CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1Une récente livraison du Courrier hebdomadaire a proposé une radioscopie de l’extrême droite en Europe occidentale au cours des quinze dernières années  [1]. Au-delà des spécificités propres à chaque formation d’extrême droite étudiée, elle a mis en évidence cinq enseignements transversaux permettant de mieux comprendre l’actualité de ce courant politique en Europe de l’Ouest. Mais le développement de l’extrême droite à l’époque contemporaine ne se limite pas à l’Europe occidentale. Dans les pays d’Europe centrale et orientale (PECO), nombreux sont aussi les partis incarnant cette mouvance idéologique à se démarquer dans l’arène politique, que ce soit en siégeant dans une assemblée parlementaire ou même en exerçant le pouvoir au niveau exécutif.

2Comme en Europe occidentale et même si l’une d’entre elles est aujourd’hui dominante sur cette partie du Vieux Continent, plusieurs formes peuvent être distinguées lorsqu’il s’agit d’analyser l’extrême droite dans les PECO. Primo, l’extrême droite peut être néo-nazie, ce qui signifie qu’elle « défend le racialisme, le racisme biologique et eugéniste, la supériorité de la race blanche (…) et l’antisémitisme racial (…), et qu’elle adhère à une vision complotiste du monde et nie la réalité matérielle du génocide des Juifs [durant la Seconde Guerre mondiale] »  [2]. Secundo, elle peut être nationale-populiste : dans ce cas, elle n’opère pas de distinction entre des races et n’use pas de moyens violents pour mener à bien son projet politique, mais elle a recours à un style politique « fondé sur l’appel au peuple ainsi que sur le culte et la défense du peuple »  [3] – ce dernier étant exclusivement composé de membres de la nation, en opposition aux élites mais aussi aux éléments non nationaux. Tertio, l’extrême droite peut être de nature eurosceptique, ce qui signifie qu’elle poursuit un objectif souverainiste. Quarto, elle peut s’incarner dans le traditionalisme ou dans l’intégrisme religieux ; dans ce cas, les préceptes édictés par le christianisme ou issus de celui-ci peuvent être invoqués pour justifier le non-respect de principes fondamentaux de la démocratie libérale et de droits individuels. Quinto, l’extrême droite peut se développer autour d’un projet relevant du « gramscisme de droite »  [4], c’est-à-dire « de la nécessité (…) de mener un combat culturel imposant son vocabulaire puis ses idées »  [5] ; dans ce cas, elle est généralement nommée « nouvelle droite ». Sexto et enfin – et il s’agit là d’une distinction particulièrement utile lorsque sont abordées les formations d’extrême droite dans les PECO –, l’extrême droite peut être irrédentiste  [6], c’est-à-dire réclamer le rattachement à l’État de territoires où vivent des nationaux.

3Au-delà des différences caractérisant ces variantes de l’extrême droite (qui peuvent se recouper et se retrouver dans un même parti politique), un noyau idéologique et doctrinal est partagé par l’ensemble de celles-ci. Celui-ci repose sur trois caractéristiques : (1) le rejet de l’immigration, voire la xénophobie ; (2) un projet autoritaire en matière de sécurité intérieure ; (3) une rhétorique antisystème et hostile aux partis politiques traditionnels.

4Les différentes formes d’extrême droite peuvent être mobilisées par divers acteurs ou groupes d’acteurs : non seulement des partis politiques, mais également des mouvements sociaux, des organes de presse, des intellectuels, des artistes, etc. En ce sens, c’est d’une véritable « galaxie d’extrême droite »  [7] dont il s’agit. Pour sa part, le présent Courrier hebdomadaire se focalise principalement sur les organisations partisanes, en tant qu’il s’agit du type de structures capables d’exercer l’influence la plus directe sur les processus décisionnels.

5Sur la base d’une sélection de 13 pays d’Europe centrale et orientale appartenant tous à l’Union européenne (Bulgarie, Chypre, Croatie, Estonie, Grèce, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République tchèque, Roumanie, Slovaquie et Slovénie), le présent Courrier hebdomadaire a pour objectif de mieux cerner les partis d’extrême droite qui sont aujourd’hui actifs en Europe centrale et orientale, en relevant les événements clés qui ont marqué leur développement récent, les stratégies politiques qu’ils développent, et leurs rapports avec les pouvoirs législatif et exécutif.

6D’entrée de jeu, il est à souligner que l’extrême droite en Europe centrale et orientale comporte au moins trois spécificités par rapport à l’extrême droite en Europe occidentale  [8]. Tout d’abord, et même si la situation n’est pas aussi homogène en Europe de l’Ouest, elle est souvent caractérisée par des positions plutôt à gauche sur les questions sociales et économiques. Ensuite, la question de la place à accorder aux minorités ethniques – et pas seulement aux étrangers – est particulièrement importante dans leurs programmes et leurs discours. Enfin, l’extrême droite coexiste avec des partis plus traditionnels qui se sont radicalisés. Ces spécificités permettront, en conclusion, de dégager de nouveaux enseignements afin de mieux appréhender l’actualité de l’extrême droite dans un contexte plus large.

7La situation présentée dans cette étude est celle arrêtée fin décembre 2019.

1. Bulgarie

8Plusieurs formations politiques sont parvenues à se développer et à s’imposer dans le paysage politique bulgare depuis le début des années 2000. La principale d’entre elles est sans conteste la Национално Oбединение Атака  [9] (Ataka, Union nationale Attaque). Fondé le 17 avril 2005 par le journaliste Volen Nikolov Siderov, Ataka est un parti fondamentalement nationaliste, eurosceptique, antisémite et anti-establishment. Il considère notamment les Turcs bulgares et les Roms, ainsi que les Bulgares formés à l’Université d’Europe centrale  [10], comme étant hostiles à la nation bulgare  [11].

9Alors qu’il n’est créé que depuis deux mois, Ataka se présente au suffrage des électeurs lors des élections législatives du 25 juin 2005. Il réalise une percée spectaculaire puisqu’il obtient 8,9 % des voix et fait son entrée à la Народно Cъбрание (Narodno Săbranie : Assemblée nationale, qui est le parlement monocaméral bulgare), avec 21 sièges (sur 240). Ce succès si rapide peut s’expliquer par la personnalité de V. Siderov – jusqu’alors très en vue en tant qu’animateur d’une émission télévisée – mais aussi par le fait qu’Ataka a mené sa campagne sur des thèmes relativement consensuels pour les partis traditionnels, comme les intégrations de la Bulgarie à l’Union européenne et à l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) – intégrations auxquelles s’oppose Ataka –, la gestion des minorités ethniques ou la privatisation de l’économie nationale.

10Si le parti connaît des dissensions internes entre 2005 et 2006 et voit son groupe parlementaire réduit de 21 à 15 députés en un an  [12], Ataka crée à nouveau la surprise en 2006 lorsque V. Siderov décroche 21,5 % des voix lors du premier tour de l’élection présidentielle (22 octobre), arrivant ainsi à la deuxième place lors de ce scrutin. Il se qualifie dès lors pour le second tour, qu’il échoue cependant à remporter ; il n’en obtient pas moins près d’un quart des suffrages (24,1 %) à cette seconde occasion (29 octobre).

11Le 20 mai 2007, les citoyens bulgares sont appelés pour la première fois aux urnes afin d’élire leurs représentants au Parlement européen. Ataka obtient 14,2 % des suffrages et décroche 3 sièges dans l’assemblée européenne. Les bonnes performances enregistrées en 2005 puis en 2006 se confirment ainsi au niveau européen.

12Deux ans plus tard, Ataka remporte 9,4 % (+ 0,5 %) des voix lors des élections législatives du 5 juillet 2009 (et 21 sièges, soit un statu quo par rapport à 2005). À l’issue de ce scrutin, le parti conservateur de centre-droit Граждани за Eвропейско Pазвитие на България  [13] (GERB, Citoyens pour le développement européen de la Bulgarie) forme un gouvernement minoritaire, tout en obtenant le soutien parlementaire des partis de centre-droit Синята Коалиция  [14] (SK, Coalition bleue) et Ред, Законност и Справедливост  [15] (RZS, Ordre, loi et justice), ainsi que celui du parti d’extrême droite Ataka. Pour la première fois, ce dernier détient ainsi formellement une capacité d’influence directe sur les décisions publiques – en tout cas jusque 2011, année durant laquelle il retire son soutien au gouvernement. Une des missions principales fixées par le Premier ministre Boïko Borissov est alors de lutter contre la corruption et de rétablir la confiance de l’Union européenne  [16].

13Le 7 juin 2009, Ataka se présente aux élections européennes. Néanmoins, ses performances sont en recul puisqu’il n’obtient que 12,0 % des voix (– 2,2 %) et perd 1 siège au Parlement européen. Ce déclin se confirme lors du premier tour de l’élection présidentielle de 2011 (23 octobre), à l’occasion de laquelle le leader du parti, V. Siderov, ne réussit pas à réitérer son exploit de 2006 et ne remporte que 3,6 % des voix.

14Cet affaiblissement progressif des performances électorales d’Ataka – qui ne cessera de se poursuivre dans les années à venir – s’explique notamment par la fragmentation organisationnelle de l’extrême droite. Ainsi, le 17 mai 2011, l’ancien eurodéputé Slavi Binev et un ancien collaborateur de V. Siderov, Valeri Simeonov, fondent le Национален Фронт за Спасение на България  [17] (NFSB, Front national pour le salut de la Bulgarie) à la suite d’une scission d’Ataka. Alors que le NFSB développe une rhétorique d’abord axée sur la lutte contre la corruption, Ataka radicalise son discours en l’orientant davantage encore sur le nationalisme bulgare et sur la lutte contre les minorités roms et turques  [18].

15À la suite de nombreuses protestations sociales qui éclatent au début de l’année 2013 en conséquence de la hausse du prix de l’électricité, le Premier ministre B. Borissov (GERB) annonce la démission de son gouvernement le 20 février 2013, quelques mois avant la fin de son mandat. Le 12 mai 2013, ont lieu des élections législatives à l’issue desquelles le parlement n’est composé que de quatre partis (contre six auparavant). Ataka se maintient dans l’assemblée, avec 7,3 % des voix (soit – 2,1 %) mais 23 sièges (+ 2), et ce malgré la concurrence électorale qui s’élargit (le NFSB obtient 3,7 % des voix mais aucun siège). En dépit de la réduction du nombre de partis représentés au Parlement, aucun d’entre eux ne décroche une majorité et la formation d’une coalition s’annonce complexe. Après l’échec d’une tentative de formation gouvernementale par le GERB, le parti de centre-gauche Българска Социалистическа Партия  [19] (BSP, Parti socialiste bulgare) et le parti des Turcs et musulmans de Bulgarie Движение за Права и Свободи  [20] (DPS, Mouvement des droits et des libertés) forment une coalition ; le 28 mai 2013, est installé un gouvernement d’experts dirigé par Plamen Oresharski (sans étiquette politique, mais fort proche du BSP). Ne reposant que sur 120 sièges sur 240, cette coalition minoritaire bénéficie de l’appui externe d’Ataka. Cette fois, le parti d’extrême droite soutient donc un gouvernement non pas de centre-droit (comme en 2009-2011) mais de centre-gauche. Cependant, ce soutien se manifeste essentiellement en permettant d’atteindre le quorum nécessaire pour l’ouverture des sessions plénières à l’Assemblée nationale (à savoir 121 députés au minimum). Dans les faits, Ataka s’abstient davantage qu’il ne vote en faveur de textes proposés par le gouvernement  [21].

16Lors du scrutin européen du 25 mai 2014, Ataka enregistre un recul considérable puisqu’il perd – 9,0 % des voix par rapport au scrutin européen de 2009 et ne totalise plus que 3,0 % des suffrages. En conséquence, il perd l’ensemble de sa représentation au Parlement européen. Le NFSB, qui prend part pour la première fois à un scrutin européen, enregistre quant à lui 3,0 % des suffrages et ne parvient pas non plus à décrocher un siège d’eurodéputé.

17Dès le gouvernement Orecharski mis sur pied, de nombreuses manifestations contre la corruption et la pauvreté éclatent en Bulgarie. Celles-ci débouchent sur le retrait du DPS du gouvernement et sur la tenue d’élections anticipées, le 5 octobre 2014. À cette occasion, le nombre de groupes parlementaires double, et le paysage partisan se fragmente. Ataka enregistre un sévère recul puisqu’il n’obtient plus que 4,5 % des voix (soit – 2,8 %) et 11 sièges (– 12). Quant à lui, le GERB arrive en tête mais échoue à obtenir une majorité absolue. Il forme une coalition avec deux formations libérales et bénéficie du soutien extérieur d’une nouvelle formation d’extrême droite, le Патриотичен Фронт  [22] (PF, Front patriotique), qui est une alliance de deux partis, à savoir le NFSB et le BMPO - Българско Национално Движение  [23] (VMRO-BND : VMRO - Mouvement national bulgare) et qui a obtenu 7,3 % des voix et 19 sièges (soit 8 de plus qu’Ataka). L’extrême droite continue donc de se fragmenter et Ataka commence à être directement menacé  [24]. Dans ce contexte concurrentiel, le parti entend récupérer son rang et se distingue par un positionnement pro-russe clair et par des actions violentes plus nombreuses, notamment à l’égard des étudiants  [25].

18Ataka et le PF parviennent néanmoins à s’allier en vue de l’élection présidentielle de 2016. Alors que la Bulgarie est touchée par la crise des réfugiés, l’immigration devient un enjeu clé sur lequel peuvent s’entendre les deux formations d’extrême droite. En conséquence, le 28 juillet 2016, celles-ci forment le cartel électoral Обединени Патриоти  [26] (OP, Patriotes unis) et présentent un candidat commun au scrutin présidentiel, à savoir Krassimir Karakatchanov. La campagne est principalement axée sur la question migratoire, mais le candidat OP propose aussi, entre autres, de terminer la clôture frontalière entre la Bulgarie et la Turquie et d’augmenter la pension minimale. L’opération est un succès puisque K. Karakatchanov décroche 15,0 % des voix, réalisant ainsi le troisième meilleur score lors du premier tour de l’élection présidentielle, le 6 novembre  [27]. S’étant avérée favorable, cette stratégie d’alliance de l’extrême droite est maintenue en vue du scrutin législatif à venir.

19À la suite de l’élection de Roumen Radev (indépendant, soutenu par le BSP) à la présidence de la République le 13 novembre 2016, le Premier ministre B. Borissov annonce sa démission. Face à l’impossibilité de former une nouvelle coalition, des élections anticipées ont lieu le 26 mars 2017. Alors que les petits partis de droite traditionnelle sont en recul électoral, le cartel OP réalise le troisième meilleur score, avec 9,3 % des voix et 27 sièges (soit cependant – 2,5 % et – 3 sièges par rapport au total des scores d’Ataka et du PF trois ans plus tôt). Malgré la volonté de la présidente du BSP, Korneliya Ninova, de former une coalition avec l’OP, c’est à une coalition dirigée par B. Borissov et rassemblant le GERB et l’OP que le scrutin donne lieu : le gouvernement Borissov III. En outre, le petit parti d’extrême droite Воля (Volya), né le 15 juillet 2007 et qui vient de faire son entrée au Parlement (avec 4,2 % des voix et 12 sièges), apporte son soutien au gouvernement (pourtant majoritaire) de B. Borissov  [28].

20Le cartel OP et les partis qui le composent accèdent alors pour la première fois au pouvoir. Ils décrochent quatre ministères : K. Karakatchanov, leader du VROM-BND, est vice-Premier ministre et ministre de la Défense ; V. Simeonov, dirigeant du NFSB, est vice-Premier ministre chargé de la Politique économique et démographique ; Neno Dimov (OP) est ministre de l’Environnement et des Eaux ; et Emil Karanikolov (Ataka) est ministre de l’Économie. Trop radical, le leader d’Ataka, V. Siderov, n’intègre quant à lui pas le gouvernement. Le 16 novembre 2018, V. Simeonov est amené à la démission à la suite de manifestations organisées par des mères d’enfants handicapés réclamant davantage d’aides sociales et lors desquelles le vice-Premier ministre a déclaré qu’il s’agit « d’une poignée de femmes véhémentes qui instrumentalisent leurs enfants et manipulent la société en exposant à la chaleur et à la pluie ces enfants prétendument malades (...) dans le seul but d’obtenir des gains matériels »  [29]. Il est remplacé, à partir du 21 novembre, par Mariana Nikolova (sans étiquette).

21Il est à noter que c’est à l’issue d’une stratégie de rassemblement et de modération – notamment de la part d’Ataka – que l’OP accède au pouvoir, en tant que formation politique pivot. En effet, le discours des partis qui composent cette alliance électorale a été principalement axé sur la question migratoire. La dénonciation des minorités rom et turque a été encore bien présente chez certains – surtout chez Ataka – mais n’est plus apparue au premier plan. Enfin, l’hostilité qui caractérise ces partis à l’égard de l’Union européenne ou de l’OTAN a été mise en sourdine.

22À l’occasion des élections européennes du 26 mai 2019, les partis du cartel OP décident de ne pas s’unir. Ataka et le NFSB subissent tous deux un important revers électoral, ne remportant respectivement que 1,1 % (soit – 1,9 %) et 1,2 % (soit – 1,9 %) des voix. Le VMRO-BND (qui se présente seul pour la première fois à ce scrutin) remporte par contre 7,4 % des suffrages et décroche 2 sièges au Parlement européen  [30].

23Le 25 juillet 2019, le parti Ataka est expulsé du cartel OP par les deux autres formations qui le composent. Celles-ci accusent la formation de V. Siderov d’attaques personnelles et de sabotage des décisions collégiales  [31].

Graphique 1

Bulgarie. Élections législatives (Narodno Săbranie), élections présidentielles et élections européennes, 2005-2019 (en % des votes valables). Résultats d’Ataka

Graphique 1. Bulgarie. Élections législatives (Narodno Săbranie), élections présidentielles et élections européennes, 2005-2019 (en % des votes valables). Résultats d’Ataka

Bulgarie. Élections législatives (Narodno Săbranie), élections présidentielles et élections européennes, 2005-2019 (en % des votes valables). Résultats d’Ataka

Remarque : Lors du scrutin présidentiel de 2016 et du scrutin législatif de 2017, Ataka se présente au sein du cartel électoral OP (rassemblant également le NFSB et le VMRO-BND).

2. Chypre

24Quatre grandes vagues d’extrême droite marquent l’histoire politique chypriote au XXe siècle  [32]. Toutes ne s’incarnent pas dans un parti politique structuré. Ainsi, après l’indépendance du pays en 1960, ce sont principalement des organisations paramilitaires qui occupent le terrain de l’extrême droite, tant du côté de la communauté chypriote grecque que de la communauté chypriote turque. C’est d’ailleurs l’organisation Εθνική Οργάνωσις Κυπρίων Αγωνιστών B  [33] (EOKA B ou EOKA II, Organisation nationale des combattants chypriotes) qui, avec la junte militaire grecque, tente d’opérer un coup d’État en juillet 1974, visant à l’unification de Chypre à la Grèce mais conduisant à l’invasion de la part nord-est de l’île par la Turquie quelques jours plus tard. Néanmoins, depuis 1974 et l’instauration de la ligne verte, aucune formation d’extrême droite significative n’est parvenue à s’imposer dans le paysage partisan national  [34].

25Deux facteurs principaux expliquent l’absence de partis d’extrême droite pendant plusieurs décennies à Chypre. D’une part, l’extrême droite se retrouve marginalisée et stigmatisée en conséquence du rôle qu’elle a exercé lors des événements de 1974. L’électorat chypriote perçoit dès lors l’extrême droite comme une source de troubles et de tensions politiques. D’autre part, le parti de droite Δημοκρατικός Συναγερμός  [35] (DISY, Rassemblement démocrate), fondé le 4 juillet 1976, rassemble en son sein les différentes tendances, du centre-droit à l’extrême droite ; il vide ainsi l’extrême droite de son réservoir électoral  [36].

26Depuis le début des années 2000, plusieurs partis d’extrême droite tentent de se développer à Chypre  [37]. Le soutien dont ils bénéficient est néanmoins particulièrement faible, et leur fortune électorale insignifiante. Mais une formation d’extrême droite fondée en 2008 semble amorcer une remise en cause de cette absence structurelle d’extrême droite sur le territoire chypriote : l’Εθνικό Λαϊκό Μέτωπο  [38] (ELAM, Front populaire national).

27Ce parti d’extrême droite est unique en Europe par son origine. Alors que les formations d’extrême droite sont généralement fondées ex nihilo (comme Ataka en Bulgarie ou le Jobbik en Hongrie) ou issues d’une scission d’un parti déjà existant (comme le LAOS en Grèce), l’ELAM est initialement créé en tant qu’organisation satellite du parti d’extrême droite grec Χρυσή Αυγή (XA, Aube dorée : cf. infra). Lorsque celle-ci voit le jour, à la fin de l’année 2002, c’est d’ailleurs sous le nom de Χρυσή Αυγή - Παράρτημα Κύπρου (Aube dorée - noyau chypriote). À l’instar du XA, son objectif est l’énosis (« ένωση »), c’est-à-dire l’union de Chypre à la Grèce. L’organisation prend l’appellation d’ELAM en 2008. Elle est légalement reconnue comme parti politique par les autorités chypriotes en mai 2011  [39], devenant ainsi le parti frère du XA à Chypre. Tout comme le XA, l’ELAM est un parti ultranationaliste, hostile à l’égard des migrants, antisystème, ouvertement raciste et défendant une vision autoritaire en matière de sécurité intérieure. Par ailleurs, alors qu’ils ne prennent pas leurs distances avec le fascisme, le XA et l’ELAM sont tous les deux caractérisés par la culture de la violence – symbolique mais aussi physique – qu’ils développent et entretiennent  [40]. Il s’agit ainsi de partis quasi identiques  [41].

28Néanmoins, l’entrée de l’ELAM sur la scène politique chypriote s’effectue dans un environnement distinct de celui dans lequel se développe le XA en Grèce à au moins deux égards  [42]. D’une part, alors que la question nationale est au cœur de l’agenda politique chypriote depuis plusieurs décennies, c’est moins le cas en Grèce, même s’il s’agit d’un enjeu qui revient ponctuellement au-devant de la scène politique, comme à l’occasion de la négociation et de la conclusion de l’accord de Prespa du 12 juin 2018 (cf. infra). En conséquence, toute la classe politique chypriote est constamment mobilisée autour de cet enjeu. D’autre part, les conditions socio-économiques dans lesquelles vivent les citoyens grecs et chypriotes diffèrent. Cela a pour conséquence une politisation différente de la crise économique et financière déclenchée en 2008 et de ses effets (dont les plans d’austérité)  [43].

29Cette différence d’environnement permet de comprendre pourquoi la fortune électorale de l’ELAM diffère de celle du XA. En effet, l’ELAM participe pour la première fois à un scrutin lors des élections européennes du 6 juin 2009. À cette occasion, il n’obtient que 0,2 % des voix valablement exprimées. Alors qu’il dépose des listes en vue des élections législatives du 22 mai 2011, il ne remporte que 1,1 % des suffrages. Il ne décroche dès lors aucun siège à la Βουλή των Αντιπροσώπων (Voulí ton Antiprosópon : Chambre des représentants, qui est l’assemblée parlementaire monocamérale chypriote). Deux ans plus tard, le 17 février 2013, l’ELAM prend part au scrutin présidentiel. À nouveau, son score est marginal : 0,9 % des suffrages. Les performances électorales du parti tendent à s’accroître lors des élections européennes du 25 mai 2014, lors desquelles il obtient 2,7 % des voix (+ 2,5 %). Toutefois, ce score demeure trop faible pour lui assurer une représentation au Parlement européen. Il faut attendre les élections législatives du 22 mai 2016 pour que le parti franchisse – de justesse – le seuil électoral (alors fixé à 3,6 % des voix) et fasse son entrée à la Voulí  [44]. À cette occasion, il obtient en effet 3,7 % des voix (+ 2,6 %) et décroche 2 sièges (sur 56) au Parlement. Prenant à nouveau part au scrutin présidentiel le 28 janvier 2018, l’ELAM améliore son score de 2013 avec 5,7 % des suffrages (+ 4,8 %). Néanmoins, c’est lors du scrutin européen du 26 mai 2019 que la formation d’extrême droite se démarque le plus, en remportant 8,2 % des voix. Si ce score ne lui permet pas de décrocher un siège au Parlement européen contrairement à ce que d’aucuns annonçaient dans la presse avant le scrutin  [45], il demeure le résultat le plus important réalisé par l’ELAM depuis sa fondation.

