant néerlandophone, ajoute : « Grâce à un statut public qui libère l’artiste des contraintes angoissantes des engagements temporaires et précaires, celui-ci peut s’engager pleinement dans son art, y compris par une implication sociale s’il le souhaite, comme dans un quartier, une école ou la rue »  [45]. Le PTB veut « éradiqu[er] le fléau du travail à la prestation ou au cachet dans le secteur culturel »  [46]. Le PTB souhaite « promouvoir l’idée du “travailleur culturel”, à l’instar de ce qui a été fait en France avec les intermittents du spectacle »  [47].

5.2.2.3. Synthèse

34Outre la nette accentuation d’un clivage Nord-Sud (beaucoup plus marqué qu’en 2014), il convient de noter l’émergence d’une convergence de vues entre les principales formations politiques francophones (au-delà des différences d’approche), avec un éventail de propositions plus variées et plus précises que cinq ans plus tôt. Si bon nombre de mesures préconisées par ces formations se trouvaient déjà formulées en mai 2014 (et sont reprises telles quelles), d’autres dénotent un examen plus approfondi de la problématique. Cette évolution semble traduire une prise en compte croissante, par les partis francophones, des préoccupations rencontrées par les artistes à mesure que la réforme de 2013-2014 est implémentée.

35Un examen attentif des précédents historiques nous a toutefois montré qu’une telle conjonction n’est pas exceptionnelle et qu’elle ne se traduit pas forcément par des initiatives de grande ampleur à l’échelon fédéral. Même lorsqu’une réforme advient à ce niveau, comme en 2002, elle n’emprunte pas forcément les voies prônées ouvertement par les partis qui la réclament. Au-delà des causes et des conséquences de l’asymétrie Nord-Sud, les logiques à l’œuvre au sein d’un gouvernement se distinguent de celles qui animent chacun des partis qui le composent.

5.3. Les orientations des gouvernements de 2014 à 2019

36Concrètement, les positionnements des partis politiques lors d’une campagne électorale diffèrent (parfois considérablement) des mesures qu’ils peuvent adopter lors de leur participation à une coalition gouvernementale, celle-ci étant par nature conçue au terme de subtils compromis. Les gouvernements apparaissent en outre comme des organes d’un degré de complexité supplémentaire, soumis à d’autres influences et confrontés à d’autres enjeux qu’une formation politique, quelle qu’elle soit. D’où l’intérêt d’examiner la place prêtée à la problématique de la protection sociale des artistes dans les déclarations gouvernementales récentes.

5.3.1. Le gouvernement fédéral

37Jusqu’à 2020, les déclarations gouvernementales de l’Autorité fédérale mentionnent rarement (ou bien de manière lapidaire) la volonté d’agir sur le dossier du « statut de l’artiste », quel que soit le sens prêté exactement à cette notion en l’occurrence. Ainsi, alors que le chantier législatif de 2002 commence à être mis en œuvre, le gouvernement Verhofstadt II (VLD/PS/MR/SP.A–Spirit) prévoit une seule mesure en la matière en 2003 : « En ce qui concerne le statut des artistes, les agences artistiques seront soumis[es] à un tarif TVA de 6 % »  [48].

38Entre 2007 et 2010, l’instabilité politique ne paraît pas laisser de place au statut de l’artiste au sein des brèves déclarations gouvernementales. Après les élections fédérales du 13 juin 2010, l’accord du gouvernement Di Rupo (PS/CD&V/MR/SP.A/Open VLD/CDH), constitué le 5 décembre 2011, n’en fait pas mention  [49], même si l’on assiste finalement à une révision des réglementations en 2013.

39En 2014, l’accord du gouvernement Michel I (N-VA/MR/CD&V/Open VLD) prévoit le maintien et l’amélioration du statut de l’artiste : « Le gouvernement reconnaît le statut distinct pour l’artiste. La réglementation actuelle est évaluée, ajustée, optimisée afin d’éviter des abus et de réduire les pièges à l’emploi »  [50]. On épinglera au passage le caractère approximatif et discutable de l’expression « statut distinct pour l’artiste ».

40La chute du gouvernement Michel I en décembre 2018 conduit à une période d’affaires courantes gérées par la coalition minoritaire et démissionnaire Michel II (MR/CD&V/Open VLD). Jusqu’au scrutin multiple du 26 mai 2019, le contexte politique national n’est guère propice à un réexamen du statut des artistes et de ses enjeux. Au sortir de ce scrutin, c’est pire encore : la Belgique se trouve plongée dans une crise politique prolongée qui apparaît bientôt « d’une gravité sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale »  [51]. De surcroît, le gouvernement fédéral minoritaire en affaires courantes – devenu le gouvernement Wilmès I (même composition) en octobre 2019 – connaît un avatar atypique et inattendu (Wilmès II, à partir de mars 2020), dans un contexte d’urgence sanitaire et économique, impropre à une déclaration gouvernementale classique  [52]. Nous reviendrons sur cette dernière séquence, puis sur la formation et l’accord de gouvernement du gouvernement De Croo, dans la dernière partie de ce chapitre.

41Conformément à sa feuille de route, le gouvernement Michel I mène une action continue dans le domaine, à la satisfaction notamment du CNT  [53]. Semblablement, à partir du début de la législature 2014-2019, plusieurs députés fédéraux interviennent pour signaler leur préoccupation vis-à-vis du statut de l’artiste. C’est dans cette perspective que la Commission des Affaires sociales de la Chambre des représentants entame, à partir de juin 2017, une série d’auditions en vue de réfléchir à la modification et à l’amélioration du cadre réglementaire  [54]. Une douzaine de personnes sont entendues au cours de deux séances  [55].

42Les auditions de la Commission permettent également une série d’observations. Ainsi, du côté des députés issus de partis néerlandophones, l’accent semble mis, bien plus que pour ceux des partis francophones, sur la dimension de contrôle des dispositifs en vigueur, en vue de sanctionner les possibles abus. En l’occurrence, certains partis soulignent amplement le caractère régional des abus qui seraient constatés. La N-VA pointe du doigt la hausse d’artistes chômeurs spécifiquement en Région bruxelloise, comme l’affirme Wouter Raskin : « Force est de constater que certaines personnes, au profil bien défini, en profitent aujourd’hui sans pouvoir raisonnablement être considérées comme des artistes. Ces abus doivent être combattus. Depuis l’introduction du statut d’artiste, le nombre de bénéficiaires a connu une augmentation exponentielle, surtout à Bruxelles »  [56]. Rappelons au passage que cette hausse est principalement due à une hausse de l’emploi et, pour toute une série de raisons dont la concentration des activités artistiques propre aux villes capitales, c’est au sein de la Région bruxelloise que l’on constate le plus grand volume d’emploi artistique (cf. supra).

43Les auditions de la Commission mettent également en évidence une série de préoccupations et de pistes d’amélioration de la situation. Il y est ainsi rappelé que le système de protection sociale des artistes est tributaire de l’économie globale du secteur artistique : la pression sur le marché du travail entraîne notamment de nombreux artistes à accepter des conditions d’emploi extrêmement précaires, parfois hors des sentiers balisés par le droit du travail.

44La multiplication des lieux institutionnels chargés de qualifier la nature « artistique » des activités est également critiquée à de multiples reprises lors des débats. Tout particulièrement, il est suggéré que ce soit la Commission Artistes qui puisse être l’unique instance en la matière, et non plus l’ONEM. En outre, il est rappelé que le législateur s’était gardé, non sans raison, d’établir une liste limitative de fonctions jugées « artistiques », tel que le fait l’ONEM, afin de laisser une marge d’appréciation indispensable pour suivre les évolutions rapides des différentes disciplines artistiques.

45Enfin, plusieurs parlementaires s’interrogent sur les opportunités de mesures concrètes permettant d’améliorer le statut social de l’artiste à court terme, tout en évoquant la nécessité de travaux de plus grande ampleur pour concevoir, le cas échéant, un nouveau système de protection sociale adapté aux réalités de l’emploi artistique.

5.3.2. Les gouvernements de Communauté

46Du côté des gouvernements de la Communauté française et de la Communauté flamande, aucune mesure concernant le statut de l’artiste n’est explicitement à l’agenda en 2014. Le gouvernement de la Communauté française Demotte III (PS/CDH) fait cependant part alors de son intention d’agir sur l’emploi artistique, notamment via la réalisation d’un « cadastre de l’emploi dans le secteur culturel »  [57] – qui, à ce jour, n’a pas été réalisé.

47Le gouvernement de la Communauté française se distingue au cours de l’année 2015 en menant l’opération « Bouger les lignes » (BLL), initiée par la ministre de la Culture, Joëlle Milquet (CDH), avec la collaboration de l’Observatoire des politiques culturelles (OPC) et de l’Administration générale de la Culture  [58]. Il s’agit d’une vaste consultation des secteurs artistique et culturel francophones autour d’une thématique baptisée « Artistes au centre ». Elle a pour ambition, « à travers une méthodologie démocratique allant progressivement vers plus de concret, d’émettre un certain nombre de propositions permettant à la ministre de construire un plan d’avenir pour remettre les artistes au centre dans les différentes filières, mais aussi les techniciens et les auteurs »  [59]. Le processus s’articule en trois temps : une consultation de représentants des secteurs artistique et culturel (de mars à juin 2015) ; une concertation pour aboutir à des propositions concrètes, sectorielles ou transectorielles (de novembre à décembre 2015) ; une synthèse finale, amendée par les secteurs artistique et culturel, présentée le 22 janvier 2016. Ce document liste un grand nombre de recommandations ciblées et dix priorités, au premier rang desquelles figure la mise en place d’« une concertation transversale pour revoir le statut, social, fiscal des travailleurs intermittents du secteur artistique, stimuler la création d’emploi artistique et reconsidérer le statut symbolique et professionnel des artistes »  [60]. Au niveau de la Communauté française, impossible de formuler ici davantage que des engagements : « Cette thématique sort des compétences de la ministre, mais celle-ci souhaite, avec son homologue flamand, Sven Gatz [ministre de la Culture du gouvernement flamand Bourgeois (N-VA/CD&V/Open VLD)], agir. Le dialogue entre les différents niveaux de pouvoir doit avoir lieu. La topologie politique y est favorable et la prise de conscience a eu lieu »  [61].

48De fait, en 2017, les Communautés française et flamande annoncent leur volonté de transmettre à l’Autorité fédérale une série de recommandations en vue d’améliorer le statut social des artistes. Selon la nouvelle ministre francophone de la Culture, Alda Greoli (CDH), les deux entités communautaires auraient à cette fin mis sur pied un groupe de travail  [62]. En un sens, cette collaboration, qui vise une matière qui concerne les Communautés au plus haut point sans qu’elles n’en aient les compétences, marquerait une forme de fédéralisme de coopération. Les éventuelles propositions conjointes des deux Communautés n’ont toutefois pas été rendues publiques.

49En 2019, la déclaration du gouvernement flamand Jambon (N-VA/CD&V/Open VLD) ne comporte pas de mesure spécifique au statut des artistes mais prévoit que « l’attention portée à l’entrepreneuriat culturel sera renforcée. Les instruments actuels (comptoir culturel, crédit culturel, programme d’achat d’art, etc.) seront poursuivis, évalués et, le cas échéant, renforcés »  [63].

50À la même époque, en Communauté française, diverses mesures sont programmées et portent tant sur l’emploi des artistes que sur la question de leur statut social ou encore sur les missions d’information et de conseil qui leur sont destinées. Sur ces aspects, le gouvernement Jeholet (PS/MR/Écolo) s’engage à : « renforcer l’emploi dans le secteur artistique, définir une obligation minimale de maintien et de création d’emplois artistiques dans les aides publiques et subventions et réaliser un cadastre des emplois artistiques en Fédération Wallonie-Bruxelles ; œuvrer à un réel statut aux artistes et techniciens leur permettant d’avoir une vie professionnelle stable et un statut social décent et plaider pour la mise sur pied d’une conférence interministérielle impliquant les ministres concernés dont notamment les ministres de l’Emploi et de la Culture des différents niveaux de pouvoir ; relancer le Guichet des Arts pour renseigner et accompagner tout artiste ou porteur de projets dans son bassin de vie (conseils juridiques, promotion, soutien administratif, partenariats potentiels, matériel), en complémentarité avec d’autres opérateurs tels que Smart et les [bureaux sociaux pour artistes (BSA)] »  [64].

51Dans son accord de gouvernement de 2019, la COCOF souligne que « Bruxelles foisonne de richesses culturelles. En la matière, le [collège] travaillera (…) à mettre en place, avec les autres entités concernées, l’office culture »  [65]. Cet office serait une sorte de guichet unique de la culture délivrant les informations utiles aux travailleurs concernés. Initiatrice de ce projet, la COCOF aura néanmoins à conjuguer ses efforts avec ceux déjà déployés de la Communauté flamande (Cultuurloket) et de l’Autorité fédérale (Commissions Artistes). C’est pourquoi ce projet a été mis à l’étude au sein de la CIM-Culture en 2020. La coordination doit également se faire avec les partenaires bruxellois puisque la déclaration de politique générale de la Région de Bruxelles-Capitale et de la COCOM rejoint ce thème en mentionnant : « Le gouvernement soutiendra les initiatives culturelles bicommunautaires et appuiera la construction d’un guichet unique bilingue pour les acteurs de la culture bruxelloise et les artistes »  [66].

5.4. Les orientations d’autres acteurs de 2014 à 2019

52Au cours de la période 2014-2019, faute d’avancées politiques majeures, les autres acteurs susceptibles d’influer sur l’évolution de la protection sociale des artistes doivent s’orienter, bon gré mal gré, dans un contexte toujours propice à des ajustements conflictuels : le CNT et l’ONEM, d’une part, et les organisations professionnelles, sectorielles et syndicales, d’autre part, continuent de s’inscrire dans des logiques contradictoires. Cela conduit à de nouveaux arbitrages que l’on pourrait qualifier de « techniques », soit au niveau des cours et tribunaux, soit au niveau des commissions paritaires.

5.4.1. Le rôle des instances judiciaires

53Comme à bien d’autres périodes clés de l’histoire de la protection sociale des artistes, la judiciarisation de la problématique – c’est-à-dire le recours croissant au pouvoir judiciaire pour pallier les défaillances des pouvoirs législatif et exécutif en la matière – demeure un élément déterminant de l’évolution récente du dossier. C’est que le rôle des institutions judiciaires dans l’évolution du statut social des artistes est inversement proportionnel à la clarté du cadre législatif, réglementaire et administratif en vigueur : plus les normes sont complexes, voire obscures, plus les sources de litiges sont nombreuses  [67]. Dès lors, les arrêts des tribunaux et des cours du travail influent régulièrement sur l’évolution des usages, d’autant que ces avis font jurisprudence : ils peuvent peser sur certains arbitrages ultérieurs dans d’autres litiges similaires, jusqu’à constituer un usage établi, éventuellement entériné par l’adoption d’une nouvelle norme.

54Du 13 mai au 28 juin 2013, le tribunal du travail de Bruxelles a notamment été amené à statuer sur plus de 250 recours d’artistes, via la CGSP et Smart, contre des décisions de l’ONEM (cf. Chapitre 4). Ce dernier a été condamné dans un grand nombre de dossiers. De même, en 2016 et 2017, l’ONEM a essuyé plusieurs condamnations judiciaires à la cour du travail de Bruxelles  [68]. Lors de tels épisodes, on assiste à « un glissement des sphères de responsabilité allant de l’instance politique – le pouvoir législatif [ou exécutif] – vers le pouvoir judiciaire. Ce phénomène a créé une situation d’insécurité pour les artistes ne sachant plus quel système leur sera appliqué, l’instance judiciaire se prononçant a posteriori »  [69].

5.4.2. Le Conseil national du travail (CNT)

55Rappelons que le CNT, sollicité en juin 2017 par la Commission des Affaires sociales de la Chambre des représentants, remet un avis le 28 novembre 2017  [70] par lequel il actualise son analyse de la situation, salue certaines avancées et émet quelques recommandations. Au nombre des avancées, il constate que l’obligation d’un visa artiste a diminué les abus en la matière. Cela étant, il recommande de contrôler davantage encore le processus en obligeant les employeurs à demander une reconnaissance ou un agrément à l’ONSS. L’objectif est clairement énoncé : établir des sanctions « si la prestation invoquée dans le contrat relevant de l’article 1erbis (…) ne peut être considérée comme une prestation artistique de nature professionnelle ou si l’ensemble des éléments constitutifs d’un contrat de travail classique sont réunis »  [71].

