CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1 La législation de l’Union européenne interdit l’abattage sans étourdissement préalable des bovins, ovins et caprins  [1]. Toutefois, elle laisse aux États membres la faculté de prévoir des dispenses pour les abattages à caractère religieux  [2]. Ceux-ci concernent tant le judaïsme que l’islam, deux religions qui édictent des règles spécifiques pour la mise à mort des animaux destinés à la consommation humaine ; en principe, ces règles prévoient que ces animaux aient le cou tranché alors qu’ils sont pleinement conscients. L’abattage destiné à produire de la viande casher  [3], répondant aux normes de la cacherout, c’est-à-dire du code alimentaire du judaïsme, est organisé de façon relativement discrète au sein de communautés juives devenues peu nombreuses en Europe. En revanche, l’abattage destiné à produire de la viande halal  [4], répondant aux besoins d’une population musulmane européenne en croissance, est beaucoup plus répandu et est l’objet d’une forte visibilité médiatique, particulièrement lors de la célébration de l’Aïd el-Kébir (« grande fête » – ou Aïd el-Adha, « fête du sacrifice »)  [5]. En outre, la filière de production de viande halal est aux mains d’acteurs économiques plus que religieux et elle a un impact sur le secteur de la viande en général dans plusieurs pays européens, dont la Belgique.

2 Le développement du concept des droits fondamentaux de l’animal, porté par des associations de défense du bien-être animal, a conduit à la remise en cause du bien-fondé de la dispense d’étourdissement préalable accordée par la plupart des États membres de l’Union européenne pour raison religieuse. Quelques pays européens ont déjà interdit l’abattage sans étourdissement ; d’autres envisagent de le faire.

3 En Belgique, la sixième réforme de l’État a attribué la compétence du bien-être animal aux Régions à partir du 1er juillet 2014. Depuis lors, la Région wallonne et la Région flamande ont adopté des décrets qui interdisent l’abattage sans étourdissement, respectivement à partir du 1er septembre 2019 et du 1er janvier 2019  [6]. En Région de Bruxelles-Capitale, les discussions sont actuellement en cours à ce sujet.

4 Le présent Courrier hebdomadaire expose le contexte européen dans lequel les débats se déroulent, relate les processus parlementaires qui ont abouti aux interdictions de l’abattage sans étourdissement en Wallonie et en Flandre, et analyse le débat bruxellois. Il s’interroge sur la portée de l’interdiction de l’abattage dit rituel en termes de droits fondamentaux ainsi que sur son impact économique, à l’heure où la filière de la viande traverse une crise.

1. La notion d’abattage rituel

5 Par abattage rituel, on entend généralement l’abattage des bovins, ovins ou caprins conformément aux prescriptions du judaïsme ou de l’islam qui rendent la viande de l’animal propre à la consommation par les fidèles de l’une ou l’autre religion. C’est donc de façon abusive que l’on qualifie cet abattage de rituel ; il s’agit plutôt de prescriptions alimentaires que de rite religieux  [7], à l’exception des abattages réalisés à l’occasion de la fête musulmane de l’Aïd el-Kébir. Par commodité, nous adoptons cependant ici la terminologie usuelle d’abattage rituel, qui est également répandue dans les autres langues européennes.

6 Pour le judaïsme, les principales règles de la shehita (qui concernent également la volaille, mais pas le poisson) imposent que l’abattage soit réalisé par un homme pieux et techniquement qualifié, le shohet. L’animal est mis à mort par tranchage du cou (trachée et œsophage), au moyen d’un couteau affûté répondant à une série de prescriptions. Pour que la viande soit casher, une série de prescriptions complémentaires sont imposées, dont le retrait des parties de la dépouille impropres à la consommation. Parmi ces dernières se trouve le nerf sciatique ; la difficulté de retirer ce nerf conduit le plus souvent à rejeter l’ensemble de l’arrière-train des dépouilles, qui est alors injecté dans le circuit général de la viande de boucherie  [8].

7 Les règles de la shehita ont été établies sur la base des prescriptions contenues dans le Deutéronome, développées par la tradition rabbinique. La shehita a longtemps constitué un pilier de la société juive traditionnelle ; elle était financée par un impôt spécial prélevé sur les membres de la communauté. Actuellement, elle participe de l’organisation de la cacherout qui contribue à l’autofinancement de la communauté religieuse. En Belgique, ce sont les communautés israélites orthodoxes Shomre Hadass et Machsike Hadass d’Anvers qui sont les principales autorités religieuses délivrant les certificats de cacherout. Apposés sur la nourriture casher, ils en certifient la consommabilité par les juifs de stricte observance. Il est à noter que certains groupes religieux juifs sont plus stricts que d’autres dans l’application des règles de la cacherout et peuvent donc préférer certains certificats plutôt que d’autres.

8 En islam, les règles imposées pour l’abattage des animaux (bétail et volaille), le dhakât, sont moins exigeantes que dans le judaïsme ; tout musulman pieux peut abattre l’animal. La tradition islamique impose également la mise à mort par incision rapide du cou, sur la base d’un prescrit coranique  [9]. La consommation de viande casher est généralement possible pour le musulman qui souhaite respecter le prescrit de sa religion – bien que certains musulmans la refusent en raison de l’absence de l’invocation du nom d’Allah au moment de l’abattage –, alors qu’une viande halal ne répond pas aux prescrits de la cacherout.

9 Les deux méthodes d’abattage réclament que l’animal soit conscient lors de sa mise à mort, ce qui exclut l’étourdissement préalable. Toutefois, certaines autorités islamiques admettent un étourdissement simultané.

10 Les normes alimentaires internationales, énoncées dans le Codex Alimentarius  [10], définissent, depuis 1997, la nourriture halal comme étant « tout aliment autorisé par la loi islamique ». Elles précisent en outre, à propos de l’abattage  [11] :

11

« Tous les animaux terrestres dont la consommation est autorisée par la loi devraient être abattus conformément aux règles énoncées dans le code d’usages “Codex recommandé en matière d’hygiène pour les viandes fraîches” et aux dispositions ci-après :
  • la personne chargée de l’abattage doit être un musulman sain d’esprit et connaissant bien les méthodes d’abattage de l’islam ;
  • l’animal à abattre doit être autorisé par la loi islamique ;
  • l’animal doit être vivant ou réputé vivant au moment de l’abattage ;
  • l’invocation Bismillah (au nom d’Allah) doit être prononcée immédiatement avant l’abattage de chaque animal ;
  • l’instrument utilisé doit être tranchant et doit rester enfoncé dans l’animal pendant l’abattage ;
  • l’abattage doit consister à couper la trachée, l’œsophage et les principales artères et veines situées dans la région du cou. »

12 La commission du Codex Alimentarius n’a, en revanche, pas proposé de règles pour la nourriture casher ou la shehita.

2. L’évolution du cadre européen

13 La question de l’abattage rituel concerne des normes supérieures en matière de liberté de religion, d’une part, et en matière de bien-être animal, de l’autre.

14 La liberté de pensée, de conscience et de religion est protégée par la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (communément appelée Convention européenne des droits de l’homme, CEDH) du 4 novembre 1950, qui est sans doute le traité le plus important du Conseil de l’Europe. En son article 9, cette convention dispose :

15

« Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites.
La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

16 La Cour européenne des droits de l’homme, qui est chargée de vérifier l’application de la CEDH, considère que la dérogation à l’obligation d’étourdissement préalable constitue un « engagement positif de l’État visant à assurer le respect effectif de la liberté d’exercice des cultes »  [12].

17 En matière de bien-être des animaux, les institutions internationales n’ont adopté aucun instrument linéaire (tout au plus une « Déclaration universelle des droits de l’animal » a-t-elle été proclamée par la Ligue internationale des droits de l’animal le 15 octobre 1978 au siège de l’UNESCO à Paris). Le bien-être animal est régi par des normes qui relèvent tantôt de l’agriculture, tantôt de la santé publique, tantôt de l’environnement.

18 En matière d’abattage, il existe des normes tant au niveau du Conseil de l’Europe que de l’Union européenne.

2.1. Le Conseil de l’Europe

19 Le 10 mai 1979, le Conseil de l’Europe a adopté une convention visant à assurer la protection des animaux destinés à l’abattage  [13]. Les considérants relèvent « que les méthodes d’abattage épargnant aux animaux des souffrances et des douleurs dans la mesure du possible doivent être d’application uniforme » ; ils notent aussi que « la crainte, l’angoisse, les douleurs et les souffrances d’un animal lors de l’abattage risquent d’influencer la qualité de la viande ».

20 Cette convention prévoit l’étourdissement préalable des animaux, mais elle laisse aux États la faculté de prévoir des dérogations à ce principe dans le cadre d’un abattage rituel (article 17). Elle précise que, « dans le cas d’abattage rituel, l’immobilisation des animaux de l’espèce bovine avant abattage avec un procédé mécanique ayant pour but d’éviter toutes douleurs, souffrances et excitations ainsi que toutes blessures ou contusions aux animaux est obligatoire » (article 13). La Convention est entrée en vigueur le 11 juin 1982 et s’applique actuellement dans 25 pays membres du Conseil de l’Europe.

21 La Belgique, signataire de la Convention (10 mai 1979), ne l’a toutefois pas ratifiée. Le texte ne lie dès lors pas l’État belge.

2.2. L’Union européenne

22 La question de l’abattage entre dans le champ de réglementation de l’Union européenne pour la première fois le 18 novembre 1974, avec l’adoption d’une directive rendant obligatoire l’étourdissement des animaux  [14]. Ce texte précise cependant qu’il « n’affecte pas les dispositions nationales relatives aux méthodes particulières d’abattage nécessitées par certains rites religieux ».

23 Dans la foulée de l’achèvement du marché unique en 1992, une nouvelle version de cette directive est adoptée le 22 décembre 1993  [15].

24 Une première version du projet de directive révisée comprenait des dispositions relatives à l’abattage rituel (notamment les caractéristiques techniques de la lame à employer). Suite notamment au lobbying de la Conférence des rabbins européens, elle a été vidée de tout contenu à cet égard, semble-t-il, après une intervention du président de la Commission européenne, Jacques Delors. Le fait de laisser de côté l’abattage religieux permet de n’enfreindre ni la liberté de religion ni la séparation de l’Église et de l’État. La directive adoptée laisse ainsi aux États la faculté d’accorder ou non des dérogations à l’obligation d’étourdissement préalable des animaux de boucherie et de réglementer ou non le déroulement d’un abattage religieux.

25 En 2004, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (European Food Safety Authority, EFSA) publie un rapport scientifique concluant à la nécessité de toujours étourdir un animal avant l’égorgement, en raison de graves problèmes de bien-être liés à l’abattage sans étourdissement  [16].

26 Le 24 septembre 2009, le Conseil de l’Union européenne adopte un règlement relatif à la protection des animaux au moment de leur mise à mort, qui impose que les animaux destinés à la consommation soient étourdis avant l’abattage  [17]. Toutefois, une exception est établie pour les rites religieux, à la condition que la pratique se déroule dans un abattoir. L’article 4 du règlement édicte en son paragraphe 1er : « Les animaux sont mis à mort uniquement après étourdissement selon les méthodes et les prescriptions spécifiques relatives à leur application exposées à l’annexe I. L’animal est maintenu dans un état d’inconscience et d’insensibilité jusqu’à sa mort ». En son paragraphe 4, il ajoute : « Pour les animaux faisant l’objet de méthodes particulières d’abattage prescrites par des rites religieux, les prescriptions visées au paragraphe 1 ne sont pas d’application pour autant que l’abattage ait lieu dans un abattoir ». Pour sa part, l’article 7 du règlement précise que les exploitants doivent veiller à ce que les opérations d’abattage ne soient réalisées que par les personnes titulaires du certificat de compétence correspondant, en ce compris pour l’abattage selon un rite religieux.

27 Le règlement européen du 24 septembre 2009 entre en vigueur le 1er janvier 2013. Sur cette base, à partir de 2015, des restrictions sont imposées en Belgique aux abattages d’ovins réalisés à l’occasion de l’Aïd el-Kébir (cf. infra).

