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Avant-propos

1GRACOS est l’acronyme de « Groupe d’analyse des conflits sociaux ». Il s’agit d’un collectif interdisciplinaire de chercheuses et de chercheurs s’intéressant à la conflictualité sociale au sens large, en lien avec les questions de relations collectives de travail.

2Fondé en 2011, le groupe s’est fixé pour premier objectif de produire annuellement une publication dans laquelle sont étudiés les principaux conflits sociaux qui se sont déroulés en Belgique durant l’année civile précédente. Cette publication, qui paraît dans le Courrier hebdomadaire du CRISP, comporte en outre une analyse annuelle des statistiques officielles sur la grève. Dans de précédentes livraisons du Courrier hebdomadaire, le GRACOS s’est penché sur les années 2011 à 2019  [1] ; la présente étude procède de même pour 2020. Par ailleurs, le GRACOS organise également d’autres activités en rapport avec son thème d’étude, comme des séminaires.

3Les conflits sociaux analysés sont sélectionnés par les membres du GRACOS sur la base de deux critères : d’une part, le caractère marquant de ces conflits et, d’autre part, leurs conséquences potentiellement fortes sur la philosophie des relations collectives de travail ou sur le fonctionnement du système social en Belgique. Les événements étudiés sont donc remarquables soit par l’ampleur qu’ils ont prise (en termes de mobilisation sociale ou de retentissement médiatique), soit par les décisions politiques qu’ils ont générées, soit par les effets qu’ils pourraient engendrer. Une attention particulière est portée au phénomène de la grève, qui constitue un droit fondamental dans un système démocratique. Plus largement, tout conflit social considéré par le groupe comme un événement important peut être traité.

4Le GRACOS se compose de membres tant francophones que néerlandophones, qui sont issus de différentes disciplines des sciences humaines et sociales et qui portent un intérêt tout particulier à l’évolution de l’exercice de la grève. Les nouveaux membres désireux de participer à l’écriture collective sont intégrés par cooptation. En fonction des sujets susceptibles d’être traités, le groupe s’ouvre à l’occasion à des contributions extérieures. Actuellement, le GRACOS se compose de 23 membres : Bruno Bauraind, Aline Bingen, Meike Brodersen, Jan Buelens, Bernard Conter, Vaïa Demertzis, Eva Deront, Anne Dufresne, Jean Faniel, Corinne Gobin, Thomas Hausmann, Natalia Hirtz, Gérard Lambert, Vincent Lefebve, Cédric Leterme, Esteban Martinez, Laetitia Mélon, Alexandre Orban, Pierre Reman, Maria Cecilia Trionfetti, Kurt Vandaele, Jean Vandewattyne et Christophe Vanroelen. Ont également participé à la présente publication : Charlotte Fichefet, François-Xavier Lievens, Mathieu Strale et Laurent Vogel. Pour 2020, la coordination a été assurée par Aline Bingen et la conclusion a été préparée par Pierre Reman.

5Le nom « Iannis Gracos » a été retenu comme appellation collective des auteurs de la publication annuelle, par référence à la lutte du peuple grec contre les mesures d’austérité qui lui sont imposées depuis 2010.

Introduction

6Incontestablement, l’année 2020 a été marquée par la pandémie de Covid-19. Dès le mois de mars, la Belgique a dû faire face aux conséquences sanitaires, sociales, économiques ou encore politiques de la très forte hausse des contaminations, des pathologies et des décès  [2] engendrés par la maladie due au coronavirus SARS-CoV-2 et aux mesures prises par les autorités politiques pour faire face à cette première « vague ». Dès octobre, une deuxième série de mesures de confinement, plus circonscrites, sont décidées afin de faire face à la reprise de la pandémie.

7Tout aussi indéniablement, la conflictualité sociale s’est trouvée considérablement affectée par ce chamboulement. De manière générale, l’année 2020 a vu se dérouler un nombre de journées de grève bien plus faible que les précédentes et que la moyenne des trente dernières années. L’absence, durant les trois premiers trimestres, de gouvernement fédéral de plein exercice et disposant d’une majorité parlementaire explique sans doute ce constat, l’autorité politique n’ayant pas provoqué de vastes mouvements d’opposition par le dépôt de projets de réforme comme cela a souvent été le cas au cours des années précédentes. Il n’en demeure pas moins que les nombreux bouleversements que le monde du travail a endurés en raison de la pandémie sont aussi à l’origine de cette baisse. Cela étant, il est tout aussi vrai que des grèves ont éclaté, même après le mois de mars. Soit malgré la pandémie. Soit précisément en conséquence de celle-ci et de ses retombées. Les différents chapitres des deux volumes de l’étude annuellement consacrée par le GRACOS aux grèves et à la conflictualité sociale portent dès lors largement la marque de la pandémie.

8Si de précédentes livraisons du Courrier hebdomadaire ont retracé en détail le cours politique et juridique de la réaction apportée en Belgique à la pandémie  [3], il est opportun de pointer ci-après certains éléments saillants de ce qui constitue la toile de fond sur laquelle bon nombre de conflits sociaux se sont déroulés en 2020.

9Après le scrutin multiple du 26 mai 2019, des coalitions de nature assez différente se sont mises en place dans les différentes entités fédérées, associant PS, MR et Écolo en Région wallonne et en Communauté française, N-VA, CD&V et Open VLD en Communauté flamande, PS, Écolo, Défi, Groen, Open VLD et SP.A en Région de Bruxelles-Capitale, et ProDG, SP et PFF en Communauté germanophone  [4]. En revanche, quand débute l’année 2020, un nouveau gouvernement fédéral n’est pas encore formé et le gouvernement minoritaire (MR/CD&V/Open VLD) dirigé par Sophie Wilmès (MR) est toujours chargé d’expédier les affaires courantes.

10Le 23 janvier 2020, la cheffe du groupe CDH à la Chambre des représentants, Catherine Fonck, est la première à poser une question relative au nouveau coronavirus à la ministre fédérale des Affaires sociales et de la Santé publique, et de l’Asile et la Migration , Maggie De Block (Open VLD). Celle-ci se veut alors rassurante  [5]. Le 30, le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) déclare que la flambée de l’épidémie constitue une urgence de santé publique de portée internationale, ce qui constitue un événement rare et d’une gravité particulière. C’est toutefois au retour du congé de Carnaval, le 2 mars, que l’arrivée du coronavirus se précise en Belgique. Néanmoins, le 5, en séance plénière de la Chambre, la ministre M. De Block parle de « grippe nouvelle mais légère »  [6]. Le 11 mars, l’OMS requalifie en pandémie l’épidémie de Covid-19 apparue quelques mois plus tôt en Chine.

11Face à l’aggravation de la situation, les partis politiques qui négocient alors toujours la formation d’un nouveau gouvernement fédéral tentent de s’accorder. C’est finalement une formule inédite qui est privilégiée. La coalition dirigée par S. Wilmès, démissionnaire, est reconduite par le Roi (gouvernement Wilmès II, MR/CD&V/Open VLD) le 17 mars et elle reçoit le soutien, de l’extérieur, de six autres partis : PS, Écolo, SP.A, Groen, CDH et Défi. Le nouveau gouvernement obtient successivement la confiance d’une majorité de membres de la Chambre (le 19 mars) et une délégation de pouvoirs spéciaux par une majorité plus large encore de députés fédéraux (le 26 mars)  [7]. La Première ministre s’engage à borner son action à la gestion de la crise sanitaire et à ses conséquences, et à se présenter à nouveau devant l’assemblée dans un délai de six mois au plus tard pour obtenir sa confiance. Les pouvoirs spéciaux sont accordés au gouvernement fédéral pour une période de trois mois, renouvelables une fois. La crise politique peut donc apparaître temporairement résolue ; toutefois, à mesure que l’urgence sanitaire s’estompe, elle refait surface. Les pouvoirs spéciaux ne sont pas prolongés et il faut attendre le 1er octobre pour que soit nommé un gouvernement fédéral dirigé par Alexander De Croo (Open VLD), réunissant pour la première fois sept partis : PS, MR, Écolo, CD&V, Open VLD, SP.A et Groen. Au moment où est installé ce gouvernement dit Vivaldi  [8], s’amorce la deuxième vague de la pandémie.

12Dès le mois de mars, la gestion de la crise sanitaire et de ses conséquences multiformes implique les différents niveaux de pouvoir de l’État fédéral. D’abord au sein du Conseil national de sécurité (CNS), ensuite par le biais du Comité de concertation (Codeco), Autorité fédérale, Régions et Communautés tentent de coordonner leur action et de trouver un consensus sur les mesures à prendre. C’est cependant par le biais d’un simple arrêté du ministre de l’Intérieur  [9] qu’est décidé un confinement entrant en vigueur le 18 mars. Durant celui-ci, de nombreux secteurs restent néanmoins actifs, leurs travailleurs et travailleuses étant bien souvent contraints de travailler sans protections adéquates, en raison notamment du manque de matériel (masques, gants, produits désinfectants, etc.).

13Un déconfinement intervient progressivement à partir du 4 mai, mais certains secteurs demeurent fermés, parfois plusieurs mois encore, notamment dans le monde du spectacle et des arts de la scène, des discothèques, etc. Par la suite, le rebond de la pandémie engendre encore de nouvelles phases de fermeture. Si les pouvoirs publics veillent à dédommager les entreprises et les travailleurs et travailleuses affectés par ces décisions, les niveaux d’indemnisation apparaissent rapidement insuffisants pour bon nombre de catégories sociales et significativement différents d’une Région à l’autre, notamment pour les petits commerces. En outre, les travailleurs et travailleuses de secteurs de l’économie parallèle tels que les sans-papiers ou les travailleurs et travailleuses du sexe ainsi que les étudiants sont plus particulièrement touchés encore, perdant pour la plupart d’entre eux leurs seules sources de revenus.

14Les mesures décidées par les autorités en vue d’affronter la crise sanitaire se traduisent aussi par des restrictions, parfois sévères, de la liberté de se déplacer ou d’occuper l’espace public, y compris pour y porter des messages ou des revendications de type militant  [10]. Durant la partie la plus stricte du confinement, on n’enregistre guère qu’une seule action, brève (de type « flashmob »), organisée le 20 avril à Bruxelles par une soixantaine de sans-papiers pour attirer l’attention sur leur situation et revendiquer une large régularisation. Le premier grand rassemblement organisé après le confinement réunit environ 10 000 personnes à Bruxelles, le 7 juin, « contre le racisme et les violences policières envers les personnes de couleur à travers le monde ». Cette manifestation – qui fait écho au meurtre, aux États-Unis le 25 mai, de George Floyd par un policier blanc et qui s’inscrit dans une série de rassemblements organisés dans de nombreux pays occidentaux – provoque une polémique quant au danger de rebond de la pandémie qu’elle pourrait provoquer. Aucun foyer de contaminations ne sera détecté par la suite parmi les participants à cette action. Il faut attendre la fin de l’été pour que se développent quelques actions collectives de contestation des mesures sanitaires, de moindre ampleur cependant que celles menées dans certains pays voisins tels que l’Allemagne ou les Pays-Bas.

15L’arrivée de la pandémie en Belgique est aussi caractérisée par des marques de sympathie ou de solidarité à l’égard du personnel soignant, applaudi quotidiennement à 20 heures durant plusieurs jours, et d’autres travailleurs et travailleuses dont les métiers, généralement peu visibles voire dépréciés habituellement, sont tout à coup mis à l’honneur comme essentiels, tandis que ceux et celles qui les exercent sont considérés comme héroïques vu les risques de contamination auxquels ils sont exposés quotidiennement. Également plongé dans une situation inédite, le monde militant réagit notamment par une multiplication de réflexions sur les inégalités mises en évidence par la situation, ainsi que sur les changements et transformations qui devraient être opérés dans le « monde d’après »  [11]. Cependant, l’automne et la recrudescence de la pandémie semblent avoir pour effet que cette mise en avant est atténuée voire oubliée et que les espoirs de changement se soldent à beaucoup d’égards par un retour à la normale ou, comme le dénoncent de nombreux militants, « à l’anormale », c’est-à-dire à la société d’avant la crise et à tous ses défauts.

16Dans leur gestion de la pandémie, les gouvernements mobilisent un nombre important d’acteurs, en raison notamment de leur expertise dans le domaine sanitaire ou en raison de leur connaissance de certains secteurs de la société. Dans le premier chapitre, consacré à la concertation et à la conflictualité sociales au niveau interprofessionnel, Bernard Conter et Jean Faniel montrent que les interlocuteurs sociaux ne sont pas associés à tous les groupes mis sur pied par les autorités à partir du mois de mars. Néanmoins, la concertation sociale entre représentants patronaux et syndicaux au sein du Groupe des dix, du Conseil national du travail (CNT) ou du Conseil supérieur pour la prévention et la protection au travail (CSPPT) aboutit à plusieurs positions, avis ou déclarations adressés en commun aux dirigeants politiques, en dépit de positionnements parfois assez divergents. Ce chapitre souligne aussi les difficultés importantes et les aléas auxquels les syndicats sont confrontés, en raison de la surcharge de travail très importante causée par l’afflux de demandes d’indemnités pour cause de chômage temporaire lié aux mesures de confinement, au vu du report des élections sociales de mai à novembre, ainsi qu’en raison des limitations posées à la liberté de manifestation. En fin d’année, des militants de la FGTB manifestent néanmoins devant le palais de justice de Liège à la suite de la condamnation de dix-sept de leurs camarades et responsables pour avoir bloqué l’autoroute E40 à hauteur du pont de Cheratte le 19 octobre 2015.

17Le deuxième chapitre revient précisément sur le jugement rendu le 23 novembre 2020 par le tribunal correctionnel de Liège sur ces faits intervenus à l’occasion de mouvements sociaux organisés face à la politique du gouvernement fédéral Michel I. Cette contribution examine d’abord le contexte de ce blocage, les poursuites qui l’ont suivi, la décision tombée en 2020 et ses répercussions, et la confirmation du jugement en appel le 19 octobre 2021. Ensuite, en posant un regard historique et juridique sur cette décision, François-Xavier Lievens montre que, malgré certaines réactions de surprise, ce jugement ne constitue pas une nouveauté mais s’inscrit, au contraire, dans une continuité. Il explique ainsi la manière par laquelle l’exercice effectif du droit de grève se trouve remis en cause, depuis plusieurs décennies, par les juridictions civiles et pénales, et par la Cour constitutionnelle, la Cour de cassation et le Conseil d’État, soit les trois plus hautes juridictions du pays.

18Au niveau sectoriel, les conflits analysés ont été particulièrement affectés par la pandémie. Celle-ci n’a toutefois pas constitué leur déclencheur. Dans les soins de santé, l’année 2019 avait déjà vu se dérouler un mouvement de mobilisation d’une rare ampleur, dont l’un des résultats a été la création, approuvée par la Chambre des représentants, d’un fonds Blouses blanches destiné à améliorer les conditions de travail du personnel soignant. Natalia Hirtz et Maria Cecilia Trionfetti soulignent que la crise sanitaire qui survient en 2020, et qui met particulièrement sous pression le secteur des soins de santé, place à l’avant-plan les conditions de travail et les services dégradés qui caractérisent depuis longtemps le secteur et que la pandémie vient encore exacerber. La mobilisation syndicale et celle du collectif La Santé en lutte  [12] mettent aussi en évidence les dégâts provoqués par l’application de méthodes de gestion issues du secteur privé au sein des institutions sanitaires et sociales et, plus largement, les effets des politiques néolibérales appliquées depuis plusieurs décennies, y compris sur la prise en charge des malades. Dans ce cadre, les engagements pris par le gouvernement fédéral à l’égard des soins de santé peuvent certes être considérés comme des victoires plus ou moins importantes résultant de luttes menées sur le terrain. Toutefois, la lutte pour le refinancement massif et pérenne de ce secteur n’est manifestement pas achevée.

19Depuis plusieurs années, le secteur de la grande distribution connaît des restructurations profondes, sous le coup de la concurrence grandissante, de la pression du patronat sur les conditions de travail et de la montée en puissance du commerce en ligne. C’est aussi une branche économique qui se trouve placée au centre d’enjeux liés au coronavirus, en raison des pics de vente, des pressions sur les stocks et sur les travailleurs et travailleuses, ou encore de l’exposition du personnel au risque de contamination et aux réactions d’agressivité d’une partie de la clientèle. Dans le quatrième chapitre, Alexandre Orban, Mathieu Strale et Gérard Lambert rendent compte de cette combinaison particulière, en mettant en évidence l’interruption partielle, durant les pics pandémiques, des luttes en cours depuis plusieurs années contre les restructurations. De nouveaux enjeux se développent alors, liés à la protection des travailleurs et travailleuses face au virus, à la surcharge de travail et à la question des compensations face à cette situation exceptionnelle. Dans ce cadre, le travail syndical et la mobilisation doivent s’adapter, notamment en s’appuyant plus souvent sur l’organisation logistique du secteur.

20Le secteur pénitentiaire est lui aussi l’objet de tensions récurrentes, liées entre autres à la surpopulation carcérale et au déficit de personnel régulièrement dénoncé par les agents et leurs organisations syndicales. Vincent Lefebve rappelle qu’au cours des dernières années, l’adoption puis la mise en œuvre de la législation sur le service minimum en cas de grève dans les prisons ont tendu encore la situation  [13]. Ce cinquième chapitre montre que la pandémie de Covid-19 vient ajouter un élément supplémentaire à la crise qui touche déjà le secteur et qu’elle conduit ici aussi à un déplacement des enjeux de la conflictualité sociale. En effet, des mesures importantes sont rapidement prises en raison de la situation sanitaire. Si certaines permettent à des détenus de bénéficier d’une libération anticipée, ce qui conduit à une diminution de la population carcérale, d’autres limitent les droits des détenus, en particulier en ce qui concerne le régime de visites. Au début de l’automne, avant que survienne la deuxième vague, la perspective d’un adoucissement du régime de visites incite les syndicats à mener une action de grève largement suivie par les agents pénitentiaires ; les autorités prennent alors de nouvelles mesures pour réduire les allers-retours entre le milieu carcéral et le monde extérieur. L’année 2020 est en outre marquée par des actions et prises de position émanant de détenus, souvent accompagnés par des associations actives en prison, afin de mettre en lumière les atteintes à leurs droits humains générées ou accentuées par la crise sanitaire.

21Dans le dernier chapitre du premier volume, Natalia Hirtz et Charlotte Fichefet montrent que l’irruption de la pandémie de Covid-19 affecte fortement les conditions de vie des sans-papiers et provoque une recrudescence de leurs luttes. Comme on l’a indiqué, ceux-ci sont même les premiers à déconfiner le droit de se rassembler et de manifester. Les premières mobilisations surgissent dans le centre fermé de Vottem, pour protester contre les conditions sanitaires de détention. La libération des personnes enfermées dans les centres et la régularisation de tous les sans-papiers sur la base de circonstances exceptionnelles comme le permet la loi sont au cœur des nombreuses actions menées dès le mois d’avril. Au cours de l’année, celles-ci prennent différentes formes et impliquent une diversité de stratégies : revendication d’une régularisation temporaire dans un premier temps, interpellation des pouvoirs communaux afin d’obtenir une motion en faveur de la régularisation, établissement de liens avec d’autres secteurs militants, pression sur les partis politiques dans le cadre du processus de formation du gouvernement fédéral De Croo, etc. Cependant, pas plus que ses prédécesseurs, ce dernier n’entend opérer une régularisation collective sur la base de critères clairs. Une nouvelle campagne axée sur la régularisation par le travail voit alors le jour, qui cherche notamment à donner plus de visibilité aux nombreuses personnes sans papiers actives dans différents secteurs de l’économie belge et à réclamer l’obtention d’un permis de travail. Peu à peu, le mouvement des sans-papiers parvient à donner naissance à des espaces politiques et de convergence des luttes. Cependant, le prolongement de la crise et la poursuite d’une politique migratoire restrictive ont des répercussions mortifères pour cette population de plus en plus en danger.

22Le second volume de cette étude annuelle traite de grèves et de conflits sociaux survenus au niveau d’entreprises. Le conflit social qui touche la STIB en mai 2020 trouve ses origines dans la gestion du premier déconfinement par le management de la société de transport en commun bruxelloise. Au début de la crise sanitaire, alors que le télétravail se généralise, les travailleurs et travailleuses des sociétés de transport en commun assurent la continuité du service dans des conditions de sécurité pour le moins interpellantes. Leur activité est considérée comme faisant partie des fonctions essentielles, au même titre que celles exercées par les professions médicales ou les éboueurs. En mai, lors du déconfinement, une partie importante des chauffeurs de la STIB décide de faire usage collectivement du « droit de retrait » pour dénoncer l’insuffisance des mesures de protection. Les incertitudes concernant la diffusion du coronavirus sont fortes et la société de transport est traversée par d’importantes tensions. Jean Vandewattyne et Laurent Vogel soulignent que si le droit de retrait est présent dans la législation belge depuis 1992, son exercice par les chauffeurs de la STIB constitue une première historique. Plus largement, il ne figure pas dans le répertoire de l’action collective des syndicats belges. Le mouvement n’est d’ailleurs pas couvert par les permanents syndicaux présents à la STIB. Quant à la direction de la société, elle considère son exercice comme une absence injustifiée avec toutes les conséquences qui en découlent. Le mouvement dure une semaine. En novembre 2020, un collectif de 215 chauffeurs porte le différend devant le tribunal du travail de Bruxelles. Très concrètement, il cherche à obtenir l’annulation des absences pointées comme injustifiées, la rémunération des jours de retrait, et le respect des règles de sécurité et de santé au travail et notamment du rôle du comité pour la prévention et la protection au travail (CPPT). Si les décisions judiciaires à venir auront un impact sur le climat social au sein de l’entreprise, elles feront aussi date quant à l’exercice effectif du droit de retrait en Belgique.

23L’année 2020 s’avère relativement conflictuelle au sein d’Audi Brussels et des sous-traitants de cette usine de construction automobile établie à Forest. Des tensions émergent d’abord en début d’année en raison de soucis d’approvisionnement. L’hypothèse d’un premier impact de la pandémie sur les chaînes logistiques et donc sur les espaces de production apparaît alors. Ensuite, le risque de contamination et la gestion de cette situation totalement nouvelle provoquent un conflit entre la direction et les membres du personnel autour de l’application de diverses mesures sanitaires. Il en résulte une extension du rôle du CPPT, en charge des questions liées à la sécurité des travailleurs et travailleuses. Alexandre Orban montre que, plus largement, c’est un véritable bras de fer qui s’engage autour de la gestion de la situation d’urgence causée par la pandémie. Se font face, d’un côté, l’intérêt de maintenir la productivité et une certaine rentabilité de l’entreprise et, de l’autre, la volonté de minimiser les risques pour les salariés et salariées. Cette contradiction fondamentale mobilise les interlocuteurs sociaux de différentes manières. Tandis que la direction met en place une série de mesures pour faire redémarrer la production, allant des tests à la mobilisation d’acteurs externes, les travailleurs et travailleuses et leurs organisations syndicales mènent des actions collectives et entendent négocier le droit de pouvoir travailler dans un espace sûr. La conflictualité s’élargit après la reprise de la production car une série de problèmes s’expriment, tant chez les salariés d’Audi Brussels même que chez ceux de Weerts Supply Chain (WSC), directement liés à l’activité de l’usine forestoise. En plus de problèmes internes aux deux entreprises, les relations entre Audi Brussels et WSC sont au cœur des tensions et des actions. Ici aussi, l’opposition entre rentabilité – d’Audi Brussels ou de WSC – et sécurité est à la source de tensions et d’actions collectives.

24C’est également la pandémie de Covid-19 qui est à l’origine du conflit qui secoue l’usine brassicole AB InBev à Jupille-sur-Meuse en septembre 2020. Durant deux semaines, les travailleurs et travailleuses mènent une grève pour le respect des mesures sanitaires. Déclenchée suite à l’hospitalisation de deux salariés et au développement d’un cluster de contaminations dans le secteur logistique de l’entreprise, cette grève est portée par une délégation syndicale dont Eva Deront et Thomas Hausmann rappellent qu’elle est habituée à engager un bras de fer avec la direction de l’entreprise. L’action est en outre appuyée par un front large de soutien dans d’autres secteurs et entreprises. Alors que la direction tente d’individualiser les responsabilités de la propagation de la pandémie, les acteurs du conflit effectuent un travail de politisation fort, mettant en avant la légitimité des travailleurs et travailleuses à participer activement aux politiques sanitaires sur leur lieu de travail.

25Les deux derniers conflits d’entreprise traités dans ce second volume sont pour leur part peu voire pas liés à la pandémie et à ses effets. La restructuration de la filiale belge du géant pharmaceutique américano-britannique GlaxoSmithKline (GSK) constitue un événement socio-économique majeur du début de l’année 2020 en Wallonie. GSK compte en effet quelque 9 200 salariés répartis sur trois sites de production (Rixensart, Wavre et Gembloux) et entre plusieurs sociétés, dont la principale est GSK Biologicals. Ces chiffres font du groupe le plus grand employeur privé en Région wallonne. Bruno Bauraind souligne qu’après ArcelorMittal et Caterpillar  [14], c’est donc un autre moteur de l’économie wallonne qui réduit l’emploi. À la différence de la sidérurgie ou des machines-outils cependant, le secteur des biotechnologies est toujours considéré comme un secteur d’avenir pour la Belgique, et particulièrement pour la Wallonie. Dans ce cadre, GSK est le pilier d’un pôle de compétitivité qui doit participer au redéploiement de l’économie régionale. Cette restructuration est d’autant plus remarquable qu’elle touche principalement des cadres (595 des 720 licenciements annoncés le 5 février). À cela s’ajoute le non-renouvellement de 215 contrats à durée déterminée. La restructuration chez GSK Biologicals fait donc réémerger deux débats autour du statut de cadre dans le secteur de la chimie : la représentation du personnel-cadre et la tendance à la « cadrification des employés » dénoncée de longue date par les syndicats. Ce conflit est en outre rattrapé par la pandémie. En Belgique, GSK produit essentiellement des vaccins, l’entreprise s’enorgueillissant même de constituer « le plus vaste réseau industriel de production de vaccins au monde ». Alors que la pandémie de Covid-19 atteint l’Europe, cette restructuration présente donc également une portée symbolique. Cependant, la restructuration est maintenue. Bien qu’elle touche près de 10 % des salariés de l’entreprise, elle ne donne lieu à aucune grève : la concomitance du premier confinement et le profil socio-économique des personnels licenciés conduisent les syndicats à privilégier la négociation.

26Enfin, Pierre Reman et Gérard Lambert reviennent sur le conflit entre les travailleurs et la direction des Éditions de l’Avenir entamé en octobre 2018 et déjà couvert dans les deux dernières livraisons du GRACOS  [15]. Si ce conflit trouve son épilogue en 2020, il ne se conclut ni par un accord ni par une déclaration de paix entre les parties. Le conflit s’est littéralement éteint à la suite de la mise en place progressive d’une nouvelle configuration d’acteurs. Le groupe de presse IPM (La Libre Belgique, La Dernière Heure, etc.) a en effet racheté L’Avenir à l’entreprise Nethys, dans la tourmente des « affaires » liégeoises depuis plusieurs années. De plus, les élections sociales ont rebattu les cartes de la représentation syndicale, au détriment du SETCA (FGTB), qui perd tous ses représentants au conseil d’entreprise (CE) et au CPPT, et au profit de la CGSLB, qui prend une place équivalente à celle de la CNE (CSC) dans les organes de concertation. À l’initiative des journalistes, une coopérative est créée, dont l’ambition est d’intégrer le capital des Éditions de l’Avenir et d’exercer une influence sur les orientations stratégiques du journal.

27La conclusion générale revient principalement sur les effets que la pandémie de Covid-19 a engendrés sur les relations collectives de travail, la concertation et la conflictualité sociales au cours de l’année 2020. Elle met notamment en évidence les modes d’action auxquels les travailleurs et travailleuses – avec leurs organisations syndicales et quelquefois en tension avec celles-ci – ont recouru, y compris de manière adaptée, vu les contraintes liées aux circonstances : négociation, rassemblements malgré les règles sanitaires en vigueur, utilisation du « droit de retrait », recours en justice, etc. Elle montre aussi de quelle manière la pandémie a pu être utilisée ou envisagée dans certains cas comme levier d’action par les travailleurs et travailleuses, et de quelle manière l’irruption de la crise sanitaire a déplacé les axes structurant certains conflits. Enfin, elle se penche sur la dynamique alliant conflit et compromis qui a prévalu dans plusieurs situations et selon différentes formes, tout en soulignant que d’autres ont été caractérisées par un antagonisme persistant.

28Quant à elle, l’annexe statistique souligne la forte diminution des jours de grève, tombant largement sous la moyenne annuelle des trois dernières décennies, et ce quel que soit l’indicateur retenu. Kurt Vandaele souligne que si la pandémie de Covid-19 est un facteur important de cette baisse, elle ne constitue probablement pas le seul : l’absence, durant les neuf premiers mois de l’année, d’un gouvernement fédéral apte à mener des réformes est probablement à mettre aussi en évidence. Inversement, l’irruption du coronavirus a également provoqué l’apparition ou la recrudescence de certains conflits sociaux, comme l’illustrent plusieurs des chapitres de ces deux volumes.

1. Négocier dans l’incertitude de la pandémie. La conflictualité sociale interprofessionnelle en 2020

29Comme dans d’autres domaines, l’irruption de la pandémie de Covid-19 est venue bouleverser la concertation et la conflictualité sociales interprofessionnelles. Loin de mettre les organisations patronales et syndicales à l’arrêt, les retombées de la pandémie et la gestion de celles-ci les ont au contraire mises face à des tâches et à des responsabilités, si pas nouvelles, à tout le moins d’une ampleur inhabituelle. Elles ont également affecté significativement leurs modes d’action, provoquant notamment un report de six mois des élections sociales initialement prévues pour mai 2020. En outre, le chamboulement de la société et de l’économie dès le mois de mars 2020 a considérablement pesé sur le démarrage des négociations en vue de la conclusion d’un accord interprofessionnel (AIP) qui s’ouvrent classiquement à la fin d’une année paire.

1.1. La place des interlocuteurs sociaux dans la gestion de la crise sanitaire

30Au début de l’année 2020, le processus de formation d’un nouveau gouvernement fédéral entamé au lendemain du scrutin du 26 mai 2019 est toujours en cours  [16]. L’exécutif minoritaire (MR/CD&V/Open VLD) est démissionnaire et chargé d’expédier les affaires courantes depuis le 21 décembre 2018 ; à sa tête, Sophie Wilmès a succédé à Charles Michel (tous deux MR) le 27 octobre 2019.

31Dans ce contexte où les différentes forces socio-politiques veillent à mettre leurs priorités à l’agenda des négociateurs, la Fédération générale du travail de Belgique (FGTB) réunit entre 10 000 et 20 000 personnes à Bruxelles, le 28 janvier 2020, lors d’une manifestation « pour une sécurité sociale renforcée ». Le syndicat socialiste réclame notamment le retour à 65 ans de l’âge légal de la retraite, une pension minimum à 1 500 euros nets par mois et le relèvement de toutes les allocations sociales au-dessus du seuil de pauvreté, ainsi qu’un financement « socialement juste » de la sécurité sociale, « qui mette à contribution le capital et les revenus ». Bien qu’elles partagent certaines de ces revendications, la Confédération des syndicats chrétiens de Belgique (CSC) et la Centrale générale des syndicats libéraux de Belgique (CGSLB) ne se joignent pas à l’action. Cette manifestation a des répercussions sur la circulation des transports du TEC en Wallonie et de la STIB en Région bruxelloise.

32Peu à peu, l’arrivée de la pandémie de Covid-19 en Belgique se précise. Dès le début du mois de mars, les interlocuteurs sociaux s’inquiètent de ses retombées sur l’économie et sur le monde du travail. Le 6 mars, ils lancent un appel dans le cadre du Conseil national du travail (CNT), mettant l’accent sur le caractère préoccupant de la situation et sur la nécessité de favoriser la concertation sociale sur les mesures à prendre : « Les partenaires sociaux entendent se concerter régulièrement sur les questions qui se posent sur le lieu de travail, en vue d’aboutir à une approche cohérente et coordonnée de la problématique. Ils en appellent, à cet effet, à la collaboration des autorités et services publics concernés. Par ailleurs, ils estiment qu’un rôle important revient à la concertation dans les entreprises (et en particulier dans les organes de concertation existants : les conseils d’entreprise (CE), les comités pour la prévention et la protection au travail (CPPT), la délégation syndicale), dans les limites du cadre politique global. En outre, les partenaires sociaux demandent, là où c’est opportun, d’engager également une concertation à ce sujet au sein des commissions paritaires »  [17].

33La crise sanitaire pousse le monde politique, occupé à négocier la formation d’un nouveau gouvernement fédéral depuis mai 2019, à envisager la constitution, en urgence, d’un nouvel exécutif et à le doter de pouvoirs étendus afin d’affronter la crise sanitaire et ses conséquences. Le gouvernement Wilmès II, de composition identique à son prédécesseur, est mis en place le 17 mars 2020  [18]. Il décide immédiatement d’un confinement de la population, et impose l’obligation de télétravail et l’arrêt des activités non essentielles où la distanciation ne peut être respectée, tout en veillant à maintenir l’activité d’autres secteurs. Le 19 mars, le gouvernement Wilmès II reçoit la confiance d’une majorité de députés, seuls la N-VA, le Vlaams Belang et le PTB ne l’accordant pas.

34Les organisations syndicales pressent le nouveau gouvernement fédéral d’adopter des mesures de protection des travailleurs. Ainsi, la FGTB estime qu’il est « hors de question qu’à la crise sanitaire s’ajoute une crise sociale »  [19]. Les trois syndicats demandent de renforcer le chômage temporaire, estimant insuffisante la décision du gouvernement de hausser celui-ci de 65 à 70 % du salaire perdu (plafonné), et réclament une augmentation de la part patronale payée  [20], la prise en compte des périodes de chômage temporaire dans le calcul du pécule de vacances et l’application de la mesure aux travailleurs intérimaires. Ils demandent aussi un assouplissement du congé parental et la possibilité de suspendre les crédits hypothécaires.

35Le 26 mars, le gouvernement Wilmès II se voit doté de pouvoirs spéciaux pour une durée de trois mois (renouvelable une fois, mais tel ne sera pas le cas). Cela lui permet d’agir sans consultation préalable de la Chambre des représentants dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire et de ses conséquences économiques et sociales. Sont explicitement exclus du champ d’application des pouvoirs spéciaux le pouvoir d’achat des familles et la protection sociale existante. Les arrêtés royaux de pouvoirs spéciaux ne peuvent pas adapter, abroger, modifier ou remplacer les cotisations de sécurité sociale, les impôts, les taxes et les droits, notamment la base imposable, le tarif et les opérations imposables  [21]. Néanmoins, le chef du groupe PTB à la Chambre, Raoul Hedebouw, justifie ainsi l’opposition de son parti à l’octroi des pouvoirs spéciaux : « Le point 5 de l’article 5 [de la loi d’habilitation] accorde au gouvernement un blanc-seing pour une modification du droit du travail et de la sécurité sociale. L’urgence est invoquée afin d’écarter le débat politique. Les mesures qui seront prises par arrêtés royaux renferment toutefois un choix politique – de gauche ou de droite. Les intérêts des patrons des grands secteurs ne sont pas les mêmes que ceux des travailleurs. L’arrêté ministériel du 13 mars relatif aux secteurs cruciaux prévoit que ces secteurs ne peuvent pas être fermés en cas de non-respect des règles. La première liste a entre-temps quadruplé, si bien que deux des trois millions de travailleurs travaillent dans un secteur crucial. Il s’agit d’une discussion politique par excellence. (…) Oui, il faut prendre des mesures urgentes et nous ne jouerons pas l’opposition stérile. Mais je ne comprends pas pourquoi nous devrions déléguer pour trois à six mois tous les pouvoirs du Parlement au gouvernement »  [22].

36Dès l’entame du premier confinement, les syndicats sont amenés à traiter un afflux massif de dossiers de chômage temporaire, dont une partie issue de nouveaux adhérents. Cette activité requiert la mobilisation de permanents et employés issus de divers services de ces organisations, y compris des centrales professionnelles, guère habitués à assurer ce type de tâches. Cet accroissement subit et massif de travail administratif engendre non seulement des délais parfois très longs dans le traitement des demandes d’information et des dossiers, causant le mécontentement de nombreux affiliés, mais accapare aussi assez largement l’attention de bon nombre de responsables syndicaux, les rendant parfois matériellement incapables de s’investir dans d’autres tâches qu’imposerait la situation (réflexion, mobilisation ou travail de terrain). Il est à noter que la Caisse auxiliaire de paiement des allocations de chômage (CAPAC) connaît aussi semblable engorgement et retard dans le traitement des dossiers, ce qui entraîne un appel en renfort des fonctionnaires d’autres services, dont le Service public fédéral (SPF) Finances. Cela étant, à plusieurs occasions, les mesures gouvernementales prises en réponse à la crise sanitaire font l’objet de lourdes critiques syndicales, sans nécessairement conduire à l’expression de conflits par le moyen de mobilisations ou actions collectives. Par ailleurs, différents militants ou responsables syndicaux se joignent aux nombreuses prises de position ou réflexions portant sur le « monde d’après » qui fleurissent dans la société civile, en particulier au printemps 2020  [23].

37Dans le cadre de la gestion de la crise provoquée par la pandémie et par les mesures prises pour y faire face, le gouvernement fédéral crée différentes enceintes. L’Economic Risk Management Group (ERMG) se réunit pour la première fois le 19 mars, sous la présidence du gouverneur de la Banque nationale de Belgique (BNB), Pierre Wunsch, et de l’ancien président du Boerenbond, Piet Vanthemsche. Ce groupe « a pour objectif d’assurer la gestion des risques économiques et macroéconomiques liée à la propagation du Covid-19 en Belgique »  [24]. L’ERMG reçoit trois missions : « Mesurer l’incidence de la pandémie de coronavirus sur les entreprises, les secteurs et les marchés financiers (« monitoring ») ; veiller à ce que les entreprises et les infrastructures particulièrement critiques pour notre pays continuent de fonctionner (« business continuity ») ; jouer un rôle de coordination en dressant la liste des mesures qui ont été prises pour lutter contre les conséquences économiques de cette crise »  [25]. Huit groupes de travail sont constitués au sein de l’ERMG. Leur composition, opérée essentiellement sur une base volontaire, fait apparaître une nette sous-représentation du monde syndical : sur les 66 noms recensés fin avril, 36 représentent une organisation patronale  [26], 9 proviennent du monde syndical  [27], tandis que les autres sont attachés à la BNB (9 personnes), au Bureau fédéral du plan (7 personnes), à un autre organisme fédéral (2 personnes) ou à une université (3 personnes)  [28]. Selon les termes de la BNB, « en s’acquittant de ces missions, l’ERMG est devenu pour les membres qui le composent un forum de réflexion sur l’impact économique de la crise et sur les mesures nécessaires à cet égard »  [29]. Cependant, la FGTB contestera la légitimité de cet organe à discuter de questions avancées par le patronat en matière, par exemple, d’heures supplémentaires ou de demandes de congé – ces thèmes devant, selon le syndicat socialiste, être discutés au CNT.

38Créé deux semaines plus tard, le Groupe d’experts en charge de l’exit strategy (GEES) compte 10 membres, soit 5 spécialistes médicaux et 5 personnes issues du monde socio-économique. Sa composition fait elle aussi l’objet de critiques : tandis qu’Écolo, notamment, pointe l’absence parmi eux de spécialistes issus des sciences humaines (psychologue ou anthropologue), le PTB relève la présence de représentants du monde patronal mais d’aucun syndicaliste ; au contraire, le président de la N-VA, Bart De Wever, estime que le groupe aurait davantage dû pencher vers le versant économique  [30].

39Par la suite, le gouvernement fédéral soumet diverses propositions au Groupe des dix, qui réunit les principaux représentants patronaux et syndicaux du pays. Parmi celles-ci, figurent en particulier l’élévation du nombre d’heures supplémentaires défiscalisées de 120 à 220 dans les secteurs considérés comme essentiels, l’augmentation du nombre d’heures de travail autorisées sous statut étudiant et la suspension de la dégressivité des allocations de chômage. Les interlocuteurs sociaux ne parviennent pas à un consensus sur ces propositions. Pour les syndicats, défiscaliser davantage d’heures supplémentaires revient à définancer l’État, au moment où l’on en a tant besoin. Les représentants syndicaux s’opposent aussi à l’utilisation de travailleurs plus vulnérables encore, étudiants ou sans-papiers, pour remplacer la main-d’œuvre des entreprises. Pour leur part, les représentants patronaux refusent la suspension de la dégressivité des allocations de chômage. Faute de compromis, le gouvernement fédéral adopte plusieurs mesures. La Fédération des entreprises de Belgique (FEB) se félicite du relèvement du plafond des heures supplémentaires mais demande que la mesure soit accessible à l’ensemble des secteurs ; elle se réjouit aussi de l’extension du travail étudiant dans un contexte où les entreprises manquent de personnel  [31]. Les trois syndicats regrettent ces décisions, qui sont inadéquates selon eux ; la FGTB va jusqu’à dénoncer « une concertation de façade »  [32]. Néanmoins, les interlocuteurs sociaux s’accorderont ultérieurement sur la liste des métiers essentiels pour lesquels le surcroît d’heures supplémentaires est permis, ainsi que sur d’autres dispositions.

40Plus largement, l’usage qui est fait des pouvoirs spéciaux accordés au gouvernement fédéral a notamment pour effet d’introduire temporairement, dans certains secteurs, plusieurs mesures de flexibilité réclamées de longue date par le banc patronal et récusées avec vigueur par le banc syndical  [33] : élargissement des horaires d’ouverture des commerces  [34], extension du nombre d’heures supplémentaires prestées sans motif ni information de la délégation syndicale ou de l’inspection sociale, extension du travail des étudiants, dérogation à l’interdiction de mettre du personnel à disposition, ou encore possibilité de conclure des contrats à durée déterminée (CDD) successifs sans que cela conduise à leur transformation en contrats à durée indéterminée (CDI)  [35].

41De leur côté, les organisations patronales se plaignent dès la fin du mois de mars du nombre élevé de certificats médicaux introduits par les travailleurs, les médecins ayant été autorisés à consulter par téléphone et à délivrer des certificats octroyant un congé préventif pour éviter la contamination (par exemple, dans le cas de travailleurs présentant des risques élevés et ne pouvant pas télétravailler). Or, pour l’administrateur délégué de la FEB, Pieter Timmermans, « quand quelqu’un est malade, il est malade. Quand il ne l’est pas, il n’est pas question de lui payer son salaire garanti, il tombe alors sous un autre régime »  [36]. Les fédérations patronales dénoncent en particulier le coût que représente le paiement par l’employeur du salaire garanti durant 30 jours et demandent que, en pareil cas, les travailleurs concernés soient pris en charge par la sécurité sociale (dans le cadre du chômage économique). Si les syndicats admettent ce point de vue, ils s’opposent à ce que les travailleurs sous certificat médical perçoivent une allocation inférieure à celle du chômage temporaire. Un accord intervient sur ce point au sein du Groupe des dix le 14 avril 2020. Il stipule que le paiement du salaire sera bel et bien garanti durant 30 jours en cas d’infection au Covid-19, tandis que le travailleur concerné passera immédiatement au régime maladie de la sécurité sociale (avec une indemnité de 70 % au lieu de 60 %) dans le cas d’un certificat dit préventif  [37].

42Les interlocuteurs sociaux sont ensuite appelés à se prononcer sur certains aspects liés à la reprise progressive de l’activité économique. Ainsi, un guide générique intersectoriel pour éviter la contagion sur le lieu de travail  [38] est élaboré dans l’urgence sous l’égide du Groupe des dix ; il est publié initialement le 23 avril 2020, soit la veille de l’annonce par le Conseil national de sécurité (CNS) d’une stratégie de sortie de crise.

43Par ailleurs, le 28 mai puis le 18 juin, les représentants patronaux et syndicaux demandent ensemble au gouvernement fédéral la reconduction, jusqu’à la fin du mois d’août puis jusqu’à la fin de l’année, de différentes mesures garantissant le revenu des travailleurs et des entreprises touchés par la fermeture de certains secteurs : chômage temporaire et congé parental dits corona, gel de la dégressivité des allocations de chômage, et mesures concernant la combinaison d’un travail salarié et d’une activité d’indépendant ou de travailleur saisonnier  [39].

44À la même période, plusieurs sujets portant principalement sur le droit du travail ou sur la régulation de l’emploi suscitent de nouvelles tensions entre organisations patronales et syndicales. Alors qu’une proposition de loi relative à la suspension des préavis de licenciement durant la crise, déposée par deux députées SP.A, est discutée en commission des Affaires sociales, de l’Emploi et des Pensions de la Chambre des représentants  [40], le président de l’UCM, Pierre-Frédéric Nyst, demande au contraire que le régime des licenciements soit assoupli, afin de préserver l’emploi. Il indique que 40 % des petites et moyennes entreprises envisagent de diminuer le volume de l’emploi. Selon lui, il convient de « supprimer les charges patronales et le précompte sur les préavis » de ces entreprises, qui pourraient ainsi préserver l’emploi et conserver leur trésorerie. Dans la foulée, P.-F. Nyst réclame une nouvelle baisse des cotisations de sécurité sociale  [41]. Le président du VOKA, Wouter De Geest, réclame pour sa part un assouplissement du travail de nuit (qui devrait commencer à minuit au lieu de 20 heures), une augmentation de 100 à 220 du nombre d’heures supplémentaires volontaires par travailleur (sans sursalaire ni repos compensatoire), ainsi que l’autorisation de reporter des jours de congé d’été en 2021  [42]. Si l’UCM et l’UWE soutiennent ces propositions, celles-ci suscitent des réactions hostiles des syndicats, en particulier de la FGTB, qui les qualifie de passéistes et dénonce l’attitude de la droite et du patronat qui tournent le dos « au changement et au progrès »  [43].

45Les mesures de sauvegarde du revenu adoptées dès le début de la crise, comme les propositions en matière de flexibilité ou de coût du travail, s’inscrivent souvent dans des discours plus larges sur la nécessité de conclure un nouveau pacte social  [44]. Les appels en ce sens se multiplient. Le 14 février (soit avant l’arrivée de la pandémie en Belgique), dans le cadre de la commémoration des 125 ans de sa fondation  [45], la FEB appelle les syndicats à travailler en toute discrétion à un nouveau modèle de concertation, basée non plus sur le conflit mais sur le partenariat. Le commissaire au Plan, Philippe Donnay, reprend cette idée deux mois plus tard  [46]. L’appel en ce sens qui aura le plus grand impact est celui lancé conjointement par le président du MR, Georges-Louis Bouchez, et par celui de la FGTB fédérale, Robert Vertenueil  [47]. Ce dernier, s’étant exprimé « sans mandat de ses instances (et même en contradiction avec les positions défendues par une large partie des cadres du syndicat) »  [48], et qui plus est en dialogue avec le président du parti libéral francophone, est désavoué par le bureau de la FGTB et est contraint de quitter la présidence. Jusqu’alors secrétaire général de l’Interrégionale wallonne (IW) de la FGTB, Thierry Bodson lui succède à partir du 9 juin, d’abord à titre intérimaire (puis à titre définitif à dater du 10 septembre).

46Malgré ces divergences, les interlocuteurs sociaux concluent durant l’été un accord social sur diverses thématiques liées à la crise sanitaire, au sein du Groupe des dix d’abord, au CNT ensuite. Cet accord prévoit en particulier de garantir les jours de congés en 2021 (moyennant la récupération par l’employeur, en fonction du nombre de jours de chômage, de tout ou partie du précompte et des cotisations payées sur le pécule de vacances), la possibilité pour les entreprises qui n’ont pas de convention collective de travail (CCT) sectorielle le prévoyant de recourir au chômage temporaire ou au chômage corona pour les employés, et le gel de la dégressivité des allocations de chômage jusqu’à la fin 2020  [49].

47Début septembre, le Groupe des dix s’accorde sur une déclaration relative à la relance dans le cadre de la pandémie  [50]. Les interlocuteurs sociaux s’y prononcent en faveur de la reprise des activités économiques, moyennant une concertation avec les secteurs concernés par des mesures sanitaires spécifiques. Ils « constatent les avantages » du télétravail, mais ils « s’inquiètent également des effets sur les travailleurs et les entreprises » de la recommandation de le maintenir, eu égard à ses implications psychosociales, familiales ou en termes de « maintien du contact avec l’entreprise et les collègues »  [51]. La seconde partie du texte aborde la nécessité pour les pouvoirs publics, en lien avec les interlocuteurs sociaux, de développer la digitalisation et d’améliorer le fonctionnement du marché du travail. S’y retrouvent côte à côte quelques idées maîtresses récurrentes dans les discours des organisations patronales et syndicales sur ces sujets. Enfin, cette déclaration se focalise sur la revendication du Groupe des dix de voir s’accroître significativement les investissements publics pour passer de 2,2 % du produit intérieur brut (PIB) à 4 %, afin de se rapprocher des pays voisins. Les interlocuteurs sociaux identifient en particulier les secteurs de la mobilité, de l’énergie et de la digitalisation comme devant faire l’objet d’attentions prioritaires en termes d’investissements. Cette déclaration s’inscrit clairement dans le cadre des réflexions alors en cours aux niveaux de l’Autorité fédérale, des Régions et des Communautés, dans la foulée des décisions européennes, concernant l’élaboration de plans de relance  [52].

48Les représentants patronaux et syndicaux publient également plusieurs déclarations ou appels dans le cadre du Conseil supérieur pour la prévention et la protection au travail (CSPPT), notamment pour se prononcer contre la systématisation de tests de dépistage du Covid-19 en entreprise en l’absence de cadre légal ou réglementaire ou pour appuyer l’obligation de télétravail partout où c’est possible, qui a été décrétée par les autorités  [53].

49La gestion de la pandémie au cours de l’année 2020 implique donc les représentants des employeurs et des travailleurs à différents égards et dans différentes enceintes, sans toutefois leur ouvrir les portes de tous les lieux chargés de préparer le déconfinement du printemps, ni de conseiller le monde politique sur les mesures de reconfinement ou de fermeture de certains secteurs décidées ultérieurement. Ces mois voient alterner ou s’entremêler positionnements divergents voire antagoniques entre acteurs patronaux et syndicaux, d’une part, et accords, engagements, déclarations ou appels au gouvernement conclus en commun, d’autre part. Il est à souligner cependant qu’aucune action syndicale interprofessionnelle n’est menée durant cette période pour appuyer les revendications émises à l’intention du patronat ou des pouvoirs publics ou pour réagir aux mesures prises par les autorités, même lorsqu’elles rencontrent certaines demandes formulées de longue date par les fédérations d’employeurs. Cette absence de réaction forte tient vraisemblablement, non seulement à la situation dans laquelle les organisations syndicales se trouvent en raison de la surcharge de travail très importante liée à leurs activités d’organismes de paiement des allocations de chômage, mais aussi aux mesures d’interdiction de rassemblement qui, sous différentes formes et à des degrés variables, ont prévalu à partir du mois de mars.

1.2. Le report des élections sociales

50Temps fort des relations collectives de travail au sein des entreprises et, plus largement, des relations entre les organisations syndicales au niveau sectoriel et interprofessionnel, les élections sociales se tiennent en principe tous les quatre ans. Prévu pour mai 2020, ce scrutin est lui aussi affecté par la pandémie de Covid-19.

51Mener une campagne et organiser les opérations électorales dans un contexte de distanciation pour raisons sanitaires et, a fortiori, de confinement, apparaît rapidement très compliqué. Aussi, le 17 mars 2020, veille de l’entrée en vigueur du confinement, les interlocuteurs sociaux réunis au sein du Groupe des dix adoptent une déclaration, consignée ensuite dans un avis unanime du CNT  [54]. Ils y proposent de repousser le scrutin à la période « du 16 au 29 novembre 2020, sous réserve de l’évolution de la situation sanitaire liée au coronavirus ».

