CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1Les organes de la Région de Bruxelles-Capitale ont été créés par la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises (entrée en vigueur dès le 1er janvier de la même année)  [1]. Cette loi spéciale, ainsi que les multiples et sensibles modifications qui lui ont été apportées par la suite, notamment lors des réformes de l’État de 1993, de 2001 et de 2012-2014, sont le fruit de compromis politiques et communautaires qui ont engendré une grande complexité institutionnelle sur le territoire bruxellois (au point que certains parlent aujourd’hui de « lasagne » ou de « dentelle » institutionnelle).

2Cette complexité institutionnelle suscite régulièrement des réactions dans la société civile et dans le monde politique. Diverses propositions d’aménagements sont évoquées, dont une régionalisation des compétences communautaires et une répartition plus efficace des compétences entre la Région de Bruxelles-Capitale et les dix-neuf communes qui forment son territoire  [2]. Notamment, les formations politiques flamandes et les médias du nord du pays dénoncent fréquemment un trop grand éparpillement des compétences entre intervenants publics en région bruxelloise, mettant surtout en cause les communes.

3Le gouvernement régional bruxellois Picqué IV (PS/Écolo/CDH/Open VLD/CD&V/ Groen!) a abordé ce problème dans son accord de majorité du 12 juillet 2009. Un groupe de travail préparatoire, chargé de déblayer le terrain en vue de rendre possible la négociation politique prévue par la déclaration gouvernementale, a été mis sur pied et a déposé un rapport le 17 septembre 2010. Ensuite, les choses se sont accélérées lors des négociations institutionnelles préparatoires à la sixième réforme de l’État, plusieurs partis flamands, dont le SP.A, conditionnant le refinancement de la Région bruxelloise (réclamé par les partis francophones) à la réalisation d’une réforme intrabruxelloise. Le dossier a alors été confié à un groupe de travail composé de mandataires politiques bruxellois appartenant à la majorité politique régionale, ainsi qu’au MR et au SP.A. Un accord est intervenu au sein de ce groupe le 20 septembre 2011, lequel a été intégré dans l’accord global sur la sixième réforme de l’État présenté le 11 octobre 2011 par les huit mêmes partis  [3] et transposé depuis lors dans la Constitution et la loi. C’est ainsi qu’a été opérée une réorganisation des compétences entre la Région de Bruxelles-Capitale et les communes en matière d’urbanisme, de logement, de mobilité, de stationnement et de propreté, et que de nouvelles compétences ont été attribuées à cette Région en matière de sécurité ainsi que diverses compétences communautaires telles que les infrastructures sportives communales, la formation professionnelle et le biculturel d’intérêt régional.

4Mais l’accord de réformes institutionnelles du 11 octobre 2011 avait également prévu que la Région de Bruxelles-Capitale prolongerait son travail de simplification interne et que différentes questions sensibles (telles que l’emploi des langues et la possibilité de présenter des listes bilingues aux élections régionales) seraient « examinées au sein d’un groupe de travail ad hoc »  [4]. Or ce groupe de travail n’a pas été mis en place. Pourtant, il apparaît aujourd’hui à de nombreux acteurs qu’un prolongement du travail de simplification des institutions bruxelloises serait nécessaire, la complexité restant bien pesante et la répartition des compétences entre les institutions demeurant toujours peu lisible pour le citoyen.

5Depuis la rentrée parlementaire 2016, la question s’est dès lors réinscrite d’elle-même à l’ordre du jour politique, des personnalités issues de divers partis politiques s’exprimant à ce sujet par voie de presse (et suscitant les réactions des autres formations politiques). Ce mouvement prend place dans un contexte politique général assez tendu en région bruxelloise, marqué par divers éléments : l’affaire du Samusocial ; les tensions dues à la tentative – avortée – du président du CDH, Benoît Lutgen, de changer la majorité régionale bruxelloise ; la focalisation qui s’en est suivie sur les questions de gouvernance et du décumul.

6Il a donc paru utile qu’une livraison du Courrier hebdomadaire fasse le point sur l’état actuel de ce débat, qui pourrait déboucher sur de nouveaux aménagements institutionnels. Après avoir brièvement rappelé quels sont les différents acteurs institutionnels qui interviennent en région bruxelloise, nous passerons successivement en revue les propositions de réforme avancées par Rudi Vervoort (PS), par Pascal Smet et John Crombez (SP.A) et par Zakia Khattabi (Écolo) entre le mois de septembre 2016 et le début de l’année 2018. Ensuite, nous examinerons les réactions que ces projets ont induites jusqu’à aujourd’hui de la part d’autres formations politiques (essentiellement le MR, Défi et le CDH). Enfin, nous analyserons les grandes thématiques abordées dans ce débat.

7La situation présentée dans cette publication est celle arrêtée au 15 juin 2018.

1. Les acteurs institutionnels actifs sur le territoire bruxellois

8Nombreuses sont les institutions qui exercent des compétences sur le territoire bruxellois : l’Autorité fédérale, la Région de Bruxelles-Capitale, les Communautés française et flamande, les trois Commissions communautaires (COCOM, COCOF et VGC), les communes. Ce premier chapitre rappelle brièvement quelles sont les compétences respectives de ces divers acteurs en région bilingue de Bruxelles-Capitale.

1.1. L’Autorité fédérale

9L’Autorité fédérale exerce toutes les compétences qui n’ont pas été transférées aux Régions et aux Communautés lors des réformes de l’État successives, ainsi qu’une série de compétences qui lui sont expressément réservées. Citons, entre autres, la justice, la sécurité sociale (à l’exception des prestations familiales), la défense, le maintien de l’ordre, la politique étrangère, les télécommunications, les règles régissant l’état civil et la nationalité, l’accès au territoire et le séjour des étrangers, l’impôt des personnes physiques (IPP) et l’impôt des sociétés (ISOC), l’emploi des langues en région de Bruxelles-Capitale  [5] et dans les communes à statut linguistique spécial (« communes à facilités »), les établissements scientifiques fédéraux (la Bibliothèque royale de Belgique - BR, les Archives générales du Royaume - AGR, les Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique - MRBAB, les Musées royaux d’art et d’histoire - MRAH, l’Institut royal du patrimoine artistique - IRPA, l’Institut royal météorologique de Belgique - IRM, l’Observatoire royal de Belgique - ORB, l’Institut royal des sciences naturelles de Belgique - IRSNB, l’Institut d’aéronomie spatiale de Belgique - AESB) et les établissements culturels fédéraux (le Palais des Beaux-Arts, le Théâtre royal de la Monnaie, l’Orchestre national de Belgique).

10Par ailleurs, la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises avait prévu la création d’un comité de coopération entre l’Autorité fédérale et la Région de Bruxelles-Capitale – comité composé de manière paritaire, tant entre ministres fédéraux et ministres bruxellois que sur le plan linguistique – en vue de favoriser et de promouvoir le rôle international de Bruxelles. Cette volonté s’est concrétisée dans l’accord de coopération signé le 15 septembre 1993 par l’Autorité fédérale et la Région de Bruxelles-Capitale, appelé aujourd’hui « accord Beliris »  [6]. Cet accord, qui a connu plusieurs avenants depuis lors, détermine la contribution fédérale aux travaux visant à donner à Bruxelles une image digne de son rôle de capitale de la Belgique et de l’Europe et de son statut de ville internationale. Suite à la réforme de l’État de 2001, la loi du 10 août 2001 a créé un fonds de financement du rôle international et de la fonction de capitale de Bruxelles (fonds Beliris)  [7], afin de permettre de reporter d’année en année les budgets non engagés. À partir de 2004, un montant annuel de 125 millions d’euros a été octroyé par l’Autorité fédérale dans le cadre de l’accord Beliris. Lors de la sixième réforme de l’État, la loi du 10 août 2001 a été actualisée pour consolider ce montant affecté au fonds Beliris (ce qui signifie concrètement que le montant de 125 millions a été inscrit dans la loi et ne dépend donc plus des négociations budgétaires annuelles). La réalisation des initiatives décidées par le comité de coopération est assurée, en concertation avec les autorités régionales, par Beliris (qui dépend du SPF Mobilité et Transports). Parmi les projets actuellement menés par Beliris, citons entre autres le réaménagement de la place Jourdan, l’aménagement du piétonnier sur les boulevards du centre, ainsi que des études préalables à la ligne de métro numéro 3.

1.2. La Région de Bruxelles-Capitale

11La Région de Bruxelles-Capitale dispose de l’ensemble des compétences régionales (compétences liées au territoire) : aménagement du territoire, environnement, politique de l’eau, rénovation rurale, conservation de la nature, logement, politique agricole, économie, politique de l’énergie, pouvoirs subordonnés, politique de l’emploi, travaux publics, transports, tourisme. La sixième réforme de l’État a en outre attribué à la seule Région bruxelloise certaines compétences en matière de sécurité  [8]. Elle l’a également dotée de certaines compétences communautaires : les infrastructures sportives communales, la formation professionnelle, le biculturel d’intérêt régional  [9].

12Les organes régionaux exercent également les compétences de l’Agglomération de Bruxelles : enlèvement et traitement des immondices, lutte contre l’incendie, aide médicale urgente, missions d’observation, de prévention et de coordination en matière de sécurité. L’Agglomération de Bruxelles est une institution supracommunale qui a été créée par la loi du 26 juillet 1971 puis réformée par la loi du 21 août 1987 (qui lui a notamment enlevé les compétences qui avaient été régionalisées en 1980). La révision de la Constitution du 7 juillet 1988  [10] et la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises n’ont pas supprimé formellement l’Agglomération de Bruxelles, mais elles ont confié l’exercice de ses compétences au Parlement et au gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale. Son personnel a été très majoritairement intégré dans l’administration régionale et dans les organismes d’intérêt public régionaux bruxellois. Par ailleurs, l’Agglomération bruxelloise était dotée d’organismes collatéraux, la commission française de la culture et la commission néerlandaise de la culture, lesquelles formaient ensemble les commissions réunies. Bien qu’elles étaient revêtues chacune de la personnalité juridique, elles ne constituaient pas des autorités politiques mais étaient des organes de l’Agglomération bruxelloise  [11]. Les compétences des deux commissions de la culture de l’Agglomération ont été reprises par les Commissions communautaires française et flamande (cf. infra).

13Enfin, la Région de Bruxelles-Capitale possède une partie des compétences de l’ancienne province de Brabant (le territoire de la région bruxelloise étant extraprovincialisé depuis le 1er janvier 1995 en vertu de la révision constitutionnelle du 5 mai 1993). Entre 1995 et 2014, quelques-unes de ces compétences anciennement provinciales ont appartenu au gouverneur de l’arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale  [12] (qui, par ailleurs, exerçait également alors les fonctions remplies par les commissaires d’arrondissement dans les autres arrondissements administratifs du pays). Mais cette fonction a été supprimée  [13] dans le cadre de la sixième réforme de l’État  [14]. Depuis le 1er juillet 2014, les tâches qui incombaient précédemment au gouverneur de l’arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale font partie des tâches du ministre-président du gouvernement bruxellois : pour ce qui est des tâches anciennement provinciales, il s’agit du maintien de l’ordre et de la coordination de la sécurité (monitoring de la criminalité, coordination politique de sécurité, harmonisation des textes des règlements communaux de police)  [15]. L’autre partie des compétences anciennement provinciales appartient aux Commissions communautaires (cf. infra).

14Le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale se compose de 89 membres, qui sont répartis en deux groupes linguistiques (72 francophones et 17 néerlandophones)  [16]. L’électeur choisit de voter soit pour une liste francophone, soit pour une liste néerlandophone. Le gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale compte 5 ministres (un ministre-président, 2 ministres francophones et 2 ministres néerlandophones) auxquels sont adjoints 3 secrétaires d’État régionaux (dont 1 néerlandophone). L’exercice de la fonction législative dans les matières régionales (par voie d’ordonnances) et celui de la fonction réglementaire dans les matières d’Agglomération (par voie de règlements) s’opère tous deux à la majorité absolue des suffrages. Pour les votes sur des ordonnances relatives à la modification de la législation organique sur les communes, il est nécessaire de recueillir la majorité des suffrages au Parlement et dans chaque groupe linguistique (ordonnances dites spéciales). Toutefois, depuis la réforme de l’État de 2001, ce mécanisme de double majorité est atténué. En effet, si la majorité n’est pas réunie dans un groupe linguistique, il est procédé à un nouveau vote. Dans ce cas, l’ordonnance est adoptée à la majorité absolue des suffrages du Parlement et par au moins un tiers des suffrages dans chaque groupe linguistique. Ce second vote ne peut pas intervenir moins de 30 jours après le premier vote.

