CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1Dans le Courrier hebdomadaire du CRISP n° 1672-1673, Jacqueline Wautier a retracé le cadre éthique, médical, juridique et politique dans lequel s’est ouvert le débat sur l’euthanasie au Sénat au cours des années 1990 et elle en a exposé les premières étapes  [1]. S’inscrivant dans la foulée de cette publication, la présente étude – publiée en deux livraisons successives du Courrier hebdomadaire – vise à rendre compte des étapes suivantes qui, de juin 1999 à mai 2002, ont conduit à l’adoption de la loi du 28 mai 2002  [2]. Cependant, afin de permettre au lecteur d’avoir une vue d’ensemble sur le processus qui a mené à cet aboutissement, les grandes lignes de la publication de J. Wautier relatives à la période antérieure à juin 1999 seront rappelées ici dans un chapitre d’ouverture, assorties de quelques réflexions complémentaires.

2Le débat belge relatif à l’euthanasie fut particulier à plusieurs titres. D’abord, par son objet. L’euthanasie soulève des questions fondamentales à propos de la vie, de la maladie, de la souffrance, de la mort et du rôle du médecin. Éthique et déontologie s’y croisent. Dès lors qu’il s’agit de légiférer à propos de l’euthanasie, outre des questions de technique juridique, les questions de la loi et de son rôle sont aussi posées. L’évolution de la médecine et de la société leur confère une acuité accrue. Il est désormais possible de maintenir en vie des patients qui auraient été antérieurement condamnés. Or la société est devenue pluraliste sur le plan des conceptions éthiques. Dans ce contexte, comment une loi

3– qui vaut pour tous – peut-elle traiter juridiquement la question de l’euthanasie  [3] ?

4En outre, en 1999, cette question était assez inédite. Certes, elle était « en travail » aux Pays-Bas au moins depuis 1984, et une loi dépénalisant l’euthanasie et le suicide assisté

5y a été adoptée le 12 avril 2001  [4]. Néanmoins, légiférer en la matière a constitué une « innovation mondiale » durant la plus grande partie du parcours parlementaire en Belgique  [5]. Dans ce pays, toujours attentif aux signaux venus de l’extérieur, cela a été ressenti comme une responsabilité supplémentaire.

6Ce débat fut aussi particulier par sa durée, son intensité et son déroulement.

7Par sa durée : presque trois années de débats parlementaires. Pourtant, on le verra, la volonté de mener le processus à bonne fin était forte. On le comprend mieux quand on se rappelle que des propositions de loi favorables à l’euthanasie ont été déposées

8à la Chambre des représentants dès le milieu des années 1980  [6], témoignant d’une réelle préoccupation d’une partie du monde politique pour la question. Toutefois, après

9la promulgation, le 3 avril 1990, de la loi dépénalisant l’avortement, les accords de gouvernement de 1992 et 1995 mentionnaient explicitement que, en matière éthique, une majorité alternative ne pouvait plus être dégagée au Parlement. Des dossiers comme celui de l’euthanasie se trouvaient donc provisoirement gelés. La constitution d’une coalition fédérale dite « arc-en-ciel » à l’issue des élections du 13 juin 1999, avec le renvoi dans l’opposition des partis sociaux-chrétiens qui participaient aux gouvernements précédents, a ouvert la possibilité de débats sur ces questions. Cependant, la perspective d’élections fédérales en 2003 a joué le rôle de date butoir pour la conclusion.

10L’intensité et l’ampleur du débat belge ont aussi été remarquables. Elles témoignent de la très grande attention et de la minutieuse vigilance suscitées par la gravité de la question à traiter. Au Sénat, les commissions réunies de la Justice et des Affaires sociales ont tenu plus de 86 réunions, 838 amendements ont été déposés avant le vote final et de larges auditions ont eu lieu, de même que des discussions nourries dont rendent compte de volumineux rapports  [7]. À la Chambre, même si la durée a été plus limitée, les discussions ont aussi été très minutieuses et nourries  [8].

11Le déroulement du débat retient également l’attention : placé sous le signe de la recherche d’un consensus, il a été ponctué de nombreuses crises et tentatives de dépassement de celles-ci, à travers lesquelles se sont manifestées à la fois les motivations des acteurs et les divergences d’approche. Même si les tactiques et les rapports de force politiques n’ont jamais été absents, force est de constater que le débat n’a pas été simplement mû par les oppositions traditionnelles – « chrétiens/laïques » et « conservateurs/progressistes » –, les positions des uns et des autres ayant évolué sensiblement au fil du temps, sans pourtant se rejoindre quant aux réponses à donner.

12Un autre fait notable est que des crises internes au Sénat ont parfois été dépassées par le canal des médias. En effet, ceux-ci ont fait écho largement et avec grande qualité à ce débat dans lequel toute la société s’est impliquée de façon soutenue, y compris de très nombreux médecins et associations médicales.

13Enfin, plusieurs affaires judiciaires et des événements tragiques sont intervenus au cours de ce travail parlementaire ; chacun d’eux a mis en lumière une facette du débat et a relancé la question de sa pertinence.

14Retracer l’évolution de ce débat présente un double intérêt : rétrospectif et prospectif. Rétrospectivement, s’en rappeler les étapes, les impasses et les reprises permet d’approcher le cheminement qui s’est opéré dans le chef des parlementaires, des médecins et de la société civile  [9], tous activement « partenaires » au débat. À cet égard, il est à noter que l’attention portera certes sur des moments cruciaux qui sont souvent restés en mémoire, mais aussi sur d’autres qui ont été plus discrets mais sont néanmoins significatifs de la dynamique générale de la réflexion. Prospectivement, se rendre compte de la toile de fond sur laquelle s’inscrit la loi actuellement en vigueur permet de mieux lire et comprendre celle-ci : à quelles questions a-t-elle voulu répondre ? quelle a été la manière choisie pour ce faire ? On peut par là même mieux se situer face aux questions soulevées après l’adoption de cette loi. Certaines ont déjà été traitées, notamment l’extension de la loi aux mineurs, adoptée en 2014  [10]. La discussion sur d’autres a été ouverte : évolution des pratiques, tableau contrasté de celles-ci selon les régions du pays, souffrance psychique, démence, directive anticipée, clause de conscience, contrôles a posteriori, etc.  [11].

15Compte tenu de ces objectifs et des particularités du débat, voici les principales options méthodologiques qui guident la présente étude. En s’appuyant sur les documents parlementaires à titre de source principale et, simultanément, sur des articles de presse,

16à titre de source complémentaire, il s’agira d’offrir une approche de la dynamique du débat parlementaire en suivant sa chronologie. Parallèlement, il sera fait état d’opinions et de réactions exprimées, par voie de presse, dans la société civile et le monde médical, ainsi que des affaires judiciaires et des événements tragiques survenus durant ces années en lien avec la discussion en cours. Certes, le travail réalisé ici ne prétend pas à l’exhaustivité. Il est fonction de ses sources, volumineuses en elles-mêmes ; toutefois, d’autres contributions tenant compte d’autres sources (par exemple radiodiffusées ou télédiffusées, témoignages d’acteurs de l’époque, essais réflexifs, etc.)  [12] viendraient utilement le compléter.

17Concernant les documents parlementaires, plusieurs particularités sont à noter. Les seuls noms cités dans le rapport des débats en commissions réunies de la Justice et des Affaires sociales du Sénat sont ceux des sénateurs qui déposent des amendements. Le reste du rapport est complètement anonymisé : on ne peut donc pas identifier les intervenants lors des discussions, on peut tout au plus supposer leur identité. De plus, le rapport procède souvent par une succession de paragraphes assez brefs. Ceux-ci restituent assurément la dynamique des échanges oraux. Mais le chassé-croisé d’interventions anonymes

18– exposés, questions, objections et réponses – rend difficile le discernement d’une cohérence d’ensemble dans les points de vue exprimés. Quant aux votes, ils sont certes comptabilisés, mais ils sont, eux aussi, anonymisés ; on ne peut trouver que les chiffres indiquant le nombre d’acceptations, de refus ou d’abstentions, sans pouvoir identifier les votants. Dès lors, il est également impossible de rendre compte de cet aspect décisionnel de la dynamique politique. Enfin, les discussions ne sont pas datées. Force est donc de s’appuyer sur les médias pour restituer leurs propos aux intervenants et pour retracer la chronologie. Par ailleurs, les réunions informelles que tiennent les partis politiques avant une séance ne font l’objet d’aucun enregistrement ; en tenir compte demanderait un autre type de démarche, par exemple des entretiens avec les acteurs de l’époque.

19Contact a été pris avec le Service juridique et Archives du Sénat pour essayer de lever ces difficultés. Malheureusement, les réponses reçues indiquent qu’elles sont indépassables.

20D’une part, les procès-verbaux non publiés des commissions réunies de la Justice et des Affaires sociales n’ont pas été transmis aux Archives du Sénat, et le service d’origine déclare ne plus en disposer. D’autre part, à l’époque où les commissions du Sénat ont traité la question de l’euthanasie, il n’était pas encore habituel d’identifier les intervenants dans leurs rapports : on visait ainsi à permettre à la discussion et à l’évolution des prises de position d’être le plus ouvertes possible  [13]. Depuis le 22 novembre 2001, le Sénat a complété son règlement : désormais, les réunions de commission sont, en règle générale, publiques et les rapports y afférents mentionnent les noms des intervenants  [14]. Cependant, concernant les votes, « les secrétaires de commission prennent évidemment note des résultats globaux, sans toutefois préciser quels sénateurs ont voté pour ou contre ou se sont abstenus. Par conséquent, il ne reste aucune trace écrite des votes individuels des membres d’une commission. Même en disposant des procès-verbaux non publiés des deux commissions concernées, il serait impossible de déterminer qui a voté et dans quel sens ».

21Au seuil de la lecture, prévenons le lecteur. Il s’engage dans un cheminement exigeant à plusieurs titres. Tout d’abord, trois problématiques interviennent conjointement : la discussion sur l’euthanasie soulève immédiatement la question des soins palliatifs et celle des droits du patient, perçues toutes trois comme devant être encadrées légalement. Ensuite, les discussions relatées ici entrecroisent des approches générales et des aspects particuliers, objets tantôt d’accords, tantôt de désaccords, parfois profonds et consistants, mais parfois aussi superficiels et fragiles, donc plus apparents que réels, les uns et les autres étant évolutifs. Enfin, en matière éthique, des prises de position individuelles interfèrent avec la logique politique des partis. C’est pourquoi on ne peut se contenter d’exposer les positions de ces derniers ; il faut aussi prendre en compte les convictions des personnes qui vont parfois, mais pas toujours, dans le sens de leur parti. Dès lors, seule une analyse attentive permet de rendre compte de la richesse et de la complexité du débat.

0. L’ouverture du débat sur l’euthanasie au Sénat : un rappel

22Dans le Courrier hebdomadaire n° 1672-1673, Jacqueline Wautier a envisagé le contexte juridique et déontologique (Code pénal et Code de déontologie médicale) de l’ouverture du débat sur l’euthanasie jusqu’à la mi-novembre 1999  [15]. Elle y a évoqué les pratiques médicales en fin de vie, exposé les conceptions laïques et catholiques en jeu, rappelé les propositions de loi déposées au Sénat et à la Chambre des représentants en 1995 et 1996 puis en 1999, détaillé certaines d’entre elles, et présenté les avis n° 1 et 9 du Comité consultatif de bioéthique de Belgique (CCB)  [16] portant l’un sur « l’opportunité d’un règlement légal de l’euthanasie » (12 mai 1997) et l’autre sur « l’arrêt actif de la vie des personnes incapables d’exprimer leur volonté » (22 février 1999). Sur la base de cette présentation, les aspects antérieurs à juin 1999 sont rappelés de façon synthétique dans ce chapitre 0  [17] afin que le lecteur puisse se rendre compte du contexte et des étapes initiales du cheminement qui a conduit à l’adoption de la loi du 28 mai 2002. Eu égard à la complexité de ce cheminement et pour en faciliter l’approche, certains aspects seront ici plus particulièrement mis en évidence ou commentés (même si ces indications ne se trouvent pas dans la publication de J. Wautier), vu que, a posteriori, après l’adoption de la loi, ils se révèlent être des fils rouges du débat.

0.1. Le Code pénal et le Code de déontologie médicale

23Lorsque le débat sur l’euthanasie s’amorce en Belgique, il existe une « fracture » entre les prescriptions légales et les pratiques  [18]. Le Code pénal ne mentionne pas le terme euthanasie ; les actes euthanasiques se trouvent dès lors qualifiés d’assassinat – c’est-à-dire de meurtre avec préméditation –, de coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort, ou encore de non-assistance à personne en danger. Toutefois, l’état de nécessité est reconnu comme cause de justification, mais son appréciation dépend du juge. Pour

24sa part, le Code de déontologie médicale, dans sa réforme de 1992, maintient l’interdit de l’euthanasie, mais introduit les notions d’« assistance morale et médicale » au patient conscient en phase terminale « pour soulager ses souffrances physiques et morales et préserver sa dignité » (article 96). Cependant, dans son avis du 19 avril 1997, le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) se prononce sans ambiguïté contre l’euthanasie active  [19]. Or, dans la pratique, des demandes d’euthanasie active existent.

0.2. Conceptions laïques et catholiques

25« Deux conceptions traditionnellement opposées »  [20] se font face en Belgique : celle des milieux laïques et celle des milieux chrétiens, plus précisément catholiques.

26J. Wautier rappelle les positions de différentes personnalités de la mouvance laïque et du Centre d’action laïque (CAL).

27Les milieux laïques mettent l’accent sur l’autonomie de la personne approchée inséparablement dans sa subjectivité propre et dans son incarnation singulière, sans référence à un principe transcendant. La personne ainsi conçue est porteuse d’une dignité intrinsèque et inaliénable qui doit être protégée. Dans le contexte de cette éthique immanente, « les droits de l’homme apparaissent comme une référence prioritaire ». Le philosophe Guy Haarscher (Université libre de Bruxelles - ULB) exprime ainsi leur articulation avec l’euthanasie : « Dans certains cas, il est impossible à un grand malade d’exercer sa liberté et d’en finir avec la vie. Pour accomplir sa liberté, il a besoin d’une aide, d’un acte de solidarité. C’est ce dernier qui lui est offert dans l’euthanasie, en pleine cohérence avec la philosophie des droits de l’homme. (…) Mutatis mutandis, nous devons démocratiquement inventer les garanties et contrepoids qui permettront à l’euthanasie-solidarité d’être légalisée tout en évitant les effets pervers. (…) La question de l’euthanasie active, qui constitue le prolongement naturel d’une vision solidariste des droits de l’homme, doit enfin être clarifiée. Il faut la légaliser avec toutes les précautions et les garanties nécessaires »  [21].

28En permettant un allongement de la vie, la médecine a en effet suscité de nouvelles situations de « mal-être », comme le prolongement des souffrances de certains patients. Les laïques estiment qu’« il appartient dès lors à la responsabilité humaine d’assumer le pôle négatif du progrès et d’élaborer des solutions. Cette responsabilité est celle de chaque individu, mais aussi celle de la société ; elle dépasse le contexte juridique mais doit s’y matérialiser pour offrir à tous une sécurité ». Pour le médecin Marc Englert (professeur honoraire de médecine à l’ULB), « le véritable débat semble se situer sur le plan philosophique. Les deux positions qui s’affrontent sous des masques divers sont d’une part le respect absolu d’un concept abstrait – la Vie – et d’autre part le respect des vivants, ceux qui souffrent dans leur chair et dans leur âme »  [22].

29L’enjeu n’est pas la qualité de la vie, « notion indéfinissable, variable et indécidable pour un tiers », mais « une vie qui doit être jugée vivable pour et par la personne concernée ». Dès lors, « ce qui sera mis en avant, c’est le droit inaliénable d’être soi », c’est-à-dire notamment de « décider du sens à attribuer à différents vécus, juger de l’acceptable et de l’insupportable – demeurer, et jusqu’à l’ultime instant, une personne individualisée ». Face aux décisions de fin de vie, euthanasie ou soins palliatifs, la dignité – avec les droits qui lui sont attenants, « dont celui de la libre disposition de soi et de la détermination du sens de son existence » – « sera la possibilité de formuler un choix et de le soutenir

30– choix de vie et de survie ou choix du refus. Et la dignité appréhendée et reconnue par l’autre consistera en l’acceptation de ce choix humain ». Dès lors, les praticiens devront « instaurer et nourrir un climat relationnel humain, fait de confiance et d’informations et exprimé dans un dialogue vrai : une ouverture à l’autre favorisant la mise au jour de paroles signifiantes ». Tel est le contexte dans lequel le patient lucide pourra prendre une décision. Le patient inconscient pourra être traité selon ses volontés exprimées dans un testament de vie dont la valeur – absolue ou indicative – suscite cependant quelques interrogations.

31Pour le CAL, euthanasie et soins palliatifs ne sont pas « deux principes qui s’opposent ». Les soins palliatifs « s’intègrent sans aucun doute dans les valeurs humanistes défendues par le monde de la laïcité ». Mais ils ne peuvent être considérés comme une panacée : « Si les soins palliatifs sont très efficaces contre la douleur dans presque tous les cas (il ne faut pas négliger ce “presque”), la douleur n’est pas un motif fréquent de demande d’euthanasie. La cause de loin la plus fréquente est un état de faiblesse extrême, de délabrement physique et psychique privant le malade de toute autonomie et que certains ne supportent pas »  [23].

32Enfin, les milieux laïques considèrent qu’une loi dépénalisant ou autorisant l’euthanasie ne serait pas en contradiction avec la liberté de conscience du médecin, mais qu’elle libérerait celui-ci de la clandestinité et « restaurerait l’égalité des traitements et des choix ultimes ».

33Dans les milieux « chrétiens », J. Wautier privilégie les catholiques : elle rapporte les positions de l’Église catholique, de la Conférence épiscopale de Belgique, du Conseil interdiocésain des laïcs (CIL) et de quelques personnalités de cette obédience.

34Selon la position officielle de l’Église catholique, « la vie est un cadeau de Dieu et l’homme jouit de l’usufruit d’un corps qui ne lui appartient pas. Cette vie humaine, fût-elle purement organique, est dotée d’une inaliénable et indépassable valeur et témoigne du créateur ». La vie constitue donc une « valeur en soi (…) insérée dans des réseaux qui sont à découvrir et à percevoir pour les conforter. Communauté, solidarité et dignité : un sens existe qui peut dépasser l’homme », la souffrance étant parfois susceptible d’y ouvrir.

35Le 31 janvier 1994, la Conférence épiscopale de Belgique publie une déclaration affirmant son opposition à l’euthanasie active, recommandant la plus grande prudence à l’égard de l’induction d’un état comateux par des analgésiques et refusant l’acharnement thérapeutique.

36Pour sa part, en décembre 1998, le CIL, organe de concertation des laïcs catholiques de Wallonie et de Bruxelles, exprime sa position  [24]. Considérant que la souffrance est un mal, même si certaines expériences douloureuses sont vécues positivement, il défend le concept et la pratique des soins palliatifs, estimés encore trop coûteux et trop peu accessibles, et accueille favorablement l’emploi des analgésiques, « estimant que leurs effets potentiels ou probables sur la durée à vivre constituent un moindre mal ». Il reconnaît aussi le conflit entre le principe du respect absolu de la vie et le souci de la qualité de la vie et de la dignité de la personne mourante, ainsi que « la limite des solutions proposées ». Il rappelle que le législateur doit « être attentif aux convictions de chacun, tout en posant des balises qui empêchent des dérives dommageables pour le bien commun. En toute hypothèse, une législation ne se substituera jamais à la conscience morale de chacun ».

37J. Wautier relate aussi les positions contrastées de personnalités catholiques.

38Pour le jésuite et juriste Xavier Dijon (Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix - FUNDP, à Namur), favorable à l’interdiction de l’euthanasie, le corps est « un lien matériel d’humain à humain ; un lien a priori, donné à la naissance. (…) Ce corps (ce lien) dépasse la décision autonome (…) : il désigne la référence incontournable à l’autre (…) [qui] est dès lors codétenteur d’une dignité ». Or aucune volonté individuelle ne peut juger de cette dignité partagée, ni par conséquent de sa propre dignité.

39En 1992, lors d’un débat contradictoire avec le cancérologue Yvon Kenis (alors président de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité - ADMD), le théologien Jean-Marie Martou (Centre d’études théologiques et pastorales Lumen Vitae, à Bruxelles) souligne des points de convergence entre la position de l’ADMD et celle de la majorité des catholiques au sujet de l’arrêt thérapeutique et de l’euthanasie indirecte (induite par l’injection d’analgésiques), tout en souhaitant que le choix de l’euthanasie active soit écarté par tous  [25]. Il soutient une conception personnelle de la dignité de la personne humaine : convaincu que la vie est un don de Dieu, il « ne peut pas s’empêcher de penser que la valeur d’un don gratuit dépend précisément de sa gratuité, c’est-à-dire, entre autres choses, de la disposition du donneur à se défaire de ce qu’il donne pour le confier vraiment à quelqu’un sans restriction ni condition ni calcul ». Mais il s’oppose à une légalisation de l’euthanasie active par crainte de ses conséquences possibles, notamment une moindre attention aux malades en phase terminale et une entrave au développement des soins palliatifs. Il estime que le système néerlandais peut toutefois être intéressant, mais qu’il devrait être enrichi par l’obligation ou la possibilité de recueillir l’avis d’un psychologue ou d’un conseiller religieux ou laïque.

40Quant au chanoine Pierre de Locht (Université catholique de Louvain - UCL), il souligne l’importance, en fin de vie, de la liberté de choix qui, à ses yeux, « est une condition d’humanité ». Il ajoute : « Il me paraît essentiel de ne pas bloquer d’avance, au nom d’interdits religieux, la réflexion humaine sur un tel sujet. Dans un monde pluraliste, une telle attitude est inacceptable »  [26].

41Anticipons quelque peu la suite des débats. À travers cette évocation de certains axes de la réflexion dans les deux milieux philosophiques caractéristiques de la société belge, on discerne d’emblée certains des obstacles qui entraveront la recherche d’un consensus. Dès à présent, signalons-en deux. D’une part, une conception immanente de la dignité de la personne et ses corollaires (autonomie, disposition de soi, compréhension personnelle du sens de son existence) versus une conception axée sur la transcendance dans laquelle c’est à la lumière de la dignité reçue qu’il convient de comprendre l’existence humaine. D’autre part, le respect des vivants qui commande l’attention aux personnes singulières versus le respect de la Vie qui sous-tend la priorité à donner aux soins palliatifs. Une exigence partagée par les laïques et certains catholiques peut aussi être soulignée : dans une société démocratique, la loi doit respecter les convictions de chacun.

0.3. Les propositions de loi déposées au Sénat et à la Chambre en 1995 et 1996

42J. Wautier rappelle et commente comme suit les nombreuses propositions de loi déposées au Sénat et à la Chambre durant la législature 1995-1999  [27].

43« – Le 29 juin 1995, Philippe Monfils (PRL) dépose au Sénat une proposition de loi relative à la demande d’interruption de vie [28]. Cette proposition vise à dépénaliser l’euthanasie volontaire en créant un article 417bis du Code pénal, article qui définit les conditions dans lesquelles un homicide par euthanasie ne peut être considéré comme un crime. Elle entend apporter une réponse aux actes posés dans le cadre de la fin de vie en garantissant une vérification des demandes et une information complète des patients au sujet des solutions alternatives. L’euthanasie ne pourra s’appliquer qu’à des patients majeurs conscients et dont le décès est proche.

44  – Le 11 octobre 1995, Eddy Boutmans (Agalev) dépose au Sénat une proposition de loi élargissant le droit de codécision du patient par l’institution d’une déclaration de volonté relative au traitement  [29] qui reprend, mises à part quelques modifications, les termes d’une proposition de loi déposée au Sénat le 17 janvier 1994 par Jo Cuyvers (Agalev). La proposition vise à préciser les champs de légitimité et d’application du testament de vie. Il s’agit de dépénaliser l’euthanasie en adaptant le Code pénal pour que tous puissent, s’ils le désirent, souscrire une déclaration de volonté avec un médecin. L’euthanasie pourra s’appliquer à tout patient majeur ayant rédigé une déclaration anticipée et dont l’état est médicalement désespéré (mais pas nécessairement en phase terminale).

45  – Le 13 octobre 1995, Serge Moureaux (PS) dépose à la Chambre une proposition de loi relative au droit à la dignité thérapeutique du patient incurable  [30]. Cette proposition constitue une version amendée des propositions déposées en 1988 par Édouard Klein (PRL) et en 1984 par Edgard D’Hose (PRL). Elle concerne tout majeur ou mineur émancipé atteint d’une affection accidentelle ou d’une pathologie incurable aboutissant inéluctablement à la mort du patient et causant de la souffrance. La proposition se caractérise par le droit accordé à la famille ou au médecin traitant d’exprimer une volonté pour le patient inconscient.

46  – Le 10 novembre 1995, Frans Lozie (Agalev) dépose à la Chambre une proposition de loi élargissant le droit de codécision du patient par l’institution d’une déclaration de volonté relative au traitement  [31] qui reprend les termes de la proposition de loi déposée au Sénat par E. Boutmans le 11 octobre 1995.

47  – Le 29 janvier 1996, Daniel Bacquelaine (PRL) dépose à la Chambre une proposition de loi relative à la demande d’interruption de vie  [32]. Cette proposition est la même que celle déposée au Sénat le 29 juin 1995 par P. Monfils.

48  – Le 21 mars 1996, Hugo Coveliers (VLD) dépose au Sénat une proposition de loi relative à l’euthanasie et aux soins palliatifs  [33]. Il s’agit de créer un cadre légal susceptible de combattre l’insécurité juridique à propos de l’euthanasie et de mettre en place un système de soins palliatifs qui assureraient au patient une fin digne. L’euthanasie pourrait être appliquée à tout patient majeur ou mineur émancipé parvenu en phase terminale d’une maladie incurable et dont les souffrances insupportables ne peuvent être apaisées. »

49Dès à présent, signalons que ces propositions de loi traitent simultanément de questions relatives aux droits du patient et à la fin de vie. La suite des débats montrera que ces problématiques sont étroitement liées. Dans certaines de ces propositions de loi, le lien entre euthanasie et soins palliatifs apparaît également : on verra que ces deux possibilités seront envisagées conjointement dans le débat ultérieur. En 2002, euthanasie, soins palliatifs et droits du patient donneront finalement lieu à trois lois distinctes mais sous-tendues par le même esprit  [34]. Par ailleurs, une ligne de fracture qui alimentera considérablement la discussion se dessine déjà : l’euthanasie doit-elle être une possibilité réservée aux malades en phase terminale ou peut-elle être envisagée pour les malades incurables dont la souffrance est inapaisable ? Une constante se discerne aussi : l’euthanasie est réservée aux patients majeurs ou mineurs émancipés. Enfin, la question du testament de vie est déjà soulevée.

50J. Wautier remarque : « Ces propositions de loi émanent de parlementaires n’appartenant pas à la famille sociale-chrétienne. Le gouvernement Dehaene I (social-chrétien/socialiste) avait inscrit dans son accord constitutif et à la demande du CVP qu’il n’accepterait aucune majorité de rechange sur ces problèmes éthiques. Devant le blocage du travail parlementaire, Roger Lallemand (PS) [accompagné de Fred Erdman (SP), Hugo Coveliers (VLD), Michel Foret (PRL), Eddy Boutmans (Agalev), Pierre Jonckheer (Écolo) et Philippe Mahoux (PS)] déposent au Sénat le 26 avril 1996, une proposition de résolution en vue de rassembler des informations et d’organiser undébat sur les problèmes de fin de la vie. Les signataires partent du constat d’une pratique incontrôlée, d’une souffrance persistante et d’un intérêt public et médiatique considérable. Ils en concluent la nécessité d’une discussion des notions et questions concernées.

51Cette proposition de résolution motivera Raymond Langendries [PSC] et Frank Swaelen [CVP] [respectivement président de la Chambre des représentants et président du Sénat] à saisir le CCB sur l’opportunité “d’un règlement légal de l’interruption de vie à la demande des malades incurables (« euthanasie ») ; les soins palliatifs ; la déclaration de volonté relative au traitement et du « testament de vie » ; les propositions de loi actuellement pendantes en la matière”. »  [35]

0.4. Les travaux du Comité consultatif de bioéthique de Belgique (CCB)

52Le Comité consultatif de bioéthique de Belgique (CCB)  [36], nouvellement institué, débute ses travaux en 1996 par l’examen de la première de ces questions afin de délimiter l’objet et le champ de ses réflexions  [37].

0.4.1. Avis n° 1

53Dans son avis rendu le 12 mai 1997  [38], le CCB définit l’euthanasie comme l’« acte pratiqué par un tiers qui met intentionnellement fin à la vie d’une personne à la demande de celle-ci ». Il décide de limiter provisoirement ses débats aux cas où la situation des malades capables d’exprimer leur volonté est sans issue et où l’acte est posé par un médecin.

54Il estime que, dans la définition avancée, l’accent mis sur l’intention « impose de distinguer l’euthanasie proprement dite d’autres actes posés par un médecin tels que l’administration de calmants ou d’analgésiques qui entraînent le risque d’abréger la vie, ou l’arrêt de traitements médicaux vains ».

55Si les membres du CCB s’accordent sur la nécessité de distinguer la question éthique

56– la légitimité morale de l’euthanasie – et la question juridique – l’opportunité d’une modification législative à ce sujet –, des divergences irréductibles apparaissent toutefois. Certains considèrent que l’euthanasie est moralement admissible dans des circonstances précises (situation médicale désespérée et souffrances intenses), d’autres qu’elle l’est uniquement à titre exceptionnel dans des situations extrêmes et suite à un débat pluridisciplinaire examinant chaque cas, tandis que d’autres encore la jugent moralement inacceptable au nom de la valeur intangible de la vie d’autrui. Ces désaccords éthiques se retrouvent dans les quatre propositions juridiques que présente l’avis. En effet, l’accord de coopération qui institue le CCB précise en son article 15 : « Les avis adoptés reproduisent les divers points de vue exprimés ».

57La proposition 1 soutient « une modification législative dépénalisant l’euthanasie ». Elle se fonde sur l’idée que « la loi, dans une société démocratique, ne peut interdire un acte qui ne constitue pas un danger au moins potentiel pour autrui ou pour la société. La loi doit garantir explicitement le droit de tout individu de disposer lui-même de sa vie et de vivre selon ses convictions propres, dans le respect de celles des autres ». En d’autres termes, elle doit assurer « la coexistence des libertés », et donc reconnaître et autoriser le pluralisme des options et la liberté des consciences. Une dépénalisation de l’euthanasie garantirait par ailleurs au médecin un espace de sécurité juridique « sans équivoque » et permettrait une véritable relation de confiance du patient avec son médecin, qui prendraient ensemble la décision de façon indépendante et donc sans l’aval d’un comité d’éthique ou autre « tribunal moral ». La loi définirait les conditions à respecter pour que l’acte de donner la mort à un malade ne soit pas un crime, l’une de ces conditions étant que l’acte soit posé par un médecin  [39].

58La proposition 2 consiste en l’instauration d’« une régulation “procédurale” a posteriori de l’euthanasie décidée en colloque singulier ». Elle « s’aligne sur le modèle du compromis des Pays-Bas, qui propose un maintien symbolique de l’interdit pénal de l’euthanasie, tout en définissant les conditions dans lesquelles le médecin pratiquant l’euthanasie pourra être considéré, d’un point de vue juridique, en “état de nécessité” (…) : le malade doit être en situation de souffrance insupportable ou l’éprouver comme telle ; sa demande doit être réfléchie et durable ; la décision euthanasique ne peut être acceptée et mise en œuvre que par un médecin ; celui-ci doit avoir consulté un autre médecin ; il doit informer de sa décision les proches et le personnel soignant ; il doit prévoir la substance appropriée pour administrer la mort. Cette procédure repose sur le colloque singulier du malade avec son médecin. Elle n’impose pas d’associer à la décision euthanasique ni l’équipe soignante, ni la famille, ni le comité d’éthique local ». Le contrôle de la société s’opérerait, a posteriori, « à travers un formulaire spécifique que le médecin est tenu de remplir et de communiquer aux instances judiciaires, via le médecin légiste ».

59La proposition 3 soutient l’instauration d’« une régulation “procédurale” a priori des décisions médicales les plus importantes concernant la fin de vie, y compris l’euthanasie, après consultation collégiale ». Pour les tenants de cette proposition, « le problème de l’euthanasie ne peut être isolé du contexte plus large de l’ensemble des décisions médicales prises à l’égard du malade en fin de vie et du traitement plus humain de tous les patients qui se trouvent dans cette situation ». La proposition prévoit de définir des procédures pour un certain nombre de décisions médicales concernant la fin de vie, dont la demande d’euthanasie, en précisant les indications médicales nécessaires à la décision ainsi que les règles d’éthique médicale à respecter, et en explicitant les droits des patients. Ces procédures devraient être approuvées par le législateur et seraient ensuite rendues légalement obligatoires. La responsabilité décisionnelle se partagerait entre le patient et le médecin traitant, après concertation avec le personnel infirmier et la famille. Concernant la demande d’euthanasie, le médecin devrait en outre consulter un confrère compétent dans la discipline concernée, ainsi qu’une tierce personne (non-médecin) mandatée par le comité d’éthique local et choisie en accord avec le patient et le médecin responsable. Le débat éthique avec ces personnes porterait sur l’existence d’un état de nécessité. À son terme, le patient devrait être informé à nouveau et formuler une deuxième demande d’euthanasie, à la suite de laquelle le médecin responsable déciderait. Un rapport de la procédure devrait être consigné par écrit dans le dossier médical endéans les 48 heures après la décision. Le médecin responsable devrait veiller à ce que la procédure ait lieu dans un délai raisonnable et informer le comité d’éthique local de chaque procédure dans un délai de 15 jours. Un contrôle social (éventuellement judiciaire) de l’acte euthanasique serait assuré puisque des plaintes pourraient être déposées par les divers intéressés auprès du procureur du Roi et que le médecin légiste pourrait demander à consulter les rapports écrits des procédures. Bien que l’interdit pénal soit maintenu, le médecin se verrait ainsi garantir une certaine sécurité juridique dans la mesure où la décision prise après consultation attesterait qu’au moment de l’acte euthanasique, il se trouvait juridiquement en « état de nécessité ».

60Signalons dès à présent que les propositions 2 et 3 seront au cœur du débat parlementaire.

61La proposition 4 avance « le maintien pur et simple de l’interdit légal contre l’euthanasie ». Elle exprime la volonté de maintenir le statu quo, c’est-à-dire l’interdiction en toute circonstance de la pratique de l’euthanasie, « afin de ne pas porter atteinte à la valeur éminente de la vie comme support naturel de tous les autres droits de la personne ». Les tenants de cette proposition estiment que « les institutions légales et médicales doivent faire primer le droit de vivre en cherchant à soulager les souffrances par d’autres voies que l’homicide (notamment par les soins palliatifs, auxquels tous les intervenants devraient être formés) ». L’avis ajoute : « À toute idée de procédure, les tenants de cette proposition objectent : 1. le risque que la procéduralisation de l’euthanasie ne soit que l’antichambre d’une dépénalisation dont ils ne veulent pas ; 2. l’impossibilité d’invoquer l’état de nécessité qui appelle la comparaison objective de deux devoirs, alors que l’appréciation de la souffrance morale du malade est essentiellement subjective ; 3. la reconnaissance désormais officielle d’un pouvoir de vie et de mort démesuré du médecin sur le patient ; 4. l’angoisse du patient à qui il revient de décider lui-même de sa propre disparition, et les pressions implicites de l’entourage quant à une telle décision ».

62Le rapport relatif à cette 4e proposition apporte des précisions. Concernant la deuxième objection, il indique : « Les conditions juridiques de l’état de nécessité ne semblent pas remplies si d’une part, l’admission du patient aux soins palliatifs ne constitue pas un passage obligé en vue d’éviter d’infliger à ce patient le mal plus grave qu’est l’euthanasie, si d’autre part, l’invocation de la souffrance morale permet au patient de substituer son appréciation essentiellement subjective à l’évaluation objective requise par l’état de nécessité ». Concernant les troisième et quatrième objections, il s’avère qu’elles sont sous-tendues par un refus de lutter contre les euthanasies clandestines par « la pure et simple adaptation du droit aux faits ».

63À nouveau, anticipons la suite des débats. Les trois premières propositions présentées dans l’avis n° 1 du CCB montrent qu’une question centrale est celle de la sécurité juridique du médecin pratiquant une euthanasie. Cependant, elles laissent aussi percevoir quelques-unes des pierres d’achoppement de la discussion ultérieure. Dès à présent, signalons-en trois. Une future loi doit-elle porter sur l’euthanasie ou sur l’ensemble des décisions susceptibles d’être prises en fin de vie ? Faut-il envisager une dépénalisation de l’euthanasie ou encadrer celle-ci via la notion d’état de nécessité ? La décision d’euthanasie sera-t-elle prise dans un colloque singulier entre le patient et son médecin ou fera-t-elle l’objet d’une concertation plus étendue et, dans ce cas, quelles personnes y seront impliquées et à quel titre ? Une autre question sensible et qui sera abondamment discutée par la suite est celle du type de contrôle à mettre en place.

64Notons par ailleurs deux points qui font l’unanimité parmi les tenants des trois premières propositions : l’euthanasie doit être demandée par le malade et elle doit être pratiquée par un médecin. Un certain accord existe aussi quant aux conditions posées pour envisager une euthanasie : le malade doit être en situation de souffrance insupportable ou l’éprouver comme telle ; sa demande doit être réfléchie et persistante.

65Rappelons enfin que les membres du CCB se sont accordés à traiter la situation du malade « sans issue », autrement dit celle du malade incurable. Or la question du champ d’application de la loi suscitera de vives controverses : la loi doit-elle porter sur les seuls patients en phase terminale ou doit-elle inclure aussi les malades incurables ?

66Les 9 et 10 décembre 1997, cet avis est présenté au Sénat par le psychiatre Léon Cassiers (UCL) et les membres de la commission restreinte sont tous entendus  [40]. Des débats visant à rassembler un maximum d’informations sur les problèmes de fin de vie ont lieu ensuite, mais sans déboucher sur une proposition de loi. Les positions des partis divergent : « Le SP et le PS souhait[e]nt dessiner le cadre légal des pratiques existantes en sortant l’euthanasie du Code pénal, tout comme le VLD, la VU et Agalev. Le PRL FDF se montr[e] favorable à un statu quo. Écolo privilégi[e] l’élaboration d’une réglementation qui assure la sécurité juridique dans l’acte euthanasique. Le PSC et le CVP désir[e]nt maintenir l’interdit pénal mais se dis[e]nt favorables à une loi réglementant l’art de guérir. Le Vlaams Blok s’oppos[e] à toute dépénalisation et à toute discussion à ce sujet »  [41].

67En fin de débat, le sénateur Roger Lallemand (PS) intervient pour constater que « la plupart des participants reconnaissent l’existence de pratiques d’euthanasie et estiment que certains cas sont moralement justifiables ». Mais, à son étonnement, personne n’a souligné la distance entre l’accomplissement de ces actes et les principes et interdits du Code pénal et du Code de déontologie médicale. Bien que la possibilité d’accords partiels soit apparue, des divergences subsistent sur des points fondamentaux. R. Lallemand propose de persister dans la tentative d’aboutir à un consensus sur des valeurs essentielles et suggère d’envoyer les documents aux deux commissions concernées, Justice et Affaires sociales, pour qu’elles décident des suites à donner.

0.4.2. Avis n° 9

68Le 22 février 1999, quelques jours après le dépôt de la proposition de loi Lallemand-Erdman dont il sera question dans la section suivante, le CCB remet un avis « concernant l’arrêt actif de la vie des personnes incapables d’exprimer leur volonté »  [42]. Il répond ainsi aux demandes que lui ont adressées les présidents de la Chambre et du Sénat,

69R. Langendries et F. Swaelen, les 9 avril et 7 mai 1996.

70La commission restreinte  [43] chargée de l’élaboration de cet avis a conçu sa mission comme la prolongation de la réflexion menée dans l’avis n° 1. Comme précédemment, les positions au sein du comité divergent, tant sur le plan éthique que sur le plan juridique. J. Wautier signale ainsi les divergences et la teneur de l’avis : « Les réflexions montrent la difficulté et la pluralité de la notion d’incapacité où le fait et le droit ne se recouvrent pas nécessairement. Devant pareille situation et pour éviter une prise de pouvoir personnel, certains membres du Comité évoquent un processus décisionnel collégial et d’autres estiment que nul ne peut déterminer une classification des personnes incapables en vue d’établir les conditions d’une interruption de vie. Il en fut également pour refuser la confusion d’un droit inaliénable à la vie avec un devoir de vivre. Des différences irréductibles quant à la légitimité éthique de l’acte posé en vue de mettre fin à la vie d’un patient incapable sont perceptibles ».