52La tenue des élections sociales implique l’adoption de différentes normes régissant le calendrier des opérations, la protection des candidats et des élus achevant leur mandat, etc. Le 23 avril 2020, la Chambre des représentants adopte à l’unanimité une loi visant à réglementer la suspension de la procédure des élections sociales de l’année 2020 suite à la pandémie de Covid-19  [55].

53Finalement, c’est bien aux dates susmentionnées de novembre 2020 que se tient le scrutin, alors même que sévit une deuxième vague de contaminations au Covid-19. Même si leur déroulement est sensiblement affecté par les conditions sanitaires et par les modifications de l’organisation du travail qui en découlent en bien des endroits, les élections sociales 2020 ne présentent qu’une baisse de la participation limitée par rapport au scrutin de 2016. De même, les résultats sont relativement semblables, au niveau global, aux tendances rencontrées lors des élections sociales précédentes. Tandis que la CSC devance nettement la FGTB et reste majoritaire, tant en voix qu’en sièges et tant dans les CE que dans les CPPT, les deux principaux syndicats subissent un nouveau tassement, alors que la CGSLB poursuit sa progression, bien qu’elle reste la moins bien implantée des trois organisations  [56].

1.3. L’étendue du droit de grève en question

54De longue date, les conditions d’exercice du droit de grève constituent une pomme de discorde entre les interlocuteurs sociaux au niveau interprofessionnel. La conclusion entre ces derniers d’un « gentlemen’s agreement » en 2002 visant à réguler le recours à ce moyen d’action  [57] n’a pas vidé le contentieux entre patronat et syndicats, même si elle avait paru l’apaiser un temps. Ce protocole d’accord s’est trouvé largement relancé à l’automne 2015 par l’occupation, le 19 octobre, d’un viaduc autoroutier à Cheratte, sur l’E40, par quelques militants lors d’une action à visée interprofessionnelle organisée par la FGTB Liège-Huy-Waremme dans le cadre des grèves contre les mesures adoptées par le gouvernement Michel I (N-VA/MR/CD&V/Open VLD). À l’époque, les initiatives parlementaires et la pression gouvernementale mise sur les interlocuteurs sociaux nationaux pour redéfinir les modalités d’exercice du droit de grève n’ont toutefois débouché sur aucun accord  [58].

55C’est par la voie judiciaire que cette question est relancée en 2020. Le 7 janvier, la Cour de cassation confirme la condamnation du président de la section régionale anversoise de la FGTB et de sa Centrale générale, Bruno Verlaeckt, pour avoir organisé le blocage de voies d’accès au port d’Anvers lors d’une action de grève nationale menée par le syndicat socialiste en 2016. Le 23 novembre, c’est au tour du tribunal correctionnel de Liège de condamner dix-sept syndicalistes de la FGTB, dont T. Bodson, secrétaire général de l’aile wallonne au moment des faits et devenu entre-temps président national du syndicat, pour entrave méchante à la circulation sur ce pont de Cheratte en 2015.

56Ces jugements font l’objet du chapitre 2 de la présente livraison du Courrier hebdomadaire [59]. Ici, on se limitera dès lors à mentionner les réactions que ces décisions de justice ont provoquées au niveau syndical. Pour la FGTB, ces sentences portent atteinte au droit de grève. Alors que le droit pénal sanctionne des comportements individuels, la sanction de dix-sept syndicalistes est de nature collective. En outre, elle se base sur la simple présence des prévenus sur le lieu de la manifestation, et non pas sur des actes que ceux-ci auraient commis. Qui plus est, en condamnant uniquement un responsable syndical dans le premier cas, et plus lourdement les responsables que les militants dans le second, la justice se livre, selon le président de la FGTB, à « une attaque contre l’organisation syndicale elle-même »  [60]. La FGTB organise différents arrêts de travail et des actions symboliques, parmi lesquelles figure un rassemblement le 10 décembre, journée des droits de l’homme, devant le palais de justice de Liège pour accompagner le dépôt du recours en appel par l’avocat des syndicalistes condamnés. En vertu de l’arrêté ministériel du 28 octobre 2020 régissant les règles sanitaires  [61], seuls les rassemblements statiques de maximum 100 personnes préalablement autorisés par les autorités communales sont permis. Or plusieurs centaines de militants sont alors sur place, formant des blocs diversement espacés. Huit mois plus tard, quelques-uns de ces militants, manifestement des responsables syndicaux, feront l’objet de poursuites de la part du procureur du Roi de Liège pour infraction à ces dispositions de l’arrêté ministériel ; la justice leur proposera une transaction pénale de 250 euros. Une contestation collective de ces poursuites et de la proposition du parquet sera introduite par ces cadres de la FGTB.

57En somme, le dossier liégeois met en évidence une double menace pesant sur les libertés syndicales : l’une liée aux actions organisées dans le cadre d’un mouvement de grève, l’autre liée aux limitations imposées à la liberté de manifestation dans le cadre des mesures sanitaires. Et aux deux niveaux, de même que dans le dossier anversois, des responsables de la FGTB semblent être visés spécifiquement et différemment que de « simples » militants syndicaux.

1.4. La préparation de l’AIP dans l’incertitude

58Sur le plan interprofessionnel, l’année 2020 est marquée par un dernier élément d’importance. Le cycle bisannuel de négociation d’un accord entre interlocuteurs sociaux au niveau national pour l’ensemble du secteur privé (AIP) devait s’ouvrir, comme le prévoit la loi  [62], en fin d’année, sur la base notamment de la marge salariale disponible issue des calculs opérés par les services du Conseil central de l’économie (CCE). Il aurait dû, pour des raisons légales également, être précédé de la remise d’un avis par les interlocuteurs sociaux avant le 15 septembre sur la répartition des hausses des allocations sociales, communément appelée l’enveloppe bien-être  [63].

1.4.1. Le couplage des négociations sur l’enveloppe bien-être et l’AIP

59Les représentants du patronat au sein du Groupe des dix retardent systématiquement la négociation de la répartition de l’enveloppe bien-être afin de lier celle-ci à l’AIP, et ce en dépit des protestations syndicales  [64]. Il n’en va pas autrement à l’automne 2020. Les syndicats communiquent dès lors leurs revendications en la matière au gouvernement fédéral et aux présidents de parti. Leurs propositions consistent principalement en une augmentation de + 2,5 % des forfaits et des minimas en matière de pensions et de revenus de remplacement en cas de maladie. Pour les allocations de chômage, dont les minimas sont largement inférieurs au seuil de pauvreté  [65], les organisations syndicales réclament une augmentation de + 4 % à + 5 % des minimas et forfaits. Pour la FEB, l’enveloppe bien-être doit être affectée prioritairement à la lutte contre la pauvreté en réduisant l’écart entre le seuil de pauvreté et les allocations minimums ; elle met davantage la priorité sur l’augmentation des pensions des indépendants ou sur l’amélioration de la situation des familles monoparentales  [66].

60Le 28 septembre, les syndicats organisent en front commun des rassemblements dans différentes villes du pays, au nombre de participants limité en raison des règles sanitaires alors en vigueur, pour exiger le respect de la loi sur l’enveloppe bien-être et le relèvement de toutes les allocations sociales (avec notamment l’instauration d’une pension minimum à 1 500 euros, question discutée dans les négociations en vue d’un nouveau gouvernement fédéral alors en cours d’aboutissement  [67]). En Wallonie et en Région bruxelloise, les transports en commun (TEC et STIB) sont également touchés par le mouvement.

61La loi prévoit en effet que, à défaut d’accord entre les interlocuteurs sociaux en date du 15 septembre d’une année paire, le gouvernement fédéral dispose d’un délai d’un mois pour soumettre ses propositions à la concertation. Pareille initiative ne sera toutefois pas prise avant 2021, le gouvernement De Croo (PS/MR/Écolo/CD&V/Open VLD/SP.A/Groen, formé le 1er octobre) préférant prolonger à plusieurs reprises le délai accordé aux interlocuteurs sociaux pour s’entendre sur ce point.

1.4.2. Le dossier du salaire minimum remis sur le métier

62L’augmentation du salaire minimum est l’une des principales revendications syndicales dans la perspective de la négociation de l’AIP. Fin janvier 2020, la Confédération européenne des syndicats (CES) publie un communiqué s’appuyant sur des données de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) relatives au salaire minimum en Europe. Cette communication indique qu’en Belgique, celui-ci s’établit à 46 % du salaire médian  [68], soit le quatrième taux le plus bas des pays examinés et, surtout, une proportion nettement inférieure au seuil de pauvreté, défini comme équivalant à 60 % de ce salaire médian. On se souviendra que le projet d’AIP 2019-2020 avait prévu une augmentation de + 1,1 % du salaire minimum, ainsi qu’un engagement à négocier une progression ultérieure. Le front commun syndical s’était cependant divisé sur la question – la FGTB considérait que cette augmentation était largement insuffisante, alors que la CSC et la CGSLB estimaient qu’il s’agissait d’un premier résultat dont les travailleurs concernés pourraient bénéficier immédiatement – et ce relèvement n’avait pu être mis en œuvre  [69].

63Depuis lors, les syndicats continuent à revendiquer un relèvement du salaire minimum. En particulier, la FGTB poursuit ses actions de sensibilisation et de revendication en la matière. Sa revendication est d’élever le salaire minimum à 14 euros de l’heure (alors qu’il est inférieur à 10 euros), soit 2 300 euros bruts mensuels ; selon le syndicat socialiste, 800 000 travailleurs ne gagnent pas ce montant en Belgique.

1.4.3. L’introuvable marge salariale

64La thématique du pouvoir d’achat et de la croissance des salaires est également au cœur des discours syndicaux tout au long de l’année 2020. En mars, les syndicats communiquent leur lecture du rapport intermédiaire du CCE sur l’évolution des coûts salariaux  [70]. Ils y notent qu’au vu des données publiées, la marge salariale a été calculée de façon trop restrictive pour les années 2019-2020 et que, si l’on tient compte de la productivité, il n’y a pas en Belgique de handicap salarial historique (soit l’écart entre les coûts salariaux dans le pays et la moyenne de ceux observés en Allemagne, en France et aux Pays-Bas avant 1996). En conclusion, les syndicats estiment qu’il devrait y avoir une marge pour négocier l’AIP 2021-2022.

65Plusieurs observateurs émettent cependant l’hypothèse d’une marge salariale extrêmement ténue et entrevoient l’absence probable d’AIP. Le 23 juin, la FGTB organise un rassemblement devant le siège de la BNB pour réclamer davantage de mesures contre la crise sociale accentuée par la crise sanitaire et par la crise économique qui résulte de celle-ci. Parmi ses revendications figurent la fin de la modération salariale et l’augmentation du salaire minimum.

66L’accord du gouvernement De Croo du 30 septembre 2020 ne prévoit pas de revoir la loi du 19 mars 2017 modifiant la loi du 26 juillet 1996 relative à la promotion de l’emploi et à la sauvegarde préventive de la compétitivité. Mais il évoque, de manière quelque peu allusive  [71], la possibilité de l’interpréter par voie de circulaire, perspective qui ne satisfait toutefois pas les syndicats.

67La crise sanitaire se prolongeant, des différences de performance apparaissent entre secteurs et entreprises. La logique de solidarité de l’AIP, visant à tirer vers le haut les secteurs faibles, s’en trouve affectée. Avant l’entame prévue des négociations pour l’AIP, les organisations syndicales semblent adapter leurs revendications à cette donnée. La FGTB réclame en priorité l’augmentation du salaire minimum, en particulier dans les secteurs essentiels. Elle considère que la loi du 26 juillet 1996 et l’attitude patronale constituent des obstacles à cette revendication. Pour elle, un salaire minimum horaire de 14 euros doit être atteint endéans quatre ans. Pour sa part, la CSC demande que l’on se détache de la norme salariale telle que prévue par la loi pour pouvoir négocier l’évolution des salaires.

68Alors que, classiquement, le rapport du CCE est disponible fin décembre, sa livraison est cette fois annoncée pour la mi-janvier 2021. La difficulté, en raison de la crise sanitaire, d’établir une prévision de l’évolution du coût salarial dans les pays voisins est à l’origine de ce report. C’est dès lors sans que les interlocuteurs sociaux aient réellement entamé les discussions autour de la conclusion d’un AIP ni qu’ils aient conclu un accord sur la répartition de l’enveloppe bien-être que s’achève l’année 2020.

1.5. Conclusion

69Au niveau interprofessionnel, les secousses sanitaires, sociales et économiques provoquées par la pandémie de Covid-19 affectent tant l’action des interlocuteurs sociaux que le contenu de leurs échanges. S’ils ont à différentes reprises affiché leurs divergences quant aux solutions à apporter aux situations auxquelles ils étaient confrontés, représentants patronaux et syndicaux ont également adopté en 2020 un certain nombre de déclarations communes, de décisions ou de documents au sein du Groupe des dix, du CNT et du CSPPT. Il n’en demeure pas moins que les retombées multiples de la pandémie affectent à plus d’un titre les conditions dans lesquelles se placent la concertation et la conflictualité sociales interprofessionnelles et que ces effets pourraient se faire sentir de manière durable.

70Assez rapidement, il est apparu que les élections sociales prévues en mai ne pourraient se dérouler dans de bonnes conditions et qu’un report était nécessaire. À l’instar de scrutins prévus dans d’autres pays qui ont dû être postposés  [72], et même si les élections sociales ont finalement été organisées en novembre, ce report illustre la fragilité de tels processus, pourtant apparemment bien ancrés dans un pays comme la Belgique. Il est apparu à cette occasion qu’une série de dispositions destinées à assurer le bon déroulement de la campagne et du scrutin devaient être assurées malgré le report, notamment pour garantir la protection des élus sortants ou des candidats.

71Dans un autre domaine, l’afflux très important de dossiers à gérer par les organismes de paiement des allocations de chômage (pour chômage temporaire, en particulier) amène sans doute des éléments de réflexion intéressants dans le débat récurrent concernant le rôle des syndicats. Ceux-ci ont manifestement vu leur capacité d’action limitée par la charge qui leur incombait. En outre, ils ont eu – comme la CAPAC avec ses bénéficiaires – à subir le mécontentement de leurs affiliés en raison des délais de traitement considérablement allongés et de la difficulté à contacter les services compétents. Les syndicats sont toutefois parvenus à gérer ce surcroît majeur de travail. Ces observations invitent à considérer de manière nuancée la place de ces acteurs dans le versement des allocations de chômage, tant du point de vue des partisans du système actuel que de ses détracteurs.

72La pandémie et sa gestion ont mis en arrêt de travail un grand nombre de travailleurs. Elles en ont également conduit beaucoup dans des conditions de travail inhabituelles. Si les uns ont dû faire face à un surcroît de travail et à des conditions marquées par le risque de contagion, d’autres ont expérimenté le télétravail à une échelle jusqu’alors totalement inconnue. Ces situations ont posé de nombreuses questions et continueront selon toute vraisemblance à le faire durant longtemps encore, tant il est clair que des changements structurels sont à l’œuvre et que les intérêts des travailleurs, d’une part, et ceux des dirigeants d’entreprise, d’autre part, ne coïncident pas nécessairement dans les nouvelles formes d’organisation du travail à développer ou à encourager. En outre, ces évolutions ont des répercussions sur les questions de rémunération, comme l’ont montré dès 2020 les discussions entre interlocuteurs sociaux autour d’éventuelles primes « Covid » ou d’indemnités dues pour prestations en télétravail.

73Les effets de la « crise » multiforme déclenchée en 2020 auront également des répercussions indéniables sur les négociations interprofessionnelles. Celles-ci n’ont pas réellement pu débuter avant 2021, contrairement à ce que prévoient les échéances habituelles ou légales. De plus, les marges de négociation et les impératifs à prendre en compte sont perçus très différemment par les organisations patronales, qui mettent l’accent sur les effets délétères de la pandémie sur l’économie, et par les syndicats, qui sont soucieux de valoriser le travail accompli dans des circonstances particulièrement pénibles ou risquées et de favoriser la reprise économique par la consommation intérieure. Si les interlocuteurs sociaux s’entendent pour réclamer un relèvement significatif des investissements publics – possibilité favorisée par la suspension promptement décidée au niveau de l’Union européenne des règles de stabilité économique et monétaire imposant l’austérité aux États membres –, leurs divergences restent plus que jamais de mise concernant l’évolution des salaires. À cet égard, le maintien inchangé de la loi du 19 mars 2017 encadrant la négociation salariale interprofessionnelle tel qu’il figure dans l’accord du gouvernement fédéral De Croo conforte les syndicats dans l’idée que la liberté de négociation est bridée, voire cadenassée.

74Par ailleurs, la faiblesse des mobilisations syndicales survenues en 2020 par rapport aux années précédentes ne peut se comprendre sans rappeler que les mesures sanitaires prises ont inclus, selon les phases, l’interdiction des rassemblements et manifestations ou leur limitation selon des conditions très strictes. Ajoutée au débat récurrent sur le droit de grève – débat qui s’est prolongé devant les tribunaux en cette année 2020 –, cette réglementation pose diverses questions quant à la liberté de manifester et à l’exercice du droit de grève, non seulement en période d’exception mais également dans un contexte ordinaire. Ironie du sort ou vraie tendance de fond, la justice a même décidé de poursuivre la contestation, en cette fin d’année 2020, de la condamnation de certaines formes de contestation.

75Enfin, si les interlocuteurs sociaux ont joué un rôle non négligeable dans la gestion de la crise sanitaire et de ses retombées, il faut rappeler qu’ils n’ont été que diversement impliqués dans la stratégie de déconfinement et de suivi de la pandémie elle-même, et ce pour diverses raisons tenant tant aux circonstances qu’à des choix posés par les gouvernants. Mise en parallèle des constats précédents relatifs à la liberté de négocier et à la liberté de contester les décisions prises, cette observation conduit à s’interroger sur la place qui incombe et sera réservée à l’avenir aux interlocuteurs sociaux au niveau interprofessionnel, notamment par les autorités politiques et judiciaires.

2. Blocage d’une autoroute : illustration des relations entre la grève et le pouvoir judiciaire

76Le 23 novembre 2020, le tribunal correctionnel de Liège a jugé que dix-sept syndicalistes s’étaient rendus coupables d’avoir bloqué l’autoroute E40 à la hauteur du pont de Cheratte le 19 octobre 2015. Il leur a infligé des peines de quinze jours à un mois de prison avec sursis total et une amende de 300 ou 600 euros  [73]. Parmi les personnes condamnées, figure l’actuel président de la FGTB, Thierry Bodson. Le 19 octobre 2021, ce jugement a ensuite été confirmé par la cour d’appel de Liège (les peines d’amende étant en outre alourdies, allant de 1 200 à 2 100 euros)  [74].

77Le jugement liégeois du 23 novembre 2020 a suscité des réactions contrastées : certains estiment qu’il s’agit d’une réponse proportionnée aux abus commis par les grévistes, alors que d’autres craignent de voir se multiplier les poursuites pénales contre des actions syndicales légitimes. Mais quelle que soit l’opinion à cet égard, la décision du tribunal correctionnel a surpris. Pourtant, loin de constituer une révolution, cette condamnation illustre plutôt les tensions qui caractérisent les relations entre la grève et le pouvoir judiciaire. L’histoire juridique belge témoigne ainsi de rapports compliqués entre les cours et tribunaux et les grévistes, au sein des prétoires tant pénaux que civils, et même devant les juridictions suprêmes belges (Cour constitutionnelle, Cour de cassation, Conseil d’État). Ces évolutions de long terme méritent que l’on s’y attarde pour bien saisir les enjeux qui se trament derrière le jugement des dix-sept syndicalistes de la Cité ardente.

78Dans ce chapitre, nous nous attellerons d’abord à l’analyse des deux décisions judiciaires liégeoises (2.1), avant d’étudier les relations entre la grève et le pouvoir judiciaire (2.2).

2.1. Le jugement du 23 novembre 2020 et l’arrêt du 19 octobre 2021

79Les décisions liégeoises méritent un examen approfondi en cinq étapes. Nous nous attacherons successivement au contexte qui a entouré le conflit et l’action collectifs en 2015 (2.1.1), aux différentes procédures judiciaires qui ont fait suite au blocage de l’autoroute et à la condamnation qui a été prononcée en première instance le 23 novembre 2020 (2.1.2), aux réactions des syndicats et des partis politiques face à cette condamnation (2.1.3) et à la confirmation du jugement en appel le 19 octobre 2021 (2.1.4), avant de nous livrer à une analyse critique des deux décisions pénales (2.1.5).

2.1.1. Contexte socio-politique et blocage de l’autoroute

80Le blocage de l’autoroute E40 s’inscrit dans un conflit social national. Face aux annonces du gouvernement fédéral Michel I (N-VA/MR/CD&V/Open VLD), la CSC, la FGTB et CGSLB mènent, en front commun, des mobilisations en 2014 et 2015.

81Pour l’année 2015, celles-ci culminent avec la manifestation nationale du 7 octobre 2015. À sa suite, alors qu’un accord de principe est conclu entre les responsables patronaux et syndicaux nationaux, la FGTB Liège-Huy-Waremme conduit une mobilisation le 19 octobre 2015 afin de continuer à contester les annonces fédérales, sans être suivie par quelque autre organisation syndicale. Lors de cette journée, des travailleurs en grève bloquent l’autoroute E40 à la hauteur du pont de Cheratte. Des travaux publics ont lieu à cet endroit et des grévistes utilisent les matériaux de chantier pour bloquer la route en y mettant le feu vers 6 heures du matin. Plus tard dans la matinée, d’autres syndicalistes – dont les dix-sept futurs condamnés – rejoignent le blocage. Celui-ci est levé en fin de matinée.

82L’action est largement médiatisée en raison du décès d’une patiente au Centre hospitalier chrétien (CHC) de Liège dont le médecin a été coincé dans les embouteillages causés par le blocage  [75]. Nous ne détaillons pas plus le conflit social des années 2014 et 2015 et renvoyons le lecteur, pour le surplus, à deux précédentes études du GRACOS  [76].

2.1.2. Procédures judiciaires et condamnation par le tribunal correctionnel

83Le blocage de l’autoroute E40 fait l’objet de trois procédures pénales : la première pour entrave méchante à la circulation  [77], la deuxième pour dégradation de la voie publique  [78], et la troisième pour homicide involontaire à l’endroit de la patiente décédée au CHC et dont le médecin avait été coincé dans les embouteillages consécutifs au blocage  [79].

84Le parquet mène son enquête durant deux ans et lance les poursuites le 8 juillet 2017  [80]. La première prévention – celle qui nous occupe –, va jusqu’au tribunal correctionnel, tandis que les deux suivantes font l’objet d’un non-lieu devant la chambre du conseil de Liège (en cause, pour les dégradations, l’absence d’identification des personnes qui ont démarré le blocage et mis le feu aux matériaux sur l’autoroute  [81], et, pour l’homicide involontaire, un défaut de causalité entre le blocage de la voie publique et le décès de la patiente  [82]).

85Au terme du procès pénal pour entrave méchante à la circulation, dix-sept syndicalistes sont déclarés coupables par le tribunal correctionnel de Liège le 23 novembre 2020. Six prévenus sont condamnés à un mois de prison avec sursis total et une amende de 600 euros, et les onze autres écopent de quinze jours de prison avec sursis total et une amende de 300 euros  [83]. Parmi les six premiers prévenus se trouve Thierry Bodson, qui était le secrétaire général de l’Interrégionale wallonne (IW) de la FGTB au moment des faits et qui est l’actuel président de la FGTB fédérale et de l’IW.

2.1.3. Réactions publiques à la condamnation

86Les organisations syndicales et des partis politiques réagissent à la condamnation des syndicalistes.

87La FGTB critique le jugement sous deux aspects par la voix de son président fédéral. D’une part, T. Bodson estime qu’il y a là une menace contre le droit de grève et que la jurisprudence est de plus en plus défavorable au droit de grève. D’autre part, il s’insurge contre la plus forte condamnation des responsables syndicaux comme s’il s’agissait du « procès d’une organisation » et non d’un « jugement d’actes individuels »  [84]. Les syndicalistes condamnés interjettent appel de la décision devant la cour d’appel de Liège  [85]. Au même moment, la FGTB annonce des actions pour défendre le droit de grève le 1er décembre 2020 ainsi que le 10 décembre 2020 à l’occasion de la journée internationale des droits humains  [86]. Le rassemblement du 10 décembre à Liège réunit entre 500 et 700 personnes selon la police  [87]. Il est à noter que, dépassant la limite de cent personnes alors autorisée en vertu des règles sanitaires, ce rassemblement engendrera à son tour des poursuites de la part du parquet liégeois.

88La secrétaire générale de la CSC, Marie-Hélène Ska, défend l’importance du droit de grève pour faire valoir ses droits, mais sans soutenir explicitement les syndicalistes de la FGTB  [88]. Cependant, les deux centrales d’employés de la CSC affichent directement leur soutien aux personnes condamnées au travers de collectifs auxquels elles appartiennent : « Faire front » pour la Centrale nationale des employés (CNE) (employés francophones)  [89] et « Defend the Defenders » pour la centrale ACV-Puls (employés néerlandophones)  [90].

89Le secrétaire national de la CGSLB, Olivier Valentin, rappelle que le front commun est uni contre les menaces à l’encontre du droit de grève  [91].

90Trois partis politiques francophones réagissent officiellement. Tout d’abord, le PS estime sur Twitter que « ces faits de 2015 montrent que, quand le dialogue social est nié par le politique, cela débouche sur des affrontements dans la rue et dans les prétoires » et que seule la concertation sociale « protège les libertés syndicales et les droits des travailleurs »  [92]. Ensuite, le MR, par la voix de son président, Georges-Louis Bouchez, soutient le jugement et se réjouit que « le principe de proportionnalité s’applique aussi aux syndicats »  [93]. Enfin, le PTB affiche un soutien clair au droit de grève et souligne l’urgence de revoir l’article 406 du Code pénal pour éviter la criminalisation des syndicalistes  [94].

2.1.4. Confirmation du jugement par la cour d’appel

91Les syndicalistes condamnés interjettent appel de la décision devant la cour d’appel de Liège. Par un arrêt du 19 octobre 2021, celle-ci confirme la condamnation prononcée en première instance. Cependant, la décision rendue en appel diffère en deux points du jugement correctionnel. D’une part, la prévention retenue contre les dix-sept militants est aggravée (cf. infra, 2.1.5.3). D’autre part, les peines d’amende sont alourdies : 2 100 euros pour deux prévenus, 1 500 euros pour quatre autres dont T. Bodson, et 1 200 euros pour les onze derniers (ceux qui avaient écopé d’une amende de 300 euros en correctionnel).

92Suite à cet arrêt de la cour d’appel de Liège, la FGTB publie le jour même un communiqué de presse qui affirme que « cette décision et les arguments qui la fondent constituent une entrave méchante à la liberté d’expression, à la liberté de manifester et d’exercer le droit de grève. Bref, cette décision est un frein à l’exercice de droits démocratiques. Pas uniquement pour les syndicats mais pour tous les mouvements de contestation »  [95]. Surtout, la FGTB annonce qu’elle se pourvoit en cassation et que, en cas d’échec, elle formera un recours auprès de la Cour européenne des droits de l’homme  [96].

93Le même jour également, la FGTB organise un « rassemblement de solidarité » sur la place Saint-Lambert à Liège, en réaction à l’arrêt de la cour d’appel. Le président de la FGTB, T. Bodson, est interrogé par la RTBF et déclare : « De jugements en jugements, on continue à faire évoluer la jurisprudence (…), à faire évoluer l’article 406 du Code pénal. [En effet,] le jugement dit que nous ne sommes pas arrivés à 5h30 sur le pont, que nous ne sommes pas les organisateurs et les instigateurs de l’arrêt, mais notre présence, même une heure ou deux après, est suffisante pour nous faire condamner ». Il indique encore : « Notre analyse (…) est qu’il y a vraiment une volonté de faire peur demain, dans le cadre d’organisation de manifestations, d’actions sur la voie publique, que ce soi[en]t les syndicalistes ou même les mouvements sociaux »  [97].

2.1.5. Analyse des décisions judiciaires

94Le jugement rendu par le tribunal correctionnel de Liège le 23 novembre 2020 mérite d’être détaillé quant à ses enjeux juridiques (2.1.5.1). Il nécessite aussi quelque attardement critique (2.1.5.2). Enfin, nous analyserons plus brièvement l’arrêt rendu par la cour d’appel de Liège le 19 octobre 2021 (2.1.5.3).

2.1.5.1. Approche juridique du jugement du tribunal correctionnel de Liège

95Le cœur de la décision rendue le 23 novembre 2020 tourne autour de deux enjeux. Premièrement, la seule présence des syndicalistes suffit-elle à les condamner pour entrave méchante à la circulation alors qu’ils n’ont rien installé pour bloquer l’autoroute ?  [98] Deuxièmement, la circonstance que leur présence trouve sa source dans l’exercice du droit de grève permet-elle de justifier l’infraction et de les acquitter ?  [99] Cette deuxième question est abordée ci-après (cf. infra, 2.2.3) parce qu’elle est symptomatique des procédures pénales liées au droit de grève  [100].

96Pour la première question, précisons que l’article 406 du Code pénal comprend trois infractions distinctes d’entrave à la circulation  [101]. La première implique à la fois un blocage de la circulation, par dégradation des voies ou par toute autre action, et la mise en danger physique de personnes (alinéa 1er). Elle est sanctionnée d’une peine de cinq à dix ans de réclusion ; il s’agit donc d’un crime  [102]. Les deuxième et troisième infractions concernent uniquement des blocages de la circulation, sans mise en danger physique de personnes, soit à l’aide d’un objet constituant obstacle (alinéa 2) soit par toute autre action (alinéa 3). Elles sont sanctionnées d’une peine de huit jours à trois mois d’emprisonnement (alinéa 2) et de huit jours à deux mois (alinéa 3) ; il s’agit donc de délits. Devant le tribunal correctionnel de Liège, les dix-sept syndicalistes sont poursuivis pour le délit de l’alinéa 3, l’expression « toute autre action » désignant ici leur présence sur l’autoroute.

97Pour justifier la culpabilité des prévenus, les juges doivent, in casu, procéder à deux opérations. D’une part, établir l’existence des deux éléments constitutifs de l’infraction, à savoir l’élément matériel (la commission effective d’une entrave) et l’élément moral (la volonté d’entraver la circulation). D’autre part, pouvoir imputer l’infraction aux prévenus, donc démontrer leurs responsabilités individuelles. La décision du tribunal correctionnel de Liège articule cela en trois étapes. Primo, concernant l’élément matériel, les magistrats rappellent les constatations de la police, selon laquelle la chaussée était bloquée « non seulement par la présence d’objets divers (matériel de chantier, palettes ou pneus, le feu ayant été bouté à divers endroits) mais aussi par la présence de nombreuses personnes »  [103]. Si les objets divers ont été placés par des anonymes qui n’ont pas été retrouvés par la justice, les syndicalistes poursuivis faisaient partie des personnes présentes sur l’autoroute. Secundo, en matière d’élément moral, les juges estiment, eu égard aux circonstances, que l’entrave à la circulation était intentionnelle, et qu’il s’agissait du but poursuivi et non uniquement de la conséquence des actes des grévistes  [104]. Tertio, quant à l’imputabilité, aucun des prévenus n’a contesté sa présence sur l’autoroute au moment du blocage  [105]. En outre, la FGTB s’est revendiquée de cette action, au travers d’interventions publiques et de publications sur les réseaux sociaux  [106] ; or les prévenus sont tous des responsables ou des militants de la FGTB. En définitive, les magistrats en concluent que « chacun (…) a pris part [à l’occupation] avec l’intention de permettre, par sa présence, la poursuite du blocage installé »  [107] et que, « sans cette présence en grand nombre, (…) [la circulation] aurait pu être aisément rétablie en déplaçant les objets subtilisés sur le chantier afin de constituer les barrages »  [108]. Les dix-sept grévistes sont donc déclarés coupables.

2.1.5.2. Perspective critique

98Le jugement correctionnel du 23 novembre 2020 mérite que l’on porte sur lui un regard critique quant à plusieurs aspects.

99Premièrement, cette affaire fait l’objet d’un traitement par une chambre dont le siège est composé de trois magistrats. Cela fait figure d’exception, puisque le principe est le juge unique en première instance  [109] ; par dérogation, le président du tribunal de première instance est autorisé à confier une affaire à une juridiction à trois juges « lorsque la complexité ou l’intérêt de l’affaire ou des circonstances spécifiques et objectives le requièrent »  [110]. À elle seule, la présence des trois juges atteste qu’il ne s’agit pas d’un procès pénal ordinaire.

100Deuxièmement, la partie du jugement relative à l’examen de la culpabilité s’ouvre par un préambule hors du commun, prenant la forme d’un avertissement – ou visant à se prémunir d’éventuelles critiques –, dont nous reprenons ici la première phrase : « Il apparaît nécessaire (…) de rappeler qu’il ne s’agit nullement de faire le procès d’une organisation syndicale et/ou de remettre en cause le droit de grève »  [111]. Cette précision renforce la singularité de cette procédure judiciaire.

101Troisièmement, dans leur argumentation concernant l’imputabilité de l’entrave, les juges ont beaucoup recours à la responsabilité du syndicat, et ce de plusieurs manières. Primo, le jugement précise que la FGTB s’est revendiquée du blocage, au travers de déclarations publiques ou sur les réseaux sociaux. Secundo, il indique que certains prévenus étaient sur l’autoroute « à la demande de leur délégué syndical »  [112]. Tertio, il reprend la déclaration d’un gréviste poursuivi, qui a expliqué qu’il avait été rassuré quant à la dangerosité de l’action par le fait que les personnes présentes étaient « des gens en rouge »  [113]. Quarto, les peines infligées aux dix-sept prévenus ne sont pas identiques : six d’entre eux écopent d’un emprisonnement avec sursis plus long et d’amendes plus lourdes, en raison de leurs fonctions exercées au sein de la FGTB  [114]. Par conséquent, bien que le tribunal annonce en préambule qu’il ne s’agit pas du procès d’une organisation syndicale, il ressort malgré tout de la décision que la condamnation est fondée, au moins partiellement, sur la responsabilité de la FGTB. Or, quel qu’ait été le rôle de cette organisation dans le blocage du 19 octobre 2015, il ne peut en être tiré d’enseignement sur le plan pénal eu égard au principe de responsabilité individuelle qui structure le droit pénal – sauf à considérer que la FGTB constitue une organisation criminelle, ce que le tribunal n’a pas envisagé.

102Quatrièmement, et de manière plus anecdotique, le tribunal ne se garde pas de faire une leçon de morale aux prévenus, en épinglant le « sentiment de toute puissance qui [les] a animé[s] (…) lors de cette journée de manifestation et [leur] en a fait perdre le sens des responsabilités »  [115].

103En conclusion, malgré la tentative du pouvoir judiciaire de faire passer ce procès pour une affaire ordinaire, tout laisse à penser qu’il n’en est rien. Cette procédure est hors norme à plusieurs égards, et singulièrement en ce qu’elle met en cause une organisation syndicale par le truchement de ses responsables.

2.1.5.3. Le traitement par la cour d’appel de Liège

104L’arrêt rendu par la cour d’appel de Liège le 19 octobre 2021  [116] nécessite deux remarques, par comparaison à la procédure en première instance.

105D’une part, les conseillers en appel ont aussi recours au rôle joué par l’organisation syndicale dans le blocage pour condamner individuellement les dix-sept prévenus. Cependant, les magistrats n’estiment pas utile de réitérer le préambule formulé dans la décision correctionnelle, ce qui ôte une part de singularité à la procédure. De même, la juridiction d’appel s’abstient de tenir des propos moralisateurs quant au « sentiment de toute puissance » des syndicalistes poursuivis.

106D’autre part, l’infraction retenue contre les prévenus est requalifiée, et alourdie, en appel. La cour décide que l’entrave méchante à la circulation a mis en danger des personnes ; autrement dit, les grévistes sont condamnés au titre de l’article 406, alinéa 1er, et non plus alinéa 3, du Code pénal. Théoriquement, l’infraction qu’ils ont commise n’est donc plus un délit : elle est désormais un crime, et celui-ci est passible de cinq à dix ans de réclusion  [117]. Même si les peines d’emprisonnement prononcées restent inchangées, la portée symbolique de la condamnation est donc supérieure.

2.2. Grève et pouvoir judiciaire : une relation tourmentée

107Le pouvoir judiciaire n’a jamais entretenu des rapports très apaisés avec les actions collectives. Cela remonte assez loin dans l’histoire belge et mérite quelques commentaires de cadrage rétrospectifs (2.2.1). Cette relation particulière traverse tous les volets du pouvoir judiciaire, à la fois les procédures civiles (2.2.2) et les procédures pénales ainsi que nous venons de le percevoir (2.2.3) ; les juridictions suprêmes ont également été amenées à s’intéresser à la question à quelques occasions (2.2.4).

2.2.1. Historique

108Le traitement des grèves par la justice n’est pas neuf. Bien au contraire, il remonte au début de l’histoire nationale belge. En 1831, la Belgique hérite du Code pénal napoléonien adopté en 1810  [118]. L’article 415 de ce code incrimine explicitement les coalitions et les grèves  [119]. À l’époque, les meneurs sont régulièrement emprisonnés  [120]. En 1867, un nouveau Code pénal entre en vigueur  [121] et l’ancienne disposition est reformulée dans l’article 310. Celui-ci ne pénalise plus les coalitions et les grèves mais érige en infractions les atteintes à la liberté d’industrie ou du travail. Sensu stricto, l’action collective n’est plus interdite mais son exercice même constitue un délit, dans la mesure où le seul arrêt de travail, même le plus pacifique, cause nécessairement un préjudice à la liberté d’industrie de l’employeur.

109En 1921, lors de la consécration de la liberté d’association  [122], l’article 310 est abrogé  [123] ; l’action collective devient alors, effectivement, une liberté pleine et entière. Cela étant, quoique les tribunaux pénaux arrêtent de s’intéresser aux grèves, les juridictions civiles sont saisies de litiges. En effet, la grève demeure constitutive d’une faute au regard du droit des contrats : une inexécution du contrat de travail. De plus, l’absence de base légale pour le droit d’action collective laisse libre cours à toutes les interprétations et conjectures quant à la licéité des divers motifs d’arrêt de travail et formes de moyens de pression  [124]. Il faut attendre 1981 pour clore les discussions : la Cour de cassation tranche en faveur de la légalité de la grève et de son caractère suspensif du contrat de travail  [125]. Enfin, en 1990, le droit de grève acquiert officiellement la valeur de droit fondamental  [126] en Belgique suite à l’approbation, par le Parlement national, de la Charte sociale européenne  [127]. Ce traité, issu du Conseil de l’Europe, est le premier à reconnaître explicitement le droit de grève comme prérogative des travailleurs  [128]. Cependant, au grand dam des travailleurs mais dans l’intérêt des employeurs, l’histoire ne s’arrête pas là.

2.2.2. Procédures civiles

110Depuis la reconnaissance jurisprudentielle de la grève en 1981, le patronat belge use d’une nouvelle technique afin de brider l’action collective des travailleurs  [129]. Face à la légalité désormais évidente de la grève et de son exercice, les employeurs s’attellent à contester la licéité des actes accessoires à l’arrêt de travail, tels que les piquets de grève et les occupations d’entreprise.

111Cette nouvelle stratégie repose sur deux éléments spécifiques : d’un côté, une argumentation et, de l’autre côté, une procédure judiciaire.

112L’argumentation se fait en deux temps. Premièrement, il s’agit de démontrer que les piquets et les occupations constituent des actes accessoires à la grève mais non son essence, et qu’un juge peut donc les condamner sans porter atteinte au droit de grève lui-même. Deuxièmement, les employeurs avancent que ces actes annexes limitent l’exercice de leurs droits, au premier rang desquels le droit de propriété sur les immeubles de l’entreprise et la liberté d’entreprendre.

113Sur le plan procédural, la stratégie implique le dépôt d’une requête unilatérale en extrême urgence devant le président du tribunal de première instance. Ce magistrat est un juge civil, a priori peu familiarisé aux conflits collectifs qui caractérisent les relations de travail. Mais la particularité de cette procédure est la nature unilatérale de la requête. L’employeur se retrouve donc seul face au magistrat, sans interlocuteur adverse. Le Code judiciaire n’autorise cela que pour des situations limitativement énumérées, l’une d’entre elles étant l’impossibilité d’identifier la partie attaquée.

114Cette tactique patronale est critiquée juridiquement à plusieurs titres. Nous ne relevons ici que les principaux problèmes, à la fois sur le fond et la forme.

115Quant au fond, deux problèmes sont soulevés. D’une part, la distinction opérée entre la grève et les actes accessoires à celle-ci est purement théorique : en pratique, l’interdiction d’un piquet bride la grève elle-même et son efficacité. D’autre part, les droits invoqués par l’employeur ne sont pas en mesure de limiter le droit de grève. Pour le droit de propriété, qui est un droit fondamental et donc d’égale valeur avec le droit de grève, son usage pour limiter l’action collective est condamnable parce qu’il est considéré comme abusif, au regard de la théorie de l’abus de droit. Pour la liberté d’entreprendre, celle-ci n’est pas un droit fondamental : elle n’a qu’une valeur légale, soit inférieure au droit de grève, et n’est donc pas en mesure de limiter celui-ci. De manière générale, un droit fondamental comme la grève ne peut être limité que par une loi qui présente les atours de la sécurité juridique et notamment la prévisibilité. Or aucune règle légale belge ne prévoit explicitement de dérogation au droit de grève pour préserver la propriété ou la liberté d’entreprendre.

116Sur la forme, deux problèmes se posent également. D’une part, le recours à la procédure unilatérale ne se justifie pas, dans la mesure où l’employeur peut citer nommément tous ses travailleurs en justice, ou a minima tous les délégués syndicaux de l’entreprise. D’autre part, étant donné que l’on ne peut pas séparer la grève de ses actes accessoires, le juge qui sanctionne un piquet, par exemple, évalue nécessairement la licéité de la grève elle-même, ce qui est interdit, le pouvoir judiciaire voyant sa compétence s’arrêter face aux conflits et actions collectifs. Cette critique a notamment été soulevée par le Comité européen des droits sociaux (CEDS)  [130], qui est l’organe de contrôle de la Charte sociale européenne révisée (CSER) qui reconnaît le droit de grève.

117Ce bref aperçu permet de cerner les contours d’une pratique aussi courante que controversée. Trois remarques finales s’imposent. Primo, la majorité des procédures ainsi lancées par des employeurs aboutissent à des ordonnances d’interdiction des piquets devant les entreprises ; il s’agit donc d’un procédé efficace pour limiter les actions collectives et leurs impacts. Secundo, ces ordonnances sont rarement publiées, ce qui participe grandement de la méconnaissance de ce phénomène ; cela explique peut-être aussi le grand écart qui existe entre l’idée reçue et répandue d’un droit de grève très libre en Belgique et la réalité sociale d’une prérogative largement bridée. Tertio, cette pratique judiciaire dresse les magistrats contre les grévistes, deux mondes sociologiques qui se rencontrent rarement et gagneraient vraisemblablement à ne pas se fréquenter, dans la mesure où la jurisprudence démontre à suffisance que les juges ont tendance à être peu regardants quant à la protection du droit de grève, préférant faire primer les droits de l’employeur, en parfaite contradiction avec les normes hiérarchiquement supérieures.

2.2.3. Procédures pénales

118Il est assez récent que les cours et tribunaux s’intéressent à nouveau à la grève d’un point de vue pénal  [131]. À ce jour, cela ne s’est produit qu’à trois reprises, et chaque fois pour la même infraction : entrave méchante à la circulation. Au contraire des procédures civiles, qui passent inaperçues, les médias s’intéressent beaucoup à ces affaires pénales. Leur retentissement illustre ainsi publiquement la question des limites du droit de grève. Avant de passer en revue les procès en question, une précision s’impose quant à la nature de l’infraction qui nous occupe. Celle-ci implique, selon les termes de la loi, que le méfait soit commis « méchamment »  [132]. Cet adverbe renvoie généralement à l’intention méchante, à savoir un dol spécial. En droit pénal, une infraction requiert, le plus souvent, deux éléments constitutifs, à savoir un élément matériel (le fait commis) et un élément moral (la volonté de commettre ce fait) aussi appelé « dol ». Le dol spécial – par opposition au dol général – est un dol plus exigeant puisqu’il nécessite non seulement la volonté de commettre l’infraction (le dol général) mais aussi celle de nuire à autrui. En matière d’entrave à la circulation, il s’agirait, par exemple, de vouloir bloquer une voirie avec l’intention claire de mettre en danger les automobilistes qui l’empruntent  [133]. Cependant, un débat existe quant à la définition du dol de l’article 406 du Code pénal : s’agit-il d’un dol général ou d’un dol spécial ?  [134] L’état de la jurisprudence montre une inflexion à ce sujet.

119La première affaire concerne des barrages filtrants installés sur l’autoroute E323 en 2001 par des grévistes qui en avaient profité pour distribuer des tracts explicatifs de leur action sociale. Un permanent syndical présent lors des faits est poursuivi et condamné en première instance, mais il obtient son acquittement devant la cour d’appel d’Anvers. Dans son arrêt prononcé en 2004  [135], la juridiction estime que l’entrave au trafic n’est pas motivée par une intention de nuire et d’empêcher la circulation, mais bien par la volonté de faire connaître les revendications sociales. Il ressort donc qu’en l’espèce, le prévenu ne remplissait pas la condition du dol spécial. La circonstance que l’entrave a eu lieu dans le cadre d’une grève lui permet donc, en quelque sorte, d’éviter la condamnation pénale. La deuxième affaire est le blocage de voies d’accès au port d’Anvers par des militants de la FGTB en 2016 à l’occasion d’une grève générale. Le président de la section régionale anversoise de la FGTB et de sa Centrale générale, Bruno Verlaeckt – organisateur, selon la justice, de la mobilisation –, est poursuivi et condamné  [136] en première instance  [137]. Le jugement est confirmé non seulement en appel  [138] mais aussi en cassation  [139]. L’intérêt de cet arrêt réside dans le revirement de jurisprudence opéré par la cour d’appel d’Anvers. Celle-ci adopte l’autre position doctrinale et estime que la seule volonté d’entraver la circulation suffit, qu’il n’est nul besoin de démontrer un dol spécial, et que la circonstance que le blocage s’inscrive dans une action sociale ne justifie pas davantage l’infraction. Cette position est entérinée par la Cour de cassation (cf. infra, 2.2.4). La troisième affaire est à l’origine de cet article : il s’agit du blocage de l’autoroute E40 près du pont de Cheratte en 2015. Dans ce cas également, les juges correctionnels et les conseillers en appel défendent que l’intention méchante de l’article 406 du Code pénal désigne un dol général. Cette position est d’autant plus évidente que la Cour de cassation l’a adoubée quelques mois auparavant.

120Ces procédures pénales sont révélatrices d’une évolution quant aux limites assignées au droit de grève. Le blocage d’une route reste une pratique syndicale rare et à laquelle il est recouru surtout dans le cadre d’action sociale de grande ampleur. Néanmoins, ce nouveau phénomène judiciaire pose question et n’est pas sans rappeler la manière dont la Belgique gérait la question sociale entre 1831 et 1921, en condamnant les meneurs de grève à de la prison, comme ce fut récemment le cas de B. Verlaeckt et de T. Bodson. C’est d’ailleurs pour éviter ce retour en arrière que, dans les travaux préparatoires de la modification de l’article 406 du Code pénal effectuée en 1963, il est dit que « le gouvernement déclare de la manière la plus explicite qu’il n’entend toucher ni au droit de grève, ni au libre exercice de ce droit »  [140]. Si elle est un jour utilisée de manière extensive, cette infraction d’entrave méchante à la circulation pourrait aussi mener à la répression de mouvements sociaux prenant place dans la rue sans l’autorisation administrative de la police. Plus qu’une application stricte de la loi pénale, il pourrait s’agir d’une nouvelle manière de gérer la contestation sociale.

2.2.4. Positions des juridictions suprêmes

121La question des limites du droit de grève s’est immiscée dans le travail des juridictions suprêmes belges et chacune d’elles a pu laisser transparaître ses conceptions à ce sujet.

122Primo, la Cour constitutionnelle s’est prononcée récemment et par deux fois en matière de grève, en l’occurrence dans les chemins de fer. La première concernait une loi  [141] qui réservait le droit de déclencher des grèves aux trois syndicats affiliés aux organisations représentatives au niveau interprofessionnel (à savoir la CSC-Transcom pour la CSC, la CGSP-Cheminots pour la FGTB, et le SLFP-Cheminots pour la CGSLB). Elle interdisait donc aux trois autres petits syndicats de lancer une action collective : le Syndicat indépendant des cheminots (SIC), le Syndicat autonome des conducteurs de train (SACT) et le syndicat Mobilité et transport intermodal des services publics (METISP-Protect). En 2017, la Cour constitutionnelle a annulé cet aspect de la loi en protégeant le droit de grève des petits syndicats, et en reprenant à son compte les jurisprudences pertinentes de la Cour européenne des droits de l’homme et du Comité européen des droits sociaux  [142]. La seconde affaire était relative à la loi organisant la continuité du transport ferroviaire en cas de grève  [143], qui prévoyait une série de restrictions au lancement d’une grève. En 2020, la Cour constitutionnelle a préféré, en dépit des évidences  [144], confirmer les restrictions légales plutôt que de procéder à leur annulation  [145].

123Secundo, la Cour de cassation a été confrontée au droit de grève à de multiples reprises depuis la reconnaissance de celui-ci en 1981. Retenons ici deux arrêts importants. Le premier, rendu en 1997, concernait une procédure introduite par requête unilatérale en extrême urgence devant un président de tribunal de première instance. Sans revenir sur le fond, la Cour de cassation a approuvé le principe même de ce procédé judiciaire, donnant ainsi son blanc-seing à un courant jurisprudentiel toujours controversé. Le deuxième arrêt a été prononcé en 2020, il s’agit de l’affaire de B. Verlaeckt et de l’entrave à la circulation autour du port d’Anvers. Dans cette affaire, la Cour de cassation a approuvé la condamnation du syndicaliste et a pris position dans le débat relatif au dol de cette infraction, affirmant qu’il s’agit bien d’un dol général et que l’action collective ne peut justifier la commission d’un méfait pénal  [146]. À cet égard, la Cour de cassation explique que l’invocation du droit de grève pour décharger le prévenu revient en réalité à confondre l’élément moral (la volonté de commettre le blocage) et le mobile (la raison à l’origine de l’infraction, en l’occurrence la volonté de bloquer afin de promouvoir les intérêts des travailleurs). Selon la Cour, la circonstance que le mobile est louable ne permet pas d’évacuer l’élément moral.

124Tertio, le Conseil d’État s’est aussi prononcé sur des dossiers liés au droit de grève. Le fond des affaires mis à part, la haute juridiction administrative a eu l’occasion d’exprimer qu’il est possible de sanctionner disciplinairement des agents de la fonction publique qui abusent du droit de grève si la nature des revendications ne permet pas de justifier la violation des procédures de concertation, de négociation et de préavis  [147]. Sans plus de détail quant à la définition de la « nature des revendications » qui légitimerait le non-respect des formalités, la porte est ainsi grande ouverte à des sanctions en cas de grève spontanée (dite sauvage dans l’arrêt en question).

2.3. Conclusion : la grève est-elle encore un droit ?

125S’il est une certitude propre à la grève, c’est qu’elle déchaîne les passions. Les juristes ne font pas exception à cette règle : les conceptions divergentes quant à l’étendue de la protection de ce droit le démontrent à merveille. À cet égard, les récentes décisions rendues à Liège illustrent davantage une tendance jurisprudentielle qu’elles ne constituent un véritable changement. Pour synthétiser l’enjeu, deux postures juridiques s’affrontent.

126La première consiste à considérer que le droit de grève couvre tant l’arrêt de travail que les actions qui l’accompagnent, qu’il s’agisse d’un piquet – même bloquant – devant une entreprise, l’occupation de celle-ci, voire le blocage de voies de circulation. Pour pousser le trait, tout ce qui permet d’exercer une pression économique sur un employeur ou l’État bénéficie alors de la protection du droit fondamental des travailleurs. Selon cette conception, afin de ne pas entacher le jeu de la conflictualité sociale, l’intervention du pouvoir judiciaire doit s’en tenir à un contrôle postérieur et marginal des éventuels excès, tels que les violences à l’encontre des personnes. S’il fallait renommer le droit de grève à l’aune de cette acception extensive, on l’entendrait probablement sous le titre de « droit à l’action collective », pour souligner la possibilité de ses titulaires de faire œuvre créatrice dans les actions à mener pour promouvoir leurs revendications  [148].