28 Si, à la lecture du règlement, il est clair que l’abattage rituel bénéficie d’une dérogation à l’obligation d’étourdissement préalable à la mise à mort édictée par le texte, il n’est en revanche pas précisé clairement si les États membres ont l’obligation, ou simplement la faculté, d’octroyer ou de tolérer cette dérogation.

29 Dans les considérants du règlement, on peut toutefois lire ceci : « La directive [du 22 décembre 1993] prévoyait une dérogation à l’obligation d’étourdissement en cas d’abattage rituel se déroulant à l’abattoir. Étant donné que les dispositions communautaires applicables aux abattages rituels ont été transposées de manière différente selon les contextes nationaux et que les dispositions nationales prennent en considération des dimensions qui transcendent l’objectif du présent règlement, il importe de maintenir la dérogation à l’exigence d’étourdissement des animaux préalablement à l’abattage, en laissant toutefois un certain degré de subsidiarité à chaque État membre. En conséquence, le présent règlement respecte la liberté de religion et le droit de manifester sa religion ou ses convictions par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites, tel que le prévoit l’article 10 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne » (alinéa 18). Par ailleurs, l’article 26 du règlement laisse explicitement la faculté aux États membres d’adopter des dispositions plus strictes que le règlement  [18].

30 L’interprétation du règlement européen du 24 septembre 2009 est au cœur du débat judiciaire qui s’est engagé autour des interdictions de l’abattage sans étourdissement adoptées en Wallonie et en Flandre en 2017 (cf. infra).

31 Illustrant l’intérêt pour la thématique de l’abattage rituel, la Commission européenne a choisi de soutenir financièrement le projet de recherche DialRel, qui réunit des partenaires issus de onze pays autour de l’objectif d’étudier les problèmes liés à l’abattage religieux en encourageant le dialogue entre les parties prenantes et les parties intéressées, et qui est également actif dans la collecte et la diffusion d’informations  [19].

2.3. La situation dans les différents pays de l’Union européenne

32 Le bien-être animal est une cause à laquelle l’opinion publique européenne se montre globalement de plus en plus réceptive. Elle est défendue par des groupes bien organisés, qui ont fait de l’interdiction de l’abattage rituel l’un de leurs objectifs. Parmi eux, le Groupe d’action dans l’intérêt des animaux (GAIA), association de défense des animaux, jouit d’une large notoriété. Ses campagnes-choc, le plus souvent à l’occasion de l’Aïd el-Kébir, mettent en scène l’égorgement sanglant de moutons. Cette iconographie qui fait appel à la sensibilité du public, jouant sur la thématique de l’agneau sacrifié, se retrouve également, d’une manière outrancière, dans la communication de formations politiques d’extrême droite qui dépeignent volontiers le musulman comme barbare. Dans la quasi-totalité des campagnes de ces formations politiques, c’est en effet l’abattage rituel musulman qui est dénoncé. En Pologne, toutefois, des tracts à caractère antisémite ont circulé, mobilisant ici également la thématique des « meurtres rituels »  [20].

33 Cette montée en puissance de l’intérêt porté au bien-être animal – qui s’observe également à travers d’autres manifestations, telles que l’interdiction de la vivisection ou de la fourrure, ou la popularité grandissante des régimes végétariens ou végétaliens – a débouché sur l’interdiction récente de l’abattage rituel dans plusieurs pays européens.

34 L’abattage rituel avait déjà été interdit dans certains pays d’Europe par le passé. Ainsi, dès 1893, dans le contexte d’une flambée d’antisémitisme liée à des craintes en rapport avec l’immigration, la Suisse avait interdit l’abattage rituel pour la production de viande casher  [21]. La Norvège a interdit cette pratique en 1929. Dans les années 1930 et sous l’occupation nazie, l’interdiction de l’abattage conforme au judaïsme a fait partie de la batterie de mesures antisémites adoptées dans le IIIe Reich et les territoires sous son contrôle ; ces interdictions ont été levées après la Seconde Guerre mondiale.

35 Plus récemment, la Suède (1988), la Slovénie (2012), la Pologne (2013) et le Danemark (2014) ont décidé la fin de la dérogation au principe de l’étourdissement préalable à l’abattage. Pour sa part, la Finlande a imposé l’étourdissement simultané en 2013. En Pologne, l’interdiction de l’abattage rituel décrétée en 2013 a cependant été levée en décembre 2014 : saisie par des organisations juives, la Cour constitutionnelle de Pologne a jugé cette interdiction non conforme à la loi fondamentale, qui affirme la liberté de religion  [22]. Toutefois, à l’été 2018, la question a de nouveau fait l’objet d’un débat politique.

36 Dans les pays qui tolèrent ou autorisent l’abattage sans étourdissement, certains ont encadré strictement la pratique de l’abattage rituel. C’est le cas de la France, où l’inscription du principe de laïcité dans l’ordre constitutionnel n’a pas empêché l’État d’organiser l’abattage religieux de façon précise. Sur proposition du ministre de l’Intérieur, le ministre français de l’Agriculture agrée les organismes religieux qui doivent habiliter les « sacrificateurs » : le Grand Rabbinat de France pour l’abattage casher, d’une part, et la Grande Mosquée de Paris, la Mosquée de Lyon et la Mosquée d’Evry pour l’abattage halal, d’autre part  [23].

3. La situation antérieure à la régionalisation

37 Longtemps, l’abattage rituel n’a concerné qu’une petite minorité de la population européenne : les communautés juives. Dans la seconde moitié du XXe siècle, l’installation de populations musulmanes a augmenté la demande en viande halal, engendrant le développement de tout un secteur économique et multipliant le nombre d’abattages à caractère religieux. Aujourd’hui, il s’agit en effet de répondre aux besoins d’une population musulmane d’environ 50 millions de personnes  [24].

38 En Belgique, la croissance de la population musulmane, le développement de la production de viande halal et la visibilité des abattages lors de l’Aïd el-Kébir ont ouvert le débat autour de l’abattage sans étourdissement.

3.1. L’importance de l’abattage rituel en Belgique

39 Les statistiques relatives aux modes d’abattage ne sont pas systématiquement publiées. En 2011, en réponse à une question parlementaire, la ministre fédérale de l’Agriculture, Sabine Laruelle (MR), a indiqué le nombre des animaux qui avaient été abattus, avec ou sans étourdissement, dans les abattoirs commerciaux permanents au cours de l’année 2010. C’est sur la base de ces renseignements que les pourcentages figurant dans le tableau 1 ont été calculés  [25].

Tableau 1. Nombre et pourcentage d’animaux abattus avec et sans étourdissement dans les abattoirs permanents (Belgique, 2010)

Bœufs et vaches Veaux Ovins
Abattages avec étourdissement460 471(91,8 %)322 425(96,7 %)31 057(21,8 %)
Abattages rituels41 159(8,2 %)11 143(3,3 %)111 099(78,2 %)

Tableau 1. Nombre et pourcentage d’animaux abattus avec et sans étourdissement dans les abattoirs permanents (Belgique, 2010)

40 À la même occasion, la ministre a également fourni le nombre d’abattages réalisés à l’occasion de l’Aïd el-Kébir, le 26 novembre 2010, dans des structures d’abattage temporaires, à savoir 27 658 ovins et 1 caprin, ce qui porte le pourcentage global d’ovins abattus sans étourdissement cette année-là à 138 757 têtes, soit 81,8 % des abattages de moutons en Belgique. Par ailleurs, la réponse à la même question parlementaire a révélé le caractère très marginal des abattages rituels juifs : ceux-ci auraient concerné une centaine d’animaux en 2009 et environ 200 têtes en 2010. Dans un avis du Conseil wallon du bien-être des animaux (organe qui a été institué par un décret wallon du 22 janvier 2015), on lit que, « en Wallonie, en 2014, l’abattage selon les rites religieux concernait quelque 6,35 % des 190 495 abattages de bovins et 35,8 % des 13 282 abattages d’ovins »  [26]. La même année, le pourcentage d’animaux abattus sans étourdissement en Flandre était plus élevé : il s’établissait à 13,9 % des bœufs, 10,5 % des veaux et 96,1 % des moutons  [27].

41 Parmi les critiques adressées à l’abattage rituel, figure l’absence de traçabilité des viandes, qui ne permet pas d’identifier la viande provenant de cet abattage qui se retrouve dans le circuit économique ordinaire. En effet, comme dans les autres pays européens qui autorisent ou encadrent l’abattage rituel, la loi belge n’oblige nullement les carcasses qui en sont le produit à être réservées au marché « religieux » : « destiné à produire une viande pour des minorités religieuses, l’abattage religieux est devenu pratique courante dans les abattoirs de nombreux pays d’Europe sans considération de la destination finale des carcasses », note l’anthropologue française Florence Bergeaud-Blackler  [28].

42 Les communautés religieuses peuvent organiser une traçabilité interne. Au sein de la communauté juive, l’ensemble du processus de la cacherout est contrôlé de la sélection de l’animal à l’assiette. La production de viande halal, en revanche, n’est pas contrôlée aussi étroitement par des autorités religieuses musulmanes : elle est essentiellement organisée par des acteurs à finalité purement économique. Elle s’inscrit également dans le développement d’un marché halal plus vaste, allant de la production de viande au tourisme en passant par les cosmétiques. Selon F. Bergeaud-Blackler, ce marché halal, qui ne repose pas sur une tradition islamique ancienne, est le produit d’une « rencontre improbable entre le fondamentalisme islamique et le néo-libéralisme »  [29]. Précisons toutefois que la plupart des musulmans qui ont soin de manger de la viande halal n’étendent pas la recherche du halal à l’ensemble de leur consommation.

43 L’importance du secteur halal, notamment pour les exportations, a été reconnue par les pouvoirs publics. Fondé en 2011, le Halal Club Brussels a bénéficié du soutien de l’Agence wallonne à l’exportation et aux investissements étrangers (AWEX)  [30]. Ce groupe rassemble des entreprises actives dans le secteur agroalimentaire, mais également dans les secteurs de la pharmacie, des cosmétiques et du textile. Selon son directeur, Marc Deschamps, « en Wallonie, le marché du halal représente un chiffre d’affaires de 300 millions [d’euros], principalement à la grande exportation »  [31]. Le club conseille les entreprises wallonnes dans leurs démarches pour obtenir une certification halal. En Belgique, de nombreux organismes délivrent de telles certifications. Parmi ces organismes, on peut citer la European Islamic Halal Certification, le Halal Food Council of Europe ou encore Eurohalal, qui certifie le caractère halal des spéculoos Lotus ou des chocolats Guylian  [32]. Toutes ces certifications ne sont cependant pas acceptées dans tous les pays musulmans, dont certains ont adopté une législation avec des normes spécifiques.

44 L’agence flamande d’aide à l’exportation, Flanders Investment and Trade (FIT), n’a pas mis en place de structure spécifique pour viser les marchés halal. Les autorités flamandes s’intéressent toutefois à la question, ainsi qu’en témoigne le rapport d’expertise commandé par le ministre-président flamand Kris Peeters (CD&V) en 2013 au département de l’Agriculture et de la Pêche  [33].

45 Depuis quelques années, la mobilisation de la société civile en faveur de l’interdiction de l’abattage rituel grandit. Ainsi, en septembre 2014, lors d’une manifestation organisée par GAIA à Bruxelles, une semaine avant l’Aïd el-Kébir, plusieurs milliers de personnes ont défilé sous des slogans tels que « Mourir sans souffrir est un droit », mais aussi « L’étourdissement c’est halal, c’est casher ». L’année précédente, en 2013, c’est par une campagne-choc en radio que la même association, qui a fait de l’interdiction de l’abattage rituel l’un de ses chevaux de bataille, s’était fait remarquer. On y entendait un mouton déplorer son sort avec des mots qui évoquaient inévitablement la déportation vers les camps d’extermination sous l’occupation nazie : « Ils sont venus nous chercher, ce matin tôt. On dormait encore. Ils se sont mis à nous crier dessus dans cette langue que personne ne comprend en nous poussant dans un camion. (…) Le camion a fini par s’arrêter devant un bâtiment froid et puant, où on est tous entassés maintenant. (…) Moi, je sais bien comment ça va se finir, je ne suis pas naïf. Mais qu’est-ce que je peux faire ? À part attendre qu’il vienne me chercher, lui là, avec son couteau et son tablier de moins en moins blanc… »  [34] La ministre de l’Audiovisuel de la Communauté française, Fadila Laanan (PS), avait alors sollicité l’avis du Centre pour l’égalité des chances et de lutte contre le racisme (CECLR). Celui-ci avait estimé que le spot ne constituait pas une infraction à la loi réprimant le négationnisme et n’était donc pas illégal  [35].

