CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1Depuis la fin du XIXe siècle, la fête nationale belge est célébrée le 21 juillet (en commémoration de la prestation de serment du roi Léopold Ier en 1831). Aujourd’hui, la Belgique connaît en outre cinq fêtes régionales ou communautaires : celle de la Région de Bruxelles-Capitale le 8 mai (en référence à la victoire de la démocratie sur le fascisme en Europe en 1945), celle de la Communauté flamande le 11 juillet (en souvenir de la bataille des Éperons d’or de 1302), celle de la Région wallonne le troisième dimanche de septembre et celle de la Communauté française le 27 septembre (toutes deux en mémoire des Journées de Septembre 1830), et celle de la Communauté germanophone le 15 novembre (jour de la fête du Roi). Les fêtes des entités fédérées ont été progressivement instaurées entre les années 1970 et le début du XXIe siècle.

2Le choix de chacune de ces six dates participe de la définition, de la construction et de la visibilité d’une conscience collective : nationale, régionale ou communautaire. L’État belge a souhaité souligner le pacte privilégié qui est censé unir la nation à son souverain. La Région wallonne a entendu œuvrer à l’affermissement de l’identité régionale des Wallons par l’institutionnalisation d’une tradition populaire bien connue de ceux-ci. La Communauté française a voulu puiser dans le passé un exemple emblématique de solidarité entre Wallons et Bruxellois francophones au nom de la langue et de la culture. Pour cela, toutes deux ont réinvesti un imaginaire que le Mouvement wallon avait forgé de longue date autour de la Révolution belge pour soutenir son combat contre le « flamingantisme ». La Flandre a souhaité appuyer sa double volonté de défendre sa langue et sa culture sur son territoire et d’accéder à une autonomie accrue à l’intérieur du cadre fédéral belge. Reprenant une coutume bien ancrée du Mouvement flamand, elle a dès lors fait référence à un haut fait militaire de l’histoire médiévale flamande, qui avait vu de simples hommes du peuple conquérir l’indépendance du comté de Flandre en vainquant l’élite de l’armée du roi de France. La commémoration du passé – celui-ci fût-il partiellement réinventé pour la cause – a donc été mobilisée pour servir les projets politiques actuels, en inscrivant ceux-ci dans le long terme et en leur offrant un glorieux précédent. De manière moins revendicative, la Région de Bruxelles-Capitale a voulu mettre en avant son action en faveur de la démocratie et du multiculturalisme, et la Communauté germanophone affirmer son attachement à la monarchie belge et, par là, à la Belgique.

3Le présent Courrier hebdomadaire prend pour fil rouge les cinq fêtes régionales et communautaires qui rythment actuellement le calendrier belge. Pour leur part, les diverses fêtes nationales que l’État belge a instaurées au cours de son histoire ne font pas l’objet d’un chapitre propre : elles sont exposées au fil de leurs liens avec l’émergence des fêtes des Régions et des Communautés. Proprement dit, la fête nationale belge est celle annuellement organisée le 21 juillet (et, antérieurement, aux alentours du 27 septembre de 1831 à 1879 puis le troisième dimanche du mois d’août de 1880 à 1889). Dans le cadre de cette étude, nous y ajoutons en outre une célébration ayant eu, à une époque, un statut proche : la fête du Roi (qui est fixée au 15 novembre depuis 1934, mais dont la date avait précédemment fluctué : 15, 26 ou 27 novembre, ou 16 décembre). De même, nous abordons également les fêtes jubilaires (qui se tiennent grosso modo tous les quarts de siècle), ainsi que la fête commémorative de la Première Guerre mondiale (placée le 4 août de 1919 à 1921 et le 11 novembre depuis lors) et celle de la Seconde Guerre mondiale (8 mai).

4Le premier chapitre expose brièvement les fondements juridiques de la compétence des Régions et Communautés de Belgique à instaurer des fêtes subnationales ; la chose ne va en effet pas de soi, même dans le cadre d’un État fédéral. Les deux chapitres suivants retracent les différents processus d’évolution mémorielle qui ont mené aux fêtes régionales et communautaires. L’un est consacré aux entités fédérées qui ont pu appuyer leur choix d’une date de fête sur une pratique ancienne et qui était propre à leur population, pratique qu’il s’est simplement agi d’officialiser dans son rôle de référence identitaire symbolique (la Région wallonne, la Communauté française et la Communauté flamande). L’autre traite de celles qui n’ont pu se reposer sur un tel héritage et ont donc dû faire preuve de davantage d’inventivité à cet égard, tout en choisissant cependant de rester dans des cadres déjà établis par ailleurs (la Communauté germanophone et la Région de Bruxelles-Capitale).

1. L’instauration de fêtes propres aux entités fédérées belges : fondements juridiques

5Aujourd’hui, presque tous les pays du monde ont officiellement établi une fête nationale annuelle (et parfois même plusieurs, comme l’Algérie, le Danemark, l’Inde ou le Japon)  [1]. Cette pratique est relativement récente : née avec la Révolution française, elle s’est répandue au fil du XIXe siècle dans le contexte de la construction des États-nations. La date célébrée est choisie pour commémorer un fait regardé comme l’un des événements-clés de l’histoire et de l’identité du pays : proclamation d’indépendance, victoire militaire, unification de territoires, avènement d’un régime politique, adoption d’une constitution, installation d’un chef d’État, couronnement d’un souverain, naissance ou mort d’un héros national, etc. La solennité de cette fête est ordinairement marquée par l’octroi d’un jour férié à l’ensemble des habitants du pays ; souvent, sa date est en outre inscrite dans la Constitution.

6En règle générale, l’instauration d’une telle fête est le privilège des États et, dans les pays fédéraux, du niveau de pouvoir national. Ainsi, les États états-uniens, les Länder allemands ou les cantons suisses en sont-ils dépourvus. Ce n’est qu’en de rares exceptions que des entités territoriales non souveraines ont acquis le droit d’instaurer une fête officielle. En Espagne par exemple, les dix-sept communautés autonomes (comunidades autónomas : Andalousie, Aragon, Asturies, Îles Canaries, Castille-et-León, Catalogne, Galice, Communauté de Madrid, Navarre, Pays basque, etc.) et les deux villes autonomes (Ceuta et Melilla) disposent chacune d’une fête propre  [2].

7Les entités fédérées du royaume de Belgique figurent également au rang de ces quelques exceptions. Dès le début du processus de fédéralisation du pays, le Conseil d’État a en effet estimé que les Conseils culturels des Communautés culturelles française et néerlandaise (institués en 1971)  [3] détenaient la compétence de fixer un jour de fête propre à leur Communauté culturelle. Cette position s’appuyait sur l’article 59 bis, § 2, 1°, de la Constitution (actuel article 127, § 1er, 1°), stipulant que les deux conseils culturels en question, « chacun pour ce qui le concerne, règlent par décret les matières culturelles »  [4], et sur l’article 2 de la loi du 21 juillet 1971, définissant lesdites « matières culturelles »  [5]. Certes, ces deux textes ne mentionnent pas expressément l’instauration d’une fête. Toutefois, consulté au sujet d’une proposition de décret émanant de la Communauté culturelle française, le Conseil d’État a considéré, en octobre 1972, qu’une telle initiative « n’excéd[ait] pas par nature la compétence matérielle des conseils culturels »  [6]. En novembre 1995, le Conseil d’État est quelque peu revenu sur sa position. Il a précisé que, contrairement à ce qu’il avait initialement soutenu, le fondement de la compétence d’une Communauté à fixer son jour de fête ne réside pas dans les matières culturelles au sens de l’article 127 de la Constitution, mais dans le fait que cette Communauté agit « en tant que personne morale de droit public porteuse d’une partie de la souveraineté »  [7].

8Les premières initiatives décrétales visant à l’instauration d’une fête propre datent, pour la Communauté culturelle néerlandaise, du 16 mai 1972 et, pour la Communauté culturelle française, du 6 juillet 1972. La proximité de ces dates ne semble pas résulter d’un effet d’imitation ou d’émulation  [8]. Ces deux projets ont respectivement abouti le 6 juillet 1973 et le 20 juillet 1975. Les autres entités fédérées  [9] ont suivi le mouvement, mais à une certaine distance  [10] : la Communauté germanophone le 1er octobre 1990, la Région wallonne le 23 juillet 1998 et, enfin, la Région de Bruxelles-Capitale le 13 mars 2003. En la matière, la compétence appartient aux Régions en vertu de l’actuel article 39 de la Constitution (qui instaure les organes régionaux) et à la Communauté germanophone en vertu de l’article 130 du même texte (qui érige le Parlement de la Communauté germanophone en institution législative compétente dans les matières communautaires).

9Parallèlement à ce processus, les différentes entités fédérées belges ont également adopté officiellement leur drapeau et leurs armoiries, ainsi que, pour deux d’entre elles, leur hymne (le Chant des Wallons pour la Région wallonne et le Vlaamse Leeuw pour la Communauté flamande)  [11], autres symboles identitaires  [12]. Il est cependant à remarquer que, contrairement au Vlaamse Leeuw en Flandre, le Chant des Wallons n’est pas réellement parvenu à s’imposer dans le grand public wallon, qui continue à lui préférer les hymnes locaux (Pays de Charleroi à Charleroi, Valeureux Liégeois à Liège, Doudou à Mons, Li bia bouquet à Namur, etc.). Par ailleurs, la Communauté française n’utilise guère son drapeau officiel, surtout depuis que celui-ci est également devenu celui de la Région wallonne, lui préférant des logos.

10Le système de fêtes subnationales mis en place en Belgique présente une singularité, en ce que la date de la fête d’une Région ou d’une Communauté ne constitue pas un jour férié pour l’ensemble des habitants de cette Région ou de cette Communauté. En effet, seuls les fonctionnaires des institutions, administrations et autres organismes de l’entité fédérée concernée bénéficient d’un jour de congé à cette occasion  [13], ainsi que le personnel des établissements d’enseignement, les élèves et les étudiants lors de la fête de la Communauté dont relève leur établissement d’enseignement  [14], et le personnel de certaines villes, communes et provinces lors des fêtes de la Région ou de la Communauté correspondante  [15]. Cela s’explique par le fait que la compétence d’instituer des jours fériés est demeurée strictement du ressort de l’Autorité fédérale  [16] ; pour leur part, les entités fédérées ne peuvent qu’octroyer des jours de congé aux travailleurs des secteurs publics qui leur sont liés, à l’exclusion donc de tous les travailleurs du secteur privé.

11Cependant, certains employeurs privés et certaines commissions paritaires accordent de leur propre chef un jour de congé aux travailleurs à l’occasion de la fête de leur Communauté (actuellement, c’est par exemple le cas dans le secteur de la construction métallique, mécanique et électrique, dans celui des services de gardiennage et de surveillance, dans celui du transport, et dans celui de l’imprimerie, des arts graphiques et des journaux)  [17] ; en région bilingue de Bruxelles-Capitale, les personnes concernées doivent choisir entre le 11 juillet et le 27 septembre.

12Par ailleurs, en juillet 2003, le gouvernement fédéral Verhofstadt II (VLD/PS/MR/ SP.A–Spirit) a indiqué, dans sa déclaration de gouvernement, qu’il « organisera[it] une concertation avec les partenaires sociaux sur la reprise des jours de fêtes des Régions ou des Communautés dans la liste des jours de fête légaux, sans pour autant en augmenter le nombre total »  [18]. En avril 2004, le ministre de l’Emploi et des Pensions, Frank Vandenbroucke (SP.A), a saisi le Conseil national du travail (CNT) d’une demande d’avis concernant ce dossier. Dans son avis n° 1504 du 21 décembre 2004, le CNT a répondu qu’« il serait préférable de laisser aux secteurs et aux entreprises la possibilité de régler eux-mêmes cette question » ; le gouvernement fédéral s’est rallié à cet avis. Dans cette optique, le CNT a adressé aux commissions paritaires la recommandation n° 17, afin que les secteurs et les entreprises « jugent de l’opportunité de fixer, dans la mesure du possible », le remplacement d’un jour férié coïncidant avec un dimanche ou avec un jour habituel d’inactivité « à la date d’un jour de fête communautaire ou régionale »  [19].

13Enfin, il est à noter que des projets existent en Flandre pour que la fête d’une Communauté (ou Région) donnée devienne un jour férié légal pour l’ensemble de la population de ladite Commmunauté (ou Région). Des initiatives ont émané en ce sens des partis nationalistes flamands (Volksunie puis N-VA  [20] ; Vlaams Blok puis Vlaams Belang  [21]), mais également du parti libéral flamand (VLD puis Open VLD  [22])  [23]. Le 10 juillet 1996, le Parlement flamand a d’ailleurs adopté, à l’unanimité, une résolution  [24] relative à la reconnaissance de la fête de la Communauté flamande comme jour férié payé  [25]. Les propositions les plus radicales vont jusqu’à prévoir la suppression de la fête nationale du 21 juillet  [26].

2. L’institutionnalisation d’une tradition ancienne : Région wallonne, Communauté française et Communauté flamande

14Il existe souvent un écart important entre la réalité d’un événement historique et le souvenir qui en est ensuite véhiculé dans la mémoire collective. Les historiens connaissent bien ce phénomène, par lequel un peuple s’empare de faits marquants de son histoire pour, de façon plus ou moins consciente et de manière plus ou moins volontaire, leur prêter des déroulements différents ou les revêtir de significations nouvelles  [27]. Les nécessités du temps incitent à aller chercher dans le passé des explications et des éclaircissements aux situations présentes, des précédents et des modèles aux idées actuelles, ou des justifications et des légitimations aux actions contemporaines. Que ces situations, idées ou actions se transforment, et l’interprétation des faits du passé dont elles tirent leur inspiration ou qu’elles prennent pour fondement variera avec elles. Au fil des siècles, et à l’intérieur d’une même communauté humaine, un fait d’histoire peut ainsi donner lieu à des lectures sensiblement divergentes.

15Les illustrations les plus parlantes de ce phénomène, car figurant parmi les plus extrêmes, résident dans les multiples « glorieuses défaites » autour desquelles se sont cristallisées la construction et l’intégration du sentiment d’appartenance à un peuple donné. En effet, comme l’objectif de la célébration d’un haut fait du passé a pour but de constituer un rappel vivant de la voie que des ancêtres sont censés avoir tracée et qu’il convient de poursuivre, il importe souvent peu, à la vérité, que l’événement ainsi chargé affectivement par la mémoire commune ait consisté en un succès éclatant ou, à l’inverse, en un échec cinglant. Ainsi, la Catalogne a fixé sa fête nationale (diada nacional de Catalunya) au 11 septembre, en référence au jour de l’an 1714 qui vit de facto la fin de l’autonomie de cette province suite à la prise de Barcelone, au terme d’un long siège, par les troupes du roi d’Espagne Philippe V  [28]. De même, les Serbes considèrent que la plaine du Champ des Merles, au Kosovo, est le berceau de leur nation, alors que la bataille qui s’y est déroulée le 28 juin 1389 s’est soldée non par la naissance du premier grand État serbe, mais au contraire par sa disparition. Et, au XIXe siècle, le souvenir des désastres de Waterloo et de Sedan a bien davantage contribué à l’affermissement du patriotisme français que celui des victoires d’Austerlitz et de Solferino.

16S’ils n’ont pas abouti in fine à de tels revirements voire renversements, les cheminements mémoriels collectifs étudiés dans le présent chapitre n’en constituent pas moins d’intéressants cas de figure. La commémoration des Journées de Septembre 1830, d’une part, et la célébration de la bataille des Éperons d’or du 11 juillet 1302, d’autre part, ont été instaurées par l’État belge dans les tout premiers temps de son indépendance. Ensuite, l’une a été récupérée par le Mouvement wallon après qu’elle avait été abandonnée par les autorités belges, tandis que l’autre a été captée par le Mouvement flamand ; toutes deux se sont alors vues investies d’un sens nouveau. En avril 1913, le Mouvement wallon a fixé sa fête au dernier dimanche de septembre ; en octobre 1893, le Mouvement flamand avait fait de même avec le 11 juillet. Mais il ne s’est agi là que d’actes officieux, puisqu’ils émanaient d’instances dépourvues de tout pouvoir décisionnel réel, à savoir des regroupements de militants (respectivement l’Assemblée wallonne et le Nationaal Vlaamsch Verbond). Les officialisations de ces traditions ne sont intervenues que plusieurs décennies plus tard : en juillet 1973 par un décret de la Communauté culturelle néerlandaise (qui a consacré le 11 juillet comme jour de la fête flamande), en juillet 1975 par un décret de la Communauté culturelle française (qui – après une nouvelle réinterprétation, pour la cause, de la signification à donner aux Journées de Septembre – a retenu la date du 27 septembre) et en juillet 1998 par un décret de la Région wallonne (qui a opté pour le troisième dimanche de septembre).

2.1. La Région wallonne et la Communauté française

17A priori, les choix posés par la Région wallonne et par la Communauté française apparaissent peu lisibles, voire surprenants. Il est en effet bien connu que, depuis le début du XXe siècle, le Mouvement wallon a toujours entendu œuvrer, d’une part, à affermir le sentiment régional wallon, notamment par la mise en valeur de l’histoire de la Wallonie, et, d’autre part, à protéger sa région contre un appareil d’État unitaire perçu comme menaçant car dominé par les Flamands. Par quel phénomène étrange les militants wallons en sont-ils donc venus à célébrer cet événement majeur de l’histoire de la Belgique que sont les combats de septembre 1830 ayant mené à la naissance de l’État belge (faits qui, de plus, s’étaient entièrement déroulés sur le sol bruxellois) ? Plus largement, comment se fait-il que les francophones de Belgique se soient approprié un épisode historique qui avait pourtant été de portée nationale ?

18Pour le comprendre, il convient de retracer la manière dont le souvenir des Journées de Septembre a évolué, tout au long des XIXe et XXe siècles, dans les consciences collectives  [29]. En l’occurrence, l’État belge nouvellement né s’est saisi de cette mémoire alors même que son indépendance n’était pas encore pleinement acquise. Tout naturellement, il a alors donné aux événements de 1830 une interprétation patriotique, qu’il a ensuite veillé à développer et à étayer durant plusieurs décennies. À partir de 1880 néanmoins, pour des raisons diplomatiques, il a délaissé cette mémoire. Celle-ci a alors été reprise par le Mouvement wallon, qui l’a instrumentalisée pour servir son combat contre les conquêtes linguistiques du Mouvement flamand. Parallèlement, au début du XXe siècle, s’est imposée dans l’imaginaire collectif wallon l’opinion – erronée – selon laquelle les Wallons avaient été les acteurs déterminants du soulèvement contre le royaume des Pays-Bas. De national qu’il était, le souvenir des Journées de Septembre est ainsi devenu exclusivement wallon. Avec les débuts du processus de fédéralisation du pays, il a ensuite été élargi pour devenir également bruxellois (le peuple de Bruxelles de 1830 étant dès lors appréhendé – à tort – comme francophone) afin de servir la cause de ceux qui plaident en faveur de la solidarité entre les Wallons et les Bruxellois de langue française.

19C’est de ce cheminement mémoriel que découlent la décision de la Communauté française puis celle de la Région wallonne d’ériger chacune les Journées de Septembre en point de référence de leur identité.

2.1.1. Les événements de septembre 1830

20Depuis les 16 mars et 12 mai 1815  [30], la Belgique est englobée dans le royaume des Pays-Bas  [31], gouverné par Guillaume Ier. Dans la partie belge du pays (ou, selon la terminologie de l’époque, dans les « provinces méridionales »), divers aspects de la politique conduite par le gouvernement suscitent l’irritation. Parmi ces griefs, figurent notamment l’imposition de la langue néerlandaise dans les contrées flamandes, l’instauration d’un monopole d’État dans le domaine de l’enseignement et les restrictions posées à la liberté religieuse, ainsi que la surreprésentation des Hollandais  [32] au gouvernement, au parlement (les États généraux), dans l’administration, dans la diplomatie et parmi les cadres de l’armée  [33]. En outre, de nombreux notables belges tiennent toujours rigueur au roi du procédé dont il a usé pour leur imposer la Loi fondamentale du 24 août 1815 (« arithmétique hollandaise »)  [34], source précisément de nombre de leurs griefs.

21En ce qui concerne la politique de néerlandisation menée par le régime, l’arrêté royal du 15 septembre 1819 fait du néerlandais l’unique langue officielle des provinces d’Anvers, de Flandre occidentale, de Flandre orientale et de Limbourg à dater du 1er janvier 1823. Par l’arrêté royal du 26 octobre 1822, la disposition est élargie aux arrondissements administratifs de Bruxelles et de Louvain dans la province de Brabant (seul y faisant donc encore exception l’arrondissement de Nivelles). Le pouvoir est soupçonné d’envisager, ultérieurement, des mesures similaires pour la Wallonie. Cette politique est vivement critiquée, non seulement en Wallonie, mais également dans toute la Flandre par les notables francisés (qui voient leur carrière dans l’administration et dans la justice menacée par cette législation linguistique), par les classes populaires (qui sont attachées à leurs dialectes flamands) et par l’Église catholique (qui perçoit la langue néerlandaise comme un vecteur potentiel de diffusion du protestantisme). Le rétablissement de la liberté d’emploi des langues, par l’arrêté royal du 4 juin 1830, arrive trop tard pour calmer les esprits ; au contraire, il encourage les revendications plus radicales.

22Le 25 août 1830, lendemain de l’anniversaire du roi, une représentation de La Muette de Portici est donnée au Théâtre de la Monnaie, à Bruxelles. Dû au compositeur français Daniel-François-Esprit Auber, cet opéra romantique exalte le sentiment de la patrie et celui de la liberté : il narre l’histoire d’une révolte ayant opposé en 1647 le peuple de Naples au roi d’Espagne Philippe IV et ayant abouti à la fondation de l’éphémère première République napolitaine. À la fin du spectacle, une émeute éclate dans les rues de Bruxelles pour exiger des réformes aptes à répondre aux plaintes des Belges. Au cours des jours suivants, le mouvement gagne par imitation d’autres villes des provinces belges : en particulier Liège, mais aussi Anvers, Bruges, Courtrai, Gand, Louvain, Mons, Namur, Tournai, Verviers, etc. Essentiellement portés initialement par les couches populaires de la société, les troubles sont bientôt conduits et canalisés par la bourgeoisie (qui, dans un premier temps, s’est surtout montrée soucieuse d’assurer le maintien de l’ordre afin d’éviter les vols, saccages et pillages).

23Le 31 août, deux délégations (l’une bruxelloise et l’autre liégeoise) sont reçues par Guillaume Ier ; elles sont venues demander au roi qu’il convoque une réunion immédiate des États généraux, afin que ceux-ci se penchent sur le redressement des griefs des Belges. L’une des revendications consiste en la mise en place d’une « séparation administrative » entre les provinces méridionales et les provinces septentrionales sous une union dynastique. Le roi accepte simplement de soumettre la question aux États généraux, qu’il a déjà convoqués en session extraordinaire à La Haye pour le 13 septembre, mais sans prendre d’autres engagements. Cette lenteur du pouvoir royal à prendre en considération les demandes portées par la délégation et la relative indolence que le souverain manifeste face à la situation provoquent un vif mécontentement des Belges. Lorsque, le 29 septembre suivant, les États généraux approuveront le principe d’une séparation administrative, cette concession arrivera trop tard, étant déjà largement dépassée par l’évolution de la situation à Bruxelles.

24En effet, face à l’attitude peu conciliante du souverain et aux maladresses de son fils aîné (le prince Guillaume d’Orange, envoyé à Bruxelles fin août pour rétablir l’autorité royale), ce qui n’était à l’origine qu’une révolte se mue progressivement en une véritable insurrection : les émeutiers réclament, non plus simplement des réformes, mais l’indépendance de la Belgique. De nombreuses villes et communes belges envoient des volontaires armés soutenir les insurgés de Bruxelles.

25Le commandant en chef de l’armée du royaume des Pays-Bas, le prince Frédéric d’Orange (deuxième fils du roi), est chargé de ramener l’ordre par la force. Le 23 septembre 1830, à la tête d’environ 12 000 soldats, il entre dans Bruxelles. Cependant, ses troupes se heurtent à la résistance de la population et sont obligées de se retrancher dans le Parc de Bruxelles. Elles y sont rapidement encerclées par une petite armée improvisée, forte de quelque 6 000 volontaires. Après quatre jours de combat, le prince Frédéric donne l’ordre de retraite ; dans la nuit du 26 au 27 septembre, ses hommes évacuent le Parc, ainsi que toutes les positions qu’ils tenaient aux portes de la ville.

26Quelques heures plus tôt, s’est formé parmi les insurgés belges un « gouvernement provisoire de la Belgique », qui proclame l’indépendance du pays le 4 octobre 1830. Un mois plus tard, le 3 novembre 1830, une assemblée monocamérale est élue au suffrage censitaire et capacitaire : le Congrès national  [35]. Le 20 décembre 1830, l’indépendance de la Belgique est reconnue par les grandes puissances européennes (Autriche, France, Prusse, Royaume-Uni et Russie) réunies à Londres.

27Le 21 juillet 1831, Léopold de Saxe-Cobourg-Saalfeld est intronisé comme roi des Belges ; le Congrès national avait initialement désigné Louis d’Orléans, fils du nouveau roi des Français Louis-Philippe Ier, pour monter sur le trône, mais le Royaume-Uni s’était opposé à ce choix. Du 2 au 12 août 1831 se tient la Campagne des Dix Jours, tentative de Guillaume Ier de restaurer son pouvoir en Belgique. Elle échoue suite à l’intervention militaire de la France, garante de l’indépendance belge. Les troupes hollandaises se retirent alors des positions qu’elles ont conquises – à l’exception cependant de la citadelle d’Anvers, ce qui rend nécessaire une seconde intervention de l’armée française, du 15 novembre au 23 décembre 1832. Au terme de ce bref conflit armé et, surtout, d’un long processus diplomatique, l’indépendance de la Belgique est définitivement consacrée le 19 avril 1839 par le Traité de Londres, moyennant toutefois d’importants renoncements territoriaux de la part du pays au profit de la couronne d’Orange-Nassau (cession d’une partie du Luxembourg  [36] et du Limbourg).

2.1.2. La Révolution belge, une « passion de nationalité »  [37]

28Dès les lendemains de son indépendance, la jeune Belgique investit le souvenir des Journées de Septembre 1830. Sans surprise, c’est une lecture purement nationaliste qui prévaut alors. L’image donnée des événements est celle d’un peuple entier qui, mû par une conscience commune, a secoué le joug d’une domination étrangère pour acquérir enfin sa juste place au rang des nations européennes. Cette interprétation ne tarde pas à être appuyée par les écrits des historiens belges de l’époque  [38].

29Outre la production d’œuvres artistiques  [39], l’un des canaux privilégiés pour célébrer la lutte des révolutionnaires belges est l’organisation de commémorations et de réjouissances. Cette pratique débute dès le mois de décembre 1830, qui voit de premiers hommages être rendus aux insurgés morts pour la cause nationale. Surtout, le 19 juillet 1831, le Congrès national décrète que « l’anniversaire des Journées de Septembre sera consacré, chaque année, par des fêtes nationales »  [40]. Le décret ne fixe pas de date(s) précise(s) : chaque ville a la faculté de déterminer le(s) jour(s) qui lui semble(nt) adéquat(s), en fonction de son histoire propre lors des événements de la Révolution belge  [41]. À Bruxelles, la première fête nationale belge se tient le 27 septembre suivant.

30Au-delà de cette manifestation annuelle, l’État belge choisira également de commémorer son jubilé tous les quarts de siècle. La première manifestation du genre se déroulera du 21 au 23 juillet 1856, faisant ainsi référence au 21 juillet 1831 et non aux Journées de Septembre 1830  [42]. Par la suite, c’est toutefois la Révolution belge qui servira de référence : ainsi, les deux jubilés suivants se dérouleront en 1880 et en 1905  [43].

31Durant un demi-siècle, les fêtes nationales de septembre sont organisées avec faste. En plusieurs endroits, elles s’étalent sur plusieurs jours (généralement aux alentours du 27 septembre). Se tenant essentiellement dans la capitale, elles allient deuil des victimes tombées durant la Révolution, honneurs rendus aux combattants survivants, célébration de l’indépendance et exaltation de la nation. Par exemple, les festivités organisées à Bruxelles consistent en un service funèbre célébré en la collégiale Sainte-Gudule, en un pèlerinage militaire à la place des Martyrs (où un monument en mémoire des combattants tombés en septembre 1830 a été inauguré le 24 décembre 1838)  [44], en un défilé puis un banquet de vétérans des combats de 1830, en un cortège militaire, en un tir national par les compagnies de la garde civique, en une remise de médailles pour actes de courage, de dévouement et d’humanité, en une exposition d’agriculture et d’horticulture, en des remises de prix aux lauréats de divers concours (concours universitaires, concours de l’enseignement moyen, concours de l’enseignement vétérinaire, concours de poésie, etc.), en des joutes entre sociétés de tirs (arc, arbalète, arquebuse, etc.) et entre sociétés de jeux (balle, quilles, palets), en des concerts de musique (civile ou militaire) ou de chant, en des représentations théâtrales, en des bals et fêtes dansantes, en un feu d’artifice, etc. En 1859, le dernier jour (26 septembre) est notamment celui de l’inauguration de la colonne du Congrès. La presse, surtout celle de la capitale, se fait largement l’écho de toutes ces manifestations et animations, dont elle fournit le programme puis dont elle dresse le compte rendu détaillé.

32Lors de ces commémorations et réjouissances, il s’agit également de consolider les liens entre les différentes contrées du pays, notamment en soulignant leur contribution commune à la victoire contre le royaume des Pays-Bas en 1830 et à la prospérité du pays depuis lors. Par exemple, lors des fêtes nationales de septembre 1848 – qui bénéficient d’un faste tout particulier en cette année de Printemps des peuples  [45] –, les rues de Bruxelles sont le théâtre d’un cortège composé de chars allégoriques représentant chacune des neuf provinces belges ; par le biais de ce corso, la commission directrice des fêtes entend donner au public une « image visible de [la] diversité provinciale et de [l’]unité nationale »  [46]. Ainsi, le rituel annuel des festivités de septembre œuvre à la construction de l’État-nation par le développement d’une identité nationale.

33Cependant, le souci de ne plus froisser le voisin néerlandais prend bientôt le pas sur le culte des fondateurs de l’État. Il est vrai, d’une part, que le soulèvement révolutionnaire du début des années 1830 appartient déjà à l’histoire ancienne et que les deux pays ont depuis lors noué de nombreuses relations (notamment commerciales) et, d’autre part, que le sentiment national belge est désormais considéré par beaucoup comme suffisamment affermi. Par une loi du 28 août 1880, la décision est alors prise de déplacer la fête nationale belge  [47] au troisième dimanche du mois d’août, en référence au jubilé national qui s’est tenu le 16 août de la même année  [48]. Une telle commémoration, qui consiste à célébrer l’anniversaire d’une fête d’anniversaire, ne soulève toutefois guère l’enthousiasme de la population. En outre, la bonne société bruxelloise est absente de la capitale à cette époque de l’année, étant alors en vacances en province. Enfin, le jubilé de 1880, organisé sous le gouvernement unipartite libéral Frère-Orban II, avait été loin de faire l’unanimité autour de lui.

34Dix ans plus tard, par une loi du 27 mai 1890, le jour de la fête nationale est à nouveau modifié : il est désormais fixé au 21 juillet, date de la prestation de serment du premier roi des Belges en 1831  [49]. Dès le règne de Léopold Ier, le 21 juillet a été solennisé en tant qu’anniversaire de l’inauguration du monarque. Notamment, ce jour a d’emblée été férié pour les fonctionnaires et pour les écoliers, et il a donné lieu à des célébrations (parfois organisées avec plus de magnificence que les fêtes commémoratives de septembre, comme en 1856). Cette habitude a été maintenue par Léopold II  [50]. À partir de 1890, le 21 juillet devient un jour férié pour l’ensemble de la population  [51] ; les deux jours suivants doivent être également marqués par des festivités, mais aucun congé légal n’est octroyé à cette occasion.

35Dans un premier temps, les fêtes du 21 juillet se tiendront selon un déroulement similaire à celui des anciennes fêtes de septembre. Ensuite, le programme s’adaptera peu à peu aux contingences du temps. Ainsi, le défilé d’anciens combattants reprendra de l’importance au lendemain de chacune des deux guerres mondiales, le défilé des troupes militaires s’ouvrira progressivement à des corps civils (à commencer par les policiers et les pompiers) et le souverain prononcera une allocution royale à partir de 1984. Par ailleurs, au fil des années, les festivités se restreindront dans le temps (pour être essentiellement circonscrites à la seule journée du 21 juillet) mais s’élargiront dans l’espace (pour être de moins en moins pour ainsi dire cantonnées à la seule capitale). Il est enfin à noter que, parfois, de contre-manifestations seront organisées par des groupes contestataires, essentiellement flamingants.

2.1.3. La récupération de la tradition des fêtes de septembre par le Mouvement wallon

36À dater de 1880 donc, l’État belge désinvestit la mémoire des Journées de Septembre.

37Toutefois, cette suppression des fêtes de septembre n’est pas acceptée par tous. Quelques commémorations des Journées de Septembre continuent dès lors de se tenir, essentiellement à Bruxelles et en Wallonie. L’une des plus importantes d’entre elles est organisée, à partir des années 1890, au cimetière de Sainte-Walburge à Liège, lieu qui accueille un monument aux héros de la Révolution de 1830 ainsi que les tombes de nombreux révolutionnaires (parmi lesquels le célèbre Liégeois Jean-Joseph Charlier, dit Charlier Jambe de Bois). C’est au tournant des XIXe et XXe siècles, et notamment par la participation de membres d’associations d’action wallonne aux cérémonies de Sainte-Walburge, que le Mouvement wallon va s’approprier le souvenir des Journées de Septembre  [52].

38À l’époque, le Mouvement wallon n’en est encore qu’à ses balbutiements : sa première association structurée est apparue en 1877 et son premier congrès s’est tenu en 1890. Sa naissance constitue une réaction aux premières conquêtes linguistiques du Mouvement flamand. Celui-ci est apparu quelques décennies auparavant, afin de lutter contre la suprématie dont jouissait de facto la langue française dans l’appareil d’État. En souvenir des tentatives de néerlandisation menées par le régime hollandais, le jeune État belge avait en effet inscrit la liberté linguistique dans l’article 23 de sa Constitution du 7 février 1831 (actuel article 30) : « L’emploi des langues usitées en Belgique est facultatif ; il ne peut être réglé que par la loi, et seulement pour les actes de l’autorité publique et pour les affaires judiciaires ». Mais dans les faits, en sa qualité de langue de l’élite sociale et économique, le français s’était imposé comme unique langue officielle de l’État. À ses origines, le Mouvement flamand a visé à l’instauration du bilinguisme en Flandre. Progressivement, il s’est radicalisé et a revendiqué l’imposition de l’unilinguisme en Flandre et du bilinguisme au plan national. Ce programme a trouvé à se concrétiser progressivement à partir du dernier quart du XIXe siècle ; il sera pleinement réalisé à la veille de la Seconde Guerre mondiale  [53].