127La seconde posture retient du droit de grève sa capacité à suspendre le contrat de travail sans conséquence pour le travailleur. Pour le reste, tant que le travailleur ne porte atteinte à aucun droit ou liberté d’autrui, il est libre d’agir, ce qui ne laisse au gréviste que la possibilité modique de tenir un piquet ni filtrant ni, a fortiori, bloquant. Et même dans ces circonstances, les abus d’exercice du droit fondamental des travailleurs peuvent être condamnés, lorsque les revendications sont illégitimes ou excessives, ou que les moyens mis en œuvre dépassent les limites tolérables de la vie en société. Toutes ces notions sujettes à interprétation confèrent, ipso facto, un pouvoir considérable au juge saisi le cas échéant. Ici aussi, le droit de grève pourrait être renommé pour préciser cette acception restrictive, et il serait sans doute appelé « droit à l’arrêt de travail », pour insister sur le cœur de sa protection juridique  [149].

128Eu égard à la jurisprudence actuelle, il importe de constater que la seconde interprétation – restrictive – du droit de grève tend à devenir majoritaire au sein de la magistrature belge. En conséquence de quoi, une question de principe se pose de manière cruciale. Pour l’introduire, il convient de revenir un bref instant sur une opposition conceptuelle, énoncée par le juriste américain Wesley N. Hohfeld, entre les notions de droit et de liberté  [150]. Selon cette distinction, le droit désigne une prérogative qui impose corrélativement une obligation dans le chef d’autrui ou de la collectivité et dont on peut réclamer la bonne application et le respect en justice. A contrario, la liberté vise une possibilité qui n’implique pas d’obligation corrélative et dont l’absence de réalisation ne permet pas de fonder de prétention judiciaire. À cet égard, dans l’ordre juridique belge, la grève constitue normalement un droit. À l’inverse, les prérogatives qui lui sont opposées le plus souvent ne sont que des libertés. Tout d’abord, la liberté d’entreprendre désigne la possibilité d’exercer une activité lucrative ; mais si cette activité ne génère aucun bénéfice, l’entrepreneur ne peut s’en plaindre légalement à personne. Ensuite, la liberté de travailler est la capacité de tout un chacun à chercher un emploi et à gagner sa vie de la sorte ; mais une personne au chômage ne peut pas réclamer un travail à l’État ou à un employeur. Enfin, le droit à la mobilité est une expression non consacrée juridiquement, qui désigne la possibilité de se mouvoir par tous les moyens disponibles ; mais aucune base légale ne permet à un individu d’intenter un procès pour que la collectivité lui fournisse un véhicule, construise une route ou fasse rouler un train. Partant, en présence d’un droit fondamental et de libertés, le premier prime indubitablement les secondes puisque le premier est opposable à autrui, au contraire des secondes. Pourtant, les cours et tribunaux ne sont, en majorité, pas de cet avis. Par conséquent, se pose de manière cruciale la question de principe suivante : en consacrant systématiquement la prévalence de ces libertés sur le droit fondamental des travailleurs, l’ordre judiciaire n’est-il pas en train de modifier la nature juridique même de ces différentes prérogatives ? Plus exactement, face au refus du pouvoir judiciaire de protéger le droit de grève, celui-ci ne bascule-t-il pas de la qualification hohfeldienne de « droit » à celle de « liberté » ? Que reste-t-il alors d’une prérogative qui, en cas de violation, n’est pas protégée par la justice ? L’affaire de Cheratte illustre bien cet enjeu, au travers d’un blocage qui fut tout à la fois le droit des uns et le délit des autres.

3. Conflits dans le secteur de la santé : une issue gagnante sans retour à « la normale »

129L’année 2019 a connu des conflits d’une rare ampleur dans le secteur de la santé [151]. En Région bruxelloise et en Wallonie, la Centrale nationale des employés (CNE, affiliée à la CSC) a lancé les « mardis des blouses blanches » (des actions portées par le personnel soignant chaque mardi du mois de juin). Elle a été rejointe par le Syndicat des employés, techniciens et cadres (SETCA, affilié à la FGTB) et la CGSLB. En même temps, en Région bruxelloise, un front commun réunissant le secteur des administrations locales et régionales de la Centrale générale des services publics (CGSP-ALR, affiliée à la FGTB), le syndicat des Services publics de la CSC (CSC-SP) et le Syndicat libre de la fonction publique (SLFP, affilié à la CGSLB) a lancé un mouvement de grève. Dans ce contexte, un nouveau collectif du personnel des institutions de santé publiques et privées a vu le jour en Région bruxelloise : le collectif « La Santé en lutte » (SeL). Ce mouvement interprofessionnel et intersyndical a apporté une nouvelle dynamique pour une convergence des luttes en faveur d’une amélioration des conditions de travail et d’un accroissement de la qualité des soins. Au cours de la même année, les négociations syndicales des secteurs publics et privés sont restées bloquées. Mais les mobilisations ont permis de faire adopter la loi du 9 décembre 2019 portant sur la création d’un fonds Blouses blanches pour améliorer les conditions de travail du personnel soignant.

130Pour sa part, l’année 2020 est marquée par des conflits annoncés dès la fin 2019 et accentués par une gestion peu concertée de la crise sanitaire due à la pandémie de Covid-19. Cette année fort chargée en combats dans le secteur de la santé bruxelloise et wallonne est également celle de l’élargissement du mouvement SeL en Wallonie.

3.1. Les conflits dans le secteur privé des soins de santé

131Les trois premiers mois de l’année 2020 sont marqués par trois conflits dans le secteur privé des soins de santé, qui mettent en lumière des dysfonctionnements structurels du modèle de soins de santé : dévalorisation du personnel du secteur des soins de santé fédéraux, manque d’effectifs dans les structures hospitalières, dégradation des conditions de travail du personnel des maisons de repos et de soins, incapacité d’offrir des soins de qualité aux personnes âgées. Un mois plus tard, ces dysfonctionnements seront à l’épicentre de la crise du Covid-19.

3.1.1. L’accord social non marchand dans l’impasse

132L’année 2020 s’ouvre avec l’échec des négociations entre employeurs et syndicats visant à mettre en pratique l’accord social relatif au secteur non marchand signé le 25 octobre 2017 entre le gouvernement fédéral, les représentants des employeurs et les syndicats du secteur privé des soins de santé fédéraux pour la période 2017-2020. Cet accord devait notamment permettre d’établir une nouvelle classification des fonctions (demande des syndicats), d’améliorer la reprise de l’ancienneté à l’embauche et de garantir au moins trois week-ends consécutifs de vacances annuelles.

133Le 13 janvier, le SETCA-Non marchand juge « inacceptable » la proposition des employeurs sur l’organisation du travail et, plus précisément, sur les horaires de travail. En effet, une flexibilisation accrue des horaires de travail [152] irait à l’encontre des principales revendications du personnel soignant en faveur de davantage de stabilité et de conditions de travail permettant une meilleure conciliation entre vie privée et vie professionnelle. Du côté de la CNE, les réactions sont similaires : le syndicat chrétien estime que les propositions patronales ne permettent pas une réelle amélioration des conditions de travail dans le secteur.

3.1.2. La grève au service des urgences de l’hôpital Tivoli

134Le 20 janvier 2020, les affiliées et affiliés à la CNE travaillant au sein du service des urgences du Centre hospitalier universitaire Tivoli (CHUT, hôpital privé lié à l’ULB) à La Louvière se mettent en grève pendant 24 heures après l’échec de deux négociations avec la direction de l’établissement [153]. Leurs revendications portent sur le renforcement des équipes dans le service.

135Trois jours plus tard, et après avoir déposé un nouveau préavis de grève, la CNE parvient à un accord avec la direction de l’hôpital. D’une part, la direction du CHUT s’est formellement engagée à assurer le fonctionnement du service des urgences par un effectif de sept infirmières et infirmiers le matin, sept l’après-midi et quatre la nuit, avec un renfort des équipes mobiles en fonction des besoins. D’autre part, un poste d’aide-soignant pendant 12 heures par jour sera mis à disponibilité des équipes d’urgence en fonction des besoins  [154].

3.1.3. La grève à la maison de repos et de soins Château Chenois

136Le 3 mars, une grève est menée en front commun syndical (SETCA et CNE) dans la maison de repos et de soins Château Chenois à Waterloo. Depuis plusieurs mois, les délégués syndicaux dénoncent la dégradation des conditions de travail du personnel (souseffectif, absence de matériel adéquat, non-respect des normes d’encadrement) [155] dans cet établissement du groupe d’investissement Orpea [156]. La situation se traduit sur le terrain par une intensification des rythmes de travail et par l’impossibilité de fournir des soins de qualité aux résidents. Ainsi, décrit la secrétaire permanente du SETCA, «la seule aide-soignante sur place le matin pour 15 résidents dispose de 16 minutes par personne pour assurer les soins suivants : toilette, distribution des repas, aide à l’alimentation, débarrassage du repas, rangement de la chambre, réfection du lit» [157]

137Dans ce climat de travail et face à l’absence d’accord avec la direction du groupe privé, le front commun syndical décide de poursuivre les actions et annonce la tenue de deux nouvelles journées de grève, les 10 et 16 mars. Toutefois, suite au déclenchement de la première vague de la pandémie de Covid-19 et à la mise en oeuvre des mesures d’isolement des résidents et des résidentes dictées le 13 mars 2020 par la Région wallonne pour ralentir la propagation du coronavirus [158], les syndicats renoncent à l’action du 16 mars [159].

138Lors d’une nouvelle réunion du bureau de conciliation, le 16 mars, la direction d’Orpea accède à toutes les demandes des syndicats. Toutefois, quelques semaines plus tard, les organisations syndicales déposent une nouvelle plainte à l’Agence pour une vie de qualité (AVIQ, administration de la Région wallonne) en raison de la décision des directions locales et régionales de restreindre l’utilisation du matériel de protection individuelle et de ne pas remplacer le personnel absent.

3.2.L’élargissement du mouvement la santé en lutte (SEL)

139Le mouvement la SeL a vu le jour en Région bruxelloise en 2019, dans le cadre de mobilisations menées pour l’amélioration des conditions de travail et de la qualité des soins du système de santé belge [160]. Malgré les avancées obtenues, telle la création d’un fonds Blouses blanches, le début de l’année 2020 atteste de la poursuite des conflits amorcés fin 2019. Ce climat de forte conflictualité sociale dans le secteur de la santé favorise l’élargissement du mouvement au niveau régional, tout en renforçant la portée des actions menées au niveau national.

3.2.1. Première assemblée générale régionale de la SeL de Liège (24 janvier 2020)

140Le 24 janvier 2020, la coordination liégeoise de la SeL organise sa première assemblée générale régionale [161]. Parmi les participants et participantes, figurent notamment des membres du personnel infirmier des hôpitaux, des maisons de repos (MR) et des maisons médicales, des aides-soignantes et des ergothérapeutes, ainsi que des membres du mouvement Gilets jaunes Liège et des usagers et usagères des services de santé.

141Cette première rencontre régionale liégeoise se concentre sur la création d’une coordination à Liège et sur l’organisation d’une manifestation à Bruxelles le 29 mars 2020. Après une présentation du mouvement SeL en Région bruxelloise, place est faite aux échanges et discussions avec le public. Les interventions consistent essentiellement en des récits d’expériences vécues au travail. En outre, elles portent sur les études d’infirmerie et sur les droits des travailleuses enceintes. D’autres thèmes sont également abordés : l’impact des directives européennes sur la mise en œuvre de la politique belge au niveau de la sécurité sociale et des soins de santé, l’absence de médecins dans le débat et la réduction de leur marge de manœuvre résultant du « public management » prôné dans les centres hospitaliers, la nécessité de contester le recours à la sous-traitance, la mise en lumière des profits engendrés par l’« hôtellerie hospitalière », les inégalités sociales et les conditions d’accès aux soins de santé.

142Concernant la définition des perspectives d’action, les membres de la SeL soulignent l’importance d’aboutir à une mobilisation des métiers les plus précarisés du personnel du secteur non hospitalier et du corps médical. Les activités à venir sont la participation de la SeL à la manifestation pour la sécurité sociale du 28 janvier, l’organisation de la troisième assemblée générale nationale du mouvement (rencontre qui se tiendra à Bruxelles le 7 février), l’appel à la grève du 8 mars et la participation de la SeL aux manifestations organisées à Liège et à Bruxelles, ainsi que la grande manifestation de la SeL prévue à Bruxelles le 29 mars. Suite à l’avènement de la crise sanitaire, cette manifestation n’aura finalement pas lieu et sera reportée au mois de septembre 2020 (cf. infra).

3.2.2. Troisième assemblée générale nationale de la SeL (Bruxelles, 7 février 2020)

143Le 7 février 2020, la SeL organise sa troisième assemblée générale nationale à Bruxelles [162] avec une cinquantaine de participants et participantes. Une nouvelle fois, les échanges mettent en relief les effets de la marchandisation de la santé sur les structures de soins, l’affaiblissement du secteur des hôpitaux publics et le glissement des modes de fonctionnement du secteur privé vers le secteur public, et le besoin d’un retour au système de facturation forfaitaire et d’un refinancement structurel. À ce sujet, le mouvement se réjouit des avancées obtenues grâce à la mobilisation menée en 2019, notamment la création du fonds Blouses blanches. Certaines interventions ont également trait au besoin de prendre en compte l’expertise des travailleuses et travailleurs pour l’organisation du métier. Sont ainsi abordés le sentiment d’insécurité du personnel soignant, qui résulte des conditions de travail ne permettant pas de prodiguer des soins de qualité, et les difficultés liées à l’allongement des études en soins infirmiers sans un encadrement suffisant des stagiaires.

144Pour conclure, la coordination  [163] présente les principaux événements à venir. D’une part, la participation de la SeL à la manifestation du 8 mars dans le cadre de la journée de la lutte internationale pour les droits des femmes. Il s’agit par là de contribuer à rendre visibles les femmes qui luttent dans le milieu des soins de santé et à obtenir la reconnaissance de la surcharge de travail accompli en tant que soignante et en tant que femme  [164]. D’autre part, l’organisation de la grande manifestation de la SeL du 29 mars pour réclamer « plus d’effectifs, plus de salaire, plus d’humanité ».

145La rencontre est aussi l’occasion d’annoncer l’organisation de la première assemblée générale régionale de la SeL de Charleroi (réunion appelée à se tenir le 13 mars) et de la quatrième assemblée générale nationale (prévue à Bruxelles le 3 avril)  [165]. À l’instar des événements annoncés à l’assemblée générale régionale de la SeL de Liège, toutes les activités censées avoir lieu à partir de la mi-mars devront être reportées à des dates ultérieures (en ce compris l’assemblée régionale carolorégienne du 13 mars et l’assemblée nationale du 3 avril).

3.3. Le coronavirus progresse et le terrain annonce une « lutte sur tous les fronts »

146La situation sanitaire due à la multiplication des cas de Covid-19 modifie rapidement l’ensemble des agendas. Le 12 mars, le Conseil national de sécurité (CNS)  [166] annonce les premières mesures : fermeture des cafés, restaurants et discothèques, et suspension des cours et des activités récréatives, culturelles et folkloriques. Le 13 mars, le cabinet de la ministre de la Santé publique du gouvernement fédéral Wilmès I (MR/CD&V/Open VLD), Maggie de Block (Open VLD), annonce l’activation du plan d’urgence dans l’ensemble des hôpitaux belges. À partir de ce moment, toutes les consultations et interventions non urgentes sont suspendues afin d’alléger la pression sur les structures hospitalières et de consacrer un maximum de personnel et de ressources à la prise en charge de patients atteints du Covid-19. La ministre déclare : «En ce moment, nos hôpitaux et le personnel soignant sont parfaitement en mesure d’affronter la propagation du coronavirus. Il s’agit d’une mesure de précaution : nous anticipons une possible augmentation du nombre de cas d’infection par le coronavirus pour ne pas nous retrouver en difficultés, le moment venu»  [167].

147Dès le lendemain, la SeL publie un communiqué relatif au contenu des décisions annoncées par le CNS et aux éléments passés sous silence dans ces premiers moments de gestion de la pandémie. Tout d’abord, la SeL souligne la dégradation du secteur de la santé depuis de longues années : «C’est dans un secteur déjà en surcharge, en manque d’effectifs et sous-financé depuis des années, que nous allons devoir, nous soignant.e.s, personnel logistique, administratif et hôtelier, nous battre pour endiguer une pandémie sans précédent ». Ensuite, elle interroge la pertinence du maintien de l’activité économique des grandes entreprises alors que le rassemblement des personnes dans un même lieu de travail est déjà reconnu comme un facteur de propagation du virus. Enfin, le mouvement ne se montre pas rassuré par les mesures de maintien des salaires des personnes confinées ou dans l’incapacité de travailler et, plus largement, par les dispositifs mis en œuvre pour faire face à une crise sanitaire qui exacerbera les inégalités sociales dans le domaine de la santé. «Préparons-nous à lutter sur tous les fronts, contre le coronavirus et contre l’austérité », clôture le communiqué de la SeL au moment où les travailleuses et travailleurs de la santé s’apprêtent à affronter ce qui sera la première vague de Covid-19  [168].

3.4. La formation d’un gouvernement fédéral d’urgence et l’annonce du confinement

148Le 15 mars, les présidentes et présidents de dix partis ( PS, SP.A, MR, Open VLD, CDH, CD&V, Écolo, Groen, N-VA et Défi) se réunissent au Parlement fédéral sous la houlette des deux chargés de mission royale, Sabine Laruelle (MR) et Patrick Dewael (Open VLD), pour tenter de s’accorder sur la formation d’un gouvernement fédéral d’urgence. Depuis plus d’un an, le pays a en effet à sa tête un gouvernement en affaires courantes et non de plein exercice (gouvernement Michel II à partir du 9 décembre 2018 puis gouvernement Wilmès I depuis le 27 octobre 2019). Les trois partis formant le gouvernement Wilmès I demandent le soutien de l’opposition ainsi que l’octroi de pouvoirs spéciaux à l’exécutif fédéral pour « se concentrer sur la crise du coronavirus : les conséquences budgétaires et les mesures socio-économiques »  [169]. Les partis présents apportent leur soutien à ce scénario. Deux jours plus tard, le gouvernement Wilmès II (de composition identique) prête serment devant le roi Philippe et devient un gouvernement de plein exercice, en ce qui concerne la gestion de la crise sanitaire et de ses conséquences, pour une période de trois mois (durée qui sera prolongée, par la suite, jusqu’au 1er octobre 2020). Des pouvoirs spéciaux lui permettent de légiférer par arrêté royal, sans suivre le parcours législatif classique. Cependant, il doit veiller à prendre des décisions en concertation avec les partis qui le soutiennent depuis les bancs de l’opposition. Cette concertation prend la forme d’un comité ministériel restreint (kern) élargi aux présidents et présidentes des dix partis constituant le gouvernement ou soutenant celui-ci de l’extérieur.

149Dès le 18 mars, le CNS annonce des mesures de confinement strict, avec notamment la fermeture des marchés en plein air et des magasins dits non essentiels, l’interdiction des rassemblements et des voyages à l’étranger non essentiels et l’imposition du télétravail pour toutes les fonctions qui le permettent. Pour les autres fonctions, une distance physique doit être observée entre les personnes sur le lieu de travail. Le port du masque n’est alors ni rendu obligatoire ni même recommandé  [170].

3.4.1. Proposition et demande de concertation du front commun syndical (public-privé)

150Le 19 mars 2020, le front commun syndical public-privé des secteurs des soins de santé (CNE, ACV-Puls, SETCA, CGSLB, CSC-SP, CGSP et SLFP) propose au gouvernement fédéral de débloquer les 402 millions d’euros prévus pour le fonds Blouses blanches et de recourir à cette somme pour lutter contre la pandémie. Il demande également à rencontrer le cabinet de la ministre de la Santé publique  [171].

151Le lendemain, le cabinet de M. De Block tient sa première réunion avec les syndicats depuis le début de la pandémie. Les représentants syndicaux réclament le maintien du financement des institutions de soins à un niveau habituel et soulignent la nécessité d’une concertation. Ils abordent également la question de la protection du personnel et la problématique de l’organisation du travail dans la durée. Contrairement aux attentes du front commun syndical, qui « espérait avoir fait un geste positif important en mettant à disposition du gouvernement les moyens du fonds Blouses blanches de l’année 2020 »  [172], le cabinet refuse la proposition soumise la veille au gouvernement.

152Le 20 mars, les autorités fédérales octroient une avance d’un milliard d’euros aux hôpitaux généraux afin de leur permettre de continuer à payer les salaires du personnel durant la crise sanitaire  [173].

153Le 31 mars, le front commun syndical adresse une lettre à la Première ministre, Sophie Wilmès (MR). Il y déplore l’absence de réponse de la ministre de la Santé publique à ses demandes de garantir le financement des institutions en reconduisant les chiffres des mois précédents, et sollicite l’intervention de la Première ministre auprès de M. De Block afin d’obtenir des réponses à ses demandes  [174]. Le jour même, la secrétaire nationale CSC-Services publics publie une lettre ouverte au gouvernement Wilmès II et plus particulièrement à la ministre de la Santé publique. En conclusion de leur énumération de la liste des actions de M. De Block qu’ils estiment être autant d’erreurs commises par celle-ci, les signataires lui adressent la question : « Pourquoi êtes-vous encore à votre poste? »  [175]

3.4.2. La SeL dénonce la situation du terrain

154La SeL lance un appel aux témoignages du personnel soignant et commence à publier des rapports hebdomadaires sur l’état de la situation dans le secteur. Ceux-ci font état d’un manque alarmant de matériel adéquat dans la plupart des unités de soins, accompagné d’une révision à la baisse des normes de précaution et une politique d’économie des stocks.

155En outre, la SeL regrette la proposition faite par le front commun syndical, le 19 mars, de mettre le fonds Blouses blanches à la disposition du gouvernement fédéral. Le mouvement rappelle que ce fonds structurel est une victoire de la lutte de 2019 et qu’il est essentiel pour augmenter les effectifs. La SeL demande un refinancement de la santé correspondant aux besoins du secteur. L’avance d’un milliard d’euros octroyée par les autorités fédérales sert certes à payer les salaires, mais, selon le mouvement, les institutions ont aussi besoin de matériel médical. De plus, pour la SeL, cette avance ne fera qu’augmenter les dettes des hôpitaux qui devront, par la suite, « se débrouiller pour être encore plus “rentables” afin d’éponger la dette». Dans un communiqué du 24 mars, la SeL revendique notamment « des moyens et un refinancement à la hauteur des besoins », «une gestion des stocks de matériel à l’échelle fédérale, une réquisition des stocks privés et une redistribution en fonction des besoins », et « un dépistage de tout le personnel à risque et des mesures de réorganisation pour ne pas mettre en jeu la santé du personnel ni les épuiser»  [176].

3.5. Vers une « exit strategy »

156Le 2 avril 2020, la Première ministre annonce la création d’un groupe chargé d’aider les décideurs politiques à préparer l’« exit strategy ». Ce groupe réunit des scientifiques, un administrateur d’entreprises, le gouverneur de la Banque nationale de Belgique (BNB), une juriste et la secrétaire générale de la Fédération des services sociaux (FDSS)  [177]. Contrairement aux représentants des entreprises, les syndicats et le personnel soignant ne sont pas invités à réfléchir au plan de déconfinement. Le secteur socio-culturel est également exclu des discussions.

157Le processus de décision, les mesures adoptées et la manière dont celles-ci seront appliquées (sans débat parlementaire et sans concertation) seront fortement questionnés par le personnel soignant.

3.5.1. Le plan de déconfinement général

158Présenté le 24 avril, le plan de déconfinement fait réagir le secteur de la santé. De nombreux communiqués rédigés par la SeL et par certains syndicats, ainsi que des cartes blanches signées par des médecins et du personnel soignant, regrettent une stratégie de santé publique peu transparente, non concertée et incohérente, reposant sur d’hypothétiques moyens supplémentaires (distribution de masques, dépistage, tracing, médicaments, matériel de protection, etc.), alors que le secteur de la santé est toujours en manque de matériel de protection, de réactifs, de médicaments et de personnel  [178].

159Des témoignages de terrain dénonçant les conditions de travail et de soins dans le secteur se multiplient sur la page Facebook de la SeL et dans les médias. Des situations problématiques concernant le manque de moyens humains et matériels dans les maisons de repos (MR) et les maisons de repos et de soins (MRS) sont portées à la connaissance du grand public. Depuis le début de la pandémie, de nombreux hôpitaux refusent l’hospitalisation de personnes résidant dans des homes. Le personnel des MR et des MRS doit donc fournir des soins palliatifs aux personnes malades, sans bénéficier de matériel de protection et palliatif ou de personnel suffisant.

160La SeL réclame de connaître le nombre de membres du personnel des institutions de soins de santé décédés des suites du Covid-19. Une estimation chiffrée permettrait de visualiser les risques encourus par le personnel dont l’image héroïque, véhiculée par les médias et les représentants politiques, est questionnée par la SeL : « Une héroïne, c’est exploitable à merci, un héros, ça se donne pour les autres, corps et âme ! Un héros ou une héroïne ça se sacrifie… Mais nous, nous ne sommes pas des martyrs ! »  [179] L’institut scientifique de santé publique lié au Service publique fédéral Santé publique, Sécurité de la chaîne alimentaire et Environnement, Sciensano, ne dévoilera finalement pas l’information demandée.

3.5.2. Des arrêtés royaux contestés

161Trois arrêtés royaux sont adoptés pour préparer les institutions de soins de santé au déconfinement.

162Le premier d’entre eux (19 avril) prévoit la possibilité de permettre temporairement – jusqu’au 31 décembre 2020 – l’exercice de l’art infirmier par des professionnels de santé non qualifiés dans les institutions de soins  [180]. Le but de cet arrêté royal est « d’élargir aux professionnels de la santé non habilités à le faire en temps normal, l’exercice des activités relevant de l’art infirmier et ainsi pouvoir prêter main forte aux médecins et infirmiers ».

163Le deuxième arrêté royal (29 avril) prévoit la possibilité temporaire – également jusqu’au 31 décembre 2020 – de réquisitionner des professionnels de soins de santé, peu importe le statut (employé ou indépendant) et le lieu de travail habituel  [181]. La réquisition peut être activée par l’État, les gouverneurs de province et/ou les directions des institutions de soins et des hôpitaux sans devoir passer par une concertation avec le personnel ni avec les syndicats.

164Le troisième arrêté royal (20 mai) adapte temporairement la loi du 3 juillet 2005 relative aux droits des volontaires afin de permettre aux MR et MRS privées de faire appel à des volontaires pendant une période limitée allant du 1er mai au 30 juin 2020  [182].

165Le 28 avril a lieu une réunion de concertation entre toutes les organisations syndicales de soins de santé et le cabinet de la ministre fédérale de la Santé publique. Les objectifs des arrêtés royaux sont exposés aux interlocuteurs sociaux, qui refusent de manière unanime les arrêtés royaux des 19 et 29 avril 2020. La CNE publie un communiqué pour exprimer son opposition à l’exécution d’activités infirmières par du personnel non infirmier. Quant à l’arrêté royal créant la possibilité de réquisitionner du personnel de santé, elle le considère « incompréhensible », car « même au plus haut de la crise, le volontarisme et la flexibilité du personnel ont permis de répondre au besoin »  [183]. Toutefois, si tous les syndicats réagissent contre les arrêtés royaux relatifs à la délégation de l’art infirmier et à la réquisition de personnel, ils ne se prononcent pas publiquement sur l’arrêté royal relatif au volontariat dans les MR et MRS privées. En revanche, cette dernière disposition est dénoncée par la SeL en tant qu’elle permet de disposer de travail gratuit au lieu d’embaucher du personnel supplémentaire.

166Lors de cette réunion de concertation, la ministre de la Santé publique annonce également un projet d’arrêté royal concernant le fonds Blouses blanches, en expliquant l’intention de procéder au transfert du fonds au financement habituel des hôpitaux  [184]. Selon la CNE, ce procédé offre peu de garanties quant au fait que les sommes concernées « ne serviront pas à un refinancement caché du secteur ». En outre, le syndicat dénonce le fait que, depuis le début de la crise sanitaire, le cabinet ne s’est réuni que deux fois avec les interlocuteurs sociaux  [185].

167Les arrêtés royaux des 19 et 29 avril 2020 sont publiés au Moniteur belge le 4 mai, qui est également la date de leur entrée en vigueur. Deux jours plus tard, le SETCA, la CGSP et la CNE dénoncent conjointement l’adoption de ces arrêtés royaux, qui risquent, selon ces syndicats, « de créer une vague de protestation au sein du personnel ». Ils regrettent l’absence de concertation sociale avec les interlocuteurs du secteur  [186]. Le 11 mai, la régionale bruxelloise de la FGTB lance un appel à signer une lettre demandant le retrait immédiat de ces deux arrêtés royaux. Ce texte, adressé à la Première ministre et à la ministre fédérale de la Santé publique, déplore également le manque de matériel de protection, de tests et d’effectif et fait part de l’incompréhension des signataires envers la priorité apportée par le gouvernement à « l’économique plutôt qu’au social et à la santé ». La pétition exige la réquisition du matériel de protection et des entreprises pouvant les produire, le dépistage de tout le personnel de première ligne, l’inclusion des laboratoires agréés dans la politique nationale de dépistage afin d’augmenter les capacités de testing, et un refinancement rapide des soins de santé et de l’ensemble de la sécurité sociale  [187].

168Pour sa part, la SeL publie un communiqué dénonçant le caractère non démocratique de l’adoption des trois arrêtés royaux, le gouvernement ayant fait usage de ses pouvoirs spéciaux, « c’est-à-dire sans débat parlementaire, sans discussion avec le terrain, sans concertation syndicale »  [188]. Elle questionne également les dispositions coercitives de l’arrêté royal relatif à la possibilité de réquisitionner des professionnels de la santé, qui prévoit même des peines pour celles et ceux qui refuseraient de répondre à la réquisition. La SeL estime que cela pourrait être utilisé pour empêcher toute action collective  [189].

169L’Union générale des infirmiers de Belgique (UGIB)  [190] réagit également. Elle pointe notamment l’arrêté royal concernant la délégation d’actes infirmiers , dont «le contenu et l’application des mesures restent flous»  [191]. La SeL conteste également ce même arrêté royal, en tant qu’il stipule que la « délégation d’acte doit se faire uniquement dans un contexte où le personnel infirmier est incapable, faute de temps, de le réaliser lui-même» ; selon le mouvement, la situation ainsi décrite ne serait en effet pas exceptionnelle : « N’ayant pas les effectifs suffisants, ce contexte de manque de temps est notre quotidien depuis des années»  [192].

170La colère produite par les arrêtés royaux s’ajoute au mécontentement engendré par la gestion gouvernementale de la pandémie. Le 5 mai, une centaine de médecins et de membres du personnel soignant adressent une lettre ouverte aux responsables politiques  [193]. Ils dénoncent une absence de concertation avec les acteurs de terrain. Les signataires demandent diverses choses : l’obligation du port du masque dans l’espace public et sur les lieux de travail ; une démonstration de confiance de la part de l’administration sur l’expertise du personnel des soins de la santé dans l’exercice de leurs missions ; l’association des laboratoires agréés à la stratégie de détection du Covid-19  [194] ; la mise en œuvre sans délai par les médecins généralistes d’une stratégie de traçage des contacts des personnes confirmées ou suspectées d’être infectées par le Covid-19 ; la consultation des représentants du personnel soignant sur la question des phases du déconfinement ; des mesures pour assurer la prise en charge des pathologies du personnel soignant liées au surcroît de travail et à la charge psychosociale ; un approvisionnement en matériel de protection adéquat ; un cadastre du personnel soignant malade ou décédé du Covid-19 ; l’assurance, à plus long terme, d’un financement adéquat des soins de santé pour développer une politique sanitaire respectueuse des besoins des patients, des patientes et du personnel soignant ; une médecine préventive de qualité.

171Le Collège de médecine générale (CMG) conteste également les mesures prises par le gouvernement fédéral. Son président dénonce le manque de communication de la part du ministre en charge du matériel médical, Philippe De Backer (Open VLD), et de la ministre de la Santé publique, M. De Block.

172Dans ce contexte de mécontentement général, le 4 mai, la SeL adresse une lettre aux syndicats, aux associations professionnelles, aux mutuelles, aux associations de patients et à l’ensemble des acteurs du secteur de la santé, les invitant à mettre en place une convergence des mouvements pour organiser la période post-confinement et pour mener une lutte commune en faveur d’un refinancement des soins de santé. La SeL invite les destinataires de la lettre à rejoindre l’appel à une grande manifestation de la santé et à participer, le 27 mai, à une réunion de coordination en vue de cette mobilisation.

3.6. Haie de déshonneur et relance en force du mouvement SeL

173Le 12 mai, journée internationale des infirmières et des infirmiers, les rues de Bruxelles sont le théâtre de la colère du personnel soignant qui a placardé des messages dans des endroits stratégiques de la ville. On peut y lire : « Le capital tue l’hôpital », « Évasion fiscale. Enfer à l’hôpital» ou, comme signe avant-coureur d’un déconfinement de la lutte, « Aujourd’hui nous soignons. Demain dans la rue ».

174Quatre jours plus tard, le personnel soignant organise une action médiatiquement marquante. Le 16 mai, la Première ministre se rend au service d’urgence du CHU Saint-Pierre à Bruxelles. Un important dispositif médiatique est organisé pour relayer cette première visite de S. Wilmès dans un hôpital depuis le début de la crise sanitaire. Or, à son arrivée, une centaine de membres du personnel soignant forme une « haie de déshonneur », en tournant le dos au cortège de voitures ministériel. Les images de l’action ont une répercussion médiatique mondiale.

175Cette action marque une relance en force du mouvement du personnel soignant. Le 15 mai, la CSC-SP dépose un préavis de grève dans toutes les institutions de soins de la Communauté française pour protester contre les arrêtés royaux relatifs à la délégation d’actes infirmiers et à la réquisition de personnel, et pour exiger une concertation sociale entre le gouvernement fédéral et les interlocuteurs sociaux  [195]. Cette initiative est suivie, le 18 mai, par la CNE et le SETCA. La CNE dénonce également l’intention du gouvernement fédéral de transférer le budget du fonds Blouses blanches vers le budget des moyens financiers « sans accord social préalable »  [196]. Les syndicats réclament un réinvestissement dans le secteur des soins et de l’aide aux personnes, avec des solutions pérennes  [197]. Le 19 mai, le SLFP dépose un préavis de grève à durée indéterminée. Il dénonce l’absence de concertation avec les représentants syndicaux et réclame d’urgence un plan global prévoyant des investissements structurels  [198].

176Le gouvernement fédéral tente d’apaiser la colère. Le 19 mai, la Première ministre fait part de son souhait de voir une concertation s’engager rapidement avec le personnel soignant. Le 20 mai, la ministre de la Santé publique, le ministre du Budget (David Clarinval, MR) et la ministre de l’Emploi (Nathalie Muylle, CD&V) organisent une réunion d’urgence avec les organisations syndicales du secteur des soins de la santé. Les ministres s’engagent à geler les deux arrêtés royaux contestés (ceux des 19 et 29 avril 2020) et fournissent un agenda de concertation sociale en vue de revaloriser le métier d’infirmier  [199]. Le 29 mai, les deux arrêtés royaux controversés sont abrogés  [200]. La SeL salue « cette première victoire », tout en soulignant que l’obtention d’un refinancement massif du secteur nécessite que les négociations collectives soient accompagnées d’une forte mobilisation sur les lieux de travail. En outre, le mouvement demande que les négociations collectives prennent en considération l’ensemble des métiers présents dans les institutions de soins de santé. Il appelle à poursuivre les actions et convoque une deuxième haie de déshonneur pour le 14 juin  [201].

177Les syndicats saluent également les décisions gouvernementales, mais certaines centrales appellent à continuer la mobilisation. Le 26 mai, la CGSP dépose un préavis de grève pour la Région bruxelloise et la Wallonie afin de « forcer le gouvernement à tenir ses engagements, en lançant le plus rapidement possible la consultation prévue avec les représentants des travailleurs de la santé »  [202]. Le 27 mai, le syndicat organise des distributions de tracts devant plusieurs hôpitaux wallons. Le 3 juin, la CGSP Hainaut occidental-Mons Borinage-Centre, organise des actions au sein des MR et des MRS. Le syndicat revendique un refinancement de la sécurité sociale et des soins de santé, avec une attention spéciale pour l’encadrement et l’accompagnement des personnes âgées ; une amélioration des conditions de travail et une revalorisation salariale pour l’ensemble du personnel du secteur ; des tests de dépistage réguliers et de l’équipement de protection en suffisance pour tout le personnel  [203]. La CGSP Bruxelles organise également des actions. La secrétaire régionale bruxelloise, Carine Rosteleur, explique que le manque de confiance envers le gouvernement fédéral résulte de quatre années – à savoir celles des gouvernements Michel I et II – durant lesquelles « les négociations étaient insultantes (…). Lorsque nous montrions nos désaccords, les représentants du gouvernement quittaient la réunion ou répondaient par la menace. Certains syndicats n’étaient plus admis dans les réunions, ils ne recevaient plus les documents ». Selon C. Rosteleur, c’est la mobilisation du personnel qui a forcé l’ouverture d’un dialogue.

178Du côté du secteur privé, le SETCA invite le personnel des hôpitaux wallons à sortir pendant quelques minutes les 2 et 3 juin pour « demander un financement structurel permettant d’améliorer les conditions de travail et salariales», ce qui implique « plus de bras, de meilleurs salaires, la garantie de disponibilité des équipements de protection pour tous, la protection de la santé physique et mentale, la garantie de l’équilibre entre travail et vie privée, de moins de stress et de plus de temps au chevet des malades »  [204].

3.6.1. La SeL organise la convergence pour la Grande manifestation de la santé

179Le 27 mai, la SeL organise la réunion proposée aux différentes organisations du secteur de la santé ainsi qu’à de nombreux collectifs, associations et mouvements sociaux.

180Plus de 43 personnes participent. Parmi les syndicats, figurent la CGSP Bruxelles et le SETCA Bruxelles-Hal-Vilvorde. La CSC-SP et la CGSLB n’assistent pas à la réunion ; quant à la CNE, son secrétaire national est présent à titre d’« observateur » car il n’a pas de mandat pour y participer. On note notamment la présence d’Act for Climate Justice, des Actrices et acteurs des temps présents (AADTP), du Comité inter-universitaire des étudiants en médecine et en dentisterie (CIUM), du Comité pour l’abolition des dettes illégitimes (CADTM), d’Extinction Rebellion (XR), de la Fédération des maisons médicales et des collectifs de santé francophones (FMM), du Gang des vieux en colère (GVC), de l’asbl Médecine pour le peuple (MPLP), de la Plateforme d’action Santé et solidarité (PASS), de Rencontre des continents, du Réseau wallon de lutte contre la pauvreté (RWLP), de Résistance contre l’oppression, le sexisme et l’austérité (ROSA), de Travail social en lutte et de l’Union professionnelle des sages-femmes belges (UPSFB). Des associations étrangères sont également présentes : la Fédération SUD Santé Sociaux  [205] (France) et le syndicat espagnol Movimiento Asambleario de Trabajadores-as de Sanidad (MATS, Mouvement assembléaire des travailleur·se·s de la santé).

181Les organisations présentes confirment la date du 13 septembre pour la tenue d’une grande manifestation de la santé. S’il est prévu que chacune des organisations participera avec ses propres revendications, toutes porteront les messages communs « Refinancement des soins de santé » et « Contre la marchandisation ».

3.6.2. Haies de déshonneur

182La SeL lance un appel en faveur de rassemblements le 14 juin devant le cabinet de la ministre fédérale de la Santé publique à Bruxelles, le SPF Finances à Charleroi, le cabinet de la ministre wallonne en charge de la Santé (Christie Morreale, PS) à Namur et sur la place Saint-Lambert à Liège. Le mouvement appelle à « tourner le dos » aux autorités qui, après « des années de coupes du budget de la santé », ont « minimisé les risques de l’épidémie, maintenant l’activité économique tant qu’ils le pouvaient », et ont ainsi « mis en danger le personnel de première ligne » et « laissé mourir les personnes âgées dans des conditions inhumaines ». La SeL revendique un accès à des soins de qualité pour toutes et tous, un renforcement des métiers et des salaires, un fonctionnement démocratique dans les institutions de soins, une augmentation des effectifs, des contrats stables, une santé basée sur l’humain plutôt que sur les chiffres, et une sécurité sociale forte  [206].

183Les bourgmestres de Namur (Maxime Prévot, CDH) et de Bruxelles (Philippe Close, PS), interdisent le rassemblement. La SeL annule l’action prévue à Namur, mais maintient le rassemblement à Bruxelles. Cependant, elle introduit à cette fin un recours en extrême urgence auprès du Conseil d’État. Quelques minutes avant le rassemblement, le Conseil d’État rend un arrêt déboutant le recours  [207]. La SeL décide malgré tout de maintenir son action à Bruxelles. Environ 300 personnes se ressemblent sous les regards de policiers en nombre, qui accordent au mouvement une heure de « tolérance » avant de « passer à l’acte » si les personnes rassemblées ne se dispersent pas. À Liège comme à Charleroi, près de 200 personnes participent à l’action .

184Bien que la SeL ait annoncé l’annulation du rassemblement prévu à Namur, une petite cinquantaine de personnes se rassemblent tout de même en bord de Meuse, à Jambes (où se trouve l’Élysette, siège de la ministre-présidence du gouvernement wallon)  [208].

3.6.3. Des mobilisations dans le secteur public bruxellois

185Au lendemain de ces haies de déshonneur, le personnel soignant des hôpitaux publics bruxellois continue à faire entendre son mécontentement par le moyen de mobilisations organisées en front commun par les trois syndicats (CGSP, CSC-SP et CGSLB) avec le mot d’ordre « Après les applaudissements  [209], le refinancement ».

186La première journée de mobilisation a lieu le 16 juin : plus de 200 personnes manifestent devant le CHU Brugmann  [210] et l’Hôpital universitaire des enfants Reine Fabiola (HUDERF). Le 17 juin, plus de 250 personnes forment une chaîne humaine entre le CHU Saint-Pierre et l’Institut Jules Bordet. Les actions se poursuivent le 22 juin aux portes de l’Hôpital Joseph Bracops : près de 200 personnes se rassemblent en respectant une minute de silence en hommage à une infirmière du réseau des Hôpitaux Iris Sud (HIS), décédée la veille du Covid-19. Le 23 juin, le personnel de l’Hôpital d’Etterbeek-Ixelles manifeste. La dernière action a lieu le 24 juin, devant l’Hôpital Molière Longchamp  [211].

3.6.4. Des mobilisations dans le secteur privé

187Le 18 juin, les syndicats du secteur non marchand lancent des actions au niveau national pour un « New Deal Non marchand ». Ils réclament une hausse des salaires et l’amélioration des conditions de travail. En Région bruxelloise, des actions d’information et de sensibilisation sont organisées aux Cliniques universitaires Saint-Luc (dépendant de l’UCLouvain), à l’Hôpital Érasme - Cliniques universitaires de Bruxelles et à l’Hôpital Delta (membre du Centre hospitalier interrégional Edith-Cavell - CHIREC), ainsi que dans des MR et des MRS.

188Pour la première fois, une mobilisation coordonnée se tient en Flandre, où des actions de sensibilisation ont lieu dans certains hôpitaux et dans d’autres institutions du secteur non marchand  [212].

189La plupart des actions sont d’ordre symbolique, à l’exception de celle qui se tient au centre d’hébergement pour personnes handicapées Maison Saint-Édouard à Stoumont (en province de Liège). La petite centaine de membres du personnel fait grève pour la première fois dans l’histoire de cette institution, pour dénoncer « les conditions de travail difficiles, les horaires insoutenables physiquement et l’impossibilité de concilier vie privée et vie professionnelle»  [213].

3.7. L’adoption de la loi pérennisant le fonds Blouses blanches

190Le 18 juin 2020, la Chambre des représentants adopte la proposition de loi pérennisant le fonds Blouses blanches. Datée du 30 juin suivant, la loi prévoit un fonds de 402 millions d’euros pour financer la création d’emplois (318 600 000 euros pour recruter du personnel salarié à domicile ou à l’hôpital), pour améliorer les conditions de travail (48 millions d’euros pour améliorer l’emploi du personnel infirmier et aide-soignant indépendant) et pour financer la formation et le tutorat du personnel soignant (35 400 000 euros)  [214].

191La CNE et la SeL saluent la mise en œuvre des engagements tenus par le gouvernement fédéral, tout en soulignant l’insuffisance de ces mesures. La CNE – qui négocie alors avec les cabinets des différents ministres en charge de la Santé (aux niveaux fédéral et fédérés) afin d’obtenir « une revalorisation barémique et une amélioration des conditions de travail » du personnel soignant – calcule que le budget nécessaire avoisine le milliard d’euros  [215]. La SeL regrette que les MR et les MRS ne soient pas incluses dans le fonds Blouses blanches, ainsi que le fait que celui-ci ne concerne que le personnel soignant, excluant les autres métiers essentiels à l’hôpital. Le mouvement exprime également des doutes quant à l’efficacité de ce fonds dans un contexte où les hôpitaux sont de plus en plus endettés, notamment en raison des sommes avancées par l’État pour répondre à la crise sanitaire et qui devront être remboursées. Il craint que les acquis obtenus avec le fonds Blouses blanches soient enlevés par des mesures prises par les directions hospitalières pour honorer leurs dettes, imposant au personnel « plus d’efficacité financière, plus de rentabilité, plus vite, pour moins cher, avec moins de matériel, etc. »  [216].

192En effet, au milliard d’euros avancé par les autorités fédérales aux hôpitaux généraux s’ajoutent deux tranches supplémentaires de 500 millions d’euros pour les hôpitaux généraux et psychiatriques  [217]. Ces avances augmentent les dettes des hôpitaux qui, de plus, ont souffert d’une importante perte de revenus. Selon les calculs effectués par les directions du CHU Saint-Pierre et du Centre hospitalier régional (CHR) de la Citadelle à Liège, le secteur hospitalier risque de perdre 5 à 7 milliards d’euros  [218]. En effet, étant donné que les hôpitaux sont financés selon le nombre d’actes réalisés, la chute des consultations, des chirurgies et des examens a impliqué une forte diminution des rentrées financières. Cette problématique met en évidence l’une des principales critiques formulées par la SeL relativement au système de financement du secteur des soins de santé, qui selon le mouvement pousse à la « marchandisation de la santé » et incite les directions des institutions de soins de santé à prôner une gestion managériale de ce qui reste du service public. C’est à travers cette critique que la SeL recontextualise le problème financier des hôpitaux, qui ne correspond pas à des pertes concrètes comme l’assurent les directions hospitalières, mais à « un “manque à gagner” qui plombe les budgets». Pour le mouvement, c’est donc moins la pandémie que le financement à l’acte, doublé de l’endettement nécessaire pour affronter la crise sanitaire, qui a fait plonger les bilans comptables des hôpitaux  [219].

3.8. Un avant-projet d’accord social

193Le 7 juillet 2020, les trois ministres fédéraux chargés de mener les négociations (la ministre de la Santé publique, M. De Block, le ministre du Budget, D. Clarinval, et la ministre de l’Emploi, N. Muylle) concluent un nouvel avant-projet d’accord social « post-covid » qui prévoit, entre autres : l’application des échelles salariales à 100 % et l’harmonisation des salaires entre le public et le privé ; la reconnaissance des compétences acquises ailleurs et la mise en place d’une évaluation des salaires ; l’octroi d’un treizième mois ; une réflexion sur la gestion des stocks de protection ainsi que sur la conversion rapide de personnel dans les secteurs utiles lors d’une crise ; la mise en place de mesures pour les fins de carrière , l’augmentation du deuxième pilier de pension ; et l’augmentation des formations. Pour mettre en œuvre ces mesures, les ministres proposent un budget de 600 millions d’euros, s’ajoutant aux 402 millions d’euros du fonds Blouses blanches  [220].

194Les syndicats saluent cette proposition. La CNE considère néanmoins que le budget alloué permettra difficilement d’atteindre l’ensemble des objectifs fixés. À ses yeux, en ce qui concerne les conditions de travail, cela laisse plutôt présager « des négociations difficiles à l’automne » pour concrétiser l’ensemble des mesures via des conventions collectives de travail  [221]. Tandis que le SETCA annonce la levée du préavis de grève à durée indéterminée déposé le 18 mai (cf. supra)  [222], la CGSP-Admi se réjouit de cet avant-projet tout en annonçant ne pas relâcher la garde  [223]. La SeL se réjouit également mais, tout comme la CNE, considère que les montants octroyés restent insuffisants, au vu notamment des « 2,1 milliards d’euros d’économies » réalisés sous le seul mandat de M. De Block. Le mouvement insiste également sur la prise en considération des MR et des MRS, indispensable selon lui.

3.9. Une reprise mouvementée

195Le mois de septembre est marqué par la poursuite des stratégies d’action collective visant à augmenter la pression sur le prochain gouvernement fédéral afin d’obtenir un refinancement massif du secteur. Le 11 septembre 2020, le front commun syndical du secteur public bruxellois (CGSP-ALR, CSC-SP et SLFP) dépose un préavis d’actions pouvant mener jusqu’à la grève pour les administrations et les hôpitaux publics bruxellois. Deux jours plus tard, quelque 7 000 personnes participent à la Grande manifestation de la santé.

3.9.1. Deuxième assemblée générale régionale de la SeL de Liège (20 août 2020)

196Le 20 août, la coordination liégeoise de la SeL organise sa deuxième assemblée générale régionale. Après un tour de parole sur les vécus de personnes présentes, la discussion porte sur les revendications de la SeL, puis sur les préparatifs de la manifestation du 13 septembre et sur les stratégies à mettre en œuvre dans le cas où la manifestation ne serait pas autorisée. Les débats tournent notamment autour des revendications centrales de la manifestation : « Refinancement des soins de santé » et « Contre la marchandisation ».

197Les interventions soulignent la nécessité de questionner l’usage qui est fait du financement revendiqué. Un gaspillage existerait, qui serait dû soit au mode de financement des institutions en fonction des actes prestés soit à l’informatisation des institutions. D’autres interventions soulèvent plus concrètement les négociations en cours concernant le déblocage de 600 millions d’euros qui serviront, notamment, à mettre en œuvre un nouveau modèle salarial. La SeL indique qu’il suivra de près les propositions qui seront faites par le gouvernement fédéral concernant ce nouveau modèle salarial  [224].

3.9.2. Préavis de grève déposé par le front commun syndical du service public bruxellois

198Le 11 septembre, à la suite d’une réunion tenue avec les autorités régionales bruxelloises, le front commun syndical (CGSP, CSC et SLFP) du secteur des administrations locales et régionales de la Région bruxelloise dépose un préavis de grève. Les syndicats réclament la mise en application du budget dégagé pour la revalorisation barémique du personnel des services communaux, des centres publics d’action sociale (CPAS) et des hôpitaux publics du réseau bruxellois IRIS  [225].

199Cette revendication date de 2018. Le front commun syndical avait alors adressé un cahier de revendications aux pouvoirs publics bruxellois, incluant entre autres une augmentation barémique de 10 %, une politique de statutarisation massive et un allongement barémique des carrières. Les négociations sont longtemps restées bloquées. Cette situation a donné lieu à une forte mobilisation durant le deuxième semestre 2019  [226]. En décembre 2019, 15 millions d’euros ont été annoncés pour les pouvoirs locaux et 8 millions pour les hôpitaux du réseau IRIS. Or, neuf mois plus tard, le budget n’est toujours pas distribué, car les autorités régionales n’ont pas encore pris de décision sur les formes de répartition. En déposant un préavis de grève, les syndicats cherchent à obtenir des avancées lors de la réunion du gouvernement régional bruxellois qui se tiendra le 17 septembre.