15Pour les votes sur des ordonnances spéciales relatives notamment à l’autonomie constitutive  [17], outre la majorité dans chaque groupe linguistique, deux tiers des suffrages au Parlement doivent être rassemblés. Dans ce cas, il n’est pas procédé à un second vote si la majorité dans un groupe linguistique n’est pas atteinte.

1.3. La Communauté française et la Communauté flamande

16En région bruxelloise, la Communauté française  [18] et la Communauté flamande sont compétentes dans les matières culturelles, d’enseignement, personnalisables (santé, aide aux personnes). Compte tenu du caractère bilingue de la région bruxelloise, leurs décrets ne peuvent viser directement les personnes ni des institutions bicommunautaires (par exemple, les hôpitaux publics) mais seulement des institutions clairement francophones ou néerlandophones, selon le cas. Le Parlement de la Communauté française compte 94 membres, dont 19 Bruxellois désignés au sein du groupe linguistique français du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale et qui restent membres de ce dernier ; ils sont répartis entre les groupes politiques proportionnellement aux résultats des élections. Le Parlement flamand compte 124 membres, dont 6 Bruxellois élus directement ; il n’est pas possible d’être à la fois député régional bruxellois et député régional flamand.

17La Communauté française a transféré l’exercice d’une partie de ses compétences à la Région wallonne pour la région de langue française et à la Commission communautaire française (COCOF) pour la région bilingue de Bruxelles-Capitale. Ce transfert a porté sur des matières scolaires (bâtiments scolaires, transport scolaire), culturelles (infrastructures concernant l’éducation physique, le sport et la vie en plein air, le tourisme, la formation professionnelle, la promotion sociale), de santé (services de santé mentale, maisons médicales, centres de coordination des soins et services à domicile, habitations protégées, centres de télé-accueil) et d’aide aux personnes (politique familiale, politique d’aide sociale, politique d’accueil et d’intégration des immigrés, politique des handicapés, politique du troisième âge). La Communauté flamande n’a pas effectué un tel transfert de l’exercice de compétences.

1.4. Les Commissions communautaires

18La loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises a créé trois Commissions communautaires en région bruxelloise : la Commission communautaire commune (COCOM), la Commission communautaire française (COCOF) et la Commission communautaire flamande (Vlaamse Gemeenschapscommissie, VGC). L’objectif de l’instauration de ces trois instances a été de permettre l’exercice des compétences communautaires en région bruxelloise, alors que celles-ci n’appartiennent pas à la Région de Bruxelles-Capitale. Dans le cas de la COCOF et la VGC, il s’est aussi agi de permettre d’éviter un système de « sous-nationalités » dans cette région.

19Ce sont les députés et ministres régionaux bruxellois qui siègent dans les assemblées et les collèges des Commissions communautaires : les francophones pour les organes de la COCOF, les néerlandophones pour ceux de la VGC, et tous pour ceux de la COCOM (à l’exception du fait que les trois secrétaires d’État régionaux ne sont pas membres du collège réuni de la COCOM). En élisant les membres du groupe linguistique français du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale (en ce compris ceux qui siégeront au Parlement de la Communauté française), un citoyen bruxellois qui vote aux élections régionales pour une liste francophone élit donc également, par la même occasion, les membres de l’Assemblée de la COCOF (communément appelée Parlement francophone bruxellois) et du groupe linguistique français de l’Assemblée réunie de la COCOM. De même, en élisant les membres du groupe linguistique néerlandais du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, un citoyen bruxellois qui vote aux élections régionales pour une liste néerlandophone élit également, par la même occasion, les membres de l’Assemblée de la VGC et du groupe linguistique néerlandais de l’Assemblée réunie de la COCOM.

1.4.1. La Commission communautaire commune (COCOM)

20La COCOM est chargée des matières « bipersonnalisables » (c’est-à-dire personnalisables et prises en charge par des services publics – qui sont obligatoirement bilingues en région bruxelloise –, comme les CPAS et les hôpitaux publics) : santé, aide aux personnes. En revanche, les autres matières bicommunautaires relèvent, non de la COCOM, mais d’autres instances : l’Autorité fédérale pour le biéducatif et une partie du biculturel, et la Région de Bruxelles-Capitale pour les autres aspects du biculturel (cf. supra).

21Lors des négociations ayant mené à la création de la Région de Bruxelles-Capitale en 1989, les partis néerlandophones s’étaient opposés à l’attribution de compétences personnalisables à la nouvelle Région. Cette opposition avait pu être levée par la création de la COCOM, celle-ci prévoyant une stricte parité au sein de son exécutif (le collège réuni) et la double majorité à son assemblée (l’Assemblée réunie). Par la suite, l’existence de la COCOM a été remise en cause, notamment dans les années 2008-2009. Mais, lors des négociations de 2010-2011 visant à aboutir à la sixième réforme de l’État, le recours à la COCOM – outre qu’il était prévu par les règles institutionnelles en vigueur – est apparu comme le moyen d’éviter l’obligation pour les citoyens bruxellois d’opter pour l’appartenance à une des deux grandes Communautés dans le cadre des compétences communautaires transférées (par exemple, les prestations familiales). Suite à cela, non seulement la COCOM n’a pas été supprimée, mais elle a même pris une autre dimension. En effet, la sixième réforme de l’État lui a transféré, pour ce qui concerne la région bilingue de Bruxelles-Capitale, une partie des compétences de santé et d’aide sociale défédéralisées ainsi que les prestations familiales  [19].

22En région bruxelloise, la COCOM perçoit l’ensemble des moyens financiers provenant du niveau fédéral et destinés au financement des compétences nouvellement communautarisées. Cela concerne les prestations familiales, mais aussi les soins aux personnes âgées et d’autres compétences relatives aux soins de santé et à l’aide aux personnes. La COCOM reçoit aussi une part majoritaire des moyens destinés aux infrastructures hospitalières et aux services médico-techniques. De ce fait, les négociateurs francophones ont été amenés à remettre en question le rôle de la COCOF dans les politiques de la santé et de l’aide aux personnes et à encourager une gestion bicommunautaire de ces matières  [20]. Les présidents de quatre partis francophones (PS, MR, CDH, Écolo) ont ainsi signé l’accord dit de la Sainte-Émilie, le 19 septembre 2013, qui privilégie le fait régional sur le fait communautaire : il vise à ce que la COCOM exerce l’essentiel des compétences communautaires de santé et d’aide aux personnes, en ce compris celles concernant des institutions jusque-là considérées comme francophones et relevant de ce fait de la COCOF. Une partie importante des compétences exercées par la COCOF a, par conséquent, été aspirée par la COCOM  [21]. Un protocole d’accord conclu le 20 novembre 2014 entre le collège de la COCOF et le collège réuni de la COCOM formalise les modalités de ce basculement  [22]. Suite à ces réformes, le budget de la COCOM a considérablement augmenté : il est aujourd’hui de 1,3 milliard d’euros, alors qu’il était de l’ordre d’à peine 90 millions d’euros avant la sixième réforme de l’État.

23Les mécanismes de décision de la COCOM mettent francophones et néerlandophones sur le même pied  [23]. Le niveau exécutif – le collège réuni de la Commission communautaire commune – est composé de cinq membres (le ministre-président régional et les quatre ministres régionaux). Le président n’y a qu’une voix consultative. Les compétences sont chacune confiées à la fois à un membre francophone et à un membre néerlandophone : pour chaque compétence, il y a donc deux ministres en charge, de régime linguistique différent. Au niveau législatif, qu’il s’agisse d’ordonnances ou de règlements, les décisions de l’Assemblée réunie se prennent à la majorité dans chaque groupe linguistique ; le mécanisme de double majorité a été atténué depuis la réforme de l’État de 2001, dans un sens similaire au système en vigueur au Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale (cf. supra).

1.4.2. Les Commissions communautaires française (COCOF) et flamande (VGC)

24La COCOF et la VGC exercent des compétences communautaires sous la tutelle de leur Communauté respective : chacune prolonge l’action de sa Communauté, dont elle facilite ainsi l’application des décrets en région bruxelloise. Dans ce cadre, elles agissent donc comme de simples pouvoirs subordonnés. Elles exercent, dans les matières culturelles, d’enseignement et personnalisables, les mêmes compétences que les autres pouvoirs organisateurs : créer les institutions nécessaires, les gérer, accorder des subsides.

25En outre, la COCOF s’est vu transférer l’exercice de certaines compétences de la Communauté française en région bilingue de Bruxelles-Capitale (cf. supra) ; dans ce cadre, elle agit donc en collectivité fédérée. Une telle évolution ne s’est pas produite du côté néerlandophone, la VGC restant entièrement un pouvoir subordonné de la Communauté flamande.

1.5. Les dix-neuf communes

26La commune est un pouvoir subordonné. Elle exerce des compétences en vertu de l’intérêt communal ou en tant que relais de pouvoirs qui lui sont supérieurs.

27Les communes exercent un certain nombre de missions obligatoires, identiques dans chaque commune de la région bruxelloise (ainsi que dans les deux autres régions du pays) : l’organisation et le cofinancement du centre public d’action sociale (CPAS), l’organisation de l’enseignement communal primaire, la tenue des registres de l’état civil, le maintien de l’ordre public (propreté, salubrité, sécurité, tranquillité), la tutelle administrative sur les fabriques d’église (et sur les établissements assimilés pour les cultes israélite, protestant et anglican) et la couverture de leurs déficits, l’établissement des listes électorales, la gestion et l’entretien des voiries communales.

28Les institutions communales exercent également des missions facultatives qui sont propres à chaque commune. Dans le cadre du principe constitutionnel de l’intérêt communal, les communes assurent notamment des activités telles que l’accueil de l’enfance, l’enseignement de niveau autre que primaire, le logement, le tourisme, la promotion de l’activité économique, le développement territorial, les soins de santé, les activités sportives, sociales et culturelles, etc. En outre, la Région de Bruxelles-Capitale leur confie nombre de missions légales en matière d’urbanisme, d’aménagement du territoire et d’environnement. Enfin, gravitent autour de la commune les CPAS (dont la législation organique relève de la COCOM en région bruxelloise) et les six zones de police (dont la législation organique relève de l’Autorité fédérale)  [24].

29La loi spéciale du 13 juillet 2001 attribue aux Régions la législation organique des communes. La Région de Bruxelles-Capitale est dès lors compétente pour réglementer les institutions communales sur son territoire, tant sur le plan de leur composition, de leur organisation et de leurs compétences que de leur fonctionnement.

30Les dix-neuf bourgmestres bruxellois se réunissent deux fois par mois au sein de la Conférence des bourgmestres, qui n’est cependant pas un organe officiel (elle n’a pas de statut et n’est fondée sur aucun texte législatif).

2. Projets de réforme des institutions bruxelloises

31En septembre 2016, soit à l’époque de la rentrée du Parlement bruxellois et environ au milieu de la législature régionale 2014-2019, le ministre-président bruxellois Rudi Vervoort (PS) rouvre le débat sur la réforme des institutions bruxelloises. Fin novembre 2017, le ministre régional bruxellois Pascal Smet (SP.A) et le président de son parti, John Crombez, présentent à leur tour un programme destiné à revoir en profondeur l’architecture institutionnelle bruxelloise. Enfin, à la mi-janvier 2018, la co-présidente d’Écolo, Zakia Khattabi, propose « une révolution culturelle » pour réécrire le modèle bruxellois.

2.1. Le projet du ministre-président bruxellois, Rudi Vervoort (PS)

32Partant, d’une part, de l’idée que les Bruxellois doivent d’abord envisager entre eux la manière d’améliorer leur modèle démocratique et, d’autre part, de la conviction que, à l’exception des formations nationalistes flamandes (dont la N-VA), « hostiles aux institutions bruxelloises », le temps de la méfiance communautaire est dépassé, R. Vervoort lance une série de propositions dans le journal Le Soir du 19 septembre 2016. « Une pièce à casser », dit-il, « mais pas trop ».

33S’opposant à l’idée – souvent avancée du côté flamand – d’une fusion des communes, il prône une diminution de l’ordre de 30 % du nombre de mandataires communaux (conseillers communaux comme échevins). Selon lui, ce mouvement doit être accompagné d’une forme de professionnalisation de la fonction locale et d’une revalorisation en termes de rémunérations, l’écart avec les mandataires régionaux devant devenir « anecdotique ».