39Pour sa part, et donc contre son adversaire qu’est le nationalisme flamand (ou, selon la terminologie de l’époque, le flamingantisme), le Mouvement wallon défend la prépondérance du français, gage selon lui de l’unité de la Belgique. Précisons que, à cette époque, il est composé non seulement d’habitants du sud du pays, mais également de « Wallons » – c’est-à-dire, dans le vocabulaire actuel, de francophones – habitant en région bruxelloise et en Flandre  [54]. C’est même en territoire bruxellois et sur les terres flamandes que naissent les premières Sociétés (ou Ligues) de défense wallonne, dont le but est de garantir « les droits des Wallons et la culture française » et de lutter contre « le flamingantisme antifrançais  [55] [et] le séparatisme antibelge »  [56]. En réalité, cela n’a rien de surprenant : les francophones unilingues du centre et du nord du pays sont les premiers menacés, dans leurs accès à l’emploi puis dans leurs perspectives de carrière (et donc dans leur ascension sociale), par une évolution linguistique qui octroie une place croissante à la langue néerlandaise dans tous les domaines de la vie publique : administration, justice, armée, enseignement, etc.  [57]. Dans sa fameuse « Lettre au roi sur la séparation de la Wallonie et de la Flandre » parue dans la Revue de Belgique du 15 août 1912, le militant wallon Jules Destrée résumera les faits comme suit : « [Les Flamands] nous ont pris les emplois publics (...). Ils ont exigé que tout agent de l’État connût les deux langues, en Flandre d’abord, dans tout le pays ensuite. À de multiples reprises, cette exigence s’est manifestée, toujours plus impérieuse. Sa conséquence directe, c’est l’exclusion des emplois publics de ces deux millions de Wallons qui ne comprennent que le français »  [58].

40Que, à partir de la fin du XIXe siècle, le Mouvement wallon naissant s’empare de la mémoire des Journées de Septembre n’a rien d’étonnant. Comme on vient de le voir, le combat qu’il mène alors vise en effet à conserver intactes les structures centralisées de l’État belge, qui sont précisément héritées de la Révolution de 1830 (d’où l’expression récurrente, dans les déclarations de ses représentants, de « défense de l’œuvre de 1830 »)  [59]. Or cette révolte avait puisé l’une de ses principales racines dans la politique de néerlandisation menée par Guillaume Ier. Les militants wallons saisissent donc le parallèle historique qui s’offre à eux. Il s’agit pour eux de menacer la Flandre d’une « nouvelle révolution »  [60].

41Lorsque, quelques années plus tard, le Mouvement wallon, mécontent notamment des avancées du flamingantisme, opte pour la « séparation administrative » lors du Congrès wallon tenu à Liège le 7 juillet 1912  [61], la référence aux combattants de 1830 reste opportune. Certes, il s’agit là d’un abandon de la centralisation chère aux fondateurs de la Belgique. Mais l’on peut y entendre un écho aux revendications émises par les Belges au tout début du mois de septembre 1830 en faveur d’une « séparation administrative » des provinces du nord et du sud du royaume des Pays-Bas, et du fait que c’est entre autres le retard du roi d’accéder à cette demande qui avait amené à une radicalisation des insurgés, transformant leur désir de réformes en volonté d’indépendance.

42Il est à noter à ce sujet que, durant la Première Guerre mondiale, une « séparation administrative » entre la Flandre et la Wallonie sera décrétée par l’occupant allemand  [62]. Aux termes de l’arrêté pris le 21 mars 1917 par le général Moritz von Bissing, gouverneur militaire de la Belgique, seront formées « deux régions administratives dont l’une comprend les provinces d’Anvers, de Limbourg, de Flandre orientale et de Flandre occidentale ainsi que les arrondissements de Bruxelles et de Louvain ; l’autre les provinces de Hainaut, de Liège, de Luxembourg et de Namur, ainsi que l’arrondissement de Nivelles. L’administration de la première de ces deux régions sera dirigée de Bruxelles ; celle de la deuxième, de Namur»  [63]. Ce démantèlement du pays sera mis en œuvre par le successeur de von Bissing, le général Ludwig von Falkenhausen ; il sera rendu effectif le 4 juillet 1917, lorsque les chefs d’administration de chaque région seront nommés par le Kaiser. Ayant pour but de flatter et d’encourageant les aspirations autonomistes des activistes flamingants, cette initiative s’inscrira dans une stratégie plus large de l’Allemagne visant à éloigner les opinions publiques wallonne et flamande l’une de l’autre (et prenant également la forme, notamment, d’une scission de l’enseignement à partir du 25 octobre 1916, date de la division du Ministère belge des Sciences et des Arts entre une section wallonne et une section flamande  [64]). En Wallonie, la tentative de séparation administrative menée par les autorités militaires allemandes se soldera par un échec (ainsi, les ministères wallons de Namur théoriquement mis en place resteront une fiction) ; en effet, le Mouvement wallon refusera de voir ses aspirations exaucées en temps de guerre (et, donc, en dehors du cadre belge) et, surtout, au prix d’une collaboration avec l’occupant. À l’inverse, cette séparation administrative connaîtra une concrétisation en Flandre. Cette dernière région verra même son indépendance politique être proclamée, le 22 décembre 1917, par le Conseil de Flandre (Raad van Vlaanderen, créé le 4 février de la même année par des activistes flamingants collaborationnistes) ; cette décision ne sera toutefois pas reconnue par l’Allemagne.

2.1.4. Le « décret » de l’Assemblée wallonne de 1913

43Au tout début du XXe siècle, apparaît l’idée d’instaurer une fête annuelle wallonne, distincte des célébrations nationales du 21 juillet, afin de favoriser l’éclosion d’une identité propre à la Wallonie. Outre les journées révolutionnaires de septembre 1830, divers événements historiques sont proposés comme référence commémorative par des militants ou des organes de presse wallons. Les principaux d’entre eux sont la paix de Fexhe du 18 juin 1316, l’épisode des six cents Franchimontois du 28 octobre 1468 et la bataille de Jemmapes du 6 novembre 1792  [65]. Rappelons brièvement ce qu’ont été ces faits et la place qu’ils tiennent alors dans la mémoire wallonne.

44La paix de Fexhe est une trêve qui fut signée, après plusieurs années d’affrontements, entre le prince-évêque Adolphe de la Marck et les corps constitués de la principauté épiscopale de Liège (chapitre cathédrale Saint-Lambert, grands vassaux, chevaliers, représentants de l’administration et de la justice de la cité de Liège et des « bonnes villes » de Couvin, Dinant, Fosse, Huy, Maastricht, Saint-Trond, Thuin et Tongres) dans le village de Fexhe-le-Voué, aujourd’hui Fexhe-le-Haut-Clocher. Ce document énonçait les grands principes qui constituèrent les bases du droit public et des libertés politiques dans la principauté jusqu’à la disparition de celle-ci à la fin du XVIIIe siècle ; il fonctionnait dès lors comme l’une des principales bases constitutionnelles du pays. Charriant un idéal de liberté, la paix de Fexhe a été entourée, à partir du XVe siècle mais surtout des XVIIe et XVIIIe siècles  [66], d’une mythologie faisant de ce texte l’équivalent, dans l’histoire liégeoise, de la Magna Carta de 1215 dans l’histoire anglaise. Au début de XXe siècle, cet imaginaire est toujours à l’œuvre parmi nombre de militants wallons  [67].

45À partir de 1456, le duché de Bourgogne tenta de prendre possession de la principauté épiscopale de Liège. Ces manœuvres se heurtèrent cependant à une résistance liégeoise, ce qui mena à trois périodes d’affrontement armé (1465, 1467 et 1468). En octobre 1468, confronté à ce qu’il estimait être une rébellion contre son autorité, le duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, mit le siège devant Liège afin de mater la ville. Dans la nuit du 28 au 29, des Liégeois ainsi que quelques centaines d’hommes en provenance du pays de Franchimont tentèrent de capturer le duc (ainsi que son suzerain, le roi de France Louis XI). Toutefois, ces combattants échouèrent dans leur entreprise et y laissèrent la vie. Le lendemain, 30 octobre, en représailles et afin d’ôter à la population liégeoise toute nouvelle velléité de révolte, Charles le Téméraire ordonna la mise à sac et à feu de la ville de Liège. Tout comme la paix de Fexhe, cet épisode s’est paré au cours des siècles d’une légende et a fait l’objet de diverses récupérations et instrumentalisations mémorielles. Notamment, les historiens du XIXe siècle et du début du XXe siècle inscrivent les six cents Franchimontois au panthéon national (ou wallon, selon qu’ils écrivent dans une perspective de construction de l’identité belge ou de l’identité wallonne)  [68], en tant que symboles d’une résistance ancestrale du peuple face à l’oppression étrangère  [69].

46Le 20 avril 1792, le royaume de France déclara la guerre au « roi de Bohème et de Hongrie » et entreprit la conquête des territoires composant l’actuelle Belgique  [70]. Après une entrée en campagne laborieuse, l’armée française renversa la situation à son avantage à Valmy, le 20 septembre. Surtout, un mois et demi plus tard, le 6 novembre 1792, la bataille de Jemmapes remportée contre les Autrichiens lui ouvrit les portes de Bruxelles et de la Meuse. Ce ne fut alors plus qu’une question de temps avant que les divers comtés, duchés et principautés proto-belges ne fussent conquis par les troupes de la République française. À partir de la fin du XIXe siècle, cette bataille a été célébrée par le Mouvement wallon en tant que symbole d’entrée dans une ère de liberté et de progrès  [71]. C’est ainsi que, le 24 septembre 1911, à l’initiative du Mouvement wallon et grâce aux subventions versées par diverses provinces, villes et communes wallonnes, est inauguré à Jemappes un monument commémoratif : un obélisque de granit au sommet duquel se dresse un coq de cuivre doré  [72].

47Ces trois dernières options sont critiquées, soit pour leur inscription spatiale trop locale (la paix de Fexhe et l’épisode des six cents Franchimontois n’appartiennent qu’à l’histoire liégeoise), soit pour leur empreinte idéologique trop marquée (le souvenir de la bataille de Jemmapes est teinté de francophilie ainsi que, dans le chef de certains militants, de revendications ouvrières voire d’anticléricalisme). La décision finale échoit à l’Assemblée wallonne qui, réunie à Mons le 16 mars 1913 puis à Ixelles le 20 avril suivant  [73], décrète : « La fête nationale de la Wallonie se célébrera le dernier dimanche de septembre ; elle aura pour objet la commémoration des journées révolutionnaires de 1830 »  [74].

48Pour bien comprendre le choix du Mouvement wallon d’accaparer ainsi le souvenir d’un épisode historique de dimension nationale, il ne suffit pas de renvoyer aux éléments de contexte déjà évoqués, à savoir la volonté de sauvegarder l’État unilingue francophone hérité de la Révolution belge et menacé par les flamingants. Il convient de se reporter aussi à la lecture des événements de 1830 qui prévaut au début du XXe siècle dans la mémoire collective wallonne. À cette époque en effet, on considère communément que les Journées de Septembre sont essentiellement l’œuvre des Wallons, accourus en armes des quatre coins de la Wallonie (Arlon, Charleroi, Mons, Namur, Tournai, etc. et surtout Liège  [75]) pour soutenir les Bruxellois révoltés. La participation des habitants des provinces flamandes n’est certes pas niée, mais les volontaires wallons sont perçus comme ayant été les acteurs décisifs de la lutte armée. Plus largement, l’opinion répandue veut que, comme le dit Jules Destrée : « Ce sont les Wallons qui ont fait la Révolution de 1830 »  [76]. Ce préjugé repose notamment sur le fait que la révolte, de sociale qu’elle était à l’origine, a ensuite rapidement été récupérée par la bourgeoisie (francophone, et donc associée à la Wallonie dans l’esprit du temps).

49La vision d’une révolution essentiellement wallonne est appuyée non seulement par le Mouvement wallon, mais également par le Mouvement flamand, dont elle renforce pareillement les thèses  [77]. À ses débuts, au milieu du XIXe siècle, le Mouvement flamand soulignait l’égal apport des Flamands et des Wallons à la conquête de l’indépendance du pays. L’idée sous-jacente était alors de dénoncer l’injustice qu’il y avait à traiter les Flamands différemment des Wallons, et de tenter de susciter la solidarité de l’élite francophone envers les revendications linguistiques flamandes. Mais au début du XXe siècle, c’est une tout autre acception de l’histoire que véhiculent les militants flamingants. Ceux-ci entendent en effet désormais prendre leurs distances avec le cadre belge hérité de 1830, qu’ils estiment avoir été néfaste pour la langue et la culture flamandes. Il ne s’agit dès lors plus pour eux de présenter la Flandre comme spoliée du juste fruit qu’aurait dû lui valoir sa participation à une révolution commune, mais de renier la contribution des Flamands à la fondation d’un État belge centralisé et francophone  [78].

50Il faudra plusieurs décennies avant qu’une étude historique rigoureuse confronte l’idée reçue d’une « révolution wallonne » aux sources d’archives. Elle sera menée en 1981 par John W. Rooney Jr., professeur d’histoire à la Marquette University (États-Unis)  [79]. Cette analyse quantitative montrera que l’« écrasante » majorité des combattants de septembre 1830 étaient des habitants de la ville de Bruxelles et des faubourgs proches, et que l’aide qu’ils reçurent du dehors fut relativement « minime » (et vint surtout du Brabant)  [80]. Elle révélera aussi que la plupart de ces révolutionnaires étaient des petits travailleurs manuels salariés (journaliers et ouvriers du bâtiment), de condition socio-économique précaire et dépourvus de toute conscience politique, et que la majorité d’entre eux parlaient un dialecte flamand. Tant la confiscation des Journées de Septembre par l’Assemblée wallonne de 1913 que leur rejet par le Mouvement flamand reposent donc sur une erreur d’analyse historique. La rectification de celle-ci arrivera toutefois trop tard, la mémoire collective ayant entre-temps largement fait sienne la version tronquée des faits.

51Les premières fêtes de Wallonie se tiennent le 21 ou le 28 septembre 1913 dans diverses villes et communes, telles que Charleroi, Liège, Mons, Namur, Tournai et Verviers, mais aussi Bruxelles et Ixelles. Sont présentes non seulement les associations « wallonnes » de Wallonie, mais aussi celles de Bruxelles et de Flandre. Durant la Première Guerre mondiale, les commémorations des Journées de Septembre s’interrompent. Elles reprennent après l’Armistice, mais tout d’abord dans un cadre national (un hommage est rendu aux combattants de 1914-1918, vus comme les successeurs des révolutionnaires morts pour le pays en 1830). Dès le début des années 1920, les manifestations retrouvent une dimension identitaire « wallonne » à partir de Namur, Liège et Bruxelles. Durant l’entre-deux-guerres, la coutume s’établit dans de nombreuses villes et communes wallonnes (la province de Luxembourg restant toutefois à la traîne). Les fêtes sont l’occasion à la fois de réjouissances et de discours politiques lors desquels les représentants du Mouvement wallon prennent position sur diverses questions d’actualité. Après une nouvelle interruption forcée durant la Seconde Guerre mondiale, la tradition des fêtes de Wallonie poursuit son développement dans les provinces wallonnes. Elle reste également bien vivace dans la capitale, notamment via les commémorations organisées à l’endroit du monument de la place des Martyrs, de la statue de Charles Rogier et de la colonne du Congrès.

2.1.5. Le décret de la Communauté culturelle française du 20 juillet 1975

52Avec l’installation, en décembre 1971, du Conseil culturel de la Communauté culturelle française, le Mouvement wallon pense le moment venu de donner une base officielle aux fêtes de Wallonie. En effet, le « décret » de l’Assemblée wallonne de 1913 n’est guère que la décision non contraignante d’un regroupement informel de militants wallons.

53Une proposition de décret est élaborée conjointement par Maurice Bologne et Fernand Massart, tous deux membres du Rassemblement wallon (RW), parti régionaliste connaissant alors son heure de gloire. Déposé le 6 juillet 1972 à l’initiative de F. Massart, le texte appelle à l’officialisation de la « fête nationale »  [81] wallonne du dernier dimanche du mois de septembre  [82]. S’interrogeant sur la compétence de son assemblée à adopter un décret dont la zone d’application se limiterait à la seule région de langue française (à l’exclusion donc de la région bilingue de Bruxelles-Capitale)  [83], le président du Conseil culturel, Georges Dejardin (PS), soumet le texte au Conseil d’État le 31 août. Dans son avis du 4 octobre 1972, celui-ci estime que le Conseil culturel ne peut nullement instaurer une fête de la Wallonie ou de la Région wallonne, disposant uniquement de la compétence d’établir une fête de la Communauté culturelle française  [84].

54Cet avis du Conseil d’État contrecarre les desseins des militants wallons. À l’époque en effet, nul ne sait quand la Région wallonne verra effectivement le jour  [85]. Afin d’assurer une reconnaissance officielle à la tradition wallonne dans un avenir proche, ils se rallient alors à l’idée que les Journées de Septembre soient consacrées comme base mémorielle, non d’une fête de la Wallonie, mais de la fête de la Communauté culturelle française. Désormais donc, les révolutionnaires de 1830 seraient identifiés, non plus uniquement aux seuls Wallons, mais également aux francophones de l’agglomération bruxelloise.

55Ce glissement mémoriel est encouragé par les acteurs politiques favorables au renforcement de la Communauté culturelle française ; ils y voient l’occasion de cultiver la nouvelle identité francophone, gage de légitimation de la nouvelle entité. En particulier, ce déplacement du souvenir rencontre l’adhésion des Bruxellois membres du Front démocratique des francophones (FDF), parti communautaire qui s’est érigé en défenseur des droits des francophones dans la région bruxelloise et dans les communes flamandes de sa proche périphérie. Aux yeux du FDF, la solidarité linguistique bruxello-wallonne représente une nécessité vitale pour pouvoir mener à bien son combat. Sur les bancs du Conseil culturel de la Communauté culturelle française, le parti forme d’ailleurs un même groupe parlementaire avec le RW.

56Une nouvelle proposition de décret, relative cette fois à l’instauration d’une fête de la Communauté culturelle française, est déposée, également à l’initiative de F. Massart, le 18 juillet 1974  [86]. La discussion qui s’ensuit en commission de la Politique générale clôt pour ainsi dire les derniers débats qui pouvaient encore exister quant au choix du symbole historique : les Journées de Septembre sont définitivement retenues, étant « ressenties avec la même conviction par les Bruxellois et les Wallons »  [87]. Par ailleurs, la commission tranche l’alternative qui se posait jusqu’alors entre une date mobile (dernier dimanche de septembre) et une date fixe (27 septembre) en faveur de la seconde option – en raison, semble-t-il, de son caractère plus pratique. Cette deuxième initiative parlementaire n’aboutit toutefois pas, en raison d’une absence de consensus sur un autre de ses points, à savoir le choix du drapeau de la Communauté culturelle  [88].

57Le processus trouve son aboutissement grâce à une troisième proposition de décret, qui est déposée, toujours à l’initiative de F. Massart, le 16 juin 1975  [89]. Lors des débats parlementaires, la question du choix de la date est à peine évoquée, la quasi-unanimité régnant désormais dans les rangs du Conseil culturel sur ce point  [90]. Le décret est adopté le 24 juin 1975  [91]. Daté du 20 juillet, il dispose en son article 1er que « la fête de la Communauté culturelle française est célébrée chaque année le 27 septembre »  [92]. Les premières festivités ont lieu dès 1975. À partir de l’année scolaire 1982-1983, le 27 septembre devient en outre un jour férié pour les établissements scolaires  [93].

58L’application de la symbolique de la Révolution belge, jusqu’alors limitée à la Wallonie, à l’ensemble de la Communauté culturelle française conduit à réviser la perception des événements de 1830 et à investir ceux-ci d’un sens nouveau. Désormais, les Journées de Septembre sont conçues comme l’œuvre commune des Wallons et des Bruxellois – ces derniers étant considérés comme francophones, vision anachronique de la situation linguistico-démographique bruxelloise de la première moitié du XIXe siècle – et présentées comme l’élément fondateur (voire révélateur) d’une solidarité historique bruxello-wallonne basée sur l’attachement à la langue et la culture françaises.

2.1.6. Le décret de la Région wallonne du 23 juillet 1998

59En région bruxelloise, l’instauration de la fête de la Communauté culturelle française sonne bientôt le glas de la tradition des fêtes de Wallonie. En revanche, dans de nombreuses villes et communes wallonnes, et singulièrement à Namur, les fêtes de Wallonie continuent à se tenir parallèlement à la fête communautaire – qui n’a guère de résonance au sein du grand public, à l’exception des enseignants. Elles y rencontrent même un succès populaire croissant.

60Bien que ses organes politiques voient le jour en octobre 1980, la Région wallonne met près de vingt ans à se doter d’une fête officielle. Il faut en effet attendre le 10 juin 1998 pour que soit déposée une proposition de décret, signée par un membre de chacun des quatre partis démocratiques alors représentés : Maurice Bayenet (PS), José Daras (Écolo), Serge Kubla (PRL) et Albert Liénard (PSC)  [94]. L’initiative constitue l’aboutissement des travaux menés sur cette question, depuis le mois de janvier précédent, par la Commission spéciale chargée de débattre des modes d’expression de l’identité wallonne  [95]. Celle-ci a notamment discuté de la question du choix de la date  [96]. L’option du 27 septembre a été écartée, afin d’éviter tout risque de confusion avec la fête de la Communauté française. Pour la même raison, il a été jugé nécessaire de s’éloigner quelque peu de la résolution prise en 1913 par l’Assemblée wallonne (qui fixait la fête au quatrième dimanche de septembre). C’est donc la solution du troisième dimanche de septembre qui a été retenue. Cette décision consacre l’habitude qui s’est imposée de longue date à Namur, ville phare des fêtes de Wallonie depuis les années 1920 et capitale de la Région.

61Il est à noter que la tradition namuroise constitue la seule justification de type historique qui soit donnée au choix posé par la Commission. À aucun moment, il n’est établi de filiation avec les Journées de Septembre. Au contraire, les résultats des travaux de l’historien états-unien J. W. Rooney Jr. sont évoqués pour souligner que les considérations mémorielles qui ont fondé la décision du Conseil culturel de la Communauté culturelle française en 1975 se sont entre-temps avérées constituer « plutôt un mythe qu’une réalité »  [97].

62La décision prise par la Commission est entérinée par le Parlement wallon le 15 juillet 1998, après une très brève discussion  [98]. Daté du 23 juillet, le décret dispose en son article 1er que « la fête de la Région wallonne est célébrée chaque année le troisième dimanche du mois de septembre »  [99].

2.1.7. Conclusion

63L’instauration d’un jour de fête propre respectivement à la Communauté française et à la Région wallonne s’inscrit sans ambiguïté dans le programme politique développé par ces deux entités fédérées pour appuyer les sentiments d’appartenance communautaire ou régionale de leurs populations. Outre les déclarations d’intention, très claires à ce sujet, en témoigne le fait que chacun des deux décrets (celui du 20 juillet 1975 et celui du 23 juillet 1998) comporte également l’adoption d’autres symboles identitaires : drapeau pour la Communauté française  [100], et armoiries, sceau et drapeau pour la Wallonie  [101].

64C’est la volonté de souligner le lien entre les habitants des deux régions linguistiques formant le territoire de la Communauté française qui, en 1975, a incité les francophones de Belgique à s’approprier officiellement le souvenir des Journées de Septembre. Il est d’ailleurs à noter à ce propos, d’une part, que les trois propositions de décret successivement déposées au Conseil culturel ont été signées, non seulement par des militants wallons  [102], mais également par le Bruxellois Léon Defosset (FDF), et, d’autre part, que les débats parlementaires montrent que les membres bruxellois du Conseil culturel de la Communauté culturelle française n’ont eu quasiment aucune réticence à se rallier au choix proposé. Il est donc totalement faux de prétendre, comme le font d’aucuns, que la date du 27 septembre aurait été imposée par les Wallons à des Bruxellois qui ne se seraient pas reconnus dans l’événement célébré. De manière similaire, les régionalistes wallons qui estiment que la Communauté française a usurpé sa fête à la Wallonie commettent une erreur d’appréciation historique. Les deux fêtes constituent un legs commun, hérité à parts égales du Mouvement wallon. Il en va par ailleurs exactement de même de l’histoire des emblèmes des deux entités : tant la Communauté française que la Région wallonne ont opté pour le drapeau figurant un « coq hardi » rouge sur fond jaune, tel qu’adopté par l’Assemblée wallonne des 16 mars et 20 avril 1913.

65Au prix d’une certaine distorsion des faits historiques, la Communauté française entend contribuer au renforcement de l’union entre Wallons et Bruxellois (francophones) en donnant de celle-ci l’image d’une réalité séculaire. Ainsi, le site Internet des fêtes de la Communauté française indique que c’est « grâce à la participation déterminante et conjointe des Bruxellois et des Wallons » que la Belgique a conquis son indépendance en 1830, et que le choix du 27 septembre repose « sur la volonté de souligner l’existence ainsi que l’importance de la solidarité entre la Wallonie et Bruxelles »  [103]. Toutefois, l’aspect originel de défense des droits des Belges francophones n’a pas totalement disparu, puisque le site Internet du Parlement de la Communauté française explique : « La fête du 27 septembre est l’occasion de nous rappeler ce que nous sommes, ce que nous représentons et ce que nous devons être aujourd’hui en Belgique, en Europe et dans la francophonie internationale. C’est aussi l’occasion d’exprimer notre fierté d’appartenir pleinement à une communauté qui doit continuer à s’affirmer et défendre ses droits et intérêts légitimes au sein d’une Belgique fédérale »  [104].

66Quant à la Région wallonne, elle ne se réfère plus guère de nos jours aux Journées de Septembre dans sa communication relative aux fêtes de Wallonie  [105]. Certes, quelques villes, dont Namur et Liège, maintiennent la tradition d’un parcours d’hommage aux combattants de la Révolution. Mais il n’empêche que la mémoire de septembre 1830 est désormais presque uniquement portée par la Communauté française  [106].

2.2. La Communauté flamande

67Sans jamais avoir totalement disparu des mémoires, la bataille de Courtrai ou de Groeninghe du 11 juillet 1302, dite bataille des Éperons d’or, n’a suscité que peu d’intérêt durant les cinq siècles qui l’ont suivie. Seuls quelques érudits, littérateurs et artistes en cultivaient alors le souvenir, dans des cercles restreints. Cette situation de quasi-oubli a changé radicalement avec la naissance de la Belgique, à l’automne 1830. En effet, le jeune État belge a entrepris de s’appuyer sur l’évocation d’un passé glorieux pour assurer sa pérennité : il s’agissait tout à la fois de justifier son accession à l’indépendance aux yeux des grandes puissances européennes et de développer le sentiment d’appartenance nationale. Historiens, écrivains et plasticiens ont alors été chargés de célébrer les heures les plus riches et les plus héroïques de l’histoire ancienne du pays. Parmi leurs thèmes de prédilection, s’est immédiatement imposée la bataille des Éperons d’or. Ensuite, le souvenir de ce fait d’armes médiéval a sensiblement évolué au cours des XIXe et XXe siècles  [107]. Peu à peu, le symbole national a été capté puis monopolisé par le Mouvement flamand : les commémorations annuelles du 11 juillet sont devenues l’un des lieux privilégiés d’expression des revendications linguistiques puis des volontés d’autonomie de la Flandre.

68C’est de ce cheminement mémoriel que découle la décision de la Communauté flamande d’ériger officiellement, en 1973, la bataille des Éperons d’or en point de référence de son identité.

2.2.1. Les événements du 11 juillet 1302

69Le comté de Flandre est fondé en 863 ou 866 sous le nom de marquisat, comme fief du royaume de France. Il se développe au cours des siècles, tant en étendue qu’en prospérité. Le XIIe siècle est celui de son apogée politique : les comtes de Flandre acquièrent une certaine indépendance vis-à-vis de leur suzerain, tout en exerçant une importante influence sur la conduite du royaume de France. À partir de 1180 en revanche, dans le cadre de sa politique centralisatrice, le pouvoir royal limite progressivement leur autonomie et s’empare peu à peu de leurs terres. Les comtes de Flandre entrent alors en lutte politique – et parfois même armée – contre la couronne française. La remise sous tutelle de la Flandre et la perte de divers de ses territoires sont consacrées par la bataille de Bouvines, remportée par Philippe II de France le 27 juillet 1214. Les tensions entre vassal et suzerain restent vives durant tout le XIIIe siècle  [108].

70En janvier 1297, fort d’une alliance avec le roi d’Angleterre Édouard Ier, le comte de Flandre, Gui de Dampierre, se rebelle militairement contre le roi de France, Philippe IV le Bel. Il est vaincu lors de la bataille de Furnes du 20 août 1297 et, en représailles de sa sédition, est emprisonné à Paris avec deux de ses fils, tandis que ses terres sont annexées au domaine royal en 1300  [109]. Les exactions du gouverneur nommé par le souverain français, Jacques de Châtillon, ne tardent pas à provoquer des troubles dans les grandes villes du comté de Flandre. À Bruges, le mouvement se mue en révolte suite à la suppression des libertés communales et à l’occupation armée de la ville. L’insurrection est conduite par le chef de la corporation des bouchers, Jean Breydel, et par un tisserand, Pierre de Coninck. Elle mène bientôt, au petit matin du 18 mai 1302, au massacre des soldats de la garnison française et des partisans flamands du roi de France (surnommés leliaerts, en référence à la fleur de lys). Cet épisode, entré dans l’histoire sous le nom de Mâtines de Bruges (Brugse Metten), donne le coup d’envoi d’un soulèvement populaire général à travers tout le comté (excepté à Gand, ville solidement tenue par le pouvoir royal).

71Une importante armée française est aussitôt dépêchée par Philippe IV le Bel, avec à sa tête un cousin du roi, le comte Robert II d’Artois. Elle se compose de 8 500 à 10 000 combattants environ, dont un millier de chevaliers. Quant à elles, les troupes flamandes disposent à peu près du même nombre d’hommes  [110], mais leurs effectifs sont essentiellement constitués de milices communales et de gens du peuple, sommairement armés. Ces troupes sont toutefois appuyées par des renforts extérieurs, envoyés notamment par l’un des fils de Gui de Dampierre, le comte Jean de Namur. L’affrontement se déroule dans la plaine de Groeninghe, près de Courtrai, le 11 juillet 1302. La précipitation des chevaliers français cause leur perte : trop lourdement équipés, ils s’embourbent dans les marécages. Ils sont alors taillés en pièces par les combattants flamands qui, peu au fait des usages de la guerre, ne cherchent pas à faire de prisonniers  [111]. Au soir de la bataille, les vainqueurs dépouillent les cadavres de leurs ennemis de leurs éperons d’or, qu’ils emportent en guise de trophées.

72Le comté de Flandre acquiert ainsi de facto son indépendance vis-à-vis du royaume de France. Celui-ci prend néanmoins sa revanche dès août 1304, par les victoires maritime de Zierikzee et terrestre de Mons-en-Pévèle. La Flandre retourne alors sous autorité royale pour plusieurs siècles. Ce ne sera que par les traités de Madrid du 14 janvier 1526 et de Cambrai du 5 août 1529 que le lien vassalique sera aboli entre la France et le comté de Flandre (ce dernier étant cédé par François Ier au Saint-Empire romain de la nation germanique de Charles Quint).

2.2.2. De l’événement oublié à la « page immortelle de notre gloire nationale »  [112]

73Durant plusieurs siècles, le souvenir de la bataille de Courtrai se limite à quelques chroniques et ouvrages historiques flamands. Le réveil de cette mémoire ne s’amorce, fort timidement, que dans le dernier quart du XVIIIe siècle ; encore est-il alors restreint à un cadre strictement local, à savoir brugeois. Au tournant des XVIIIe et XIXe siècles, ce souvenir commence à prendre une dimension un peu plus large. Toutefois, il reste confiné à quelques rares intellectuels. Révélateur est d’ailleurs le fait qu’il n’est nullement mobilisé lors des divers soubresauts politiques que connaît alors la future Belgique : la Révolution belgique de 1789-1790 (dite aussi Révolution brabançonne, contre le régime autrichien), la Guerre des paysans de 1798 (Boerenkrijg, contre le régime français), et les protestations contre les tentatives d’« amalgame » belgo-hollandais des années 1815-1830 et la Révolution belge de 1830 (contre le pouvoir néerlandais).

74C’est avec l’indépendance belge que les cendres du souvenir de la bataille de Courtrai sont réellement ravivées. Comme de nombreuses autres nations, la Belgique entend en effet se doter d’une histoire officielle marquée du sceau du patriotisme, c’est-à-dire célébrant les figures marquantes qui ont vécu sur son territoire et les événements d’importance qui s’y sont déroulés par le passé. Au prix de multiples distorsions voire de recompositions, de falsifications et d’inventions, les « héros » et les « faits de gloire » censés avoir contribué à la grandeur du pays sont magnifiés et célébrés : les « anciens Belges » dont Jules César a dit qu’ils étaient les plus braves de tous les peuples de la Gaule  [113], Charlemagne, Godefroy de Bouillon, l’époque des libertés communales au Moyen Âge, les ducs de Bourgogne, les six cents Franchimontois, Charles Quint, les comtes d’Egmont et de Hornes, etc. Il s’agit, au plan extérieur, de légitimer l’existence de la nouvelle nation et, au plan intérieur, de contribuer au façonnement d’une identité nationale belge.

75Les combats du 11 juillet 1302 s’imposent immédiatement comme l’un des matériaux majeurs de cette construction mémorielle. L’interprétation qui domine à l’époque est celle d’une bataille ayant assuré l’indépendance de la Belgique vis-à-vis de la France. Ce point de vue est sous-tendu par la volonté de prouver que le jeune État-nation en devenir, loin d’être une récente création diplomatique ex nihilo, reposerait sur un solide fondement historique. Dans ce cadre, la bataille des Éperons d’or est perçue comme l’un des principaux jalons de la lutte pluriséculaire qu’aurait menée le peuple belge pour conquérir sa liberté  [114], long mouvement ancestral qui aurait trouvé son juste aboutissement en 1830-1831.