30Malgré le développement et l’entrée de l’ELAM au Parlement chypriote en 2013, l’extrême droite demeure marginale à Chypre aujourd’hui. Néanmoins, les exemples allemands et espagnols ont montré que des pays caractérisés par l’absence de partis d’extrême droite en leur sein peuvent voir de telles formations s’imposer très rapidement  [46]. Au regard de l’évolution électorale de l’ELAM ces dernières années, la République de Chypre ne peut donc pas être considérée comme étant préservée de l’extrême droite. Au contraire, l’éventualité d’un sursaut de l’extrême droite chypriote dans les années à venir n’est pas à exclure.

Graphique 2

Chypre. Élections législatives (Voulí ton Antiprosópon), élections présidentielles et élections européennes, 2009-2019 (en % des votes valables). Résultats de l’ELAM

Graphique 2. Chypre. Élections législatives (Voulí ton Antiprosópon), élections présidentielles et élections européennes, 2009-2019 (en % des votes valables). Résultats de l’ELAM

Chypre. Élections législatives (Voulí ton Antiprosópon), élections présidentielles et élections européennes, 2009-2019 (en % des votes valables). Résultats de l’ELAM

3. Croatie

31L’extrême droite semble canalisée en Croatie depuis bon nombre d’années. Néanmoins, plusieurs formations appartenant à cette tendance politique continuent à prendre part au jeu électoral et participent à la diffusion des idées d’extrême droite afin d’exercer une influence indirecte sur les décisions publiques.

32Après le retour au multipartisme en 1990, le Hrvatska Stranka Prava (HSP, Parti croate du droit) est la principale formation d’extrême droite, de laquelle sont issues plusieurs dissidences. Le HSP est fondé le 25 février 1990 par Dobroslav Paraga (qui en est le premier président) et Ante Paradžik ; plus précisément, les deux hommes rétablissent le parti éponyme qui avait été créé en 1861 afin de revendiquer l’indépendance de la Croatie (et dont le mouvement Oustasha  [47] a été une scission). Il se positionne avant tout comme un parti ultranationaliste et irrédentiste, réclamant la création d’une grande Croatie, incorporant la Bosnie-Herzégovine  [48]. Rapidement, le parti se dote d’une milice paramilitaire, la Hrvatske Obrambene Snage (HOS, Force de défense croate), dans le contexte des guerres de l’ex-Yougoslavie. Cette milice, dont de nombreux membres arborent des insignes oustachis, est créée le 25 juin 1991 par les leaders du HSP ; elle mène activement le combat « pour la défense de la Croatie ». Lors de la prise de Vukovar par les Serbes, le 18 novembre 1991, les dirigeants du HSP et de la HOS sont emprisonnés pour terrorisme. Entre septembre 1991 et janvier 1992, la HOS est démembrée et absorbée par l’armée régulière croate.

33Le HSP ne participe pas au premier scrutin multipartite croate, qui a lieu les 22 avril et 6-7 mai 1990. Il prend néanmoins part aux premières élections législatives qui se tiennent après l’indépendance du pays (qui est proclamée le 25 juin 1991), le 2 août 1992. À cette occasion, il obtient 7,1 % des voix et décroche 5 sièges (sur 138) au Hrvatski Sabor (le Parlement croate)  [49]. Il fait ainsi son entrée dans les institutions politiques, en tant que formation d’opposition.

34Lors des élections législatives du 29 octobre 1995, le HSP enregistre un recul électoral puisqu’il obtient 5,0 % (soit 4 sièges sur 127). Ce score en berne peut s’expliquer par la concurrence électorale d’autres formations d’extrême droite, ainsi que par les divisions que connaît le HSP. Deux principaux partis peuvent être épinglés.

35Le premier est le Hrvatska Čista Stranka Prava (HČSP, Pur parti croate du droit), qui est une formation d’extrême droite fondée le 12 décembre 1992 par Ivan Gabelica. Ce parti se réclame l’héritier du parti éponyme créé en 1904 et actif au début du XXe siècle pour défendre le droit à l’autodétermination de la Croatie, alors membre de l’Empire austro-hongrois puis du Royaume des Serbes, Croates et Slovènes (devenu le Royaume de Yougoslavie en 1929). Ultra-conservateur, populiste, nationaliste et anti-immigration  [50], le parti s’oppose à la représentation parlementaire des minorités  [51] et affiche ouvertement sa sympathie à l’égard du mouvement Oustacha. À plusieurs occasions, il célèbre ainsi le mouvement et ses membres, tout en niant les crimes commis par ces derniers.

36Le deuxième parti à pointer ici est le Hrvatska Stranka Prava 1861 (HSP 1861, Parti croate du droit 1861), créé au printemps 1995 par l’ancien président du HSP, D. Paraga, à la suite d’une scission du HSP consécutive à la désignation d’Anto Đapić à la tête de ce parti. Se réclamant l’héritier du Hrvatska Stranka Prava (HSP, Parti croate du droit) originel fondé en 1861, il développe un programme également axé sur l’indépendance de la Croatie. Ce parti remporte un très faible score et ne parviendra jamais à bénéficier d’une représentation parlementaire.

37Alors que le HSP se présente surtout en cartel avec des partis de droite lors des scrutins suivants, il conserve une représentation parlementaire jusque 2011. Lors des élections législatives du 3 janvier 2000, le cartel auquel il prend part remporte 5,2 % des voix et permet au HSP de décrocher 4 sièges  [52]. Lors du scrutin législatif du 23 novembre 2003, le cartel obtient 6,4 %, ce qui octroie 8 sièges au HSP  [53] ; il s’agit là du meilleur score du parti au plan de la représentation parlementaire. Cependant, le déclin du parti est amorcé dès les élections législatives du 25 novembre 2007, lors desquelles le HSP se présente seul et n’obtient que 3,5 % des voix et 1 siège. Quatre ans plus tard, à l’occasion du scrutin législatif du 4 décembre 2011, son score n’est que de 3,0 %, ce qui se traduit par la perte de son unique siège.

38Depuis lors, et malgré sa participation à un cartel à nouveau lors des élections législatives du 8 novembre 2015, le HSP n’atteint plus 1 % des suffrages. Par ailleurs, il n’a décroché aucun siège lors des trois scrutins européens qu’a connus la Croatie à ce jour : 14 avril 2013 (1,4 % seul), 25 mai 2014 (6,9 % pour son cartel) et 26 mai 2019 (4,4 % pour son cartel)  [54]. On notera enfin que, à ce jour, ce parti ne s’est présenté qu’à deux élections présidentielles, à savoir celle du 2 août 1992 et celle des 24 janvier et 7 février 2000 ; au premier tour, il a obtenu respectivement 5,5 % et 1,8 %.

39Trois éléments majeurs permettent d’expliquer cette lente disparition du HSP. Tout d’abord, le parti connaît de nouvelles scissions, ce qui augmente la concurrence électorale d’extrême droite. Il en est ainsi du parti Hrvatska Stranka Prava dr. Ante Starčević (HSP-AS, Parti croate du droit - Docteur Ante Starčević), fondé en 2009 par Ruža Tomašić. Lors des élections législatives du 4 décembre 2011 – scrutin lors duquel le HSP perd sa représentation parlementaire –, le HSP-AS forme un cartel avec le HČSP. Ensemble, ces deux partis remportent 2,8 % des voix et décrochent 1 siège au Parlement, occupé par le leader du HSP-AS, R. Tomašić. Alors que ce dernier quitte le parti en 2014 pour fonder le Hrvatska Konzervativna Stranka (HKS, Parti conservateur croate), le HSP-AS forme un cartel avec d’autres partis (principalement de droite) lors des élections législatives du 8 novembre 2015  [55] et décroche 3 sièges. Lors du scrutin législatif du 11 septembre 2016, le HSP-AS perd à son tour sa représentation parlementaire. Par ailleurs, ce parti n’a jamais obtenu d’eurodéputé.

40Ensuite, la constitution de nouvelles formations d’extrême droite constitue un deuxième élément explicatif du ressac électoral du HSP. Tel est le cas du Hrvatski Blok (HB, Bloc croate). Fondé le 14 septembre 2002 par Ivić Pašalić à la suite d’une scission du parti de droite traditionnelle Hrvatska Demokratska Zajednica (HDZ, Union démocratique croate), le HB ne réussit toutefois pas à décrocher le moindre siège au Parlement. Il est finalement dissous le 31 mai 2008.

41Enfin, l’évolution des stratégies adoptées par le HSP lui-même permet de comprendre le déclin du parti. Si celui-ci développe un discours particulièrement radical au début des années 1990, sa rhétorique tend à se modérer au début des années 2000 afin d’élargir son potentiel de coalition. Ainsi, les références au mouvement Oustacha sont moins nombreuses, la volonté de créer une Grande Croatie laissée de côté, et le parti se positionne sur un ensemble varié d’enjeux, parmi lesquels la protection de l’environnement. Mais le changement de présidence qui survient en 2009 marque un nouveau tournant pour le parti. Alors que Daniel Srb est élu président du HSP le 7 novembre 2009, le parti retrouve le profil d’extrême droite qui était le sien  [56].

42Lors des élections législatives croates du 11 septembre 2016 – les dernières en date –, aucune des formations d’extrême droite ne décroche le moindre siège (ainsi, le HSP recueille à peine 0,7 % des suffrages). Elles sont dès lors absentes des institutions nationales et européennes. Le déclin du HSP ne semble donc pas profiter à une autre formation d’extrême droite.

43La faiblesse structurelle de l’extrême droite en Croatie peut notamment s’expliquer par l’importance du HDZ. Créé le 17 juin 1989, le HDZ est le principal parti de droite en Croatie ; il exerce le pouvoir depuis 1990 (à l’exception des périodes 2000-2003 et 2011-2015). Bien qu’il ne puisse être classé à l’extrême droite de l’échiquier politique, le HDZ tend à adopter la rhétorique traditionnellement mobilisée par l’extrême droite au sortir des guerres de l’ex-Yougoslavie, en renforçant son attitude nationaliste et en souhaitant protéger davantage les minorités croates de Bosnie-Herzégovine, mais aussi en accordant une attention particulière aux valeurs chrétiennes  [57]. C’est lorsque Ivo Sanader devient le président du parti, le 29 avril 2000, qu’un virage vers le centre est opéré et que le parti se débarrasse de ses éléments les plus extrêmes. Ce virage se traduit d’ailleurs par une scission et par la fondation du HB en 2002 (cf. supra). Le 21 mai 2012, Tomislav Karamarko – ancien vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur – est élu à la présidence du HDZ et tend à renouer avec les thèmes classiquement mobilisés par l’extrême droite. En 2013 et en 2015, il forme même un cartel avec le parti d’extrême droite HSP-AS, respectivement en vue des élections européennes et législatives. Si l’extrême droite est désormais absente des institutions, son influence indirecte par l’entremise du HDZ n’est donc pas à exclure.

Graphique 3

Croatie. Élections législatives (Hrvatski Sabor), élections présidentielles et élections européennes, 1992-2019 (en % des votes valables). Résultats du HSP

Graphique 3. Croatie. Élections législatives (Hrvatski Sabor), élections présidentielles et élections européennes, 1992-2019 (en % des votes valables). Résultats du HSP

Croatie. Élections législatives (Hrvatski Sabor), élections présidentielles et élections européennes, 1992-2019 (en % des votes valables). Résultats du HSP

Remarque : Lors des scrutins législatifs de 2000, 2003 et 2015 et lors des scrutins européens de 2014 et 2019, le HSP se présente au sein de cartels. Dans ces cas, les résultats retenus dans le graphique sont les résultats de ces cartels.

4. Estonie

44Alors que, tout comme ses voisins baltes (cf. infra), l’Estonie semblait préservée de l’extrême droite et bien que le pays soit épargné par la crise migratoire que connaissent bon nombre d’États européens, une formation d’extrême droite est récemment et rapidement parvenue à s’imposer dans le paysage politique estonien.

45Fondé le 24 mars 2012, le parti Eesti Konservatiivne Rahvaerakond (EKRE, Parti populaire conservateur d’Estonie) est issu de la fusion du parti conservateur et agrarien Eestimaa Rahvaliit (ERL, Union populaire estonienne) avec le groupe de pression nationaliste et souverainiste Eesti Rahvuslik Liikumine (ERL, Mouvement patriotique estonien). Se réclamant du national-conservatisme, l’EKRE recourt au populisme et défend avant tout l’indépendance nationale et les intérêts des Estoniens  [58]. En outre, ce parti est eurosceptique, prône les valeurs chrétiennes traditionnelles (en s’opposant au droit à l’avortement et aux droits des homosexuels) et s’oppose à l’immigration – principalement issue de la Russie, de l’Ukraine et de la Biélorussie – tout comme au multiculturalisme. Le parti et, surtout, son association de jeunesse (Sinine Äratus, Alarme bleue) se distinguent par ailleurs par leur défense du suprématisme blanc, régulièrement symbolisé par leurs cadres et élus à travers un geste de la main gauche où le pouce et le doigt se rejoignent pour former un cercle  [59].

46L’EKRE prend part à un scrutin pour la première fois lors des élections européennes du 25 mai 2014. À cette occasion, il remporte 4,0 % des voix ; néanmoins, ce score ne lui permet pas de décrocher un siège au Parlement européen. La véritable percée du parti d’extrême droite est réalisée un an plus tard, lors des élections législatives du 1er mars 2015. Fort de ses 8,1 %, l’EKRE décroche en effet 7 sièges (sur 101) à la Eesti Riigikogu (Assemblée d’État, qui est le parlement monocaméral du pays). La surprise est générale puisque, avant le scrutin, la plupart des sondages indiquaient que le parti rencontrerait des difficultés à dépasser le seuil électoral de 5 %  [60]. Au-delà de la question de la restauration de la confiance à l’égard des élites politiques, un des enjeux ayant favorisé l’émergence de l’EKRE sur la scène parlementaire est la crise migratoire à laquelle est confrontée l’Union européenne. Bien que l’Estonie n’accueille qu’un nombre de réfugiés particulièrement limité chaque année, l’agitation de la « menace migratoire » semble avoir suffi pour mobiliser une partie de l’électorat estonien en faveur de la nouvelle formation d’extrême droite  [61].

47L’EKRE s’impose en tant qu’acteur politique majeur lors du scrutin législatif du 3 mars 2019. Remportant 17,8 % des voix, le parti déroche 19 sièges au Parlement (+ 12) et devient la troisième force politique du pays. À la suite de l’échec du parti libéral de centre-droit Eesti Reformierakond (ER, Parti de la réforme d’Estonie) – sorti vainqueur lors du scrutin – de former un gouvernement, c’est le Premier ministre sortant, Jüri Ratas, issu du parti centriste Eesti Keskerakond (EK, Parti du centre d’Estonie), qui mène les négociations. Le gouvernement ainsi formé rassemble l’EK, l’EKRE – et cela contre toute attente, puisque les principaux partis avaient signifié durant la campagne électorale qu’ils ne gouverneraient pas avec celui-ci au nom d’un front républicain – et le parti conservateur Isamaa (Patrie).

48Le 29 avril 2019, le gouvernement Ratas II prend ses fonctions, chaque parti de la coalition détenant cinq portefeuilles ministériels. Pour la première fois depuis l’indépendance du pays en 1991, un parti d’extrême droite intègre le gouvernement. L’EKRE détient les portefeuilles de l’Intérieur (attribué à Mart Helme), des Finances (Martin Helme), de l’Environnement (Rene Kokk), des Affaires rurales (Mark Järvik jusqu’au 25 novembre 2019, puis Alvo Aller à partir du 12 décembre) et du Commerce extérieur et des Technologies de l’information (Marti Kuusik jusqu’au 30 avril 2019, puis Kert Kingo du 16 mai au 25 octobre, puis Kaimar Karu à partir du 2 novembre)  [62].

49L’empreinte de l’EKRE dans l’accord de gouvernement est perceptible  [63]. Ainsi, en matière migratoire, le texte indique que l’Estonie refuse les quotas de réfugiés imposés par l’Union européenne et que l’attention du gouvernement à l’égard des immigrés en séjour illégal va être accrue. En matière de sécurité intérieure, le gouvernement semble aller dans un sens plus autoritaire, par exemple avec la volonté de créer un registre des agresseurs sexuels, incluant les pédophiles – proposition typiquement proposée par les formations d’extrême droite  [64]. Enfin, l’accord de gouvernement prévoit de légaliser les initiatives citoyennes, d’élargir le recours au référendum et de mettre en place une procédure de référendum d’initiative citoyenne (sur la base de la signature de 50 000 citoyens) – ce qui constitue aussi une proposition phare des formations d’extrême droite  [65]. Néanmoins, les concessions de l’EKRE aux autres formations de la coalition sont aussi perceptibles. Il en va ainsi de la question de l’avortement, qui n’apparaît pas en substance dans l’accord de gouvernement alors qu’il s’agissait d’un enjeu important pour le parti d’extrême droite durant la campagne électorale. L’Union européenne et l’OTAN – organisations desquelles l’EKRE voudrait sortir l’Estonie – sont par ailleurs présentées comme des organisations avec lesquelles il est important de coopérer.

50Lors du scrutin européen du 26 mai 2019, l’EKRE confirme son implantation dans le paysage partisan. Avec 12,7 %, il réalise la deuxième meilleure progression en Estonie (+ 8,7 %) et obtient son premier siège au Parlement européen  [66]. Il rejoint alors le groupe politique d’extrême droite Identité et démocratie (ID) au sein du Parlement européen, dirigé par Marco Zanni, membre de la Lega (Ligue) italienne. Par ailleurs, le 4 juillet 2019, Jaak Madison – ex-député estonien, député européen et vice-président de l’EKRE depuis 2017 – devient le trésorier du groupe ID.

Graphique 4

Estonie. Élections législatives (Eesti Riigikogu) et élections européennes, 2014-2019 (en % des votes valables). Résultats de l’EKRE

Graphique 4. Estonie. Élections législatives (Eesti Riigikogu) et élections européennes, 2014-2019 (en % des votes valables). Résultats de l’EKRE

Estonie. Élections législatives (Eesti Riigikogu) et élections européennes, 2014-2019 (en % des votes valables). Résultats de l’EKRE

5. Grèce

51Plusieurs formations d’extrême droite se sont développées et ont prospéré, au moins pendant un court moment, durant les quinze dernières années en Grèce. Cela tient notamment à la sévère crise économique et financière que connaît la Grèce depuis 2008  [67], mais aussi à la méfiance des citoyens grecs envers le fonctionnement démocratique du pays  [68]. Alors que deux formations d’extrême droite ont participé au pouvoir (le LAOS et l’ANEL), une autre n’y a jamais pris part mais a exercé une influence significative au sein du paysage politique (le XA). Aujourd’hui, et ce depuis les élections législatives du 7 juillet 2019, l’extrême droite semble anéantie en Grèce. Mais son ombre est toujours présente, notamment à travers des formations qui se présentent comme davantage modérées, ou même à travers des formations plus traditionnelles.

5.1. Alerte populaire orthodoxe (LAOS)

52À l’exception du scrutin législatif du 20 novembre 1977  [69], l’extrême droite demeure longtemps marginalisée en Grèce après la fin de la dictature des colonels, en 1974. Ainsi, jusqu’en 2004, aucune formation d’extrême droite ne dépasse les 2 % lors d’une élection législative  [70]. Pourtant, au début des années 2000, un parti met un terme à cette marginalisation de l’extrême droite en un très court laps de temps : Λαϊκός Ορθόδοξος Συναγερμός  [71] (LAOS  [72], Alerte populaire orthodoxe).

53Fondé par Geórgios Karatzaféris le 14 septembre 2000, le LAOS est issu d’une scission du parti de droite Νέα Δημοκρατία  [73] (ND, Nouvelle Démocratie). Parti nationaliste, souverainiste, anti-immigration et antisémite, il défend des positions radicales sur le plan de la politique étrangère – particulièrement à l’égard de Chypre et de la Macédoine du Nord –, est fortement attaché à l’Église orthodoxe et à ses valeurs, et mobilise un style populiste. Alors qu’il n’est encore qu’une formation politique de création récente, il décroche 2,2 % des suffrages lors des élections législatives du 7 mars 2004. Cela ne lui permet toutefois pas d’être représenté à la Βουλή των Ελλήνων (Voulí ton Ellínon : Conseil des Grecs, qui est le parlement monocaméral du pays). C’est lors des élections européennes du 13 juin 2004 que le LAOS opère sa première percée significative. À cette occasion, il remporte 4,1 % des voix valablement exprimées et obtient son premier siège au Parlement européen. Le succès du LAOS se confirme trois ans plus tard. À l’occasion du scrutin législatif du 16 septembre 2007, il remporte 3,8 % des suffrages et décroche 10 sièges (sur 300) à la Voulí. Pour la première fois, le LAOS est donc représenté au sein des institutions nationales. L’année 2009 marque une double victoire pour le parti d’extrême droite. D’une part, le 7 juin, il obtient 7,2 % des voix lors du scrutin européen et remporte un second siège d’eurodéputé. D’autre part, le 4 octobre, il remporte 5,6 % des voix lors des élections législatives (+ 1,8 %), ce qui lui attribue 15 sièges à la Voulí (+ 5).

54Le 9 novembre 2011, alors que la crise de la dette publique fait rage en Grèce, le Premier ministre socialiste Giórgos Papandréou annonce la démission de son gouvernement  [74]. Il cède la place à un gouvernement d’union nationale rassemblant autour de Loukás Papadímos le Πανελλήνιο Σοσιαλιστικό Κίνημα  [75] (PASOK, Mouvement socialiste panhellénique), la ND et le LAOS. Cette entrée d’un parti d’extrême droite au gouvernement constitue un fait inédit en Grèce depuis 1974. Le LAOS dispose d’un ministre (Mavroudís Vorídis – dit Mákis Vorídis –, en charge des Infrastructures, des Transports et des Réseaux) et de trois vice-ministres adjoints. Néanmoins, l’exercice du pouvoir par le LAOS est de court terme puisque, protestant contre le plan d’austérité proposé par le Premier ministre, les quatre membres du gouvernement issus de ce parti se retirent en février 2012  [76].

55Bien qu’elle soit de courte durée, la participation du LAOS au gouvernement est fatale pour le parti. En partageant le pouvoir avec le PASOK et la ND, le LAOS tend à se normaliser et perd son « attractivité populiste »  [77]. Alors qu’il s’était présenté aux électeurs en tant que parti de rupture, le LAOS se transforme en parti de compromis sitôt entré au gouvernement. En conséquence, la fortune électorale du LAOS s’étiole. Lors des élections législatives du 6 mai 2012, le parti voit son score s’effondrer (2,9 % des suffrages, soit – 2,7 %) et perd l’ensemble de sa représentation parlementaire.

56Face à l’impossibilité de former un gouvernement, les électeurs sont convoqués à un nouveau scrutin. Le 17 juin 2012, le LAOS poursuit son déclin électoral, avec 1,6 % des voix (soit– 1,3 %). Au niveau européen également, le parti d’extrême droite perd toute représentation lors du scrutin du 25 mai 2014, ne remportant que 2,7 % des voix (soit – 4,5 %). Le 25 janvier 2015 – dernier scrutin législatif pour lequel le parti dépose des listes  [78] –, le LAOS enregistre à nouveau un recul électoral avec 1,0 % des voix (– 0,6 %). Enfin, l’effondrement se confirme lors des élections européennes du 26 mai 2019, avec 1,2 % des suffrages (– 1,5 %), et ce alors même que le parti était en cartel avec le petit parti Πατριωτική Ριζοσπαστική Ένωση  [79] (PAT.RI.E., Union radicale patriotique), fondé l’année précédente par Elefthérios Synadinós (dissident du XA, parti dont il a été eurodéputé de mai 2014 à avril 2018).