34Dans la même logique, le ministre-président estime que le nombre de parlementaires régionaux bruxellois, à savoir 89, est trop élevé ; il souhaiterait le voir retomber, comme avant 2004, à 75 élus  [25] (ce qui supposerait une modification de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises). Se pose alors la question de la représentation garantie de la minorité néerlandophone (actuellement, 17 députés régionaux). Pour préserver cette garantie de représentation, sa faveur va à l’introduction de listes bilingues pour les élections régionales (comme c’est le cas pour les élections communales). D’une part, le mécanisme actuel (qui impose de choisir entre le corps électoral francophone et le corps électoral néerlandophone) prive selon lui les partis néerlandophones d’un électorat francophone auquel ils pourraient prétendre. D’autre part, une telle réforme éviterait à ses yeux le sentiment d’une démocratie qui commence à s’altérer vu la diminution de l’électorat néerlandophone en région bruxelloise. En effet, lors des élections régionales bruxelloises du 25 mai 2014, 409 048 voix se sont portées en faveur de listes francophones (88,5 %), contre 53 379 voix en faveur de listes néerlandophones (11,5 %)  [26] ; autrement dit, chacun des 72 sièges du groupe linguistique français pèse 5 681 voix, tandis que chacun des 17 sièges du groupe linguistique néerlandais n’en représente que 3 140.

35R. Vervoort se prononce également pour la suppression de la COCOM. En effet, il met en cause le fonctionnement de celle-ci, qui impose la signature de deux ministres de rôle linguistique différent pour chaque décision. À son estime, les compétences de la COCOM devraient être exercées par la Région de Bruxelles-Capitale (il n’y aurait dès lors qu’un seul ministre fonctionnel, ce qui allégerait le processus décisionnel), tout en maintenant à leur égard une exigence de double majorité au Parlement bruxellois.

36Considérant que les temps ne sont pas mûrs pour trancher le débat sur une éventuelle régionalisation de l’enseignement et de la culture, le ministre-président bruxellois reste beaucoup plus attentiste sur le sort de la COCOF et de la VGC (tout en se disant persuadé que « si on se projette dans le temps, la question se posera, ça me semble incontournable »).

37Deux mois plus tard, le 18 janvier 2017, également dans Le Soir, R. Vervoort informe sur les suites de son projet. Le travail porte d’abord sur la gouvernance locale, dossier pour lequel il n’est pas nécessaire d’attendre une septième réforme de l’État, la Région de Bruxelles-Capitale ayant la compétence de le régler elle-même. Le ministre-président estime cependant que l’« on ne touche pas à la loi communale comme ça, il faut le faire avec précaution. Le projet de réforme ne doit pas mettre en péril la stabilité de l’institution ». C’est pourquoi une étude a été confiée au groupe DEGO  [27], visant à valider et à modaliser scientifiquement sa proposition de diminuer de 30 % le nombre de mandataires communaux dès les élections communales d’octobre 2018. Par ailleurs, R. Vervoort annonce son intention de déposer un projet d’ordonnance gelant la situation actuelle en matière de nombre de mandataires communaux, de sorte que, lors du scrutin communal du 14 octobre 2018, l’évolution de la population n’aura plus d’impact sur le nombre de ceux-ci. Ce projet d’ordonnance sera effectivement déposé au début du mois d’octobre 2017  [28] ; il sera adopté par le Parlement bruxellois le 12 janvier 2018  [29]. L’ordonnance découlant de ce processus gèlera le nombre d’échevins mais, suite à un amendement (dont les cosignataires appartiennent aux groupes PS, Défi, Écolo, Open VLD, SP.A, Groen et CD&V), permettra l’augmentation du nombre de conseillers communaux  [30].

38Ayant contacté le président du PS, Elio Di Rupo, au sujet des déclarations de R. Vervoort du 19 septembre 2016, Le Soir indique que l’état-major du PS se contente d’acter celles-ci  [31]. Le PS dit n’être pas demandeur d’une septième réforme de l’État mais estimer que les Bruxellois ont raison de réfléchir à leur avenir. Le ministre-président bruxellois se voit par contre publiquement soutenu par la fédération bruxelloise du PS. Sa présidente, Laurette Onkelinx, déclare : « Tous les membres de notre bureau politique ont applaudi. Les idées de Rudi ont ou auront l’adhésion de tous ceux qui veulent une Région décomplexée, qui s’assume pleinement, notamment entre francophones et Flamands »  [32].

39Même si, à ce stade, il ne préconise pas la régionalisation de l’enseignement ou de la culture, R. Vervoort ne cache pas être un régionaliste affirmé  [33] et l’on perçoit avec lui une inflexion de la position bruxelloise socialiste, auparavant très attachée à la défense de la Communauté française. Dans la perspective du projet de « Pacte pour un enseignement d’excellence », actuellement en cours d’élaboration en Communauté française, le ministre-président bruxellois va jusqu’à se prononcer, en janvier 2018, en faveur d’un « Pacte bruxellois pour un enseignement d’excellence », annonçant que ce sera là un axe prédominant de son discours dans les prochaines années et précisant qu’il « aspire à faire bouger les lignes en matière d’enseignement à Bruxelles »  [34]. Cela entraîne une réaction immédiate du ministre-président de la Communauté française, Rudy Demotte (PS), qui, par le moyen d’une carte blanche adressée au Soir, juge cette position « hors timing » et néfaste pour la solidarité intrafrancophone  [35]. Quant au président du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale et ancien ministre-président bruxellois, Charles Picqué (PS), il se montre peu en phase avec les velléités régionalistes de R. Vervoort : « Je peux m’inscrire dans l’idée qu’il faut tenir compte de la spécificité bruxelloise, ou liégeoise ou carolo[régienne]. Mais, de grâce !, arrêtons ce qui ressemble à un régionalisme de repli, qui est aussi un isolement dangereux pour Bruxelles »  [36].

40Au premier semestre 2018, le ministre-président bruxellois R. Vervoort s’exprimera à nouveau par deux fois sur ce dossier et réagira aux autres projets évoqués entre-temps par d’autres partis.

41À la fin du mois de mars, il déclare ne pas exclure la régionalisation de la culture « à terme », mais il considère qu’il n’est pas réaliste d’envisager la régionalisation de l’enseignement du fait que « la Flandre ne lâchera jamais son enseignement aux Bruxellois »  [37]. En outre, en cas de régionalisation de cette compétence, il n’est pas imaginable à ses yeux que les néerlandophones « aient leur mot à dire sur l’enseignement francophone ». La seule solution consisterait selon lui à confier l’enseignement à la COCOF, mais il estime que ce ne serait budgétairement pas possible.

42Un mois plus tard, fin avril, R. Vervoort et le bourgmestre de la Ville de Bruxelles, Philippe Close (PS), accordent ensemble une interview au journal La Libre Belgique [38] marquant ainsi le réchauffement des relations entre la Ville et la Région, mises à mal par les circonstances ayant entraîné le départ du précédent bourgmestre, Yvan Mayeur (PS), emporté par l’affaire du Samusocial. Les deux poids lourds de la section bruxelloise du PS affirment leur opposition à la fusion des dix-neuf communes au profit d’une seule entité Ville-Région. « Je ne suis pas favorable à cela », déclare R. Vervoort. « Dans l’état actuel de nos institutions bruxelloises, nous avons tous les moyens pour que cela puisse fonctionner entre les communes et la Région bruxelloise ». Et d’ajouter : « Je ne vois pas pourquoi les autres régions du pays doivent nécessairement avoir un avis sur nos institutions. Cela m’insupporte. Moi, je considère que c’est une affaire de Bruxellois ». P. Close se situe sur la même ligne : « Ce que nous avons aujourd’hui à Bruxelles, c’est le fruit de notre histoire. Repartir d’une page blanche comme certains le suggèrent, cela n’a pas de sens. Le fait communal résonne. Pour le reste, je l’ai dit mais je le répète : je suis probablement le bourgmestre le plus régionaliste qui soit. Et je ne revendique pas du tout une prédominance de la Ville sur les dix-huit autres communes ». P. Close ne manque par ailleurs pas de rappeler que « c’est le PS qui a été le père de la création de la Région bruxelloise tout en étant un parti municipaliste ».

2.2. Le projet de Pascal Smet et de John Crombez (SP.A)

43Le 30 novembre 2017, deux membres du SP.A – le ministre régional bruxellois Pascal Smet et le président du parti, John Crombez – présentent dans le journal Le Soir un projet de transformation radicale des institutions bruxelloises. Les deux socialistes flamands entendent supprimer les dix-neuf communes et ne maintenir qu’un seul CPAS. Ils veulent mettre en place une grande Ville-Région et une vingtaine d’arrondissements.

44La Ville-Région disposerait d’un parlement, appelé Conseil de la région urbaine. Cette assemblée ne compterait que 69 membres, dont 13 néerlandophones, la représentation néerlandophone restant ainsi garantie. Son exécutif serait composé de 8 ministres (y compris le ministre-président), dont 3 néerlandophones. Les listes électorales devraient être bilingues et le droit de vote serait élargi à tous les citoyens de l’Union européenne.

45La disparition des communes entraînerait la fusion des budgets communaux dans celui de la Région de Bruxelles-Capitale, soit un montant de 9,4 milliards d’euros. Les auteurs du projet font valoir que, avec les synergies ainsi produites, l’économie annuelle que réaliseraient les Bruxellois serait de 940 millions d’euros.

46Une vingtaine d’arrondissements seraient créés. Leurs frontières n’épouseraient pas les actuelles frontières communales mais des frontières physiques (voies ferrées, canal, ring) tout en préservant une homogénéité sur les plans socio-économique et socio-démographique. Le nombre d’habitants de chaque arrondissement devrait être similaire. Les arrondissements auraient des compétences très locales telles que la propreté, la sécurité, l’embellissement, l’écologie ou la vie communautaire ou associative. Ils auraient aussi une fonction consultative au niveau de la Ville-Région sur tous les dossiers locaux. Les arrondissements seraient dotés d’un exécutif composé de trois personnes et d’un président d’arrondissement, qui ne pourraient cumuler ces fonctions avec un mandat au sein de la Ville-Région. Ils seraient élus par toute personne résidant dans l’arrondissement depuis au moins trois ans. Au sein des arrondissements, une assemblée d’une vingtaine de personnes serait créée sur la base d’un tirage au sort. Cette assemblée soumettrait des propositions à l’exécutif et exercerait un contrôle sur ses mandataires. Elle pourrait faire réexaminer le dossier par la Ville-Région en cas de rejet de l’un de ses projets par l’exécutif.

47P. Smet et J. Crombez soulignent que leur modèle entraînerait une réduction substantielle du nombre de représentants politiques à Bruxelles. Selon leurs calculs, celui-ci passerait de 958 à 197.

48Les deux socialistes flamands veulent par ailleurs accorder une place officielle à la langue anglaise, considérant que le bilinguisme français/néerlandais est dépassé en région bruxelloise. Le français et le néerlandais resteraient cependant les deux langues administratives.

49P. Smet dit miser sur le fait qu’il y a aujourd’hui une nouvelle génération à Bruxelles, qu’il n’appelle plus des francophones mais « des Bruxellois qui parlent français ». Il affirme être persuadé que, au sein de cette génération, la demande de changement et de bonne gestion importe plus que les questions liées à la langue. Par ailleurs, il tient à préciser que le projet qu’il porte avec son président de parti n’est pas communautaire et ne vise pas à renforcer le pouvoir des néerlandophones à Bruxelles. Il appelle donc à une prochaine réforme de l’État qui porterait sur l’organisation de la Région de Bruxelles-Capitale. « C’est primordial pour l’avenir de la ville », déclare-t-il, « parce que la dernière réforme de l’État, c’était seulement un chèque ».

50En mars 2018, secoué par les réactions à son plan de réforme des taxis et sévèrement critiqué sur ce sujet par le ministre-président R. Vervoort  [39], P. Smet reviendra sur sa volonté de simplifier les structures  [40]. Pointant la lourdeur bruxelloise actuelle (« Un ministre et dix-neuf échevins sont compétents en matière de mobilité, même chose pour les travaux publics »), il indiquera que sa détermination reste intacte. À cette occasion, il ajoutera aussi que, lors de la mise en place de la prochaine majorité régionale, son parti exigera une simplification des structures bruxelloises.

2.3. Le projet de Zakia Khattabi (Écolo)

51Dans Le Soir du 15 janvier 2018, la co-présidente d’Écolo, Zakia Khattabi, présente un projet pour la Région de Bruxelles-Capitale. Sa démarche se veut volontariste. « Il est temps de proposer un modèle alternatif, en partant d’une page blanche », affirme-t-elle. Pour elle, « le problème de Bruxelles, c’est que même les Bruxellois qui sont à la manœuvre n’assument pas le fait régional. Le péché originel est de considérer que Bruxelles est constituée de deux communautés, flamande et francophone. Ce qui ne correspond à aucune réalité. Et quand ce n’est pas ça, c’est l’addition des intérêts locaux, puisqu’on a dix-neuf communes avec des députés cumulards bourgmestres ». Aussi estime-t-elle qu’« il est temps de passer dans un nouveau monde. Bruxelles ne peut rester l’otage de deux communautés, ni de dix-neuf bourgmestres ».