76Dès lors, ce qui n’était jusqu’à présent qu’un épisode pratiquement inconnu de l’histoire particulière du comté de Flandre est élevé par la Belgique indépendante au rang d’emblème du passé national. Pour parvenir à cette nouvelle lecture des faits, la bataille de Courtrai fait l’objet d’une véritable opération de « nationalisation »  [115] de la part des instances officielles. L’ancien comté de Flandre voit son histoire médiévale devenir le passé commun du peuple belge tout entier, et son fait d’armes victorieux de 1302 un élément essentiel de la genèse de la patrie belge. Il convient en effet de servir le pays en rencontrant également ses besoins d’unité et de cohésion territoriale ; tout localisme ou régionalisme se doit d’être soigneusement gommé. Parallèlement, la présentation des faits historiques subit quelques aménagements. Ainsi, le fait que le roi de France comptait parmi ses alliés des nobles « belges », tels le seigneur Godefroy de Brabant et le comte Jean de Hainaut, n’est pas souligné plus que nécessaire, voire est passé sous silence. De même, les historiens réinterprètent certaines données historiques ; par exemple, ils transforment erronément le contingent envoyé par le comte de Namur en combattants namurois  [116].

77La mise en exergue de la bataille de Courtrai dans l’histoire officielle du pays s’explique aussi par le fait que, aux yeux de tous ceux qui œuvrent alors à l’affirmation et à la consolidation de la conscience nationale belge, cet épisode présente l’intéressante caractéristique d’avoir été dirigé contre le voisin français et ses partisans. Certes, la France a contribué de façon décisive à la conservation de l’indépendance de la Belgique, en intervenant militairement aux côtés de l’armée belge contre les troupes du royaume des Pays-Bas lors de la Campagne des Dix Jours en août 1831 et lors du siège d’Anvers en novembre-décembre 1832. Mais cela n’empêche que, jusqu’à la chute du Second Empire en 1870, la France est perçue comme une menace potentielle pour la pérennité du royaume de Belgique, étant soupçonnée (à raison, à certaines époques) de vouloir recouvrer les provinces belges. La menace apparaît d’autant plus vive qu’elle n’est pas seulement externe, mais aussi interne : le pays est conscient d’abriter en son sein des partisans d’un retour dans le giron français. La mémoire des combats du 11 juillet 1302 est dès lors brandie comme un avertissement aux ennemis de l’indépendance belge, qu’ils soient français ou belges francophiles : la patrie saura se défendre contre toute velléité d’annexion.

78En quelques années à peine, la bataille de Courtrai accède ainsi au statut de symbole national dans les discours officiels. Rapidement, sa notoriété se répand dans un large public et s’ancre profondément dans la mémoire collective belge. Au fil du XIXe siècle, elle devient « une composante puissante de la culture historique et politique du pays »  [117], au point de faire l’objet d’un véritable culte. Les canaux de diffusion sont multiples : études historiques  [118], textes de vulgarisation et conférences, peintures d’histoire et images populaires  [119], statues  [120], feuilletons journalistiques, poésies, chansons, pièces de théâtre, etc. Le principal d’entre ces vecteurs est toutefois, et de loin, le roman historique publié en 1838 par Henry (dit Hendrick) Conscience : De Leeuw van Vlaenderen[121]. C’est d’ailleurs cette oeuvre qui popularise le nom de bataille des Éperons d’or, en lieu et place des appellations anciennes de bataille de Courtrai ou de Groeninghe.

2.2.3. La monopolisation du souvenir de la bataille des Éperons d’or par le Mouvement flamand

79Tout au long du XIXe siècle, le souvenir de la bataille des Éperons d’or s’inscrit dans une perspective de construction du sentiment national belge. Toutefois, il stimule parallèlement l’éveil d’une conscience régionale flamande autonome, qui va progressivement s’éloigner de l’identité belge.

80Ce phénomène prend sa source pratiquement dès l’indépendance de la Belgique. Il est porté par le Mouvement flamand, qui apparaît en réaction à la politique linguistique menée par l’État belge. Officiellement, la liberté prévaut depuis 1831 en matière d’emploi des langues. Dans les faits cependant, le français s’impose comme unique langue d’État, au détriment des parlers locaux et notamment thiois. Les militants flamands (ou, selon la terminologie de l’époque, les flamingants) dénoncent cette situation, qui se double en outre d’une inégalité sociale, et exigent qu’une certaine place soit réservée à la langue néerlandaise  [122] dans la vie publique (cf. supra). Durant les premières décennies, le Mouvement flamand se caractérise par un fort sentiment patriotique belge : c’est afin de préserver l’une des principales caractéristiques du pays, à savoir sa dualité linguistique et culturelle, qu’il convient de promouvoir l’usage du néerlandais en Flandre. Et cela d’autant que l’existence d’une seconde langue, germanique, est perçue par les premiers militants flamands comme le meilleur rempart contre les éventuelles tentatives d’assimilation de la Belgique par le voisin français. Le roman De Leeuw van Vlaenderen fournit une excellente illustration de cette thèse. À travers son ouvrage, H. Conscience appelle ses contemporains flamands à résister à la politique de francisation du gouvernement central belge, comme leurs ancêtres de 1302 l’avaient fait vis-à-vis de l’expansionnisme et de l’absolutisme du royaume de France  [123]. Il s’agit de préserver la nature propre du peuple flamand et, par là, d’assurer la spécificité de la Belgique, gage de l’indépendance du pays.

81Au fil du XIXe siècle, le peu d’empressement que mettent les autorités belges à répondre aux revendications du Mouvement flamand amène celui-ci à se préoccuper moins du renforcement du sentiment d’appartenance à la Belgique que de la formation d’une identité culturelle spécifiquement flamande. De belgo-flamand à l’origine, il devient progressivement flamando-belge puis, à partir des années 1890-1910, nationaliste flamand. Symptomatique de ce phénomène est l’évolution de l’esprit qui anime les cérémonies organisées annuellement pour commémorer la bataille du 11 juillet 1302.

82Si la première célébration de ce type se tient dès 1848, c’est de 1877 que doivent être datés les véritables débuts de cette tradition. Il s’agit de manifestations à caractère historique, tout à fait dans l’esprit romantique de l’époque, qui aime à honorer la mémoire des hauts faits des temps passés (et spécialement ceux du Moyen Âge). Certes, quelques-uns des discours officiels qui sont prononcés à cette occasion dépassent le simple hommage rendu aux combattants médiévaux pour faire référence aux problèmes politiques contemporains, au premier rang desquels figurent les tensions linguistiques. Mais, dans l’ensemble, les commémorations ont avant tout un caractère festif (cortèges, jeux populaires, chants, concerts, bals, etc.) et économique (dans le cas de Bruges, l’idée sous-jacente est également de contribuer au développement du tourisme). Par ailleurs et surtout, le patriotisme local n’apparaît alors pas antinomique avec le sentiment national belge à la grande majorité des organisateurs, intervenants et participants.

83Peu à peu cependant, la frange la plus militante du Mouvement flamand se saisit de la symbolique de la bataille des Éperons d’or pour lui donner un caractère plus flamingant. Au tournant des XIXe et XXe siècles, cette évolution se fait plus nette. Désormais, le culte de la bataille de Courtrai cesse de s’incarner uniquement dans des commémorations historiques ; il est également capté par des manifestations politiques qui expriment les revendications du Mouvement flamand, dont les effectifs sont alors en cours de massification et les thèses en cours de radicalisation régionaliste. On assiste à cette époque « à un glissement de la signification du motif des Éperons d’or : il n’[est] plus employé comme arme belge dans la lutte contre la menace française, mais comme une arme flamande contre un État belge “francisé” »  [124].

84Parallèlement, le Mouvement flamand entend diffuser la coutume d’une célébration annuelle de la bataille du 11 juillet 1302 au-delà de son seul cadre géographique initial, à savoir les villes de Bruges et de Courtrai. Plusieurs associations flamingantes décident d’œuvrer à ce projet, voire se constituent dans ce but, tels le Nationaal Vlaamsch Verbond, la Vlaamsche Wacht ou l’Algemeen Nederlandsch Verbond. Ainsi, à partir des années 1880 et surtout des années 1890, la tradition s’implante dans diverses villes : Alost, Anvers, Bruxelles, Gand, Ostende, Saint-Nicolas, Tongres, etc. Ce mouvement n’est pas entièrement interrompu durant la Première Guerre mondiale (même si les commémorations sont alors cantonnées aux éléments les plus durs du Mouvement flamand  [125]). Dès les années 1930, la coutume est vivace dans toute la Flandre.

2.2.4. Le rejet du souvenir de la bataille des Éperons d’or par le Mouvement wallon

85La mutation mémorielle qui voit la bataille des Éperons d’or passer du statut de symbole national belge à celui de symbole régional flamand (voire de symbole anti-belge) est déjà largement opérée à la veille de la Première Guerre mondiale. Elle s’ancre davantage encore dans l’entre-deux-guerres. Cette nouvelle vision des événements du début du XIVe siècle est appuyée non seulement par le Mouvement flamand mais également par le Mouvement wallon. Tous deux, en effet, ne se retrouvent plus dans l’histoire officielle belge telle qu’elle est développée depuis 1830.

86Côté flamand, il s’agit de célébrer la mémoire de la bataille de 1302 en tant qu’expression d’un esprit national purement et spécifiquement flamand. Cette interprétation est renforcée par les écrits de divers historiens flamingants, qui voient dans cet épisode historique le point culminant de la lutte que le peuple flamand, de tout temps opprimé par des régimes qui lui sont étrangers, a toujours menée pour conquérir une liberté à laquelle il est viscéralement attaché par nature. Dans ce cadre, l’évocation du passé est mobilisée pour servir d’assise et d’argument aux thèses du temps. Lors des célébrations annuelles du 11 juillet, le Mouvement flamand, par-delà ses divisions idéologiques internes nées durant la Grande Guerre, entend investir les tribunes politiques pour critiquer la marche du pays et, en particulier, pour réclamer davantage d’autonomie pour la Flandre (et même, dans le chef de ses éléments les plus radicaux, pour appeler à l’indépendance).

87Côté wallon, il s’agit de se défendre contre certaines pratiques qui, depuis l’indépendance du pays, dictent la manière dont est écrite et véhiculée l’histoire de Belgique. Dans sa volonté de donner une vision d’unité des diverses contrées qui composent la Belgique, l’historiographie officielle en est en effet venue à gommer, voire à nier, les spécificités des différents passés régionaux  [126]. En particulier, le Mouvement wallon critique trois tendances à l’œuvre dans les ouvrages historiques, en ce compris les manuels scolaires  [127] : s’intéresser essentiellement au comté de Flandre et au duché de Brabant, en négligeant les entités wallonnes (à l’exception partielle de la principauté épiscopale de Liège) ; corrélativement au premier élément, privilégier largement l’influence flamande dans l’explication des phénomènes historiques relatifs aux régions belges ; englober sous le vocable « flamands » tous les artistes belges, en ce compris les artistes de Wallonie  [128]. Ces divers éléments ont pour effet, dénonce le Mouvement wallon, de priver les Wallons de la connaissance de leurs racines et donc d’une part de leur identité. Un autre motif de mécontentement des militants wallons est que l’historiographie officielle se caractérise par une optique anti-française très prononcée, qui heurte les sentiments francophiles de nombre d’entre eux : selon cette perspective, la nation belge, composée d’éléments germaniques et romans, n’a pu s’affirmer que par la résistance constamment opposée par la Flandre au puissant rayonnement politique et culturel de la France  [129].

88Deux publications de référence symbolisent spécialement cette historiographie officielle que le Mouvement wallon se donne pour mission de combattre. La première est la Geschiedenis van België de Henry Conscience  [130], qui est particulièrement francophobe. La seconde est la monumentale Histoire de Belgique de Henri Pirenne  [131], qui est largement construite autour de la Flandre en tant que celle-ci, en raison d’un bilinguisme remontant au Moyen Âge, constituerait un « microcosme de la Belgique en devenir »  [132].

89Le ressentiment des militants wallons est réel. En août 1912, parmi les griefs que liste l’un des principaux d’entre eux, Jules Destrée, à l’égard des Flamands dans sa « Lettre au roi »  [133], figure ainsi ce passage resté célèbre :

90

« Ils nous ont pris notre passé. Nous les avons laissé écrire et enseigner l’histoire de Belgique, sans nous douter des conséquences que les traditions historiques pouvaient avoir dans le temps présent. Puisque la Belgique, c’était nous comme eux, qu’importait que son histoire, difficile à écrire, fût surtout celle des jours glorieux de la Flandre ? Aujourd’hui, nous commençons à apercevoir l’étendue du mal. Lorsque nous songeons au passé, ce sont les grands noms de Breydel, de Van Artevelde, de Marnix, de Anneessens qui se lèvent dans notre mémoire. Tous sont des Flamands ! Nous ignorons tout de notre passé wallon (…). Il semble vraiment que nous n’ayons rien à rappeler pour fortifier les énergies et susciter les enthousiasmes. Des milliers et des milliers d’écoliers ont subi le même enseignement tendancieux (…). Notre grand Pirenne, malgré tant d’aperçus ingénieux, n’a pas su, sur ce point, se dégager de la traditionnelle glorification flamande et faire à la Wallonie la place qu’elle mérite. Il est assez frappant qu’à Liège, comme dans le Hainaut, on réclame maintenant des histoires régionales, dont on sent la nécessité (…).
Il semble que le patriotisme rétrospectif des Flamands ne se plaise qu’à célébrer des massacres de Français. La bataille des Éperons d’or, si éloignée (1302 !) est devenue extraordinairement populaire parce qu’elle fut l’écrasement de la chevalerie française. Toute la Campine fut soulevée en 1898 pour le centenaire de la Guerre des paysans [134]; on exalta avec raison l’héroïsme de ces pauvres gens révoltés par amour de leur terre et de leur foi, mais dans tout cet élan, dans tous ces discours, on découvrait le sentiment mauvais de la haine de la France, la malédiction de l’étranger. Certains fanatiques flamingants, quand ils vous parlent d’histoire, semblent toujours regretter le temps où la mauvaise prononciation de Schild en vriend[135] était punie de mort immédiate.
Ils nous ont pris nos artistes. Le maître pathétique de Tournai, Roger de la Pasture, l’un des plus grands artistes du XVe siècle, est incorporé parmi les Flamands sous le nom de Vander Weyden. L’art flamand brille d’un éclat radieux. L’art wallon est ignoré. »

91Dès 1902, le Mouvement wallon entreprend de réagir contre l’histoire de Belgique officielle dont, à ses yeux, le peuple wallon est exclu  [136]. Il appelle à promouvoir la connaissance de l’histoire de la Wallonie, notamment dans les écoles, et met lui-même la main à la pâte en produisant divers ouvrages. Dans ce cadre, il n’est évidemment plus question de percevoir la bataille du 11 juillet 1302 comme un élément fondateur de la nation belge. L’événement est ramené à son statut premier de fait d’armes du seul comté de Flandre, dont est désolidarisée l’histoire de la Wallonie. En 1942, un militant wallon rectifie ainsi un mythe qui est peu à peu devenu un lieu commun, et qui veut que des Namurois auraient participé à la bataille des Éperons d’or dans les rangs flamands. Il s’agit de l’historien namurois Jean Bovesse, fils de l’avocat et gouverneur provincial François Bovesse, qui a fondé en 1923 un comité chargé d’organiser annuellement des fêtes de Wallonie à Namur  [137]. Dans son étude historique, J. Bovesse démontre scientifiquement que les quelques centaines d’hommes envoyés par le comte Jean de Namur n’étaient pas des sujets de celui-ci, mais des mercenaires originaires principalement des régions du Rhin, de la Basse-Meuse, du Limbourg et du Brabant  [138].

92Certes, une certaine historiographie belgiciste continue à défendre l’interprétation ancienne de la bataille de Courtrai. En 1931, un livre publié à l’occasion du centième anniversaire de l’indépendance du pays insiste ainsi sur le fait que considérer la bataille des Éperons d’or comme une victoire uniquement flamande constituerait une erreur. Ce serait oublier, y lit-on, que, « comme guidées par un vague instinct de solidarité nationale, des troupes étaient accourues de toutes les régions de la Belgique actuelle pour la défense de la liberté flamande »  [139]. Mais cette conception s’inscrit de plus en plus en porte-à-faux par rapport à la vision qui prévaut dorénavant dans l’imaginaire collectif, tant flamand que wallon.

2.2.5. Le décret de la Communauté culturelle néerlandaise du 6 juillet 1973

93La Seconde Guerre mondiale voit les éléments collaborationnistes du Mouvement flamand célébrer la bataille des Éperons d’or en tant que haut fait de l’histoire, non plus exclusivement de la Flandre, mais du monde germanique dans son ensemble (dont la Flandre serait l’un des principaux avant-postes contre le monde roman). Après la Libération, ces accointances avec les thèses pangermanistes du régime national-socialiste d’Adolf Hitler rendent suspectes, quelques années durant, les commémorations du 11 juillet aux yeux d’une large frange de l’opinion publique. Dans un premier temps, les manifestations de ce type sont donc rares, et leurs organisateurs veillent à leur donner une signification de fidélité à la patrie belge.

94Le mouvement de commémoration reprend de l’ampleur à partir de 1952, année du 650e anniversaire de la bataille. Ce renouveau est notamment dû à l’action énergique du Davidsfonds, organisation culturelle flamande qui se signale alors par un engagement vigoureux dans les querelles linguistiques qui opposent francophones et néerlandophones, telles que le recensement de 1947 ou, bientôt, la scission de l’Université catholique de Louvain. Sous son impulsion, la tradition du 11 juillet reprend bien vite dans toutes les localités de Flandre, où elle redevient un temps fort de l’année récréative et politique. Comme avant-guerre, elle mêle en effet réjouissances populaires et revendications flamingantes.

95Sur le plan institutionnel, la volonté de la Flandre d’acquérir davantage d’autonomie en matière culturelle aboutit, le 24 décembre 1970, à la révision constitutionnelle donnant naissance à l’actuel Parlement flamand, appelé alors Conseil culturel de la Communauté culturelle néerlandaise (Cultuurraad voor de Nederlandse Cultuurgemeenschap). La nouvelle assemblée se réunit à partir du 7 décembre 1971. Dès le 16 mai 1972, une proposition de décret y est déposée, visant à instituer le 11 juillet comme jour de fête (feestdag) de la Communauté culturelle néerlandaise  [140]. L’initiative émane de quatre membres du parti nationaliste flamand Volksunie (VU) : Evrard Raskin, Mauritz Coppieters, Robert Vandezande et André De Beul. Elle reçoit immédiatement l’assentiment des autres partis politiques représentés dans l’assemblée : le parti social-chrétien (CVP), le parti socialiste (BSP), le parti libéral (PVV) et le parti communiste (KPB). Il est vrai que cette officialisation répond à une revendication ancienne du Mouvement flamand. Dès octobre 1893, réuni en assemblée générale à Tirlemont, le Nationaal Vlaamsch Verbond (NVV) avait proclamé le 11 juillet jour de la fête nationale flamande  [141]. Mais il ne s’agissait là que d’une décision non contraignante, émanant d’une association flamingante et non d’une instance disposant d’un pouvoir législatif  [142].

96Le choix de la date du 11 juillet s’impose tout naturellement ; il ne fait l’objet d’aucun débat. Il s’agit juste de consacrer dans un texte officiel un symbole qui, depuis fort longtemps déjà, fait pleinement partie de la conscience collective flamande. Le décret, voté le 22 mai 1973  [143], est daté du 6 juillet 1973  [144]. Outre une fête annuelle, il attribue à la Communauté culturelle néerlandaise deux autres symboles propres : un drapeau (« d’or un lion de sable, armé et lampassé de gueules ») et un hymne (« les deux premières strophes du “De Vlaamse Leeuw” sur texte de Hippoliet van Peene et musique de Karel Miry »). Quinze ans plus tard, un autre décret ajoutera des armoiries.

97Les célébrations du 11 juillet, désormais officialisées, restent l’occasion pour les mandataires politiques flamands de dresser un bilan annuel de l’évolution de la Flandre : réalisations accomplies durant l’année écoulée par les autorités flamandes, évolutions du processus de fédéralisation du pays, et revendications visant à obtenir des compétences accrues à l’occasion d’une prochaine réforme de l’État. Profondément enraciné dans l’imaginaire flamand, le 11 juillet demeure un moment de référence de l’agenda politique. Ainsi, alors qu’il est ministre-président flamand, entre 1992 et 1999, Luc Van den Brande (CVP) annonce à plusieurs reprises que le 11 juillet 2002, jour du 700e anniversaire de la bataille des Éperons d’or, sera une date phare dans la marche de la Flandre vers davantage d’autonomie ; l’approche de ce jour est brandie presque comme une menace à l’encontre des francophones. Si son successeur, Patrick Dewael (VLD), adopte finalement un ton plus conciliant en 2002, il n’en appelle pas moins fermement à la prochaine satisfaction des aspirations flamandes  [145].

98Il n’empêche que, depuis les années 1970, les manifestations prennent progressivement les atours de simples festivités estivales pour la majorité des participants. Il est significatif à cet égard que le slogan des activités du 11 juillet 2002 a été simplement « La Flandre fait la fête » (« Vlaanderen feest »). Certes, quelques militants flamands radicaux tentent aujourd’hui encore de faire subsister l’esprit émotif et vindicatif d’autrefois. Et certes également, depuis que le poste de ministre-président flamand a échu à la N-VA (en la personne tout d’abord de Geert Bourgeois, à la tête du gouvernement flamand à partir du 25 juillet 2014  [146]), les discours politiques du 11 juillet ont repris une tonalité davantage revendicative. Mais dans l’ensemble, et sauf exception dictée par l’actualité politique, l’heure n’est plus à la commémoration d’une gloire passée sans cesse réincarnée dans le présent.

2.2.6. Conclusion

99De nos jours, la bataille des Éperons d’or apparaît comme un emblème éminemment et strictement flamand. Il semble donc logique que la Flandre l’ait érigée au rang d’élément fondateur de son identité. Et nul ne songerait à contester à la Communauté flamande l’apanage du culte de cet épisode historique. Ce dernier n’est-il pas, en effet, l’un des plus hauts faits militaires du comté médiéval de Flandre ? N’est-il pas présenté comme ayant résulté de la décision spontanée de la population flamande de prendre les armes pour défendre sa liberté et sa culture ? Et n’est-ce pas avec raison que le nord du pays est fier de ses ancêtres, qui n’étaient que de simples gens du peuple ignorant tout de l’art de la guerre, mais qui ont vaincu une élite militaire grâce au courage que leur procurait l’amour de leur sol ?

100Bien plus, le fait que le 11 juillet puisse constituer une occasion privilégiée de célébrer la Belgique, telle une sorte de seconde fête nationale, est actuellement perçu comme une idée totalement absconse. La bataille des Éperons d’or n’est-elle pas, en effet, brandie par la Flandre comme l’incarnation de sa résistance à un État belge perçu comme hostile, du fait de sa composante francophone ? Outre en des réjouissances populaires bon enfant, les festivités annuelles flamandes ne consistent-elles pas en des manifestations politiques au cours desquelles la Flandre réclame l’accroissement de ses compétences au détriment du niveau de pouvoir fédéral ? Et nombre de défilés et meetings organisés pour la circonstance – mais qui se tiennent, il est vrai, souvent en marge du programme officiel – ne rassemblent-ils pas les éléments les plus durs du nationalisme flamand pour réclamer la disparition de la Belgique ?

101Pourtant, il a bel et bien été une époque où le souvenir des combats du 11 juillet 1302 a été résolument mis au service de la constitution et de la fortification de l’« âme belge » (selon la terminologie du temps). Cette situation a débuté avec la Révolution belge, puis elle s’est développée tout au long du XIXe siècle. Dès avant même la Première Guerre mondiale, elle a cependant commencé à péricliter, avant de s’éteindre pour ainsi dire dans l’entre-deux-guerres. Cette évolution est due au Mouvement flamand qui, dès les premières décennies de l’indépendance du pays  [147], a entrepris de ravir à la Belgique le monopole de l’instrumentalisation de la mémoire de la bataille de Courtrai. Certes, l’objectif des premiers flamingants n’était nullement de contrer l’entreprise de construction d’une identité nationale belge ; au contraire, il s’agissait pour eux d’appuyer celle-ci, en la doublant au nord du pays d’une identité subnationale flamande (les deux sentiments d’appartenance étant censés se renforcer mutuellement). Toutefois, ce but initial a progressivement fait place à un dessein proprement flamand, voire anti-belge dans le chef d’un certain nombre de militants. À cette fin, le Mouvement flamand a confisqué le souvenir des événements de 1302, transformant dès lors celui-ci en symbole spécifiquement flamand, et même partiellement anti-belge. C’est de ce cheminement que notre représentation collective de la bataille des Éperons d’or est aujourd’hui l’héritière.

2.3. Éléments de similitude entre les deux processus mémoriels

102Le rituel de la fête nationale, cette « grand-messe annuelle au cours de laquelle les caractères communs d’identité nationale sont répétés et standardisés », offre « d’excellentes perspectives pour des recherches historiques sur la naissance, le glissement et la disparition d’identités nationales »  [148]. Cette assertion de l’historienne Els Witte trouve, nous semble-t-il, une excellente illustration dans les évolutions mémorielles qui ont mené, pour l’une, des Journées de Septembre 1830 aux fêtes de la Région wallonne et de la Communauté française, et, pour l’autre, de la bataille des Éperons d’or du 11 juillet 1302 à la fête de la Communauté flamande.

103Dans un cas comme dans l’autre, le souvenir véhiculé repose en partie sur une réinvention du passé. Le fait est d’ailleurs commun à toute histoire nationale, quels que soient le peuple considéré et l’époque envisagée. A minima, l’imaginaire collectif ne se préoccupe guère de conserver fidèlement la réalité des événements historiques dans lesquels il prend racine. A maxima, il adapte ou gomme sciemment les éléments qui ne correspondent pas ou plus aux thèses qu’il ressent le besoin de développer et de propager. L’évocation des temps anciens n’est en effet jamais une fin en soi ; elle est un instrument au service de la culture d’une identité. Cela implique essentiellement deux conséquences.

2.3.1. Lire hier en fonction d’aujourd’hui

104La première de ces deux conséquences est que la lecture que tout peuple fait de son passé consiste inévitablement en une marche orientée vers la « bonne fin »  [149], c’est-à-dire vers l’état actuel des choses ou ce que l’on voudrait qu’il soit.

105Ainsi, au lendemain de la Révolution belge, les nécessités contemporaines exigent que tout soit mis en œuvre pour légitimer la naissance du nouvel État. Le message s’adresse tant aux habitants du pays qu’aux cours européennes. En effet, une frange significative de la population, et en particulier de l’élite socio-économique, est opposée à l’indépendance et prône le maintien dans le royaume des Pays-Bas  [150] ou la réunion à la France  [151]. Pour leur part, les puissances voisines sont sceptiques quant à la viabilité d’une Belgique autonome et, surtout, quant à la recevabilité de la prétention des Belges à remettre en cause l’équilibre géopolitique du Vieux Continent pour se constituer en nation autonome.

106Dans ce cadre, les Journées de Septembre se voient immédiatement conférer une signification éminemment et exclusivement patriotique : elles auraient été la manifestation d’un esprit national unanime et profond. Quant à la bataille des Éperons d’or, redécouverte pour l’occasion, la lecture dont elle fait l’objet permet d’apporter un opportun aspect d’unité dans le « passé hétéroclite »  [152] de la jeune Belgique indépendante. En effet, celle-ci n’est pas l’héritière d’un État unique et monolithique mais d’une multitude de comtés, duchés et principautés aux passés souvent divergents, voire conflictuels. La mise en exergue de la victoire du comté de Flandre et sa transposition dans un cadre national constituent donc un moyen privilégié de tenter de faire oublier cette réalité historique pour le moins dérangeante. Par ailleurs, cela met à l’honneur un épisode du Moyen Âge, ce qui s’intègre idéalement dans la culture historique romantique du XIXe siècle et sert d’autant mieux l’image recherchée d’une nation multiséculaire. Bref, les événements de 1302 et de 1830 sont lus dans une perspective résolument nationale, fût-ce au prix de certaines distorsions des faits historiques, qu’ils soient lointains ou récents.

107Les sentiments d’appartenance ne sont jamais figés et le terme de l’histoire se déplace constamment. Ce double glissement entraîne avec lui le sens prêté aux événements du passé : celui-ci est sans cesse réinvesti, et parfois même renversé. Dans le cas de la Belgique, l’identité nationale est encore en cours de construction que, déjà, elle se voit concurrencer par des consciences subnationales, et bientôt même supplanter par celles-ci dans le chef d’une partie croissante de la population. Le Mouvement flamand apparaît dès les premières années de l’indépendance du pays, tandis que le Mouvement wallon commence à poindre quelques décennies plus tard (en réaction à la prise d’importance du premier et à ses conquêtes législatives). Tous deux ont soin d’aller puiser dans le passé des éléments susceptibles de leur donner une assise historique, gage de reconnaissance de leur droit à l’existence et du bien-fondé de leurs aspirations.

108Cette inscription dans le temps long, tant l’identité flamande que l’identité wallonne trouve une occasion privilégiée de la réaliser en s’appropriant un épisode historique dont la Belgique s’était précédemment emparée. Là se situent toutefois deux différences fondamentales. Primo, le Mouvement flamand n’hésite guère quant au choix de l’événement à célébrer comme référence de la conscience régionale qu’il porte, alors que le Mouvement wallon tergiverse un peu plus sur ce point. Côté flamand, la bataille des Éperons d’or s’impose d’elle-même, en sa qualité de victoire remportée par le peuple du comté de Flandre sur son propre sol ; elle est donc adoptée sans grande discussion par le Nationaal Vlaamsch Verbond en 1893. Côté wallon, en revanche, la mémoire est davantage divisée ; il faut quelques années avant que l’Assemblée wallonne ne tranche, en 1913, en faveur des Journées de Septembre. Secundo, le Mouvement flamand monopolise un souvenir qui est alors toujours pleinement valorisé par les autorités belges, alors que le Mouvement wallon récupère une mémoire qui est totalement délaissée par les instances officielles du pays. Au XIXe siècle et jusque tard encore dans le XXe siècle, le culte de la bataille des Éperons d’or fait en effet partie intégrante du programme de construction de l’identité nationale belge : ce n’est que progressivement que les militants flamingants parviennent à accaparer ce symbole pour la seule Flandre. À l’inverse, les commémorations des Journées de Septembre ont été complètement abandonnées par l’État belge à partir de 1880 : c’est d’abord en protestation contre ce désinvestissement d’un élément d’ancrage de la mémoire nationale que les militants wallingants reprennent cette tradition.

109Pour le reste, les deux processus sont largement similaires. Ainsi, l’appropriation d’un événement historique par l’un des deux Mouvements, flamand ou wallon, est renforcée parallèlement par le rejet de ce même événement par l’autre Mouvement.

110Dans un premier temps, les militants flamingants revendiquent la participation du peuple de Flandre aux Journées de Septembre. Il s’agit alors pour eux de fournir un argument de poids à leurs exigences linguistiques : les Flamands ayant contribué à la liberté du pays à l’égal des Wallons, il est juste que la langue néerlandaise soit traitée sur le même pied que la langue française. À partir du début du XXe siècle, ce positionnement change ensuite du tout au tout. Il convient désormais pour le Mouvement flamand de ne pas sembler cautionner le cadre belge hérité de 1830, et même de prendre le plus de distance possible avec celui-ci afin de mieux pouvoir le condamner. En raison de son caractère centralisé et francophone, l’État belge des premières décennies de l’indépendance est en effet perçu comme ayant gravement nui à la langue et à la culture flamandes. Eu égard à cette nouvelle perspective, le Mouvement flamand soutient donc dorénavant que la Révolution belge a été l’œuvre des seuls Wallons, qui ont agi contre la volonté de la population du nord du pays ; pour sa part, celle-ci est à présent censée être restée largement passive ou, du moins, n’avoir été entraînée dans le cours des choses que contre son gré.

111Dans le cas de la bataille des Éperons d’or, le rejet opéré par le Mouvement wallon s’inscrit dans le cadre plus large d’une résistance à une production écrite qui, alors qu’elle prétend livrer l’histoire de Belgique au public belge, aborde en réalité essentiellement le passé de la Flandre  [153] – qui plus est, dans une perspective d’idéalisation et d’exaltation –, en laissant amplement dans l’ombre le passé de la Wallonie. Il s’agit non seulement des ouvrages d’histoire, mais également à travers eux des romans historiques, des poèmes, des pièces de théâtre, etc. ou même des études relatives à la littérature et aux arts. Certes, admettent les militants wallons, cette « image unilatérale »  [154] de l’histoire du pays n’est pas le fait exclusif d’auteurs néerlandophones. Elle est également portée par des auteurs francophones (dont, d’ailleurs, un certain nombre vivent en Flandre), tel Henri Pirenne. De même, ils reconnaissent que la perspective des deux groupes d’auteurs diffère : les premiers œuvrent à travailler le sentiment flamand en flattant l’orgueil régional, alors que les seconds visent à soutenir l’identité belge à travers l’évocation glorifiante d’un passé flamand érigé au rang de passé national commun. Mais, dans les deux cas, dénoncent les militants wallons, le résultat est une méconnaissance et une dévalorisation de l’histoire du sud du pays.

112Une autre similitude à pointer est que, dans les deux cas, l’événement célébré est présenté comme ayant eu une importance décisive alors que, en réalité, il n’a nullement constitué le terme du processus glorifié ou n’a donné lieu qu’à une situation très provisoire. En aucun cas, les Journées de Septembre n’ont suffi à emporter l’indépendance de la Belgique ; celle-ci n’a été définitivement acquise qu’en 1839, après notamment un bref conflit armé à l’été 1831 et à l’automne 1832. Pour sa part, l’indépendance vis-à-vis de la couronne française que la bataille de Courtrai a offerte au comté de Flandre n’a duré qu’un peu plus de deux ans ; dès le mois d’août 1304, le roi de France a reconquis, et pour plusieurs siècles, les territoires qui s’étaient soustraits à son autorité, puis il a imposé d’humiliantes conditions de paix aux Flamands. Il est classique de voir les inconscients collectifs tronquer ainsi les faits historiques en cristallisant une évolution longue dans une seule date présentée comme un « tournant » dans l’histoire du peuple concerné et en oubliant, dès lors, tous les éléments connexes qui l’ont précédée, prolongée ou même annihilée. Pour parler aux imaginaires et se transmettre efficacement de génération en génération, l’événement fondateur retenu se doit d’être transformé pour revêtir des atours simples, emblématiques et univoques.

2.3.2. D’hier ou d’aujourd’hui, un peuple mythifié

113La seconde conséquence universelle de l’instrumentalisation du passé est que tout peuple a une tendance naturelle à effacer les contradictions qui l’empêcheraient de retrouver parfaitement ses caractéristiques présentes dans les actes posés par ses ancêtres. Ce mécanisme s’incarne tout spécialement dans le mythe du « peuple uni », c’est-à-dire dans le fait de présenter la communauté humaine à laquelle on appartient comme ayant de tout temps constitué un ensemble cohérent et indivisible.