3.2. Les prescriptions légales et réglementaires fédérales : lieu et mode d’abattage

46 En vertu de la sixième réforme de l’État  [36], la compétence du bien-être animal a été transférée aux Régions à partir du 1er juillet 2014 (cf. infra) ; jusqu’alors, elle était du ressort de l’Autorité fédérale. Il est toutefois à noter que l’Autorité fédérale conserve la compétence de contrôle de la sécurité de la chaîne alimentaire, qui est principalement exercée par l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire (AFSCA).

47 Cinq dispositions législatives et réglementaires principales sont à signaler ici : la loi du 14 août 1986, les arrêtés royaux des 11 février et 12 avril 1988, et les arrêtés royaux des 16 janvier et 25 mars 1998. Elles concernent le mode et le lieu d’abattage.

48 Le 18 novembre 1974, une première directive européenne a rendu obligatoire l’étourdissement des animaux, sauf dans le cas des « abattages religieux » (cf. supra). La législation belge a prévu cette obligation dans la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux  [37]. Relativement à l’abattage, celle-ci prescrit : « Un vertébré ne peut être mis à mort que par une personne ayant les connaissances et les capacités requises, et suivant la méthode la moins douloureuse. Sauf cas de force majeure ou de nécessité, il ne peut être mis à mort sans anesthésie ou étourdissement ». Elle précise aussi que « l’abattage ne peut se pratiquer qu’après étourdissement de l’animal ou, en cas de force majeure, suivant la méthode la moins douloureuse ». Cependant, elle prévoit une exception pour les « abattages prescrits par un rite religieux ».

49 L’arrêté royal du 11 février 1988 contraint les abattages prescrits par un rite religieux à être effectués dans un abattoir  [38]. Il interdit donc la pratique de l’abattage rituel domestique. Toutefois, l’abattage peut être réalisé dans un abattoir public ou privé ; en effet, l’arrêté royal du 12 avril 1988 a complété la disposition en prévoyant la possibilité d’abattre dans un abattoir privé  [39]. Par l’arrêté royal du 25 mars 1998, la disposition a été à nouveau complétée pour permettre à cet abattage d’être réalisé « dans des établissements agréés par le ministre qui a l’Agriculture dans ses attributions, après concertation avec le ministre qui a la Santé publique dans ses attributions »  [40].

50 Suite à l’adoption de l’arrêté royal du 11 février 1988, le problème s’est posé de savoir comment procéder lorsqu’une fête concernée par un abattage rituel tombe un dimanche ou un jour férié. Aussi, dès juillet 1988, « considérant que les abattages prescrits par un rite religieux ne peuvent être effectués que dans un abattoir comme le prévoit l’arrêté royal du 11 février 1988 et que, par conséquent, il est nécessaire pour des raisons sanitaires d’accorder sans délai une dérogation à l’interdiction d’effectuer dans les abattoirs des abattages les dimanches et jours fériés, lorsqu’une fête islamique ou israélite a lieu un de ces jours », une dérogation à l’obligation de fermeture dominicale ou fériée a été accordée aux abattoirs pour « les abattages des bovins, ovins et caprins prescrits par un rite religieux » : depuis lors, ces abattages peuvent donc « être effectués un dimanche ou un jour férié dans un abattoir chaque fois qu’une fête islamique ou israélite a lieu à ces jours »  [41].

51 L’arrêté royal du 11 février 1988 prévoit que les abattages prescrits par un rite religieux ne soient pratiqués que par des « sacrificateurs » habilités à cette fin par un organe religieux représentatif :

52

« Un abattage prescrit par un rite religieux est uniquement pratiqué s’il s’agit d’un rite :
1° israélite, par des sacrificateurs habilités par le Consistoire central israélite de Belgique ou par des sacrificateurs habilités officiellement par d’autres États membres de l’Union européenne ;
2° islamique, par des sacrificateurs habilités par l’organe représentatif des musulmans de Belgique ou par des sacrificateurs habilités officiellement par d’autres États membres de l’Union européenne.
L’habilitation doit être constatée dans un document daté et signé, qui doit être montré chaque fois qu’une personne visée à l’article 34, alinéa 1er, de la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux, le demande. Ce document vaut pour une durée de trois ans et est renouvelable. »

53 Actuellement, c’est l’Exécutif des musulmans de Belgique (EMB, organe représentatif du culte musulman en Belgique) qui délivre le certificat d’habilitation pour la pratique des abattages rituels effectués selon le rite islamique. Toutefois, tant du côté de cette institution que du côté du Consistoire central israélite de Belgique (CCIB, organe représentatif du culte israélite en Belgique), il semblerait que ce prescrit réglementaire ne soit plus toujours strictement observé.

54 Pour sa part, l’arrêté royal du 16 janvier 1998 réglemente l’abattage de manière générale, dans un souci de bien-être animal  [42] : « Toute excitation, douleur ou souffrance évitable doit être épargnée aux animaux pendant l’acheminement, l’hébergement, l’immobilisation, l’étourdissement, l’abattage et la mise à mort », dispose-t-il en son article 3. Cette réglementation prévoit que les animaux soient « étourdis avant abattage ou mis à mort instantanément », mais indique que ces dispositions ne sont pas d’application « pour les animaux faisant l’objet de méthodes particulières d’abattage requises par certains rites religieux ». L’arrêté royal du 16 janvier 1998 a depuis lors été abrogé en Flandre et en Région de Bruxelles-Capitale  [43].

3.3. Le débat au Parlement fédéral sur une éventuelle interdiction de l’abattage sans étourdissement (1995-2014)

55 Le débat autour d’une éventuelle interdiction de l’abattage rituel s’est engagé au niveau fédéral bien avant la régionalisation de la compétence du bien-être animal.

56 Une première proposition de loi interdisant les abattages rituels est déposée à la Chambre des représentants par un député du Vlaams Blok, Gerolf Annemans, dès 1995 ; elle vise à lutter contre « la prolifération des abattages islamiques, qui souvent irritent, choquent et incommodent aussi généralement notre population »  [44].

57 Dans les années qui suivent, l’abattage rituel acquiert une visibilité médiatique accrue à l’occasion de la célébration de l’Aïd el-Kébir et des controverses autour de l’abattage de moutons à cette occasion, dans le cadre domestique ou dans celui de structures d’abattage temporaires mises sur pied avec l’approbation des pouvoirs publics (cf. infra). Toutefois, l’apparition des premières controverses à propos de la célébration de l’Aïd el-Kébir (en Belgique comme en France  [45]) est à dater de la fin des années 1980.

58 Une nouvelle proposition de loi visant à interdire l’abattage rituel, déposée par Jean-Marie Dedecker (VLD)  [46] au Sénat en 2004  [47], s’appuie d’ailleurs sur le nombre de moutons abattus à cette occasion, exposant les chiffres fournis par l’AFSCA. En l’occurrence, celle-ci a calculé que, dans le cadre de la fête du 1er février 2004, « 7 265 moutons ont été abattus dans les lieux d’abattage temporaires (dont 800 en Région bruxelloise, 6 062 en Région flamande et 403 en Région wallonne), alors que 6 034 moutons et 169 bœufs ont été tués dans les abattoirs agréés ». La proposition de loi ajoute à ce propos : « Il est probable que quelque 22 000 moutons ont été abattus illégalement – c’est-à-dire en dehors des abattoirs agréés ou des lieux d’abattage temporaires – dont 16 900 en Région bruxelloise et 5 100 en Région wallonne et en Région flamande ». Il est à noter que le sénateur pense manifestement que les musulmans ne pratiquent l’abattage rituel qu’à l’occasion de l’Aïd el-Kébir : « Pour la communauté juive (soit environ 30 000 personnes en Belgique), l’abattage rituel est nécessaire pour la consommation de viande journalière. Le nombre d’animaux mis à mort chaque année par abattage rituel est élevé. (…) Pour la communauté islamique (soit environ 400 000 personnes d’origine musulmane en Belgique), il s’agit d’une période déterminée par an (l’Aïd el-Kébir, la fête du sacrifice), mais le nombre de bêtes à abattre est tellement élevé que les abattoirs existants ne parviennent pas à faire face à la demande »  [48].

59 Outre les arguments relatifs au bien-être animal, les développements de la proposition de loi déposée par J.-M. Dedecker comportent des considérations sur les valeurs occidentales et sur la nécessaire adaptation des populations originaires de l’immigration à celles-ci. Ainsi, on y lit : « Le législateur a le devoir, en tant que gardien de la démocratie, de veiller à ce que les valeurs et les normes fondamentales soient respectées (les autorités seront d’un précieux secours en n’enfreignant pas elles-mêmes ces principes) et à ce que les infractions soient sanctionnées, qu’elles soient le fait d’autochtones blancs ou d’allochtones bruns, noirs, jaunes ou rouges. Il ne saurait bien entendu être question de racisme ou d’un quelconque refus de respecter l’identité culturelle d’un groupe de population. Il s’agit simplement du cadre, des règles du jeu de la société. On peut d’ailleurs faire remarquer au passage que notre société fait généralement preuve de moins de respect pour ses “propres” religions que pour les religions “étrangères”. Les fondamentalistes catholiques ne sont certainement pas les plus fervents admirateurs de la politique éthique menée au cours des trente dernières années ».

60 L’interdiction de l’abattage rituel est un thème volontiers promu par l’extrême droite. Ainsi, trois propositions de loi sont déposées par le Vlaams Belang au Parlement fédéral en 2010  [49]. Toutefois, des propositions de loi visant à interdire l’abattage rituel émanent également de parlementaires appartenant à des formations démocratiques. En janvier 2010, la proposition de la sénatrice Lieve Van Ermen (LDD), similaire à celle de son président de parti, est co-signée par Anne-Marie Lizin (PS) et Louis Ide (N-VA)  [50]. En juillet 2010, Christine Defraigne (MR) dépose une telle proposition au Sénat, tandis que Jan Jambon et Flor Van Noppen (N-VA) font de même à la Chambre  [51].

61 En dépit du caractère douteux de certains arguments de la proposition de loi de J.-M. Dedecker de février 2004, celle-ci est discutée en commission et est soumise à l’avis du Conseil d’État. Celui-ci estime, dans un avis rendu le 16 mai 2006, que « la suppression de la dérogation à l’exigence d’étourdissement préalable en cas d’abattage rituel, si elle poursuit l’objectif légitime de mieux assurer le bien-être des animaux, porte une atteinte disproportionnée à la liberté de religion consacrée par l’article 9 de la Convention [de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales] »  [52].

62 La discussion engagée au Parlement autour de la proposition de loi de J.-M. Dedecker n’aboutit pas à l’adoption d’une loi avant la dissolution des Chambres du 2 mai 2007, qui frappe ce texte de caducité. Toutefois, le débat rebondit au sein du Conseil fédéral du bien-être des animaux (qui comprend des représentants des associations de défense des animaux, des représentants des commerçants, éleveurs, chasseurs et agriculteurs, des consommateurs et des vétérinaires)  [53]. En effet, cet organe crée plusieurs groupes de travail afin d’étudier la problématique des abattages rituels. Les réunions se tiennent à partir de mars 2008 ; elles rassemblent des scientifiques, des experts et des représentants des associations de défense des animaux, ainsi que des représentants de la communauté juive et de la communauté musulmane. Aucun consensus ne peut être dégagé.

63 À partir du 1er juillet 2014, la compétence du bien-être animal cesse d’être du ressort de l’Autorité fédérale pour devenir une matière régionale. C’est donc désormais dans les instances des trois Régions que se poursuivent les discussions relatives à une éventuelle interdiction de l’abattage rituel par voie légale (cf. infra).