52À ses yeux, il convient donc de tout reprendre à zéro : « Et une fois qu’on revoit le schéma de départ, en disant que Bruxelles ce sont des Bruxellois, pas juste des Wallons et des Flamands qui vivent ensemble, il y a toute une logique institutionnelle qui suit : plus besoin de COCOF, de VGC, de COCOM ; la Région reprend des politiques pour les Bruxellois, plus pour les francophones et les néerlandophones ».

53Concernant la question de la fusion des communes, elle déclare : « Pour le moment, nous sommes en train de travailler sur un modèle (…). Il y a des choses qui sont déjà sur la table, comme revoir ne fût-ce que les frontières de communes, pour que ça soit un peu plus cohérent. Et je pense qu’il y a un rééquilibrage à faire, en effet, dans le poids des communes ». Elle relève cependant que les discussions sont bloquées par « les personnes qui sont à la manœuvre dans les communes ». Or, ajoute-t-elle, « pour prendre de la hauteur, il faut que notre parlement régional soit composé de membres qui n’ont pas d’intérêt personnel et qui ont la liberté de penser le fait régional ».

54Z. Khattabi aborde également la délicate question du nombre de parlementaires bruxellois et de la représentation néerlandophone garantie : « Nous défendons depuis longtemps les listes bilingues à Bruxelles ; et si on rentre dans cette logique-là, on sort de la composition bicommunautaire. Je ne suis pas en train de dire “sus à la représentation garantie pour les Flamands”, mais dès le moment où l’on porte la revendication de listes bilingues, le modèle va devoir changer : si des Flamands sur la liste ne sont pas élus, on peut difficilement en garantir la représentativité ».

55Croyant (à tort) que son projet ne nécessiterait pas de réforme de l’État, elle signale que celui-ci est commun au partenaire flamand Groen. Et, comme le SP.A, elle dit pressentir un intérêt de la nouvelle génération.

56En mai 2018, Z. Khattabi profitera de la fête de la Région de Bruxelles-Capitale pour faire à nouveau part de ses commentaires à propos du modèle institutionnel bruxellois  [41]. Elle réaffirmera la nécessité de ne garder qu’une seule assemblée parlementaire et un seul gouvernement, ce qui implique de supprimer les trois Commissions communautaires.

3. Le positionnement des autres acteurs politiques

57Les propositions de R. Vervoort, de P. Smet et J. Crombez et de Z. Khattabi suscitent nombre de réactions au sein des autres partis politiques, lesquels émettent, à leur tour, des idées quant à une future architecture institutionnelle bruxelloise réformée.

3.1. Le MR

58Les propositions de R. Vervoort sont accueillies assez froidement par la direction du MR, où l’on ne se veut guère demandeur d’une réforme de l’État  [42]. Par contre, la section bruxelloise du parti ne ferme pas la porte, même si elle se montre réticente concernant l’idée de listes bilingues pour les élections régionales. Vincent Dewolf, président du groupe MR au Parlement bruxellois et bourgmestre d’Etterbeek, se déclare prêt à discuter du reste « si cela ne crée pas de problème communautaire »  [43]. On note par ailleurs que les libéraux bruxellois francophones partagent la volonté de réduire le nombre de mandataires communaux et qu’ils reprocheront au ministre-président R. Vervoort d’avoir accepté d’amender son projet d’ordonnance relativement au gel du nombre de conseillers communaux. Il est également à mentionner que le MR a déposé une proposition d’ordonnance visant à supprimer un poste d’échevin dans chaque commune en incluant le président du CPAS dans les collèges  [44].

59Le projet de transformation radicale présenté par P. Smet et J. Crombez est assez sèchement rejeté par le MR. V. Dewolf estime que « la suppression des communes et CPAS est une hérésie de bonne gouvernance. Vouloir supprimer le niveau de pouvoir le plus proche des citoyens, le plus efficace dans la gestion du quotidien des gens, au motif inavoué qu’il serait trop francophone, est incompréhensible »  [45].

60Après que Z. Khattabi a présenté son projet, le président du MR, Olivier Chastel, se déclare ouvert à une discussion générale, notamment sur la répartition des compétences entre la Région de Bruxelles-Capitale et les communes. Pour lui, les institutions ne doivent pas rester figées mais « évoluer autour de quatre grands principes : la simplification, la légitimité, l’efficacité et la responsabilité »  [46]. Toutefois, pour le MR, il n’y a aucune urgence. V. Dewolf estime ainsi que « ce n’est pas à la veille des élections qu’il faut tout réformer. C’est mauvais. Après les élections, on peut créer un groupe de travail pluripartis sur ces réformes, comme on l’a fait sous cette législature avec la gouvernance. On a obtenu des résultats. On peut prendre le temps, entendre des experts, des professeurs d’université, modéliser les schémas des uns et des autres… Et aboutir à des textes »  [47].

61En mai 2018, manifestant son intention de briguer le poste de ministre-président de la Région de Bruxelles-Capitale, le vice-Premier ministre et ministre fédéral des Affaires étrangères et européennes, Didier Reynders (MR), exposera à son tour ses propositions pour la Région bruxelloise. À cet effet, il publiera une brochure de 44 pages, intitulée Bruxelles pour tous. “Douze propositions” pour vaincre la fracture, sur son site Internet  [48]. D. Reynders insiste avant tout sur les politiques qu’il convient selon lui de mener en matière de mobilité, de formation professionnelle et d’emploi, de sécurité et de propreté. Il indique n’être pas partisan de « rouvrir des chantiers institutionnels en permanence » et entendre éviter « cet écueil-là » en envisageant la manière de mieux répartir la coordination entre la Région et les dix-neuf communes. Se déclarant sans « a priori idéologique sur le fait de savoir s’il faut une, six ou plutôt dix-neuf zones de police dans la capitale »  [49], il se prononce en faveur d’un centre de commandement de crise en matière de sécurité à Bruxelles et du renforcement du rôle du ministre-président à ce niveau. Il considère que celui-ci devrait disposer d’une compétence analogue à celle dont disposent les bourgmestres, les gouverneurs de province ou le ministre de l’Intérieur. Par ailleurs, D. Reynders prône la réduction du nombre de conseillers communaux (de 20 à 30 %) et la suppression des conseillers de CPAS, dont le rôle serait repris par les conseillers communaux.

3.2. Défi

62Le président de Défi, Olivier Maingain, se montre ouvert aux propositions de R. Vervoort  [50], tout en précisant clairement la position de son parti dans ce débat institutionnel. Il prend acte du refus du ministre-président, qu’il partage, de fusionner les communes et se déclare d’accord avec l’idée de diminuer le nombre de mandataires communaux et de revaloriser la rémunération de ceux-ci. Il se montre également partisan d’une diminution du nombre de parlementaires régionaux et d’une fixation de leur nombre à 75. Il est favorable à l’idée de listes bilingues mais indique que, dans ce cas, il ne pourra plus y avoir de représentation néerlandophone garantie. Il entend par ailleurs supprimer la double majorité au Parlement régional. O. Maingain se déclare favorable à la suppression des Commissions communautaires, tout en appelant à une certaine prudence. Il fait remarquer que la suppression de la COCOM est une question délicate, l’existence de celle-ci ayant permis d’éviter une pure communautarisation des matières personnalisables. Quant à la COCOF et à la VGC, leur sort dépend, à ses yeux, du débat intrafrancophone sur la régionalisation de l’enseignement et de la culture. Leur suppression ne pourrait s’envisager que si la Communauté française, lien selon lui indispensable entre Bruxelles et la Wallonie, est maintenue. Sans doute considère-t-il que l’on ne pourrait envisager le maintien d’une des deux commissions monocommunautaires si l’autre disparaissait. Enfin, le président de Défi souligne qu’il existe un danger que, dans ce débat institutionnel, les Flamands reviennent avec des revendications telles que le maintien d’un nombre significatif de parlementaires néerlandophones, même en cas de diminution du nombre total de parlementaires, ou la fusion des communes et des zones de police.

63En toute logique, la réaction d’O. Maingain est nettement plus négative à l’égard du projet du SP.A exposé par P. Smet et J. Crombez  [51]. Il déclare : « Je ne pense pas qu’une Ville-Région pourra régler tous les problèmes sur le terrain. Les huit ministres, si je lis bien la proposition, vont-ils pouvoir s’occuper de la gestion d’un pouvoir organisateur dans une école d’une commune ? Aller voir les profs ? Où sera le dialogue avec le citoyen ? » Il ne cache pas son scepticisme à l’égard du projet de créer des arrondissements : « Le SP.A détaille très peu les compétences de ces arrondissements, mais pour moi, en les créant, on revient en fait à un modèle communal. Et personnellement, je suis opposé aux institutions qui ne sont pas soumises au contrôle des électeurs ». Il ne voit pas davantage d’intérêt à faire de l’anglais une « langue de contact » : « C’est une position politique de ma part, mais je ne suis pas favorable à ce que l’anglais prenne davantage de place à Bruxelles, alors que le Royaume-Uni sort de l’Union européenne », assène-t-il. Pour le président de Défi, « ce sont des propositions peu approfondies et scintillantes à l’époque des fêtes ». Emmanuel De Bock, président du groupe Défi au Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, exprime également les plus vives réticences : « Avec un tel modèle, le déficit démocratique est assuré. Les élus ne ressembleront plus à leurs électeurs. De plus, le SP.A ne dit mot de la question de la représentation néerlandophone garantie. Celle-ci induit un droit de veto dans les matières gérées par les communes »  [52].

64Trois jours après les déclarations de Z. Khattabi, Didier Gosuin (Défi), ministre bruxellois de l’Emploi et de l’Économie, livre au Soir un certain nombre de commentaires  [53]. Ceux-ci sont sévères à propos de l’appel écologiste à une suppression des Commissions communautaires : « Prétendre devant le citoyen et à travers votre média qu’on peut y remédier simplement par un accord intra-bruxellois, c’est faux ». Il insiste sur la nécessité d’une septième réforme de l’État que nécessiterait une telle suppression : « Madame Khattabi pèche soit par ignorance, soit par incompétence. Dans les deux cas, ça n’est pas acceptable, car on fait croire aux citoyens que l’on peut remédier à cette complexité entre nous et que, si on ne le fait pas, c’est que nous sommes des incapables ». D. Gosuin est sévère aussi à propos du procès fait par Écolo aux bourgmestres (lui-même est bourgmestre empêché d’Auderghem) : « C’est caricatural. Et ça rejoint des positions extrêmes que nous connaissons à la Région, où il y a aussi des régionalistes qui sont en permanence en conflit avec les communes. Soyons clairs, dans cette catégorie-là, je mets mon collègue Pascal Smet et sa prédécesseure [Brigitte] Grouwels [(CD&V)], qui systématiquement qualifiait les communes d’empêcheurs de tourner en rond ». D. Gosuin se dit néanmoins conscient de la trop grande complexité de l’organisation des pouvoirs à Bruxelles. « Il est incontestable », déclare-t-il, « que les politiques, tous partis confondus, doivent prioritairement travailler à cette volonté de simplifier nos institutions, simplifier notre organisation, nos rapports avec le citoyen. Là-dessus, il y a consensus ».

65À l’occasion du lancement de la campagne électorale communale de Défi en Wallonie, au début du mois de mai 2018, le président O. Maingain précisera ses idées pour réformer Bruxelles. Après avoir recommandé la prudence (« Je ne veux pas ouvrir la boîte de Pandore d’une nouvelle réforme de l’État, la N-VA est en embuscade »), il livrera cinq propositions  [54] : mettre fin, au sein du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, à la logique des groupes linguistiques au profit de celle des listes politiques ; supprimer la COCOM, la Région pouvant, à ses yeux, reprendre les compétences dites bipersonnalisables ; envisager l’intégration de la COCOF à la Communauté française, surtout dans la perspective où le gouvernement de la Communauté française serait composé de ministres du gouvernement wallon et de ministres francophones du gouvernement bruxellois ; revoir la répartition des compétences entre la Région bruxelloise et les dix-neuf communes dans certains domaines (ainsi, Défi propose que l’urbanisme devienne une compétence de la Région, moyennant une concertation) ; imposer un pilote unique pour gérer les chantiers en région bruxelloise.

3.3. Le CDH

66Le CDH ne manifeste guère d’enthousiasme à l’égard du projet de R. Vervoort, considérant que la Belgique sort à peine de la sixième réforme de l’État et que les transferts de compétences vers les entités fédérées sont encore en train d’être réalisés. Benoît Cerexhe, président du groupe CDH au Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale et bourgmestre de Woluwe-Saint-Pierre, déclare : « Pourquoi ne pas se consacrer d’abord aux questions qui touchent les Bruxellois au quotidien ? L’emploi, la mobilité, l’économie »  [55].