114Ainsi, la Belgique nouvellement indépendante s’empresse d’oublier que l’armée hollandaise contre laquelle ont combattu les révolutionnaires de 1830 comportait nombre de Belges dans ses rangs ou que la bourgeoisie bruxelloise, se sentant menacée lors des tout premiers jours de la révolte, s’était constituée en une garde bourgeoise qui avait été jusqu’à tirer sur des émeutiers afin de rétablir l’ordre. Le pays fraîchement créé feint également d’ignorer que le mouvement d’insurrection qui lui a donné naissance a rencontré un appui sensiblement moins marqué dans le nord du pays (dont les villes étaient, il est vrai, davantage tenues par les garnisons du royaume des Pays-Bas que celles des provinces wallonnes). De même, la présentation donnée de la bataille des Éperons d’or tait que des « Belges » ont été présents dans les deux camps ennemis (tandis que, inversement, apparaissent des légendes visant à élargir la composition « belge » de l’armée flamande victorieuse en y incluant par exemple des combattants provenant du comté de Namur).

115Ensuite, lorsqu’ils se saisissent de ces événements, les Mouvements wallon et flamand procèdent à leur tour à de telles distorsions mémorielles. Les militants wallons défendent l’image d’une Wallonie ayant unanimement soutenu l’insurrection de 1830, alors que la réalité historique est bien plus mitigée  [155]. Quant aux militants flamands, ils passent sous silence que le duché de Brabant, en sa qualité d’ennemi traditionnel du comté de Flandre, n’était pas intervenu en faveur de son voisin en 1302, préférant une position de neutralité. Or cette principauté couvrait à l’époque une part significative du territoire de la Flandre actuelle, à savoir les provinces de Brabant flamand et d’Anvers (à l’exception de Malines et de sa région), et incluait des villes de première importance comme Bruxelles, Anvers ou Louvain. De même, les flamingants veillent à taire le fait que, au sein même du comté de Flandre, aucune unanimité d’opinion n’avait prévalu ; entre autres, la ville de Gand (où, certes, le pouvoir royal était solidement implanté) n’avait pas participé à la révolte.

116Cette entreprise de mythification ne s’applique pas uniquement aux événements passés. Elle porte également sur le temps présent. En effet, est aussi en jeu la détermination du peuple concerné par l’événement célébré. En l’occurrence, dans le cas des Mouvements flamand et wallon, il s’agit tout à la fois de restreindre ce peuple à une seule communauté linguistique et de l’élargir à l’ensemble de cette même communauté linguistique. Ce phénomène est à mettre en rapport direct avec l’idéologie romantique héritée du XIXe siècle, selon laquelle le sentiment national repose sur l’appartenance à une culture commune fondée d’abord et avant tout sur la langue.

117Le Mouvement flamand œuvre à identifier étroitement le symbole de la bataille des Éperons d’or avec le combat qu’il mène en faveur de la défense et de la promotion de la langue néerlandaise. Son objectif est que ne puissent plus se reconnaître dans les commémorations du 11 juillet l’ensemble des Belges, mais uniquement les locuteurs flamands  [156]. Dans ce cadre, il convient notamment de passer rigoureusement sous silence que le comté de Flandre de 1302 comportait des territoires aujourd’hui wallons (Tournaisis) ou même français (Douai, Dunkerque, Lille, etc.). Parallèlement, les militants flamingants mènent une action vigoureuse pour que se sentent concernés l’ensemble des habitants de la partie néerlandophone du pays, et non uniquement les Brugeois et les Courtraisiens. La diffusion de la tradition des célébrations du 11 juillet est, à cet égard, à rapprocher du phénomène qui, au XIXe siècle, voit le mot « Flandre » cesser de désigner seulement l’ancien comté médiéval ou les deux provinces du même nom pour acquérir son acception actuelle.

118Pour sa part, le Mouvement wallon reprend à son compte et amplifie une idée reçue qui veut que le succès des Journées de Septembre aurait été essentiellement dû à l’intervention armée des volontaires accourus de Wallonie. Par la suite, lorsqu’est créée l’actuelle Communauté française et que naît le besoin de faire émerger une identité francophone afin d’assurer la solidarité entre tous les Belges de langue française  [157], la perception donnée des combattants victorieux de 1830 est élargie pour la cause : elle comprend désormais non seulement les Wallons, mais également les Bruxellois. Pour parvenir à ce résultat, la situation linguistique qui prévaut en région bruxelloise au milieu des années 1970, à savoir une large prédominance de la langue française, est anachroniquement et erronément appliquée à la ville de Bruxelles (et, implicitement, par extension à l’ensemble de l’agglomération bruxelloise) de la première moitié du XIXe siècle  [158].

119Un dernier point commun à relever entre ces deux processus de mythification est que tant le Mouvement flamand que le Mouvement wallon bannissent les interprétations sociales ou économiques qui peuvent être données de leur référence mémorielle respective, au profit de la seule signification nationale. Les historiens ont en effet montré que les événements de 1302 et de 1830 n’avaient pas été dictés uniquement par des considérations tenant à la défense d’une identité ou à la conquête d’une indépendance. Certains d’entre eux considèrent même que ces facteurs ont été largement secondaires (voire presque inexistants, au moins initialement) par rapport à des motifs d’ordre socio-économique. Ils indiquent que la révolte qui a éclaté dans le comté de Flandre au Moyen Âge trouvait notamment ses origines dans un conflit structurel entre patriciens et corporations à l’intérieur des villes flamandes, ainsi que dans une opposition du prolétariat urbain aux nouvelles taxes imposées par le représentant du pouvoir royal français. De même, leurs recherches montrent sans ambiguïté que la séparation d’avec le royaume des Pays-Bas n’était nullement l’objectif qui avait inspiré les premières émeutes à Bruxelles contre les Hollandais : celles-ci n’étaient que l’expression d’une protestation politique moins ambitieuse (consistant à réclamer des réformes, et non à amorcer une révolution) et, peut-être surtout, d’un mécontentement social pour une part structurel (dû au chômage ouvrier engendré par les débuts de la mécanisation  [159]) et pour une part conjoncturel (dû à une période de disette).

120Par ailleurs, il va de soi que, pour être correctement comprises, tant la bataille de Courtrai que les Journées de Septembre doivent être replacées dans leurs cadres internationaux plus larges : dans le premier cas, il s’agit notamment des prémisses de la future Guerre de Cent Ans qui opposera la France et l’Angleterre et leurs alliés entre 1337 et 1453 ; dans le second, essentiellement de la vague révolutionnaire qui secoue l’Europe en 1830 (France, Confédération germanique, États italiens, Pologne, etc.) et s’oppose à l’ordre issu du Congrès de Vienne de 1814-1815  [160].

121Si ces différents éléments sont pleinement intégrés par l’historiographie scientifique  [161], ils sont en revanche occultés par la littérature partisane et par les imaginaires collectifs, qui leur préfèrent la clé de lecture selon laquelle la bataille des Éperons d’or et les Journées de Septembre ont été la manifestation passionnée d’un sentiment identitaire, flamand pour l’une et wallon ou francophone pour les autres.

3. La création d’une tradition : Communauté germanophone et Région de Bruxelles-Capitale

122Pour déterminer le jour de leurs fêtes respectives, la Région wallonne et la Communauté française ont pu puiser dans le legs historique du Mouvement wallon, et la Communauté flamande dans celui du Mouvement flamand. En revanche, lorsqu’elle décide de se doter à leur tour d’un tel symbole afin de renforcer son identité propre, ni la Communauté germanophone ni la Région de Bruxelles-Capitale n’a un pareil patrimoine mémoriel à sa disposition. L’une comme l’autre décide alors de faire sienne, et en lui donnant une signification nouvelle, une fête préexistante que l’État belge a peu ou prou reléguée au second plan. C’est ainsi que la Communauté germanophone opte pour la date du 15 novembre, jour de la fête du Roi, par un décret d’octobre 1990, et que la Région de Bruxelles-Capitale retient celle du 8 mai, jour de la capitulation allemande en 1945, par une ordonnance de mars 2003.

3.1. La Communauté germanophone

123C’est suite à une initiative émanant de son exécutif que, en octobre 1990, la Communauté germanophone a fixé la date de sa fête au 15 novembre. En choisissant ce jour, qui est également, et depuis longtemps, celui de la fête du Roi, il s’est agi pour la Communauté germanophone de manifester son attachement à la royauté et, par là, à la Belgique. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les habitants de l’actuelle région de langue allemande avaient ressenti la nécessité d’adopter la posture de « plus belges des Belges » pour pouvoir être reconnus comme des citoyens à part entière par les autorités du pays. En effet, ils estimaient alors avoir, aux yeux de celles-ci, un statut inférieur au reste de la population en raison de leur passé. D’une part, ils avaient été Allemands jusqu’aux lendemains de la Première Guerre mondiale, avant de devenir Belges dans les années 1920 en vertu du Traité de Versailles. D’autre part, ils étaient temporairement redevenus Allemands durant la Seconde Guerre mondiale, leur territoire ayant alors été annexé par le IIIe Reich. La décision d’octobre 1990 s’est donc inscrite en droite ligne dans cette réaction aux turbulences de l’histoire, qui a façonné la conscience collective des germanophones de Belgique.

3.1.1. La tradition de la fête du Roi et sa fixation au 15 novembre

124La tradition de la fête du Roi est aussi ancienne que la monarchie belge elle-même. Au cours du temps, cette fête a connu diverses dates (15, 26 ou 27 novembre, ou 16 décembre), ainsi d’ailleurs que plusieurs appellations (notamment, « fête (patronale) de Sa Majesté le Roi » et « fête (patronale) de la Dynastie »).

125Dès la première année du règne de Léopold Ier, en 1831, l’habitude est prise d’organiser des célébrations et réjouissances le 16 décembre, jour anniversaire de la naissance du souverain. Aux cérémonies militaires et à la célébration d’un Te Deum [162] dans diverses villes du pays, s’ajoutent très rapidement des réjouissances populaires. Il s’agit là de la reprise d’une coutume déjà ancienne et largement répandue dans les monarchies européennes. Ainsi, une pratique similaire avait eu cours sous Napoléon Ier (le 15 août, jour anniversaire de l’empereur des Français et jour de la fête – instituée pour l’occasion par l’Église – de la Saint-Napoléon) à partir de 1806, puis sous Guillaume Ier (le 24 août, jour anniversaire du roi des Pays-Bas). Rappelons par ailleurs que, en 1830, la Révolution belge avait précisément éclaté au moment où des festivités étaient données à Bruxelles en l’honneur de l’anniversaire de ce dernier (cf. supra)  [163].

126Au début de l’année 1866, Léopold II, monté sur le trône quelques mois plus tôt, fixe la date de la fête du Roi au 15 novembre  [164], c’est-à-dire au jour de la Saint-Léopold dans le calendrier liturgique germanique  [165].

127Devenu roi en décembre 1909, Albert Ier décide de placer la fête du Roi, à partir de 1910, au jour de la Saint-Albert dans le calendrier liturgique belge, à savoir le 26 novembre  [166]. Toutefois, en 1912, sa mère, la princesse Marie de Hohenzollern-Sigmaringen, décède précisément le 26 novembre. Dès lors, le roi replace la fête, à partir de 1913, à la date du 15 novembre. Après que, par une loi du 21 juillet 1922, le Parlement belge a instauré la fête du 11 novembre en commémoration de l’Armistice de 1918  [167], il est estimé que la date du 15 novembre est trop proche de celle de cette nouvelle fête  [168]. Un accord est alors trouvé avec l’Église de Belgique (et en particulier, semble-t-il, avec son primat, le cardinal-archevêque Désiré-Joseph Mercier) : désormais, la fête du Roi sera placée au jour de la fête du bienheureux Albert le Grand  [169], et celle-ci sera fixée au 27 novembre dans le calendrier liturgique belge.

128Accédant au trône en février 1934, Léopold III rétablit le 15 novembre comme jour de la fête du Roi. Par la suite, cette date ne variera plus. Après son avènement comme roi en juillet 1951, Baudouin décide en effet de la conserver. Et cela d’autant que cette date présente l’avantage de correspondre non seulement à la Saint-Léopold, mais également, par un heureux hasard, depuis la canonisation d’Albert le Grand en 1931, à la Saint-Albert dans le calendrier romain général. C’est également Baudouin qui impose définitivement le vocable « fête du Roi », afin que soit bannie l’expression « fête de la Dynastie » que, durant la régence du prince Charles (1944-1950), le gouvernement belge avait employée afin de pouvoir ne faire qu’indirectement allusion au roi absent  [170].

129La fête du Roi comprend trois manifestations : l’une religieuse le matin, l’autre militaire à midi et la dernière civile l’après-midi. Tout d’abord, à l’initiative des autorités religieuses, un Te Deum est célébré dans diverses églises du royaume ; à Bruxelles, l’office a lieu en la cathédrale Saints-Michel-et-Gudule, en présence de la famille royale (mais, traditionnellement, pas du couple régnant)  [171]. Ensuite, une cérémonie militaire se tient à Bruxelles, avec parade puis banquet. Enfin, depuis 2001 et suite à la demande formulée en ce sens par la laïcité organisée  [172], les autorités civiles organisent une séance solennelle au Palais de la Nation (également en l’absence des souverains régnants).

130Déjà sous le règne de Léopold Ier, le jour de la fête du Roi est férié pour les fonctionnaires. Actuellement, sont concernés non seulement les personnels des administrations fédérales, mais également ceux des administrations régionales et communautaires. Au niveau local (administrations communales ou provinciales, commissariats de police, centres publics d’action sociale, etc.), une liberté est laissée aux institutions en la matière. En revanche, le 15 novembre n’est férié ni dans le secteur privé ni dans l’enseignement  [173] (sauf en Communauté germanophone mais pour une autre raison, cf. infra).

131Aujourd’hui, et depuis plusieurs décennies déjà, la fête du Roi n’a plus guère d’assise au sein de la population. Au fil du temps, elle a en effet revêtu un caractère presque exclusivement officiel et protocolaire, perdant quasi totalement ses aspects populaires et festifs. Certes, comme cela est le cas depuis l’origine, les médias relaient les diverses manifestations qui sont liées à la fête du Roi. Mais celle-ci a échoué à conserver le statut dont elle avait été investie par les autorités belges au XIXe siècle.

3.1.2. Une date réappropriée par la Communauté germanophone

132À la fin du mois d’août 1990, l’exécutif de la Communauté germanophone Maraite I (CSP/PFF) dépose un projet de décret visant à fixer le jour de fête de cette entité fédérée (ainsi qu’à adopter ses armoiries et son drapeau)  [174]. Ce texte expose : « Il est normal, pour une minorité nationale, de placer son jour de fête à un jour de commémoration nationale, surtout si aucune des dates du passé récent ne peut convenir. Parmi ces jours de commémoration nationale, seul peut logiquement être envisagé le 15 novembre, jour de la Dynastie : la maison royale en tant que symbole de l’unité belge et, en même temps, que garant de l’équilibre entre les communautés du pays. De plus, à son entrée en fonction, le président de l’exécutif [de la Communauté germanophone] doit prêter serment (...) entre les mains du roi  [175] »  [176].

133Quelques jours plus tard, en commission du Conseil de la Communauté germanophone, le président de l’exécutif, Joseph Maraite (CSP), précise qu’il a préalablement fait part de cette intention au Palais royal et que, en réponse, le roi Baudouin lui-même a marqué son accord  [177]. Cela fait en effet un certain temps déjà que l’exécutif communautaire nourrit son idée (ainsi, il avait soumis un avant-projet de décret au Conseil d’État dès le 20 juillet 1988)  [178].

134Loin d’obtenir un ralliement unanime, le projet de décret est contesté par quelques membres de la commission. Ceux-ci estiment être mis devant le fait accompli, eu égard à l’échange de correspondance que l’exécutif a déjà eu avec le souverain. Or la date du 15 novembre ne leur paraît pas opportune : ce serait, déclare l’un d’entre eux, comme « empiler la fête des mères et Noël ». Pour leur part, ces opposants au projet de décret trouveraient plus judicieux d’opter pour une journée européenne ou pour le jour anniversaire de la mise en place du Conseil culturel de la Communauté culturelle allemande (à savoir le 23 octobre 1973)  [179]. Face à ces critiques, les partisans de l’initiative de l’exécutif font valoir plusieurs arguments : « Le choix d’une date “belge” a été posé car l’autonomie de la Communauté germanophone a été accordée dans le contexte belge et n’a été possible que dans le cadre belge » ; les compétences du Conseil culturel n’étaient encore que très limitées en 1973 ; il convient d’éviter une accumulation des jours de congé ; la Communauté germanophone se trouve « sous la protection toute particulière du chef de l’État en tant que minorité » (« als Minderheit unter die ganz besondere Obhut des Staatsoberhauptes »)  [180]. Au fil des discussions, il est par ailleurs précisé que les écoles de la Communauté germanophone auront la latitude de placer au 15 novembre un ou deux des six demi-jours de congé qu’elles déterminent elles-mêmes dans leur calendrier.

135Adopté en séance plénière le 1er octobre 1990  [181] et promulgué le jour même, le décret dispose en son article 1er que la fête de la Communauté germanophone est célébrée « chaque année le 15 novembre »  [182].

136Depuis lors, de nombreux concerts, animations et festivités ont lieu annuellement dans les neuf communes de la Communauté germanophone à l’occasion du 15 novembre. Quant à eux, les aspects officiels de la fête se déroulent pour partie en région de langue allemande (chacune des neuf communes accueillant tour à tour la manifestation protocolaire, à laquelle participent de nombreux mandataires locaux) et pour partie dans les locaux de la représentation permanente de la Communauté germanophone à Bruxelles (en présence des corps diplomatiques et des représentants des composantes de l’État). Depuis 1994, le 15 novembre est d’office un jour férié pour tous les établissements d’enseignement en Communauté germanophone  [183].

3.1.3. Un choix toujours questionné

137Par rapport à celles des autres entités fédérées de Belgique, la fête de la Communauté germanophone présente une double caractéristique sur le plan de sa genèse. D’une part, cette fête résulte entièrement d’une initiative gouvernementale, alors que toutes les autres ont été avant tout portées par des assemblées parlementaires. D’autre part et surtout, le choix de la date n’a pas fait l’objet d’un large consensus : le 1er octobre 1990, la disposition fixant la fête de la Communauté germanophone au 15 novembre n’a été adoptée que par 18 voix favorables, accompagnées de 6 abstentions. Il s’agit là d’une adhésion bien plus faible que dans les autres Régions et Communautés.

138Cela explique sans doute pour quelle raison la Communauté germanophone est la seule entité fédérée qui voit de temps à autre le choix de la date de sa fête être remis en question – phénomène que l’on ne rencontre pour ainsi dire pas ailleurs. En effet, aujourd’hui encore, d’autres options sont préconisées par certains acteurs politiques ou par de simples citoyens : le 20 septembre (date officielle du passage à la Belgique de la souveraineté sur les territoires constituant l’actuelle région de langue allemande, en 1920), le 23 octobre (jour de la première séance du Conseil culturel de la Communauté culturelle allemande, ancêtre de l’actuel Parlement de la Communauté germanophone, en 1973), le 31 décembre (date de la loi dotant la Communauté germanophone d’un statut juridique  [184], en 1983) ou le 30 janvier (jour de l’installation du premier exécutif de la Communauté germanophone  [185], en 1984). En 2012, interrogé sur la question par la presse, le ministre-président Karl-Heinz Lambertz (SP) s’était dit ouvert à un débat sur la date de la fête de la Communauté germanophone, ajoutant n’avoir « aucune exclusive » en la matière  [186].

139Cependant, aucune des dates alternatives qui sont parfois avancées ne fait consensus. À la plupart d’entre elles, il est reproché de ressortir d’une histoire institutionnelle qui ne parle guère à la population. Quant à la date du 20 septembre, bien que souvent mise en avant, elle est loin d’apparaître comme idéale. En effet, elle contribuerait surtout à rappeler combien les premiers temps de l’incorporation à la Belgique de l’actuelle région de langue allemande ont été problématiques et même douloureux  [187]. Il s’agit là d’un épisode qui a fortement marqué la conscience collective germanophone (même si son souvenir s’en est depuis lors largement effacé  [188]), tout en restant pour ainsi dire inconnu du reste de la Belgique.

140À la sortie de la Première Guerre mondiale, la Belgique exige de pouvoir bénéficier, à l’instar d’autres pays alliés (à commencer par la France), de réparations de la part de l’Allemagne vaincue pour les dommages que les troupes armées de celle-ci ont commis sur son territoire. Entre autres, lors de la conférence de paix de Paris de 1919, elle revendique et obtient la souveraineté  [189] sur les cercles administratifs (Kreise) de Malmedy  [190] et d’Eupen  [191]. Si, dans le cas de la région malmedienne, les motifs sont liés entre autres au fait que celle-ci est partiellement francophone (il s’agit de récupérer la « Wallonie prussienne », que le Congrès de Vienne avait détachée des départements belges en 1815), ils sont purement économiques et dans une moindre mesure militaro-stratégiques dans le cas des territoires de langue allemande. L’article 34 du Traité de Versailles du 28 juin 1919 ayant conditionné l’annexion aux résultats d’une consultation populaire locale  [192], celle-ci est organisée par la Belgique entre le 26 janvier et le 23 juillet 1920, mais d’une manière très éloignée des critères démocratiques. Les modalités en sont que les opposants à l’annexion doivent faire inscrire leur nom dans l’un des deux « registres de protestataires » ouverts à Malmedy et à Eupen. Les conditions à remplir pour pouvoir voter sont d’avoir atteint l’âge de 21 ans (ou de l’atteindre pendant la consultation) et de résider dans un des cercles depuis le 1er août 1914 au moins. En raison de diverses tracasseries administratives et de multiples pressions, seuls 271 des 33 726 électeurs potentiels osent se prononcer en faveur du maintien à l’Allemagne (dont une majorité de fonctionnaires allemands de toute façon décidés à retourner dans ce pays en cas d’annexion)  [193]. Le 20 septembre 1920, et en dépit des protestations de l’Allemagne, la Société des Nations (SDN) proclame le rattachement à la Belgique. La Belgique met ensuite plus de quatre ans à adopter la loi ad hoc [194].

141In fine, c’est donc, selon toute vraisemblance, largement et résolument contre la volonté de sa population que l’actuelle région de langue allemande est réunie à la Belgique  [195]. En outre, cette même population est profondément choquée d’apprendre que, pendant l’année 1926, la Belgique mène des négociations secrètes visant à rétrocéder ces territoires à l’Allemagne en échange d’une compensation financière. Sa réaction est identique lorsque, au cours de la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement belge en exil à Londres ne proteste pas  [196] contre le fait que l’Allemagne nazie a, dès le 18 mai 1940, procédé à l’intégration des anciens cercles administratifs de Malmedy et d’Eupen dans le Troisième Reich (et a donné la nationalité allemande à leurs habitants le 23 septembre 1941, s’octroyant ainsi le droit d’enrôler les jeunes hommes dans la Wehrmacht)  [197]. À cela s’ajoutent en outre, tout au long de l’entre-deux-guerres, de multiples actes et décisions des autorités belges que la population locale considère comme autant de marques de condescendance voire de mépris, de négligence voire d’hostilité, de vexation voire d’humiliation, de défiance voire de méfiance : régime transitoire militaire et autoritaire (s’apparentant à celui d’une « colonie », selon les instructions données en janvier 1920 par le Premier ministre Léon Delacroix au haut-commissaire Herman Baltia  [198]) jusqu’au 31 mai 1925, usage exclusif du français dans l’enseignement secondaire supérieur, suspicion de manque de loyauté des élus, entraves à l’expression de la langue et de la culture allemandes, etc.

142On le voit donc : l’histoire des relations entre la Belgique et sa population anciennement allemande est longtemps faite de rapports difficiles. Cette situation culmine aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, lorsque l’État belge mène une répression particulièrement sévère des « faits de collaboration » dans les cantons de Malmedy, d’Eupen et de Saint-Vith. En effet, l’auditorat militaire spécial ne tenant pas compte de la contrainte particulière à laquelle les habitants de ces cantons ont été soumis entre 1940 et 1944, les deux conseils de guerre siégeant à Malmedy et à Eupen de février 1946 à juin-juillet 1947 ouvrent 15 623 dossiers d’instruction, touchant ainsi près d’un quart de la population (chiffre loin au-dessus de la moyenne nationale, laquelle se situe à 4,15 %), et condamnent 1 503 personnes, ce qui représente 2,41 % de la population (soit quatre fois plus que dans le reste du pays)  [199]. Cette répression atteint un point tel que, lors des élections législatives du 17 février 1946, la moitié des électeurs de ces cantons ne peuvent pas voter car ils sont déchus de leurs droits civils et politiques.

143C’est d’ailleurs en réaction contre cette situation qui les voit obligés de prouver qu’ils sont de « bons Belges » – étant par défaut considérés par le pouvoir central comme des traîtres à la patrie – que, à partir de la Libération, les germanophones de Belgique adoptent un profil de « plus belges des Belges » ou de « meilleurs des Belges » (selon les expressions consacrées depuis lors). Il s’agit pour eux de lutter contre le statut de « Belges de seconde zone » qu’ils estiment avoir aux yeux du reste de la population belge et des dirigeants de l’État. Un statut inférieur dont témoigne d’ailleurs le vocable non officiel mais largement usité depuis l’entre-deux-guerres de « cantons rédimés ». En effet, le verbe « rédimer » désigne soit le fait de racheter une obligation par le versement d’une contribution (ce qui implique que les trois « cantons de l’Est » ne seraient rien de plus qu’une compensation aux pertes matérielles et humaines que la Belgique a subies en 1914-1918), soit celui d’acheter le pardon de ses fautes ou de ses erreurs par le moyen d’une bonne conduite ou de sacrifices (ce qui induit que les habitants des trois cantons auraient eu à se faire pardonner d’avoir porté les armes contre la Belgique durant la Grande Guerre, étant alors dans le camp de l’ennemi).

144En choisissant de calquer la date de la fête de la Communauté germanophone sur celle du chef de l’État (et en insérant une couronne royale dans les armoiries de cette entité fédérée  [200]), le décret du 1er octobre 1990 se situe dans la droite ligne de cette attitude. La communication des autorités germanophones a toujours été explicite à ce sujet, et ce encore actuellement. Il s’est agi pour la Communauté germanophone d’affirmer clairement l’identité belge de ses habitants : l’expression de l’attachement à la monarchie lui est apparue comme le meilleur moyen d’exprimer l’attachement au pays.

145Par ailleurs, les relations entre l’État belge et les germanophones de Belgique se sont apaisées à partir du début des années 1960  [201]. En 1962, la région, qui avait été largement dévastée par les combats de 1944-1945, a pu percevoir à son tour des dommages de guerre. Surtout, avec les lois du 30 juillet 1963 (relative à l’emploi des langues dans les écoles)  [202] et du 2 août 1963 (créant la région de langue allemande)  [203], il a été mis fin à la politique de francisation qui avait prévalu jusqu’alors  [204]. Ensuite, au fil des réformes de l’État, la Communauté germanophone est devenue une authentique entité fédérée, institutionnellement mise sur le même pied que les deux autres Communautés. Comme on l’a vu, c’est d’ailleurs également au titre de garante de l’autonomie – estimée appréciable – qu’a acquise la Communauté germanophone dans le cadre belge  [205] (il est communément question de « minorité la mieux protégée au monde ») que la figure royale est mobilisée par le décret du 1er octobre 1990. Le 15 novembre 2011, le ministre-président K.-H. Lambertz a ainsi déclaré dans la presse : « Après un demi-siècle très, très mouvementé, très douloureux, on a trouvé une place assez intéressante et épanouissante en Belgique »  [206].

3.1.4. Conclusion

146Il est difficile de dire si l’une des dates qui circulent pour tenter de remplacer le 15 novembre (30 janvier, 20 septembre, 23 octobre ou 31 décembre) parviendra un jour à gagner le statut de nouvelle date de la fête de la Communauté germanophone. Il est en tout cas intéressant de constater que toutes ces propositions alternatives ont un rapport avec l’histoire propre de la région de langue allemande (partiellement partagée, dans le cas du 20 septembre, avec quelques communes du canton de Malmedy  [207]), et en particulier avec sa progressive prise d’autonomie, et non plus un lien avec un symbole commun à l’ensemble de la Belgique. Cela est représentatif du fait que, aujourd’hui, l’état des esprits est sensiblement différent de ce qu’il était au début des années 1990.

147Pour autant que l’on puisse en juger, l’identité belge n’apparaît guère en recul en région de langue allemande. En témoigne ainsi le fait que la Communauté germanophone a décidé, le 15 mars 2017, de se désigner désormais par l’appellation « Ostbelgien » (c’est-à-dire « Est de la Belgique » ou « Belgique de l’Est ») dans sa communication interne et externe  [208]. Certes, le temps est aujourd’hui à une certaine montée en force du sentiment d’appartenance communautaire. Les dirigeants germanophones expriment régulièrement – notamment, bien sûr, à l’occasion de la fête annuelle du 15 novembre – leur volonté de voir la Communauté germanophone être transformée en une Communauté-Région ou, au moins, de voir la région de langue allemande bénéficier de davantage de garanties juridiques de représentation aux niveaux fédéral, régional et provincial  [209]. Cependant, ce mouvement de distanciation se produit vis-à-vis de la Région wallonne et non de l’État belge.

148Le choix d’une date de fête n’est jamais anodin. Il est un authentique message politique, en termes tant d’héritage du passé que de communication dans le présent et de dessein pour l’avenir. En 1990, la Communauté germanophone a exprimé trois éléments : la nécessité qu’elle ressentait de voir la légitimité de son existence être reconnue par tous, le besoin qu’elle éprouvait de bénéficier de la « protection » d’une instance supérieure pour assurer sa place au sein de l’État belge, et la forme certaine de gratitude qu’elle ressentait à l’égard de la Belgique pour le statut d’autonomie acquis. Nul doute que si, à l’avenir, la Communauté germanophone devait se choisir une autre date de fête, le signal qu’elle enverrait par là serait tout autre : il s’agirait désormais de celui d’une entité fédérée qui est pleinement affermie dans le cadre institutionnel belge  [210] et dans son identité, qui est bien davantage sûre d’elle-même et de sa pérennité, et qui, surtout, n’entend pas se contenter des compétences qu’elle a déjà reçues (en provenance de l’Autorité fédérale ou de la Région wallonne) mais, au contraire, se place désormais dans une position de revendication à cet égard.

3.2. La Région de Bruxelles-Capitale

149Si la fête populaire de l’Iris existait depuis le début des années 1990, ce n’est qu’en mars 2003 que la Région de Bruxelles-Capitale s’est dotée d’un jour de fête officiel. Elle est ainsi devenue la dernière entité fédérée belge à prendre une telle initiative. En choisissant de faire référence au 8 mai 1945, la Région bruxelloise a voulu commémorer la fin de la Seconde Guerre mondiale, non en tant qu’événement (la capitulation de l’Allemagne nazie), mais en tant que symbole (la victoire de la démocratie sur le fascisme). Il s’est agi pour elle de promouvoir les valeurs démocratiques et la richesse de la multiculturalité qui la caractérise.

3.2.1. La faible résonance du 8 mai 1945 dans la mémoire collective belge

150La capitulation du Troisième Reich, qui met officiellement un terme à la Seconde Guerre mondiale en Europe, se déroule en deux temps. Les 7 et 8 mai 1945, le Haut commandement des forces armées allemandes est en effet amené à deux reprises à se rendre sans condition et simultanément aux États-Unis, au Royaume-Uni et à l’Union soviétique  [211].

151Le premier acte de reddition est signé à Reims, au petit matin du 7 mai 1945, par le général Alfred Jodl, au nom du Haut commandement allemand et en tant que représentant du nouveau président du Reich, le grand-amiral Karl Dönitz. Toutefois, une fois averti, Joseph Staline se montre très mécontent du fait que cet événement n’ait pas eu pour cadre la capitale allemande, conquise par l’Armée rouge, et pour acteurs de hauts officiers de la Wehrmacht. Il exige alors que le protocole de Reims soit considéré comme un simple prélude à une cérémonie officielle qui se tiendrait à Berlin. Un second acte de capitulation est donc signé à Karlshorst (une banlieue au sud-est de Berlin), le 8 mai 1945 peu avant minuit, par le maréchal Wilhelm Keitel, l’amiral Hans-Georg von Friedeburg et le général Hans-Jürgen Stumpff au nom du Haut commandement allemand. Les deux textes ne diffèrent que légèrement ; ainsi, tous deux stipulent que la capitulation prend cours « à 23h01 heure d’Europe centrale le 8 mai »  [212].

152L’armistice ayant mis fin à la Première Guerre mondiale, le 11 novembre 1918, avait eu une résonance directe sur le vécu des Belges et avait donc été instantanément investi d’une charge mémorielle importante : ce jour-là, des forces allemandes étaient encore présentes sur une grande partie du territoire de la Belgique et, à l’annonce de leur défaite, elles avaient dû entamer leur mouvement de retrait total du pays  [213]. Dès 1922, le Parlement belge avait dès lors décrété que « l’anniversaire de la journée du 11 novembre 1918 sera[it] célébré chaque année comme fête nationale » (c’est-à-dire serait un jour férié)  [214].

153En revanche, les 7 et 8 mai 1945 sont deux dates qui n’ont aucun rapport immédiat avec des événements s’étant déroulés en Belgique : le pays a été libéré en septembre 1944 et la bataille des Ardennes s’est terminée à la fin du mois de janvier 1945. En outre, si, en 1918, la libération du sol national avait été au moins partiellement le fait de l’armée belge, tel n’a pas été le cas en 1944-1945. D’emblée, le 8 mai 1945 apparaît donc comme un jalon de l’histoire militaire et diplomatique de l’Europe et non de l’histoire de la Belgique (même si l’annonce de la capitulation allemande est bien entendu accueillie avec une joie réelle par la population belge  [215]).

154Dès lors, contrairement à la situation qui prévaut par exemple en France  [216], le 8 mai n’est pas érigé au rang de jour férié en Belgique  [217] (à l’exception notable des administrations et des établissements d’enseignement). Certes, des cérémonies commémoratives ont lieu à l’occasion du 8 mai, mais elles sont organisées par les associations d’anciens combattants et non par l’État belge. En outre, ces célébrations restent largement dans l’ombre de celles du 11 novembre (qui, très vite, élargissent leur cadre aux deux guerres mondiales et non plus seulement à celle de 1914-1918).