56Nous l’avons vu, le CNT recommande encore la création d’une plateforme électronique censée permettre une déclaration et un relevé des prestations artistiques mieux régulés (cf. supra, section 4.8.10.1). Signalons dès à présent que, depuis lors, une plateforme en ligne baptisée « Artist@Work » a effectivement été créée : elle est opérationnelle depuis janvier 2020 pour l’obtention et l’utilisation des documents délivrés par la Commission Artistes (carte artiste, visa artiste et déclaration d’activité indépendante) : l’enregistrement des prestations artistiques liées à la carte ou au visa peut désormais s’effectuer en ligne, même si cela reste à ce stade une simple option.

57Plus largement, c’est au phénomène de portage salarial que le CNT entend répondre. Par ailleurs, dans son avis du 28 novembre 2017, le CNT souligne certaines contradictions, telles que les divergences d’interprétation entre la Commission Artistes et l’ONEM ou même entre certains bureaux de l’ONEM.

5.4.3. L’Office national de l’emploi (ONEM)

58Dans ce contexte d’incertitude annonçant de potentiels changements, l’ONEM prend l’initiative d’une réorientation des mécanismes en place. Rappelons qu’en septembre 2017, il émet une nouvelle version de son interprétation des normes, qui restreint l’accès des artistes tant aux allocations de chômage qu’à la disposition les protégeant de la dégressivité des allocations  [72]. Il précise alors de manière restrictive les critères permettant à un artiste de faire valoir que son contrat est « à la tâche », ce type de contrat permettant de bénéficier du calcul adapté du nombre de jours à valoriser dans l’accès au statut de chômeur complet indemnisé (règle du cachet) ou à la protection de l’intermittence (non-dégressivité).

59Selon l’ONEM, la rémunération au cachet est désormais inapplicable dans un secteur d’activités artistiques où s’applique déjà une convention collective de travail prescrivant des normes en matière d’horaires et de rémunérations : « une rémunération par service n’est pas “à la tâche” lorsque le contrat ou la convention collective de travail prévoit une tarification horaire » et « une rémunération n’est pas “à la tâche” lorsque la convention collective de travail relie la rémunération à un temps de travail qu’elle détermine et ce quel que soit le temps de travail réel de la prestation »  [73].

60Cette position (non inscrite dans la loi) revient concrètement à tolérer aussi peu d’écart que possible par rapport à la norme du contrat de travail classique, à la durée, encadré par les normes du droit du travail, tant en matière d’horaire que de rémunération. Comme nous l’avons vu (cf. supra, section 4.8.10.2), ce positionnement rejoint celui d’interlocuteurs sociaux, notamment celui de la FGTB et du SETCA-Culture défendu fin 2013 dans une lettre à la ministre M. De Coninck (cf. supra). Il s’agit bien pour l’ONEM de réserver le bénéfice de la règle du cachet aux artistes sous contrats 1erbis, par définition non liés par la moindre convention collective de travail.

61Le mobile de l’ONEM est exprimé de manière limpide dans un courrier adressé à la Commission Artistes : « L’ONEM applique cette disposition (contrat à la tâche) mais constate ces derniers mois une recrudescence des demandes où l’application de la règle de calcul avantageuse de la rémunération à la tâche est sollicitée pour l’admission au bénéfice des allocations. Parallèlement, l’ONEM constate que le nombre des rémunérations à la tâche qui doivent être déclarées par l’artiste en cours de chômage et qui entraînent la perte d’allocations est en nette diminution »  [74].

5.4.4. Le rôle des commissions paritaires (CP)

62Alors qu’en Commission des Affaires sociales de la Chambre des représentants, plusieurs partis politiques s’émeuvent également de l’initiative de l’ONEM dans sa circulaire du 22 septembre 2017, le ministre de l’Emploi du gouvernement fédéral Michel I, Kris Peeters (CD&V), est interpellé sur cette problématique lors de questions parlementaires (cf. supra). Le ministre déclare alors vouloir régler la situation en privilégiant la concertation avec les interlocuteurs sociaux. Or l’interprétation de l’ONEM prend appui sur les conventions collectives de travail ; si celles-ci ne prévoient pas de travail à la tâche, les artistes ne pourront s’en prévaloir. Les interlocuteurs sociaux y réagissent et entament une phase de consultation avec le ministre K. Peeters.

63C’est au niveau de commissions paritaires actives dans le secteur culturel (CP 227, CP 303, CP 304 et CP 329) que la question est envisagée. Celles-ci se mettent d’accord à l’unanimité pour réviser les conventions collectives de travail en vigueur afin d’éviter l’interprétation mise en œuvre par l’ONEM. Elles trouvent un accord entre elles, rassemblant tant les pans francophones et néerlandophones que les bancs patronaux et syndicaux.

64Déclarant avoir mené « une concertation large (…) avec les organismes représentatifs du secteur artistique », K. Peeters tient début 2018 « une réunion avec les partenaires sociaux concernant le recours à la rémunération à la tâche dans le cadre de la réglementation du chômage » ; début mars 2018, il recueille ainsi « certaines propositions constructives élaborées par les commissions paritaires concernées », propositions qui ont ensuite vocation à être « transposées en CCT par les instances compétentes »  [75].

65L’issue, présentée en juin 2018 par le ministre K. Peeters à la Commission des Affaires sociales, consiste à forger une règle du cachet plus restrictive, entérinant le resserrement soudain des interprétations de l’ONEM. Six critères sont recensés, auxquels l’artiste doit désormais satisfaire pour bénéficier de la conversion avantageuse induite par la règle du cachet. Parmi ceux-ci, deux paraissent de nature contraignante : d’une part, « le salaire payé ne peut être inférieur ou égal à la rémunération fixée dans les CCT sur la base du nombre planifié d’heures de prestations » ; d’autre part, « la tâche doit être définie avec précision, de manière à ce qu’il soit possible d’en déduire clairement le caractère artistique »  [76].

66La Commission est censée se saisir à nouveau de ce sujet et se réunir en juillet 2018, en présence également de la ministre fédérale des Affaires sociales, Maggie De Block (Open VLD), mais la séance est reportée à de multiples reprises et se tient finalement le 27 mars 2019, soit deux mois avant le scrutin multiple du 26 mai. Lors de cette séance, le ministre K. Peeters développe l’idée d’un statut de « travailleur autonome », encore flou à ce stade : cette catégorie ne se limiterait pas aux artistes mais répondrait à leur situation spécifique. Il rappelle également les nombreuses réunions et consultations réalisées durant la législature. Il se félicite de la concertation avec les interlocuteurs sociaux, les associations sectorielles et les Communautés.

67Le dialogue des interlocuteurs sociaux avec le gouvernement fédéral prend donc pied et se développe au sein des commissions paritaires du secteur culturel. Toutefois, la pluralité des légitimités de représentation est évoquée par la députée Karine Lalieux (PS), qui rappelle l’insatisfaction de nombre d’artistes et qui estime : « Pour l’avenir, il faut absolument travailler avec le secteur artistique dans son entièreté même si c’est parfois très compliqué d’obtenir une position unanime de leur part. (…) Et les partenaires sociaux, oui, mais les partenaires sociaux ne représentent pas tous les artistes. C’est plus compliqué que cela »  [77].

5.4.5. Les organisations professionnelles, sectorielles et syndicales

68Avec cet enchaînement de faits, on assiste de nouveau à une série d’ajustements stratégiques réciproques entre les instances publiques productrices de normes et les artistes. En effet, la pression et l’hyper-concurrence du marché de l’emploi artistique poussent inévitablement ces derniers à adopter deux règles de comportements : d’une part, éviter tout type de contrat qui aurait pour effet de réduire leurs allocations de chômage et, d’autre part, rencontrer les normes qui leur assureraient les allocations les plus élevées et les plus stables. Par exemple, vu la règle relative à la « période non indemnisable » appliquée aux contrats 1erbis ou « à la tâche », les contrats « à la durée » se trouvent préférés par une large part d’artistes bénéficiant déjà d’allocations de chômage non dégressives. Chaque durcissement de ces normes relance un nouveau cycle d’adaptations, légitimant à son tour un durcissement des normes, et ainsi de suite.

69Globalement, l’ONEM ne semble pas prendre la mesure de la précarité et de l’hyper-flexibilité de l’emploi artistique ; il entend dès lors modifier l’interprétation des règles. Il souhaite légitimement limiter les potentiels abus et cible les pratiques d’ingénierie sociale, notamment rendus possibles à grande échelle par les intermédiaires du salariat.

70Même des intermédiaires du salariat font entendre leur voix. Par exemple, T-Interim dénonce l’interprétation de l’ONEM : « La conclusion d’un contrat à durée déterminée ou non n’exclut pas par définition que l’indemnité versée pour les prestations exécutées soit une rémunération à la tâche. (…) Dès lors, nous estimons qu’il est manifestement injuste d’exclure toujours et catégoriquement ces artistes de la règle avantageuse de l’article 10 de l’arrêté ministériel [du 26 novembre 1991]. Cette interprétation de l’ONEM est trop stricte et passe à côté de l’esprit de la loi, qui cherchait à accorder une protection sociale à un groupe cible spécifique »  [78].

71Des étudiants d’écoles supérieures artistiques se mobilisent à leur tour afin de dénoncer les nouvelles restrictions de la protection sociale des artistes et créent le Mouvement des étudiant.e.s travailleur.euse.s des arts en lutte (METAL)  [79]. En octobre 2017, près d’une dizaine d’associations professionnelles tant francophones que néerlandophones s’associent – ce qui constitue un fait relativement rare qui donne la mesure de l’événement – pour exhorter le ministre K. Peeters à annuler immédiatement la dernière note interprétative de l’ONEM citée plus haut  [80]. Ces organisations professionnelles souhaitent très largement rendre caduques ces nouvelles interprétations restrictives.

72Faisant suite aux polémiques relatives au positionnement de l’ONEM et dans la perspective des débats électoraux précédant le scrutin multiple du 26 mai 2019, plusieurs organisations professionnelles ou sectorielles émettent une série de propositions de changements réglementaires.

73Artists United et De Acteursgilde présentent leur position lors des auditions parlementaires évoquées précédemment et leurs constats sont sans appel : le statut social élaboré en 2002 « est aujourd’hui sérieusement menacé et exige d’urgence une révision »  [81]. Les deux organisations visent plus particulièrement les modifications réglementaires de 2014 et l’action de l’ONEM, qui « bloquent presque entièrement l’accès au système d’allocations pour toute la jeune génération ». Elles pointent également la hausse du nombre de chômeurs artistes durant la période 2000-2010 et accréditent la thèse des abus : « Cette hausse serait due à la tricherie organisée d’une entreprise bien déterminée  [82], qui a conseillé à de très nombreux chômeurs non artistes de se faire passer pour des artistes afin de s’assurer d’un revenu minimum garanti à vie »  [83]. Artists United et De Acteursgilde proposent ensuite les deux modifications suivantes. D’une part, un accès facilité au statut de chômeur complet indemnisé : passer de 312 à 260 jours durant les 21 derniers mois, dont la moitié doit être de nature artistique, avec application de la règle de calcul adaptée (règle « du cachet ») pour tout travail artistique. D’autre part, un maintien aux prestations sociales sans dégressivité, moyennant la condition annuelle de 52 jours d’emploi comme artiste. Cette proposition entend équilibrer la situation actuelle, qui paraît très restrictive pour l’obtention des allocations de chômage et au contraire très souple pour le maintien de leur non-dégressivité.

74L’Overleg Kunstenorganisaties (OKO) fait également part de ses constats et de ses propositions lors des auditions se déroulant au Parlement fédéral en 2017, dépassant le seul cadre réglementaire du statut de l’artiste. À court terme, l’OKO plaide largement pour une simplification et une transparence des réglementations et des procédures, notamment en matière de chômage. Il donne l’exemple de la carte artiste, qui pourrait faire l’objet d’une application digitale. À long terme, l’OKO suggère de réfléchir à l’existence d’un « revenu de base » pour les artistes, qui remplacerait les allocations de chômage  [84]. Un tel revenu serait limité et ne serait pas perçu lors des prestations effectuées.

75En novembre 2018, le Rassemblement des intermittents du secteur des arts (RISA) émet onze propositions pour un nouveau statut à destination des « travailleurs intermittents des métiers de la création »  [85]. Il entend notamment faciliter l’admission aux allocations de chômage, renforcer les conditions pour bénéficier de la période protégée (non-dégressivité des allocations) et supprimer les effets pervers induits par le dispositif de non-indemnisation.

76Au début de l’année 2019, plusieurs associations francophones, dont l’Union des artistes du spectacle (UAS), avancent une série de propositions, qui sont répertoriées par le quotidien Le Soir  [86]. Il s’agit de changements réglementaires ou d’actions publiques à mettre en œuvre, dont la réalisation d’un cadastre des artistes, la suppression des périodes de non-indemnisation, une prise en considération des droits d’auteur selon leur statut fiscal de revenus mobiliers et non de revenus professionnels, l’accès au bénéfice des allocations de chômage en fonction des montants de rémunération et non d’un nombre de jours, et la création d’un bureau social mutualisé.

77Quant à lui, le SETCA-Culture (affilié à la FGTB) propose de « supprimer la règle du cachet et de la remplacer, dans le secteur du spectacle, par une diminution du nombre de jours requis pour l’accès aux allocations de chômage, à l’instar de ce qui existe déjà pour les pêcheurs en mer (216 jours – au lieu de 312 – en 21 mois) »  [87]. De son côté, la CGSP-Culture (également affiliée à la FGTB) entend continuer le travail de concertation entamé lors de la crise relative à l’interprétation de l’ONEM des contrats « au cachet ». Elle souhaite réaliser une cartographie du travail atypique dans les secteurs de la culture, et vise notamment à « trouver une solution durable pour les fonctions de support/soutien, comme les techniciens » et à adapter la « réglementation sur le cumul en dissociant celle-ci du mode d’indemnisation, mais en prenant en compte la hauteur des montants gagnés »  [88].

78Plusieurs autres organisations professionnelles ou sectorielles prennent position. Ainsi, la Fédération des auteurs compositeurs et interprètes réunis (FACIR) demande « la création d’un véritable statut d’intermittent en Belgique non soumis à l’interprétation ou aux changements de politiques capricieux qui détricotent les acquis sociaux, et la clarification et le respect des textes par l’ONEM, pour ne pas laisser le champ libre à la subjectivité »  [89].

6. Dernières évolutions en date (2019-2020)

79Dans ce dernier chapitre, nous détaillons quelques développements récents et examinons pour finir une série de perspectives que laisse augurer le contexte passé en revue dans les précédents chapitres.

6.1. Les éléments ponctuels

80C’est au niveau communautaire francophone que le dossier du « statut de l’artiste » ressurgit, début février 2019, par le dépôt d’un projet de motion motivée par deux députés du Parlement de la Communauté française : Caroline Persoons (Défi) et Matteo Segers (Écolo). Intitulé « Emploi artistique : statut, contrats… Attentes et réalité », le texte adresse notamment au gouvernement de la Communauté française les demandes suivantes : « mettre en place, en lien avec les Régions wallonne et bruxelloise, un cadastre de l’emploi artistique sur la base d’une nomenclature unifiée », « renforcer les obligations d’emplois artistiques dans les contrats-programmes conclus par la Fédération Wallonie-Bruxelles » et « renforcer les contacts avec l’État fédéral, les Communautés et les Régions afin de revoir le statut social, fiscal et économique des travailleurs intermittents »  [90]. Cependant, le projet de motion n’obtient pas l’approbation d’une majorité parlementaire.