67Le parti adresse une critique sévère au plan du SP.A présenté par P. Smet et J. Crombez. B. Cerexhe et Céline Fremault (CDH), ministre bruxelloise du Logement, de la Qualité de vie, de l’Environnement et de l’Énergie, déclarent : « Pascal Smet et John Crombez donnent en réalité l’illusion du neuf, en remettant au goût du jour la vieille rengaine du nationalisme flamand »  [56]. À leurs yeux, les propositions visant à supprimer les communes et à fusionner les zones de police sont parfaitement imbuvables, et il n’y a même pas à les étudier  [57]. Le CDH estime que des arrondissements affaibliraient la proximité entre le pouvoir et les citoyens.

68Le CDH se montre aussi assez critique à l’égard du plan de Z. Khattabi. Joëlle Milquet, députée bruxelloise CDH et ancienne présidente du parti, pose la question suivante : « Est-ce qu’on doit vraiment se refermer sur soi-même en disant qu’on est plus proche d’un néerlandophone de Bruxelles que d’un Wallon qui vit à quelques kilomètres de là ? »  [58] Comme D. Gosuin, elle rappelle à Z. Khattabi que, pour modifier la gestion bicommunautaire en région bruxelloise, une réforme de l’État est indispensable. Pour sa part, C. Fremault estime primordial de préserver le lien entre la Région de Bruxelles-Capitale et la Communauté française  [59]. Enfin, si le CDH s’oppose, comme les principaux autres partis francophones, à la fusion des communes, il n’est pas opposé à revoir les frontières de celles-ci  [60].

69Après les projets assez radicaux provenant du SP.A et d’Écolo, le CDH juge utile de présenter son propre plan de réforme de Bruxelles  [61]. J. Milquet considère que « le gros problème de management à Bruxelles, c’est qu’il y a une myriade de stratégies. Il manque une feuille de route commune avec des objectifs partagés ». Elle insiste donc sur la nécessité d’avoir un « business plan », assorti d’objectifs chiffrés et de lignes directrices collectives, qui tracerait l’avenir de la Région bruxelloise à long terme. À cette fin, le CDH propose la mise sur pied de deux nouvelles instances. D’une part, un « comité de convergence » composé de l’ensemble des niveaux de pouvoir actifs à Bruxelles (dont une représentation des dix-neuf communes, le tout sous la présidence de la Région). D’autre part, un comité communes-Région qui se réunirait tous les mois avec un objectif de cohérence des actions. Le parti plaide aussi pour la mise sur pied de partenariats entre la Région bruxelloise et les Communautés française et flamande, via des accords de coopération.

70Par ailleurs, le CDH est partisan d’une réduction drastique du nombre de mandataires régionaux et de mandataires communaux. Il vise la réduction d’un tiers du nombre d’échevins, de conseillers communaux et de conseillers de CPAS. En ce qui concerne le parlement régional, il souhaite réduire le nombre de parlementaires à 51 (41 francophones et 10 néerlandophones). Il y a sans doute lieu de rappeler ici que, après l’affaire du Samusocial à Bruxelles et la volonté du président du CDH, Benoît Lutgen, exprimée le 19 juin 2017, de changer les majorités en Région wallonne, en Région bruxelloise et en Communauté française (afin d’en exclure le PS), les questions de bonne gouvernance et de cumul entre une fonction parlementaire et une fonction exécutive locale sont alors largement mises à l’ordre du jour politique. Le CDH se profile donc sur ces points. S’il se déclare favorable au décumul député-bourgmestre/échevin, il y assortit deux conditions : la réduction du nombre de mandataires locaux et l’organisation d’un partenariat renforcé entre la Région et les dix-neuf communes.

71Enfin, le CDH voudrait que soit réalisé un grand audit de l’ensemble des structures publiques de la Région bruxelloise et que soit mise en place une méthode d’évaluation permanente des politiques (sur la base d’indices de performance et d’études d’impact). Le parti indique par ailleurs n’être pas fermé à l’idée d’engager des discussions sur le transfert de certaines compétences communales vers la Région.

72Au printemps 2018, diverses personnalités du CDH s’exprimeront à leur tour ou à nouveau sur le dossier.

73Julie de Groote, présidente de l’Assemblée de la COCOF, déclare fin avril que « la lisibilité de notre architecture institutionnelle est une cause de la crise parlementaire actuelle » et qu’il convient dès lors de « réfléchir »  [62]. Elle pose la question de l’utilité de « garder un parlement, un gouvernement et une présidente en plus de l’échelon régional » ; ce faisant elle remet en question l’existence de la COCOF. Toutefois, elle affiche également sa crainte que la disparition de cette institution ne signe la fin du dernier lieu de préservation des intérêts des francophones bruxellois. Aussi appelle-t-elle à une discussion institutionnelle qui se tiendrait le plus rapidement possible, c’est-à-dire sans attendre le début de la prochaine législature régionale : « Il faut évaluer la situation de manière sereine, voir comment on pourrait agir, demander l’avis de constitutionnalistes »  [63].

74Quelques jours plus tard, à l’époque de la fête régionale bruxelloise de l’Iris, C. Fremault déclare : « Dire qu’un statu quo est possible pour Bruxelles, cela n’est pas responsable. [Mais] dire qu’il faut des projets de révolution, un big bang institutionnel dans la capitale, cela nous semble tout aussi irresponsable. Nous, au CDH, nous privilégions une voie moyenne, faisable dès 2019 »  [64]. C. Fremault réitère alors la nécessité exprimée précédemment par son parti d’une convergence et d’un partenariat entre la Région bruxelloise et les dix-neuf communes et de la mise en place d’un comité communes-Région qui regrouperait les communes et les ministres régionaux. À cet égard, la Conférence des bourgmestres pourrait, à ses yeux, constituer un outil intéressant dans ce sens.

75Enfin, dans le journal Le Soir du 5 mai 2018, le directeur du centre d’études du CDH (Centre d’études politiques économiques et sociales - CEPESS), Antoine de Borman, et le directeur du centre d’études du CD&V (Christendemocratische Reflecties - CEDER), Benjamin Dalle (également président de la section bruxelloise du CD&V), par ailleurs tous deux candidats aux prochaines élections communales, exposent leur réflexion commune. Il importe de préciser que les réflexions qu’A. de Borman et B. Dalle émettent ici ne constituent pas la position officielle de leurs partis respectifs, même si elles se situent dans la même logique que celles que défendent ceux-ci.

76Par-delà certaines divergences (notamment sur la question de la fusion des zones de police), les deux hommes lancent un appel à plus d’efficacité à Bruxelles. Ils écartent l’idée de partir d’une page blanche, considérant que, au lieu de vouloir réduire le nombre d’institutions et d’intervenants dans la Région, « il faut relier les positions et mettre les gens ensemble plutôt que de polariser ». Pour B. Dalle, « la vraie question à se poser c’est : que peut-on faire pour avancer à partir des grandes réformes déjà mises en place ? » Selon leur constat, il y a beaucoup trop d’intervenants pour les mêmes compétences. Comme il est possible d’avancer dans diverses matières sans devoir passer par la case institutionnelle, ils mettent sur la table diverses idées, telles que le développement de centrales d’achat au niveau de la Région pour des choses très pratiques et l’organisation de politiques globales en matière de propreté, de stationnement ou d’installation de pistes cyclables. Pour eux, « la commune doit garder son rôle de proximité. On ne dit pas “tout à la Région”, mais [celle-ci] doit avoir un réel rôle d’impulsion. Avoir un impact structurant pour faire évoluer cette ville car il reste plein de domaines où nous sommes mauvais ».

3.4. Les formations politiques néerlandophones

77Du côté néerlandophone, les réactions aux idées lancées par R. Vervoort sont assez vives  [65]. En revanche, les propositions du SP.A exposées par P. Smet et J. Crombez ne suscitent aucune réaction des partis néerlandophones. Selon l’explication donnée par le SP.A, cela tiendrait au fait qu’« il existe une assez large convergence en Flandre pour une fusion des communes et des zones de police. Cela suscite bien moins de commentaires »  [66]. Enfin, la proposition de Z. Khattabi d’instaurer des listes bilingues sans prévoir de mécanisme assurant l’élection d’un nombre minimum de parlementaires néerlandophones suscite naturellement la méfiance de l’ensemble des partis flamands.

3.4.1. Le CD&V

78Le 19 septembre 2016, la section bruxelloise du CD&V réagit aux déclarations de R. Vervoort via un communiqué de presse de son chef de groupe au Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, Paul Delva. Tout en considérant que le fait d’avancer des propositions visant à simplifier la complexe structure politique de Bruxelles est une chose positive, P. Delva rappelle que, en ce qui concerne l’avenir de Bruxelles, il existe un certain nombre de points cruciaux aux yeux de son parti. Pour le CD&V, le leadership politique à Bruxelles doit se situer au niveau de la Région et non à celui des communes. Ainsi, le CD&V est d’avis qu’un nombre d’importantes compétences aujourd’hui exercées par les communes devraient dans le futur être gérées au niveau régional ; dans la même perspective, la fonction de capitale et les moyens qui y sont liés devraient être transférés de la Ville de Bruxelles à la Région. Le CD&V n’est guère favorable aux listes électorales régionales bilingues, car elles n’offrent aucune garantie aux Bruxellois néerlandophones de pouvoir envoyer le candidat de leur choix au Parlement régional. Il estime que la question d’une éventuelle diminution du nombre de conseillers communaux, d’échevins et de députés régionaux mérite un débat, mais souligne que, au Parlement bruxellois, la proportion de néerlandophones et de francophones doit rester identique à ce qu’elle est fixée aujourd’hui. En ce qui concerne la COCOM, le parti considère qu’il convient de maintenir l’exigence de double majorité pour le vote des ordonnances et que, au collège réuni, les compétences doivent continuer à être sous la responsabilité d’un ministre francophone et d’un ministre néerlandophone comme c’est le cas actuellement. Enfin, le CD&V veut maintenir le caractère communautaire des actuelles compétences de la COCOM qui ne peuvent, à terme, être régionalisées selon lui  [67].

79En mai 2018, dans le cadre de la fête de la Région de Bruxelles-Capitale, la secrétaire d’État régionale bruxelloise du CD&V, Bianca Debaets, s’exprimera à son tour  [68]. Si elle ne rejette pas l’idée de réduire le nombre de députés régionaux, elle rappelle que l’adoption d’une telle réforme requerra une majorité des deux tiers au Parlement fédéral. Or, selon elle, il existe d’autres mesures possibles pour améliorer l’efficacité sans devoir passer par une réforme de l’État. Ainsi, elle considère que l’on pourrait se concentrer sur les relations entre la Région bruxelloise et les dix-neuf communes, précisant sa pensée comme suit : « Je ne veux pas abolir les communes car j’estime qu’elles ont leur importance, mais je suis profondément convaincue qu’il faut transférer vers la Région un grand nombre de compétences qu’elles gèrent aujourd’hui, pour ne laisser à l’échelon local que les politiques vraiment proches des habitants. Il faut un capitaine sur un navire, pas 19 + 1 ».

3.4.2. L’Open VLD

80Guy Vanhengel, le ministre bruxellois des Finances et du Budget et figure de proue de l’Open VLD bruxellois, se montre sévère à l’égard du plan de la co-présidente d’Écolo. Dès le 16 janvier 2018, il s’interroge publiquement : « Est-ce que c’est sérieux de discuter de tout cela alors que la N-VA est aux commandes au fédéral ? »  [69] Le lendemain, il précise ses critiques  [70]. Pointant une méconnaissance des institutions et de leur fonctionnement de la part de Z. Khattabi, il souligne que celle-ci n’intègre pas le fait que la COCOF et la VGC ont des statuts très différents, la première disposant du pouvoir législatif, ce qui n’est pas le cas de la seconde. « Croire donc que l’on peut régler cette question à l’intrabruxellois, c’est faux ! », assène-t-il. « En prônant un tel discours, Écolo relance ni plus ni moins la question des équilibres au sein de notre pays. Si cela n’est pas faire le jeu de la N-VA… » Il ajoute encore : « Que les francophones commencent toujours par simplifier les choses de leur côté, et puis on en reparlera ». G. Vanhengel ne précise toutefois pas ce qu’il vise par ces propos.

3.4.3. La N-VA

81Il est un fait que « l’ombre de la N-VA », premier parti du pays, plane sur le débat relatif aux institutions bruxelloises.