64 Toutefois, le débat n’a pas entièrement quitté le Parlement fédéral. En effet, en décembre 2016, un colloque a été organisé au Sénat à l’occasion du trentième anniversaire de la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être animal, auquel a notamment assisté le prince Laurent. L’abattage rituel y a été vivement condamné, notamment par le président de GAIA, Michel Vandenbosch. La volonté d’interdire l’abattage sans étourdissement a été soutenue par tous les parlementaires participant au débat, à savoir Philippe Dodrimont (MR, député wallon et de la Communauté française), Véronique Jamoulle (PS, députée bruxelloise et sénatrice), Sabine de Bethune (CD&V, députée flamande et sénatrice) et Els Robeyns (SP.A, députée flamande). Introduisant les débats, la présidente de l’assemblée, Christine Defraigne (MR), a pour sa part souligné que le journaliste franco-américain Franz-Olivier Giesbert, auteur du livre L’animal est une personne et sous la présidence d’honneur de qui étaient placés les débats, n’hésite pas, « en évoquant nos abattoirs à parler de “Treblinka pour les animaux” »  [54].

4. Les attitudes des pouvoirs publics à propos des lieux d’abattage

65 En dépit de la législation prescrivant d’organiser la mise à mort dans un abattoir public et non dans un cadre privé (cf. supra), l’abattage de moutons dans le cadre domestique, à l’occasion de l’Aïd el-Kébir, est longtemps resté répandu. En effet, les abattoirs publics n’étaient pas à même de rencontrer la demande. L’Aïd el-Kébir occasionnait des désordres dans les quartiers où vivaient de nombreux citoyens musulmans. C’est surtout la présence des déchets, peaux et organes des animaux abattus à domicile qui engendrait des désagréments pour la population et pour les services de la propreté publique. Aussi des communes ont-elles commencé à installer des conteneurs destinés à recevoir ces déchets.

66 À cette époque, l’abattage rituel commence à recevoir une visibilité médiatique et l’extrême droite s’empare du dossier : en Région de Bruxelles-Capitale, deux parlementaires du Vlaams Belang, Valérie Seyns et Dominiek Lootens-Stael, déposent ainsi, en mars 2005, une proposition de résolution condamnant « l’installation de conteneurs à déchets qui encouragent l’abattage illégal au cours de la fête du sacrifice »  [55]. Lors de son examen en commission, le texte est rejeté par l’ensemble des députés issus des autres formations politiques  [56].

67 Dans un second temps, afin de permettre la célébration de l’Aïd el-Kébir dans le respect du prescrit réglementaire, des communes prennent l’initiative d’installer des structures d’abattage temporaires. Pour la fête du 15 octobre 2013, ce sont ainsi 73 abattoirs temporaires (12 en Wallonie, 4 à Bruxelles et 57 en Flandre) qui sont agréés par l’AFSCA  [57]. L’association GAIA, qui est opposée de longue date à l’abattage sans étourdissement, saisit la justice contre l’AFSCA, estimant que celle-ci octroie des agréments illégaux aux sites d’abattage temporaires mis sur pied à l’occasion de l’Aïd el-Kébir. Fin août 2017, le tribunal correctionnel de Bruxelles déboutera finalement GAIA  [58].

68 En prévision de l’Aïd el-Kébir du 24 septembre 2015, s’appuyant sur le règlement européen du 24 septembre 2009 entré en vigueur au début de l’année 2013 (cf. supra), le ministre flamand en charge du Bien-être des animaux, Ben Weyts (N-VA), met fin à la délivrance d’agréments à des sites d’abattage temporaires pratiquant l’abattage rituel sans étourdissement ; il informe les bourgmestres des communes flamandes de sa décision par une circulaire, le 4 juin 2015. Un recours est intenté par plusieurs organisations musulmanes (dont le Conseil de coordination des institutions islamiques de Belgique - CIB) contre cette circulaire, mais il est rejeté le 16 septembre 2015 par le juge des référés du tribunal de première instance néerlandophone de Bruxelles (en se basant sur le règlement européen du 24 septembre 2009)  [59]. Le tribunal saisit ensuite la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), afin de savoir si l’interdiction de l’abattage sans étourdissement dans des abattoirs temporaires est conforme au droit européen. Dans un arrêt rendu le 29 mai 2018, la CJUE confirme que le fait de réserver l’organisation des abattages rituels sans étourdissement à des abattoirs permanents « n’enfreint pas la liberté de religion étant donné [que cette obligation] vise uniquement à organiser et encadrer le libre exercice de l’abattage rituel, en tenant compte des règles essentielles concernant la protection du bien-être des animaux et de la santé des consommateurs de viande animale »  [60].

69 Le ministre wallon en charge du Bien-être animal, Carlo Di Antonio (CDH), rejoint son homologue flamand dans sa décision de ne plus délivrer d’agréments pour les structures d’abattage temporaires. L’abattage rituel doit désormais se dérouler impérativement dans des abattoirs fixes en Wallonie. Or, la capacité de ces abattoirs est très insuffisante pour rencontrer le volume d’abattage désiré par les communautés musulmanes lors de l’Aïd el-Kébir.

70 Contrastant avec la décision de la Flandre et de la Wallonie, la Région de Bruxelles-Capitale décide de maintenir l’organisation d’abattoirs temporaires. La secrétaire d’État bruxelloise en charge du Bien-être animal, Bianca De Baets (CD&V), opte pour une formation obligatoire des abatteurs confessionnels. Consulté sur son projet d’arrêté, le Conseil d’État estime toutefois, dans un avis rendu le 11 juin 2015, que l’abattage sans étourdissement dans les établissements temporaires n’est pas conforme à la législation européenne, qui impose de réserver les abattages sans étourdissement aux structures fixes  [61]. Le projet d’arrêté est retiré ; néanmoins, la Région de Bruxelles-Capitale agrée en 2015 trois sites d’abattage temporaires sur le territoire des communes d’Anderlecht, de Molenbeek-Saint-Jean et de Schaerbeek. Toutefois, un appel à boycotter le sacrifice, soutenu par de nombreuses mosquées et associations musulmanes et relayé sur les réseaux sociaux, est largement suivi : seules 200 inscriptions environ sont enregistrées auprès des abattoirs temporaires de la Région bruxelloise, prévus pour en accueillir jusqu’à 1 600. Le boycott entend protester contre la suppression des abattoirs temporaires en Wallonie et en Flandre, et s’opposer à ce qui est perçu comme une volonté de généraliser l’abattage avec étourdissement. Les protestations prennent également la forme d’un rassemblement de plusieurs centaines de personnes, le 19 septembre 2015, place de l’Albertine à Bruxelles, pour l’action « Touche pas à mon mouton »  [62].

71 Lors de l’Aïd el-Kébir du 12 septembre 2016, les abattoirs temporaires restent interdits en Flandre et en Wallonie, alors que le gouvernement bruxellois décide l’organisation d’un grand abattoir temporaire régional, confié à une société privée désignée au terme d’un marché public  [63]. L’implication des pouvoirs publics dans cette organisation est toutefois forte, et chaque personne intéressée doit réserver son mouton au guichet d’une administration communale participante. L’initiative, qui ne recueille qu’un faible intérêt parmi les musulmans bruxellois (seules 655 personnes s’inscrivent), tourne au fiasco. Bien que prévu pour un nombre de moutons bien plus élevé, l’abattoir temporaire ne parvient pas à délivrer la prestation attendue : de nombreux citoyens ne reçoivent pas leur mouton. Le ministre-président de la Région de Bruxelles-Capitale, Rudi Vervoort (PS), présente ses excuses pour ce que le bourgmestre de Schaerbeek, Bernard Clerfayt (Défi), qualifie « d’échec cuisant » ; il annonce l’indemnisation des citoyens lésés  [64]. De son côté, GAIA dénonce l’abattoir agréé par la Région de Bruxelles-Capitale et introduit une plainte auprès du centre interfédéral UNIA (service public indépendant de lutte contre la discrimination et de promotion de l’égalité des chances) pour discrimination, argumentant qu’un non-musulman, un non-juif ou un non-croyant pourrait être poursuivi s’il pratiquait un abattage sans étourdissement. Cette argumentation est réfutée par UNIA, qui rappelle que la réglementation européenne prévoit précisément une exception pour « les abattages prescrits par un rite religieux »  [65].

72 Suite à cette expérience, en 2017, la Région de Bruxelles-Capitale décide de ne plus organiser de site d’abattage temporaire. Si certaines communes tentent de prendre le relais, la difficulté posée par les normes techniques à respecter les dissuade de mener à bien le projet. Un temps annoncé, un partenariat avec les abattoirs d’Anderlecht tourne court. Fin 2017, le bourgmestre de la commune bruxelloise de Saint-Josse-ten-Noode, Emir Kir (PS), annonce son intention de créer un site d’abattage rituel agréé et fixe sur sa commune  [66]. Des observateurs notent toutefois que la petite commune n’offre guère de terrain propice à l’installation d’un abattoir qui engendrerait certainement des nuisances importantes et susciterait donc l’opposition des riverains.

73 En 2018, aucun abattoir temporaire n’est mis sur pied en Région bruxelloise. La fête tombe le 21 août, soit pendant les vacances ; de nombreuses familles musulmanes peuvent donc la célébrer à l’étranger.

74 L’interdiction de l’abattage sans étourdissement en Flandre et en Wallonie ne signifie pas automatiquement la fin des abattoirs temporaires dans ces deux Régions. En 2018, trois abattoirs temporaires sont encore établis en Région flamande, à Genk, à Werchter et à Wolvertem  [67]. À l’occasion de l’Aïd el-Kébir, des animaux préalablement étourdis peuvent y être abattus, l’étourdissement étant accepté par certains musulmans (cf. supra). La même année, une association musulmane, l’asbl Islamitisch Offerfeest Antwerpen, lance une collecte de fonds à l’occasion de l’Aïd el-Kébir, afin de financer la construction d’un abattoir permanent au service de la communauté musulmane. Cette asbl avait déjà rouvert un abattoir abandonné à Anvers en 2016, à l’occasion de l’Aïd el-Kébir, après avoir obtenu une licence d’abattage d’une année : cette démarche avait eu pour but de contourner l’interdiction d’abattage sans étourdissement dans les abattoirs temporaires. Cette initiative avait suscité l’indignation de l’échevin anversois des Affaires sociales, Fons Duchateau (N-VA), et du ministre flamand du Bien-être animal, B. Weyts  [68]. L’association compte sur un futur arrêt de la Cour constitutionnelle pour le rétablissement de l’abattage sans étourdissement en Flandre (cf. infra)  [69].

5. Les prescriptions régionales en matière de mode d’abattage

75 La question de l’interdiction de l’abattage sans étourdissement est à l’agenda politique des Régions depuis la régionalisation de la compétence du bien-être animal, effective au 1er juillet 2014.

5.1. La Région wallonne : l’interdiction de l’abattage sans étourdissement (décret du 18 mai 2017)

76 En Wallonie, le débat autour de l’abattage sans étourdissement s’est conclu par l’adoption du décret du 18 mai 2017, modifiant la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux sur le territoire wallon  [70].

77 Adopté par le Parlement wallon le 17 mai 2017, ce texte édicte qu’un vertébré ne peut être mis à mort que « suivant la méthode la plus sélective, la plus rapide et la moins douloureuse pour l’animal ». Ainsi, un vertébré ne peut être mis à mort qu’« après anesthésie ou étourdissement », sauf dans certaines exceptions : les cas de force majeure, la pratique de la chasse ou de la pêche, et la lutte contre les organismes nuisibles. Le texte précise que, « lorsque la mise à mort d’animaux fait l’objet de méthodes particulières d’abattage prescrites par des rites religieux, le procédé d’étourdissement doit être réversible et ne peut entraîner la mort de l’animal ».

78 Ce décret est entré en vigueur dès sa publication au Moniteur belge, le 1er juin 2017 ; toutefois, en ce qui concerne les abattages prescrits par un rite religieux, un délai supplémentaire est prévu jusqu’au 31 août 2019.