81Le 13 février 2019, une douzaine d’associations professionnelles d’artistes, tant francophones que néerlandophones, s’unissent pour demander la suppression de l’article 130 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 introduit en 2014  [91]. Cet article prévoit un remboursement des allocations de chômage pour les artistes qui perçoivent des revenus découlant directement ou indirectement de leurs activités artistiques dont le montant dépasse la somme de 4 536,48 euros nets imposables (soit 9 072,96 euros bruts). Cela concerne principalement les droits d’auteur et les droits voisins. Rappelons que, selon la loi du 16 juillet 2008, ces revenus sont considérés fiscalement comme des revenus mobiliers s’ils restent inférieurs à un montant plafond (62 090 euros) : ils ne deviennent des revenus professionnels que s’ils dépassent ce seuil et sont affectés à l’exercice de l’activité professionnelle. Le PS, Écolo et Groen déposeront en ce sens deux propositions de loi à la Chambre, les 6 et 12 février 2019  [92], qui n’aboutiront pas ; l’article contesté reste à ce jour en vigueur.

82En décembre 2018, la ministre des Affaires sociales du gouvernement fédéral Michel I, M. De Block, institue par ailleurs la « plateforme électronique artistes » via l’insertion d’un article 172bis dans la loi-programme (I) du 24 décembre 2002  [93]. Baptisée Artist@Work, cette interface informatique est chargée de centraliser l’enregistrement de certaines prestations artistiques : celles relatives à l’octroi du visa artiste, au régime des petites indemnités (RPI) et à la déclaration d’indépendance. Le 26 février 2019, le CNT actualise son avis en la matière  [94] et examine les projets d’arrêtés royal et ministériel correspondants. Le CNT salue la création de cette plateforme qui, de son point de vue, « permettra d’avoir une vision globale des prestations artistiques, ce qui contribuera à garantir une plus grande sécurité juridique. Cette plateforme permettra également de simplifier le travail de la Commission Artistes »  [95]. Précisons toutefois que cette « vision globale des prestations artistiques », rendue possible par l’application selon le CNT, reste en réalité partielle : elle se limite aux prestations effectuées dans le cadre des RPI et des contrats 1erbis et ne rend donc pas compte de l’ensemble de l’emploi artistique. Au passage, le CNT met également en garde contre «  d’autres [sic] filières de contournement qui se développent dans le cadre du statut de l’artiste, et en particulier, le dispositif de l’activité complémentaire via les plateformes reconnues »  [96].

6.2. Les tendances persistantes

83Cette position du CNT révèle la persistance d’une dynamique globale marquée par une succession d’ajustements stratégiques, impulsés, d’une part, par des organisations proposant des dispositifs d’ingénierie sociale et, d’autre part, par des institutions publiques et paritaires hantées par les possibilités de fraude, cherchant à prévenir ou à dénoncer des abus.

84À cela s’ajoutent les disparités et le foisonnement des modes de consultation, toujours prégnants à cette époque, au cœur d’une période de latence où se prépare peu ou prou une modification des normes. Les foyers de consultation ou de concertation se trouvent multipliés, selon une double tension et un double éclatement qui perdurent : d’une part, entre l’Autorité fédérale et les Communautés et, d’autre part, entre les interlocuteurs sociaux et les associations sectorielles ou professionnelles. La participation à la décision se révèle hétéroclite et mixte, brouillant parfois les repères classiques de la concertation sociale et la lisibilité des responsabilités propres à chaque autorité publique.

85Cette tendance est notamment perceptible en 2019, année électorale censée voir l’établissement de nouveaux gouvernements fédéral, régionaux et communautaires. Dans ce contexte, l’enjeu consiste une fois de plus, pour les organisations professionnelles, à sensibiliser davantage les formations politiques à la problématique du statut de l’artiste, et ce aux différents niveaux de pouvoir.

6.3. État des lieux au début de l’année 2020 : un large dissensus

86Ce rapide examen d’évolutions ponctuelles de la problématique, de quelques tendances persistantes parmi les acteurs et, en amont, des positionnements contrastés des principales formations politiques ne permet pas, au début de l’année 2020, d’anticiper une évolution claire du dossier. Si l’on élargit le tour d’horizon aux très nombreuses parties prenantes (dont les interlocuteurs sociaux et l’ensemble des associations professionnelles) en intégrant leurs positionnements parfois peu coordonnés, voire contradictoires, il est alors peu aisé de dégager des positions qui obtiendraient un consensus, encore moins des perspectives solidement fondées. De surcroît, la complexité des négociations et des arbitrages ayant cours aux différents niveaux de pouvoir dans cet État fédéral qu’est la Belgique achève de brouiller les pistes.

87À tout le moins peut-on relever, au début de l’année 2020, deux orientations de fond susceptibles de peser sur l’évolution de la problématique du statut de l’artiste en Belgique.

88D’une part, au vu et au su des difficultés rencontrées par un nombre croissant de travailleurs de la culture, des modifications ou des ajustements précis des dispositifs en vigueur apparaissent comme une issue souhaitable et concevable, tant pour le secteur culturel que pour certains partis politiques francophones, voire (timidement) pour une minorité de formations néerlandophones. L’idée d’un statut à part entière fait également son chemin et semble gagner du crédit au sud du pays, tant du côté des organisations professionnelles que de certains partis politiques.

89D’autre part, le contexte budgétaire demeure clairement peu favorable à la mise en place de nouveaux dispositifs qui se traduiraient par un accroissement des dépenses publiques en matière de sécurité sociale. Le sort même de cette dernière reste différemment apprécié et envisagé au sud et au nord du pays, d’autant que la Flandre ne dédaignerait pas une régionalisation de la compétence. Au regard de ces éléments, une révision en profondeur du statut de l’artiste – et a fortiori la conception d’un nouveau statut de l’artiste sui generis – apparaît alors peu probable, quelle que soit la majorité fédérale finalement constituée en 2020 sur la base des résultats du scrutin du 26 mai 2019.

90Or deux événements majeurs modifient par la suite profondément la donne : l’accentuation de la crise politique puis l’entrée dans une crise sanitaire sans précédent.

6.4. Les effets des crises politique et sanitaire (2020)

91Au début du mois de mars 2020, plus de neuf mois après le scrutin du 26 mai 2019 (et plus de quatorze mois après la chute du gouvernement Michel I), aucune avancée significative ne laisse entrevoir la formation d’un nouveau gouvernement fédéral susceptible d’être soutenu par la majorité des membres de la Chambre des représentants (et, donc, de plein exercice)  [97]. Concrètement, la crise politique semble plus profonde et insurmontable que celle survenue en 2010-2011, incitant au plus grand pessimisme quant à la sortie de crise  [98]. Sans surprise, au cœur d’une telle période d’incertitude et d’instabilité, la problématique du statut de l’artiste ne semble être à l’agenda d’aucun acteur politique et ne connaît aucune avancée.

92C’est dans ce contexte politique tendu que la Belgique doit affronter l’épidémie de Covid-19, apparue en Chine au mois de décembre 2019, décrétée « urgence de santé publique internationale » puis requalifiée en pandémie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), respectivement les 30 janvier et 11 mars 2020. Comme beaucoup d’autres pays, la Belgique tarde à prendre la mesure de la sévérité de l’épidémie mondiale en cours et de la menace que celle-ci pose sur les services hospitaliers  [99], mais est bientôt contrainte d’adopter des mesures de confinement à grande échelle de la population, de manière à contenir l’expansion du virus.

93Une forme de créativité prévaut alors pour que le gouvernement fédéral dirigé par Sophie Wilmès (MR) – gouvernement démissionnaire, minoritaire et en affaires courantes – soit juridiquement fondé à prendre des mesures d’urgence. Un gouvernement Wilmès II obtient la confiance de la Chambre des représentants le 19 mars ; l’exécutif fédéral peut dès lors opérer comme un gouvernement de plein exercice, dans un périmètre d’action limité à la gestion de la crise sanitaire et de ses conséquences, et ce pour une durée de six mois venant à échéance le 17 septembre 2020. Cette séquence ne s’est évidemment pas déroulée sans accrocs  [100].

94Dans la foulée, deux lois du 27 mars 2020  [101] habilitent le gouvernement Wilmès II à prendre des mesures de lutte contre l’extension de la pandémie et lui confèrent des pouvoirs spéciaux pour une durée de trois mois à partir de l’entrée en vigueur de ces deux lois (à savoir le 30 mars)  [102]. Parallèlement, les gouvernements de certaines entités fédérées se trouvent également investis de pouvoirs spéciaux  [103], de même que des collèges communaux ou provinciaux, ces régimes d’exception étant conçus comme des réponses apportées par ces différents niveaux de pouvoir à une même urgence sanitaire.

95Dans ce contexte, la problématique du « statut de l’artiste » (déjà particulièrement complexe et clivante en temps normal) n’est a priori pas à l’agenda. Quand bien même elle le serait, les compétences et les mandats reconnus au gouvernement fédéral Wilmès II ne permettraient pas à celui-ci de forger un nouveau cadre ou de mettre en place des ajustements réglementaires ou législatifs en la matière. Cependant, contre toute attente, le sort des artistes et leurs conditions d’accès à une couverture sociale de qualité reviennent bientôt sur le devant de la scène politique, bénéficiant de l’attention portée à l’impact de la crise sanitaire sur les organisations culturelles et sur le secteur artistique.

6.5. L’impact de la crise sanitaire due à la pandémie de Covid-19 sur les artistes

96En effet, les artistes sont, comme un nombre considérable de travailleurs et d’entrepreneurs, touchés de plein fouet par les mesures prises pour enrayer l’évolution de la pandémie. Celles instaurées par l’arrêté ministériel du 13 mars 2020 portant des mesures d’urgence pour limiter la propagation du coronavirus Covid-19 sont, à elles seules, dévastatrices pour le secteur : d’une part, « les activités à caractères privé ou public, de nature culturelle, sociale, festive, folklorique, sportive et récréative » sont interdites ; d’autre part, « les établissements relevant des secteurs culturel, festif, récréatif, sportif et horeca » sont fermés  [104]. Initialement d’application jusqu’au 3 avril 2020, ces mesures sont par la suite prolongées pour une durée indéterminée  [105].

97De manière générale, qu’elles soient communales, provinciales, régionales, communautaires, nationales, européennes ou internationales, les décisions des autorités se traduisent par l’annulation pure et simple de multiples événements artistiques programmés ou en cours de création. Dès la fin mars, le chiffre de 10 000 annulations d’événements culturels est avancé par une agence de communication spécialisée dans le secteur culturel (Be Culture), cette estimation n’intégrant pas l’annulation des festivals d’été  [106].

98Si cela a un impact au premier chef sur les artistes interprètes (musiciens et comédiens) ainsi que sur les techniciens mobilisés sur ces événements, les artistes créateurs ne sont évidemment pas épargnés. En effet, bien que les librairies soient au départ listées parmi les commerces et magasins autorisés à rester ouverts  [107], la plupart des librairies indépendantes ferment rapidement leurs portes. Éditeurs et distributeurs de livres interrompent également leurs activités, ce qui conduit à mettre à l’arrêt la chaîne du livre  [108]. D’autres « oubliés de la culture » font également part de leur désarroi  [109].

99Toutefois, au tout début des mesures de confinement, l’urgence et l’inquiétude sont telles que les enjeux sanitaires retiennent toute l’attention, de même que l’impact des mesures de confinement sur les chaînes de production et de consommation de base (alimentation, énergie, transport, hygiène) ainsi que dans les domaines pharmaceutique et médical. La priorité est également à la mise en place de mesures exceptionnelles de soutien à différentes catégories d’entreprises, d’associations, de travailleurs, d’allocataires sociaux et d’autres populations fragilisées  [110].

100Il faut bien voir qu’un grand nombre d’artistes se trouvent alors confrontés à un tarissement brutal et simultané de différentes sources de revenus. Leurs rémunérations professionnelles sont suspendues suite à l’annulation des événements (ou des ventes) programmés ; cette interruption n’est pas (ou pas tout de suite) compensée par le bénéfice d’allocations de chômage (chômage économique) ou d’autres revenus compensatoires (droit passerelle) ; l’accès même au chômage (ou à certaines dispositions adaptées dans ce domaine) est incertain puisqu’il exige un nombre déterminé de prestations rémunérées durant une période de référence.

101La situation des artistes est d’autant plus critique qu’une série de facteurs retarde la prise en compte de leur désarroi : la complexité des règles qui s’appliquent à eux ; la méconnaissance de ces règles par une partie des décideurs politiques et des médias (sans parler du grand public) ; et la priorité accordée par les gouvernements à une série d’autres secteurs stratégiques (qualifiés d’« essentiels »), particulièrement dans les premiers mois de la crise sanitaire.

6.6. Les premières mesures de soutien aux artistes

102Dans ce contexte  [111], les Communautés sont les premières instances interpellées et appelées à réagir, au vu de leurs compétences en matière culturelle. Elles organisent dans l’urgence le soutien au secteur culturel, en se concentrant sur les organisations culturelles subventionnées.

103Ainsi, la Communauté française prend une série d’initiatives transversales destinées à soutenir les opérateurs qu’elle finance : maintien des subventions prévues, versement anticipé de subventions, tolérance annoncée en matière d’objectifs des contrats-programmes, prêts de liquidités. La Communauté française crée également un fonds d’urgence dont une part est consacrée au secteur culturel. Sous l’impulsion de la ministre de la Culture du gouvernement francophone Jeholet, Bénédicte Linard (Écolo), plusieurs dispositifs de soutien sont mis en place pour ce secteur : indemnisations pour les opérateurs culturels fragilisés, pour les festivals, pour la chaîne du livre et pour l’audiovisuel. Certaines initiatives bénéficient plus directement aux artistes ; ainsi, la ministre décide le maintien des subventions à la diffusion pour des événements annulés en Communauté française (les tournées Art et Vie). Le ministre-président, Pierre-Yves Jeholet (MR), décide d’octroyer des indemnités pour la diffusion internationale des événements annulés via Wallonie-Bruxelles International (WBI).

104La Flandre n’est pas en reste et crée également un fonds d’urgence dont une part est consacrée à la culture. Le ministre de la Culture, Jan Jambon (N-VA), met en place différents dispositifs : octroi de prêts, indemnisations au secteur socio-culturel, aux organisations culturelles, au rayonnement international, au patrimoine culturel, à la littérature, ainsi qu’un montant important attribué aux auteurs. La Flandre octroie également un financement au fonds des communes, dont une part est destinée à la culture. Enfin, elle distribue des indemnités aux artistes dont l’activité au sein du secteur culturel flamand peut être avérée ; en sont explicitement exclus les artistes francophones.

105La Communauté germanophone prend également diverses mesures pour répondre à la crise. Son gouvernement crée un fonds spécial de 10 millions d’euros qui sert à soutenir, entre autres, les organisations du secteur culturel qui doivent faire face à des pertes de recettes ou à des dépenses supplémentaires. La Communauté garantit également le versement des subventions même si, en raison de la crise, les activités n’ont pu être maintenues. Elle met aussi en œuvre des aides directes aux artistes et aux intermittents du secteur culturel qui effectuent des représentations (les pouvoirs publics octroient un montant de 250 euros et l’organisateur s’engage à verser également des honoraires bruts d’au moins 250 euros).

106Les Régions sont également appelées à contribuer au soutien envers la culture et les artistes. Leurs interventions demeurent toutefois modestes pour le secteur culturel. Elles prennent la forme d’indemnités forfaitaires, également accessibles à d’autres secteurs d’activité, selon des modalités parfois strictes (concordance d’un code NACE, forme juridique commerciale). La Région bruxelloise se distingue par des indemnités adressées directement aux organisations culturelles et, plus surprenant encore, adressées directement aux artistes. Les autres Régions ne suivent pas cette initiative ; les fédérations sectorielles et professionnelles de la culture n’émettent étonnamment aucun souhait en ce sens, préférant adresser leurs revendications à l’Autorité fédérale. Finalement, la Région bruxelloise sera le seul niveau de pouvoir à rejoindre la Communauté flamande en octroyant des indemnités directement aux artistes. De ce fait, seuls les artistes wallons, germanophones et francophones de Flandre n’auront aucun accès à des indemnités directes.

107Si l’on s’en tient à une stricte répartition des compétences, l’Autorité fédérale est a priori moins appelée à soutenir les secteurs culturels et les artistes face aux effets de la lutte contre la pandémie. Pourtant, les partis de l’opposition appellent fortement l’Autorité fédérale à agir, même lorsque la compétence pourrait relever des Communautés, telle que l’aide directe aux artistes. Il n’est pas impossible que des enjeux budgétaires orientent les regards et les revendications vers l’Autorité fédérale.