71En réponse à la question du législateur : « Est-il opportun de légiférer en matière d’arrêt actif de la vie des personnes incapables ? », trois propositions se dégagent : 1) une reconnaissance légale de l’arrêt actif de la vie ; 2) la régulation procédurale a priori de l’arrêt actif de la vie demandé par le patient dans une directive anticipée ; 3) le maintien pur et simple de l’interdit légal de l’arrêt actif de la vie chez les personnes incapables.

72Ajoutons quelques commentaires. On le voit, seule la proposition 1 de cet avis complexe et fouillé répond positivement à la question du législateur. Les propositions 2 et 3 sont favorables au maintien de l’interdit pénal. Toutefois, la proposition 2 admet, à certaines conditions, de déroger exceptionnellement à celui-ci au titre de l’état de nécessité. Elle préconise la définition d’une procédure a priori qui serait rendue légalement obligatoire.

73Signalons dès à présent les éléments de cet avis qui interviendront dans l’élaboration de la future législation. Les propositions 1 et 2 distinguent les situations selon que le patient a ou non rédigé une directive anticipée « et/ou » désigné une personne de confiance.

74Lorsque le patient a effectué ces démarches, le médecin peut décider de l’arrêt actif de la vie moyennant le respect de certaines conditions. On verra que la proposition de loi Lallemand-Erdman – qui ne porte que sur les majeurs et les mineurs émancipés – envisagera ces situations dans des termes proches, mais en précisant moins les conditions. Signalons aussi une différence de terminologie : l’avis parle de « directive anticipée », la proposition de loi parlera de « déclaration anticipée ».

75Par contre, lorsque le patient n’a pas rédigé une directive anticipée ni désigné une personne de confiance du temps où il en était capable, les propositions 1 et 2 divergent. Pour la première, « l’arrêt actif de la vie peut se justifier d’un point de vue médical et éthique, dans les cas exceptionnels où l’arrêt et l’abstention de soins ne permettent pas de sortir d’une situation inhumaine », mais « il n’apparaît pas souhaitable que cet acte reçoive une reconnaissance légale ». Pour la deuxième, l’arrêt actif de la vie ne peut alors être décidé. Les auteurs de la proposition Lallemand-Erdman préciseront qu’ils n’envisagent pas cette situation.

76Les propositions 1 et 2 de l’avis n° 9 soulignent, dans tous les cas, l’importance d’un large dialogue permettant au médecin de réunir toutes les informations nécessaires pour éclairer son jugement et prendre sa décision, dont il est responsable in fine.

77Deux autres aspects, déjà rencontrés dans l’avis n° 1 du CCB, doivent être rappelés car ils structureront le débat ultérieur. D’une part, la tension entre la reconnaissance légale de l’arrêt actif de la vie et son acceptation au nom de l’état de nécessité. D’autre part, la tension entre la reconnaissance légale d’un type d’acte et l’encadrement de l’ensemble des décisions de fin de vie par des procédures a priori rendues légalement obligatoires.

78Enfin, l’avis n° 9 débute par une discussion sur la notion de « fin de vie ». Certains la comprennent comme « les dernières heures ou jours de la phase terminale ». Pour d’autres, elle signifie une « situation sans issue ». Cette divergence suscitera de vifs débats parlementaires.

0.5. La proposition de loi Lallemand-Erdman du 2 février 1999

79Le 2 février 1999, les sénateurs Roger Lallemand (PS), Fred Erdman (SP), Philippe Mahoux (PS) et Francy Van Der Wildt (SP) déposent une proposition de loi relative aux problèmes de fin de la vie et à la situation du patient incurable  [44]. Celle-ci se présente comme la suite apportée aux débats tenus au Sénat en décembre 1997 lors de la présentation de l’avis n° 1 du CCB. Les sénateurs rappellent que la situation actuelle est fort ambiguë : malgré l’interdit pénal, des euthanasies sont pratiquées, souvent dans la clandestinité, avec tous les risques que cela comporte.

80La proposition de loi s’applique aux majeurs et mineurs émancipés « conscients et capables ». Elle prend aussi en compte une situation écartée par le CCB dans son avis n° 1, à savoir celle du patient qui a rédigé une déclaration anticipée pour le cas où il deviendrait inconscient. Les auteurs estiment que ces situations « font aujourd’hui l’objet d’un large consensus qui [leur] fait penser qu’elles peuvent être réglées par la loi »  [45]. Ce n’est pas le cas de deux autres situations qu’ils ne souhaitent pas régler dans l’immédiat : celle des patients incapables juridiquement et celle des patients inconscients qui n’ont pas fait de déclaration anticipée.

81La proposition de loi s’attache d’abord à la prise en charge de la personne. L’article 2 précise que le médecin qui traite une personne incurable ou une personne qui refuse la poursuite d’un traitement curatif « doit envisager avec son patient et avec les personnes que celui-ci désigne les différentes possibilités de prise en charge palliative existantes ».

82L’article 3 ouvre pour le médecin la possibilité de répondre à la requête d’euthanasie que lui adresse son patient : « Lorsqu’un patient majeur ou mineur émancipé, capable et conscient, demande que sa vie soit volontairement interrompue, un médecin peut, en conscience, accepter de donner suite à cette requête si le patient fait état d’une souffrance ou d’une détresse constante et insupportable, qui résulte d’une affection accidentelle ou pathologique incurable, et que le médecin ne peut apaiser ». Vis-à-vis d’un tel patient, le médecin est préalablement tenu : « 1. d’informer complètement le patient de tous les aspects de son état de santé, ainsi que des différentes possibilités de prise en charge palliative existantes et de leurs conséquences ; 2. de consulter un autre médecin quant au caractère incurable de l’affection, en précisant les raisons de la consultation ; 3. de s’assurer, au cours de plusieurs entretiens, de la souffrance ou de la détresse du patient et de sa volonté persistante ».

83Le colloque singulier entre le patient et son médecin est donc central. Toutefois, l’article 3 ajoute : « À la demande du patient, le médecin est également tenu de s’entretenir de la requête avec les proches du patient, ainsi qu’avec les membres de l’équipe soignante avec laquelle le patient est en contact régulier ». L’article 3 précise encore : « La requête du patient ou celle de son mandataire, ainsi que l’ensemble des démarches du médecin et leur résultat, sont consignés au jour le jour dans le dossier médical du patient ».

84La proposition de loi donne aussi à la personne qui le souhaite la possibilité de faire une déclaration anticipée : « Tout majeur ou mineur émancipé, capable, peut, pour le cas où il ne pourrait plus manifester sa volonté, déclarer par écrit ses préférences ou ses objections pour certains types de prise en charge médicale. Il peut également déclarer sa volonté qu’un médecin interrompe volontairement sa vie s’il est inconscient, atteint d’une affection accidentelle ou pathologique incurable et qu’il n’existe aucun moyen de le ramener à un état conscient. La déclaration désigne le mandataire qui sera garant de la volonté du patient. Le médecin traitant du patient ne peut être désigné comme mandataire ». L’article 4 poursuit en définissant un certain nombre de conditions : « La déclaration peut être faite à tout moment. Elle doit, à peine de nullité, être constatée par écrit, dressée en présence de deux témoins majeurs, dont l’un ne pourra avoir aucun lien de parenté avec le patient, datée et signée par le déclarant et par les témoins ». Enfin, « la déclaration peut être révoquée par tout moyen et à tout moment ». L’article 3 envisageait déjà la possibilité d’une telle déclaration pour les situations d’inconscience et précisait que le mandataire qui y est désigné exerce alors les droits du patient.

85La procédure à suivre par le médecin est définie à l’article 5. Il s’agit d’une déclaration a posteriori transmise « sans délai à l’officier de l’état civil du lieu du décès du patient, ainsi qu’au procureur du Roi » ; son contenu est défini dans ce même article.

86L’article 6 prévoit la clause de conscience du médecin, qui est « tenu d’informer ceux qui requièrent son intervention des raisons de son refus. Lorsque celles-ci sont d’ordre médical, elles sont consignées dans le dossier du patient ». À la demande de ce dernier ou de son mandataire, le médecin qui refuse de donner suite à une demande d’euthanasie doit communiquer le dossier au médecin désigné par ces personnes.

87L’article 7 précise que le décès provoqué par l’application de la loi proposée est assimilé à une « mort naturelle » pour l’exécution des contrats auxquels le patient était partie, en particulier les contrats d’assurance.

88L’article 8 interdit que l’euthanasie soit pratiquée « lorsque la patiente est en état de grossesse et porteuse d’un enfant viable ».

89Enfin, les articles 9 à 11 prévoient les modifications à introduire dans le Code pénal et dans le Code civil. Dans le Code pénal, un article 417bis serait introduit pour dépénaliser l’euthanasie pratiquée dans le respect des conditions définies dans la proposition de loi. Dans le Code civil, à l’article 77, un alinéa 2 serait ajouté, exigeant l’accord du procureur du Roi pour l’inhumation et indiquant les articles à suivre si cet accord n’est pas obtenu ; à l’article 79, un alinéa 3 serait ajouté, exigeant que l’acte de décès en précise la cause lorsque celui-ci survient à l’intervention d’un médecin, conformément aux dispositions de la loi proposée, et précisant que « la déclaration du médecin est conservée dans un registre spécial ».

90J. Wautier souligne : « La proposition de loi ne [sera] pas prise en considération mais [aura] un impact important sur l’opinion, notamment au cours de la campagne électorale précédant les élections législatives du 13 juin 1999 »  [46]. Nous pouvons d’ores et déjà ajouter qu’elle constituera le socle sur lequel s’appuieront les futures propositions de loi déposées par la majorité issue de ces élections. C’est pourquoi elle a été présentée ici de façon détaillée.

0.6. La campagne électorale

91J. Wautier note : « La campagne électorale en vue des élections législatives du 13 juin 1999 a été marquée davantage que les précédentes par le débat éthique. Le dépôt à la fin de la législature 1995-1999 de la proposition de loi Lallemand-Erdman n’est certes pas étranger à la sensibilisation de l’électorat aux questions soulevées par ce débat. Les partis politiques ont pour la plupart pris position dans leurs programmes électoraux, mais dans un langage, pour les uns plus direct, pour les autres plus allusif, qui s’adapte à leur électorat, voire à des franges d’électorat qu’ils souhaitent atteindre »  [47].

0.6.1. Les programmes des partis

92Du côté francophone, le PS pose comme une priorité l’adoption d’une législation dépénalisant l’euthanasie, sous les conditions exposées dans la proposition de loi Lallemand-Erdman (que le parti soutient officiellement). Il prône également le développement des soins palliatifs  [48].

93Écolo se prononce en faveur d’une dépénalisation conditionnelle de l’euthanasie active, pratiquée par un médecin sur la base d’une demande ferme, répétée et formelle d’une personne en état de s’exprimer. Si la personne n’est plus en état de s’exprimer et s’il est attesté que cette incapacité est irréversible, le parti se prononce pour une procédure faisant intervenir deux médecins en concertation avec l’équipe soignante en vue de respecter la demande précédemment exprimée par écrit par le patient et qui peut être, le cas échéant, défendue par une personne physique ou morale mandatée par lui.

94Le PRL ne prend pas ouvertement position sur la question de l’euthanasie  [49], mais demande le développement des soins palliatifs. Selon lui, les malades incurables doivent bénéficier de soins continus dans les hôpitaux comme à domicile afin d’éviter une cassure brutale entre le curatif et le palliatif.

95Le MCC ne mentionne ni l’euthanasie ni les soins palliatifs dans sa communication électorale.

96Le PSC aborde l’euthanasie dans un chapitre de son programme consacré à l’éthique de la fin de vie. Il met d’abord en avant le nécessaire développement des soins palliatifs, tant au domicile qu’en institution, ainsi que l’égalité de tous les patients dans l’accès

97à ces soins. Il demande en outre d’éviter l’usage des procédés euthanasiques à l’insu du patient, de sa famille et de la société entière. Il propose d’encadrer le processus de décision du médecin confronté aux situations de fin de vie par la mise en place d’une procédure préalablement définie, faisant intervenir plusieurs médecins, l’équipe soignante, les proches du malade et le comité d’éthique hospitalier, afin de placer les décisions à prendre dans le contexte d’une éthique de discussion.

98Du côté néerlandophone, le SP affirme, comme son homologue francophone, qu’il est urgent d’adopter une législation qui donne une possibilité de choix au malade et qui protège ce dernier ainsi que le médecin. Il propose de donner une base légale au testament de vie et de promouvoir celui-ci auprès de la population. Il met aussi l’accent sur le développement des soins palliatifs et sur la défense des droits des patients.

99Pour Agalev, les soins palliatifs doivent être développés dans les institutions de soins, mais prioritairement à domicile. Le libre choix de la personne au sujet de sa fin de vie doit être garanti. Le droit de mourir dans la dignité doit être légalisé, aussi bien par le choix des soins palliatifs que par le choix de l’euthanasie.

100Le VLD, comme son homologue francophone, ne dit rien sur le sujet dans son programme électoral.

101Le CVP met l’accent sur la protection des plus faibles et demande des dispositions en faveur des droits des patients vis-à-vis des mesures médicales dont ils sont l’objet.

102Il insiste sur le respect dû aux mourants. D’une part, il prône le développement des soins palliatifs. D’autre part, il considère que, afin d’éviter tout arbitraire dans le traitement de la fin de vie, la loi doit obliger les médecins qui accompagnent les mourants à respecter des procédures strictes pour toute décision concernant la fin de vie. Selon le parti, la réglementation sur la déclaration de décès doit également être revue afin de mieux repérer les cas de mort suspecte.

103Le Vlaams Blok refuse toute dépénalisation de l’euthanasie. Pour lui, la seule alternative réside dans le développement des soins palliatifs, surtout à domicile. Le respect de la vie humaine doit avoir un caractère absolu. Le parti d’extrême droite flamand accepte la sédation, même si elle raccourcit le processus de fin de vie.

104Remarquons que, à travers ces programmes, un large soutien au développement des soins palliatifs s’exprime. Mais on voit aussi s’exprimer des positions qui diviseront le débat ultérieur. Épinglons celle qui est la plus manifeste : les partis socialistes (PS et SP) sont en faveur d’une dépénalisation de l’euthanasie, tandis que les partis sociaux-chrétiens (PSC et CVP) sont favorables à la définition de procédures encadrant a priori l’ensemble des décisions de fin de vie et rendues légalement obligatoires.

0.6.2. Les débats électoraux

105J. Wautier relate ainsi les événements et prises de position qui ont animé la campagne électorale  [50] : « L’euthanasie fit une entrée bruyante dans la campagne électorale lorsque le président du CVP, Marc Van Peel, exigea de ses partenaires potentiels le respect d’une sorte de no man’s land des dossiers éthiques  [51] traduit par un refus de toute majorité de rechange au Parlement sur ces problèmes épineux : “Nous ne permettrions aucune majorité de rechange allant à l’encontre de nos convictions”  [52]. L’exemple historique de la dépénalisation partielle de l’avortement [par la loi du 3 avril 1990] laissait des traces. Prenant part à la campagne, le vice-Premier ministre CVP Herman Van Rompuy précisait : “Il est tout à fait normal que des partis qui gouvernent ensemble recherchent aussi ensemble des solutions pour des problèmes qui touchent plus directement la conscience. (…) Dans ce sens, la possibilité d’un libre vote sur l’avortement dans l’accord de 1988 n’était pas responsable. Comme président du CVP, j’ai apporté un changement à cela en 1991. Mon successeur a stipulé la même clause dans l’accord de 1995”  [53]. Le président Van Peel tempérait néanmoins cette prise de position en se disant partisan d’une réglementation de l’euthanasie expressément décidée au sein d’une majorité à laquelle son parti prendrait part ».

106Cette prise de position suscita de nombreuses et souvent vives réactions. Le président du PSC, Philippe Maystadt, défendit l’idée d’un large débat tout en soulignant « l’inévitable » proximité des convictions de son parti et de celles du CVP  [54].

107Le président du PS, Philippe Busquin, en appela à la démocratie et à la liberté de penser : « Une société démocratique doit donner à chaque femme et à chaque homme la possibilité de s’émanciper, et de maîtriser, tant que faire se peut, ses choix de vie et son destin social et biologique »  [55]. Quant à Elio Di Rupo, vice-Premier ministre PS du gouvernement fédéral sortant (gouvernement Dehaene II, CVP/PS/SP/PSC), il estima inacceptable l’ingérence de « manœuvres électoralistes (…) dans des questions liées aussi intimement à la vie, à l’amour et la mort. Il est du devoir de toutes les formations démocratiques d’agir en acteurs responsables pour adapter le cadre légal aux nouvelles réalités vécues par les hommes et les femmes de notre pays. Chacun doit être libre de ses choix de vie pour autant que l’on ne nuise pas à autrui ».

108Le SP usa d’un ton plus modéré, mais son désaccord face aux exigences du CVP était réel. Le ministre de la Santé publique, Marcel Colla, déclara s’opposer fermement au « bétonnage » des dossiers en jeu.

109Le président de la Fédération PRL FDF MCC, Louis Michel, souligna qu’un refus des débats trahit soit une faiblesse, soit une intolérance. Il rappela la tradition libérale selon laquelle « pour tout ce qui touche aux problèmes de conscience personnelle et éthique, chacun a la liberté de conscience » et conclut qu’il n’y aura pas au PRL de discipline de vote à ce sujet.

110Le président du VLD, Guy Verhofstadt, la secrétaire fédérale d’Écolo, Isabelle Durant, et le secrétaire politique d’Agalev, Jos Geysels, insistèrent tous trois sur le rôle du Parlement dans une démocratie : les questions éthiques doivent pouvoir y être débattues librement.

111J. Wautier fait remarquer que les divergences philosophiques et éthiques qui se sont manifestées « ne peuvent se réduire ni à un partage laïques/chrétiens, ni à une opposition gauche/droite, ni à une démarcation linguistique ou géographique »  [56].

1. Le Contexte politique (juin - octobre 1999)

112Le 13 juin 1999, les élections législatives ont lieu. Un gouvernement « arc-en-ciel » est formé et, le 7 juillet, un accord est conclu, qui laisse place au débat éthique au Parlement. Celui-ci débutera dès la reprise des travaux parlementaires, en novembre. Cependant, dès le mois de juillet, des propositions de loi sont déposées. Parallèlement, on assiste à des positionnements dans la société civile.

1.1. La coalition « arc-en-ciel » et les questions de fin de vie

113Rappelons que, après l’adoption, en 1990, de la loi dépénalisant l’avortement, les accords de gouvernement de 1992 et 1995 mentionnaient explicitement que, en matière éthique, une majorité alternative ne pouvait plus être dégagée au Parlement. Des dossiers comme celui de l’euthanasie se trouvaient donc provisoirement gelés.

114À l’issue des élections législatives du 13 juin 1999, une coalition dite arc-en-ciel se met en place au niveau fédéral, qui unit les libéraux, les socialistes et les écologistes. Il s’agit du gouvernement Verhofstadt I (VLD/PS/Fédération PRL FDF MCC/SP/Écolo/Agalev). Cette coalition est décidée à user du rejet des sociaux-chrétiens dans l’opposition pour mener des réformes que le PSC et le CVP refusaient jusque-là dans le domaine éthique. Elle n’est pas pour autant « laïque » : les partis écologistes francophone et néerlandophone, Écolo et Agalev, et la Fédération PRL FDF MCC  [57] sont pluralistes sur le plan philosophique. Cependant, on l’a vu, les programmes des partis pendant la campagne électorale ont montré des différences d’approche notables pour ce qui concerne les questions de fin de vie (cf. supra, 0.6.1).

115Pour les questions éthiques, à la différence des deux gouvernements précédents  [58], le gouvernement Verhofstadt I privilégie, dans son accord, l’initiative parlementaire (plutôt que gouvernementale) et l’intime conviction de chacun (plutôt que la discipline de parti) : « Le Parlement doit pouvoir prendre pleinement ses responsabilités en ce qui concerne ces questions comme par exemple l’euthanasie, sur base de la conscience individuelle et de l’intime conviction de chacun »  [59]. Le débat sur l’euthanasie pourra donc débuter.

1.2. Au Sénat

116En début de législature, quatre propositions de loi sont déposées au Sénat par des membres de la majorité  [60]. Le 14 juillet, Philippe Mahoux et Myriam Vanlerberghe, respectivement chefs de groupe PS et SP, déposent une proposition de loi relative aux problèmes de fin de vie et à la situation du patient incurable qui reprend la proposition Lallemand-Erdman (déposée par plusieurs sénateurs PS et SP) du 2 février 1999 (cf. supra, 0.5)  [61]. Le 20 juillet, Philippe Monfils (PRL), chef de groupe de la Fédération PRL FDF MCC, dépose une proposition de loi relative à la demande d’interruption de vie

117qui reprend la proposition qu’il avait déposée le 29 juin 1995 (cf. supra, 0.3)  [62]. Le

11830 septembre, Frans Lozie, chef de groupe Agalev, et Jacinta De Roeck, elle aussi Agalev, déposent une proposition de loi élargissant le droit de codécision du patient par l’institution d’une déclaration de volonté relative au traitement qui reprend la proposition de Eddy Boutmans (Agalev) du 11 octobre 1995 (cf. supra, 0.3)  [63]. Le 12 octobre, Jeannine Leduc, cheffe de groupe VLD, Iris Van Riet, Martine Taelman et Paul Wille, eux aussi VLD, déposent une proposition de loi relative à l’euthanasie qui s’inspire de la proposition de Hugo Coveliers (VLD) déposée le 21 mars 1996 (cf. supra, 0.3)  [64] ; les auteurs de ce texte précisent que leur proposition doit être envisagée conjointement avec la proposition de résolution relative au développement d’un plan de soins palliatifs axés sur les besoins du patient qui sera déposée le 13 octobre par I. Van Riet, J. Leduc, M. Taelman, Jean-Marie Dedecker, Jacques Devolder, André Geens et Didier Ramoudt (tous VLD)  [65].

119Remarquons d’abord que toutes ces propositions de loi reprennent ou s’inspirent de propositions déposées antérieurement, à savoir durant la législature fédérale précédente (1995-1999) : ces dernières témoignent de la réelle et déjà ancienne préoccupation d’une partie du monde politique pour les questions de fin de vie, y compris de la part de mandataires politiques appartenant à des partis – PRL et VLD – qui ont été silencieux à ce propos pendant la campagne électorale. Relevons aussi que toutes ces propositions de loi émanent de chefs de groupe de partis de la majorité. Une asymétrie se manifeste toutefois à ce moment entre ces partis : une proposition commune émane du PS et du SP, tandis que chacune des autres est déposée par un ou des membres d’un parti : PRL, Agalev et VLD. Les membres du VLD expriment leur préoccupation conjointe pour les soins palliatifs par le dépôt quasiment simultané d’une proposition de résolution sur ce sujet. Des deux partis écologistes, seul Agalev se manifeste (pour sa part, Écolo ne dépose pas de proposition de loi : des six partis de la majorité, il est le seul dans ce cas).

120Toutes ces propositions présentent des ressemblances importantes, tant au niveau des objectifs que des modalités définies. Ces ressemblances seront précisées ultérieurement, car cet aspect jouera un rôle considérable dans la suite des événements (cf. infra, 2.3.2.2). Signalons toutefois dès à présent des différences importantes. Les propositions PS-SP et Agalev autorisent l’euthanasie sur des patients incurables  [66], tandis que les deux autres (PRL et VLD) ne l’autorisent que sur des patients en phase terminale dont le décès est censé se produire dans un délai (relativement) court. Trois propositions prévoient, avec une insistance et un degré de précision variables, la « déclaration anticipée » (PS-SP), dénommée encore « déclaration de volonté relative au traitement » (Agalev) ou « testament de vie » (VLD), documents auxquels P. Monfils (PRL) refuse fermement de reconnaître une valeur juridique  [67]. Signalons aussi que les propositions Agalev et VLD envisagent et autorisent, sous conditions, l’assistance médicale au suicide. La proposition PS-SP et la proposition VLD interdisent, quant à elles, l’euthanasie pour la patiente enceinte et porteuse d’un enfant viable, situation non envisagée par les deux autres textes. Enfin, la proposition VLD est la seule à prévoir l’existence d’une commission d’évaluation, dont elle définit la composition, les missions et le mode de fonctionnement, ainsi que les informations que le médecin doit lui transmettre.

1.3. À la Chambre

121Trois textes, dont deux propositions de loi, sont déposés à la Chambre  [68]. Le 9 septembre, Fred Erdman (SP) dépose une proposition de loi relative aux problèmes de fin de la vie et à la situation du patient incurable qui reprend la proposition déposée antérieurement au Sénat par Roger Lallemand et lui-même (cf. supra, 0.5)  [69]. Le 25 octobre, Yolande Avontroodt, Hugo Coveliers et Maggie De Block (VLD) déposent une proposition de résolution relative au développement d’un plan de soins palliatifs axés sur les besoins du patient qui reprend la proposition de résolution déposée au Sénat par I. Van Riet et consorts quelques jours plus tôt, le 13 octobre (cf. supra, 1.2)  [70]. Le 26 octobre, H. Coveliers et M. De Block déposent une proposition de loi relative à l’euthanasie qui reprend la proposition de loi déposée au Sénat par J. Leduc et consorts le 12 octobre (cf. supra, 1.2)  [71] ; ces deux textes s’inspirent de la proposition de loi déposée au Sénat par H. Coveliers le 21 mars 1996 (cf. supra, 0.3). Comme au Sénat, le dépôt quasiment simultané de ces dernières propositions témoigne de l’attention que le VLD porte conjointement

122à l’euthanasie et aux soins palliatifs. Le fait que les mêmes textes soient déposés dans les deux assemblées traduit aussi la volonté du VLD de voir les questions traitées.

1.4. Positionnements dans la société civile

123Dans la société civile, des associations expriment leurs attentes et un sondage fait apparaître celles d’un échantillon important de Belges.

124Signalons d’abord deux démarches concomitantes aux élections fédérales de juin. En mars 1999, l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) et sa consœur néerlandophone, Recht voor Waardig Sterven (RWS), adressent un « Appel aux représentants de la nation » qui, à la mi-mai, aura recueilli 300 signatures  [72]. Ce texte rappelle que « la liberté de choisir l’heure de sa mort est un droit imprescriptible de la personne humaine et qu’à plus forte raison ce droit est acquis au malade incurable qui, à l’approche de la mort, endure des souffrances que lui seul est habilité à juger tolérables ou intolérables ». Il affirme aussi le droit du médecin à accéder en conscience à la demande d’un tel patient et demande que cet acte cesse d’être qualifié d’assassinat, mais soit reconnu pour ce qu’il est : « un geste de compassion, de respect et de solidarité humaine ».

125À l’issue des élections du 13 juin 1999, le CAL adresse un Mémorandum aux gouvernements issus de ce scrutin  [73]. Dans l’annexe 2, il demande « instamment que l’euthanasie et le suicide assisté soient légalement rendus possibles ». Il ajoute : « Cette revendication est dans la logique d’une éthique humaniste et l’exemple des Pays-Bas montre qu’elle est parfaitement compatible avec les fondements d’un État de droit et d’une société démocratique ». Il précise à propos de l’euthanasie : « En restreindre l’application à la phase terminale de la maladie reviendrait à la refuser aux patients atteints d’affections neurologiques gravement invalidantes, source de calvaires interminables »  [74].

126Le 4 octobre, les résultats d’un sondage demandé par La Libre Belgique et réalisé par INRA-Belgium auprès de 2 000 Belges de 18 ans et plus montrent que 78 % des personnes interrogées sont favorables à l’élaboration et à l’adoption d’une loi sur l’euthanasie au Parlement, sans grande différence entre les différentes régions du pays  [75]. Les positions extrêmes recueillent moins d’adhésions : 11 % se prononcent en faveur d’une dépénalisation de l’euthanasie et 9 % pour le maintien de l’interdit pénal. On relève que 77 % des Belges sondés adhèrent à l’une des deux solutions médianes proposées par le Comité consultatif de bioéthique de Belgique (CCB) dans son avis n° 1 (cf. supra, 0.4.1) : 47 % sont favorables à une régularisation a priori, associant à la décision le médecin, l’équipe soignante et un conseiller éthique (proposition 3), en vue d’éviter tout arbitraire ; 30 % se prononcent en faveur d’une décision prise dans le colloque singulier entre le malade et son médecin, et régularisée a posteriori au nom de l’état de nécessité (proposition 2) afin d’éviter une « tribunalisation »  [76] de la décision.

2. La reprise des travaux au Sénat (novembre - décembre 1999)

127En décembre 1997, Roger Lallemand (PS) avait suggéré de confier aux commissions réunies du Sénat, Justice et Affaires sociales, les documents issus des travaux menés dans cette enceinte suite à la présentation de l’avis n° 1 du Comité consultatif de bioéthique de Belgique (CCB). Ces commissions reprennent leurs débats le 10 novembre 1999. Au préalable, elles ont entendu quatre représentants du CCB : Étienne Vermeesch, Yvon Englert, Alfons Van Orschoven et Léon Cassiers qui ont présenté les avis n° 1 et 9 du CCB et la problématique sous-jacente. Après avoir indiqué la composition de ces commissions – désormais dénommées « commissions réunies » –, on verra quel est leur état d’esprit et quelles propositions de loi sont alors déposées, le moment prévu pour l’adoption du texte à soumettre en séance plénière étant fin février. On relatera aussi des prises de position exprimées dans la société civile et dans le monde médical.

2.1. La composition des commissions réunies

128On trouvera ici la liste des sénateurs appartenant aux deux commissions, Justice et Affaires sociales  [77]. Ces personnes sont indiquées par ordre alphabétique au sein de chaque parti. Elles appartiennent souvent aux deux commissions, généralement avec des statuts différents (effectif ou suppléant). Vu la longueur des débats, plusieurs changements s’opèrent en cours de route. Lorsque c’est le cas, les dates des documents parlementaires indiquant leur participation sont signalées. Par contre, quand aucun changement n’a eu lieu, aucune date n’est mentionnée.

129En outre, certains sénateurs se sont joints aux travaux des commissions réunies, sans en être membres. C’est le cas de Patrik Vankrunkelsven, chef de groupe VU–ID  [78].

130VLD :

  • Jean-Marie Dedecker : Affaires sociales, effectif ; Justice, suppléant (1er mars 2000, 30 juin 2000) ;
  • Paul De Grauwe : Affaires sociales, effectif ; Justice, suppléant (1er mars 2000,
    30 juin 2000) ;
  • Jacques Devolder : Affaires sociales, suppléant (30 juin 2000, 16 mars 2001, 21 février 2002) ;
  • André Geens : Justice, suppléant ; Affaires sociales, suppléant (16 mars 2001, 21 février 2002) ;
  • Marie-Paule (Mimi) Kestelijn-Sierens : Affaires sociales, suppléante (1er mars 2000) ;
  • Jeannine Leduc, cheffe de groupe : Justice, suppléante (1er mars 2000) puis effective ; Affaires sociales, suppléante ;
  • Didier Ramoudt : Justice, effectif ; Affaires sociales, suppléant (1er mars 2000, 30 juin 2000) ;
  • Jan Remans : Affaires sociales, effectif ; Justice, suppléant (16 mars 2001, 21 février 2002) ;
  • Martine Taelman : Justice, effective ;
  • Iris Van Riet : Justice, effective (1er mars 2000) puis suppléante ; Affaires sociales, suppléante (1er mars 2000, 30 juin 2000) puis effective (16 mars 2001, 21 février 2002) ;
  • Paul Wille : Justice, suppléant (16 mars 2001, 21 février 2002).

131CVP :

  • Sabine de Béthune : Justice, effective (1er mars 2000, 30 juin 2000) puis suppléante (16 mars 2001, 21 février 2002) ; Affaires sociales, suppléante ;
  • Ludwig Caluwé : Justice, suppléant ;
  • Jean-Luc Dehaene : Justice, suppléant (1er mars 2000, 30 juin 2000) ;
  • Jacques D’Hooghe : Affaires sociales, effectif (16 mars 2001, 21 février 2002) ; Justice, suppléant (16 mars 2001, 21 février 2002) ;
  • Mia De Schamphelaere : Justice, effective ; Affaires sociales, suppléante ;
  • Théo Kelchtermans : Affaires sociales, effectif (1er mars 2000, 30 juin 2000, 16 mars 2001) puis suppléant (21 février 2002) ;
  • Réginald Moreels : Affaires sociales, effectif (1er mars 2000, 30 juin 2000) ; Justice, suppléant (1er mars 2000, 30 juin 2000) ;
  • Jan Steverlynck : Justice, effectif (21 février 2002) ; Affaires sociales, suppléant
    (16 mars 2001) puis effectif (21 février 2002) ;
  • Erika Thijs : Affaires sociales, suppléante (1er mars 2000, 30 juin 2000) ;
  • Ingrid van Kessel : Affaires sociales, effective ; Justice, suppléante ;
  • Hugo Vandenberghe, chef de groupe : Justice, effectif ; Affaires sociales, suppléant.

132PS :

  • Sfia Bouarfa : Affaires sociales, effective (21 février 2002) ; Justice, suppléante
    (21 février 2002) ;
  • Jean Cornil : Affaires sociales, effectif (16 mars 2001, 21 février 2002) ; Justice, suppléant (16 mars 2001, 21 février 2002) ;
  • Mohamed Daïf : Justice, suppléant (1er mars 2000, 30 juin 2000, 16 mars 2001) ;
  • Jean-François Istasse : Justice, effectif ;
  • Marie-José Laloy : Justice, suppléante ; Affaires sociales, suppléante (1er mars 2000, 30 juin 2000, 16 mars 2001) ;
  • Philippe Mahoux, chef de groupe : Justice, effectif ; Affaires sociales, suppléant ;
  • Philippe Moureaux : Justice, suppléant (1er mars 2000, 30 juin 2000) ;
  • Francis Poty : Affaires sociales, effectif (1er mars 2000, 30 juin 2000, 16 mars 2001) puis suppléant (21 février 2002) ;
  • Jacques Santkin : Affaires sociales, effectif (1er mars 2000, 30 juin 2000) ;
  • Ludwig Siquet : Affaires sociales, suppléant.

133Fédération PRL FDF MCC :

  • Philippe Bodson (PRL) : Affaires sociales, suppléant ;
  • Christine Cornet d’Elzius (PRL) : Affaires sociales, suppléante ;
  • Olivier de Clippele (PRL) : Justice, suppléant ;
  • Alain Destexhe (PRL) : Affaires sociales, effectif ;
  • Jean-Pierre Malmendier (PRL) : Affaires sociales, effectif ; Justice, suppléant ;
  • Nathalie de T’Serclaes (MCC) : Justice, effective ;
  • Philippe Monfils (PRL), chef de groupe : Justice, suppléant (1er mars 2000, 30 juin 2000) puis effectif ; Affaires sociales, suppléant ;
  • François Roelants du Vivier (FDF) : Justice, suppléant (16 mars 2001, 21 février 2002) ;
  • Alain Zenner (PRL) : Justice, effectif (1er mars 2000, 30 juin 2000).

134VB :

  • Yves Buysse : Affaires sociales, effectif (16 mars 2001, 21 février 2002) ; Justice, suppléant (16 mars 2001, 21 février 2002) ;
  • Jurgen Ceder : Justice, suppléant ;
  • Frank Creyelman : Affaires sociales, suppléant ;
  • Roeland Raes : Affaires sociales, effectif (1er mars 2000, 30 juin 2000) ; Justice, suppléant (1er mars 2000, 30 juin 2000) ;
  • Gerda Staveaux-Van Steenberge : Justice, effective ; Affaires sociales, suppléante.

135SP :

  • Marcel Colla : Affaires sociales, suppléant ;
  • Kathy Lindekens : Justice, effective (1er mars 2000, 30 juin 2000) ; Affaires sociales, suppléante (1er mars 2000, 30 juin 2000) ;
  • Guy Moens : Justice, suppléant (1er mars 2000, 30 juin 2000, 16 mars 2001) ;
  • Jacques Timmermans : Justice, suppléant (21 février 2002) ;
  • Fatma Pehlivan : Affaires sociales, effective (16 mars 2001, 21 février 2002) ; Justice, suppléante (16 mars 2001, 21 février 2002) ;
  • Myriam Vanlerberghe, cheffe de groupe : Affaires sociales, effective (1er mars 2000, 30 juin 2000) puis suppléante (16 mars 2001, 21 février 2002) ; Justice, suppléante (1er mars 2000, 30 juin 2000) puis effective (16 mars 2001, 21 février 2002).

136Écolo :

  • Josy Dubié : Justice, effectif ;
  • Paul Galand : Affaires sociales, effectif ; Justice, suppléant ;
  • Marc Hordies : Justice, suppléant ; Affaires sociales, suppléant (1er mars 2000, 30 juin 2000, 16 mars 2001) ;
  • Jacky Morael : Affaires sociales, suppléant ;
  • Marie Nagy, cheffe de groupe : Affaires sociales, suppléante (21 février 2002).

137Agalev :

  • Jacinta De Roeck : Justice, suppléante ; Affaires sociales, suppléante ;
  • Meryem Kaçar : Justice, effective ;
  • Frans Lozie, chef de groupe : Justice, suppléant ;
  • Michiel Maertens : Affaires sociales, suppléant ;
  • Johan Malcorps : Affaires sociales, effectif.

138PSC :

  • Michel Barbeaux : Affaires sociales, suppléant (1er mars 2000, 30 juin 2000) puis effectif (16 mars 2001, 21 février 2002) ;
  • Georges Dallemagne : Affaires sociales, suppléant ;
  • Clotilde Nyssens : Justice, effective ;
  • René Thissen, chef de groupe (16 mars 2001, 17 mai 2001)  [79] : Affaires sociales, effectif (1er mars 2000, 30 juin 2000) puis suppléant (16 mars 2001, 21 février 2002) ; Justice, suppléant ;
  • Magdeleine Willame-Boonen, cheffe de groupe (14 juillet 1999, 21 octobre 1999, 20 juin 2000) : Justice, suppléante.

139Il n’est pas sans intérêt de signaler ici que six de ces personnes sont docteurs en médecine : G. Dallemagne, A. Destexhe, P. Galand, P. Mahoux, R. Moreels et J. Remans  [80].

2.2. État d’esprit

140« Nous voulons sortir de l’immobilisme. Le climat est excellent entre majorité et opposition » et « chacun pourra s’exprimer en conscience », déclare à la presse Josy Dubié (Écolo)  [81], co-président avec Theo Kelchtermans (CVP) des commissions réunies de la Justice et des Affaires sociales  [82], au moment de la reprise des débats au Sénat à huis clos. Il ne fixe pas de calendrier, mais annonce « un rythme soutenu » : « Sincèrement je voudrais qu’on en arrive à une bonne loi. (…) [Il faut] sortir de l’hypocrisie et éviter toutes les dérives possibles »  [83].

141Pourtant, dès le 3 novembre 1999, deux positions divergentes s’affirment. Pour Philippe Mahoux, chef de groupe PS, il s’agit « de dépénaliser l’ultime acte d’humanité qu’un praticien peut poser vis-à-vis de son patient, et ce sans interférence d’un tiers, si le malade ne le souhaite pas, pour ne pas “tribunaliser” la décision ». Pour Joëlle Milquet, présidente du PSC, les soins palliatifs préviennent l’euthanasie, qui ne pourrait être admise qu’au nom de l’état de nécessité et sur la base d’une consultation élargie  [84]. On se trouve donc face à deux options qui structureront le débat ultérieur : dépénalisation ou recours à l’état de nécessité ; décision prise en colloque singulier ou « décision assistée » (qualifiée par ses adversaires de « tribunalisation »  [85]) ; soins palliatifs comme choix possible ou comme étape préalable. Simultanément, la liberté de conscience en matière éthique est rappelée tant par la Fédération PRL FDF MCC que par le PS.