57Comme cela a été souligné plus haut, la disparition du LAOS s’explique par la participation rapide de ce parti au pouvoir. Mais elle doit aussi être comprise à l’aune de la progression d’autres formations d’extrême droite, au premier rang desquelles le XA. Face au LAOS qui tend à se modérer, le XA parvient à se renforcer en tant que formation de l’extrême droite dure.

Graphique 5

Grèce. Élections législatives (Voulí ton Ellínon) et élections européennes, 2004-2019 (en % des votes valables). Résultats du LAOS

Graphique 5. Grèce. Élections législatives (Voulí ton Ellínon) et élections européennes, 2004-2019 (en % des votes valables). Résultats du LAOS

Grèce. Élections législatives (Voulí ton Ellínon) et élections européennes, 2004-2019 (en % des votes valables). Résultats du LAOS

Remarque : Lors des élections européennes de 2019, le LAOS participe au scrutin en cartel avec PAT.RI.E.

5.2. Association populaire - Aube dorée (XA)

58Alors que l’extrême droite néo-nazie est affaiblie, voire exsangue, en Europe occidentale depuis au moins quinze années  [80] et alors que le présent Courrier hebdomadaire suggère qu’il en va de même en Europe centrale et orientale, le cas grec fait figure d’exception à travers le parti Λαϊκός Σύνδεσμος - Χρυσή Αυγή  [81] (XA, Association populaire - Aube dorée), en tout cas pendant une certaine période.

59Créé dans les années 1980 par un groupe de jeunes radicaux sous la forme d’un club clandestin sans ambition politique  [82], le XA est d’abord une organisation qui publie un magazine éponyme (Χρυσή Αυγή : Aube dorée) et qui défend le rétablissement d’un régime autoritaire inspiré du nazisme. C’est le 1er novembre 1993 que le XA opère un virage tactique fondamental, en se constituant formellement en tant que parti politique, avec l’intention de participer aux différents scrutins à travers une stratégie – certes non aboutie – de déradicalisation  [83]. Le développement de ce parti d’extrême droite n’est ainsi pas sans rappeler le développement du Front national (FN) français  [84], sur les bases posées par le mouvement Ordre nouveau  [85].

60Dès ses origines, le XA est un parti clairement nationaliste, irrédentiste (à l’égard des pays balkaniques voisins mais aussi de la Turquie), raciste, hostile à l’immigration, anti-Roms et anti-establishment [86]. En outre, dans ses premiers programmes, il se réclame explicitement de l’idéologie national-socialiste et en adopte les symboles. À certaines occasions, le XA va jusqu’à adorer la figure d’Adolf Hitler  [87]. Son slogan appelle à « un nouvel holocauste, pour nettoyer la place »  [88].

61Le XA prend part pour la première fois à un scrutin lors des élections européennes du 13 juin 1994. À cette occasion, il enregistre néanmoins un résultat marginal, remportant 0,1 % des suffrages. Pendant près de dix ans, ses performances électorales – tant au niveau national (0,1 % le 22 septembre 1996) que local – demeurent insignifiantes et jamais il ne décroche le moindre siège  [89].

62À la suite d’affrontements avec des anarchistes  [90] et en conséquence des résultats marginaux obtenus dans les années 1990, le XA cesse ses activités politiques à partir de 2004. Il contribue alors à former la Πατριωτική Συμμαχία  [91] (PATRI.S  [92], Alliance patriotique), qui est une formation d’extrême droite créée en 2004 et composée des membres du XA, d’anciens membres du LAOS et d’autres transfuges de groupuscules d’extrême droite  [93]. Néanmoins, à la suite du sixième congrès du parti, tenu en mars 2007, le XA opère un retour sur la scène électorale  [94]. Mais en 2009, le parti ne recueille encore que 0,5 % des suffrages aux élections européennes (7 juin) et 0,3 % au scrutin législatif (4 octobre).

63C’est lors des élections municipales des 7 et 14 novembre 2010 qu’une évolution commence à être observée, lorsque le leader du parti, Nikólaos Michaloliákos, obtient 5,3 % des suffrages et remporte 1 siège au conseil municipal d’Athènes. Ce résultat local est confirmé lors des élections législatives du 6 mai 2012 puis lors de celles du 17 juin 2012. À cette double occasion, le parti prend son envol au niveau national et fait son entrée à la Voulí, avec respectivement 7,0 % puis 6,9 % (soit 21 puis 18 sièges sur 300) des suffrages. Pour la première fois, le XA obtient une représentation parlementaire.

64La soudaine ascension du XA doit notamment être comprise à travers la dynamique de concurrence électorale qui s’opère en 2011 avec le LAOS  [95]. Alors que ce dernier entre dans un gouvernement d’union nationale en novembre 2011, et ce seulement pour quelques mois, il se retrouve sanctionné par l’électorat, notamment en conséquence de la modération de son discours qu’il entame à ce moment (cf. supra). Le XA, qui se présente plus que jamais comme un parti antisystème et conserve son radicalisme, parvient à récupérer l’électorat du LAOS (qui, en mai 2012, perd l’ensemble de sa représentation parlementaire). Désormais, c’est donc le XA qui incarne principalement l’extrême droite grecque.

65Le succès du XA doit aussi être compris à travers sa structuration. Le parti tente en effet de mobiliser ses soutiens à travers des canaux a priori apolitiques, comme la musique et le sport. Ainsi, il met en place une organisation hooligan qu’il nomme Galazia Stratia (Armée bleue), ainsi qu’une organisation de jeunesse, Antepithesi (Contre-attaque), qui organise par exemple des concerts de rock anticommunistes  [96].

66Alors que le parti est en pleine croissance, il ne se débarrasse pas pour autant des éléments les plus extrêmes qui le composent. Par exemple, les références au nazisme ou les déclarations négationnistes demeurent régulières. Lors d’une intervention sur la chaîne de télévision privée grecque Mega, en mai 2012, le leader du parti, N. Michaloliákos, nie ainsi l’existence des fours crématoires et des chambres à gaz (« C’est un mensonge ») et fait l’apologie d’A. Hitler  [97]. Le 18 octobre suivant, l’épouse de N. Michaloliákos (également députée XA de 2012 à 2019), Eléni Zaroúlia, qualifie les immigrés de « sous-hommes » lors d’un discours au Parlement grec  [98]. Artémios Mathaiópoulos, député XA de 2012 à 2015, est quant à lui bassiste dans un groupe punk suprématiste blanc dont le répertoire est réputé pour son racisme et son antisémitisme. Dernier exemple parmi tant d’autres : en 2014, des vidéos montrent Chrístos Pappás – député XA de 2012 à 2019 et alors numéro deux du parti – enseigner le salut nazi à de jeunes enfants sont diffusées  [99]. À côté de l’idéologie du parti qu’ils représentent, ces exemples illustrent également la violence symbolique à laquelle recourent les représentants du XA.

67Le recours à la violence physique est également une caractéristique des cadres et membres du XA, principalement à l’égard de militants antifascistes, d’immigrés et de minorités ethniques  [100]. C’est en ce sens que les politologue et historien français Jean-Yves Camus et Nicolas Lebourg qualifient le XA de « parti-milice »  [101]. Ils rappellent ainsi que, entre janvier 2012 et avril 2013, le parti a été impliqué dans pas moins de 281 attaques racistes, prenant pour cibles plus de 400 personnes. Le 20 avril 2015, dans la foulée de l’assassinat d’un jeune rappeur, Pávlos Fýssas, un procès inédit est ouvert à Athènes afin de juger 69 personnes, dont un tiers sont des anciens députés XA ou membres du parti  [102]. Toutes ces personnes – dont fait partie N. Michaloliákos – sont accusées de constitution d’organisation criminelle et de nombreux délits et crimes  [103]. Le procès est encore en cours à l’heure actuelle.

68Les bonnes performances électorales du XA sont à nouveau confirmées lors du scrutin européen du 25 mai 2014. Fort de ses 9,4 % des voix (ce qui le place en troisième position), le parti entre au Parlement européen pour la première fois, avec les 3 sièges (sur 21 dévolus à la délégation grecque) qu’il a décrochés dans cette assemblée.

69Quelques mois plus tard, le Premier ministre annonce la dissolution de la Voulí et les électeurs sont appelés aux urnes. Le 25 janvier 2015, bien qu’enregistrant un léger recul électoral par rapport au dernier scrutin législatif (– 0,6 %), le XA se stabilise avec 6,3 % des voix (ce qui fait de lui, dans ce cas également, la troisième force politique du pays) et 17 sièges. Le 20 septembre 2015, de nouvelles élections législatives anticipées permettent au parti de se renforcer dans les urnes (et de conserver sa troisième place), avec 7,0 % (+ 0,7 %) et 18 sièges (+ 1). C’est la dernière fois que le parti bénéficie d’une représentation parlementaire nationale.

70En effet, le XA connaît un sévère recul électoral lors des élections européennes du 26 mai 2019 et des élections législatives du 7 juillet 2019 (– 4,5 % au Parlement européen et – 4,1 % à la Voulí). Le parti conserve 2 sièges au Parlement européen (avec 4,9 %), mais perd toute représentation à la Voulí (avec 2,9 %), redevenant une force extra-parlementaire au plan national. Alors que le XA semblait disposer d’une base électorale désormais stable en Grèce  [104], les scrutins de 2019 ont substantiellement vidé la formation d’extrême droite de son réservoir électoral.

71Au moins quatre facteurs permettent de comprendre le ressac électoral rencontré par le XA en 2019. Primo, bien qu’encore fragile, l’économie grecque tend à se redresser. Le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) réel est ainsi redevenu positif en 2017  [105] et le taux de chômage est au plus bas depuis 2011 (avec 19,3 % en 2018)  [106]. Alors que la crise économique et financière grecque permettait au moins partiellement de comprendre la croissance du XA à partir de 2012  [107], le redressement du pays peut, à l’inverse, expliquer l’affaiblissement du parti. Secundo, le XA est frappé de plein fouet par le procès toujours en cours en 2019 visant à démontrer son caractère criminel (cf. supra). À travers les très nombreuses audiences menées depuis 2015, la violence caractérisant l’organisation – non seulement à l’égard des étrangers mais aussi à l’égard des Grecs (comme le rappeur P. Fýssas) – est mise en lumière et a pour effet d’en écarter un certain nombre d’électeurs  [108]. Avant même d’être arrivé à son terme, ce procès a donc un impact considérable sur l’image du parti d’extrême droite. Tertio, le XA connaît moult défections en interne qui ont pour effet de l’affaiblir. Quarto et enfin, l’émergence d’une autre formation plus modérée mais empruntant au discours d’extrême droite a privé le XA d’une partie de son électorat. Il s’agit de l’Ελληνική Λύση  [109] (EL, Solution grecque). Fondée le 28 juin 2016 par Kyriákos Velópoulos, un ancien membre du LAOS, cette formation est nationaliste, hostile à l’immigration et défend les valeurs chrétiennes-orthodoxes. Le slogan de son leader dans le cadre de la campagne législative de 2019 est par ailleurs emprunté au président états-unien Donald Trump : « Make Europe christian again ». L’EL obtient 4,2 % des suffrages (et 1 siège) lors des élections européennes du 26 mai 2019 et 3,7 % des suffrages (et 10 sièges) lors des élections législatives du 7 juillet 2019. Le développement d’une formation d’extrême droite plus modérée et la disparition des formations néo-nazies consacreraient-elles la fin de l’exception grecque ?

72Quoi qu’il en soit, l’analyse du cas du XA permet de confirmer l’hypothèse – largement développée dans la littérature et pourtant remise en question ces dernières années – selon laquelle les partis d’extrême droite de type néo-nazi sont condamnés à être marginalisés par les électeurs, voire à disparaître dans le temps en conséquence de leur idéologie trop autoritaire et des moyens violents qu’ils développent  [110]. Par contre, elle suggère aussi que la (quasi-)disparition d’un parti d’extrême droite ne signifie pas la disparition des idées ressortant de cette tendance politique.

Graphique 6

Grèce. Élections législatives (Voulí ton Ellínon) et élections européennes, 1994-2019 (en % des votes valables). Résultats du XA

Graphique 6. Grèce. Élections législatives (Voulí ton Ellínon) et élections européennes, 1994-2019 (en % des votes valables). Résultats du XA

Grèce. Élections législatives (Voulí ton Ellínon) et élections européennes, 1994-2019 (en % des votes valables). Résultats du XA

Remarque : Lors des élections européennes de 2004, le XA participe au scrutin à travers PATRI.S et avec des anciens membres du LAOS.

5.3. Grecs indépendants (ANEL)

73Le parti Ανεξάρτητοι Έλληνες  [111] (ANEL, Grecs indépendants) est la troisième formation d’extrême droite à avoir marqué la Grèce au cours des quinze dernières années. Bien qu’il soit plus récent, l’histoire de l’ANEL rappelle étrangement celle du LAOS, même si le parti lui-même s’en distingue sur le fond à plusieurs égards.

74Issu d’une scission du parti de droite ND (tout comme le LAOS), l’ANEL est fondé le 24 février 2012 par Pános Kamménos, alors député  [112] depuis 1993. Contrairement au LAOS ou au XA, ce sont des considérations d’ordre socio-économique qui conduisent à la fondation de ce parti. En effet, c’est avant tout en tant que parti opposé à l’austérité et défendant le souverainisme étatique que l’ANEL est érigé. Contrairement au XA, l’ANEL n’est ainsi pas un parti d’extrême droite de type néo-nazi, mais davantage de type national-populiste. En effet, les références au nazisme sont absentes de ses discours et le recours à la violence – qu’elle soit symbolique ou physique – est particulièrement limité. Cela n’empêche toutefois pas l’ANEL de défendre une idéologie nationaliste, anti-immigration, hostile au multiculturalisme et basée sur les valeurs orthodoxes. En outre, le parti recourt à un style populiste, visant à remettre en cause la légitimité de l’establishment politique.

75Le développement électoral de l’ANEL est spectaculaire. Alors qu’il présente des listes pour la première fois lors des élections législatives du 6 mai 2012, le parti obtient 10,6 % des suffrages et remporte 33 sièges à la Voulí (sur 300). Il réalise ainsi un score supérieur à tous ceux obtenus précédemment par le LAOS ou par le XA. Néanmoins, le parti est loin d’être stabilisé dans le paysage partisan grec puisque, lors des élections législatives du 17 juin 2012, il n’obtient plus que 7,5 % des suffrages (– 3,1 %) et 20 sièges (– 13). Bien que ne parvenant pas à se renforcer, l’ANEL intègre le Parlement européen lors du scrutin du 25 mai 2014, avec 3,5 % des voix et 1 siège.

76L’année 2015 est doublement historique pour le parti. D’un côté, avec 4,8 % des voix (soit 13 sièges) au scrutin législatif du 25 janvier puis 3,7 % des voix (soit 10 sièges) lors de celui du 20 septembre, il réalise les plus faibles scores électoraux de son histoire au plan national. D’un autre côté, pour la première fois, l’ANEL intègre le gouvernement : le 27 janvier 2015, il entre dans l’équipe dirigée par le leader de la formation populiste de gauche radicale Συνασπισμός Ριζοσπαστικής Αριστεράς  [113] (SYRIZA, Coalition de la gauche radicale), Aléxis Tsípras. Le gouvernement Tsípras I compte en effet parmi ses membres P. Kamménos, ministre de la Défense nationale, ainsi que trois députés-ministres et une vice-ministre issus des rangs de l’ANEL. Le 23 septembre, le parti fait à nouveau partie de l’exécutif (gouvernement Tsípras II, également de composition SYRIZA/ANEL)  [114]. P. Kamménos y conserve le même poste ; il est accompagné cette fois par trois députés-ministres.

77Cette alliance d’apparence « contre nature » s’explique par le positionnement anti-austérité de chacune de ces deux formations politiques. Par ailleurs, les divergences fondamentales entre les élites de SYRIZA et de l’ANEL sont moins prégnantes parmi les électeurs de chacune de ces formations et, donc, plus acceptables par leur base électorale respective  [115]. D’ailleurs, malgré un léger affaiblissement électoral de SYRIZA, la coalition entre les deux partis a pu être reconduite à la suite des élections anticipées du 20 septembre 2015.

78Le 13 janvier 2019, l’ANEL annonce son retrait de la coalition gouvernementale pour protester contre la ratification de l’accord de Prespa, conclu le 12 juin 2018 entre la Grèce et la République de Macédoine et qui prévoit notamment un changement de nom constitutionnel de la République de Macédoine (en « République de Macédoine du Nord ») et la reconnaissance de la langue macédonienne  [116]. A. Tsípras perd alors sa majorité ; trois jours plus tard, il sollicite la confiance de la Voulí, qu’il obtient après d’intenses débats  [117]. La fin de l’expérience gouvernementale de l’ANEL est en ce sens similaire à celle du LAOS.

79Tout comme pour le LAOS, l’expérience gouvernementale est fatale pour l’ANEL. Le 26 mai 2019, l’ANEL n’obtient que 0,8 % des suffrages lors du scrutin européen et perd la représentation qu’il y avait acquise en 2014. Par ailleurs, le 7 juillet 2019, l’ANEL ne prend pas part aux élections législatives ; il devient ainsi un parti non représenté au Parlement. Cette faiblesse de l’ANEL s’explique notamment par le fait que le parti n’a pas réussi à se stabiliser dans le paysage partisan grec. Par ailleurs, il a été rapidement atteint par des divisions internes et a connu un certain nombre d’expulsions ou de défections. En janvier 2019, par exemple, Élena Kountourá et Vasilis Kokkalis, alors députés-ministres dans le gouvernement Tsípras II et désireux de conserver leur portefeuille ministériel en dépit du retrait de l’ANEL, ont tous deux été exclus du parti. Enfin, ce parti d’extrême droite se présente comme étant modéré alors que, dans le même temps, d’autres formations entrent en concurrence avec lui comme l’EL (cf. supra) ou même la ND. Ainsi, le 7 juillet 2019, en formant un nouveau gouvernement (constitué uniquement de la ND et de quelques indépendants), le désormais Premier ministre Kyriákos Mitsotákis (ND) a essayé de contenter les différentes tendances de la droite à l’extrême droite  [118]. Dans son gouvernement, figurent notamment deux transfuges du LAOS : Spyrídon-Ádonis Georgiádis et Mavroudís Vorídis (dit Mákis Vorídis) (tous deux ND), respectivement ministre du Développement et des Investissements et ministre du Développement rural et de l’Alimentation. La ND semble donc avoir réussi son pari de bipolariser la politique grecque et, partant, de récupérer une part significative de l’électorat d’extrême droite, certes en lui donnant un certain nombre de gages.

Graphique 7

Grèce. Élections législatives (Voulí ton Ellínon) et élections européennes, 2012-2019 (en % des votes valables). Résultats de l’ANEL

Graphique 7. Grèce. Élections législatives (Voulí ton Ellínon) et élections européennes, 2012-2019 (en % des votes valables). Résultats de l’ANEL

Grèce. Élections législatives (Voulí ton Ellínon) et élections européennes, 2012-2019 (en % des votes valables). Résultats de l’ANEL

6. Hongrie

80Contrairement à la situation qui prévaut dans plusieurs pays d’Europe centrale et orientale, l’extrême droite n’est pas un phénomène nouveau en Hongrie. Déjà dans les années 1990, une formation d’extrême droite, créée le 21 juin 1993 et dénommée le Magyar Igazság és Élet Pártja (MIÉP, Parti de la justice hongroise et de la vie), s’impose dans le paysage politique national. Lors des élections législatives des 10 et 24 mai 1998, elle obtient ainsi 5,6 % des suffrages au premier tour et 4,1 % au second tour, et décroche ainsi 14 sièges (sur 386) à la Magyar Országgyűlés (Assemblée nationale hongroise, qui est le parlement monocaméral du pays), en mobilisant un discours principalement irrédentiste visant à restaurer la « Grande-Hongrie » (c’est-à-dire à récupérer les territoires perdus à la suite du Traité de Trianon du 4 juin 1920) mais également anti-occidental, anti-communiste, eurosceptique et antisémite  [119]. En outre, d’autres formations d’extrême droite – beaucoup moins performantes – existent parallèlement, comme le parti irrédentiste, antisémite et anti-Roms A Magyar Érdek Pártja (AMÉP, Parti de l’intérêt hongrois), fondé en 1993 et disparu en 2005, le parti néonazi Magyar Népjóléti Szövetség (MNSZ, Associations du bien-être hongrois), fondé en 1994 et dissous en 2000, ou encore le parti irrédentiste et anti-Roms Magyar Nemzeti Front (MNF, Front national hongrois), fondé en 2003 par des anciens membres du MIÉP  [120]. En outre, de nombreuses organisations non partisanes d’extrême droite se développent dans le pays.

81Depuis 2003, une nouvelle formation d’extrême droite est parvenue à s’imposer dans le paysage politique hongrois et à réaliser des performances électorales inédites depuis plusieurs décennies : le Jobboldali Ifjúsági Közösség - Jobbik Magyarországért Mozgalom (Jobbik, Alliance des jeunes de droite - Mouvement pour une meilleure Hongrie). Comme les autres formations d’extrême droite hongroises qui avaient pris place avant lui, le Jobbik adopte un programme irrédentiste, est eurosceptique, rejette l’immigration, se démarque par son opposition aux Roms, aux Juifs et aux communistes, et défend un modèle de société basé sur les valeurs chrétiennes (catholiques et calvinistes).

82Alors que le Jobbik ne concourt pas aux élections européennes du 13 juin 2004 en raison de son opposition à l’Union européenne, il se présente au suffrage des électeurs lors des élections législatives des 9 et 23 avril 2006. N’obtenant que 2,2 % des voix, il n’atteint pas le seuil électoral nécessaire pour s’assurer une représentation parlementaire. Ce n’est que quelques années plus tard que, grâce à deux éléments, le Jobbik gagne en visibilité et, en conséquence, renforce sa base électorale  [121].

83D’une part, le 17 septembre 2006, la Magyar Rádió (la radio publique hongroise) diffuse un enregistrement réalisé lors d’une réunion à huis clos rassemblant, à Balatonőszöd le 26 mai précédent, les parlementaires du Magyar Szocialista Párt (MSzP, Parti socialiste hongrois) et leur chef de file, le Premier ministre Ferenc Gyurcsány, et dans lequel ce dernier reconnaissait avoir menti aux électeurs lors de la campagne électorale pour leur cacher un plan d’austérité  [122]. Rapidement, une crise éclate : des manifestations caractérisées par un haut niveau de violence – de la part tant des manifestants que des forces de l’ordre – ont lieu pendant plusieurs jours, principalement à Budapest. Le parti conservateur Fidesz - Magyar Polgári Szövetség (Fidesz-MPSz, Fidesz - Union civique hongroise) et le Jobbik prennent activement part à ces manifestations, afin de demander la démission du gouvernement  [123]. Le discours du Jobbik y trouve un écho particulièrement important, grâce à sa rhétorique anti-establishment.

84D’autre part, les cadres du Jobbik établissent une milice le 25 août 2007, soit un an après les émeutes de Budapest. Créée par un des fondateurs du Jobbik, Gábor Vona, la Magyar Gárda Hagyományőrző és Kulturális Egyesület (Garde hongroise pour la défense des traditions et de la culture) vise, selon ses statuts, à défendre physiquement, spirituellement et intellectuellement la Hongrie. Rapidement, elle obtient le soutien de figures connues dans le pays, parmi lesquelles Mária Wittner, participante de la révolte populaire de 1956 et députée du Fidesz-MPSz , et Lajos Für, également ancien héros de la révolution de 1956 et ancien ministre de la Défense (entre 1990 et 1994). Les membres de la milice portent un uniforme rappelant celui du Nyilaskeresztes Párt - Hungarista Mozgalom (NP-HM, Parti des Croix fléchées - Mouvement hungariste)  [124] et bénéficient d’une formation militaire pour, selon les propos des cadres du Jobbik, « pallier les déficiences de l’État en termes d’ordre public, dans un contexte marqué par la crise de 2006 »  [125]. Dans les faits, la Magyar Gárda organise de nombreux défilés dans des villes et villages majoritairement peuplés de citoyens roms afin d’en intimider les habitants. Un certain nombre d’actes de violence ou des meurtres sont par ailleurs commis par des membres de cette milice et donnent lieu à des procès. Le 2 juillet 2009, la cour d’appel de Budapest décide de dissoudre la Magyar Gárda.