5.1.1. Carlo Di Antonio, ministre wallon du Bien-être animal

79 Dans le gouvernement wallon Magnette (PS/CDH) installé le 22 juillet 2014, le portefeuille du Bien-être animal est confié à Carlo Di Antonio (CDH), également ministre de l’Environnement, de l’Aménagement du territoire, de la Mobilité et des Transports, et des Aéroports  [71]. Dans l’exécutif en place lors de la législature régionale précédente (gouvernement wallon Demotte II, PS/Écolo/CDH), il avait déjà été ministre des Travaux publics, de l’Agriculture, de la Ruralité, de la Nature, de la Forêt et du Patrimoine à partir du 15 décembre 2011, date à laquelle il avait succédé à ce poste à Benoît Lutgen, devenu président du CDH. Après le changement de majorité wallonne survenu le 28 juillet 2017, C. Di Antonio conserve sa fonction ministérielle au sein du gouvernement Borsus (MR/CDH), cette fois comme ministre de l’Environnement, de la Transition écologique, de l’Aménagement du territoire, des Travaux publics, de la Mobilité, des Transports, du Bien-être animal et des Zonings.

80 Dès son installation, C. Di Antonio entend faire de la protection des animaux l’un des axes prioritaires de son action. Cela se traduit de diverses manières. Tout d’abord, le Service public de Wallonie (SPW) crée un portail Internet relatif au bien-être animal (http://bienetreanimal.wallonie.be). Ensuite, diverses mesures législatives ou réglementaires sont adoptées, dont l’interdiction de l’élevage des animaux à fourrure  [72] et l’obligation de stériliser les chats domestiques à partir du 1er novembre 2017  [73]. Autre élément parmi d’autres : en décembre 2017, le ministre et la Fédération belge de la viande (FEBEV)  [74] signent une charte visant à améliorer le bien-être animal dans les abattoirs de Wallonie ; cette charte s’applique aux dix abattoirs affiliés à la FEBEV (sur les 21 que comptait la Région wallonne en 2016), qui représentent 93,2 % des abattages réalisés en Wallonie  [75]. Enfin, l’ensemble des mesures destinées à garantir le bien-être des animaux sont compilées dans le Code wallon du bien-être animal, dont le gouvernement wallon approuve le projet le 19 juillet 2018 et qui est adopté par le Parlement wallon le 3 octobre 2018  [76]. Ce texte reconnaît l’animal comme un être sensible. Il comprend des dispositions relatives à la détention des animaux, aux pratiques interdites et aux interventions autorisées sur les animaux, au commerce des animaux, au transport et à l’introduction d’animaux sur le territoire wallon, à la mise à mort d’animaux et aux expériences sur les animaux, ainsi qu’à la répression des infractions en matière de bien-être animal. Notamment, le code prévoit l’obligation d’anesthésie ou d’étourdissement avant la mise à mort.

5.1.2. L’avis du Conseil wallon du bien-être des animaux du 31 mai 2016

81 L’interdiction de l’abattage sans étourdissement ne figure pas en tant que telle dans la déclaration de politique régionale (DPR) du gouvernement Magnette de juillet 2014. Toutefois, elle est rapidement inscrite au programme du gouvernement wallon dans le cadre de la prise en main de la compétence du bien-être animal.

82 Par un décret du 22 janvier 2015, la Wallonie instaure le Conseil wallon du bien-être des animaux (CWBEA), qui succède, sur le territoire de la Région, à l’ancien Conseil fédéral du bien-être des animaux désormais dissous ; il en reprend les prérogatives prévues par la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux  [77]. Le CWBEA se compose de 16 membres effectifs : deux représentants des associations de protection animale, deux représentants des refuges pour animaux, deux représentants des associations agricoles wallonnes, deux représentants du secteur du commerce et de l’élevage des animaux de compagnie, un représentant des médecins vétérinaires et un représentant d’une organisation professionnelle vétérinaire, un représentant de la société civile (proposé par une association à caractère non gouvernemental et à but non lucratif, active dans le domaine de l’environnement, de la famille ou des consommateurs), un représentant de l’Union des villes et communes de Wallonie (UVCW) et quatre experts scientifiques reconnus pour leurs travaux en matière de bien-être animal. Des suppléants aux membres sont désignés, à l’exception des experts scientifiques. Par ailleurs, des représentants de l’administration wallonne et du ministre assistent aux travaux du CWBEA en tant qu’observateurs  [78].

83 Le CWBEA est rapidement saisi de la question de l’étourdissement des animaux avant leur abattage. Il organise une rencontre avec les représentants des communautés musulmane et juive le 15 mars 2016.

84 Le 31 mai 2016, le CWBEA rend son avis en matière d’abattage sans étourdissement. Il y « confirme que l’abattage sans étourdissement est inacceptable et engendre une souffrance évitable pour l’animal », et « conseille au ministre d’imposer l’étourdissement préalable, éventuellement réversible, pour tout abattage en Wallonie »  [79]. L’avis mentionne toutefois l’existence d’un avis minoritaire de la Fédération unie de groupements d’éleveurs et d’agriculteurs (FUGEA), selon lequel l’abattage sans étourdissement devrait continuer à pouvoir être pratiqué en Wallonie dans des abattoirs agréés, étant donné que l’arrêt de l’abattage sans étourdissement en Wallonie engendrerait des importations massives de viandes issues d’animaux abattus sans étourdissement et développerait l’abattage clandestin.

5.1.3. Le processus parlementaire : initiatives, débats, avis du Conseil d’État et auditions

85 Sans attendre l’initiative du gouvernement Magnette, deux propositions de décret visant à interdire l’abattage sans étourdissement sont déposées au Parlement wallon : l’une dès janvier 2015 par Christine Defraigne (MR) et l’autre en octobre 2016 par Josy Arens (CDH)  [80].

86 Le débat sur ces deux propositions s’engage en commission de l’Environnement, de l’Aménagement du territoire et des Transports le 16 janvier 2017  [81]. Dès l’entame des discussions, C. Defraigne souligne que le problème des abattages sans étourdissement dépasse celui de la production de viande halal ou casher destinée aux consommateurs musulmans et juifs en Belgique, « en raison, depuis ces dernières années, du développement du marché halal à l’export et d’incitations publiques de soutien à ce marché, notamment l’Agence wallonne à l’exportation [et aux investissements étrangers (AWEX)] ». Elle indique : « Le problème est que, alors que cela avait été autorisé à titre d’exception à des fins de pratiques rituelles, l’abattage des animaux sans étourdissement a maintenant dépassé largement le cadre de la consommation purement religieuse ». La députée dénonce également le fait que cette viande parvienne dans le circuit classique de commercialisation avec une absence de traçabilité du mode d’abattage.

87 Le ministre C. Di Antonio indique soutenir la proposition de décret, tout en soulignant que l’interdiction de l’abattage sans étourdissement figure déjà dans son projet de Code wallon du bien-être animal, et que dans ce cadre, des concertations avec les différents acteurs concernés sont prévues, ainsi que la consultation, obligatoire, du Conseil d’État. Ce processus est susceptible, selon le ministre, de conférer une plus grande sécurité juridique au texte décrétal.

88 Les deux propositions de décret, anticipant le projet du ministre, sont soumises à l’avis du Conseil d’État. Celui-ci rend son avis le 20 février 2017. Il y rappelle son avis du 21 juin 2006 sur une proposition de loi dont l’objectif était similaire (cf. supra), ainsi que les avis qu’il a déjà rendus, le 29 juin 2016, sur des propositions de décret de la Région flamande ayant trait au même objet (cf. infra). La section législation du Conseil d’État insiste « tout particulièrement (…) sur le fait qu’il n’appartient en principe pas aux autorités publiques de se prononcer sur la légitimité des croyances religieuses ou sur les modalités d’expression de celles-ci » et répète que le fait de supprimer la dérogation à l’exigence d’étourdissement préalable en cas d’abattage rituel constituerait une restriction à la liberté de religion disproportionnée et donc incompatible avec l’article 9 de la CEDH, qui protège la liberté de culte en ce compris dans ses pratiques et ses rites  [82].

89 C. Defraigne et J. Arens décident alors de travailler conjointement à l’amélioration de la proposition déposée par la première. Leurs amendements, introduits le 20 mars 2017, visent tout d’abord l’intitulé du texte : il s’agit d’en supprimer la référence à « l’abattage rituel », afin qu’il soit clair que c’est bien l’abattage sans étourdissement dans son ensemble qui est concerné par le texte  [83]. Ensuite, pour répondre à l’avis critique du Conseil d’État à propos du respect de la liberté religieuse, les auteurs proposent d’inscrire une référence à l’article 26 du règlement européen du 24 septembre 2009  [84], afin qu’il soit évident que leur texte respecte « la possibilité, le cas échéant, d’importer de la viande abattue suivant ces rites religieux provenant d’autres pays, puisque le règlement européen fait référence au grand marché, à la libre circulation »  [85]. Enfin, les deux auteurs suggèrent un report de la date d’entrée en vigueur du texte, du 1er janvier 2018 au 1er janvier 2019  [86]. C. Defraigne indique par ailleurs que J. Arens et elle estiment que leur texte, « qui prévoit [l’]étourdissement préalable, respecte tout à fait le prescrit religieux parce que l’étourdissement a un côté réversible. L’étourdissement ne provoque pas la mise à mort. L’étourdissement est là pour éviter des souffrances inutiles »  [87].

90 La discussion qui se tient en commission le même jour révèle un consensus général en faveur de la proposition de décret et des amendements conjointement déposés par C. Defraigne et J. Arens  [88]. Ces derniers s’étonnent d’ailleurs que le vote n’ait pas été inscrit à l’ordre du jour de la commission par le bureau. Pour sa part, le ministre C. Di Antonio exprime quelques réserves quant à la capacité du texte à soutenir un éventuel recours auprès de la Cour Constitutionnelle. Quant à lui, le député Edmund Stoffels (PS), s’inquiète de l’absence de consultation des communautés juive et musulmane. Au terme de la discussion du 20 mars 2017, la commission de l’Environnement, de l’Aménagement du territoire et des Transports décide de procéder à deux auditions : l’une d’un représentant de la FEBEV et l’autre d’un représentant du CWBEA. Elle décide également de solliciter l’avis écrit de cinq organismes : GAIA, l’Exécutif des musulmans de Belgique (EMB), le Consistoire central israélite de Belgique (CCIB), l’Union professionnelle des vétérinaires (UPV) et Nature & Progrès. Toutefois, devant les protestations du président du CCIB, la commission décide de convier également à s’exprimer devant elle un représentant de cet organe, ainsi qu’un de l’EMB.

91 Les auditions ont lieu les 18 et 20 avril 2017  [89]. Tant le représentant de l’EMB que le président du CCIB insistent sur le respect porté à l’animal dans le cadre de chacune de leurs traditions religieuses.

92 Jamal Zahri, attaché à l’EMB, rappelle tout d’abord « la place que réserve l’islam à l’animal et les considérations dans [cette] religion par rapport au bien-être animal (…). Les sacrificateurs musulmans, qui sont des professionnels du métier (…), ont l’expérience et l’habilité qu’il faut pour mettre fin à la vie de l’animal ». Concernant l’étourdissement, il indique : « Les musulmans ne peuvent consommer une viande d’un animal mort. Par conséquent, l’étourdissement ante-mortem est quelque chose qui n’est pas acceptable ». Et cela, d’autant que la vidange sanguine constitue un autre « élément très important pour les musulmans », or elle est selon lui moins efficace en cas d’étourdissement préalable. Toutefois, ajoute-t-il, l’EMB est « prêt à étudier toutes les pistes pouvant mener à une amélioration du bien-être animal ou diminuant autant que possible la souffrance animale ». La position de J. Zahri reflète le contenu de la lettre que le président de l’EMB, Salah Echallaoui, a envoyée aux membres de la commission quelques jours plus tôt  [90] et dans laquelle il cite un avis rendu par le conseil des théologiens attaché à l’EMB, qui insiste sur le respect des animaux, de l’élevage à l’abattage en passant par le transport, mais qui est défavorable à l’étourdissement. L’EMB propose d’améliorer le bien-être des animaux en ne délivrant des autorisations qu’aux seuls abatteurs professionnels, dûment formés, et en les soumettant à un contrôle accru  [91].