108Strictement parlant, il est au moins deux domaines où le gouvernement fédéral peut agir en faveur de la culture : la fiscalité et la sécurité sociale. Du côté fiscal, l’Autorité fédérale adapte le dispositif de tax shelter à destination de la création cinématographique et du spectacle vivant. Du côté de la sécurité sociale, l’Autorité fédérale soutient directement les artistes en actionnant deux leviers : la réglementation de l’assurance chômage pour les salariés et le droit passerelle pour les indépendants.

109Dès la fin mars 2020, un droit passerelle de crise est aménagé par le ministre fédéral des Indépendants, Denis Ducarme (MR), dans un premier temps au bénéfice des indépendants à titre principal  [112]. Ensuite, ce droit est élargi aux indépendants complémentaires moyennant certaines conditions de revenus  [113], puis prolongé jusqu’à la fin juin  [114].

110Deux autres mesures sont prises en matière de sécurité sociale par la ministre fédérale de l’Emploi, Nathalie Muylle (CD&V). D’une part, en avril 2020, celle-ci instaure une prolongation des « périodes de référence qui sont nécessaires pour obtenir ou conserver les avantages préexistants ». En l’occurrence, pour les artistes, cela concerne l’accès au chômage et la non-dégressivité des allocations pour ceux bénéficiant de la protection de l’intermittence. Concrètement, les mois d’avril à juin sont neutralisés et la période de référence prolongée de trois mois  [115]. Cette mesure ne vise pas seulement les artistes mais s’inscrit en fait dans un cadre plus large de gel provisoire de la dégressivité des allocations de chômage, tous secteurs confondus, d’avril à juin 2020  [116].

111D’autre part, début mai 2020, la ministre fédérale de l’Emploi décide « d’ouvrir le chômage temporaire aux travailleurs de l’événementiel et du secteur artistique, à condition qu’il s’agisse d’un événement annulé en raison de l’interdiction de rassemblement »  [117]. Cette mesure, qui s’inscrit également dans une stratégie globale d’élargissement du recours au chômage temporaire, est assortie de strictes conditions : le contrat doit être suspendu à cause de la crise du Covid-19 et se dérouler dans la période concernée, l’artiste doit avoir été engagé sous contrat de travail et doit en outre prouver qu’il a été recruté in tempore non suspecto (soit avant le déclenchement de la crise). Cette dernière condition excluant de facto beaucoup d’artistes, habitués à voir leur engagement confirmé et acté peu avant leur prestation (et ne disposant donc pas du contrat signé faisant office de preuve), de multiples négociations sont nécessaires pour adapter le dispositif et l’ouvrir in fine aux usages du secteur culturel.

112Dans la foulée, le 9 juillet 2020, la Chambre des représentants se prononce en faveur d’une proposition de loi « améliorant la situation des travailleurs culturels ». Initialement déposé le 9 avril par des députés PS  [118], le texte est soumis à l’assemblée dans une version largement amendée et augmentée au terme d’un travail parlementaire de fond  [119], alimenté aussi par un avis du Conseil d’État  [120]. Dans sa version finale, la proposition de loi a pour objet de « prendre un certain nombre de mesures temporaires dans la réglementation du chômage en faveur des travailleurs du secteur culturel. Les mesures portent sur les conditions d’admissibilité, les conditions d’octroi et le montant de l’allocation »  [121].

113Ainsi, le texte élargit les possibilités de cumuler la perception d’allocations de chômage et celle de droits d’auteurs et droits voisins. Par ailleurs, la dégressivité des allocations de chômage se trouve gelée pour les artistes et les techniciens des secteurs artistiques. En outre, la période de référence prise en compte lorsque l’artiste prétend déroger à la règle de l’« emploi convenable » est prolongée. Enfin, pour les artistes et techniciens des secteurs artistiques, un accès provisoire aux allocations de chômage se voit instauré, sur la base d’un nombre restreint de prestations effectuées au cours de l’année précédant les mesures de confinement. Il faut bien voir que ces mesures sont conçues comme temporaires : si leurs effets sont rétroactifs (afin de s’appliquer dès les premières semaines de la crise sanitaire), ils sont également limités dans le temps, chaque disposition courant jusqu’au 31 décembre 2020. La possibilité de prolonger ce train de mesures est toutefois laissée au gouvernement fédéral.

114Le 9 juillet 2020, la proposition de loi améliorant la situation des travailleurs du secteur culturel est adoptée à une large majorité : 110 voix pour, 24 contre (principalement les députés N-VA, un député CD&V et Jean-Marie Dedecker) et 10 abstentions (émanant de députés CD&V)  [122]. L’événement, remarquable en soi malgré sa portée limitée, est en fait l’aboutissement d’une série de débats particulièrement nourris autour du sort des artistes et des « travailleurs culturels » dans leur ensemble, notamment en Commission des Affaires sociales de la Chambre : introduction préalable de plusieurs propositions de loi ou de résolution  [123] ; décision prise à la majorité de l’assemblée de travailler sur la base de la proposition de loi PS ; auditions de travailleurs et de syndicats des secteurs culturel, événementiel et artistique le 29 mai ; travaux spécifiques en commission le 9 juin  [124]. Plusieurs parlementaires salueront le caractère collectif de l’effort accompli, certains allant jusqu’à parler d’« un travail riche et édifiant », voire « historique »  [125].

6.7. Le sort des artistes à nouveau à l’agenda sous le gouvernement Wilmès II

115Quoi qu’il en soit, l’adoption de la loi du 15 juillet 2020 améliorant la situation des travailleurs du secteur culturel  [126] ainsi que les mesures prises par le gouvernement fédéral Wilmès II marquent le retour de la condition et de la protection sociale des artistes à l’agenda politique. Dans les premiers mois de la crise sanitaire, une part du secteur culturel s’est émue du fait que le sort de la culture et des artistes n’était guère évoqué par la Première ministre, en particulier lors des conférences de presse faisant suite aux premières réunions du Conseil national de sécurité (CNS) des 17 mars, 24 mars, 15 avril et 24 avril 2020. En effet, lors de ces allocutions très médiatisées et très suivies, aucune mesure propre aux secteurs culturels ou artistiques n’avait été décrétée ; seules quelques allusions aux galeries d’art (envisagées comme des commerces) et aux bibliothèques pouvaient être épinglées.

116Outre des volontés présentes au sein du gouvernement, trois éléments ont pu contribuer à modifier la donne et à faire pression tant sur l’exécutif Wilmès II que sur le Parlement, pour que des solutions soient forgées (ou du moins esquissées) en faveur des artistes et du monde culturel.

117Le premier est un rapport de l’Economic Risk Management Group (ERMG), groupe d’experts institué le 19 mars 2020 avec l’objectif « d’assurer la gestion des risques économiques et macroéconomiques liée à la propagation du Covid-19 en Belgique »  [127]. L’ERMG mène des enquêtes et publie plusieurs rapports. Dans celui daté du 3 avril 2020, l’ERMG identifie les secteurs d’activité les plus affectés par la crise du coronavirus. Selon les experts, le « secteur des arts, spectacles et activités récréatives » est le deuxième secteur le plus touché (après l’horeca), avec une « chute moyenne du chiffre d’affaires » de l’ordre de 74 %  [128]. Cette donnée, émanant des experts-conseils du gouvernement fédéral, offre une première lumière rationnelle à ce qui, jusqu’alors, pouvait être vécu par beaucoup d’artistes ou d’acteurs culturels comme une épreuve individuelle. Cette perspective fournit également l’occasion d’un rappel du poids économique des industries culturelles et créatives  [129], celles-ci apparaissant comme le « troisième employeur d’Europe »  [130], représentant en Belgique 250 000 emplois et contribuant à une part significative (5 %) du PIB national  [131].

118Le deuxième élément est la mobilisation de forces politiques non représentées au sein du gouvernement Wilmès II, interpellant ce dernier sur le sort des artistes au cours des sessions parlementaires, en s’appuyant au besoin sur le rapport de l’ERMG précité. S’ensuivent, dès le mois d’avril 2020, plusieurs démarches en ce sens, émanant sans surprise des partis francophones d’opposition et citées ou examinées plus haut : proposition de résolution (PTB) le 15 avril  [132] ; interpellation à la Chambre (Défi) le 16 avril  [133] ; propositions de loi (PS) le 28 avril  [134] et Écolo-Groen le 29 avril  [135]. Seul parti francophone participant au gouvernement Wilmès II, le MR propose quant à lui un « plan de relance de la culture » diffusé par voie médiatique le 12 mai  [136]. Celui-ci comprend un large panel de mesures tant fédérales que communautaires qui visent à redéployer un secteur culturel qui reste dans l’expectative de décisions politiques. Ces différentes initiatives politiques s’inscrivent probablement dans une perspective qui dépasse la gestion et la chronologie de la crise sanitaire : elles anticipent la formation du prochain gouvernement fédéral (avec ou sans retour anticipé aux urnes), la crise sanitaire ne pouvant durablement masquer la crise politique  [137].

119Un troisième élément pèse : la mobilisation des fédérations du secteur artistique et, plus largement, celle de nombreux acteurs de la « société civile », laquelle s’exprime alors avec intensité sur de nombreux sujets, dont le sort et l’avenir de la culture  [138]. Cet élan conduit à une médiatisation accrue des attentes des secteurs culturels et artistiques, et contribue de manière évidente au retour de la problématique du « statut des artistes » sur le devant de la scène. En particulier, plusieurs interventions d’artistes belges en vue (sous la forme de pétition  [139] ou d’apparition aux heures de grande écoute  [140]) achèvent de nourrir cette activité politique et médiatique autour de la situation et du statut des artistes, aussi fébrile qu’inattendue.

120Interpellée à plusieurs reprises et mise sous pression, la Première ministre en vient à aborder brièvement le sujet de la reprise des activités culturelles lors de la conférence de presse faisant suite au CNS du mercredi 6 mai 2020 : S. Wilmès évoque une « reprise des événements sportifs et culturels », censée être « analysée par les experts sur base des travaux déposés par les ministres compétents, afin de présenter un calendrier un peu plus précis, phase par phase ». Une semaine plus tard, la conférence de presse consécutive au CNS du 13 mai accorde une place accrue à l’« importance de la culture » et aux mesures de déconfinement appliquées aux secteurs culturels.

121Ces mesures sont le fruit d’un long processus entamé sous la houlette de deux des trois ministres communautaires de la Culture, B. Linard et J. Jambon, mené en étroite concertation avec les secteurs concernés, poursuivi au sein de la conférence interministérielle (CIM) de la culture et soumis ensuite aux arbitrages des experts du « Groupe d’experts en charge de l’exit strategy » (GEES).

122À ce moment, outre l’enjeu sanitaire et les conséquences économiques et politiques encore incalculables de la pandémie, il s’agit pour les principaux partis (ceux de la coalition minoritaire Wilmès II et ceux prétendant intégrer le prochain gouvernement majoritaire) de se positionner de manière avantageuse : réagir positivement aux revendications des artistes et du monde de la culture, tout en se préparant au mieux aux alliances et/ou aux éventuelles élections anticipées qui se profilent alors, sans rien céder au passage sur les positions qu’ils ont spécifiquement arrêtées en matière de « statut des artistes », d’accès au chômage ou d’évolution de la sécurité sociale.

6.8. L’accord du gouvernement fédéral De Croo (30 septembre 2020)

123Car dans les circonstances exceptionnelles que nous venons d’évoquer sommairement, les négociations pour la formation d’un nouvel exécutif fédéral majoritaire se poursuivent. C’est que le gouvernement Wilmès II s’est accordé lui-même une durée de vie limitée venant à échéance le 17 septembre 2020. Dès lors, à l’approche de cette échéance et après d’ultimes rebondissements, les tractations entre chefs de partis s’accélèrent, sous la pression des urgences politique, sanitaire et économique. Après un ultime round de négociations menées tambour battant entre sept partis (PS, MR, Écolo, CD&V, Open VLD, SP.A et Groen), un gouvernement majoritaire de plein exercice se constitue finalement autour d’un accord entériné le 30 septembre 2020. Entré en fonction le lendemain, 1er octobre, le gouvernement fédéral De Croo obtient la confiance de la Chambre des représentants deux jours plus tard  [141].

124Deux éléments majeurs alimentent le débat du statut de l’artiste durant cette période de négociations gouvernementales et participent à orienter l’accord de gouvernement. D’une part, le 11 septembre 2020, le MR présente par les voix de son président, Georges-Louis Bouchez, du ministre-président de la Communauté française, P.-Y. Jeholet, et du ministre fédéral des Indépendants, D. Ducarme, sa position à une assemblée d’associations professionnelles : Association des réalisateurs et réalisatrices de films (ARRF), Chambre des compagnies théâtrales pour adultes (CCTA), Chambre des théâtres pour l’enfance et la jeunesse (CTEJ), Concertation des arts de la rue, des arts du cirque et des arts forains (Aires libres), Fédération des employeurs des arts de la scène de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FEAS), Fédération professionnelle du secteur chorégraphique de Wallonie et de Bruxelles (RAC), Professionnels de la production et de la création audiovisuelles (Pro Spere), Société belge des auteurs, compositeurs et éditeurs (SABAM), Société civile des auteurs multimédia (SCAM), etc. Le MR crée une certaine surprise : de tous les partis en formation gouvernementale, c’est lui qui dévoile le premier « son projet de statut d’artiste »  [142]. Ce projet entend notamment créer un statut sui generis qui s’affranchirait des réglementations de l’ONEM et accorde un « revenu de base pour artistes et techniciens » (RBAT) dont le montant est identique pour tous pour une durée de trois ans renouvelable  [143]. Le MR déclare qu’il souhaite voir cette réforme figurer à l’agenda du prochain gouvernement fédéral. Dans la foulée de cette annonce, le PS organise également une réunion avec plusieurs associations professionnelles afin d’échanger sur la question du statut de l’artiste. En somme, la proposition du MR donne le coup d’envoi d’une nouvelle phase de positionnements plus offensifs sur le sujet, particulièrement parmi les partis francophones. Les mesures prises ou soutenues par ces derniers pour soutenir les artistes face aux conséquences de la pandémie ne suffisent plus en termes de stratégie politique : pour rester crédible, chaque formation est appelée à faire connaître elle aussi son « projet de statut de l’artiste ».

125D’autre part, les associations et fédérations professionnelles se concertent de manière inédite en une plateforme regroupant des associations francophones et néerlandophones, baptisée Union des professionnel.le.s des arts et de la culture (UPAC). Elles créent un groupe de travail « Protection sociale » qui dresse, en date du 30 septembre 2020, une liste de 19 balises et priorités essentielles pour l’élaboration de propositions de réformes. Signé par 37 associations  [144], cet appel demande également que les fédérations signataires soient « associées à l’analyse approfondie de la situation actuelle, à la formulation des propositions et à la co-création du nouveau cadre »  [145]. L’un des porte-parole de l’UPAC, Pierre Dherte, déclare : « Tant le PS que le MR souhaitent travailler avec nous et en concertations. Nous fonctionnons avec ce que nous avons, mais nous souhaitons aussi travailler avec les autres partis – Écolo, SP.A, etc. (…) Nous voulons vraiment que le chantier dudit “statut” soit inscrit à l’accord de gouvernement, et pas simplement en une ligne. C’est pour cela que notre démarche est assez urgente, et doit déboucher sur une communication intelligente et fédérée. Nous n’exigeons pas une inscription détaillée dans le programme de gouvernement, avec des articles d’intention très précis, puisqu’on sait que les négociations vont suivre. Mais nous souhaitons que la plupart de nos balises se retrouvent explicitement dans l’accord de gouvernement »  [146].

126S’il ne va pas aussi loin, l’accord de gouvernement de la nouvelle majorité fédérale prend du moins un engagement clair : « Le gouvernement examinera en concertation avec le secteur et les partenaires sociaux comment poursuivre la réforme du statut social des artistes. Le gouvernement formulera des propositions précises, objectives et justes pour les artistes actuels et en devenir, qui valorisent l’ensemble des étapes du travail de création, de la répétition à la représentation, publication et vente »  [147].