3.9.3. La Grande manifestation de la santé (13 septembre 2020)

200Eu égard aux mesures sanitaires limitant les rassemblements à l’extérieur à un maximum de 400 personnes, il est prévu que la Grande manifestation de la santé soit divisée en plusieurs blocs : pompiers, personnel soignant, travailleurs sociaux, syndicats – bloc organisé par la FGTB Bruxelles, la CGSP-SIAMU (Service d’incendie et d’aide médicale urgente), la CGSP-ALR (Administrations locales et régionales) et le SETCA BHV –, sans-papiers (organisé notamment par la CSC Bruxelles des migrant.e.s/Action des travailleurs.ses migrants.es avec et sans papiers), logement, féminisme et écologie. En dépit de cette organisation garantissant le respect des mesures sanitaires, les autorités communales bruxelloises n’autorisent pas la manifestation. La SeL réagit en publiant une carte blanche dans Le Soir, signée par 620 travailleuses et travailleurs de la santé  [227].

201La veille de la manifestation, un accord est finalement obtenu avec les autorités communales pour manifester de la gare de Bruxelles-Central au boulevard de l’Empereur en passant par le Mont des Arts. L’autorisation court jusque 16 heures.

202Le 13 septembre, des départs vers Bruxelles sont organisés depuis Anvers, Arlon, Bruges, Charleroi, Gand, Liège, Louvain-la-Neuve, Mons, Namur, Tournai, Verviers et Lille. La manifestation est coorganisée par la SeL, des organisations syndicales  [228], des organisations non gouvernementales (ONG) médicales de coopération au développement  [229], des associations  [230], des collectifs  [231], le CIUM, la FMM, MPLP et l’UPSFB, ainsi que des organisations françaises comme la Fédération nationale des syndicats des services de santé et des services sociaux, la Fédération SUD Santé Sociaux et le Collectif Inter Urgences.

203Selon la SeL, plus de 7 000 personnes participent à cette manifestation pour revendiquer la fin de la marchandisation et un refinancement massif et pérenne des soins de santé  [232]. La manifestation est remarquable du point de vue tant quantitatif que qualitatif. Le travail préalable d’organisation et d’échange entre différentes organisations se reflète dans la diversité de discours et de slogans, abordant de manière convergente la question de la santé avec des problématiques comme le logement, les permis de séjour, les inégalités sociales et de genre, le climat, l’environnement et les conditions de travail.

204L’événement se déroule dans le respect des accords passés avec les autorités communales. Cependant, une demi-heure avant la fin du temps autorisé pour manifester, la police intervient en encerclant les manifestantes et les manifestants. À ce moment, beaucoup des personnes ont déjà quitté la manifestation, d’autres sont en train de le faire et d’autres encore, en voyant le préparatif policier, tentent d’échapper à la « nasse » en remontant le Mont des Arts vers la rue de la Régence, où les attend la police. Au total, 35 personnes sont arrêtées, dont 3 judiciairement. Des mineurs sont également arrêtés.

205La SeL ne tarde pas à dénoncer ce qu’elle estime être un usage injustifié et démesuré de la force. En outre, elle appelle aux témoignages, qui se multiplient en peu de temps sur la page Facebook du mouvement. Le journal Le Soir procède à une enquête qui semble confirmer les arrestations abusives et un usage disproportionné de la force. Initialement, la police avait parlé d’« incidents mineurs, sans gravité », en justifiant le procédé employé par la présence d’« éléments radicaux » essayant de « relancer le cortège ». Mais suite à la publication de l’enquête menée par Le Soir et aux interpellations des associations, la zone de police Bruxelles-Capitale/Ixelles (PolBru) ouvre une enquête administrative. Dans l’attente de celle-ci, le commissaire Pierre Vandersmissen (directeur des interventions) est temporairement écarté de ses fonctions  [233].

206Les trois personnes arrêtées judiciairement ont porté plainte contre X auprès du parquet de Bruxelles pour coups et blessures ayant entraîné une incapacité de travail, des arrestations et des détentions arbitraires ainsi que pour non-assistance à personne en danger, le tout étant aggravé par le mobile de délits avancés, à savoir les convictions philosophiques et politiques des plaignants  [234]. Onze des 32 personnes arrêtées administrativement ont porté plainte auprès du Comité permanent de contrôle de services de police (Comité P). En outre, les personnes arrêtées et/ou blessées ont créé le Collectif Rue de la Régence. Enfin, une interpellation citoyenne au conseil communal de Bruxelles a été déposée, mais elle a été refusée par la ville  [235].

3.10. La SeL réagit aux premières notes du gouvernement Vivaldi

207Le 1er octobre 2020, soit 494 jours après les élections du 26 mai 2019, un nouveau gouvernement fédéral de plein exercice est formé ; il est composé de sept partis politiques (MR, PS, Écolo, Open VLD, SP.A, CD&V et Groen). Cette coalition « Vivaldi », dirigée par Alexander De Croo (Open VLD) au poste de Premier ministre, annonce que la priorité absolue sera donnée à la lutte contre la pandémie de Covid-19 et ses effets. L’accord de gouvernement prévoit un financement « significatif » des soins de santé : un budget récurrent de 1,2 milliard d’euros est ajouté à la norme de croissance légale  [236].

208Le 4 octobre, la SeL publie son analyse de l’accord du nouveau gouvernement  [237]. Le mouvement pointe notamment la continuité avec la précédente législature concernant la mise en œuvre des politiques d’austérité budgétaire et la réforme libérale du système de soins de santé. Les principales critiques relatives à l’accord de gouvernement sont structurées autour de cinq points majeurs.

209Primo, même si la norme de croissance budgétaire passe de 1,5 % à 2,5 % à partir de 2022, l’augmentation annoncée ne suffit pas pour compenser les centaines de millions d’euros d’économie résultant des politiques d’austérité et des coupes budgétaires appliquées dans le secteur depuis de nombreuses années.

210Secundo, l’accord de gouvernement prévoit d’« augmenter l’efficience et la qualité de notre système de soins de santé sur base des faits scientifiques et des besoins du patient. [Le gouvernement] combattra les phénomènes qui peuvent conduire à la surconsommation de soins, d’analyses et de médicaments »  [238]. Sur ce point, la SeL critique une approche axée sur la culpabilisation et la responsabilisation des individus au lieu de s’attaquer au mode de fonctionnement du système des soins qui pousse à la surconsommation de soins, médicaments et analyses.

211Tertio, le budget de 1,2 milliard d’euros annoncé comme étant l’un des principaux moyens pour refinancer le secteur est également passé au crible. La SeL pointe le fait que l’enveloppe en question ne résulte pas d’une simple mesure de refinancement supplémentaire accordée par le gouvernement fédéral pour faire face à la crise actuelle, mais plutôt de l’aboutissement des luttes des années précédentes, car 402 millions d’euros du total correspondent à la pérennisation du fonds Blouses blanches. En outre, si cette enveloppe peut être mobilisée pour engager du personnel supplémentaire, les montants en question ne suffisent pas pour revoir les normes d’encadrement nécessaires et garantir la sécurité des patients et des patientes, comme recommandé par la dernière étude du Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE)  [239]. La SeL attire également l’attention sur le fait que ce financement couvre seulement la formation et l’engagement du personnel soignant ; bien qu’essentiels au fonctionnement des structures de soins, les métiers hôteliers, logistiques et administratifs ne sont pas pris en considération. Par ailleurs, 600 millions d’euros seront destinés au financement de la réforme barémique obtenue au travers de l’accord social conclu dans le courant de l’été  [240] et 220 autres millions d’euros au refinancement de la santé mentale.

212Quarto et concernant la volonté du gouvernement De Croo d’augmenter la transparence quant à la qualité des soins fournis à la population, la SeL dénonce l’emprise de plus en plus importante du « new public management » sur les institutions de soins et notamment les effets pervers des dispositifs d’évaluation de performance qui poussent les institutions dans une logique de mise en concurrence des hôpitaux (logique qui est d’ailleurs renforcée par un système de financement de structures en fonction du travail qui a été réalisé et non de ce qui devrait pouvoir être assuré dans le cadre d’une prestation de soins optimale).

213Quinto et enfin, la SeL soulève les conditions d’accès aux soins de la population. Si la note du gouvernement fédéral dresse le constat des inégalités sociales d’accès aux soins, l’absence de stratégies et d’un budget prévu pour apporter des pistes de solution est mise en évidence.

3.11. La recrudescence de la crise sanitaire et du mouvement de protestation

214Le début de la deuxième vague de la pandémie de Covid-19 va de pair avec la montée en puissance de la mobilisation sur le terrain. Pour la SeL, c’est le moment de définir des stratégies d’action collective et de structurer le mouvement. À l’intérieur des hôpitaux, les mobilisations se multiplient dans l’ensemble du secteur pour dénoncer les engagements non tenus auprès du personnel de santé et le manque cruel d’anticipation de la part du gouvernement fédéral pour gérer la pandémie.

3.11.1. Quatrième assemblée générale nationale de la SeL (Bruxelles, 15 octobre 2020) : bilan du parcours et stratégies d’action

215Le 15 octobre 2020, époque où les hôpitaux bruxellois repassent en phase 1B pour répondre à la recrudescence de la pandémie  [241], la SeL organise sa quatrième assemblée générale nationale. L’objectif de cette rencontre est de réaliser un bilan des actions entreprises depuis la naissance du mouvement, de faire un retour sur la Grande manifestation de la santé et de définir des stratégies d’action collective pour les mois à venir  [242].

216Cette assemblée générale nationale réunit 120 personnes, parmi lesquelles des membres du personnel infirmier des hôpitaux publics et privés et de maisons médicales, des usagers et usagères, et des délégués et déléguées syndicaux de la CGSP-ALR. Les thématiques soulevées relèvent notamment de la question des moyens obtenus via le fonds Blouses blanches et des usages qui en sont faits par les hôpitaux. Ainsi, une participante explique que, dans certains d’hôpitaux, le fonds est mobilisé dans une optique de réduction des coûts où le personnel infirmier est remplacé par des aides-soignantes et aides-soignants ; elle avertit qu’il existe un risque de glissement des responsabilités ne s’accompagnant pas du salaire correspondant. Les potentialités de la convergence des luttes autour de la santé sont une autre thématique évoquée dans les interventions.

217Suite au constat partagé par toutes et tous au sujet de la dégradation des conditions de travail et de l’absence de réponses concrètes du gouvernement fédéral (absence d’engagement supplémentaire de personnel soignant et de renfort de soutien administratif et logistique, absence de revalorisation salariale, absence de dépistage massif, etc.), des stratégies d’action visant à renverser le rapport de force sont dégagées au cours de la seconde partie de la rencontre. Trois stratégies sont retenues par le vote unanime de l’assemblée générale nationale. Premièrement, mobiliser les bases en vue de l’organisation d’une grève nationale et internationale au printemps 2021. Deuxièmement, soutenir des luttes locales et mettre en place des actions fortes de manière récurrente et coordonnée. Troisièmement, tenir des réunions par structure hospitalière et par région afin de structurer le mouvement et de favoriser la mise en réseau  [243].

3.11.2. La propagation des protestations contre la pénurie de personnel

218Face à la gravité de la crise sanitaire, le personnel soignant des hôpitaux publics et privés se mobilise en Région bruxelloise et en Wallonie pour dénoncer les engagements non tenus par le gouvernement fédéral suite à la première vague de pandémie ainsi que le manque criant de moyens et de personnel pour anticiper la gestion de la deuxième vague. En effet, dès le début de cette deuxième vague, les hôpitaux sont très rapidement mis sous tension en raison d’une arrivée massive de patients, doublée d’une intensification de la demande de soins ayant été reportés lors de la première vague.

219En Région bruxelloise, le permanent CGSP pour les hôpitaux du réseau Iris dénonce une mise sous pression du personnel telle que, dans plusieurs institutions, du personnel testé positif est appelé à rester en fonction pour assurer la continuité des soins  [244]. Du côté des hôpitaux privés, le 19 octobre, certains membres du personnel de l’Hôpital Érasme procèdent à un arrêt de travail spontané de dix minutes  [245] ; cette action vise à faire entendre leur « appel au secours » dans le cadre de la pénurie de personnel soignant, qui rend les cadences et rythmes de travail intenables.

220En Wallonie, le 29 octobre, la CNE appelle le personnel du groupe de santé de la clinique Centre hospitalier chrétien (CHC) MontLégia à Liège  [246] à manifester pour dénoncer l’épuisement du personnel et le non-respect des engagements pris par les pouvoirs publics (à savoir une revalorisation barémique, une amélioration des conditions de travail et la défiscalisation des heures supplémentaires prestées entre le mois d’avril et celui de juin). L’action est ouvertement soutenue par la SeL, qui encourage par ailleurs toute autre action menée sur le terrain pour visibiliser la pénurie et l’épuisement du personnel  [247].

3.12. La signature de l’accord social non marchand pour le secteur de santé fédéral

221Le 12 novembre 2020, soit quatre mois après les engagements pris par l’ancien gouvernement fédéral dans le cadre de l’avant-projet d’accord social « post-covid » conclu le 7 juillet 2020 entre le gouvernement fédéral et les interlocuteurs sociaux du secteur des soins de santé fédéraux, le nouveau gouvernement fédéral confirme le contenu de cet accord par la signature officielle du ministre de la Santé publique, Franck Vandenbroucke (SP.A) et le ministre de l’Économie et du Travail, Pierre-Yves Dermagne (PS)  [248]. Afin de revaloriser le secteur des soins de santé, l’accord prévoit la mobilisation d’un financement supplémentaire de 600 millions d’euros. Parmi ceux-ci, 500 millions d’euros seront consacrés à la revalorisation salariale de l’ensemble du personnel du secteur de la santé sur la base d’une réforme barémique  [249] et de l’harmonisation des salaires dans les secteurs privé et public. Les 100 autres millions d’euros serviront à améliorer les conditions de travail . Cette dernière partie devra encore faire l’objet de négociations au sein des différentes commissions paritaires du secteur  [250].

222En outre, le 14 novembre, le ministre de la Santé publique annonce le versement d’une prime d’encouragement exceptionnelle de maximum 985 euros bruts pour le personnel des hôpitaux. Cette prime payée en 2020 équivaut à une prime one shot d’un total de 200 millions d’euros. De plus, des chèques à la consommation d’un montant de 300 euros au prorata du temps de travail presté dans les hôpitaux seront octroyés (qui devront être dépensés avant la fin de l’année 2021)  [251].

223Le secrétaire national de la CNE se dit satisfait par le respect des promesses relatives à la revalorisation barémique. Cependant, pour ce qui concerne les montants prévus pour l’amélioration des conditions de travail, il ne cache pas son inquiétude : selon lui, la somme de 100 millions d’euros sera insuffisante pour aboutir à un accord avec les employeurs du secteur en vue d’améliorer les conditions de travail et d’attirer de nouveaux candidats à la profession. Quant à elle, la CGSLB critique le fait que les primes d’encouragement de 985 euros bruts ne sont octroyées qu’au personnel des hôpitaux et non à l’ensemble du personnel des secteurs fédéraux de la santé.

224La SeL rend également publique sa position au sujet du nouvel accord  [252]. Elle considère que les engagements pris relativement à la réforme barémique, l’octroi de primes d’encouragement pour le personnel hospitalier et les chèques à la consommation sont des victoires plus ou moins importantes résultant de luttes menées sur le terrain. Néanmoins, le mouvement déplore que cinq enjeux majeurs restent toujours sans réponse, à savoir l’abrogation de la loi sur la délégation d’actes infirmiers (cf. infra) ; un refinancement structurel de la santé ; l’engagement immédiat de personnel administratif, logistique, hôtelier et soignant ; la révision des normes d’encadrement ; la mise en œuvre d’une véritable politique d’attractivité pour les métiers de soins.

3.13. Retour sur le terrain : fortes mobilisations contre la délégation d’actes infirmiers

225Pour faire face à la deuxième vague de la pandémie, le gouvernement fédéral durcit les mesures restrictives vis-à-vis de la population pour ralentir la propagation du virus et éviter la saturation des hôpitaux.

226Le 5 novembre 2020, la Chambre des représentants adopte en urgence une proposition de loi qui autorise des personnes non légalement qualifiées à exercer, dans le cadre de la pandémie de Covid-19, des activités relevant de l’art infirmier. Datée du 6 novembre, cette loi entre en vigueur le même jour, date de sa parution au Moniteur belge [253]. Aux termes de son article 4, elle « cesse[ra] d’être en vigueur le 1er avril 2021 » ; toutefois, un arrêté délibéré en Conseil des ministres pourra fixer une date de fin de vigueur qui en prolongera l’application « d’une période de six mois au maximum ».

227Cette loi déclenche de nouvelles mobilisations en Région bruxelloise et en Wallonie. Tout au long du mois de novembre, syndicats, mouvements sociaux et associations professionnelles expriment leur ferme opposition à cette loi.

228Le 6 novembre, le personnel de l’Hôpital de Braine-l’Alleud-Waterloo (établissement privé membre du CHIREC) et les représentants de la CNE dénoncent l’absence de satisfaction des demandes qu’ils ont adressées, d’une part, aux pouvoirs publics en faveur de moyens financiers supplémentaires et, d’autre part, aux fédérations patronales et à la direction de l’hôpital en vue de meilleures conditions de travail  [254]. Ils s’adressent au ministre fédéral de la Santé publique pour réclamer l’augmentation du personnel, la revalorisation de l’attractivité de la profession d’infirmière et la reconnaissance de la pénibilité des métiers hospitaliers. En parallèle à l’action menée sur le terrain, un communiqué de presse de la CNE avertit d’une poursuite des actions sur le terrain et dénonce le fait que la loi du 6 novembre 2020 n’a fait l’objet d’aucune concertation avec les interlocuteurs sociaux  [255]. Le personnel soignant de l’Hôpital Érasme et les représentants du SETCA mènent également une protestation de 24 heures contre la même loi. Les organisations syndicales sont unanimes pour estimer que celle-ci, non seulement ne résout pas le problème du manque de personnel qualifié, mais augmente encore les contraintes, car elle introduit une charge de travail supplémentaire et met en danger la santé des patients.

229Le 12 novembre, la CGSLB organise une action à l’entrée de l’Hôpital Delta (établissement privé, membre du CHIREC) à Ixelles pour protester contre cette loi. Le même jour, la CGSP-ALR Bruxelles et la CSC-Services publics déposent un préavis d’actions pouvant aller jusqu’à la grève dans les hôpitaux du réseau Iris  [256].

230Le 14 novembre, le ministre fédéral de la Santé publique, F. Vandenbroucke, annonce l’octroi d’une prime fédérale pour le personnel des hôpitaux. Cependant, cela ne suffit pas pour apaiser les tensions suscitées par la loi relative à la délégation d’actes infirmiers. Une vague d’actions est menée en front commun (CGSP-ALR, CSC-SP), avec le soutien de la SeL, pour demander l’abrogation de cette loi et pour exiger un véritable refinancement du secteur.

231Le 19 novembre, le personnel soignant du CHU Brugmann à Bruxelles se mobilise pour demander le retrait de la loi autorisant la délégation des actes infirmiers. Entre 20 et 50 personnes participent à une action symbolique en brûlant de faux diplômes sous le slogan « Métiers bradés, patients en danger »  [257]. Une deuxième action du personnel du réseau des hôpitaux publics bruxellois a lieu le 23 novembre : une centaine de soignantes et soignants se rassemblent devant l’entrée du CHU Saint-Pierre, des discours sont prononcés pour dénoncer les risques que comporte la loi du 6 novembre 2020. Une troisième action est organisée à l’Hôpital Joseph Bracops, où une cinquantaine de membres du personnel réalise une chorégraphie pour exprimer leur indignation contre cette même loi.

232Le 27 novembre, la SeL mène deux actions : la première le matin devant la Palais de justice de Bruxelles et la deuxième l’après-midi devant le Palais d’Egmont pour dénoncer les mesures du gouvernement fédéral dans la gestion de la crise, qui sont jugées « inexistantes, inadaptées ou autoritaires ». La SeL déclare son soutien à tout mouvement de contestation dans les hôpitaux et institutions de soins, et fait un appel à la mobilisation du personnel pour exprimer sa colère  [258]. Elle revendique : une augmentation salariale de 10 % ; l’engament immédiat de personnel administratif, logistique, hôtelier et soignant ; le retrait de la loi sur la délégation d’actes infirmiers ; un testing systématique du personnel et des usagers et usagères ; une mise en quarantaine, même pour les personnes non symptomatiques ; un maintien du salaire des personnes testées positives au Covid-19 ; un remplacement systématique des personnes mises en quarantaine ; le respect des horaires et des temps de pause ; l’interdiction du travail gratuit.

233Cette vague de mobilisations se solde par une nouvelle petite victoire au niveau bruxellois. Le 2 décembre, les directions de l’Hôpital Érasme et des hôpitaux du réseau Iris assurent que la loi portant sur la délégation des soins infirmiers ne sera pas appliquée dans ces institutions  [259].

3.14. Dernier rassemblement de l’année de la SeL : un appel à continuer la lutte contre l’austérité

234Le 11 décembre, la SeL organise le dernier rassemblement de l’année 2020 ; celui-ci se tient devant le siège du gouvernement fédéral à Bruxelles. En dépit des mesures sanitaires interdisant les rassemblements, quelque 350 personnes se réunissent pour exiger un refinancement structurel du secteur des soins de santé. La SeL demande la mise en œuvre de mesures concrètes pour lutter contre la pénurie du personnel, mesures qui doivent passer par des emplois de qualité et non par des formes de travail flexibles et des contrats atypiques. Elle insiste sur la nécessité d’octroyer davantage de moyens financiers pour garantir des soins de qualité. Une réelle reconnaissance des métiers doit se traduire concrètement par une revalorisation salariale pour l’ensemble des métiers du secteur. Enfin, il s’agira de construire une politique de soins qui donne la priorité à la prévention des maladies ainsi qu’au refinancement des structures de première ligne et qui soit capable d’agir sur les déterminants sociaux de la santé. Comme évoqué dans le texte lu lors de la rencontre, « une fois de plus elles [les travailleuses] sont dans la rue, masquées, convaincues, à la fois en colère et heureuses d’être là »  [260] pour clore une année qui, plus que jamais, a mis en évidence l’impact néfaste de la marchandisation des soins et le démantèlement de la sécurité sociale sur la santé de la population.

3.15. Conclusion

235Parallèlement à une lutte sans relâche pour soigner les personnes dans les institutions de santé, une forte mobilisation interprofessionnelle et intersyndicale a eu lieu face à la crise sanitaire inédite qui a marqué l’année 2020. La chronique du conflit social qu’a connu le secteur de la santé pendant la pandémie de Covid-19 montre l’importance de l’organisation collective des travailleuses et travailleurs comme ressource pour se battre sur les fronts sanitaire et politique.

236Si un élément du conflit social en 2020 mérite d’être souligné, c’est que celui-ci a permis à ses instigateurs d’attirer l’attention du grand public et des décideurs politiques sur la situation critique que le secteur des soins connaît depuis de longues années – situation que la pandémie a de suite exacerbée –, à savoir une dégradation des conditions de travail du personnel et ses conséquences sur la prise en charge des patients au sein des services de soins de santé. S’appuyant sur les images et récits rendant compte de l’ampleur et de la gravité de cette situation, les acteurs ont dénoncé la catastrophe que les méthodes de gestion issues du privé constituent pour les institutions sanitaires et sociales ainsi que l’inefficacité de tout un système entièrement façonné par des politiques néolibérales depuis des décennies. Les mobilisations dans le secteur organisées depuis 2019 sont également remarquables par un élargissement territorial du mouvement de La Santé en lutte, ainsi que par les potentialités de la convergence des luttes des travailleuses et travailleurs et de celles des patientes et patients autour de la santé.

237Dans ce cadre, les engagements pris au niveau des secteurs fédéraux de la santé peuvent être considérés comme des victoires plus ou moins importantes, résultant de luttes menées sur le terrain. Toutefois, le combat pour un refinancement massif et pérenne des secteurs de la santé à tous les niveaux ne s’arrêtera pas avec l’année 2020. Au-delà des structures hospitalières, les mobilisations pour une revalorisation des métiers du social et de la santé au niveau régional continueront à rythmer les protestations dès le début de l’année 2021. Bien qu’il demeure de nombreuses interrogations quant à l’organisation de l’avenir post-covid au sein des mouvements qui ont convergé, une certitude rassemble l’ensemble des actrices et des acteurs : l’issue du conflit sera une nouvelle normalité ou ne sera pas.

4. Les conflits du travail dans la grande distribution : la gestion de l’urgence s’ajoute à la crise structurelle

238La grande distribution belge a connu une nouvelle année particulièrement conflictuelle en 2020. La pandémie de Covid-19 et les mesures politiques y relatives ont créé un regain de tensions, qui sont venues s’ajouter à celles que le secteur accumule depuis plusieurs années.

239Ces problèmes de fond sont de plusieurs ordres. Premièrement, la grande distribution contemporaine s’est révélée être un secteur à faible croissance économique, avec un chiffre d’affaires qui stagne depuis la fin des années 2000. C’est la conséquence d’une diminution du budget des ménages consacré aux dépenses courantes  [261], bien que cet effet soit en partie compensé par la croissance démographique belge. Dans le même temps, les surfaces commerciales continuent à augmenter et de nouveaux acteurs entrent dans le marché. Actuellement, trois principales catégories d’enseignes peuvent être identifiées dans la grande distribution : les enseignes traditionnelles, qui conservent une majorité des parts de marché  [262] mais dont plusieurs connaissent des croissances relativement faibles (telles que Carrefour, Colruyt et Delhaize) ; les « hard-discounters », qui ont connu une croissance nettement plus importante ces dernières années  [263] et qui prennent des parts de marché (tels que Aldi et, surtout, Lidl, qui continue de se développer de façon particulièrement rapide  [264] et qui gagne en popularité  [265]) ; un ensemble de nouveaux acteurs, français et néerlandais principalement, qui entrent dans le marché belge par le rachat de chaînes existantes ou par l’ouverture de nouveaux magasins  [266]. Cette multitude d’enseignes pousse la concurrence à la hausse et la rentabilité à la baisse  [267].

240Deuxièmement, le secteur de la grande distribution a connu de nombreux conflits du travail, des négociations importantes et des actions collectives remarquables au cours des dernières années. Les enjeux de l’emploi et des conditions de travail sont au cœur de ces tensions. Notamment, Delhaize a connu des conflits majeurs en 2014  [268] et en 2017, tandis que l’année 2018 a été marquée par de fortes mobilisations des employés et employées chez Carrefour, Lidl et Mestdagh  [269]. En outre, à la fin de l’année 2019, ont été signées de nouvelles conventions collectives de travail sectorielles avec la fédération du commerce et des services en Belgique, Comeos, pour les commissions paritaires de la grande distribution 202, 311, 312. Enfin, plusieurs enseignes de la grande distribution sortent ou sont encore en cours de restructuration au début de l’année 2020, telles que Carrefour, Delhaize et Mestdagh.

241C’est dans ce contexte d’une grande distribution sous tension que commence l’année 2020. Avant même le développement majeur, à partir du mois de mars, de la pandémie de Covid-19 en Belgique et des mesures politiques prises afin de lutter contre elle, diverses grèves éclatent, de manière relativement isolée, dans les supermarchés Carrefour de Mons (Grands Prés) le 4 mars, Lidl de Kontich le 9 mars et Lidl de Deurne (Anvers) le 10 mars, sans avoir de rapport avec le début de la pandémie. Les employés et employées revendiquent de meilleures conditions de travail, l’engagement de davantage de personnel et des investissements dans les infrastructures. En parallèle, des conflits émergent dans les centres de distribution et chez les fournisseurs dont les supermarchés dépendent. Par exemple, Logistics Nivelles, sous-traitant de Carrefour Belgium, connaît une grève spontanée le 28 janvier autour d’une revendication visant à des investissements supplémentaires afin d’éviter la survenance d’accidents de travail supplémentaires. De même, la centrale de livraison de Delhaize est secouée par un mouvement de grève au début du mois de mars.

242Signalons encore que, chez Mestdagh, dans le cadre de la poursuite de la restructuration du groupe, les franchisés craignent que l’ouverture le dimanche – pratique jusqu’alors réservée aux seuls points de vente franchisés – s’étende à l’ensemble des magasins de la chaîne, mettant ainsi leurs revenus en péril. Pour autant, cette crainte ne donne pas lieu à un conflit ouvert avec la direction.

243Ces conflits sociaux témoignent de la poursuite des luttes en cours durant les précédentes années, liées aux restructurations en cours dans de nombreuses enseignes et à la pression accrue sur les travailleurs et travailleuses. Ainsi, la crise due à la pandémie de Covid-19 à partir de mars 2020 apparaît à certains acteurs comme une simple parenthèse dans le cadre des luttes qui étaient déjà en cours fin 2019 ou début 2020. Le secteur de la grande distribution est passé d’une situation de crise structurelle à la gestion d’une urgence conjoncturelle, la pandémie de Covid-19, qui a été l’objet premier et la raison principale des conflits sociaux du reste de l’année.

4.1. Première vague de Covid-19 et premier confinement : personnel sursollicité et actions collectives chez Delhaize et Carrefour

244Au début du mois de mars 2020, la multiplication des cas de Covid-19 et l’annonce des premières mesures sanitaires nationales (notamment, le confinement) provoquent une vague d’achats particulièrement intense dans les supermarchés. Les files d’attente s’allongent et les rayons se vident. Différentes enseignes indiquent que le problème ne provient pas des stocks, qui restent bien fournis en marchandises, mais du fait que le rythme de réassortiment des produits ne parvient pas à suivre la vitesse anormalement élevée de consommation de certains produits. Pour faire face à cette situation, les enseignes de supermarchés sollicitent davantage les travailleuses et travailleurs, essentiellement de deux manières. D’une part, les directions leur demandent de travailler plus intensément dans les magasins, afin d’augmenter la rapidité des tâches logistiques. D’autre part, elles leur demandent de prester des heures supplémentaires, entre autres afin de permettre un remplissage des étalages avant la prochaine journée d’achats. Dans ce cadre, les enseignes de supermarchés ont notamment recours aux nouvelles conventions collectives de travail et aux changements de réglementations liées aux restructurations propres à certaines enseignes. Le recours facilité aux heures supplémentaires et au travail en soirée et en week-end, généralement intégré à ces accords, est massivement utilisé par les chaînes de supermarchés. Ces mesures sont légitimées par les directions comme un effort de solidarité, pour soutenir les ménages dans leurs besoins essentiels et contre l’ennemi commun qu’est la pandémie ; dans un premier temps, elles sont acceptées par les travailleurs et travailleuses du secteur d’une manière relativement unanime.

245Vers la mi-mars, la situation dans les magasins de la grande distribution redevient plus calme, la vitesse d’achat baissant. Cependant, la situation demeure tendue. Trois problématiques majeures liées à la pandémie et aux mesures politiques y relatives semblent animer les directions. Primo, une vitesse d’achat qui reste élevée par rapport aux premiers mois de 2020, ainsi qu’une augmentation croissante de ventes en ligne. Secundo, la progression de la pandémie de Covid-19, qui provoque notamment une augmentation significative de l’absentéisme et parfois même des fermetures temporaires de certains magasins. Tertio, la sursollicitation des travailleurs et travailleuses, qui commence à être de moins en moins acceptée par les syndicats. En réaction, les directions des différentes enseignes prennent une série de mesures dans les magasins, telles que la limitation du nombre de clients, la distanciation physique, la priorité donnée au personnel soignant et aux personnes âgées ou encore l’installation d’écrans plastiques aux caisses. La mise en application de ces mesures incombe au personnel – qui, en plus de la pression accrue au travail imposée par la direction, sera confronté à de multiples marques d’agressivité de la part de la clientèle.

246Une autre mesure des directions est particulièrement discutée dans les médias et deviendra un enjeu majeur de lutte et de négociations tout au long de l’année dans les différentes enseignes : la réduction du nombre absolu d’heures de travail quotidien. La plupart des enseignes, comme Carrefour et Delhaize, décident de fixer l’heure de fermeture à 20 heures tous les jours, au lieu de 21 heures habituellement le vendredi  [270]. Lidl se démarque, fermant ses magasins dès 19 heures. Les motifs affichés se croisent, principalement entre volonté de soulager les équipes de travail et besoin de laisser le temps aux équipes de réassortir les rayons. En effet, le statut de « service essentiel » est instrumentalisé par les directions d’enseignes et de magasins pour pousser le personnel à travailler davantage et plus longtemps au nom de la situation exceptionnelle et de la nécessité de servir la population.

247Des rumeurs font état d’une volonté de la part des enseignes de faciliter le recours aux flexi-jobs pour renforcer temporairement les équipes dans les grands magasins. La proposition est cependant rejetée en bloc par les syndicats, qui soupçonnent la grande distribution de tenter d’instrumentaliser la crise pour accroître ses gains et pour imposer des dérégulations durables du travail dans le secteur.

248La réaction des syndicats prend place à la fin du mois de mars. Voulant qu’une réponse sectorielle soit apportée, ceux-ci organisent une première réunion avec Comeos le 25 mars. Dans le cadre de ces négociations, le front commun syndical revendique une compensation pour la sollicitation particulièrement élevée des travailleurs et travailleuses, avec principalement l’octroi de jours de récupération supplémentaires, le versement d’une prime et une diminution du nombre d’heures de travail. Pour cette dernière revendication, il s’agit notamment de prendre appui sur le cas de Lidl afin de faire fermer les magasins une heure plus tôt. Le patronat de la grande distribution présente une première proposition d’accord, que les syndicats jugent toutefois insuffisante. L’un des principaux enjeux de négociation sujets à débat est lié à l’arrêté ministériel du 23 mars 2020, qui stipule que les magasins d’alimentation peuvent être ouverts de 7 heures à 22 heures  [271]. Les syndicats ne voient pas d’un bon œil l’élargissement des heures d’ouverture en soirée, soulignant la nécessité de réduire les heures d’ouverture notamment pour limiter les risques de contamination du personnel ou de la clientèle et pour soulager les travailleurs et travailleuses. Ils craignent également que certaines enseignes soient tentées de maintenir leurs heures d’ouverture tardives lorsque le confinement aura pris fin. Les jours suivants, les syndicats avancent une contre-proposition en front commun : réduction des plages horaires et des jours d’ouverture au public afin de réduire la pression sur les travailleurs et travailleuses, instauration de jours de congé de récupération et augmentation de la prime de remerciement  [272]. Début avril, devant les difficultés à trouver un accord pour l’ensemble du secteur, des négociations commencent alors en interne, dans chaque enseigne de supermarché.

249Rapidement, des conflits émergent au sein de plusieurs enseignes, au rythme des annonces des directions, lorsque les travailleuses et travailleurs jugent les propositions du patronat insuffisantes. Chez Delhaize, la direction cède d’abord concernant l’octroi de jours de congé supplémentaires, une augmentation des bons de réduction d’achat et un accroissement temporaire de la valeur des chèques-repas. La proposition d’accord est alors présentée aux travailleurs et travailleuses par les syndicats dans les différents magasins. Cela déclenche des mouvements de grève dans les magasins de Flagey, Jambes, Veeweyde et Westland. Selon les syndicats, les employés et employées demandent une prime et la fermeture des magasins une heure plus tôt afin de pouvoir effectuer correctement le travail de réassortiment. La direction tente de calmer la situation en triplant la période d’allocation des chèques-repas de 8 euros (passant de 4 mois à 12 mois) et en allongeant la durée de validité des bons de réduction. Il est aussi question d’assurer la mise à disposition de masques pour le personnel. La proposition d’accord est acceptée par les syndicats. Les magasins de Flagey et Hermann-Debroux restent en grève, mais ce sera sans conséquence sur les négociations entre interlocuteurs sociaux.

250Chez Carrefour, le schéma est relativement similaire. La direction propose des jours de congé supplémentaires et une augmentation du nombre de chèques-repas. Bien que mitigés  [273], les syndicats présentent les résultats des discussions aux travailleurs et travailleuses des différents magasins le 2 avril. Immédiatement, un mouvement de grève se déclare dans les supermarchés d’Ans, Auderghem, Berchem-Sainte-Agathe, Bierges, Kraainem, Drogenbos, Etterbeek, Evere et Gosselies, ainsi que dans les deux Carrefour Market Ixelles et Woluwe, pour protester contre cet accord. Cependant, le débrayage ne dure pas : dès 11 heures, les magasins commencent à rouvrir, afin d’assurer leurs services à la clientèle en cette période difficile. Le mécontentement dans l’entreprise n’en persiste pas moins. Il est d’autant plus sensible que, en France, le groupe Carrefour annonce à la même époque que les employés et employées français toucheront une prime allant de 1 000 à 2 000 euros en temps de confinement.

251Parallèlement, la filiale belge de Carrefour connaît aussi des difficultés avec ses sous-traitants. Copains.group peine à effectuer ses livraisons de pains, en raison de la pandémie. Super Transport, qui assure le transport de marchandises vers les différents magasins, est confronté à une contestation de ses travailleurs face aux conditions de travail difficiles. Logistics Nivelles, entreprise de logistique dont l’unique client est Carrefour Belgique, voit un conflit remarquable émerger au début du mois d’avril. Dans ce dernier cas, la contestation débute lorsqu’un cas de contamination est identifié au sein de l’entreprise. Les travailleurs refusent de prester des heures supplémentaires et consacrent prioritairement leurs tâches de travail à la désinfection des locaux. Les syndicats dénoncent des conditions de travail difficiles, avec dans certains départements jusqu’à 40 % d’absentéisme (personnes positives au Covid-19, personnes à risque, etc.) ainsi qu’une distanciation sociale peu respectée. En outre, Logistics Nivelles n’est pas compris dans l’accord social conclu au sein de Carrefour Belgique (n’étant pas une filière logistique intégrée comme dans les autres enseignes), ce qui provoque certaines tensions. La direction du groupe français renvoie la balle vers Kuehne & Nagel, propriétaire du sous-traitant. La contestation et les négociations durent plusieurs jours, jusqu’à ce qu’un accord social soit trouvé, accordant notamment des primes tant aux salariés de longue ou moyenne durée qu’aux intérimaires.

252Dans plusieurs autres enseignes, les négociations entre directions et syndicats se déroulent au début du mois d’avril sans actions collectives notables. Chez Mestdagh, un accord est trouvé, qui comprend des jours de congé supplémentaires et des bons d’achat additionnels, ainsi qu’une compensation financière aux membres du personnel mis en chômage temporaire pour cause de quarantaine. Chez Lidl, les négociations sont moins évidentes, mais donnent lieu à un accord similaire, avec prime, jours de congé supplémentaires et écochèques. Enfin, chez Colruyt, c’est le décès d’un employé du magasin de Forest pour cause de coronavirus qui fait réagir les interlocuteurs sociaux et donne lieu, le lendemain, à un accord pour des indemnités coronavirus.

253Par ailleurs, il est à noter que les profits augmentent dans l’ensemble du secteur de la grande distribution  [274], suite à la hausse des ventes en ligne et dans les magasins. Cette tendance se confirmera tout au long de l’année 2020.

4.2. Entre deux vagues : accumulation de tensions et conflits chez Aldi, Colruyt et Makro

254Au cours des mois suivants, une série de tensions relatives aux conditions de travail et liées au confinement continuent d’apparaître. Des grèves sont observées notamment chez Aldi, Colruyt et Makro, entre juin et début octobre 2020. Jusqu’alors, et depuis le début de la pandémie de Covid-19, ces enseignes étaient réputées avoir été relativement épargnées par des conflits ouverts concernant les conditions de travail. Toutefois, l’accumulation de tensions accentuées par le confinement et la pandémie semble à l’origine de la survenance de conflits. Chez Aldi, la forte mobilisation en Flandre permet d’aboutir rapidement à un accord dans les négociations, valable au niveau national. Chez Makro, un plan d’économie est annoncé début septembre, ce qui provoque de nombreuses grèves ; ce mouvement se poursuivra jusqu’à la fin de l’année 2020, en l’absence d’accord social.

255Après le premier confinement (mars-mai 2020), plusieurs éléments s’ajoutent dans le maintien de la tension entre les employés et employées et les directions des enseignes. Les ventes en ligne augmentent fortement, mobilisant toujours davantage de personnel pour la préparation des commandes dans les chaînes logistiques, déjà fort sollicitées depuis mars et, rappelons-le, dans un contexte relativement conflictuel depuis plusieurs années. Les travailleurs et travailleuses et leurs représentants et représentantes luttent contre les intentions des directions de revenir sur les mesures sanitaires, comme chez Colruyt où le projet patronal de mettre fin à l’obligation pour la clientèle d’effectuer ses courses seul est abandonné suite à des menaces de grève début juin. En parallèle, les informations sur les profits tirés de la crise par les entreprises de la grande distribution sont de plus en plus nombreuses et visibles. L’inégalité de classes se creuse et les salariés et salariées en ont de plus en plus conscience.

256Enfin, les problèmes sont plus fréquents avec la clientèle au sujet du respect des normes liées à la lutte contre la pandémie de Covid-19 : port du masque, limitation du nombre de clients et files, obligation d’effectuer ses courses seul, etc. Les tensions sont fortes face à un maintien de mesures sanitaires contraignantes alors que la progression de la pandémie semble arrêtée. La lassitude et l’agressivité des clients deviennent difficiles à contenir, d’autant que le personnel est lui-même sous pression depuis plusieurs mois.

257Dans ce contexte, des tensions avec les directions locales et régionales des entreprises, des foyers de contamination dans des magasins ou des entrepôts et des incidents avec des clients déclenchent plusieurs grèves.

258Ces conflits sociaux s’organisent autour de magasins au personnel mobilisé. Au Makro de Lodelinsart, le personnel arrête le travail le 9 juin pour dénoncer la charge de travail. Au Colruyt de Chênée, une grève se déclenche le 19 juin contre le manque de sécurité pour le personnel et s’étend le lendemain au magasin de Verviers. Le 11 juillet, le magasin Lidl d’Antwerp Noord ferme suite à une bagarre entre clients et personnel ayant occasionné des blessures à quatre employées. Le Makro de Machelen entre en grève le 22 juillet en raison de l’agressivité de la clientèle et du manque de personnel. La situation est la même au Colruyt de Chênée le 19 octobre.

259Aldi connaît un conflit social particulier les 30 et 31 août, avec un mouvement de grève dans 36 magasins rattachés au même centre logistique (celui-ci servant de point de départ à l’action). Cette grève est lancée par les travailleurs et travailleuses, mais elle reçoit le soutien des centrales syndicales, qui couvrent le mouvement et entament des négociations avec la direction. Est dénoncée la trop forte charge de travail imposée par la direction, avec des objectifs de tâches à réaliser par magasin intenables dans les heures de travail imparties  [275]. La grève cesse dès le 1er septembre, avec l’annonce par la direction d’une prolongation de l’augmentation des chèques-repas décidée au début de la pandémie. En revanche, les syndicats n’obtiennent pas de garantie quant à une prime coronavirus supplémentaire ; les négociations se poursuivent à ce sujet. Il est à noter que ce mouvement de grève a été principalement localisé dans les provinces d’Anvers, de Brabant flamand et de Flandre orientale. Même si Aldi a certes davantage de magasins en Flandre que dans les deux autres régions, cet aspect géographique est remarquable, car il s’agit de provinces qui, au cours des dernières années, n’avaient pas systématiquement présenté de fortes mobilisations dans le secteur  [276].

260À côté de ces mouvements sociaux liés à la crise pandémique et ses conséquences, les restructurations se poursuivent dans le secteur. Ainsi, suite à un accord intervenu fin juillet, la franchise Mestdagh de la chaîne Carrefour se voit autorisée à ouvrir des Carrefour Market et des Carrefour Bio à partir du début de l’année 2021. Se poursuit donc le mouvement de restructuration et de franchise dans l’entreprise, visant à réduire les coûts.

261En plus de ces événements liés à la pandémie de Covid-19 et ses effets, Makro annonce une restructuration début septembre 2020. Il est question de licencier du personnel temporaire pour réaliser des économies. Il s’agit d’un nouveau plan d’économie, après celui de 2016, qui avait induit la suppression de 500 des 3 000 emplois de l’entreprise. Le personnel, qui redoutait cette annonce depuis plusieurs mois et dénonçait déjà le manque d’effectifs dans les magasins, part en grève dans de nombreux magasins de l’enseigne.

262Les principaux épisodes du mouvement social qui touche Makro sont les suivants. Le 3 septembre intervient l’annonce d’une restructuration. Les syndicats organisent des assemblées d’information dans tous les magasins. Des grèves éclatent dans les magasins de Deurne et Machelen et, le lendemain, dans ceux d’Eke et Sint-Pieters-Leeuw. Le 9 septembre, une nouvelle grève se tient au magasin Makro de Sint-Pieters-Leeuw. Le jour suivant, les salariés et salariées des magasins Makro d’Alleur et Lodelinsart indiquent qu’ils refusent les mesures de la direction, sans toutefois partir en grève. La session de négociations du 18 septembre échoue à aboutir à un accord. La tension persiste jusqu’au 10 octobre, où une grève en front commun est menée dans les magasins d’Alleur, Deurne, Lodelinsart et Sint-Pieters-Leeuw. Le 22 octobre, la direction de Makro invite les syndicats à une réunion de concertation ; ceux-ci refusent, estimant qu’il ne s’agit là que de consultations et pas de négociations. Des grèves sont envisagées, tandis que l’ACV Puls menace de saisir le tribunal du travail. À la fin de l’année 2020, les négociations entre syndicats et directions n’ont toujours pas abouti à un accord.

4.3. Seconde vague et second confinement : accord sectoriel et conflits chez Colruyt, Logistics Nivelles et Mestdagh

263De la fin octobre à la fin de l’année 2020, l’activité dans la grande distribution est marquée par une nouvelle vague pandémique et par les mesures qui l’accompagnent. Comme en mars, les entreprises mobilisent leur personnel et réduisent parfois leurs heures d’ouverture. D’autres mesures semblent davantage généralisées, telles que l’engagement de travailleurs et travailleuses temporaires et d’intérimaires et la révision des chaînes logistiques  [277].

264Des conflits sociaux se produisent dans les chaînes et magasins ayant déjà été le lieu de mobilisations au cours des précédents mois, principalement en raison de la pression accrue sur le personnel liée à la situation particulière que pose la pandémie. Le personnel en charge de la logistique joue un rôle central dans l’organisation et la diffusion du mouvement.

265Ainsi, une grève éclate le 27 octobre chez Mestdagh, qui touche les magasins de Braine-l’Alleud, Jumet, Liège Blonden, Liège Cointe, Monceau, Mont-sur-Marchienne, Spa et Waterloo. La centrale de distribution de Gosselies joue un rôle moteur dans ce mouvement  [278]. Les travailleurs et travailleuses, soutenus par la Centrale nationale des employés (CNE, affiliée à la CSC) et le Syndicat des employés, techniciens et cadres (SETCA, affilié à la FGTB), demandent des compensations financières, un renforcement des mesures sanitaires et un allégement de la charge de travail. De même, une « opération escargot », également soutenue par les syndicats, est lancée le 29 octobre chez Logistics Nivelles, afin de dénoncer le manque d’investissements pour la sécurité du personnel alors que le taux d’absentéisme est toujours élevé et que le volume à traiter augmente. Le département Épicerie est particulièrement concerné. Le département Frais, où des investissements ont été réalisés, rejoint le mouvement de contestation par solidarité. Chez Makro, par contre, cette seconde vague marque l’arrêt du mouvement social « de fond », lié à la restructuration, et cela malgré l’absence d’accord social ; il ne reprendra qu’au début de l’année 2021.

266En parallèle, les négociations reprennent entre les syndicats et Comeos au sujet des compensations financières pour la charge de travail supplémentaire au cours de l’année 2020, dans le cas des enseignes de la commission paritaire 202 et des hypermarchés Carrefour. Un accord tombe au début du mois de novembre. Il prévoit une prime de 500 euros, pour les efforts réalisés par les travailleurs et travailleuses à l’occasion de la seconde vague de Covid-19. Les modalités de cette compensation doivent être négociées au sein de chaque entreprise.

267Cette situation est la source d’une vague de protestation chez Colruyt, marquée par plusieurs jours de grève tournante dans les magasins de la région liégeoise du 7 au 10 novembre. Les travailleurs et travailleuses ne se satisfont pas de l’accord conclu avec Comeos ; ils réclament une augmentation des chèques-repas à hauteur de 4 euros, l’octroi d’une demi-heure de récupération supplémentaire par jour, l’interdiction pour la clientèle de venir au magasin avec des sacs (afin de limiter les risques de contamination)  [279] et l’application de la convention collective de travail « 104 », qui prévoit des temps de récupération supplémentaires pour les employés et employées de plus de 45 ans. Selon le SETCA, ces mesures avaient été adoptées au printemps, mais elles avaient ensuite été suspendues à partir du 30 juin. Un accord entre le syndicat socialiste et la direction de Colruyt est conclu le 11 décembre. Il prévoit une augmentation de 500 euros nets, composée de chèques-repas et de réductions en magasin, ainsi que l’octroi de deux jours de congé supplémentaires en 2021 ; s’y ajoute une allocation en cas de chômage temporaire pour cause de quarantaine forcée, portant la rémunération à 100 % du salaire normal.

4.4. Conclusion

268À la fin de cette revue des mouvements sociaux de 2020 dans la grande distribution, apparaît le caractère bien évidemment exceptionnel de cette année. Si la gestion de la crise pandémique et de ses conséquences a mobilisé l’ensemble des travailleurs et travailleuses du secteur et a été le premier motif de tension sociale, se pose la question des perspectives et des conséquences à moyen et long terme des événements intervenus en 2020.

269À dater de mars, l’année 2020 se place en rupture par rapport aux mouvements sociaux de fond qui ont cours dans le secteur depuis plusieurs années, à savoir les restructurations de nombreuses chaînes, l’extension de la franchise, la dérégulation des conditions de travail et l’accroissement de la concurrence. Pour autant, cette actualité n’a pas complètement disparu, comme le montre la restructuration annoncée chez Makro en septembre et la poursuite des tensions chez Carrefour et sa franchise Mestdagh. Néanmoins, la seconde vague pandémique a provoqué l’arrêt des grèves liées à la restructuration de Makro et le retour des luttes liées à la gestion de la crise sanitaire et de ses effets.

270Du point de vue des conflits, l’année 2020 a été marquée par le rôle clé qu’ont joué les centres de distribution de plusieurs enseignes, donc le personnel chargé de la logistique, dans l’organisation et la diffusion des mouvements sociaux. Tel a été le cas chez Aldi, Carrefour, Colruyt, Delhaize et Mestdagh. Il s’agira d’analyser si cette tendance se poursuit par la suite et, le cas échéant, le rôle mobilisateur de ces lieux clés et qui ont été soumis à une très forte pression suite à la multiplication des livraisons à domicile et à la hausse des ventes dans les magasins.

271Ce contexte particulier a bien sûr eu un impact sur le travail syndical. De nombreux conflits sociaux ont émergé au niveau de magasins individuels, sans qu’il y ait nécessairement eu d’encadrement syndical (bien que ces conflits aient en grande majorité été couverts par les syndicats). À l’inverse, il n’y a pas eu de mouvements sociaux d’ampleur régionale ou nationale, l’action visible des centrales s’étant essentiellement concentrée dans les négociations avec le patronat pour décrocher des compensations en faveur des travailleurs et travailleuses ayant subi cette année particulière. Par ailleurs, les accords obtenus, peu ambitieux, ont été contestés par les salariés et salariées de nombreuses enseignes, et le ressentiment reste fort vis-à-vis de concessions très faibles de la part des directions au regard des profits engrangés par les entreprises et des efforts fournis par le personnel. Un autre enjeu a été de tenter autant que possible de poursuivre les combats de fond, liés aux restructurations au sein du secteur.