155Divers éléments du contexte de l’époque contribuent à cette désaffection des autorités belges pour le 8 mai et à cette préférence pour le 11 novembre. Tout d’abord, la priorité de la population et de ses dirigeants va au ravitaillement et à la reconstruction du pays (la Belgique a subi des destructions bien plus nombreuses et étendues qu’au cours de la Première Guerre mondiale)  [218]. Ensuite, la contribution de l’armée nationale à la victoire finale ne se prête guère à des célébrations, puisque la participation des forces belges au conflit s’est pour ainsi dire limitée à la Campagne des Dix-Huit Jours en mai 1940 et qu’elle a eu pour dénouement la décision très controversée du roi Léopold III de capituler le 28 mai 1940 (alors que, au cours de la Grande Guerre, l’armée belge avait tenu derrière l’Yser durant les quatre années du conflit, symbolisant la résistance du pays tout entier, et que le rôle d’Albert Ier comme chef de guerre avait été unanimement salué). Enfin, la période 1940-1944 et ses prolongements sont loin de constituer un symbole de l’unité du pays, notamment en raison de la question de la collaboration et de sa répression et de la Question royale (contrairement aux années 1914-1918 et à leurs lendemains, qui restent dans la mémoire collective comme le temps de l’« union sacrée » patriotique).

156S’y ajoute sans doute le fait que, alors que la fin de la Première Guerre mondiale a un marqueur précis – l’armistice du 11 novembre 1918 –, un certain flou entoure la fixation du terme de la Seconde. En effet, outre les éléments déjà évoqués, rappelons que les combats se sont poursuivis en Asie au-delà de mai 1945. La Seconde Guerre mondiale n’a réellement pris fin que le 2 septembre 1945, jour officiel de la capitulation de l’Empire du Japon (annoncée dès le 15 août précédent, avec ordre aux armées nipponnes de cesser les combats le 17).

157En 1983, le gouvernement Martens V (constitué des partis sociaux-chrétiens et libéraux) supprime l’exception que constituait le congé du 8 mai pour les administrations et les établissements d’enseignement  [219]. Juridiquement, il s’appuie sur une loi du 4 janvier 1974 qui limite par défaut le nombre de jours fériés légaux à dix par an  [220] et sur son arrêté royal d’exécution daté du 18 avril suivant qui établit la liste suivante : 1er janvier, lundi de Pâques, 1er mai, Ascension, lundi de Pentecôte, 21 juillet, Assomption, Toussaint, 11 novembre, Noël  [221]. Idéologiquement, il se fonde sur les raisons budgétaires et économiques mises en avant par les associations patronales  [222]. Pratiquement, il se justifie par le fait, d’une part, que ce jour férié n’avait pas été généralisé et, d’autre part, que le mois de mai compte déjà trois jours fériés (Fête du travail, Ascension et Pentecôte). Le gouvernement retire donc totalement le 8 mai de la liste des jours fériés légaux, et ce en dépit des protestations des associations d’anciens combattants  [223].

158De nos jours, le 8 mai reste très largement éclipsé par le 11 novembre en Belgique. Si des cérémonies commémoratives ont toujours lieu pour l’anniversaire de l’Armistice de 1918, les rituels propres au 8 mai sont par contre rares. Ils se limitent généralement au dépôt d’une gerbe à la flamme du souvenir, devant la colonne du Congrès  [224], par les associations d’anciens combattants. Le souvenir des deux guerres mondiales est ainsi subsumé en une seule date : celle du 11 novembre.

3.2.2. Une date réinvestie par la Région de Bruxelles-Capitale

159En 1991, la Région de Bruxelles-Capitale se dote d’un symbole propre, à savoir l’iris des marais jaune  [225] (en référence au fait que cette plante pousse depuis longtemps dans la vallée de la Senne et qu’elle figure sur « de multiples représentations picturales ou autres ayant trait à Bruxelles ou dues à des artistes bruxellois »  [226]). Il s’agit là pour la toute jeune Région (elle est née deux ans auparavant  [227]) de « consacrer son identité tant vis-à-vis de sa population que vis-à-vis de la population des autres Régions et Communautés de Belgique et de l’étranger »  [228]. En revanche, elle ne se choisit alors pas un jour de fête. Cependant, dans les années qui suivent, apparaît bien vite la tradition de la « fête de l’Iris ». Il s’agit d’une fête non officielle, qui est organisée à une date fluctuante (généralement, le dernier week-end du mois d’avril).

160En octobre 2002, une proposition d’ordonnance est déposée par sept membres du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale : Magda de Galan (PS), Marion Lemesre (MR), Christos Doulkeridis (Écolo) et Benoît Cerexhe (CDH) du côté francophone, et Jan Beghin (CVP), Sven Gatz (VLD) et Adelheid Byttebier (Agalev) du côté néerlandophone  [229]. Ce texte vise à déterminer « de façon définitive » la date à laquelle est fêtée la Région bruxelloise, « afin de renforcer l’attachement de l’ensemble de la population bruxelloise à sa Région et d’accroître la visibilité de[s] institutions démocratiques [bruxelloises] »  [230]. La date préconisée est celle du 8 mai, afin de mettre en avant l’action de la Région de Bruxelles-Capitale en faveur de la démocratie et du multiculturalisme : « [Cette] date symbolique (…) dépasse les limites de notre Région pour s’inscrire dans l’histoire. Le 8 mai 1945, le régime nazi rendait les armes et mettait fin au conflit le plus meurtrier que l’Europe ait jamais connu. Le 8 mai n’est toutefois pas qu’une date symbole de la fin d’une guerre, mais celle de la victoire de l’humanisme et de la démocratie sur l’obscurantisme et le fascisme. (…) Considérant les efforts déployés par [le Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale] pour promouvoir la démocratie, cette date (…) a semblé la plus appropriée pour fêter notre Région et s’inscrire dans notre volonté de développer une Région ouverte sur toutes les cultures et opposée aux extrémistes »  [231].

161L’initiative est accueillie favorablement, tant dans l’assemblée qu’au sein du gouvernement régional. Lors des débats, il est insisté sur le fait que « le choix de cette date ne stigmatise en aucune façon un pays aujourd’hui membre de longue date de l’Union européenne : le 8 mai doit seulement être vu comme le jour de célébration de la victoire de la démocratie contre les “forces obscures” »  [232]. Par ailleurs, l’option d’aligner la date de la fête de la Région bruxelloise sur celle de la Journée de l’Europe, c’est-à-dire le 9 mai  [233], est écartée. Le ministre-président bruxellois, François-Xavier de Donnea (MR), indique : « Nous devons garder notre spécificité bruxelloise, même comme capitale de l’Europe »  [234].

162Adoptée en séance plénière le 21 février 2003  [235] et datée du 13 mars 2003  [236], l’ordonnance dispose en son article 2 que « la fête officielle de la Région de Bruxelles-Capitale est célébrée chaque année le 8 mai ». Absent de la proposition d’ordonnance initiale, l’adjectif « officielle » a été intégré à la demande du gouvernement régional. Il a pour but d’indiquer que la fête de l’Iris sera maintenue : elle aura désormais lieu le week-end le plus proche de la fête officielle, afin de permettre une participation populaire la plus large possible  [237].

3.2.3. Conclusion

163En 2003, la Région de Bruxelles-Capitale devient la dernière entité fédérée de Belgique à prendre l’initiative de se doter d’un jour de fête, après la Communauté flamande en 1973, la Communauté française en 1975, la Communauté germanophone en 1990 et la Région wallonne en 1998. Elle est également la seule entité fédérée à avoir adopté son drapeau avant son jour de fête. Par ailleurs, et contrairement à la Wallonie et à la Flandre (mais à l’instar des Communautés française et germanophone), la Région bruxelloise ne se choisit pas d’hymne.

164Depuis lors, la fête officielle de la Région de Bruxelles-Capitale et la fête populaire de l’Iris sont largement confondues, au point d’être de facto devenues des synonymes l’une de l’autre. Depuis 2019, le 8 mai est un jour férié pour les administrations régionales bruxelloises. Par ailleurs, les fêtes de la Communauté française et de la Communauté flamande continuent à avoir cours dans cette région bilingue  [238] ; un jour férié est accordé par certains employeurs le 27 septembre ou le 11 juillet, selon les cas (cf. supra).

3.3. Éléments de similitude entre les deux processus mémoriels

165Pour fixer la date de leur fête annuelle respective, la Région wallonne, la Communauté française et la Communauté flamande ont chacune pu s’appuyer sur un imaginaire ancien et profond. À la vérité, les choix avaient déjà été posés bien avant par le Mouvement wallon et par le Mouvement flamand, à savoir en 1913 pour le premier et même dès 1893 pour le second. Il ne s’est donc agi pour ces trois entités fédérées, en 1973, 1975 ou 1998, que d’officialiser des mémoires et des pratiques déjà largement ancrées, répandues et reconnues.

166Or, rien de tel dans le cas de la Communauté germanophone et de la Région de Bruxelles-Capitale. Au moment de se choisir un jour de fête, cette situation impose dès lors à ces deux entités fédérées des contraintes auxquelles n’ont pas été soumises les trois autres. Et cela d’autant que l’une comme l’autre doit composer avec un passé singulier. En outre, il convient qu’elle tienne compte des spécificités de sa place au sein de l’État fédéral belge (ainsi, dans le cas de la Région bruxelloise, qu’au sein de l’Union européenne). Ce sont ces différents éléments, et en particulier le fait que ni la Communauté germanophone ni la Région de Bruxelles-Capitale n’ont pu recourir à la fiction préexistante d’un peuple uni et historiquement homogène, qui expliquent les spécificités de ces deux processus mémoriels par rapport à ceux ayant été à l’œuvre aux niveaux wallon, francophone et flamand.

3.3.1. L’absence de mythe du « peuple uni »

167Contrairement à la Wallonie et à la Flandre, ni la Communauté germanophone ni la Région de Bruxelles-Capitale ne peut se prévaloir d’une création qui s’inscrirait dans la lignée d’un mouvement qui daterait d’un siècle ou plus. Lorsqu’elle décide de se doter d’une fête propre, ni l’une ni l’autre n’a donc la possibilité d’investir une référence historique mythifiée qui aurait contribué à la porter sur les fonts baptismaux et dans laquelle elle pourrait à présent enraciner son identité en construction.

168Or l’heure n’est désormais plus à la création relativement aisée de mythes nationaux ou subnationaux. Tout d’abord, l’époque n’est plus à cet esprit de romantisme qui, dans une perspective résolument patriotique puis régionale et par une distorsion (au moins partiellement délibérée) des faits historiques, avait façonné les mémoires successives des Journées de Septembre 1830 et de la bataille des Éperons d’or. Ensuite, les méthodes et visées de la recherche historique ont sensiblement évolué. Enfin, l’éducation critique et l’information des masses ont considérablement progressé. Dans ces conditions nouvelles, la situation dans laquelle se trouvent la Communauté germanophone à la fin du XXe siècle et la Région de Bruxelles-Capitale au début du siècle suivant n’a plus rien à voir avec celle qu’ont connue (et, en quelque sorte, dont ont pu bénéficier) le Mouvement wallon et le Mouvement flamand au XIXe siècle et au début du XXe siècle. En particulier, il ne peut plus être question dorénavant d’avoir recours à l’illusion du « peuple uni », c’est-à-dire du peuple formant un tout cohérent et indivisible (et ce, qui plus est, de façon intemporelle).

169En effet, qui de nos jours aurait l’idée de prétendre que la population de la région bilingue de Bruxelles-Capitale (région qui forme le territoire de la Région bruxelloise) a des caractéristiques séculaires propres et exclusives ? Comment feindre d’ignorer que la détermination de la liste des diverses communes faisant partie de cette région linguistique est récente (à savoir de facto en 1954  [239] et de jure en 1962-1963  [240]) et qu’elle a reposé sur des considérations bien davantage politiques que socio-démographiques  [241] ? Comment aussi faire oublier que, jusqu’alors, ces 19 communes n’avaient jamais constitué un ensemble spécifique ni même n’avaient été considérées comme telles ? Et que donc elles n’avaient pas eu de passé commun et propre avant cette date ? Comment, enfin et peut-être surtout, ne pas prendre en considération la grande diversité culturelle et ethnique qui, depuis plusieurs décennies, fait partie intégrante de la réalité humaine de cette région ? Le constat s’impose donc : la Région de Bruxelles-Capitale n’a nullement la possibilité de trouver, dans le passé un tant soit peu lointain, un événement historique qu’elle pourrait s’approprier pour l’ériger comme fédérateur et fondateur.

170À vrai dire, le passé proche ne peut guère servir davantage la Région de Bruxelles-Capitale. En effet, la genèse, la naissance et le développement de cette entité fédérée ont été largement marqués du sceau des conflits communautaires qui opposent, à l’échelle nationale, francophones et néerlandophones. Dès lors, chacun des jalons de son histoire récente a encore des échos négatifs pour l’une ou l’autre des deux grandes communautés linguistiques et culturelles du pays. Ainsi, il serait inenvisageable de célébrer la loi du 2 août 1963 (qui a fixé les actuelles limites de l’agglomération bruxelloise) ou la loi spéciale du 12 janvier 1989 (qui a donné naissance à la Région de Bruxelles-Capitale). En effet, dans la mémoire francophone, la première loi a constitué un coup de force de la majorité flamande contre la minorité francophone. Côté francophone, des voix s’élèvent d’ailleurs aujourd’hui encore de temps à autre en faveur d’un élargissement de la région bilingue de Bruxelles-Capitale, afin que celle-ci englobe les communes de la périphérie bruxelloise dont une large part de la population a le français pour langue  [242]. Quant à la seconde loi – ainsi que toutes les dispositions qui, à sa suite, ont progressivement octroyé à la Région bruxelloise le plein statut d’entité fédérée et l’ont peu à peu placée sur un pied d’égalité quasi complet avec les autres Régions et avec les Communautés  [243] –, elle n’a jamais été acceptée par une certaine frange du nationalisme flamand, qui la considère comme une concession indue aux francophones. Les neuf années durant lesquelles la Région de Bruxelles-Capitale a été « mise au frigo » (alors que les Régions wallonne et flamande étaient créées dès 1980) et nombre des particularités institutionnelles de celle-ci rappellent à l’envi combien les partis néerlandophones ont longtemps été réticents à voir dans Bruxelles une Région à part entière. Par ailleurs, de façon récurrente, est toujours exprimé le projet flamingant de placer la région bilingue de Bruxelles-Capitale dans un sous-statut (par exemple, celui de territoire géré, non en propre, mais par l’État central ou par les Communautés française et flamande).

171De même que la Région bruxelloise, la Communauté germanophone se trouverait bien en peine de parvenir à mettre à l’honneur, dans le passé ancien, un fait historique ayant concerné l’ensemble de l’actuelle région de langue allemande et uniquement celle-ci. Sous l’Ancien Régime, les territoires qui la composent aujourd’hui étaient en effet partagés entre le duché de Luxembourg, le duché de Limbourg, la principauté abbatiale de Stavelot-Malmedy et l’électorat de Trèves. Ce n’est que depuis leur annexion à la République française, le 1er octobre 1795, que tous ces territoires font partie d’un même pays. Cependant, ni à l’époque française (1795-1814), ni à l’époque de l’occupation des régions belges par les armées coalisées (1814-1815), ni à l’époque prussienne (1815-1919), ces territoires n’ont été considérés comme formant une entité commune (puisqu’ils étaient divisés en cantons ou Kreise sans lien particulier entre eux) et distincte (puisque leur destin se confondait entièrement avec celui d’autres entités, en particulier avec le reste du canton ou Kreis de Malmedy). Tel a également été le cas même durant les premières décennies de l’incorporation à la Belgique, puisque ce n’est qu’à partir de 1963, suite à la création de la région de langue allemande, qu’ils ont commencé à constituer un ensemble commun et spécifique  [244]. Quant aux événements plus récents mais antérieurs à 1973, soit ils n’ont rien de propre à la seule région de langue allemande (par exemple, la création des Communautés culturelles lors de la révision constitutionnelle du 24 décembre 1970), soit ils appartiennent à un passé dont la mémoire est demeurée douloureuse pour une partie de la population de cette région.

3.3.2. La célébration d’un symbole et non d’un événement historique

172Ajoutons encore que la Région de Bruxelles-Capitale doit composer avec une contrainte supplémentaire. En effet, de même qu’elle ne peut retenir un référent historique susceptible – par les souvenirs qu’il évoque ou par les revendications qu’il laisse entendre – de heurter une partie de la Wallonie, de la Communauté française ou de la Flandre, elle doit veiller, en tant qu’autorité d’un territoire abritant le siège de multiples institutions internationales (à commencer par l’Union européenne), à ne se mettre en délicatesse avec aucun des États membres de ces institutions. Il s’agit là également de considérations que le Mouvement wallon et le Mouvement flamand n’avaient nullement eu à prendre en compte.

173Ces multiples raisons expliquent que, en 2003, la Région de Bruxelles-Capitale opte, non pour un événement historique pris en tant que tel, mais pour un événement historique directement et explicitement pris en tant que symbole. Un symbole, qui plus est, dans lequel peuvent se reconnaître non seulement la population de la région bilingue de Bruxelles-Capitale, mais également toutes celles de la Belgique et de l’Europe (sans exclure l’Allemagne), et même le genre humain tout entier. Par sa fête du 8 mai, la Région bruxelloise ne commémore donc pas la fin de la Seconde Guerre mondiale en 1945 ; elle rappelle qu’elle a pour valeurs la démocratie et le multiculturalisme et qu’elle entend œuvrer à voir celles-ci être transmises de génération en génération.

174De même, en ce qui concerne la Communauté germanophone, il faut admettre qu’il aurait été, à la vérité, pour le moins difficile à cette entité fédérée de choisir un autre des « jours de commémoration nationale » belges (pour reprendre les termes du projet de décret d’août 1990) que le 15 novembre. En effet, ceux-ci sont le 21 juillet (inenvisageable pour un jour de fête d’entité fédérée, étant déjà celui de la fête nationale), le 11 novembre (totalement exclu, puisque l’actuelle région de langue allemande faisait partie de l’Empire allemand durant la Première Guerre mondiale)  [245] et, dans une moindre mesure, le 8 mai (également impossible, en raison de la situation particulière des « cantons de l’Est » durant la Seconde Guerre mondiale).

175C’est ainsi que la Communauté germanophone est la seule des entités fédérées belges dont la date de fête fasse référence à un symbole général, et non à un événement historique précis. Elle est aussi la seule dont la fête a pour effet de doubler et de renforcer une fête mémorielle qui préexistait et subsiste dans le cadre belge, plutôt que de s’en approprier une jusqu’alors toujours valorisée par les autorités centrales du pays (dans le cas de la Communauté flamande) ou d’en récupérer une peu ou prou désinvestie par l’État (dans les cas de la Région wallonne, de la Communauté française et de la Région de Bruxelles-Capitale).

Conclusion

176Le jeune État belge n’a pas encore un an lorsque, le 19 juillet 1831, il se dote d’une fête nationale annuelle. Celle-ci doit commémorer les Journées de Septembre 1830, qui ont permis au pays d’accéder à l’indépendance. Parallèlement, deux autres dates s’imposent rapidement dans le calendrier belge comme autant d’occasions supplémentaires de célébrer la jeune nation (en l’occurrence, à travers la figure de son souverain) : le 21 juillet, en souvenir de la prestation de serment du roi Léopold Ier en 1831, et le 16 décembre, jour anniversaire du même Léopold Ier. Il ne s’agit toutefois pas là d’autres « fêtes nationales » à proprement parler : ces deux dates ont un statut de second rang par rapport aux festivités organisées en septembre (elles ne font pas l’objet d’une loi qui les consacrerait et elles ne constituent un jour de congé que dans l’administration et l’enseignement). Cependant, lorsque la Belgique décide de célébrer son premier quart de siècle, elle prend pour point de référence 1831 et non 1830  [246]. Ce premier jubilé se tient donc en juillet 1856 et, cette année-là, la fête nationale officielle de septembre est largement éclipsée par cet événement.

177À la fin du mois d’août 1880, décision est prise de déplacer la fête nationale belge : celle-ci aura dorénavant lieu le troisième dimanche du mois d’août, en commémoration du second jubilé national (qui s’est tenu quelques jours plus tôt, le 16 août 1880). Cette décision s’avérant boiteuse, elle est modifiée une décennie plus tard : le 27 mai 1890, la loi fixe la fête nationale au 21 juillet, jour qui devient dès lors férié pour l’ensemble de la population. Telle est toujours la situation qui prévaut de nos jours.

178Pour sa part, la fête de septembre disparaît donc du calendrier de l’État belge dès 1880. En revanche, la tradition de la fête du Roi se perpétue, même la détermination de sa date évolue au fil du temps. Léopold II retient le 15 novembre (jour de la Saint-Léopold dans le calendrier liturgique germanique). Sous le règne d’Albert Ier, la fête du Roi est tout d’abord placée au 26 novembre (jour de la Saint-Albert dans le calendrier liturgique belge) puis à nouveau au 15 novembre (la mère du souverain étant entre-temps décédée un 26 novembre) puis, enfin, au 27 novembre (nouveau jour de la fête du bienheureux Albert le Grand dans le calendrier liturgique belge). Ce dernier changement s’explique par le fait que la date choisie par la Belgique pour commémorer le souvenir de la Première Guerre mondiale vient d’être modifiée. Initialement, une loi du 19 juillet 1919 a fixé cette nouvelle « fête nationale » (sic) au 4 août : en 1914, ce jour avait été celui de l’invasion de la Belgique par les troupes allemandes et du discours du roi devant les Chambres réunies. Mais une loi du 21 juillet 1922 a opté, en remplacement, pour le 11 novembre, afin de commémorer plutôt l’Armistice de 1918. Depuis l’avènement au trône de Léopold III, le jour de la fête du Roi (appelée « fête de la Dynastie » durant la régence du prince Charles de 1944-1950) n’a plus varié : il s’agit du 15 novembre. Toutefois cette fête n’a aujourd’hui plus les atours d’une « quasi-fête nationale » dont elle avait pu être revêtue au XIXe siècle : ainsi, elle n’a plus guère d’écho dans la population. Par ailleurs, le gouvernement Martens V a décidé en 1983 que le secteur de l’enseignement n’aurait plus congé le 15 novembre (seules les administrations conservant cet avantage). À la même occasion, ce gouvernement a également retiré le 8 mai (jour de la capitulation de l’Allemagne nazie en 1945) de la liste des jours de congé des administrations et de l’enseignement ; pour le reste de la population belge, cette date n’avait jamais été fériée.

179Dès les débuts du processus de fédéralisation de l’État belge, deux des actuelles entités fédérées instituent à leur tour un jour de fête spécifique : la Communauté culturelle néerlandaise (actuelle Communauté flamande) le 6 juillet 1973 et la Communauté culturelle française (actuelle Communauté française) le 20 juillet 1975. La première choisit la date du 11 juillet, en commémoration de la bataille de Courtrai de 1302 (dite bataille des Éperons d’or), et la seconde celle du 27 septembre, en souvenir de l’issue des combats qui avaient opposé les insurgés belges aux troupes hollandaises lors de la Révolution belge de 1830. La Communauté germanophone suit le mouvement le 1er octobre 1990 : elle opte pour la date du 15 novembre, en tant que jour de la fête du Roi. Quant aux deux dernières entités fédérées, la Région wallonne et la Région de Bruxelles-Capitale, leurs décisions datent respectivement du 23 juillet 1998 et du 13 mars 2003. L’une retient le troisième dimanche du mois de septembre afin de consacrer la mémoire des Journées de Septembre 1830 (via la tradition namuroise des fêtes de Wallonie), tandis que l’autre place sa fête au 8 mai en référence à la victoire de la démocratie sur le fascisme en Europe en 1945.

180L’instauration de jours de fêtes propres aux entités fédérées est une pratique peu courante dans les États fédéraux. Sans nul doute le cas de figure belge s’explique-t-il par le fait que le fédéralisme à l’œuvre en Belgique résulte d’une dynamique de dissociation et non d’association  [247].

Annexe 1

181Conseil culturel de la Communauté culturelle française, Proposition de décret fixant la date de la fête de la Wallonie et arrêtant les couleurs de son drapeau ainsi que de ses armes, 6 juillet 1972

182Développement

183La Constitution, récemment modifiée, reconnaît l’existence de la Wallonie.

184Le sentiment d’appartenir à la communauté wallonne est un légitime sentiment de fierté, ainsi qu’une source de devoirs.

185Par ailleurs, l’identité de chaque communauté ethnique doit être perçue par ceux qui en font partie ; c’est là une des conditions de la collaboration et de l’enrichissement mutuel des communautés dans le domaine culturel, ainsi que dans le domaine social. L’Europe se fera au départ d’entités qui auront su garder leur individualité propre, tout en rejetant vigoureusement le nationalisme qui lui a causé tant de dommages.

186Il convient donc que la Wallonie se voie reconnaître officiellement les emblèmes et la fête nationale qui ont été fixés par la décision de l’Assemblée wallonne du 26 mars 1913.

187La fête de la Wallonie est célébrée le dernier dimanche de septembre, en commémoration des Journées de Septembre 1830.

188Le coq rouge sur fond jaune, dont il est question à l’article 2, est le coq hardi dessiné par le baron Paulus à la demande de l’Assemblée wallonne présidée par Jules Destrée.

189Proposition de décret

190Article 1. – La fête de la Wallonie est célébrée le dernier dimanche du mois de septembre. Le jour suivant est un jour férié légal.

191Article 2. – Le drapeau de la Wallonie est jaune, frappé d’un coq rouge à la dextre levée.

192Article 3. – Le drapeau wallon sera arboré sur les bâtiments officiels, dans les mêmes conditions et aux mêmes jours que le drapeau belge.

193Article 4. – La Wallonie a pour armes le coq hardi, de gueules sur fond d’or, avec la légende « Wallon toujours ».

194Article 5. – Le présent décret est d’application dans la région wallonne. Il entre en vigueur le 1 septembre 1971.

195F. Massart

196Madame Lassance

197MM. Defosset, Leroy, Levaux, Defraigne

198Source : Wallonie libre. Mensuel de combat pour un État wallon, 33e année, n° 7, 15 septembre 1972, p. 3.

Annexe 2

199Circulaire du ministre de la Communauté française en charge de l’Enseignement (Robert Urbain, PS), 25 août 1982

200Cabinet du ministre de la Communauté française chargé de l’Enseignement

201- À Messieurs les gouverneurs de province ;

202- À Mesdames et Messieurs les bourgmestres ;

203- Aux directions des établissements organisés et subventionnés par l’État, d’enseignement primaire, secondaire, spécial et supérieur de type court ;

204- Aux membres du service d’inspection de ces établissements.

205Pour information :

206- Aux associations de parents.

207Objet : 27 septembre 1982. Fête de la Communauté française

208La fête de la Communauté française a été fixée au 27 septembre par un décret, adopté le 24 juin 1975 et promulgué le 20 juillet, du Conseil de la Communauté française. Celui-ci a également donné un drapeau officiel à cette Communauté.

209De plus, la Communauté française s’est maintenant dotée d’un exécutif autonome du pouvoir central. Elle est devenue indépendante du gouvernement national et possède des compétences qui lui sont propres.

210À l’approche de cette date, les chefs d’établissements, les professeurs et les éducateurs sont invités à susciter des moments de réflexion centrés sur la signification de cette fête pour la Communauté française dans notre pays, sur le rôle de la Communauté de langue française en Europe et dans le monde.

211Il serait cependant vain de limiter cette sensibilisation aux seules journées qui précèdent ou suivent le 27 septembre : l’effort doit se poursuivre et être exploité en permanence, en fonction des programmes scolaires.

212Durant les années scolaires précédentes, les établissements scolaires de l’État ont reçu une documentation sous forme de « cahiers », destinée à fournir des thèmes qui pouvaient, dans cette optique, être pédagogiquement exploités.

213Une commission interdisciplinaire fut également créée pour rassembler toutes les informations susceptibles de maintenir en éveil et de fortifier cette prise de conscience d’appartenance à la Communauté française.

214Une évocation historique, géographique et culturelle de quelques dizaines de villes wallonnes a été regroupée dans un atlas.

215Le 27 septembre constitue donc dorénavant une date importante pour la Communauté française, date que les communautés éducatives pourront célébrer à loisir puisqu’elle constitue à partir de l’année scolaire 1982-83, un congé obligatoire.

216Il reste que chacun prenne conscience de l’importance pour notre Communauté de découvrir entièrement ses potentialités pour se tracer un avenir aux dimensions de ses légitimes espérances.

217Dans cet ordre d’idées, il est du devoir des enseignants de faire prendre conscience du rôle de notre Communauté aux jeunes dont ils ont la charge.

218Il n’est que naturel d’être fier de son patrimoine culturel.

219Puisse chacun contribuer à donner à la fête de la Communauté française l’éclat qu’elle mérite.

220Le ministre,

221Robert Urbain

Annexe 3 : Législations actuelles

222Loi du 27 mai 1890 fixant l’époque des fêtes nationales

223Article unique. Les fêtes nationales seront célébrées chaque année à la date du 21 juillet, anniversaire de l’inauguration de sa majesté le roi Léopold Ier, et les deux jours suivants. Ceux-ci ne seront pas considérés comme jours fériés.

224(…)

225Décret de la Communauté germanophone du 1er octobre 1990 concernant l’instauration du jour de fête, des armoiries et du drapeau de la Communauté germanophone

226Article 1er. La Communauté germanophone célèbre sa fête chaque année le 15 novembre.

227Article 2. La Communauté germanophone adopte comme armoiries : sur un fond argenté, un lion rouge accompagné de neuf quintefeuilles bleues et surmonté d’une couronne royale.

228Le drapeau de la Communauté germanophone montre un lion rouge accompagné de neuf quintefeuilles bleues, le tout sur fond blanc.

229Les couleurs de la Communauté germanophone sont le blanc et le rouge en position horizontale.

230Article 3. Le drapeau de la Communauté germanophone est arboré le 15 novembre aux édifices publics dans la région de langue allemande de Belgique et, en dehors de cette région, aux édifices qui peuvent être considérés comme ressortissant de la Communauté germanophone en raison de leurs activités ou qui sont mis temporairement à sa disposition.

231Dans la région de langue allemande de Belgique, il sera de plus arboré par les bâtiments officiels aux mêmes conditions et aux mêmes jours que le drapeau national belge.

232Décret flamand du 7 novembre 1990 portant fixation des armoiries, du drapeau, de l’hymne et du jour de fête de la Communauté flamande

233Article 1er. Le présent décret règle une matière visée à l’article 59bis de la Constitution.

234Article 2. La Communauté flamande a des armoiries, un drapeau, un hymne et un jour de fête.

235Article 3. La Communauté flamande a comme armoiries : d’or au lion de sable, armé et lampassé de gueules.

236Article 4. Le drapeau de la Communauté flamande est jaune au lion noir, armé et lampassé de gueules.

237Article 5. L’hymne de la Communauté flamande est constitué des deux premières strophes du chant « De Vlaamse Leeuw », texte d’Hippoliet van Peene et musique de Karel Miry.

238Lors des cérémonies officielles organisées à l’occasion du jour de fête de la Communauté flamande, par la Communauté flamande, la Région flamande, la Commission communautaire flamande, une province ou une commune de la région de langue néerlandaise, l’hymne de la Communauté flamande est exécuté, soit au début de la cérémonie, soit à sa fin.

239L’hymne de la Communauté flamande est également exécuté, soit au début, soit à la fin des cérémonies officielles organisées par la Communauté flamande, la Région flamande, la Commission communautaire flamande, une province ou une commune de la région de langue néerlandaise, aux dates où, en application de l’article 6bis, le drapeau de la Communauté flamande doit être arboré.

240Article 6. La fête de la Communauté flamande est célébrée le 11 juillet.

241Article 6bis. Le 11 juillet, le drapeau de la Communauté flamande est arboré aux édifices publics dans la région de langue néerlandaise. En outre, ce drapeau est arboré le 11 juillet dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale :

2421° aux bâtiments publics où sont établis des services du gouvernement flamand ou du Parlement flamand ou des institutions qui relèvent de la Communauté flamande ou de la Région flamande ;

2432° aux bâtiments publics où sont établies des institutions qui, en raison de leurs activités ou de leur organisation, doivent être considérées comme appartenant exclusivement à la Communauté flamande.

244Dans les régions susvisées, le drapeau de la Communauté flamande est arboré également aux édifices publics susmentionnés aux mêmes dates et aux mêmes conditions que les drapeaux belge et européen.

245Lorsque le drapeau belge ou le drapeau européen est hissé sur un édifice public visé au premier alinéa, il faut également hisser le drapeau de la Communauté flamande, même à l’occasion d’un événement non officiel.

246Le gouvernement flamand peut ordonner le pavoisement des édifices publics mentionnés aux alinéas précédents à d’autres dates.

247Les gouverneurs de province sont chargés du contrôle de l’observation du présent décret par les provinces et les communes dans la région linguistique néerlandophone. En cas de carence de la part des autorités provinciales ou communales, ils peuvent exécuter d’office les mesures prescrites par le présent décret.

248(…)

249Décret de la Communauté française du 3 juillet 1991 déterminant le jour de fête et les emblèmes propres à la Communauté française de Belgique

250Article 1er. La fête de la Communauté française de Belgique est célébrée chaque année le 27 septembre.

251Article 2. Les armoiries de la Communauté française sont d’or au coq hardi de gueules ; elles sont représentées conformément au modèle figurant en annexe 1 du présent décret. Le coq hardi de ces armoiries peut être utilisé isolément comme symbole de la Communauté.

252Article 3. Le sceau de la Communauté française porte le coq hardi de ses armoiries avec la légende « Communauté française de Belgique ». Cette légende est inscrite entre deux filets dans le sens des aiguilles d’une montre conformément au modèle figurant en annexe 2 du présent décret.

253Article 4. Le drapeau de la Communauté française est jaune au coq hardi rouge.

254Conformément au modèle figurant en annexe 3 du présent décret, ce drapeau a les proportions deux : trois ; le coq hardi est inscrit dans un cercle non apparent dont le centre coïncide avec celui du tablier, dont le diamètre est égal au guindant et dont la circonférence passe par les extrémités des pennes supérieures et inférieures de la queue et par l’extrémité de la patte levée.

255L’horizontalité du coq est déterminée par une droite non apparente joignant le sommet de sa crête à l’extrémité de la penne supérieure de la queue.

256Article 5. Le drapeau de la Communauté française est arboré le 27 septembre aux édifices publics de la région de langue française.

257Dans la même région, il est également arboré sur les bâtiments officiels dans les mêmes conditions et aux mêmes dates que le drapeau national.

258Dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale, le drapeau de la Communauté française est arboré le 27 septembre aux édifices publics où sont établies les institutions qui doivent être considérées comme appartenant, exclusivement à la Communauté française de Belgique.

259L’exécutif peut ordonner le pavoisement, à d’autres dates, des édifices publics visés aux alinéas précédents.