127Cette déclaration, particulièrement précise et étoffée, tranche avec les déclarations gouvernementales précédentes, et dénote une attention accrue de la nouvelle majorité au dossier et à certains de ses enjeux. On notera également que les ministres appelés à « poursuivre la réforme » appartiennent à des formations qui, à divers degrés, se sont explicitement prononcées pour une révision du cadre en vigueur (cf. supra) : Pierre-Yves Dermagne (PS), ministre de l’Économie et du Travail, David Clarinval (MR), ministre des Classes moyennes, des Indépendants et des PME, et Frank Vandenbroucke (SP.A), ministre des Affaires sociales. Ce dernier, rappelons-le, avait d’ailleurs joué un rôle majeur dans la conception du « statut social de 2002 ».

128Épinglons enfin que c’est uniquement le statut social des artistes qui est visé dans le nouvel accord de gouvernement, ce qui laisse augurer des changements au niveau de la seule protection sociale des artistes, sans qu’il soit question d’instaurer un « statut de l’artiste » sui generis. Le gouvernement De Croo situerait donc a priori son action dans la ligne des réformes et aménagements précédents. Néanmoins, la planification budgétaire prévue pour les années 2021, 2022 et 2023 ne limite pas le projet de réforme au champ de la sécurité sociale, ce qui semble laisser la porte ouverte à d’autres formes d’innovations : « Le budget de la sécurité sociale ne tient pas compte à ce stade de la réforme du statut social des artistes pour laquelle une enveloppe de [75 000 000 euros] est prévue. En attendant la concertation avec le secteur et les partenaires sociaux, ce montant a été inscrit comme un montant non réparti dans le tableau établissant le solde de l’entité 1 [gouvernement fédéral] »  [148].

6.9. Une nouvelle séquence à l’issue imprévisible

129À ce stade, il reste cependant difficile de prévoir dans quelle(s) voie(s) s’engagera précisément le gouvernement fédéral De Croo. Cela tient, d’une part, à la permanence de clivages anciens et profonds entre les principaux acteurs de la problématique (divergences entre formations politiques, entre secteurs artistiques, entre associations professionnelles et interlocuteurs sociaux, etc.) et, d’autre part, aux conséquences socio-économiques exceptionnellement complexes et sérieuses de la crise sanitaire, susceptibles de bouleverser les cadres existants, notamment en matière d’emploi et de sécurité sociale.

130Sans doute, la crise sanitaire a provoqué une rupture ou, à tout le moins, une accélération dans la prise en compte du sort des artistes par les pouvoirs publics. Mais les contradictions à l’œuvre en la matière depuis des décennies ne se sont pas volatilisées ; elles risquent même de s’exprimer plus durement dans les circonstances inédites auxquelles tous les acteurs vont être confrontés. Au-delà donc des mesures provisoires forgées au cœur de la crise sanitaire pour faire face (partiellement) aux besoins urgents des artistes et autres « travailleurs culturels », le défi consiste plus que jamais à offrir une réponse politique cohérente et pérenne aux situations de plus en plus problématiques rencontrées par ces derniers.

131On le voit, l’accord du gouvernement De Croo inaugure une nouvelle séquence de la saga du statut de l’artiste en Belgique, s’articulant avec les séquences précédentes et promettant d’être aussi complexe qu’elles, voire davantage. D’autant que le dernier trimestre de l’année 2020 et le début de l’année 2021 ont vu foisonner les stratégies et initiatives diverses, que ce soit au niveau des partis politiques, des gouvernements, des parlements ou des fédérations professionnelles ou dans les médias.

132À plusieurs égards, cette effervescence rappelle celles que nous avons décrites en passant en revue quelques jalons historiques. On songe notamment aux propositions de loi concurrentes du milieu des années 1990 puis aux négociations subtiles et prolongées au sein du gouvernement Verhofstadt I, ayant conduit à la « loi de 2002 ». Comme à l’époque, il s’agira de voir à quel point l’intérêt déclaré d’une multitude d’acteurs pour le sort des artistes se traduira pour ces derniers par des avancées concrètes, cohérentes et durables. Il importera donc d’analyser avec minutie les épisodes à venir, ce qui, n’en doutons pas, fournira la matière d’importants travaux futurs.

Conclusion

133Ce Courrier hebdomadaire entend clarifier la thématique du statut social de l’artiste en Belgique sous plusieurs angles. Tout d’abord, il rassemble des éléments factuels et théoriques concernant les caractéristiques du travail artistique et les enjeux d’un statut social pour les artistes. Ensuite, il présente la situation institutionnelle et les principales parties prenantes, relevant ci et là les enjeux saillants. Après une description du cadre réglementaire actuel, il retrace alors les étapes majeures de la problématique publique depuis plusieurs décennies. Enfin, il évoque les événements récents en soulignant les tendances observées ainsi que les enjeux des acteurs en présence. Ce Courrier hebdomadaire se referme en évoquant l’actualité récente du dossier, ainsi qu’une série de perspectives et d’incertitudes, à court et moyen terme.

Travail des artistes et enjeux de protection sociale

134Au moment de conclure ce travail, il apparaît que l’artiste jouit d’une certaine liberté contractuelle assortie formellement d’une disjonction entre la relation de travail et la sécurité sociale des artistes. Pour autant, la nature de la relation de travail des artistes demeure un enjeu majeur, aux implications multiples. Pour l’artiste lui-même, cette relation de travail détermine au moins partiellement la couverture sociale dont il peut bénéficier, les normes juridiques auxquelles il peut prétendre en matière de droit du travail, ainsi que les obligations juridiques et administratives auxquelles il est soumis.

135En Belgique, depuis plusieurs décennies, cette problématique n’est abordée que partiellement, de manière limitée : la réflexion (quand elle existe) s’en tient le plus souvent aux seules questions de protection sociale et de fiscalité. À la notable exception des travaux de la table ronde pour les artistes de 1991-1992 (travaux qui ont traité de la nature des contrats, des relations individuelles et collectives de travail, de la sécurité sociale et de la fiscalité), les débats sur le statut des artistes ne portent donc, dans le meilleur des cas, que sur leur protection sociale. Les artistes eux-mêmes semblent pour la plupart accepter voire privilégier cette approche restreinte.

136Il est vrai que cette protection sociale – déterminante dans l’orientation et le développement de toute carrière professionnelle – constitue un enjeu particulièrement crucial dans le cas des carrières artistiques, quelle que soit la discipline pratiquée. En effet, ces carrières sont singulièrement marquées par leur caractère instable, tant en matière d’opportunités d’emploi que de revenus y afférents. Soumis à l’intermittence, à la multi-activité et à la polyvalence, les artistes oscillent entre divers modes de valorisation de leur travail, difficilement assimilables aux standards du salariat ou de l’indépendance. Confrontés à un statut social incertain, de nombreux artistes talentueux voient ainsi leur parcours créatif contrarié, interrompu ou brisé, tout en étant soumis à une précarité croissante.

137Toujours plus encadré, soumis à des règles complexes et disparates, l’accès des artistes à la sécurité sociale des travailleurs salariés est en outre singulièrement ardu, en particulier pour les artistes les plus jeunes, derniers arrivés sur un marché de l’emploi hyper-concurrentiel, et souvent très peu au fait des règlements appliqués. Ce constat vaut sans doute pour tous les jeunes travailleurs de professions intermittentes, confrontés à de nombreuses mesures restrictives ou incitatives (par exemple, la limitation dans le temps des allocations d’insertion ou la dégressivité accrue des allocations de chômage). Mais les jeunes artistes doivent en plus composer avec un contexte budgétaire peu favorable aux financements publics, qu’il s’agisse de soutien direct à la jeune création ou de subsides affectés aux institutions culturelles.

Enjeux économiques

138On sait pourtant que, d’un point de vue strictement économique, un vivier artistique dynamique demeure en tout temps un atout considérable pour un État, grâce aux externalités positives qu’il génère (directement ou indirectement) et grâce aux gains d’attractivité qu’il dégage, ne serait-ce qu’en termes d’image ou de marque (« branding » national, régional ou local). À l’inverse, il est certain que les dispositions spécifiques dont bénéficient les artistes en matière de sécurité sociale ont un coût budgétaire, qu’une augmentation du nombre d’artistes salariés (ou assimilés) accroît mécaniquement en régime d’intermittence.

139À l’analyse, ce coût représente un investissement, dont la rentabilité est aussi significative que diversifiée. Mais tout se passe comme si aucun acteur économique ne souhaitait financer cet investissement : ni les pouvoirs publics, attachés à restreindre leurs dépenses ; ni les employeurs ou donneurs d’ordre (même subventionnés), désireux de comprimer leurs coûts ; ni les artistes eux-mêmes, souvent en quête de revenus nets pour échapper ou survivre à la précarité. Quant aux nouveaux agents économiques exploitant la diffusion numérique des œuvres et créations artistiques, ils semblent à ce stade vouloir et pouvoir se soustraire à tout mécanisme contributif d’envergure.

Enjeux démocratiques

140Or, au-delà de ces considérations économiques, le statut social des artistes constitue également un enjeu majeur en matière de démocratie. Dans une société donnée, toute fragilisation structurelle de la marge de création et d’expression des artistes expose ces derniers à devenir dépendants d’acteurs dominants, a priori peu enclins à favoriser la critique, la satire ou tout simplement l’interrogation du cadre où ils prospèrent. De ce point de vue, la précarisation croissante des jeunes artistes est singulièrement préoccupante puisqu’elle prive le corps social de l’émergence de nouveaux discours, de nouvelles formes et de nouveaux canaux d’expression, susceptibles de mettre à l’épreuve ses certitudes et ses préjugés.

141De surcroît, l’extrême complexité des dispositions légales et réglementaires appliquées aux artistes se prête peu (et de moins en moins) à l’appropriation par ceux-ci de leur trajectoire professionnelle : la technicité de la législation tend ainsi à devenir un facteur d’obstruction à une forme d’égalité des chances sur le plan de l’expression artistique. En outre, cette complexité a pour effet de réduire volontiers les débats sur le statut social des artistes à des querelles d’initiés (juristes, économistes, autorités académiques), seuls à même de comprendre les subtilités des textes de loi convoqués. Il s’ensuit un écart grandissant entre, d’une part, des techniciens de la réglementation, peu au fait des réalités de la vie artistique, et, d’autre part, des artistes pénétrés de leur enthousiasme mais dépourvus de l’expertise requise. Ici encore, le débat démocratique s’en trouve appauvri.

Un cadre institutionnel complexe

142En Belgique, il faut encore que les artistes composent avec un cadre institutionnel singulièrement élaboré. En matières culturelles et artistiques, ce cadre est d’autant plus difficile à appréhender que l’Autorité fédérale, les Communautés et les Régions exercent chacune des compétences qui touchent au quotidien des métiers artistiques. La nécessité d’une mise en cohérence de l’action publique et les ambitions d’un fédéralisme de coopération butent concrètement sur plusieurs écueils.

143Tout d’abord, le centre de gravité des matières culturelles se situe au niveau communautaire alors que les questions liées au travail, à la sécurité sociale (et à la fiscalité) restent largement de la prérogative de l’Autorité fédérale. Quand bien même les ministres de la Culture des Communautés française et flamande paraissent dialoguer dans le cadre de l’accord de coopération conclu entre ces deux entités et s’entendre sur leurs positions dans ce dossier vis-à-vis de l’Autorité fédérale, les marchés de l’emploi artistique se caractérisent différemment au sud et au nord du pays. Il en résulte que les enjeux ne peuvent se superposer exactement. Dans ce contexte, certains partis prônant une régionalisation de la sécurité sociale, comme la N-VA, peuvent être tentés de pointer systématiquement des dérives propres à la Wallonie ou à la Région bruxelloise, ralentissant ou empêchant de la sorte les réformes souhaitées par le secteur culturel francophone.

144Par ailleurs, au sein des institutions qu’ils subventionnent, les pouvoirs communautaires exercent une responsabilité majeure s’agissant de l’emploi artistique, facteur qui détermine une grande part des besoins de protection sociale. En effet, si le financement public des organisations culturelles ne prend pas en considération l’emploi des artistes, celui-ci est voué à une plus grande fragmentation et les artistes à dépendre de plus en plus de la sécurité sociale logée au niveau fédéral. Faute d’un fédéralisme de coopération et de responsabilité, les besoins de protection sociale des artistes sont condamnés à être rencontrés de manière déséquilibrée entre les Communautés, sauf à opérer quelque régionalisation du statut social de l’artiste.

145On constate en outre des écarts importants dans les modes de participation à la décision publique entre l’Autorité fédérale et les Communautés. L’Autorité fédérale reste ancrée dans une tradition de concertation sociale qui, d’une part, réunit les interlocuteurs sociaux (syndicats d’employeurs et d’employés) au sein du CNT et des commissions paritaires et, d’autre part, accorde une importance non négligeable aux institutions publiques de sécurité sociale (IPSS) : ONEM, ONSS, INASTI. Par contre, au niveau communautaire, les nombreuses organisations sectorielles ou professionnelles sont habituées à porter devant le Ministère de la Culture des revendications touchant au financement de la culture, à son cadre légal et, partant, aux conditions d’emploi des métiers artistiques.

146Ces deux usages participatifs naviguent dans des zones sociales et culturelles hautement interdépendantes, mais néanmoins distinctes. Ce sont non seulement des usages qui diffèrent, mais également des sphères de légitimité. Le mode de participation existant au niveau communautaire ne favorise pas la légitimité des syndicats d’employés dans le domaine de la création artistique. En miroir, le paritarisme fédéral n’octroie que peu de légitimité aux organisations sectorielles et professionnelles. De ce point de vue, la Commission Artistes incarne une synthèse originale des deux modèles de légitimité puisqu’elle rassemble les IPSS, les interlocuteurs sociaux et des représentants du secteur artistique. De surcroît, elle intègre des représentants des Communautés française et flamande (et de la Communauté germanophone le cas échéant) et fonctionne à partir de chambres linguistiques distinctes.

147En définitive, toute réforme d’envergure du statut social des artistes gagnerait à prendre en considération les variables propres à la répartition des compétences et les différentes sphères de légitimité participative.

Éléments historiques

148Un regard d’ensemble sur les avatars du cadre législatif et réglementaire au fil du temps met en évidence des éléments récurrents. Un premier problème s’est posé dès l’origine : comment améliorer la protection sociale des artistes dépourvus de contrat de travail (soit la majorité d’entre eux) ? En ce domaine, l’unique piste retenue a été de leur ouvrir l’accès soit à la sécurité sociale des travailleurs salariés (sous certaines conditions), soit à celle des travailleurs indépendants.

149Dans le premier cas, c’est une assimilation partielle au statut social de salarié qui a été promue. Jamais n’a été mise en œuvre, en Belgique, une assimilation complète de l’artiste à un travailleur salarié en l’absence de contrat de travail. Par conséquent, bon nombre d’artistes assimilés à des travailleurs salariés du point de vue de la sécurité sociale ne bénéficient pas de normes inscrites dans le droit du travail. Du reste, les artistes eux-mêmes, lorsqu’ils défendent ce qu’ils nomment leur « statut », souhaitent avant tout maintenir leur droit à certaines prestations de sécurité sociale (principalement l’assurance chômage), sans revendiquer une protection accrue selon le droit du travail. Tout se passe comme si le caractère intermittent et déstructuré de leurs carrières rendait ce droit du travail secondaire à leurs yeux. En cela, les artistes s’inscrivent dans une tendance de fond qui tend à séparer le droit de la sécurité sociale du droit du travail, alors qu’historiquement ils se sont constitués l’un par l’autre. Le droit du travail reste ainsi le grand absent des débats sur le statut des artistes, sauf durant les travaux de la table ronde de 1991-1992.