82Les propositions de ce parti relatives à la Région de Bruxelles-Capitale ont été exposées à l’automne 2013  [71]. Le chef de file N-VA au Parlement bruxellois, Johan Van den Driessche, les réexplique à l’occasion de la fête régionale bruxelloise de mai 2017  [72]. Se plaçant dans une logique confédérale, le parti considère que, dans ce cadre-là, « une Région bruxelloise entre les entités wallonne et flamande n’est pas viable ». Le pays continuera à avoir besoin d’une capitale, mais « si Bruxelles veut tenir lieu de capitale de la Belgique, elle doit accepter que les deux grandes entités communautaires, la Wallonie et la Flandre, y jouent un rôle, c’est normal. Donner l’argent, mais ne pas pouvoir s’occuper de Bruxelles, ce n’est pas possible ». Et d’avertir : « Si Bruxelles devient une Région autonome, indépendante, pourquoi la Flandre y investirait-elle encore ? Pour quel retour ? » Par ailleurs, la N-VA se prononce pour la fusion des dix-neuf communes avec la Région, avec des districts « comme Paris et Anvers ». Le parti propose de régionaliser davantage de compétences, notamment en ajoutant aux compétences actuelles l’impôt des sociétés et la concertation sociale. Mais il entend introduire le principe de sous-nationalités à Bruxelles : « Pour payer ses impôts et ses cotisations sociales, les Bruxellois feraient un choix entre les systèmes wallon et flamand. Ce qui veut dire qu’on paie à une de ces deux entités et qu’on en reçoit les avantages – pension, sécurité sociale ». Il en découlerait un nouveau mode d’élection des parlementaires bruxellois : « En fonction du fait que l’on choisit le système flamand ou wallon – en social et en fiscalité (…) –, on vote pour le Parlement flamand ou le Parlement wallon, ce qui est logique, puisqu’on “paie” pour cet “État” wallon ou flamand ».

83En mai 2018, J. Van den Driessche répétera la position de son parti : « Il n’y a à nos yeux qu’une solution : la fusion entre la Région et les dix-neuf communes en une seule entité assortie de districts ou d’arrondissements, comme cela se pratique à Anvers et dans d’autres villes à l’étranger »  [73].

3.4.4. Un autre point de vue nationaliste flamand

84Début mai 2018, deux députés fédéraux dissidents de la N-VA, Hendrik Vuye et Veerle Wouters – qui reprochent à leur ancien parti d’avoir mis les revendications communautaires au frigo depuis 2014 –, proposeront un modèle bruxellois qui serait de nature à renforcer le lien entre la Flandre et Bruxelles  [74].

85Le mécanisme préconisé par les deux nationalistes flamands serait asymétrique : « Aux francophones, nous n’imposons rien. Ils pourront décider comment ils s’organisent ». Au moins un des ministres néerlandophones du gouvernement bruxellois ferait aussi partie du gouvernement flamand ; ainsi, tout dossier débattu au gouvernement bruxellois serait également important pour le gouvernement flamand. Cela signifierait aussi que, dans le collège réuni de la COCOM, siégeraient des ministres membres du gouvernement flamand (même s’ils seraient, à la base, des ministres bruxellois). La VGC, qui n’aurait alors plus d’utilité, serait supprimée.

86Sur le plan local, il n’y aurait plus qu’un seul CPAS, placé sous l’autorité de la COCOM. Les zones de police seraient fusionnées avec une unicité de commandement. Plutôt que de fusionner totalement les dix-neuf communes, des districts seraient instaurés.

87Les deux parlementaires estiment que, du côté flamand, il est absolument nécessaire de se doter d’une vision sur Bruxelles. Ils mettent en garde les Bruxellois qui seraient réticents à ce que la Communauté flamande renforce son poids dans leur Région : « S’ils ne veulent pas de la Flandre, qu’ils le disent et alors la Flandre arrêtera de payer pour Bruxelles ». V. Wouters interpelle aussi les partis bruxellois néerlandophones les plus régionalistes : « Les [Guy] Vanhengel et les [Pascal] Smet, que s’imaginent-ils ? Ils sont en train de scier la branche sur laquelle ils sont assis. Allez, je donne raison à Olivier Maingain sur un point : la proportion entre francophones et néerlandophones est de 90 %–10 % à Bruxelles et, donc, ça n’implique pas la parité au sein des institutions bruxelloises. Si les néerlandophones bruxellois pensent qu’ils pourront maintenir leur position très protégée sans leur grand frère flamand… Non, ils vont se faire manger ».

4. Les grandes thématiques abordées

88Dans l’actuel débat relatif à la simplification des institutions bruxelloises, trois thématiques sont principalement mises à l’avant-plan : le rôle des communes, la régionalisation de compétences communautaires et la réforme de la composition du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale.

4.1. Le rôle des communes

89Sur la question du sort des dix-neuf communes bruxelloises, on perçoit un clivage entre partis néerlandophones et partis francophones.

90La volonté de réduire les compétences de ces communes au profit de la Région de Bruxelles-Capitale est majoritaire du côté des partis néerlandophones (la N-VA, le CD&V, le SP.A et le Vlaams Belang sont assez clairs à ce sujet)  [75]. Toutefois, les propositions varient : certains partis néerlandophones souhaitent simplement renforcer la Région bruxelloise en lui attribuant certaines compétences communales, alors que d’autres vont jusqu’à projeter la disparition des dix-neuf communes. La fusion de celles-ci est ainsi régulièrement exigée (ainsi que celle des six zones de police  [76]).

91Néanmoins, dans la configuration institutionnelle actuelle, les partis néerlandophones se montrent très attentifs à leur présence dans les communes bruxelloises. Ainsi, ils sont réticents voire opposés à des modifications telles que la réduction du nombre de mandataires communaux ou le décumul entre un mandat de parlementaire régional et de membre d’un exécutif communal  [77]. Le 8 juin 2008, une majorité du groupe linguistique néerlandais du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale a de ce fait rejeté  [78] une proposition d’ordonnance visant à instaurer un décumul intégral des fonctions de parlementaire et de celles de bourgmestre ou d’échevin  [79], soutenue par une majorité du groupe linguistique français  [80].

92Aux volontés flamandes de fusionner ou de faire disparaître les communes, les partis francophones opposent très majoritairement un refus catégorique. Ils mettent en avant l’importance du rôle de proximité avec le citoyen rempli par les communes. Ils voient également dans les velléités flamandes de réduire le rôle des communes ou de fusionner celles-ci un moyen de renforcer l’influence des néerlandophones à ce niveau de pouvoir. Rappelons en effet que, au niveau communal, les néerlandophones ne disposent pas des mêmes garanties de participation au pouvoir qu’à l’échelon régional : alors que la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises prévoit la parité linguistique au gouvernement régional (hors ministre-président), les décisions devant se prendre par consensus, et qu’une représentation est garantie aux néerlandophones au Parlement régional (cf. supra), ces mécanismes n’ont aucun équivalent au niveau communal. Signalons cependant que des dispositions incitatives ont été prises sur ce plan, notamment en matière financière : ainsi, suite à l’accord institutionnel bruxellois dit du Lombard du 29 avril 2001, un crédit de 24,78 millions d’euros est inscrit au budget fédéral et est réparti entre les communes de la région de Bruxelles-Capitale qui comptent un échevin ou un président de CPAS d’appartenance linguistique néerlandaise  [81].

93Écolo se démarque quelque peu des autres partis francophones, en ne fermant aucune porte et en dénonçant une absence de vision régionale due, à ses yeux, au poids excessif des représentants des communes au sein de la Région. Mais ce parti se garde de se joindre à la revendication flamande de fusion des communes, se limitant, à ce stade, à mener une réflexion avec son homologue et partenaire flamand, Groen  [82]. Les partis francophones sont cependant prêts à certaines réformes concernant les communes : les idées d’une diminution du nombre de mandataires locaux et d’une redistribution des compétences entre la Région et les communes sont avancées. Le CDH entend mettre en place un comité communes-Région afin d’assurer une plus grande cohérence des actions.

94Relativement au projet d’une Ville-Région présenté par le SP.A, le politologue Pascal Delwit (ULB) rappelle que l’exemple anversois  [83] offre un précédent de création de districts qui, selon lui, « ne fonctionnent pas bien. Cela prouve qu’il y a des besoins au niveau d’un pouvoir de proximité »  [84].

95De leur côté, les animateurs du groupe de réflexion bruxellois Aula Magna  [85] ont exposé leur vision de la problématique communale dans une carte blanche parue dans LeSoir du 7 juin 2018 et signée par l’entrepreneur Alain Deneef (spécialisé en questions urbaines), le médecin Alain Maskens (qui a été candidat ProBruxsel aux élections régionales bruxelloises du 25 mai 2014) et le philosophe et économiste Philippe Van Parijs (professeur émérite de l’UCL et de la KULeuven). Les trois hommes s’y prononcent en faveur d’une fusion des dix-neuf communes en une seule, la Ville de Bruxelles. Celle-ci déléguerait des compétences de proximité à des districts dirigés chacun par un conseil élu localement. À leurs yeux, cette fusion permettrait des économies d’échelle, une harmonisation des politiques de circulation, de stationnement et de propreté, une plus grande solidarité entre les actuelles communes et une gestion au bénéfice de l’ensemble des Bruxellois des grandes infrastructures ou projets actuellement aux mains d’une seule commune. Leur proposition présente l’originalité de ne pas prévoir la fusion des communes dans la Région de Bruxelles-Capitale, mais de conserver deux niveaux de pouvoir distincts sur le plan structurel et électoral : le niveau communal et le niveau régional. Ils considèrent en effet que la suppression pure et simple des communes et le transfert de leurs compétences à la Région nécessiteraient de difficiles marchandages politiques. Dans un tel cadre, ils prônent un fonctionnement concerté des deux entités, la révision des compétences respectives de la Ville projetée et de la Région, et envisagent que le bourgmestre de la Ville projetée puisse être ministre-président de la Région.

96Une autre pièce à verser au débat est une étude de la Fondation Roi Baudouin relative à la cohésion sociale à Bruxelles, qui révèle que les Bruxellois sont très attachés au niveau de pouvoir communal, considéré comme proche des gens  [86]. Selon cette étude, six répondants sur dix font « fort ou énormément confiance » à leur commune.

4.2. La régionalisation de compétences communautaires

97Du côté néerlandophone, on n’entend guère de voix s’élever pour exiger la régionalisation des compétences de la Communauté flamande en région bruxelloise. Cela n’est pas sans conséquences sur la position des acteurs politiques bruxellois francophones même quand, tel R. Vervoort, ils s’affirment régionalistes. Ainsi, comme on l’a vu, l’actuel ministre-président pense qu’il ne sera pas possible de régionaliser l’enseignement à Bruxelles, compte tenu du fait que la Communauté flamande s’y opposera toujours en ce qui la concerne. On note par ailleurs que des partis tels que Défi ou le CDH manifestent explicitement leur attachement à la Communauté française en tant que lien indispensable entre la Wallonie et Bruxelles.

98La question des Commissions communautaires apparaît plus ouverte. Toutefois, le sort de la COCOF dépasse les seuls francophones de Bruxelles : il est politiquement lié au débat intrafrancophone sur le destin de la Communauté française. Par ailleurs, il apparaît qu’il ne serait guère facile de convaincre les partis flamands de renoncer à la VGC. C’est donc au niveau des compétences bicommunautaires, qui sont actuellement du ressort de la COCOM, qu’une évolution est le plus susceptible de se produire. En effet, on constate aujourd’hui de nouvelles velléités de supprimer la COCOM du côté francophone (R. Vervoort, Z. Khattabi et O. Maingain ont ouvertement envisagé cette option). Or on peut raisonnablement penser que c’est un point sur lequel des partis néerlandophones bruxellois pourraient marquer leur accord, puisque certains d’entre eux l’avaient déjà fait précédemment. Pour autant, bien sûr, que la double majorité soit instaurée au Parlement régional pour les matières bicommunautaires, comme cela se pratique déjà pour certaines matières régionales. Mais il n’en reste pas moins que la suppression de la COCOM nécessiterait une nouvelle réforme de l’État et ne peut donc être décidée par les seuls Bruxellois.

4.3. La composition du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale

99La question d’une éventuelle réduction du nombre de parlementaires régionaux bruxellois (réforme qui ne peut avoir lieu autrement que par une modification apportée à la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises) a une incidence directe sur celle de la représentation garantie des élus néerlandophones au Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale. R. Vervoort, Z. Khattabi et O. Maingain voient la solution à ce problème dans la possibilité de présenter des listes bilingues pour les élections régionales. Cela suscite une grande méfiance des partis néerlandophones, qui craignent de ne plus disposer d’un nombre garanti de députés bruxellois si un tel système est instauré. Pour leur part, P. Smet et J. Crombez veulent également imposer des listes bilingues, mais en maintenant une représentation néerlandophone garantie ; ils ne précisent toutefois pas selon quel mécanisme ils entendent combiner ces deux exigences.