85Au même moment, le Jobbik se renforce. Entre 2008 et 2009, il triple ainsi le nombre de ses sections locales  [126] et accroît significativement le nombre de ses membres. Menant une campagne basée sur une rhétorique radicale et axée sur la lutte contre les élites politiques et la criminalité causée par les Roms  [127], le parti réalise une première percée électorale de poids à l’occasion du scrutin européen du 7 juin 2009. En effet, fort de ses 14,8 %, il décroche 3 sièges au Parlement européen, assemblée qui est ainsi la première dans laquelle il obtient une représentation. Un an plus tard, à l’occasion des élections législatives des 11 et 25 avril 2010, le Jobbik fait également son entrée à l’Assemblée nationale hongroise. Récoltant 16,7 % des suffrages (soit + 14,5 % par rapport à 2006), il y décroche 47 sièges (sur 386) et devient la troisième force politique du pays.

86Parallèlement à l’accroissement de ses performances électorales, le Jobbik commence à se questionner quant à l’éventualité de l’exercice du pouvoir. Dès septembre 2013, G. Vona annonce que le parti opte pour un changement de communication. Une demande formelle est introduite auprès des élus du Jobbik pour qu’ils adoptent une rhétorique plus modérée, moins radicale. Cela implique une quasi-disparition des déclarations ouvertement antisémites ou anti-Roms et un positionnement moins radical à l’égard de l’Union européenne (bien que le parti veuille toujours organiser un référendum sur la question de l’appartenance du pays à cette organisation)  [128]. L’objectif assumé par la direction du parti est de débarrasser celui-ci de son image violente et agressive et d’élargir sa base électorale pour prétendre à l’exercice du pouvoir  [129]. Néanmoins, cet effort de modération s’incarne uniquement au niveau de la communication ; le fond du programme demeure inchangé, comme l’admettent bon nombre de cadres du parti eux-mêmes  [130]. Par ailleurs, cette stratégie ne parvient pas à s’imposer à tous les niveaux et à toutes les personnes. De nombreux élus, cadres et militants du Jobbik – principalement au niveau local – conservent ainsi le style précédemment adopté par le parti.

87Cette stratégie poursuivie par le Jobbik semble d’abord lui être bénéfique puisque, le 25 mai 2014, il se maintient lors des élections européennes, avec 14,7 % des suffrages (soit 3 sièges sur les 21 dévolus à la délégation hongroise). Lors des élections législatives du 6 avril 2014, il remporte même 20,2 % des voix (+ 3,5 %, soit 23 sièges sur 199). Toutefois, cette croissance prend bientôt fin : à l’occasion du scrutin législatif du 8 avril 2018, le parti remporte 19,1 % des votes (– 1,1 %) et 26 sièges (+ 3) ; il n’en devient pas moins alors la deuxième force politique du pays, derrière le cartel qui unit le Fidesz-MPSz au Kereszténydemokrata Néppárt (KDNP, Parti populaire démocrate-chrétien) et totalise 49,3 % des suffrages et 133 sièges. Au lendemain de ce scrutin législatif lors duquel le Jobbik ne réussit donc pas à ébranler le pouvoir du Fidesz-MPSz (contrairement à ce qu’il avait promis à ses partisans durant la campagne électorale), et dans un contexte marqué par une campagne diffamatoire particulièrement agressive à l’encontre de sa personne, G. Vona annonce sa démission de la tête du Jobbik ; Tamás Sneider est alors élu à la présidence du parti. Le nouveau leader indique sa volonté de poursuivre la stratégie de normalisation entamée par son prédécesseur. Cependant, l’année 2019 est nettement moins favorable au Jobbik puisqu’il enregistre un recul de – 8,4 % lors des élections européennes du 26 mai, n’obtenant plus que 6,3 % des suffrages et ne décrochant dès lors plus que 1 siège au Parlement européen (– 2).

88Ce tassement, voire ce recul électoral, rencontré par le Jobbik trouve au moins deux explications, toutes deux liées à la stratégie de dédiabolisation développée par le parti. D’une part, alors que le Jobbik tend à modérer son style depuis l’automne 2013, d’autres formations d’extrême droite tentent de se développer, récupérant le style radical partiellement abandonné par ce parti. Tel est notamment le cas du parti Mi Hazánk Mozgalom (MHM, Mouvement Notre Patrie), qui naît en outre d’une scission interne résultant de tensions présentes depuis plusieurs années et dont la naissance contribue donc à affaiblir le Jobbik. Le HMH est fondé le 23 juin 2018, principalement par d’anciens membres du Jobbik, comme István Apáti, Dóra Dúró, Erik Fülöp, Előd Novák, László Toroczkai et János Volner. En mai 2019, ce parti annonce la création de la Nemzeti Legio (Légion nationale), une milice qui, telle l’ancienne Magyar Gárda du Jobbik, entend lutter contre « la criminalité tsigane », notamment à travers la mise sur pied de patrouilles. D’autre part, en optant pour une stratégie de normalisation, le Jobbik se retrouve aussi concurrencé par le Fidesz-MPSz qui, en tant que formation populiste de droite conservatrice, tente lui-même de récupérer l’électorat du Jobbik.

89La tentative du Fidesz-MPSz de s’emparer des électeurs du Jobbik est en effet clairement identifiable, même si c’est progressivement qu’elle a été mise en place. Fondé le 30 mars 1988, notamment par Viktor Orbán, le Fidesz-MPSz voit le jour en tant que formation libérale, tant sur le plan socio-économique que sur le plan des valeurs  [131]. C’est lors d’un congrès tenu en 1995 que le parti entame un premier virage vers la droite, embrassant une idéologie davantage nationaliste et centrée sur les valeurs conservatrices et chrétiennes. Dès 2002 et son renvoi dans l’opposition, le parti de V. Orbán tente de concurrencer le MIÉP, en abordant plus frontalement ses thématiques, comme le nationalisme et la défense des minorités hongroises à l’extérieur du territoire national  [132]. Mais le véritable tournant opéré par le Fidesz-MPSz découle de la menace électorale de plus en plus sérieuse que lui pose le Jobbik. En l’occurrence, la stratégie adoptée par le Fidesz-MPSz n’est pas de rentrer en confrontation directe avec le Jobbik, mais plutôt de le vider de sa substance en incorporant directement dans son action gouvernementale des pans entiers de son programme, et cela dès le retour du parti de V. Orbán au pouvoir en 2010. Ainsi, le Fidesz-MPSz met en œuvre un certain nombre de propositions formulées par le Jobbik, comme l’inscription dans la Constitution hongroise de la référence à la chrétienté et à la Sainte Couronne, la régulation des capitaux étrangers et des entreprises multinationales (à travers l’instauration de treize nouvelles taxes sectorielles entre 2010 et 2017), la nationalisation des caisses de retraite privées, la nationalisation du secteur financier – notamment à travers la nationalisation de la Bourse de Budapest –, la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, la réinstauration d’un système de notation dans l’enseignement, l’imposition de cours de religion ou de morale obligatoires dans les écoles publiques, la suspension du versement d’allocations scolaires en cas d’absentéisme scolaire, l’inscription dans la Constitution de la protection de la famille traditionnelle, la possibilité offerte aux étudiants issus d’une école publique de bénéficier d’une subvention pour effectuer un voyage dans un pays voisin où résident des minorités hongroises, la décision de reconnaître le 4 juin (date anniversaire du Traité de Trianon de 1920) comme étant une journée nationale « de la cohésion », l’octroi de droits de citoyenneté aux minorités hongroises de l’étranger, l’organisation du contrôle institutionnel des médias (avec la possibilité d’imposer des sanctions en cas de « manque d’objectivité politique »), la redéfinition de politiques symboliques (visant à renommer des rues ou des places et à déplacer certains mémoriaux), la division par deux du nombre de parlementaires, le décumul entre les mandats de parlementaire et de maire, ou encore la volonté de limiter l’immigration (avec l’organisation d’une consultation nationale relative à celle-ci)  [133].

90Au-delà de ces politiques directement mises en œuvre par le Fidesz-MPSz, souvent avec le soutien parlementaire du Jobbik, certains débats lancés par V. Orbán sont préalablement défendus par le Jobbik. Le cas le plus emblématique est sans doute celui de la déclaration du Premier ministre hongrois devant le Parlement européen, le 19 mai 2015, dans laquelle il indiquait vouloir restaurer la peine de mort en Hongrie  [134]. La peine de mort n’a pas été réintroduite depuis lors, mais le débat continue à être soulevé à certaines occasions par plusieurs mandataires du Fidesz-MPSz.

91Terre traditionnellement fertile pour les formations d’extrême droite, la Hongrie semble désormais avoir passé un cap. Alors que les partis d’extrême droite n’ont plus exercé le pouvoir en Hongrie depuis 1945, leurs idées et les débats qu’ils portent se sont propagés au-delà du Jobbik. Bon nombre de propositions formulées par ce parti ont par ailleurs été traduites en décisions publiques directement applicables à l’ensemble des citoyens. Cette stratégie adoptée par le Fidesz-MPSz conduit à normaliser le Jobbik. Ainsi, en matière d’immigration, le Jobbik ne se positionne pas davantage à droite que le Fidesz-MPSz, indiquant que cette matière « est un enjeu important, mais V. Orbán l’ayant volé au Jobbik, il a mis en œuvre ce qui devait l’être, et ce de manière assez efficace »  [135]. Cette normalisation du Jobbik est devenue particulièrement visible lors du scrutin municipal du 13 octobre 2019. En effet, à cette occasion, une alliance de six partis d’opposition – incluant notamment les socialistes, les écologistes et le Jobbik – s’est mise en place pour proposer des candidats communs dans un certain nombre de villes, dont Budapest. Il en a résulté une victoire pour cette alliance dans la capitale (avec le candidat écologiste Gergely Karácsony) ainsi que dans près de 10 des 23 principales villes du pays, comme Pécs, Eger, Miskolc ou Szombathely  [136]. Pour les partis de gauche associés à cette alliance d’opposition, celle-ci a été rendue possible car « le Jobbik n’est plus un parti d’extrême droite, les éléments radicaux étant partis »  [137]. Petit à petit, cette stratégie de normalisation semble donc percoler à travers le paysage partisan hongrois lui-même.

Graphique 8

Hongrie. Élections législatives (Magyar Országgyűlés) et élections européennes, 2006-2019. Résultats du Jobbik

Graphique 8. Hongrie. Élections législatives (Magyar Országgyűlés)  et élections européennes, 2006-2019. Résultats du Jobbik

Hongrie. Élections législatives (Magyar Országgyűlés) et élections européennes, 2006-2019. Résultats du Jobbik

7. Lettonie

92Tout comme la Lituanie (cf. infra), la Lettonie semble jusqu’à présent épargnée par l’extrême droite. Ainsi, aucune formation politique qui puisse être clairement classée sur ce bord de l’échiquier politique n’est représentée à la Saeima (qui est le parlement monocaméral letton). De nombreuses formations d’extrême droite, principalement « russophobes »  [138], tentent certes d’émerger, mais généralement sans succès.

93Bien que les conditions de succès des formations d’extrême droite semblent réunies, plusieurs facteurs d’ordre institutionnel expliquent la faiblesse de ce courant politique  [139]. D’une part, très peu de barrières réglementaires entravent la fondation de nouveaux partis politiques (ainsi, le nombre de signatures à collecter pour former un parti est relativement faible et le coût lié à l’enregistrement d’un parti est réduit) ; dès lors, le paysage partisan se trouve fragmenté, particulièrement à l’extrême droite. Or parallèlement, un seuil de 5 % doit être franchi pour prétendre à l’obtention d’un siège à la Saeima. D’autre part, la Lettonie est caractérisée par un niveau très faible de financement public des partis (même si des évolutions sont à noter en 2019  [140]). Or, en conséquence de leur rhétorique radicale, les partis d’extrême droite rencontrent généralement davantage de difficultés à obtenir un financement de la part d’entreprises privées ; ils se retrouvent donc désavantagés, sur ce plan également, par rapport aux partis plus établis, plus traditionnels  [141].

94Malgré cette faiblesse structurelle, plusieurs formations nationalistes et faisant des emprunts – parfois marqués – à l’extrême droite peuvent être pointées. La plus importante d’entre elles est aujourd’hui la Nacionālā Apvienība (NA, Alliance nationale). Fondée en 2010, la NA est issue de la fusion de deux partis nationalistes et souverainistes : le Partija « Visu Latvijai! » (VL!, Parti « Tout pour la Lettonie ! ») et Tēvzemei un Brīvībai / LNNK (TB/LNNK, Pour la patrie et la liberté / LNNK).

95Alors que le TB/LNNK, fondé en 1993, bénéficie d’une importante expérience parlementaire et gouvernementale depuis lors (il a occupé le poste de Premier ministre en 1997-1998), le VL! est surtout un mouvement nationaliste qui, fondé en 2002, se transforme en parti politique en janvier 2006, sous l’impulsion de son leader, Raivis Dzintars. Le principal objectif de ce dernier est alors de déposer des listes lors du scrutin législatif du 7 octobre 2006 pour éviter la formation d’une majorité de partis pro-russes  [142]. Dans un contexte où les minorités russes représentent 27 % de la population lettonne  [143], le VL! craint une évolution démographique qui serait à l’origine d’une « mise en danger de la lettonité du pays »  [144] et développe un programme avant tout nationaliste. Lors du scrutin, il obtient 1,5 % des voix et échoue à faire son entrée au Parlement.

96Le programme de la NA est d’abord et avant tout nationaliste et hostile à la Russie ainsi qu’à la communauté russophone de Lettonie. Il propose de renforcer les traditions culturelles lettones, de renforcer les médias lettons et de limiter la propagation de la propagande russe, d’empêcher l’entrée des partis pro-russes au gouvernement, ou encore de soutenir l’augmentation de la proportion de Lettons en Lettonie  [145]. Mais ce programme indique aussi que le parti entend mener une politique migratoire plus restrictive. Alors que la NA se présente au suffrage des électeurs lors des élections législatives du 2 octobre 2010, elle remporte 7,7 % des voix et décroche 8 sièges (sur 100) au Parlement.

97Le parti opère une avancée significative lors des élections législatives anticipées du 17 septembre 2011, puisqu’il obtient 13,9 % des voix (+ 6,2 %) et gagne 6 sièges supplémentaires : la NA devient alors la quatrième force politique du pays. Un gouvernement de coalition est formé entre les partis de centre-droit Reformu Partija (RP, Parti réformateur) et Vienotība (V, Unité) et la NA. Pour la première fois, la formation nationaliste intègre donc l’exécutif. Dans le gouvernement Dombrovskis III, la NA a deux postes : celui de ministre de la Culture et celui de ministre de la Justice  [146].

98Lors des élections européennes du 25 mai 2014, la NA confirme son ancrage dans le paysage partisan, forte de ses 14,3 %. Elle fait ainsi son entrée au Parlement européen, avec 1 siège (sur 8 dévolus à la délégation lettonne).

99Durant cette même année, la NA se renforce à nouveau sur le plan national, remportant 16,6 % des voix (+ 2,7 %) et 17 sièges (+ 3) lors des élections législatives anticipées du 4 octobre 2014. Elle est alors rétrogradée au rang de cinquième force politique du pays. À nouveau cependant, elle intègre un gouvernement ; en l’occurrence, celui-ci est formé également du parti agrarien de centre-droit Zaļo un Zemnieku Savienība (ZZS, Union des verts et des paysans) et du V. Dans le gouvernement Straujuma II (installé le 5 novembre 2014) puis dans le gouvernement Kučinskis (entré en fonction le 11 février 2016), la NA dispose de trois portefeuilles : Culture, Justice, et Protection de l’environnement et Développement régional.

100Le scrutin législatif du 6 octobre 2018 est toutefois moins favorable à la NA, puisque celle-ci perd – 5,6 % des voix, n’en remportant que 11,0 % (soit 13 sièges, – 4). Cela n’empêche pas le parti de se maintenir au pouvoir, en coalition avec le parti populiste de centre-droit Kam Pieder Valsts? (KP LV, Qui possède l’État ?), le parti de centre-droit Jaunā Konservatīvā Partija (JKP, Nouveau parti conservateur) et le parti libéral Attīstībai / Par! (AP!, Développement / Pour !). Dans ce gouvernement Kariņš, formé le 23 janvier 2019, la NA a deux ministres : celui de la Culture et celui de l’Agriculture.

101Lors du scrutin européen du 26 mai 2019, la NA se renforce : elle obtient 16,4 % des voix (soit + 2,1 %) et 2 sièges (+ 1). Elle arrive ici en deuxième position.

102Si le parti n’est pas unanimement considéré comme étant une formation d’extrême droite, il est à noter que ses principaux cadres prennent activement part au défilé annuellement organisé le 16 mars en commémoration des vétérans de la Légion lettonne (unité de la Waffen-SS de 1943 à 1945), à Riga. Bien qu’il soit surtout question de commémorer les combattants ayant lutté contre l’invasion soviétique, cette manifestation est traditionnellement marquée par l’expression de gestes ou discours antisémites.

Graphique 9

Lettonie. Élections législatives (Saeima) et élections européennes, 2010-2019 (en % des votes valables). Résultats de la NA

Graphique 9. Lettonie. Élections législatives (Saeima) et élections européennes,  2010-2019 (en % des votes valables). Résultats de la NA

Lettonie. Élections législatives (Saeima) et élections européennes, 2010-2019 (en % des votes valables). Résultats de la NA

8. Lituanie

103La Lituanie demeure relativement préservée des formations politiques d’extrême droite. Cela tient notamment au fait que le système partisan lituanien figure parmi les plus fragmentés d’Europe.

104Le parti lituanien le plus proche de l’extrême droite qui a sans doute le mieux réussi à se développer au cours des dernières années est Tvarka ir Teisingumas (TT, Ordre et justice). Bien qu’il ne puisse être clairement classé parmi les partis d’extrême droite, le TT est caractérisé par une idéologie nationaliste, souverainiste et autoritaire sur le plan de la sécurité. En outre, il recourt de façon régulière au populisme dans ses discours  [147]. Néanmoins, le TT ne peut être qualifié de parti anti-immigration ou xénophobe. Il ne témoigne pas non plus d’une hostilité quelconque à l’égard de minorités ethniques  [148]. En ce sens, il se distingue fortement de formations comme Ataka en Bulgarie ou le Jobbik en Hongrie.

105À l’origine du TT, figure le Liberalų Demokratų Partija (LDP, Parti libéral-démocrate), créé le 9 mars 2002 par Rolandas Paksas – ancien Premier ministre lituanien – à la suite d’une scission du parti libéral Lietuvos Liberalų Sąjunga (LLS, Union libérale de Lituanie). Alors que le LDP est nouvellement créé, son leader se qualifie au premier tour du scrutin présidentiel du 22 décembre 2002, fort de ses 17,7 %. Lors du second tour, qui a lieu le 5 janvier 2003, R. Paksas remporte 54,7 % des voix et devient ainsi le nouveau président de la République lituanienne. Il sera démis de ses fonctions à la suite d’une procédure de destitution pour violation de la Constitution, en avril 2004  [149].

106Concourant au scrutin législatif des 10 et 24 octobre 2004, le LDP se présente au sein du cartel Uz Tvarka ir Teisingumas (Pour l’ordre et la justice), formé avec un petit parti ; il remporte 11,3 % des suffrages et décroche ainsi 10 sièges (sur 141) à la Seimas (qui est le parlement monocaméral du pays). Devenu le TT en mai 2006, le parti progresse encore à 12,7 % lors des élections législatives des 12 et 26 octobre 2008 (15 sièges).

107Le 17 mai 2009  [150], le candidat du TT pour l’élection présidentielle, Valentinas Mazuronis, ne remporte que 6,1 % des voix lors du premier tour. Par la suite, le parti est en perte de vitesse continue, enregistrant respectivement 7,4 % et 5,3 % des suffrages lors des élections législatives des 14 et 28 octobre 2012 et des 9 et 23 octobre 2016 (soit 11 et 8 sièges). Membre de groupes politiques souverainistes et eurosceptiques au sein du Parlement européen, le TT enregistre par ailleurs 6,8 % le 13 juin 2004 (1 siège), 12,2 % le 7 juin 2009 (2 sièges), 14,3 % le 25 mai 2014 (statu quo en sièges) et 2,7 % le 26 mai 2019 (0 siège) lors des élections européennes  [151].

108Malgré ce déclin électoral, le TT bénéficie d’une expérience du pouvoir puisque, en 2012, il rejoint la coalition dirigée par le social-démocrate Algirdas Butkevičius et regroupant aussi le Lietuvos Socialdemokratų Partija (LSDP, Parti social-démocratie lituanien), le Darbo Partija (DP, Parti du travail) et la Lietuvos Lenkų Rinkimų Akcija (LLRA, Action électorale polonaise de Lituanie). Dans ce gouvernement Butkevičius (du 13 décembre 2012 au 13 décembre 2016), le TT est en charge des portefeuilles de l’Intérieur et de l’Environnement.

109À l’automne 2019, les dirigeants du TT annoncent la fondation d’un nouveau parti, dont le nom n’est pas encore rendu public à ce jour.

110De véritables formations d’extrême droite tentent par ailleurs de se développer en Lituanie, même si elles ne parviennent pas à s’imposer dans le paysage électoral et qu’elles demeurent marginales ; jusqu’à présent, elles ont échoué à être reconnues et à présenter des listes de candidats aux élections. Ainsi, en 2007, le parti Vieningasis Lietuvių Nacionaldarbininkų Sąjūdis (VLNDS, Mouvement ouvrier unifié lituanien) est fondé par Mindaugas Gervaldas (connu sous le nom de Mindaugas Murza jusqu’en 2012). Ce parti d’extrême droite de type néo-nazi défend la « race nordique »  [152] et se réclame de l’idéologie national-ouvrière, tout en entendant procéder à une « révolution de la conscience de la nation face aux forces du mal »  [153]. Ouvertement antisémite, le VLNDS est aussi anti-européen et anti-mondialisation. De même, le 20 mars 2011, le parti Lietuvių Tautos Sąjunga (LITAS, Union nationale lituanienne) est fondé par scission du VLNDS. Présidée par l’ancien leader du VLNDS, M. Gervaldas, la LITAS est également un parti d’extrême droite de type néo-nazi ; son programme est similaire à celui du VLNDS.

Graphique 10

Lituanie. Élections législatives (Seimas), élections présidentielles et élections européennes, 2008-2019 (en % des votes valables). Résultats de la NA

Graphique 10. Lituanie. Élections législatives (Seimas), élections présidentielles et élections européennes, 2008-2019 (en % des votes valables). Résultats de la NA

Lituanie. Élections législatives (Seimas), élections présidentielles et élections européennes, 2008-2019 (en % des votes valables). Résultats de la NA

9. Pologne

111Ces trente dernières années, le système partisan polonais a figuré parmi les plus fragmentés d’Europe, principalement en conséquence de nombreuses scissions ou fusions. Ainsi, depuis les premières élections législatives libres, le 27 octobre 1991, pas moins de 39 partis politiques ont été représentés au Parlement polonais  [154]. Dans ce contexte, l’extrême droite a réussi à trouver sa place, même si elle n’est pas parvenue à la conserver sur le temps long.

112La principale formation d’extrême droite s’étant développée en Pologne depuis le début des années 2000 est incontestablement la Liga Polskich Rodzin (LPR, Ligue des familles polonaises). Fondé le 30 mai 2001 par Roman Giertych, ce parti connaît une rapide ascension électorale et est vite amené à exercer des responsabilités gouvernementales (entre 2005 et 2007). Néanmoins, son succès n’est que de moyen terme et la LPR est aujourd’hui quasi inexistante ; en outre, aucun parti d’extrême droite ne lui succède.