150De surcroît, les artistes sans contrat de travail ne peuvent accéder au régime de sécurité sociale des salariés que sous certaines conditions. Celles-ci ont été et sont encore l’enjeu d’arbitrages serrés, avec ces dernières années une nette tendance au durcissement des critères appliqués. Ici, un clivage net oppose, d’une part, les tenants d’une sécurité sociale « créative », recourant à une ingénierie sociale et juridique parfois très avancée et, d’autre part, les gardiens d’une stricte orthodoxie juridique et budgétaire en matière de sécurité sociale. Dans un jeu qui rappelle celui du chat et de la souris, les premiers tendent à anticiper ou à déjouer les pratiques des seconds, et réciproquement. Chaque joueur contribue à sa manière à une évolution heurtée du cadre réglementaire, avec un temps d’avance sur un pouvoir politique, qui semble dépourvu d’une vision globale et d’un suivi méthodique du dossier. Il s’ensuit, de manière récurrente, une judiciarisation de la question du statut social des artistes. Cela donne lieu à l’émergence d’abondantes jurisprudences en la matière, ponctuées par des faits marquants (comme l’arrêt de la Cour de cassation de 1979) ou des épisodes paroxystiques (les centaines de dossiers ouverts devant les juridictions du travail en 2013). Les magistrats jouent alors le rôle d’arbitres de dernier recours face à une réglementation lacunaire ou sujette à des interprétations fluctuantes, dont ils plaident in fine la révision.

151L’évolution de la protection sociale des artistes au fil du temps révèle d’autres clivages persistants, qui structurent les prises de position des parties prenantes, à chaque époque envisagée. Un premier clivage oppose les partisans d’un traitement global de la problématique du statut de l’artiste (tous secteurs confondus) et les défenseurs de spécificités et de prérogatives propres à tel ou tel secteur particulier (par exemple, les artistes du spectacle). Un deuxième clivage polarise les modalités d’application aux artistes d’une présomption d’assujettissement à la sécurité sociale des travailleurs salariés : aux partisans d’une présomption étendue ou généralisée s’opposent les défenseurs d’un droit inaliénable à la pratique d’indépendant (quelle que soit la discipline envisagée), voire les adeptes d’une généralisation du statut d’indépendant. Un troisième clivage, recouvrant partiellement le précédent, oppose une série d’acteurs attachés davantage à la protection sociale des artistes et d’autres plus attentifs aux enjeux strictement financiers de la problématique, qu’il s’agisse de réduire les dépenses de sécurité sociale ou d’accroître la compétitivité d’industries créatives et culturelles en plein essor. Enfin, le clivage « nord-sud », récurrent dans un grand nombre de questions de politique belge contemporaine, est aussi particulièrement présent et agissant dans le domaine qui nous occupe.

Au-delà des artistes : la protection sociale du travailleur intermittent

152Pour terminer, il paraît essentiel d’insister sur l’importance cruciale de la problématique du statut social de l’artiste dans une perspective élargie, dépassant la seule sphère de l’art et de la culture. Il convient en effet d’observer qu’aujourd’hui, outre les artistes, un nombre croissant de travailleurs sont occupés dans des relations d’emploi intermittentes et déstructurées, caractérisées par des « rémunérations à la prestation » et par des relations de travail hybrides, conjuguant subordination et autonomie. On pense ici en premier lieu aux travailleurs des plateformes d’économie dite collaborative  [149], mais il s’agit d’un mouvement de fond, affectant le marché de l’emploi dans son ensemble.

153Globalement, dans un contexte d’hyper-concurrence mondialisée, la fragmentation des relations individuelles et collectives de travail se poursuit et s’accentue. Elle se trouve encore démultipliée par la numérisation de l’économie, toute production ou offre de service étant censée s’ajuster instantanément à la demande. Un nombre croissant de prestations professionnelles finissent par être assimilées à des « performances » de courte durée, mobilisant temporairement des agents économiques isolés, reliés par intermittence, le temps d’une connexion. Dans des secteurs de plus en plus nombreux et variés, une majorité de travailleurs développe dès lors des carrières dont le caractère discontinu (et précaire) est similaire à celui rencontré dans les professions artistiques et saisonnières. Comme les artistes, ces nouveaux travailleurs intermittents sortent des cadres conçus pour les statuts traditionnels d’agent statutaire, de salarié ou d’indépendant ; tous réclament cependant une couverture sociale optimale.

154Si cette évolution ne relève pas de la fatalité, il s’agit bel et bien d’une tendance de fond, que le corpus législatif et réglementaire peine à encadrer, en Belgique comme ailleurs. Certains acteurs appellent dès lors à la conception de nouveaux modes de protection sociale adaptés au contexte économique et technologique dominant, conjuguant flexibilité et individualisation des prestations, à l’image des emplois disponibles sur le marché. C’est ainsi que des solutions pérennes ou provisoires expérimentées sur (et par) les artistes inspirent aujourd’hui, avec des fortunes diverses, des maraîchers ou des livreurs à vélo. Dans cette perspective, l’histoire et l’analyse des dispositions spécifiques aux artistes en matière de sécurité sociale et de droit du travail revêtent une importance évidente, bien au-delà du seul champ culturel.

Plusieurs scénarios possibles

155Un examen attentif des avatars du statut social de l’artiste laisse entrevoir, à terme, au moins trois voies possibles.

156Selon la première, le droit de la sécurité sociale est progressivement adapté, conduisant à une déconnexion accrue entre la discontinuité de l’emploi et la continuité de la protection du travailleur : ce dernier, quand il n’exerce pas d’activité rémunérée, bénéficierait de prestations sociales stables, ne subissant pas ou que peu l’impact des fluctuations de ses revenus professionnels. Appliqué aux artistes, ce modèle constituerait un précédent remarquable, susceptible d’être étendu à d’autres travailleurs intermittents ou saisonniers. Il pourrait constituer un embryon d’« allocation universelle », de « revenu de base » ou de « salaire à vie » selon le référentiel privilégié. En particulier, la protection de l’intermittence consentie (sous conditions) à certains artistes pourrait préfigurer un mécanisme ouvert à d’autres travailleurs salariés intermittents : l’allocation de chômage jouerait alors le rôle de revenu minimum d’appoint non dégressif entre deux périodes d’emploi (sur le modèle de la protection de l’intermittence en vigueur jusqu’à la réforme de 2013-2014). Cette voie suppose une série de choix importants, tant en matière de financement de ces dispositifs qu’en matière de législation, pour en déterminer les modalités et les bénéficiaires.

157Selon une deuxième option, le droit de la sécurité sociale conserve ses bases actuelles, où la protection sociale d’un travailleur demeure uniquement fonction de son parcours sur le marché de l’emploi. Quelques dispositions spécifiques sont maintenues à la marge pour les artistes, mais leur accès se voit réglementé par des dispositifs de plus en plus complexes, suite aux écarts croissants entre le cadre général et les situations qu’ils rencontrent. En Belgique, c’est clairement cette orientation qui prévaut, du moins si l’on en croit l’évolution récente des normes légales, réglementaires et administratives en la matière. Or les caractéristiques du marché de l’emploi artistique tendent à se généraliser, concernant désormais un nombre croissant de travailleurs. Le risque est alors que des avatars du statut social des artistes fournissent le canevas des évolutions à venir dans de nombreux secteurs professionnels, avec une croissance exponentielle de la technicité des normes et de la précarité des parcours. La réglementation se faisant toujours plus complexe et la protection sociale devenant toujours plus difficile à obtenir, il faut s’attendre en retour au développement d’alternatives plus ou moins élaborées. On verrait notamment l’essor de modes de mutualisation des revenus professionnels à des fins de protection sociale, par exemple sur le modèle des coopératives d’activités et/ou d’emploi. La course à l’innovation ou à l’ingénierie sociale repart ici de plus belle, nourrie par la crainte de la précarité.

158En somme, ces deux premières options voient le statut social des artistes évoluer et se fondre dans un cadre plus large forgeant les bases d’un statut social du travailleur intermittent (qualifié parfois de « travailleur autonome »).

159Une troisième option consisterait à prendre en compte certains traits et certaines spécificités des professions artistiques, afin de jeter les bases d’un statut social réellement propre aux artistes. Dans cette perspective, les artistes n’auraient plus à s’insérer dans un cadre ressenti par eux comme étriqué et soumis à des ajustements successifs, parfois brutaux et pas toujours cohérents. Simultanément, les dispositifs de contrôle pourraient se trouver considérablement allégés, avec un bénéfice certain tant pour les artistes que pour les institutions publiques.

160Cette réflexion intégrerait par exemple la possibilité qu’une activité artistique ne soit pas soumise aux mêmes impératifs de rentabilité financière que des activités à vocation strictement commerciale. L’intermittence des carrières artistiques pourrait être analysée comme un phénomène sui generis, propre à l’exercice d’une discipline, sans être assimilée aux pratiques intermittentes qui se généralisent sur le marché de l’emploi. Pourrait notamment être explorée la piste d’un « revenu de base » ou d’une « allocation universelle », associé(e) à un statut d’artiste sui generis, permanent ou compensatoire, accessible aux seuls artistes sous certaines conditions.

161Cette orientation devrait naturellement intégrer une réflexion de fond sur le financement de ce statut social sui generis et des mesures spécifiques qui lui seraient associées. Dans cette perspective, certaines pistes atypiques dégagées au début des années 1990 par les tables rondes des artistes pourraient trouver une seconde jeunesse (par exemple, des sources alternatives de financement d’une sécurité sociale propres aux artistes, la mise au point d’un contrat de prestation artistique pour tous les artistes ou encore le dépassement de la dichotomie salarié-indépendant par une protection sociale identique pour tous les artistes)  [150].

162Quelles que soient les solutions retenues, cette troisième option pourrait également ouvrir un champ d’expérimentation pouvant inspirer a posteriori d’autres pratiques et d’autres modèles applicables à d’autres secteurs. À cet égard, il va sans dire que tout avantage consenti aux seuls artistes en matière de protection sociale risque d’être dénoncé par certains de ses détracteurs comme une forme de « régime spécial » constituant un privilège indu.

163Même parmi les seuls artistes, une extension et une stabilisation de la protection sociale d’une minorité sur fond de précarisation de la majorité ne manquera pas de reposer la question brûlante des critères de « reconnaissance » appliqués par les pouvoirs publics. Avec pour horizon cette interrogation : la possibilité d’exercer une activité artistique délivrée de la précarité doit-elle être une faveur réservée à quelques-uns ou bien une chance garantie à toute personne, qu’elle soit ou non reconnue comme artiste par ses pairs ou par une instance officielle ?

Épilogue : l’heure des choix ?

164On le voit, la problématique du statut social des artistes ne manquera pas de susciter encore, à court, moyen ou long terme, des débats vifs et complexes, tant au sein du monde politique que parmi les associations professionnelles qui défendent les intérêts des différents secteurs. La diversité considérable et sans cesse croissante des pratiques et des carrières artistiques ne manquera pas non plus de renforcer ou de renouveler les clivages mis en évidence au fil de ce Courrier hebdomadaire.

165Toutefois, si ce dernier a pu démontrer quelque chose, c’est que ces débats sont anciens et qu’ils ont été alimentés, à maintes reprises, par d’imposants travaux pluridisciplinaires (et d’importantes décisions juridiques) qui n’ont rien perdu de leur intérêt à l’époque actuelle. Il semble donc à tout le moins établi, s’agissant du statut social des artistes, que l’heure n’est plus à la documentation et à l’instruction du dossier : les problèmes sont connus, ils ont été amplement évoqués et débattus dans l’enceinte parlementaire. En d’autres termes, les artistes, les experts académiques et les tribunaux ayant été largement mis à contribution au cours des décennies précédentes, l’heure de la synthèse et de la décision politique pourrait avoir sonné.

166Cette synthèse et cette décision pourraient notamment être objectivées par la réalisation d’un cadastre de l’emploi artistique, maintes fois promis et jamais réalisé. Sur cette base entre autres, un cadre légal suffisamment lisible et cohérent serait élaboré afin d’éviter deux dérives maintes fois constatées : d’une part, une forme d’imprévisibilité et d’arbitraire qui a pu caractériser les orientations des administrations dans plusieurs dossiers impliquant des artistes et, d’autre part, une judiciarisation de la problématique du statut social de l’artiste, à savoir le recours croissant au pouvoir judiciaire pour pallier les défaillances des pouvoirs législatif et exécutif. Enfin, les autorités publiques, à différents niveaux de pouvoir, gagneraient à assumer une mission d’information susceptible d’offrir aux artistes la maîtrise de leur parcours professionnel, libérant du même coup tout leur potentiel créateur.

167Car en définitive, panser les maux des métiers artistiques invite à penser les mots du problème public. Le « statut des artistes » se résume trop hâtivement à considérer la protection sociale des périodes sans emploi alors même que l’activité artistique ne s’incarne pas dans un rapport au travail mais dans une attitude sensible et créatrice au monde, vécue de manière continue et, dans le meilleur des cas, transmise et partagée. La condition des artistes ou des intermittents de la création au sein de la société dépasse donc le strict cadre légal du travail et de la sécurité sociale. Elle véhicule une valeur symbolique qui place haut l’importance accordée par une société au rôle joué par celles et ceux qui offrent librement un regard et du sens sur la vie et l’état du monde. La crise sanitaire provoquée par la pandémie de Covid-19 a rappelé pour certains à quel point ce regard et ce sens demeurent nécessaires à l’équilibre de l’individu comme à celle du corps social. Cette nécessité, que ne peut à elle seule satisfaire une approche technocratique du marché de l’emploi, est aussi ancienne que l’art pariétal. Traduire cette nécessité dans les sociétés modernes et démocratiques constitue dès lors le défi à relever par les autorités publiques.