Conclusion

100La conviction de la nécessité d’une simplification des institutions bruxelloises est largement partagée par les différentes forces politiques bruxelloises. Cependant, les remèdes proposés diffèrent sensiblement selon les communautés linguistiques et selon les partis. Par ailleurs, il est à relever que si, du côté francophone, les propositions avancées le sont par des personnalités politiques bruxelloises de premier plan et visiblement suivies par leurs troupes, les choses sont bien moins claires du côté néerlandophone. Ainsi, la proposition du SP.A est cosignée par le ministre bruxellois néerlandophone Pascal Smet et par son président de parti, non Bruxellois, John Crombez. Sans doute P. Smet a-t-il considéré que le rapport de force intrabruxellois ne lui était pas favorable et a-t-il préféré élargir le cadre de la négociation. Il promeut d’ailleurs une septième réforme de l’État, ce qui implique l’intervention du niveau fédéral.

101Deux grandes questions se dégagent des différents échanges intervenus. D’une part, est-il opportun de s’engager dans une nouvelle réforme de l’État ? D’autre part, les Bruxellois doivent-ils s’accorder sur un projet institutionnel commun avant les prochaines élections fédérales et régionales (prévues le 26 mai 2019) ?

102Le politologue Jean Faniel (CRISP) observe que, au niveau du pays, les positionnements récents des partis politiques, y compris néerlandophones, et la dynamique institutionnelle générale ne favorisent guère, pour l’instant, l’entame de négociations institutionnelles portant sur une nouvelle réforme de l’État  [87]. Cependant, il note que les projets institutionnels bruxellois pourraient nécessiter une révision de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises, ce qui – comme le souhaite P. Smet – impliquerait une nouvelle négociation institutionnelle au niveau fédéral. Effectivement, réformer ou faire disparaître l’une ou l’autre des Commissions communautaires ou modifier le mode d’élection du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale ou le nombre de ses membres ne peut se faire autrement que par une modification de la loi spéciale du 12 janvier 1989 voire, s’agissant de la disparition des Commissions communautaires, d’une révision de la Constitution.

103Devant une telle perspective, les réactions sont mitigées. S’il se montre ouvert à une discussion générale, notamment sur la répartition des compétences entre les communes et la Région, le MR se déclare non demandeur d’une nouvelle réforme de l’État. L’essentiel des propositions du CDH (hormis, bien sûr, la diminution du nombre de parlementaires régionaux bruxellois) n’impliquent pas de modification de la loi spéciale du 12 janvier 1989. La secrétaire d’État bruxelloise Bianca Debaets (CD&V) avance des mesures qui permettraient d’améliorer l’efficacité sans devoir passer par une réforme de l’État, en se concentrant sur les relations communes/Région. Les directeurs des centres d’études du CDH et du CD&V, Antoine de Borman et Benjamin Dalle, suggèrent d’avancer « sans passer par la case institutionnelle ».

104À l’inverse, le président de Défi, Olivier Maingain, propose des réformes qui nécessitent une révision de la loi spéciale du 12 janvier 1989 (suppression des groupes linguistiques au Parlement bruxellois, suppression de la COCOM, etc.). Mais il n’en appelle pas moins à la prudence quant à l’engagement dans une nouvelle réforme institutionnelle, attentif au parti que pourrait en tirer la N-VA. De même, au PS, le ministre-président bruxellois Rudi Vervoort décide d’avancer sur la gouvernance locale (dossier indépendant d’une réforme de l’État), tandis que la présidente de la fédération bruxelloise du parti, Laurette Onkelinx, considère que, si une réforme de l’État devait s’avérer nécessaire pour réaliser les propositions de R. Vervoort, il s’agirait d’une réforme de l’État qui n’aurait rien à voir « avec un dépeçage de [l’Autorité fédérale] ou avec des transferts entre Régions » mais qui viserait « à s’organiser entre Bruxellois »  [88]. Peut-être envisage-t-elle là un scénario analogue à celui de la précédente réforme, où l’accord intervenu entre Bruxellois le 14 septembre 2011 avait été intégralement inclus dans l’accord institutionnel global du 11 octobre 2011.

105Cela nous amène à la deuxième question, relative à l’opportunité d’une concertation entre Bruxellois avant la prochaine échéance électorale fédérale et régionale. Le président du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, Charles Picqué (PS), a proposé que deux semaines de débat soient organisées à ce sujet au Parlement bruxellois entre les élections communales du 14 octobre 2018 et le scrutin régional du 26 mai 2019. Son objectif est d’aboutir ainsi à des recommandations, qui pourraient être approfondies dans la déclaration de politique régionale de 2019  [89]. Pour leur part, les constitutionnalistes Hugues Dumont et Mathias El Berhoumi (USL-B) invitent les Bruxellois à s’accorder sur un cahier de revendications allant dans le sens d’une simplification souhaitable  [90]. Mais une telle position ne fait pas, à ce stade, l’unanimité. Le président du groupe MR au Parlement bruxellois, Vincent Dewolf, a ainsi considéré qu’il ne fallait pas s’engager dans des réformes à la veille d’élections et a proposé la mise en place d’un groupe « pluripartis » après celles-ci. Cette prudence s’explique peut-être en partie par le fait que le MR a posé comme condition, en 2014, à son entrée dans un gouvernement fédéral comme seul parti francophone et avec la N-VA, une « mise au frigo » des débats institutionnels.

106Quel que sera le moment choisi, la multiplication des interventions sur le sujet et les grandes divergences entre les idées avancées semblent laisser penser que l’organisation prochaine d’un nouveau débat entre Bruxellois sur la simplification de leurs institutions est une possibilité à envisager.