142Le 8 novembre, J. Milquet fait part des positions que le PSC a adoptées en assemblée générale « à l’unanimité moins quelques abstentions »  [86]. Son parti veut, dit-elle, contribuer au débat et dépasser le clivage chrétiens/laïques. Les options évoquées quelques jours plus tôt sont précisées. Le PSC veut humaniser la fin de vie en développant les soins palliatifs et en luttant à la fois contre l’acharnement thérapeutique et contre l’abandon thérapeutique. En effet, pour ce parti, les soins palliatifs constituent une « prévention de l’euthanasie à laquelle conduisent l’abandon du malade et l’acharnement thérapeutique » ; de tels soins « font chuter considérablement les demandes d’euthanasie ». Le PSC reconnaît toutefois que « les médecins peuvent rencontrer des situations exceptionnelles (…) où le patient incurable, dont la mort est prévue à brève échéance, est atteint d’une souffrance insupportable que la médecine est impuissante à soigner ». Dans ces situations extrêmes, face à un mourant qui exprime de façon persistante sa volonté d’anticiper la fin de sa vie, le parti estime que le médecin peut apprécier qu’il se trouve dans un « état de nécessité ». Le PSC veut faire usage de cette disposition pour encadrer ces situations dans lesquelles

143il considère que, en aucun cas, le médecin ne peut être laissé seul face à lui-même ; ce dernier est tenu de recueillir l’avis d’un médecin tiers, de l’équipe soignante, des proches du patient et du comité d’éthique de l’hôpital. Le parti s’oppose à toute modification du Code pénal qui autoriserait la pratique de l’euthanasie sous certaines conditions, estimant qu’une telle norme serait « générale et abstraite ». Il prône une modification de l’arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 relatif à l’exercice de l’art de guérir, de l’art infirmier, des professions paramédicales et aux commissions médicales  [87], « pour élargir le débat à l’ensemble des problèmes qu’il englobe : norme juridique, déontologie médicale et droit du patient ». J. Milquet annonce que le PSC déposera une proposition de loi à ce propos dans les jours qui suivent. Afin de favoriser la réflexion, le parti proposera d’organiser des auditions et des débats au Sénat avec des milieux médicaux et paramédicaux avant de légiférer.

144Du côté du CVP, Stefaan De Clerck, candidat à la présidence, déclare que son parti « veut un débat ouvert sur l’euthanasie »  [88]. Le CVP discute en interne et prépare, lui aussi, « un texte qui se rapproche beaucoup – sans concertation préalable – de celui du PSC, à cela près qu’il envisage une loi spécifique (…) et que les vérifications judiciaires a posteriori seront plus exigeantes »  [89].

145Quant à la perspective d’une proposition unique, les milieux sociaux-chrétiens ne s’y montrent pas favorables : elle « politiserait davantage le débat et le cliverait inopportunément entre laïques et confessionnels »  [90].

2.3. Les propositions de loi en présence

146Durant les mois de novembre et de décembre 1999, plusieurs propositions de loi sont déposées. Les premières étaient annoncées, elles émanent des sociaux-chrétiens, francophones (PSC) et néerlandophones (CVP). Les autres créent la surprise, elles émanent de six sénateurs des partis de la majorité qui ont pris l’initiative de synthétiser les propositions de loi qu’ils avaient déposées précédemment (cf. supra, 1.2).

2.3.1. Les propositions de loi sociales-chrétiennes

147Le 16 novembre 1999, Clotilde Nyssens, Magdeleine Willame-Boonen, cheffe de groupe, René Thissen, Georges Dallemagne et Philippe Maystadt (tous PSC), déposent au Sénat une proposition de loi visant à modifier l’arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967  [91]. C’est en effet par l’insertion de plusieurs articles dans cet arrêté royal que la proposition de loi veut envisager la fin de vie dans son ensemble et organiser un encadrement a priori de la décision médicale dans des situations extrêmes. Visant, au nom de la dignité humaine

148et de la protection des plus faibles, la réduction des souffrances du patient en fin de vie et son accompagnement adéquat, elle est axée sur le développement et l’accès équitable aux soins palliatifs (dont elle propose l’intégration dans la définition de l’art de guérir). Elle s’oppose à l’acharnement thérapeutique (c’est-à-dire au fait d’administrer au patient des traitements inutiles ou disproportionnés eu égard à sa pathologie ou au résultat prévisible) ainsi que, inversement, à l’abandon thérapeutique (c’est-à-dire à diverses décisions susceptibles d’être prises par le médecin : interrompre ou ne pas entreprendre un traitement – y compris palliatif – pouvant entraîner des conséquences positives pour le malade). Dès lors, la proposition de loi du PSC prévoit que le médecin et l’équipe soignante envisagent avec le patient en phase terminale une prise en charge palliative. Toutefois, elle vise aussi à encadrer l’euthanasie demandée par un patient en phase terminale « capable et conscient au moment de sa demande » et dont l’état de santé est d’une « exceptionnelle gravité ». Le médecin doit alors s’assurer que la demande du patient est « expresse et sans équivoque », personnelle et déterminée ; il doit aussi établir un lien privilégié avec le patient pour s’entretenir avec lui de cette demande avant et après l’avoir informé de son état de santé et des possibilités existantes d’accompagnement « moral et médical » (dont les soins palliatifs, qui doivent lui être offerts « expressément »).

149Les signataires veulent le maintien de l’interdit de tuer dans le Code pénal, tout en acceptant, dans des situations extrêmes et exceptionnelles (souffrance irréductible et insupportable ressentie par le patient, caractère incurable de sa maladie, pronostic d’un décès à brève échéance), la prise en compte d’un « état de nécessité », qui ne peut d’ailleurs pas être apprécié par le médecin seul. Avant de décider, celui-ci doit consulter un médecin tiers, l’équipe soignante et palliative, éventuellement les proches du patient, et le comité d’éthique local. Sa liberté de conscience est affirmée, mais, en cas de refus de sa part, il doit en informer le patient. Il doit aussi consigner dans le dossier médical « toutes les informations concernant la demande d’euthanasie, les démarches entreprises, les décisions prises, les actes posés, les traitements administrés ainsi que les jour et heure de [son] intervention ». Une procédure a posteriori est également prévue : le médecin doit dresser un rapport établi sur la base du dossier médical et l’envoyer dans les 24 heures à un médecin de référence, qui rédigera un certificat mentionnant la cause du décès à l’attention de l’officier de l’état civil chargé d’établir l’acte de décès. Les auteurs de la proposition de loi engagent à poursuivre la réflexion sur le patient inconscient, soulignent la faiblesse des directives anticipées et proposent de légiférer pour trois ans de façon à pouvoir évaluer l’effet de la législation.

150Le 17 novembre 1999, Hugo Vandenberghe, chef de groupe, Sabine de Bethune, Theo Kelchtermans, Réginald Moreels et Ingrid van Kessel (tous CVP) introduisent une proposition de loi visant à protéger les droits et la dignité de l’homme à l’approche de la mort  [92]. Comme la proposition précédente, ce texte s’attache à la fin de vie dans son ensemble. Il vise à consacrer le droit aux soins palliatifs comme fondamental pour chacun, afin, par là, de « prévenir la demande d’euthanasie »  [93]. Il fixe des conditions d’information et de consentement du patient, ainsi que de consultation de personnes tierces, afin de protéger les patients incurables ou mourants d’actes en principe autorisés (et distingués de l’euthanasie) : « l’interruption ou l’omission d’un acte médical, la cessation progressive d’une thérapie ou une forme médicalement justifiée de lutte contre la douleur ayant pour effet d’abréger la vie ». Il soumet à des conditions particulières l’invocation de l’« état de nécessité » lorsque le médecin agit volontairement en vue de mettre fin à la vie d’un patient à la demande de ce dernier : que cette demande soit « expresse et consciente » et émane du patient lui-même ; que celui-ci se trouve en phase terminale d’une situation médicalement sans issue et que sa douleur soit intolérable et impossible à traiter ; que l’avis d’un médecin spécialisé dans la pathologie du patient et n’appartenant pas à l’équipe soignante soit recueilli ; que des concertations préalables aient lieu avec l’équipe soignante, qui comportera un spécialiste en soins palliatifs, et avec un tiers non-médecin « désigné d’un commun accord avec le patient et figurant sur une liste pluraliste et multidisciplinaire établie par le conseil provincial de l’Ordre des médecins » ; que le patient informé des appréciations du médecin et des résultats de ces concertations préalables réitère sa demande. La proposition garantit le respect de la clause de conscience du médecin. Elle décrit les démarches que le médecin doit accomplir après avoir posé l’acte d’euthanasie ainsi que le contrôle a posteriori qui doit être exercé. Elle maintient l’interdit pénal, et propose des modifications du Code civil concernant la constatation, la déclaration et le contrôle des décès, ainsi que des dispositions pénales.

151Le 22 décembre 1999, C. Nyssens, M. Willame-Boonen et R. Thissen déposent une proposition de loi visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs et fixant le cadre de la pratique des soins palliatifs, en complément de la précédente  [94]. Sans en détailler ici le contenu, qui vise les multiples aspects en jeu dans l’offre et l’organisation d’une pratique étendue des soins palliatifs (formation, dispositions financières, dispositions légales, etc.), signalons quelques aspects qui éclairent les intentions des signataires et qui sont directement en lien avec la problématique de l’euthanasie : « Si une pratique optimale des soins palliatifs ne constitue pas la réponse à toutes les demandes d’euthanasie, elle doit être le préalable obligatoire à toute décision médicale liée à une situation de fin de vie. En effet, la pratique même des soins palliatifs montre l’importance de décoder, par une écoute attentive du patient, ces demandes d’euthanasie, souvent induites par l’isolement et la détresse morale du patient. (…) Il faut réaffirmer haut et fort le statut d’exception que doit conserver une euthanasie éventuelle car c’est la transgression d’un interdit fondamental (…), dont les implications symboliques sont énormes pour la société »  [95].

152Bien que le PSC et le CVP n’aient pas introduit une proposition de loi commune, leurs textes se rejoignent sur divers points, tout particulièrement leur volonté de maintenir l’interdit pénal et leur proposition de n’autoriser l’euthanasie, sous conditions, qu’à titre exceptionnel via la reconnaissance d’un « état de nécessité ». Cependant, leur approche juridique diffère : le PSC veut adapter l’arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 pour y introduire les conditions de l’« état de nécessité », tandis que le CVP opte pour une objectivation de ce dernier dans la loi même. Les deux partis sociaux-chrétiens n’entendent autoriser l’euthanasie que sur des patients incurables en phase terminale et capables d’exprimer leur volonté. Cependant, si le PSC invite à « poursuivre la réflexion sur le patient inconscient », le CVP « prône le maintien pur et simple de l’interdiction légale de provoquer la mort par euthanasie d’un patient incapable – qu’il y ait eu ou non demande préalable ». Les deux partis posent que la décision revient au médecin, qui peut faire valoir la clause de conscience, mais prévoient qu’elle doit être « assistée » par une large consultation, voire une concertation, médicale et éthique préalable ; ils s’inscrivent ainsi dans la ligne de la position 3 de l’avis n° 1 du CCB (cf. supra, 0.4.1). Ils insistent également sur l’information étendue du patient (incluant les résultats de cette concertation) et sur la persistance de sa demande d’euthanasie au terme de cette information. Les deux propositions se rejoignent encore sur divers points : la volonté d’approcher globalement les questions relatives à la fin de vie ; l’accent mis sur la dignité des personnes (plutôt que sur leur autonomie) ; le nécessaire développement des soins palliatifs, vus comme prévention des demandes d’euthanasie.

153Le dépôt de ces deux propositions de loi fait réagir les membres de la majorité. Myriam Vanlerberghe (PS) déclare que « la volonté d’aboutir à un consensus est très forte », mais reconnaît, comme Jeannine Leduc (VLD), que celui-ci sera sans doute difficile

154à atteindre. Pour sa part, Philippe Mahoux (PS) déclare : « On ne pourra pas trouver d’unanimité. Un jour, il faudra trancher… »  [96]

2.3.2. La proposition de loi commune de six sénateurs et leurs deux propositions de loi complémentaires

155La proposition de loi déposée par six sénateurs de la majorité jouera un rôle central dans la discussion ultérieure ; en effet, elle sera la base des débats et c’est par rapport à elle que les amendements seront déposés. On verra d’abord quelles sont les intentions de ses auteurs (2.3.2.1). On examinera ensuite en quoi les propositions déposées antérieurement par des sénateurs de partis de la majorité se prêtaient à l’élaboration d’une proposition commune (2.3.2.2). Après avoir précisé le contenu de cette nouvelle proposition de loi (2.3.2.3), on verra les éléments neufs qu’elle apporte ainsi que ce qui, des propositions antérieures, est abandonné ou laissé en suspens (2.3.2.4). Enfin, on évoquera les deux propositions de loi complémentaires (2.3.2.5).

2.3.2.1. Les intentions des six sénateurs

156Face aux quatre propositions de loi déposées au Sénat par des membres de la majorité en début de législature (cf. supra, 1.2), six parlementaires de la majorité (dont cinq sont chefs de groupe) – Philippe Mahoux (PS), Jeannine Leduc (VLD), Philippe Monfils (PRL), Marie Nagy (Écolo), Myriam Vanlerberghe (SP) et Jacinta De Roeck (Agalev), la seule à ne pas être chef de groupe – prennent l’initiative de synthétiser ces textes dans une proposition de loi relative à l’euthanasie, qu’ils déposent le 20 décembre 1999  [97]. Le Périodique du Sénat de Belgique dénomme ce texte proposition de loi « des six »  [98]. Dans la foulée, pour des raisons de clarté, le présent Courrier hebdomadaire utilisera la même expression pour désigner ce texte et parlera des « six » pour en désigner les six co-auteurs. L’emploi systématique de guillemets rappellera au lecteur que cette expression ne doit pas masquer le fait suivant : si les six co-auteurs se sont certes entendus pour déposer ensemble un texte à la fin de l’année 1999, ils n’ont nullement constitué pour autant un groupe lors de la suite du processus législatif, comme on le verra à de nombreuses reprises.

157Notons que Marie Nagy, cheffe de groupe Écolo, se joint cette fois à la démarche, qui est présentée d’emblée comme « le fruit de la volonté de ses auteurs »  [99]. Cette précision est importante car la proposition sera d’abord et pendant un long moment perçue comme la proposition de la majorité, et elle suscitera à ce titre de vives réactions et un blocage du débat (cf. infra, 2.3.4). Progressivement, il deviendra clair pour tous qu’elle procède d’initiatives individuelles de membres de la majorité, d’où sa dénomination ici de proposition de loi « des six ».

158L’objectif déclaré des signataires est de « s’accorder sur un texte commun, pour faciliter le débat, ouvert et approfondi, qu’ils appellent de leurs vœux »  [100]. On peut aussi présumer deux autres motivations. D’une part, l’appel à l’intime conviction peut faire craindre une dispersion des votes  [101]. D’autre part, face au dépôt des propositions sociales-chrétiennes, les partis de la majorité ont pu vouloir harmoniser leurs positions respectives. En effet, en dépit de leurs différences, les quatre textes qu’ils avaient déposés présentent des convergences qui rendent une synthèse possible (cf. infra, 2.3.2.2). Les sources disponibles ne permettent pas de trancher en faveur de cette dernière hypothèse : en effet, les concertations entre partis, si elles ont eu lieu, n’ont pas fait l’objet de comptes rendus publiés. Signalons toutefois que, dès le 12 novembre, J. Leduc remarquait que, entre les quatre propositions de la majorité, les différences n’étaient pas insurmontables, et elle exprimait la nécessité d’en venir « aussi vite que possible » à un texte commun : « Concrètement, il y aurait trois propositions de loi : l’une à propos de l’euthanasie elle-même, l’autre sur le développement des soins palliatifs (une préoccupation des Verts), et la dernière sur la création d’une commission de contrôle qui suit et évalue la pratique de l’euthanasie (une préoccupation du VLD) »  [102].

2.3.2.2. Des convergences antérieures

159En dépit de leurs différences (cf. supra, 1.2), les quatre propositions de loi déposées par des sénateurs de partis de la majorité en début de législature présentent de nombreux traits communs. Elles visent toutes à dépénaliser l’euthanasie sous conditions, en introduisant dans le Code pénal une exception à l’interdit de tuer. Elles concernent toutes les patients majeurs capables, seule la proposition de P. Monfils exclut les mineurs émancipés. Elles concernent toutes les patients incurables, deux d’entre elles précisant que ceux-ci doivent être en phase terminale et que leur décès doit être proche (PRL et VLD). Elles requièrent toutes une demande initiale du patient, qui doit être confirmée (certaines propositions précisant « en présence de témoins ») et in fine être actée par écrit. Elles privilégient toutes les relations entre le patient et son médecin, ce dernier étant cependant tenu, avant de pratiquer l’euthanasie, de consulter au moins un confrère à propos de l’état du patient. Sous des appellations diverses (« déclaration anticipée » pour le PS et le SP, « déclaration de volonté relative au traitement » pour Agalev, « testament de vie » pour le VLD), trois d’entre elles prévoient une déclaration préalable à une situation d’inconscience et comportant une demande d’euthanasie ; la valeur juridique d’un tel document a été admise entre-temps par le signataire de la proposition PRL  [103]. Les quatre propositions déposées antérieurement posent toutes le respect de la clause de conscience pour le médecin. Elles prévoient toutes, quoiqu’en termes différents, une procédure a posteriori. Rappelons que la proposition du VLD prévoit aussi l’existence d’une commission d’évaluation, dont elle définit la composition, les missions et le mode de fonctionnement, ainsi que les informations à transmettre par le médecin qui a pratiqué une euthanasie.

2.3.2.3. Le contenu de la proposition de loi des six sénateurs

160Compte tenu de ces ressemblances, en quoi consiste la synthèse opérée dans la proposition de loi « des six » ? Il convient d’en détailler ici le contenu, dans la mesure où, comme déjà indiqué, ce texte sera la base des discussions ultérieures.

161Ses auteurs soulignent d’abord l’écart entre les faits (« des euthanasies sont pratiquées quotidiennement dans notre pays ») et la loi pénale qui qualifie ces actes de « meurtre » : cet écart « entame l’autorité de la loi ». Selon eux, la notion d’état de nécessité, à laquelle le juge peut recourir afin de ne pas condamner le médecin qui aurait pratiqué une euthanasie, est « subjective » et « s’applique au cas par cas », entraînant une insécurité juridique avec ses conséquences négatives : des pratiques semi-clandestines impossibles à contrôler socialement, des difficultés supplémentaires pour la tenue d’un dialogue approfondi entre le patient et son médecin. Des problèmes pratiques sont aussi signalés : des demandes d’euthanasie laissées sans réponse par crainte des médecins d’être poursuivis ; des euthanasies pratiquées « sans le consentement éclairé de patients conscients » ; l’impossibilité actuelle pour le patient de formuler anticipativement une demande d’euthanasie (or, d’après des études néerlandaises, le fait de pouvoir formuler une telle demande permet au patient « d’accepter plus sereinement une prise en charge palliative »). Par cette proposition de loi, les auteurs visent les objectifs suivants : assurer le respect de l’autonomie des patients incurables et celui de leur demande d’euthanasie ; protéger le patient atteint d’une maladie grave et incurable en imposant des critères précis pour l’intervention du médecin et assurer ainsi la sécurité juridique de ce dernier ; permettre une meilleure appréhension de la situation réelle par une évaluation des pratiques ; clarifier la portée de la loi pénale.

162Le premier objectif s’exprime clairement dans l’article 2, qui reprend la définition de l’euthanasie retenue par le CCB dans son avis n° 1 : « acte, pratiqué par un tiers, qui met intentionnellement fin à la vie d’une personne à la demande de celle-ci »  [104].

163Les articles 3 et 4 précisent les conditions auxquelles le médecin doit satisfaire, ce qui constitue le deuxième objectif des signataires de la proposition de loi. Deux situations sont envisagées, qui ne concernent que les patients juridiquement capables, majeurs ou mineurs émancipés, et atteints d’une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable. D’une part, le patient conscient, qui demande au médecin, « de manière expresse, non équivoque, mûrement réfléchie, répétée et persistante », de mettre fin à la souffrance ou à la détresse constante, insupportable et inapaisable qu’il vit, en pratiquant sur lui une euthanasie. D’autre part, le patient qui, alors qu’il était encore conscient, a fait part de sa volonté qu’un médecin interrompe sa vie (« déclaration anticipée ») s’il devient irréversiblement inconscient. Dans ces deux situations, le médecin ne commettrait pas de crime ou de délit en pratiquant l’euthanasie s’il respecte les conditions et procédures imposées par la (future) loi. La proposition ne règle donc ni la situation des patients incapables juridiquement (mineurs d’âge ou personnes souffrant de troubles mentaux), ni celle des patients inconscients qui n’ont pas fait de déclaration anticipée.

164Concernant le patient conscient, quatre conditions préalables sont imposées au médecin. Primo, informer « complètement » le patient de son état de santé et des différentes possibilités de prise en charge palliative, avec leurs conséquences. Secundo, consulter un autre médecin, indépendant de lui-même comme du patient et compétent dans la pathologie concernée, sur le caractère incurable de celle-ci « en précisant les raisons de la consultation ». Tertio, « s’assurer de la persistance de la souffrance ou de la détresse du patient et de sa volonté réitérée » en menant avec lui « plusieurs entretiens, espacés d’un délai raisonnable au regard de l’évolution de [son] état ». Quarto, « s’assurer que le patient a pu s’entretenir de sa requête avec toutes les personnes qu’il souhaitait rencontrer », notamment les membres de l’équipe soignante avec lesquels il est en contact régulier, et, à la demande du patient, s’entretenir de la requête de celui-ci avec ses proches ainsi qu’avec les membres de l’équipe soignante.

165Cinq autres précisions sont données qui visent à organiser un système de déclaration anticipée pour les patients qui souhaitent que leur volonté soit connue au cas où ils ne pourraient plus la manifester. Ce document exprimerait leurs préférences ou leurs objections pour certains types de prise en charge médicale ainsi que leur demande d’euthanasie en cas d’inconscience irréversible. Il doit ainsi : désigner un ou plusieurs mandataires (à l’exclusion du médecin traitant du patient et des membres de l’équipe soignante), « classés par ordre de préférence, qui seront garants de la volonté du patient » ; être dressé par écrit en présence de deux témoins majeurs, dont l’un n’a pas de lien de parenté avec le déclarant, être daté et signé par celui-ci, les témoins et le ou les mandataires ; si le déclarant n’est pas en état de signer, ce doit être constaté et justifié ; si cette incapacité est temporaire, la signature est requise dès que le déclarant en aurait à nouveau la capacité ; la déclaration anticipée doit avoir été établie ou confirmée moins de cinq ans avant le début de l’impossibilité du patient de manifester sa volonté, et elle peut être révoquée « par tout moyen et à tout moment » ; enfin, la présentation et la conservation des déclarations ainsi que leur communication aux médecins seront organisées par le Roi (c’est-à-dire par le gouvernement fédéral).

166Le médecin ayant pratiqué une euthanasie devra accomplir une procédure a posteriori, définie à l’article 5 : déclarer l’euthanasie sans délai à l’officier de l’état civil du lieu du décès du patient, ainsi qu’au procureur du Roi. Celui-ci sera informé en outre des nom, prénoms, domicile, lieu et date de naissance de la personne décédée ; de l’affection dont souffrait le patient ; de la procédure suivie par le médecin pour réaliser l’euthanasie ; de l’identité des personnes consultées par le médecin et des dates de ces consultations ; de la date et l’heure du décès. À la demande du procureur du Roi, le médecin devra lui communiquer des éléments du dossier du patient relatifs à l’euthanasie. Il sera aussi tenu de transmettre à une commission fédérale d’évaluation de l’application de la future loi (objet d’une proposition de loi conjointe : cf. infra, 2.3.2.5) le document d’enregistrement établi par celle-ci et dûment complété.

167Deux dispositions particulières sont également prévues. D’une part, l’article 6 pose que nul n’est tenu de concourir à une euthanasie. Le médecin sollicité qui refuse doit « en temps utile » expliquer au patient les raisons de ce refus si elles sont médicales ; ces dernières doivent être consignées dans le dossier du patient. Le médecin est en outre tenu, « à la demande du patient ou de son mandataire, de communiquer le dossier médical du patient au médecin désigné par ce dernier ou par le mandataire ». D’autre part, l’article 7 pose que la mort par euthanasie est réputée « mort naturelle » pour l’exécution des contrats auxquels le patient était partie, particulièrement les contrats d’assurance.

168Les articles suivants portent sur les modifications à introduire dans le Code pénal et le Code civil. Dans le Code pénal, il s’agirait de procéder à l’insertion d’un article 417bis ainsi libellé : « Il n’y a ni crime ni délit lorsque les faits visés aux articles 393 à 397 ont été commis par un médecin, et commandés par la nécessité de mettre fin à la souffrance ou à l’état de détresse, constant, insupportable, et inapaisable, d’un patient atteint d’une affection incurable, pour autant que le médecin ait respecté les conditions et procédures énoncées dans la loi du ... relative à l’euthanasie ». Par ailleurs, les textes suivants viendraient compléter respectivement les articles 77 et 79 du Code civil : « En cas de décès survenu à l’intervention d’un médecin, conformément aux dispositions de la loi du ... relative à l’euthanasie, l’autorisation d’inhumer est soumise à l’accord préalable du procureur du Roi. Faute d’accord, il est procédé conformément aux articles 81 et 82 » et « En cas de décès survenu à l’intervention d’un médecin, conformément aux dispositions de la loi du ... relative à l’euthanasie, l’acte énonce la cause du décès. La déclaration du médecin est conservée dans un registre spécial ».

169Cette proposition contient deux aspects dont la dimension symbolique est forte : autoriser l’euthanasie pour des patients incurables, même s’ils ne sont pas en phase terminale, et prévoir une modification du Code pénal. Elle rejoint ainsi la proposition 1 de l’avis n° 1 du CCB, favorable à une modification législative. Cependant, par les dispositions qu’elle prévoit, elle rejoint aussi la proposition 2 de cet avis, qui soutenait une régulation procédurale a posteriori de l’euthanasie décidée en colloque singulier (cf. supra, 0.4.1).

2.3.2.4. Nouveautés et éléments non repris

170La proposition « des six » reprend certes la structure générale de la proposition Lallemand-Erdman déposée une première fois le 2 février 1999 et redéposée par P. Mahoux et M. Vanlerberghe le 14 juillet 1999. Elle n’en est pas pour autant l’exacte réplique, comme cela fut parfois indiqué  [105]. En effet, des précisions nouvelles et importantes y sont insérées. Elles concernent la demande du patient, qui est désormais abondamment caractérisée, et l’on discerne là la synthèse d’exigences présentes dans les trois autres propositions initiales ; la transmission au patient de l’avis du deuxième médecin consulté, et l’indépendance de ce dernier à l’égard du patient et du médecin ainsi que sa compétence dans la pathologie concernée ; l’obligation pour le médecin de s’assurer que le patient a pu s’entretenir de sa demande avec ceux qu’il souhaitait rencontrer, ce qui développe une exigence déjà présente dans la proposition de P. Monfils ; à propos de la déclaration anticipée, la désignation par ordre de préférence des mandataires (et non plus d’un unique mandataire) ; la durée de validité limitée de la déclaration, à moins qu’elle ne soit confirmée en temps opportun.

171Il reste toutefois que des divergences importantes ont été gommées. La proposition « des six » s’applique aux malades incurables ; elle supprime donc la condition de la phase terminale qui était présente dans les propositions du PRL et du VLD. Signalons cependant que, déjà le 7 novembre, P. Monfils se demandait si l’on ne pourrait pas « engager l’euthanasie avant la phase terminale d’une maladie, dans des cas d’affections incurables, par exemple des tétraplégies »  [106]. La proposition « des six » prévoit aussi l’euthanasie dans le cas des patients inconscients et des mineurs émancipés, alors que la proposition PRL excluait les premiers et se limitait aux patients majeurs. Toutefois, rappelons-nous que, dès le 10 novembre, P. Monfils s’est dit ouvert à un système de déclaration anticipée, régulièrement confirmée par son auteur, alors qu’il s’y était toujours opposé  [107]. Enfin, l’autorisation du suicide médicalement assisté, présente dans les propositions VLD et Agalev, et l’interdiction de l’euthanasie pour la patiente enceinte et porteuse d’un enfant viable, présente dans les propositions PS-SP et VLD, disparaissent également.

2.3.2.5. Deux propositions de loi complémentaires

172Il importe de souligner que la proposition « des six » n’est pas dissociable des deux propositions complémentaires qui sont déposées simultanément par les mêmes signataires  [108].

173La première de ces propositions vise à créer une commission fédérale d’évaluation de l’application de la future loi relative à l’euthanasie, ce qui est une préoccupation du VLD. Elle s’inscrit dans la foulée de la proposition de loi relative à l’euthanasie, déposée par J. Leduc et consorts le 12 octobre 1999 ; celle-ci en définissait la structure et prévoyait que les médecins ayant pratiqué une euthanasie lui transmettent un rapport sur cet acte à des fins de contrôle (cf. supra, 1.2). Que dit la nouvelle proposition de loi ? Elle charge cette commission, qui établit son règlement d’ordre intérieur, d’une double mission. D’une part, établir un document d’enregistrement qui devra être complété par le médecin endéans les 4 mois, tout en garantissant l’anonymat des personnes ayant participé à l’acte euthanasique (article 3) (cf. infra, 6.3.2.1). D’autre part, établir tous les deux ans, à l’intention des Chambres législatives, un rapport statistique sur la base des documents d’enregistrement, un rapport décrivant et évaluant l’application de la loi, et « le cas échéant, des recommandations susceptibles de déboucher sur une initiative législative et/ou sur d’autres mesures concernant l’exécution de la loi relative à l’euthanasie » (article 2, § 3). Cette commission compterait 16 membres  [109], choisis selon leurs compétences et expériences et nommés pour un terme renouvelable de quatre ans sur proposition du Sénat et par arrêté royal délibéré en Conseil des ministres. Ses membres ne pourraient ni être des parlementaires, ni participer à un des gouvernements du pays. La parité linguistique, la représentation hommes-femmes et le pluralisme idéologique devraient être respectés (article 2, § 2). Les membres seraient soumis à une obligation de confidentialité (article 6).

174La seconde proposition de loi concerne les soins palliatifs. Elle pose le droit de tout patient incurable à de tels soins « à domicile, en maison de repos, en maison de repos et de soins ou à l’hôpital » (article 2), en même temps qu’elle indique les mesures à prendre pour atteindre cet objectif (articles 3 à 5). Elle vise à assurer le droit de tout patient à « une information correcte et complète de son état de santé », communiquée par le médecin traitant en des termes appropriés à la situation du malade (article 6). Elle prévoit des modifications à l’arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 : la dimension palliative serait introduite dans la définition de l’art de guérir donnée à l’article 1er, et un chapitre Ierquater serait inséré, qui comporterait une définition des soins palliatifs et qui poserait le droit du patient à l’information, tel que défini à l’article 6 (article 8).

175Selon les « six », deux idées essentielles doivent soutenir le débat. D’une part, « l’euthanasie n’est concevable que dans une société qui à la fois respecte l’autonomie des individus, et s’organise pour protéger de la même manière la vie de chaque individu, quelle que soit sa condition économique, sociale, son âge, son état de santé. Le refus de soigner pour des raisons économiques, entre autres, doit être d’autant plus combattu que l’euthanasie ou l’acte intentionnel posé à la demande volontaire et persévérante de l’intéressé devient possible ». D’autre part, « l’accès aux soins palliatifs doit être garanti à tous ; (…) les soins palliatifs et l’euthanasie relèvent d’un même objectif : assurer au patient incurable une fin de la vie digne. Soins palliatifs et euthanasie (…) constituent deux possibilités complémentaires pour faire face à la réalité de la souffrance et de la détresse, à la perte de dignité et d’autonomie »  [110].

2.3.3. Convergences et divergences au sein des commissions réunies

176La volonté de tous de progresser vers une législation qui encadre l’euthanasie est manifeste, et des points d’accord entre majorité et opposition existent : l’importance de soins palliatifs de qualité et la nécessité de rendre leur accès possible à tous, la liberté de conscience des médecins. Cependant, les divergences d’approche demeurent importantes.

177Les partis sociaux-chrétiens (PSC et CVP) envisagent la fin de vie dans son ensemble : ils visent à rendre légalement obligatoires des procédures encadrant les décisions médicales les plus importantes en fin de vie (notamment l’arrêt ou la non-initiation de traitement). Ils mettent prioritairement l’accent sur les soins palliatifs, qui constituent non seulement « un accompagnement indispensable » et une prévention des demandes d’euthanasie, mais plus fondamentalement un droit pour tous. L’euthanasie ne serait exceptionnellement admise, au nom de l’état de nécessité, que pour les patients conscients en phase terminale d’une pathologie incurable et dont la souffrance est insupportable et intraitable. La décision du médecin doit être précédée par de nombreuses consultations et concertations, médicales et éthiques. Celles-ci sont obligatoires en tant qu’assistance à la décision, mais les avis recueillis ne sont pas contraignants. Le Code pénal ne serait pas modifié.

178Par contre, les « six » visent à encadrer l’euthanasie (et non l’ensemble des actes possibles en fin de vie). Soins palliatifs et euthanasie sont proposés comme complémentaires. L’euthanasie est admise sous conditions pour des patients incurables, mais non nécessairement en phase terminale, vivant une souffrance constante, insupportable et inapaisable. Une directive anticipée pour les situations d’inconscience irréversible est prévue. La décision est prise dans le colloque singulier entre le patient et son médecin, même si celui-ci est tenu de consulter un confrère quant à la situation médicale du patient et de s’entretenir, à la demande du patient, avec les proches de celui-ci et l’équipe soignante. Le Code pénal serait modifié pour prendre en compte les critères d’admissibilité de l’euthanasie.

179Le Sénat se trouve donc en définitive devant deux grandes options : dépénaliser l’euthanasie sous conditions, ou maintenir l’interdit pénal et se référer à l’état de nécessité pour justifier les cas exceptionnels d’euthanasie. Sur cette divergence fondamentale, s’en greffent d’autres : deux conceptions du champ d’application de la future loi, l’une plus étendue, et l’autre plus restrictive ; deux conceptions du processus de prise de décision, dans le colloque singulier versus dans une procédure assistée. Ceci constitue, « sans préjudice de futurs positionnements individuels, un retour au traditionnel clivage entre majorité et opposition »  [111].

2.3.4. Blocage du débat parlementaire

180Face au dépôt de la proposition de loi « des six », perçue comme « proposition de la majorité », l’opposition sociale-chrétienne manifeste clairement son désappointement, en estimant le débat court-circuité  [112]. H. Vandenberghe et C. Nyssens considèrent, chacun à leur manière, que « les jeux sont faits », qu’« il n’y a pas eu de véritable débat parlementaire sur le sujet » et que leurs propositions respectives n’ont pas été prises en considération. C. Nyssens regrette ainsi de ne pas avoir entendu, « par exemple, (…) les sénateurs Écolo exprimer leurs positions ». Le président du CVP, S. De Clerck, dit son parti « surpris » et « déçu » par le manque de transparence des parlementaires de la majorité qui ont conclu « des accords secrets ». C’est aussi ce que déplore la présidente du PSC, J. Milquet, qui dénonce une initiative « très politique, voire idéologique » : selon elle, on a « créé de facto un bloc chrétien, là où nous voulions l’éviter », et ranimé ainsi les « vieux clivages majorité/opposition ». Des critiques plus précises sont également formulées par les partis sociaux-chrétiens à l’égard de la proposition de loi « des six » : dépénaliser l’euthanasie, c’est la banaliser et la réduire à une « simple intervention médicale », déclare H. Vandenberghe ; un seul texte s’imposait pour approcher le problème global de l’euthanasie, or on l’a fragmenté par le dépôt de trois textes, déplore le PSC. De même, le calendrier « imposé par la majorité » est jugé précipité : « On devrait absolument voter le premier texte à la fin de février », s’indigne C. Nyssens. Elle ajoute : « Mais au nom de quoi y a-t-il urgence ? »

181Du côté de la majorité, P. Monfils et J. De Roeck se déclarent opposés à la dualisation du débat entre laïques et catholiques. Pour P. Monfils, la proposition « des six » veut éviter un enlisement du débat. P. Mahoux prévient : des amendements sont possibles, « mais il ne faudrait pas que des principes irréductibles soient modifiés ». Si amendements il y a, ils devront être acceptés par les « six », ajoute P. Monfils. Selon M. Nagy, l’essentiel n’est pas là : « L’euthanasie correspond à une vraie demande dans une société vieillissante. Il s’agit de sortir de l’ambiguïté juridique actuelle ». Pourtant, certains membres de la majorité expriment des réticences : « Je préférerais avancer moins vite mais sur une base plus consensuelle », confie à la presse un PRL « qui compte ». C’est aussi l’avis de N. de T’Serclaes : « Si l’on prend au sérieux la liberté de conscience de chaque parlementaire, il faut prendre le temps d’un débat approfondi sur les différentes propositions, pour que chacun puisse se prononcer en connaissance de cause »  [113].

2.4. Prises de position dans la société civile et dans le monde médical

182La reprise des travaux au Sénat et le dépôt des propositions de loi suscitent, au cours des mois de novembre et décembre 1999, de nombreuses prises de positions exprimant le point de vue tantôt de personnes, tantôt d’associations. Toutes ces prises de position montrent à quel point la société civile et les médecins se sentent concernés par les questions relatives à la fin de vie et par le débat en cours. Les uns demandent instamment une dépénalisation ; d’autres y sont fermement opposés, beaucoup ne refusant toutefois pas le débat parlementaire et une clarification législative. Cette diversité au sein de la société civile ne coïncide pas purement et simplement avec le clivage traditionnel chrétiens/laïques, qui semble pour partie relativisé.

2.4.1. En novembre

183Le 7 novembre 1999, lors de l’émission télévisée « Mise au point » de la Radio-télévision belge de la Communauté française (RTBF)  [114], le médecin généraliste Pierre Drielsma déclare avoir aidé des patients à mourir et en avoir ressenti de la « tristesse » mais aussi le « sentiment du devoir accompli », tandis que le juriste Xavier Dijon (FUNDP) affirme pour sa part que « la décision de pratiquer une euthanasie n’est pas éthique ». Le sénateur Josy Dubié (Écolo) rappelle l’attente de la population, selon les résultats du sondage de La Libre Belgique, tandis que la médecin Marie Frings (travaillant dans une unité de soins palliatifs) attribue ces résultats au manque de clarté du concept d’euthanasie et que le médecin Nathan Clumeck (Hôpital Saint-Pierre de Bruxelles et ULB) attire l’attention sur les dérives possibles. Pour sa part, Roger Lallemand (ancien sénateur PS et co-auteur d’une proposition de loi en la matière déposée en février 1999 : cf. supra, 0.5) insiste sur la « demande répétée, insistante et lucide » du patient. À l’inverse, l’autonomie de celui-ci est relativisée par la sénatrice Clotilde Nyssens (PSC), qui souhaite que la loi définisse l’« état de nécessité », notion que X. Dijon considère par ailleurs « corrompue »  [115]. Si C. Nyssens estime qu’« il faut légiférer dans les cas extrêmes », le sénateur Philippe Monfils (PRL) demande si l’euthanasie ne pourrait être envisagée avant la phase terminale d’une maladie, dans le cas d’affections incurables, par exemple de paraplégies. Cette question engage un vif échange de propos sur la désespérance contre laquelle le médecin se doit de lutter, selon R. Lallemand, mais qui, selon N. Clumeck, « serait la porte ouverte à toutes les interprétations » et demanderait « “une période probatoire” pour évaluer un état de nécessité ».

184Le 10 novembre, la juriste Jacqueline Herremans, présidente de l’ADMD, et le psychiatre Léon Cassiers (UCL), vice-président du Comité consultatif de bioéthique de Belgique (CCB), sont interrogés dans la presse  [116]. Ils partagent plusieurs positions communes, malgré des accentuations différentes. L’un et l’autre estiment en effet qu’il faut réglementer l’euthanasie, mais L. Cassiers se dit opposé à une dépénalisation. L’un et l’autre reconnaissent aussi que toute douleur n’est pas contrôlable ou apaisable. Dans la foulée, J. Herremans critique la pratique généralement acceptée de la sédation terminale, dans laquelle elle voit une mise en œuvre « hypocrite » de l’euthanasie, tandis que L. Cassiers considère que l’euthanasie doit rester une « exception » justifiée « par la tenue d’un dossier irréprochable et les nombreuses discussions avec l’équipe, la famille et le patient », même si « la décision revient toujours au médecin », qui assume la « responsabilité finale ».