Notes

  • [1]
    PS, « Programme 2014, Élections européennes, fédérales et régionales », 2014, p. 356.
  • [2]
    CD&V, « 3D CD&V Plan », 2014, p. 144 : « Structureel overleg tussen Vlaamse en federale overheid over cultuurgelinkte federale bevoegdheden zoals auteursrechten, sociale en fiscale statuten voor auteurs, kunstenaars en vrijwilligers, btw, enz. ».
  • [3]
    CDH, « Programme CDH pour les élections européennes, législatives et régionales 2014 », 2014, p. 345. Il est à noter que le terme « cumul » est sans doute peu heureux car il est susceptible de laisser penser que l’artiste peut percevoir simultanément une allocation de chômage et un salaire. Ce n’est pas le cas : il s’agit d’une alternance due à l’intermittence de l’emploi.
  • [4]
    Open VLD, « Open VLD Programmacongres. Programma verkiezingen 25 mei 2014 », 2014.
  • [5]
    Vlaams Belang, « Verkiezingsprogramma. Verkiezingen 25 mei 2014 », 2014.
  • [6]
    Parti populaire, « Programme du Parti populaire pour les élections du 25 mai 2014 », 2014.
  • [7]
    Il l’avait déjà fait par l’initiative suivante : Sénat, Proposition de loi modifiant l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage en ce qui concerne les artistes, déposée par R. Miller, G. Deprez et J. Brotchi (MR), n° 743/1, 28 janvier 2011.
  • [8]
    MR, « Programme général. Élections régionales, fédérales et européennes du 25 mai 2014 », 2014, p. 131-133.
  • [9]
    MR, « Programme wallon », 2014, p. 100-101.
  • [10]
    MR, « Programme général. Élections régionales, fédérales et européennes du 25 mai 2014 », op. cit., p. 131-133.
  • [11]
    Écolo, « Programme Écolo 2014. Livre Jeunesse, Éducation et Culture. Chapitre Culture et Médias », 2014, p. 3/29.
  • [12]
    Ibidem, p. 3-5/29.
  • [13]
    FDF, « Programme fédéral 2014 », 2014 ; FDF, « Élections du 25 mai 2014. Programme : Région wallonne et Fédération Wallonie-Bruxelles », 2014 ; FDF, « Élections du 25 mai 2014. Programme : Région bruxelloise et Fédération Wallonie-Bruxelles », 2014.
  • [14]
    FDF, « Élections du 25 mai 2014. Programme : Région bruxelloise et Fédération Wallonie-Bruxelles », op. cit., p. 94-95.
  • [15]
    Ibidem.
  • [16]
    N-VA, « Verkiezingsprogramma Vlaamse, federale en Europese verkiezingen 25 mei 2014 », 2014, p. 61 : « Om fiscaal en sociaal misbruik te bestrijden, zuiveren we het statuut van de kunstenaar juridisch uit en vergroten we de sociale controle. Indien wij dat niet doen, zal het systeem onder de financiële last in elkaar storten en daar zijn de kunstenaars het slachtoffer van ».
  • [17]
    SP.A, « Verkiezingen 2014. Programma SP.A », 2014, p. 202 : « SP.A vermindert de administratieve en juridische rompslomp voor kunstenaars drastisch ».
  • [18]
    Ibidem : « Door een betere en duidelijkere afbakening helpen we misbruiken van het kunstenaarsstatuut uit de wereld. We onderzoeken hoe de “federale commissie van kunstenaars” hierin een grotere rol kan spelen ».
  • [19]
    Groen, « Samen beter doen », 2014, p. 270-271 : « Het sociaal statuut van de kunstenaars moet nog veel verbeteren. Groen gaat voor een correcte en dus volwaardige bescherming van kunstenaar ».
  • [20]
    Ibidem : « We willen de cachetregeling verbeteren voor de betrokken kunstenaars, maar tegelijk misbruiken tegengaan ».
  • [21]
    PTB-GO!, « Programme PTB-GO! Élections régionales 2014 Wallonie », 2014, p. 67.
  • [22]
    PTB*PVDA-GO!, « Programme régional bruxellois 2014 », 2014, p. 57.
  • [23]
    PTB-GO!, « 14. Pour une culture accessible, démocratique et émancipatrice », 2014, p. 69.
  • [24]
    N-VA, « Voor Vlaanderen. Voor Vooruitgang. N-VA-verkiezingsprogramma », 2019.
  • [25]
    Vlaams Belang, « Eerst onze mensen. Verkiezingsprogramma 2019, goedgekeurd tijdens het congres van 30 maart 2019, Gent », 2019.
  • [26]
    Open VLD, « Het land van de doeners. Verkiezingsprogramma 2019-2024 », 2019.
  • [27]
    Groen, « Plan A. Want er is geen planeet B. Verkiezingsprogramma 2019 », 2019.
  • [28]
    PS, « Élections du 26 mai 2019. Programme PS. Union européenne, Fédéral, Fédération Wallonie-Bruxelles, Wallonie », 2019, p. 43.
  • [29]
    Ibidem, p. 602.
  • [30]
    MR, « Un pays stable, prospère et innovant. Avec le MR c’est possible. Programme général 2019 », 2019, p. 171.
  • [31]
    Écolo, « Programme de campagne 2019. Adopté par le Conseil de fédération du 9 février 2019 », 2019, p. 5.
  • [32]
    Ibidem, p. 2.
  • [33]
    Ibidem.
  • [34]
    Ibidem, p. 5.
  • [35]
    CDH, « En avant ! avec les Citoyens démocrates humanistes. Wallonie. Pour une région plus humaine, plus juste et plus durable. Programme électoral. Élections du 26 mai 2019 », 2019, p. 63.
  • [36]
    Ibidem.
  • [37]
    Défi, « Programme 2019 Fédération Wallonie-Bruxelles », 2019, p. 36.
  • [38]
    Ibidem.
  • [39]
    Ibidem.
  • [40]
    Ibidem, p. 37.
  • [41]
    CD&V, « Nationaal Verkiezingscongres Limburghal Genk. Congrestekst. CD&V-verkiezingsprogramma 2019 », 2019, p. 107 : « Om de kunstensector verder te ondersteunen moet het kunstenaarsstatuut aantrekkelijk worden gehouden en meer rechtszekerheid worden geboden. Tegelijk moeten misbruiken worden voorkomen zonder het vandaag aanwezige talent verloren te laten gaan ».
  • [42]
    SP.A, « Zekerheid voor iedereen. Verkiezingsprogramma 2019 », 2019, p. 59 : « We werken aan een plan voor een betere ondersteuning van de individuele kunstenaar en verbeteren de kennis over het kunstenaarsstatuut ».
  • [43]
    Ibidem, p. 60 : « We streven ernaar dat kunstenaars en cultuurwerkers een eerlijke verloning krijgen ».
  • [44]
    PTB, « Un programme social c’est vraiment phénoménal. Programme du PTB, élections fédérales et régionales 2019 », 2019, p. 121.
  • [45]
    Ibidem, p. 121.
  • [46]
    46 Ibidem, p. 121.
  • [47]
    Ibidem, p. 125.
  • [48]
    Gouvernement fédéral, « Accord de gouvernement. Une Belgique créative et solidaire », 8 juillet 2003.
  • [49]
    Gouvernement fédéral, « Accord de gouvernement », 1er décembre 2011.
  • [50]
    Gouvernement fédéral, « Accord de gouvernement », s.d. [7 octobre 2014], p. 58.
  • [51]
    J. Faniel, C. Sägesser, « La Belgique entre crise politique et crise sanitaire (mars-mai 2020) », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2447, 2020, p. 5.
  • [52]
    F. Bouhon, A. Jousten, X. Miny, E. Slautsky, « L’État belge face à la pandémie de Covid-19 : esquisse d’un régime d’exception », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2446, 2020 ; J. Faniel, C. Sägesser, « La Belgique entre crise politique et crise sanitaire (mars-mai 2020) », op. cit. ; C. Sägesser, « La formation du gouvernement De Croo (mai 2019 - octobre 2020) », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2471-2472, 2020.
  • [53]
    CNT, Avis n° 2061, 28 novembre 2017, p. 2.
  • [54]
    Conformément à l’article 28 du règlement de la Chambre des représentants, la commission a décidé de rédiger un procès-verbal de l’audition, ce qui signifie qu’il n’y a pas de document parlementaire public.
  • [55]
    Ont été auditionnés le 20 juin 2017 : Liesbeth Dejonghe (Overleg Kunstenorganisaties - OKO), Nicolas Dubois (directeur administratif et financier du Théâtre national de la Communauté française), Servaas Lecompte (administrateur délégué de Artists United), Jean-Gilles Lowies (ULiège et ULB) et Jean-François Viot (auteur de théâtre et metteur en scène). Ont été auditionnés le 30 janvier 2018 : Karel Deridder (ONSS, Direction générale des services d’inspection), Fernand De Vliegher (Commission Artistes), Ine Hermans (Landelijke Bedienden Centrale-Nationaal Verbond voor Kaderpersoneel - LBC-NVK, syndicat affilié à la CSC), Serge Rangoni (Fédération des employeurs du secteur culturel [en Communauté française]), Johan Van Assche (De Acteursgilde), Robrecht Vanderbeeken (CGSP-Culture) et Jan Vermoesen (Mediarte.be).
  • [56]
    Chambre des représentants, Commission des Affaires sociales, Audition. Le statut de l’artiste. Rapport, n° 18, 30 janvier 2018, p. 4.
  • [57]
    Gouvernement de la Communauté française, « Déclaration de politique communautaire. Fédérer pour réussir. 2014-2019 », s.d. [18 juillet 2014], p. 53.
  • [58]
    Communauté française, « Bouger les lignes. Tracer nos politiques culturelles pour le XXIe siècle. “Artistes au centre” », Synthèse finale, janvier 2016.
  • [59]
    Ibidem, p. 2-3.
  • [60]
    Ibidem, p. 27.
  • [61]
    Ibidem, p. 3.
  • [62]
    J.-M. Wynants, « Alda Greoli aux artistes : “Ça ne sert à rien de promettre la lune” », Le Soir, 14 février 2017.
  • [63]
    Gouvernement flamand, « Regeerakkoord. 2019-2024 », s.d. [1er octobre 2019], p. 172 : « De aandacht voor cultureel ondernemerschap wordt versterkt. De huidige instrumenten (cultuurloket, cultuurkrediet, kunstkoopregeling…) worden verdergezet, geëvalueerd en waar nodig versterkt ».
  • [64]
    Gouvernement de la Communauté française, « Déclaration de politique, 2019-2024 », s.d. [12 septembre 2019], p. 41-42.
  • [65]
    Collège de la COCOF, « Projet d’accord de gouvernement francophone bruxellois. “Un projet ouvert, solidaire et émancipateur pour et par les Bruxelloises et les Bruxellois” », 2019, p. 34.
  • [66]
    « Déclaration de politique générale commune au gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale et au collège réuni de la Commission communautaire commune. Législature 2019-2024 », 2019, p. 121.
  • [67]
    Rappelons cet exemple examiné précédemment (cf. Chapitre 4) : l’arrêt de la Cour de cassation du 12 février 1979. Se fondant sur les textes alors en vigueur, la Cour concluait à l’impossibilité de considérer (à cette époque) un artiste du spectacle comme un travailleur indépendant, dès lors qu’il était engagé contre rémunération pour se produire au cours d’une représentation. Cf. Chambre des représentants, Proposition de loi relative au statut des artistes de spectacles en matière de sécurité sociale, déposée par A. Duquesne (PRL), n° 234/1, 27 février 1992.
  • [68]
    Cour du travail de Bruxelles, 17e chambre, 15/3866/A, 1er mars 2016 ; Cour du travail de Bruxelles, 8e chambre, 2016/AB/384, 12 juillet 2017 ; Cour du travail de Bruxelles, 8e chambre, 2016/AB/306, 23 août 2017 ; Cour du travail de Bruxelles, 8e chambre, 2016/AB/748, 20 décembre 2017.
  • [69]
    C. Levaux, J.-G. Lowies, « Salariat et chômage des artistes en Belgique », Revue de la Société liégeoise de musicologie, n° 31-32-33, 2015, p. 25.
  • [70]
    CNT, Avis n° 2061, 28 novembre 2017.
  • [71]
    Ibidem, p. 6.
  • [72]
    ONEM, Riodoc 140424 : « Traitement des demandes d’allocations des travailleurs qui effectuent des prestations artistiques et des techniciens du secteur artistique ; détermination de l’indemnisation ; traitement des déclarations d’activités et de revenus », mis à jour le 22 septembre 2017.
  • [73]
    Ibidem.
  • [74]
    Courrier de l’administrateur général de l’ONEM, G. Carlens, au président de la Commission Artistes, J. De Vliegher, 10 janvier 2018 (reproduit dans Commission Artistes, « Rapport annuel. 2017 », 2018, www.artistatwork.be, annexe 2).
  • [75]
    Chambre des représentants, Questions et réponses écrites, n° 160, 18 juin 2018, p. 92.
  • [76]
    Chambre des représentants, Commission des Affaires sociales, Compte rendu intégral, n° 922, 13 juin 2017, p. 6 et suivantes.
  • [77]
    77 Chambre des représentants, Commission des Affaires sociales, Compte rendu intégral, n° 1071, 27 mars 2019, p. 6.
  • [78]
    T-Interim, « L’ONEM et l’interprétation de la rémunération à la tâche », 18 décembre 2017.
  • [79]
    Mouvement des étudiant.e.s travailleur.euse.s des arts en lutte (METAL), « Constitution du Mouvement des étudiant.e.s travailleur.euse.s des arts en lutte », 29 janvier 2018.
  • [80]
    Artists United, Comediens.be, De Acteursgilde, Fédération des auteurs compositeurs et interprètes réunis (FACIR), Société civile des auteurs multimédia (SCAM), Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), Tentoo, T-Interim/T-heater, Union des artistes du spectacle (UAS), « Courrier à Kris Peeters concernant la note interprétative de l’ONEM », octobre 2017.
  • [81]
    Artists United / De Acteursgilde, « Texte de l’audition à la Commission des Affaires sociales [de la] Chambre des représentants », 30 janvier 2018.
  • [82]
    Il serait probablement fait référence ici à Smart.
  • [83]
    Artists United / De Acteursgilde, « Texte de l’audition à la Commission des Affaires sociales [de la] Chambre des représentants », op. cit.
  • [84]
    Overleg Kunstenorganisaties (OKO), « Hoorzitting Commissie Sociale zaken sociaal statuut van de kunstenaar. Suggesties van Overleg Kunstenorganisaties », 20 juin 2017, p. 3.
  • [85]
    Rassemblement des intermittents du secteur des arts (RISA), « Proposition du RISA pour un nouveau statut des travailleurs intermittents des métiers de la création », 12 novembre 2018.
  • [86]
    A. Lallemand, « 12 idées pour tenter d’atteindre un statut de l’artiste », Le Soir, 9-10 mars 2019, p. 30-31.
  • [87]
    A. von Sivers, « La “règle du cachet” est discriminatoire et perverse », 5 mars 2019.
  • [88]
    CGSP-Culture, « Pour la règle du cachet : le texte fondateur ! », 18 février 2019, www.cgspculture.be.
  • [89]
    FACIR, « Un statut d’artiste juste et clair ! », 24 mars 2018, http://facir.be.
  • [90]
    Parlement de la Communauté française, Commission de la Culture et de l’Enfance, Compte rendu intégral, n° 50, 4 février 2019, p. 19-20.
  • [91]
    Artists United, Association des réalisateurs et réalisatrices de films (ARRF), Association des scénaristes de l’audiovisuel (ASA), De Acteursgilde, deAuteurs, Genootschap Auteurs Lichte Muziek (GALM), Professionnels de la production et de la création audiovisuelles (Pro Spere), Société belge des auteurs, compositeurs et éditeurs (SABAM), Société civile des auteurs multimédia (SCAM), Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), Unie van Regisseurs, Union des artistes du spectacle (UAS), Vlaamse Scenaristengilde, « Lettre des artistes belges », 13 février 2019.
  • [92]
    Chambre des représentants, Proposition de loi modifiant l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage en vue de mettre fin à la règle de diminution des allocations en cas de cumul entre allocations de chômage et revenus tirés de l’exercice d’une activité artistique, déposée par K. Lalieux, Ö. Özen, F. Daerden et J.-M. Delizée (PS), n° 3518/1, 6 février 2019 ; Chambre des représentants, Proposition de loi améliorant le statut des artistes, déposée par V. Waterschoot et E. Willaert (Écolo-Groen), n° 3543/1, 12 février 2019.
  • [93]
    Article 76 de la loi du 21 décembre 2018 portant des dispositions diverses en matière sociale, Moniteur belge, 17 janvier 2019.
  • [94]
    CNT, Avis n° 2120, 26 février 2019. Cet avis constitue un suivi de l’avis n° 2061.
  • [95]
    Ibidem, p. 3.
  • [96]
    Ibidem, p. 4.
  • [97]
    F. Bouhon, A. Jousten, X. Miny, E. Slautsky, « L’État belge face à la pandémie de Covid-19 : esquisse d’un régime d’exception », op. cit., p. 15-16.
  • [98]
    J. Faniel, C. Sägesser, « La Belgique entre crise politique et crise sanitaire (mars-mai 2020) », op. cit., p. 6.
  • [99]
    Ibidem, p. 9.
  • [100]
    Ibidem, p. 17-18. Cf. aussi ibidem, p. 10-13 ; C. Sägesser, « La formation du gouvernement De Croo (mai 2019 - octobre 2020) », op. cit., p. 36-42 .
  • [101]
    Lois du 27 mars 2020 habilitant le Roi à prendre des mesures de lutte contre la propagation du coronavirus Covid-19 (I) et (II), Moniteur belge, 2e édition, 30 mars 2020.
  • [102]
    F. Bouhon, A. Jousten, X. Miny, E. Slautsky, « L’État belge face à la pandémie de Covid-19 : esquisse d’un régime d’exception », op. cit., p. 23.
  • [103]
    Ibidem, p. 26-33.
  • [104]
    Article 1er, § 1er, et article 2, § 1er, de l’arrêté ministériel du 13 mars 2020 portant des mesures d’urgence pour limiter la propagation du coronavirus Covid-19 (Moniteur belge, 2e édition, 13 mars 2020).
  • [105]
    Articles 1er, § 5, et 5 de l’arrêté ministériel du 23 mars 2020 portant des mesures d’urgence pour limiter la propagation du coronavirus Covid-19 (Moniteur belge, 2e édition, 23 mars 2020) ; Articles 1er, § 6, et 5 de l’arrêté ministériel du 3 avril 2020 modifiant l’arrêté ministériel du 23 mars 2020 portant des mesures d’urgence pour limiter la propagation du coronavirus Covid-19 (Moniteur belge, 2e édition, 3 avril 2020).