260Article 6. Les hautes autorités et les représentants officiels de la Communauté française de Belgique peuvent faire usage, dans l’exercice de leurs fonctions, d’une marque honorifique distinctive. Cette marque, conforme au modèle figurant en annexe 4 du présent décret, consiste en un fanion aux proportions vingt-six : trente, construit comme le drapeau décrit à l’article 4 et garni d’une frange jaune et rouge.

261(…)

262Décret wallon du 23 juillet 1998 déterminant le jour de fête et les emblèmes propres à la Région wallonne

263Article 1er. La fête de la Région wallonne est célébrée chaque année le troisième dimanche du mois de septembre.

264Article 2. Les armoiries de la Région wallonne sont d’or au coq hardi de gueules ; elles sont représentées conformément au modèle figurant en annexe 1 du présent décret. Le coq hardi de ces armoiries peut être utilisé isolément comme symbole de la Région.

265Article 3. Le sceau de la Région wallonne porte le coq hardi de ses armoiries avec la légende « Région wallonne ».

266Cette légende est inscrite entre deux filets conformément au modèle figurant en annexe 2 du présent décret.

267Article 4. Le drapeau de la Région wallonne est jaune au coq hardi rouge.

268Conformément au modèle figurant en annexe 3 du présent décret, ce drapeau a les proportions deux : trois ; le coq hardi est inscrit dans un cercle non apparent dont le centre coïncide avec celui du tablier, dont le diamètre est égal au guindant et dont la circonférence passe par les extrémités des pennes supérieures et inférieures de la queue et par l’extrémité de la patte levée.

269L’horizontalité du coq est déterminée par une droite non apparente joignant le sommet de sa crête à l’extrémité de la penne supérieure de la queue.

270Le drapeau de la Région est arboré le troisième dimanche de septembre aux édifices publics situés sur le territoire de la Région wallonne.

271Dans la même Région, il est également arboré sur les bâtiments officiels dans les mêmes conditions et aux mêmes dates que le drapeau national.

272Le gouvernement wallon peut ordonner le pavoisement, à d’autres dates, des édifices visés aux alinéas précédents.

273Article 5. Les hautes autorités et les représentants officiels de la Région wallonne peuvent faire usage, dans l’exercice de leurs fonctions, d’une marque honorifique distinctive. Cette marque, conforme au modèle figurant en annexe 4 du présent décret, consiste en un fanion aux proportions vingt-six : trente, construit comme le drapeau décrit à l’article 4 et garni d’une frange jaune et rouge.

274Article 6. L’emblème floral de la Région wallonne est la gaillarde ou gaillardia, rouge et jaune.

275Ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 13 mars 2003 déterminant le jour de fête de la Région de Bruxelles-Capitale

276Article 1er. La présente ordonnance règle une matière visée à l’article 39 de la Constitution.

277Article 2. La fête officielle de la Région de Bruxelles-Capitale est célébrée chaque année le 8 mai.

278Article 3. Le drapeau de la Région de Bruxelles-Capitale est arboré le 8 mai aux édifices publics de la Région de Bruxelles-Capitale.