185J. Herremans critique pour sa part la « tribunalisation » de la décision. Elle rappelle que les quatre propositions de loi déposées précédemment plaçaient toutes la demande du patient en leur centre.

186Ce même jour, N. Clumeck déclare dans la presse souhaiter une loi qui permette de « rencontrer le plus large éventail de situations [et] (…) soit assez précise pour réduire au maximum les risques d’interprétations subjectives », mais avec une période probatoire  [117]. Acceptant l’euthanasie – « quand rien, je dis bien rien, ne permet de soulager la douleur : nous sommes alors face à un état de nécessité et il serait inhumain de s’acharner » –,

187il souligne aussi la nécessaire réflexion sur la question : quelle position la Belgique veut-elle adopter face à la souffrance ?

188Dans la foulée de cette question, le juriste Étienne Montero (FUNDP) – qui rejette la perspective d’une légalisation de l’euthanasie – estime que le soulagement de toute douleur est possible en principe, mais que la maîtrise des moyens est insuffisante. Par ailleurs, il craint une évolution de la compréhension de la dignité, laquelle d’ontologique deviendrait subjective par son identification à l’autonomie  [118].

189Pour sa part, le médecin intensiviste Jean-Louis Vincent (Hôpital Érasme, ULB), souligne : « Notre ennemi, c’est la douleur, la souffrance »  [119]. Il évoque une enquête ouest-européenne récente menée auprès de médecins intensivistes : « 40 % déclarent pratiquer régulièrement des euthanasies. Et 100 % reconnaissent devoir arrêter un respirateur »  [120].

190Il ajoute : « Sur ce point, je suis formel : il ne s’agit pas d’un meurtre [mais de] combattre le mal-être des patients (…) en accord avec l’éthique et, bien entendu, les personnes directement concernées ». Favorable à une clarification législative, il est toutefois opposé à la mise en place d’un comité de médecins destiné à se prononcer avant chaque euthanasie car cette démarche bureaucratiserait la mort. Il estime également que le débat doit être élargi « en abordant globalement la fin de vie. Y compris celle des personnes agonisantes ». En effet, les personnes malades en mesure d’exprimer leur opinion ne constituent pas « la majorité des cas que nous rencontrons ».

191Le 19 novembre, un dossier « euthanasie » est publié dans le magazine Le Vif/l’Express. Dans son éditorial, « Choisir sa mort », Stéphane Renard souligne l’actuelle évolution des mœurs dans un contexte de recul des interdits religieux : les questions relatives à la fin de vie, dont l’euthanasie, préoccupent un nombre croissant de citoyens attentifs à la dignité humaine et à la maîtrise de leur destinée, y compris au sein du monde chrétien. Il souligne aussi la diversité philosophique de la majorité actuelle, qui compte dans ses rangs bon nombre de chrétiens. Enfin, il estime nécessaire de « soulager les médecins qui acceptent l’euthanasie d’une partie de l’énorme charge affective que celle-ci représente toujours ». En conséquence, il plaide pour une révision de la législation, qui préserve la relation entre le patient et son médecin et qui prévoie la prise en compte d’un « testament de vie », sans instaurer pour autant un « droit automatique à l’euthanasie pour le patient, et encore moins une obligation pour le médecin », et sans omettre de veiller au nécessaire développement des soins palliatifs.

192Partant de la définition de l’euthanasie comme « homicide volontaire commis avec préméditation », l’avocat Bruno Dayez examine, du point de vue du droit, les deux questions que soulève cet acte : « Un meurtre commis par pitié n’est-il pas excusable ? À plus forte raison s’il a été exécuté sur la requête expresse du malade ? » Par rapport à la première question, il montre que la loi pénale formule un ensemble de normes générales, le juge étant appelé à trancher les cas particuliers. S’en remettre à lui semble à B. Dayez « une solution beaucoup plus praticable » qu’une dépénalisation de l’euthanasie. Par rapport à la deuxième question, il rappelle que le législateur fait de la vie humaine « un bien indisponible » : l’individu n’en possède donc pas la maîtrise, la vie est protégée par la loi pénale « en tant que valeur sociale ». Une dépénalisation de l’euthanasie entraînerait des « risques en cascade », notamment celui de « voir se multiplier brusquement des assassins prétendument animés par la seule compassion » et celui de « subordonner la valeur de l’existence humaine à des critères qualitatifs ».

193Pour sa part, le médecin Marc Englert indique combien l’adoption d’une pratique palliative constitue une « conversion » pour les médecins, dont la mission habituelle est de lutter contre la maladie. Il souligne que les soins palliatifs « même idéaux » ne peuvent venir à bout de toutes les situations de souffrance. Il montre aussi que, bien que l’euthanasie soit juridiquement qualifiée d’homicide volontaire avec préméditation, des décisions médicales d’interrompre la vie se prennent quotidiennement en Belgique « avec l’approbation d’ailleurs des éthiciens de toutes tendances ». Or l’interdit de l’euthanasie pèse lourdement sur les médecins et sur leur relation avec leurs patients. Dès lors, M. Englert plaide pour une dépénalisation conditionnelle de l’euthanasie, tout en soulignant les divergences présentes dans les propositions de loi quant aux modalités de la prise de décision et au stade de la maladie  [121].

194Des associations s’expriment également.

195Le 19 novembre, le Conseil central laïque (CCL) fait connaître sa position  [122] : il demande aux parlementaires de légiférer dans le sens d’une dépénalisation de l’euthanasie pour les « personnes atteintes d’une maladie incurable, qui en font la demande non équivoque, dont l’état ne peut plus être amélioré et dont la souffrance ne peut être soulagée par les moyens médicaux existants ». Il précise : « En restreindre l’application à la phase terminale de la maladie reviendrait à la refuser aux patients atteints d’affections neurologiques gravement invalidantes, source de calvaires interminables ». La décision devrait être prise « dans un libre dialogue entre le malade et son médecin, qui peut recueillir les avis qu’il estime utiles ». Toutefois, « le respect de la décision de la personne malade est fondamental ». Le CCL refuse la situation où « la décision serait prise par un collège comportant des tiers extérieurs à cette relation ». Pour lui, cette option « ne peut s’envisager que dans l’hypothèse où la volonté d’un patient inconscient ne serait pas connue ». Pour les malades irrémédiablement incapables d’exprimer leur volonté, le CCL demande « l’institutionnalisation de ce que l’on appelle communément testament de vie ou directive anticipée », document qui pourrait être reconfirmé régulièrement.

196Le même jour, le président de l’Union chrétienne des pensionnés (UCP, actuelle Énéo), Jean Hallet, exprime les attentes de son association  [123] : outre une information claire sur la situation du malade, des soins palliatifs bien organisés et accessibles à tous ; le refus de l’acharnement thérapeutique, mais le soulagement de la souffrance terminale même s’il réduit « un peu » le temps de vie ; le respect et la protection des aînés les plus vulnérables. Il indique aussi que la moitié des 80 % de Belges favorables à l’euthanasie souhaite une consultation collégiale. Il appelle enfin les parlementaires « tous partis confondus » à dépasser les « blocages doctrinaux ». Quelques mois plus tard, tout en se redisant en faveur des soins palliatifs et d’une consultation élargie, l’UCP précise sa position : elle est favorable à une législation, mais pas à une dépénalisation  [124].

197Au cours du mois de novembre, le Conseil interdiocésain des laïcs (CIL) réaffirme les positions exprimées en décembre 1998 : « Le CIL estime que le législateur doit à la fois maintenir l’interdit légal de l’euthanasie et faire en sorte que l’introduction de la notion d’état de nécessité permette de rencontrer les cas extrêmes et d’avancer pour ceux-ci vers une pratique plus claire tenant compte de la conscience et de la liberté de chacun. En tout état de cause, le CIL souhaite souligner les points suivants : le devoir qu’a la société de considérer les malades en fin de vie, même inconscients, comme des personnes, et qu’à ce titre, ils sont dignes de tous les soins indépendamment de toute autre considération, notamment d’ordre économique ; la nécessité absolue de critères restrictifs à imposer à l’acte d’euthanasie notamment par l’avis rendu a priori par une équipe médicale ».

198Le CIL s’oppose au testament de vie car, à son estime, un individu bien portant ne peut clairement prédire quels seront ses exigences et sentiments futurs. Enfin, il craint qu’une dépénalisation de l’euthanasie ne fragilise le système des soins palliatifs  [125].

2.4.2. En décembre

199Durant le mois de décembre 1999, avec le dépôt de la proposition de loi « des six », qui contraste fortement avec les propositions de loi sociales-chrétiennes, le cadre a été planté au Sénat. Cette situation suscite évidemment beaucoup de prises de position qui, à nouveau, sont très contrastées. Elles viennent de la société civile et du monde médical. Un acteur nouveau apparaît ainsi dans le débat : les associations médicales. C’est pourquoi société civile et monde médical seront ici distingués.

2.4.2.1. Dans la société civile

200Le 10 décembre, la Ligue des droits de l’homme (LDH) prend position  [126] en rappelant « le seuil minimum » que dicte, selon elle, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH, communément appelée Convention européenne des droits de l’homme)  [127]. Primo, le respect du droit à la vie, inscrit à l’article 2 de la CEDH, impose à l’État une obligation de protéger les citoyens contre les atteintes portées par autrui à leur vie. Mais cet article n’implique pas pour les personnes un devoir de vivre, pas plus qu’un droit de renonciation à la vie : en effet, le pouvoir sur sa propre vie sort du champ social et relationnel inhérent à la CEDH. Secundo, l’interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants (article 3) impose à l’État de veiller autant que possible à contrôler ou limiter l’acharnement thérapeutique et à donner un accès libre et égal aux soins palliatifs. Tertio, le droit au respect de la vie privée et familiale (article 8) comprend, « selon une conception actuellement croissante de la doctrine », le droit à l’autodétermination, « ce qui pourrait s’étendre au droit à disposer de sa vie ». Deux situations sont distinguées. D’une part, en l’absence d’expression de la volonté des personnes en phase terminale d’une maladie incurable provoquant des souffrances intolérables, la LDH estime que l’État est tenu à plusieurs obligations : assurer le droit de ces personnes de vivre leur fin de vie dans la dignité via des soins palliatifs et l’administration d’antidouleurs, quels qu’en soient les effets sur la durée de vie ; assurer l’interruption de tout acharnement thérapeutique sans espoir de guérison ; veiller à ce qu’« aucun acte positif ayant pour seule finalité de provoquer la mort » ne soit posé hors d’un « état de nécessité », c’est-à-dire des « souffrances graves, inutiles et irréductibles ». Dans ce cas seulement, la décision de poser un tel acte devra résulter d’une procédure collégiale susceptible de recours par les ayants droit. D’autre part et par contre, selon la LDH, l’État doit assurer à chacun le droit de se prononcer sur les modalités de sa fin de vie, par déclaration préalable ou en cours d’agonie. Les médecins seront tenus de respecter le souhait de la personne pour autant que soient respectées les conditions de la proposition de loi Lallemand-Erdman du 2 février 1999 (cf. supra, 0.5)  [128]. Dans la première situation comme dans la seconde, la déclaration devra être recueillie par un tiers « extérieur et indépendant (pas d’ayant droit) désigné par la personne elle-même, garant du respect de la loi et de la volonté de l’intéressé ». La LDH estime que cette garantie est indispensable pour éviter les diverses formes d’interférences et de pressions (économiques, hospitalières, familiales, etc.) qui pourraient s’exercer sur la personne concernée.

201Ce même jour, les évêques de Belgique redisent leur opposition à une légalisation

202de l’euthanasie  [129]. Ils demandent le développement des soins palliatifs et rappellent les limites de la disposition de soi : « Personne n’a la pleine disposition de lui-même au point de pouvoir prendre la décision d’abréger ses jours ». Ils expriment leur crainte d’une approbation légale de l’euthanasie, voire, si celle-ci devait avoir lieu, d’une éventuelle extension future de la loi à des patients non incurables. Enfin, ils rappellent la nécessaire distinction entre éthique et droit : « Si on légifère en cette matière, nous serons reconnaissants à ceux qui veilleront à ce que la loi en la matière se rapproche le plus possible de la norme fondatrice (tu ne tueras pas). Néanmoins, nous attirons l’attention sur le fait qu’une réglementation légale ne remplace jamais une norme éthique ». Le 24 décembre, le primat de Belgique, le cardinal Godfried Danneels, regrette l’initiative que constitue la proposition de loi « des six », qu’il estime être une « forte banalisation de la vie et de la mort », de même que la réduction du débat « à un face à face politique ». Il se réjouit toutefois de l’accent mis sur les soins palliatifs  [130]. Les évêques de Belgique interviendront encore à différents moments-clés  [131]. Cependant, G. Danneels refusera que l’Église se positionne comme acteur politique et freine la volonté démocratique majoritaire  [132] ; il prônera au contraire le dialogue ferme avec la société civile largement sécularisée.

2.4.2.2. Positions contrastées dans le monde médical

203Lors d’un colloque international organisé par le Centre d’études politiques, économiques et sociales (CEPESS, centre d’études du PSC) le 3 décembre 1999  [133], le psychiatre Léon Cassiers (UCL) redit ses réticences à l’égard d’une dépénalisation de l’euthanasie. Réfléchissant au vécu du malade en fin de vie et au vécu de la dignité, il fait remarquer que fonder la dignité sur l’autonomie est une démarche rationnelle, suscitant un fort individualisme. Il invite à la lier au « sentiment “d’exister” aux yeux des autres », au-delà des « oripeaux sociaux », et donc à la considérer comme « une réalité relationnelle d’ordre affectif, (…) fondement essentiel des relations humaines ». Il reconnaît que, dans certains cas, une euthanasie active est acceptable, à titre exceptionnel, mais il estime qu’une loi de dépénalisation pourrait faire courir des risques aux malades et à leurs familles ainsi que, de façon plus générale, aux plus vulnérables. Il est dès lors partisan de dispositions légales sur l’art de guérir « qui précisent quelques règles de prudence dans les procédures de décision et leur visibilité dans les dossiers médicaux de manière à protéger au mieux qu’il est possible les malades, les médecins et la société ».

204Pour sa part, Jean-Louis Vincent, médecin intensiviste à l’Hôpital Érasme (ULB), dit ne pas se trouver en accord avec les six propositions de loi en présence début décembre  [134]. Il craint les « abus dans les deux sens » et préfère encore « notre no man’s land à une mauvaise loi ». À son sens, il est « raisonnable » de maintenir l’euthanasie dans le Code pénal et « c’est un groupe (personnel soignant et famille) qui est le plus apte à décider de l’euthanasie ». Aider à mourir sans souffrance n’est pas tuer, insiste-t-il ; l’arrêt thérapeutique n’est pas un meurtre. Il fait part des résultats d’une enquête ouest-européenne menée auprès de 500 intensivistes sur les décisions de fin de vie prises dans leurs unités. Cette enquête montre que 80 % d’entre eux admettent la désescalade thérapeutique et 90 % la non-escalade thérapeutique, lesquelles peuvent s’avérer « indispensables » dans certaines situations.

205En leur nom personnel ou celui de leurs associations, d’autres professionnels de la santé font entendre des avis très variés : d’une part, des réserves, des réticences, voire une opposition tantôt à l’égard du principe même d’une législation en matière d’euthanasie, tantôt à l’égard des propositions de loi en présence ; d’autre part, positivement, des points à prendre en considération dans l’élaboration d’une nouvelle loi.

206Certains médecins estiment qu’une loi est inutile ou inopportune. Tel est l’avis d’André Wynen, Jacques de Toeuf et Marc Moens  [135], tous trois liés à l’Association belge des syndicats médicaux (ABSYM ; en néerlandais, Belgische Vereniging van Artsensyndicaten - BVAS). À titre personnel ou au nom de leur association, ils estiment que l’acte euthanasique relève de la conscience du médecin. Le premier rappelle la position de l’Association médicale mondiale (AMM), à savoir que l’euthanasie est « contraire à l’éthique »  [136]. Le deuxième et le troisième renvoient, au Code de déontologie médicale, qui interdit l’euthanasie. C’est aussi ce que fait le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM)  [137]. Pour sa part, le président de la Société scientifique de médecine générale (SSMG), Michel Meganck, estime qu’une légalisation de l’euthanasie « gomme[rait] la spécificité du colloque singulier entre le patient et le médecin »  [138]. La Chambre syndicale des médecins des provinces du Hainaut, de Namur et du Brabant wallon redoute, elle, la banalisation de l’euthanasie et les dérives économiques : légalisation de l’euthanasie et rationnement des soins de santé et de leur coût lui semblent aller de pair  [139]. Quant au Groupement des unions professionnelles belges de médecins spécialistes (GBS), dont M. Moens est le secrétaire, il déclarera dans un communiqué de presse, début janvier 2000, que la proposition de loi « des six » est « inacceptable » vu « le manque de données suffisamment étoffées et à caractère scientifique », et qu’une loi particulière « n’est pas nécessaire » vu l’« extrême rareté des poursuites dans ce domaine »  [140].

207Pour sa part, l’Algemeen Syndicaat der Geneeskundigen van België (ASGB) se montre critique à l’égard de la loi en vigueur : il estime que celle-ci – qui qualifie l’euthanasie de meurtre avec préméditation – n’offre « aucune sécurité juridique », ni au patient et à ses proches, ni aux médecins confrontés à une demande d’euthanasie, ce qui peut entraîner une inégalité dans la réponse apportée aux demandes des patients  [141]. Tout en précisant qu’il ne lui revient pas, en tant que syndicat, de prendre position au nom de ses membres, mais que ceux-ci ont, en tant que citoyens individuels, le devoir de participer au débat sur l’euthanasie, il indique un ensemble de points auxquels une nouvelle législation sur l’euthanasie devrait veiller afin d’assurer les droits et devoirs des patients et les intérêts professionnels des médecins. Primo, la responsabilité juridique du médecin traitant doit être définie clairement et sa décision doit être soutenue par deux confrères, spécialistes de la pathologie du patient demandeur, mais indépendants du traitement et de l’institution de soins. Secundo, seule peut être prise en considération la demande libre d’un patient incurable dont l’évolution ne peut être que défavorable et les souffrances prévisibles irréversibles et insupportables. Tertio, cette demande, qui sera ajoutée au dossier médical, doit être écrite et signée ; en cas d’incapacité, un proche identifié s’en charge et en devient responsable. Quarto, le médecin doit jouir de la liberté de conscience, mais il n’est pas pour autant au-dessus des lois : il ne pourra s’opposer au droit qu’une nouvelle loi relative à l’euthanasie conférera au patient. Cependant, s’il ne peut donner suite à la demande du patient, il doit en informer ce dernier et lui faire consulter un collègue « à qui il aura remis tous les renseignements médicaux utiles et disponibles, dans les délais prévus par l’éventuelle réglementation et sans abuser de sa position privilégiée ». Quinto, les données relatives à l’identité du demandeur ou de ses proches ainsi que les décisions du collège de médecins, évoqué ci-dessus, doivent « en toute circonstance » être protégées par le secret médical. L’ASGB ajoute deux points qui relèvent davantage de la déontologie. D’une part, dans ses relations avec le patient, le médecin doit respecter strictement le cadre professionnel. D’autre part, le médecin mérite « la considération et le soutien du groupe professionnel », quelle que soit la suite qu’il donne à une demande d’euthanasie et pour autant qu’il ait respecté les exigences de soin définies dans la loi.

3. Un débat « stop and go » (janvier - mi-février 2000)

208L’année 2000 commence dans un climat tendu et les reproches mutuels abondent. La volonté d’aboutir rapidement demeure intacte chez certains, qui se déclarent convaincus d’y parvenir rapidement. D’autres se montrent plus hésitants. D’autres enfin se sentent exclus du débat. Ces tensions s’apaiseront via des communications dans les médias. L’opposition entre partisans et adversaires de la proposition de loi « des six » cédera la place à des perspectives d’amendements. L’inculpation de médecins montrera en outre qu’il est nécessaire de sortir de l’insécurité juridique.

3.1. Janvier 2000

209Si la proposition de loi « des six » a suscité chez certains l’espoir d’un dénouement rapide – le vote de la loi en février –, des divergences de vue ne tardent pas à se manifester, au sein de la majorité et dans l’opposition. Le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) rend un avis dans lequel il prend, lui aussi, position, en soulignant que le Code de déontologie médicale suffit, alors même qu’une recherche universitaire de grande ampleur montre à quel point une clarification des décisions médicales en fin de vie est nécessaire si l’on veut assurer la dignité des patients jusqu’au bout.

3.1.1. Évolution : vers des ouvertures au sein du Sénat

210Dès le début du mois de janvier 2000, alors que les discussions reprennent à huis clos au Sénat, on perçoit « des nuances » dans la majorité arc-en-ciel. Si Philippe Mahoux (PS) et Philippe Monfils (PRL) estiment que le texte de la proposition de loi est « suffisamment clair » et que « les discussions peuvent maintenant être menées à bonne fin », Alain Zenner (PRL) se dit « heurté » par la présentation majorité contre opposition que l’on fait du débat ; il souligne que, dans son parti, personne ne sera lié par la proposition « des six »  [142]. Des sénateurs libéraux et écologistes francophones s’interrogent aussi sur l’étendue de la concertation préalable à la décision et sur la notion de fin de vie  [143].

211Dans l’opposition, les partis sociaux-chrétiens mettent l’accent sur l’information du public. Stefaan De Clerck (CVP) veut stimuler le débat de société par la large diffusion d’une brochure reprenant la proposition de loi déposée par son parti et énumérant les différences avec les autres propositions  [144]. Joëlle Milquet (PSC) refuse que le débat soit enfermé « dans un clivage croyants-incroyants » qui, selon elle, « n’existe plus » et souligne que « le monde laïque est, lui aussi, divisé ». Dans la foulée d’une déclaration du Premier ministre Guy Verhofstadt (VLD), elle demande que soient organisées une « campagne d’information neutre et objective » ainsi qu’une consultation populaire sur les différentes alternatives législatives déposées au Sénat, sur la base d’un questionnaire établi par le Comité consultatif de bioéthique de Belgique (CCB), afin d’aboutir à « un nouveau consensus ». Elle considère que l’« on a voulu bâcler le débat à la manière politicienne ».

212« Faux », rétorque Josy Dubié (Écolo), qui propose que de nouvelles auditions d’experts aient lieu  [145], ce qu’avait demandé le PSC en novembre 1999 et qui avait alors été refusé  [146], mais qui, après une longue et vive discussion, est maintenant accepté par un vote majoritaire (17 oui – dont 2 Écolo et 2 PRL – et 11 abstentions), bien que P. Mahoux et P. Monfils n’en soient pas partisans. La détermination du moment auquel ces auditions auront lieu suscite aussi une intense discussion. Le PSC et le CVP proposent de les mener parallèlement aux travaux des commissions réunies, « voulant prouver par là qu’il n’y [a] pas de manœuvre dilatoire dans leur chef ». Cette proposition est rejetée par 13 voix contre 12 et 4 abstentions. Il est finalement décidé, par 17 voix contre 10 et 1 abstention, que les auditions auront lieu après la fin de la discussion générale  [147]. La semaine suivante, le président du Sénat, Armand De Decker (PRL), demande que des représentants du monde médical soient entendus, particulièrement les chefs de service de soins intensifs et de cancérologie des principaux hôpitaux universitaires, lors d’auditions publiques. Cette demande « fâche » J. Dubié. En effet, la décision de procéder à de nouvelles auditions est déjà acquise. Quant à la publicité des débats, le co-président des commissions réunies y est opposé car il redoute « les effets de manche »  [148].

213Le 12 janvier, la VU–ID, parti d’opposition non social-chrétien, annonce qu’elle se désolidarise de la proposition de loi « des six » en raison de son « champ d’application beaucoup trop large » et de son élaboration « dans la précipitation »  [149]. En effet, alors qu’elle se sentait proche de la proposition VLD initiale, elle dit ne guère en retrouver la trace dans le nouveau texte. Deux de ses membres, Patrik Vankrunkelsven, médecin, et Vincent Van Quickenborne, introduisent le 17 janvier 2000 une série d’amendements destinés à préciser et corriger le texte  [150]. Ils proposent des modifications substantielles aux articles 3 à 6. Concernant l’article 3, il s’agit, d’une part, de limiter le champ d’application de la loi aux patients qui ont atteint le stade terminal (décès prévisible « dans un laps de temps relativement court ») et, d’autre part, de préciser et de compléter les obligations préalables du médecin : vis-à-vis du patient (concertation sur sa demande et discussion avec lui « en toute franchise » sur les possibilités thérapeutiques encore existantes, sur « les possibilités qu’offrent les soins palliatifs » et sur leurs conséquences respectives ; confirmation de la demande du patient) ; concernant les modalités de cette demande (écrite, ou orale devant témoins, et de toute façon actée par écrit in fine) et les consultations à réaliser préalablement (mission d’un deuxième médecin et, dans certains cas, d’un troisième ; consultation de l’équipe infirmière et soignante et, à la demande du patient, des proches ou de la famille de celui-ci) ; face à une déclaration anticipée ; vis-à-vis d’une femme enceinte d’un enfant viable (interdiction de l’euthanasie dans une telle situation). Concernant l’article 4, il s’agit de limiter le rôle du mandataire qui serait garant « de la communication et du respect de la volonté du déclarant ». Concernant l’article 5, il s’agit d’introduire une nouvelle conception de la procédure a posteriori et des précisions sur la commission d’évaluation de l’application de la future loi et les informations à lui transmettre. Concernant l’article 6, il s’agit de charger le médecin réticent de désigner lui-même un autre médecin « qui sera, quant à lui, disposé à satisfaire la demande si cela se justifie ».

214Le président du SP, Patrick Janssens, estime qu’une loi est nécessaire, qui devrait s’appuyer sur un consensus aussi large que possible. Il appelle à un débat ouvert : des amendements de l’opposition doivent pouvoir être discutés, ce qui converge avec la position de Jacinta De Roeck (Agalev) et avec celle de Karel De Gucht (président du VLD), qui refuse, lui aussi, la mise à l’écart des sociaux-chrétiens  [151].

215Quant au bureau du PRL, il rappelle la liberté de vote de ses parlementaires en matière éthique, et souhaite l’adoption d’un texte rencontrant le libre choix des personnes et « dépassant les clivages confessionnels et partisans »  [152]. Bref, l’idée d’un débat dépassant de tels clivages gagne du terrain, de même que celle du temps nécessaire pour ce faire.

216Pourtant, le fossé entre PRL, VLD, PS  [153], SP, Écolo et Agalev, d’une part, et CVP, de l’autre, ne semble pas se combler, dans la mesure où Hugo Vandenberghe, chef de groupe CVP au Sénat, voulant maintenir entièrement l’euthanasie dans le champ des actes punissables par la loi, refuse tout compromis tant que la proposition de loi « des six » n’est pas amendée sur des points essentiels. Cette rigidité est déplorée par de nombreux membres des commissions réunies. La perspective d’une proposition qui recueille un large assentiment politique s’atténue. « Aujourd’hui, on pourrait donc se diriger vers l’adoption de la proposition arc-en-ciel par un vote majorité contre opposition », note un journaliste  [154].

3.1.2. Avis du Conseil national de l’Ordre des médecins

217Fin décembre 1999, le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) avait rappelé les articles du chapitre « Vie finissante » du Code de déontologie médicale (cf. supra, 2.4.2.2). Le 15 janvier 2000, il donne un avis « relatif à l’implication des médecins dans le cadre de la vie finissante – euthanasie »  [155], portant sur les aspects éthiques et déontologiques et non sur les propositions de loi.

218Ce texte acte la demande croissante des individus de se voir épargner des souffrances intolérables et incurables et de pouvoir mourir dans la dignité. Il en situe l’origine dans « l’aversion accrue envers l’acharnement thérapeutique toujours pratiqué et les craintes persistantes quant à l’efficacité réelle des soins palliatifs ». Il rappelle le chapitre « Vie finissante » du Code de déontologie médicale, en vigueur depuis sa révision de 1992. Celui-ci interdit au médecin de « provoquer délibérément la mort d’un malade » ou de « l’aider à se suicider » (article 95), mais requiert de donner au patient « dans la phase terminale de sa vie toute assistance morale et médicale pour soulager ses souffrances et préserver sa dignité » (article 96). Il établit aussi quelles personnes le médecin doit consulter et informer pour déterminer l’attitude à adopter, notamment lors de la mise en route d’un traitement ou son arrêt (article 97  [156]).

219Le CNOM souligne qu’il a toujours été attentif à l’état de nécessité dans des problèmes qui peuvent se poser en fin de vie. C’est ainsi qu’il « admet que, dans des circonstances exceptionnelles, le médecin peut se trouver placé devant un conflit de valeurs et de décisions qui en découlent, à savoir, de ne pas provoquer délibérément la mort ou de mettre en œuvre les moyens adéquats nécessaires pour permettre à un patient de mourir dans la dignité. Dans ces circonstances, le médecin doit prendre en honneur et conscience et en concertation avec le patient une décision qu’il devra toujours pouvoir justifier ».

220Pour le CNOM, la distinction entre personnes capables et incapables d’exprimer leur volonté n’est pas déontologiquement nécessaire, car, dans les deux groupes, l’état de nécessité peut se rencontrer. Admettant que celui-ci ne donne pas de sécurité juridique, le CNOM n’en voit pas davantage dans les procédures qui incluent un contrôle a posteriori lorsqu’il a été mis fin à la vie d’un patient, et constate qu’aucun médecin n’a été poursuivi au pénal ou au disciplinaire pour avoir pratiqué une euthanasie. Il estime en conséquence « qu’il convient de continuer à combattre l’acharnement thérapeutique, de promouvoir la confiance dans les soins palliatifs, et surtout, de favoriser une concertation ouverte, en temps utile, avec le patient et le cas échéant avec son entourage », concertation au cours de laquelle « au besoin, l’attitude à adopter par le médecin devant un état de nécessité [sera] discutée avec tact et discrétion ».

221Ce texte de consensus n’évoque pas explicitement les débats parlementaires, mais laisse clairement entendre qu’une loi n’est pas nécessaire, qui d’ailleurs ne supprimerait pas les risques juridiques. Pour le CNOM, le Code de déontologie médicale suffit.

3.1.3. Dans la société civile et le monde médical

222Le 19 janvier, la presse publie en vis-à-vis deux positions inverses, celles de Hilde Kieboom et de Dominique Lossignol  [157]. H. Kieboom, présidente de la Communauté Sant’Egidio  [158] en Belgique, livre cinq réflexions sur l’euthanasie, « menace pour les vieux et les plus faibles ». Dépénaliser l’euthanasie présente plusieurs risques : « nous priver de la responsabilité de solidarité avec les malades et les personnes en fin de vie » ; orienter le choix de la personne en fin de vie et stimuler les demandes d’euthanasie ; miner la relation de confiance entre patient et médecin ; peser sur la relation du malade avec ses proches ; accroître la vulnérabilité des personnes âgées en situation de pauvreté  [159]. D. Lossignol, médecin interniste attaché à une unité de soins palliatifs « dans un hôpital universitaire » conteste, lui, trois points, fréquemment avancés dans les articles récents à propos de la loi de dépénalisation de l’euthanasie. Tout d’abord, présenter les soins palliatifs comme une panacée, ce qui « revient en fait à croire à la toute-puissance de la médecine ». L’expérience montre que des demandes d’euthanasie, sereines et déterminées, existent, même lorsque les soins de confort et l’encadrement médical et paramédical sont optimaux. Ensuite, vouloir effectuer une enquête nationale et un état des lieux avant de reprendre le débat à propos de la loi revient à méconnaître l’impossibilité de dresser actuellement un tableau d’ensemble et, surtout, lie la réflexion à une question de nombre, ce qui est « pour le moins indélicat » à propos d’une question qui met en jeu l’intimité du patient et la confidentialité. Enfin, redouter qu’une loi ouvre la porte à des excès méconnaît les réalités vécues dans la pratique médicale : « Ceux qui clament haut et fort n’avoir jamais pratiqué d’euthanasie, soit ils ne mettent pas le même nom sur ce qu’ils font, soit ils ne voient pas les mêmes malades, soit ils refusent de voir et d’entendre ». Pour

223D. Lossignol, répondre à la demande ultime d’un patient qui « peut en avoir assez des traitements, même palliatifs, des complications, du délabrement physique » est un acte d’humanité qui devrait cesser d’être frappé d’un interdit légal.

224Le 20 janvier, on apprend que le Groupement francophone des médecins spécialisés en soins palliatifs vient de lancer une pétition dénonçant l’exclusion des médecins du débat et la précipitation dans laquelle celui-ci a été engagé. Marie Frings, qui en est la porte-parole, insiste en outre sur le nécessaire développement des soins palliatifs, qui doivent être rendus plus accessibles : « Des euthanasies sont proposées là où un meilleur contrôle des symptômes difficiles de fin de vie aurait pu être obtenu ». Elle souligne aussi que le concept d’euthanasie est encore flou actuellement. Or, en cette matière, la circulation de la parole entre patient, soignants et proches est capitale, de même que le développement d’une culture éthique et la mise en place de cellules d’aide à la décision éthique : c’est ainsi que les dilemmes éthiques pourront être résolus au cas par cas, estime-t-elle. Une dépénalisation de l’euthanasie présente des risques pour les plus vulnérables, peut entraîner des pressions sur le corps médical, susciter des dérives pour des motifs économiques, et avoir un impact sur les générations futures  [160].

225Le 25 janvier, la Fédération laïque des soins palliatifs de la Région wallonne communique, elle aussi, sa position et ses résolutions  [161]. Rappelant le droit à l’autodétermination et ses implications face aux questions qui se posent en fin de vie, elle demande qu’une législation « respectueuse de toutes les convictions philosophiques et autres » intègre l’euthanasie « dans un cadre légal sécuritaire pour ses acteurs » et en prévoie la procédure adéquate. Elle souligne la compétence et la tolérance requises pour poser cet acte, ainsi que les « conditions matérielles optimales pour le réaliser parfaitement ». Pour elle, la demande du patient doit être discutée en colloque singulier avec le médecin, et plusieurs fois répétée. Si le patient n’est plus capable de l’exprimer lui-même, le médecin, « en accord avec sa conscience résonnant en écho avec celle qu’il estime connaître de son patient, lui offrira l’euthanasie ». La possibilité de recourir aux soins palliatifs « ne justifie en rien le refus de procéder à l’euthanasie d’un patient qui la réclame sincèrement ». Le médecin est seul responsable de la décision, de la prescription des médicaments létaux et de l’acte qu’il exécute personnellement, « à moins qu’il ne le confie à un confrère ou à un paramédical dont il est assuré de la confiance, en solidarité et liberté ». Enfin, « comme pour tout acte médical, un contrôle a posteriori doit être réalisable ».

3.1.4. Une approche du terrain : les pratiques en Flandre

226Le 25 janvier 2000, le journal De Morgen signale les résultats d’une recherche sur les modalités des décès en Flandre, menée en commun par la Vrije Universiteit Brussel (VUB), l’Universiteit Gent (UGent) et la Radboud Universiteit Nijmegen (Nimègue)  [162].

227Trois groupes sont distingués dans les 56 000 décès annuels. Dans le premier, portant sur au moins 9 000 cas, les médecins traitants ont prescrit des antalgiques dans une quantité susceptible d’abréger la vie. Viser un tel objectif est contraire à la loi. Un deuxième groupe d’au moins 9 000 décès résulte de l’arrêt ou de la non-initiation d’un traitement. Cela est compatible avec le refus de l’acharnement thérapeutique. Dans un troisième groupe d’au moins 2 000 décès, des substances létales ont été administrées : il s’agit d’environ 200 suicides assistés et d’une centaine d’euthanasies au sens strict (fin active de sa vie à la demande du patient). Mais dans au moins 1 000 cas, ces substances ont été administrées sans demande du patient. Dans au moins 5 000 cas, tous groupes confondus, soit le dernier groupe et 3 000 autres cas, l’objectif était l’abrègement de la vie, le décès étant avancé le plus souvent de quelques heures, jamais de quelques mois.

228Une des conclusions est que les substances létales sont le plus souvent administrées sans qu’il y ait eu demande du patient. Sur la base d’une extrapolation, les chercheurs estiment que cette pratique est quatre fois plus élevée en Flandre qu’aux Pays-Bas. Ils avancent l’hypothèse qu’une législation en la matière prévient une telle pratique.

229De Morgen rend compte de la réaction de l’Ordre des médecins. Celui-ci rappelle que les 1 000 cas de fin active de la vie sans demande du patient sont contraires à la loi et à la déontologie. Mais il maintient que cette matière ne doit pas être réglée par une loi et que le Code de déontologie médicale suffit.

3.2. Début février 2000

230Début février 2000, le dialogue semble pouvoir se rétablir. Le fossé entre partis de la majorité et partis sociaux-chrétiens devient un peu moins abrupt. En effet, dans les médias, plusieurs membres des partis majoritaires expriment leurs divergences ou perplexités personnelles à l’égard de la proposition de loi « des six » ou annoncent le dépôt d’amendements. Parallèlement aux débats tenus au Sénat, des personnes et des associations expriment leurs positions. Enfin, des inculpations suscitent une vive émotion et attirent l’attention sur la nécessité d’une clarification législative des décisions en fin de vie.

3.2.1. Déblocage partiel du débat parlementaire

231Durant le week-end des 5 et 6 février, via différents médias, certains parlementaires expriment leur malaise personnel à l’égard de la proposition de loi « des six » ou annoncent des amendements  [163].

232Ainsi, Gérard Deprez (MCC) se dit « radicalement opposé » à une modification du Code pénal et pas encore convaincu de la nécessité d’une modification législative qui, si elle devait avoir lieu, devrait aller dans le sens de la proposition 3 de l’avis n° 1 du CCB (à savoir une régulation « procédurale » a priori des décisions médicales les plus importantes en fin de vie, y compris l’euthanasie, après consultation collégiale : cf. supra, 0.4.1). Pour lui, de nouvelles spécifications devraient être apportées à la réglementation sur l’art de guérir en tenant compte de la notion de « fin de vie ». En outre, il estime que le débat a été « mal enclenché » : trop de hâte ; une proposition de loi présentée comme une synthèse des partis de la majorité alors qu’elle relève de l’initiative de six parlementaires ; le huis clos alors que le sujet intéresse fortement la population.

233Au sein du PRL, plusieurs personnalités prennent aussi position. Armand De Decker, président du Sénat, exprime sa perplexité, tant à l’égard de la nécessité de légiférer que sur certains points en débat : fin de vie, suicide assisté, testament de vie. Lui aussi prend de la distance par rapport à la proposition dite « de la majorité » alors qu’elle n’engage que ses signataires. Le sénateur Alain Zenner se dit sensible au maintien de l’interdit de tuer dans le Code pénal et ouvert à la perspective de travailler à la modification de l’arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967. Interrogé quelques jours plus tard, le président du parti, Daniel Ducarme, souligne que ces prises de position personnelles s’inscrivent dans la ligne du PRL, pour qui les questions débattues relèvent de la liberté de conscience : en ces matières, « il n’y a pas de ligne de parti ou de discipline de vote »  [164]. Il dément fermement qu’il y ait un accord de majorité et ajoute : « Un ou plusieurs coalisés nous inviteraient à nous accorder, ce serait une fin de non-recevoir ». Et il rappelle que le PRL souhaite que les travaux en commission et les auditions soient publics, de façon à légiférer en conscience, « sans aucune mécanisation politique »  [165].

234Georges Dallemagne (qui est médecin) et Clotilde Nyssens rappellent pour leur part les positions du PSC, qui est « prêt à légiférer » : ne pas modifier le Code pénal, inscrire la réflexion sur l’euthanasie dans le cadre de l’ensemble des questions que pose la fin de vie, élargir la concertation préalable au-delà du duo médecin-patient.

235Ce même week-end des 5 et 6 février 2000, Jeannine Leduc (VLD) annonce dans la presse que des sénateurs de la majorité déposeront, eux aussi, des amendements  [166]. Ceux-ci porteront sur le caractère libre et volontaire de la requête du patient, sur l’information que le médecin doit lui donner quant à son espérance de vie et aux possibilités thérapeutiques, sur la consultation du deuxième médecin qui doit examiner lui-même le patient et mettre ses observations par écrit, sur la déclaration anticipée qui préciserait le refus ou l’arrêt de traitement dans des situations spécifiques ainsi que la demande d’antalgiques, même s’ils abrègent la vie  [167]. Ces amendements viseront aussi à préciser la notion de souffrance insupportable et à prévoir davantage de critères de minutie.