113La LPR déploie un programme basé sur le nationalisme polonais et la défense des valeurs catholiques. Elle considère ainsi que l’identité nationale polonaise est menacée par un ensemble d’acteurs – dont les personnes non hétérosexuelles (LGBT), les défenseurs de l’avortement, l’Occident et l’Union européenne – et c’est en opposition à ceux-ci qu’elle inscrit son combat politique  [155]. Plus précisément, c’est d’abord et avant tout en tant que formation eurosceptique qu’elle réussit à se distinguer dès sa fondation. En effet, alors qu’il existait un consensus entre les élites politiques du pays en faveur de l’entrée de la Pologne dans l’Union européenne et alors que cette adhésion était conditionnée à l’adoption d’un certain nombre de réformes, la LPR se construit en tant que fédération de groupuscules et d’activistes variés, tous opposés à l’adhésion de la Pologne à l’Union européenne  [156]. Antisémite, la LPR se distingue par la radicalité, voire par la violence, de ses propos et de ses actions. Ainsi, en 2007, un de ses députés européens, Maciej Giertych, publie un pamphlet dans lequel il affirme : « Les Juifs, volontairement, préfèrent vivre une vie séparée de celle des communautés environnantes (...). Les Juifs ne représentent pas une race spécifique (...) mais le fait qu’ils aient leur propre civilisation, qu’ils vivent séparément, a eu pour résultat qu’ils ont développé des différences biologiques »  [157].

114Alors que la LPR se présente pour la première fois au suffrage des électeurs lors du scrutin législatif du 23 septembre 2001, soit quelques mois après sa création, elle remporte 7,9 % des voix et décroche 38 sièges (sur 460) à la Sejm Rzeczypospolitej Polskiej (Diète de la République de Pologne, soit la chambre basse du Parlement) et 2 sièges au Senat Rzeczypospolitej Polskiej (Sénat). Trois éléments majeurs permettent de comprendre ce succès fulgurant de la nouvelle formation d’extrême droite. Tout d’abord, alors que les autres formations politiques sont unanimes quant à l’adhésion de la Pologne à l’Union européenne, la LPR se présente comme étant le seul parti à remettre en cause ce qui est considéré par beaucoup comme une évidence, notamment à travers une rhétorique catastrophiste et complotiste  [158]. Ensuite, la LPR adopte rapidement un style populiste et se présente comme étant une formation marginalisée, vierge de toute compromission et n’ayant jamais exercé de responsabilité gouvernementale. Le parti d’extrême droite prétend alors être une alternative aux partis « traditionnels » envers lesquels la méfiance des électeurs s’est accrue  [159]. Enfin, la LPR bénéficie du soutien de la Radio Maryja. Créée en 1991 par le père rédemptoriste Tadeusz Rydzyk, cette radio catholique et conservatrice privée compte plusieurs millions d’auditeurs et agit comme un relais politique pour l’extrême droite par ses prises de position nationalistes, antisémites et anti-libérales  [160].

115La LPR se renforce à l’occasion des élections européennes du 13 juin 2004 puisqu’elle obtient 15,6 % des suffrages et fait son entrée au Parlement européen, avec pas moins de 10 eurodéputés (sur les 54 sièges dévolus à la délégation polonaise). Lors du scrutin législatif du 25 septembre 2005, elle retrouve son score de 2001 avec 8,0 % des voix (+ 0,1 %) et 34 sièges de députés (– 4) et 7 de sénateurs (+ 5). À la suite de ce scrutin, le parti populiste de gauche Samoobrona Rzeczpospolitej Polskiej (SRP, Autodéfense de la République de Pologne), le parti agrarien Polskie Stronnictwo Ludowe (PSL, Parti paysan polonais) et la LPR apportent leur soutien à un gouvernement minoritaire formé par le parti conservateur Prawo i Sprawiedliwość (PiS, Droit et justice) et dirigé par Kazimierz Marcinkiewicz. Bien que n’exerçant pas de responsabilité ministérielle, la LPR bénéficie pour la première fois d’une position lui permettant d’exercer une influence considérable sur les processus décisionnels  [161].

116Le 14 juillet 2006, la LPR accède formellement au pouvoir : à la suite de la démission du Premier ministre, elle rejoint la coalition gouvernementale dirigée par Jarosław Kaczyński (PiS) composée du PiS, du SRP et de la LPR. Celle-ci dispose de deux représentants au sein du gouvernement : R. Giertych occupe le poste de vice-président du Conseil des ministres et de ministre de l’Éducation nationale, et Rafał Wiechecki celui de ministre de l’Économie maritime. Lors du discours d’investiture du nouveau Premier ministre, l’influence de la LPR est déjà perceptible : J. Kaczyński indique que « la Pologne devra conserver sa pleine souveraineté en termes de culture et de morale » et rappelle que « le mariage est l’union entre un homme et une femme ».

117Le 7 septembre 2007, la chambre basse du Parlement polonais vote sa propre dissolution, entraînant dès lors des élections anticipées (qui se tiennent le 21 octobre suivant), dans un contexte marqué par une crise politique majeure touchant particulièrement le gouvernement et ses membres. Le moment semble favorable au PiS puisqu’il est alors au plus haut dans les sondages, mais c’est le parti libéral Platforma Obywatelska (PO, Plateforme civique) qui remporte le scrutin, fort de ses 41,5 %. Quant à elle, la LPR connaît une défaite historique : elle ne remporte que 1,3 % des voix (– 6,7 %) et perd l’entièreté de sa représentation parlementaire dans les deux chambres du parlement national. Tant sa virulente opposition à l’Union européenne – dans un contexte où les citoyens sont alors particulièrement favorables à la récente adhésion de la Pologne à cette organisation – que sa participation au pouvoir permettent d’expliquer ce recul considérable  [162]. En outre, le PiS connaît un processus de radicalisation et tend ainsi à absorber les voix de la LPR  [163]. Un gouvernement dirigé par Donal Tusk et formé de la PO et du PSL est alors mis en place ; ce gouvernement sera reconduit jusqu’en 2014.

118Jamais la LPR ne rejoindra à nouveau le Parlement polonais. Lors du scrutin européen du 7 juin 2009, le parti poursuit son déclin électoral : il participe au cartel Libertas Polska (LP, Liberté Pologne), qui n’obtient que 1,1 % des voix. La LPR perd là aussi l’ensemble de ses sièges. Depuis lors, la LPR n’a plus retrouvé sa représentation parlementaire et n’est plus active sur l’échiquier politique  [164].

Graphique 11

Pologne. Élections législatives (Sejm Rzeczypospolitej Polskiej) et élections européennes, 2001-2009 (en % des votes valables). Résultats de la LPR

Graphique 11. Pologne. Élections législatives (Sejm Rzeczypospolitej Polskiej) et élections européennes, 2001-2009 (en % des votes valables). Résultats de la LPR

Pologne. Élections législatives (Sejm Rzeczypospolitej Polskiej) et élections européennes, 2001-2009 (en % des votes valables). Résultats de la LPR

Remarque : Lors des élections européennes de 2009, la LPR participe au scrutin au sein du cartel LP.

119Malgré l’affaiblissement conséquent des forces d’extrême droite en Pologne, l’influence indirecte exercée par celles-ci semble importante, principalement à travers le parti conservateur et radical PiS. En effet, au-delà de la collaboration entre le PiS et la LPR entre 2005 et 2007, le PiS exerce le pouvoir sans discontinuer depuis 2015 sur la base d’une rhétorique parfois empruntée à l’extrême droite. Ainsi, c’est en imposant le thème de la crise des réfugiés que le PiS remporte les élections législatives du 25 octobre 2015 (avec 37,6 % des voix). Durant la campagne électorale, des propos des plus controversés ont été tenus, notamment par l’ex-Premier ministre J. Kaczyński (PiS) qui a déclaré, le 16 septembre 2015 : « Au début, le nombre de migrants augmente rapidement et ils arrêtent d’obéir aux lois. Puis ils imposent leurs exigences sur la scène publique »  [165] ou encore, le 12 octobre 2015 : « On voit déjà émerger de dangereuses maladies que l’on n’avait pas vues en Europe depuis longtemps : le choléra en Grèce, la dysenterie à Vienne, divers types de parasites protozoaires qui ne sont pas dangereux dans l’organisme de ces gens mais pourraient l’être ici »  [166]. En 2017, après l’agression d’un couple de vacanciers polonais en Italie par des réfugiés, Patryk Jaki, alors secrétaire d’État, déclarait quant à lui : « Voilà qui sont vos migrants. Et vous voulez les envoyer en Pologne ? Si un jour cela devait arriver, ce sera après ma mort ! »  [167]

120Sur le plan décisionnel aussi, la radicalisation du PiS apparaît clairement, par exemple à travers l’adoption de réformes judiciaires qui instaurent notamment des plaintes extraordinaires (c’est-à-dire des plaintes portées par des victimes de jugements considérés injustes), qui mettent sur pied une chambre disciplinaire à destination des magistrats, qui prévoient l’abaissement de l’âge de la retraite des juges de la Sąd Najwyższy (Cour suprême) de 70 à 65 ans – ce qui permet d’écarter les juges formés durant la période communiste – ou encore qui instaure l’élection d’une partie des membres du conseil supérieur de la magistrature par la chambre basse du Parlement. En matière migratoire, la Pologne refuse d’accueillir des réfugiés relocalisés depuis la Grèce et l’Italie dans le cadre du système de quotas mis en place par l’Union européenne en 2015. Sur le plan éthique, le gouvernement polonais annonce vouloir restreindre fortement le droit à l’avortement. Une réforme des médias publics est en outre adoptée ; celle-ci prévoit que les patrons des médias publics sont désormais nommés et révoqués par le gouvernement et non plus par le conseil national de l’audiovisuel.

121Ce que l’adoption de ces législations (parmi tant d’autres) traduit est une lente évolution du régime politique polonais. Alors que la Pologne est une démocratie libérale, l’arrivée du PiS au pouvoir tend à la transformer en démocratie illibérale, c’est-à-dire une démocratie où l’équilibre des pouvoirs est affaibli et où la protection des minorités est mise sous tension au nom de l’exercice du pouvoir par une majorité qui prétend incarner le peuple  [168]. En outre, l’accroissement du pouvoir du PiS et l’adoption de mesures toujours plus nombreuses allant dans le sens de l’extrême droite coïncide avec l’affaiblissement électoral puis la disparition des formations d’extrême droite. Ce processus d’appropriation du discours et des idées de l’extrême droite par le PiS semble donc avoir un impact négatif sur les formations d’extrême droite, mais au prix de la mise en œuvre d’un certain nombre de leurs propositions.

122Toutefois, cet affaiblissement des formations d’extrême droite paraît remis en question depuis peu. En effet, le 6 décembre 2018, un cartel rassemblant plusieurs partis de droite et d’extrême droite voit le jour en Pologne : la Konfederacja Wolność i Niepodległość (Konfederacja, Confédération Liberté et indépendance). Située à l’extrême droite de l’échiquier politique, cette nouvelle formation adopte un style populiste et une idéologie souverainiste, restrictive en matière migratoire, libertarienne en matière socio-économique et conservatrice sur le plan des valeurs. Prenant part pour la première fois à un scrutin lors des élections européennes du 26 mai 2019, elle obtient 4,6 % des suffrages, ce qui est insuffisant pour décrocher un siège d’eurodéputé. Mais lors des élections législatives du 13 octobre 2019, elle parvient à remporter respectivement 6,8 % à la chambre basse et 0,8 % à la chambre haute. Si elle ne décroche aucun siège dans cette dernière, elle remporte 11 sièges à la Diète. Cinquième formation en termes de sièges au sein de cette assemblée parlementaire, la Konfederacja semble amorcer un retour de l’extrême droite sur l’échiquier politique polonais.

10. République tchèque

123Depuis le retour au multipartisme à la fin des années 1980, plusieurs formations d’extrême droite ont tenté de se développer – parfois avec succès – en République tchèque. Il en est ainsi de Sdružení pro Republiku - Republikánská Strana Československa (SPR-RSČ, Association pour la République - Parti républicain de Tchécoslovaquie). Fondé le 30 décembre 1989 et se développant sur le modèle du parti allemand Die Republikaner (REP, Les Républicains)  [169], le parti est dirigé initialement par Miroslav Sládek puis, de 1990 à 2001, par Miroslava Sládka. Il défend une idéologie hostile à l’immigration, opposée à l’entrée du pays dans la Communauté économique européenne (CEE) et dans l’OTAN, et favorable à l’unité (puis, suite à la partition du pays intervenue le 1er janvier 1993, à la restauration) de la Tchécoslovaquie sous une forme « ethniquement pure ». Le parti se distingue en outre par sa dénonciation des Roms et des Allemands présents sur le territoire tchécoslovaque (puis tchèque). Si le SPR-RSČ n’obtient que 1,0 % lors des élections législatives tchèques des 8 et 9 juin 1990  [170], il opère une percée significative lors du scrutin des 5 et 6 juin 1992, avec 6,0 % (+ 5,0 %) et 14 sièges (sur 200) au Česká Národní Verkhovna (Conseil national tchèque, assemblée de la République tchèque au sein de la Tchécoslovaquie)  [171].

124Le SPR-RSČ obtient son meilleur score lors des premières élections législatives qui suivent l’accession de la République tchèque à l’indépendance, c’est-à-dire le scrutin des 31 mai et 1er juin 1996 : 8,0 % des suffrages (+ 2,0 %) et 18 sièges (sur 200) à la Poslanecká Sněmovna (Chambre des députés, qui est la chambre basse du parlement tchèque)  [172]. Par la suite, le parti connaît un recul considérable : dès les élections législatives des 19 et 20 juin 1998, il voit son score réduit à 3,9 % des voix (– 4,1 %). Il perd à cette occasion l’ensemble de sa représentation parlementaire. Le parti disparaît en février 2001. Depuis lors, il a connu plusieurs moments de restauration, notamment en 2008-2013 et, depuis 2016, sous le nom de Sdružení pro Republiku - Republikánská Strana Československa Miroslava Sládka (même sigle), du nom de son président actuel. Néanmoins, lors des différents scrutins auxquels il s’est présenté, jamais il n’est parvenu à dépasser 1,0 % des voix et donc à franchir à nouveau les portes du parlement.

125En janvier 2003, une nouvelle formation d’extrême droite voit le jour en République tchèque : le Dělnická Strana (DS, Parti ouvrier). De type néo-nazi, cette formation fondée et présidée par Tomáš Vandas ne parvient toutefois jamais à remporter des résultats significatifs lors de scrutins législatifs ou européens, obtenant au maximum 1,1 % des suffrages (lors du scrutin européen du 5 juin 2009). Sur la proposition du gouvernement tchèque et en conséquence de violences commises par ses membres à l’égard de minorités, le DS est dissous par la Cour suprême le 17 février 2010  [173]. C’est la première fois qu’une formation politique est interdite en République tchèque. Mais elle réapparaît rapidement sous une autre dénomination : Dělnická Strana Sociální Spravedlnosti (DSSS, Parti ouvrier de la justice sociale). Aujourd’hui, elle demeure complètement marginalisée et obtient des résultats électoraux insignifiants. À ce jour, son meilleur score est de 1,1 % (lors du scrutin législatif des 28 et 29 mai 2010).

126Après les difficultés rencontrées par les formations d’extrême droite à partir des années 2000, un parti fondé en 2015 tend à s’imposer dans le paysage politique tchèque depuis quelque temps : Svoboda a Přímá Demokracie (SPD, Liberté et démocratie directe). Ce renouveau de l’extrême droite se produit dans un contexte marqué par la crise des réfugiés et par une vague d’attentats islamistes touchant plusieurs pays d’Europe occidentale.

127Le SPD est créé par Tomio Okamura et Radim Fiala, deux parlementaires membres (et fondateur pour le premier) du parti populiste Úsvit - Národní Koalice (Úsvit, Aube - Coalition nationale), lui-même fondé en 2013. Alors que l’Úsvit était un parti anti-establishment dont le noyau reposait essentiellement sur la lutte contre la corruption et la volonté de développer la démocratie directe en République tchèque, le SPD est, certes, un parti populiste anti-establishment mais il se caractérise aussi par une forte opposition à l’immigration, à l’islam, aux Roms et à l’Union européenne  [174]. Le SPD se distingue par ailleurs par la violence symbolique à laquelle recourt son leader dans ses discours. Ainsi, déjà en 2015, T. Okamura incitait à se promener en présence de cochons aux alentours de mosquées, ou indiquait que « chaque kebab acheté est un pas supplémentaire vers la burqa »  [175]. En 2018, une plainte est déposée contre lui pour avoir relativisé les conditions de détention des prisonniers – parmi lesquels de nombreux Roms – internés dans le camp de concentration de Lety, sur le territoire actuel de la République tchèque, pendant la Seconde Guerre mondiale.

128Se présentant pour la première fois au suffrage des électeurs à l’occasion des élections législatives des 20-21 octobre 2017, le SPD obtient 10,6 % des voix et décroche 22 sièges (sur 200) à la Poslanecká Sněmovna. C’est le plus important score réalisé par une formation d’extrême droite depuis l’indépendance du pays. Au lendemain de ce scrutin, T. Okamura devient vice-président de la Chambre des députés. Seul le SPD se déclare favorable à la formation d’un gouvernement avec le parti populiste de centre-droit ANO 2011 (Oui 2011) – héritier du mouvement Akce Nespokojených Občanů (ANO, Action des citoyens mécontents) –, qui est arrivé en tête du scrutin avec 29,6 % des suffrages et 78 sièges à la Poslanecká Sněmovna. Néanmoins, cette possibilité est rapidement balayée de la main par le leader de l’ANO 2011, Andrej Babiš  [176]. Celui-ci, qui est surnommé le « Trump tchèque », forme alors un gouvernement homogène mais minoritaire, qui n’obtiendra pas la confiance du Parlement. Quelques mois plus tard, en juin 2018, un gouvernement minoritaire composé de l’ANO 2011 et du Česká Strana Sociálně Demokratická (ČSSD, Parti social-démocrate tchèque) voit le jour, avec le soutien du parti communiste Komunistická Strana Čech a Moravy (KSČM, Parti communiste de Bohême et Moravie).

129À l’occasion des élections européennes des 24-25 mai 2019, le SPD obtient 9,1 % et décroche 2 sièges au Parlement européen  [177]. Dans cette assemblée, il rejoint le groupe politique d’extrême droite Identité et démocratie (ID), dont font partie le Rassemblement national (RN) français, le Vlaams Belang (VB) flamand ou encore la Lega italienne.

130Si le SPD est la formation d’extrême droite la plus prospère que la République tchèque ait connue depuis plusieurs décennies, il est à noter que le système partisan est mis à l’épreuve dès les années 2010 par l’avènement de plusieurs formations populistes – bien que non classées à l’extrême droite  [178]. Il en est ainsi de Věci Veřejné (VV, Affaires publiques), d’ANO (puis ANO 2011) et d’Úsvit. Chacune de ces trois formations politiques, respectivement fondées en 2001, 2011 et 2013, a pour principal enjeu de campagne la lutte contre la corruption, contre l’establishment politique et l’appel à un renouvellement démocratique (qui passe par l’instauration de mécanismes de démocratie directe pour le VV et pour Úsvitle. Au scrutin législatif des 28-29 mai 2010, le VV obtient 24 sièges à la Poslanecká Sněmovna ; aux élections législatives anticipées des 25-26 octobre 2013, ANO 2011 en décroche 47, et l’Úsvit 14  [179] ; au scrutin législatif des 20-21 octobre 2017, ANO 2011 envoie pas moins de 78 députés siéger au parlement (tandis que l’Úsvit perd toute représentation). En 2017, avec l’avènement du SPD (22 sièges, cf. supra), les forces populistes représentent dès lors la moitié des sièges à la Chambre des députés (100 sur 200).

11. Roumanie

131Aujourd’hui, l’extrême droite en Roumanie est l’une des plus affaiblies d’Europe centrale et orientale. Pourtant, dès l’effondrement du communisme dans le pays, ce courant politique s’y développe rapidement et obtient de bons résultats électoraux. Plus encore, les formations d’extrême droite roumaines sont parmi les premières d’Europe à exercer le pouvoir, dès le début des années 1990. Ce rapide développement de l’extrême droite peut s’expliquer par la nature du régime communiste roumain, qui accordait une attention particulière au nationalisme, et par le vide politique laissé à la suite de la révolution de décembre 1989.

132Le Partidul pentru Uniunea Națională a Românilor (PUNR, Parti pour l’unité nationale des Roumains) est un des premiers partis roumains d’extrême droite à être créé, le 15 mars 1990 – avant d’être, en novembre suivant, rebaptisé le Partidul Unității Naționale Române (PUNR, Parti de l’unité nationale roumaine). Il parvient à décrocher des sièges au sein de la Camera Deputaților (Chambre des députés) et du Senatul (Sénat) dès le premier scrutin auquel il se présente, à savoir lors des élections du 20 mai 1990, remportant respectivement 2,1 % (9 sièges) et 2,2 % (2 sièges). Accroissant ses résultats électoraux à l’occasion des élections législatives du 27 septembre 1992, le PUNR intègre le gouvernement formé par Nicolae Văcăroiu (cf. infra), du 19 novembre 1992 au 12 décembre 1996. Nonobstant cette rapide ascension, les scrutins ultérieurs consacrent le déclin puis la disparition du PUNR du paysage politique roumain.

133Le Partidul România Mare (PRM, Parti « Grande Roumanie ») se démarque rapidement du PUNR  [180]. Il est fondé le 21 juin 1991 par Corneliu Vadim Tudor et Eugen Barbu – qui avaient tous deux été écrivains officiels du président Nicolae Ceaușescu – un an après que ces derniers eurent lancé l’hebdomadaire România Mare. Le PRM est classé à l’extrême droite et se réclame du national-communisme, défendant un programme à la fois social et protectionniste  [181]. Outre son style populiste  [182], il se distingue d’abord par ses revendications territoriales irrédentistes, visant à rattacher au pays la Moldavie et les territoires de Bucovine du Nord (aujourd’hui en Ukraine) et de Bessarabie (aujourd’hui partagée entre l’Ukraine et la Moldavie), cédés à l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) en 1940. Par ailleurs, le PRM mobilise un discours nationaliste et ethnocentriste, dénonçant et stigmatisant principalement les minorités roms, juives et hongroises. Souverainiste, le PRM est dans un premier temps une formation hostile à l’Union européenne et à l’OTAN. Néanmoins, en 2003, face au processus d’adhésion à l’Union européenne dans lequel est engagé le pays et alors que la population y est clairement favorable, le PRM opère un virage à cet égard. Enfin, la lutte contre la corruption est également un axe fondamental de l’idéologie du parti.

134Alors que le PRM a un an à peine, il participe au scrutin législatif du 27 septembre 1992 et obtient 3,9 % des voix à la Chambre des députés, décrochant 16 sièges (sur 341) dans celle-ci, ainsi que 3,9 % de suffrages également et 6 sièges au Sénat. À l’issue de ce scrutin, est mis sur pied un gouvernement dirigé par N. Văcăroiu et composé du parti social-démocrate Frontul Democrat al Salvării Naționale (FDSN, Front démocratique de salut national) – qui sera bientôt rebaptisé Partidul Social Democrat (PSD, Parti social-démocrate) – et du PUNR. Ce dernier a recueilli 7,7 % et 30 sièges à la chambre basse (+ 5,6 % et + 21 sièges) et 8,1 % et 14 sièges à la chambre haute (+ 5,9 % et + 12 sièges). Quant à lui, le PRM rejoint la coalition gouvernementale en fin de législature, pour une durée de trois mois seulement. Peu de temps après sa fondation, ce parti est donc déjà amené à prendre part à une coalition gouvernementale.