Notes

  • [1]
    La principale – et apparemment la seule – exception est le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, qui n’a pas de fête nationale officielle. Toutefois, chacune des quatre nations constitutives (constituent nations) de ce pays a sa fête spécifique : Angleterre, Écosse, Irlande du Nord et Pays de Galles.
  • [2]
    La fête de la Catalogne est la seule à porter le nom de « fête nationale ». Au Canada, il en va de même, parmi les fêtes de province et de territoire, de celle du Québec.
  • [3]
    La dénomination de ces deux entités fédérées a été changée en « Communauté française » et « Communauté flamande » par la modification constitutionnelle du 11 juillet 1980 (Moniteur belge, 18 juillet 1980), et celle de leurs organes législatifs en « Conseils » par la même modification constitutionnelle puis en « Parlements » par celle du 25 février 2005 (Moniteur belge, 11 mars 2005). Précisons encore que, le 25 mai 2011, la Communauté française a décidé d’adopter la dénomination « Fédération Wallonie-Bruxelles » dans sa communication interne et externe ; cette appellation n’a toutefois pas de valeur constitutionnelle et ne sera donc pas employée dans la présente publication.
  • [4]
    Modification à la Constitution du 24 décembre 1970, Moniteur belge, 31 décembre 1970.
  • [5]
    Loi du 21 juillet 1971 relative à la compétence et au fonctionnement des conseils culturels pour la Communauté culturelle française et pour la Communauté culturelle néerlandaise, Moniteur belge, 23 juillet 1971.
  • [6]
    Avis du Conseil d’État du 4 octobre 1972 (non reproduit dans les documents parlementaires ; cf. le site Internet du Conseil d’État, www.raadvst-consetat.be). Cf. aussi l’avis du Conseil d’État du 30 avril 1975 (reproduit dans Conseil culturel de la Communauté culturelle française, Commission de la Politique générale, Proposition de décret relative au drapeau et à la date de la fête de la Communauté culturelle française. Rapport, n° 47/2, 24 juin 1975, p. 7-8 : ici, cf. p. 7).
  • [7]
    Avis du Conseil d’État du 7 novembre 1995 (reproduit dans Vlaams Parlement, Ontwerp van decreet tot wijziging van het decreet van 7 november 1990 houdende vaststelling van het wapen, de vlag, het volkslied en de feestdag van de Vlaamse Gemeenschap, n° 266/1, 20 mars 1996, p. 10-15 : ici, cf. p. 12).
  • [8]
    Conseil culturel de la Communauté culturelle française, Commission de la Politique générale, Proposition de décret fixant la date de la fête de la Communauté culturelle française et arrêtant les couleurs de son drapeau ainsi que ses armoiries. Rapport, s.d. [11 février 1975] (reproduit dans Conseil culturel de la Communauté culturelle française, Commission de la Politique générale, Proposition de décret relative au drapeau et à la date de la fête de la Communauté culturelle française. Rapport, n° 47/2, 24 juin 1975, p. 9-11 : ici, cf. p. 9).
  • [9]
    À l’exception de la Région flamande qui, dès sa création effective en 1980, a transféré l’exercice de l’ensemble de ses compétences à la Communauté flamande en application de l’article 59bis, § 1er, alinéas 2 et 3, de la Constitution (actuel article 137) et n’est dès lors plus qu’une coquille vide : elle existe certes sur le papier, mais dans les faits elle n’a ni compétences, ni institutions, ni mandataires, ni moyens propres.
  • [10]
    Il est vrai que, si la Communauté française et Communauté flamande ont vu le jour en 1971 (et la Communauté germanophone en 1973), tel n’a été le cas de la Région wallonne qu’en 1980 et de la Région de Bruxelles-Capitale qu’en 1989.
  • [11]
    L’adoption d’hymnes propres à chaque entité fédérée est courante dans les États fédéraux (Allemagne, États-Unis, Suisse, etc.).
  • [12]
    Pour une présentation de l’ensemble des marqueurs identitaires propres aux différentes composantes de l’État fédéral belge (drapeaux, armoiries, hymnes, fêtes, devises, etc.) et de leurs évolutions, cf. S. Dubois, J. Janssens, A. Minke, La Belgique en scène. Symboles, rituels, mythes (1830-2005), Bruxelles, Archives générales du Royaume, 2005.
  • [13]
    Longtemps, la Région de Bruxelles-Capitale a fait exception à cette règle. Ce n’est plus le cas depuis 2019, en vertu d’un accord sectoriel conclu en décembre 2018.
  • [14]
    Cela ne vaut évidemment que pour les Communautés française et germanophone, la fête de la Communauté flamande tombant pendant les vacances scolaires d’été.
  • [15]
    En Région wallonne, le congé des fonctionnaires travaillant dans les administrations régionales et locales est fixé au 27 septembre, soit le jour de la fête de la Communauté française (cf. Code de la fonction publique wallonne, article 375 ; Service public de Wallonie, Direction générale opérationnelle des Pouvoirs locaux, de l’Action sociale et de la Santé, Circulaire [du ministre wallon des Pouvoirs locaux et de la Ville] relative aux congés et dispenses dans la fonction publique locale et provinciale, 11 février 2010, [p. 6], http://pouvoirslocaux.wallonie.be).
  • [16]
    En l’occurrence, cette matière est réglée par la loi du 4 janvier 1974 relative aux jours fériés (Moniteur belge, 31 janvier 1974) et par l’arrêté royal du 18 avril 1974 déterminant les modalités générales d’exécution de cette loi (Moniteur belge, 24 avril 1974).
  • [17]
    S. Balthazar, M. Schonnartz, Vacances annuelles et jours fériés : réglementation du travail, Waterloo, Kluwer, 2018, p. 201 et 233-239.
  • [18]
    Chambre des représentants, Déclaration du gouvernement fédéral, n° 20/1, 14 juillet 2003, p. 12.
  • [19]
    Sénat, Questions et réponses, n° 67, 23 mai 2006, p. 6799 : réponse du ministre fédéral de l’Emploi à la question n° 4759 d’Annemie Van de Casteele (VLD) du 31 mars 2006.
  • [20]
    Chambre des représentants, Proposition de résolution relative à la reconnaissance des fêtes des Communautés et des Régions comme jours fériés légaux, n° 1574/1, 19 octobre 1994 (texte déposé par la Volksunie) ; Chambre des représentants, Proposition de loi modifiant la loi du 4 janvier 1974 relative aux jours fériés afin d’instituer pour les travailleurs un jour férié payé le jour de la fête de leur Communauté, n° 1765/1, 28 janvier 2009 et n° 2324/1, 4 juillet 2012 (textes déposés par la N-VA).
  • [21]
    Chambre des représentants, Proposition de loi instaurant un jour férié rémunéré le 11 juillet, n° 619/1, 31 juillet 1992, n° 308/1, 13 décembre 1995 et n° 228/1, 4 novembre 1999 ; Sénat, Proposition de loi instaurant un jour férié rémunéré le 11 juillet, n° 61/1, 7 septembre 1995 et n° 61/1, 7 septembre 1999 ; Chambre des représentants, Proposition de loi modifiant la loi du 4 janvier 1974 relative aux jours fériés et l’arrêté royal du 18 avril 1974 déterminant les modalités générales d’exécution de la loi du 4 janvier 1974 relative aux jours fériés, afin de faire des 11 juillet, 27 septembre et 15 novembre des jours fériés légaux, n° 72/1, 14 juillet 2003 ; Sénat, Proposition de loi modifiant la législation relative aux jours fériés afin de faire des 11 juillet, 27 septembre et 15 novembre des jours fériés légaux, n° 783/1, 30 juin 2004. Cf. aussi infra, note 26.
  • [22]
    Sénat, Proposition de loi modifiant la législation relative aux jours fériés, n° 208/1, 29 novembre 1999 ; Chambre des représentants, Proposition de loi complétant la loi du 4 janvier 1974 relative aux jours fériés afin que le premier jour de remplacement soit prioritairement fixé de manière à ce qu’il coïncide avec un jour férié communautaire, n° 972/1, 29 mars 2004 et n° 672/1, 11 janvier 2008 ; Sénat, Proposition de loi modifiant l’article 4 de la loi du 4 janvier 1974 relative aux jours fériés, n° 624/1, 2 avril 2004 ; Sénat, Proposition de loi complétant la loi du 4 janvier 1974 relative aux jours fériés en vue de fixer prioritairement le premier jour de remplacement à la date d’un jour férié communautaire, n° 696/1, 14 mai 2004 et n° 394/1, 13 novembre 2007.
  • [23]
    Du côté francophone, seule est à signaler l’initiative d’un député indépendant (cf. Chambre des représentants, Proposition de loi modifiant la loi du 4 janvier 1974 relative aux jours fériés et l’arrêté royal du 18 avril 1974 déterminant les modalités générales d’exécution de la loi du 4 janvier 1974 relative aux jours fériés, n° 1707/1, 2 août 2011).
  • [24]
    Vlaams Parlement, Resolutie betreffende de erkenning van de officiële feestdag van de Vlaamse Gemeenschap als betaalde feestdad, [n° 246/3], 10 juillet 1996. Concernant les suites données à ce texte, cf. Chambre des représentants, Proposition de loi modifiant l’article 1er de l’arrêté royal du 18 avril 1974 déterminant les modalités générales d’exécution de la loi du 4 janvier 1974 relative aux jours fériés, n° 1134/1, 30 juin 1997 et n° 1350/1, 12 juillet 2001 (textes déposés par la Volksunie) et n° 30/1, 26 juin 2006 (texte déposé par la N-VA).
  • [25]
    En réponse à la question écrite d’un député flamand N-VA, le ministre-président flamand Kris Peeters (CD&V) a déclaré en 2010 que son gouvernement était favorable à cette idée, à la condition de parvenir à un consensus avec les interlocuteurs sociaux afin de résoudre les problèmes pratiques et économiques qu’impliquerait sa mise en œuvre (Vlaams Parlement, Antwoord van de minister-president van de Vlaamse Regering op schriftelijke vraag n° 235 van M. Hendrickx van 20 mei 2010, 4 août 2010).
  • [26]
    Cf. Chambre des représentants, Proposition de résolution visant à supprimer le jour férié légal payé du 21 juillet et à le remplacer par le 11 juillet pour la Communauté flamande, le 27 septembre pour la Communauté française et le 15 novembre pour la Communauté germanophone, n° 1963/1, 18 juillet 2002, n° 71/1, 14 juillet 2003, n° 360, 13 novembre 2007 et n° 918/1, 21 décembre 2010 ; Sénat, Proposition de résolution visant à supprimer le jour férié légal payé du 21 juillet et à le remplacer par le 11 juillet pour la Communauté flamande, le 27 septembre pour la Communauté française et le 15 novembre pour la Communauté germanophone, n° 783/1, 30 juin 2004, n° 1445/1, 7 octobre 2009 et 772/1, 14 février 2011 ; Chambre des représentants, Proposition de loi modifiant l’arrêté royal du 18 avril 1974 déterminant les modalités générales d’exécution de la loi du 4 janvier 1974 relative aux jours fériés, en ce qui concerne le remplacement du 21 juillet en tant que jour férié légal, n° 420/1, 22 novembre 2007, n° 994/1, 5 janvier 2011 et n° 640/1, 19 novembre 2014 (tous ces textes ont été déposés par le Vlaams Blok puis Vlaams Belang).
  • [27]
    À ce sujet, cf. notamment, parmi la vaste littérature scientifique existante, P. Nora, « L’ère de la commémoration », in P. Nora, (dir.), Les lieux de mémoire, tome 3 : Les France, volume 3 : De l’archive à l’emblème, Paris, Gallimard, 1992, p. 977-1012 ; A. Corbin, N. Gérôme, D. Tartakowsky (dir.), Les usages politiques des fêtes aux XIXe-XXe siècles, Paris, Publications de la Sorbonne, 1994 ; X. Mabille, Mémoire et histoire, Bruxelles, CRISP (Dossier n° 55), 2002 ; P. Ricœur, La mémoire, l’histoire, l’oubli, Paris, Seuil, 2003 ; L. van Yperzele (dir.), Imaginaires de guerre. L’histoire entre mythe et réalité, Louvain-la-Neuve/ Bruxelles, Academia-Bruylant, 2003 ; P. Nora, Présent, nation, mémoire, Paris, Gallimard, 2011 ; N. Farhat, M. Cimino, « Les attributs du passé et la genèse des mémoires collectives » et G. Grandjean, « Mémoires et contraintes déclinées. Classification des instruments mémoriels en Belgique et en France », in G. Grandjean, G. Henrard, J. Paulus (dir.), Mémoires déclinées. Représentations, actions, projections, Liège, Les territoires de la mémoire, 2016, p. 19-30 et 97-115. Pour des exemples relatifs à la Belgique (et outre nombre des publications référencées dans É. Bousmar, N. Tousignant, « Mémoires nationales et identités flamandes, belges et wallonnes. Essai de bibliographie choisie », in É. Bousmar, S. Dubois, N. Tousignant (dir.), Les 175 ans de la Belgique. Histoire d’une commémoration et commémoration d’une histoire : regards critiques, Bruxelles, Facultés universitaires Saint-Louis, 2007, p. 163-200 ou infra), cf. entre autres O. Luminet (dir.), Belgique-België : un État, deux mémoires collectives ?, Wavre, Mardaga, 2012.
  • [28]
    De jure, l’autonomie de la principauté de Catalogne fut abolie par le décret de Nueva Planta du 16 janvier 1716.
  • [29]
    Cf. R. Lejeune, « Naissance d’un chant et d’un drapeau », in La Wallonie : le pays et les hommes, 2e partie : R. Lejeune, J. Stiennon (dir.), Lettres, arts, culture, tome 4 : Compléments, s.l. [Bruxelles], La Renaissance du livre, 1981, p. 481-488 ; P. Carlier, « La Wallonie à la recherche d’une fête nationale. Un épisode du Mouvement wallon à l’aube du XXe siècle », Revue belge de philologie et d’histoire, volume 68, n° 4, 1990, p. 902-921 ; J. Stengers, « La Révolution de 1830 » et A. Morelli, « La construction des symboles “patriotiques” de la Belgique, de ses Régions et de ses Communautés », in A. Morelli (dir.), Les grands mythes de l’histoire de Belgique, de Flandre et de Wallonie, Bruxelles, Vie ouvrière, 1995, p. 139-148 et 191-203 ; P. Delforge, « Fêtes de la Wallonie », in P. Delforge, P. Destatte, M. Libon (dir.), Encyclopédie du Mouvement wallon, tome 2, Charleroi, Institut Jules Destrée, 2000, p. 627-632 ; J. Fransen, « La genèse des symboles de la Communauté française et l’affirmation d’une identité francophone à Bruxelles (1972-1975) », in E. Witte, A. Mares (dir.), 19 keer Brussel / 19 fois Bruxelles / 19 times Brussels, Bruxelles, VUBPress, 2001, p. 205-244 ; J. Janssens, De helden van 1830: alle feiten en mythes, Amsterdam/Anvers, Meulenhoff/Manteau, 2005 ; J. Janssens, « La commémoration des Journées de Septembre : rituel belge, bruxellois, wallon ou francophone ? », in É. Bousmar, S. Dubois, N. Tousignant (dir.), Les 175 ans de la Belgique, op. cit., p. 29-46.
  • [30]
    Au début de l’année 1814, les armées des puissances européennes coalisées contre Napoléon Ier avaient conquis les neuf départements belges et les avaient de facto détachés de la France. Deux régimes de tutelle provisoire avaient alors été instaurés : les territoires belges situés à l’ouest de la Meuse avaient été placés sous l’autorité du « gouvernement général (ou provisoire) de la Belgique » institué par les Anglo-Néerlandais, tandis que ceux sis à l’est du fleuve avaient été placés sous l’autorité du « gouvernement du Bas-Rhin et du Rhin-Moyen » dépendant des Prussiens. Le 1er août 1814, Guillaume Frédéric d’Orange-Nassau (par ailleurs prince souverain des Provinces-Unies des Pays-Bas depuis le 6 décembre 1813) a pris possession des territoires belges en qualité de gouverneur général de la Belgique. Il est ensuite devenu roi des Pays-Bas, sous le nom de Guillaume Ier, lorsque, par arrêté du 16 mars 1815, il a procédé à la réunion de « tous les pays [lui] appartenant » au sein d’un nouveau royaume (décision avalisée huit jours plus tard par les puissances européennes alors réunies en congrès dans la capitale autrichienne). Le 12 mai 1815, en vertu des dispositions décidées par le Congrès de Vienne, et sans même attendre l’acte final de celui-ci, Guillaume Ier a pris possession des territoires de l’est qui avaient été jusqu’alors administrés par la Prusse (et qui comprenaient, notamment, le Grand-Duché de Luxembourg, cf. infra).
  • [31]
    Après 1839, l’habitude sera parfois prise de désigner cet État sous le nom de « royaume uni des Pays-Bas », pour le distinguer de l’actuel royaume des Pays-Bas.
  • [32]
    Le gentilé officiel de l’ensemble des sujets du royaume des Pays-Bas est « Belge » en français et « Nederlander » en néerlandais (si l’on s’en réfère, par exemple, au code civil adopté en 1822). Toutefois, en français, l’habitude a rapidement été prise de réserver le nom de « Belges » aux seuls habitants des provinces méridionales, tandis que ceux des provinces septentrionales sont communément appelés « Hollandais » dans cette langue (cf. S. Dubois, L’invention de la Belgique. Genèse d’un État-nation, 1648-1830, Bruxelles, Racine, 2005, p. 148-170).
  • [33]
    Ce point s’appuie sur A. Cordewiener, « 1830 en Wallonie », in La Wallonie : le pays et les hommes, 1re partie : H. Hasquin (dir.), Histoire, économies, sociétés, tome 2 : De 1830 à nos jours, 2e édition, s.l. [Bruxelles], La Renaissance du livre, 1980, p. 11-22 ; J. Stengers, Histoire du sentiment national en Belgique des origines à 1918, tome 1 : Les racines de la Belgique jusqu’à la Révolution de 1830, Bruxelles, Racine, 2000, p. 189-206 et 228-230 ; E. Witte, La construction de la Belgique, 1828-1847, Bruxelles, Le Cri (Nouvelle histoire de Belgique), 2010, p. 53-67, 185-186 et 199-204 ; X. Mabille, Nouvelle histoire politique de la Belgique, Bruxelles, CRISP, 2011, p. 66-82 et 92-101.
  • [34]
    Guillaume Ier avait confié la tâche de remanier la Grondwet de la Principauté souveraine des Provinces-Unies des Pays-Bas du 29 mars 1814 à une commission composée à parts égales de Hollandais et de Belges. Toutefois, le texte ainsi obtenu avait été rejeté par l’assemblée de notables belges à laquelle il avait été soumis (par 796 voix contre 527). Le roi avait alors eu recours à un subterfuge lui permettant de transformer la minorité en majorité : il avait considéré les 280 absentions comme autant d’approbations et avait déclaré nuls les 126 votes négatifs motivés pour des raisons religieuses. En avait ainsi résulté un nouveau résultat de 807 voix contre 670, sur lequel le roi s’était appuyé pour promulguer la constitution. Il est à noter que ce sont essentiellement les provinces flamandes qui s’étaient opposées au projet, au nom de la défense de la religion catholique ; pour leur part, les provinces wallonnes avaient eu une attitude plus divisée.
  • [35]
    Le Congrès national est une assemblée constituante jusqu’à la promulgation de la Constitution, le 7 février 1831 ; il poursuit ensuite ses travaux en tant que pouvoir législatif jusqu’en septembre 1831.
  • [36]
    Le Congrès de Vienne du 9 juin 1815 avait donné au Luxembourg un statut d’entité politique à part : il l’avait érigé en un grand-duché intégré à la Confédération germanique et l’avait attribué au roi des Pays-Bas à titre de bien patrimonial. En dépit de ce caractère d’État distinct des Pays-Bas, le Grand-Duché avait été dans les faits gouverné par Guillaume Ier comme s’il se fût agi de la dix-huitième province de son royaume. En 1830, le Luxembourg a pris part à la Révolution belge (hormis sa capitale, tenue par une garnison prussienne) et, jusqu’en 1839, le pays a vécu sous administration belge (sauf dans la ville de Luxembourg, demeurée sous autorité hollandaise). Le Traité de Londres impose une séparation en deux entités distinctes : les actuels grand-duché et province belge de Luxembourg.
  • [37]
    Citation extraite de C. de Leutre, Histoire de la Révolution belge de 1830, tome 1, Bruxelles, Jamar, s.d. [c. 1849], p. 7.
  • [38]
    La thèse d’une révolution essentiellement nationale sous-tend toujours certaines publications contemporaines (cf. par exemple J. Logie, 1830. De la régionalisation à l’indépendance, Paris/Gembloux, Duculot, 1980 ; J. Stengers, Histoire du sentiment national en Belgique des origines à 1918, op. cit.). Elle a connu sa plus célèbre incarnation dans l’entre-deux-guerres avec H. Pirenne, Histoire de Belgique, tome 6 : La conquête française, le Consulat et l’Empire, le royaume des Pays-Bas [et] la Révolution belge, Bruxelles, Lamertin, 1926, p. 363-456. Depuis l’ouvrage de M. Bologne, L’insurrection prolétarienne en Belgique, Bruxelles/Liège, L’Églantine, 1929, les facteurs socio-économiques ne sont cependant plus ignorés par la littérature scientifique (cf. E. Witte, « 1830 en Belgique : une insurrection prolétarienne ? La réponse des historiens », in A. Morelli (dir.), Rebelles et subversifs de nos régions, des Gaulois jusqu’à nos jours, Charleroi, Couleur livres, 2011, p. 112-129).
  • [39]
    En 1832 par exemple, le gouvernement belge passe commande d’un tableau monumental intitulé « Épisode des Journées de Septembre 1830 sur la place de l’hôtel de ville de Bruxelles » au peintre Gustave Wappers (cf. J. Ogonovszky, « Le peintre officiel en Belgique au XIXe siècle : une fonction à charges multiples », Revue belge de philologie et d’histoire, volume 79, n° 2, 2001, p. 582). Présentée en 1835, cette œuvre devient très vite célèbre.
  • [40]
    Moniteur belge, 21 juillet 1831. Cf. aussi É. Huyttens (éd.), Discussions du Congrès national de Belgique, 1830-1831, tome 3, Bruxelles, Société typographique belge, 1844, p. 587-588.
  • [41]
    Cela essentiellement afin de contenter la ville de Louvain (ibidem, p. 588).
  • [42]
    Cf. L. S. Hymans, XXVe anniversaire de l’inauguration du roi. Les fêtes de juillet : compte rendu des solennités et cérémonies publiques célébrées à Bruxelles les 21, 22 et 23 juillet 1856, Bruxelles, Jamar, s.d. [1856] ; A. Van Hasselt, Cérémonies et fêtes qui ont eu lieu à Bruxelles, du 21 au 23 juillet 1856 à l’occasion du XXVe anniversaire de l’inauguration de Sa Majesté le roi Léopold Ier, précédé d’un résumé historique des vingt-cinq premières années du règne du roi, Bruxelles, Géruzet, 1856.
  • [43]
    Plus tard, les fêtes jubilaires belges se tiendront en 1930 – mais pas en 1955, en raison de la proximité avec l’Exposition universelle et internationale de Bruxelles à venir trois ans plus tard –, en 1980 et en 2005 (cf. M. Beyen, « Féconder l’avenir par le passé. La politique commémorative de l’État belge pendant les années jubilaires 1880, 1905 et 1930 », in G. Kurgan-VanHentenryk, V. Montens (dir.), L’argent des arts. La politique artistique des pouvoirs publics en Belgique de 1830 à 1940, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 2001, p. 73-88 ; M. Beyen, « Une nation en vacances dans son propre passé. Les festivités 175/25 situées dans la tradition jubilaire en Belgique », in É. Bousmar, S. Dubois, N. Tousignant (dir.), Les 175 ans de la Belgique, op. cit., p. 47-58).
  • [44]
    La place Saint-Michel est devenue la place des Martyrs le 2 octobre 1830 (puis, officiellement, le 30 juillet 1831), après que les dépouilles de quelques centaines de victimes des combats de septembre ont été ensevelies sous ses pavés.
  • [45]
    G.-H. Dumont, Le miracle belge de 1848, Bruxelles, Le Cri, 2005, p. 202. Le Printemps des peuples est une vague de soulèvements révolutionnaires qui touche de nombreux pays ou régions d’Europe durant l’année 1848 : France (où, en février, une révolution met fin à la Monarchie de Juillet et installe la Deuxième République), États italiens, Confédération germanique, Prusse, Autriche, Hongrie, Pologne, etc. La Belgique est l’un des rares États qui ne connaissent guère de troubles à cette occasion ; le fait le plus marquant qui s’y produit est une courte échauffourée, le 28 mars dans le hameau de Risquons-Tout (à la frontière franco-belge, aujourd’hui dans la commune de Mouscron), entre la « légion républicaine belge », composée de quelques centaines de révolutionnaires belges partis de Paris pour renverser la monarchie belge et établir une république en Belgique, et un détachement d’infanterie de l’armée belge.
  • [46]
    XVIIIe anniversaire de l’indépendance belge. Les fêtes de septembre illustrées, ou Description historique et pittoresque du grand cortège national, suivi du compte rendu des fêtes et cérémonies publiques, Bruxelles, Jamar, s.d. [1849], p. 9. Le fil conducteur thématique retenu étant d’évoquer « l’histoire complète du développement de la civilisation nationale » (ibidem, p. 9), les spectateurs voient successivement défiler les chars du Luxembourg (figurant la chasse), du Limbourg (élevage du bétail), de la Flandre occidentale (agriculture), du Hainaut, de Liège, de Namur et du Brabant (évoquant tous quatre l’industrie), d’Anvers (commerce) et de la Flandre orientale (horticulture).
  • [47]
    Ou, plus précisément, « les fêtes nationales », puisque les festivités continuent alors à s’étaler sur trois ou quatre jours : le jour fixé par la loi et les deux ou trois jours suivants.
  • [48]
    Loi du 28 août 1880 fixant les fêtes nationales au mois d’août, Moniteur belge, 31 août 1880.
  • [49]
    Loi du 27 mai 1890 fixant l’époque des fêtes nationales, Moniteur belge, 9-10 juin 1890.
  • [50]
    Cf. notamment le courrier adressé par le ministre de l’Intérieur aux gouverneurs de province le 8 mars 1866 (reproduit dans Rapport triennal sur la situation de l’instruction primaire en Belgique, présenté aux Chambres législatives le 25 mai 1867. Huitième période triennale : 1864-1865-1866, Bruxelles, 1868, p. xcv).
  • [51]
    Concernant les autres jours fériés à cette époque, cf. P.-O. de Broux, F. Maertens de Noordhout, « Repos dominical et jours fériés en Belgique au XIXe siècle : la transformation des obligations religieuses en revendiation sociale », in P. Desmette, P. Martin (dir.), Orare aut laborare ? Fêtes de précepte et jours chômés du Moyen Âge au début du XIXe siècle, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2017, p. 215-228.
  • [52]
    Il est à ce propos significatif que le cimetière de Sainte-Walburge soit par la suite devenu le lieu d’inhumation de nombreux militants wallons, tels que Théophile Bovy (auteur des paroles du Chant des Wallons).
  • [53]
    Pour une synthèse succincte de cette évolution législative, dans l’ensemble poussée par les néerlandophones et freinée par les francophones, cf. C. Istasse, « Les circulaires flamandes relatives à l’emploi des langues en matière administrative », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2286-2287, 2016, p. 7-8 et 19-22.
  • [54]
    Sur l’histoire du Mouvement wallon en région bruxelloise, cf. V. Vagman, « Le Mouvement wallon et la question bruxelloise », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1434-1435, 1994 ; C. Kesteloot, Au nom de la Wallonie et de Bruxelles français. Les origines du FDF, Bruxelles, Complexe/CEGES, 2004, p. 13-257.
  • [55]
    Le Mouvement wallon est alors fort francophile (cf. infra). Il conservera cette caractéristique au moins jusqu’aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, comme en témoigne entre autres le premier vote, dit sentimental, intervenu lors du Congrès national wallon des 20 et 21 octobre 1945, par lequel les militants wallons voteront en faveur de la réunion de la Wallonie à la France par 486 voix sur 1 048 (cf. P. Raxhon, Histoire du Congrès wallon d’octobre 1945. Un avenir politique pour la Wallonie ?, Charleroi, Institut Jules Destrée, 1995 ; C. Lanneau, L’inconnue française. La France et les Belges francophones (1944-1945), Bruxelles, Peter Lang, 2008, p. 429-478).
  • [56]
    Selon les mots d’une publicité pour l’organe La Défense wallonne.
  • [57]
    Ajoutons encore que, aux yeux de nombre de militants wallons, la langue française constitue un rempart contre l’« obscurantisme clérical » qu’ils perçoivent en Flandre.
  • [58]
    Reproduit dans P. Dupuis, J.-É. Humblet (éd.), Un siècle de Mouvement wallon, 1890-1997. Recueil de textes, 2e édition, Gerpinnes, Quorum, 1998, p. 47.
  • [59]
    Cf. C. Kesteloot, « La Belgique de 1830, une nation à conserver ? Le difficile combat du Mouvement wallon dans une Belgique en mutation », in E. Witteet al. (dir.), Natie en democratie – Nation et démocratie, 1890-1921, Bruxelles, Koninklijke Vlaamse Academie van België voor Wetenschappen en Kunsten, 2007, p. 279-292.
  • [60]
    P. Delforge, « Fêtes de la Wallonie », op. cit., p. 632.
  • [61]
    Sur l’histoire des congrès wallons, cf. « Les congrès wallons », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 22, 1959 ; F. Schreurs, Lescongrès de rassemblement wallon de 1890 à 1959, s.l. [Charleroi], Institut Jules Destrée, 1960 ; P. Delforge, P. Destatte, M. Libon (dir.), Encyclopédie du Mouvement wallon, tome 1, Charleroi, Institut Jules Destrée, 2000, p. 340-359.
  • [62]
    À ce propos, cf. P. Delforge, La Wallonie et la Première Guerre mondiale. Pour une histoire de la séparation administrative, Namur, Institut Jules Destrée, 2008. Sur l’attitude des éléments les plus radicaux du Mouvement flamand durant les deux guerres mondiales, cf. notamment L. Vandeweyern, « Ethnische zuivering als politiek project in Belgïe », Cahiers d’histoire du temps présent, n° 5, 1999, p. 43-71.
  • [63]
    Arrêté du 21 mars 1917 concernant la formation de deux régions administratives en Belgique, Gesetz- und Verordnungsblatt für die okkupierten Gebiete Belgiens. Bulletin officiel des lois et arrêtés pour le territoire belge occupé, n° 324, 21 mars 1917.
  • [64]
    Arrêté du 25 octobre 1916 modifiant le règlement organique du ministère des Sciences et des Arts, Gesetz- und Verordnungsblatt für die okkupierten Gebiete Belgiens. Bulletin officiel des lois et arrêtés pour le territoire belge occupé, n° 273, 5 novembre 1916.
  • [65]
    On ne s’étonnera pas de ne pas trouver dans cette liste la bataille de Waterloo du 18 juin 1815. À l’époque, celle-ci n’apparaît en effet pas encore au Mouvement wallon comme constituant l’un des jalons historiques de l’identité wallonne. Ce n’est qu’à partir de 1928 que le monument L’Aigle blessé commémorant les derniers combattants de la Grande Armée (qui, inauguré à Plancenoit le 28 juin 1904, est le fruit d’une initiative de particuliers français et a été financé par la société française d’études d’histoire militaire La Sabretache) deviendra l’un des hauts lieux de rassemblement des militants wallons. Cf. S. Jaminon, « Waterloo », in P. Delforge, P. Destatte, M. Libon (dir.), Encyclopédie du Mouvement wallon, tome 3, Charleroi, Institut Jules Destrée, 2001, p. 1663-1666 ; P. Raxhon, « L’Aigle blessé sous l’aile du Mouvement wallon », in M. Watelet, P. Couvreur, P. deVillelongue (dir.), Waterloo. Monuments et représentations de mémoires européennes (1792-2001), Louvain-la-Neuve, Association franco-européenne de Waterloo, 2003, p. 190-207.
  • [66]
    Cf. C. Masson, « La paix de Fexhe, de sa rédaction à la fin de la principauté de Liège », Bulletin de la Commission royale des anciennes lois et ordonnances de Belgique, volume 47, 2006, p. 175-266.
  • [67]
    Il l’est toujours de nos jours, comme en témoigne le fait que, en 2006, dans le préambule de projet de Constitution wallonne présenté par six députés socialistes, il est fait référence à la paix de Fexhe (Parlement wallon, Proposition de décret instituant une Constitution wallonne, n° 367/1, 4 mai 2006, p. 12).
  • [68]
    Cf. S. Rottiers, « Six cents patriotes en quête d’auteurs. Historicité et littérarité des six cents Franchimontois : étude d’un cas de figure, La cité ardente de Henri Carton de Wiart », Revue belge de philologie et d’histoire, volume 73, n° 2, 1995, p. 343-377.
  • [69]
    Dans sa « proclamation du roi à l’armée et à la nation » du 5 août 1914, Albert Ier écrira : « Gloire à vous, armée et peuple belges ! Souvenez-vous, devant l’ennemi, que vous combattez pour la liberté et pour vos foyers menacés. Souvenez-vous, Flamands, de la bataille des “Éperons d’or”, et vous, Wallons de Liége, qui êtes en ce moment à l’honneur, des 600 Franchimontois ».
  • [70]
    À savoir essentiellement les Pays-Bas autrichiens (comté de Dalhem, comté de Flandre, comté de Hainaut, comté de Namur, duché de Brabant, duché de Limbourg, duché de Luxembourg, marquisat d’Anvers, marquisat de Franchimont, seigneurie de Malines, Tournai et Tournaisis), la principauté épiscopale de Liège, la principauté abbatiale de Stavelot-Malmedy, le duché de Bouillon et la Flandre gallicante. Pour une carte complète, cf. F. Marchesani, Sur les traces des anciens “pays” de Wallonie, Namur, Institut du patrimoine wallon, 2013, p. 8-9 ou Sur les traces de la Wallonie française, Namur, Institut du patrimoine wallon, 2014, p. 12-13.
  • [71]
    Cf. P. Raxhon, La mémoire de la Révolution française. Entre Liège et Wallonie, Liège, Labor, 1996, p. 142-162.
  • [72]
    Ce monument deviendra le lieu de nombreuses manifestations francophiles du Mouvement wallon à partir de l’entre-deux-guerres, sans toutefois atteindre l’importance du pèlerinage de Waterloo (cf. A. Colignon, P. Delforge, « Jemappes », in P. Delforge, P. Destatte, M. Libon (dir.), Encyclopédie du Mouvement wallon, tome 2, op. cit., p. 868 ; F. Joris, F. Marchesani, Sur les traces du Mouvement wallon, Namur, Institut du patrimoine wallon, 2009, p. 114-115).
  • [73]
    À ce propos, cf. P. Delforge, L’Assemblée wallonne, 1912-1923. Premier parlement de la Wallonie ?, Namur, Institut Jules Destrée, 2013, p. 76-77 et 236-258 ; P. Carlier, « La Wallonie à la recherche d’une fête nationale », op. cit.
  • [74]
    La Défense wallonne, n° 5, mai 1913, p. 267 (reproduit dans P. Dupuis, J.-É. Humblet (éd.), Un siècle de Mouvement wallon, 1890-1997, op. cit., p. 60).
  • [75]
    Le 4 septembre 1830, un bataillon de quelques centaines de volontaires liégeois conduits par le juriste et journaliste Charles Rogier s’était mis en route pour Bruxelles, où il était arrivé le 7 septembre. Cet épisode a été immortalisé par deux tableaux monumentaux de Charles Soubre : « Le départ des volontaires liégeois pour Bruxelles » (1878) et « Arrivée de Charles Rogier et des volontaires liégeois à Bruxelles » (1880).
  • [76]
    La lutte wallonne, 23 mars 1913, p. 2. Pour des manifestations concrètes de cette croyance, cf. P. Raxhon, La Marseillaise ou le devenir d’un chant révolutionnaire en Wallonie, Charleroi, Institut Jules Destrée, 1998, p. 58-60 ; P. Carlier, « La Wallonie à la recherche d’une fête nationale », op. cit., p. 921.
  • [77]
    Cf. É. Gubin, « D’une histoire nationale à l’autre : à propos de l’historiographie du Mouvement flamand en Belgique », in H. Hasquin (dir.), « Histoire et historiens depuis 1830 en Belgique », Revue de l’Université de Bruxelles, n° 1-2, 1981, p. 129, 139 et 144.
  • [78]
    Cf. par exemple M. Josson, De Belgische omwenteling van 1830, Thielt, Lannoo, 1930 (qui voit dans la Révolution belge l’œuvre de la France, « la grande ennemie de la Flandre ») ; A. Smits,1830. Scheuring of de Nederlanden, tome 1 : Holland stoot Vlaanderenaf, Bruges, Wiek-Op, 1950 et tome 2 : Brussel met Wallonië veroveren Vlaanderen, zetten zich uit tot België en stoten op hun beurt Holland en daarmee ook de Generaliteitslanden, Heule, UGA, 1983 (qui, rédigé pour démontrer que les provinces flamandes ont adopté une attitude largement passive en 1830 et n’ont été entraînées dans la Révolution belge que contre leur gré par les Bruxellois et les Wallons, a eu une grande influence sur le Mouvement flamand).
  • [79]
    J. W. Rooney Jr., Revolt in the Netherlands: Brussels 1830, Lawrence (Kansas), Coronado Press, 1981 (cf. aussi J. W. Rooney Jr., « Profil du combattant de 1830 », Revue belge d’histoire contemporaine, volume 12, n° 3, 1981, p. 479-504). À ce sujet, cf. J.-P. Delhaye, P. Delforge, Franz Foulon : la tentation inopportune, Charleroi, Institut Jules Destrée, 2008, p. 41-42.
  • [80]
    J. W. Rooney Jr., « Profil du combattant de 1830 », op. cit., p. 486-487.
  • [81]
    On notera la référence au concept de « nation » – ce qui était déjà le cas dans la décision de l’Assemblée wallonne 1913 (cf. supra) –, pourtant bien moins présent dans le vocabulaire du Mouvement wallon que dans celui du Mouvement flamand (cf. notamment C. Kesteloot, « Mouvement wallon et identité nationale », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1392, 1993 ; M. Van Ginderachter, Le chant du coq. Nation et nationalisme en Wallonie depuis 1880, Gand, Academia Press, 2005 ; C. Kesteloot, Régionalisme wallon et nationalisme flamand. D’autres projets ou simplement un autre nom ?, Bruxelles, Academic and Scientific Publishers, 2013).
  • [82]
    Conseil culturel de la Communauté culturelle française, Proposition de décret fixant la date de la fête de la Wallonie et arrêtant les couleurs de son drapeau ainsi que de ses armes, 6 juillet 1972. Ce texte n’a pas été imprimé (cf. Conseil culturel de la Communauté culturelle française, Commission de la Politique générale, Proposition de décret relative au drapeau et à la date de la fête de la Communauté culturelle française. Rapport, n° 47/2, 24 juin 1975, p. 2) ; on en trouvera toutefois une reproduction dans l’annexe 1 du présent Courrier hebdomadaire.
  • [83]
    La proposition de décret ne parle dans son développement que de « Wallonie », de « communauté wallonne » et de « fête de la Wallonie », et elle indique en son article 5 que le décret projeté ne serait d’application que « dans la région wallonne ».
  • [84]
    Le Conseil d’État indique : « Le Conseil culturel est l’organe de la Communauté culturelle de langue française, et non de la Wallonie ou de la région wallonne. Il en résulte que le Conseil culturel français peut doter la Communauté culturelle française d’un drapeau et d’armoiries, et instaurer la fête de cette Communauté, mais non créer une fête de la Wallonie ou de la région wallonne. Toutefois, rien n’empêche que ces emblèmes et cette fête soient ceux qui, actuellement et en fait, sont ceux de la Wallonie » (document non reproduit dans les documents parlementaires ; cf. le site Internet du Conseil d’État, www.raadvst-consetat.be).
  • [85]
    Rappelons que la modification constitutionnelle du 24 décembre 1970 a créé les Communautés culturelles et les Régions (Moniteur belge, 31 décembre 1970), mais que les organes des secondes ne seront institués, pour les Régions wallonne et flamande, que par la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 (Moniteur belge, 15 août 1980) et par la loi ordinaire de réformes institutionnelles du 9 août 1980 (Moniteur belge, 15 août 1980).
  • [86]
    Conseil culturel de la Communauté culturelle française, Proposition de décret fixant la date de la fête de la Communauté culturelle française et arrêtant les couleurs de son drapeau ainsi que ses armoiries, n° 27/1, 18 juillet 1974.
  • [87]
    Conseil culturel de la Communauté culturelle française, Commission de la Politique générale, Proposition de décret fixant la date de la fête de la Communauté culturelle française et arrêtant les couleurs de son drapeau ainsi que ses armoiries. Rapport, s.d. [11 février 1975]. Ce texte n’a pas été imprimé ; on en trouve toutefois une reproduction en annexe de Conseil culturel de la Communauté culturelle française, Commission de la Politique générale, Proposition de décret relative au drapeau et à la date de la fête de la Communauté culturelle française. Rapport, n° 47/2, 24 juin 1975, p. 9-11 : ici, cf. p. 10.
  • [88]
    Cf. ibidem, p. 10-11.
  • [89]
    Conseil culturel de la Communauté culturelle française, Proposition de décret relative au drapeau et à la date de la fête de la Communauté culturelle française, n° 47/1, 16 juin 1975.
  • [90]
    Conseil culturel de la Communauté culturelle française, Commission de la Politique générale, Proposition de décret relative au drapeau et à la date de la fête de la Communauté culturelle française. Rapport, n° 47/2, 24 juin 1975, p. 4 ; Conseil culturel de la Communauté culturelle française, Compte rendu intégral, n° 11, 24 juin 1975, p. 8-15.
  • [91]
    Ibidem, p. 15-17 et 20-21.
  • [92]
    Décret du 20 juillet 1975 instaurant un drapeau et un jour de fête propres à la Communauté culturelle française, Moniteur belge, 14 août 1975. Depuis lors, cet acte a été abrogé et remplacé par le décret du 3 juillet 1991 déterminant le jour de fête et les emblèmes propres à la Communauté française de Belgique (Moniteur belge, 15 novembre 1991), qui dispose en son article 1er que « la fête de la Communauté française de Belgique est célébrée chaque année le 27 septembre ».
  • [93]
    Cf. l’annexe 2 du présent Courrier hebdomadaire. L’idée avait déjà été évoquée une dizaine d’années plus tôt par Maurice Bologne (RW), René Bourgeois (FDF), Victor Laloux (FDF) et François Perin (RW) : cf. Conseil culturel de la Communauté culturelle française, Proposition de décret relative à l’octroi d’un jour de congé annuel dans les établissements d’enseignement dépendant du Ministère de l’Éducation nationale et de la culture (secteur français) à l’occasion de la fête de la Wallonie, n° 29/1, 8 mai 1973.
  • [94]
    Parlement wallon, Proposition de décret déterminant le jour de fête et les emblèmes propres à la Région wallonne, n° 384/1, 10 juin 1998.
  • [95]
    Cette commission a été créée par le Parlement wallon le 15 octobre 1997 (cf. Parlement wallon, Compte rendu intégral, n° 23, 15 juillet 1998, p. 32), suite au dépôt d’une proposition de décret visant à la création d’un hymne wallon par Willy Burgeon (PS), Pierre Wintgens (PSC), Gustave Hofman (PS), Ghislain Hiance (PSC) et Léon Walry (PS) : cf. Parlement wallon, Proposition de décret créant un hymne wallon, n° 270/1, 9 juillet 1997.
  • [96]
    Parlement wallon, Commission spéciale chargée de débattre des modes d’expression de l’identité wallonne, Proposition de décret déterminant le jour de fête et les emblèmes propres à la Région wallonne. Rapport, n° 384/2, 11 juin 1998, p. 3.
  • [97]
    Ibidem, p. 3. Cf. aussi Parlement wallon, Compte rendu intégral, n° 23, 15 juillet 1998, p. 34.
  • [98]
    Ibidem, p. 32-42 et 73.
  • [99]
    Décret du 23 juillet 1998 déterminant le jour de fête et les emblèmes propres à la Région wallonne, Moniteur belge, 8 août 1998.
  • [100]
    Les armoiries et le sceau ont été ultérieurement fixés par le décret du 3 juillet 1991 déterminant le jour de fête et les emblèmes propres à la Communauté française de Belgique (Moniteur belge, 15 novembre 1991).
  • [101]
    Le même jour a par ailleurs été adopté le décret du 23 juillet 1998 créant un hymne wallon (Moniteur belge, 8 août 1998). Enfin, un décret wallon du 3 décembre 2015 a officialisé un emblème floral de la Région wallonne, à savoir la gaillardia rouge et jaune (Moniteur belge, 11 décembre 2015).
  • [102]
    Outre Fernand Massart (RW) et Marcel Levaux (PCB) : en 1972, Jean Defraigne (PLP), Françoise Lassance-Hermant (RW) et Pierre Leroy (RW) ; en 1974, Claude Hubaux (PLP) et Henri Pierret (PSC) ; en 1975, Victor Barbeaux (PSC), Jean Gillet (PLP) et Émile Lacroix (PSB).
  • [103]
    « Pourquoi le 27 septembre comme date de la fête de la Fédération Wallonie-Bruxelles ? », www.lafetefwb.be.
  • [104]
    « Un jour de fête : le 27 septembre », www.pfwb.be.
  • [105]
    Un constat similaire peut être dressé pour la Région de Bruxelles-Capitale relativement à la date du 8 mai 1945 (cf. infra).
  • [106]
    Par ailleurs, des cérémonies d’hommage aux combattants de septembre 1830 continuent de se tenir annuellement place des Martyrs, à Bruxelles. Elles sont organisées conjointement par la Ville de Bruxelles et par l’association Pro Belgica (qui, alors dénommée Comité Pro Patria, a restauré cette tradition dans les années 1970), et accueillent des représentants de différentes instances, dont le gouvernement fédéral et des associations patriotiques.
  • [107]
    Cf. A. Morelli, « La construction des symboles “patriotiques” de la Belgique, de ses Régions et de ses Communautés » et J. Tollebeek, « La bataille des Éperons d’or », in A. Morelli (dir.), Les grands mythes de l’histoire de Belgique, de Flandre et de Wallonie, op. cit., p. 191-203 et 205-218 ; G. H. Nörtemann, « Memories and identities in conflict: the myth concerning the Battle of Courtrai (1302) in nineteenth-century Belgium », in J. Fenoulhet, L. Gilbert (dir.), Presenting the past. History, art, language, literature, Londres, Center for Low Countries Studies, 1996, p. 99-114 ; J. Tollebeek, T. Verschaffel, « Guldensporenslag », Nieuwe encyclopedie van de Vlaamse Beweging, tome 2, Tielt, Lannoo, 1998, p. 1382-1386 ; J. Tollebeek, « Le culte de la bataille des Éperons d’or de la fin du XVIIIe au XXe siècle », in R. C. van Caenegem (dir.), 1302, le désastre de Courtrai. Mythe et réalité de la bataille des Éperons d’or, Anvers, Fonds Mercator, 2002, p. 195-239 ; G. H. Nörtemann, Im Spiegelkabinett der Historie. Der Mythos der Schlacht von Kortrijk und die Erfindung Flanderns im 19. Jahrhundert, Berlin, Logos, 2002.
  • [108]
    Ce point s’appuie sur J. F. Verbruggen,1302 in Vlaanderen: de Guldensporenslag, Bruxelles, Musée royal de l’armée et d’histoire militaire, 1977 ; T. de Hemptinne, « Vlaanderen en Henegouwen onder de erfgenamen van de Boudewijns, 1070-1244 » et M. Vanderlaesen, « Vlaanderen en Henegouwen onder het huis van Dampierre, 1244-1384 », in D. P. Bloket al. (dir), [Nieuwe] Algemene Geschiedenis der Nederlanden, tome 2, Haarlem, Fibula-Van Dishoeck, 1982, p. 372-398 et 399-419 ; P. Despriet, Kortrijk 1302: keerpunt in de Frans-Vlaamse oorlog (1297-1305), Courtrai, Archeologische Stichting voor Zuid-West-Vlaanderen, 2002 ; R. Fegley, The golden spurs of Kortrijk. How the knights of France fell to the foot soldiers of Flanders in 1302, Jefferson (NC), McFarland, 2002 ; X. Hélary, Courtrai : 11 juillet 1302, Paris, Tallandier, 2012.
  • [109]
    À cette époque, le comté de Flandre est composé des territoires actuels suivants : les provinces belges de Flandre occidentale et de Flandre orientale, la Flandre française (avec entre autres les villes de Cassel, Douai, Dunkerque, Gravelines, Lille, Mons-en-Pévèle, Orchies et Saint-Amand) et la Flandre zélandaise (c’est-à-dire la partie de la province néerlandaise de Zélande se trouvant sur la rive sud de l’Escaut occidental). S’y ajoute aussi le Tournaisis historique.
  • [110]
    Selon les recherches historiques récentes (cf. par exemple R. Fegley, The golden spurs of Kortrijk, op. cit., p. 125-126 et 128). L’historiographie a longtemps donné des chiffres bien plus élevés pour les deux camps et, surtout, a traditionnellement indiqué que les combattants du roi de France avaient été deux fois plus nombreux que leurs adversaires flamands.
  • [111]
    Sans doute y a-t-il également une volonté de vengeance : à l’issue de la bataille de Furnes du 20 août 1297, lors de laquelle ils avaient été conduits par Robert II d’Artois et dont ils étaient sortis vainqueurs, les combattants français avaient exécuté plusieurs prisonniers flamands de haut rang.
  • [112]
    Citation extraite de [C.] Jaspin, Inauguration du tableau de M. Dekeyser [sic], “La bataille des Éperons d’or”. Souvenirs de l’exposition de tableaux et d’objets d’art et d’industrie à Courtrai au mois d’août 1841 (…), Courtrai, chez l’auteur, 1842, p. 59.
  • [113]
    Sur les origines de ce cas de figure particulièrement emblématique et instructif, cf. S. Dubois, « Les références à l’Antiquité dans la formation de l’identité nationale belge », in A. Tsingarida, A. Verbanck-Piérard (dir.), L’Antiquité au service de la Modernité ? La réception de l’Antiquité classique en Belgique au XIXe siècle, Bruxelles, Le livre Timperman, 2008, p. 119-156.
  • [114]
    De même, des événements tels que la bataille de Worringen du 5 juin 1288 (contre l’Allemagne), la révolte du XVIe siècle (contre l’Espagne) ou la Révolution belgique de 1789-1790 (contre l’Autriche) sont présentés comme autant de préfigurations de la Révolution belge de 1830.
  • [115]
    Le mot est de J. Tollebeek, « Le culte de la bataille des Éperons d’or », op. cit., p. 200.
  • [116]
    Cela au moins à partir de [J.] Goethals-Vercruysse, A. Voisin, « Bataille de Courtrai, ou des Éperons d’or », Messager des sciences et des arts de la Belgique, ou Nouvelles archives historiques, littéraires et scientifiques, volume 2, 1834, p. 317-370 (ici, cf. p. 342).
  • [117]
    J. Tollebeek, « Le culte de la bataille des Éperons d’or », op. cit., p. 200.
  • [118]
    Cf. notamment les écrits des historiens Henri Moke et Théodore Juste.
  • [119]
    Cf. en particulier le tableau monumental de Nicaise De Keyser « La bataille des Éperons d’or », datant de 1836 (cf. B. Cardon, B. Stroobants, « L’iconographie de la bataille des Éperons d’or », in R. C. van Caenegem (dir.), 1302, le désastre de Courtrai, op. cit., p. 181-188).
  • [120]
    Cf. le monument dédié à Jean Breydel et Pierre de Coninck inauguré à Bruges en 1887, ou celui représentant une allégorie de la Flandre installé à Courtrai en 1906.
  • [121]
    H. Conscience, De Leeuw van Vlaenderen of de Slag der Gulden Sporen, 3 tomes, Anvers, L. J. De Cort, 1838. La première traduction en français de cet ouvrage a été réalisée par Léon Wocquier pour le compte d’une maison d’édition française : Le Lion de Flandre, 2 tomes, Paris, Michel Lévy frères, 1862.
  • [122]
    Bien que l’expression « langue flamande » au singulier soit utilisée depuis le XVIe siècle, et en particulier au XIXe siècle, il n’existe pas et n’a jamais existé de langue flamande unifiée. Ce terme générique désigne en réalité l’ensemble des dialectes thiois parlés en Belgique : le brabançon (dont fait partie l’anversois), le flamand occidental, le flamand oriental et le limbourgeois, qui tous comportent de multiples variantes locales. Depuis le XIXe siècle, la langue standard de la Flandre est le néerlandais (« algemeen beschaafdNederlands »).
  • [123]
    La préface de l’ouvrage est à cet égard particulièrement éclairante. Elle ne figure toutefois que dans l’édition originale, ayant été omise dans les rééditions.
  • [124]
    J. Tollebeek, « Le culte de la bataille des Éperons d’or », op. cit., p. 223.
  • [125]
    Ainsi, dans les tranchées du front de l’Yser, quelques militaires flamingants commémorent la bataille des Éperons d’or le 11 juillet 1917 ; le même jour, ils adressent une lettre ouverte au roi Albert Ier pour lui faire part des griefs du Mouvement flamand (cf. G. Leemans, R. Praet, L. Vandeweyer, F.-J. Verdoodt (dir.), “Alleen in u – o koning – geloven wij nog”. Open brieven van de Vlaamse Frontbeweging tijdens de Eerste Wereldoorlog, Anvers, Peristyle, 2017).
  • [126]
    Cf. H. Hasquin, Historiographie et politique. Essai sur l’histoire de Belgique et la Wallonie, Charleroi, Institut Jules Destrée, 1981, p. 30-31, 35-38 et 44-64.
  • [127]
    Sur les rapports entre historiographie scolaire et construction d’une identité en Belgique, cf. entre autres S. Dubois, « Le premier manuel d’histoire de Belgique et l’enseignement de l’histoire nationale dans les collèges à la fin de l’Ancien Régime », Revue belge de philologie et d’histoire, volume 80, n° 2, 2002, p. 491-515 ; C. Istasse, « Les manuels scolaires d’histoire pour l’enseignement secondaire belge francophone (XIXe-XXe siècles) », in J.-L. Jadoulle (dir.), Les manuels scolaires d’histoire : passé, présent, avenir, Louvain-la-Neuve, Unité de didactique et de communication en Histoire de l’Université catholique de Louvain, 2005, p. 83-96 ; C. Istasse, « “La Grande Guerre vint couvrir la Belgique de gloire et de ruines”. Étude de l’historiographie scolaire belge de l’Entre-deux-guerres », in B. Rochet, A. Tixhon (dir.), La petite Belgique dans la Grande Guerre : une icône, des images, Namur, Presses universitaires de Namur, 2012, p. 79-98.
  • [128]
    Cf. H. Hasquin, Historiographie et politique, op. cit., p. 37-38, 49-50, 54, 64, 77 et 95-96.
  • [129]
    Cf. ibidem, p. 27-33 et 64. L’exemple de l’historiographie relative à l’époque de la République française et de l’Empire napoléonien est emblématique à cet égard : cf. M.-R. Thielemans, « Les historiens belges et la période française », in H. Hasquin (dir.), La Belgique française, 1792-1815, Bruxelles, Crédit communal, 1993, p. 436-458.
  • [130]
    H. Conscience, Geschiedenis van Belgïe, Anvers/Bruxelles, Buschmann/Jamar, 1845. Cet ouvrage est une commande officielle du gouvernement belge, ayant pris la forme d’un arrêté royal du 5 avril 1840.
  • [131]
    H. Pirenne, Histoire de Belgique, 7 tomes, Bruxelles, Lamertin, 1900-1932.
  • [132]
    J. Lemaire, A. Miroir, La Belgique et ses nations dans la nouvelle Europe, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 1997, p. 11.
  • [133]
    J. Destrée, « Lettre au roi sur la séparation de la Wallonie et de la Flandre », Revue de Belgique, 15 août 1912, p. 735-758 (reproduit dans P. Dupuis, J.-É. Humblet (éd.), Un siècle de Mouvement wallon, 1890-1997, op. cit., p. 33-56 : ici, cf. p. 46).
  • [134]
    Sur la mémoire de la Guerre des paysans de 1798, cf. L. François (dir.), De Boerenkrijg. Twee eeuwen feit en fictie, Louvain, Davidsfonds, 1998.
  • [135]
    « Schild en vriend » : « Bouclier et ami » (ou, selon une autre version, « Des gilden vriend ? » : « Ami des guildes ? »). Allusion à un épisode des Mâtines de Bruges : selon la tradition, les insurgés du 18 mai 1302 auraient passé par le fil de l’épée toutes les personnes prononçant cette phrase avec un accent français et non flamand. Cette expression est restée vivace dans l’imaginaire du Mouvement flamand ; ainsi, un mouvement d’extrême droite flamand a été créé en 2017 sous le nom de « Schild & Vrienden » par un jeune Gantois, Dries Van Langenhove (qui, depuis lors, a rallié les rangs du parti flamand d’extrême droite Vlaams Belang).
  • [136]
    Il faudra longtemps avant que cet appel du Mouvement wallon soit pleinement entendu par les historiens francophones : ce ne sera qu’à partir des années 1960 qu’une majorité de ceux-ci abandonneront leurs thèses belgicistes, soit plusieurs décennies après leurs homologues néerlandophones (cf. H. Hasquin, Historiographie et politique, op. cit., p. 74, 79 et 89-110).
  • [137]
    Cf. C. Kesteloot, A. Gavroy (éd.), François Bovesse. Pour la défense intégrale de la Wallonie, s.l. [Charleroi], Institut Jules Destrée, 1990, p. 28-30 ; P. Delforge, « Comité central de Wallonie de Namur », in P. Delforge, P. Destatte, M. Libon (dir.), Encyclopédie du Mouvement wallon, tome 1, op. cit., p. 304-305.
  • [138]
    J. Bovesse, « 600 Namurois à la bataille des Éperons d’or ? », Namurcum. Chronique de la Société archéologique de Namur, 19e année, 1942, p. 1-12 (cf. aussi J. Bovesse, « La commémoration à Namur, en 1929, de la bataille des Éperons d’or (1302) », Le guetteur wallon, 66e année, 1990, p. 34-53). Quinze ans plus tard, un autre historien mettra pareillement à mal la légende d’une présence lossaine dans les rangs flamands (cf. J. Baerten, « La participation d’Arnoul V, comte de Looz, à la bataille des Éperons d’or (1302). À propos d’un débat », Revue belge de philologie et d’histoire, volume 35, n° 3-4, 1957, p. 771-777).
  • [139]
    C. Terlinden, Histoire militaire des Belges, Bruxelles, La Renaissance du livre, 1931, p. 50.
  • [140]
    Cultuurraad voor de Nederlandse Cultuurgemeenschap, Voorstel van decreet tot instelling van de nationale symbolen van de Nederlandse Cultuurgemeenschap, n° 32/1, 16 mai 1972.
  • [141]
    J. Janssens, De Belgische natie viert: de Belgische nationale feesten, 1830-1914, Louvain, Universitaire Pers Leuven, 2001, p. 201.
  • [142]
    Ayant existé de 1891 à 1914, le NVV était une fédération non politique et idéologiquement neutre, ayant pour but la néerlandisation de la vie publique (cf. H. de Ceular, P. Gunst, « Nationaal Vlaamsch Verbond (NVV) », Nieuwe encyclopedie van de Vlaamse Beweging, tome 2, op. cit., p. 2155).
  • [143]
    Cultuurraad voor de Nederlandse Cultuurgemeenschap, Handelingen, n° 8, 22 mai 1973.
  • [144]
    Décret du 6 juillet 1973 instaurant un drapeau, un hymne et un jour de fête propres à la Communauté culturelle néerlandaise, Moniteur belge, 12 septembre 1973 (cf. aussi les trois arrêtés ministériels du 11 juillet 1985, publiés au Moniteur belge du même jour). Depuis lors, cet acte a été abrogé et remplacé par le décret du 13 avril 1988 fixant les armes, le drapeau, l’hymne et le jour de fête de la Communauté flamande (Moniteur belge, 10 mai 1988), lui-même abrogé et remplacé par le décret du 7 novembre 1990 portant fixation des armoiries, du drapeau, de l’hymne et du jour de fête de la Communauté flamande (Moniteur belge, 6 décembre 1990), modifié ensuite par les décrets des 13 juin 1996 (Moniteur belge, 10 juillet 1996), 15 juillet 1997 (Moniteur belge, 29 août 1997) et 18 mai 1999 (Moniteur belge, 10 juillet 1999).
  • [145]
    145 Cf. P. Dewael, Het Vlaams Manifest. Meer ruimte voor regio’s, Louvain, Van Halewyck, 2002.
  • [146]
    Précédemment, G. Bourgeois avait notamment été ministre des Affaires administratives, de l’Administration intérieure, de l’Intégration civique et de la Périphérie flamande de Bruxelles. C’est en cette qualité qu’il a adopté la circulaire BB 2010/03 du 7 mai 2010, qui est l’une des cinq circulaires relatives à l’emploi des langues dans les matières administratives prises par le gouvernement flamand entre 1997 et 2010 (communément appelées « circulaires Peeters ») et qui visent à restreindre les droits linguistiques des habitants francophones des six communes flamandes à facilités de la périphérie bruxelloise. Cf. C. Istasse, « Les circulaires flamandes relatives à l’emploi des langues en matière administrative », op. cit., p. 42-43.
  • [147]
    Rappelons à cet égard que le roman d’H. Conscience, De Leeuw van Vlaenderen, est publié en 1838 déjà, soit moins d’une décennie après la création du royaume de Belgique.
  • [148]
    E. Witte, La construction de la Belgique, 1828-1847, op. cit., p. 206.
  • [149]
    R. Devleeshouwer, « La Belgique : contradictions, paradoxes et résurgences », in H. Hasquin (dir.), « Histoire et historiens depuis 1830 en Belgique », op. cit., p. 21.
  • [150]
    Cf. E. Witte, Le royaume perdu. Les orangistes belges contre la révolution, 1828-1850, Bruxelles, Samsa, 2016.
  • [151]
    Cf. F. Dumont, L’irrédentisme français en Wallonie de 1814 à 1831, 2e édition, s.l., Institut Jules Destrée, 1965 ; P. Delforge, « Réunionisme », in P. Delforge, P. Destatte, M. Libon (dir.), Encyclopédie du Mouvement wallon, tome 3, op. cit., p. 1406-1416.
  • [152]
    E. Witte, La construction de la Belgique, 1828-1847, op. cit., p. 194.
  • [153]
    Cela s’explique notamment par le fait que, durant l’essentiel de l’époque médiévale, le comté de Flandre fut de loin la plus riche et la plus peuplée des entités proto-belges, ainsi que la plus active sur les plans politiques, économiques et artistiques.
  • [154]
    Ibidem, p. 199.
  • [155]
    Cf. E. Witte, Le royaume perdu, op. cit.
  • [156]
    Il est vrai que le Mouvement flamand est aidé dans cette entreprise, d’une part, par le fait que la tradition de célébration de la bataille des Éperons d’or ne s’est de toute façon implantée que de façon très marginale hors de la Flandre et de l’agglomération bruxelloise et, d’autre part, par le recul que la langue française a amorcé dès la seconde moitié du XIXe siècle dans la partie septentrionale du pays.
  • [157]
    À sa création, la Communauté française ne peut, contrairement à son homologue flamande, se prévaloir d’être l’institutionnalisation d’une identité culturelle préexistante largement partagée.
  • [158]
    On notera par ailleurs que la réalité linguistique qui prévalait dans les provinces wallonnes à l’époque de la Révolution belge est elle-même partiellement effacée. En particulier, est oublié le fait que ces provinces comprenaient alors – de facto sinon de jure – l’ensemble du Luxembourg (en ce compris l’actuel grand-duché), dont nombre d’habitants étaient germanophones.
  • [159]
    Ainsi, à la moitié du mois d’août 1830, des émeutiers s’étaient portés dans la périphérie de la ville de Bruxelles pour y attaquer des fabriques afin d’en détruire les machines.
  • [160]
    L’événement ayant eu l’influence la plus directe sur la Belgique est la révolution française de Juillet qui, en trois journées (27, 28 et 29 juillet 1830, dites les Trois Glorieuses), a mis un terme à la Seconde Restauration et a installé la Monarchie de Juillet sur le trône de France.
  • [161]
    L’importance respective des facteurs linguistiques, culturels et identitaires, d’une part, et des facteurs sociaux, politiques et économiques, d’autre part, est relativement établie en ce qui concerne la naissance et le développement du Mouvement flamand (cf. entre autres M. Reynebeau, Het klauwen van de leeuw. De Vlaamse identiteit van de 12de tot de 21ste eeuw, Louvain, Van Halewyck, 1995 ; D. Luyten, « L’économie et le mouvement flamand », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2076, 2010 ; E. Witte, H. VanVelthoven, Les querelles linguistiques en Belgique. Le point de vue historique, Bruxelles, Le Cri, 2011 ; B. De Wever, F. Verdoodt, A. Vrints, « Les patriotes flamands et la construction de la nation », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2316, 2016). En ce qui concerne le Mouvement wallon, un débat subsiste (cf. notamment P. Destatte, L’identité wallonne. Essai sur l’affirmation politique de la Wallonie (XIXe-XXe siècles), Charleroi, Institut Jules Destrée, 1997 ; C. Kesteloot, « Être ou vouloir être. Le cheminement difficile de l’identité wallonne », Cahiers d’histoire du temps présent, n° 3, 1997, p. 181-201 ; J. Fontaine, « Science, appartenance, identité. À propos du compte rendu du livre de Ph. Destatte sur L’identité wallonne (IJD, Charleroi, 1997) par Chantal Kesteloot », Toudi, n° 12, 1998, www.larevuetoudi.org).
  • [162]
    L’hymne Te Deum laudamus (Dieu, nous te louons) est chanté au cours d’un service solennel d’action de grâce. Par extension, l’expression Te Deum désigne l’office religieux au cours duquel cet hymne est interprété.
  • [163]
    Dès le 22 août 1830, des placards séditieux avaient d’ailleurs été affichés à Bruxelles, indiquant : « Le 23, feu d’artifice ; le 24, illumination ; le 25, révolution » (cité par T. Juste, La Révolution belge de 1830, d’après des documents inédits, tome 2, Bruxelles, Bruylant, 1872, p. 10).
  • [164]
    Cf. le courrier adressé par le ministre de l’Intérieur aux gouverneurs de province le 8 mars 1866 (reproduit dans Rapport triennal sur la situation de l’instruction primaire en Belgique, op. cit., p. xcv).
  • [165]
    Référence est faite là à saint Léopold III de Babenberg (1073-1136), dit le Pieux, margrave d’Autriche canonisé en 1484.
  • [166]
    Référence est faite là à saint Albert de Louvain ou Albert de Liège (c. 1066-1192), prince-évêque de Liège et cardinal canonisé en 1613.
  • [167]
    Loi du 21 juillet 1922 substituant la date du 11 novembre à celle du 4 août comme fête nationale, Moniteur belge, 24-25 juillet 1922. Originellement, c’était la date du 4 août 1914 – jour de l’invasion de la Belgique par les troupes allemandes (suite au refus, exprimé la veille par le gouvernement belge, de répondre favorablement à l’ultimatum allemand du 2 août) et du discours du roi Albert Ier devant les Chambres réunies – qui avait été retenue comme étant à commémorer annuellement (cf. la loi du 19 juillet 1919 portant que l’anniversaire de la journée du 4 août 1914 sera célébré chaque année comme fête nationale : Moniteur belge, 21 juillet 1919). En 1922, la Belgique a modifié son choix, afin de célébrer désormais la victoire finale plutôt que le viol de sa neutralité ; elle s’est ainsi alignée sur la France (cf. les lois françaises du 10 novembre 1921 relative à la célébration de l’anniversaire du 11 novembre et du 24 octobre 1922 fixant au 11 novembre la commémoration de la Victoire et de la Paix, Journal officiel de la République française, 11 novembre 1921 et 26 octobre 1922).
  • [168]
    Les fonctionnaires estiment peu heureux le fait d’avoir deux jours fériés tellement rapprochés, qui plus est en novembre. Par ailleurs, en Belgique, les commémorations du 11 novembre se confondent partiellement avec la célébration d’Albert Ier comme « roi chevalier ».
  • [169]
    Albrecht von Bollstädt, dit Albert le Grand (c. 1200-1280), frère dominicain et théologien béatifié en 1622.
  • [170]
    Cette expression est encore communément employée de nos jours, mais elle est erronée.
  • [171]
    Depuis 2001, les représentants des corps constitués n’assistent plus à ce Te Deum, ou alors à titre purement privé et non plus officiel.
  • [172]
    Cf. P. Defosse, « Te Deum », dans P. Defosse (dir.), Dictionnaire historique de la laïcité en Belgique, Bruxelles, Fondation rationaliste/Luc Pire, 2005, p. 260-261.
  • [173]
    Jusqu’en 1983, et cela depuis le règne de Léopold Ier, le secteur de l’enseignement bénéficiait également d’un jour de congé à l’occasion de la fête du Roi. Cela a été supprimé par le gouvernement Martens V.
  • [174]
    Rat der Deutschsprachigen Gemeinschaft, Dekretentwurf betreffend die Einführung des Festtages, des Wappens und der Fahne der Deutschsprachigen Gemeinschaft, n° 131/1, 31 août 1990.
  • [175]
    Cet élément n’est pas spécifique à la Communauté germanophone : il est commun aux ministres-présidents de toutes les entités fédérées (en vertu de l’article 60, § 4, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, de l’article 49 de la loi du 31 décembre 1983 de réformes institutionnelles pour la Communauté germanophone, et de l’article 35, § 3, de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises).
  • [176]
    Rat der Deutschsprachigen Gemeinschaft, Dekretentwurf betreffend die Einführung des Festtages, des Wappens und der Fahne der Deutschsprachigen Gemeinschaft, n° 131/1, 31 août 1990, p. 2. Il est erronément indiqué que le serment est prêté « sur la Constitution ».
  • [177]
    Rat der Deutschsprachigen Gemeinschaft, Ausschuss I für Allgemeine Politik, Petitionen, Finanzen und Zusammenarbeit, Dekretentwurf betreffend die Einführung des Festtages, des Wappens und der Fahne der Deutschsprachigen Gemeinschaft. Bericht, n° 131/2, 25 septembre 1990, p. 4.
  • [178]
    Ibidem, p. 4.
  • [179]
    Ibidem, p. 4 (cf. aussi p. 5). Il est erronément question du 10 octobre 1973 lors des débats.
  • [180]
    Ibidem, p. 4.
  • [181]
    Rat der Deutschsprachigen Gemeinschaft, Ausführlicher Bericht, n° 2, 1er octobre 1990, p. 81.
  • [182]
    Décret du 1er octobre 1990 concernant l’instauration du jour de fête, des armoiries et du drapeau de la Communauté germanophone, Moniteur belge, 15 novembre 1990.
  • [183]
    Article 5 de l’arrêté du gouvernement de la Communauté germanophone du 8 décembre 1993 relatif au régime des vacances et congés dans l’enseignement (Moniteur belge, 11 mars 1994) ; depuis lors abrogé et remplacé par l’article 58 du décret de la Communauté germanophone du 31 août 1998 relatif aux missions confiées aux pouvoirs organisateurs et au personnel des écoles et portant des dispositions générales d’ordre pédagogique et organisationnel pour les écoles ordinaires et spécialisées (Moniteur belge, 24 novembre 1998).
  • [184]
    Loi du 31 décembre 1983 de réformes institutionnelles pour la Communauté germanophone, Moniteur belge, 18 janvier 1984. Cette loi est entrée en vigueur le 28 janvier 1984.
  • [185]
    À savoir l’exécutif Fagnoul (CSP/PFF/SP).
  • [186]
    La Libre Belgique, 16 avril 2012 ; Le Vif/L’Express, 11 novembre 2012.
  • [187]
    Outre la littérature en langue allemande (entre autres de Christoph Brüll, de l’Université de Liège), cf. A. Minke, « La Communauté germanophone : l’évolution d’une terre d’entre-deux », Institut Jules Destrée, 1995, www.wallonie-en-ligne.net ; C. Brüll, « Un passé mouvementé : l’histoire de la Communauté germanophone de Belgique », in K. Stangherlin (dir.), La Communauté germanophone de Belgique. Die Deutschsprachige Gemeinschaft Belgiens, Bruxelles, La Charte, 2005, p. 17-47 ; V. O’Connell, The Annexion of Eupen-Malmedy. Becoming Belgian, 1919-1929, New York, Palgrave Macmillan, 2018.
  • [188]
    Cf. C. Lejeune, A. Fickers, F. Cremer, Jugend ‘98 in guter Gesellschaft? Meinungsbilder aus der Deutschsprachigen Gemeinschaft Belgiens, Bullange, Lexis, 1998.
  • [189]
    Cf. les articles 27, 33 et 34 du Traité de Versailles du 28 juin 1919.
  • [190]
    En 1820, la Prusse a supprimé le Kreis de Saint-Vith et l’a englobé dans celui de Malmedy. Pour sa part, la Belgique en revient d’emblée aux trois cantons qui existaient durant la période française.
  • [191]
    Le Kreis d’Eupen est toutefois amputé d’une petite partie de la commune de Preußisch-Moresnet (bientôt renommée Neu-Moresnet par la Belgique), quelques villages demeurant allemands.
  • [192]
    En vertu de l’article 32 du Traité de Versailles, la Belgique a également obtenu le territoire contesté de Moresnet, dit Moresnet neutre (créé par l’article 17 du Traité d’Aix-la-Chapelle du 26 juin 1816 et annexé par l’Empire allemand le 27 juin 1915). Dans ce cas précis, en vertu du même article, l’incorporation a été directement pleine et entière ; elle a été mise en œuvre par la loi du 15 septembre 1919 réglant le statut de Moresnet neutre (Moniteur belge, 17 octobre 1919), qui a par ailleurs rebaptisé le territoire en La Calamine (en allemand, Kelmis) et l’a rattaché au canton d’Aubel.
  • [193]
    Par la suite, les personnes inscrites dans les registres de protestataires et restées dans la région pâtiront de représailles économiques.
  • [194]
    Loi du 6 mars 1925 de rattachement des cantons d’Eupen, de Malmedy et de Saint-Vith (Moniteur belge, 7 mars 1925), en application à dater du 1er juin 1925 (en vertu de l’arrêté royal d’exécution du 28 mai 1925 : Moniteur belge, 30 mai 1925). La Constitution et la législation belges entrent en vigueur dans ces territoires le 1er janvier 1926, en vertu de l’arrêté royal du 4 octobre 1925 réglant, au point de vue de la législation, le statut des cantons d’Eupen, de Malmedy et de Saint-Vith (Moniteur belge, 25 octobre 1925), tel que modifié par un arrêté royal du 22 décembre 1925 (Moniteur belge, 31 décembre 1925). Cf. aussi l’arrêté royal du 28 août 1926 relatif à la mise en vigueur des lois civiles et commerciales dans les cantons d’Eupen, de Malmedy et de Saint-Vith (Moniteur belge, 4 septembre 1926) et les arrêtés royaux du 14 janvier 1928 et du 12 avril 1928 modifiant l’arrêté royal du 4 octobre 1925 (Moniteur belge, 25 janvier 1928 et 6 mai 1928).
  • [195]
    Durant tout l’entre-deux-guerres, y persistera et même y grandira d’ailleurs un important mouvement d’opposition à l’intégration à la Belgique et de volonté de retour à l’Allemagne.
  • [196]
    Les historiens ont longtemps cru qu’une protestation gouvernementale avait été émise en 1943, mais il s’agit là d’une légende démontée il y a une dizaine d’années (cf. C. Brüll, « “L’identité des Belges germanophones est une non-identité”. Quelques réflexions à propos de publications récentes sur l’histoire de la Communauté germanophone de Belgique », Cahiers d’histoire du temps présent, n° 21, 2009, p. 220).
  • [197]
    Au sujet de l’histoire de la région durant la Seconde Guerre mondiale, cf. M. R. Schärer, Deutsche Annexionspolitik im Westen. Die Wiedereingliederung Eupen-Malmedys im Zweiten Weltkrieg, 2e édition, Francfort-sur-le-Main/Berne, Peter Lang, 1978 ; J. Wynants, « Les autorités belges et la situation des cantons de l’Est, 1940-1944 », Bulletin d’information du Centre liégeois d’histoire et d’archéologie militaires, volume 9, n° 1, 2004, p. 15-26 ; J. Wynants, « Les cantons de l’Est et les dix communes », in P. Aron, J. Gotovitch (dir.), Dictionnaire de la Seconde Guerre mondiale en Belgique, Bruxelles, André Versaille, 2008, p. 83-84 ; P. M. Quadflieg, “Zwangssoldaten” und “Ons Jongen”. Eupen-Malmedy und Luxemburg als Rekrutierungsgebiet der deutschen Wehrmacht im Zweiten Weltkrieg, Aix-la-Chapelle, Shaker Verlag, 2008 ; C. Brüll, « Les “enrôlés de force” dans la Wehrmacht : un symbole du passé mouvementé des Belges germanophones au XXe siècle », Guerres mondiales et conflits contemporains, n° 241, 2011, p. 63-74.
  • [198]
    E. Herrebout (éd.), Generalgouverneur Herman Baltia: Memoiren, 1920-1925, Bruxelles, Archives générales du Royaume, 2011, p. 9.
  • [199]
    Cf. P. Maxence, Les atouts gaspillés ou le drame de cantons de l’Est, Saint-Nicolas, D’Hondt, 1951 ; J. Gilissen, « Étude statistique sur la répression de l’incivisme », Revue de droit pénal et de criminologie, volume 32, n° 5, 1951, p. 513-628.
  • [200]
    L’article 2 du décret dispose : « Les armoiries de la Communauté germanophone sont les suivantes : un lion rouge (…) entouré de neuf cinq-feuilles bleus et surmonté d’une couronne royale ». En revanche, le drapeau se limite à arborer « un lion rouge sur fond blanc, entouré de neuf cinq-feuilles bleus ».
  • [201]
    Des points de friction persistent toutefois jusqu’à aujourd’hui. Ainsi, hormis les décrets de la Communauté germanophone, la Constitution est le seul texte officiel belge qui soit traduit en allemand et authentifié comme tel (depuis 1991). Pour sa part, la Région wallonne – dont font partie les neuf communes de la région de langue allemande – publie des traductions officielles, mais non authentifiées, de ses décisions. Quant aux normes fédérales (et anciennement nationales), elles sont bien loin d’être toutes disponibles en allemand (et ce en dépit de l’arrêt n° 59/94 de la Cour d’arbitrage du 14 juillet 1994). En effet, la loi du 31 mai 1961 relative à l’emploi des langues en matière législative, à la présentation, à la publication et à l’entrée en vigueur des textes légaux et réglementaires (Moniteur belge, 21 mai 1961) dispose que « les lois sont votées, sanctionnées, promulguées et publiées en langue française et en langue néerlandaise ». Depuis 2007, elle ajoute seulement que « le Service central de traduction allemande du Service public fédéral Intérieur assure la traduction des lois en langue allemande. Sur la proposition du Service central (…) et après avis du gouvernement de la Communauté germanophone, le ministre de la Justice arrête tous les trois mois la liste des lois à traduire en langue allemande en fonction de l’intérêt qu’elles présentent pour les habitants de la région de langue allemande et en accordant la priorité aux textes principaux ainsi qu’à l’établissement de coordinations officieuses en langue allemande. (…) La traduction allemande des lois est publiée au Moniteur belge dans un délai raisonnable après leur publication en français et en néerlandais » (Loi du 21 avril 2007 réglant la publication en langue allemande des lois et arrêtés royaux et ministériels d’origine fédérale et modifiant la loi du 31 mai 1961 relative à l’emploi des langues en matière législative, à la présentation, à la publication et à l’entrée en vigueur des textes légaux et réglementaires, les lois sur l’emploi des langues en matière administrative, coordonnées le 18 juillet 1966, ainsi que la loi du 31 décembre 1983 de réformes institutionnelles pour la Communauté germanophone, Moniteur belge, 13 juin 2007).
  • [202]
    Loi du 30 juillet 1963 concernant le régime linguistique dans l’enseignement, Moniteur belge, 22 août 1963.
  • [203]
    Loi du 2 août 1963 sur l’emploi des langues en matière administrative, Moniteur belge, 22 août 1963.
  • [204]
    À ce propos, cf. notamment C. Sägesser, D. Germani, « La Communauté germanophone : histoire, institutions, économie », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1986, 2008.
  • [205]
    À ce propos, cf. F. Bouhon, C. Niessen, M. Reuchamps, « La Communauté germanophone après la sixième réforme de l’État : état des lieux, débats et perspectives », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2266-2267, 2015, p. 7-48.
  • [206]
    RTBF, 15 novembre 2011, www.rtbf.be.
  • [207]
    L’actuel canton de Malmedy ne comporte plus que six communes – avant la fusion opérée le 1er janvier 1977 – des dix qui le constituaient en 1920 ; les quatre autres ont été transférées au canton de Saint-Vith en 1977 (cf. infra).
  • [208]
    Par ailleurs, on relèvera que, à titre personnel, l’actuel ministre-président de la Communauté germanophone, Oliver Paasch (ProDG), se dit royaliste (cf. Le Soir, 29 mars 2017).
  • [209]
    À ce propos, cf. F. Bouhon, C. Niessen, M. Reuchamps, « La Communauté germanophone après la sixième réforme de l’État », op. cit., notamment p. 51-64. Cf. aussi Parlament der Deutschsprachigen Gemeinschaft, Grundsatzerklärung des Parlaments zur Positionierung der Deutschsprachigen Gemeinschaft im Prozess der Staatsreform [Déclaration de principes du Parlement concernant le positionnement de la Communauté germanophone dans le processus de la réforme de l’État], n° 83/1, 27 juin 2011 (cf. aussi Parlament der Deutschsprachigen Gemeinschaft, Ausführlicher Bericht, n° 25, 27 juin 2011, p. 33-57) et l’intervention du ministre-président O. Paasch au Sénat le 24 avril 2015 (Sénat, Annales, 24 avril 2015, p. 9-24).
  • [210]
    Cf. F. Bouhon, C. Niessen, M. Reuchamps, « La Communauté germanophone après la sixième réforme de l’État », op. cit. ; Q. Peiffer, « L’autonomie constitutive des entités fédérées », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2350-2351, 2017, p. 18-46 et 53.
  • [211]
    À chaque fois, est en outre présent un représentant de la France.
  • [212]
    Soit le 9 mai 1945 à 01h01 heure de Moscou, raison pour laquelle la victoire est célébrée le 9 mai, au lieu du 8, par l’URSS (et, aujourd’hui, la Russie) et ses alliés d’Europe centrale et orientale.
  • [213]
    Ce retrait avait duré jusqu’au 28 novembre 1918, qui avait donc été le jour de la libération pleine et entière de la Belgique. Cependant, le symbole de cette libération est la « joyeuse entrée » qu’avaient effectuée à Bruxelles, dès le 22 novembre, le roi Albert Ier et les troupes belges.
  • [214]
    Loi du 21 juillet 1922 substituant la date du 11 novembre à celle du 4 août comme fête nationale, Moniteur belge, 24-25 juillet 1922. À ce sujet, cf. supra.
  • [215]
    Cf. M. Conway, Les chagrins de la Belgique. Libération et reconstruction politique, 1944-1947, Bruxelles, CRISP, 2015, p. 178. Il convient toutefois de noter que, l’embargo exigé par Staline sur l’acte de Reims du 7 mai 1945 ayant été rompu par un journaliste de l’Associated Press, la nouvelle de la reddition allemande est annoncée par les journaux belges – et célébrée par la population – dès le matin du 8 mai, soit avant que la capitulation officielle soit signée à Berlin. La nouvelle a même été éventée en Belgique dès l’après-midi du 7, via la radio allemande.
  • [216]
    En France, le 8 mai est jour de commémoration depuis 1946 (en vertu de la loi du 7 mai 1946) – quoiqu’avec une interruption, au niveau national, entre 1975 et 1981. En outre, ce jour y a été déclaré férié de 1953 à 1958 (de la loi du 20 mars 1953 au décret du 11 avril 1959) et ponctuellement en 1965 (à l’occasion du vingtième anniversaire de la victoire alliée, par un décret du 1er avril 1965), et il l’est à nouveau depuis 1981 (en vertu des lois du 23 septembre 1981 et du 2 octobre 1981).
  • [217]
    Au fil des années et jusqu’à récemment, plusieurs propositions de loi ont été déposées afin que le 8 mai soit inscrit dans la liste des fêtes belges ; aucune d’entre elles n’a abouti. Les dernières initiatives en date ont émané du PS (cf. Chambre des représentants, Proposition de loi modifiant la loi du 4 janvier 1974 relative aux jours fériés et l’arrêté royal du 18 avril 1974 déterminant les modalités générales d’exécution de la loi du 4 janvier 1974 relative aux jours fériés en vue d’instaurer un jour férié légal le 8 mai, n° 1800/1, 8 mai 2002, n° 116/1, 28 juillet 2003 et n° 496/1, 4 décembre 2007), d’Écolo (cf. Chambre des représentants, Proposition de loi modifiant la loi du 4 janvier 1974 relative aux jours fériés et l’arrêté royal du 18 avril 1974 déterminant les modalités générales d’exécution de la loi du 4 janvier 1974 relative aux jours fériés en vue d’instaurer un jour férié légal le 8 mai, n° 472/1, 24 novembre 2003) et de six sénateurs Écolo, PS, VLD, MR, SP.A et Agalev (Sénat, Proposition de résolution demandant au gouvernement de modifier l’arrêté royal du 18 avril 1974 relatif aux jours fériés en vue de fixer un jour férié le 8 mai, n° 752/1, 15 mai 2001).
  • [218]
    Cf. M. Conway, Les chagrins de la Belgique, op. cit.
  • [219]
    De même qu’il supprime, mais pour le seul secteur de l’enseignement, le congé du 15 novembre (cf. supra).
  • [220]
    Loi du 4 janvier 1974 relative aux jours fériés, Moniteur belge, 31 janvier 1974.
  • [221]
    Moniteur belge, 24 avril 1974.
  • [222]
    Il s’agit de réduire le nombre de jours fériés dont bénéficie le secteur public, afin de le calquer davantage sur celui en vigueur dans le secteur privé.
  • [223]
    En 1995, une circulaire de la ministre de l’Emploi et du Travail datée du 3 mars de la même année et relative à la « journée du souvenir du 8 mai 1995 » indiquera : « Dans le cadre des diverses cérémonies qui commémorent solennellement le 50e anniversaire de la capitulation de l’Allemagne nazie et du retour de la paix le 8 mai 1945 et afin d’encore souligner l’importance de ces manifestations, la ministre (…) demande aux partenaires sociaux, travailleurs et employeurs, au sein des commissions paritaires, des conseils d’entreprise, des délégations syndicales et du personnel, de fixer le jour de remplacement des jours fériés légaux qui coïncident avec un dimanche ou un jour habituel d’inactivité (comme par exemple le 11 novembre 1995), dans la mesure du possible et à titre exceptionnel, le lundi 8 mai 1995 ».
  • [224]
    Lors de la première cérémonie officielle du 11 novembre, en 1922, la dépouille d’un soldat belge non identifié (le « soldat inconnu ») a été inhumée dans une crypte aménagée au pied de la colonne du Congrès. Par le choix de ce lieu, symbole par excellence de l’héritage de la Révolution belge, les combattants belges de la Première Guerre mondiale – ainsi que, depuis lors, ceux de la Seconde Guerre mondiale – sont assimilés aux révolutionnaires de 1830 : tous sont présentés comme unis dans la défense de l’indépendance et la liberté du pays.
  • [225]
    Ordonnance du 16 mai 1991 portant fixation de l’emblème et du drapeau de la Région de Bruxelles-Capitale, Moniteur belge, 22 juin 1991 (et erratum : 10 septembre 1991). Depuis lors, cet acte a été modifié par une ordonnance du 12 février 2015 (Moniteur belge, 19 février 2015).
  • [226]
    Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, Proposition d’ordonnance portant fixation de l’emblème et du drapeau de la Région de Bruxelles-Capitale, n° 106/1, 27 février 1991, p. 1. Cf. aussi Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, Résolution relative au symbole de la Région de Bruxelles-Capitale, n° 70/2, 17 octobre 1990.
  • [227]
    Par la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises (Moniteur belge, 14 janvier 1989), entrée en vigueur dès le 1er janvier de la même année.
  • [228]
    Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, Proposition d’ordonnance portant fixation de l’emblème et du drapeau de la Région de Bruxelles-Capitale, n° 106/1, 27 février 1991, p. 1.
  • [229]
    Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, Proposition d’ordonnance déterminant le jour de fête de la Région de Bruxelles-Capitale, n° 340/1, 11 octobre 2002, p. 1-2.
  • [230]
    Ibidem, p. 1.
  • [231]
    Ibidem, p. 1-2.
  • [232]
    Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, Commission des Finances, du Budget, de la Fonction publique, des Relations extérieures et des Affaires générales, Proposition d’ordonnance déterminant le jour de fête de la Région de Bruxelles-Capitale. Rapport, n° 340/2, 30 janvier 2003, p. 2.
  • [233]
    La Journée de l’Europe a été instituée le 29 juin 1985 par le Conseil européen. Fêtée depuis 1986, elle commémore la « Déclaration Schuman » du 9 mai 1950, considérée comme le texte fondateur de la construction européenne.
  • [234]
    Ibidem, p. 4.
  • [235]
    Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, Séance plénière, n° 21, 21 février 2003, p. 805-806.
  • [236]
    Ordonnance du 13 mars 2003 déterminant le jour de fête de la Région de Bruxelles-Capitale, Moniteur belge, 1er avril 2003.
  • [237]
    « [Il] paraît important de choisir une date officielle au cours de laquelle se font les grandes déclarations politiques et (…) ont lieu les réceptions officielles et à une autre date, la plus proche possible du week-end, d’associer l’ensemble de la population bruxelloise, non seulement à la commémoration, mais également à des festivités, afin qu’un sentiment d’identité bruxelloise et de cohésion sociale puisse s’exprimer à cette occasion » (Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, Séance plénière, n° 20, 21 février 2003, p. 731).
  • [238]
    À ce propos, cf. J. Fransen, Herdenking, verbeelding en identiteit. Nationale feestdagen en de mythes van het taalpolitieke conflict in Brussel, 1945-1995, Bruxelles, VUBPress, 2005.
  • [239]
    Année du dernier élargissement de l’agglomération bilingue de Bruxelles, en vertu des résultats (dont la publication avait longtemps été retardée, suite aux pressions du Mouvement flamand) du volet linguistique du recensement de 1947 – volet depuis lors supprimé par une loi du 24 juillet 1961, également adoptée pour contenter le Mouvement flamand.
  • [240]
    Années de trois lois linguistiques majeures : la loi du 8 novembre 1962 modifiant les limites de provinces, arrondissements et communes et modifiant la loi du 28 juin 1932 sur l’emploi des langues en matière administrative et la loi du 14 juillet 1932 concernant le régime linguistique de l’enseignement primaire et de l’enseignement moyen (Moniteur belge, 11 novembre 1962), la loi du 30 juillet 1963 concernant le régime linguistique dans l’enseignement (Moniteur belge, 22 août 1963) et la loi du 2 août 1963 sur l’emploi des langues en matière administrative (Moniteur belge, 22 août 1963).
  • [241]
    La loi du 31 juillet 1921 concernant l’emploi des langues en matière administrative avait défini l’agglomération bruxelloise comme étant le territoire formé par les 17 communes suivantes : Anderlecht, Auderghem, Bruxelles, Etterbeek, Forest, Ixelles, Jette-Saint-Pierre, Koekelberg, Molenbeek-Saint-Jean, Saint-Gilles, Saint-Josse-ten-Noode, Schaerbeek, Uccle, Watermael-Boitsfort, Woluwe-Saint-Lambert, Woluwe-Saint-Pierre et Woluwe-Saint-Étienne (Moniteur belge, 12 août 1921). Ensuite, un arrêté royal du 12 juillet 1923 y a rattaché la commune de Ganshoren (Moniteur belge, 15 juillet 1923), la loi du 28 juin 1932 relative à l’emploi des langues en matière administrative en a soustrait cette même commune de Ganshoren ainsi que celle de Woluwe-Saint-Étienne (Moniteur belge, 29 juin 1928) et, enfin, la loi du 2 juillet 1954 modifiant la loi du 28 juin 1932 relative à l’emploi des langues en matière administrative y a ajouté Berchem-Sainte-Agathe, Evere et, à nouveau, Ganshoren (Moniteur belge, 8 juillet 1954). Sur tous ces mouvements, cf. S. Rillarts, « La frontière linguistique, 1878-1963 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2069-2070, 2010.
  • [242]
    Sont également souvent mobilisés des motifs de nature économique : il s’agit de rompre le « carcan » qui entraverait le développement de la région du fait qu’il la prive de la maîtrise sur son hinterland.
  • [243]
    Ce cheminement est désormais presque abouti, même s’il subsiste quelques exceptions (cf. J.-P. Nassaux, « Les aspects bruxellois de l’accord de réformes institutionnelles du 11 octobre 2011 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2129-2130, 2012 ; Q. Peiffer, « L’autonomie constitutive des entités fédérées », op. cit., p. 18-46 et 50-51).
  • [244]
    En vertu du Traité de Versailles, la Belgique a annexé 31 communes : 30 communes anciennement allemandes (réparties entre trois cantons : Eupen, Malmedy et Saint-Vith) et l’ancien territoire libre de Moresnet neutre (devenu la commune de La Calamine et rattaché au canton d’Aubel). La loi du 2 août 1963 sur l’emploi des langues en matière administrative redistribue les cartes : les 9 communes du canton d’Eupen (Eupen, Eynatten, Hauset, Hergenrath, Kettenis, Lontzen, Neu-Moresnet, Raeren et Walhorn), les 11 communes du canton de Saint-Vith (Amblève, Burg-Reuland, Crombach, Heppenbach, Lommersweiler, Manderfeld, Meyerode, Recht, Schoenberg, Saint-Vith et Thommen), la commune de La Calamine et 4 des 10 communes du canton de Malmedy (Bullange, Butgenbach, Elsenborn et Rocherath), soit un total de 25 communes, constituent la région de langue allemande, tandis que les 6 dernières communes du canton de Malmedy (Bellevaux-Ligneuville, Bévercé, Faymonville, Malmedy, Robertville et Waismes) appartiennent à la région de langue française. Le 1er janvier 1977, en application de la loi du 23 juillet 1971 concernant la fusion des communes et la modification de leurs limites (Moniteur belge, 6 août 1971), les 25 communes germanophones connaîtront une opération de fusion qui réduira leur nombre à neuf. Il est à noter par ailleurs que, peu après, afin d’assurer l’homogénéité linguistique des cantons, la commune de La Calamine sera transférée du canton d’Aubel vers celui d’Eupen et les nouvelles communes de Bullange et Butgenbach passeront du canton de Malmedy à celui de Saint-Vith (en vertu de l’arrêté royal du 10 mars 1977 apportant des modifications au tableau déterminant la composition des cantons électoraux [et] au tableau groupant les cantons électoraux, désignant les chefs-lieux de districts et attribuant le nombre de conseillers à chaque district : Moniteur belge, 12 mars 1977).
  • [245]
    On a d’ailleurs noté un malaise bien compréhensible des autorités de la Communauté germanophone vis-à-vis des commémorations du centenaire de la Grande Guerre (cf. M. Bost, C. Kesteloot, « Les commémorations du centenaire de la Première Guerre mondiale », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2235-2236, 2014, p. 47 ; P. Beck, « La Grande Guerre des Eupen-Malmédiens. Des combats militaires aux combats mémoriels », Communication à l’Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique, 9 mai 2017).
  • [246]
    Les autres jubilés belges prennent place en 1880, en 1905, en 1930, en 1980 et en 2005. Le cinquième jubilé n’est pas organisé, l’Exposition universelle et internationale de Bruxelles de 1958 tenant lieu de facto de telle célébration.
  • [247]
    Sur les caractéristiques du fédéralisme belge, cf. É. Arcq, V. deCoorebyter, C. Istasse, Fédéralisme et confédéralisme, Bruxelles, CRISP (Dossier n° 79), 2012, p. 49-69.
  1. Introduction
  2. 1. L’instauration de fêtes propres aux entités fédérées belges : fondements juridiques
  3. 2. L’institutionnalisation d’une tradition ancienne : Région wallonne, Communauté française et Communauté flamande
    1. 2.1. La Région wallonne et la Communauté française
      1. 2.1.1. Les événements de septembre 1830
      2. 2.1.2. La Révolution belge, une « passion de nationalité » 
      3. 2.1.3. La récupération de la tradition des fêtes de septembre par le Mouvement wallon
      4. 2.1.4. Le « décret » de l’Assemblée wallonne de 1913
      5. 2.1.5. Le décret de la Communauté culturelle française du 20 juillet 1975
      6. 2.1.6. Le décret de la Région wallonne du 23 juillet 1998
      7. 2.1.7. Conclusion
    2. 2.2. La Communauté flamande
      1. 2.2.1. Les événements du 11 juillet 1302
      2. 2.2.2. De l’événement oublié à la « page immortelle de notre gloire nationale » 
      3. 2.2.3. La monopolisation du souvenir de la bataille des Éperons d’or par le Mouvement flamand
      4. 2.2.4. Le rejet du souvenir de la bataille des Éperons d’or par le Mouvement wallon
      5. 2.2.5. Le décret de la Communauté culturelle néerlandaise du 6 juillet 1973
      6. 2.2.6. Conclusion
    3. 2.3. Éléments de similitude entre les deux processus mémoriels
      1. 2.3.1. Lire hier en fonction d’aujourd’hui
      2. 2.3.2. D’hier ou d’aujourd’hui, un peuple mythifié
  4. 3. La création d’une tradition : Communauté germanophone et Région de Bruxelles-Capitale
    1. 3.1. La Communauté germanophone
      1. 3.1.1. La tradition de la fête du Roi et sa fixation au 15 novembre
      2. 3.1.2. Une date réappropriée par la Communauté germanophone
      3. 3.1.3. Un choix toujours questionné
      4. 3.1.4. Conclusion
    2. 3.2. La Région de Bruxelles-Capitale
      1. 3.2.1. La faible résonance du 8 mai 1945 dans la mémoire collective belge
      2. 3.2.2. Une date réinvestie par la Région de Bruxelles-Capitale
      3. 3.2.3. Conclusion
    3. 3.3. Éléments de similitude entre les deux processus mémoriels
      1. 3.3.1. L’absence de mythe du « peuple uni »
      2. 3.3.2. La célébration d’un symbole et non d’un événement historique
  5. Conclusion