Notes

  • [1]
    Moniteur belge, 14 janvier 1989.
  • [2]
    À ce sujet, cf. J.-P. Nassaux, « Le nouveau mouvement bruxellois », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2103-2104, 2011.
  • [3]
    À ce sujet, cf. J.-P. Nassaux, « Les aspects bruxellois de l’accord de réformes institutionnelles du 11 octobre 2011 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2129-2130, 2012.
  • [4]
    Ibidem, p. 12.
  • [5]
    Signalons que, s’il n’y a plus de gouverneur à Bruxelles, il reste un vice-gouverneur, chargé du respect des lois linguistiques (cf. infra).
  • [6]
    Accord de coopération du 15 septembre 1993 entre l’État fédéral et la Région de Bruxelles-Capitale, relatif à certaines initiatives destinées à promouvoir le rôle international et la fonction de capitale de Bruxelles, Moniteur belge, 30 novembre 1993.
  • [7]
    Loi du 10 août 2001 créant un fonds de financement du rôle international et de la fonction de capitale de Bruxelles et modifiant la loi organique du 27 décembre 1990 créant des fonds budgétaires, Moniteur belge, 18 septembre 2001.
  • [8]
    Via les compétences d’Agglomération (cf. J.-P. Nassaux, « La Région de Bruxelles-Capitale et la sécurité après la sixième réforme de l’État », Les @nalyses du CRISP en ligne, 13 novembre 2017, www.crisp.be).
  • [9]
    Il est à préciser que le fait que ces compétences communautaires aient été attribuées à la Région de Bruxelles-Capitale ne signifie pas que lesdites compétences aient été enlevées aux institutions communautaires compétentes. Il en résulte que la Région de Bruxelles-Capitale, la Commission communautaire française (COCOF) – à laquelle la Communauté française a transféré l’exercice de ces compétences – et la Communauté flamande peuvent agir dans le cadre de ces compétences de manière parallèle sur le territoire régional bruxellois (cf. J.-P. Nassaux, « Les aspects bruxellois de l’accord de réformes institutionnelles du 11 octobre 2011 », op. cit., p. 21-22).
  • [10]
    Cf. l’actuel article 166, § 2, de la Constitution.
  • [11]
    D. Parée, P. Van Camp, Les institutions bruxelloises. Histoire, compétences, organisation et fonctionnement, Bruxelles, Archives générales du Royaume, 2005, p. 1015.
  • [12]
    La région bilingue de Bruxelles-Capitale ne comprend qu’un seul arrondissement administratif (celui de Bruxelles-Capitale). Par ailleurs, son territoire ressortit tout entier à l’arrondissement judiciaire de Bruxelles (composé des arrondissements administratifs de Bruxelles-Capitale et de Hal-Vilvorde).
  • [13]
    Ce gouverneur était nommé et révoqué par le gouvernement bruxellois sur avis conforme du Conseil des ministres (constitué des ministres du gouvernement fédéral).
  • [14]
    En revanche, a été maintenu le poste de vice-gouverneur de l’arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale. Cette personne est chargée de veiller à l’application des lois et règlements relatifs à l’emploi des langues en matière administrative.
  • [15]
    Cependant, la loi spéciale du 6 janvier 2014 relative à la sixième réforme de l’État prévoit que le gouvernement régional confie à un « haut fonctionnaire » qu’il désigne les missions de sécurité civile et l’élaboration des plans relatifs aux situations d’urgence.
  • [16]
    Jusqu’en 2004, le Parlement bruxellois comptait 75 membres et le nombre de députés de chaque groupe linguistique dépendait du résultat de l’élection régionale (cf. infra).
  • [17]
    Sur cette notion, cf. Q. Peiffer, « L’autonomie constitutive des entités fédérées », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2350-2351, 2017, p. 18-46 et 50-51.
  • [18]
    En mai 2011, la Communauté française a décidé d’adopter la dénomination de « Fédération Wallonie-Bruxelles » dans sa communication interne et externe. Ce nouveau nom n’ayant cependant pas la portée juridique que lui donnerait une révision de la Constitution allant dans le même sens, nous maintiendrons, dans ce Courrier hebdomadaire, l’appellation constitutionnelle de Communauté française. Cf. S. Toussaint, « Ne dites plus “Communauté française” ! Quoique… », Les @nalyses du CRISP en ligne, 7 octobre 2013, www.crisp.be.
  • [19]
    J.-P. Nassaux, « La Commission communautaire commune (COCOM) : vers une autre dimension », Les @nalyses du CRISP en ligne, 14 octobre 2013, www.crisp.be.
  • [20]
    M. El Berhoumi, L. Losseau, S. Van Drooghenbroeck, « Vers une Belgique à quatre ? Les compétences communautaires à Bruxelles après la sixième réforme de l’État », in E. Vandenbossche (dir.), Les institutions bruxelloises en 2014, Bruges, Die Keure, à paraître, p. 45-73.
  • [21]
    J.-P. Nassaux, « La Commission communautaire française (COCOF), une institution fragilisée ? », Les @nalyses du CRISP en ligne, 19 janvier 2016, www.crisp.be.
  • [22]
    M. El Berhoumi, L. Losseau, S. Van Drooghenbroeck, « Vers une Belgique à quatre ? », op. cit.
  • [23]
    J.-P. Nassaux, « Les relations communautaires à l’Assemblée réunie de la Commission communautaire commune », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1633-1634, 1999.
  • [24]
    Autrefois gérée par les communes, la police a été restructurée en janvier 2001. Depuis lors, la Belgique est subdivisée en 196 zones de police, appelées également zones interpolices (ZIP). Chacune d’entre elles regroupe une ou plusieurs communes et dispose de ses propres règlements de police. Pour sa part, la région de Bruxelles-Capitale compte six zones de police, portant les numéros 5339 (Ville de Bruxelles et Ixelles), 5340 (Molenbeek-Saint-Jean, Koekelberg, Jette, Ganshoren et Berchem-Sainte-Agathe), 5341 (Anderlecht, Saint-Gilles et Forest), 5342 (Uccle, Watermael-Boitsfort et Auderghem), 5343 (Etterbeek, Woluwe-Saint-Pierre et Woluwe-Saint-Lambert) et 5344 (Schaerbeek, Saint-Josse-ten-Noode et Evere).
  • [25]
    À sa création en 1989, le Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale comptait 75 députés, répartis en deux groupes linguistiques dont le nombre respectif de membres dépendait du résultat des élections. Les groupes linguistiques français et néerlandais comptaient donc plus ou moins d’élus, selon le nombre d’électeurs qui avaient voté pour des listes francophones ou néerlandophones. Les chiffres ont ainsi été de 65-10 au lendemain des élections de 1995 et de 64-11 au lendemain de celles de 1999 (comme cela avait déjà été le cas au lendemain de celles de 1989). Depuis le scrutin de 2004, le nombre de députés de chaque groupe linguistique du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale est déterminé par la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises (telle que modifiée par la loi spéciale du 13 juillet 2001) ; il est donc fixé a priori, indépendamment des résultats des élections. En l’occurrence, le groupe linguistique français compte obligatoirement 72 membres et le groupe linguistique néerlandais 17 membres, ce qui porte le nombre total de membres à 89.
  • [26]
    P. Blaise, V. Demertzis, J. Faniel, C. Istasse, J. Pitseys, « Les résultats des élections régionales et communautaires du 25 mai 2014 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2223-2224, 2014, p. 110-112.
  • [27]
    Le groupe DEGO (« The Politics of Democratic Governance ») est composé du Centre d’étude de la vie politique (CEVIPOL, de l’Université libre de Bruxelles - ULB) et du Vakgroep Politieke Wetenschappen (VPW, de la Vrije Universiteit Brussel - VUB). Son thème de recherche central est l’analyse de la gouvernance démocratique, y compris la participation politique, la représentation politique, les partis politiques et les élections.
  • [28]
    Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, Projet d’ordonnance relative à la limitation du nombre de mandataires communaux et à l’institution de nouvelles mesures de gouvernance en Région de Bruxelles-Capitale, n° 573/1, 6 octobre 2017.
  • [29]
    Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, Compte rendu intégral, n° 19, 12 janvier 2018, p. 42-48.
  • [30]
    Ordonnance du 25 janvier 2018 relative à la limitation du nombre de mandataires communaux et à l’institution de nouvelles mesures de gouvernance en Région de Bruxelles-Capitale, Moniteur belge, 21 février 2018.
  • [31]
    Le Soir, 20 septembre 2016.
  • [32]
    Ibidem.
  • [33]
    Cf. notamment Le Soir, 31 mars 2018.
  • [34]
    Le Soir, 24 janvier 2018.
  • [35]
    Le Soir, 25 janvier 2018.
  • [36]
    Le Soir, 23 février 2018. Rappelons ici que C. Picqué fait partie des défenseurs de la Communauté française. Ainsi, en octobre 2013, suite à la présentation du programme communautaire de la N-VA, qui prévoyait de démanteler le modèle bruxellois, il mettait en garde : « Ces derniers temps, on a vu que [la] Communauté française (…) était parfois dépréciée, remise en cause, alors je dis : n’allons pas trop vite en besogne ! Quand on entend une telle radicalité en Flandre, la solidarité bruxello-wallonne me paraît bien indispensable » (Le Soir, 31 octobre 2013).
  • [37]
    Le Soir, 31 mars 2018.
  • [38]
    38 La Libre Belgique, 30 avril 2018.
  • [39]
    Cf. Le Soir, 31 mars 2018.
  • [40]
    Le Soir, 20 avril 2018.
  • [41]
    La Libre Belgique, 7 mai 2018.
  • [42]
    Le Soir, 20 septembre 2016.
  • [43]
    Ibidem.
  • [44]
    Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, Proposition d’ordonnance visant à supprimer un poste d’échevin dans chaque commune en incluant le président du CPAS dans les collèges, n° 580/1, 10 octobre 2017.
  • [45]
    Le Soir, 1er décembre 2017.
  • [46]
    Le Soir, 16 janvier 2018.
  • [47]
    Le Soir, 17 février 2018. Signalons à ce propos que deux constitutionnalistes de l’Université Saint-Louis - Bruxelles (USL-B), Hugues Dumont et Mathias El Berhoumi, soulignent que la superposition des institutions en région bruxelloise est illisible pour le citoyen, ce qui pose un problème démocratique. Ils estiment qu’il est nécessaire de procéder à un travail de simplification, dans le sens d’un renforcement de la logique régionale et d’un resserrement des compétences des Communautés française et flamande autour de la culture, de l’audiovisuel et de l’enseignement. Cf. M. El Berhoumi, H. Dumont, « Pour une Belgique à 4 + 1 », in Die Besonderheiten des belgischen Bundesstaatsmodells und ihre Auswirkungen auf die Rechtsstellung der Deutschsprachigen Gemeinschaft (Beiträge zum Kolloquium vom 16. September 2016 im Parlament der Deutschsprachigen Gemeinschaft in Eupen), Eupen, Parlament der Deutschsprachigen Gemeinschaft Belgiens (Schriftenreihe der Deutschsprachigen Gemeinschaft, 3), 2017, p. 50-61 (cf. aussi la version simplifiée de cet article parue sous la forme d’une tribune libre dans la presse : H. Dumont, M. El Berhoumi, « Pour simplifier Bruxelles » [titre original : « Faire le choix des Régions sans supprimer les Communautés »], La Libre Belgique, 23 janvier 2018).
  • [48]
    D. Reynders, Bruxelles pour tous. “Douze propositions” pour vaincre la fracture, Forest, Le bord de l’eau, 2017 (mis en ligne le 28 mai 2018), www.didierreynders.be. Cf. aussi, quatre ans plus tôt, D. Reynders, Bruxelles pour tous. Vaincre la fracture, s.l.n.d. [2014], www.didierreynders.be.
  • [49]
    La Libre Belgique, 26 mai 2018.
  • [50]
    Propos recueillis auprès d’Olivier Maingain le 10 octobre 2016.
  • [51]
    Le Soir, 1er décembre 2017.
  • [52]
    La Libre Belgique, 1er décembre 2017.
  • [53]
    Le Soir, 18 janvier 2018.
  • [54]
    Le Soir, 5 mai 2018.
  • [55]
    Le Soir, 20 septembre 2016.
  • [56]
    Le Soir, 1er décembre 2017.
  • [57]
    La Libre Belgique, 1er décembre 2017.
  • [58]
    Le Soir, 16 janvier 2018.
  • [59]
    Ibidem.
  • [60]
    Ibidem.
  • [61]
    Le Soir, 20-21 janvier 2018.
  • [62]
    Le Soir, 26 avril 2018.
  • [63]
    À ce propos, cf. par exemple M. El Berhoumi, H. Dumont, « Pour une Belgique à 4 + 1 », op. cit.
  • [64]
    La Libre Belgique, 5 mai 2018.
  • [65]
    Le Soir, 20 septembre 2016.
  • [66]
    Le Soir, 1er décembre 2017.
  • [67]
    P. Delva, « Graag een eenvoudiger Brussel, maar met behoud van de waarborgen voor Nederlandstaligen », 19 septembre 2016, www.pauldelva.be.
  • [68]
    Le Soir, 7 mai 2018.
  • [69]
    Le Soir, 16 janvier 2018.
  • [70]
    La Libre Belgique, 17 janvier 2018.
  • [71]
    Le Soir, 31 octobre 2013.
  • [72]
    Le Soir, 6 mai 2017.
  • [73]
    Le Soir, 7 mai 2018.
  • [74]
    La Libre Belgique, 2 mai 2018.
  • [75]
    Sauf sur la question des zones de police, l’Open VLD, qui est actuellement présent dans six coalitions communales bruxelloises, s’engage moins dans ce débat.
  • [76]
    Sur le débat relatif à la fusion des zones de police, cf. J.-P. Nassaux, « La Région de Bruxelles-Capitale et la sécurité après la sixième réforme de l’État », op. cit., p. 9-10.
  • [77]
    Particulièrement opposé au décumul, l’Open VLD compte trois parlementaires sur cinq qui se trouvent dans une situation de cumul.
  • [78]
    Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, Compte rendu intégral provisoire, 8 juin 2018 après-midi, p. 23-29.
  • [79]
    Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, Proposition d’ordonnance modifiant la nouvelle loi communale en vue d’instaurer une incompatibilité entre la fonction de bourgmestre ou d’échevin et le mandat de membre du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, de la Chambre des représentants, du Sénat, du Parlement flamand et du Parlement européen, n° 550/1, 7 juillet 2017.
  • [80]
    Comme déjà signalé, pour être adoptées, les ordonnances touchant à la législation organique sur les communes requièrent d’obtenir une majorité dans chacun des deux groupes linguistiques du Parlement régional (cf. supra). Par conséquent, le texte en question est actuellement rejeté. Néanmoins, il pourrait être représenté au vote des députés 30 jours après ce rejet ; il ne lui faudrait alors plus recueillir qu’un tiers des voix des élus néerlandophones pour être adopté. Le recours à une telle procédure serait toutefois porteur de tensions communautaires à Bruxelles.
  • [81]
    Cf. P. Vanleemputten, Les institutions bruxelloises. Leur position dans la structure fédérale de l’État, leur organisation, leur fonctionnement, leur financement, Bruxelles, Bruylant, 2003, p. 166-167.
  • [82]
    Les deux partis verts proposent que les frontières communales soient revues afin de rééquilibrer le poids des communes (cf. supra).
  • [83]
    Le 1er janvier 1983, la commune d’Anvers a absorbé ses sept communes périphériques (Berchem, Borgerhout, Deurne, Ekeren, Hoboken, Merksem et Wilrijk). Les anciennes communes annexées, ainsi que le territoire de l’ancienne commune d’Anvers, ont été transformés en districts anversois (rejoignant ainsi le district de Berendrecht-Zandvliet-Lillo, constitué le 1er janvier 1958 lors de l’absorption et de la fusion de trois communes). Jusqu’en 2001, les districts n’avaient qu’une fonction d’avis, consultative. Depuis lors, chaque district anversois est doté d’un conseil et d’un collège, le premier étant élu tous les six ans (le même jour que le scrutin communal) au suffrage universel direct des habitants du district. Chacun des districts est compétent pour certaines matières (politique de la jeunesse, politique culturelle décentralisée, action en faveur des aînés, etc.), dispose d’un budget et de personnel.
  • [84]
    Le Soir, 26 octobre 2016.
  • [85]
    Sur Aula Magna, cf. J.-P. Nassaux, « Le nouveau mouvement bruxellois », op. cit., p. 16-23.
  • [86]
    Fondation Roi Baudouin, « Cohésion sociale à Bruxelles : une vision positive mais nuancée de Bruxelles », 2 mars 2018, www.kbs-frb.be.
  • [87]
    J. Faniel, « La septième réforme institutionnelle est-elle pour tout de suite ? », Les @nalyses du CRISP en ligne, 15 mai 2018, www.crisp.be.
  • [88]
    Le Soir, 20 septembre 2016.
  • [89]
    Le Soir, 23 février 2018.
  • [90]
    H. Dumont, M. El Berhoumi, « Pour simplifier Bruxelles », op. cit. Ils suggèrent d’y inscrire la régionalisation pure et simple des matières personnalisables, la suppression de la COCOM et la reprise de ses compétences par la Région bruxelloise, et l’attribution à la Région d’une compétence d’appui lui permettant notamment de combler financièrement les carences des Communautés et de l’Autorité fédérale au regard des enjeux spécifiquement bruxellois.

La complexité institutionnelle de la Région bruxelloise est une réalité reconnue par tous. Sur ce territoire relativement réduit, les compétences sont réparties entre des instances particulièrement nombreuses : l’Autorité fédérale, la Région de Bruxelles-Capitale, la Communauté française et la Communauté flamande, les trois Commissions communautaires (COCOM, COCOF et VGC) et les 19 communes. Surtout, le découpage des compétences entre ces multiples instances est spécialement complexe (il est parfois qualifié de « dentelle institutionnelle ») et obéit à une logique de superposition et non d’exclusivité (on a pu parler de « lasagne institutionnelle »). Dès lors, le modèle bruxellois est peu lisible pour le citoyen lambda. De plus, il amène souvent plusieurs niveaux de pouvoir à intervenir dans un même domaine tout en y menant des politiques, non pas complémentaires, mais concurrentes, voire contradictoires.

La conviction de la nécessité d’une simplification des institutions bruxelloises est largement partagée par les différentes forces politiques de la Région-Capitale. Cependant, les remèdes proposés diffèrent sensiblement selon les communautés linguistiques et selon les partis.

Après avoir été mis en veille quelque temps, le débat est revenu à l’avant-scène politique depuis septembre 2016. Des personnalités issues de divers partis se sont exprimées à ce sujet par voie de presse : le ministre-président bruxellois Rudi Vervoort (PS), le ministre bruxellois Pascal Smet (SP.A) et son président de parti John Crombez, et la co-présidente d’Écolo Zakia Khattabi. Les projets de réformes ainsi avancés ont suscité des réactions de la part des autres formations politiques, essentiellement le MR, Défi et le CDH. Trois grandes thématiques ressortent de ces différents échanges de vues, qui pourraient déboucher sur de nouveaux aménagements institutionnels : le rôle des communes, la régionalisation de compétences communautaires et la composition du Parlement bruxellois.

Mis en ligne sur Cairn.info le 27/06/2018
https://doi.org/10.3917/cris.2374.0005
ISBN 9782870751886
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