135Lors des élections législatives du 3 novembre 1996, le PRM élargit son assise électorale puisqu’il obtient 4,5 % des voix et décroche 19 sièges (sur 343) à la Chambre des députés, et 4,5 % et 8 sièges au Sénat. Il dépasse ainsi dans les urnes le PUNR (qui obtient pour sa part 4,4 % et 18 sièges à la chambre basse et 4,2 % et 7 sièges à la chambre haute). Le même jour, le leader du PRM, C. Tudor, remporte 4,7 % des voix lors du premier tour de l’élection présidentielle. Quant au candidat du PUNR, Gheorghe Funar, il récolte 3,2 %  [183].

136Néanmoins, c’est lors des élections législatives du 26 novembre 2000 que le PRM opère la percée la plus significative de son histoire. À cette occasion, il obtient respectivement 19,5 % à la Chambre des députés (soit 84 sièges) et 21,0 % au Sénat (soit 37 sièges). Lors du premier tour de l’élection présidentielle, qui se tient le même jour, C. Tudor arrive à la deuxième place en récoltant 28,3 % des voix ; le parti se qualifie dès lors pour la première (et unique) fois de son histoire pour le second tour  [184]. Toutefois, C. Tudor n’est pas élu lors de celui-ci, le 10 décembre 2000, ne remportant que 33,2 % des suffrages. Pour sa part, le PUNR cesse de faire de l’ombre à son rival : il perd toute représentation parlementaire (avec 1,5 % à la chambre basse et 1,4 % à la chambre haute) et n’a pas concouru au scrutin présidentiel.

137Un des principaux facteurs permettant de comprendre cette ascension fulgurante de l’extrême droite incarnée par le PRM dans les années 1990 et jusqu’au début des années 2000 est la faiblesse de la droite traditionnelle, qui a perdu sa crédibilité auprès de son électorat. De manière générale, la méfiance des électeurs par rapport à la politique est particulièrement élevée dans les années 1990 et 2000  [185]. Dans ce contexte, c’est donc en se présentant comme une alternative aux formations traditionnelles que le PRM tire son épingle du jeu.

138Dans la perspective des scrutins de 2004, C. Tudor entame une opération de modération du parti, principalement en ce qui concerne son image antisémite. Alors qu’il comparait les minorités à des verrues quelques mois auparavant, il organise un voyage à Auschwitz avec une centaine de membres du PRM, déclare qu’il importe de préserver la mémoire de l’Holocauste, érige une statue du Premier ministre israélien Yitzhak Rabin (assassiné en 1995) dans la ville de Brașov, etc.  [186]. Selon le leader du parti, une expérience religieuse lui aurait fait changer sa vision des juifs  [187].

139Malgré ces efforts, le déclin du PRM est amorcé le 28 novembre 2004, lors des élections législatives et présidentielles. Le parti perd – 6,6 % des voix pour l’élection de la chambre basse, obtenant 12,9 % des suffrages (soit 48 sièges sur 332) ; pour l’élection de la chambre haute, la chute est de – 7,7 % (13,3 % ; soit 21 sièges sur 137). Quant à lui, C. Tudor ne remporte que 12,6 % des suffrages lors du premier tour du scrutin présidentiel. Le 25 novembre 2007, des élections européennes sont organisées en Roumanie suite à l’adhésion du pays à l’Union européenne. Récoltant 4,1 % des suffrages, le PRM se classe au septième rang et ne décroche aucun siège.

140Ce faible résultat électoral est confirmé lors du scrutin législatif du 30 novembre 2008, qui marque la fin de la représentation parlementaire du PRM. Le parti ne récolte en effet que 3,2 % des voix pour la Camera Deputaților et 3,6 % pour le Senatul ; il perd l’ensemble des sièges dans les deux assemblées et, pour la première fois depuis 1992, n’est plus représenté au Parlement.

141Le PRM semble connaître un sursaut électoral lors des élections européennes du 7 juin 2009, puisqu’il récolte 8,6 % des votes valablement exprimés et fait son entrée au Parlement européen (avec 3 sièges) ; cela se produit dans un contexte marqué par l’arrestation du leader du Partidul Noua Generație - Creștin Democrat (PNG-CD, Parti de la nouvelle génération - Chrétien-démocrate), qui est alors son principal concurrent d’extrême droite sur la scène électorale, quoique de faible importance  [188]. Mais ce sursaut n’est que de courte durée. Ainsi, le 22 novembre 2009, C. Tudor ne décroche que 5,6 % des voix lors du premier tour de l’élection présidentielle. Lors des élections législatives du 9 décembre 2012, le parti ne récolte que 1,3 % des voix à la Chambre des députés et 1,5 % au Sénat. Le 25 mai 2014, le parti perd sa représentation au Parlement européen, ne remportant plus que 2,7 % des suffrages lors du scrutin européen. Le 2 novembre de la même année, C. Tudor obtient son plus faible score au premier tour d’une élection présidentielle (3,7 %). Le 11 décembre 2016, le PRM enregistre à nouveau un score historiquement bas lors des élections législatives (1,0 % à la chambre basse et 1,2 % à la chambre haute). Depuis lors, le parti est absent de l’arène électorale.

142L’affaiblissement structurel puis la disparition du paysage politique du PRM trouvent plusieurs explications. La première tient à un changement stratégique survenu dans la perspective des élections législatives et, surtout, présidentielles de 2004, à savoir une opération de modération du parti (cf. supra). La deuxième tient à un changement idéologique décidé au sein du parti en regard de son positionnement à l’égard de l’Union européenne et de l’OTAN. Le consensus citoyen étant large quant à l’adhésion de la Roumanie à l’Union européenne, le parti tend à s’adapter et se montre davantage ouvert à l’Union, au moins jusqu’en 2007. La tentative (avortée) du PRM de rejoindre le groupe politique du Parti populaire européen (PPE) explique également cet éloignement pour la formation d’extrême droite par les électeurs, ceux-ci percevant le parti comme étant trop proche de l’establishment. Une quatrième explication tient à la concurrence électorale, engagée principalement avec le PNG-CD. Fondé en 2000, ce parti est dirigé dès 2004 par George Becali (surnommé Gigi), dont la popularité est alors très grande en Roumanie  [189]. Si le PRM est doté d’un programme économique de gauche, le PNG-CD est un parti d’extrême droite qui, en termes économiques, accorde une importance majeure au marché. Malgré cette sensible différence idéologique, les deux formations entrent directement en concurrence. Le PNG-CD ne parvient certes jamais à dépasser le seuil électoral permettant de lui assurer une représentation parlementaire, mais il réduit considérablement l’attraction électorale du PRM.

143À la suite de la disparition du PRM des assemblées parlementaires, l’espace laissé vacant à l’extrême droite fait l’objet de tentatives – peu fructueuses – de récupération par d’autres formations. La plus importante d’entre elles est sans doute le parti Partidul România Unită (PRU, Parti Roumanie unie). Fondé le 23 avril 2015 par le député social-démocrate Bogdan Diaconu, le PRU propose, tout comme le PRM, un programme socio-économique de gauche, nationaliste, souverainiste, anti-immigration et plaçant la lutte contre la corruption dans ses priorités. Lorsqu’il se présente pour la première fois au suffrage des électeurs à l’occasion du scrutin législatif du 11 décembre 2016, il n’obtient que 2,8 % des voix à la Camera Deputaților et 3,0 % au Senatul, ce qui est certes plus que le PRM mais ne lui permet de décrocher aucun siège. Lors des élections européennes du 26 mai 2019, le PRU bénéficie du soutien du PRM ; toutefois, ce scrutin est un nouvel échec électoral pour l’extrême droite puisque le PRU n’obtient que 0,6 % des suffrages.

144D’autres formations d’extrême droite ont tenté de s’imposer dans le paysage politique roumain, non sans difficultés. Alors que le mouvement Noua Dreaptă (ND, Nouvelle Droite) existe depuis 2000, c’est en 2015 qu’il est légalement devenu un parti politique. Se réclamant l’héritière de la Legiunea Arhanghelului Mihail (Légion de l’archange Michel)  [190], la ND présente un profil irrédentiste – tout comme le PRM –, défend la pureté de la nation roumaine, et s’oppose aux minorités ethniques (principalement roms et hongroises) et aux minorités sexuelles. La ND se distingue par ses actions violentes – sur le plan symbolique mais aussi sur le plan physique –, particulièrement lors de manifestations organisées par les minorités sexuelles  [191]. En conséquence de son profil idéologique, le parti n’est pas autorisé par le bureau électoral central à présenter des listes de candidats lors des différents scrutins. Dès lors, l’organisation se fait principalement connaître à travers divers événements comme des commémorations, des marches, des contre-manifestations ou des camps d’entraînement pour ses membres.

Graphique 12

Roumanie. Élections législatives (Camera Deputaților), élections présidentielles et élections européennes, 1992-2016 (en % des votes valables). Résultats du PRM

Graphique 12. Roumanie. Élections législatives (Camera Deputaților), élections présidentielles et élections européennes, 1992-2016 (en % des votes valables). Résultats du PRM

Roumanie. Élections législatives (Camera Deputaților), élections présidentielles et élections européennes, 1992-2016 (en % des votes valables). Résultats du PRM

12. Slovaquie

145La principale formation politique d’extrême droite slovaque depuis le début des années 1990 est le Slovenská Národná Strana (SNS, Parti national slovaque) qui, fondée en décembre 1989, se revendique l’héritier du parti éponyme créé en 1871. À sa création, l’enjeu majeur sur lequel se positionne le SNS est l’indépendance de la Slovaquie : le parti se définit d’abord et avant tout par son opposition aux Tchèques. Sur cette base, lors du scrutin législatif des 8-9 juin 1990, le SNS remporte 13,9 % des suffrages au Národná Rada (Conseil national, qui est le parlement monocaméral du pays) et y décroche 22 sièges (sur 150).

146Cependant, en conséquence de la révolution de Velours et de l’éclatement de la Tchécoslovaquie le 31 décembre 1992, le SNS se voit bientôt contraint d’élargir son programme. C’est sous la présidence de Ján Slota – maire de la quatrième ville du pays, Žilina, de 1990 à 2006 – que le parti se radicalise, principalement à deux niveaux. D’une part, le SNS développe une rhétorique populiste anti-establishment, visant par là les partis politiques au pouvoir. D’autre part, de nombreuses pages du programme électoral du parti sont désormais consacrées aux minorités ethniques : les Roms de Slovaquie et les populations hongroises vivant sur le territoire slovaque  [192]. Considérée comme la « cinquième colonne du gouvernement hongrois », la minorité hongroise est perçue comme une menace à l’encontre de l’identité slovaque et de la survie de l’État, particulièrement depuis l’arrivée du Fidesz-MPSz au pouvoir en Hongrie (cf. supra). En conséquence, le SNS rejette toute possibilité pour ces minorités de bénéficier de droits culturels ou linguistiques. Plus encore, il refuse de reconnaître l’identité ethnique elle-même  [193]. Depuis sa fondation, le SNS a exercé le pouvoir à plusieurs occasions.

147Lors du scrutin législatif des 5-6 juin 1992, le SNS connaît un recul : 7,9 % (– 6,0 %) et 15 sièges (– 7). Cependant, le parti rejoint le gouvernement minoritaire dirigé par Vladimír Mečiar. Après qu’une motion de méfiance a été adoptée à l’encontre de ce gouvernement en mars 1994 suite à la défection de plusieurs députés de la majorité, le SNS ne fait pas partie de l’éphémère gouvernement Moravčík. En revanche, il réintègre le gouvernement Mečiar III en décembre 1994, qui voit le jour un mois et demi après les élections législatives des 30 septembre-1er octobre 1994 (et qui dirigera le pays jusqu’en octobre 1998). À l’occasion de celles-ci, le parti a recueilli 5,4 % (– 2,5 %) et s’est vu attribuer 9 sièges (– 6).

148Lors du scrutin législatif des 25 et 26 septembre 1998, malgré son accroissement électoral (9,1 %, + 3,7 % ; 14 sièges, + 5), le SNS rejoint les bancs de l’opposition. Lors du premier tour de l’élection présidentielle de 1999, le 15 mai, le candidat du parti, J. Slota, ne rassemble que 2,5 % des voix sur son nom.

149Le scrutin législatif des 20 et 21 septembre 2002 est historique pour le parti puisque, pour la première fois depuis 1990, celui-ci perd toute représentation au Parlement (3,3 %, soit – 5,8 %). Cet échec électoral résulte d’importantes divisions internes. Ainsi, le président J. Slota a quitté le parti pour créer une nouvelle formation politique en vue de ce même scrutin – le Pravá Slovenská Národná Strana (PSNS, Parti national des vrais Slovaques) ; il ne parvient pas non plus à décrocher le moindre siège (3,7 %)  [194]. Lors des élections européennes du 13 juin 2004, les deux partis se présentent en cartel ; celui-ci n’obtient que 2,0 %, ce qui est bien insuffisant pour décrocher le moindre siège.

150Il faut attendre le scrutin législatif du 17 juin 2006 pour que, suite à la réunification du parti (survenue en avril 2005), le SNS connaisse un nouveau sursaut électoral : 11,7 % et 20 sièges. En outre, il fait partie du gouvernement Fico I, également composé du parti de centre-gauche SMER - Sociálna Demokracia (SMER-SD, SMER  [195] - Social-démocratie) et du Ľudová Strana – Hnutie za Demokratické Slovensko (ĽS-HZDS, Parti populaire - Mouvement pour une Slovaquie démocratique)  [196]. Il y a trois ministres, à savoir celui de l’Éducation, celui l’Environnement, et celui des Travaux publics et du développement régional. Cette fois, la participation du SNS au gouvernement semble avoir un impact considérable sur le parti puisqu’il perd – 6,6 % des suffrages et – 11 sièges (soit 5,1 % et 9 sièges) lors du scrutin législatif du 12 juin 2010. Il retrouve les rangs de l’opposition.

151Lors de l’élection présidentielle des 21 mars et 4 avril 2009, le SNS soutient, de même que le SMER-SD, le candidat du Hnutie za Demokraciu (HZD, Mouvement pour la démocratie), à savoir le président sortant Ivan Gašparovič. Celui-ci est réélu avec 46,7 % au premier tour et 55,5 % au second. Le SNS ne présentera pas de candidat à ce scrutin en 2014 et en 2019.

152À l’occasion des élections européennes du 6 juin 2009, le SNS décroche son premier siège d’eurodéputé (5,6 %). Il perdra ce siège dès le 24 mai 2014 (3,6 %) et échouera à le récupérer le 25 mai 2019 (4,1 %).

153Au plan national, le déclin électoral du SNS se confirme lors du scrutin anticipé du 10 mars 2012 : comme en 2002, il perd l’ensemble de sa représentation parlementaire (4,6 %). À l’inverse, à l’occasion des élections législatives du 5 mars 2016, le parti renoue avec la représentation parlementaire et, même, avec l’exercice du pouvoir. Fort de ses 8,6 % et de ses 15 sièges, le SNS est membre du gouvernement Fico III (de mars 2016 à mars 2018) puis, après la démission du Premier ministre Robert Fico, du gouvernement Pellegrini. La coalition gouvernementale est composée du SMER-SD, du SNS et du parti de centre-droit Most-Híd - Az Együttműködés Pártja / Strana Spolupráce (Most-Híd, Pont - Parti de la coopération) – ainsi que, dans le cas du gouvernement Fico III, de #SIEŤ (Réseau). On note donc que, de façon surprenante, le SNS cohabite au sein du même gouvernement avec le parti des Hongrois slovaques, Most-Híd. Cela peut s’expliquer par le changement de présidence du SNS. Alors que J. Slota, président de 1994 à 1999 puis de 2003 à 2012, se caractérisait par son radicalisme et la violence de ses propos, le nouveau président du parti, Andrej Danko, tend à se présenter comme davantage modéré, particulièrement au regard des minorités roms et hongroises.

154Si le SMER-SD est un parti social-démocrate, ses tentatives de récupération d’une part de l’électorat du SNS sont de plus en plus manifestes, particulièrement depuis 2006. Depuis cette période, le SMER-SD accentue sa rhétorique nationaliste et anti-hongroise  [197]. Ainsi, alors que le SNS perd une part significative de son électorat en 2010 puis en 2012, le SMER-SD se renforce considérablement lors de ces mêmes échéances électorales, respectivement avec 34,8 % (+ 5,7 %) et 44,4 % (+ 9,6 %). Une concurrence électorale semble ainsi engagée entre le SNS et le SMER-SD.

Graphique 13

Slovaquie. Élections législatives (Národná Rada), élections présidentielles et élections européennes, 1990-2019 (en % des votes valables). Résultats du SNS

Graphique 13. Slovaquie. Élections législatives (Národná Rada), élections présidentielles et élections européennes, 1990-2019 (en % des votes valables). Résultats du SNS

Slovaquie. Élections législatives (Národná Rada), élections présidentielles et élections européennes, 1990-2019 (en % des votes valables). Résultats du SNS

Remarque : Lors des élections européennes de 2004, le SNS se présente en cartel avec le PSNS.

155Au même moment, une formation d’extrême droite de type néo-nazie se développe en Slovaquie : le Ľudová Strana Naše Slovensko (ĽSNS, Parti populaire « Notre Slovaquie »)  [198]. Créé le 21 février 2010, ce parti développe également un discours reposant sur le nationalisme ethnique, l’autoritarisme et le populisme. Il est dirigé par Marian Kotleba, qui avait été le fondateur du groupuscule d’extrême droite Slovenská Pospolitosť - Národná Strana (Communauté slovaque - Parti national), dissous en 2006 par le gouvernement pour incitation à la haine raciale, nationale et religieuse. Ce groupuscule était doté d’une organisation paramilitaire dont les uniformes étaient copiés sur ceux de la Hlinková Garda (Garde Hlinka)  [199] et qui se distinguait par la violence de ses discours et de ses actions, principalement à l’égard des minorités Roms et juives. En outre, ce groupuscule était caractérisé par son révisionnisme et son opposition aux principes de la démocratie libérale.

156S’inscrivant dans le sillage de ce groupuscule, le ĽSNS articule protestation politique et participation aux élections  [200]. Afin d’éviter toute nouvelle dissolution et de pouvoir prétendre à l’exercice du pouvoir, le ĽSNS renonce à son organisation paramilitaire et adapte sa rhétorique afin de la rendre plus modérée. Néanmoins, il conserve son activisme. Au printemps 2016, le parti organise ainsi des patrouilles dans les transports ferroviaires à la suite de l’agression d’une jeune fille dans un train. Ces patrouilles ont notamment pour objectif d’intimider les minorités roms, vues comme étant à la source de nombreux troubles en Slovaquie. Alors qu’une proposition d’interdiction du ĽSNS a été introduite par le procureur général Jaromir Ciznar, la cour suprême slovaque fait savoir le 29 avril 2019 qu’elle s’y refuse. Cette décision est perçue par le ĽSNS comme une victoire signifiant sa capacité à se modérer et, in fine, à accroître ses performances électorales.

157Lors du scrutin législatif du 12 juin 2010 – la première échéance électorale à laquelle il participe – le ĽSNS ne remporte que 1,3 % des suffrages. Lors des élections législatives du 10 mars 2012 puis des élections européennes du 24 mai 2014, il ne décolle pas davantage, n’obtenant respectivement que 1,6 % et 1,7 % des votes valablement exprimés. Néanmoins, au niveau régional, le leader du parti, M. Kotleba, crée la surprise dans la région de Banská Bystrica en obtenant 55,5 % des voix exprimées lors du second tour du scrutin régional des 9 et 23 novembre 2013 (face pourtant à un candidat qui était le président sortant de cette région et qui était soutenu par pas moins de sept partis). En conséquence, il en devient le gouverneur. Le 5 mars 2016, le parti opère une percée historique lors des élections législatives puisqu’il remporte 8,0 % des suffrages (+ 6,5 %) et fait son entrée au Parlement en y décrochant 14 sièges (sur 150). Ce résultat, qui coïncide avec un sursaut électoral du parti d’extrême droite SNS, s’explique par l’importance de l’enjeu migratoire durant la campagne électorale. Depuis la défaite électorale de R. Fico lors des élections présidentielles de 2014, le SMERS-SD a en effet continué à tenter de récupérer une part de l’électorat du SNS, désormais en se positionnant plus clairement sur l’enjeu migratoire  [201]. Depuis lors, le ĽSNS poursuit son ascension électorale. Lors du premier tour de l’élection présidentielle de 2019, le 16 mars, son candidat (M. Kotleba) décroche le quatrième meilleur score, avec 10,4 % des voix. Lors du scrutin européen du 25 mai de la même année, il remporte pas moins de 12,1 % des suffrages (+ 10,3 %), faisant ainsi son entrée au Parlement européen. Ses 2 eurodéputés siègent en tant que non-inscrits au Parlement européen.

Graphique 14

Slovaquie. Élections législatives (Národná Rada), élections présidentielles et élections européennes, 2010-2019 (en % des votes valables). Résultats du ĽSNS

Graphique 14. Slovaquie. Élections législatives (Národná Rada), élections présidentielles et élections européennes, 2010-2019 (en % des votes valables). Résultats du ĽSNS

Slovaquie. Élections législatives (Národná Rada), élections présidentielles et élections européennes, 2010-2019 (en % des votes valables). Résultats du ĽSNS

158Troisième parti d’extrême droite implanté en Slovaquie, Sme Rodina (SR, Nous sommes une famille) est fondé en novembre 2015 par Boris Kollár autour de trois enjeux clés : la lutte contre l’immigration, la lutte contre la corruption et l’euroscepticisme.

159Bénéficiant du même contexte qui a valu une victoire électorale au SNS et au ĽSNS, le SR obtient un résultat remarquable pour sa première participation à un scrutin, à savoir 6,6 % des voix (soit 11 sièges) lors des élections législatives du 5 mars 2016. Moins radical que le ĽSNS, c’est essentiellement à travers sa rhétorique anti-establishment que ce parti parvient à se démarquer, dans un contexte marqué par l’affaire dite Gorila  [202] – scandale politique éclatant en 2011 et mettant notamment en cause le financement des principaux partis traditionnels slovaques. Au lendemain du scrutin, le SR annonce qu’il ne désire rejoindre aucune coalition gouvernementale. Toutefois, il se montre prêt à appuyer de l’extérieur une coalition qui ne serait pas composée du SMER-SD. Rapidement, ce soutien est écarté par la majorité des partis politiques.

160Lors du premier tour du scrutin présidentiel de mars 2019, le SR ne récolte que 2,8 %. En février 2019, le parti rejoint le groupe politique européen Europe des nations et des libertés (ENL)  [203], composé notamment du Rassemblement national (RN) français et de la Lega italienne. Le SR poursuit son déclin électoral lors des élections européennes du 25 mai 2019, ne remportant que 3,2 % de suffrages et aucun siège.

Graphique 15

Slovaquie. Élections législatives (Národná Rada), élections présidentielles et élections européennes, 2016-2019 (en % des votes valables). Résultats du SR

Graphique 15. Slovaquie. Élections législatives (Národná Rada), élections présidentielles et élections européennes, 2016-2019 (en % des votes valables). Résultats du SR

Slovaquie. Élections législatives (Národná Rada), élections présidentielles et élections européennes, 2016-2019 (en % des votes valables). Résultats du SR

161L’analyse du cas de la Slovaquie permet de rappeler que les stratégies adoptées par les partis traditionnels à l’égard des formations d’extrême droite peuvent varier selon le degré de radicalité ou d’extrémisme de celles-ci. Alors que le SNS est intégré au gouvernement, le ĽSNS – néo-nazi – est rapidement écarté de toute coalition potentielle car jugé trop extrême par les formations traditionnelles. Cette différence de traitement au sein d’un même pays et à un même niveau de pouvoir renforce la thèse selon laquelle l’extrémisme de droite est un continuum le long duquel des formations politiques variées peuvent se situer.