272En lien avec cela, se pose la question de la diffusion du commerce en ligne et hybride et de son impact sur les rythmes et conditions de travail dans les magasins. La dérégulation/facilitation du travail de nuit et celle du travail en week-end sont des revendications de Comeos pour contrer les chaînes étrangères de commerce en ligne, et la première figure dans l’accord de gouvernement fédéral De Croo (PS/MR/Écolo/CD&V/Open VLD/SP.A/Groen, installé le 1er octobre 2020)  [280]. L’année 2020 a donné un coup d’accélérateur aux achats en ligne et la pression sera donc forte de la part des employeurs pour faciliter cette activité. Il s’agira certainement d’un enjeu pour les luttes à venir, alors que les relations sociales sont très tendues dans les enseignes, ainsi qu’entre Comeos et les syndicats.

273Un autre enjeu sera la redistribution par les grandes enseignes des profits tirés de l’année 2020. De la part des employés et employées et de leurs représentants et représentantes, dans la grande distribution mais aussi au niveau intersectoriel  [281], la pression est forte pour que ces moyens soient versés aux travailleurs et travailleuses et servent à financer une partie des politiques de relance. Pour autant, les chaînes de supermarché vont certainement essayer de s’appuyer sur la très forte concurrence dans le secteur pour justifier le fait de conserver ces profits afin de pouvoir affronter les prochains temps.

274Dans ce cadre, se posera aussi la question de l’évolution du budget des ménages et son impact sur les achats en magasins et les parts de marché des enseignes. Déjà en forte croissance, le hard discount devrait a priori continuer à profiter de la situation. Quant à elles, les autres chaînes apparaissent susceptibles de chercher à poursuivre leurs restructurations pour réduire leurs coûts et leur personnel et déréguler les conditions de travail, afin de s’aligner sur les conditions prévalant chez les hard discounters.

5. Prisons : les revendications liées à l’instauration du service minimum éclipsées par la crise sanitaire

275Comme cela a été analysé de façon détaillée dans la précédente étude du GRACOS  [282], l’année 2019 a été celle de l’introduction du service minimum en cas de grève des agents pénitentiaires. Cette réforme, qui était envisagée depuis de nombreuses années, a eu tendance à crisper encore davantage la position des syndicats d’agents pénitentiaires, qui revendiquent depuis longtemps une amélioration des conditions de travail du personnel carcéral. En 2019 et au début de l’année 2020, quelques grèves ont éclaté afin notamment de contester l’instauration du service minimum. À l’inverse, celle-ci a été soutenue par les détenus, par les associations actives en prison (afin de défendre les droits des détenus, de contrôler leurs conditions de détention et de les aider à préparer leur réinsertion) et par d’autres organismes.

276Dans le secteur pénitentiaire, comme dans la société dans son ensemble, l’événement marquant de l’année 2020 a été la survenance d’une crise sanitaire inédite. Dès le mois de mars, les prisons ont subi le choc de la pandémie de Covid-19, qui a fortement bouleversé la situation tant des détenus que des agents pénitentiaires et qui a suscité l’adoption par les autorités publiques d’une série de mesures. Les actions de grève ont été assez rares pendant cette période. Outre des mouvements sporadiques ayant pris place au sein de certains établissements, une action coordonnée entre les syndicats socialiste, chrétien et libéral s’est tenue au début du mois d’octobre afin de contester, en particulier, un assouplissement annoncé par les autorités dans le régime des visites. De façon générale, peu d’actions syndicales ont été organisées durant l’année analysée, et ce en raison de la situation sanitaire et des diverses conséquences qu’elle a engendrées.

277En revanche, les actions et prises de position émanant des détenus, des associations actives en prison et des organes de surveillance pénitentiaire se sont avérées plus nombreuses qu’à l’ordinaire durant l’année 2020. Elles ont visé à mettre en avant des revendications en lien avec les droits humains des personnes condamnées à une peine privative de liberté, qui ont fortement été mis sous pression pendant la pandémie. De telles actions et prises de position se sont manifestées durant les différentes phases de la crise sanitaire (premier confinement, phase de déconfinement et deuxième vague), avec des résultats variables.

278En 2020, une crise structurelle, celle qui frappe le monde pénitentiaire de longue date, s’est ainsi brusquement doublée d’une crise sanitaire particulièrement aiguë  [283]. Cette conjonction a eu pour résultat d’approfondir l’opposition d’intérêts entre agents et détenus qui préexistait déjà auparavant, de sorte qu’une éventuelle « convergence des luttes »  [284] entre les revendications portées par les syndicats d’agents pénitentiaires et les détenus ne paraît pas à l’ordre du jour.

5.1. État et enjeux de la conflictualité sociale au début de l’année 2020 : de la contestation du service minimum à la survenance de la crise sanitaire

279Trois problématiques affectent le monde carcéral, dont les effets se renforcent mutuellement : la surpopulation carcérale, la situation de sous-effectif chronique du personnel pénitentiaire et la vétusté des bâtiments et équipements  [285]. Face à cette situation, des grèves du personnel pénitentiaire se multiplient au fil des années. En 2016, un mouvement de grève particulièrement long prend place, suscité par des décisions annoncées par le gouvernement fédéral Michel I (N-VA/MR/CD&V/Open VLD) et liées aux fins de carrière des fonctionnaires fédéraux  [286].

280Venant s’ajouter à la pénibilité des conditions de détention, ces actions de grève entraînent de graves conséquences du point de vue du respect des droits humains des détenus, en particulier en cas de grève de longue durée. Durant ces périodes où la conflictualité sociale est importante, sont ainsi mises en lumière de façon particulièrement nette les tensions qui existent entre l’exercice de leur droit de grève par les agents pénitentiaires et la nécessaire protection des droits fondamentaux des détenus.

281Depuis 2005, la Belgique est pointée du doigt par le Comité européen pour la prévention de la torture et des traitements inhumains (CPT), un organe émanant du Conseil de l’Europe, qui appelle de ses vœux la mise en place d’un service minimum en cas de grève dans les prisons  [287]. En 2017, faisant usage d’une procédure relativement exceptionnelle  [288], le CPT formule une déclaration publique par laquelle il « dénon[ce] l’incapacité persistante de l’État belge à instaurer un service minimum visant à garantir le respect des droits des personnes détenues lors des mouvements sociaux engagés par le personnel pénitentiaire »  [289].

282L’instauration d’un service minimum en cas de grève est inscrite dans l’accord de gouvernement d’octobre 2014. Dans cet accord, le gouvernement fédéral Michel I envisage d’instaurer ce qu’il qualifie de « service garanti » dans deux autres secteurs également : le secteur du transport ferroviaire de personnes (Société nationale des chemins de fer belges - SNCB) et le secteur du contrôle aérien (Belgocontrol, devenu Skeyes en 2018)  [290].

283Le 31 octobre 2018, un projet de loi concernant l’organisation des services pénitentiaires et le statut du personnel pénitentiaire est déposé à la Chambre des représentants  [291]. Pour un exécutif de centre-droit peu enclin à ménager les organisations syndicales  [292], il s’agit d’avancer ses pions dans le domaine controversé du service minimum. Mais les objectifs poursuivis par le gouvernement fédéral ne se réduisent pas à l’instauration d’un service minimum en cas de grève dans les prisons. Il s’agit, plus généralement, de combler un vide législatif en ce qui concerne l’encadrement de la mission d’agent pénitentiaire.

284En fin de législature, est ainsi adoptée la loi du 23 mars 2019 concernant l’organisation des services pénitentiaires et le statut du personnel pénitentiaire, qui entre en vigueur le 1er juillet 2019  [293]. Quelques mois plus tard, cette législation est complétée par l’adoption de deux arrêtés d’exécution. En premier lieu, un arrêté royal du 4 août 2019 établit le modèle du plan que doit établir chaque établissement pénitentiaire en vertu de la loi du 23 mars 2019  [294]. En second lieu, un arrêté royal du 19 novembre 2019 précise les modalités de la procédure de concertation sociale devant être suivie au sein des établissements pénitentiaires  [295].

285Cette réforme suscite une vive opposition de la part des syndicats d’agents pénitentiaires. Selon eux, dans les conditions de pénurie d’effectifs qui sont de mise depuis de nombreuses années dans le secteur carcéral, l’instauration d’un service minimum revient purement et simplement à priver les agents de leur droit de grève  [296]. Les syndicats font également valoir que les obligations minimales imposées par la loi renvoient en réalité à des seuils de présence qui ne peuvent qu’être difficilement atteints en temps ordinaire dans certaines prisons, et ce en raison de la situation de surpopulation carcérale et de l’absentéisme chronique qui y règnent  [297].

286Les mesures d’exécution des principes fixés dans la loi du 23 mars 2019 font l’objet de négociations entre le ministre de la Justice, Koen Geens (CD&V), et les syndicats, qui démarrent au début du mois de juillet 2019. Concernant la question du service minimum et de son organisation concrète, la concertation sociale entre le gouvernement fédéral et les syndicats n’aboutit pas. Ce constat d’échec est confirmé par le ministre de la Justice dans la réponse qu’il donne à deux questions parlementaires qui lui sont adressées le 16 janvier 2020  [298]. Le 24 février suivant, le ministre de la Justice annonce la fin de la période de concertation et indique que les conflits sociaux dans le secteur pénitentiaire devront désormais s’inscrire « dans le cadre des dispositions de l’arrêté royal qui est entré en vigueur le 11 décembre 2019 et qui règle la concertation sociale lors de ce type de conflits. Cela signifie concrètement qu’il convient d’abord de respecter une période de concertation sociale (de 30 jours) avant de lancer un préavis de grève. Cette grève ne peut débuter que 10 jours à compter du préavis. Durant cette grève, les effectifs du personnel pénitentiaire [sont] réglés conformément aux plans établis par prison ». Le ministre de la Justice ajoute que « le service minimum fait l’objet de concertations depuis 2017, d’abord formelles, puis informelles » et qu’il s’agit d’un élément « essentiel afin de respecter les droits fondamentaux des détenus, sans mettre en péril le droit de grève, ainsi que la sécurité tant du personnel que des détenus »  [299]. De leur côté, les syndicats évoquent une « douche froide » et regrettent ce qu’ils qualifient de « passage en force » de la part du ministre de la Justice et du gouvernement fédéral  [300].

287Le début de l’année 2020 est ainsi marqué par des tensions entre gouvernement fédéral et syndicats concernant la mise en place du service minimum, la Centrale générale des services publics (CGSP, affiliée à la FGTB) Administrations et ministères (AMIO) Justice-Prisons ayant par ailleurs fait le choix de contester cette nouvelle législation au moyen d’un recours en annulation déposé à la Cour constitutionnelle, en faisant valoir que la loi du 23 mars 2019 viole le droit de grève des agents pénitentiaires  [301]. La Cour constitutionnelle rendra son arrêt le 15 juillet 2021, rejetant le recours en annulation introduit par le syndicat socialiste. La juridiction constitutionnelle estimera notamment que l’intervention du législateur en 2019 « en vue d’ancrer dans la loi des dispositions statutaires pour l’ensemble du personnel pénitentiaire » est « justifiée par le souci légitime d’organiser au niveau légal les éléments essentiels du statut du personnel pénitentiaire, en ce compris le mécanisme de continuité en cas de grève, lesquels participent de la garantie des droits fondamentaux des détenus »  [302]. Selon la Cour constitutionnelle, le système mis en place par le législateur « n’entraîne pas une ingérence disproportionnée dans le droit de grève des agents [pénitentiaires] et, en particulier, ne fait pas obstacle au dialogue social et à la concertation collective et n’atteint pas la liberté syndicale et le droit de négociation collective dans leur substance »  [303].

288La situation particulièrement tendue entre syndicats d’agents pénitentiaires et gouvernement fédéral que l’on observe au début de l’année 2020 est perturbée, à partir de mars 2020, par la survenance de la pandémie de Covid-19. D’une part, en raison de la situation sanitaire et des nombreuses adaptations de la vie en prison qui en résultent, la question du service minimum passe progressivement à l’arrière-plan des revendications sociales portées par les agents pénitentiaires. D’autre part, les droits des détenus sont désormais mis en péril non en raison de grèves menées par le personnel pénitentiaire, mais en raison de la situation sanitaire et de sa gestion par les autorités publiques et le personnel pénitentiaire. Par ailleurs, l’un des effets notables de la crise sanitaire est une baisse de la population carcérale, en conséquence d’une série de mesures qui produisent des effets particulièrement nets durant la première vague de la pandémie.

5.2. L’impact de la crise sanitaire

289Dans le déroulement de la crise sanitaire en Belgique, il est possible de distinguer trois phases, qu’il s’avère également pertinent de considérer dans le cadre d’une analyse de la conflictualité sociale et de la situation humanitaire dans les prisons. Au mois de mars 2020, la première vague de la pandémie de Covid-19 frappe le pays, suscitant la prise de mesures importantes dans le secteur carcéral. Un déconfinement est enclenché à partir de début mai dans un certain nombre de secteurs, mais il tarde à produire ses effets à l’égard des personnes détenues en prison, notamment en raison des réticences exprimées par le personnel pénitentiaire de voir le régime des visites revenir progressivement à la normale  [304]. À partir de la mi-octobre, la deuxième vague de la pandémie qui déferle sur la Belgique touche durement le milieu carcéral et donne lieu, avec toutefois un certain retard, à l’adoption de mesures globalement similaires à celles qui avaient été prises durant la première vague, mais qui ne produiront pas des effets identiques  [305].

290Durant toute cette période, les actions de grève se font assez rares et, lorsqu’elles surviennent, elles visent surtout à contester des mesures destinées à alléger le régime des visites. Quelques actions plus sporadiques sont cependant à signaler lorsque, par exemple, le personnel pénitentiaire part spontanément en grève à la suite d’une agression d’un ou plusieurs agents  [306].

5.2.1. La première vague

291Peu après l’éclatement de la crise sanitaire, différentes organisations internationales – comme l’Organisation mondiale de la santé (OMS) – ou supranationales – comme le CPT au sein du Conseil de l’Europe – adressent aux États des recommandations relatives à la manière de gérer la pandémie dans les prisons, en insistant notamment sur l’importance de prendre des mesures qui soient proportionnées et limitées dans le temps ainsi que sur la nécessité de diminuer la population carcérale. Les prisons constituent en effet « des lieux fortement peuplés, voire surpeuplés, qui ne permettent pas la distanciation sociale, et où les conditions d’hygiène sont loin d’être optimales, et sont des lieux à risque pour une propagation très rapide du virus. De surcroît, les personnes détenues souffrent d’un état de santé physique et psychique globalement plus mauvais que la population générale »  [307].

292Afin de limiter la propagation du virus dans le milieu carcéral, diverses mesures sont prises par les autorités publiques compétentes. Comme c’est également le cas dans d’autres pays européens, il est notamment décidé de limiter voire de supprimer les visites en prison. Les conditions de détention font également l’objet de divers aménagements. Par ailleurs, à la suite de diverses interventions émanant d’organisations internationales et de revendications avancées par les détenus, par certaines associations qui les soutiennent, par des personnalités issues du monde académique et par des organes de surveillance pénitentiaire, les autorités s’emploient à assouplir les règles permettant à certains condamnés d’obtenir une libération anticipée ou une suspension de leur peine privative de liberté  [308].

293Durant la première vague, différents types de mesures sont ainsi adoptés. Dans un premier temps, tant l’administration pénitentiaire – à savoir la Direction générale des établissements pénitentiaires (DG EPI) au sein du SPF Justice – que le Collège des procureurs généraux (CPG) prennent un certain nombre de décisions afin de parer à l’urgence de la situation. Certaines de ces mesures sont reprises dans l’arrêté royal de pouvoirs spéciaux n° 3 du 9 avril 2020 « portant des dispositions diverses relatives à la procédure pénale et à l’exécution des peines et des mesures prévues dans le cadre de la lutte contre la propagation du coronavirus Covid-19 »  [309].

294Les mesures de la DG EPI ont un statut assez particulier sur le plan juridique : ce sont de simples instructions adressées par l’administration aux directeurs de prison, qui ne font pas l’objet d’une publication. Elles portent principalement sur le statut juridique interne des détenus, c’est-à-dire sur les conditions de détention à l’intérieur de la prison, mais certaines d’entre elles régissent également le statut juridique externe des détenus, c’est-à-dire les modalités encadrant un aménagement de peine permettant une sortie hors des murs de la prison  [310].

295Toutes les mesures prises par les pouvoirs publics poursuivent un double objectif. D’une part, réduire la population carcérale, et ce au moyen de l’interruption de l’exécution de la peine, de la libération anticipée de certains détenus et de la suspension de l’exécution de certaines peines d’emprisonnement. D’autre part, diminuer les allers-retours en prison afin de limiter les risques de diffusion du nouveau coronavirus.

296Considérons en premier lieu les mesures adoptées afin de multiplier les cas dans lesquels les détenus peuvent bénéficier d’une suspension de leur peine privative de liberté ou d’une libération anticipée. Une « interruption de l’exécution de la peine “Covid-19” » est mise en œuvre au moyen de divers instruments  [311]. Initialement, il est prévu que, pendant cette période dite d’interruption, la peine soit simplement suspendue et non exécutée. Toutefois, dans un arrêt rendu le 19 août 2020, la Cour de cassation considère que la peine est exécutée durant cette période d’interruption  [312]. La « libération anticipée “Covid-19” » renvoie à un autre mécanisme  [313]. Il s’agit d’une libération accordée par le directeur de la prison, moyennant la réunion de certaines conditions  [314]. D’après le ministre de la Justice, durant la première vague, 508 interruptions de l’exécution de la peine et 209 libérations anticipées sont octroyées  [315].

297Un troisième moyen est utilisé pour limiter la population carcérale dans le contexte pandémique. Le CPG donne en effet instruction aux parquets de suspendre la mise à exécution de certaines peines d’emprisonnement inférieures ou égales à cinq ans. Durant la première vague, 2 500 condamnations ne sont ainsi pas exécutées  [316].

298Les autorités accroissent donc les hypothèses dans lesquelles une libération anticipée ou une suspension de la peine d’emprisonnement peut être accordée aux détenus. Cela a un effet notable sur les chiffres de la population carcérale, qui diminuent pendant la première vague, passant de 10 906 personnes détenues en date du 12 mars 2020 à 9 561 le 1er mai 2020  [317].

299Comme cela a été indiqué plus haut, une autre stratégie est également employée par les autorités publiques pour réduire la propagation de la pandémie en milieu carcéral. Les entrées et les sorties en prison sont limitées de trois façons. Primo, dans certains cas, les audiences auxquelles les détenus doivent participer se tiennent en leur absence ou moyennant l’utilisation de la vidéoconférence  [318]. Secundo, les possibilités pour les détenus de sortir de prison en vue de préparer leur réinsertion, via l’octroi d’une permission de sortie ou d’un congé pénitentiaire, sont limitées  [319]. Tertio, les possibilités pour les proches et les associations d’entrer en prison afin de rendre visite aux personnes détenues sont, elles aussi, fortement restreintes (cf. infra).

5.2.2. Les réactions aux mesures prises pour faire face à la première vague

300Au sein des prisons, des préoccupations dans le chef tant des détenus que des agents pénitentiaires se font jour dès le début de la pandémie. Le 29 mars 2020, L’Écho publie ainsi un article qui tente de prendre le pouls de l’état des prisons. Le constat qui est alors dressé est fort clair : la peur règne en maître tant chez les détenus que chez les agents.

301Le 19 mars, des personnes détenues au sein de la prison bruxelloise de Saint-Gilles refusent de regagner leur cellule après une période passée au préau. Des incidents éclatent entre quelques détenus et des agents pénitentiaires. Il semble que des rumeurs ont circulé au sein de cet établissement, faisant état de contaminations au Covid-19 parmi la population carcérale, rumeurs ensuite démenties par la direction de la prison ainsi que par le bourgmestre de la commune de Saint-Gilles, Charles Picqué (PS)  [320]. Le 29 mars, des incidents surviennent à la prison de Jamioulx, dans la région de Charleroi : une vingtaine de détenus refusent de quitter le préau et mettent le feu à certaines zones de la prison  [321]. Au sein de cet établissement pénitentiaire comme dans d’autres, les revendications mises en avant par les détenus ont trait aux conditions de vie particulièrement rigoureuses qui sont les leurs depuis l’application des mesures sanitaires. Les nombreuses restrictions ne sont accompagnées que de peu de compensations, ou du moins que de compensations jugées insuffisantes par les détenus et les associations qui les soutiennent – il s’agit, par exemple, d’un crédit d’appel téléphonique de 20 euros (contre 10 euros en temps normal) accordé à chaque détenu pour pallier l’absence de visites. Le 31 mars, à la suite des incidents évoqués plus haut, un détenu de Jamioulx résume dans une vidéo les revendications des personnes incarcérées au sein de cette prison. Cette vidéo est postée sur les réseaux sociaux et est relayée notamment par le Collectif de luttes anti-carcérales (CLAC). Ces revendications concernent le téléphone et la télévision (pour lesquels les détenus souhaitent la gratuité au vu des conditions de détention qui leur sont imposées), le prix de la cantine (qui a fait l’objet d’une augmentation en raison de la crise sanitaire), les produits liés à l’hygiène corporelle (qui n’ont plus été mis à la disposition de certains détenus) et le matériel de protection lié à la pandémie de Covid-19 (en particulier des masques et du gel hydroalcoolique, que certains détenus de Jamioulx ont réclamés en vain)  [322].

302Du côté des agents pénitentiaires, les sources de griefs sont également nombreuses. En raison de la pandémie, le taux d’absentéisme, habituellement de 10 % dans le secteur, passe à 30 %, ce qui rend d’autant plus difficile la situation des agents présents sur leur lieu de travail. Par ailleurs, est déplorée l’insuffisance voire, durant un temps, l’absence totale de matériel de protection disponible (masques, gel hydroalcoolique, etc.)  [323]. Des préavis de grève sont d’ailleurs déposés afin de dénoncer cette situation, qui ne seront toutefois pas suivis d’effets. Au moment où déferle la première vague de la pandémie, les établissements pénitentiaires sont particulièrement sous tension. Comme l’exprime un membre du syndicat socialiste, « le sentiment général est celui d’une grande débrouille »  [324].

303Par la suite, les organisations syndicales expriment leurs inquiétudes dès lors qu’est envisagé un desserrement des mesures sanitaires applicables en prison. C’est ainsi qu’un préavis de grève est déposé par les syndicats, en front commun, afin de dénoncer la reprise des visites à partir du 25 mai 2020  [325]. La grève, censée débuter le 2 juin, n’est finalement pas organisée. Les syndicats estiment en effet avoir reçu suffisamment de garanties concernant les mesures sanitaires, particulièrement strictes, devant encadrer la reprise des visites.

304Dès le déclenchement de la pandémie, la situation dans les prisons fait par ailleurs l’objet d’inquiétudes exprimées par plusieurs acteurs sociaux, comme la Ligue des droits humains (LDH) et la section belge de l’Observatoire international des prisons (OIP)  [326]. Diverses cartes blanches sont ainsi publiées afin de dénoncer les conditions de vie des détenus, rendues encore plus difficiles en raison des mesures prises pour lutter contre la pandémie et en raison de la désorganisation à l’intérieur des établissements pénitentiaires que celle-ci a entraînée  [327].

305Par exemple, selon Yves Cartuyvels (USL-B), Olivia Nederlandt (USL-B) et Marc Nève (ULiège et président du Conseil central de surveillance pénitentiaire - CCSP), la crise sanitaire agit comme un « miroir grossissant » qui révèle en pleine lumière les problèmes préexistants dans le monde carcéral. Tout d’abord, cette situation exceptionnelle rappelle que « les conditions de détention dans les prisons belges ne respectent pas la dignité humaine »  [328]. Ensuite, une détérioration des conditions de travail des agents pénitentiaires, déjà préoccupantes avant la crise, constitue également une conséquence de celle-ci. Y. Cartuyvels, O. Nederlandt et M. Nève insistent sur l’opportunité que représente la situation de crise, en raison de son caractère exceptionnel même, pour « alimenter le débat démocratique sur la place de la prison dans une société démocratique. Plutôt que d’investir dans les mécanismes d’exclusion, il reste urgent d’investir dans des politiques sociales inclusives en amont, tout comme il faut favoriser des réponses réparatrices, plus utiles pour les victimes que la logique punitive, en aval »  [329]. Enfin, selon ces trois observateurs de la vie pénitentiaire, rejoints en cela par une série d’autres acteurs  [330], la baisse de la population carcérale qui a pu être organisée en quelques semaines seulement par les autorités politiques et judiciaires démontre que le recours à l’enfermement n’est pas une fatalité et que « la croissance carcérale n’est pas inéluctable »  [331].

5.2.3. Un déconfinement qui tarde à produire ses effets

306À une situation sanitaire complexe dans le secteur carcéral vient s’ajouter un élément juridictionnel. Les grandes grèves de 2016, dont il a déjà été question, n’étaient pas restées sans suite sur le plan judiciaire  [332]. En particulier, la Belgique avait été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), le 28 mai 2019, pour ne pas avoir organisé un service minimum en cas de grève dans les prisons. La CEDH avait notamment conclu à une violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui interdit la torture et les traitements inhumains et dégradants  [333]. Ce sont aussi les grèves de 2016, durant lesquelles le régime ordinaire de détention avait été suspendu pendant plus de deux mois, qui amènent la CEDH à rendre un nouvel arrêt, le 4 juin 2020, aboutissant également à une condamnation de la Belgique.

307Durant la première vague, l’interruption Covid-19 est organisée par différents instruments et est finalement reprise dans l’arrêté royal n° 3 (cf. supra). La mesure est d’application jusqu’au 17 juin. Pour de nombreux détenus, cette date correspond donc à un retour au sein des enceintes de la prison qu’ils ont pu quitter quelques semaines auparavant  [334]. Un bilan de la première vague peut à cette occasion être tiré : l’explosion des contaminations en prison qui avait été redoutée pendant le premier confinement n’a pas eu lieu. Avec la fin des « congés » accordés aux détenus, le chiffre de la population carcérale est toutefois sur le point de remonter. Quant à elles, les visites – qui avaient été supprimées à partir du 13 mars – ont pu reprendre à dater du 25 mai, mais les conditions qui les encadrent sont particulièrement drastiques.

308Début septembre, un assouplissement du régime des visites est envisagé, et notamment l’autorisation des contacts physiques entre les détenus et leurs proches ; cela provoque l’inquiétude des syndicats, qui déposent, en front commun, un préavis de grève. Une action est organisée les 22 et 23 septembre, qui s’avère bien suivie dans les prisons du pays  [335].

309Début octobre, il est décidé de mener des actions de grèves complémentaires, de façon coordonnée et successive. Le syndicat socialiste, la CGSP, dépose un préavis de grève pour la période s’étendant du 5 au 7 octobre. Le syndicat libéral, le SLFP, annonce également des actions entre le 8 et le 10 octobre. Le syndicat chrétien, la CSC, complète ces actions de grèves coordonnées et dépose un préavis de grève pour une période de 48 heures également (du 12 au 14 octobre).

310Une grève démarre effectivement le 5 octobre 2020, à l’initiative de la CGSP. C’est l’occasion d’évaluer les nouvelles exigences en matière de service minimum dans les différentes prisons du pays. En l’occurrence, la grève montre que les exigences légales sont rencontrées dans la plupart des établissements pénitentiaires : « Dans six prisons flamandes sur dix, le nombre d’effectifs présents répond à l’objectif du service minimum, selon l’administration pénitentiaire. En Wallonie, la majorité des établissements l’a atteint. La police est présente en renfort dans les prisons de Bruges, Gand et Forest. (…) En Flandre, le taux d’occupation minimal n’est pas atteint dans les établissements d’Anvers, de Bruges, de Termonde, de Gand, de Louvain-Central et de Malines. Dans les prisons de Bruxelles, l’objectif du service minimum a été atteint dans la prison pour femmes de Berkendael tandis qu’il est presque atteint à Saint-Gilles et à Forest »  [336].

311Par cette action, les syndicats d’agents pénitentiaires entendent, en particulier, protester contre la décision prise entre-temps par la DG EPI d’autoriser à nouveau les visites non surveillées (appelées également visites intimes). Les agents estiment que ces visites présentent un risque accru de transmission et regrettent qu’un protocole incluant une période de quarantaine n’ait pas été prévu. À la fin de cette première action de grève, menée par la CGSP, les différents syndicats prennent attitude : le 7 octobre, la CGSP annonce avoir déposé un préavis de grève pour le dimanche 18 octobre ; la CSC maintient son préavis antérieur et prévoit donc une action d’une durée de 48 heures à partir du lundi 12 octobre ; en revanche, le syndicat libéral SLFP préfère lever son préavis de grève précédemment annoncé, « estimant que les autorités ont accédé aux requêtes syndicales »  [337].

312Cet épisode illustre le fait que, dans le contexte particulier de l’année 2020, l’application de la législation sur le service minimum ne semble pas affecter fortement une situation sociale surtout gouvernée par la question sanitaire. D’autant que les actions de grève se font rares et qu’elles ne dépassent pas une durée de 48 heures, qui n’est d’ailleurs pas choisie de façon arbitraire par les syndicats (certaines dispositions de la loi qui instaure le service minimum ne s’appliquant en effet qu’aux grèves d’une durée de plus de deux jours).

313Le 12 octobre 2020, les affiliés de la CSC débutent des actions dans les prisons, comme cela avait été annoncé.

314Conséquence des différentes actions coordonnées mises en œuvre depuis le 5 octobre, une réunion se tient avec les autorités publiques concernées, qui rassemble les différents syndicats, la DG EPI et la cellule stratégique du nouveau ministre de la Justice depuis le 1er octobre 2020, Vincent Van Quickenborne (Open VLD), également vice-Premier ministre au sein du gouvernement De Croo (PS/MR/Écolo/CD&V/Open VLD/SP.A/Groen). Alors qu’une recrudescence de la pandémie devient de plus en plus sensible, le ministre souhaite que soit envisagée, en concertation avec les syndicats et en présence de l’administration, une adaptation des mesures sanitaires dans les prisons. Cette réunion est qualifiée de « constructive » par l’ensemble des parties prenantes  [338].

315La principale pomme de discorde porte sur la question des visites non surveillées (cf. infra), bien que les syndicats contestent également les décisions envisagées afin d’assouplir les règles applicables dans les salles de visite et au parloir et celles visant à élargir les conditions d’octroi des congés pénitentiaires. La DG EPI propose la suspension des visites non surveillées à partir du 16 octobre pour une durée d’un mois. En outre, le congé pénitentiaire devra désormais être pris en une fois (et non de façon fractionnée) et débouchera sur une période de 24 heures d’isolement impliquant la visite d’un médecin. Enfin, la généralisation du port du masque pour les détenus est décidée, dès que ceux-ci seront amenés à sortir de leur cellule. L’importance de l’application stricte de toutes les règles sanitaires, également par les agents pénitentiaires eux-mêmes, est aussi rappelée à cette occasion. Pendant la première vague et la période de relatif déconfinement qui lui a succédé, un problème d’application des règles sanitaire à géométrie variable (stricte concernant les détenus, plus relâchée s’agissant des agents) a en effet été rapporté par des détenus, leurs familles et des associations actives en prison  [339].

316En réalité, cette date du 12 octobre correspond, plus qu’à un aménagement transitoire des intérêts en présence, à un point de bascule vers la deuxième vague, qui impliquera l’application de mesures restrictives pendant plusieurs mois. On peut ainsi lire dans l’édition en ligne de La Libre Belgique de ce jour : « Les détenus privés de visites hors surveillance pour un mois : la situation “redevient inquiétante en prison, comme dans le reste de la population” ». Outre les mesures évoquées plus haut, il est rapporté que les prisons de Huy et de Nivelles sont placées en confinement après l’apparition de cas positifs parmi les détenus. Du côté de la société civile, divers acteurs appellent de leurs vœux à des libérations massives afin de limiter le risque d’une aggravation de la situation sanitaire en prison  [340].

317Le 15 octobre, une grève de 24 heures est organisée à la prison de Saint-Gilles « pour dénoncer le manque de personnel et la mauvaise gestion des cas de Covid au sein de l’établissement bruxellois ». Y prennent part la CGSP et la CSC. Cette action n’est pas liée aux précédentes et ne concerne que la situation dans cette prison. Est en particulier visé un manque récurrent de personnel dans cet établissement pénitentiaire, où le cadre légal n’est rempli qu’à hauteur de 90 % environ  [341]. Des griefs relatifs à la gestion de la crise sanitaire sont également formulés. La CSC profite de cette occasion pour rappeler que, selon ses estimations, « il manque au moins 464 agents pénitentiaires dans les prisons belges », tandis que « le nombre de détenus excède largement la capacité d’accueil des établissements, avec un total de 10 498 prisonniers alors que le cadre ne prévoit pas de dépasser la barre des 10 000 individus »  [342].

5.2.4. La deuxième vague et sa gestion

318Avec un certain temps de latence, les mesures prises pour faire face à la première vague sont reconduites par les autorités publiques et, en premier lieu, les mesures visant à faire baisser la population carcérale. L’interruption de peine Covid-19 est ainsi prévue dans la circulaire ministérielle n° 1823 du 1er décembre 2020, puis dans la loi du 20 décembre 2020 portant des dispositions diverses temporaires et structurelles en matière de justice dans le cadre de la lutte contre la propagation du coronavirus  [343]. La libération anticipée Covid-19 est réactivée par la circulaire ministérielle n° 1822 du 25 novembre 2020, puis par la loi du 20 décembre 2020 précitée  [344]. Quant à elle, la suspension de l’exécution de certaines peines est également reconduite par le CPG le 5 novembre 2020  [345].

319Toutefois, les diverses mesures visant à faire baisser la présence de détenus en prison ne conduisent pas à une baisse de la population carcérale, comme cela a été le cas pendant la première vague. À partir du mois de mai 2020, une nouvelle hausse de la population pénitentiaire peut être observée. Au mois d’août, la population carcérale est revenue au niveau qui était le sien avant la crise : les prisons comptent 10 493 détenus à la date du 24 août 2020. Ces chiffres ne diminueront pas par la suite : on compte 10 734 détenus dans les prisons le 3 novembre, 10 483 le 6 décembre et 10 392 le 28 décembre  [346]. La pression carcérale, problème structurel qui affecte les prisons belges depuis de nombreuses années, n’aura donc connu une diminution que durant quelques mois (durant la première vague de la pandémie, entre mars et mai-juin 2020). En outre, durant la deuxième vague, on observe davantage de contaminations au Covid-19 en prison, ce qui est de nature à compliquer les relations entre détenus et agents pénitentiaires, en particulier dans les établissements étant devenus des « clusters » (selon l’expression consacrée).

320Moyennant certains aménagements, les mesures visant à limiter les allers-retours en prison sont également réitérées par les pouvoirs publics. Dans certains cas, les audiences peuvent se tenir en dehors de la présence des détenus  [347]. Le régime des visites est supprimé ou fortement limité (cf. infra). Enfin, les permissions de sortie et les congés pénitentiaires sont supprimés  [348].

5.2.5. La question des visites et celle de l’usage de la vidéoconférence

321Durant tant la première vague que la deuxième, le régime de détention connaît de nombreux aménagements en fonction de l’évolution de la situation sanitaire. À cette fin, la DG EPI édicte des instructions, qualifiées d’« instructions coronavirus », qui sont complétées par « diverses notes, documents [foire aux questions, FAQ] ou autres consignes contenues dans des mails diffusés aux directeurs de prison »  [349]. Il est dès lors impossible de se faire précisément une idée de l’évolution de la situation dans chaque établissement pénitentiaire entre mars et décembre 2020. Concrètement, ces instructions coronavirus « ont (…) trait à l’isolement préventif des détenus entrants ou présentant des symptômes, à l’organisation du compartimentage des détenus en “bulles”, au port du masque par les détenus et le personnel, à la suspension partielle ou totale de certaines activités ou du travail pénitentiaire, au régime des visites, etc. »  [350]. Quand bien même y aurait-on accès, leur lecture ne donnerait pas une idée exacte de ce qui se passe en prison, la réglementation en la matière étant appliquée, déjà en temps ordinaire, de façon différenciée selon l’établissement pénitentiaire que l’on considère  [351].

322La question de la limitation des visites dont peuvent bénéficier les détenus renvoie sans doute à l’un des points les plus saillants de la crise sanitaire en prison et, à ce titre, elle fait l’objet de certains échos dans les médias. Les visites sont supprimées à deux reprises : tout d’abord, entre le 14 mars et le 25 mai, et ensuite, entre le 30 octobre et le 7 décembre 2020. Dans les deux cas, elles ne peuvent reprendre « que sous la condition de respecter des mesures strictes (nombre limité de visiteurs, séparation par des vitres en plexiglas, horaires précis selon la bulle à laquelle appartient le détenu, interdiction de contacts physiques, etc.) »  [352].

323Une pomme de discorde s’est matérialisée autour de la reprise, prévue juste avant que la deuxième vague ne survienne, des visites hors surveillance (ou visites intimes). Cette question « a cristallisé sur la scène publique une opposition entre détenus et agents : d’une part, leur maintien constituait une revendication importante des personnes détenues et de leurs proches, relayée par le secteur associatif francophone, et d’autre part, chaque annonce de reprise ou d’assouplissement du régime des visites a conduit au dépôt de préavis de grèves de la part des syndicats du personnel pénitentiaire »  [353]. Finalement, les visites hors surveillance n’ont jamais pu reprendre en 2020.

324Cette situation est vivement critiquée par les associations actives en prison. Dans une carte blanche issue de la CLAC, est ainsi dénoncé le fait que les agents pénitentiaires soient partis en grève précisément pour contester la reprise des visites. Cette association, comme d’autres acteurs de terrain, reproche en outre aux agents pénitentiaires de ne pas respecter eux-mêmes les mesures sanitaires, en particulier le port du masque et le respect des distances, tout en critiquant les comportements des détenus et de leurs familles en matière sanitaire  [354]. Il convient toutefois de rappeler que la situation sur le terrain est loin d’être monolithique. Certains agents pénitentiaires estiment en effet que le régime des visites mis en place durant la pandémie s’avère trop rigoureux, en particulier s’agissant de « l’interdiction de contacts physiques entre les détenus et leurs jeunes enfants »  [355]. Les familles des détenus organisent également, avec le soutien du secteur associatif actif en prison, des rassemblements devant certains établissements pénitentiaires afin d’attirer l’attention des médias et de l’opinion publique sur cette situation. Une manifestation statique se tient ainsi devant la prison de Forest, le 20 décembre 2020  [356].

325Par ailleurs, la période de pandémie s’avère propice à certaines expérimentations. L’usage de la vidéoconférence en constitue un exemple particulièrement parlant. Cet usage est envisagé dans deux situations. D’une part, afin de permettre aux détenus d’établir des contacts avec leurs proches, ou plus généralement avec le monde extérieur, lorsque les visites sont soit supprimées, soit suspendues. D’autre part, pour permettre aux détenus d’assister aux audiences les concernant. Une évaluation différenciée en fonction de ces deux situations semble pouvoir être proposée.

326Certains acteurs de terrain estiment que l’usage de la vidéoconférence peut être intéressant pour que les détenus continuent à communiquer avec leurs proches ou avec des interlocuteurs extérieurs au monde carcéral, et ce malgré la situation sanitaire et les restrictions qu’elle engendre. Ce moyen de communication permet d’établir ou de rétablir un contact avec des catégories de proches dont la présence en prison s’avère difficile à organiser, pour des raisons matérielles ou psychologiques (personnes âgées ou souffrant d’un handicap, jeunes enfants, etc.). Des contacts avec l’extérieur peuvent également, de cette façon, être multipliés en vue de préparer la réinsertion des détenus. Cet usage pourrait donc être intensifié à l’avenir, les acteurs de terrain insistant toutefois sur certains effets pervers qu’il conviendrait d’éviter dans une telle hypothèse (afin notamment d’éviter qu’une rencontre virtuelle par vidéoconférence soit considérée comme l’équivalent d’une visite en bonne et due forme).

327Pour sa part, l’usage de la vidéoconférence dans le cadre de la procédure pénale renvoie à une expérimentation que les gouvernements fédéraux successifs auraient voulu pérenniser. Durant le premier confinement, le ministre K. Geens souhaite en particulier avancer sur ce dossier en prévoyant une généralisation de la vidéoconférence dans certains cas, et ce également en période ordinaire. Une proposition de loi portant des dispositions diverses en matière de justice, notamment dans le cadre de la lutte contre la propagation du coronavirus, est déposée le 27 mai 2020 à la Chambre des représentants par Servais Verherstraeten et Bercy Slegers (CD&V)  [357]. S’il s’agit là d’une initiative parlementaire, l’un des auteurs de la proposition de loi indique durant les débats parlementaires que celle-ci a été préparée en concertation avec le cabinet du ministre de la Justice  [358]. Cette proposition législative, qui prévoit notamment une utilisation plus large de la vidéosurveillance en matière pénale – en ce compris à l’égard des détenus –, suscite toutefois de vives oppositions de la part de la majorité des acteurs de terrain concernés (et notamment les associations actives dans le secteur carcéral et les organisations représentatives des magistrats). Dans un avis rendu le 16 juin 2020, le Conseil consultatif de la magistrature (CCM), soutenu par un grand nombre d’associations représentatives des magistrats  [359], se montre ainsi particulièrement critique à l’égard tant de la méthode de travail employée que du contenu de la proposition de loi  [360]. Concernant l’usage de la vidéoconférence en matière pénale, le CCM rappelle notamment que des dangers pèsent sur les droits humains, que la proposition de loi soumise à examen ne permet pas d’écarter en raison de son imprécision. Plusieurs mois plus tard, le nouveau ministre de la Justice, V. Van Quickenborne, suit une stratégie identique en insérant des dispositions similaires dans son avant-projet de loi coronavirus, essuyant également des critiques de la part de certains acteurs de terrain  [361].

5.2.6. Évaluation juridique des mesures prises

328Divers spécialistes du droit pénitentiaire évaluent les mesures prises en vue de faire face à la pandémie de Covid-19 dans les prisons  [362]. La légalité des mesures adoptées est en premier lieu questionnée. En particulier, est pointé du doigt le fait que les conditions de détention soient aménagées au moyen de simples instructions non publiées  [363].

329S’agissant de la proportionnalité des mesures adoptées, une distinction peut être établie entre le statut juridique externe des détenus, d’une part, et leur statut juridique interne, d’autre part.

330En ce qui concerne le statut juridique externe, les mesures permettant une sortie de prison de certaines personnes condamnées à une peine privative de liberté ont pour effet de réduire la population carcérale. Une telle stratégie permet de rencontrer tant les aspirations des agents que celles des détenus  [364]. La question de la proportionnalité d’autres mesures, impliquant la limitation du droit, pour les détenus, d’assister aux audiences qui les concernent, d’une part, ainsi que la suspension des permissions de sortie et des congés pénitentiaires, d’autre part, se pose en revanche de façon plus aiguë  [365]. La mise en place d’autres protocoles sanitaires aurait en effet pu être envisagée, permettant aux détenus provisoirement libérés de réintégrer leur lieu de détention de façon relativement sûre sur le plan sanitaire, par exemple moyennant une quarantaine accompagnée de tests dits PCR (pour « Polymerase Chain Reaction »), comme cela a été mis en place dans divers secteurs.

331Le statut juridique interne est également source de questionnement, en particulier la décision prise à diverses reprises de suspendre ou de limiter de façon drastique les visites des proches. Rejoignant certaines critiques mises en avant par des acteurs associatifs, O. Nederlandt met ainsi en doute le caractère proportionné de ces mesures qui portent fortement atteinte aux droits fondamentaux des détenus, en particulier durant la deuxième vague de la pandémie. Selon cette chercheuse, « des garanties peuvent être apportées au niveau sanitaire avec le port du masque, les vitres en plexiglas, la limitation du nombre de visiteurs par détenu et au total dans la salle de visites et le compartimentage en bulles des détenus »  [366]. La juriste trace également un parallèle entre la situation sanitaire en prison qui prévaut depuis le mois de mars 2020 et la situation des détenus durant les grèves d’agents pénitentiaires. Dans les deux cas, des mesures sont prises qui peuvent conduire à des violations des droits humains. Sont particulièrement concernés les traitements inhumains et dégradants (visés à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme) et le droit à la vie privée et familiale (consacré quant à lui à l’article 8 du même traité).

332S’agissant d’une éventuelle violation de l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui impose la mise en place par les autorités publiques d’un recours effectif afin de permettre un contrôle des droits protégés par la Convention, les enjeux s’avèrent quelque peu différents. Certes, depuis le 1er octobre 2020, les commissions des plaintes, instaurées en vertu de la loi de principes du 12 janvier 2005 concernant l’administration des établissements pénitentiaires ainsi que le statut juridique des détenus  [367], sont devenues effectives. Toutefois, ce système ne vaut que pour autant que soient concernées des mesures qui affectent un détenu de façon individuelle, les mesures structurelles étant quant à elles exclues : « Les décisions générales prises par la direction (…) et les problèmes structurels propres au fonctionnement pénitentiaire sont exclus du champ d’application de la procédure. Il en va ainsi des décisions de suspension d’activités en temps de crise (par exemple, pendant les grèves ou durant la pandémie du Covid-19) ou des problèmes de surpopulation notamment qui, même si elles impactent les détenus individuellement, ne sont pas des décisions prises “à leur égard” »  [368]. Si un détenu souhaite contester une décision structurelle, la seule option qui subsiste est de saisir le juge des référés, ce recours ayant toutefois été considéré comme ineffectif par la CEDH. Sur ce plan également, et malgré la consécration du droit de plainte sur le plan juridique, la situation des droits humains des détenus risque de susciter à l’avenir difficultés et débats.

5.2.7. Le rôle des organes de surveillance et du secteur associatif

333Durant la pandémie, l’importance des organes de contrôle des conditions de détention est mise en lumière. Le rôle du Conseil central de surveillance pénitentiaire (CCSP), qui intervient à plusieurs reprises en 2020, peut être souligné  [369]. Le CCSP est un organe indépendant de contrôle du secteur pénitentiaire, prévu dans la loi de principes du 12 janvier 2005 précitée, mais qui n’a été mis en place effectivement qu’en 2019  [370].

334L’importance de la mobilisation du monde associatif  [371] est également remarquable à plus d’un titre, en particulier pour dénoncer les restrictions importantes apportées au régime des visites  [372]. Même si ce phénomène s’inscrit dans une tendance qui peut être repérée depuis de nombreuses années, certaines évolutions intéressantes méritent d’être pointées en particulier. Primo, la mobilisation est contrastée : elle est nettement plus importante dans l’espace francophone que dans l’espace néerlandophone. Secundo, le secteur associatif, qui a pour habitude de représenter les intérêts et les droits de détenus souvent invisibilisés, se fait, pendant la crise sanitaire, plutôt « facilitateur » de leur parole  [373]. Des actions se tiennent à l’initiative des détenus et de leurs proches ; elles sont soutenues – mais non organisées – par des associations actives dans le domaine carcéral. Des cartes blanches sont signées non seulement par des associations, mais également par des détenus. Tertio, plusieurs associations lancent une initiative originale et commune : la création d’une ligne téléphonique (« Ligne Info’Prison ») destinée à recueillir les témoignages des détenus et de leurs proches  [374].

335Le rôle joué par des acteurs de terrain et des personnes issues du monde académique peut également être épinglé. Deux exemples suffiront à illustrer le propos. En premier lieu, le 5 novembre 2020, alors que la deuxième vague de la pandémie est en train de déployer ses effets, Thierry Marchandise, juge de paix émérite, publie dans l’édition en ligne de La Libre Belgique une carte blanche au titre évocateur (« Prison et Covid : la double peine ») dans laquelle il critique les objectifs mis en avant par le gouvernement De Croo en matière pénale et pénitentiaire, selon lui exclusivement sécuritaires  [375]. En second lieu, du côté des opinions exprimées par des membres du monde académique, une lettre ouverte est adressée au ministre de la Justice, V. Van Quickenborne ; elle est publiée le 22 janvier 2021 dans l’édition numérique du quotidien Le Soir [376]. Écrite par O. Nederlandt et soutenue par plusieurs dizaines d’académiques, cette lettre ouverte entend notamment réagir à l’adoption d’un arrêté ministériel qui suspend les permissions de sortie et les congés pénitentiaires (cf. supra). Un certain nombre de revendications sont par ailleurs mises en avant, entre autres une meilleure consécration du principe de légalité, l’élargissement des possibilités pour les détenus d’obtenir une interruption de la peine, des adaptations des conditions de détention à l’égard des personnes fragiles et le rétablissement du régime de visites.

5.3. Conclusion

336En 2020, sous la pression des événements, l’éventualité d’une conciliation des perspectives respectives des agents pénitentiaires et des détenus semble être devenue encore plus hypothétique qu’elle ne l’était précédemment. À cet égard, la crise sanitaire a agi comme un catalyseur de difficultés qui lui préexistaient, en accentuant une tension entre intérêts et revendications des agents pénitentiaires, d’une part, et des détenus, d’autre part.

337Entre les diverses positions en présence, des éléments potentiels de convergence existent pourtant : plus les conditions de détention seront respectueuses des droits humains, plus, en principe, la sécurité des agents – élément qui constitue une revendication centrale dans ce secteur  [377] – sera elle aussi améliorée. Certes, la situation varie d’un établissement pénitentiaire à l’autre. Au sein de certaines prisons, un dialogue entre agents et détenus a été organisé, et il porte ses fruits : à Jamioulx par exemple, un organe de concertation incluant des représentants des détenus a été mis en place par la direction et le service psycho-social, qui permet d’aplanir certains conflits. Il nous revient également que, dans certaines prisons (comme celle de Dinant), le personnel pénitentiaire n’a pas jugé l’épisode des grandes grèves de 2016 concluant et tend dès lors à privilégier d’autres moyens d’action pour faire entendre ses revendications, par exemple dans le cadre d’un dialogue noué avec la direction lorsque celui-ci s’avère possible.

338Durant l’année 2020, une crise s’est enchâssée dans une autre. La crise ordinaire qui affecte le monde pénitentiaire s’est doublée d’une crise sanitaire exceptionnelle. Pendant la première vague, une réponse a été fournie sur le plan réglementaire et législatif par les autorités publiques concernées. Alors que l’on espérait que la situation sanitaire continue à se stabiliser au cours de l’automne 2020, tel n’a pas été le cas. L’impact de la reprise pandémique a été particulièrement sensible en prison et la réaction des autorités publiques s’est quelque peu fait attendre.

339Pour certaines d’entre elles, les mesures prises ont été favorables aux personnes condamnées à une peine privative de liberté, en particulier celles ayant permis la libération de certains détenus durant une période limitée et moyennant diverses conditions. Principalement au cours de la première vague de la pandémie, elles ont également permis de faire baisser la surpopulation carcérale – autre réalité qui est une source de tensions au sein du milieu pénitentiaire. En revanche, d’autres décisions ont eu pour effet de réduire les droits des détenus ou de détériorer leur situation, et ce que l’on considère leur statut juridique interne (au sein de la prison) ou externe (se rapportant aux aménagements de la peine privative de liberté qui peuvent leur être accordés). Ces mesures ont fait l’objet de critiques de la part des détenus et d’une pluralité d’acteurs issus de la société civile.

340Cela n’empêche que l’ensemble des mesures prises par les autorités publiques afin de faire face à la pandémie de Covid-19 semblent avoir plutôt apaisé les craintes exprimées par les syndicats d’agents pénitentiaires, qui se plaçaient souvent sur le terrain de la sécurité sanitaire et qui ont parfois conduit à l’organisation d’une action de grève ou, à tout le moins, au dépôt d’un préavis de grève.

341Du point de vue de la conflictualité sociale considérée de façon plus générale, l’effet principal de la crise sanitaire a été de déplacer les axes qui structuraient le conflit au début de l’année 2020. Alors que la pomme de discorde principale – outre les problèmes endémiques que sont la surpopulation carcérale, le manque d’effectifs et l’état de certains bâtiments – concernait l’instauration d’un service minimum en cas de grève dans les prisons, les enjeux se sont modifiés sous la pression de la situation sanitaire. Du côté des agents pénitentiaires, si le service minimum continue d’être combattu dans son principe, il semble accepté dans la mesure où il existe et où ses effets tangibles sur le terrain semblent relativement limités. Les problèmes structurels qui affectent le secteur carcéral n’ayant pas été résolus, les sources de tensions sociales demeurent toutefois abondantes. Du côté des détenus, malgré l’instauration et la mise en œuvre progressive du service minimum, la protection de certains de leurs droits fondamentaux n’est pas assurée dans les faits, et ce non en raison de grèves – qui se sont avérées particulièrement rares en 2020 (et brèves, lorsqu’elles ont été organisées) –, mais en raison d’une crise sanitaire délicate qui s’est greffée à une situation déjà habituellement préoccupante.