236Écolo et Agalev font savoir qu’ils introduiront également des amendements. Ceux-ci viseront à améliorer l’information du patient, en rendant obligatoire la consultation, par le médecin, de l’équipe palliative et, en complément pour le patient qui le souhaite, celle de l’équipe médicale et soignante. Pour les patients isolés, il s’agirait de pouvoir désigner comme mandataire une association telle que l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) ou Recht voor Waardig Sterven (RWS), par exemple. Il s’agirait aussi que, avant l’euthanasie, les procédures soient davantage écrites et que, après l’euthanasie, un médecin légiste intervienne  [168].

237Ces perspectives d’amendements rencontrent des préoccupations que Patrik Vankrunskelsven (VU–ID) exprime lui aussi dans la presse et qui ont fait l’objet des amendements qu’il a déposés le 17 janvier avec Vincent Van Quickenborne  [169]. Il plaide en outre pour l’introduction d’une démarche spécifique concernant les patients non terminaux mais en état de souffrance sans issue : outre la consultation d’un deuxième médecin (déjà prévue dans l’amendement n° 1.C), un examen de la demande par un collège de trois personnes (par exemple, deux médecins et un éthicien) constitué au sein de la commission créée pour l’évaluation de la future loi  [170]. Il se pose en médiateur entre la majorité et le CVP, ce qui est favorablement accueilli par Stefaan De Clerck. Pour la question particulièrement sensible d’une modification ou non du Code pénal, il propose d’envisager une solution inspirée du modèle néerlandais : le Code pénal ne serait pas modifié, mais l’euthanasie ne serait plus un délit, pour autant que certaines conditions de minutie aient été remplies.

238Pour sa part, l’un des deux co-présidents des commissions réunies, Josy Dubié (Écolo), confirme que le débat reste ouvert et que des amendements seront déposés. Il précise, lui aussi, que le texte en discussion est une initiative de six sénateurs de la majorité. L’absence de la notion de fin de vie lui pose question, et il considère que les dérives de type économique doivent être évitées, que l’équipe soignante devrait être consultée et qu’une preuve écrite de la demande du patient serait nécessaire. Il propose une démarche en trois étapes : dépénaliser l’euthanasie pour les patients en fin de vie, évaluer la pratique, puis légiférer sur le suicide assisté.

239Les passerelles ainsi jetées entre majorité et opposition tout au long du week-end des 5 et 6 février 2000 n’entament cependant pas la ferme conviction de certains. Ainsi Philippe Mahoux (PS) et Philippe Monfils (PRL), deux des co-auteurs de la proposition « des six », souhaitent-ils que l’on procède « “sans retard” au vote du texte tel quel en commission ». Et les sénateurs socialistes, « particulièrement discrets sur la question, affirment se ranger derrière P. Mahoux : “Dans la ligne Lallemand” ». Toutefois, Jean-François Istasse (PS), dans la ligne des amendements précédemment déposés par P. Vankrunkelsven et V. Van Quickenborne, insiste pour que soit exigée une preuve écrite de la demande d’euthanasie, ou que celle-ci fasse l’objet d’une déclaration devant témoins  [171].

240Hugo Vandenberghe (CVP) maintient que la proposition « des six » doit être modifiée. Il veut toutefois œuvrer à la recherche d’un consensus sur la base des positions suivantes : maintien de l’interdit de tuer dans le Code pénal et indication précise des exceptions ; acceptation du testament de vie pour des patients incapables d’exprimer leur volonté, à condition qu’il ne conduise pas automatiquement à l’euthanasie  [172].

3.2.2. Prises de position dans la société civile et le monde médical

241La revue Louvain de janvier-février 2000 publie des extraits d’un texte de trois professeurs de l’UCL – Mylène Baum, Léon Cassiers et Michel Dupuis –, aux conclusions duquel les conseils d’administration de l’UCL, des cliniques universitaires Saint-Luc (Woluwe-Saint-Lambert) et des cliniques universitaires de Mont-Godinne disent s’associer  [173]. Les trois auteurs situent le débat actuel sur le plan des principes philosophiques, mais aussi de la « “justice distributive des soins” qu’une politique réaliste ne peut ignorer ». Ils plaident en faveur d’une « éthique positive proche de la situation concrète du patient », non pour relativiser l’interdit du meurtre, qui doit être « réévalué et maintenu », mais pour en ressaisir le sens, qui procède du devoir de solidarité, c’est-à-dire du « désir pour l’autre de la “bonne vie” et de la “bonne fin de vie” ». Ils considèrent que, au-delà des nécessaires choix politiques et économiques, la capacité des soignants à être « intimement affectés » par les situations rencontrées conditionne l’émergence de la responsabilité médicale.

242Cette position éthique entraîne des conséquences concrètes qu’ils explicitent. Tout d’abord, le recours à des cellules d’aide à la décision : loin d’être des tribunaux, celles-ci constituent, selon les auteurs, des lieux de collégialité interdisciplinaire au sein desquels l’échange libre d’informations et de réflexions prépare la décision du médecin et permet l’élaboration d’« hypothèses inédites en termes d’éthique médicale ». En effet, à leur sens, le paradigme du colloque singulier entre médecin et patient ne suffit plus et doit être complété par le couple institution-patient, « dont l’approche éthique est celle de la gestion des soins ». « Les cellules d’aide tentent de conjuguer respect de la demande du patient et responsabilité des soignants. À l’intérieur de ce cadre, l’éventuelle pression économique ne porte plus sur une seule personne ; c’est un facteur positif pour le patient ». Ensuite, les auteurs estiment que toute demande d’euthanasie doit être décodée : « Seule une écoute collégiale peut, avec du temps et de l’expérience, entendre exactement ce que le patient veut dire à ce moment de sa vie ». De plus, le problème de la souffrance doit être posé dans la société, qui actuellement l’occulte. En conséquence, les auteurs estiment « imprudent de vouloir légaliser l’euthanasie », alors que les soins continus commencent à peine en Belgique et ont à y être développés : « Tant que cela n’est pas fait, la question de l’euthanasie est à proprement parler “déplacée” et dangereusement mise en avant ». Dès lors, ils redoutent qu’une loi ouvre la voie à de « nombreuses dérives » qui affecteraient particulièrement les plus démunis : « L’argument de la “pente glissante” ou de la banalisation (…) trouve ici une remarquable vigueur, confirmée par les quelques données empiriques aujourd’hui disponibles ». Enfin, ils donnent leur soutien à l’exigence d’« une procédure véritablement collégiale qui permette au médecin de prendre des décisions différentes selon les cas rencontrés et selon l’évolution des techniques ». Reste, selon eux, « un dilemme non encore résolu mais qui conditionne toute solution : celui de savoir comment respecter le droit de mourir sans pour autant légitimer le risque de hâter la mort non volontaire de patients dont les traitements sont extrêmement coûteux ». Plutôt que des principes, les auteurs privilégient « une attitude de confiance en la capacité éthique des médecins et des soignants ».

243L’Association chrétienne des invalides et des handicapés (ACIH, actuelle Altéo) estime qu’il faut légiférer sur l’euthanasie, mais ne pas dépénaliser purement et simplement. Selon elle, l’euthanasie ne peut être envisagée que lorsque le patient « en toute fin de vie du point de vue médical (…) [et] aux prises avec des symptômes non maîtrisables » la demande « de façon réitérée », et à la condition que sa demande « soit écoutée et entendue par une équipe pluridisciplinaire ». Parallèlement, l’ACIH insiste sur la nécessaire mise en œuvre des soins continus  [174].

244Le 1er février, le chirurgien en retraite Wolrad Mattheiem (Institut Jules Bordet, à Bruxelles) publie une carte blanche intitulée « Euthanasie : la fin de la clandestinité et le droit de choisir »  [175]. Reconnaissant que toute loi est imparfaite, il avance les raisons qui, à son sens, rendent une législation sur l’euthanasie nécessaire. Outre le fait que cette loi est demandée par « une majorité des citoyens », elle permettra de distinguer l’euthanasie et le crime. De plus, dans un État laïque, une loi dépénalisant l’euthanasie n’oblige personne à la demander ou à la pratiquer. W. Mattheiem démonte aussi quelques affirmations souvent entendues dans les prises de position. Actuellement, l’opposition entre soins palliatifs et euthanasie est, selon lui, « un faux dilemme » vu le faible développement de ces soins, auquel il conviendrait de remédier. La médecine n’est pas en mesure de répondre à tous les problèmes en assurant une qualité de vie acceptable. La dépénalisation de l’euthanasie ne fera pas augmenter les demandes, mais favorisera probablement la discussion ouverte sur la question. Que le « testament de vie » serve peu en pratique ne suffit pas pour le récuser. Dans le cas de patients en phase terminale qui n’ont pas prévu leur fin, le médecin ne peut qu’apporter un soulagement susceptible d’entraîner un coma irréversible : « Il n’existe pas de cadre de référence unique, dans ces circonstances ». La situation d’un malade ou d’un accidenté devenu complètement et irréversiblement dépendant est particulièrement difficile, mais elle doit être prévue. W. Mattheiem souligne aussi que la loi « ne changera pas la conscience des médecins » mais permettra à chacun de trouver « un interlocuteur à son diapason ». De plus, cette loi serait « parfaitement hippocratique : guérir quand on peut, soulager et consoler toujours. Dans certaines conditions de grande souffrance, physique ou morale, et si le patient le demande, cela peut aller, non pas jusqu’à tuer, mais à permettre une mort digne et désirée ».

245Le 24 février, les philosophes Édouard Delruelle (Université de Liège - ULg) et Guy Haarscher (ULB) rappellent les positions en présence dans le débat (politique et social) sur l’euthanasie et s’interrogent sur la dépénalisation de celle-ci, vue par certains comme la levée de l’interdit du meurtre  [176]. Mais, se demandent-ils, l’euthanasie est-elle un meurtre, ou bien plutôt un acte ultime de soin et de solidarité ? La médecine est certes un art de guérir (cure), mais aussi un art de prendre soin (care) incluant « de réserver autant que possible au malade une fin compatible avec l’idée qu’il se fait de sa dignité ». Dès lors, selon les deux philosophes, la question qui se pose au médecin est : comment mener à terme l’accompagnement médical de son patient ? Il faut certes baliser strictement la pratique de l’euthanasie, mais il faut aussi dire de façon nette et cohérente ce qui n’est pas un meurtre.

246Outre ces prises de position, dans la presse, le temps semble également propice aux synthèses et au refus de comprendre les divergences d’opinion dans le débat parlementaire et dans la société selon les clivages idéologiques et philosophiques traditionnels. Le décalage entre les positions des sénateurs et les opinions qui s’expriment dans la société civile est aussi souligné.

247Ainsi Paul Piret note-t-il dans La Libre Belgique que la dualisation politique et philosophique du débat est liée notamment au choix des sénateurs des partis de la majorité, qui ont présenté « la plus radicale » des propositions comme proposition de consensus. Or, estime-t-il, cette dualisation ne correspond pas à l’opinion publique : il n’y a pas plus d’unanimité entre chrétiens qu’entre non-chrétiens. Et elle ne correspond pas non plus aux positions des praticiens, qui sont très diverses, quelles que soient leurs convictions philosophiques  [177].

248Le Matin signale que les sénateurs « parlent tous de réglementer »  [178], tout en soulignant que cet accord va de pair avec un désaccord sur la suppression ou le maintien – assortis l’un et l’autre de conditions – de l’interdit de l’euthanasie dans le Code pénal. Les réticences et les inquiétudes face à une réglementation sont « extraparlementaires », elles viennent de la société civile : de certains médecins, de l’Ordre et des chambres syndicales, et « dans le monde chrétien, de l’UCL notamment ». Par contre, le pouvoir judiciaire est demandeur, de même que l’ADMD et RWS. « On ne déduira pas que le clivage oppose “cléricaux” et “matérialistes” ».

3.2.3. Interventions de la justice

249Bientôt, le débat n’implique plus les seuls sénateurs, mais aussi la justice, par le biais d’une affaire concernant le Centre hospitalier régional (CHR) de la Citadelle à Liège  [179]. Début février 2000, deux médecins de cet hôpital sont inculpés pour homicide volontaire avec préméditation suite à une dénonciation anonyme : le respirateur d’un patient gravement atteint avait été débranché à sa demande et de la morphine à dose élevée lui avait été administrée pour éviter la suffocation. Appelé en urgence, le médecin qui avait posé ces actes avait été remplacé par un confrère (avec lequel il s’était concerté au préalable) : celui-ci avait découvert le patient dans un état préagonique et avait décidé de lui faire administrer une dose létale de Nesdonal. L’infirmière chargée de l’injection avait refusé de la pratiquer. La famille, qui n’a pas porté plainte, dit son amertume et sa tristesse à voir « la mémoire de leur père subir un tel étalage indigne », alors qu’elle voulait garder « l’image d’un visage enfin apaisé et serein dans la mort »  [180]. Le docteur Claude Chevolet est libéré sous conditions le jour même, mais le docteur Léon Radoux est incarcéré plusieurs jours avant d’être, lui aussi, remis en liberté sous conditions strictes  [181]. Ils restent inculpés d’assassinat.

250Cette inculpation suscite de nombreux témoignages de soutien aux deux médecins, notamment de la part de collègues et de confrères, dont les chefs de service des unités de soins intensifs des hôpitaux universitaires, ainsi que de nombreuses associations, notamment la Chambre syndicale des médecins des provinces de Liège et de Luxembourg, la Société belge des soins intensifs, l’ADMD et RWS, la Fédération laïque des soins palliatifs de la Région wallonne, les Femmes prévoyantes socialistes (FPS), Médecine pour le peuple  [182]. L’affaire a plusieurs répercussions.

251Tout d’abord, elle attire l’attention sur des situations médicales difficiles qui ne peuvent être ignorées dans le débat en cours : le nécessaire processus décisionnel préalable à un arrêt thérapeutique, particulièrement dans les services de soins intensifs ; la situation de malades inconscients  [183] ; les conflits possibles entre médecin et personnel infirmier, renforcés notamment par la surcharge de travail.

252Ensuite, elle est susceptible de peser sur le débat parlementaire. En tout cas, elle montre qu’il est indispensable de sortir de l’insécurité juridique. Si Pierre Morlet, premier avocat près la cour d’appel de Bruxelles, déclare à la RTBF : « Les parquets veulent qu’on légifère »  [184], plusieurs médecins soulignent qu’il ne s’agit pas ici à proprement parler d’euthanasie mais d’arrêt thérapeutique en vue d’éviter un acharnement thérapeutique (tout en reconnaissant que la frontière entre ces actes « est parfois très floue »)  [185]. Certains médecins expriment aussi, à cette occasion, leur doute quant à l’opportunité de légiférer, soulignent les dérives possibles et estiment que le contenu des propositions de loi ne correspond pas aux situations concrètes  [186].

253Le 6 février 2003, la chambre des mises en accusation de Liège décidera l’abandon des poursuites, en se référant à la loi relative à l’euthanasie, désormais en vigueur  [187].

254Par ailleurs, le 9 février 2000, une infirmière de la Clinique universitaire d’Anvers (Universitaire Ziekenhuis Antwerpen - UZA) est inculpée pour assassinat et incarcérée avec ses parents, accusés de complicité, pour avoir mis fin à la vie de sa tante, atteinte d’un cancer au stade terminal, sans son consentement mais à la demande du reste de la famille  [188]. L’infirmière et ses parents seront libérés après trois mois de détention. En juin 2005, la chambre des mises en accusation d’Anvers décidera que la jeune femme soit jugée en cour d’assises pour assassinat. Après une délibération de 50 minutes, le jury de la cour d’assises acquittera l’infirmière le 13 février 2006.

4. Les auditions au Sénat (mi-février - mi-mai 2000)

255On l’a vu, Josy Dubié (Écolo), co-président des commissions réunies, avait lancé mi-janvier 2000 l’idée d’organiser de nouvelles auditions menées par le Sénat, afin d’apaiser la tension suscitée par le dépôt de la proposition « des six ». Or, dans une émission à la radio, la présidente du PSC, Joëlle Milquet, semble présenter ces nouvelles auditions comme une initiative de son parti, ce qui suscite la colère de J. Dubié. Celui-ci se dit « écœuré » et « scandalisé » par cette façon de vouloir « politiser le débat » ; J. Milquet précise alors qu’elle a seulement voulu indiquer que son parti avait été le premier à demander ces auditions en novembre 1999  [189]. On a vu aussi que, malgré les réticences de certains, qui craignaient une manœuvre d’enlisement, et dans un climat extrêmement tendu, le principe des auditions a été acquis le 12 janvier 2000, par un vote largement favorable : 17 voix pour et 11 abstentions  [190]. Comme convenu alors, ces auditions auront lieu dès la mi-février, au terme de la discussion générale.

256La sénatrice Clotilde Nyssens (PSC) en souligne l’importance : « Il manque au personnel politique des éléments d’appréciation qui doivent venir de la population elle-même et des acteurs concernés »  [191]. C’est aussi l’opinion de l’intensiviste Pierre Damas (Centre hospitalier universitaire - CHU de Liège), qui considère que les médecins constituent « des interlocuteurs valables » face à des propositions de loi qu’il estime, comme de nombreux médecins, en décalage par rapport aux situations rencontrées  [192]. Quant à Hervé Hasquin (PRL), ministre-président du gouvernement de la Communauté française, interrogé à l’entame des auditions, il se dit « pour la pratique de l’euthanasie » mais « contre une loi », estimant que « le Code de déontologie médicale doit suffire » et que chaque situation est un cas d’espèce, incompatible avec les termes généraux de la loi – qui, si elle devait être adoptée, devrait être « souple ». Il estime que les auditions vont permettre aux parlementaires « de préciser leurs options »  [193].

4.1. Avant les auditions

257Le 9 février 2000, les commissions réunies déterminent les modalités des auditions dans un climat très houleux  [194].

258Qui sera auditionné ? Un « panel raisonnable » (pour Philippe Mahoux, PS) ou une « large consultation » (pour le PSC) ? Des intensivistes ou un panel plus diversifié de médecins et d’autres professions ? Quarante personnes (20 francophones et 20 néerlandophones représentant de façon équilibrée les familles philosophiques) sont finalement retenues sur la base des 113 proposées par l’ensemble des partis : des « éthiciens », des témoins (médecins de diverses spécialités, infirmiers, membres d’associations et patients), des juristes et des pharmaciens.

259Plus précisément, du 15 février au 9 mai, les personnes suivantes sont entendues  [195].

  • Pour le Comité consultatif de bioéthique de Belgique (CCB) : Yvon Englert, Fernand Van Neste et Étienne Vermeesch.
  • Pour l’Ordre des médecins : Raoul Haché et Franz Philippart.
  • Pour les centres de bioéthique : Mylène Baum (UCL) et Paul Schotsmans (Katholieke Universiteit Leuven - KUL).
  • Pour les associations : Léon Favyts (Recht voor Waardig Sterven - RWS), Sabine Henry (Ligue Alzheimer, section francophone et germanophone), Jacqueline Herremans (Association pour le droit de mourir dans la dignité - ADMD) et Thérèse Kempeneers (Association nationale d’aide aux handicapés mentaux - ANAHM).
  • Des médecins de diverses spécialités, à savoir :
    • pour les soins intensifs : Arsène Mullie (Algemeen Ziekenhuis - AZ Sint-Jan, à Bruges) et Jean-Louis Vincent (Hôpital Érasme, à Bruxelles) ;
    • pour la médecine interne : Nathan Clumeck (Hôpital Saint-Pierre, à Bruxelles) ;
    • pour l’oncologie : Dominique Bron (Institut Jules Bordet, à Bruxelles), Wim Distelmans (Academisch Ziekenhuis - AZ VUB, à Bruxelles) et Johan Menten (Universitair Ziekenhuis - UZ Gasthuisberg, à Louvain) ;
    • pour la médecine générale, Marc Cosyns (Universiteit Gent - UGent) et Bart Van den Eynden (Universitair Instelling Antwerpen - UIA) ;
    • pour la psychiatrie : Micheline Roelandt ;
    • pour les soins continus et/ou palliatifs (unités et soins à domicile) : Dominique Bouckenaere (Cliniques de l’Europe, site Saint-Michel, à Bruxelles), Paul Leroy (généraliste, soins palliatifs à domicile) et Jacqueline Vandeville (Clinique Saint-Jean, à Bruxelles).
  • Deux doyens de faculté de médecine : Didier Moulin (Université catholique de Louvain - UCL) et Benjamin Van Camp (Vrije Universiteit Brussel - VUB).
  • Un médecin étranger : Koen Ingels (Nimègue).
  • Des infirmières et infirmiers en soins palliatifs : Bernadette Cambron-Diez (Centre hospitalier de l’Ardenne - CHA, à Libramont), Hilde Remy (Ziekenhuis Netwerk Antwerpen - ZNA Middelheim, à Anvers) et Alain Schoonvaere (Foyer Saint-François, à Namur).
  • D’autres infirmières et infirmiers : Chris Aubry (KUL), Jacqueline Pesleux
    (CHU Brugmann, à Bruxelles) et Nadine Vanthournout (Henri-Serruysziekenhuis, à Ostende).
  • Une psychologue : Catherine Diricq (équipe mobile de soins palliatifs).
  • Des pharmaciens : Jean-Pierre Delporte (CHU de Liège) et Jan Denecker (président de l’Association pharmaceutique belge - APB).
  • Des juristes : Christian Adams (UIA), Roger Dalcq (avocat au barreau de Bruxelles), Jules Messinne (Conseil d’État et Université libre de Bruxelles - ULB) et Christian Panier (président du tribunal de première instance de Namur).
  • Un patient : Mario Verstraete.

260Ce panel est estimé « tout à fait convenable » par Philippe Monfils (PRL) et « équilibré » par Clotilde Nyssens (PSC)  [196]. Entendre des praticiens étrangers avait été demandé aussi par Georges Dallemagne (PSC), mais cela n’a pas été retenu.

261Auditions à huis clos ou publiques ? Dans l’ensemble, la majorité opte pour le huis clos, arguant le droit au respect de la vie privée, et redoutant notamment un effet de show et des synthèses trop élémentaires à la télévision. Le CVP, soutenu par le PSC et par certains membres de la Fédération PRL FDF MCC et d’Écolo, veut des auditions publiques afin d’éviter que la démarche se transforme en un jeu politique de la majorité contre l’opposition, alors qu’elle est destinée à clarifier les propositions de loi en présence  [197]. Une solution de compromis est décidée : les auditions des éthiciens, des juristes et des représentants d’associations seront publiques, sauf demande contraire ; pour les praticiens de terrain dont la pratique pourrait se trouver en opposition avec la loi existante, elles seront à huis clos, à la condition qu’ils ne demandent pas la publicité  [198]. La retransmission en direct à la télévision est refusée  [199].

262Auditions sur un thème précis ou à la libre convenance ? La réponse est aussi un compromis : chacun choisira le thème de son intervention, qui durera une demi-heure, suivie d’une demi-heure de questions-réponses.

4.2. Pendant les auditions : thématiques et orientations

263Dans le cadre de la présente étude, il est impossible de synthétiser l’ensemble des exposés et des discussions qui ont lieu du 15 février au 9 mai 2002, tant les points de vue sont diversifiés  [200]. En effet, chacune des quarante auditions a été l’expression d’une approche spécifique, basée sur une expérience et une réflexion personnelles avec toutes leurs richesses et leurs nuances. Pour cette raison, après avoir d’abord associé le nom de chaque intervenant à certaines des thèses ou opinions qu’il expose ou défend, décision a finalement été prise de renoncer à ce procédé qui ne fait pas droit à la cohérence et à la subtilité de chaque exposé. Il est toutefois important de dégager quelques-unes des thématiques abordées et des orientations proposées, afin de saisir les enjeux sous-jacents aux positions qui s’exprimeront ensuite dans les débats, au Sénat puis à la Chambre des représentants.

264Les auditions livrent des points de vue qui vont au-delà des divisions idéologiques et des rapports de force politiques : ainsi, certains témoins de la mouvance chrétienne se montrent favorables à une dépénalisation de l’euthanasie sous conditions, tandis que certains témoins de la mouvance laïque soulignent les difficultés et les risques d’abus et de dérives. On constate aussi que de nombreux médecins souhaitent une loi qui approche l’ensemble des questions rencontrées en fin de vie et qui porte sur les situations rencontrées dans leur pratique.

Définition

265Les auditions font apparaître des compréhensions très diverses du terme « euthanasie » et des amalgames avec d’autres situations rencontrées en soins intensifs, montrant ainsi la nécessité d’une définition précise  [201]. Celle-ci doit inclure la réponse aux quatre ensembles de questions suivants. Primo, l’euthanasie est-elle une décision prise par le médecin ? sur la base d’une demande du patient ? ou indépendamment de celle-ci ? voire sans le consentement du patient ? Secundo, l’euthanasie est-elle assimilable à la désescalade thérapeutique ? à la non-initiation de traitement ? à la sédation contrôlée ? Tertio, faut-il distinguer euthanasie active et euthanasie passive ? euthanasie directe et indirecte ? Quarto, faut-il distinguer l’euthanasie pratiquée à la demande du patient et le suicide assisté par un médecin ?

Pratiques médicales en fin de vie

266Quoi qu’il en soit de ce flou définitionnel, les auditions révèlent un accord général sur le caractère décisif et central du fait de « mourir dans la dignité » et, corrélativement, sur le refus tant de l’acharnement thérapeutique que de l’abandon thérapeutique. Dès lors, plusieurs exposés et échanges avec les sénateurs ne portent pas uniquement sur l’euthanasie mais conjointement sur un ensemble d’actes posés en fin de vie (sédation, désescalade thérapeutique, soins palliatifs) ainsi que, dans ces contextes, sur les droits du patient et sur la sécurité juridique du médecin  [202].

267Simultanément, divers problèmes sont soulevés au sujet des politiques de santé : le fait que l’Institut national maladie-invalidité (INAMI) rembourse des actes mais ne prend pas en compte le temps passé avec le patient ; les pressions à la rentabilité que supportent les hôpitaux, ainsi que les contraintes qui leur sont imposées quant aux durées d’hospitalisation et au taux d’occupation des lits ; les problèmes qui en résultent et qui grèvent la communication entre soignants et patients dans un contexte généralement marqué par la crainte de la mort, de la souffrance et de la dépendance ; le manque de lits ; le financement insuffisant notamment des soins palliatifs et particulièrement des équipes mobiles, etc. La question de la formation des médecins à l’accompagnement en fin de vie est aussi soulevée.

Légitimité éthique et transcription juridique

268Cet abord conjoint de l’euthanasie, des soins palliatifs et des droits du patient va souvent de pair avec la reconnaissance de la légitimité éthique de l’euthanasie dans certaines situations. Toutefois, certains intervenants expriment clairement leur réticence, voire leur opposition, à l’euthanasie et privilégient les soins palliatifs ou les soins continus, tandis que d’autres se prononcent plutôt en faveur de la sédation contrôlée. Très peu de personnes auditionnées sont favorables à un statu quo législatif ; beaucoup estiment qu’une réglementation est nécessaire. Cependant, les questions de la possibilité d’une loi, de ses modalités et de son opportunité sont abondamment soulevées.

Possibilité d’une loi

269L’euthanasie peut-elle être encadrée adéquatement par une loi ? Celle-ci sera-t-elle en mesure de prendre en compte la diversité des situations ? Ne risque-t-elle pas de transformer une question éthique en question administrative, en respect d’une procédure ? Certains se déclarent opposés ou réservés à l’égard de toute loi en la matière, car elle affaiblirait l’interdit de tuer qui est fondateur de notre société. Sans être tous opposés à une loi, d’autres soulignent les risques qui peuvent en découler pour les individus, les familles, les mentalités : banalisation, dérives économiques, pressions diverses sur les personnes, perturbation des processus de deuil. Certains indiquent aussi qu’une loi risquerait de réduire la marge d’appréciation des médecins.

Modalités d’une telle loi

270Étant donné la dimension éthique de la question, la loi doit-elle définir des principes généraux ou préciser minutieusement des conditions ? Certains estiment qu’il conviendrait surtout d’énoncer, voire de légaliser, des règles de bonne pratique, en tout cas de s’appuyer sur la déontologie.

271Faut-il aller dans le sens d’une dépénalisation sous conditions ? Si certains se disent favorables à cette option, d’autres s’y opposent, notamment en raison de la déresponsabilisation qui pourrait s’ensuivre. Cependant, parmi ces derniers, certains préconisent une législation, parfois sans autre précision, parfois en proposant que celle-ci s’opère via l’arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 ou en précisant l’état de nécessité (que certains souhaitent néanmoins ne pas voir trop précisé sous peine de le rigidifier). La différence entre l’état de nécessité, « balise jurisprudentielle », et la dépénalisation partielle, « autorisation de la loi », est soulignée.

Opportunité d’une loi

272Plusieurs personnes auditionnées expriment des attentes : qu’une loi rende confiance aux médecins, les soutienne dans leur responsabilité ou leur assure une sécurité juridique. Certains estiment toutefois qu’elle ne supprimerait pas l’insécurité pour les médecins.

273Certains soulignent aussi que les demandes d’euthanasie, particulièrement celles qui rencontrent la définition donnée dans la proposition de loi, sont rares, même si elles peuvent représenter la seule alternative dans des circonstances exceptionnelles qu’il conviendrait d’inventorier et de définir après une période d’évaluation. D’autres pensent que les demandes d’euthanasie seront sans doute en augmentation dans un avenir proche. D’autres enfin indiquent qu’un nombre élevé d’euthanasies est pratiqué sans demande du patient  [203].

Soins palliatifs et soins continus

274Les soins palliatifs ou les soins continus suffisent-ils dans tous les cas ? Les réponses sont très diverses. Entre des réponses plutôt affirmatives ou une option nette en leur faveur, et des réponses négatives, des avis plus nuancés sont formulés : certains soulignent que ces soins réduisent les demandes d’euthanasie, tandis que d’autres mettent en garde contre les risques d’« acharnement palliatif ». De cet éventail de réponses, se dégagent néanmoins deux attentes largement partagées. D’une part, s’il est légiféré, que ce soit sur les deux matières, à savoir l’euthanasie et les soins palliatifs. D’autre part, que ces derniers soient développés et rendus plus accessibles.

Autonomie décisionnelle du patient

275Les personnes auditionnées insistent sur le fait que la société devrait pouvoir donner au patient le choix de sa fin de vie. Cependant, les faiblesses du principe d’autonomie sont aussi soulignées, notamment par des médecins : son irréalisme lorsqu’il est décontextualisé, envisagé hors de la condition concrète du patient particulier ; son élitisme car il ne concernerait qu’un nombre limité de personnes ; ses limites aux yeux de ceux qui considèrent que ce n’est pas au patient de décider, par son libre-arbitre, de sa propre dignité ; ses dérives possibles, notamment sa mésutilisation par des grands malades soucieux de soulager leur entourage.

276Par ailleurs, certains médecins indiquent que, malgré leur désir de s’appuyer sur une déclaration écrite de volonté du patient, ils sont parfois amenés à agir à l’encontre du principe d’autonomie, ce qui est jugé admissible par des juristes dans certaines circonstances, notamment la très grande souffrance.

Importance de la relation

277L’accompagnement du malade en fin de vie par son médecin, la volonté de favoriser le dialogue entre eux, y compris sur l’euthanasie et les soins palliatifs, sont constamment soulignés, de même que l’impréparation des médecins à cet égard et les contraintes de rentabilité qui réduisent la disponibilité des soignants dans leur ensemble.

Conditions médicales d’admissibilité de l’euthanasie

278Quand l’euthanasie peut-elle être médicalement admise : en phase terminale de la maladie ? en cas de maladie incurable ? en cas d’incapacité d’exprimer sa volonté pour un patient jadis capable de le faire ? en cas de souffrance inapaisable ? ou insupportable ? Cette souffrance est-elle uniquement physique ou faut-il aussi prendre en considération la souffrance psychique ? Les enjeux de telles questions sont majeurs : l’étendue du champ d’application de la loi en dépend.

279L’articulation des données médicales « objectives » et des données « subjectives », ressenties par le malade, pose question. L’ambiguïté de la notion d’« incurabilité » ou la difficulté de définir l’état terminal sont aussi soulignées. Certains signalent en outre que distinguer les patients conscients et inconscients créerait des problèmes car, en fin de vie, beaucoup sont dans un état intermédiaire, « crépusculaire ».

Déclarations anticipées

280Quel rôle et quel statut donner aux déclarations anticipées ? Certains en soulignent l’importance dans les situations où le patient, jadis capable, n’est plus en mesure d’exprimer sa volonté : elles sont alors la condition indispensable pour pouvoir répondre à sa demande d’euthanasie. D’autres font remarquer la trompeuse simplicité d’un tel document : loin d’exprimer la volonté personnelle du patient, il peut traduire le sentiment de l’entourage qui estime que la limite du supportable est atteinte. D’autres insistent sur la possible inadéquation de ces déclarations : avec les caractéristiques de la maladie, Alzheimer notamment, ou avec l’état d’esprit de la personne, qui peut évoluer entre le moment de la déclaration et celui de son éventuelle mise en œuvre. D’autres encore estiment qu’une telle déclaration est à comprendre comme une indication à situer par rapport au vécu actuel de la personne.

281Les auditions montrent aussi combien est importante, en tout cas pour les malades atteints d’Alzheimer, la possibilité de désigner une personne de confiance capable de transmettre leurs volontés quant à la gestion de leur fin de vie.

Actes médicaux en fin de vie

282L’euthanasie est-elle un acte médical ? Quel est le rôle de la médecine et des médecins en fin de vie ? Le souhait d’une approche globale des décisions médicales en fin de vie est souvent exprimé.

Procédures

283Convient-il d’établir une procédure a priori et, le cas échéant, quelles en seraient la teneur et l’extension ? Faut-il prévoir des procédures distinctes selon que le patient est ou non en phase terminale et selon qu’il est conscient ou inconscient ? Quelle procédure a posteriori prévoir ? Les réponses à ces questions sont très diverses.

284Un point particulièrement sensible est l’extension de la procédure a priori. Diverses suggestions sont émises pour la préciser. Les uns prévoient une procédure minimale : la consultation d’un autre médecin indépendant, expert en la matière, comprise par certains comme une concertation (cette dernière devant demeurer facultative, est-il parfois précisé). D’autres élargissent – plus ou moins – ces consultations ou concertations préalables : elles impliqueraient un troisième médecin, l’équipe soignante, voire l’équipe de soins palliatifs, un comité d’éthique ou une instance composée de « sages » et de personnes indépendantes, avec lesquelles les cas discutables seraient examinés. De nombreux médecins insistent : la décision relève de leur responsabilité, une consultation collégiale constitue une aide à la décision mais n’est pas décisionnelle en elle-même. Cependant, certains médecins refusent qu’une euthanasie soit décidée dans le seul colloque singulier entre le patient et son médecin.

285Quant à la procédure a posteriori, telle que prévue dans la proposition de loi « des six », elle est fortement critiquée : pour son élaboration insuffisante, pour son manque de réalisme et, selon certains, pour son absence de vertu pédagogique.

Appréciations générales de la proposition de loi

286Quelques-unes des personnes auditionnées expriment leur accord avec la proposition de loi en discussion. Cependant, tout en reconnaissant qu’une loi est nécessaire, beaucoup critiquent le texte en débat : inadaptation aux réalités hospitalières ; non-prise en compte de catégories de patients qui sont en définitive les plus concernés, tels les patients semi-conscients ou déments, qui pourraient en outre se voir fragilisés par l’adoption de cette proposition de loi. Par ailleurs, qu’en est-il pour les personnes handicapées mentales profondes ou légères, ces dernières risquant davantage d’être l’objet de pressions puisque, reconnues capables, elles sont concernées par la proposition de loi ? De la plupart des auditions, il ressort que la proposition de loi doit être retravaillée, en profondeur pour les uns, sur des points particuliers pour les autres, notamment les directives anticipées et les procédures.

4.3. Fin officielle des auditions, poursuite officieuse

287Même si des membres de divers partis – PSC, Fédération PRL FDF MCC (sauf Philippe Monfils et Jean-Pierre Malmendier), Écolo – souhaitent prolonger les auditions, d’autres – CVP, PS, SP, VLD, Agalev – veulent résolument les clore et entreprendre le travail législatif. Hugo Vandenberghe (CVP) explique sa position : « Des auditions supplémentaires (…) auraient été sélectives (…) : des Français ou des Hollandais, mais pas des membres du Conseil de l’Europe ou des Anglais, qui sont contre toute législation de l’euthanasie. Alors… ». La décision d’y mettre fin l’emporte, malgré la crainte que le CVP, vu la proximité des élections communales du 8 octobre 2000, utilise politiquement la situation  [204]. Les travaux sont suspendus jusqu’au 30 mai. Une question de procédure restera à trancher : la suite des débats sera-t-elle publique ? P. Monfils y est favorable : « Ne revenons pas en arrière. Que les gens ne pensent pas que le travail parlementaire se borne à l’écoute d’auditions, puis à des arrangements avec des techniciens dont on aurait tout à cacher »  [205].

288Toutefois, des auditions « parallèles » se poursuivent à huis clos jusqu’au 26 mai.

289Y participent des sénateurs de différents partis qui souhaitent entendre encore quelques témoins. Signalons notamment Clotilde Nyssens et Magdeleine Willame-Boonen (PSC), Alain Zenner (PRL), Nathalie de T’Serclaes (MCC), Paul Galand et Josy Dubié (Écolo), Mia De Schamphelaere et Ingrid van Kessel (CVP), et Patrik Vankrunkelsven (VU–ID)  [206]. Ils entendent le docteur Christian Swine, président de la Société belge de gérontologie et de gériatrie (SBGG), un représentant de l’Académie royale de médecine de Belgique (ARMB) qui prépare un avis sur l’euthanasie (cf. infra, 5.2.1), et le docteur Didier Sicard, président du Comité consultatif national d’éthique (CCNE, France)  [207].

4.4. Bilan des sénateurs

290Au terme de ces auditions, les sénateurs auront entendu beaucoup de témoignages et de réflexions qui élargissent assurément leurs perspectives, comme le souhaitait H. Hasquin. Ils y auront aussi trouvé des suggestions susceptibles d’améliorer leurs textes, mais pas de ligne directrice univoque pour les guider. Les auditions sont largement perçues de façon positive, malgré quelques appréciations plus négatives  [208].

291Tout en reconnaissant que « ce n’est pas très réaliste », J. Dubié se demande si la première question à poser aux membres des commissions réunies n’est pas : « Faut-il vraiment légiférer sur l’euthanasie ? Et si oui, faut-il sortir l’euthanasie du Code pénal ? » On a vu que cette deuxième question demeure « un tabou » pour certains.

292Les sénateurs auront en outre à décider si le débat politique portera sur la proposition de loi « des six » à amender, ou si un nouveau texte devra être rédigé sur la base des auditions  [209]. Il s’avère en effet que « les certitudes d’hier ne sont plus celles d’aujourd’hui »  [210]. La proposition de loi « des six » a été jugée « abstraite » car ne répondant pas aux situations les plus problématiques et les plus souvent rencontrées dans les hôpitaux. De graves questions demeurent donc, dont beaucoup ont été soulevées lors des auditions. Une loi sera-t-elle en mesure d’encadrer les situations de façon à mettre fin à des euthanasies « douteuses »  [211] ? Comment légiférer ? Entamer l’interdit de tuer ne risque-t-il pas de décrédibiliser tout interdit auprès des citoyens ? Prendre appui sur l’« état de nécessité », comme le préconisent de nombreuses personnes auditionnées, ne risque-t-il pas de rigidifier ou de restreindre le champ d’application de cette notion  [212] ?

293Philippe Mahoux (PS) se dit « prêt à accepter des amendements » à la proposition de loi « des six » à la condition que les principes de base de celle-ci ne soient pas entamés : autonomie des patients, responsabilité impartageable et irréductible du médecin, dépénalisation partielle de l’euthanasie afin d’assurer la sécurité juridique du médecin  [213]. Ainsi l’intervention de l’équipe soignante – dont les auditions ont montré l’importance – serait-elle encouragée, sans pour autant être rendue obligatoire. La procédure a posteriori pourrait aussi être revue : plutôt qu’une déclaration au parquet, un système d’enregistrement des euthanasies auprès d’une instance indépendante pourrait être prévu. Cependant, ce changement demande prudence et réflexion : il ne s’agit ni de compliquer la tâche du médecin, ni de permettre des dérives, commente P. Mahoux. Les auditions de juristes ont attiré son attention sur une difficulté : « Il ne faudrait pas rédiger des lois entraînant des conséquences négatives pour des malades qui ne rentrent pas dans leur champ d’application ». Autrement dit, il s’agit de veiller à ce que « ceux qui ne sont pas compris dans la proposition ne soient pas exclus de toute forme de possibilité de voir leur demande prise en compte », déclare P. Mahoux en évoquant notamment les incapables et les mineurs.