162Ces paragraphes soulignent aussi l’influence exercée par ces formations d’extrême droite sur les politiques publiques, soit directement, soit indirectement. En effet, si le SNS renforce sa capacité d’influence directe grâce à son statut de membre du gouvernement, chacun des partis d’extrême droite contribue à infléchir la position de partis traditionnels, dont le parti de centre-gauche SMER-SD qui réoriente une partie de son discours dès 2006. L’influence sur ce dernier est telle que d’aucuns s’interrogent d’ailleurs quant à la catégorisation de ce parti : serait-il un parti traditionnel en voie de radicalisation ou, tout simplement, un parti déjà radicalisé que l’on pourrait intégrer dans la famille des extrêmes droites ?  [204]

13. Slovénie

163Bien que n’ayant jamais figuré parmi les premières forces de l’opposition parlementaire et n’ayant jamais pris part au pouvoir, le Slovenska Nacionalna Stranka (SNS, Parti national slovène) est la principale formation d’extrême droite slovène depuis trois décennies  [205]. Fondé le 17 mars 1991 et dirigé par Zmago Jelinčič Plemeniti depuis lors  [206], le SNS se caractérise dès ses débuts par son nationalisme et par son hostilité à l’égard des migrants, principalement issus de l’ex-Yougoslavie. Au-delà de sa volonté de « rendre la Slovénie aux Slovènes »  [207], le parti développe un programme irrédentiste qui vise à établir une « Grande Slovénie », qui incorporerait des territoires aujourd’hui autrichiens, italiens et croates. Par contre, contrairement à nombre de formations d’extrême droite en Europe centrale et orientale, le SNS ne revendique pas la défense des valeurs chrétiennes. Plutôt, il s’oppose à l’Église catholique et plaide pour une séparation approfondie entre l’Église et l’État. Dans les années 2000, le SNS se positionne sur de nouveaux enjeux. Il devient un parti clairement eurosceptique et s’empare de la question de l’islam, en affirmant que l’immigration musulmane est source de troubles sécuritaires.

164Rapidement après sa création, le parti est suspecté d’être doté d’une milice paramilitaire ; cependant, il évite de justesse une dissolution sur décision de la justice  [208]. Le SNS prend part pour la première fois aux élections législatives lors du scrutin des 6 et 10 décembre 1992 ; il remporte 10,0 % des suffrages et décroche pas moins de 12 sièges (sur 90) à la Državni Zbor (Assemblée nationale, qui est la chambre basse, et seule directement élue, du parlement slovène).

165Un tel succès ne sera toutefois jamais réitéré ni par le SNS ni par aucune autre formation d’extrême droite. Dès 1992, le parti est traversé par d’importantes divisions. Celles-ci, qui sont d’ordre idéologique mais aussi personnel, vont perdurer pendant de nombreuses années. En conséquence, le parti connaît plusieurs scissions qui conduisent à la création de nouveaux partis, dont la Slovenska Nacionalna Desnica (SND, Droite nationale slovaque) et le Nacionalna Stranka Dela (NSD, Parti national du travail) en 1993, et le Stranka Lipa (Parti Tilleul) en 2008  [209]. Aucune de ces formations ne parvient à bénéficier d’une représentation parlementaire. Toutefois, elles contribuent à fragmenter l’extrême droite slovène et à affaiblir le SNS.

166La compétition électorale étant plus intense à l’extrême droite, le SNS enregistre un recul électoral significatif (3,2 %, – 6,8 %) lors du scrutin législatif du 10 novembre 1996. Sa représentation parlementaire est alors réduite de deux tiers (4 sièges, – 8). Lors des élections législatives du 15 octobre 2000, le parti connaît un certain regain électoral (4,4 %, + 1,2 %), qui ne se traduit cependant pas par une augmentation du nombre de ses sièges. Présentant un candidat (Z. Jelinčič Plemeniti) pour la première fois lors d’une élection présidentielle, le parti remporte 8,5 % des suffrages lors du premier tour, le 10 novembre 2002. À l’occasion du scrutin législatif du 3 octobre 2004 et alors que la Slovénie vient d’entrer dans l’Union européenne, le SNS remporte 6,3 % des suffrages (+ 1,9 %) et 2 sièges de plus. Quelques mois plus tôt, le 13 juin 2004, le parti a obtenu 5,0 % aux élections européennes et n’a décroché aucun siège d’eurodéputé. À nouveau candidat pour l’élection présidentielle sous les couleurs du SNS, Z. Jelinčič Plemeniti remporte 19,2 % lors du premier tour, qui se tient le 21 octobre 2007.

167Le parti enregistre un recul électoral considérable lors des élections législatives du 21 septembre 2008 et, plus encore, lors de celles du 4 décembre 2011 : respectivement 5,4 % (soit – 0,9 %) et 5 sièges, et 1,8 % et la perte de toute représentation parlementaire. Ce ressac électoral s’explique notamment par la difficulté rencontrée par le parti à adopter une position claire sur les questions économiques et financières, pourtant au cœur de la campagne électorale  [210]. En outre, en 2010, un parlementaire du SNS, Srečko Prijatelj, écope d’une peine de prison pour corruption. En tant qu’elle voit un parlementaire slovène être condamné à une peine privative de liberté, ce qui constitue un fait inédit, cette affaire a aussi un impact sur l’ensemble du parti.

168Le SNS ne participe aux élections présidentielles ni en 2012 ni en 2017. Malgré un très léger sursaut lors des élections législatives du 13 juillet 2014 (2,2 %, soit + 0,4 %), il faut attendre le scrutin du 3 juin 2018 pour que le SNS retrouve une représentation à l’Assemblée nationale, en doublant quasiment son score de 2014 (4,2 %, soit + 2,0 %) et en remportant 4 sièges. Par ailleurs, avec des résultats de 2,9 % (le 7 juin 2009) et de 4,0 % (le 25 mai 2014 et le 26 mai 2019), le SNS ne réussit jamais à remporter le moindre siège au Parlement européen.

169En dépit des difficultés rencontrées par le SNS pour se développer et malgré la marginalisation des autres formations d’extrême droite en Slovénie, le rôle de cette tendance politique ne doit pas être occulté. En effet, indépendamment de son développement électoral, le SNS est parvenu à faire percoler ses idées au-delà des organisations partisanes d’extrême droite elles-mêmes. Ainsi, ces dernières années, le Slovenska Demokratska Stranka (SDS, Parti démocratique slovène), parti de centre-droit au pouvoir à plusieurs reprises, adopte un discours partiellement emprunté à l’extrême droite. D’aucuns parlent d’une radicalisation du SDS  [211], à travers la figure de Janez Janša – président du parti depuis 1993 et Premier ministre de 2004 à 2008 et de 2012 à 2013 –, particulièrement depuis l’éclatement de la crise des réfugiés  [212]. Bénéficiant du soutien de Viktor Orbán (Premier ministre de la Hongrie de 1998 à 2002 et depuis 2010), J. Janša incarne la tendance suivie par plusieurs partis traditionnels en Europe centrale et orientale (comme en Hongrie, en Pologne ou en Slovaquie) qui consiste à mettre en œuvre des promesses électorales formulées par des formations d’extrême droite afin d’élargir son assise électorale. Le déclin, voire la disparition, des formations d’extrême droite ne doit dès lors pas être considéré comme synonyme du déclin de la propagation des idées qu’elles portent et incarnent.

Graphique 16

Slovénie. Élections législatives (Državni Zbor), élections présidentielles et élections européennes, 1992-2019 (en % des votes valables). Résultats du SNS

Graphique 16. Slovénie. Élections législatives (Državni Zbor), élections présidentielles et élections européennes, 1992-2019 (en % des votes valables). Résultats du SNS

Slovénie. Élections législatives (Državni Zbor), élections présidentielles et élections européennes, 1992-2019 (en % des votes valables). Résultats du SNS

Conclusion

170Le présent Courrier hebdomadaire a proposé un panorama des partis d’extrême droite dans les pays d’Europe centrale et orientale (PECO) au cours des quinze dernières années. Six enseignements transversaux peuvent être tirés de cet examen.

171Le premier enseignement concerne le type de formations d’extrême droite rencontrées en Europe centrale et orientale. Alors que, en Europe occidentale, les extrêmes droites néo-nazie et traditionaliste demeurent marginalisées, en Europe centrale et orientale, l’extrême droite défend très largement un modèle de société basé sur les valeurs chrétiennes, qu’elles soient catholiques ou orthodoxes, voire calvinistes (en Hongrie). Il en est ainsi de l’Eesti Konservatiivne Rahvaerakond (EKRE) en Estonie, de l’Ellinikí Lýsi (EL) en Grèce, du Jobboldali Ifjúsági Közösség - Jobbik Magyarországért Mozgalom (Jobbik) en Hongrie et du Partidul Noua Generație - Creștin Democrat (PNG-CD) en Roumanie. Seules quelques formations d’extrême droite réclament une séparation accrue entre l’Église et l’État, comme le Slovenska Nacionalna Stranka (SNS) en Slovénie. Par ailleurs, alors qu’aucun parti d’extrême droite néo-nazi n’est parvenu à s’imposer en Europe occidentale durant les quinze dernières années, le Laïkós Sýndesmos - Chrysí Avgí (XA) en Grèce et le Kotleba - Ľudová Strana Naše Slovensko (ĽSNS) en Slovaquie – ainsi que, dans une moindre mesure, l’Ethniko Laiko Metopo (ELAM) à Chypre – indiquent que tel n’est pas le cas dans plusieurs des PECO, même si la fortune électorale de ces formations politiques tend à s’étioler depuis ces quelques dernières années. Enfin, l’extrême droite dans les PECO est souvent irrédentiste, comme en Grèce, en Hongrie, en Roumanie et en Slovénie. Il s’agit là d’une particularité que l’on retrouve peu, voire qui est absente, en Europe occidentale.

172Deuxièmement, les partis d’extrême droite dans les PECO se distinguent tous par l’ennemi ou, à tout le moins, le bouc émissaire qu’ils désignent. Ainsi, contrairement à ce qui a cours en Europe de l’Ouest, celui-ci n’y est pas qu’extérieur (la figure de l’étranger) mais est aussi à trouver à l’intérieur des frontières nationales. Il s’agit des minorités russes dans les pays baltes, des minorités roms en Bulgarie, en Hongrie, en Roumanie et en Slovaquie, des minorités hongroises en Roumanie et en Slovaquie, des minorités serbes en Croatie, des minorités turques en Bulgarie et en Grèce, et des minorités juives en Hongrie et en Roumanie. En ce sens, l’extrême droite dans les PECO est particulièrement éclatée. Cela complique d’ailleurs la constitution d’une « internationale d’extrême droite » en Europe centrale et orientale.

173Troisièmement, alors que l’extrême droite dans les PECO se caractérise par son radicalisme et sa violence (par exemple, à travers l’organisation de milices comme en Croatie, en Grèce, en Hongrie, en Slovaquie et en Slovénie), nombreuses sont les formations d’extrême droite à avoir entrepris une stratégie de modération ou de normalisation au cours des dernières années, évolution que l’on observe également en Europe occidentale  [213]. Tel est le cas de la Nacionalno Obedinenie Ataka (Ataka) en Bulgarie, du Hrvatska Stranka Prava (HSP) en Croatie, du Laïkos Orthodoxos Synagermos (LAOS) en Grèce, du Jobbik en Hongrie, du Partidul România Mare (PRM) en Roumanie et du Slovenská Národná Strana (SNS) en Slovaquie. Dans certains cas, l’adoption de ce type de stratégie n’a pas suffi pour que la formation d’extrême droite puisse se développer ou se maintenir dans le paysage partisan, comme en Croatie  [214], en Roumanie ou en Slovaquie. Dans d’autres cas, elle lui a permis d’élargir son assise électorale (comme en Hongrie) voire d’intégrer le gouvernement (comme en Bulgarie et en Grèce). Néanmoins, lorsque l’opération de modération du parti s’avère fructueuse, elle ouvre généralement la voie à l’apparition de nouvelles formations d’extrême droite, plus radicales. En Grèce, la modération du LAOS lors de sa participation au gouvernement a ainsi permis le développement du XA dès 2012 et, en Hongrie, la tentative de déradicalisation du Jobbik a conduit à l’émergence du Mi Hazánk Mozgalom (MHM) en 2018. L’accroissement de la concurrence électorale à l’extrême droite du spectre politique n’amène cependant pas nécessairement une fracturation de ce courant en soi ; elle favorise plutôt une des formations qui tentent de l’incarner.

174Quatrièmement, l’extrême droite exerce rarement une influence en apportant son soutien extérieur à un gouvernement minoritaire dans les PECO. Certes, une exception peut être notée en Pologne en 2005 et en Bulgarie en 2013. Mais dans ce dernier cas, Ataka ne semble pas avoir profité de ce rôle pour influencer la conduite des affaires publiques, s’abstenant sur la majorité des textes. Pourtant, il s’agit là d’une technique réputée efficace en termes d’influence sur les politiques publiques  [215], particulièrement observée dans les pays scandinaves  [216]. Dans les PECO, l’exercice de l’influence s’opère surtout par d’autres voies.

175Le cinquième enseignement tient précisément à l’exercice de l’influence par les partis d’extrême droite en Europe centrale et orientale. Ce courant politique parvient à marquer de son empreinte l’action publique dans plusieurs PECO, comme en Estonie, en Hongrie et en Pologne. Dans certains cas, comme en Estonie, c’est par l’exercice direct du pouvoir que cette influence s’opère. La radioscopie réalisée dans ce Courrier hebdomadaire montre la rapidité avec laquelle certaines formations d’extrême droite peuvent intégrer une coalition gouvernementale (en Estonie, en Roumanie et en Slovaquie, par exemple). Dans d’autres cas, c’est d’une façon beaucoup plus indirecte et à travers les formations politiques plus traditionnelles – de droite mais aussi parfois de gauche – que cette influence s’exerce. En effet, nombreux sont les partis traditionnels à se radicaliser dans les PECO. Il en est ainsi du Hrvatska Demokratska Zajednica (HDZ) en Croatie, de la Nea Demokratia (ND) en Grèce, du Fidesz - Magyar Polgári Szövetség (Fidesz-MPSz) en Hongrie, du Prawo i Sprawiedliwość (PiS) en Pologne, du SMER - Sociálna Demokracia (SMER-SD) en Slovaquie et du Slovenska Demokratska Stranka (SDS) en Slovénie. Cette radicalisation se traduit par la mise en avant de thématiques classiquement mobilisées par l’extrême droite dans l’agenda politique (comme la question des minorités ethniques), ainsi que par la mise en œuvre de pans entiers des programmes électoraux de partis d’extrême droite. En ce sens, c’est en tant qu’incubateurs pour la maturation des idées de la droite extrême que les partis d’extrême droite agissent et exercent leur influence. Ce processus de radicalisation tend souvent – mais pas systématiquement – à se traduire par un affaiblissement, voire une disparition, des formations d’extrême droite (qui, à l’inverse, tendent de plus en plus à se déradicaliser). L’extrême droite a ainsi pu être affaiblie en Grèce, en Pologne et en Slovaquie. Bref, une tendance à la marginalisation de l’extrême droite au sein d’un pays ne signifie pas la marginalisation de ses idées ; au contraire, c’est dans ces pays que l’influence de l’extrême droite se révèle souvent être la plus importante.

176Le sixième et dernier enseignement a trait au fait que, lorsque les partis d’extrême droite exercent le pouvoir en Europe centrale et orientale, ils entrent en coalition tant avec des formations de droite ou de centre-droit que de gauche ou de centre-gauche. Ainsi, en Bulgarie ou en Estonie, c’est à travers une coalition avec des formations situées à la droite de l’échiquier politique que l’extrême droite a accédé au pouvoir. En Grèce, le LAOS a fait partie d’un gouvernement d’union nationale rassemblant tant la droite que la gauche en 2011. Dans ce même pays, l’Anexártiti Ellines (ANEL) a quant à lui formé une coalition avec le parti populiste de gauche radicale Synaspismós Rizospastikís Aristerás (SYRIZA) de 2015 à 2019. En Slovaquie, le parti de centre-gauche SMER-SD s’est associé à l’extrême droite pour former une coalition à plusieurs reprises. Cela s’explique par le fait que, sur les thématiques identitaires, migratoires et sécuritaires, des ponts peuvent être établis plus aisément avec les partis de centre-droit ou de droite alors que, sur les thématiques socio-économiques, des liens avec les partis de centre-gauche ou de gauche paraissent plus évidents (les formations d’extrême droite dans les PECO se situant classiquement davantage à gauche sur le plan socio-économique que celles d’Europe occidentale)  [217]. Cette capacité ou cette opportunité qu’a un parti d’extrême droite à entrer en coalition avec des formations politiques variées fait de lui un véritable « parti pivot » dont le rôle peut être considérable dans la foulée d’un scrutin et dans le cadre de la formation d’un gouvernement.