93 Philippe Markiewicz, président du CCIB, déclare : « L’abattage selon le rite est un élément essentiel pour la religion juive. Ce n’est pas un sacrifice, ce n’est pas un acte barbare. Les abatteurs, à savoir moins de dix pour tout le pays, ne sont pas des bourreaux. Ce sont des hommes instruits pendant des années, notamment au niveau de la compétence technique afin d’éviter la souffrance animale (…). Le bien-être animal est une préoccupation juive plurimillénaire. Nous n’avons pas attendu GAIA pour nous en préoccuper (…). [D’ailleurs,] l’abattage à la chaîne ne concerne en rien la communauté juive. Nous sommes les seuls à abattre les animaux avec une attention individuelle toute particulière ». Il ajoute : « Les personnes pratiquantes de la communauté juive doivent pouvoir manger casher tous les jours, c’est un droit » ; or, indique-t-il, « l’étourdissement ne respecte pas les prescrits religieux juifs »  [92]. Par ailleurs, il cite des études scientifiques montrant que « les bénéfices escomptés d’un étourdissement préalable à l’abattage rituel en termes de souffrance sont virtuellement nuls et (…) celui-ci comporte davantage de risques d’accroître la souffrance », et même que « l’abattage selon le rite religieux juif (…), s’il est pratiqué correctement, est aussi bon et, parfois, meilleur que les abattages où il y a étourdissement »  [93]. Ses déclarations invitant les parlementaires wallons à ne pas poser le même acte d’interdiction de l’abattage selon le rite juif que l’occupant nazi en octobre 1940 suscitent une vive réprobation dans l’enceinte parlementaire, dont la presse se fait l’écho  [94].

94 La commission entend aussi Michael Gore, administrateur délégué de la FEBEV, et Marc Vandenheede, vice-président du CWBEA (et professeur à l’ULiège). Elle reçoit également des contributions écrites de GAIA, l’UPV et de Nature & Progrès. Seule cette dernière association estime que l’interdiction ne constituait pas une bonne solution, étant donné qu’elle conduirait les communautés musulmane et juive à se fournir à l’étranger, pénalisant ainsi les producteurs locaux  [95].

5.1.4. L’adoption du décret

95 Le 19 avril 2017, une nouvelle proposition de décret est déposée par Josy Arens (CDH), Christine Defraigne (MR), Edmund Stoffels (PS) et Véronique Waroux (CDH)  [96]. Ce nouveau texte a pour objectif d’« interdire l’abattage sans étourdissement tout en proposant une alternative proportionnée aux communautés religieuses concernées ». Les auteurs de la proposition précisent cette alternative : « Lorsque la mise à mort fait l’objet de méthodes particulières prescrites par un rite religieux, le procédé d’étourdissement doit être réversible et ne peut donc entraîner la mort de l’animal ». Selon eux, le procédé par électronarcose répond à cette condition. Dans d’autres pays, il est déjà utilisé sur les ovins et les caprins. La méthode n’étant cependant pas encore au point pour les bovins, les quatre députés proposent une période transitoire jusqu’au 31 décembre 2020, durant laquelle les bovins devront être étourdis sans délai après l’égorgement (ce délai sera ensuite ramené au 1er septembre 2019, notamment pour éviter une discrimination entre éleveurs de différentes espèces)  [97].

96 Les auteurs de la proposition de décret indiquent que celle-ci n’a pas pour objectif de mettre en cause l’abattage rituel, mais bien l’absence d’étourdissement préalable à cet abattage (ce qui revient in fine à redéfinir ce qui constitue un abattage rituel). Ils précisent qu’ils « respectent les croyances et usages des communautés religieuses concernées mais estiment que ceux-ci doivent s’appliquer sans entraîner de souffrances supplémentaires pour les animaux abattus ». Par ailleurs, ils réitèrent leur constat à propos de « l’absence d’une interdiction d’étourdir un animal dans les textes religieux. Aucun texte n’indique que l’absence d’étourdissement est un élément essentiel de la pratique de leur religion. Une telle pratique relève dès lors de l’interprétation »  [98].

97 Le débat sur cette nouvelle proposition de décret a lieu en commission de l’Environnement, de l’Aménagement du territoire, de la Mobilité et des Transports et du Bien-être animal le 5 mai 2017 ; le ministre prend part aux discussions  [99]. La proposition de décret est adoptée  [100].

98 Lors de la discussion générale en séance plénière, le 17 mai 2017  [101], les représentants de tous les groupes politiques se déclarent en faveur du texte, à l’exception du groupe PTB-GO!, qui indique que ses deux députés s’abstiendront, considérant que « le Parlement met, largement, la charrue avant les bœufs » compte tenu de l’opposition des communautés religieuses et des réticences du Conseil d’État, et rappelant que les souffrances animales devaient être combattues dans l’ensemble du parcours d’élevage. La proposition de décret est adoptée par le Parlement wallon à l’unanimité des 69 membres présents, moins 3 abstentions : celles de Frédéric Gillot et Rudy Warnier (PTB-GO!) et celle d’Hélène Ryckmans (Écolo). Cette dernière justifie son choix par « la nécessité de prendre l’ensemble du bien-être animal dans sa globalité », or elle estime que le gouvernement wallon n’a pas indiqué de manière claire ce qu’il compte faire « en matière de bien-être animal sur l’ensemble de la vie de l’animal ».

99 Le même jour, dans une carte blanche parue dans la presse et intitulée « Réformer nos abattoirs pour ne plus en avoir honte », J. Arens reconnaît la nécessité de réformer les conditions de l’élevage industriel  [102]. Soulignant que « l’esprit du rite religieux est plus défendable que le point de vue industriel qui transforme l’animal en objet », le député défend l’obligation d’étourdissement préalable, indispensable selon lui pour limiter la souffrance des animaux : « La liberté de culte est indispensable et je me battrai par ailleurs pour la faire respecter. Mais la souffrance, animale et humaine, est, à mes yeux, prioritaire ».

100 Lors de l’adoption du Code wallon du bien-être animal, le contenu du décret du 18 mai 2017 est repris dans le chapitre 7, relatif à la mise à mort d’animaux.

5.2. La Région flamande : l’interdiction de l’abattage sans étourdissement (décret du 7 juillet 2017)

101 La question de l’abattage sans étourdissement est envisagée favorablement en Flandre depuis une décennie. C’est surtout du nord du pays que sont venues les premières propositions d’interdiction au niveau fédéral (cf. supra) et c’est là que les associations de protection des animaux telles que GAIA recrutent l’essentiel de leurs membres.

102 En 2016, le président de la N-VA, Bart De Wever, a déclaré : « Mon parti n’entrera pas dans une nouvelle majorité gouvernementale [en 2019] si une interdiction de l’abattage sans étourdissement n’est pas votée ». Il n’aura pas été nécessaire d’attendre les négociations à l’entame de la nouvelle législature, puisque le Parlement flamand a décrété à son tour l’interdiction de l’abattage rituel un mois après le Parlement wallon, le 28 juin 2017  [103].

103 La législation flamande prévoit désormais qu’« un vertébré ne peut être mis à mort qu’après étourdissement préalable. Il ne peut être mis à mort que (…) suivant la méthode la moins douloureuse, la plus rapide et la plus sélective ». Elle précise que, « si les animaux sont abattus selon des méthodes spéciales requises pour des rites religieux, l’étourdissement est réversible et la mort de l’animal n’est pas provoquée par l’étourdissement ». Tout comme son homologue wallon, le décret flamand maintient une exception à l’obligation d’étourdissement en cas de force majeure, pour la chasse ou la pêche et dans le cadre de la lutte contre des organismes nuisibles. L’ensemble du décret entrera en vigueur le 1er janvier 2019.

5.2.1. Le processus parlementaire : initiatives, débats, avis du Conseil d’État et auditions

104 Après la régionalisation de cette compétence, le Bien-être animal est confié à Ben Weyts (N-VA), également ministre de la Mobilité, des Travaux publics, de la Périphérie flamande de Bruxelles et du Tourisme dans le gouvernement flamand Bourgeois (N-VA/CD&V/ Open VLD). Celui-ci entend agir en matière d’abattage rituel.

105 Au Parlement flamand, B. Weyts est toutefois pris de vitesse par l’introduction de deux propositions de décret, l’une déposée en octobre 2014 par Hermes Sanctorum-Vandevoorde (Groen)  [104] et l’autre en mai 2015 par six députés du Vlaams Belang : Chris Janssens, Tom Van Grieken, Guy D’haeseleer, Stefaan Sintobin, Anke Van dermeersch et Barbara Bonte  [105]. Les auteurs de cette seconde proposition s’inquiètent particulièrement de voir de la viande abattue rituellement se retrouver dans le circuit commercial général. Toutefois, c’est bien une interdiction totale de l’abattage rituel qu’ils proposent, par la suppression de l’exception à l’étourdissement préalable en faveur de l’abattage pour rite religieux dans la législation existante. Ils précisent qu’une telle interdiction est, d’après eux, compatible avec la liberté de religion : « Selon la CEDH, une restriction peut être introduite par la loi lorsqu’elle est nécessaire pour protéger des bonnes valeurs. Les initiateurs estiment que l’opinion morale générale selon laquelle les animaux n’ont pas besoin d’être soumis à d’inutiles souffrances fait partie des bonnes valeurs en Flandre. Les initiateurs sont également d’avis que cette interdiction est proportionnée. La liberté de religion n’est pas plus restreinte que nécessaire »  [106]. Pour sa part, la proposition de décret d’Hermes Sanctorum-Vandevoorde a pour préoccupation centrale le bien-être animal en général, aussi prévoit-elle, outre l’interdiction de l’abattage sans étourdissement, l’établissement d’un rapport bisannuel sur les conditions d’abattage en Flandre.

106 Les deux propositions de décret sont examinées conjointement en commission de l’Environnement, de la Nature, de l’Aménagement du territoire, de l’Énergie et du Bien-être animal. Le 16 mars 2016, des représentants de divers organismes sont auditionnés : Sabine Vancauwenberge de l’association des villes et communes flamandes (Vereniging van Vlaamse Steden en Gemeenten, VVSG), Michael Gore de la FEBEV, Luk Van Esbroeck de l’entreprise d’abattage Euro Meat Group (établie à Mouscron), Dirk Lips du conseil flamand du bien-être animal (Vlaamse Raad voor Dierenwelzijn), Omar Van den Broeck de l’EMB, Pinchas Kornfeld du CCIB et Michel Vandenbosch de GAIA.

107 Sollicitée sur la question, la section de législation du Conseil d’État remet son avis du 29 juin 2016  [107]. Elle y met en garde contre la création d’une difficulté insurmontable pour les croyants de continuer à se procurer et à consommer de la viande conforme aux prescriptions alimentaires de leur religion : « Les mesures proposées créent pour un certain nombre de fidèles une difficulté disproportionnée à se procurer et consommer une viande jugée par eux conforme aux prescriptions religieuses ». Par ailleurs, elle suggère de poursuivre le dialogue avec les communautés religieuses concernées.

108 Suite à cet avis (et à la recommandation qu’il contient), la commission rejette les deux propositions de décret le 26 octobre 2016  [108], tandis que le ministre B. Weyts désigne un médiateur afin d’arriver à un compromis avec les communautés religieuses concernées : le vétérinaire Piet Vanthemsche, ancien président du Boerenbond et professeur à l’université de Gand. Celui-ci présente son rapport le 29 mars 2017  [109]. Il y préconise d’adopter la pratique de l’étourdissement non mortel réversible pour les espèces animales pour lesquelles la méthode est au point ; selon lui, il s’agit d’une « mesure proportionnée qui respecte l’esprit de l’abattage rituel dans le cadre de la liberté de religion, tout en tenant compte au maximum du bien-être des animaux concernés ». Pour les espèces pour lesquelles il n’existe pas encore de méthodes d’étourdissement réversible, il préconise l’étourdissement juste après l’égorgement (« post-cut stunning »).