294De son côté, Alain Zenner (PRL) rappelle son accord philosophique avec la proposition « des six », malgré quelques réserves techniques. Pour lui, effectivement, « il fallait rechercher le plus large accord possible, reposant sur la plus large assise sociale ».

295Il souhaite continuer à œuvrer dans ce sens mais, à titre personnel, il envisage plutôt l’élaboration d’un texte qui prenne en compte les questions de fin de vie dans leur ensemble et soit surtout un énoncé de principes de bonne pratique. La sécurité juridique du médecin doit être recherchée, mais, à son estime, l’autorisation de l’euthanasie « peut être inscrite dans le Code pénal par voie d’exception ou autre part – dans une loi isolée, dans l’arrêté sur l’art de guérir… » L’important est qu’elle soit « faite d’une manière qui ne heurte les convictions de personne, si c’est possible ».

296Clotilde Nyssens (PSC) se dit fort intéressée et propose d’engager une réflexion commune avec ceux qui partagent ces options ; elle prend dès lors de la distance par rapport à certaines de ses prises de position antérieures, notamment la manière d’objectiver l’état de nécessité. Cependant, elle réaffirme nettement trois principes qui soutiennent la proposition de loi qu’elle a déposée en novembre 1999 : « 1. L’interdiction de tuer reste fondamentale, sans ambiguïté », même si « le médecin, en conscience et après concertation, peut être justifié à agir dans certains cas, et au cas par cas » ; « 2. Le médecin a la responsabilité in fine, mais après concertation pluridisciplinaire » ; « 3. Rien ne peut porter atteinte à l’art de guérir, au sens de la philosophie de l’éthique médicale ».

297Quant à Patrik Vankrunkelsven (VU–ID), il déplorera, quelques semaines plus tard, l’attitude des médecins qui s’opposent à toute réglementation légale de l’euthanasie :
il y voit une « attitude guidée par le paternalisme ou le goût du pouvoir »  [214].

298Les divergences sont donc réelles. Mais « des points de vue se rapprochent », en tout cas du côté francophone, les positions des partis semblant plus clivées du côté néerlandophone  [215].

4.5. Analyses dans la presse périodique

299Rendons compte ici de l’appréciation générale des auditions que livre Hervé Cnudde dans La Revue nouvelle [216]. Après avoir souligné que ces auditions « constituent un fabuleux acquis », il livre deux remarques. La première porte sur la « palliativomania » qu’ont exprimée certains : « On n’a pu qu’être exaspéré, en effet, par le discours partial de certains responsables d’unités de soins palliatifs, radicalement incapables d’admettre, voire de comprendre, que leur propre pratique (y inclus, le cas échéant, la sédation contrôlée) ne soit pas la seule solution à tous les problèmes de fin de vie. Il faut vraiment que ces gens apprennent qu’ils mettent eux-mêmes en péril la crédibilité des soins palliatifs – dont le développement et le financement sont si importants pour tous –, en substituant ainsi à l’acharnement thérapeutique ce que d’aucuns qualifient, de bonne guerre, d’“acharnement affectif” ». La deuxième remarque est « de nature religieuse » : « On a en effet entendu au Sénat des déclarations d’experts, qui ne dissimulaient en rien leur appartenance confessionnelle, mais qui néanmoins tenaient à souligner que ce n’était pas dans leur foi mais dans une sorte de patrimoine culturel commun, en principe laïque, qu’ils puisaient leur argumentation ». Sans porter d’appréciation générale,

300H. Cnudde livre toutefois une observation : il met en garde contre « cette manière de faire [qui] est de nature à faire dériver les croyants, sans qu’ils s’en rendent compte vers cette vieille chose que, dès ses textes les plus anciens, la Bible qualifie d’idolâtrie ». L’idolâtrie en jeu ici est, pour lui, le « “caractère absolu de la Vie” que l’on est tenté de substituer à Dieu (…), mais qui se retourne contre ses utilisateurs, car cette Vie absolutisée devient incontrôlable et immaîtrisable ».

301Rendons compte aussi de l’analyse politique que livrent Marie-Cécile Royen et Philippe Engels dans Le Vif/L’Express, en réponse à la question : après six mois de débat, « comment atterrir en douceur ? »  [217] Si le PS et le SP soutiennent fermement la proposition de loi « des six », « malgré quelques doutes nés des auditions » et en acceptant « tout au plus d’apporter quelques amendements », d’autres partis sont « plongés dans un océan de perplexité » : « Tant le PRL qu’Écolo, qui comptent de nombreux chrétiens dans leurs rangs, ont affirmé qu’aucune discipline de groupe ne serait imposée aux sénateurs ». Vincent de Coorebyter (CRISP) commente : « Seuls les socialistes ont quelque chose à perdre dans l’aventure. En revanche, leurs partenaires ne ressentiraient pas l’adoption d’une loi plus “prudente” comme une défaite ». Le PSC n’est pas rassuré pour autant. Sa présidente, Joëlle Milquet, estime que les auditions confortent la proposition de son parti, favorable à une réglementation fondée sur l’état de nécessité : « À la lumière des auditions publiques, la position de synthèse et de consensus est… la nôtre ». Cependant, commentent M.-C. Royen et P. Engels, cette voie semble « politiquement impraticable » car elle serait interprétée comme une victoire des sociaux-chrétiens. De plus, elle introduirait « un grand flou juridique dans un dossier que l’on veut, au contraire, clarifier ». D’où l’hypothèse d’« une troisième voie – de consensus – susceptible de transcender les divergences ». Sera-ce le nouveau texte qu’A. Zenner appelle de ses vœux ? Et quelle direction suivront les débats (qui reprendront après le 8 octobre) ? En effet, « sauf revirement de dernière minute, tous les partis flamands – à l’exception du CVP et du Vlaams Blok – devraient voter massivement en faveur d’une dépénalisation de l’euthanasie… qui soulève de multiples réticences chez les francophones ». M.-C. Royen et P. Engels rapportent les propos d’un sénateur : « Peut-on réellement imaginer que le pays soit coupé en deux sur une question aussi délicate ? »

4.6. Initiatives parallèles aux auditions

302Rappelons que, en mars 1999, l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) et Recht voor Waardig Sterven (RWS) avaient lancé un « Appel aux représentants de la nation » ; intitulé « Choisir sa mort est un droit », il avait recueilli un nombre important de signatures (cf. supra, 1.4). Fin janvier-début février 2000, sous la forme d’un « Appel à tous les parlementaires pour dépénaliser l’euthanasie demandée », ces deux associations en ouvrent à la signature une version actualisée, mais dont le contenu est substantiellement le même. Comme le précédent, ce texte insiste sur la nécessaire reconnaissance de la liberté de choix du malade incurable et de l’euthanasie comme geste de compassion, d’humanité et de solidarité. L’ADMD et RWS marquent leur soutien à la proposition de loi « des six », estimant que « les conditions essentielles permettant l’exercice des droits du patient et sauvegardant ceux du médecin nous paraissent (…) y être rencontrées ». Enfin, l’appel se conclut ainsi : la dépénalisation de l’euthanasie demandée par le patient et respectant l’autonomie de décision du médecin, d’une part, protège ceux qui ne voudraient pas y recourir et, d’autre part, permet à ceux qui le souhaitent « de recevoir l’aide nécessaire pour faire de l’ultime moment de leur vie un dernier acte de liberté ».

303Cet appel est remis aux sénateurs par la présidente de l’ADMD, Jacqueline Herremans, lors de son audition le 23 février, avec la liste des signatures recueillies à cette date en Communauté française, à savoir plus de 400 médecins, dont de nombreux chefs de service des hôpitaux, « notamment des services d’oncologie et de neurologie où la question est particulièrement sensible » ; les recteurs de l’ULg, de l’ULB, de l’Université de Mons-Hainaut (UMH) et le vice-recteur de l’ULg ; une centaine de professeurs d’université et de chargés de cours de l’ULB, de l’UCL, de l’ULg et de l’UMH ; de nombreux membres du personnel infirmier, paramédical et administratif des hôpitaux et plus de 500 personnalités de diverses disciplines et du monde associatif. Dans son Bulletin trimestriel, l’ADMD fait savoir que, au 15 mars, le nombre des signataires a fortement augmenté. Aux recteurs déjà signalés s’ajoutent deux recteurs honoraires de l’ULB. Les académiques sont désormais 170 ; les médecins, 600 ; les membres du personnel infirmier, paramédical, technique et administratif des hôpitaux, plusieurs centaines ; les personnalités de diverses disciplines, 900. En outre, plus de 1 000 sympathisants se joignent aux membres de l’ADMD  [218].

304Quant au président de RWS, Léon Favyts, auditionné également le 23 février, il remet aux sénateurs une liste de plus de 100 signataires dont il cite quelques-uns : des médecins, dont certains sont attachés à des cliniques universitaires flamandes, des professeurs à la VUB, des mandataires politiques néerlandophones, et des personnalités du monde politique et culturel néerlandophone.

305En mars 2000, le PSC diffuse une brochure intitulée « Euthanasie : ce que nous pensons ». Le parti social-chrétien francophone y rappelle sa position : « Nous privilégions une approche globale des situations de fin de vie dans un texte de loi qui concerne les pratiques médicales, qui intègre les soins continus et palliatifs, la lutte contre l’acharnement thérapeutique et l’abandon thérapeutique. Tout en refusant de toucher à la disposition du Code pénal consacrant l’interdit de tuer, nous prévoyons néanmoins la possibilité pour le médecin de se trouver dans une situation légale d’état de nécessité lui permettant de répondre à une demande d’euthanasie : lorsque celle-ci est exprimée par un patient conscient, confronté à des circonstances exceptionnelles (douleur non maîtrisable, fin de vie à brève échéance, maladie incurable), après une consultation collégiale notamment d’un autre médecin, de l’équipe soignante et, le cas échéant, des proches ». Par cette brochure, le PSC veut à la fois informer, indiquer « les raisons pour lesquelles la proposition de loi déposée par les sénateurs de la majorité [lui] semble critiquable » et présenter la démarche de consultation populaire qu’il préconise. Par cette dernière, il veut « désidéologiser le débat » et informer le politique du sentiment de l’opinion publique. Simultanément, à propos des positions qu’il soutient, il lance un questionnaire à lui renvoyer.

306Pour sa part, la revue Imagine organise un débat entre J. Milquet et J. Dubié  [219], dont le ton et le contenu sont, d’après elle, révélateurs de « positions moins tranchées et inconciliables que d’aucuns le prétendent ». Les deux interlocuteurs, s’exprimant au nom de leur parti respectif (PSC et Écolo), s’accordent sur la nécessité de légiférer et sur l’importance des soins palliatifs. Mais ils ne s’accordent pas sur les modalités. Écolo est favorable à la dépénalisation sous des conditions très strictes (par exemple, la consultation de l’équipe soignante) ; le PSC veut le maintien de l’interdit de tuer dans le Code pénal sans pour autant que le médecin agissant en état de nécessité soit poursuivi. Pour Écolo, le droit à l’autonomie du patient incurable et souffrant de douleurs insupportables doit être reconnu ; pour le PSC, la demande d’euthanasie n’est envisageable que pour un patient dont la mort est très proche. Écolo est en faveur de la déclaration anticipée ; le PSC la redoute et la critique.

307La Libre Belgique apprend, selon une relation de la « presse flamande » (sans autre précision), que l’administration de la Santé publique et des travailleurs en soins palliatifs ont rédigé ensemble une note qui dénonce la subsidiation « irréaliste » des réseaux de collaboration et « risiblement faible » des soins palliatifs, ainsi que le soutien « inexistant » des médecins en ce domaine  [220]. Le CVP tire parti de la situation pour mettre en avant ses propositions de loi axées sur les soins palliatifs : il s’agit d’ancrer « une culture palliative » dans les mentalités, donc notamment de garantir à tous le droit à des soins palliatifs à l’hôpital, en maison de repos et en maisons de repos et de soins, et de façon prioritaire au domicile.

5. À la recherche d’un consensus (mi-mai - mi-octobre 2000)

308Avant de rendre compte des démarches orientées vers la recherche d’un consensus, signalons une question de procédure et de calendrier qui sera soulevée au début du mois de juin 2000. Les chefs de groupe de la majorité s’entendront pour reporter les débats après les élections communales du 8 octobre 2000, seules quelques réunions de discussion générale ayant encore lieu auparavant. En séance publique, comme le bureau des commissions réunies l’avait décidé à l’unanimité le 31 mai, ou à huis clos, comme l’exige Armand De Decker (PRL), qui rappelle les règles de fonctionnement du Sénat  [221] ? La discussion est vive entre les commissaires, partisans de la transparence, et le président du Sénat, désireux de débats sereins. Le bureau du Sénat tranchera le 8 juin : la discussion générale jusqu’à mi-juillet sera publique ; l’examen article par article qui aura lieu ultérieurement se déroulera à huis clos  [222]. Par ailleurs, le bureau des commissions réunies aura aussi décidé à l’unanimité que les travaux au Sénat devraient être clôturés pour Noël  [223].

309Le 20 juin, la discussion générale reprendra. « Jusqu’à présent, en fait, on n’a eu aucun débat », déclarera Jeannine Leduc (VLD) en début de séance  [224]. Effectivement, l’écoute des propositions et des auditions a prédominé. Or les questions demeurent, notamment celles de la dépénalisation et de la limitation ou non à la phase terminale. Sur ces points, le fossé subsiste entre les sénateurs, chacun puisant dans les auditions de quoi soutenir son propre point de vue.

5.1. Dépasser les clivages

310Nombreux sont les sénateurs qui reconnaissent que les auditions ont fait évoluer leur point de vue. Nombreux aussi sont ceux qui estiment nécessaire que la loi repose sur le consensus le plus large possible. Dès lors, parallèlement aux débats, différentes démarches, formelles ou plus informelles, sont entreprises afin de dépasser les clivages. La session se clôturera ainsi sur des perspectives plus positives : des dialogues auront été ouverts et des pas significatifs auront été faits en direction d’un consensus. Cependant, des fins de non-recevoir auront aussi été exprimées, plus ou moins ouvertement. De toute façon, plusieurs questions importantes demeureront ouvertes, ce qui conduira à s’interroger sur la consistance du consensus atteint et sur sa capacité à déboucher sur une loi  [225]. Fin juin, Philippe Monfils (PRL) souligne d’ailleurs que, après les auditions, il est plus que jamais convaincu qu’il existe deux tendances idéologiques incompatibles, selon que l’on considère que la personne dispose ou non de façon autonome de sa vie : « Une confrontation paisible n’est-elle pas une démocratie ? Y a-t-il seulement démocratie quand il y a consensus ? Certains sont favorables à un plus petit dénominateur commun ou à un vague consensus. (…) Après quarante-quatre auditions, le clivage demeure. Une troisième voie n’est pas possible »  [226].

5.1.1. Du côté du PSC

311Les sénateurs PSC réaffirment leurs positions (ne pas dépénaliser l’euthanasie, ne l’envisager qu’en fin de vie), mais, dans la foulée des auditions, ils signalent qu’ils amenderont leur texte  [227]. Ils souhaitent étendre le champ d’application de la proposition de loi qu’ils ont déposée en novembre 1999 à toutes les situations graves de fin de vie, notamment aux patients inconscients. Ils estiment en effet que la différence entre patient conscient et patient inconscient ne correspond pas à la réalité médicale, qui se caractérise plus souvent par « un état crépusculaire », comme cela a été signalé dans les auditions. De celles-ci, ils retiennent aussi que des cellules d’aide à la décision existent déjà dans de nombreux hôpitaux. En conséquence, ils supprimeront le recours obligatoire au comité d’éthique afin d’éviter des procédures trop lourdes : « Ne bureaucratisons pas la concertation préalable à l’euthanasie ». À propos du contrôle a posteriori, jugé peu efficace et qui « ne doit pas être perçu comme un tribunal », ils se montrent intéressés par une suggestion du Comité consultatif national d’éthique français (CCNE) : une plainte introduite pour une euthanasie – infraction en regard du Code pénal – serait examinée par le magistrat entouré de personnes compétentes qui l’aideraient à se prononcer. Enfin, ils estiment que la directive anticipée ne peut lier le médecin et que les propositions de loi visant le développement des soins palliatifs doivent être débattues en priorité.

312En outre, le 22 mai 2000, le bureau du PSC annonce, via un communiqué, que ses parlementaires prendront l’initiative de contacts avec les parlementaires francophones et néerlandophones d’autres partis qui partagent leurs convictions. Au cours de ces contacts, il s’agira d’apprécier dans quelle mesure une initiative législative commune, différente de celle « des six », est susceptible de réunir une majorité parlementaire alternative. Cette annonce prolonge la proposition faite par Clotilde Nyssens (PSC) début mai ; les contacts semblent d’ailleurs déjà en cours  [228].

5.1.2. Du côté du CVP

313Le 29 mai, le CVP, qui se sentait exclu de la discussion commune malgré ses contacts avec le PSC, initie une démarche de rapprochement plus large. Le président du parti, Stefaan De Clerck, adresse aux autres présidents de parti un message accompagné d’une note de synthèse intitulée « Het euthanasiedebat, evaluatie na de hoorzittingen, conclusies en standpunt », qui précise les positions actuelles du CVP suite aux auditions  [229]. Ces positions sont les suivantes. D’une part, le statu quo : dès le début, pour des situations tout à fait exceptionnelles, le CVP a été prêt à envisager une exception d’euthanasie, mais cette dernière doit rester pénalement interdite et ne peut concerner que des patients en phase terminale. D’autre part, des évolutions : une déclaration anticipée rédigée récemment par un patient bien informé de l’évolution de sa maladie et des traitements possibles pourrait être reconnue, mais ne serait pas contraignante pour le médecin ; les modalités de la procédure a priori pourraient être discutées ; la procédure a posteriori serait un peu allégée (seuls les cas douteux seraient transmis au procureur du Roi par le médecin légiste). Dans le message aux présidents de parti qui accompagne cette note, S. De Clerck exprime un réel espoir de consensus et la volonté d’œuvrer en ce sens. Commentant ce message, il déclare : « Dans une matière d’une telle importance, certains principes posés, j’espère qu’on fera le maximum de tous les côtés. On a l’obligation de tout faire pour arriver à un consensus. Nous posons donc la question par l’intermédiaire des présidents de partis. C’est important que tout le monde joue le jeu de façon transparente ». Cette démarche tente, à sa manière, de dissiper les fixations, ce qui est d’autant plus remarquable que la situation paraît davantage bloquée entre partis néerlandophones. Vise-t-elle pour autant à faire remonter la décision au niveau des présidents de parti ? S. De Clercq déclare avoir voulu faire connaître les positions de son parti aux autres partis, en espérant recevoir en retour la même information de leur part. Tout en lui rappelant la règle de la liberté individuelle qui prévaut entre parlementaires libéraux, Daniel Ducarme (PRL) répond : « Je puis vous dire que votre texte permet d’espérer un rapprochement des points de vue ».

5.1.3. Un texte alternatif élaboré par des membres de différents partis

314Un texte alternatif visant un encadrement légal de l’accompagnement en fin de vie est présenté le 9 juin 2000 par trois sénateurs de la Fédération PRL FDF MCC, Alain Zenner, Alain Destexhe et Nathalie de T’Serclaes, auxquels se joignent deux sénateurs d’Écolo, Paul Galand et Marc Hordies, agissant tous à titre personnel  [230]. Il n’est pas déposé en bonne et due forme comme une proposition de loi, mais vise à « servir de base aux échanges d’idées ultérieurs » en vue « d’arriver à un consensus de la société belge, tant au nord qu’au sud du pays ».

315Quel en est le contenu ? Le patient doit être placé au centre de la décision. Il a le droit d’être informé de son état de santé, tout acte médical étant subordonné à son consentement libre et éclairé  [231]. En fin de vie, il doit bénéficier de toute assistance morale et médicale, curative ou palliative, pour soulager ses douleurs physiques ou morales et préserver sa dignité ; il ne peut être question d’acharnement thérapeutique, mais des actes sont autorisés qui peuvent avoir pour effet secondaire de hâter le décès. Ce dernier objectif ne pourrait être poursuivi à titre primaire par un médecin que dans des cas exceptionnels où le patient cumulerait les quatre conditions suivantes : souffrances irréductibles ou insupportables ; phase terminale ; demande non équivoque, mûrement réfléchie, répétée et persistante ; confirmation, par un confrère spécialisé dans la pathologie dont souffre le patient, du caractère inéluctable du décès à court terme et de l’adéquation des soins prodigués. L’ensemble des démarches du patient et du médecin ainsi que les avis de l’équipe soignante et « de tiers susceptibles d’être utilement consultés » doivent être consignés au jour le jour dans le dossier médical, signé par le médecin et visé, « sauf impossibilité », par un autre membre de l’équipe soignante. Les formalités juridiques sont réduites au minimum afin d’éviter une tribunalisation a priori excessive (chaque cas devant être examiné par un juge) et un encombrement des parquets a posteriori. Comme le CVP, le texte estime que la directive anticipée ne peut avoir qu’une valeur indicative pour le médecin. Il ne recourt pas au terme « euthanasie » et ne touche pas au Code pénal. Il ne propose donc pas une dépénalisation mais, dans des cas exceptionnels, une « autorisation de la loi » assortie des quatre conditions citées plus haut.

316Le PSC n’a pas contresigné ce texte, auquel il a toutefois activement collaboré ; il en estime la qualité, mais le juge perfectible  [232]. À son sens, la précipitation n’est pas de mise puisque les débats n’auront lieu qu’en octobre ; d’ici là, il est souhaitable de travailler avec les parlementaires néerlandophones qui envisagent un rapprochement mais demandent un temps de réflexion. Le PSC note aussi que les signataires du texte alternatif s’engagent individuellement, alors qu’il a pour usage de travailler en équipe. Sur le fond, il souhaite plusieurs modifications : que les souffrances du patient soient irréductibles « et » insupportables (pas « ou ») ; que la consultation de tiers soit rendue obligatoire. La forme d’autorisation légale a priori préconisée par le texte met le PSC « mal à l’aise » : « On peut interpréter le texte comme une légalisation automatique de l’euthanasie si quatre conditions sont réunies, ce qui donne l’impression d’une dépénalisation conditionnelle », commente C. Nyssens. Le PSC préfère un dispositif a posteriori : des causes de justification interviendraient pour le médecin confronté à un état de nécessité, l’exception d’euthanasie intervenant au niveau de la procédure.

317Quelques semaines plus tard, Hugo Vandenberghe (CVP) salue le « courage politique » d’A. Zenner et des co-signataires du texte alternatif du 9 juin. Pour lui, le CVP peut partager l’approche qui y est présentée – une forme d’autorisation légale de l’euthanasie qui ne touche pas à l’interdit de tuer inscrit dans le Code pénal –, mais il estime qu’elle doit être approfondie. Il considère aussi que le débat doit éviter les jeux politiques et les clivages majorité/opposition, et tenir compte de l’absence de consensus au sein de la société au sujet de la dépénalisation de l’euthanasie  [233].

318Par contre, plusieurs membres des commissions réunies expriment immédiatement leurs fortes réticences. Pour eux, ce texte n’est pas une troisième voie. Ainsi, pour Philippe Monfils (PRL), très irrité, il est « un vide intégral, en retrait même par rapport aux propositions PSC-CVP qui organisent au moins la prise en compte de l’état de nécessité » ; c’est une « voie de garage » et il cache une volonté de statu quo [234]. Pour Philippe Mahoux (PS), plus serein, le texte alternatif ne règle rien du problème puisqu’il n’apporte aucune sécurité juridique au patient et au médecin et ne permet pas de faire cesser les euthanasies abusives. P. Mahoux déclarera en outre le 19 juin : « Nous refusons le statu quo, et des textes qui ne constituent pas une avancée sur les plans humain et juridique »  [235]. Jacinta De Roeck (Agalev) réprouve le fait que les cinq signataires n’aient pas choisi la voie d’amendements proposés au texte « des six », mais, quelques jours plus tard, elle dira sa conviction qu’A. Zenner « sera un partenaire de discussion »  [236]. Agalev rappelle toutefois qu’il est « impensable » de limiter l’euthanasie aux patients en phase terminale. Pour sa part, le président du VLD, Karel De Gucht, déclare concevoir que la proposition « des six » doit être nuancée, mais il estime que, pour le moment, il n’y a pas d’argument suffisant pour s’en écarter. Quelques jours plus tard, Jeaninne Leduc (VLD) et Myriam Vanlerberghe (SP) déclarent que ce texte alternatif – qu’elles estiment « peu consistant » – n’entame pas la cohésion des « six ». Elles plaident pour un cadre juridique non équivoque, « ce qu’à leur estime on ne trouve ni dans les textes des sociaux-chrétiens, ni dans celui de Zenner et consorts »  [237].

5.1.4. En coulisses, du côté des six auteurs de la proposition de loi commune

319Fin juin, dans les coulisses, les « six » se disent toutefois prêts à amender leur proposition de loi, en association avec Patrik Vankrunkelsven (VU–ID), désormais membre de leur braintrust [238]. Primo, les situations seraient distinguées : la procédure serait plus lourde si le patient n’est pas en phase terminale. En plus du deuxième médecin, une troisième personne devrait alors être consultée : en aucun cas un éthicien, mais peut-être un médecin spécialisé en soins palliatifs ou un psychologue. En effet, la question n’est pas tranchée sur ce point. P. Vankrunkelsven propose, mais sans en faire une position rigide, de choisir trois membres du comité d’éthique, deux médecins et un juriste. Secundo, le médecin qui pratique une euthanasie ne devrait pas en référer directement au parquet, mais adresser une déclaration anonyme à une commission de contrôle qui ne transmettrait le dossier qu’en cas de non-respect des critères de minutie.

320Pour sa part, P. Vankrunkelsven prévoit un amendement dans lequel il plaidera pour que l’euthanasie soit formellement mentionnée dans le Code pénal comme fait punissable, mais que le médecin ayant respecté les critères de minutie définis dans la future loi relative à l’euthanasie ne soit pas poursuivi. Dans les faits, le sénateur VU–ID est donc favorable à une dépénalisation, mais il veut ainsi adresser un signal apaisant à la population. Or, les « six » s’en tiennent à leur position initiale : une dépénalisation partielle et conditionnelle de l’euthanasie, explicitement inscrite dans le Code pénal. Pour P. Mahoux, sans cette inscription explicite, l’euthanasie demeure considérée comme un fait punissable et cela affecte concrètement la sécurité juridique des médecins, qui continueront à être passibles de poursuites même s’ils respectent les critères de minutie ; il ne s’agit donc pas d’un enjeu symbolique. J. Leduc soutient, elle aussi, que l’euthanasie n’a pas sa place dans

321le Code pénal comme fait punissable : « Il y va d’un acte d’humanité qu’on ne peut pénaliser ». J. De Roeck partage cette position et reconnaît que si, pour son parti, la dépénalisation est la solution « la plus claire » pour le patient et le médecin, néanmoins, sur cette question « il y a encore matière à débat »  [239]. Elle dira quelques jours plus tard : « Il faut peser les avantages et les désavantages de chaque hypothèse. Entre une dépénalisation et la notion d’état de nécessité, il existe des possibilités »  [240].

322En outre, P. Vankrunkelsven estime qu’il faut reconnaître l’autonomie de décision à l’égard de l’euthanasie à partir de 16 ans  [241]. Kathy Lindekens (SP) envisage pour sa part de proposer un amendement visant à intégrer l’euthanasie des enfants dans la loi. Elle ne le fait pas immédiatement, pour ne pas compliquer les discussions actuelles  [242].

5.1.5. Du côté d’Écolo

323Le 4 juillet, au nom du groupe Écolo qu’elle préside, Marie Nagy prend ses distances par rapport à la proposition de loi « des six » dont elle était co-signataire, en raison des conclusions que son groupe tire des auditions  [243]. Les écologistes francophones plaident pour quatre modifications fondamentales. Primo, l’euthanasie doit certes être autorisée, mais par le biais d’un texte de loi qui définirait les conditions qui doivent être réunies. À l’inverse du PSC et du CVP, Écolo estime qu’il ne convient pas de déterminer légalement les conditions de la notion jurisprudentielle d’état de nécessité. Et, à la différence de la proposition de loi « des six », le parti considère qu’il ne convient pas non plus d’inscrire la dépénalisation dans le Code pénal. En effet, explique M. Nagy, cette inscription « comporte l’inconvénient de heurter inutilement ceux qui estiment qu’elle donne un signal symbolique négatif par rapport à la valeur du texte de loi qui détient le fondement de notre société : l’interdit de tuer ». De plus, les écologistes francophones estiment qu’il n’est pas sensé d’approuver une loi qui n’est pas soutenue par une majorité de la magistrature et du corps médical, alors que ces deux groupes professionnels auront à la mettre en œuvre. Secundo, la demande d’euthanasie des patients dont le décès n’interviendra pas à brève échéance doit faire l’objet d’une approche distincte et « entourée de beaucoup de précautions », alors que la proposition de loi « des six » n’envisage pas de conditions spécifiques. M. Nagy réserve à la négociation ultérieure le soin de préciser ces dernières. Tertio, alors que l’actuelle proposition « des six » n’envisage que le cas du patient capable, la future loi devrait, selon Écolo, prévoir le cas des personnes incapables. Pour celles-ci, la procédure devrait inclure la famille et l’équipe médicale. Quarto, la procédure a posteriori doit être revue. Bien qu’elle ait précédemment insisté sur la liberté de vote de chacun, M. Nagy semble ainsi vouloir restaurer l’unité de vues dans son groupe.

324P. Mahoux (PS) dit ne rien trouver de « très concret » dans cette intervention d’Écolo, qui est accueillie en revanche positivement par A. Zenner (PRL), N. de T’Serclaes (MCC), M. Vanlerberghe (SP) et J. De Roeck (Agalev). Pour sa part, C. Nyssens (PSC) défend et nuance la position de son parti. Elle veut distinguer l’ouverture du droit à invoquer l’état de nécessité, susceptible d’une certaine objectivation, et les conditions d’exercice de ce droit, qui ne s’y prêtent pas, afin de « préserver, pour le juge, son pouvoir d’appréciation au cas par cas, “qui fait toute la différence avec l’autorisation pure et simple de la loi” ».

5.1.6. Du côté du SP

325À son tour, le président du SP, Patrick Janssens, se montre favorable à la recherche d’un consensus. Le 7 juillet, il répond positivement à la proposition de discussion lancée fin mai par S. De Clerck, son homologue du CVP, suite aux ouvertures que ce parti a exprimées  [244]. Cependant, il estime que d’autres partis doivent se joindre à cette discussion car celle-ci ne peut faire l’objet d’une concertation entre les seuls SP et CVP, pas plus qu’elle ne peut être réglée par les présidents de parti, hors Parlement. Pour lui, « la loi ne peut être la conséquence d’un rapport de force, mais doit refléter un important consensus. Ainsi a-t-on la garantie que la loi est l’émanation de valeurs consolidées ». Pour P. Janssens, de nombreuses questions restent ouvertes, dont la dépénalisation et la recherche de critères distincts pour les patients incurables selon qu’ils sont ou non en phase terminale. Il craint toutefois que les sénateurs CVP soient moins ouverts que le président de leur parti. Ce que dément S. De Clerck, qui se réjouit de la réponse positive faite à sa proposition, même si le consensus lui semble encore lointain.

5.1.7. Du côté du PS

326Le 14 juillet, le président du PS, Elio Di Rupo, accompagné de Philippe Mahoux et de Roger Lallemand, fait part des positions de son parti : « Nous proposions d’introduire une disposition dans le Code pénal, afin de permettre une exception aux articles qui incriminent le meurtre et l’assassinat. On nous répond que nous ébranlons un symbole, que l’on ruine l’autorité de la loi. Ce n’est pas notre avis, mais, pour nous, le moyen n’est pas important. Nous acceptons de procéder par une loi séparée. Mais qui devra dépénaliser l’euthanasie afin de donner une sécurité juridique au patient et au médecin »  [245]. C’est à la fois un geste fort et une double conviction qui s’expriment ainsi. Un geste fort à propos d’une question particulièrement sensible : « dans un esprit de tolérance et d’ouverture », le PS accepte de ne pas modifier le Code pénal, mais de procéder par le moyen d’une loi séparée. Une double conviction : le texte final doit être clair, dépourvu d’ambiguïtés et de zones d’ombres, et l’autonomie de décision du patient doit être garantie. La future loi devra faire « explicitement exception aux articles 392 et suivants du Code pénal qui condamnent le meurtre et l’assassinat ». Elle précisera les conditions à respecter en reprenant celles de la proposition de loi « des six » : la demande « expresse, non équivoque, mûrement réfléchie, répétée et persistante » doit venir du malade majeur ou mineur émancipé, capable et conscient, atteint d’une affection incurable grave et éprouvant une souffrance physique ou une détresse morale constante, insupportable et inapaisable. Pour sa part, P. Mahoux rappelle qu’« il s’agit de remettre le patient au centre du processus, de lui permettre une réelle autonomie de décision. Il faut donc agir avec clarté, afin d’éviter à la fois une erreur par défaut, c’est-à-dire l’absence de réponse parce que les malades n’osent même pas exprimer leur demande, et l’erreur par excès, c’est-à-dire que des euthanasies soient pratiquées sur des patients qui ne l’ont pas demandé ». Autre élément neuf : le PS indique qu’il n’a jamais entendu limiter l’euthanasie aux patients en phase terminale, mais qu’il a toujours voulu que la future loi concerne aussi les malades incurables qui ne sont pas en phase terminale. Cependant, « parce qu’il existe des différences de temps et d’urgence », des conditions différentes pourront être définies, toutefois « sans déroger au principe que la décision n’appartient qu’au médecin et à son malade ». Enfin, la procédure a posteriori serait redéfinie : plutôt qu’une déclaration systématique au parquet, le PS propose de confier la collecte des déclarations faites par les médecins à une « commission-tampon » qui serait chargée de vérifier si les conditions de la loi sont remplies et qui, en cas d’anomalies, transmettrait elle-même le dossier au parquet. Quant à R. Lallemand, il rappelle qu’il existe déjà des exceptions à l’interdiction du meurtre : dès lors, pour le PS, « il n’est pas essentiel de modifier le Code [pénal] ». Cependant, il souligne que la loi doit changer « parce qu’il y a aujourd’hui des situations inadmissibles. (…) On pratique l’anesthésie au lieu de dialoguer. Or, seul le dialogue peut donner au patient un rôle de partenaire de sa propre santé. La conclusion de cet entretien peut être une solution tout à fait différente de l’euthanasie. (…) Une loi claire transposera la volonté démocratique d’une société où plusieurs éthiques différentes (…) restent possibles en même temps, même si elles se contredisent (…). La nouvelle loi va imposer l’existence d’une règle qui n’existe plus aujourd’hui, puisque la loi actuelle est violée des milliers fois par an en Belgique. (…) Mais plus on attend, plus on dégrade la loi actuelle, donc la démocratie ».

327Les ouvertures du PS en direction d’un consensus suscitent la réaction positive des membres d’autres partis. P. Monfils (PRL) exprime son plein accord : « Les socialistes confortent les grands principes défendus dans la proposition initiale. Leurs propositions de modifications consistent en fait en un habillage différent qui ne me dérange pas du tout »  [246]. M. Nagy (Écolo) se réjouit de « la prise de position très constructive » du PS qui rejoint deux de ses propositions : « ne pas toucher au Code pénal ; distinguer phase terminale et non terminale ». Elle espère un accord à la rentrée parlementaire : « On a retrouvé un terrain de débat et le Sénat pourra jouer son rôle législatif de manière à coller à la situation réelle vécue par les gens »  [247]. Au nom du PSC, J. Milquet « apprécie positivement » la déclaration d’E. Di Rupo de ne pas toucher au Code pénal : « C’est un pas intéressant ». Elle salue cette décision « symbolique » qui, après les propositions d’A. Zenner et de M. Nagy, « rapproche l’ensemble des partis francophones » de la position de base du PSC  [248]. Mais elle exprime plusieurs réserves. Dépénaliser l’euthanasie via une loi séparée serait « une dépénalisation aussi forte » que la modification du Code pénal et « serait quand même créer une autorisation explicite de tuer ». Pour elle, cette loi particulière ne devrait invoquer « que l’exception de l’état de nécessité ». Cet état devra être apprécié par le médecin mais « il faut assurer la collégialité de la décision, avec l’équipe soignante et les proches, même si, in fine, la décision appartient au médecin ». J. Milquet estime aussi qu’étendre la loi aux patients incurables qui ne sont pas en phase terminale risque de méconnaître leur possible fragilité morale. Elle craint enfin que les conditions posées pour la pratique d’une euthanasie soient « trop laxistes ». De son côté, A. Zenner (PRL) souligne que la volonté de trouver un consensus ne doit pas masquer les oppositions de fond « qui demeurent ». Il se demande si un accord à leur propos sera possible : « Il faut distinguer un élément symbolique, l’interdit de tuer, et des éléments de fond : le malade en phase terminale, le malade incurable qui n’est pas en phase terminale, le malade conscient ou le malade qui n’est pas conscient »  [249]. Or H. Vandenberghe (CVP) s’était prononcé énergiquement quelques semaines plus tôt contre la possibilité de prévoir l’euthanasie pour les malades incurables en distinguant les procédures. Il s’était aussi dit prêt à redéfinir l’état de nécessité dans la proposition de loi CVP comme « une situation dans laquelle le décès d’un patient qui souffre de manière insupportable et intraitable selon l’avis médical dominant est prévu à brève échéance »  [250].

5.1.8. Du côté du VLD

328Le 18 juillet, dans un communiqué, Jeannine Leduc précise, elle aussi, les positions de son parti  [251]. Le VLD accepte de dépénaliser l’euthanasie par une loi séparée, sans modifier le Code pénal. Cette loi préciserait strictement les conditions à respecter. La distinction entre les patients en phase terminale et les patients incurables, qui semble largement acceptée par les partis de la majorité, s’accompagnerait de critères de minutie distincts : pour les patients en phase terminale, le médecin traitant – qui doit apprécier le caractère incurable et irréversible de la maladie ainsi que l’absence de perspectives thérapeutiques – devra prendre l’avis d’un deuxième médecin avant de pratiquer l’euthanasie ; pour les patients incurables dont le décès n’intervient pas à brève échéance, le VLD propose de prendre l’avis d’un troisième médecin. Pour J. Leduc, « une loi sur l’euthanasie doit aboutir d’urgence ». Mais, comme Karel De Gucht l’avait confié la semaine précédente au Standaard à propos du fossé qui sépare les libéraux et les sociaux-chrétiens néerlandophones, « c’est une illusion de croire qu’un pont puisse être jeté ». Il avait aussi déclaré que son parti ne faisait pas de la dépénalisation une question fétiche, pourvu que soit trouvée une formule qui assure la plus grande sécurité juridique.

329Le 19 juillet, lors de la dernière réunion des commissions réunies avant les vacances, le médecin Jan Remans (VLD) dit son soutien à la proposition de loi « des six » dépénalisant partiellement l’euthanasie. Celle-ci n’est pas « à prendre ou à laisser », ses auteurs étant prêts à y introduire des amendements, notamment ceux qui viennent d’être évoqués. Son souhait, comme celui de son parti, est d’aboutir à une « loi transparente »  [252].

5.1.9. Du côté des partis de la majorité « arc-en-ciel » et de la VU–ID

330Ce même jour, le 18 juillet, des représentants des six partis de la majorité se réunissent, avec la VU–ID, afin d’examiner les modifications possibles à la proposition de loi « des six » : critères distincts pour les patients en phase terminale et les patients incurables ; renforcement du « tampon » entre le médecin ayant pratiqué une euthanasie et le parquet  [253]. P. Vankrunkelsven est favorable à ces modifications, sans être sûr toutefois que son parti les soutiendra aussi. Tout dépendra de la manière dont la majorité va résoudre la question de la dépénalisation. On l’a vu, c’est la voie d’une loi particulière sans modification du Code pénal qui est désormais proposée. Or, pour les sociaux-chrétiens, elle n’est pas acceptable. P. Vankrunkelsven lui-même se montre peu enthousiaste ; il considère que l’euthanasie doit demeurer punissable mais que, moyennant certaines justifications, il ne doit pas y avoir de sanctions.