6. Le mouvement des sans-papiers déconfine le droit à manifester

342L’irruption du Covid-19 en 2020 a fortement affecté les sans-papiers. La dégradation de leurs conditions de vie a aussi été l’occasion d’une recrudescence des luttes. Alors qu’à partir du 18 mars, la Belgique est placée sous un confinement strict, les personnes sans papiers sont les premières à déconfiner le droit au rassemblement et à manifester.

343À Bruxelles, les sans-papiers reprennent les rues dès la fin du mois d’avril pour revendiquer, notamment, la libération des personnes détenues dans les centres fermés et la régularisation de tous et de toutes sur la base de circonstances exceptionnelles, comme le prévoit l’article 9bis de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers  [378]. Tout au long de l’année, tant le gouvernement fédéral Wilmès II (MR/CD&V/Open VLD), mis sur pied le 17 mars pour gérer la crise due à la pandémie  [379], que le gouvernement De Croo (PS/MR/Écolo/CD&V/Open VLD/SP.A/Groen), qui lui succède le 1er octobre, ignorent les revendications des sans-papiers et ne donnent aucune suite aux appels en faveur d’une issue digne à la situation de ceux-ci à travers une régularisation. Si, durant le premier confinement (18 mars - 4 mai 2020), l’Office des étrangers accepte de libérer pour raisons sanitaires certaines personnes placées en centre fermé, les enfermements et les expulsions reprennent dès le mois de juin. Avec l’annonce d’un second confinement le 2 novembre, alors que les conséquences désastreuses de la pandémie sur la vie des personnes sans papiers se font sentir de façon croissante, la régularisation devient plus que jamais nécessaire et urgente pour elles, et les mobilisations en ce sens perdurent. Notamment, une campagne axée sur la régularisation par le travail voit le jour. Parallèlement, on assiste à un renouvellement des stratégies de survie avec une multiplication des occupations de bâtiments vides dès l’été 2020, ce qui donne naissance, vers la fin de l’année, à une « campagne de réquisitions solidaires ».

344Ce chapitre ne pourrait aborder l’ensemble des mobilisations et la multiplicité des acteurs du mouvement des sans-papiers au niveau national. Il s’attelle dès lors à retracer le fil du déconfinement des luttes des collectifs de personnes sans papiers en Région bruxelloise, là où la plupart de ces collectifs sont actifs et où les actions les plus remarquables de l’année se sont déroulées.

6.1. Le contexte de la lutte des sans-papiers : revendications et acteurs

345Avant d’aborder la conflictualité de l’année 2020, il est intéressant de revenir brièvement sur le contexte général de la lutte des sans-papiers. S’il nous est impossible d’en retranscrire l’historique complet, nous proposons d’aborder ici quelques points clés qui permettent de mieux saisir les enjeux actuels. Tout d’abord, nous présentons brièvement la revendication centrale du mouvement, qui porte sur l’introduction dans la loi belge de critères de régularisation clairs et permanents. Nous revenons ensuite sur la réorganisation du mouvement suite à l’échec de la dernière campagne de régularisation, menée par les autorités belges en 2009. C’est cette période qui a vu apparaître les collectifs se trouvant aujourd’hui au cœur des luttes.

6.1.1. Des critères clairs de régularisation : courte trajectoire d’une revendication

346En Belgique, le statut des ressortissants étrangers est régi par la loi du 15 décembre 1980, maintes fois modifiée. Celle-ci prévoit deux mécanismes de régularisation pour les personnes résidant en Belgique sans titre de séjour et ne pouvant se rendre dans leur pays d’origine pour effectuer une demande en ce sens. Son article 9bis permet d’accorder une régularisation pour des raisons dites humanitaires, et ce, selon la formule juridique, dans des « circonstances exceptionnelles ». La loi ne détaille cependant pas les circonstances qui peuvent ici être considérées comme exceptionnelles. L’application (ou non) de l’article 9bis est donc entièrement soumise au pouvoir discrétionnaire du ministre ou secrétaire d’État en charge de l’Asile et de la Migration à travers son administration, l’Office des étrangers. Dans la pratique, les dossiers de régularisation introduits sur cette base n’aboutissent que très rarement. Pour sa part, l’article 9ter de la loi du 15 décembre 1980 doit permettre une régularisation pour raisons médicales face à l’impossibilité pour la personne concernée de retourner dans son pays d’origine afin d’y recevoir les soins adéquats. Cependant, son champ d’application a été tellement réduit au cours des dernières législatures que les régularisations pour raisons médicales sont aujourd’hui rarissimes  [380]. Dans les faits, les voies légales de régularisation du séjour en Belgique sont donc pratiquement inopérantes.

347Dans le courant des années 2000, face à ce constat d’iniquité de la loi, émerge la revendication d’une introduction de critères de régularisation clairs et permanents à l’article 9bis de la loi du 15 décembre 1980 et la création d’une commission permanente et indépendante de l’administration pour traiter les demandes. Cette revendication est portée tant par des acteurs associatifs que par les collectifs auto-organisés de personnes sans papiers, qui s’ancrent alors durablement sur la scène des luttes sociales belges. Ces acteurs s’inspirent de la campagne de régularisation que les autorités belges ont menée en 2000 sur la base d’une loi temporaire  [381] mise en œuvre par une commission indépendante et définissant quatre critères de régularisation  [382]. Ils entendent inscrire les critères dans la loi du 15 décembre 1980 et forcer ainsi une transformation structurelle de la politique migratoire belge. À partir de 2006, une mobilisation intense parvient à maintenir la question de la régularisation des sans-papiers par le moyen d’une révision de la loi tout en haut de l’agenda politique. Cependant, cet enjeu est également tributaire de la crise politique des années 2007-2011  [383].

348Dans un climat de fortes tensions politiques, c’est finalement une nouvelle campagne ponctuelle de régularisation qui est menée par le gouvernement fédéral Van Rompuy à travers une instruction du 18 juillet 2009  [384]. La régularisation de 2009 est généralement considérée dans la mémoire des luttes des sans-papiers comme un échec cuisant. La procédure longue et ambiguë est marquée par de nombreux écueils. Le critère principal de régularisation, celui de la possession d’un contrat de travail en bonne et due forme, est particulièrement restrictif et donne lieu à toutes sortes d’abus et de fraudes de la part d’employeurs peu scrupuleux. En fin de compte, la campagne ne permet de régulariser qu’une faible portion de demandeurs, la plupart du temps de manière temporaire  [385]. Au terme de cette campagne, pour les « déboutés de 2009 », il est plus que jamais nécessaire de faire inscrire les critères de régularisation dans la loi du 15 décembre 1980.

6.1.2. Émergence de nouveaux acteurs après 2009 : stratégies en débat

349L’échec de la régularisation de 2009 suscite une réorganisation du mouvement des sans-papiers au cours des années qui suivent. Après une période de reflux de la mobilisation  [386], deux nouveaux collectifs se forment en juin 2014, marquant le début d’un nouveau cycle de luttes : La Voix des sans-papiers (VSP) et Mobilisation Groupe 2009. Fort de près de 200 personnes de toutes origines, VSP décide dès l’été d’occuper un bâtiment à Molenbeek-Saint-Jean. Un autre groupe VSP occupe également un bâtiment à Liège. Ces espaces sont conçus à la fois comme des lieux de vie et comme le cœur de la mobilisation en faveur de la régularisation de tous les sans-papiers. Par la suite, les occupations de ce type essaiment sur le territoire bruxellois, et des actions et manifestations regroupant divers collectifs ont lieu régulièrement  [387]. Parallèlement, les porte-parole des différents collectifs se réunissent dès août 2014 au sein de la Coordination des sans-papiers de Belgique (CSPB, désignée « la Coordination » dans la suite de ce texte), créée dans le but de coordonner l’action et la stratégie du mouvement  [388].

350Les assemblées larges de la Coordination, qui regroupent les porte-parole et les militantes et militants, affiliés ou non à un collectif, sont le lieu de vifs débats. Entre autres questions, celle de l’autonomie du mouvement vis-à-vis de ses soutiens institutionnels y est souvent posée. En effet, il est parfois reproché aux associations et syndicats regroupés dès novembre 2014 au sein de la Plateforme de soutien aux sans-papiers  [389] de niveler par le bas les revendications en n’osant pas affirmer la nécessité de régulariser toutes et tous les sans-papiers. Le Comité des travailleurs.ses migrants.tes avec et sans papiers de la CSC de Bruxelles (CSP-CSC Bruxelles), à la fois membre de la Coordination et affilié à la structure syndicale chrétienne, met par ailleurs l’emphase sur la notion de « travailleurs sans papiers » et développe, avec l’aide de ses permanents, une stratégie de régularisation par le travail. Durant les premières années d’existence de la Coordination, l’approche du CSP-CSC Bruxelles a pu être perçue comme incompatible avec les objectifs de celle-ci, qui entend régulariser l’ensemble des personnes sans papiers, y compris celles qui ne sont pas en capacité de travailler ou ne se reconnaissent tout simplement pas dans cette catégorie. En dépit des débats houleux des premières heures, ces deux lignes stratégiques – régularisation générale et régulation par le travail – continuent de coexister au sein du mouvement.

351Cette période de renouveau du mouvement des sans-papiers cède rapidement la place à la fatigue et au désarroi. Dès octobre 2014, le secrétaire d’État à l’Asile et la Migration du gouvernement fédéral Michel I (N-VA/MR/CD&V/Open VLD), Theo Francken (N-VA), martèle son refus de toute opération de régularisation collective et mène une politique axée sur le tout répressif  [390]. En conséquence, les militantes et les militants perdent peu à peu confiance en l’utilité de la lutte collective pour obtenir leurs droits et en la capacité de la Coordination à diriger cette lutte. La démobilisation s’accompagne d’une entrée en sommeil progressive des occupations de sans-papiers, qui sont réduites à leur fonction d’organisation de la survie des occupantes et des occupants.

352Vers 2018, l’heure est au bilan de la stratégie et de l’action de la Coordination, alors que se rapprochent les grandes échéances électorales. C’est dans ce contexte qu’est créé, avec le soutien de l’asbl Collectif Formation Société (CFS), le Bureau d’études des sans-papiers (BESP), qui vise à doter les militantes et militants d’outils d’analyse de leur propre situation et à les initier à la recherche-action. Le BESP produit ainsi deux cahiers de recommandations à l’attention des pouvoirs publics, pour les élections communales du 14 octobre 2018 et les élections européennes, fédérales, régionales et communautaires du 26 mai 2019  [391]. Ce second document reprend à son compte, en l’actualisant, une proposition de refonte de l’article 9bis de la loi du 15 décembre 1980, déposée par Écolo en 2006 et énumérant cinq critères de régularisation  [392]. Il liste aussi une série de revendications parfois plus radicales, telles que l’arrêt de la criminalisation des sans-papiers, la fermeture des centres fermés, l’arrêt des expulsions, le respect des droits fondamentaux et la liberté de circulation.

353Durant la campagne électorale en vue du scrutin fédéral de mai 2019, la Coordination tente de discuter sur la base de son cahier de recommandations avec l’ensemble des partis politiques, à travers des rencontres ou des conférences. Parallèlement, elle met aussi l’accent sur des stratégies plus individuelles, encourageant les sans-papiers à introduire de nouveaux dossiers d’asile ou de régularisation. Le lancement par VSP Ixelles en février 2020 du projet « Y’en a marre », qui vise à recruter des volontaires afin de soutenir les membres de VSP dans leurs démarches administratives  [393], témoigne de ce tournant. Ce revirement stratégique est parfois perçu d’un mauvais œil par des collectifs de sans-papiers gravitant autour de la Coordination et entretenant avec elle des relations qui peuvent s’avérer complexes, tels que le Collectif Victimes de la régularisation 2009 (CVR2009), actif depuis 2015, ou d’autres, plus récents, comme le Collectif des travailleurs sans papiers (Collectif TSP), Migrant libre et le collectif Sans-papiers Belgique (SP Belgique), dont certains prônent le recours à des modes d’action plus radicaux. C’est dans ce contexte général de fragmentation progressive du mouvement que s’ouvre l’année 2020.

6.2. Mobilisations dans le contexte des négociations pour la formation d’un nouveau gouvernement fédéral

354Suite aux élections européennes, fédérales, régionales et communautaires du 26 mai 2019, les promesses et les déclarations de bonnes intentions arrachées par la Coordination à certains représentantes et représentants de partis durant la campagne électorale, notamment le PS et Écolo, semblent rester lettre morte. Cependant, les sans-papiers entendent faire en sorte que la question de leur régularisation figure à l’ordre du jour des négociations en vue de la formation d’une nouvelle majorité fédérale, qui sont encore en cours au début de l’année 2020.

355Le 25 janvier, environ 200 personnes manifestent devant le cabinet de la ministre en charge de l’Asile et la Migration au sein du gouvernement fédéral en affaires courantes Wilmès I (MR/CD&V/Open VLD), Maggie De Block (Open VLD). Les manifestantes et manifestants représentent pour une large part des collectifs issus de l’échec de la régularisation de 2009, tels le CVR2009 et le Collectif TSP. Ils tentent d’attirer l’attention sur la situation désespérée dans laquelle cette opération a plongé certaines personnes et demandent réparation, sous peine d’intenter des actions devant la justice internationale  [394].

356Parallèlement, la stratégie de concertation avec les partis politiques mise en œuvre par la Coordination, qui avait également été portée au niveau local durant la campagne en vue des élections communales du 14 octobre 2018, semble porter ses premiers fruits. Le 3 février, le conseil communal de Liège approuve, sous la pression d’une mobilisation des groupes locaux de soutien aux sans-papiers, une motion en faveur de la régularisation sur la base de critères clairs mise en œuvre par une commission permanente indépendante. Le texte, soutenu par l’ensemble des partis (PS, PTB, Vert ardent, CDH, Vega et Défi) à l’exception du MR, qui s’abstient, vise à envoyer un signal au futur gouvernement fédéral  [395]. Par la suite, la Coordination décide d’interpeller le MR en appelant à une manifestation devant le siège bruxellois du parti le 13 février. Elle déplore la politique criminalisante de la majorité fédérale sortante dont fait partie le MR et la réticence continue du parti quant à la régularisation  [396]. Au cours de la manifestation, la Coordination met également en avant la déclaration du procureur général près la Cour de cassation, André Henkes, lors de son discours de rentrée judiciaire en septembre 2019, centré sur la question du droit des étrangers. Le procureur général a en effet insisté sur la nécessité de refondre en profondeur la loi du 15 décembre 1980 : il estime qu’elle est peu en phase avec la réalité migratoire actuelle et qu’elle n’assure pas une sécurité juridique suffisante pour les personnes étrangères, en plus d’avoir été rendue illisible au fil des modifications visant à la mettre en conformité avec les conventions européennes et internationales  [397].

357Si les négociations en vue de la formation d’une nouvelle majorité fédérale constituent une fenêtre d’opportunité intéressante pour le mouvement, l’éruption inattendue de la pandémie de Covid-19 et le confinement décrété en réponse par les autorités belges en mars viennent bousculer l’agenda politique.

6.3. Luttes et entraide des sans-papiers durant le premier confinement

358La crise sanitaire et les mesures prises à partir du 12 mars par le Conseil national de sécurité (CNS)  [398] pour lutter contre la propagation du Covid-19 renforcent la précarité et la vulnérabilité des personnes sans papiers de diverses manières, comme en témoignent les différentes études publiées à ce sujet par le BESP  [399]. Cela dit, loin de démobiliser les sans-papiers, cette situation pousse ceux-ci à renforcer la lutte pour réclamer leurs droits  [400]. Que ce soit dans les centres fermés ou dans la rue, les personnes sans papiers seront les pionnières du déconfinement de la lutte.

6.3.1. Conflits dans les centres fermés

359Les mesures gouvernementales ont tout d’abord un impact significatif sur des espaces au demeurant confinés : les centres destinés au logement des personnes migrantes en attente d’une réponse à leur demande d’asile (centres dits d’accueil) ou de leur probable expulsion (centres fermés). Ainsi, à partir du 17 mars, l’Office des étrangers décide temporairement, en concertation avec M. De Block, de ne plus enregistrer de nouvelles demandes d’asile  [401]. Les centres d’accueil ferment donc leurs portes aux nouvelles et nouveaux arrivants  [402], qui sont dès lors livrés à leur sort, le plus souvent sans accès à un logement, alors que, à partir du 18 mars, la population est appelée à « rester chez soi ».

360Mais c’est dans les centres fermés qu’éclosent les premières luttes de personnes sans papiers en lien avec la pandémie. Déjà, le 9 mars, des femmes détenues dans le centre fermé de Holsbeek (Brabant flamand) débutent une grève de la faim pour protester contre leur enfermement et contre les conditions de détention  [403]. Le 16 mars, les autorités interdisent les visites ainsi que l’accès à Internet et les activités habituellement proposées aux détenues et détenus. En réponse, les personnes enfermées dans le centre de Vottem (Liège) entament le 17 mars une grève de la faim, qui bénéficie cette fois d’une certaine attention médiatique. Elles dénoncent l’interdiction des visites ainsi que les conditions d’hygiène qui vont à l’encontre des règles sanitaires et réclament leur libération  [404]. L’interdiction des visites supposant également celle des contrôles externes (médias, parlementaires, avocats et avocates), les personnes détenues en centres fermés développent des stratégies pour dénoncer leur situation. À Merksplas (Anvers), elles parviennent ainsi à filmer ces conditions et à envoyer les images aux collectifs de soutien, qui se mobilisent pour les faire parvenir aux médias. La RTBF consacre un article et relaie les images attestant de la distribution de nourriture avariée, de l’existence d’un cachot pour les personnes qui présentent des symptômes de Covid-19 (où ces personnes sont parfois enfermées sans même pouvoir consulter un médecin), du manque d’hygiène (absence de désinfection des chambres partagées lorsqu’une personne tombe malade), du non-respect de la distanciation par le personnel, de l’absence d’eau chaude depuis trois mois, de savons, de masques, etc.  [405]

361Le 18 mars, 75 avocats et avocates ainsi que des associations comme Coordination et initiatives pour réfugiés et étrangers (CIRÉ) et la Ligue des droits humains (LDH) publient une lettre ouverte dans Le Vif/L’Express, par laquelle ils exhortent les autorités à « fermer immédiatement les centres fermés »  [406]. Les signataires estiment que la réclusion y est devenue illégale en raison de la fermeture des frontières, qui empêche que les expulsions soient réalisées dans des délais raisonnables. Les demandes se multiplient ; notamment, une carte blanche est publiée dans Le Soir, signée par une cinquantaine d’associations, collectifs et syndicats  [407].

362En dépit des mesures sanitaires interdisant les voyages dits non essentiels, il est procédé à 93 retours forcés entre le 13 mars et le 8 avril, presque exclusivement vers des pays européens  [408]. Suite aux grèves de la faim, aux tentatives d’évasion, aux dénonciations médiatiques et aux interpellations politiques, l’Office des étrangers commence à libérer des personnes au cas par cas. Le 8 avril, la ministre indique que 297 personnes ont été libérées avec un ordre de quitter le territoire dans un délai de 30 jours. La sélection de personnes libérées a été opérée sur la base du profil : risque en termes de santé, délai de détention ou encore impossibilité d’éloignement. Mais 204 personnes restent en détention.

6.3.2. Campagnes pour la régularisation : la pandémie comme circonstance exceptionnelle

363Le CNS annonce des mesures de confinement strict dès le 18 mars, imposant notamment la fermeture des magasins et activités dits non essentiels et l’interdiction des rassemblements. Sans filet de sécurité et sans aide pour faire face à la pandémie, les personnes sans papiers qui doivent arrêter le travail (au noir) durant le confinement ne peuvent compter que sur l’entraide, l’aide apportée par certaines associations et la solidarité des collectifs, des citoyens et des citoyennes. Par ailleurs, des sans-papiers souvent employés en première ligne (notamment dans le secteur du nettoyage) continuent à travailler pour subvenir à leurs besoins, parfois sous la menace de perdre leur travail et souvent en acceptant des conditions fortement dégradées. En temps de pandémie, aux bas salaires et aux abus des employeurs s’ajoutent le manque de matériel de protection contre le Covid-19 et le risque croissant des contrôles policiers lors des déplacements entre le logement et le lieu de travail  [409]. Cette situation pousse les sans-papiers à renforcer leur lutte pour la régularisation.

364S’inspirant de la décision annoncée le 30 mars par le gouvernement du Portugal de régulariser temporairement les personnes sans permis de séjour dans ce pays, Migrant libre lance une campagne en ligne. Sous l’accroche « La Belgique peut aussi régulariser les sans-papiers », le collectif invite les internautes à mettre en ligne des vidéos pour demander aux pouvoirs publics la régularisation de toutes les personnes présentes sur le territoire belge  [410]. L’appel est soutenu par des associations, des syndicats et des collectifs de sans-papiers. Le 1er avril, une quarantaine d’organisations  [411] adressent une carte blanche au gouvernement belge pour demander un permis de séjour couvrant la période de la crise sanitaire pour les personnes sans papiers, des aides afin qu’elles puissent subvenir à leurs besoins, la libération des personnes détenues en centre fermé avec une autorisation de séjour temporaire et un hébergement, l’ouverture de l’enregistrement des demandes d’asile et des logements d’accueil, ainsi qu’une prolongation automatique de trois mois des titres de séjour qui arrivent à expiration  [412]. Une semaine plus tard, ces mêmes organisations lancent une pétition portant sur les mêmes revendications.

365Parallèlement, les sans-papiers décident de sortir dans la rue pour revendiquer leurs droits. Le 20 avril, alors que la Belgique est placée en confinement strict, une soixantaine de sans-papiers réalisent une action éclair devant les bureaux de la ministre M. De Block, au pied de la Tour des Finances, à Bruxelles  [413]. Il s’agit du premier rassemblement à avoir lieu en Belgique depuis l’annonce du confinement. Les rassemblements étant interdits, aucun appel n’est publié et aucun collectif n’est présenté comme organisateur de cette action, qui est néanmoins couverte par la presse. Les personnes mobilisées revendiquent une reconnaissance par l’État belge de leur présence dans ce pays depuis des années, la libération des personnes détenues dans les centres fermés et la régularisation de tous et toutes vu le contexte exceptionnel. Un message est lu par l’une d’entre elles : « Avant cette pandémie, nous, sans-papiers, vivions déjà chaque jour dans la peur et les difficultés. Nous travaillions au noir pour gagner de quoi vivre avec nos familles et nos enfants. Une situation d’exploitation que nous dénoncions pourtant. Depuis l’annonce du confinement, tous les secteurs sont fermés et il n’y a presque plus de travail. Du jour au lendemain, nous nous retrouvons sans aucun revenu et aucune aide pour subvenir à nos besoins de base. Nous n’avons pas accès aux soins de santé, nous ne pouvons plus acheter à manger ou payer notre loyer »  [414].

366Le lendemain, les associations et syndicats réunis au sein de la Plateforme de soutien aux sans-papiers adressent une note aux partis politiques, proposant un mécanisme de simplification des procédures administratives pour l’octroi de titres de séjour provisoire sur la base de circonstances exceptionnelles, comme le prévoit l’article 9bis de la loi du 15 décembre 1980  [415]. La note stipule que, tout au long de la période de risque sanitaire, la pandémie de Covid-19 devrait être automatiquement considérée comme une circonstance exceptionnelle justifiant la régularisation.

367Le 4 mai, dans le cadre de la première phase du déconfinement en Belgique, une cinquantaine de militantes et militants des collectifs de sans-papiers et de soutien se rassemblent à la sortie de la station de métro Arts-Loi à Bruxelles, à l’initiative du CVR2009. Ils demandent la régularisation des sans-papiers, des réponses politiques urgentes à la situation de détresse de ceux-ci, ainsi que la reprise des enregistrements des demandes d’asile et la réouverture des centres d’accueil  [416]. Parallèlement, un front large de syndicats, d’associations et de collectifs de sans-papiers et de soutien  [417] lance la campagne « Déconfinons les droits des sans-papiers. Contre le virus, la régularisation c’est maintenant ». Elle appelle à coller des affiches aux fenêtres et à publier des messages sur les réseaux sociaux pour demander la régularisation des sans-papiers, à rejoindre l’appel de Migrant libre à réaliser des vidéos demandant la régularisation, à interpeller les membres de chaque conseil communal pour qu’ils adoptent une motion en faveur de la régularisation des sans-papiers sur la base de circonstances exceptionnelles et à signer la pétition lancée début avril pour demander un permis de séjour temporaire couvrant la période de la crise sanitaire.

6.3.3. Intensification de la campagne d’interpellation des communes

368À l’approche de l’été, alors que la Belgique poursuit son déconfinement progressif, les sans-papiers donnent un nouvel élan à leur campagne « Déconfinons les droits des sans-papiers ». L’ensemble des collectifs se joignent ainsi au mouvement d’interpellation des communes, qui prend désormais corps dans la rue.

369Le 25 mai, le Collectif TSP et le CVR2009 appellent à un rassemblement devant le cabinet de la ministre pour revendiquer une régularisation sur la base de circonstances exceptionnelles. Plus d’une centaine de personnes (selon la police) participent à ce rassemblement, déconfinant le droit à manifester. En effet, alors que ce type de rassemblement est toujours interdit, le groupe se dirige en cortège vers la maison communale de Saint-Josse-ten-Noode pour interpeller le conseil communal afin qu’il adopte une motion en faveur de la régularisation des sans-papiers  [418]. Il est rejoint sur le trajet par d’autres manifestantes et manifestants qui, aux chants de « Première, deuxième, troisième génération, nous sommes tous des enfants d’immigrés », réalisent ainsi la première manifestation en cortège depuis la mise en place du confinement. Une délégation est ensuite reçue par le bourgmestre, Emir Kir (ex-PS  [419]), au sein de la maison communale. Quelques jours plus tard, à l’instar d’autres communes du pays, les membres du conseil communal tennoodois (majorité PS–SP.A) votent une motion en faveur de la régularisation des sans-papiers.

370Le 30 mai, environ 150 personnes selon la police et plus de 200, selon les collectifs organisateurs, se rassemblent devant la maison communale de Molenbeek-Saint-Jean, à l’initiative de plusieurs collectifs de sans-papiers, notamment le Collectif TSP et la Maison des migrants. Le groupe se dirige ensuite vers la Bourse de Bruxelles mais, à la hauteur de la place du Nouveau marché aux grains, le cortège est interrompu par la police. Les collectifs organisateurs parviennent néanmoins à négocier quelques minutes supplémentaires pour prononcer un dernier discours avant dislocation  [420]. Comme pour la première manifestation, tous et toutes se rassemblent derrière une unique banderole indiquant « Régularisation pour toutes les personnes sans papiers ». Quelques jours plus tôt, le 27 mai, une majorité de membres du conseil communal de Molenbeek-Saint-Jean (majorité PS–SP.A/MR–Open VLD), à l’exception des membres du MR et de l’Open VLD, ont adopté une motion favorable à la régularisation. Les membres du MR et de l’Open VLD se sont abstenus.

371Le 3 juin, un nouveau rassemblement a lieu devant le siège du MR, à l’initiative du Collectif TSP, de la Maison des migrants et des collectifs membres de la Coordination (VSP Ixelles, VSP Saint-Josse et Collectif des Afghans). Plus d’une centaine de personnes se rassemblent afin d’exiger d’être prises en considération par l’un des partis du gouvernement fédéral qui, dirigé par Sophie Wilmès (MR), reste indifférent face aux diverses mobilisations, aux interpellations et aux propositions présentées par les pouvoirs communaux, les associations, les syndicats et les collectifs, notamment celles qui concernent l’application de l’article 9bis de la loi du 15 décembre 1980 dans le contexte de la pandémie. Après deux heures de rassemblement, le groupe part en cortège vers la maison communale de Saint-Gilles  [421]. Cette commune (majorité PS–SP.A/Écolo–Groen) ayant déjà voté une motion, le cortège ne vise pas à interpeller ses élus, mais plutôt à rendre visibles les communes solidaires et ainsi à inciter les autres à suivre leur exemple.

372Le 4 juin, une cinquantaine de personnes se rassemblent devant l’administration communale de Bruxelles-Ville  [422] pour interpeller le bourgmestre, Philippe Close (PS), et le collège (majorité PS/Écolo–Groen/SP.A/Défi), afin que le conseil adopte une motion en faveur de la régularisation. Mais cette interpellation n’aboutira pas au vote d’une motion. Un nouveau rassemblement, cette fois devant la maison communale de Koekelberg, est prévu le 8 juin, mais il est annulé suite à l’annonce par le bourgmestre, Ahmed Laaouej (PS, par ailleurs chef du groupe PS à la Chambre des représentants), de l’adoption prochaine d’une motion par le conseil communal (majorité PS/Écolo–Groen/CDH/SP.A)  [423].

373Au 29 juin, 11 communes wallonnes et bruxelloises ont adopté une motion enjoignant la Belgique à régulariser les personnes sans papiers (La Louvière, Liège, Namur, Mons et Verviers pour la Wallonie ; Anderlecht, Forest, Ixelles, Molenbeek-Saint-Jean, Saint-Gilles et Saint-Josse-ten-Noode pour la Région bruxelloise)  [424]. Néanmoins, les collectifs de sans-papiers constatent que ces motions ne suffisent pas en elles-mêmes et estiment qu’il est temps de rediriger la lutte pour la régularisation vers le gouvernement fédéral.

6.4. Déconfinement et reprise des négociations pour la formation d’un gouvernement fédéral

374En juin, les discussions pour la formation d’un gouvernement fédéral reviennent pleinement à l’agenda politique. Cette situation laisse envisager l’ouverture de nouvelles opportunités politiques pour le mouvement des sans-papiers, qui redirige ses demandes vers le niveau fédéral et vers les partis politiques en négociation. Mais le contexte sanitaire change également : avec le déconfinement progressif, les espoirs d’obtenir l’application de l’article 9bis de la loi du 15 décembre 1980 sur la base de la pandémie comme circonstance exceptionnelle diminuent. Malgré les nombreuses actions organisées par les collectifs de sans-papiers durant cette période, force est de constater que le nombre de participantes et de participants reste faible. Afin de gagner en visibilité et de renforcer le soutien à leur cause, les collectifs de sans-papiers multiplient leur participation à des actions qui dépassent leur propre mouvement et leurs revendications, parvenant ainsi à donner à celles-ci un caractère transversal.

375Le 7 juin, le mouvement des sans-papiers participe activement au rassemblement « Black Lives Matter » (BLM) organisé à Bruxelles. Des membres de collectifs de sans-papiers prononcent un discours devant les 10 000 personnes présentes pour souligner les violences policières encourues par les personnes sans papiers. Ils en profitent pour appeler à un rassemblement prévu le 12 juin devant la station de métro Arts-Loi  [425] pour réclamer du gouvernement fédéral « justice », « réparation », « des droits et des devoirs » et « régularisation »  [426]. Mais si la mobilisation BLM est parvenue à donner un coup d’accélérateur aux luttes décoloniales, la problématique du racisme structurel, les rapports Nord-Sud et la situation des personnes sans titre de séjour valable, qui incarnent ces rapports, peinent à gagner en force et en visibilité. Contrairement au rassemblement BLM, celui des sans-papiers qui se tient le 12 juin ne réunit qu’environ 150 personnes. À cette occasion, le Comité des femmes sans papiers adresse une lettre à la Première ministre et aux membres du CNS pour plaider en faveur de la régularisation en mettant l’accent, cette fois-ci, sur les conditions des femmes et des enfants  [427]. La lettre restera, une fois encore, sans réponse. La question des femmes sans papiers est à nouveau soulevée par la Ligue des travailleuses domestiques du CSP-CSC Bruxelles qui, en collaboration avec le Mouvement ouvrier chrétien (MOC) de Bruxelles et le projet House of Compassion (porté par des chrétiens de l’église Saint-Jean-Baptiste-au-Béguinage, à Bruxelles), inaugure, le 16 juin, une exposition photographique intitulée « Vos toilettes propres, nos propres papiers ! » au sein de l’église du Béguinage. À cette occasion, la Ligue des travailleuses domestiques organise une conférence de presse pour expliquer les problématiques des femmes sans papiers et l’urgente nécessité d’une régularisation  [428].

376Pour sa part, le Collectif TSP appelle à trois jours consécutifs de mobilisation les 17, 18 et 19 juin. Il constate que la régularisation des sans-papiers ne figure toujours pas à l’agenda du gouvernement fédéral en dépit des mobilisations. Cependant, l’arrivée à son terme du mandat du gouvernement de gestion de crise (en principe, le 19 septembre) et la reprise des négociations entre partis offrent de nouvelles opportunités de lutte. Le collectif appelle donc à un rassemblement le 17 juin devant le département Économie et Emploi du Service public régional de Bruxelles (SPRB) pour demander l’accès des personnes sans papiers à des formations aux métiers en pénurie. Cette action est suivie, le lendemain, d’un rassemblement devant le siège du PS, puis devant celui du SP.A le 19 juin. Il s’agit d’interpeller ces partis afin qu’ils introduisent la question de la régularisation des sans-papiers dans leur programme de négociation. Une petite centaine de membres des divers collectifs de sans-papiers participent à chacun de ces rassemblements  [429].

377Le 20 juin, à l’occasion de la journée internationale des réfugiés, un « grand rassemblement » est coorganisé par tous les collectifs de sans-papiers ainsi que par des associations et collectifs de soutien. Tout comme le Collectif TSP, la Coordination constate que « les motions dans les communes ne suffisent plus » et appelle donc à rediriger la mobilisation vers le gouvernement fédéral pour réclamer la régularisation de toutes les personnes sans papiers et la fermeture des centres fermés  [430]. Plus de 300 personnes (selon la police) sont présentes place du Luxembourg (Bruxelles), plus de 200 à Liège (selon les collectifs organisateurs), une centaine à Verviers et une quinzaine à Charleroi  [431].

378Le lendemain, une quarantaine de personnes manifestent devant les centres fermés Caricole et 127bis à Steenokkerzeel pour témoigner leur soutien aux personnes enfermées et exiger la fermeture de ces centres  [432]. Malgré les mobilisations, le gouvernement fédéral refuse toute concertation avec les sans-papiers et décide, au contraire, de poursuivre les procédures d’expulsion du territoire des personnes sans titre de séjour valable  [433]. Les contrôles, les arrestations dans des centres fermés et les expulsions sont réactivés avec la réouverture des frontières pour les voyages non essentiels aux pays membres de l’Union européenne et de l’Espace Schengen, le 15 juin  [434]. Les contestations dans les centres fermés refont surface. Le 1er juillet, des détenus du centre 127bis lancent un appel aux médias suite à la mise au cachot de l’un d’eux parce qu’il réclamait certains droits : « Un mouvement de solidarité s’est installé ce matin et tous les détenus de l’aile R ont tous exigé d’être mis au cachot parce qu’eux aussi réclament des droits »  [435].

379Le 12 juillet, de nouveau à l’initiative du CVR2009, environ 200 personnes se rassemblent devant la gare de Bruxelles-Nord. Le collectif demande que le gouvernement fédéral régularise immédiatement les sans-papiers, tout en rappelant que ces personnes ont apporté leur aide pendant le confinement, notamment en cousant des masques ou en donnant du sang  [436]. Le 15 juillet, un autre rassemblement a lieu à la station de métro Arts-Loi, afin de déposer le cahier des recommandations de la Coordination au Parlement fédéral.

380Si la mobilisation pour la régulation faiblit durant le mois d’août, elle reprend en force dès la rentrée. Le 5 septembre, la Coordination organise l’action « Nuit blanche pour la régularisation », qui rassemble 400 personnes place de l’Albertine à Bruxelles, autour de témoignages, de prises de parole, d’interpellations, de performances et de prestations musicales  [437]. Le mouvement des sans-papiers exprime également son soutien à d’autres luttes. La Coordination appelle notamment à participer à la manifestation de La Santé en lutte prévue le 13 septembre  [438]. Le 17 septembre, les divers collectifs de sans-papiers relaient un appel lancé par Amnesty International Vlaanderen à manifester place du Luxembourg pour les réfugiés du camp grec de Moria  [439]. Le 22 septembre, ils organisent également une veillée pour les 22 ans du décès de Semira Adamu, demandeuse d’asile nigériane déboutée et étouffée par deux policiers belges en 1998 lors d’une tentative d’expulsion du territoire belge.

381Le 23 septembre, une manifestation est organisée par la Coordination à la station de métro Arts-Loi, au moment où se déroule une réunion du CNS. Deux jours plus tard, la Coordination adresse une lettre ouverte aux présidents des sept partis politiques en négociation en vue de constituer un gouvernement fédéral, leur demandant de trouver une solution pour les personnes sans papiers. Selon la Coordination, « la pandémie du Covid-19 fait de la régularisation des sans-papiers une urgence sanitaire et sociale. Leur régularisation est une solution contre l’exclusion sociale, le racisme, et contre la montée de l’extrême droite qui se nourrit de la question migratoire »  [440].

6.5. Nouvelles mobilisations face aux précarités aggravées par la pandémie

382Le dernier trimestre de l’année 2020 est marqué par deux événements majeurs, qui ont un impact direct sur les conditions d’existence et les mobilisations des sans-papiers. D’une part, le gouvernement De Croo, qui prête serment le 1er octobre, continue globalement d’ignorer leurs demandes. Si quelques avancées ont été obtenues à la marge  [441], la question de la régularisation reste en suspens : elle n’est ni inscrite dans l’accord de gouvernement ni rejetée catégoriquement (comme c’était le cas sous la législature précédente). D’autre part, le nouveau gouvernement fédéral annonce l’entrée de la Belgique dans un second confinement le 2 novembre. Alors que la situation matérielle des personnes sans papiers ne cesse de se dégrader, l’embourbement de la situation sanitaire amenuise leurs possibilités d’exercer leur droit à manifester.

383Bien que ralenties, les mobilisations se poursuivent cependant, dans la rue ou en ligne. Le mouvement des sans-papiers continue de réclamer l’application pour toutes et tous de l’article 9bis de la loi du 15 décembre 1980 avec la pandémie comme circonstance exceptionnelle, insistant sur le fait qu’une régularisation est nécessaire pour intégrer les sans-papiers à la stratégie gouvernementale de lutte contre le Covid-19. Face au déni constant de la part des autorités de l’existence de la main-d’œuvre que représentent les sans-papiers, éclot une campagne axée sur la régularisation par le travail. En parallèle, des mobilisations plus sporadiques ont toujours lieu et l’on assiste à un renouvellement des stratégies de survie, à travers une campagne de réquisition de bâtiments vides.

6.5.1. Inclure les sans-papiers dans la lutte contre le coronavirus

384Suite à l’annonce de la formation du gouvernement De Croo, la Coordination publie une carte blanche soutenue par plus de 80 partenaires associatifs qui sera reprise sur le site Internet de La Libre Belgique le 20 octobre sous le titre « Comment le gouvernement peut-il imaginer que les personnes sans papiers vont oser se signaler pour être dépistées ? »  [442]. Il y est reproché aux autorités de n’envisager que des mesures répressives à l’égard des personnes sans papiers, alors que la pandémie a accentué les conditions de précarité dans lesquelles celles-ci évoluent. La carte blanche réitère donc la revendication d’une régularisation sur la base de l’article 9bis de la loi du 15 décembre 1980 avec pour circonstance exceptionnelle le contexte de pandémie. Les sans-papiers réclament également d’être intégrés à la stratégie gouvernementale de lutte contre la propagation du coronavirus. Ils soulignent qu’une régularisation leur permettrait d’être intégrés au mécanisme de tracing sans avoir à craindre les arrestations et les expulsions auxquelles l’identification les expose.

385De son côté, dans le courant du mois d’octobre, le CSP-CSC Bruxelles décide de donner une nouvelle impulsion à la campagne pour l’obtention d’une régularisation sur la base de l’article 9bis. Depuis le début de la pandémie, de nombreuses personnes sans papiers dépourvues de toute forme de protection sociale ont eu à continuer de travailler au mépris de leur état de santé, notamment dans les domaines du nettoyage et des soins aux personnes. Elles ont également été confrontées à la détérioration de l’état de santé de leurs camarades et à des deuils. Le 29 octobre, une nouvelle campagne de communication est lancée par le CSP-CSC Bruxelles, sous l’accroche « Faut-il mourir pour avoir des papiers ? »  [443]. Elle s’accompagne de clips vidéo de personnes sans papiers témoignant de leur situation, d’un appel à témoignage, d’une enquête en ligne sur les conditions de travail, etc.

386En dépit de la difficulté à manifester dans la rue vu le contexte d’un confinement qui ne cesse d’être prolongé, le CVR2009 et SP Belgique initient plusieurs rassemblements. Le 27 novembre, à l’occasion de la journée de lutte contre les violences faites aux femmes, environ 200 personnes se réunissent à la station de métro Arts-Loi afin de rappeler au nouveau gouvernement fédéral la situation spécifique des femmes sans papiers. Les organisatrices et organisateurs rappellent également la nécessité de régulariser les sans-papiers pour lutter efficacement contre le Covid-19. Le 4 décembre, un rassemblement devant le Service public fédéral (SPF) Santé publique, Sécurité de la chaîne alimentaire et Environnement réunit une centaine de personnes autour de la même demande  [444].

6.5.2. Campagne « Permis de travail maintenant ! »

387Parallèlement, le CSP-CSC Bruxelles lance une nouvelle campagne pour l’obtention de permis de travail dans le contexte de pandémie. Il faut noter ici que, en pleine première vague, la force de travail indispensable que représentent les sans-papiers a à la fois été reconnue et niée par les autorités provisoires en charge de la gestion de la pandémie. En effet, le 27 avril, a été signé un arrêté de pouvoirs spéciaux « visant à garantir la bonne organisation du travail dans les secteurs critiques »  [445], présenté par M. De Block, ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, et de l’Asile et la Migration, et par Nathalie Muylle (CD&V), ministre de l’Emploi, de l’Économie et des Consommateurs, chargée de la Lutte contre la pauvreté, de l’Égalité des chances et des Personnes handicapées. Actant un déficit en main-d’œuvre étrangère pour la production agricole du fait de la fermeture des frontières (environ 60 000 personnes manquaient), l’article 3 de l’arrêté prévoyait un assouplissement de l’accès au marché du travail pour les demandeurs d’asile déjà enregistrés en Belgique. Les autorités entendaient ainsi renflouer un secteur jugé « essentiel » mais délaissé par la main-d’œuvre nationale du fait de conditions de travail et salariales déplorables, où les sans-papiers sont dès lors habituellement surreprésentés  [446]. En octroyant ainsi l’accès à des demandeurs d’asile déjà enregistrés, elles éludaient cependant cette problématique et réactivaient la division artificielle au fondement des politiques migratoires actuelles entre « bons » migrants (les réfugiés et demandeurs d’asile, considérés comme légitimes) et « mauvais » migrants (« les illégaux »).

388Face au déni persistant de la part des autorités de l’existence en Belgique d’une importante main-d’œuvre sans papiers, le CSP-CSC Bruxelles organise plusieurs manifestations au cours du mois de novembre, rassemblant à chaque fois une centaine de militants devant la Tour des Finances ou la station de métro Arts-Loi. Les revendications mises en avant portent à la fois sur le recours à l’article 9bis de la loi du 15 décembre 1980 dans le contexte de la pandémie et sur l’obtention de permis de travail, étant donné qu’un bon nombre de sans-papiers continue, encore et toujours, de travailler. La station de métro Arts-Loi constitue à ce titre un lieu hautement symbolique. En effet, parmi les photographies des travailleurs du chantier de rénovation de la station réalisées entre 2011 et 2015 qui y sont exposées, figurent les visages de certains travailleurs sans papiers du CSP-CSC Bruxelles  [447]. Dès le mois de décembre, la revendication portant sur les permis de travail est rejointe par une coalition plus large, formée de la CSC Bruxelles, d’associations (Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie - MRAX, MOC, Pour des alternatives démocratiques, écologiques et sociales - Réseau ADES, Vie féminine) et de collectifs de sans-papiers (Coordination, CVR2009 et SP Belgique). Une action a lieu le 14 décembre à proximité du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale dans le but d’interpeller les responsables politiques, notamment le ministre-président bruxellois, Rudi Vervoort (PS), et le ministre régional en charge de l’Emploi, Bernard Clerfayt (Défi)  [448]. Ce sont en effet les Régions qui sont compétentes pour la délivrance des permis de travail, alors que c’est l’Autorité fédérale qui l’est pour les permis de séjour – avec toutes les difficultés administratives qu’une telle répartition peut induire. La campagne se prolonge également à travers, d’une part, une enquête qui vise à recueillir les témoignages de travailleuses et travailleurs sans papiers afin de soutenir le plaidoyer politique et, d’autre part, la création d’un site Internet permettant à toute personne qui le souhaite d’interpeller directement les responsables  [449].

389Il est à noter que des mobilisations pour revendiquer la régularisation par le travail ont également lieu en Wallonie, et plus particulièrement à Liège, durant cette période. Le 5 novembre, la FGTB Liège-Huy-Waremme organise un rassemblement devant le Centre hospitalier universitaire (CHU) de Liège pour réclamer la régularisation des personnes sans papiers pouvant attester d’une formation ou d’un diplôme en soins de santé. Le CHU de Liège cherche en effet à recruter une cinquantaine d’infirmiers et infirmières mais ne peut engager des personnes sans papiers, même détentrices d’un diplôme parfois obtenu en Belgique, en raison de leur situation administrative  [450]. Une trentaine d’associations, syndicats et collectifs  [451] rédigent dès lors une carte blanche et se mobilisent pour réclamer la régularisation auprès de la Région wallonne  [452]. Celle-ci propose en Comité de concertation que soit accordé un permis de travail aux personnes habilitées à travailler dans les soins de santé. Mais le cabinet du secrétaire d’État fédéral à l’Asile et la Migration, Sammy Mahdi (CD&V), refuse toute perspective de régularisation. À nouveau, seules les personnes dont la procédure d’asile est en cours et pouvant attester d’une formation en soins de santé obtiennent un permis de travail provisoire.

6.5.3. Vers un renouvellement de la stratégie d’occupation ?

390Le prolongement de la crise liée à la pandémie pose la question des conditions d’existence matérielle des personnes sans papiers, notamment celle du logement. La perte de revenus suite aux confinements successifs signifie que beaucoup de sans-papiers ne peuvent plus payer les loyers prohibitifs réclamés par les marchands de sommeil. De plus, la mise en veille de l’enregistrement des demandes d’asile et la libération partielle des personnes détenues en centres fermés durant le premier confinement (cf. supra) laissent un grand nombre de ces personnes sur le trottoir. Celles-ci viennent s’ajouter aux cohortes de personnes qualifiées de migrants « de transit » par l’administration, une population qui compte déjà initialement parmi les plus précaires et dont la condition est encore aggravée par la crise sanitaire. La Plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés – créée en 2015 en réponse à cette problématique – ne parvient d’ailleurs plus à faire face aux demandes. Dans ce contexte, trouver refuge dans une des occupations tenues par les sans-papiers à travers le territoire bruxellois, notamment celles du collectif VSP, apparaît pour beaucoup comme la seule issue possible. Ces occupations ne se déroulent toutefois pas sans mal. Ainsi, depuis septembre 2016, le collectif VSP initialement établi à Molenbeek-Saint-Jean (cf. supra) a eu à effectuer une douzaine de déménagements successifs, les autorités de différentes communes refusant systématiquement de le laisser s’installer durablement. Cette période d’errance a temporairement pris fin à l’automne 2019, lorsque VSP s’est établi à Ixelles. Pendant ces années également marquées par un reflux de la lutte pour la régularisation, les ouvertures successives de nouveaux bâtiments organisées avec le soutien du Réseau ADES sur le mode de l’« occupation festive » ont eu lieu au nom du droit au logement  [453]. Cependant, dès l’été 2020, les conséquences de la pandémie semblent engendrer un renouvellement de la stratégie d’occupation.

391VSP Ixelles doit répondre à des demandes et besoins internes. Après deux tentatives infructueuses en juillet et début août, le collectif parvient, le 19 août, à ouvrir une nouvelle occupation destinée à l’installation de familles sans papiers. Une quarantaine de personnes, en majorité des femmes et des enfants, s’installe alors dans le bâtiment de VSP Family situé avenue de la Couronne, à Ixelles  [454]. Le 17 octobre, quarante personnes s’installent dans une ancienne maison de repos de la commune de Berchem-Sainte-Agathe, donnant lieu à la création de VSP Berchem  [455]. Ces installations restent cependant précaires et les listes d’attente pour une place s’allongent. À l’approche de l’hiver, VSP Ixelles et VSP Saint-Josse sont submergés et se tournent vers le Réseau ADES pour trouver des solutions.

392L’appel passé par le Réseau ADES à travers son propre tissu militant permet de rassembler une coalition mixte d’un genre inédit autour de l’enjeu du logement des personnes sans papiers. Les protagonistes sont issus du mouvement de squat politique de tendance anarchiste, du droit au logement, des luttes contre les précarités et même des luttes environnementales  [456]. Ensemble, ils décident, à l’occasion de la journée internationale des migrants du 18 décembre, d’ouvrir une occupation sur le site de l’ancienne clinique Antoine Depage à Saint-Gilles. L’ouverture du squat « L’Hospitalière » est un succès qui fait grand bruit. Environ 80 personnes avec ou sans papiers s’installent dans le bâtiment pour revendiquer leur droit à un logement ainsi que la régularisation de toutes et tous  [457]. Les collectifs de sans-papiers représentés sont VSP Ixelles, VSP Saint-Josse, le Collectif TSP, Migrant libre et SP Belgique. Une prospection dans le quartier permet également de rallier une série d’acteurs associatifs saint-gillois à l’initiative.

393Face à ce succès, la coalition nouvellement formée décide de se constituer en « campagne de réquisitions solidaires », regroupant l’ensemble des acteurs précités qui agissent au nom de celle-ci et non comme une somme de collectifs. La campagne continue de mettre en exergue à la fois la question du droit au logement, à travers des revendications portant sur la prise en main de cette question par les pouvoirs publics, et la nécessité de régulariser les personnes sans papiers afin de leur permettre de sortir de la précarité dans laquelle elles sont plongées. Durant le premier semestre de l’année 2021, une série d’actions permettra de loger ou reloger des centaines de personnes issues de différents horizons dans quatre bâtiments disséminés dans la Région bruxelloise. La campagne trouvera notamment une solution pour les quelque 170 personnes demandeuses d’asile ou migrantes dites de transit expulsées de l’immeuble de Jette où, abandonnées à leur sort, elles avaient trouvé refuge en septembre 2020  [458].

394La particularité de ce nouveau type d’occupations réside dans la diversité tant des acteurs qui les portent et des profils et statuts administratifs des occupantes et occupants que des revendications qu’elles avancent. Dans l’esprit des organisatrices et des organisateurs de la campagne, ces lieux de vie sont également appelés à devenir des espaces sociaux et politiques d’échange de pratiques et d’organisation des luttes. Selon eux, en ce qu’elles permettent de mobiliser de nouveaux pans de la population sans papiers qui n’étaient auparavant pas organisés en collectifs, elles font également naître l’espoir d’un regain de force du mouvement.

6.6. Conclusion

395Tout au long de l’année 2020, le mouvement des sans-papiers a déployé une diversité de stratégies afin d’être pris en considération dans les mesures gouvernementales de lutte contre la pandémie de Covid-19.

396Avec l’appui de certaines associations, syndicats et collectifs de soutien, les collectifs de sans-papiers développent des stratégies pour une régularisation temporaire, indispensable pour que cette population en danger puisse recevoir un accompagnement et une aide correspondant à ses besoins. Cette demande s’accompagne d’une forte mobilisation, qui s’adresse au départ aux pouvoirs communaux, afin d’obtenir l’adoption de motions en faveur de la régularisation. Le mouvement des sans-papiers obtient satisfaction de la part d’un peu plus d’une dizaine de communes wallonnes et bruxelloises. Cependant, le gouvernement fédéral Wilmès II, mis en place pour gérer la crise sanitaire et ses conséquences, rejette catégoriquement la possibilité d’une régularisation des sans-papiers.