Depuis la fin du 19e siècle, la fête nationale belge est célébrée le 21 juillet, en commémoration de la prestation de serment de Léopold Ier en 1831. Aujourd’hui, la Belgique connaît en outre cinq fêtes régionales ou communautaires : celle de la Région de Bruxelles-Capitale le 8 mai, en référence à la victoire de la démocratie sur le fascisme en Europe en 1945, celle de la Communauté flamande le 11 juillet, en souvenir de la bataille des Éperons d’or de 1302, celle de la Région wallonne le troisième dimanche de septembre et celle de la Communauté française le 27 septembre, toutes deux en mémoire des Journées de Septembre 1830, et celle de la Communauté germanophone le 15 novembre, jour de la fête du Roi. Le choix de chacune de ces six dates participe de la définition, de la construction et de la visibilité d’une conscience collective, nationale, régionale ou communautaire. L’État belge souligne le pacte privilégié qui est censé unir la nation à son souverain. La Wallonie affermit son identité régionale par le moyen d’une tradition populaire ancrée de longue date. La Communauté française puise dans le passé un exemple emblématique de solidarité entre Wallons et Bruxellois francophones au nom de la langue et de la culture. La Flandre appuie sa double volonté de défendre sa langue et sa culture sur son territoire et d’accéder à une autonomie accrue à l’intérieur du cadre fédéral belge. La Région bruxelloise met en avant son action en faveur de la démocratie et du multiculturalisme. La Communauté germanophone affirme son attachement à la monarchie belge et, par là, à la Belgique.

À travers l’étude des différents processus d’évolution mémorielle ayant mené aux fêtes nationales et subnationales belges, ce Courrier hebdomadaire permet de mieux comprendre l’histoire de la Belgique et sa progressive transformation en un État fédéral.

Mis en ligne sur Cairn.info le 12/07/2019
https://doi.org/10.3917/cris.2412.0005
ISBN 9782870752128
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