  • [106]
    « Coronavirus : 10 000 événements culturels annulés en Belgique », Le Soir en ligne, 27 mars 2020, www.lesoir.be.
  • [107]
    Article 1er, § 1er, de l’arrêté ministériel du 23 mars 2020 précité.
  • [108]
    L. de Sutteret al., « Auteurs : le point final ? », Le Soir en ligne, 26 avril 2020, https://plus.lesoir.be.
  • [109]
    « À Forest National, un cri de détresse de tous les “oubliés de la culture” », RTBF Info, 14 mai 2020, www.rtbf.be.
  • [110]
    F. Bouhon, A. Jousten, X. Miny, E. Slautsky, « L’État belge face à la pandémie de Covid-19 : esquisse d’un régime d’exception », op. cit.
  • [111]
    Il s’agit de retracer ici un bref panorama des premières mesures prises par les autorités publiques jusqu’à l’été 2020 dans le champ artistique. La plupart de ces autorités ont ensuite, et ce jusqu’en 2021, mis fin ou adapté ces dispositifs, ou en ont créé d’autres dont nous ne faisons pas ici le relevé.
  • [112]
    Loi du 23 mars 2020 modifiant la loi du 22 décembre 2016 instaurant un droit passerelle en faveur des travailleurs indépendants et introduisant les mesures temporaires dans le cadre du Covid-19 en faveur des travailleurs indépendants, Moniteur belge, 24 mars 2020.
  • [113]
    Arrêté royal n° 13 du 27 avril 2020 modifiant la loi du 23 mars 2020 modifiant la loi du 22 décembre 2016 instaurant un droit passerelle en faveur des travailleurs indépendants et introduisant des mesures temporaires dans le cadre du Covid-19 en faveur des travailleurs indépendants, notamment en ce qui concerne l’extension à certains indépendants à titre complémentaire et pensionnés actifs, Moniteur belge, 29 avril 2020.
  • [114]
    Arrêté royal du 28 mai 2020 modifiant la loi du 23 mars 2020 modifiant la loi du 22 décembre 2016 instaurant un droit passerelle en faveur des travailleurs indépendants et introduisant des mesures temporaires dans le cadre Covid-19 [sic] en faveur des travailleurs indépendants, Moniteur belge, 3 juin 2020.
  • [115]
    Arrêté royal du 23 avril 2020 assouplissant temporairement les conditions dans lesquelles les chômeurs, avec ou sans complément d’entreprise, peuvent être occupés dans des secteurs vitaux et gelant temporairement la dégressivité des allocations de chômage complet, Moniteur belge, 30 avril 2020.
  • [116]
    « La dégressivité des allocations de chômage est gelée du 1er avril au 30 juin », RTBF Info, 8 avril 2020, www.rtbf.be.
  • [117]
    Chambre des représentants, Commission des Affaires sociales, Compte rendu analytique, n° 173, 8 mai 2020, p. 25.
  • [118]
    Chambre des représentants, Proposition de loi modifiant l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage en vue de mettre fin à la règle de diminution des allocations en cas de cumul entre allocations de chômage et revenus tirés de l’exercice d’une activité artistique, déposée par Ö. Özen, L. Dedonder, S. Thémont et P. Prévot (PS), n° 1154/1, 9 avril 2020.
  • [119]
    Chambre des représentants, Commission des Affaires sociales, de l’Emploi et des Pensions, Proposition de loi améliorant la situation des travailleurs du secteur culturel. Texte adopté, n° 1154/19, 9 juillet 2020.
  • [120]
    Chambre des représentants, Proposition de loi améliorant la situation des travailleurs culturels. Avis du Conseil d’État n° 67.655/1 - 67.656/1 du 3 juillet 2020, n° 1154/14, 6 juillet 2020.
  • [121]
    Ibidem, p. 3.
  • [122]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 51, 9 juillet 2020.
  • [123]
    Chambre des représentants, Proposition de résolution visant à soutenir le secteur culturel dans le contexte de la crise du Covid-19, déposée par N. Moscufo, S. De Vuyst, G. Daems, R. D’Amico et R. Hedebouw (PVDA-PTB), n° 1165/1, 15 avril 2020 ; Chambre des représentants, Proposition de loi visant à protéger de la crise du Covid-19 les travailleurs du secteur artistique, déposée par L. Dedonder, S. Thémont et M. Goblet (PS), n° 1200/1, 28 avril 2020 ; Chambre des représentants, Proposition de loi visant à apporter des mesures de soutien aux artistes en période de Covid-19, déposée par J. Chanson, E. Willaert, M.-C. Leroy, K. Calvo, G. Gilkinet, W. De Vriendt, Z. Khattabi, T. Van Der Straeten, S. de Laveleye et B. Creemers (Écolo-Groen), n° 1215/1, 29 avril 2020 ; Chambre des représentants, Proposition de loi modifiant l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage et visant à apporter une aide significative aux professionnels du secteur culturel et des industries créatives dans le cadre de la lutte contre la pandémie du Covid-19, déposée par F. De Smet et S. Rohonyi (DéFi), n° 1259/1, 18 mai 2020 ; Chambre des représentants, Proposition de loi modifiant l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage en vue d’octroyer des allocations de chômage temporaire aux collaborateurs dans le secteur artistique durant la pandémie de Covid-19, déposée par A. Vanrobaeys et M. Kitir (SP.A), n° 1374/1, 23 juin 2020.
  • [124]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 51, 9 juillet 2020, p. 15-34.
  • [125]
    Ibidem.
  • [126]
    Moniteur belge, 27 juillet 2020.
  • [127]
    S. Wilmès, « Mise en place du ERMG dans le cadre de la crise du Covid-19 », Communiqué de presse, 18 mars 2020, www.sophiewilmes.be.
  • [128]
    Economic Risk Management Group (ERMG), Rapport, 3 avril 2020, p. 2.
  • [129]
    E. Lazzaro, J.-G. Lowies, Le poids économique des industries culturelles et créatives en Wallonie et à Bruxelles, Namur, Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique (IWEPS), 2015, www.iweps.be.
  • [130]
    A. Lorfèvre, « La culture est le troisième employeur d’Europe », La Libre Belgique en ligne, 29 avril 2020, www.lalibre.be.
  • [131]
    « Coronavirus en Belgique : les artistes, grands oubliés de la crise ? », RTBF Info, 5 mai 2020, www.rtbf.be.
  • [132]
    Chambre des représentants, Proposition de résolution visant à soutenir le secteur culturel dans le contexte de la crise du Covid-19, déposée par N. Moscufo, S. De Vuyst, G. Daems, R. D’Amico et R. Hedebouw (PVDA-PTB), n° 1165/1, 15 avril 2020.
  • [133]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 36, 16 avril 2020.
  • [134]
    Chambre des représentants, Proposition de loi visant à protéger de la crise du Covid-19 les travailleurs du secteur artistique, déposée par L. Dedonder, S. Thémont et M. Goblet (PS), n° 1200/1, 28 avril 2020.
  • [135]
    Chambre des représentants, Proposition de loi visant à apporter des mesures de soutien aux artistes en période de Covid-19, déposée par J. Chanson, E. Willaert, M.-C. Leroy, K. Calvo, G. Gilkinet, W. De Vriendt, Z. Khattabi, T. Van Der Straeten, S. de Laveleye et B. Creemers (Écolo-Groen), n° 1215/1, 29 avril 2020.
  • [136]
    A. Lallemand, « Seul parti omniprésent, le MR prend la main sur la Culture », Le Soir, 9-10 mai 2020.
  • [137]
    J. Faniel, C. Sägesser, « La Belgique entre crise politique et crise sanitaire (mars-mai 2020) », op. cit.
  • [138]
    B. Biard, S. Govaert, V. Lefebve, « Penser l’après-corona. Les interventions de la société civile durant la période de confinement causée par la pandémie de Covid-19 (mars-mai 2020) », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2457-2458, 2020, p. 18-24.
  • [139]
    « Lettre des artistes et créateur.trices de la scène à la Première ministre. “Se remettre au travail dès aujourd’hui pour préparer les spectacles de demain” », Le Soir en ligne, 30 avril 2020, https://plus.lesoir.be ; « Plus de 300 artistes belges s’adressent à la classe politique : “Pour que le secteur culturel survive, il vous faut mettre en place avant l’été un état d’exception” », La Libre Belgique en ligne, 11 mai 2020, www.lalibre.be.
  • [140]
    Intervention du réalisateur Luc Dardenne lors du journal télévisé de la RTBF le 11 mai 2020.
  • [141]
    C. Sägesser, « La formation du gouvernement De Croo (mai 2019 - octobre 2020) », op. cit., p. 51-67.
  • [142]
    A. Lallemand, « Statut de l’artiste : le MR dévoile son projet », Le Soir, 11 septembre 2020.
  • [143]
    C. De Salle, J. Vereecke, J.-G. Lowies, « Libérons la création artistique. Un nouveau statut pour les artistes intermittents et les techniciens intermittents du secteur artistique », Analyse, Centre Jean Gol (CJG), septembre 2020.
  • [144]
    Sont membres de la fédération à cette date : Artistes affilié.e.s, Artists United, Association des auteur.trice.s, réalisateur.trice.s, producteur.trice.s de radio (ASAR), Association des centres culturels (ACC), Association des programmateurs professionnels (Asspropro), Association des réalisateurs et réalisatrices de films (ARRF), Association des réalisateurs-producteurs indépendants (ARPI), Association des scénaristes de l’audiovisuel (ASA), Association de techniciens professionnels du spectacle vivant (ATPS), Auteurs de bande dessinée et d’illustration réunis (ABDILR), Belgian World Music Network (BWMN), Chambre des compagnies théâtrales pour adultes (CCTA), Chambre des théâtres pour l’enfance et la jeunesse (CTEJ), Concertation des arts de la rue, des arts du cirque et des arts forains (Aires libres), Court-Circuit, Fédération belge de musique électroacoustique (FEBEME), Fédération de conteurs professionnels (FDC), Fédération des auteurs compositeurs et interprètes réunis (FACIR), Fédération des bookers et managers uni·e·s (FBMU), Fédération des employeurs des arts de la scène de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FEAS), Fédération des ensembles belges indépendants des musiques classiques (Ambitus), Fédération des opérateurs culturels des arts du conte et de l’oralité (Cont’acte), Fédération professionnelle du secteur chorégraphique de Wallonie et de Bruxelles (RAC), Fédération théâtre action (FTA), Forum des compositeurs, Hors Champ, Marionnettes, théâtre d’objet et arts associés en Fédération Wallonie-Bruxelles (M-Collectif), PlayRight, Professionnels de la production et de la création audiovisuelles (Pro Spere), Représentant belge des arts appliqués (BeCraft), Réseau des professionnels en centres culturels (ASTRAC), Société belge des auteurs, compositeurs et éditeurs (SABAM), Société civile des auteurs multimédia (SCAM), Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), Union des artistes du spectacle (UAS), Union des producteurs de films francophones (UPFF), Vlaamse Dirigenten Vereniging (VDV).
  • [145]
    Groupe de travail « Protection sociale », Note, 30 septembre 2020.
  • [146]
    A. Lallemand, « Nous voulons marquer l’accord de gouvernement. Entretien avec Pierre Dherte », Le Soir, 19 septembre 2020.
  • [147]
    « Pour une Belgique prospère, solidaire et durable », Accord de gouvernement, 30 septembre 2020, p. 36.
  • [148]
    Chambre des représentants, Budgets des recettes et des dépenses pour l’année budgétaire 2021. Exposé général, n° 1576, 13 novembre 2020, p. 181.
  • [149]
    Cf. M. Lambrecht, « L’économie des plateformes collaboratives », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2311-2312, 2016, p. 18-32. Pour quelques exemples en Belgique, cf. B. Bauraind, C. Vanroelen, « L’effet de la numérisation de l’économie sur la conflictualité sociale : le secteur des taxis bruxellois contre Uber », in I. Gracos, « Grève et conflictualité sociale en 2015 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2291-2292, 2016, p. 57-67 ; A. Dufresne, C. Leterme, J. Vandewattyne, « Les mobilisations du Collectif des coursier.e.s contre Deliveroo », in I. Gracos, « Grèves et conflictualité sociale en 2017 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2383-2384, 2018, p. 45-58 ; A. Dufresne, E. Demeester, « Les coursiers en Belgique : d’une grève locale au rassemblement international en passant par la première assemblée nationale », in I. Gracos, « Grèves et conflictualité sociale en 2019. II. Luttes sociales : entre salariat et précariat », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2475-2476, 2020, p. 47-61.
  • [150]
    A. Nayer, « Le statut de l’artiste : exposé », Académie royale de Belgique, Bulletin de la Classe des Beaux-Arts, 6e série, volume 10, n° 7-12, 1999, p. 155-169.
  1. 5. Positionnements récents des principaux acteurs
    1. 5.1. Les positionnements face à la réforme de 2013-2014
    2. 5.2. Les orientations des partis politiques de 2014 à 2019
      1. 5.2.1. Les orientations des partis politiques en mai 2014
        1. 5.2.1.1. Les partis favorables au maintien du cadre institué en 2014
        2. 5.2.1.2. Les partis favorables à une nouvelle modification du cadre
        3. 5.2.1.3. Synthèse
      2. 5.2.2. Les orientations des partis politiques en mai 2019
        1. 5.2.2.1. Les partis favorables au maintien du cadre en vigueur
        2. 5.2.2.2. Les partis favorables à une nouvelle modification du cadre
        3. 5.2.2.3. Synthèse
    3. 5.3. Les orientations des gouvernements de 2014 à 2019
      1. 5.3.1. Le gouvernement fédéral
      2. 5.3.2. Les gouvernements de Communauté
    4. 5.4. Les orientations d’autres acteurs de 2014 à 2019
      1. 5.4.1. Le rôle des instances judiciaires
      2. 5.4.2. Le Conseil national du travail (CNT)
      3. 5.4.3. L’Office national de l’emploi (ONEM)
      4. 5.4.4. Le rôle des commissions paritaires (CP)
      5. 5.4.5. Les organisations professionnelles, sectorielles et syndicales
  2. 6. Dernières évolutions en date (2019-2020)
    1. 6.1. Les éléments ponctuels
    2. 6.2. Les tendances persistantes
    3. 6.3. État des lieux au début de l’année 2020 : un large dissensus
    4. 6.4. Les effets des crises politique et sanitaire (2020)
    5. 6.5. L’impact de la crise sanitaire due à la pandémie de Covid-19 sur les artistes
    6. 6.6. Les premières mesures de soutien aux artistes
    7. 6.7. Le sort des artistes à nouveau à l’agenda sous le gouvernement Wilmès II
    8. 6.8. L’accord du gouvernement fédéral De Croo (30 septembre 2020)
    9. 6.9. Une nouvelle séquence à l’issue imprévisible
  3. Conclusion
    1. Travail des artistes et enjeux de protection sociale
    2. Enjeux économiques
    3. Enjeux démocratiques
    4. Un cadre institutionnel complexe
    5. Éléments historiques
    6. Au-delà des artistes : la protection sociale du travailleur intermittent
    7. Plusieurs scénarios possibles
    8. Épilogue : l’heure des choix ?
Steve Bottacin
Jean-Gilles Lowies
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
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L’actualité récente a remis la question du statut social des artistes à l’agenda politique. En particulier, le contexte de la pandémie de Covid-19 a jeté une lumière crue sur la précarité de nombreuses carrières artistiques et sur l’efficacité très relative des filets de protection sociale dont les artistes bénéficient. Diverses propositions censées remédier à cette situation ont vu le jour, laissant augurer des décisions et des révisions substantielles. Sur le plan politique, le gouvernement fédéral De Croo a annoncé une réforme en la matière. Plus largement, les prises de position sont nombreuses, qui se penchent sur l’état actuel du cadre juridique relatif à la protection sociale des artistes, le plus souvent pour le critiquer. Elles émanent tant des principaux partis politiques et des gouvernements que des autres acteurs en mesure de peser sur l’évolution de la problématique (des instances judiciaires aux organisations syndicales, sectorielles et professionnelles, en passant par le Conseil national du travail et l’Office national de l’emploi).

Paraissant en trois livraisons successives, ce Courrier hebdomadaire vise à retracer les étapes majeures de l’action publique en matière de protection sociale des artistes en Belgique, à en analyser les multiples enjeux et à faire état des positions en présence.

Dans ce troisième tome, S. Bottacin et J.-G. Lowies présentent les positionnements exprimés au cours de la dernière décennie, analysent la récente évolution du dossier du « statut d’artiste » et examinent quelques perspectives que laisse présager le contexte actuel.

Mis en ligne sur Cairn.info le 30/06/2021
https://doi.org/10.3917/cris.2498.0005
ISBN 9782870752654
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