5.2. Dans le monde médical

331Plusieurs prises de position émanant de représentants ou de membres du monde médical interviennent, à commencer par l’avis de l’Académie royale de médecine de Belgique (ARMB) et celui du comité d’éthique de la Fédération des maisons médicales et des collectifs de santé francophones (FMMCSF).

5.2.1. L’avis de l’Académie royale de médecine de Belgique (ARMB)

332Le 27 mai, l’ARMB adopte un avis sur les problèmes de fin de vie  [254]. Les académiciens s’en tiennent volontairement aux aspects relevant de la santé publique ; ils estiment qu’il ne leur revient ni de trancher les oppositions philosophiques ou idéologiques (ils n’ont donc pas recherché de consensus à ce propos), ni de se prononcer sur la nécessité de légiférer ou non sur l’euthanasie. On verra que certaines des positions qu’ils expriment correspondent à des pierres d’achoppement dans le débat parlementaire : ainsi en est-il de l’idée, unanimement partagée, que les soins palliatifs suppriment souvent les demandes d’euthanasie ; de la valeur à accorder aux directives anticipées (qui, elle, ne fait pas l’unanimité) ; de la question (controversée, elle aussi) de l’euthanasie « active » pratiquée sur des patients incurables qui ne sont pas en phase terminale mais ressentent une intense souffrance. On verra également que les divergences philosophiques exprimées à propos de cette dernière question – et qui sont les mêmes que celles qui divisent les commissions réunies – sont ici transcendées par deux accords unanimes : la conscience du médecin doit être respectée, tout comme les choix du patient.

333Les académiciens rappellent d’abord le contexte qui a mené à s’interroger sur l’euthanasie. L’efficacité croissante des moyens à la disposition des médecins suscite les risques d’acharnement thérapeutique, lequel conduit à s’interroger sur l’arrêt des traitements, puis sur l’arrêt actif de la vie et sur les directives anticipées. Parallèlement, les soins palliatifs se sont développés et la mission initiale du médecin – sauver la vie des patients – s’est élargie à l’obligation de soulager ces derniers quand ils sont incurables, afin de leur assurer une fin de vie aussi digne et paisible que possible. Enfin, dans le contexte d’une « culture des droits de l’homme », les valeurs d’autonomie de la personne, de justice sociale et de solidarité ont été mises en avant : à la défense de la vie s’est substituée la qualité de la vie, et le consentement du patient aux actes médicaux proposés a pris une importance croissante.

334L’avis exprime ensuite les consensus puis les dissensus de ses membres sur différentes questions, assortis de commentaires.

5.2.1.1. Les consensus

335Consensus contre l’acharnement thérapeutique futile, avec trois commentaires. Primo, tout patient a le droit de demander d’arrêter ou de ne pas entreprendre un traitement ; le médecin doit lui demander son consentement pour de telles décisions. Secundo, le médecin doit s’enquérir « soigneusement » de l’avis du patient et, si c’est impossible, consulter l’équipe soignante, les proches et, le cas échéant, d’autres personnes responsables. Les décisions de suspension des traitements sont toutefois prises par le médecin, qui peut se faire aider si nécessaire par des experts ou une cellule d’aide à la décision. Tertio, quelle que soit la décision qu’il prend, le médecin reste obligé de veiller au soulagement du patient afin de lui permettre une fin de vie digne.

336Consensus sur les soins palliatifs et commentaires. Primo, leur double visée (soulager les souffrances ; assurer une fin digne) est rappelée ; les soins palliatifs « permettent, dans la plupart des cas, de ne pas devoir recourir à l’euthanasie ». Secundo, le devoir de l’État est d’en assurer l’accès à tous ; « à défaut, la liberté de choix des patients en fin de vie ne serait qu’illusoire ».

337Consensus sur la demande d’euthanasie. Il convient d’accueillir celle-ci avec prudence et au sein d’un dialogue. Une formation aux soins palliatifs et à la mise en œuvre correcte d’une fin de vie devrait être dispensée lors la formation de base et en formation continuée, et il serait souhaitable que des groupes de réflexion, d’évaluation et de soutien s’organisent. Les commentaires sont les suivants. Primo, l’euthanasie « doit rester un acte exclusivement médical ». Secundo, l’euthanasie passive (« médicothanasie ») en phase terminale d’une maladie incurable doit être autorisée moyennant le recueil soigneux de l’avis du patient ou, si c’est impossible, de l’équipe soignante, de l’entourage, et, le cas échéant, d’autres personnes responsables. Tertio, les académiciens insistent sur la protection du patient à l’égard de la douleur physique et des souffrances psychiques et morales, « ce qui évite le plus souvent de devoir recourir à l’euthanasie ». Quarto, il est recommandé au médecin qui accepte de pratiquer une euthanasie active de recueillir l’avis pronostique d’un confrère compétent dans la pathologie et de s’assurer du concours des compétences pharmacodynamiques nécessaires au bon déroulement de l’acte. Quinto, l’euthanasie « abusive » suggérée par l’entourage social ou familial est jugée « inadmissible ». Sexto, le secret médical doit être respecté.

338Consensus sur certains aspects pédiatriques de l’euthanasie. L’avis attire l’attention sur le fait que certains nouveau-nés pourraient recevoir un traitement futile ; « pour de très rares cas, bien codifiés, une euthanasie active peut être justifiée à la naissance ». Dans les autres cas, la décision d’arrêter ou de ne pas entreprendre un traitement relève d’un consensus entre l’équipe soignante et les parents (ou tuteurs), l’avis de l’enfant en âge de raison et de l’adolescent devant « éventuellement pouvoir être pris en compte ».

339Les parents doivent être aidés à assumer le deuil : par la poursuite des soins le temps nécessaire, par un accompagnement psychologique.

5.2.1.2. Les dissensus

340Dissensus sur la légitimité de l’euthanasie active. Certains y voient le respect de l’autonomie du patient incurable, en situation intolérable et exprimant une demande déterminée et répétée. Pour d’autres, c’est une violation de l’interdit de tuer. Cependant, « tous s’accordent sur la nécessité de respecter la conscience du médecin, mais aussi les choix personnels des patients ».

341Dissensus sur la distinction à faire entre euthanasie et suicide assisté. Pour certains, il n’y a pas de différence, quant à l’évaluation des décisions à prendre, entre la demande d’euthanasie d’un patient en phase terminale et celle d’une personne handicapée chronique en détresse ou éprouvant un sentiment d’indignité en raison de son handicap, même si celui-ci ne comporte pas de risque vital à court terme. Pour d’autres, cette dernière situation – qu’ils assimilent à un suicide assisté – doit être distinguée de l’euthanasie.

342Dissensus sur les directives anticipées. Pour certains, celles-ci ne tiennent pas compte de l’évolution possible des choix d’une personne. Pour d’autres, elles constituent une « indication importante » et doivent être considérées « avec le plus grand respect ». Cependant, tous les membres s’accordent sur le fait que ces directives ne peuvent jamais avoir une valeur contraignante pour le médecin.

5.2.2. L’avis de la Fédération des maisons médicales et des collectifs de santé francophones (FMMCSF)

343En mai 2000, le comité d’éthique de la FMMCSF rend un « avis concernant l’euthanasie »  [255]. Il s’y prononce en faveur d’une intervention législative qui reconnaisse pleinement le droit de chacun de disposer de sa vie et qui mette en place les conditions rendant possible une « réflexion éthique ouverte et permanente » de la part des prestataires de soins, ici les généralistes.

344L’avis signale aussi les « angles morts » de la proposition de loi « des six ». D’une part, les situations prises en compte relèvent en définitive de critères médicaux (maladie incurable, souffrance inapaisable). Le médecin est ainsi placé en position d’évaluateur final et le débat est focalisé sur l’option euthanasie/soins palliatifs, alors qu’une réflexion élargie sur les critères de la décision médicale en général serait nécessaire. Pour chercher à se prémunir de l’acharnement thérapeutique, une telle réflexion impliquerait de s’interroger, non sur les seules pratiques médicales en fin de vie, mais sur le « rapport que la médecine entretient, à tous les stades pathologiques, avec les souffrances, les dépendances ou les détresses qu’elle peut induire ». D’autre part, n’envisager que la situation du patient conscient et celle du patient inconscient laisse dans l’ombre beaucoup de situations rencontrées, surtout au domicile ou dans les maisons de repos et les maisons de repos et de soins. Enfin, l’accent mis sur la décision explicite et ponctuelle du patient méconnaît le cheminement réel qui y conduit : celui-ci est progressif et lesté d’un vécu bien plus large que la seule rationalité, particulièrement dans les contextes évoqués ci-dessus, mais aussi à l’hôpital (où le médecin généraliste devrait être davantage impliqué dans les choix thérapeutiques et de soins).

345Face aux objections souvent soulevées à l’égard d’une légalisation de l’euthanasie (banalisation, risques d’abus, rôle des soins palliatifs, décision finale comme prérogative des médecins), le comité d’éthique de la FMMCSF préconise la mise en place, sur les lieux de pratique, d’une réflexion éthique permanente. Celle-ci préviendrait le risque de banalisation et « éviterait qu’une loi de dépénalisation partielle ne transforme l’euthanasie en acte normalisé ». Elle permettrait aussi d’éviter le risque de formalisme auquel peut se prêter toute loi : qu’il soit procédé « à des pratiques formellement correctes, mais contestables sur le plan des principes ». La réflexion éthique devrait également porter sur les soins palliatifs, dont le développement et l’accessibilité financière ne suppriment pas la nécessité d’une loi sur l’euthanasie. Enfin, l’installation d’« une structure permanente de réflexion éthique sur la clinique, à visée de guidance et de formation collégiale », permettrait de contrebalancer le pouvoir donné au médecin tout en évitant la « tribunalisation » des décisions qui est souvent dénoncée.

346Le comité d’éthique de la FMMCSF estime que, lorsqu’il est question d’euthanasie, la loi devrait imposer l’obligation d’une réflexion éthique qui soit plurielle, en en ménageant les conditions mais sans en fixer les règles : « qu’une disposition légale rende possible la création souple, à l’initiative du patient, d’une instance de mobilisation éthique locale (à géométrie variable), où l’on réfléchisse à la meilleure manière de faire droit à sa demande d’humanité et où la décision médicale puisse être en permanence repensée à la lumière de cette réflexion ».

5.2.3. Autres prises de position

347Le 9 juin, on apprend qu’un groupe « informel », le « Groupe de travail euthanasie » a lancé – via le Journal du médecin et son homologue néerlandophone Artsenkrant – une pétition refusant tant la mise au placard des questions soulevées par l’euthanasie que la dépénalisation telle que proposée par la proposition de loi « des six »  [256]. En effet, celle-ci « ne peut aujourd’hui se réclamer d’un quelconque consensus social ». La perspective de sortir l’euthanasie du Code pénal suscite de « vives réticences » chez les soignants et les juristes, et elle ne répond ni à l’« angoisse » des citoyens face à l’acharnement thérapeutique, ni à leurs autres préoccupations (difficulté des soins à domicile, offre insuffisante de soins palliatifs, manque de formation des médecins à cet égard). Pour les signataires – 180 au 9 juin, 800 le 20 juin –, issus de divers horizons professionnels, sociaux, politiques et philosophiques ou religieux, les clivages idéologiques et philosophiques traditionnels doivent être dépassés et un « débat authentique et ouvert » doit être organisé dans la société à ce sujet. La pétition sera déposée sur le bureau des présidents de la Chambre des représentants et du Sénat lorsque ses initiateurs estimeront avoir recueilli suffisamment de signatures pour pouvoir prétendre représenter le monde médical dans son ensemble  [257].

348Le 6 septembre, une carte blanche paraît sous le titre « Euthanasie : faut-il attendre la phase terminale ? »  [258] Elle est signée par quatre médecins : Dominique Bron, présidente du comité d’éthique de l’Institut Bordet (ULB), François Damas, médecin-chef du service des soins intensifs au CHR de la Citadelle et professeur de clinique à l’ULg, Marc Englert, professeur honoraire à l’ULB, Georges Primo, professeur honoraire à l’ULB et membre de l’Académie royale de médecine de Belgique (ARMB), auxquels se joint Jeanine Stiennon-Heuson, prodoyenne de la Faculté de médecine de l’UMH. Rappelant que « le but d’une législation concernant l’euthanasie est de permettre au patient en attente de mort de refuser des souffrances qu’il estime insupportables, inutiles et dégradantes et d’obtenir, à sa demande, une mort prématurée », ils soulignent que la définition de la phase terminale est très complexe et ne fait l’objet d’aucune unanimité, et que, en outre, le moment du décès ne peut, généralement, être prévu que fort peu de temps à l’avance. Dès lors, se demandent-ils, pourquoi imposer la clause du décès proche, comme le font les propositions de loi du PSC et du CVP et le texte d’A. Zenner et consorts ?

349Selon eux, deux présupposés sont en jeu. Le premier, de nature religieuse, est « ouvertement revendiqué » par le CVP et « transparaît » dans la proposition PSC : « L’homme n’a pas de droit sur sa vie et il faut donc mourir à l’heure fixée par la “Nature” ». Une version laïque de cette position existe, selon laquelle « l’euthanasie est un “mal” dont il faut limiter au maximum le rôle dans le processus de mort ». L’euthanasie serait donc une « faute (…) plus pardonnable si la vie n’est écourtée que de peu… » L’autre présupposé est le risque d’abus. Il aboutit à une conclusion proche : « Limiter les actes d’euthanasie à la phase terminale serait une mesure de précaution sous-tendant l’idée que de tels actes seraient moins graves s’ils étaient commis alors que la mort naturelle est de toute façon proche ». Mais, soulignent les signataires, cet argument opère plusieurs omissions : il fait fi de la conscience des médecins et de la déontologie professionnelle, ne prend pas en compte les contraintes légales prévues par la proposition « des six » et, surtout, oublie que les patients en phase terminale sont les plus vulnérables et doivent donc être le plus protégés d’abus.

350Les signataires concluent : « La “précaution” proposée apparaît totalement inadéquate ». Et ils rappellent « la raison essentielle du débat actuel et le sens de la législation en discussion : le droit à l’autonomie face à la souffrance et à la mort ».

351En outre, M. Englert publie un article précisant les « Limites et abus du concept d’“euthanasie passive” »  [259]. Soulignant que l’euthanasie passive, souvent invoquée dans les débats, est considérée comme légitime, il indique qu’elle recouvre en fait la notion de non-acharnement thérapeutique, c’est-à-dire le fait « de ne pas entreprendre ou d’interrompre un traitement qui entretient une survie au prix de souffrances supplémentaires, non justifiées par les résultats qui en sont attendus ». Tel est notamment le cas de l’arrêt d’un respirateur chez un patient totalement décérébré ou celui, plus contesté, de l’arrêt de l’alimentation par gavage chez un patient inconscient en état végétatif permanent irréversible, mais qui respire spontanément. Le premier provoque le décès en quelques minutes ; le second, en une à deux semaines. Lorsqu’il s’agit de patients conscients, l’euthanasie passive est plus complexe. « Elle consiste, par exemple, à ne pas entreprendre de traitement lourd aux effets secondaires importants chez un patient proche de la mort si le bénéfice attendu est mince, même s’il peut prolonger la vie ».

352Mais, insiste M. Englert, « l’arrêt d’un traitement n’est pas une “euthanasie” car il n’assure pas nécessairement une mort sans souffrance ». Il s’accompagne généralement de l’administration de sédatifs, dont l’intention déclarée est d’éviter la souffrance, alors même qu’elle accélère le décès, effet non désiré selon la règle « relativement hypocrite » du double effet. Quant à la « sédation » combinée à la privation d’alimentation et, éventuellement, d’hydratation, elle peut prolonger l’agonie de plusieurs jours ou même d’une à deux semaines. « En réalité, l’idée d’un sommeil paisible jusqu’à la mort est un mythe » et « la “sédation” est éthiquement très contestable ». Dès lors, l’euthanasie passive « laisse entièrement ouverte la question de l’euthanasie active, seule réponse adéquate à la demande de mourir d’un patient qui se trouve dans une telle situation » (c’est-à-dire qui est en état de souffrance irréductible).

5.3. Situations interpellantes dans la société

353Le 9 mai 2000, Charly Rayen, atteint d’un cancer du pancréas, se suicide en sautant par la fenêtre de sa chambre aux cliniques universitaires Saint-Luc. Sa décision avait été mûrement réfléchie : il refusait d’« entrer dans une zone où il serait livré à l’inconscience et à la totale dépendance envers les soignants » dont il était prévu qu’ils se relaieraient à son domicile. Il était révolté de ne pas pouvoir recevoir une pilule létale, comme il le désirait. Son acte manifeste que le désir de mourir subsiste malgré le soutien et la compétence des équipes soignantes. Il est perçu comme un horrible plaidoyer en faveur d’une loi en la matière  [260].

354Le 8 juillet, Jean-Marie Lorand absorbe un cocktail lytique préparé par le médecin qui a accepté de l’aider. Il souffrait d’une dégénérescence neuromusculaire irréversible (maladie de Charcot-Marie-Tooth, contractée suite à un vaccin administré durant son enfance) qui avait atteint son paroxysme  [261]. En février 2000, il avait publié Aidez-moi à mourir aux éditions Labor, un livre dans lequel il revendiquait le droit à l’euthanasie lorsque la vie ne lui paraîtrait plus supportable. Il avait aussi adressé son témoignage aux membres des commissions réunies du Sénat qui discutent de l’euthanasie. Il redoutait l’étouffement par paralysie progressive de ses muscles respiratoires et l’arrêt du cœur, les crises s’étant multipliées durant les dernières semaines. Son deuxième livre, inachevé, Ma dernière liberté, paraîtra en août aux éditions Luc Pire  [262]. Sa mort soulève beaucoup de questions, et d’abord celle des poursuites à l’égard du médecin. Interrogé à ce propos, Patrick Mandoux, professeur de procédure pénale (ULB), estime que le parquet devra réagir et demander au médecin de se justifier, mais que celui-ci ne sera pas pour autant poursuivi. Une instruction aura effectivement lieu à charge et à décharge, mais, comme le précise immédiatement le procureur du Roi de Mons, Pierre Honoré, « ce dossier doit être traité avec beaucoup d’humanité (…) pour examiner s’il y a véritablement [des] circonstances d’excuse » telles que celles qui sont prévues dans le Code pénal. L’instruction judiciaire ouverte à l’encontre du médecin (qui s’est présenté spontanément au juge d’instruction) sera close sans inculpation après l’entrée en vigueur de la loi de dépénalisation.

355Josy Dubié (Écolo) reconnaît que des demandes telles que celle de J.-M. Lorand doivent être rencontrées et qu’une loi est nécessaire. Il la voit « proche de l’esprit de la proposition [des six sénateurs] mais nous y ajoutons la consultation de l’équipe médicale et la distinction entre les patients en fin de vie, en urgence, et ceux comme [le cas de J.-M.] Lorand, où l’on dispose d’un peu de temps pour décider au mieux »  [263].

5.4. Soins palliatifs : un projet gouvernemental de mesures concrètes

356Un consensus existe entre les partis politiques : les soins palliatifs doivent être renforcés, leur carence ne peut être la cause d’une demande d’euthanasie. Cependant, des divergences subsistent sur la méthode : le PSC et le CVP notamment veulent faire du développement des soins palliatifs un préalable à toute réglementation en matière d’euthanasie, tandis que les signataires de la proposition de dépénalisation partielle de l’euthanasie veulent une progression parallèle des deux dossiers.

357Le 7 septembre 2000, Magda Alvoet (Agalev) et Frank Vandenbroucke (SP), respectivement ministres fédéraux de la Santé publique et des Affaires sociales, font part d’un plan visant à renforcer le financement des soins palliatifs  [264], qui sera déposé sur la table du Conseil des ministres pour le budget 2001. L’objectif est de renforcer la culture des soins palliatifs et de les optimaliser dans le milieu de vie du patient. Un montant supplémentaire de 1,755 milliards de francs belges est prévu pour 2001, certaines initiatives ne pourront entrer en vigueur qu’en mars ou avril de cette année.

358Un ensemble de dispositions précises est prévu. Celles-ci concernent les patients soignés à domicile  [265] et dans un autre environnement remplaçant celui-ci  [266], ainsi que les associations de soins palliatifs  [267].

359Le 18 octobre, les sénateurs des commissions réunies se retrouveront pour discuter de ce plan  [268]. Même si I. van Kessel (CVP) estimera « qu’il faudra aller plus loin », le plan rencontrera l’assentiment de tous lors de la rencontre du 24 octobre  [269], au cours de laquelle M. Alvoet et F. Vandenbroucke apporteront des précisions et expliqueront la position du gouvernement Verhofstadt I à l’égard des différentes propositions de loi déposées au Sénat en la matière  [270]. Lors de cette rencontre, M. Alvoet annoncera aux sénateurs réunis qu’elle déposera à la Chambre un projet de loi sur les droits du patient : celui-ci concernera notamment l’information du patient, son consentement aux traitements, la désignation d’une personne de confiance. Ce sera chose faite le 19 février 2002  [271].