5.2.2. L’adoption du décret

109 Une nouvelle proposition de décret est déposée le 26 juin 2017 par Jelle Engelbosch (N-VA), Sonja Claes (CD&V), Gwenny De Vroe (Open VLD), Els Robeyns (SP.A), Björn Rzoska (Groen) et Hermes Sanctorum-Vandevoorde (indépendant, ex-Groen)  [110]. Les développements de ce texte indiquent que ses auteurs ont largement tenu compte de l’avis du Conseil d’État, de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et du respect de la liberté de religion : d’une part, ils développent des arguments selon lesquels l’étourdissement réversible serait compatible avec les prescriptions religieuses ; d’autre part, ils soulignent que les fidèles pourront toujours avoir recours à l’importation de viande étrangère.

110 Deux jours plus tard, le 28 juin 2017, le Parlement flamand adopte la proposition à l’unanimité des 89 membres présents, moins une abstention, celle de Güler Turan (SP.A)  [111].

5.3. La Région bruxelloise : l’actuel débat sur l’éventuelle interdiction de l’abattage sans étourdissement

111 L’interdiction prévue de l’abattage sans étourdissement en Wallonie et en Flandre a rouvert le débat au sein du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, où la question est régulièrement abordée à l’occasion de l’Aïd el-Kébir. Interpellée en commission en mai 2017, la secrétaire d’État bruxelloise en charge du Bien-être animal au sein du gouvernement régional Vervoort II (PS/Défi/CDH/Open VLD/SP.A/CD&V), Bianca Debaets (CD&V, également chargée de la Coopération au développement, de la Sécurité routière, de l’Informatique régionale et communale et de la Transition numérique, et de la Politique d’égalité des chances) a indiqué être personnellement favorable à une interdiction de l’abattage sans étourdissement  [112]. Mais elle a précisé que la discussion au sein du gouvernement bruxellois devait encore être menée et que le dossier n’avait pas encore fait l’objet d’une discussion au sein du Conseil bruxellois du bien-être animal (organe consultatif créé par un arrêté du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 4 mai 2016).

5.3.1. Les initiatives parlementaires

112 Quatre propositions d’ordonnance visant à interdire l’abattage sans étourdissement ont été introduites au Parlement bruxellois.

113 Tout d’abord, en 2014, Dominiek Lootens-Stael (Vlaams Belang) a déposé une proposition d’ordonnance  [113]. Elle a été rejetée à l’unanimité en commission de l’Environnement et de l’Énergie, chargée de la Conservation de la nature, de la Politique de l’eau et de la Propreté publique  [114].

114 Ensuite, en février 2017, Alain Destexhe, Dominique Dufourny et Marion Lemesre (tous trois MR), ont fait de même  [115], en s’appuyant sur un sondage réalisé par GAIA selon lequel « 76 % des Bruxellois sont contre l’abattage sans étourdissement ». Ces trois députés, qui semblent croire que seuls sont concernés les abattages réalisés à l’occasion de l’Aïd el-Kébir au sein de la communauté musulmane, écrivent que, « selon le manuel relatif à l’organisation des abattages rituels lors de [cette fête], le sacrifice ne fait pas partie des cinq piliers de l’islam. Il est plus considéré comme une tradition que comme une obligation coranique. Des solutions alternatives au sacrifice sont possibles, telles que le don ou l’offrande. Dans certains pays, les autorités musulmanes certifient la pratique de l’étourdissement conforme aux prescriptions alimentaires religieuses. Ainsi, le droit à la protection de la liberté de culte, tel qu’il est inscrit dans la Constitution (article 19) et dans la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) (article 9, point 1), n’est par conséquent pas désavoué ». Cette proposition a été prise en considération et envoyée en commission, mais pas encore discutée.

115 En septembre 2017, une autre proposition d’ordonnance a été déposée par les trois députés bruxellois de la N-VA : Liesbet Dhaene, Johan Van den Driessche et Cieltje Van Achter  [116]. S’appuyant sur les documents produits par l’étude DiaRel (cf. supra), ceux-ci exposent, à propos des règles qui régissent l’abattage selon les rites musulman et juif, que, « à l’époque où ces règles ont été fixées, on ne parlait pas encore d’étourdissement au moment de l’abattage. Par conséquent, ces règles visaient surtout à éviter un maximum de souffrance à l’animal, avec les moyens disponibles à l’époque ». Ils indiquent ensuite que la proportion d’abattages sans étourdissement est très élevée en Région bruxelloise : « Il ressort d’une interview de Joris Thiebout, PDG de l’abattoir bruxellois [Abattoir SA, société sise à Anderlecht], que tous les ovins et quelque 3 % des bovins sont abattus sans étourdissement dans la capitale ». Se basant sur le rapport du médiateur flamand P. Vanthemsche (cf. supra), les auteurs de la proposition souhaitent adopter l’étourdissement (non mortel) réversible pour les abattages rituels. Le texte a également été pris en considération et envoyé en commission, mais pas encore discuté. Il est à noter que les trois mêmes députés avaient déjà, en mars 2016, déposé une proposition de résolution visant à respecter la réglementation européenne relative à l’interdiction de l’abattage rituel sans étourdissement dans les abattoirs temporaires afin d’interdire, en Région bruxelloise comme dans les deux autres Régions, la mise sur pied d’abattoirs temporaires lors de l’Aïd el-Kébir  [117].

116 Enfin, en mars 2018, Annemie Maes (Groen) a déposé une proposition d’ordonnance visant à interdire l’abattage sans étourdissement, à l’instar de ce que prévoient les décrets adoptés en Région wallonne et en Région flamande  [118]. La députée précise que sa proposition a pour but « de concilier les connaissances scientifiques et l’abattage des animaux selon des méthodes spéciales prescrites par des rites religieux. [Elle] entend concilier science, éthique et sensibilités religieuses. Elle a pour seul objectif de promouvoir le bien-être des animaux et ne repose aucunement sur un sentiment antireligieux ». Elle tente ainsi d’établir que l’étourdissement n’est pas incompatible avec le prescrit religieux : « Le rite juif comme le rite islamique exigent une saignée maximale de l’animal. La recherche scientifique a démontré que la crainte que l’étourdissement n’ait une influence négative sur la saignée est sans fondement ». Elle indique aussi : « L’utilisation du pistolet à tige juste après l’égorgement (post-cut stunning) accélère significativement la perte de conscience des animaux et elle améliore nettement leur bien-être. Avec cette méthode, on a par ailleurs l’assurance que l’animal est indemne au moment de l’abattage et que sa mort est provoquée par la saignée. Par conséquent, cette méthode respecte au maximum l’esprit de l’abattage rituel dans le cadre de la liberté de religion tout en tenant compte également du bien-être des animaux ». Cette proposition n’a pas encore été discutée au Parlement bruxellois.

117 En dehors de ces propositions d’ordonnance, la question de l’interdiction de l’abattage rituel est régulièrement débattue au sein de l’enceinte parlementaire régionale. Dans une question au ministre bruxellois chargé de l’Emploi, de l’Économie et de la Lutte contre l’Incendie et l’Aide médicale urgente, Didier Gosuin (Défi), le député Emin Ozkara (PS) a ainsi estimé que « l’interdiction de l’abattage rituel serait une catastrophe systémique à Bruxelles ». Il visait là l’impact économique qu’aurait une telle interdiction : « En Région bruxelloise, c’est le site de l’abattoir d’Anderlecht, fonctionnel depuis plus de 128 ans et doté d’une réputation, qui se voit directement menacé par cette interdiction qui impacterait très fortement le bon fonctionnement de celui-ci et de l’écosystème gravitant autour de celui-ci. (…) Une interdiction générale de l’abattage sans étourdissement dans notre Région sans dérogation possible pour l’abattoir d’Anderlecht aura donc des conséquences économiques et sociales négatives tant pour les exploitants, la centaine de PME essentiellement du quartier et les 400 travailleurs liés à cet abattoir, les éleveurs, les grossistes en viande et les très nombreuses boucheries détaillantes bruxelloises »  [119].

5.3.2. L’ordonnance du 25 janvier 2018 relative à l’abattage à domicile

118 Si la discussion parlementaire à propos d’une éventuelle interdiction de l’abattage sans étourdissement n’a guère progressé, le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale s’est prononcé sur un projet d’ordonnance déposé par le gouvernement Vervoort II concernant l’abattage à domicile.

119 Adoptée le 12 janvier 2018, l’ordonnance dispose que la mise à mort et l’abattage d’ovins, caprins, porcins et gibiers d’élevage pour la consommation privée des ménages par le propriétaire ou par une personne sous la responsabilité et la surveillance du propriétaire en dehors d’un abattoir ou d’un établissement assimilé sont interdits  [120]. Cette ordonnance a été adoptée en même temps que deux autres textes relatifs au bien-être animal, qui interdisent les poneys de foire et visent à réduire les souffrances des animaux utilisés pour des expériences scientifiques. Il est à noter que la législation européenne interdit déjà l’abattage à domicile sans étourdissement, aussi cette ordonnance ne vient-elle, formellement, qu’interdire les abattages à domicile avec étourdissement préalable, plus que probablement inexistants.

120 L’ordonnance bruxelloise interdisant l’abattage à domicile laisse la possibilité d’organiser des lieux d’abattage temporaires agréés, notamment à l’occasion de l’Aïd el-Kébir. Toutefois, aucun lieu d’abattage temporaire n’a été mis en place pour la fête en 2018.

121 Illustration du caractère sensible du dossier de l’éventuelle interdiction de l’abattage sans étourdissement préalable, durant la campagne pour les élections communales du 14 octobre 2018, une fausse information a circulé sur les réseaux sociaux, selon laquelle l’interdiction de l’abattage rituel avait été votée en Région de Bruxelles-Capitale. Cette information était accompagnée de la liste des 79 députés ayant soi-disant approuvé l’interdiction, enjoignant à l’électeur musulman et à l’électrice musulmane de ne pas voter pour eux (cette liste était celle des députés ayant voté l’ordonnance du 25 janvier 2018). Le député régional et vice-président du CDH Hamza Fassi-Fihri a publié une mise au point à propos de cette fausse information. Et de s’interroger : « Pensez-vous que tous ces députés (79 sur 89) auraient voté une telle chose comme l’interdiction de l’abattage, qui plus est sans aucun vote contre, uniquement 10 abstentions, et cela, dans le silence médiatique et associatif le plus total !! Je suis parfois désespéré des réactions de “mouton” de beaucoup de nos concitoyens »  [121]. Si le silence autour d’une telle décision aurait effectivement été peu probable, la quasi-unanimité en faveur de l’interdiction de l’abattage sans étourdissement a en revanche bien été de mise tant en Wallonie qu’en Flandre. Il est toutefois peu probable qu’elle puisse être rencontrée également au Parlement bruxellois, eu égard à la composition sociologique d’une assemblée où siègent de nombreux musulmans. Par ailleurs, l’association GAIA maintient la pression sur les autorités bruxelloises ; lors d’une manifestation place Royale fin août 2018, elle a symboliquement rebaptisé la Maison de la Région (BIP) « maison de l’abattage sans étourdissement »  [122].

5.4. Les réactions d’organisations juives et musulmanes aux décrets wallon et flamand

122 Si les organisations de promotion du bien-être animal se sont réjouies de l’adoption des décrets wallon et flamand – GAIA offrant par exemple des moutons en chocolat aux personnalités politiques flamandes ayant porté le dossier –, des organisations représentatives de la communauté musulmane et de la communauté juive ont fait part de leur désapprobation et ont sollicité l’avis de UNIA avant de déposer des recours auprès de la Cour constitutionnelle.