397Lorsque les négociations pour la formation d’un nouveau gouvernement fédéral reviennent à l’agenda, le mouvement des sans-papiers redirige ses revendications vers les partis politiques en négociation et vers le pouvoir fédéral. Mais la question de la régularisation ne fait pas partie des thématiques abordées dans les négociations. Une fois formé, le gouvernement De Croo continue d’ignorer la problématique des sans-papiers. Devant ce déni, le mouvement se mobilise pour rendre visible le nombre de personnes sans papiers actives dans les secteurs économiques belges et pour réclamer l’obtention d’un permis de travail en leur faveur. Malgré la forte mobilisation, et en dépit d’une présence plus importante dans l’espace médiatique depuis l’irruption de la pandémie, les sans-papiers restent fortement invisibilisés dans les médias de masse.

398Cependant, la mobilisation des sans-papiers en 2020, et notamment la participation active de ceux-ci à des actions plus sporadiques en lien avec d’autres mouvements ou des initiatives internationales, a permis non seulement de les rendre plus visibles au sein des secteurs progressistes belges, mais aussi de tisser des liens avec d’autres secteurs militants. Ce processus a notamment donné naissance à la formation d’une coalition pour la « campagne de réquisitions solidaires », regroupant des secteurs issus du mouvement de squat politique, du droit au logement, des luttes contre les précarités et des luttes environnementales. Ainsi, le mouvement des sans-papiers est parvenu à faire des revendications de ceux-ci une thématique transversale, qui converge avec d’autres mouvements et revendications. En effet, face au déni du gouvernement fédéral et des institutions de l’État, les mécanismes d’entraide et d’auto-organisation mises en œuvre par ces mouvements pour faire face à la crise multidimensionnelle n’ont pas seulement fait preuve de résistance à l’individualisme ambiant. Ils ont surtout donné naissance à des espaces politiques et de convergence des luttes. Cependant, le prolongement de la crise et le déni de l’État, qui continue d’appliquer une politique migratoire restrictive, ont des répercussions mortifères pour cette population qui est de plus en plus en situation de danger.