Notes

  • [1]
    J. Wautier, « L’ouverture du débat sur l’euthanasie au Sénat. Cadre éthique, médical, juridique et politique », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1672-1673, 2000.
  • [2]
    Loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie, Moniteur belge, 22 juin 2002.
  • [3]
    L’ancien sénateur Roger Lallemand (PS), auteur d’une proposition de loi ayant inspiré celle qui a abouti finalement, a toujours souligné cet aspect : « Dans une société démocratique, il importe que les différentes éthiques soient respectées et que la loi ne consacre pas une éthique plutôt qu’une autre » (La Libre Belgique, 23 octobre 2001).
  • [4]
    Pour un aperçu du cheminement de cette législation, cf. notamment : ADMD, Bulletin trimestriel, n° 48, mars 1993 ; J. Herremans, « Mourir dans la dignité. La loi belge relative à l’euthanasie. Une réponse légale », Frontières, volume 24, n° 1- 2, 2011-2012, p. 74. Cf. aussi infra, 6.3.1.2.
  • [5]
    Pour un tableau des diverses législations à ce moment, cf. notamment Knack, 19 janvier 2000, p. 42-43.
  • [6]
    Cf. Chambre des représentants, Proposition de loi relative au droit à la dignité thérapeutique du patient incurable, déposée par Edgard D’Hose (PS), Édouard Klein (PRL), Robert Collignon (PS), Jean-Jacques Delhaye (PS), Olivier Deleuze (Écolo) et Luc Van den Bossche (SP), n° 1109/1, 21 janvier 1985 ; puis déposée par Édouard Klein, n° 389/1, 21 mars 1986 et n° 65/1, 2 février 1988.
  • [7]
    Respectivement, pour les discussions et les auditions : Sénat, Commissions réunies de la Justice et des Affaires sociales, Proposition de loi relative à l’euthanasie. Rapport, n° 244/22, 9 juillet 2001 (1 358 pages) et Sénat, Commissions réunies de la Justice et des Affaires sociales, Proposition de loi relative à l’euthanasie. Annexe au rapport. Auditions, n° 244/24, 9 juillet 2001 (1 008 pages).
  • [8]
    Chambre des représentants, Commission de la Justice, Projet de loi relatif à l’euthanasie. Proposition de loi relative aux problèmes de fin de la vie et à la situation du patient incurable. Proposition de loi relative à l’euthanasie. Rapport, n° 1488/9, 23 avril 2002 (385 pages).
  • [9]
    Ce concept est utilisé dans son sens le plus général pour désigner la société organisée en dehors d’un cadre institutionnel directement politique. Il désigne des associations, mais, dans la présente étude, il renverra aussi à des citoyens représentatifs de courants d’idées. Quant au monde médical, il fera l’objet d’une mention distincte.
  • [10]
    Loi du 28 février 2014 modifiant la loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie, en vue d’étendre l’euthanasie aux mineurs, Moniteur belge, 12 mars 2014. À ce sujet, cf. infra, 9.2.
  • [11]
    Cf. infra, 9.3.
  • [12]
    Signalons à cet égard une publication récente : P. Mahoux, J. Blairon, De la fabrique des lois, Bruxelles, Centre d’action laïque, 2019.
  • [13]
    La justification communiquée par le Service juridique et Archives du Sénat est la suivante : « Les commissions se réunissaient à huis clos, ce qui présentait le grand avantage que les discussions pouvaient
    y être ouvertes. Dans le rapport fait à l’intention de l’assemblée plénière, aucun nom n’était cité. Cela permettait à des sénateurs expérimentés de se pencher, dans une atmosphère de confiance avec le ministre compétent, sur des projets et propositions de loi sans être liés en première instance par les points de vue des partis ou par des considérations idéologiques. En raison du huis clos des réunions de commission, on pouvait, sans perdre la face, revenir sur certains points de vue ou nuancer certaines prises de position antérieures. Il arrivait régulièrement qu’une commission adopte un texte par consensus, certainement lorsqu’il s’agissait d’une matière politiquement neutre. En ce qui concerne les budgets et les projets prioritaires du gouvernement, majorité et opposition se faisaient face. La principale préoccupation des commissions consistait à fournir des textes corrects du point de vue juridique et technique. L’argumentation développée à propos d’une matière donnée entraînait souvent un certain nombre d’améliorations du texte ou, exceptionnellement aussi, une modification plus fondamentale des projets du gouvernement. À l’approfondissement rationnel de la matière succédait une traduction juridico-technique de l’argumentation sous la forme d’amendements au texte original. Le huis clos des réunions de commission permettait au ministre compétent de suivre en partie l’argumentation développée et éventuellement même de marquer son accord sur un certain nombre d’amendements et ce, sans perdre la face. Mieux le ministre connaissait le dossier, plus il était disposé à tenir compte d’une argumentation raisonnable. Il est vrai qu’il ne pouvait pas fondamentalement s’écarter de ce qui avait été convenu en Conseil des ministres, mais la marge dont il disposait était particulièrement large pour certaines matières. Étant donné le souci de fournir un travail législatif correct, la barrière entre majorité et opposition fut parfois franchie en commission » (M. Van den Wijngaert, M. Goossens, J. Van Echelpoel, « Le Sénat de 1970 à 1995 », in V. Laureys, M. Van den Wijngaert, J. Velaers (dir.), Le Sénat de Belgique. Une histoire. Institution en évolution, Bruxelles, Racine, 2016, p. 178).
  • [14]
    Le 22 novembre 2001, une modification de l’article 23.8 règlement du Sénat a été adoptée, stipulant : « Les réunions des commissions sont publiques » (sauf exceptions indiquées dans ce même article). Quant à l’article 27.2, il a été, le même jour, complété comme suit : « Dans les rapports sur les projets de loi et les propositions examinées en réunion publique de commission, les intervenants sont désignés par leur nom » (cf. Sénat, Proposition modifiant les articles 23 et 27 du règlement du Sénat. Textes adoptés par le bureau, n° 829/4, 8 novembre 2001 ; Sénat, Annales, n° 159, 22 novembre 2001, p. 34). Depuis lors, le règlement du Sénat a été révisé et ces dispositions font désormais partie des articles 21.8 et 25.2 (cf. Sénat, Règlement du Sénat de Belgique. Texte adopté en séance plénière, n° 2353/4, 17 décembre 2013).
  • [15]
    J. Wautier, « L’ouverture du débat sur l’euthanasie au Sénat », op. cit.
  • [16]
    La création, la composition et les missions du CCB sont précisées infra, note 36 du présent volume.
  • [17]
    Dans ce chapitre, la reprise de la publication de J. Wautier s’effectuera sur le mode tantôt d’un résumé, tantôt d’une retranscription du texte intégral entre guillemets.
  • [18]
    J. Wautier, « L’ouverture du débat sur l’euthanasie au Sénat », op. cit., p. 6. Pour la présentation du Code pénal et du Code de déontologie médicale, cf. ibidem, p. 11-15.
  • [19]
    Ibidem, p. 14-15.
  • [20]
    Ibidem, p. 18-27.
  • [21]
    Journal des procès, n° 276, février 1995.
  • [22]
    Journal des procès, n° 276, février 1995.
  • [23]
    CAL, « Une approche laïque de la vie finissante », Outils de réflexion, n° 3, janvier 1996, p. 6 (cité par J. Wautier, « L’ouverture du débat sur l’euthanasie au Sénat », op. cit., p. 8 et 21). Comme le rappelle J. Wautier, le Service laïque d’aide aux personnes et le CAL prirent, en 1995, l’initiative de réunir un groupe de travail pour aborder les questions liées à la vie finissante. Le texte auquel il est fait référence est le fruit de leur réflexion.
  • [24]
    CIL, « L’euthanasie, un appel à la réflexion », décembre 1998.
  • [25]
    Pour la relation de ce débat organisé au Centre Lumen Vitae le 13 février 1992, cf. Groupe d’étude pour une réforme de la médecine, Cahiers du GERM, n° 232-2322, 1995.
  • [26]
    Le Matin, 27 mai 1999 (cité par J. Wautier, « L’ouverture du débat sur l’euthanasie au Sénat », op. cit., p. 27).
  • [27]
    J. Wautier, « L’ouverture du débat sur l’euthanasie au Sénat », op. cit., p. 28-29. J. Wautier rappelle que ces propositions ne sont pas les premières (ibidem, p. 5). Dès les années 1980 en effet, des propositions de loi avaient été déposées à la Chambre des représentants, visant à encadrer l’arrêt de traitement ou l’accélération du décès chez des patients incurables (cf. supra, note 6 du présent volume).
  • [28]
    Sénat, Proposition de loi relative à la demande d’interruption de vie, n° 34/1, 29 juin 1995.
  • [29]
    Sénat, Proposition de loi élargissant le droit de codécision du patient par l’institution d’une déclaration de volonté relative au traitement, n° 122/1, 11 octobre 1995.
  • [30]
    Chambre des représentants, Proposition de loi relative au droit à la dignité thérapeutique du patient incurable, n° 121/1, 13 octobre 1995.
  • [31]
    Chambre des représentants, Proposition de loi élargissant le droit de codécision du patient par l’institution d’une déclaration de volonté relative au traitement, n° 227/1, 10 novembre 1995.
  • [32]
    Chambre des représentants, Proposition de loi relative à la demande d’interruption de vie, n° 401/1, 29 janvier 1996.
  • [33]
    Sénat, Proposition de loi relative à l’euthanasie et aux soins palliatifs, n° 301/1, 21 mars 1996.
  • [34]
    Cf. infra, 8.
  • [35]
    J. Wautier, « L’ouverture du débat sur l’euthanasie au Sénat », op. cit., p. 29.
  • [36]
    Organe d’avis et d’information sur les problèmes éthiques en matière de biologie, de médecine et de santé, le CCB a été créé par l’accord de coopération du 15 janvier 1993 conclu entre l’Autorité fédérale, la Communauté française, la Communauté flamande, la Communauté germanophone et la Commission communautaire commune (COCOM). Indépendant des autorités qui l’ont créé, il est l’instance consultative officielle belge en matière bioéthique. Le CCB est composé de 43 membres effectifs (dont 8 institutionnels avec voix consultative) et de 35 suppléants. Ces membres sont des personnalités issues des milieux universitaires, des docteurs en médecine, des avocats et des magistrats ainsi que des membres représentant les autorités publiques signataires de l’accord de coopération. La composition du CCB, qui est strictement définie, respecte un équilibre entre les différentes tendances idéologiques et philosophiques, un équilibre entre les hommes et les femmes, et un équilibre entre membres issus de milieux scientifiques et médicaux, d’une part, et de milieux philosophiques, juridiques et des sciences humaines, d’autre part. Le CCB a une double mission. D’une part, « rendre des avis sur les problèmes soulevés par la recherche et ses applications dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé, ces problèmes étant examinés sous leurs aspects éthiques, sociaux et juridiques, en particulier sous ceux du respect des droits de l’homme ». D’autre part, « informer le public ainsi que les autorités sur ces problèmes » (rédaction d’un rapport annuel sur ses activités, information dans la presse sur les avis rendus, organisation d’une conférence bisannuelle à destination du grand public, gestion d’un centre de documentation, tenue actualisée d’un site Internet, publication d’ouvrages, etc.). Le CCB élabore ses avis à la demande des présidents des divers parlements ou d’un membre d’un gouvernement, de même qu’à la demande d’un organisme de recherche scientifique, d’un établissement de soins, d’un établissement d’enseignement supérieur ou d’un comité d’éthique local (soit attaché à un établissement de soin, soit attaché à une université, soit agréé par une Communauté) ; il peut également se saisir d’une question de sa propre initiative. « Les avis adoptés reproduisent les divers points de vue exprimés » : ils rendent compte des consensus qui se dégagent ainsi que des dissensus apparus au cours du travail d’élaboration. Cf. le site Internet www.health.belgium.be/fr/comite-consultatif-de-bioethique-de-belgique.
  • [37]
    Précisons la méthode de travail adoptée par le CCB : création d’une commission restreinte qui élabore un projet d’avis, en recourant éventuellement à l’expertise d’experts externes qui sont alors adjoints à la commission ou invités, avant la discussion en séance plénière. Les séances du CCB et de ses commissions ne sont pas publiques. J. Wautier rappelle la composition de la commission restreinte pour ce premier avis : « deux coprésidents, Pierre-Philippe Druet, remplacé par Léon Cassiers, et Hugo Van den Enden, remplacé par Étienne Vermeersch ; deux corapporteurs, Édouard Delruelle et Fernand Van Neste ; neuf membres, Christine Aubry, Xavier Dijon, Yvon Galloy, Robert-Jean Kahn, Jules Messinne, Micheline Roelandt, Paul Schotsmans, Jozef Vermylen et Bernadette Wouters ; un membre du bureau, Yvon Englert » (J. Wautier, « L’ouverture du débat sur l’euthanasie au Sénat », op. cit., p. 30). Signalons en outre que les experts extérieurs adjoints à la commission sont Christian Deckers et Wim Distelmans. Les experts extérieurs auditionnés sont la docteure De Buysser (Sœur Léontine), Adelbert Josephus Jitta et Yvon Kenis.
  • [38]
    Pour une présentation plus détaillée de cet avis, cf. J. Wautier, « L’ouverture du débat sur l’euthanasie au Sénat », op. cit., p. 30-37.
  • [39]
    Pour les autres conditions, cf. ibidem, p. 32. Ces conditions sont reprises dans la présentation de la proposition 2.
  • [40]
    Cf. J. Wautier, « L’ouverture du débat sur l’euthanasie au Sénat », op. cit., p. 37-38.
  • [41]
    Ibidem, p. 38.
  • [42]
    Pour la présentation qu’en fait J. Wautier, cf. ibidem, p. 37.
  • [43]
    Signalons que les membres de la commission restreinte sont : deux coprésidents, L. Cassiers et É. Vermeersch ; deux corapporteurs, É. Delruelle et F. Van Neste ; dix membres, C. Aubry, X. Dijon, Y. Galloy, J.-L. Legat, J. Messinne, M. Roelandt, P. Schotsmans, G. Verdonk, J. Vermylen et B. Wouters ; un membre du bureau, Y. Englert. Les experts extérieurs auditionnés sont P. De Coninck, H. Nys, E. Strubbe et M. Lamy.
  • [44]
    Sénat, Proposition de loi relative aux problèmes defin de la vie et à la situation du patient incurable, n° 1261/1, 2 février 1999. Cf. J. Wautier, « L’ouverture du débat sur l’euthanasie au Sénat », op. cit., p. 38-40.
  • [45]
    Sénat, Proposition de loi relative aux problèmes de fin de la vie et à la situation du patient incurable, n° 1261/1, 2 février 1999, p. 3.
  • [46]
    J. Wautier, « L’ouverture du débat sur l’euthanasie au Sénat », op. cit., p. 40.
  • [47]
    Ibidem, p. 40.
  • [48]
    Cette section prend appui sur ibidem, p. 41-42.
  • [49]
    J. Wautier indique : « [Le programme] ne fait pas allusion à la proposition de loi déposée par P. Monfils lors de la législature qui s’achève. (…) Au sujet de l’euthanasie, [il] se borne à mentionner qu’un rapport a été préparé en vue d’un bureau élargi du parti. Le thème n’apparaît pas dans les dépliants électoraux » (J. Wautier, « L’ouverture du débat sur l’euthanasie au Sénat », op. cit., p. 41). À propos de la proposition de loi évoquée, cf. supra, 0.3.
  • [50]
    J. Wautier, « L’ouverture du débat sur l’euthanasie au Sénat », op. cit., p. 42-43.
  • [51]
    Parmi lesquels il range les embryons surnuméraires, l’homosexualité et l’euthanasie.
  • [52]
    La Libre Belgique, 25 mai 1999.
  • [53]
    Le Soir, 25 mai 1999.
  • [54]
    La Libre Belgique, 25 mai 1999.
  • [55]
    Pour cette citation et celles qui suivent, cf. Le Soir, 25 mai 1999.
  • [56]
    J. Wautier, « L’ouverture du débat sur l’euthanasie au Sénat », op. cit., p. 43.
  • [57]
    Les deux principales composantes de cette Fédération – le PRL et le FDF – comprennent aussi bien des laïques que des chrétiens, tandis que la troisième composante – le MCC – se compose essentiellement d’élus ayant appartenu au PSC.
  • [58]
    À savoir les gouvernements Dehaene I et II (CVP/PS/SP/PSC).
  • [59]
    Chambre des représentants, Déclaration du gouvernement fédéral, n° 20/1, 14 juillet 1999. Cependant, la presse note, à propos de « l’échafaudage actuel », que « si les libéraux renvoient à l’autonomie de chacun de leurs parlementaires », les socialistes « n’imaginent pas de l’approuver autrement qu’en groupe », tandis que les écologistes francophones, « à mi-chemin, stipulent la liberté individuelle de vote, mais ont arrêté une position collective de dépénalisation conditionnelle de l’euthanasie » (La Libre Belgique,
    12 novembre 1999).
  • [60]
    À propos de ces propositions, cf. J. Wautier, « L’ouverture du débat sur l’euthanasie au Sénat », op. cit., p. 44-48 (ainsi que le tableau comparatif figurant dans ibidem, p. 66).
  • [61]
    Sénat, Proposition de loi relative aux problèmes de fin de vie et à la situation du patient incurable, n° 10/1, 14 juillet 1999.
  • [62]
    Sénat, Proposition de loi relative à la demande d’interruption de vie, n° 22/1, 20 juillet 1999.
  • [63]
    Sénat, Proposition de loi élargissant le droit de codécision du patient par l’institution d’une déclaration de volonté relative au traitement, n° 86/1, 30 septembre 1999.
  • [64]
    Sénat, Proposition de loi relative à l’euthanasie, n° 105/1, 12 octobre 1999.
  • [65]
    Sénat, Proposition de résolution relative au développement d’un plan de soins palliatifs axés sur les besoins du patient, n° 106/1, 13 octobre 1999.
  • [66]
    La proposition de loi déposée par F. Lozie et J. De Roeck définit le patient terminal comme suit : « Tout patient, entré ou non en phase terminale aiguë, dont le médecin suppose, d’après toutes ses connaissances de l’art de guérir, qu’il se trouve dans un état désespéré au point de vue médical ». Pour sa part, l’état désespéré du point de vue médical est défini comme « un état pour lequel, dans l’état des connaissances et des pratiques médicales courantes, il n’y a aucun espoir raisonnable de rétablissement » (article 2). C’est la notion d’« état désespéré du point de vue médical » qui intervient dans les articles 4 et 5.
  • [67]
    Sénat, Proposition de loi relative à la demande d’interruption de vie, déposée par Philippe Monfils (PRL), n° 22/1, 20 juillet 1999, p. 3-4.
  • [68]
    À leur propos, cf. J. Wautier, « L’ouverture du débat sur l’euthanasie au Sénat », op. cit., p. 48.
  • [69]
    Chambre des représentants, Proposition de loi relative aux problèmes de fin de la vie et à la situation du patient incurable, n° 93/1, 9 septembre 1999.
  • [70]
    Chambre des représentants, Proposition de résolution relative au développement d’un plan de soins palliatifs axés sur les besoins du patient, n° 192/1, 25 octobre 1999.
  • [71]
    Chambre des représentants, Proposition de loi relative à l’euthanasie, n° 196/1, 26 octobre 1999.
  • [72]
    ADMD, Bulletin trimestriel, n° 71, mars 1999, p. 4 et n° 72, juin 1999, p. 3-5.
  • [73]
    Le 13 juin 1999, ont également eu lieu des élections régionales et communautaires en Belgique (ainsi, par ailleurs, qu’une élection européenne). Seul le niveau fédéral est juridiquement concerné par l’adoption éventuelle d’une législation relative à l’euthanasie (ainsi que, dans une bien moindre mesure, les Communautés française, flamande et germanophone par le biais des sénateurs communautaires).
  • [74]
    CAL, Mémorandumadressé aux gouvernements issus des élections du 13 juin 1999, Annexe 2 (cité par
    J. Wautier, « L’ouverture du débat sur l’euthanasie au Sénat », op. cit., p. 18 et 21).
  • [75]
    La Libre Belgique, 4 octobre 1999 ; Le Matin, 5 octobre 1999. Pour un commentaire critique de cette enquête, cf. ADMD, Bulletin trimestriel, n° 74, décembre 1999, p. 10.
  • [76]
    Le terme « tribunalisation » exprime le reproche adressé aux partisans d’une concertation élargie et faisant intervenir des personnes extérieures à la relation médecin-patient, avant toute décision d’euthanasie.
  • [77]
    Sénat, Commissions et délégations, n° 6/1, 1er mars 2000 ; n° 6/2, 30 juin 2000 ; n° 6/3, 16 mars 2001 ; n° 6/4, 21 février 2002. Cf. également : Sénat, Commissions réunies de la Justice et des Affaires sociales, Proposition de loi relative à l’euthanasie. Rapport, n° 244/22, 9 juillet 2001, p. 1 (qui donne des informations globalement moins précises, tout en indiquant plus précisément certaines dates de départ).
  • [78]
    La VU est alors en cartel avec le mouvement de réflexion Ideeën voor 21ste eeuw (ID21 ou ID), né de ses rangs.
  • [79]
    Pour ces dates, cf. Sénat, Composition politique, n° 4/1, 14 juillet 1999 ; n° 4/2, 21 octobre 1999 ; n° 4/3, 20 juin 2000 ; n° 4/4, 16 mars 2001 ; n° 4/5, 17 mai 2001.
  • [80]
    En outre, J. Devolder est licencié en sciences pharmaceutiques et M. Kestelijn-Sierens est candidate en sciences hospitalières.
  • [81]
    Le Soir, 3 et 10-11 novembre 1999.
  • [82]
    T. Kelchtermans qualifie lui-même son rôle de « passif », dans la mesure où il a été convenu que J. Dubié présiderait en fait les débats. Il ajoute : « Celui-ci s’acquitte particulièrement bien de sa tâche » (Périodique du Sénat de Belgique, n° 7, printemps 2001, p. 9).
  • [83]
    La Libre Belgique, 8 novembre 1999.
  • [84]
    La Libre Belgique, 3 novembre 1999.
  • [85]
    Rappelons que le terme « tribunalisation » exprime le reproche adressé aux sociaux-chrétiens et désignant la concertation élargie qu’ils veulent imposer avant toute euthanasie et qui fait intervenir – de façon plus ou moins étendue – des personnes extérieures à la relation médecin-patient.
  • [86]
    La Libre Belgique et Le Matin, 9 novembre 1999.
  • [87]
    Moniteur belge, 14 novembre 1967. Cet arrêté, étant de pouvoirs spéciaux, a valeur de loi.
  • [88]
    Le Matin, 5 octobre 1999.
  • [89]
    La Libre Belgique, 10-11 novembre 1999.
  • [90]
    La Libre Belgique, 13-14 novembre 1999. Cf. aussi De Morgen, 18 novembre 1999.
  • [91]
    Sénat, Proposition de loi modifiant l’arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 relatif à l’exercice de l’art de guérir, de l’art infirmier, des professions paramédicales et aux commissions médicales, n° 151/1, 16 novembre 1999. Cf. également J. Wautier, « L’ouverture du débat sur l’euthanasie au Sénat », op. cit., p. 55-58.
  • [92]
    Sénat, Proposition de loi visant à protéger les droits et la dignité de l’homme à l’approche de la mort, n° 160/1, 17 novembre 1999. Cf. J. Wautier, « L’ouverture du débat sur l’euthanasie au Sénat », op. cit., p. 60-63.
  • [93]
    Sénat, Proposition de loi visant à protéger les droits et la dignité de l’homme à l’approche de la mort, n° 160/1, 17 novembre 1999, p. 6.
  • [94]
    Sénat, Proposition de loi visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs et fixant le cadre de la pratique des soins palliatifs, n° 249/1, 22 décembre 1999. Cf. J. Wautier, « L’ouverture du débat sur l’euthanasie au Sénat », op. cit., p. 58-60.
  • [95]
    Sénat, Proposition de loi visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs et fixant le cadre de la pratique des soins palliatifs, n° 249/1, 22 décembre 1999, p. 2.
  • [96]
    De Morgen et Le Soir, 18 novembre 1999.
  • [97]
    Sénat, Proposition de loi relative à l’euthanasie, n° 244/1, 20 décembre 1999. Cf. J. Wautier, « L’ouverture du débat sur l’euthanasie au Sénat », op. cit., p. 49-52.
  • [98]
    Périodique du Sénat de Belgique, n° 7, printemps 2001, p. 5-6.
  • [99]
    Sénat, Proposition de loi relative à l’euthanasie, n° 244/1, 20 décembre 1999, p. 1.
  • [100]
    Ibidem.
  • [101]
    V. de Coorebyter, « Illustration de la complexité des processus de décision : la loi de dépénalisation conditionnelle de l’euthanasie », in Politique au programme. Parler politique en classe, n° 1 : La démocratie, Bruxelles, Fondation Roi Baudouin, 2008, p. 69.
  • [102]
    De Morgen, 12 novembre 1999. On trouve la même annonce – mais impersonnelle et à titre conditionnel – dans Le Soir, 3 décembre 1999.
  • [103]
    Lors de l’émission « Midi Première » (RTBF, 10 novembre 1999) : cf. La Libre Belgique, 12 novembre 1999.
  • [104]
    Est ainsi reprise la définition adoptée par la Commission gouvernementale sur l’euthanasie des Pays-Bas dans son rapport définitif, adressé à la reine Beatrix le 9 juillet 1985 (p. 26).
  • [105]
    Cf., en ce sens, La Libre Belgique, 23 décembre 1999.
  • [106]
    Lors de l’émission « Mise au point » (RTBF, 7 novembre 1999) : cf. La Libre Belgique, 8 novembre 1999. À propos de cette émission, cf. infra, 2.4.1.
  • [107]
    Cf. supra, 2.3.2.2.
  • [108]
    Respectivement : Sénat, Proposition de loi visant à créer une commission fédérale d’évaluation de l’application de la loi du … relative à l’euthanasie, n° 245/1, 20 décembre 1999 et Sénat, Proposition de loi relative aux soins palliatifs, n° 246/1, 20 décembre 1999. À ce propos, cf. J. Wautier, « L’ouverture du débat sur l’euthanasie au Sénat », op. cit., p. 52-54.
  • [109]
    L’article 2, § 2 précise cette composition : 8 docteurs en médecine, dont 4 au moins sont professeurs dans une université belge ; 4 professeurs de droit dans une université belge ou avocats ; 4 membres issus des milieux chargés de la problématique des malades incurables.
  • [110]
    Sénat, Proposition de loi relative à l’euthanasie, n° 244/1, 20 décembre 1999, p. 4.
  • [111]
    La Libre Belgique, 22 décembre 1999. L’article s’intitule significativement « La cause semble entendue ».
  • [112]
    Pour l’ensemble des réactions qui suivent, cf. La Libre Belgique, 22 et 23 décembre 1999 ; Le Matin, Le Soir et L’Écho, 23 décembre 1999.
  • [113]
    La Libre Belgique, 24, 25 et 26 décembre 1999.
  • [114]
    114 Le Soir, 8 novembre 1999.
  • [115]
    X. Dijon sera pour cela vertement critiqué par le secrétaire général du Centre d’études politiques, économiques et sociales (CEPESS, qui est le centre d’études du PSC), Étienne Michel. Cf. La Libre Belgique, 30 décembre 1999.
  • [116]
    Le Soir, 10-11 novembre 1999.
  • [117]
    La Libre Belgique, 10-11 novembre 1999.
  • [118]
    La Libre Belgique, 10-11 novembre 1999. É. Montero prolonge ce thème à plusieurs reprises, notamment dans une « opinion » publiée ultérieurement, dans laquelle il se montre favorable à un renforcement des droits du patient et à un accompagnement de qualité en fin de vie tout en refusant l’acharnement thérapeutique (La Libre Belgique, 7 décembre 1999).
  • [119]
    Le Soir, 10-11 novembre 1999.
  • [120]
    J.-L. Vincent évoquera cette enquête dans diverses interventions.
  • [121]
    M. Englert avait publié précédemment un article au titre suggestif : « Le médecin et la mort demandée. Le paradoxe d’une médecine qui accepte des arrêts de vie décidés par le médecin mais interdit la décision concertée avec le patient ». Il y défendait des thèses semblables et insistait sur la prise en compte de la déclaration anticipée (cf. La Libre Belgique, 19 octobre 1999).
  • [122]
    Le Matin, 19 novembre 1999. Pour le texte de cette position, cf. Espace de libertés, 17 décembre 1999.
  • [123]
    La Libre Belgique, 19 novembre 1999.
  • [124]
    En Marche, 3 février 2000.
  • [125]
    Cité et présenté par J. Wautier, « L’ouverture du débat sur l’euthanasie au Sénat », op. cit., p. 25.
  • [126]
    Un résumé succinct de ce document est disponible dans Le Soir, 15 décembre 1999.
  • [127]
    Traité international signé par les États membres du Conseil de l’Europe le 4 novembre 1950 et entré en vigueur le 3 septembre 1953, la CEDH a pour but de protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales en permettant un contrôle judiciaire du respect de ces droits individuels. La CEDH se réfère à la Déclaration universelle des droits de l’homme, proclamée par l’Assemblée générale des Nations unies le 10 décembre 1948.
  • [128]
    On l’a vu, cette proposition de loi constitue un des éléments que synthétise la proposition « des six ».
  • [129]
    La Libre Belgique, 10 décembre 1999.
  • [130]
    La Libre Belgique, 27 décembre 1999.
  • [131]
    Notamment le 3 juillet 2001, après le vote de la proposition de loi en commissions réunies, par un communiqué intitulé « L’euthanasie : un recul pour la civilisation », qui reprendra et développera les mêmes thèmes : opposition à l’acharnement thérapeutique et soutien à la mise en place de soins palliatifs ; craintes de pressions sociales sur les plus faibles, d’une modification substantielle et négative de la vocation des médecins et du personnel soignant et d’une société « sans tendresse » où « la mise
    à mort » serait la seule issue proposée à la souffrance en fin de vie. Dans le même esprit, l’Osservatore Romano, organe officiel du Vatican, critiquera fortement le vote positif en séance plénière au Sénat (cf. La Libre Belgique, 31 octobre-1er novembre 2001).
  • [132]
    En témoignera son refus de la célébration d’une messe contre l’euthanasie à la cathédrale Saints-Michel-et-Gudule de Bruxelles (La Libre Belgique, 28 février 2002).
  • [133]
    Questions autour de l’euthanasie, actes publiés in La Revue politique, n° 6, 1999, p. 37-46.
  • [134]
    Le Soir, 8 décembre 1999. Lors du colloque qui vient d’être cité, J.-L. Vincent prend également la parole : il appuie sa réflexion à propos des décisions en fin de vie dans les services de soins intensifs sur les résultats de l’enquête ouest-européenne évoquée ici (Questions autour de l’euthanasie, op. cit., p. 7-17).
  • [135]
    A. Wynen dans La Libre Belgique du 23 novembre 1999 ; J. de Toeuf dans La Libre Belgique des 24-
    26 décembre 1999 (il redira cette position dans La Libre Belgique du 4 février 2000 : « Cette future loi est une faute ») ; M. Moens notamment dans De Morgen du 24 décembre 1999, L’Écho du 27 décembre 1999 et Gestion et santé, n° 4, 25 février 2000, p. 5.
  • [136]
    La Libre Belgique, 23 novembre 1999.
  • [137]
    Le CNOM rappelle les articles 95 à 98 (chapitre « Vie finissante ») du Code de déontologie médicale (cf. La Libre Belgique, 27 décembre 1999).
  • [138]
    Le Soir, 8 décembre 1999.
  • [139]
    L’Écho, 14 décembre 1999.
  • [140]
    Gestion et santé, n° 4, 25 février 2000, p. 5.
  • [141]
    De Morgen, 24 décembre 1999. Cf. aussi Gestion et santé, n° 4, 25 février 2000, p. 4-5.
  • [142]
    Le Soir, 10 janvier 2000.
  • [143]
    Le Soir, 12 janvier 2000. Écolo commande d’ailleurs une étude sur les soins palliatifs, qui dresserait un état des lieux sur la disponibilité de lits palliatifs et sur la formation du personnel médical, et qui procéderait à une évaluation des coûts d’un système plus étoffé (Le Soir, 18 janvier 2000).
  • [144]
    La Libre Belgique, 11 janvier 2000.
  • [145]
    145 Le Soir, 12 janvier 2000 ; La Libre Belgique, 13 janvier 2000. Rappelons qu’il s’agit en effet de « nouvelles » auditions puisque, au début des travaux des commissions réunies, avant de commencer l’examen des propositions de loi, quatre représentants du CCB avaient été entendus : É. Vermeesch, Y. Englert,
    A. Van Orschoven et L. Cassiers.
  • [146]
    Le Matin et La Libre Belgique, 9 novembre 1999 ; Le Soir, 10-11 novembre 1999.
  • [147]
    La Libre Belgique, 13 janvier 2000.
  • [148]
    Le Matin et Le Soir, 20 janvier 2000.
  • [149]
    La Libre Belgique, 13 janvier 2000. La VU–ID est alors dans l’opposition au niveau fédéral, mais dans la majorité en Flandre et en Région de Bruxelles-Capitale.
  • [150]
    Sénat, Proposition de loi relative à l’euthanasie. Amendements, n° 244/2, 17 janvier 2000, amendements n° 1 à 4.
  • [151]
    De Standaard, 19 janvier 2000 ; Le Soir et Le Matin, 20 janvier 2000.
  • [152]
    La Libre Belgique, 18 janvier 2000.
  • [153]
    Signalons ici l’entier soutien donné par Jean-François Istasse (PS), membre de la Commission Justice du Sénat, à la proposition de loi « des six » (Le Matin, 20 janvier 2000). Il souligne la nécessité d’une loi dont l’absence « fausse le rapport entre le médecin et le malade et entraîne, dans les faits, une inégalité devant la mort ». Il s’oppose à ce que soient seulement précisés les critères de l’état de nécessité et estime que le Code pénal doit inclure le droit à disposer de son propre corps jusqu’à la mort. Pour lui, il ne s’agit pas de supprimer l’interdit de tuer, mais de préciser strictement les conditions dans lesquelles il ne sera plus appliqué. Il considère que l’état de nécessité retrouvera ainsi son statut d’exception et qu’une meilleure sécurité juridique sera assurée aux médecins et aux patients.
  • [154]
    L’Écho, 28 janvier 2000.
  • [155]
    Pour les avis du CNOM et le Code de déontologie médicale (dans ses versions successives), cf. le site Internet www.ordomedic.be.
  • [156]
    Le CNOM précise : « Dans des avis ultérieurs, le Conseil national a élargi cette prise de contact à l’équipe infirmière et/ou l’équipe soignante ».
  • [157]
    Le Soir, 19 janvier 2000.
  • [158]
    Sant’Egidio se définit comme un « mouvement de laïcs chrétiens qui sont engagés dans de nombreux domaines de la justice et de la paix ».
  • [159]
    Gérard Adam, médecin-écrivain, réagit dans une carte blanche (cf. Le Soir, 1er février 2000, texte reproduit dans ADMD, Bulletin trimestriel, n° 75, mars 2000, p. 30-31). Tout en disant son admiration pour l’action de la communauté Sant’Egidio, il estime qu’il y a, dans un des propos de H. Kieboom, « utilisation abusive de ce prestige pour interdire à ceux qui ne partagent pas une foi et la morale qui en découle de mettre en pratique pour eux-mêmes leurs propres options philosophiques ». Il dénonce tout particulièrement l’affirmation selon laquelle « la souffrance (…) fait inévitablement partie de la condition humaine », et y voit une expression d’intolérance religieuse à l’égard de ceux qui pourraient faire le choix de ne pas accepter de vivre cette souffrance jusqu’au bout et, plus fondamentalement, à l’égard de la liberté de se situer personnellement face à cette souffrance.
  • [160]
    Le Matin, 20 janvier 2000.
  • [161]
    Journal du médecin, 25 janvier 2000 (reproduit dans ADMD, Bulletin trimestriel, n° 75, mars 2000,
    p. 33-34).
  • [162]
    Ces résultats sont partiels pour des raisons éditoriales, les revues scientifiques réclamant la primeur. Dès lors, ils sont extrapolés à partir d’une recherche plus limitée menée à Hasselt, dont les chiffres sont ensuite mis à l’épreuve sur la Flandre entière via une enquête auprès des médecins traitants. Le Soir du 3 mars 2001 signale une étude « récente » publiée le 25 novembre 2000 dans The Lancet. Celle-ci montre que, en Flandre, 4,4 % des décès sont dus à un geste actif du médecin, mais que, dans trois quarts de ces cas, le médecin agit sans concertation avec le patient.
  • [163]
    Pour l’ensemble des prises de position des 5 et 6 février 2000, cf. La Libre Belgique, Le Matin, De Standaard et De Morgen, 7 février 2000 ; Le Soir, 9 février 2000.
  • [164]
    La Libre Belgique, 8 février 2000.
  • [165]
    A. De Decker avait, lui aussi, exprimé le souhait que les auditions soient publiques (cf. Le Soir, 20 janvier 2000).
  • [166]
    Ces amendements seront déposés le 8 novembre 2000 : Sénat, Proposition de loi relative à l’euthanasie. Amendements, n° 244/4, 8 novembre 2000 (cf. infra, 6.3.2.1).
  • [167]
    Ce type de déclaration sera prévu dans la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient (cf. infra, 8).
  • [168]
    Précisions données dans De Morgen, 7 février 2000.
  • [169]
    Sénat, Proposition de loi relative à l’euthanasie. Amendements, n° 244/2, 17 janvier 2000 (cf. supra, 3.1.1).
  • [170]
    Écolo et Agalev proposent de remplacer l’éthicien par un psychiatre dans ce collège. En effet, ils soulignent la dimension aussi psychique de la détresse (De Morgen, 7 février 2000).
  • [171]
    Le Soir, 9 février 2000.
  • [172]
    De Morgen, 10 février 2000.
  • [173]
    Cf. aussi La Libre Belgique, 1er février 2000.
  • [174]
    En Marche, 3 février 2000.
  • [175]
    Le Soir, 1er février 2000 (texte reproduit dans ADMD, Bulletin trimestriel, n° 75, mars 2000, p. 20-22).
  • [176]
    Le Soir, 24 février 2000.
  • [177]
    La Libre Belgique, 10 février 2000.
  • [178]
    Le Matin, 12 février 2000.
  • [179]
    La Libre Belgique, Le Matin et Le Soir, 1er février 2000.
  • [180]
    La Libre Belgique, 1er février 2000. Cf. aussi Le Matin et Le Soir, 1er et 3 février 2000.
  • [181]
    La Libre Belgique, Le Matin et Le Soir, 3 février 2000.
  • [182]
    Cf. notamment La Libre Belgique, 2, 3, 4 et 7 février 2000 ; Le Soir, 3 et 4 février 2000 ; Le Matin,
    3 février 2000 ; ADMD, Bulletin trimestriel, n° 75, mars 2000, p. 17-18.
  • [183]
    Des médecins d’un centre médical de Buizingen avaient été accusés – à tort – d’« avoir laissé mourir de faim des patients » (Le Soir, 1er et 9 février 2000).
  • [184]
    Le Matin, 7 février 2000.
  • [185]
    Tel est l’avis du médecin Jacques de Toeuf (Le Soir, 1er février 2000 ; La Libre Belgique, 4 février 2000). Cf. également à ce propos le « Face à face » entre Yvon Kenis, cancérologue et membre fondateur de l’ADMD, et Muriel Sprynger, cardiologue-intensiviste (La Libre Belgique, 7 février 2000).
  • [186]
    Cf. notamment La Libre Belgique, 3 février 2000.
  • [187]
    ADMD, Bulletin trimestriel, n° 87, mars 2003, p. 3.
  • [188]
    Le Soir, 10 février 2000 ; De Morgen, 10 et 11 février 2000.
  • [189]
    La Libre Belgique, 8 février 2000.
  • [190]
    La Libre Belgique, 13 janvier 2000.
  • [191]
    En Marche, 3 février 2000.
  • [192]
    La Libre Belgique, 4 février 2000.
  • [193]
    La Libre Belgique, 15 février 2000.
  • [194]
    Cf. à cet égard les titres des articles dans la presse : « Le climat se fait plus houleux » (L’Écho, 10 février 2000) ; « Accord complet sur le désaccord » (Le Matin, 10 février 2000). Pour les questions de méthode, cf. notamment La Libre Belgique et De Morgen, 10 février 2000. Pour les réponses apportées, cf. La Libre Belgique, 11 et 15 février 2000 ; De Morgen, 11 février 2000.
  • [195]
    Signalons un incident de parcours qui a lieu durant les auditions. Le 23 février 2000, il est prévu que l’asbl Alert soit entendue. Or il apparaît ce jour-là que cette association a été créée le jour même – 28 janvier 2000 – où les sénateurs ont accepté de l’auditionner, que ses statuts ne sont pas encore publiés au Moniteur belge et que ses sources de financement sont « floues ». Alert a procédé à une coûteuse campagne d’information (sur le thème « Une vie vaut bien une discussion ») dans la presse et via une brochure qui rapproche la proposition de loi « des six » des politiques eugénistes de l’Allemagne nazie. Son objectif déclaré est d’« étendre le débat ». Réuni sur-le-champ, le bureau des commissions réunies décide à l’unanimité de suspendre l’audition. Le 2 mars, la presse signale que, après une rencontre entre l’asbl et les présidents des commissions, une majorité du bureau a décidé d’annuler l’audition. En effet, Alert ne peut satisfaire aux conditions d’expertise ou d’expérience de terrain exigées pour être auditionné. En outre, sa présentation a été estimée « trompeuse » : sous couvert d’une volonté d’information générale, l’asbl vise à s’opposer à la proposition de loi en discussion (cf. Le Soir, La Libre Belgique, Le Matin et De Morgen, 24 février 2000 ; Le Soir, 25 février 2000 ; Le Soir, La Libre Belgique, De Standaard et De Morgen, 2 mars 2000).
  • [196]
    La Libre Belgique, 11 février 2000.
  • [197]
    De Morgen, 10 février 2000.
  • [198]
    Sénat, Commissions réunies de la Justice et des Affaires sociales, Proposition de loi relative à l’euthanasie. Rapport, n° 244/22, 9 juillet 2001, p. 244.
  • [199]
    La RTBF diffusera cependant en différé les auditions publiques, qui seront les plus nombreuses et qui seront par ailleurs relatées synthétiquement dans la presse ou d’autres médias.
  • [200]
    Pour le rapport des auditions, cf. Sénat, Commissions réunies de la Justice et des Affaires sociales, Proposition de loi relative à l’euthanasie. Annexe au rapport. Auditions, n° 244/24, 9 juillet 2001.
  • [201]
    É. Vermeesch, entendu une première fois au départ des travaux au Sénat en tant que membre du CCB, avait alors fortement insisté sur ce point. Il recommandait « très instamment » aux membres des commissions réunies de s’en tenir aux définitions du CCB (Sénat, Commissions réunies de la Justice et des Affaires sociales, Proposition de loi relative à l’euthanasie. Rapport, n° 244/22, 9 juillet 2001, p. 10).
  • [202]
    Lier ces trois problématiques, sans pour autant méconnaître leurs spécificités respectives, engage le processus qui conduira, en 2002, à l’adoption des trois lois solidaires relatives respectivement à l’euthanasie, aux soins palliatifs et aux droits du patient (cf. infra, 8).
  • [203]
    Les auditions (de même que les débats) avancent à ce propos des chiffres proches mais distincts, aux alentours de 1 800-1 900 par an en Belgique.
  • [204]
    Le Soir, La Libre Belgique et L’Écho, 10 mai 2000.
  • [205]
    La Libre Belgique, 4 mai 2000.
  • [206]
    « Georges Dallemagne (PSC), Alain Destexhe (PRL) et Marie Nagy (Écolo) auraient été présents s’ils n’avaient eu d’autres engagements » (La Libre Belgique, 18 mai 2000). La liste des participants varie quelque peu selon les sources.
  • [207]
    Le Soir, 27-28 mai 2000.
  • [208]
    Dont celle de Jeannine Leduc (VLD), qui estime que les auditions « n’ont rien appris de neuf » (Le Soir, 28 avril 2000). Propos nuancés plus tard : « Les auditions ont été utiles » (La Libre Belgique, 21 juin 2000).
  • [209]
    Le Soir, 10 mai 2000.
  • [210]
    Le Vif/L’Express, 19 mai 2000.
  • [211]
    À ce propos, cf. aussi la réaction du président de l’Association belge des syndicats médicaux (ABSYM), Marc Moens, qui, reprenant des thématiques soulevées lors des auditions, s’interroge à la fois sur l’opportunité d’une loi et sur l’incidence négative de la dépénalisation (La Libre Belgique, 16 juin 2000).
  • [212]
    Le Soir, 10 mai 2000.
  • [213]
    Pour les différentes prises de position, cf. La Libre Belgique, 6-7 mai 2000 ; Le Vif/L’Express, 19 mai 2000.
  • [214]
    La Libre Belgique, 21 juin 2000.
  • [215]
    La Libre Belgique, 6-7 mai 2000.
  • [216]
    H. Cnudde, « Euthanasie : de quoi parle-t-on ? », La Revue nouvelle, n° 5-6, mai-juin 2000, p. 27.
  • [217]
    Le Vif/L’Express, 19 mai 2000.
  • [218]
    ADMD, Bulletin trimestriel, n° 75, mars 2000, p. 6-7.
  • [219]
    Imagine, 15 mars 2000.
  • [220]
    La Libre Belgique, 20 avril 2000.
  • [221]
    La Libre Belgique, 6 et 7 juin 2000 ; Le Soir, 9 juin 2000.
  • [222]
    La Libre Belgique, 9 juin 2000.
  • [223]
    Le Soir et La Libre Belgique, 2 juin 2000.
  • [224]
    La Libre Belgique, 21 juin 2000.
  • [225]
    À ce propos, cf. notamment De Morgen, 20 juillet 2000.
  • [226]
    De Morgen, 28 juin 2000.
  • [227]
    Le Soir et La Libre Belgique, 18 mai 2000.
  • [228]
    La Libre Belgique, 23 mai 2000.
  • [229]
    La Libre Belgique, 30 mai 2000 et 9 juin 2000.
  • [230]
    La Libre Belgique et Le Soir, 9 et 10-12 juin 2000 ; L’Écho, 10-12 juin 2000 ; De Morgen, 10 juin 2000. A. Zenner quittera ensuite le Sénat et rejoindra le gouvernement fédéral. Pour une critique de ce texte, cf. J. Herremans, « Le mot de la présidente », in ADMD, Bulletin trimestriel, n° 76, juin 2000, p. 3-4 ; B. Dayez, in La Libre Belgique, 16 juin 2000.
  • [231]
    Invoquer le consentement du patient rapproche ce texte de la proposition de loi déposée par F. Lozie et J. De Roeck (Agalev) le 30 septembre 1999 (cf. J. Wautier, « L’ouverture du débat sur l’euthanasie au Sénat », op. cit., p. 45-46 et supra, 1.2). Soulignons toutefois que cette proposition de loi visait l’élargissement du droit de codécision du patient et l’institution d’une déclaration de volonté relative au traitement. Les questions n’étaient donc pas envisagées d’abord en termes de consentement, mais de droit de demander et de codécider.
  • [232]
    La Libre Belgique et Le Soir, 10-12 juin 2000.
  • [233]
    La Libre Belgique et De Morgen, 28 juin 2000.
  • [234]
    Pour les réactions signalées ici, sauf indications supplémentaires, cf. La Libre Belgique et Le Soir, 10-12 juin 2000 ; De Morgen, 10 juin 2000.
  • [235]
    La Libre Belgique, 21 juin 2000.
  • [236]
    La Libre Belgique, 5 juillet 2000.
  • [237]
    La Libre Belgique, 14 juin 2000.
  • [238]
    De Morgen et La Libre Belgique, 21 juin 2000.
  • [239]
    La Libre Belgique et De Morgen, 28 juin 2000.
  • [240]
    La Libre Belgique, 5 juillet 2000.
  • [241]
    De Morgen, 20 juin 2000. Cela découle d’une proposition de loi relative aux droits du patient que P. Vankrunkelsven a déposée au Sénat le 15 juin 2000 et qui vise à répondre à des préoccupations exprimées lors des auditions : contrat de soins médicaux, information et consentement du patient, droit aux soins palliatifs, refus de l’acharnement thérapeutique, respect de la dignité du patient. Ce texte établit des distinctions selon l’âge du mineur (16 ans, 13 ans) et propose notamment l’article suivant : « Le mineur qui a atteint l’âge de 16 ans est capable de conclure un contrat de soins pour lui-même. Le mineur est responsable des engagements qui en résultent, sans préjudice de l’obligation pour ses parents de pourvoir aux dépenses de soins et d’éducation » (Sénat, Proposition de loi relative aux droits du patient, n° 474/1, 15 juin 2000).
  • [242]
    De Morgen, 27 juin 2000.
  • [243]
    Le Soir, La Libre Belgique, L’Écho et De Morgen, 5 juillet 2000.
  • [244]
    De Morgen, 8 juillet 2000 ; La Libre Belgique, 10 juillet 2000.
  • [245]
    Le Soir, La Libre Belgique et L’Écho, 15-16 juillet 2000 ; Le Matin, 18 juillet 2000.
  • [246]
    L’Écho, 15-16 juillet 2000.
  • [247]
    La Libre Belgique, 15-16 juillet 2000 ; Le Matin, 18 juillet 2000.
  • [248]
    Le Soir, 17 juillet 2000.
  • [249]
    Le Matin, 18 juillet 2000.
  • [250]
    De Morgen, 28 mai 2000.
  • [251]
    La Libre Belgique, 19 juillet 2000.
  • [252]
    La Libre Belgique et Le Soir, 20-21 juillet 2000.
  • [253]
    De Morgen, 20 juillet 2000.
  • [254]
    Cf. le site Internet de l’ARMB : www.armb.be, avis 1990-2000. Ce texte a été adopté par 58 voix pour contre 7 et 4 abstentions (sur 69 membres).
  • [255]
    Cf. Santé conjuguée, juillet 2000, n° 13, p. 7-10.
  • [256]
    La Libre Belgique du 9 juin 2000 publie le texte de la pétition.
  • [257]
    Cette pétition sera remise au Sénat le 19 décembre 2000. Elle aura alors récolté plus de 3 000 signatures (cf. infra, 6.2.2).
  • [258]
    Le Soir, 6 septembre 2000.
  • [259]
    ADMD, Bulletin trimestriel, n° 77, septembre 2000, p. 25-26.
  • [260]
    Le Soir, 20-21 mai 2000.
  • [261]
    La Libre Belgique et Le Soir, 10 et 11 juillet 2000 ; Le Vif/L’Express, 14 juillet 2000. Cf. aussi La Libre Belgique, 18 et 19 juillet 2000.
  • [262]
    Cf. Le Matin, 12 août 2000.
  • [263]
    Le Soir, 10 juillet 2000.
  • [264]
    Pour le contenu de ce plan, cf. Sénat, Commissions réunies de la Justice et des Affaires sociales, Proposition de loi relative aux soins palliatifs. Rapport, n° 246/5, 9 juillet 2001, annexe.
  • [265]
    Pour les patients soignés à domicile, le « forfait C » accordé alors aux patients lourdement dépendants (1 395 francs belges par jour de semaine ; 2 078 francs belges le week-end) serait étendu à l’ensemble des patients palliatifs ; le ticket modérateur des consultations et visites du généraliste serait supprimé ; la durée du forfait mensuel de 19 500 francs belges accordé pour deux mois depuis le 1er janvier 2000 pourrait être étendue à trois mois en 2002 sur la base d’une évaluation à réaliser en 2001 (cf. ibidem, annexe).
  • [266]
    Pour les patients soignés dans un environnement remplaçant le domicile, des centres de jour seraient créés ; les entités de soins palliatifs (alors 360 lits) seraient renforcées ; les maisons de repos et de soins de plus de 60 lits recevraient un financement forfaitaire destiné à former leur personnel ; à l’hôpital, les équipes mobiles seraient renforcées (cf. ibidem, annexe).
  • [267]
    Le personnel chargé de la coordination des associations de soins palliatifs serait financé en tenant compte de son ancienneté et de ses qualifications ; chaque association bénéficierait d’un psychologue clinicien à temps partiel ; les équipes pluridisciplinaires qui assistent ces associations verraient leur financement renforcé en 2002 (cf. ibidem, annexe). De son côté, la ministre fédérale de l’Emploi, Laurette Onkelinx (PS), propose de porter de 20 000 à 30 000 francs belges par mois, renouvelable une fois, l’interruption de carrière choisie par un travailleur pour s’occuper d’un proche en phase terminale (Le Soir, 8 septembre 2000).
  • [268]
    La Libre Belgique et Le Soir, 19 octobre 2000.
  • [269]
    Le Soir et La Libre Belgique, 25 octobre 2000.
  • [270]
    Sénat, Commissions réunies de la Justice et des Affaires sociales, Proposition de loi relative à l’euthanasie. Rapport, n° 244/22, 9 juillet 2001, p. 515-540.
  • [271]
    Chambre des représentants, Projet de loi relatif aux droits du patient, n° 1642/1, 19 février 2002. À propos de ce projet de loi, cf. infra, 8.
  1. Introduction
  2. 0. L’ouverture du débat sur l’euthanasie au Sénat : un rappel
    1. 0.1. Le Code pénal et le Code de déontologie médicale
    2. 0.2. Conceptions laïques et catholiques
    3. 0.3. Les propositions de loi déposées au Sénat et à la Chambre en 1995 et 1996
    4. 0.4. Les travaux du Comité consultatif de bioéthique de Belgique (CCB)
      1. 0.4.1. Avis n° 1
      2. 0.4.2. Avis n° 9
    5. 0.5. La proposition de loi Lallemand-Erdman du 2 février 1999
    6. 0.6. La campagne électorale
      1. 0.6.1. Les programmes des partis
      2. 0.6.2. Les débats électoraux
  3. 1. Le Contexte politique (juin - octobre 1999)
    1. 1.1. La coalition « arc-en-ciel » et les questions de fin de vie
    2. 1.2. Au Sénat
    3. 1.3. À la Chambre
    4. 1.4. Positionnements dans la société civile
  4. 2. La reprise des travaux au Sénat (novembre - décembre 1999)
    1. 2.1. La composition des commissions réunies
    2. 2.2. État d’esprit
    3. 2.3. Les propositions de loi en présence
      1. 2.3.1. Les propositions de loi sociales-chrétiennes
      2. 2.3.2. La proposition de loi commune de six sénateurs et leurs deux propositions de loi complémentaires
        1. 2.3.2.1. Les intentions des six sénateurs
        2. 2.3.2.2. Des convergences antérieures
        3. 2.3.2.3. Le contenu de la proposition de loi des six sénateurs
        4. 2.3.2.4. Nouveautés et éléments non repris
        5. 2.3.2.5. Deux propositions de loi complémentaires
      3. 2.3.3. Convergences et divergences au sein des commissions réunies
      4. 2.3.4. Blocage du débat parlementaire
    4. 2.4. Prises de position dans la société civile et dans le monde médical
      1. 2.4.1. En novembre
      2. 2.4.2. En décembre
        1. 2.4.2.1. Dans la société civile
        2. 2.4.2.2. Positions contrastées dans le monde médical
  5. 3. Un débat « stop and go » (janvier - mi-février 2000)
    1. 3.1. Janvier 2000
      1. 3.1.1. Évolution : vers des ouvertures au sein du Sénat
      2. 3.1.2. Avis du Conseil national de l’Ordre des médecins
      3. 3.1.3. Dans la société civile et le monde médical
      4. 3.1.4. Une approche du terrain : les pratiques en Flandre
    2. 3.2. Début février 2000
      1. 3.2.1. Déblocage partiel du débat parlementaire
      2. 3.2.2. Prises de position dans la société civile et le monde médical
      3. 3.2.3. Interventions de la justice
  6. 4. Les auditions au Sénat (mi-février - mi-mai 2000)
    1. 4.1. Avant les auditions
    2. 4.2. Pendant les auditions : thématiques et orientations
      1. Définition
      2. Pratiques médicales en fin de vie
      3. Légitimité éthique et transcription juridique
      4. Possibilité d’une loi
      5. Modalités d’une telle loi
      6. Opportunité d’une loi
      7. Soins palliatifs et soins continus
      8. Autonomie décisionnelle du patient
      9. Importance de la relation
      10. Conditions médicales d’admissibilité de l’euthanasie
      11. Déclarations anticipées
      12. Actes médicaux en fin de vie
      13. Procédures
      14. Appréciations générales de la proposition de loi
    3. 4.3. Fin officielle des auditions, poursuite officieuse
    4. 4.4. Bilan des sénateurs
    5. 4.5. Analyses dans la presse périodique
    6. 4.6. Initiatives parallèles aux auditions
  7. 5. À la recherche d’un consensus (mi-mai - mi-octobre 2000)
    1. 5.1. Dépasser les clivages
      1. 5.1.1. Du côté du PSC
      2. 5.1.2. Du côté du CVP
      3. 5.1.3. Un texte alternatif élaboré par des membres de différents partis
      4. 5.1.4. En coulisses, du côté des six auteurs de la proposition de loi commune
      5. 5.1.5. Du côté d’Écolo
      6. 5.1.6. Du côté du SP
      7. 5.1.7. Du côté du PS
      8. 5.1.8. Du côté du VLD
      9. 5.1.9. Du côté des partis de la majorité « arc-en-ciel » et de la VU–ID
    2. 5.2. Dans le monde médical
      1. 5.2.1. L’avis de l’Académie royale de médecine de Belgique (ARMB)
        1. 5.2.1.1. Les consensus
        2. 5.2.1.2. Les dissensus
      2. 5.2.2. L’avis de la Fédération des maisons médicales et des collectifs de santé francophones (FMMCSF)
      3. 5.2.3. Autres prises de position
    3. 5.3. Situations interpellantes dans la société
    4. 5.4. Soins palliatifs : un projet gouvernemental de mesures concrètes

En mai 2002, la Belgique est devenue l’un des premiers pays au monde à autoriser, moyennant le respect de strictes conditions, la pratique de l’euthanasie. Cette légalisation a résulté d’une opportunité politique : la mise en place d’un gouvernement de coalition inédite, dite arc-en-ciel, et le renvoi dans l’opposition des partis sociaux-chrétiens, qui bloquaient ce dossier éthique depuis de nombreuses années. Par ailleurs, le besoin d’un encadrement légal de l’euthanasie s’imposait aux yeux de beaucoup, à la fois en raison de pratiques clandestines et abusives, inacceptables à l’égard des patients, et de questions d’insécurité juridique pour les médecins. Dès lors, sitôt que la possibilité d’un débat parlementaire s’est ouverte, la nécessité de légiférer a rapidement fait consensus parmi tous les partis politiques.

Mené principalement au Sénat, le processus législatif a consisté en trois années de discussions vives (les divergences d’approche s’incarnant notamment dans le dépôt de plusieurs propositions de loi et de centaines d’amendements), intenses (la gravité de la question à traiter suscitant une vigilance minutieuse), riches (les échanges étant nourris par de multiples auditions parlementaires) et plurielles (la loi relative aux soins palliatifs et celle relative aux droits du patient étant parallèlement élaborées). Il a été ponctué de nombreuses crises et tentatives de dépassement de celles-ci, ainsi que, à l’extérieur du Parlement, par quelques affaires judiciaires et événements tragiques. De larges pans de la société civile ont tenu à s’impliquer dans les réflexions, en ce compris des médecins et des éthiciens.

Dans ce premier volume, M.-L. Delfosse rappelle le cadre éthique, médical, juridique et politique dans lequel le débat sur l’euthanasie s’est ouvert en Belgique au cours des années 1990. Ensuite, elle rend compte des étapes que le processus législatif a connues au Sénat entre juin 1999 et la mi-octobre 2000.

Mis en ligne sur Cairn.info le 17/12/2019
https://doi.org/10.3917/cris.2427.0007
ISBN 9782870752227
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