Notes

  • [1]
    B. Biard, « L’extrême droite en Europe occidentale (2004-2019) », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2420-2421, 2019.
  • [2]
    J.-Y. Camus, N. Lebourg, Les droites extrêmes en Europe, Paris, Seuil, 2015, p. 66.
  • [3]
    P.-A. Taguieff, L’illusion populiste, Paris, Flammarion, 2007, p. 31.
  • [4]
    Antonio Gramsci (1891-1937) est député et cadre du Partito Comunista Italiano (PCI, Parti communiste italien) durant l’entre-deux-guerres. Emprisonné par le régime fasciste pour son rôle au sein du PCI, il se livre à une réflexion quant à l’échec communiste des années 1920, réflexion qu’il consigne par écrit durant sa détention. Sa pensée repose sur l’idée que la politique ne se fait pas seulement dans ses lieux traditionnels et que la prise du pouvoir ne se réalise pas uniquement par une insurrection politique, mais aussi, et surtout par un travail idéologique au sein de la société civile pour faire évoluer la mentalité des citoyens, l’esprit du temps. Insistant sur le fait que la droite devrait être davantage soucieuse des dimensions culturelles, le militant politique français Alain de Benoist s’est saisi des travaux d’A. Gramsci dans les années 1970 en les appliquant à la droite et en développant ainsi le mouvement et le concept de « nouvelle droite », dont il est le principal représentant et théoricien.
  • [5]
    J.-Y. Camus, N. Lebourg, Les droites extrêmes en Europe, op. cit., p. 143.
  • [6]
    C. Mudde, Populist radical right parties in Europe, Cambridge, Cambridge University Press, 2007, p. 75.
  • [7]
    B. Biard (interviewé par A. Berthier), « Extrême droite : “La stratégie de lissage du discours pour accéder au pouvoir fonctionne” », Agir par la culture, n° 59, 2019, p. 14-16 et Les @nalyses du CRISP en ligne, 1er novembre 2019, www.crisp.be.
  • [8]
    L. Bustikova, « The radical right in Eastern Europe », in J. Rydgren (dir.), The Oxford handbook of the radical right, Oxford, Oxford University Press, 2018, p. 799-821.
  • [9]
    En caractères latins : Nacionalno Obedinenie Ataka.
  • [10]
    Central European University ou Közép-Európai Egyetem (CUE) : université privée anglophone fondée en 1991 et située à Budapest et Vienne.
  • [11]
    P. Gueorguieva, « La “normalisation” des partis de la droite radicale populiste en Bulgarie », in B. Biard (dir.), L’État face à ses transformations, Louvain-la-Neuve, Academia-L’Harmattan, 2018, p. 259-278.
  • [12]
    A. Capelle-Pogăcean, N. Ragaru, « La dérive contestataire en Roumanie et en Bulgarie », Le Courrier des pays de l’Est, n° 1054, 2006, p. 44-51.
  • [13]
    Grazdani za Evropeisko Razvitie na Balgarija.
  • [14]
    Sinyata Koalitsia.
  • [15]
    Red, Zakonnost i Spravedlivost.
  • [16]
    La Libre Belgique, 29 juillet 2009.
  • [17]
    Natzionalen Front za Spasenie na Bălgarija.
  • [18]
    P. Gueorguieva, « La “normalisation” des partis de la droite radicale populiste en Bulgarie », op. cit., p. 259-278.
  • [19]
    Bulgarska Sotsialisticheska Partiya.
  • [20]
    Dvizhenie za Prava i Svobodi.
  • [21]
    R. Kolarova, M. Spirova, « Bulgaria », European Journal of Political Research, volume 53, n °1, 2014, p. 45-56.
  • [22]
    Patriotichen Front.
  • [23]
    Bulgarsko Natsionalno Dvizhenie.
  • [24]
    P. Gueorguieva, « La “normalisation” des partis de la droite radicale populiste en Bulgarie », op. cit., p. 259-278.
  • [25]
    Ibidem.
  • [26]
    Оbеdineni Patrioti.
  • [27]
    M. Weisskircher, J. Rone, « Unity makes strength? How the radical right could become kingmakers in Bulgaria », LSE blog, 21 novembre 2016, http://eprints.lse.ac.uk.
  • [28]
    Volya est considéré par Marine Le Pen comme étant le partenaire du Rassemblement national (RN) en Bulgarie (Euronews, 3 mai 2019).
  • [29]
    Le Figaro, 16 novembre 2018.
  • [30]
    C. Kelbel, « Les résultats des élections européennes de mai 2019 dans les États membres », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2431-2432, 2019, p. 21-22.
  • [31]
    The Sofia Globe, 25 juillet 2019.
  • [32]
    Y. Katsourides, « Determinants of extreme right reappearance in Cyprus: the National Popular Front (ELAM), Golden Dawn’s sister party », South European Society and Politics, volume 18, n° 4, 2013, p. 570-571.
  • [33]
    En caractères latins : Ethnikí Orgánosis Kypríon Agonistón.
  • [34]
    K. Arzheimer, « Explaining electoral support for the radical right », in J. Rydgren (dir.), The Oxford handbook of the radical right, op. cit., p. 216-246.
  • [35]
    Dimokratikós Sinagermós.
  • [36]
    Y. Katsourides, « Determinants of extreme right reappearance in Cyprus », op. cit., p. 571.
  • [37]
    Ibidem, p. 572.
  • [38]
    Ethniko Laiko Metopo.
  • [39]
    R. Wodak, The politics of fear, Thousand Oaks, Sage, 2015, p. 193.
  • [40]
    G. Charalambous, P. Christoforou, « Far-right extremism and populist rhetoric: Greece and Cyprus during an era of crisis », South European Society and Politics, volume 23, n° 4, p. 451-477.
  • [41]
    Ibidem, p. 453.
  • [42]
    Ibidem.
  • [43]
    G. Charalambous, G. Ioannou, « Party systems, party-society linkages and contentious acts: Cyprus in a comparative southern European perspective », Mobilisation, volume 22, n° 1, 2017, p. 97-119.
  • [44]
    Courrier international, 23 mai 2016.
  • [45]
    La Croix, 28 avril 2019.
  • [46]
    B. Biard, J. Faniel, « L’extrême droite aux élections du 26 mai 2019 : toujours ce paradoxe belge... », Les @nalyses du CRISP en ligne, 1er juillet 2019, www.crisp.be.
  • [47]
    Le mouvement Oustacha était un mouvement croate anti-yougoslave, antisémite et fasciste qui fut créé dans l’entre-deux-guerres et disparut à la fin de la Seconde Guerre mondiale ; il prit le pouvoir en Croatie en 1941 avec le soutien de l’Allemagne et de l’Italie, et mit en place une dictature meurtrière.
  • [48]
    V. Stojarova, The far right in the Balkans, Manchester, Manchester University Press, 2013, p. 46-48.
  • [49]
    Ce parlement est bicaméral jusqu’à la réforme constitutionnelle du 28 février 2001.
  • [50]
    V. Obućina, Right-wing extremism in Croatia, Berlin, Friedrich Ebert Stiftung, 2012.
  • [51]
    Des 127 sièges du Parlement croate, 8 sont réservés aux minorités (3 députés pour la minorité serbe, 1 député pour la minorité hongroise, 1 député pour la minorité italienne, 1 député pour les minorités tchèque et slovaque, 1 député pour les minorités ruthène et ukrainienne, et 1 député pour les minorités allemande et autrichienne).
  • [52]
    Le cinquième siège dévolu au cartel est attribué à la Hrvatska Kršćanska Demokratska Unija (HKDU, Union croate chrétienne démocrate).
  • [53]
    Les deux autres membres du cartel – le Zagorska Demokratska Stranka (ZDS, Parti démocratique de Zagorje) et le Međimurska Stranka (MS, Parti du Medjimurje) – n’obtiennent aucun siège.
  • [54]
    Il est à noter toutefois que Ruža Tomašić – issue du HSP puis du HSP-AS – est membre du Parlement européen depuis juillet 2013 (élue sur la liste du HKS).
  • [55]
    Il s’agit de la Domoljubna Koalicija (DK, Coalition patriotique), qui décroche au total 59 sièges et devient ainsi la première force politique croate.
  • [56]
    V. Stojarova, The far right in the Balkans, op. cit., p. 46-48.
  • [57]
    Ibidem, p. 42.
  • [58]
    EKRE, « Konservatiivne programm », https://ekre.ee.
  • [59]
    Effectuant une visite en Estonie en vue des élections européennes de mai 2019, la présidente du Rassemblement national (RN) français, Marine Le Pen, a créé la polémique le 15 mai 2019 en réalisant un selfie avec un député de l’EKRE tout en affichant ce même geste de la main gauche. D’aucuns y ont vu les limites de la stratégie de dédiabolisation mise en place par le parti d’extrême droite français.
  • [60]
    M. Mölder, « Estonia », European Journal of Political Research, volume 55, n° 1, 2016, p. 84-90.
  • [61]
    Ibidem.
  • [62]
    Le Monde, 30 avril 2019.
  • [63]
    « Basic principles of the Government coalition of the Estonian Centre Party, the Conservative People’s Party of Estonia, and Isamaa for 2019-2023 », www.valitsus.ee, 9 janvier 2020.
  • [64]
    B. Biard, « The influence of the Swiss SVP on policy-making: opening the black box », Czech Journal of Political Science, volume 24, n° 1, 2017, p. 21-36.
  • [65]
    B. Biard, « The influence of radical right populist parties on law and order policy-making », Policy Studies, volume 40, n° 1, 2019, p. 40-57.
  • [66]
    C. Kelbel, « Les résultats des élections européennes de mai 2019 dans les États membres », op. cit., p. 35.
  • [67]
    C. Ruzza, « The radical right in Southern Europe », in J. Rydgren (dir.), The Oxford handbook of the radical right, op. cit., p. 717-737 ; S. Tipaldou, K. Uba, « Movement adaptability in dissimilar settings: the far right in Greece and Russia », European Societies, volume 21, n° 4, 2019, p. 563-582.
  • [68]
    A. Ellinas, « Neo-nazism in an established democracy: the persistence of Golden Dawn in Greece », South European Society and Politics, volume 20, n° 1, 2015, p. 1-20.
  • [69]
    À l’occasion duquel le parti d’extrême droite Εθνική Παράταξις (Camp national) obtient 6,8 % des suffrages lors des élections législatives.
  • [70]
    A. Ellinas, « LAOS and the Greek extreme right since 1974 », in A. Mamonne, E. Godin, B. Jenkins (dir.), Mapping the extreme right in contemporary Europe: from local to transnational, Londres/New York, Routledge, 2012, p. 124-139.
  • [71]
    En caractères latins : Laïkos Orthodoxos Synagermos.
  • [72]
    En grec, « laos » signifie « peuple ».
  • [73]
    Nea Demokratia.
  • [74]
    Le Figaro, 9 novembre 2011.
  • [75]
    Panellínio Sosialistikó Kínima.
  • [76]
    H. Deleersnijder, « Aube dorée et l’extrême droite en Grèce », in J. Jamin (dir.), L’extrême droite en Europe, Bruxelles, Bruylant, 2016, p. 87.
  • [77]
    J.-Y. Camus, N. Lebourg, Les droites extrêmes en Europe, op. cit., p. 67.
  • [78]
    Le LAOS ne se présentera pas lors des élections législatives du 20 septembre 2015 et du 7 juillet 2019.
  • [79]
    Patriwtikή Rizospastikή Έnwsh.
  • [80]
    B. Biard, « L’extrême droite en Europe occidentale (2004-2019) », op. cit., p. 104.
  • [81]
    Laïkós Sýndesmos - Chrysí Avgí.
  • [82]
    S. Tipaldou, K. Uba, « Movement adaptability in dissimilar settings », op. cit.
  • [83]
    S. Tipaldou, « The downing of Europe and Eurasia? The Greek Golden Dawn and its transnational links », in M. Laruelle (dir.), Eurasianism and the European far right, Lanham, Lexington, 2015, p. 195.
  • [84]
    Qui, certes, demeure moins radical que le XA, tant du point de vue idéologique que sur le plan du recours à la violence.
  • [85]
    B. Biard, « L’extrême droite en Europe occidentale (2004-2019) », op. cit., p. 58 ; A. Dézé, Comprendre le Front national, Paris, Bréal, 2016 ; V. Igounet, Le Front national de 1972 à nos jours. Le parti, les hommes, les idées, Paris, Seuil, 2014.
  • [86]
    D. Reynié, Les nouveaux populismes, Paris, Pluriel, 2013, p. 241.
  • [87]
    A. Ellinas, « Neo-nazism in an established democracy », op. cit.
  • [88]
    D. Reynié, Les nouveaux populismes, op. cit., p. 241.
  • [89]
    XA ne dépose pas de liste lors des élections européennes du 13 juin 1999, ni lors des élections législatives du 9 avril 2000 et du 7 mars 2004.
  • [90]
    La Grèce est le seul pays européen dans lequel l’anarchisme connaît encore une réelle vitalité aujourd’hui.
  • [91]
    Patriotikí Symmachía.
  • [92]
    En grec, « patris » signifie « patrie ».
  • [93]
    Lors des élections européennes du 13 juin 2004, le XA participe au scrutin à travers PATRI.S et avec des anciens membres du LAOS ; PATRI.S ne récolte que 0,2 % des suffrages.
  • [94]
    Toutefois, le XA ne dépose pas de liste lors des élections législatives du 16 septembre 2007.
  • [95]
    S. Vasilopoulou, D. Halikiopoulou, The Golden Dawn’s “nationalist solution”: explaining the rise of the far right in Greece, New York, Palgrave Macmillan, 2015.
  • [96]
    S. Tipaldou, K. Uba, « Movement adaptability in dissimilar settings », op. cit., p. 572.
  • [97]
    Le Nouvel Observateur, 28 septembre 2013.
  • [98]
    RTBF Info, 18 octobre 2012, www.rtbf.be.
  • [99]
    Le Monde, 23 septembre 2014.
  • [100]
    V. Georgiadou, « Greece », in R. Melzer, S. Serafin (dir.), Right-wing extremism in Europe: counter-strategies and labor-market oriented exit strategies, Berlin, Friedrich Ebert Stiftung, 2013, p. 75-101.
  • [101]
    J.-Y. Camus, N. Lebourg, Les droites extrêmes en Europe, op. cit., p. 67.
  • [102]
    RTBF Info, 6 novembre 2019, www.rtbf.be.
  • [103]
    Le Point, 19 avril 2019.
  • [104]
    H. Deleersnijder, « Aube dorée et l’extrême droite en Grèce », op. cit., p. 86.
  • [105]
    Eurostat, « Taux de croissance du PIB réel. En volume », https://ec.europa.eu.
  • [106]
    Eurostat, « Taux de chômage. Données annuelles », https://ec.europa.eu.
  • [107]
    T. Pappas, P. Aslanidis, « Greek populism: a political drama in five », in H. Kriesi, T. S. Pappas (dir.), European populism in the shadow of the great recession, Colchester, ECPR Press, 2015, p. 181-197.
  • [108]
    S. Vasilopoulou, D. Halikiopoulou, The Golden Dawn’s “nationalist solution”, op. cit., p. 62.
  • [109]
    Ellinikí Lýsi.
  • [110]
    P. Hainsworth, « Introduction: the extreme right », in P. Hainsworth (dir.), The politics of the extreme right: from the margins to the mainstream, Londres, Pinter, 2000 ; E. Carter, The extreme right in Western Europe: success or failure?, Manchester, Manchester University Press, 2005.
  • [111]
    Anexártiti Ellines.
  • [112]
    Élu sur une liste du ND, il a été évincé de ce parti le 16 novembre 2011.
  • [113]
    Synaspismós Rizospastikís Aristerás.
  • [114]
    Du 28 août au 23 septembre 2015, suite à la chute du gouvernement Tsípras I, le pays a été dirigé par un gouvernement technique minoritaire emmené par Vassilikí Thánou-Christophílou.
  • [115]
    I. Andreadis, Y. Stavrakakis, « European populist parties in government: how well are voters represented? Evidence from Greece », Swiss Political Science Review, volume 23, n° 9, 2017, en ligne.
  • [116]
    Courrier international, 14 janvier 2019.
  • [117]
    Il bénéficie notamment de l’appui de deux dissidents de l’ANEL.
  • [118]
    Le Monde, 27 juillet 2019.
  • [119]
    G. Bernáth, G. Miklósi, C. Mudde, « Hungary », in C. Mudde (dir.), Racist extremism in Central and Eastern Europe, Londres, Routledge, 2005, p. 80-100.
  • [120]
    Ibidem, p. 75-78.
  • [121]
    B. Pytlas, Radical right parties in Central and Eastern Europe. Mainstream party competition and electoral fortune, New York, Routledge, 2016, p. 35-39.
  • [122]
    Le Monde, 18 septembre 2019.
  • [123]
    B. Ablonczy, B. Ablonczy, « L’extrême droite en Hongrie. Racines, culture, espace », Hérodote, volume 144, n° 1, 2012, p. 38-59.
  • [124]
    Parti politique fasciste, pro-allemand et antisémite, ayant existé de 1935 à 1945. Il a gouverné le pays d’octobre 1944 à mars 1945, avec le soutien de l’Allemagne.
  • [125]
    Interview réalisée par l’auteur avec un cadre du Jobbik, le 9 août 2017 à Budapest.
  • [126]
    126 B. Pytlas, Radical right parties in Central and Eastern Europe, op. cit., p. 37.
  • [127]
    R. Várnagy, « Hungary », European Journal of Political Research, volume 50, n° 7-8, 2011, p. 991-998.
  • [128]
    A. Biro-Nagy, T. Boros, « Jobbik going mainstream: strategy shift of the far right in Hungary », in J. Jamin (dir.), L’extrême droite en Europe, op. cit., p. 243-263.
  • [129]
    Ibidem.
  • [130]
    Interview réalisée par l’auteur avec un cadre du Jobbik, le 9 août 2017 à Budapest.
  • [131]
    B. Pytlas, Radical right parties in Central and Eastern Europe, op. cit., p. 39-42.
  • [132]
    Z. Enyedi, « Plebeians, citoyens and artistocrats, or where is the bottom of bottom-up? The case of Hungary », in H. Kriesi, T. S. Pappas (dir.), European populism in the shadow of the great recession, op. cit., p. 235-250.
  • [133]
    R. Sata, « Opening the door to the radical right. Is there a way back? », Communication présentée lors des Joint Sessions de l’European Consortium for Political Research (ECPR), Nottingham, 2017.
  • [134]
    Le Monde, 21 mai 2015.
  • [135]
    Interview réalisée par l’auteur avec un cadre du Jobbik, le 9 août 2017 à Budapest.
  • [136]
    France 24, 14 octobre 2019.
  • [137]
    Le Monde, 12 octobre 2019.
  • [138]
    H. Deleersnijder, « La dérive populiste en Europe centrale et orientale », Hermès, volume 2, n° 42, 2005, p. 183.
  • [139]
    D. Auers, A Kasekamp, « Explaining the electoral failure of extreme-right parties in Estonia and Latvia », Journal of Contemporary European Studies, volume 17, n° 2, 2009, p. 241-254.
  • [140]
    Baltic News Network, 8 octobre 2019.
  • [141]
    D. Auers, A Kasekamp, « Explaining the electoral failure of extreme-right parties in Estonia and Latvia », op. cit.
  • [142]
    C. Bayou, J. Blaha, E. Lhomel, J.-Y. Potel, « Populisme et extrémisme en Europe centrale et balte », Le Courrier des pays de l’Est, n° 1054, 2006, p. 27-43.
  • [143]
    C. Bret, « Les minorités russes dans les États baltes », Atlantico, 8 décembre 2017, https://eurasiaprospective.net.
  • [144]
    C. Bayou, J. Blaha, E. Lhomel, J.-Y. Potel, « Populisme et extrémisme en Europe centrale et balte », op. cit., p. 37.
  • [145]
    Nacionālā Apvienība, « Programma », www.nacionalaapvieniba.lv.
  • [146]
    Ce gouvernement tombe le 27 novembre 2013, le Premier ministre Valdis Dombrovskis démissionnant à la suite de l’effondrement du toit d’un supermarché à Riga une semaine plus tôt (événement ayant causé la mort de 54 personnes). Lui succède le gouvernement Straujuma I (V/RP/NA/ZZS), dans lequel la NA est en charge de la Justice et de la Protection de l’environnement et du Développement régional.
  • [147]
    G. Aleknonis, R. Matkevičienė, « Populism in Lithuania: defining the research tradition », Baltic Journal of Law & Politics, volume 9, n° 1, 2016, p. 26-48.
  • [148]
    I. Balcere, « Comparing populist political parties in the Baltic States and Western Europe », Communication présentée lors de la General Conference de l’ECPR, Reykyavik, 2011.
  • [149]
    Euractiv, 7 avril 2004.
  • [150]
    Le parti ne présente pas de candidat lors des élections présidentielles de 2004 et 2014.
  • [151]
    C. Kelbel, « Les résultats des élections européennes de mai 2019 dans les États membres », op. cit., p. 58.
  • [152]
    Vieningasis Lietuvių Nacionaldarbininkų Sąjūdis, www.vlnds.lt.
  • [153]
    Ibidem.
  • [154]
    F. Casal Bertoa, S. Guerra, « Earthquake or hurricane? The rise and fall of populist parties in Poland », in S. Molinetz, A. Zaslove (dir.), Absorbing the blow. Populist parties and their impact on parties and party systems, Colchester, ECPR Press, 2018, p. 223-250.
  • [155]
    B. Pytlas, Radical right parties in Central and Eastern Europe, op. cit., p. 28-30.
  • [156]
    K. Czernicka, « La Ligue des familles polonaises. Montée en puissance d’un parti anti-européen », Le Courrier des pays de l’Est, n° 1045, 2004, p. 85-94.
  • [157]
    Le Monde, 16 février 2007.
  • [158]
    K. Czernicka, « La Ligue des familles polonaises », op. cit., p. 85-94.
  • [159]
    F. Casal Bertoa, S. Guerra, « Earthquake or hurricane? », op. cit., p. 223-250.
  • [160]
    B. Pytlas, Radical right parties in Central and Eastern Europe, op. cit., p. 28-30.
  • [161]
    B. Biard, L. Bernhard, H.-G. Betz (dir.), Do they make a difference? The policy influence of radical right populist parties in Western Europe, Colchester, ECPR Press, 2019.
  • [162]
    D. Reynié, Populismes : la pente fatale, Paris, Plon, 2011, p. 215-216.
  • [163]
    F. Casal Bertoa, S. Guerra, « Earthquake or hurricane? », op. cit., p. 223-250.
  • [164]
    K. Jasiewicz, A. Jasiewicz-Betkiewicz, « Poland », European Journal of Political Research, volume 51, n° 1, 2012, p. 243-256.
  • [165]
    Libération, 21 octobre 2015.
  • [166]
    Ibidem.
  • [167]
    The Times, 4 septembre 2017.
  • [168]
    T. Chopin, « “Démocratie illibérale” ou “autoritarisme majoritaire” ? Contribution à l’analyse des populismes en Europe », Policy Paper, Institut Jacques Delors, n° 235, 2019.
  • [169]
    À ce propos, cf. B. Biard, « L’extrême droite en Europe occidentale (2004-2019) », op. cit., p. 7-13.
  • [170]
    Lors des élections fédérales tchécoslovaques qui se tiennent aux mêmes dates, le parti se présente en cartel avec une autre formation politique mais obtient moins de 1 % des voix, que ce soit à l’une ou l’autre des deux chambres du parlement fédéral.
  • [171]
    Lors des élections fédérales tchécoslovaques qui se tiennent aux mêmes dates, le SPR-RSČ obtient respectivement 4,5 % à la chambre basse et 4,4 % à la chambre haute ; il fait donc son entrée dans ces deux assemblées, avec respectivement 8 et 6 sièges.
  • [172]
    Le parti ne se présente pas à l’élection du Senátu (Sénat), qui a lieu pour la première fois les 15 et 16 novembre 1996.
  • [173]
    Le Courrier international, 24 février 2010.
  • [174]
    A. Kudrnáč, I. Petrúšek, « Czech Republic: Political development and data for 2017 », European Journal of Political Research, 2018, en ligne.
  • [175]
    Radio Prague international, 6 janvier 2015.
  • [176]
    A. Babiš, qui est l’une des principales fortunes du pays, tient un discours anti-corruption (mais a été mis en examen dans une affaire de détournements de fonds européens) et anti-élites ; il se révèle être le tenant d’une politique migratoire très restrictive et être un eurosceptique notoire.
  • [177]
    C. Kelbel, « Les résultats des élections européennes de mai 2019 dans les États membres », op. cit., p. 72.
  • [178]
    V. Havlík, « The economic crisis in the shadow of political crisis: the rise of party populism in the Czech Republic », in H. Kriesi, T. S. Pappas (dir.), European populism in the shadow of the great recession, op. cit., p. 199-216.
  • [179]
    Le VV ne participe pas au scrutin législatif des 25 et 26 octobre 2013 ; il sera dissous en août 2015.
  • [180]
    V. Stojarova, The far right in the Balkans, op. cit.
  • [181]
    D. Reynié, Populismes : la pente fatale, op. cit., p. 219.
  • [182]
    S. Soare, « Le national-populisme en Roumanie après 1989 », Les Cahiers du Cevipol, n° 2, 2000, www.ulb.ac.be.
  • [183]
    Lors du premier tour de l’élection présidentielle précédente, le 27 septembre 1992, le candidat du PUNR, qui était déjà G. Funar, était arrivé en troisième position avec 10,8 %.
  • [184]
    Soit deux ans avant que Jean-Marie Le Pen (Front national - FN) ne se qualifie au second tour de l’élection présidentielle française.
  • [185]
    V. Stojarova, The far right in the Balkans, op. cit., p. 67.
  • [186]
    Ibidem, p. 54.
  • [187]
    D. Reynié, Populismes : la pente fatale, op. cit., p. 220.
  • [188]
    Le PNG-CD s’est présenté aux différents scrutins suivants : les élections législatives de 2000, de 2004 et de 2008 (il a obtenu entre 0,2 % et 2,3 % à la chambre basse, et entre 0,3 % et 2,5 % à la chambre haute, et aucun siège), les élections présidentielles de 2004 et de 2009 (il a récolté respectivement 1,8 % et 1,9 % au premier tour) et les élections européennes de 2007 (il a recueilli 4,9 % et n’a pas obtenu de siège).
  • [189]
    V. Stojarova, The far right in the Balkans, op. cit., p. 68.
  • [190]
    Communément appelée Garda de Fier (Garde de fer) : parti politique fasciste roumain ayant existé de 1927 à 1941.
  • [191]
    R. Cinpoes, The extreme right in contemporary Romania, Berlin, Friedrich Ebert Stiftung, 2012.
  • [192]
    B. Pytlas, Radical right parties in Central and Eastern Europe, op. cit., p. 32-34.
  • [193]
    Ibidem.
  • [194]
    Ce sera la seule et unique participation du PSNS à un scrutin législatif.
  • [195]
    En slovaque, « smer » signifie « direction ».
  • [196]
    Du 12 octobre 2006 au 14 février 2008, le SMER-SD est suspendu du Parti socialiste européen (PSE) en conséquence de son entrée en coalition avec une formation d’extrême droite.
  • [197]
    Ibidem, p. 34-35.
  • [198]
    Devenu le Kotleba - Ľudová Strana Naše Slovensko (même sigle) en novembre 2015.
  • [199]
    Milice du Hlinková Slovenská Ľudová Strana (HSĽS, Parti populaire slovaque), parti national-catholique slovaque ayant existé de 1906 à 1945 puis reconstitué en 1990 (mais sans plus rencontrer de succès électoral ; en 2002, certains de ses membres se sont présentés sur des listes du SNS).
  • [200]
    A. Pirro, « Ballots and barricades enhances: far-right “movement parties” and movement-electoral interactions », Nations and Nationalism, volume 25, n° 3, 2019, p. 782-802.
  • [201]
    P. Baboš, D. Malová, « Slovakia », European Journal of Political Research, volume 56, n° 1, 2017, p. 37-244.
  • [202]
    D. Kral, « Slovakia’s election: A party system entering uncharted waters », LSE blog, 3 septembre 2016, http://eprints.lse.ac.uk.
  • [203]
    Prédécesseur d’Identité et démocratie (ID).
  • [204]
    L. Bustikova, « The radical right in Eastern Europe », op. cit.
  • [205]
    Ibidem, p. 815.
  • [206]
    Le parti peut être qualifié de « parti-homme » eu égard au fait que Z. Jelinčič Plemeniti est la seule personne à avoir présidé le parti jusqu’à présent et aux pouvoirs importants dont il dispose au sein de celui-ci.
  • [207]
    L. Chládková, M. Mareš, « The flag bearer of Slovenian nationalism knocked out? The rise and fall of the Slovenian national party », Slovak Journal of Political Sciences, volume 15, n° 2, 2015, p. 120.
  • [208]
    A. Krašovec, « Slovenia », in V. Havlík, A. Pinková (dir.), Populist political parties in East-Central Europe, Brno, Masaryk University, 2012, p. 259-284.
  • [209]
    L. Chládková, M. Mareš, « The flag bearer of Slovenian nationalism knocked out? », op. cit., p. 114-132.
  • [210]
    Ibidem, p. 120.
  • [211]
    Le Temps, 1er juin 2018.
  • [212]
    La Slovénie étant située sur la « route des Balkans », c’est-à-dire le chemin reliant la Grèce à l’Europe de l’Ouest, elle est particulièrement touchée par la crise des réfugiés, surtout depuis 2015.
  • [213]
    Comme en France mais aussi en Belgique néerlandophone (sur la stratégie de déradicalisation du Vlaams Belang, cf. B. Biard, « Extrême droite : “La stratégie de lissage du discours pour accéder au pouvoir fonctionne” », op. cit.).
  • [214]
    Dans le cas croate, l’échec de cette stratégie a notamment conduit à un retour à la radicalisation en 2009.
  • [215]
    B. Biard, L. Bernhard, H.-G. Betz (dir.), Do they make a difference?, op. cit.
  • [216]
    Mais aussi, par exemple, aux Pays-Bas entre 2010 et 2012.
  • [217]
    Avec quelques exceptions notoires, comme le PNG-CD en Roumanie.
Benjamin Biard
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Depuis le début du 21e siècle, l’extrême droite gagne du terrain sur le Vieux Continent. Au fil des scrutins, elle progresse dans les urnes et gagne en légitimité auprès d’une frange croissante de la population européenne. Certes, le mouvement n’est pas uniforme. Mais il n’empêche que, globalement, l’extrême droite est aujourd’hui bien davantage présente dans les assemblées parlementaires européennes qu’elle ne l’était il y a quinze ou vingt ans.

Bien plus, au cours des deux dernières décennies, plusieurs formations politiques d’extrême droite ont pris part à l’exercice du pouvoir : soit indirectement en soutenant un gouvernement minoritaire, soit directement en intégrant une coalition gouvernementale. L’influence de l’extrême droite sur les processus publics de décision s’en trouve ainsi sensiblement accrue.

Ce Courrier hebdomadaire est consacré aux évolutions récentes des partis d’extrême droite dans les 13 pays d’Europe centrale et orientale membres de l’Union européenne : Bulgarie, Chypre, Croatie, Estonie, Grèce, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République tchèque, Roumanie, Slovaquie et Slovénie. Il relève les événements clés qui ont marqué le développement de chacun de ces partis, les stratégies politiques qu’ils développent, et leurs rapports avec les pouvoirs législatif et exécutif.

Mis en ligne sur Cairn.info le 26/03/2020
https://doi.org/10.3917/cris.2440.0005
ISBN 9782870752296
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