Notes

  • [1]
    I. Gracos, « Grèves et conflictualité sociale en 2011 », « Grèves et conflictualité sociale en 2012. I. Grève générale et secteur privé », « Grèves et conflictualité sociale en 2012. II. Secteur public et questions européennes », « Grèves et conflictualité sociale en 2013 », « Grèves et conflictualité sociale en 2014 », « Grèves et conflictualité sociale en 2015 », « Grèves et conflictualité sociale en 2016 », « Grèves et conflictualité sociale en 2017 », « Grèves et conflictualité sociale en 2018. I. Mobilisations transversales », « Grèves et conflictualité sociale en 2018. II. Conflits d’entreprise », « Grèves et conflictualité sociale en 2019. I. Concertation interprofessionnelle et fonctions collectives de l’État sous tension », « Grèves et conflictualité sociale en 2019. II. Luttes sociales : entre salariat et précariat », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2135-2136 (2012), n° 2172-2173 et 2174-2175 (2013), n° 2208-2209 (2014), n° 2246-2247 (2015), n° 2291-2292 (2016), n° 2341-2342 (2017), n° 2383-2384 (2018), n° 2422-2423 et 2424-2425 (2019) et n° 2473-2474 et 2475-2476 (2020).
  • [2]
    En 2020, l’institut de santé publique Sciensano a enregistré 19 715 décès liés au Covid-19.
  • [3]
    Cf. en particulier F. Bouhon, A. Jousten, X. Miny, E. Slautsky, « L’État belge face à la pandémie de Covid-19 : esquisse d’un régime d’exception », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2446, 2020 ; J. Faniel, C. Sägesser, « La Belgique entre crise politique et crise sanitaire (mars-mai 2020) », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2447, 2020 ; C. Sägesser, « La formation du gouvernement De Croo (mai 2019 - octobre 2020) », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2471-2472, 2020.
  • [4]
    B. Biard, P. Blaise, J. Faniel, S. Govaert, C. Istasse, « La formation des gouvernements régionaux et communautaires après les élections du 26 mai 2019 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2444-2445, 2019.
  • [5]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 21, 23 janvier 2020, p. 29-31.
  • [6]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 26, 5 mars 2020, p. 22.
  • [7]
    En effet, la N-VA n’accorde pas sa confiance au gouvernement mais vote en faveur des pouvoirs spéciaux (cf. J. Faniel, C. Sägesser, « La Belgique entre crise politique et crise sanitaire (mars-mai 2020) », op. cit., p. 6).
  • [8]
    En référence à l’auteur des Quatre saisons, puisqu’il réunit des représentants des quatre familles politiques belges.
  • [9]
    L’arrêté ministériel du 13 mars 2020 portant des mesures d’urgence pour limiter la propagation du coronavirus Covid-19 (Moniteur belge, 14 mars 2020) a été remplacé par des versions modifiées du même texte à deux reprises : le 18 mars et le 23 mars (publiées le jour même au Moniteur belge). L’arrêté du 23 mars, premier à être pris après le vote de confiance, sera modifié à de nombreuses reprises.
  • [10]
    Sur les incidences juridiques de ces mesures, cf. F. Bouhon, A. Jousten, X. Miny, E. Slautsky, « L’État belge face à la pandémie de Covid-19 : esquisse d’un régime d’exception », op. cit.
  • [11]
    B. Biard, S. Govaert, V. Lefebve, « Penser l’après-corona. Les interventions de la société civile durant la période de confinement causée par la pandémie de Covid-19 (mars-mai 2020) », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2457-2458, 2020.
  • [12]
    Sur cet acteur, cf. N. Hirtz, « Conflits dans le secteur de la santé et naissance du mouvement La Santé en lutte », in I. Gracos, « Grèves et conflictualité sociale en 2019. I. Concertation interprofessionnelle et fonctions collectives de l’État sous tension », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2473-2474, 2020, p. 62-82.
  • [13]
    Cf. notamment V. Lefebve, « Justice et prisons : entre élections fédérales et instauration d’un service minimum en cas de grève des agents pénitentiaires », in I. Gracos, « Grèves et conflictualité sociale en 2019. I. Concertation interprofessionnelle et fonctions collectives de l’État sous tension », op. cit., p. 39-61.
  • [14]
    Cf. B. Bauraind, J. Vandewattyne, « ArcelorMittal Liège : la fin d’un bastion syndical ? », in I. Gracos, « Grèves et conflictualité sociales en 2013 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2208-2209, 2014, p. 41-51 ; A. Bingen, B. Bauraind, « La fermeture de Caterpillar à Gosselies », in I. Gracos, « Grèves et conflictualité sociale en 2016 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2341-2342, 2017, p. 61-73.
  • [15]
    P. Reman, G. Lambert, « L’Avenir, un journal au futur suspendu », in I. Gracos, « Grève et conflictualité sociale en 2018. II. Conflits d’entreprise », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2424-2425, 2019, p. 55-74 ; P. Reman, G. Lambert, « L’Avenir, un journal sans perspective de lendemain », in I. Gracos, « Grève et conflictualité sociale en 2019. II. Luttes sociales : entre salariat et précariat », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2475-2476, 2020, p. 18-36.
  • [16]
    * Chapitre rédigé par Bernard Conter et Jean Faniel.
    Cf. C. Sägesser, « La formation du gouvernement De Croo (mai 2019 - octobre 2020) », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2471-2472, 2020.
  • [17]
    CNT, « L’impact du virus Covid-19 sur le monde du travail : appel des partenaires sociaux », 6 mars 2020, www.cnt-nar.be.
  • [18]
    Cf. J. Faniel, C. Sägesser, « La Belgique entre crise politique et crise sanitaire (mars-mai 2020) », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2447, 2020, p. 10-13.
  • [19]
    L’Écho, 19 mars 2020.
  • [20]
    Cette contribution (2 euros/heure pour les ouvriers et 5 euros/heure pour les employés) n’était jusqu’alors attribuée qu’en cas de chômage pour raison économique et non pour force majeure. La FGTB réclame en outre le relèvement du plafond salarial (2 700 euros) sur la base duquel est calculée l’indemnité de chômage. Au même moment, adoptant un discours aux allures sociales, le président du Vlaams Belang, Tom Van Grieken, estime pour sa part que « l’indemnité octroyée pour le chômage technique devrait être portée à 100 % du salaire brut afin d’éviter aux travailleurs de connaître des situations difficiles. La crise sanitaire que nous traversons actuellement ne doit pas se muer en une crise sociale » (Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 30, 19 mars 2020, p. 7).
  • [21]
    Loi du 27 mars 2020 habilitant le Roi à prendre des mesures de lutte contre la propagation du coronavirus Covid-19 (I) (Moniteur belge, 30 mars 2020) ; loi du 27 mars 2020 habilitant le Roi à prendre des mesures de lutte contre la propagation du coronavirus Covid-19 (II) (Moniteur belge, 30 mars 2020).
  • [22]
    Chambre des représentants, Compte rendu analytique, n° 33, 26 mars 2020, p. 47-48.
  • [23]
    Cf. B. Biard, S. Govaert, V. Lefebve, « Penser l’après-corona. Les interventions de la société civile durant la période de confinement causée par la pandémie de Covid-19 (mars-mai 2020) », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2457-2458, 2020.
  • [24]
    SPF Chancellerie du Premier ministre, 18 mars 2020, www.premier.be. . Cf. J. Faniel, C. Sägesser, « La Belgique entre crise politique et crise sanitaire (mars-mai 2020) », op. cit., p. 21.
  • [25]
    « À propos de l’ERMG », s.d., www.nbb.be.
  • [26]
    À savoir 7 personnes déléguées par la Fédération des entreprises de Belgique (FEB), 7 par l’Union wallonne des entreprises (UWE), 6 par le Vlaams Netwerk van Ondernemingen (VOKA), 1 par le Brussels Enterprises Commerce and Industry (BECI, présent uniquement dans le groupe « Communication »), 2 par le Boerenbond, 10 d’organisations de classes moyennes (4 de l’Union des classes moyennes - UCM, 4 de l’Unie van Zelfstandige Ondernemers - UNIZO et 2 du Syndicat neutre pour indépendants - SNI) et les 3 restants de fédérations sectorielles (la Fédération belge du secteur financier - Febelfin et l’Union des entreprises à profit social - Unisoc).
  • [27]
    Dont 4 ne sont membres que du groupe « Communication », tandis que l’on ne trouve de représentant syndical ni dans le groupe « Prévisions macroéconomiques et scénarios », ni dans le groupe « Implications budgétaires : vue globale et chiffrage des mesures », dans lesquels on trouve par contre des représentants du VOKA et de l’UNIZO.
  • [28]
    Cf. J. Faniel, C. Sägesser, « La Belgique entre crise politique et crise sanitaire (mars-mai 2020) », op. cit., p. 21-22.
  • [29]
    « À propos de l’ERMG », op. cit.
  • [30]
    J. Faniel, C. Sägesser, « La Belgique entre crise politique et crise sanitaire (mars-mai 2020) », op. cit., p. 22.
  • [31]
    FEB, « Des mesures socio-économiques supplémentaires apportent un ballon d’oxygène aux entreprises en cette crise du coronavirus », Communiqué de presse, 11 avril 2020, www.feb.be.
  • [32]
    L’Écho, 15 avril 2020.
  • [33]
    J. Faniel, C. Sägesser, « La Belgique entre crise politique et crise sanitaire (mars-mai 2020) », op. cit., p. 22.
  • [34]
    Arrêté ministériel du 18 mars 2020 portant des mesures d’urgence pour limiter la propagation du coronavirus Covid-19 (Moniteur belge, 18 mars 2020).
  • [35]
    Arrêté de pouvoirs spéciaux n° 14 du 27 avril 2020 pris en exécution de l’article 5, § 1, 5°, de la loi du 27 mars 2020 accordant des pouvoirs au Roi afin de prendre des mesures dans la lutte contre la propagation du coronavirus Covid-19 (II) visant à garantir la bonne organisation du travail dans les secteurs critiques (Moniteur belge, 28 avril 2020).
  • [36]
    L’Écho, 10 avril 2020.
  • [37]
    Groupe des dix, « Déclaration », 14 avril 2020, www.cnt-nar.be.
  • [38]
    SPF Emploi, Travail et Concertation sociale, CGSLB, CSC, FEB, FGTB, MWSV, UCM, UNISOC, UNIZO, « Travailler en sécurité. Guide générique pour lutter contre la propagation du Covid-19 au travail », 2020, https://emploi.belgique.be .
  • [39]
    « Accord Groupe des dix », 28 mai 2020, www.cnt-nar.be/ ; « Accord du Groupe des dix », 18 juin 2020, www.cnt-nar.be/.
  • [40]
    Cette proposition débouchera sur la loi du 15 juin 2020 visant à suspendre les délais de préavis des congés donnés avant ou durant la période de suspension temporaire de l’exécution du contrat de travail pour cause de force majeure en raison de la crise du Covid-19 (Moniteur belge, 22 juin 2020). À la même période, des députés du PS et des députés du PTB déposent d’autres propositions de loi sur le même thème.
  • [41]
    La Libre Belgique, 19 mai 2020.
  • [42]
    Belga, 25 mai 2020.
  • [43]
    FGTB, « La FGTB s’insurge contre la contre-attaque libérale/patronale ! », Communiqué de presse, 20 mai 2020.
  • [44]
    Cf. É. Léonard, « Pacte social : enjeux anciens, nouveaux défis », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2452, 2020.
  • [45]
    En tant qu’elle a pour ancêtre le Comité central du travail industriel, créé en 1895.
  • [46]
    La Libre Belgique, 27 avril 2020.
  • [47]
    Le Soir, 4 juin 2020.
  • [48]
    É. Léonard, « Pacte social : enjeux anciens, nouveaux défis », op. cit., p. 42.
  • [49]
    CNT, « Crise de la Covid-19. Mise en œuvre du cadre d’accords du Groupe des 10 du 13 juillet 2020 et de l’accord conclu par les partenaires sociaux réunis au sein du Conseil national du travail le 11 septembre 2020 », avis n° 2179, 7 octobre 2020, www.cnt-nar.be/.
  • [50]
    Groupe des dix, « Déclaration. Covid et relance », 7 septembre 2020, www.cnt-nar.be/.
  • [51]
    Ibidem, p. 2.
  • [52]
    Concernant ces plans, cf. C. Sägesser, D. VanDenAbbeel, J. Faniel, « Les dialogues de la relance. Quand la Belgique tente de tirer son plan », La Revue nouvelle, n° 2, 2021, p. 35-39.
  • [53]
    « Déclaration des partenaires sociaux du Conseil supérieur pour la prévention et la protection au travail », 1er juillet 2020, www.cnt-nar.be/ ; « Appel des partenaires sociaux du Conseil supérieur pour la prévention et la protection au travail sur l’obligation d’organiser le télétravail à domicile partout où c’est possible », 17 décembre 2020, www.cnt-nar.be/.
  • [54]
    CNT, « Suspension temporaire de la procédure des élections sociales 2020 », Avis n° 2 160, 24 mars 2020, www.cnt-nar.be/.
  • [55]
    Loi du 4 mai 2020 visant à réglementer la suspension de la procédure des élections sociales de l’année 2020 suite à la pandémie du coronavirus Covid-19 (Moniteur belge, 13 mai 2020). L’article 6 de ce texte charge le Roi (comprendre : le gouvernement fédéral), sur avis du CNT, de fixer la nouvelle date des élections. Mi-juillet, est signé un arrêté royal portant exécution de cette loi (arrêté royal du 15 juillet 2020 visant à réglementer la reprise de la procédure des élections sociales 2020 suspendue sur la base de la loi du 4 mai 2020 visant à réglementer la suspension de la procédure des élections sociales de l’année 2020 suite à la pandémie du coronavirus Covid-19, Moniteur belge, 22 juillet 2020).
  • [56]
    En voix, au niveau des CPPT, les rapports entre syndicats sont les suivants : la CSC recueille 51,32 % des votes valablement exprimés (– 0,46 % des voix), la FGTB 35,25 % (– 0,59 %) et la CGSLB 13,42 % (+ 1,04 %).
  • [57]
    Cf. P. Palsterman, « L’accord sur le droit de grève », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1755, 2002.
  • [58]
    B. Conter, J. Faniel, « La conflictualité sociale interprofessionnelle en 2015 » et V. Demertzis, C. Leterme, J. Vandewattyne, « Droit de grève sous pression, en Belgique et au niveau international », in I. Gracos, « Grèves et conflictualité sociale en 2015 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2291-2292, 2016, p. 28 et 36-38 ; B. Conter, J. Faniel, « La conflictualité sociale interprofessionnelle en 2016 », in I. Gracos, « Grèves et conflictualité sociale en 2016 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2341-2342, 2017, p. 13-15.
  • [59]
    Cf. infra : F.-X. Lievens, « Blocage d’une autoroute : illustration des relations entre la grève et le pouvoir judiciaire ».
  • [60]
    Le Soir en ligne, 23 novembre 2020, www.lesoir.be.
  • [61]
    Arrêté ministériel du 28 octobre 2020 portant des mesures d’urgence pour limiter la propagation du coronavirus Covid-19 (Moniteur belge, 28 octobre 2020).
  • [62]
    Loi du 19 mars 2017 modifiant la loi du 26 juillet 1996 relative à la promotion de l’emploi et à la sauvegarde préventive de la compétitivité (Moniteur belge, 29 mars 2017).
  • [63]
    Loi du 23 décembre 2005 relative au pacte de solidarité entre les générations (Moniteur belge, 30 décembre 2005).
  • [64]
    Cf. B. Conter, J. Faniel, « La norme salariale au cœur de la conflictualité sociale interprofessionnelle en 2019 », dans I. Gracos, « Grèves et conflictualité sociale en 2019. I. Concertation interprofessionnelle et fonctions collectives de l’État sous tension », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2473-2474, 2020, p. 18.
  • [65]
    Selon les syndicats, les minimas en matière de chômage avoisinent à peine 90 % du seuil de pauvreté pour les isolés et seulement quelque 70 % de ce seuil pour les cohabitants.
  • [66]
    Le gouvernement fédéral a décidé de la suppression du coefficient réducteur de la pension des indépendants en 2021. Jusque-là, chaque euro cotisé par ceux-ci n’est pris en compte qu’à hauteur de 69 % pour le calcul de la pension ; cette correction ne sera cependant effective qu’en 2066 pour les indépendants ayant 45 ans de carrière. Les employeurs souhaitent accélérer cette correction par le biais de l’enveloppe bien-être.
  • [67]
    C. Sägesser, « La formation du gouvernement De Croo (mai 2019 - octobre 2020) », op. cit., p. 62.
  • [68]
    CES, « Dans au moins 17 États membres de l’UE, le salaire minimum légal ne protège pas les travailleurs de la pauvreté », Communiqué, 27 janvier 2020, www.etuc.org.
  • [69]
    Cf. B. Conter, J. Faniel, « La norme salariale au cœur de la conflictualité sociale interprofessionnelle en 2019 », op. cit.
  • [70]
    CCE, « Rapport sur le handicap des coûts salariaux », n° 62, 12 mars 2020, www.ccecrb.fgov.be.
  • [71]
    « Afin d’atteindre un équilibre entre compétitivité et pouvoir d’achat, le gouvernement assure une trajectoire comparable aux pays voisins. L’utilisation de circulaires en concertation avec les partenaires sociaux sera privilégiée pour atteindre cet équilibre. Le ministre du Travail le fera en concertation et en consultation avec le Conseil des ministres » (Accord de gouvernement, 30 septembre 2020, p. 36). Cf. aussi cet autre extrait : « Afin d’assurer l’équilibre entre compétitivité et pouvoir d’achat, le gouvernement veillera à ce que nous suivions une évolution similaire à celle des pays voisins. Pour ce faire, l’utilisation de circulaires sera privilégiée en concertation avec les partenaires sociaux. Le ministre du Travail le fera en concertation et en consultation avec le Conseil des ministres » (ibidem, p. 48).
  • [72]
    Dans une carte blanche publiée le 15 septembre par La Libre Belgique, l’ancienne vice-Première ministre Joëlle Milquet (CDH) et son cosignataire dénombraient à cette date une centaine de pays forcés de reporter un scrutin depuis le mois de février pour cause de pandémie.
  • [73]
    * Chapitre rédigé par François-Xavier Lievens.
    73 Tribunal correctionnel de Liège, division Liège (17e chambre), 23 novembre 2020, R.G. n° 15L042740.
  • [74]
    74 Cour d’appel de Liège (18e chambre), 19 octobre 2021, R.G. n° 2021/CO/173 .
  • [75]
    Le Soir, 22 octobre 2015 ; La Libre Belgique, 22 octobre 2015.
  • [76]
    B. Conter, V. Demertzis, J. Faniel, « La conflictualité sociale interprofessionnelle en 2014 », in I. Gracos, « Grève et conflictualité sociale en 2014 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2246-2247, 2015, p. 13-23 ; B. Conter, J. Faniel, « La conflictualité sociale interprofessionnelle en 2015 », in I. Gracos, « Grève et conflictualité sociale en 2015 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2291-2292, 2016, p. 14-32.
  • [77]
    Code pénal, article 406.
  • [78]
    Code pénal, article 521.
  • [79]
    Code pénal, article 418.
  • [80]
    La Dernière Heure, 8 juillet 2017.
  • [81]
    RTBF Info, 15 juin 2018, www.rtbf.be.
  • [82]
    RTBF Info, 18 décembre 2019, www.rtbf.be.
  • [83]
    Contrairement aux peines de prison, les peines d’amende ne sont pas assorties d’un sursis.
  • [84]
    Le Soir, 24 novembre 2020.
  • [85]
    La Libre Belgique, 27 novembre 2020.
  • [86]
    Ibidem.
  • [87]
    Le Soir, 11 décembre 2020.
  • [88]
    L’Écho, 16 décembre 2020.
  • [89]
    Faire front, « Faire front contre la criminalisation de la lutte sociale et la justice de classe ! », Communiqué de presse, 2 décembre 2020, www.fairefront.be.
  • [90]
    Le Soir en ligne, 10 décembre 2020, www.lesoir.be.
  • [91]
    Le Soir en ligne, 23 novembre 2020, www.lesoir.be.
  • [92]
    PS, Twitter, 23 novembre 2020.
  • [93]
    Belga, 24 novembre 2020.
  • [94]
    7sur7, 24 novembre 2020, www.7sur7.be.
  • [95]
    FGTB, Communiqué de presse, 19 octobre 2021, www.fgtb.be.
  • [96]
    Ibidem.
  • [97]
    RTBFInfo, 19 octobre 2021, www.rtbf.be.
  • [98]
    Tribunal correctionnel de Liège, division Liège (17e chambre), 23 novembre 2020, précité, p. 15-19.
  • [99]
    Ibidem, p. 19-23.
  • [100]
    Pour une approche détaillée, cf. S. Gilson, « L’action syndicale constitue-t-elle une cause de justification de certains délits ? », Bulletin juridique et social, n° 667, 2021, p. 7-10 et n° 669, 2021, p. 7-10.
  • [101]
    Pour un exposé détaillé, cf. notamment A. De Nauw, F. Kuty, Manuel de droit pénal spécial, 4e édition, Liège, Wolters Kluwer, 2018, p. 364-371 ; A. Delannay, « Les entraves méchantes à la circulation », in M.-A. Beernaertetal., Les infractions, tome 2 : Les infractions contre les personnes, 2e édition, Bruxelles, Larcier, 2020, p. 511-546.
  • [102]
    Pour rappel, un crime est puni d’au moins cinq ans de prison, tandis qu’un délit l’est de huit jours à cinq ans et qu’une contravention l’est d’un à sept jours. Les minimums de cinq ans et huit jours peuvent être diminués s’il existe des circonstances atténuantes.
  • [103]
    Tribunal correctionnel de Liège, division Liège (17e chambre), 23 novembre 2020, précité, p. 15.
  • [104]
    Ibidem, p. 16.
  • [105]
    Ibidem.
  • [106]
    Ibidem, p. 16-17.
  • [107]
    Ibidem, p. 18.
  • [108]
    Ibidem, p. 19.
  • [109]
    Code judiciaire, article 91, alinéa 1er.
  • [110]
    Code judiciaire, article 92, § 1/1. Précisons que, dans le cas présent, cette décision du président du tribunal de première instance pourrait avoir été prise sur demande expresse soit du ministère public, soit des prévenus, soit des parties civiles.
  • [111]
    Tribunal correctionnel de Liège, division Liège (17e chambre), 23 novembre 2020, précité , point 4, Préambule.
  • [112]
    Ibidem, p. 16.
  • [113]
    Ibidem, p. 17.
  • [114]
    Ibidem, p. 23. Certains sont permanents au sein de la FGTB, comme T. Bodson, d’autres sont délégués en entreprise.
  • [115]
    Ibidem.
  • [116]
    Cour d’appel de Liège (18e chambre), 19 octobre 2021, précité.
  • [117]
    Ce crime se trouve correctionnalisé et donc traité par les juridictions en charge des délits (tribunal correctionnel et cour d’appel) plutôt que par la cour d’assises.
  • [118]
    Pour un historique détaillé de la répression du syndicalisme, cf. notamment J. Neuville, La condition ouvrière au XIXe siècle, tome 2 : L’ouvrier suspect, Bruxelles, Vie ouvrière, 1977, p. 170-260.
  • [119]
    Code pénal de 1810, article 415 : « Toute coalition de la part des ouvriers pour faire cesser en même temps de travailler, interdire le travail dans un atelier, empêcher de s’y rendre et d’y rester avant ou après de certaines heures, et en général pour suspendre, empêcher, enchérir les travaux, s’il y a eu tentative ou commencement d’exécution, sera punie d’un emprisonnement d’un mois au moins et de trois mois au plus. Les chefs ou moteurs seront punis d’un emprisonnement de deux ans à cinq ans. »
  • [120]
    Entre 1831 et 1866, quelque 1 500 ouvriers sont condamnés (J. Neuville, La condition ouvrière au XIXe siècle, tome 2, op. cit., p. 186).
  • [121]
    Rappelons à toutes fins utiles que, à l’époque, la Belgique n’est pas, à proprement parler, une démocratie, dans la mesure où le droit de vote n’est attribué qu’à quelque 2 % de la population.
  • [122]
    Loi du 24 mai 1921 garantissant la liberté d’association (Moniteur belge, 28 mai 1921).
  • [123]
    Loi du 24 mai 1921 abrogeant l’article 310 du Code pénal (Moniteur belge, 28 mai 1921).
  • [124]
    À l’époque, se posent notamment des questions quant à la légalité d’une grève non encadrée par un syndicat, d’une grève spontanée (dite sauvage), d’une grève de solidarité, etc.
  • [125]
    Cour de cassation, 21 décembre 1981, Pasicrisie, 1982, I, p. 531-538 (arrêt dit « De Bruyne »).
  • [126]
    En droit, ne sont reconnus comme des droits et libertés fondamentaux que les prérogatives inscrites soit dans la Constitution soit dans des traités internationaux.
  • [127]
    Charte sociale européenne, 18 octobre 1961 (approuvée par la loi du 11 juillet 1990 : Moniteur belge, 28 décembre 1990).
  • [128]
    La Charte sociale européenne a fait l’objet d’une révision ultérieure qui a, elle aussi, fait l’objet d’une loi d’assentiment par le Parlement fédéral, de sorte que le droit de grève trouve aujourd’hui sa source juridique dans l’article 6, § 4, de ladite Charte révisée (Charte sociale européenne révisée, 3 mai 1996, approuvée par la loi du 15 mars 2002 : Moniteur belge, 10 mai 2004).
  • [129]
    Celle-ci est largement documentée et commentée par la doctrine. Pour une approche critique, cf. notamment É. Brewaeys, F. Dorssemont, K. Salomez, « Rechterlijke tussenkomst bij collectieve conflicten », Nieuw Juridisch Weekblad, 2003, p. 546-560 ; G. Demez, « La judiciarisation des conflits sociaux », in É. Arcq, M. Capron, É. Léonard, P. Reman (dir.), Dynamique de la concertation sociale, Bruxelles, CRISP, 2010, p. 487-511 ; F. Dorssemont, « Libre propos sur la légitimité des requêtes unilatérales contre l’exercice du droit à l’action collective à la lumière de la décision du Comité européen des droits sociaux (réclamation collective n° 59/2009) », in I. Ficher et al. (dir.), Actions orphelines et voies de recours en droit social, Limal, Anthemis, 2012, p. 129-147 ; G. Cox, « Beperkingen aan het recht op collectieve actie », in P. Humblet, G. Cox (dir.), Collectieve conflicten, Malines, Kluwer, 2012, p. 115-146 ; É. Brewaeys, B. Lietaert, K. Salomez, « Het kort geding bij collectieve arbeidsconflicten », in P. Humblet, G. Cox (dir.), Collectieve conflicten, op. cit., p. 206-228 ; J.-F. Neven, « Les piquets de grève, la procédure sur requête unilatérale et les pouvoirs du juge des référés après la décision du Comité européen des droits sociaux du 13 septembre 2011 », Revue de droit social, 2012, p. 389-428 ; J.-F. Neven, « Piquets de grève : les suites de la décision du Comité européen des droits sociaux du 13 septembre 2011 », in F. Krenc (dir.), Droit de grève : actualités et questions choisies, Bruxelles, Larcier, 2015, p. 35-58 ; J.-F. Neven, « Jurisprudence récente en matière de piquets de grève (2012-2015) », Terra Laboris, 29 septembre 2015, www.terralaboris.be.
  • [130]
    Comité européen des droits sociaux, Réclamation n° 59/2009, CES/CGSLB/CSC/FGTB c. Belgique, Décision sur le bien-fondé, 13 septembre 2011 (accessible sur https://hudoc.esc.coe.int).
  • [131]
    Pour un bref aperçu, cf. O. Rijckaert, A. Wespes, « L’installation de piquets de grève sur une voie publique de circulation peut constituer une infraction pénale », Justice en ligne, 24 octobre 2019, www.justice-en-ligne.be.
  • [132]
    Code pénal, article 406.
  • [133]
    C’est ce qui ressort de la structure même du Code pénal puisque l’entrave méchante à la circulation se trouve dans une section intitulée « De l’homicide volontaire non qualifié meurtre et des lésions corporelles volontaires ». Si cette infraction ne requérait que le dol général de vouloir bloquer une route, elle se trouverait dans une autre partie du Code pénal. La circonstance qu’elle est placée à côté des coups et blessures volontaires implique logiquement l’exigence de dol spécial consistant à mettre des personnes en danger.
  • [134]
    Sur cette question, cf. notamment A. De Nauw, F. Kuty, Manuel de droit pénal spécial, op. cit., p. 366-367 ; A. Delannay, « Les entraves méchantes à la circulation », op. cit., p. 511-546.
  • [135]
    Cour d’appel d’Anvers, 28 octobre 2004, Juristenkrant, 2004, p. 1 et 5 (note J. Buelens, « Wegblokkade door vakbond niet zomaar strafbaar »).
  • [136]
    En réalité, le juge procède à une simple déclaration de culpabilité en raison notamment du dépassement du délai raisonnable, de l’âge du prévenu et de son casier judiciaire vierge.
  • [137]
    Tribunal correctionnel d’Anvers, 29 juin 2018, RG n° 16/A04/793.
  • [138]
    Cour d’appel d’Anvers, 26 juin 2019, RG n° 2018/CO/780.
  • [139]
    Cour de cassation, 7 janvier 2020, RG n° P.19.0804.N.
  • [140]
    Cité par S. Gilson, « L’action syndicale constitue-t-elle une cause de justification de certains délits ? (1/2) », op. cit., p. 10.
  • [141]
    Loi du 3 août 2016 portant des dispositions diverses en matière de transport ferroviaire (Moniteur belge, 7 septembre 2016).
  • [142]
    Cour constitutionnelle, 26 juillet 2017, n° 101/2017, www.const-court.be.
  • [143]
    Loi du 29 novembre 2017 relative à la continuité du service de transport ferroviaire de personnes en cas de grève (Moniteur belge, 17 janvier 2018).
  • [144]
    Pour une démonstration antérieure à cet arrêt de la contrariété de cette loi aux droits fondamentaux de négociation et d’action collectives, cf. F.-X. Lievens, « De la cogestion au “service minimum” : un siècle de concertation sociale dans les chemins de fer belges », Revue de droit social, 2019, p. 248-261.
  • [145]
    Cour constitutionnelle, 14 mai 2020, n° 67/2020, www.const-court.be.
  • [146]
    Cour de cassation, 7 janvier 2020, n° P.19.0804.N (accessible sur www.terralaboris.be).
  • [147]
    Conseil d’État, 5 février 2009, n° 190.223 (accessible sur www.terralaboris.be).
  • [148]
    L’article 6, § 4, de la Charte sociale européenne révisée attribue précisément aux travailleurs et aux employeurs « le droit à des actions collectives en cas de conflits d’intérêts, y compris le droit de grève ». Cette formulation souligne ainsi la possibilité juridique d’envisager que le droit d’action collective ne se limite pas mais englobe notamment le droit de grève, et qu’il peut donc couvrir d’autres types d’actions. Cette argumentation fondée sur la Charte sociale européenne révisée est soutenue par une partie de la doctrine spécialisée, ainsi que par la cour suprême des Pays-Bas, qui l’a endossée lors des affaires Enerco et Amsta en 2014 et 2015 (Hoge Raad der Nederlanden, 31 octobre 2014, 13/04468 ; Hoge Raad der Nederlanden, 19 juin 2015, 14/03094).
  • [149]
    Pour l’illustration la plus aboutie de cette posture, cf. V. Vannes, Le droit de grève : concilier le droit de grève et les autres droits fondamentaux. Recours au principe de proportionnalité ?, 2e édition, Bruxelles, Larcier, 2015.
  • [150]
    W. N. Hohfeld, « Fundamental Legal Conceptions as Applied in Judicial Reasoning », The Yale Law Journal, volume 26, n° 8, 1917, p. 710-770.
  • [151]
    * Chapitre rédigé par Natalia Hirtz et Maria Cecilia Trionfetti.
    Cf. N. Hirtz, « Conflits dans le secteur de la santé et naissance du mouvement La Santé en lutte », in I. Gracos, « Grèves et conflictualité sociale en 2019. I. Concertation interprofessionnelle et fonctions collectives de l’État sous tension », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2473-2474, 2020, p. 62-82.
  • [152]
    Le point principal du blocage concerne notamment la proposition des fédérations patronales relative à la possibilité pour l’employeur d’établir l’horaire de travail définitif sept jours avant la prestation. Cf. Le Vif/L’Express, 22 janvier 2020.
  • [153]
    Sudpresse, 16 janvier 2020.
  • [154]
    Sudinfo, 23 janvier 2020, www.sudinfo.be.
  • [155]
    L’Avenir, 4 mars 2020.
  • [156]
    Orpea est un groupe privé d’investissement dans le secteur d’hébergement pour personnes âgées. De capital français, il possède un réseau d’établissements dans 22 pays, dont 61 maisons de repos et de soins et 21 résidences-services en Belgique. Cf. le site Internet www.orpea.be.
  • [157]
    Le Guide social, 25 janvier 2020, https://pro.guidesocial.be.
  • [158]
    AVIQ, « Coronavirus. Information et consignes à destination des structures d’hébergement agréées (MR-MRS) », Circulaire, 13 mars 2020.
  • [159]
    L’Avenir, 14 mars 2020.
  • [160]
    Cf. N. Hirtz, « Conflits dans le secteur de la santé et naissance du mouvement La Santé en lutte », op. cit.
  • [161]
    SeL, « Compte rendu de la 1re assemblée générale régionale de La Santé en lutte Liège, 24 janvier 2020 », 30 janvier 2020, https://lasanteenlutte.org.
  • [162]
    Les deux premières assemblées générales nationales de ce jeune mouvement se sont déroulées les 13 septembre et 8 novembre 2019.
  • [163]
    La SeL fonctionne en assemblées générales (chaque membre ayant une voix). Les décisions prises en assemblée générale sont suivies et appliquées par une coordination. Il s’agit d’un organe chargé d’exécuter les décisions de l’assemblée générale, de gérer la communication, l’organisation des actions, les convocations pour les assemblées générales, le secrétariat, les finances, etc. Cf. SeL, « S’impliquer dans La Santé en lutte », https://lasanteenlutte.org.
  • [164]
    SeL, « Lutte de la santé, lutte féministe », Communiqué, 6 mars 2020, https://lasanteenlutte.org
  • [165]
    SeL, « Compte rendu de la 3e assemblée générale de La Santé en lutte à Bruxelles [7 février 2020] », 24 février 2020, https://lasanteenlutte.org.
  • [166]
    Durant la crise sanitaire, le CNS – qui est un comité mis en place au sein du gouvernement fédéral en 2015 – est élargi de facto aux ministres-présidents des différentes Régions et Communautés du pays.
  • [167]
    Le Spécialiste, 13 mars 2020, www.lespecialiste.be.
  • [168]
    SeL, Communiqué, 14 mars 2020, https://lasanteenlutte.org.
  • [169]
    Selon les termes du président de la Chambre des représentants, P. Dewael, lors d’une conférence de presse du 15 mars 2020.
  • [170]
    Cf. Le Soir, 17 mars 2020.
  • [171]
    RTBF Info, 19 mars 2020, www.rtbf.be.
  • [172]
    CSC, Communiqué de presse, 23 mars 2020, www.lacsc.be.
  • [173]
    L’Écho, 20 mars 2020.
  • [174]
    Le Soir, 31 mars 2020.
  • [175]
    Le Vif/L’Express, 31 mars 2020.
  • [176]
    SeL, Communiqué, 21 mars 2020, https://lasanteenlutte.org.
  • [177]
    Le Soir, 6 avril 2020.
  • [178]
    Cf. SeL, Communiqué, 25 avril 2020 , https://lasanteenlutte.org  ; Le Soir, 24 avril 2020 (carte blanche signée par des médecins et des membres du personnel du secteur hospitalier) ; Le Soir, 25 avril 2020 (réactions des syndicats).
  • [179]
    SeL, Communiqué, 30 mars 2020, https://lasanteenlutte.org.
  • [180]
    180 Arrêté royal n° 9 du 19 avril 2020 portant exécution de l’article 5, § 1er, 2°, de la loi du 27 mars 2020 habilitant le Roi à prendre des mesures de lutte contre la propagation du coronavirus Covid-19 (II), en vue de permettre temporairement l’exercice de l’art infirmier par des professionnels de soins de santé non qualifiés (Moniteur belge, 4 mai 2020).
  • [181]
    Arrêté royal n° 16 du 29 avril 2020 portant exécution de l’article 5, § 1er, 2°, de la loi du 27 mars 2020 habilitant le Roi à prendre des mesures de lutte contre la propagation du coronavirus Covid-19 (II), aux fins de réquisition des professionnels de soins de santé (Moniteur belge, 4 mai 2020).
  • [182]
    Arrêté royal n° 24 du 20 mai 2020 étendant temporairement le champ d’application de la loi du 3 juillet 2005 relative aux droits des volontaires aux organisations agréées par l’autorité compétente pour l’aide et les soins aux personnes âgées ainsi que pour l’accueil et l’hébergement des personnes âgées du secteur privé commercial (Moniteur belge, 29 mai 2020).
  • [183]
    CSC, Communiqué de presse, 28 avril 2020, www.lacsc.be.
  • [184]
    Le financement d’un hôpital via le budget des moyens financiers (BMF) provient de la répartition individuelle entre tous les hôpitaux du budget global hospitalier (BGH). Il comprend trois composantes principales : un budget pour les coûts de fonctionnement, un budget pour l’infrastructure et le matériel, et un budget pour la régularisation a posteriori de différentes parties du BMF.
  • [185]
    CSC, Communiqué de presse, 28 avril 2020, www.lacsc.be.
  • [186]
    Le Soir, 6 mai 2020.
  • [187]
    Pétition mise en ligne le 11 mai 2020 sur le site Internet www.fgtbbruxelles.be.
  • [188]
    SeL, Communiqué, 5 mai 2020, https://lasanteenlutte.org.
  • [189]
    Ibidem.
  • [190]
    Née d’une alliance d’organisations professionnelles autonomes générales, l’UGIB a été fondée en 1952 avec le statut d’association de fait. En 2009, cinq associations générales (l’Association belge des praticiens de l’art infirmier - ACN, la Fédération nationale des infirmières de Belgique - FNIB, la Nationaal Verbond van Katholieke Vlaamse Verpleegkundigen en Vroedvrouwen - NVKVV, la Nationale Neutrale Beroepsorganisatie voor Verpleegkundigen en Vroedvrouwen - NNBVV, et la Deutschsprachige Krankenpflegevereinigung in Belgien - KPVDB) lui donnent le statut d’asbl. Elle représente actuellement 43 organisations professionnelles infirmières francophones, néerlandophones et germanophones.
  • [191]
    BX1, 8 mai 2020, https://bx1.be.
  • [192]
    SeL, Communiqué, 11 mai 2020, https://lasanteenlutte.org.
  • [193]
    Carte blanche publiée dans Le Soir, 6 mai 2020.
  • [194]
    Le ministre en charge du matériel médical, Philippe De Backer (Open VLD), a décidé d’octroyer la production des tests Covid-19 à l’industrie pharmaceutique, en écartant 45 laboratoires hospitaliers et extrahospitaliers. Cf. La Libre Belgique, 9 mars 2020.
  • [195]
    Le Soir, 15 mai 2020.
  • [196]
    Sudinfo, 18 mai 2020, www.sudinfo.be.
  • [197]
    Le Spécialiste, 18 mai 2020, www.lespecialiste.be.
  • [198]
    RTBF Info, 29 mai 2020, www.rtbf.be.
  • [199]
    La Libre Belgique, 20 mai 2020.
  • [200]
    Arrêté royal n° 26 du 29 mai 2020 retirant l’arrêté royal n° 9 du 19 avril 2020 portant exécution de l’article 5, § 1er, 2°, de la loi du 27 mars 2020 habilitant le Roi à prendre des mesures de lutte contre la propagation du coronavirus Covid-19 (II), en vue de permettre temporairement l’exercice de l’art infirmier par des professionnels de soins de santé non qualifiés (Moniteur belge, 29 mai 2020) ; Arrêté royal n° 27 du 29 mai 2020 retirant l’arrêté royal n° 16 du 29 avril 2020 portant exécution de l’article 5, § 1er, 2°, de la loi du 27 mars 2020 habilitant le Roi à prendre des mesures de lutte contre la propagation du coronavirus Covid-19 (II), aux fins de réquisition des professionnels de soins de santé (Moniteur belge, 29 mai 2020).
  • [201]
    SeL, Communiqué, 21 mai 2020, https://lasanteenlutte.org.
  • [202]
    Le Guide social, 28 mars 2020, https://pro.guidesocial.be.
  • [203]
    CGSP Admi, Tract distribué le 3 juin 2020.
  • [204]
    La Libre Belgique, 31 mai 2020.
  • [205]
    Membre de l’Union syndicale-Solidaires.
  • [206]
    RTBFInfo, 12 juin 2020, https://www.rtbf.be/ ; SeL, Communiqué, 3 juin 2020, https://lasanteenlutte.org.
  • [207]
    Le Soir, 14 juin 2020.
  • [208]
    208 RTBF Info, 14 juin 2020, www.rtbf.be.
  • [209]
    Référence est faite ici à une habitude prise par une partie de la population belge lors du premier confinement (mars-mai 2020), consistant à sortir sur le pas de sa porte, sur son balcon ou dans son jardin ou à se mettre à une fenêtre pour applaudir, durant une minute à 20 heures, les médecins, infirmières et infirmiers et tout le personnel des hôpitaux. Cette pratique a peu à peu disparu au fur et à mesure de l’amélioration des chiffres de la pandémie durant l’été, avant de reprendre – quoiqu’avec un succès sensiblement moindre – à partir du mois d’octobre, époque du début de la deuxième vague.
  • [210]
    Le Soir, 16 juin 2020.
  • [211]
    Sudinfo, 22 juin 2020.
  • [212]
    VRT News, 18 juin 2020, www.vrt.be.
  • [213]
    L’Avenir, 18 juin 2020.
  • [214]
    Loi du 30 juin 2020 pérennisant le fonds Blouses blanches et affectant ses moyens correspondants pour les années 2019 et 2020 (Moniteur belge, 14 août 2020).
  • [215]
    BX1, 16 juin 2020, https://bx1.be.
  • [216]
    SeL, Communiqué, 4 juin 2020 (en réponse à l’annonce gouvernementale du 3 juin 2020, informant que le fonds Blouses blanches est validé en groupe de travail et sera évalué au Parlement), https://lasanteenlutte.org.
  • [217]
    L’Écho, 6 juin 2020.
  • [218]
    La Libre Belgique, 26 mai 2020.
  • [219]
    SeL, Communiqué, 23 juin 2020, https://lasanteenlutte.org.
  • [220]
    Le Soir, 7 juillet 2020 ; BX1, 7 juillet 2020, https://bx1.be.
  • [221]
    CNE, Communiqué, 8 juillet 2020, www.lacsc.be.
  • [222]
    SETCA Mons-Borinage, Communiqué, 9 juillet 2020, https://setcamonsborinage.com.
  • [223]
    CGSP-Admi, Communiqué, 14 juillet 2020.
  • [224]
    SeL, « Compte rendu de la 2e assemblée générale régionale de La Santé en lutte Liège [20 août 2020] », 19 octobre 2020, https://lasanteenlutte.org.
  • [225]
    RTBF Info, 11 septembre 2020, www.rtbf.be.
  • [226]
    Cf. N. Hirtz, « Conflits dans le secteur de la santé et naissance du mouvement La Santé en lutte », op. cit.
  • [227]
    Le Soir, 1er septembre 2020.
  • [228]
    FGTB Bruxelles , CGSP-SIAMU, CGSP-ALR, Jeunes FGTB, SETCA BHV, Industral Workers of the World (IWW) Belgium et CSC Bruxelles Migrants.
  • [229]
    Médecins du monde Belgique, Memisa Belgique, Médecins sans vacances (MSV).
  • [230]
    Agir pour la paix (APP), Association pour une taxation sur les transactions financières et l’action citoyenne Bruxelles (ATTAC Bruxelles), CADTM, Femmes et Santé, Jeunes organisés et combatifs (JOC), Pour des alternatives démocratiques, écologiques et sociales (Réseau ADES).
  • [231]
    AADTP, Belgian Housing Action Day, Collecti.e.f 8 maars, GVC, Travail social en lutte, ROSA, Students for Climate.
  • [232]
    RTBF Info, 13 septembre 2020, www.rtbf.be; RTL Info, 13 septembre 2020, www.rtl.be.
  • [233]
    Cf. Le Soir, 24 septembre 2020.
  • [234]
    La Dernière Heure, 7 octobre 2020.
  • [235]
    La Libre Belgique, 19 octobre 2020 ; SeL, « Lettre ouverte aux élu·e·s de Bruxelles », 3 novembre 2020, https://lasanteenlutte.org.
  • [236]
    Accord de gouvernement, 30 septembre 2020, p. 12.
  • [237]
    SeL, « Vivaldi : la partition qui sonne faux. Analyse de l’accord du nouveau gouvernement », 4 octobre 2020, https://lasanteenlutte.org.
  • [238]
    Accord de gouvernement, 30 septembre 2020, p. 15.
  • [239]
    « Le KCE préconise 5 patient·e·s par infirmièr·e pendant la journée et 8 patient·e·s par infirmièr·e la nuit. Aujourd’hui, en Belgique, ce ratio est en moyenne de 9,4 le jour et de 18,1 la nuit » (SeL, « Vivaldi : la partition qui sonne faux », op. cit.). Cf. N. Bouckaert, C. Maertens de Noordhout, C. Van de Voorde, « Health system performance assessments: how equitable is the Belgian health system? », 2020, https://kce.fgov.be.
  • [240]
    L’Écho, 7 juillet 2020.
  • [241]
    Le Soir, 12 octobre 2020.
  • [242]
    SeL, « Compte rendu de la 4e assemblée générale nationale de La Santé en lutte [15 octobre 2020] », 19 octobre 2020, https://lasanteenlutte.org.
  • [243]
    Ibidem.
  • [244]
    RTBF Info, 13 octobre 2020, www.rtbf.be.
  • [245]
    Le Soir, 19 octobre 2020.
  • [246]
    La Libre Belgique, 27 octobre 2020.
  • [247]
    247 SeL, Tract, 17 novembre 2020, https://lasanteenlutte.org.
  • [248]
    Le Guide social, 16 novembre 2020, https://pro.guidesocial.be.
  • [249]
    L’Institut de classification des fonctions (IF-IC) développe un modèle de classification de l’ensemble des fonctions du secteur de soins fédéraux en vigueur dans le secteur privé (cf. la rubrique « Soins de santé privés fédéraux (CP 330) » du site Internet www.if-ic.org). Dans la « méthode IFIC », la grille salariale est basée davantage sur la fonction exercée que sur le diplôme. Au niveau du secteur privé, les avancées obtenues dans le cadre de l’accord social non marchand consistent essentiellement en l’application à 100 % du barème IFIC dès le 1er juillet 2021 alors que, jusqu’alors, celui-ci était « pondéré » (cf. le site Internet www.setca-ific.org). Dans le secteur public, l’IFIC n’est pas d’application. Chaque entité compétente a ses propres échelles barémiques et celles-ci diffèrent entre elles et par rapport à l’IFIC. Un accord de principe est conclu pour que le secteur public passe également dans le système IFIC, mais, à ce stade, la discussion concernant les modalités de mise en œuvre au niveau des hôpitaux publics est toujours en cours. Le principal avantage présenté est de tendre, à terme, vers une harmonisation salariale entre la fonction publique et le secteur privé et, de la sorte, de favoriser la mobilité professionnelle tout en freinant l’aspect concurrentiel entre les différents secteurs. Cependant, la mise en œuvre dans le secteur public fait l’objet de plus âpres discussions entre interlocuteurs sociaux, notamment du fait que, en l’état, le barème IFIC serait moins avantageux que le barème actuel sur l’ensemble de la carrière pour certaines catégories (cf. « IFIC : où en est-on ? », octobre 2020, www.santhea.be).
  • [250]
    Le Soir, 16 novembre 2020.
  • [251]
    Le Soir, 14 novembre 2020.
  • [252]
    SeL, Communiqué, 17 novembre 2020, https://lasanteenlutte.org.
  • [253]
    Loi du 6 novembre 2020 en vue d’autoriser des personnes non légalement qualifiées à exercer, dans le cadre de l’épidémie de coronavirus Covid-19, des activités relevant de l’art infirmie r (Moniteur belge, 6 novembre 2020).
  • [254]
    La Libre Belgique, 6 novembre 2020.
  • [255]
    CNE, Communiqué de presse, 6 novembre 2020, www.lacsc.be.
  • [256]
    La Dernière Heure, 12 novembre 2020.
  • [257]
    Le Spécialiste, 19 novembre 2020, www.lespecialiste.be.
  • [258]
    SeL, Tract, 17 novembre 2020, https://lasanteenlutte.org .
  • [259]
    SeL, Message sur Facebook, 2 décembre 2020.
  • [260]
    SeL, Texte lu lors du rassemblement du 11 décembre 2020, https://lasanteenlutte.org.
  • [261]
    * Chapitre rédigé par Alexandre Orban, Mathieu Strale et Gérard Lambert.
    B. Wayens, P. Godart, M. Strale, D. Istaz, X. May, « Une décennie d’évolution du commerce “brick and mortar” en Belgique. Exploration des inventaires de terrain Locatus », Working paper, Université libre de Bruxelles (ULB), Institut de gestion de l’environnement et d’aménagement du territoire (IGEAT), version 1.4, 9 décembre 2020, p. 11.
  • [262]
    Gondola, « Retail scan 2019 », s.d., www.gondola.be.
  • [263]
    Gondola, « Retail scan 2017 : quelles sont les enseignes qui progressent ? », 28 août 2017, www.gondola.be.
  • [264]
    L’Écho, 19 février 2020.
  • [265]
    Gondola, « Colruyt, Okay et Spar (Colruyt), gagnants du rapport d’hiver GgK », 3 février 2020, www.gondola.be.
  • [266]
    RTBF Info, 27 janvier 2020, https://www.rtbf.be/ ; J. Delvallée, « Le plan d’Intermarché pour grandir en Belgique », LSA, 11 septembre 2019, www.lsa-conso.fr.
  • [267]
    SPF Économie, PME, Classes moyennes et Énergie, « Rapport sur la conjoncture économique dans la distribution », 2020, https://economie.fgov.be.
  • [268]
    Cf. E. Martinez, « Le “plan de transformation” de Delhaize Belgique », in I. Gracos, « Grèves et conflictualité sociale en 2014 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2246-2247, 2015, p. 45-52.
  • [269]
    Cf. A. Orban, L. Gutierrez Florez, « La grande distribution à nouveau sous tensions : conflits chez Carrefour, Mestdagh et Lidl », in I. Gracos, « Grèves et conflictualité sociale en 2018. II. Conflits d’entreprise », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2424-2425, 2019, p. 7-27.
  • [270]
    En vertu de l’article 6 de la loi du 10 novembre 2006 relative aux heures d’ouverture dans le commerce, l’artisanat et les services (Moniteur belge, 19 décembre 2006), les supermarchés peuvent ouvrir leurs portes à partir de 5 heures et ils doivent les avoir refermées pour 20 heures, sauf les vendredis (et les jours ouvrables précédant un jour férié légal), où ils ont la possibilité de rester ouverts jusqu’à 21 heures.
  • [271]
    Cf. l’article 1er, § 3, 1er alinéa de l’arrêté ministériel du 23 mars 2020 portant des mesures d’urgence pour limiter la propagation du coronavirus Covid-19 (Moniteur belge, 23 mars 2020).
  • [272]
    RTBF Info, 25 mars 2020, www.rtbf.be.
  • [273]
    BX1, 3 avril 2020, https://bx1.be.
  • [274]
    R. Gelin, « La grande distribution alimentaire vainqueure du confinement », Drapeau rouge, n° 81, 2020, p. 14-15 (article également reproduit sur le site du Groupe de recherche pour une stratégie économique alternative - GRESEA : https://gresea.be).
  • [275]
    « Aldi rouvre ses portes après une grève inédite », RetailDetail, 1er septembre 2020, www.retaildetail.be.
  • [276]
    Cf. A. Orban, L. Gutierrez Florez, « La grande distribution à nouveau sous tensions : conflits chez Carrefour, Mestdagh et Lidl », op. cit.
  • [277]
    Gondola, « Les supermarchés déploient des milliers de travailleurs supplémentaires », 26 novembre 2020, www.gondola.be.
  • [278]
    Télésambre, 27 octobre 2020, www.telesambre.be.
  • [279]
    Le groupe Colruyt présente une particularité quant à son système de caisses de sortie. Les magasins ne sont pas équipés de tapis roulants sur lesquels le client pose ses achats avant de les récupérer et de les placer lui-même dans un contenant (sac, bac, etc.) une fois ceux-ci pointés par l’employé. Le système adopté par le groupe voit l’employé transférer les articles achetés, au fur et à mesure qu’il les pointe, d’un caddy à un autre ; c’est donc lui, et non le client, qui les place dans le contenant apporté par ce dernier. Dans ce cadre, le personnel demande à ce que le client ne puisse plus demander à ce que ses achats soient placés dans un sac par un salarié ou une salariée.
  • [280]
    « Le gouvernement examinera les causes de la faible présence dans notre pays entre autres de centres de distribution dans le cadre de l’e-commerce. Il se penchera avec les partenaires sociaux sur l’opportunité en ce sens d’une modification de la réglementation sur le travail de soirée et de nuit », y lit-on.
  • [281]
    RTBF Info, 29 avril 2021, https://www.rtbf.be/ ; FGTB, « 0,4 % de marge impérative pour augmenter les salaires ? Arrêtons de rire… Actions dans les entreprises ce 12 février », 3 février 2021, www.fgtb.be.
  • [282]
    * Chapitre rédigé par Vincent Lefebve.
    V. Lefebve, « Justice et prisons : entre élections fédérales et instauration d’un service minimum en cas de grève des agents pénitentiaires », in I. Gracos, « Grèves et conflictualité sociale en 2019. I. Concertation interprofessionnelle et fonctions collectives de l’État sous tension », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2473-2474, 2020, p. 39-61.
  • [283]
    O. Nederlandt, « Droits des personnes incarcérées durant la pandémie : quand la crise ordinaire se double d’une crise sanitaire », e-legal. Revue de droit et de criminologie de l’ULB, n° spécial Covid-19, octobre 2020, https://e-legal.ulb.be.
  • [284]
    V. Demertzis, « Le service minimum dans les prisons belges : une pomme de discorde », Les @nalyses du CRISP en ligne, 1er juin 2018, www.crisp.be , p. 5.
  • [285]
    Cf. notamment P. Mary, « La politique pénitentiaire », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2137, 2012.
  • [286]
    V. Demertzis, A. Bingen, « La grève dans les prisons wallonnes et bruxelloises au printemps 2016 », in I. Gracos, « Grèves et conflictualité sociale en 2016 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2341-2342, 2016, p. 30-44.
  • [287]
    I. Ficher, C. Guillain, « Du difficile équilibre entre le respect des droits fondamentaux des détenus et le droit à l’action collective des agents pénitentiaires », in F. Krencet al. (dir.), Droit de grève : actualités et questions choisies, Bruxelles, Larcier, 2015, p. 116 et suivantes ; C. Crucifix, A. Gilot, « Grève dans les prisons : pour l’instauration d’un service minimum en Belgique », Revue trimestrielle des droits de l’homme, n° 110, 2017, p. 296 et suivantes ; V. Demertzis, « Le service minimum dans les prisons belges », op. cit., p. 2.
  • [288]
    O. Nederlandt, L. Descamps, « Considérations relatives au service minimum garanti dans les prisons belges en temps de grève des agents pénitentiaires (obs. sous Cour eur. dr. h., arrêt Clasens c. Belgique, 28 mai 2019) », Revue trimestrielle des droits de l’homme, n° 122, 2020, p. 192 ainsi que la note 19.
  • [289]
    Ibidem, p. 192.
  • [290]
    Cf. V. Demertzis, « SNCB, prisons et Belgocontrol : le débat sur le service minimum », in I. Gracos, « Grèves et conflictualité sociale en 2014 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2246-2247, 2015, p. 86-95 ; V. Demertzis, C. Leterme, J. Vandewattyne, « Droit de grève sous pression, en Belgique et au niveau international » et J. Vandewattyne, « SNCB et Infrabel : une année d’extrême tension sociale dans le rail », in I. Gracos, « Grèves et conflictualité sociale en 2015 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2291-2292, 2016, p. 33-38 et 68-83 ; J. Vandewattyne, « Après 2015, une nouvelle année d’extrême tension dans le rail », in I. Gracos, « Grèves et conflictualité sociale en 2016 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2341-2342, 2017, p. 45-60 ; V. Demertzis, R. Poriaux, J. Vandewattyne, « De la grève et du droit de grève dans le secteur du rail en 2017 », in I. Gracos, « Grèves et conflictualité sociale en 2017 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2383-2384, 2018, p. 35-44.
  • [291]
    Chambre des représentants, Projet de loi concernant l’organisation des services pénitentiaires et le statut du personnel pénitentiaire, n° 3351/1, 31 octobre 2018.
  • [292]
    Cf. J. Faniel, « Coalition “suédoise” et organisations de salariés : vers une transformation de la place des syndicats en Belgique ? », Les @nalyses du CRISP en ligne, 29 août 2014, www.crisp.be.
  • [293]
    Moniteur belge, 11 avril 2019.
  • [294]
    Arrêté royal du 4 août 2010 portant exécution de l’article 19 de la loi du 23 mars 2019 concernant l’organisation des services pénitentiaires et le statut du personnel pénitentiaire (Moniteur belge, 7 août 2019).
  • [295]
    Arrêté royal du 19 novembre 2019 portant exécution des articles 15 et 16 de la loi du 23 mars 2019 concernant l’organisation des services pénitentiaires et le statut du personnel pénitentiaire (Moniteur belge, 4 décembre 2019).
  • [296]
    « Agents et détenus : une perspective croisée sur le travail derrière les barreaux. Entretien avec Michel Jacobs », La Brèche, Genepi Belgique, n° 2, 2020, p. 61.
  • [297]
    RTBF Info, 15 janvier 2020, www.rtbf.be.
  • [298]
    Chambre des représentants, Questions jointes n° 349 de Özlem Özen (PS) et n° 360 de Gaby Colebunders (PVDA-PTB) au ministre de la Justice, Compte rendu intégral, n° 20, 16 janvier 2020, p. 9-13.
  • [299]
    K. Geens, « Exécution des règles sur la concertation sociale et le service minimum garanti dans les prisons », Communiqué de presse, 24 février 2020, www.koengeens.be.
  • [300]
    RTL Info, 24 février 2020, www.rtl.be  ; P. Jassogne, « Service minimum : des travailleurs “pris en otage” ? », Alter Échos, n° 471, 12 février 2019, www.alterechos.be.
  • [301]
    Cour constitutionnelle, Affaire n° 7261 introduite le 8 novembre 2019. Le recours a été introduit par le secrétaire fédéral de la CGSP-AMIO Justice-Prisons, Michel Jacobs.
  • [302]
    Cour constitutionnelle, Arrêt n° 107/2021, 15 juillet 2021, p. 19.
  • [303]
    Ibidem, p. 79.
  • [304]
    Le Soir, 25 mai 2020.
  • [305]
    O. Nederlandt, « Droits des personnes incarcérées durant la pandémie », op. cit., p. 22.
  • [306]
    Cf., par exemple, la grève – qualifiée d’émotionnelle – qui est organisée à la prison de Lantin, le 27 mars 2020, suite à l’agression de trois gardiens : Le Soir, 28 mars 2020.
  • [307]
    O. Nederlandt, « Droits des personnes incarcérées durant la pandémie », op. cit., p. 7.
  • [308]
    Ibidem.
  • [309]
    Moniteur belge, 9 avril 2020.
  • [310]
    Sur cette distinction entre statuts juridiques interne et externe des détenus, cf. M.-S. Devresse, « Les aménagements de peine en Belgique. Aperçu des particularités d’un statut dit “externe” en constante évolution », Criminocorpus, 2013, http://journals.openedition.org.
  • [311]
    Tout d’abord, au moyen de la circulaire ministérielle n° 1820 du 20 mars 2020 ; l’appellation retenue est alors « congé prolongé ». Ensuite, cette mesure, renommée « interruption de l’exécution de la peine », est reprise dans l’arrêté royal n° 3 du 9 avril 2020 précité. Son application est alors prévue jusqu’au 17 juin 2020.
  • [312]
    Cour de cassation, 19 août 2020 (Journal des tribunaux, 2020, p. 556-558).
  • [313]
    Cf. l’arrêté royal n° 3 du 9 avril 2020 portant des dispositions diverses relatives à la procédure pénale et à l’exécution des peines et des mesures prévues dans le cadre de la lutte contre la propagation du coronavirus Covid-19 (Moniteur belge, 9 avril 2020).
  • [314]
    Pour pouvoir bénéficier d’une telle mesure, la peine restant à purger doit être inférieure à six mois et le détenu concerné doit apporter la preuve qu’il bénéficiera d’un logement en dehors de la prison et de moyens d’existence suffisants.
  • [315]
    O. Nederlandt, « Droits des personnes incarcérées durant la pandémie », op. cit., p. 9. Cf. aussi De Tijd, 12 janvier 2021.
  • [316]
    O. Nederlandt, « Droits des personnes incarcérées durant la pandémie », op. cit., p. 9.
  • [317]
    Ibidem, p. 15.
  • [318]
    Cf. l’arrêté royal n° 3 du 9 avril 2020 précité.
  • [319]
    Et ce au moyen d’une instruction édictée par la DG EPI puis de certaines dispositions de l’arrêté royal n° 3 du 9 avril 2020 précité.
  • [320]
    BX1, 19 mars 2021, https://bx1.be.
  • [321]
    P. Jassogne, « La fièvre des prisons », Alter Échos, n° 483, 6 avril 2020, www.alterechos.be.
  • [322]
    BX1, 3 avril 2021, https://bx1.be. Il convient de rappeler que le premier confinement a été marqué par une pénurie généralisée de matériel de protection, en particulier de masques buccaux, qui a touché la Belgique ainsi qu’une grande partie des pays frappés par la pandémie.
  • [323]
    CSC, « Prisons : un navire sans capitaine ou le mépris des travailleurs », Communiqué, 24 mars 2020, www.lacsc.be.
  • [324]
    P. Jassogne, « La fièvre des prisons », op. cit.
  • [325]
    La Libre Belgique, 23 mai 2020.
  • [326]
    Cf. la carte blanche cosignée par ces deux associations, « La santé, un droit fondamental dont personne ne peut être exclu », 18 mars 2020, www.liguedh.be.
  • [327]
    Cf. « Prisons et santé : incompatibles ! », L’Écho en ligne, 25 mars 2020, www.lecho.be (le Genepi Belgique, association estudiantine militant pour le décloisonnement des institutions carcérales, se trouve à l’initiative de cette carte blanche, qui récolte de très nombreux soutiens) ; Y. Cartuyvels, O. Nederlandt, M. Nève, « La prison face au covid19 : zoom sur un angle mort de la démocratie », Le Soir en ligne, 6 avril 2020, www.lesoir.be ; Y. Cartuyvels, « Le Covid 19, révélateur du problème carcéral », in « Déconfinement sociétal : apports d’expertises académiques », Académiques engagés, 20 avril 2020, p. 76-78, www.cartaacademica.org  ; L. Teper, « Coronavirus et droits de la défense : le diable se cache dans les détails », Le Soir en ligne, 13 avril 2020, https://plus.lesoir.be ; W. Wanzeele, K. Severs, « Coronavirus legt problemen in gevangenissen bloot », Sociaal.net, 5 mai 2020, https://sociaal.net.
  • [328]
    Y. Cartuyvels, O. Nederlandt, M. Nève, « La prison face au covid19 », op. cit.
  • [329]
    Ibidem.
  • [330]
    Cf., en particulier, la carte blanche cosignée par la LDH, la section belge de l’OIP, la Concertation des associations actives en prison (CAAP) et le Genepi Belgique, « Surpopulation carcérale : des effets inattendus de la pandémie… », 11 juin 2020, www.liguedh.be.
  • [331]
    Y. Cartuyvels, O. Nederlandt, M. Nève, « La prison face au covid19 », op. cit.
  • [332]
    Cour européenne des droits de l’homme, Clasens c. Belgique, 28 mai 2019.
  • [333]
    V. Lefebve, « Justice et prisons : entre élections fédérales et instauration d’un service minimum en cas de grève des agents pénitentiaires », op. cit., p. 53-55 ; Cour européenne des droits de l’homme, Detry et autres c. Belgique, 4 juin 2020.
  • [334]
    L’Écho en ligne, 16 juin 2020, www.lecho.be.
  • [335]
    La Libre Belgique, 23 septembre 2020.
  • [336]
    RTBF Info, 6 octobre 2020, www.rtbf.be.
  • [337]
    RTBF Info, 6 octobre 2020, www.rtbf.be  ; BX1, 8 octobre 2020, https://bx1.be.
  • [338]
    7sur7, 12 octobre 2020, www.7sur7.be  ; La Libre Belgique en ligne, 12 octobre 2020, www.lalibre.be.
  • [339]
    Cf., par exemple, la carte blanche signée par la CLAC, le Genepi Belgique (groupes locaux de l’USL-B, de l’ULB et de Bruxelles), la LDH et la section belge de l’OIP, « La crise sanitaire ne peut continuer à justifier l’atteinte au droit à la vie privée et familiale des personnes détenues et de leurs proches », 25 août 2020, https://www.liguedh.be/ : « Alors que le personnel pénitentiaire est censé porter un masque constamment en prison, il est souvent constaté que les masques ne sont pas portés ».
  • [340]
    La Libre Belgique, 13 octobre 2020. Cf. aussi la carte blanche cosignée par des groupes locaux du Genepi Belgique, la LDH, la Ligue des familles et la section belge de l’OIP, « Le coronavirus derrière les barreaux. Il est temps de libérer des détenu·e·s pour lutter contre la Covid-19 et protéger les liens familiaux », 13 novembre 2020, www.liguedh.be.
  • [341]
    Le Soir en ligne, 15 octobre 2020, https://plus.lesoir.be.
  • [342]
    Ibidem.
  • [343]
    Moniteur belge, 24 décembre 2020 : cf. articles 63 à 69.
  • [344]
    Cf. articles 60 et 61.
  • [345]
    Cf. la circulaire 07bis/202067 du 5 novembre 2020.
  • [346]
    O. Nederlandt, « Droits des personnes incarcérées durant la pandémie », op. cit., p. 15.
  • [347]
    Cf. la loi du 20 décembre 2020 précitée.
  • [348]
    Cette dernière mesure, organisée par le biais d’instructions édictées par la DG EPI, est ensuite reprise par la loi du 20 décembre 2020. L’article 62 de celle-ci prévoyant que la durée de la mesure de suppression doit être fixée par un arrêté ministériel, un premier arrêté ministériel est adopté, qui fait courir cette durée jusqu’au 19 janvier 2021 (arrêté ministériel du 23 décembre 2020 fixant la période de suspension de l’exécution de certaines modalités de sortie des détenus en application de l’article 62 de la loi du 20 décembre 2020 portant des dispositions diverses temporaires et structurelles en matière de justice dans le cadre de la lutte contre la propagation du Covid-19 : Moniteur belge, 24 décembre 2020). Un autre arrêté ministériel sera adopté le 15 janvier 2021 (arrêté ministériel du 15 janvier 2021 fixant la période de suspension de l’exécution de certaines modalités de sortie des détenus en application de l’article 62 de la loi du 20 décembre 2020 portant des dispositions diverses temporaires et structurelles en matière de justice dans le cadre de la lutte contre la propagation du Covid-19 : Moniteur belge, 19 janvier 2021).
  • [349]
    O. Nederlandt, « Droits des personnes incarcérées durant la pandémie », op. cit., p. 12.
  • [350]
    Ibidem.
  • [351]
    Ibidem.
  • [352]
    Ibidem. Concernant les conditions strictes auxquelles a dû obéir la reprise des visites en prison après la première vague de la pandémie, cf. L’Écho en ligne, 16 juin 2020, www.lecho.be.
  • [353]
    O. Nederlandt, « Droits des personnes incarcérées durant la pandémie », op. cit., p. 11. S’agissant des plans préparés par l’administration durant la première vague et contestés par les syndicats d’agents pénitentiaires, cf. aussi O. Nederlandt, « Actualités en droit de l’exécution des peines privatives de liberté : un état de crise permanent ? », in C. Guillain, F. Kuty (dir.), Actualités en droit pénal et exécution des peines, Bruxelles, Larcier, 2020, p. 242-243.
  • [354]
    Cf., par exemple, une tribune publiée par la CLAC, « Revendications des détenus et de leurs proches », 19 novembre 2020, https://laclac.org.
  • [355]
    O. Nederlandt, « Droits des personnes incarcérées durant la pandémie », op. cit., p. 11.
  • [356]
    M. Legrand, « Les familles des détenus revendiquent leurs droits », Alter Échos, 20 décembre 2020, www.alterechos.be.
  • [357]
    Chambre des représentants, Proposition de loi portant des dispositions diverses en matière de justice, notamment dans le cadre de la lutte contre la propagation du coronavirus, n° 1295/1, 27 mai 2020.
  • [358]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 42, 28 mai 2020, p. 49-50.
  • [359]
    À savoir l’Association syndicale des magistrats (ASM), Magistratuur & Maatschappij (M&M), la Nederlandstalige Vereniging van Magistraten (NVM), l’Union professionnelle de la magistrature (UPM), l’Union royale des juges de paix et de police (URJPP) et la Vereinigung der Deutschsprachigen Magistrate (VDM).
  • [360]
    « Avis du Conseil consultatif de la magistrature relatif à la proposition de loi du 27 mai 2020 “portant des dispositions diverses en matière de justice, notamment dans le cadre de la lutte contre la propagation du coronavirus” (doc 55 - 1295/001) » (mis en ligne le 16 juin 2020 sur le site Internet du journal Le Soir, https://plus.lesoir.be), p. 10.
  • [361]
    Cf., par exemple, la carte blanche cosignée par les associations membres de la plateforme Justice pour tous, « Une loi Covid dangereuse pour la justice », Le Vif/L’Express en ligne, 26 novembre 2020, www.levif.be.
  • [362]
    362 O. Nederlandt, D. Paci, « La prison face au Covid-19 : des mesures déséquilibrées au détriment des personnes détenues et/ou condamnées », Journal des tribunaux, volume 6814, n° 18, 2020, p. 341-348 ; O. Nederlandt, « Actualités en droit de l’exécution des peines privatives de liberté », op. cit., p. 223-243 ; O. Nederlandt, « Droits des personnes incarcérées durant la pandémie », op. cit.
  • [363]
    Ibidem, p. 17.
  • [364]
    Il est à noter toutefois, concernant ces derniers, que les libérations accordées équivalent à des « sorties sèches », sans que des mesures d’accompagnement soient établies au profit des condamnés libérés (cf. ibidem).
  • [365]
    Ibidem, p. 17-18.
  • [366]
    Ibidem, p. 19.
  • [367]
    Moniteur belge, 1er février 2005.
  • [368]
    L. Teper, « Le droit de plainte des détenus est enfin entré en vigueur. Après l’exécutif et le législatif, le pouvoir judiciaire franchit les murs et les barreaux », Journal des tribunaux, 2021, p. 91.
  • [369]
    Cf. les nombreux communiqués de presse publiés sur son site Internet : https://ccsp.belgium.be.
  • [370]
    O. Nederlandt, M. Lambert, « La réforme du Conseil central de surveillance pénitentiaire et des commissions de surveillance des prisons : entre attentes déçues et raisons d’espérer ? », e-legal. Revue de droit et de criminologie de l’ULB, n° 2, septembre 2019.
  • [371]
    Du côté francophone, le secteur associatif actif en matière pénitentiaire se compose principalement de la CLAC, du Genepi Belgique, de la LDH et de la section belge de l’OIP. Une association coupole peut également être mentionnée : la CAAP, qui représente les associations actives en prison.
  • [372]
    Cf., par exemple, la carte blanche signée par la CLAC, le Genepi Belgique (groupes locaux de l’USL-B, de l’ULB et de Bruxelles), la LDH et la section belge de l’OIP, « La crise sanitaire ne peut continuer à justifier l’atteinte au droit à la vie privée et familiale des personnes détenues et de leurs proches », op. cit.
  • [373]
    O. Nederlandt, « Droits des personnes incarcérées durant la pandémie », op. cit., p. 23. Cf., par exemple, la tribune publiée par la CLAC, « Revendications des détenus et de leurs proches », op. cit.
  • [374]
    LDH, « Lancement de la Ligne Info’Prison, un outil de récolte d’informations pour faire connaître la réalité carcérale », 8 juillet 2020, www.liguedh.be.
  • [375]
    La Libre Belgique en ligne, 5 novembre 2020, www.lalibre.be.
  • [376]
    « Lettre ouverte au vice-Premier ministre et ministre de la Justice, Monsieur Vincent Van Quickenborne », Le Soir en ligne, 22 janvier 2021, https://plus.lesoir.be.
  • [377]
    B. Champetier, G. Cliquennois, « L’influence politique et punitive des syndicats pénitentiaires en Belgique et en France », Annales de droit de Louvain, volume 73, n° 2, 2013, p. 245-268.
  • [378]
    * Chapitre rédigé par Natalia Hirtz et Charlotte Fichefet, avec l’appui de Sarah Sajn et Léa Lemaire pour la collecte de données.
    Moniteur belge, 31 décembre 1980.
  • [379]
    Bien que très minoritaire à la Chambre des représentants, ce gouvernement reçoit le soutien de tous les partis représentés au Parlement fédéral, à l’exception du PTB et du VB. Une semaine plus tard, des pouvoirs spéciaux lui sont en outre accordés à une large majorité afin de gérer la pandémie et ses conséquences, notamment économiques et sociales. Sur le contexte politique de l’année 2020, cf. J. Faniel, C. Sägesser, « La Belgique entre crise politique et crise sanitaire (mars-mai 2020) », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2447, 2020 ; C. Sägesser, « La formation du gouvernement De Croo (mai 2019 - octobre 2020) », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2471-2472, 2020.
  • [380]
    Cf., notamment, BESP, « Recommandations pour les élections fédérales, régionales et européennes du 26 mai 2019. Enquête sur la situation des sans-papiers », Dossier, 2019, http://ep.cfsasbl.be.
  • [381]
    Loi du 22 décembre 1999 relative à la régularisation de séjour de certaines catégories d’étrangers séjournant sur le territoire du Royaume (Moniteur belge, 10 janvier 2000).
  • [382]
    Cette campagne de 2000 est généralement considérée comme un succès puisqu’elle a permis de régulariser de façon permanente environ 40 000 personnes en un an, pour un total de 50 000 dossiers reçus. Pour un récit plus détaillé, cf. J.-M. Faux, « Les sans-papiers en Belgique. État de la question », Pensée plurielle, n° 21, 2009, p. 137-149.
  • [383]
    Celle-ci éclate suite aux élections fédérales du 10 juin 2007, qui voient les positions des partis se polariser sur une base communautaire sur les questions ayant trait à la réforme de l’État et à la scission de la circonscription électorale de Bruxelles–Hal–Vilvorde. Au terme de 194 jours de négociations, trois gouvernements successifs (Leterme I, Van Rompuy et Leterme II, tous de composition CD&V/MR/PS/Open VLD/CDH) connaissent une existence éphémère. Les élections anticipées du 13 juin 2010 mèneront à une nouvelle période de négociations de 541 jours portant essentiellement sur la préparation de la sixième réforme institutionnelle, mise en œuvre de 2012 à 2014. La crise s’achève avec l’entrée en fonction du gouvernement Di Rupo (PS/MR/CD&V/SP.A/Open VLD/CDH) en décembre 2011.
  • [384]
    Cf., notamment, « Histoire non-exhaustive de la “régul” », CIRÉ, 8 décembre 2009, www.cire.be.
  • [385]
    Cf. M. Franssens, « La régularisation par le travail : retour sur l’expérience de 2009 », Démocratie, 1er avril 2013, www.revue-democratie.be.
  • [386]
    Cette période est tout de même marquée par l’apparition en 2011 du collectif Sans-papiers Belgique (SP Belgique), qui s’appuie sur l’expérience des luttes précédentes pour réinstaurer un rapport de force avec les autorités, et par la lutte très combative des Afghans déboutés de l’asile en 2013 et 2014.
  • [387]
    Cf. les lignes du temps contenues dans BESP, « Recommandations pour les élections fédérales, régionales et européennes du 26 mai 2019 », op. cit. ; VSP Bruxelles, « Historique 2014-2020 », document interne.
  • [388]
    Cf. le site Internet de la Coordination : https://sanspapiers.be.
  • [389]
    La composition de cette plateforme informelle est mouvante. Y sont cependant actifs de façon récurrente la CSC nationale, la CSC-Migrants, l’Interrégionale bruxelloise de la FGTB, l’Interrégionale wallonne de la FGTB, le Centre d’éducation populaire André Genot (CEPAG), le Collectif Formation Société (CFS), l’asbl Coordination et initiatives pour réfugiés et étrangers (CIRÉ), le Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie (MRAX) et Vie féminine, ainsi que divers collectifs bruxellois et locaux (membres ou non de la Coordination) et leurs groupes de soutien respectifs.
  • [390]
    Il serait impossible de revenir ici sur l’ensemble des restrictions aux droits des personnes migrantes, des pratiques répressives et des bavures qui ont marqué le mandat de T. Francken entre octobre 2014 et décembre 2018. Notons ici que cette période se caractérise par une criminalisation accrue de l’ensemble des personnes migrantes, aux conséquences parfois dramatiques, comme en témoigne le décès de la petite fille kurde Mawda, tuée d’une balle dans la tête tirée par un policier au cours d’une course-poursuite. Pour sa part, le mouvement des sans-papiers est aux prises avec une série d’arrestations perçues comme ciblées et d’expulsions violentes de porte-parole et de militants : Hamed Karimi et Aliou Diallo (respectivement porte-parole du Collectif des Afghans et du collectif Ebola) en mars 2016, Mamadou Saliou Sow (porte-parole de VSP Bruxelles) en septembre 2016, les militants Malick et Médoune (VSP Bruxelles) en avril 2017, etc. Cf., notamment, BESP, « Recommandations pour les élections fédérales, régionales et européennes du 26 mai 2019 », op. cit.
  • [391]
    Ibidem ; BESP, « Enquête sur la situation des sans-papiers. Recommandations pour les élections communales 2018 », Dossier, 2018, http://ep.cfsasbl.be.
  • [392]
    Également connu comme la « proposition de loi UDEP », cette proposition de loi avait été rédigée en concertation avec l’Union de défense des sans-papiers (UDEP), collectif autogéré très actif en 2006, et déposée par les députés fédéraux Marie Nagy, Muriel Gerkens, Jean-Marc Nollet et Zoé Genot (Écolo) : cf. Chambre des représentants, Proposition de loi établissant des critères et une procédure de régularisation de certaines catégories d’étrangers résidant sur le territoire belge, et modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers, n° 2328/1, 9 mars 2006.
  • [393]
    VSP Bruxelles, « Y’en a marre, appel à soutien individuel par et pour des membres de la Voix des sans-papiers de Bruxelles », document interne, s.d.
  • [394]
    BX1, 27 janvier 2020, https://bx1.be.
  • [395]
    La Dernière Heure, 4 février 2020.
  • [396]
    Sudinfo, 13 février 2020, www.sudinfo.be.
  • [397]
    BX1, 2 septembre 2019, https://bx1.be.
  • [398]
    Le CNS est un organe créé au sein du gouvernement fédéral pour gérer et coordonner la politique de sécurité et de renseignements de la Belgique. Il rassemble le Premier ministre, qui le préside, les ministres fédéraux de la Justice, de la Défense, de l’Intérieur et des Affaires étrangères, ainsi que les vice-Premiers ministres titulaires d’un autre portefeuille. Les autres ministres et les responsables des services de sécurité peuvent y être conviés. Durant la crise sanitaire de 2020 due à la propagation de la pandémie de Covid-19, le CNS a été élargi de facto aux ministres-présidents des différentes Régions et Communautés du pays. En vertu d’une conception élargie de la notion de sécurité, c’est cet organe qui a adopté puis annoncé les principales décisions de confinement de la population et de distanciation sociale destinées à enrayer la propagation du coronavirus.
  • [399]
    Le BESP met en place un « Observatoire de la pandémie de Covid-19 parmi les sans-papiers ». Le 30 avril 2020, il publie le premier des quatre communiqués d’enquêtes menées entre mars et juin 2020. Cf. le site Internet https://besp-sanspapiers.be.
  • [400]
    D’autres mobilisations se poursuivent durant le confinement, mais seule celle des sans-papiers prendra la forme d’actions de rue. Cf. B. Biard, S. Govaert, V. Lefebve, « Penser l’après-corona. Les interventions de la société civile durant la période de confinement causée par la pandémie de Covid-19 (mars-mai 2020) », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2457-2458, 2020.
  • [401]
    Agence fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile (Fedasil), 13 mars 2020.
  • [402]
    Les enregistrements reprennent le 3 avril, mais désormais les personnes en demande d’asile doivent prendre un rendez-vous via un formulaire d’inscription en ligne sur le site du Service public fédéral (SPF) Intérieur avant de se rendre dans un centre. Cette procédure sera modifiée à partir du 30 octobre 2020, suite à l’ordonnance 120/105/C du tribunal de première instance francophone de Bruxelles, exigeant de l’État belge qu’il prenne des mesures pour mettre un terme à l’impossibilité de solliciter une aide matérielle prévue à l’article 2, 6°, de la loi du 12 janvier 2007 sur l’accueil des demandeurs d’asile et de certaines autres catégories d’étrangers.
  • [403]
    Getting the Voice Out, Communiqué, 9 mars 2020, www.gettingthevoiceout.org.
  • [404]
    RTBF Info, 17 mars 2020, www.rtbf.be.
  • [405]
    RTBF Info, 9 avril 2020, www.rtbf.be.
  • [406]
    Le Vif/L’Express, 18 mars 2020.
  • [407]
    Le Soir, 1er avril 2020.
  • [408]
    RTBF Info, 8 avril 2020, www.rtbf.be.
  • [409]
    Cf. les communiqués d’enquêtes menées par le BESP entre mars et juin 2020, dans le cadre de l’Observatoire de la pandémie de Covid-19 parmi les sans-papiers : https://besp-sanspapiers.be.
  • [410]
    Migrant libre, « La Belgique peut aussi régulariser », 31 mars 2020, https://migrantlibre.wordpress.com.
  • [411]
    Parmi les signataires, figurent la CSC nationale, la FGTB fédérale, l’Interrégionale wallonne de la FGTB, Amnesty International Belgique francophone, Caritas International Belgique, la CSPB, la LDH et l’Ordre des barreaux francophones et germanophone (Avocats.be).
  • [412]
    Le Soir, 1er avril 2020.
  • [413]
    RTBF Info, 20 avril 2020, www.rtbf.be.
  • [414]
    Cf. Zin TV, Film « Les oublié.e.s du Covid-19 », 20 avril 2020, https://zintv.org ; RTBF Info, 20 avril 2020, www.rtbf.be.
  • [415]
    Fédération des services sociaux (FDSS), « Proposition de mécanisme d’octroi d’un titre de séjour aux personnes en séjour irrégulier », 21 avril 2020, www.fdss.be.
  • [416]
    BX1, 4 mai 2020, https://bx1.be.
  • [417]
    Outre la CSPB et la Plateforme de soutien aux sans-papiers, le front est formé par beweging.net, le Centre d’action laïque (CAL), le Centre régional d’action interculturelle du Centre (CERAIC), le collectif Charleroi Solidarité migrant.e.s, le Collectif de résistance aux centres pour étrangers (CRACPE), le Collectif liégeois de soutien aux sans-papiers, le Collectif verviétois de soutien aux sans-papiers, les Équipes populaires (EP), les EP Verviers, Espace 28, le Groupe montois de soutien aux sans-papiers, les Jeunes organisés et combatifs (JOC), La belle diversité, Le monde des possibles, Lire et écrire Verviers, la Marche des migrants de la Région du Centre, Mons Soutien aux sans-papiers - activités, Service d’aide aux personnes sans papiers (Point d’appui), le Réseau wallon de lutte contre la pauvreté (RWLP), Sans-Papiers TV et SOS Migrants.
  • [418]
    RTBF Info, 25 mai 2020, www.rtbf.be.
  • [419]
    Suite à une plainte d’un militant pour rupture du cordon sanitaire (E. Kir a accueilli et rencontré deux bourgmestres du parti turc d’extrême droite Milliyetçi Hareket Partisi - MHP), le bourgmestre de Saint-Josse-ten-Noode et député fédéral est exclu du parti par la fédération bruxelloise du PS en janvier 2020.
  • [420]
    La Libre Belgique, 30 mai 2020.
  • [421]
    Cf. Sans-Papiers TV, Vidéo, 3 juin 2020, www.facebook.com/tv.sanspapiers.
  • [422]
    À l’initiative du CVR2009, en collaboration avec la CSPB, le CSP-CSC Bruxelles et le MOC.
  • [423]
    BX1, 4 juin 2020, https://bx1.be.
  • [424]
    Coordination des sans-papiers de Belgique, www.facebook.com/CoordinationdesSansPapiersdeBelgique.
  • [425]
    À l’initiative de la CSPB, du CVR2009, de Migrant libre et du Palestinian Refugees Movement Belgium.
  • [426]
    CSPB, Communiqué, 6 juin 2020, https://sanspapiers.be.
  • [427]
    Sudinfo, 12 juin 2020, www.sudinfo.be.
  • [428]
    BX1, 16 juin 2020, https://bx1.be.
  • [429]
    Ces événements n’ont pas bénéficié de la présence des médias, mais des vidéos ont été enregistrées par l’organe de presse indépendant ODP news et sont disponibles sur le compte Facebook de celui-ci.
  • [430]
    CSPB, Communiqué, 16 juin 2020, https://sanspapiers.be. L’appel est signé par tous les collectifs de la Coordination : Actrices et acteurs des temps présents (AADTP), Amitié sans frontières / Vriendschap Zonder Grenzen, Bruxelles Panthères, BESP (CFS), Charleroi Solidarité migrant.e.s, CRACPE, Collectif liégeois de soutien aux sans-papiers, Collectif verviétois de soutien aux sans-papiers, Comité de soutien à la Voix des sans-papiers de Liège, CIRÉ, Dora Dorës, École des solidarités, EP Verviers, Espace 28, Freedom & Solidarity, Groupe montois de soutien aux sans-papiers, JOC Verviers, Migrant libre, MRAX, MOC, Palestinian Refugees Movement Belgium, Plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés, Pour des alternatives démocratiques, écologiques et sociales (Réseau ADES), Sans-Papiers TV et Vie féminine.
  • [431]
    Cf. Sans-Papiers TV, www.facebook.com/tv.sanspapiers.
  • [432]
    RTBF Info, 21 juin 2020, www.rtbf.be ; Getting the Voice Out, Communiqué, 27 juin 2020, www.gettingthevoiceout.org.
  • [433]
    Ce choix n’est pas propre à la Belgique. En septembre 2020, la Commission européenne présente un plan de réforme de la politique migratoire (intitulé « Nouveau pacte sur la migration et l’asile ») dont l’une des propositions centrales concerne une « application efficace » des décisions « d’éloignement » pour accélérer les expulsions des personnes ne remplissant pas les conditions de demande d’asile. Cf. V. Guiraudon, « Migration et pacte européen : à qui profite le statu quo ? », Analyse Opinion Critique, 19 janvier 2021, https://aoc.media.
  • [434]
    Le 24 juin 2020, la police procède à la première vaste opération de contrôle d’identité menée depuis le début du confinement. Cinquante-six personnes sont arrêtées dans le quartier de la gare de Bruxelles-Nord, à Schaerbeek. Cf. Le Soir, 25 juin 2020 ; 7sur7, 25 juin 2020, www.7sur7.be.
  • [435]
    Getting the Voice Out, Communiqué, 1er juillet 2020, www.gettingthevoiceout.org.
  • [436]
    BX1, 12 juillet 2020, https://bx1.be.
  • [437]
    RTL Info, 5 septembre 2020, www.rtl.be.
  • [438]
    Cf. supra, chapitre 3 : N. Hirtz, M. C. Trionfetti, « Conflits dans le secteur de la santé : une issue gagnante sans retour à “la normale” ».
  • [439]
    Situé sur l’île de Lesbos, à quelques kilomètres des côtes turques, « le plus grand – et sordide – camp de réfugiés de Grèce » (Le Monde en ligne, 9 septembre 2020, www.lemonde.fr), abritant 12 000 personnes, est touché par un vaste incendie le 9 septembre.
  • [440]
    CSPB, « Lettre ouverte aux sept président(e)s des partis politiques en négociation en vue de constituer un gouvernement fédéral », 26 septembre 2020, https://sanspapiers.be.
  • [441]
    Notamment, l’arrêt de l’enfermement des enfants en centre fermé et davantage de possibilités pour les personnes dites vulnérables d’être régularisées. L’accord de gouvernement du 30 septembre 2020 continue par ailleurs de mettre l’accent sur la politique d’enfermement et de retour.
  • [442]
    La Libre Belgique en ligne, 20 octobre 2020, www.lalibre.be.
  • [443]
    CSPB, « Faut-il mourir pour avoir des papiers ? », 20 octobre 2020, https://sanspapiers.be.
  • [444]
    RTBF Info, 4 décembre 2020, www.rtbf.be.
  • [445]
    Arrêté de pouvoirs spéciaux n° 14 du 27 avril 2020 pris en exécution de l’article 5, § 1er, 5°, de la loi du 27 mars 2020 accordant des pouvoirs au Roi afin de prendre des mesures dans la lutte contre la propagation du coronavirus Covid-19 (II) visant à garantir la bonne organisation du travail dans les secteurs critiques (Moniteur belge, 28 avril 2020).
  • [446]
    C. Teret, « Circuits courts à court de bras », Alter Échos, 25 mai 2020, www.alterechos.be.
  • [447]
    La Libre Belgique, 28 mars 2017.
  • [448]
    Belga (RTBF Info, 14 décembre 2020, www.rtbf.be).
  • [449]
    Cf. la page de la campagne « Pour des permis de travail, maintenant ! » sur le site Internet www.reclaimhumanrights.net.
  • [450]
    RTBF Info, 6 novembre 2020, www.rtbf.be.
  • [451]
    Cap Migrants (Liège), Centre d’action interculturelle de Namur (CAI Namur), CAL Province de Liège, CEPAG, Centre de médiation des gens du voyage et des Roms en Wallonie (CMGV), CRACPE, Centre des immigrés Namur-Luxembourg (CINL), Centre interculturel de Mons et du Borinage (CIMB), CERAIC, Centre régional de Verviers pour l’intégration (CRVI), Centre régional d’intégration de Charleroi (CRIC), Centre régional d’intégration de la Province de Luxembourg (CRILUX), Centre régional d’intégration du Brabant wallon (CRIBW), Centre régional pour l’intégration des personnes étrangères ou d’origine étrangère de Liège (CRIPEL), Collectif liégeois de soutien aux sans-papiers, Comité de soutien à la Voix des sans-papiers de Liège, Concertation des ateliers d’insertion professionnelle et sociale (CAIPS), Coordination d’associations liégeoises d’insertion et de formation (CALIF), CIRÉ, Coordination wallonne des collectifs et associations en soutien aux migrants en transit, Dispositif de concertation et d’appui aux centres régionaux d’intégration de Wallonie (DISCRI), École des solidarités, F41 (Liège), Femmes prévoyantes socialistes (FPS) Province de Liège, Institut de recherche, formation et action sur les migrations (IRFAM), Interrégionale wallonne de la FGTB, Le monde des possibles, MRAX, Point d’appui, Présence et action culturelle (PAC) Namur, VSP Liège.
  • [452]
    Le Vif/L’Express, 20 novembre 2020.
  • [453]
    VSP Bruxelles, « Historique 2014-2020 », op. cit.
  • [454]
    CSPB, « Ouverture d’une nouvelle occupation pour VSP Family », 26 septembre 2020, https://sanspapiers.be.
  • [455]
    BX1, 20 octobre 2020, https://bx1.be.
  • [456]
    Étant donné qu’ils décident d’agir en tant que coalition, il n’existe pas de liste reprenant l’ensemble des collectifs engagés dans ces actions. Nous pouvons toutefois nommer les squats La 404, La bougie, La clé, La passoire et L’hôtel flambeau et des groupes divers comme Extinction Rebellion (XR), le Réseau ADES, le Secours rouge et, au niveau local, les Brigades de solidarité populaire de Saint-Gilles.
  • [457]
    BX1, 19 décembre 2020, https://bx1.be.
  • [458]
    BX1, 20 octobre 2020, https://bx1.be.
  1. Avant-propos
  2. Introduction
  3. 1. Négocier dans l’incertitude de la pandémie. La conflictualité sociale interprofessionnelle en 2020
    1. 1.1. La place des interlocuteurs sociaux dans la gestion de la crise sanitaire
    2. 1.2. Le report des élections sociales
    3. 1.3. L’étendue du droit de grève en question
    4. 1.4. La préparation de l’AIP dans l’incertitude
      1. 1.4.1. Le couplage des négociations sur l’enveloppe bien-être et l’AIP
      2. 1.4.2. Le dossier du salaire minimum remis sur le métier
      3. 1.4.3. L’introuvable marge salariale
    5. 1.5. Conclusion
  4. 2. Blocage d’une autoroute : illustration des relations entre la grève et le pouvoir judiciaire
    1. 2.1. Le jugement du 23 novembre 2020 et l’arrêt du 19 octobre 2021
      1. 2.1.1. Contexte socio-politique et blocage de l’autoroute
      2. 2.1.2. Procédures judiciaires et condamnation par le tribunal correctionnel
      3. 2.1.3. Réactions publiques à la condamnation
      4. 2.1.4. Confirmation du jugement par la cour d’appel
      5. 2.1.5. Analyse des décisions judiciaires
        1. 2.1.5.1. Approche juridique du jugement du tribunal correctionnel de Liège
        2. 2.1.5.2. Perspective critique
        3. 2.1.5.3. Le traitement par la cour d’appel de Liège
    2. 2.2. Grève et pouvoir judiciaire : une relation tourmentée
      1. 2.2.1. Historique
      2. 2.2.2. Procédures civiles
      3. 2.2.3. Procédures pénales
      4. 2.2.4. Positions des juridictions suprêmes
    3. 2.3. Conclusion : la grève est-elle encore un droit ?
  5. 3. Conflits dans le secteur de la santé : une issue gagnante sans retour à « la normale »
    1. 3.1. Les conflits dans le secteur privé des soins de santé
      1. 3.1.1. L’accord social non marchand dans l’impasse
      2. 3.1.2. La grève au service des urgences de l’hôpital Tivoli
      3. 3.1.3. La grève à la maison de repos et de soins Château Chenois
    2. 3.2.L’élargissement du mouvement la santé en lutte (SEL)
      1. 3.2.1. Première assemblée générale régionale de la SeL de Liège (24 janvier 2020)
      2. 3.2.2. Troisième assemblée générale nationale de la SeL (Bruxelles, 7 février 2020)
    3. 3.3. Le coronavirus progresse et le terrain annonce une « lutte sur tous les fronts »
    4. 3.4. La formation d’un gouvernement fédéral d’urgence et l’annonce du confinement
      1. 3.4.1. Proposition et demande de concertation du front commun syndical (public-privé)
      2. 3.4.2. La SeL dénonce la situation du terrain
    5. 3.5. Vers une « exit strategy »
      1. 3.5.1. Le plan de déconfinement général
      2. 3.5.2. Des arrêtés royaux contestés
    6. 3.6. Haie de déshonneur et relance en force du mouvement SeL
      1. 3.6.1. La SeL organise la convergence pour la Grande manifestation de la santé
      2. 3.6.2. Haies de déshonneur
      3. 3.6.3. Des mobilisations dans le secteur public bruxellois
      4. 3.6.4. Des mobilisations dans le secteur privé
    7. 3.7. L’adoption de la loi pérennisant le fonds Blouses blanches
    8. 3.8. Un avant-projet d’accord social
    9. 3.9. Une reprise mouvementée
      1. 3.9.1. Deuxième assemblée générale régionale de la SeL de Liège (20 août 2020)
      2. 3.9.2. Préavis de grève déposé par le front commun syndical du service public bruxellois
      3. 3.9.3. La Grande manifestation de la santé (13 septembre 2020)
    10. 3.10. La SeL réagit aux premières notes du gouvernement Vivaldi
    11. 3.11. La recrudescence de la crise sanitaire et du mouvement de protestation
      1. 3.11.1. Quatrième assemblée générale nationale de la SeL (Bruxelles, 15 octobre 2020) : bilan du parcours et stratégies d’action
      2. 3.11.2. La propagation des protestations contre la pénurie de personnel
    12. 3.12. La signature de l’accord social non marchand pour le secteur de santé fédéral
    13. 3.13. Retour sur le terrain : fortes mobilisations contre la délégation d’actes infirmiers
    14. 3.14. Dernier rassemblement de l’année de la SeL : un appel à continuer la lutte contre l’austérité
    15. 3.15. Conclusion
  6. 4. Les conflits du travail dans la grande distribution : la gestion de l’urgence s’ajoute à la crise structurelle
    1. 4.1. Première vague de Covid-19 et premier confinement : personnel sursollicité et actions collectives chez Delhaize et Carrefour
    2. 4.2. Entre deux vagues : accumulation de tensions et conflits chez Aldi, Colruyt et Makro
    3. 4.3. Seconde vague et second confinement : accord sectoriel et conflits chez Colruyt, Logistics Nivelles et Mestdagh
    4. 4.4. Conclusion
  7. 5. Prisons : les revendications liées à l’instauration du service minimum éclipsées par la crise sanitaire
    1. 5.1. État et enjeux de la conflictualité sociale au début de l’année 2020 : de la contestation du service minimum à la survenance de la crise sanitaire
    2. 5.2. L’impact de la crise sanitaire
      1. 5.2.1. La première vague
      2. 5.2.2. Les réactions aux mesures prises pour faire face à la première vague
      3. 5.2.3. Un déconfinement qui tarde à produire ses effets
      4. 5.2.4. La deuxième vague et sa gestion
      5. 5.2.5. La question des visites et celle de l’usage de la vidéoconférence
      6. 5.2.6. Évaluation juridique des mesures prises
      7. 5.2.7. Le rôle des organes de surveillance et du secteur associatif
    3. 5.3. Conclusion
  8. 6. Le mouvement des sans-papiers déconfine le droit à manifester
    1. 6.1. Le contexte de la lutte des sans-papiers : revendications et acteurs
      1. 6.1.1. Des critères clairs de régularisation : courte trajectoire d’une revendication
      2. 6.1.2. Émergence de nouveaux acteurs après 2009 : stratégies en débat
    2. 6.2. Mobilisations dans le contexte des négociations pour la formation d’un nouveau gouvernement fédéral
    3. 6.3. Luttes et entraide des sans-papiers durant le premier confinement
      1. 6.3.1. Conflits dans les centres fermés
      2. 6.3.2. Campagnes pour la régularisation : la pandémie comme circonstance exceptionnelle
      3. 6.3.3. Intensification de la campagne d’interpellation des communes
    4. 6.4. Déconfinement et reprise des négociations pour la formation d’un gouvernement fédéral
    5. 6.5. Nouvelles mobilisations face aux précarités aggravées par la pandémie
      1. 6.5.1. Inclure les sans-papiers dans la lutte contre le coronavirus
      2. 6.5.2. Campagne « Permis de travail maintenant ! »
      3. 6.5.3. Vers un renouvellement de la stratégie d’occupation ?
    6. 6.6. Conclusion
Iannis Gracos
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Le Groupe d’analyse des conflits sociaux (GRACOS) est un collectif interdisciplinaire ayant pour objectif l’étude des principaux mouvements de grève et autres éléments de la conflictualité sociale qui jalonnent chaque année civile. Ce Courrier hebdomadaire est consacré aux conflits qui ont marqué l’actualité belge en 2020. Particulièrement significatifs par rapport à l’histoire sociale et aux enjeux futurs, ceux-ci sont regroupés en deux volumes.

L’année 2020 a été fortement marquée par la pandémie de Covid-19 et par les mesures prises par les autorités publiques afin de lutter contre elle. Ce contexte a affecté la concertation et la conflictualité sociales et, plus largement, l’ensemble des acteurs du monde du travail.

Ce premier volume s’ouvre avec l’analyse de la conflictualité sociale interprofessionnelle. Il se penche également sur une affaire symptomatique de la vision que porte la justice sur le droit de grève : la condamnation pénale de syndicalistes qui avaient participé à une action de blocage autoroutier en 2015. Ensuite, il traite des conflits sociaux intervenus dans trois secteurs d’activité ayant été particulièrement touchés par les effets de la pandémie : les soins de santé, la grande distribution et les prisons. Enfin, il montre comment les luttes du mouvement des sans-papiers ont connu une recrudescence.

Le GRACOS se compose actuellement de 23 membres : B. Bauraind, A. Bingen, M. Brodersen, J. Buelens, B. Conter, V. Demertzis, E. Deront, A. Dufresne, J. Faniel, C. Gobin, T. Hausmann, N. Hirtz, G. Lambert, V. Lefebve, C. Leterme, E. Martinez, L. Mélon, A. Orban, P. Reman, M. C. Trionfetti, K. Vandaele, J. Vandewattyne et C. Vanroelen. La présente étude a été rédigée avec la collaboration de C. Fichefet, F.-X. Lievens et M. Strale.

Mis en ligne sur Cairn.info le 17/12/2021
https://doi.org/10.3917/cris.2511.0007
ISBN 9782870752746
Pour citer cet article
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