5.4.1. L’avis de UNIA

123 Des organisations juives et musulmanes ont demandé à UNIA si l’interdiction de l’abattage sans étourdissement ne constituait pas une discrimination pour motif religieux. Dans son avis daté du 22 février 2018, UNIA a estimé que l’interdiction ne constituait pas une discrimination basée sur la conviction religieuse au sens de la législation anti-discrimination. Toutefois, l’institution a rappelé que le Conseil d’État, dans un avis du 20 février 2017 (cf. supra), a estimé que l’interdiction de l’abattage rituel va à l’encontre de la liberté de religion, notamment sur la base de l’article 9 de la CEDH. UNIA a conclu en « invit[ant] une fois encore les parties concernées à poursuivre leur dialogue afin qu’un équilibre puisse être trouvé entre éviter les souffrances animales et préserver la liberté de religion »  [123].

5.4.2. Les recours auprès de la Cour constitutionnelle

124 L’éventualité de recours auprès de la Cour constitutionnelle a été anticipée lors des discussions parlementaires ayant précédé l’adoption des décrets wallon et flamand. Ainsi, au Parlement wallon, lors de la présentation en commission de la proposition de décret constituant un consensus entre le PS, le MR et le CDH, le député co-signataire du texte E. Stoffels avait fait part de son « espoir très concret que le risque que ce décret va être traîné devant la Cour constitutionnelle va être maîtrisable », car « la Cour constitutionnelle reconnaîtra l’effort que nous avons fait en matière de recherche d’équilibre »  [124].

125 Quatre recours, totalisant 44 plaignants, ont été introduits auprès de la Cour constitutionnelle contre le décret wallon  [125].

126 Deux d’entre eux émanent d’organisations ou de personnes privées issues de la communauté juive. Le premier a été déposé par le Comité de coordination des organisations juives de Belgique (CCOJB), une asbl faîtière du judaïsme belge au sens large mais plutôt francophone, ainsi que par trois personnes privées, dont le président du CCOJB, Yohan Benizri. Selon le CCOJB, son recours entend « faire valoir l’importance du bien-être animal au vu de la loi et de la tradition juive, tout au long de la vie de l’animal et jusqu’à son abattage »  [126]. Le second recours a été déposé par le CCIB et par six communautés israélites reconnues (la Communauté israélite de Waterloo et du Brabant Sud, la Communauté israélite de Charleroi, la Communauté israélite de Liège, la Communauté israélite d’Arlon, l’Israëlitische Gemeente van Antwerpen Machsike Hadass et la Israëlitische Gemeente van Antwerpen Shomre Hadass), ainsi que par une société commerciale (la sprl Hodaya) et par huit personnes privées, dont le grand rabbin Albert Guigui.

127 Deux autres recours contre le décret wallon ont été introduits par des organisations ou des personnes privées issues de la communauté musulmane. Le premier émane de l’EMB, du Conseil de coordination des institutions islamiques de Belgique (CIB), de l’Association internationale Diyanet de Belgique, de la Fédération islamique de Belgique, du Rassemblement des musulmans de Belgique, de l’Union des mosquées de la province de Liège et de l’Unie van Moskeeën en Islamitische Verenigingen van Limburg, ainsi que de trois personnes privées, dont l’ancien président de l’EMB, Semsettin Ugurlu. Le second a été déposé par quatre mosquées (la Mosquée Arrahma - Association de foi et de pratique de la religion islamique, située à Marchienne-au-Pont ; la mosquée Assakina de Farciennes ; la mosquée Association de foi et pratique de la religion islamique de Charleroi ; la mosquée Association de foi et de pratique de la religion islamique de Molenbeek-Saint-Jean), six sociétés commerciales (sprl Assakina, sprl Goraya, sprl Nassiri, sprl Halal New Gourmet, sprl Ryfy et scrl Gilly Bazar) et quatre personnes privées.

128 Cinq recours, totalisant 51 plaignants, ont été introduits auprès de la Cour constitutionnelle contre le décret flamand  [127].

129 Trois recours ont été déposés par des organisations ou des personnes issues de la communauté juive. Le premier de ces recours a été introduit par le CCIB, par sept communautés israélites reconnues (l’Israëlitische Gemeente van Antwerpen Machsike Hadass, l’Israëlitische Gemeente van Antwerpen Shomre Hadass, la Portugees-Israëlitische Gemeenschap van Antwerpen Beth Mosche, la Communauté israélite de Waterloo et du Brabant Sud, la Communauté israélite de Charleroi, la Communauté israélite de Liège et la Communauté israélite d’Arlon) et par le Forum der Joodse Organisaties (une organisation faîtière anversoise), ainsi que par deux sociétés commerciales (la sprl Stogel Catering et la sprl Hodaya) et 26 personnes privées, dont le grand rabbin A. Guigui. Un deuxième recours a été déposé par deux personnes privées de confession juive. Le troisième l’a été par le CCOJB et par trois personnes privées, dont le président du CCOJB, Y. Benizri.

130 Du côté de la communauté musulmane, deux recours ont été introduits contre le décret flamand. Le premier émane de l’EMB et du CIB, de l’Association internationale Diyanet de Belgique, de la Fédération islamique de Belgique, du Rassemblement des musulmans de Belgique, de l’Union des mosquées de la province de Liège et de l’Unie van Moskeeën en Islamitische Verenigingen van Limburg, ainsi que trois personnes privées, dont l’ancien président de l’EMB, S. Ugurlu. Le second recours a été déposé par les asbl Unie Moskeeën Antwerpen et Islamitisch Offerfeest Antwerpen.

131 L’existence de plusieurs recours auprès de la Cour constitutionnelle s’explique par un positionnement légèrement différent des communautés musulmanes et juives par rapport à la problématique de l’abattage sans étourdissement. Là où certaines communautés musulmanes pourraient admettre un étourdissement simultané ou quasi simultané de l’animal, tout étourdissement reste inadmissible pour le judaïsme. En outre, à l’intérieur même des communautés musulmanes ou juives de Belgique, des divergences de vues existent quant aux moyens à invoquer devant la Cour constitutionnelle, suivant que l’on préfère s’en référer exclusivement aux droits fondamentaux ou mettre l’accent sur l’interprétation de la réglementation européenne.

132 Pour sa part, l’association de défense des animaux GAIA intervient pour défendre les décrets.

133 Les plaignants fondent notamment leurs espoirs sur l’arrêt rendu par la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) le 29 mai 2018, confirmant la légalité de l’interdiction des abattoirs temporaires pour l’abattage rituel (cf. supra). En effet, cet arrêt stipule que « la pratique de l’abattage rituel sans étourdissement préalable est autorisée, à titre dérogatoire, dans l’Union [européenne], pour autant qu’un tel abattage a[it] lieu dans un établissement qui est soumis à un agrément accordé par les autorités nationales compétentes et qui respecte, à ces fins, les exigences techniques relatives à la construction, à la configuration et à l’équipement, requises par le règlement n° 853/2004 [du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 fixant des règles spécifiques d’hygiène applicables aux denrées alimentaires d’origine animale  [128]]. À cet égard, il importe de préciser que la dérogation autorisée par [le] règlement n° 1099/2009 [du 24 septembre 2009 (cf. supra)] n’établit aucune interdiction de l’exercice de la pratique de l’abattage rituel dans l’Union, mais elle concrétise, au contraire, l’engagement positif du législateur de l’Union de permettre la pratique de l’abattage d’animaux sans étourdissement préalable, afin d’assurer le respect effectif de la liberté de religion, notamment des pratiquants musulmans, pendant la fête du sacrifice. Une telle interprétation est confirmée par le considérant 18 du règlement n° 1099/2009, lequel énonce clairement que ce règlement établit une dérogation expresse à l’exigence d’étourdissement des animaux préalablement à l’abattage, aux fins précisément d’assurer le respect de la liberté de religion et du droit de manifester sa religion ou ses convictions par les pratiques et l’accomplissement des rites (…). Dans ce contexte, il y a lieu de considérer que, en prévoyant l’obligation d’effectuer l’abattage rituel dans un abattoir agréé (…), [le] règlement n° 1099/2009 (…) vise uniquement à organiser et encadrer, d’un point de vue technique, le libre exercice de l’abattage sans étourdissement préalable à des fins religieuses »  [129].

134 La Cour constitutionnelle pourrait adresser à la CJUE une question préjudicielle à propos de l’interprétation à donner au règlement européen : permet-il, ou non, à un État de supprimer les dérogations prévues en faveur des rites religieux et d’interdire totalement tout abattage sans étourdissement ? Bien que plusieurs États membres aient déjà édicté semblable interdiction, jusqu’à présent, la CJUE n’a pas été saisie de la question. Une décision de la CJUE confirmant le caractère obligatoire de la dérogation en faveur des abattages à caractère religieux aurait ainsi un impact direct non seulement en Wallonie et en Flandre mais aussi dans tous les pays de l’Union européenne qui ont déjà interdit l’abattage sans étourdissement. Inversement, si la CJUE valide la possibilité pour un État de supprimer une telle dérogation, cela constituera un encouragement pour d’autres États membres à supprimer totalement l’abattage sans étourdissement. En cas de généralisation de l’interdit sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne, la question du respect de la liberté de culte se poserait alors d’une manière différente, puisque le champ des alternatives possibles pour les fidèles désireux de se procurer de la viande provenant d’animaux abattus sans étourdissement se trouverait fortement réduit.

135 Naturellement, les plaignants se basent également sur l’article 9 de la CEDH (et sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme y afférente), qu’ils estiment violé, ainsi que sur la liberté de culte, y compris de son exercice public, garantis par la Constitution belge. Ils s’appuient également sur l’article 11 de la Constitution pour dénoncer plusieurs discriminations, entre les citoyens de confession juive ou musulmane et les autres, et entre les citoyens en général et les chasseurs, qui demeurent libres d’abattre des animaux non étourdis au préalable. Ils estiment également que les dispositions attaquées violent le principe de séparation de l’Église et de l’État établi par l’article 21 de la Constitution.

136 L’existence de ces recours pourrait permettre à la Région de Bruxelles-Capitale de botter en touche, n’adoptant pas de nouvelle disposition en matière d’abattage d’ici à la fin de la législature, dans l’attente des arrêts de la Cour constitutionnelle.

Conclusion

137 « Faut-il sacrifier la liberté religieuse sur l’autel du bien-être animal ? », telle est la question posée par le constitutionnaliste Mathias El Berhoumi (USL-B)  [130]. On pourrait ajouter à cette première interrogation une seconde, plus prosaïque : faut-il y sacrifier une activité économique florissante ?

138 Le Parlement wallon et le Parlement flamand ont déjà répondu positivement à ces questions. Toutefois, les députés du sud comme du nord du pays, quasi unanimes pour approuver l’interdiction de l’abattage sans étourdissement, récusent le dilemme ainsi posé. À plusieurs reprises, dans le cadre des discussions parlementaires, ils ont estimé que la liberté religieuse n’était pas mise à mal par le nouveau dispositif : d’une part, parce que les fidèles peuvent importer de la viande provenant d’animaux abattus rituellement à l’étranger ; d’autre part et surtout, parce que, selon l’interprétation que ces députés font des prescriptions du judaïsme et de l’islam, celles-ci laissent ouverte la possibilité d’un étourdissement simultané ou d’un étourdissement préalable réversible de l’animal à abattre. Ainsi, la députée wallonne Christine Defraigne (MR) a-t-elle mentionné ces propos qui auraient été tenus lors d’un séminaire organisé par la Ligue islamique mondiale (LIM) en 1997 : « L’abattage qui survient après un étourdissement n’engendre pas de souffrance et (…) est en accord avec la recommandation du prophète qui dit : “Quand tu abats un animal, fais-le avec perfection” »  [131]. Pourtant, les représentants des communautés juive et musulmane auditionnés dans les deux parlements ont affirmé le contraire. Il y a là sans doute à la fois une forme d’immixtion du monde politique dans les affaires religieuses et une méconnaissance du principe de séparation de l’Église et de l’État (rappelé par le Conseil d’État), mais cela illustre également la volonté de ne pas laisser simplement de côté cette dimension de la problématique. Toutefois, les débats autour de l’abattage rituel révèlent une grande méconnaissance du fait religieux chez les acteurs politiques. Dans notre monde moderne et sécularisé, les concepts de « sacré » et de « profane » ont disparu du champ lexical. Ce qui relève du premier a ainsi perdu son intelligibilité auprès de la plupart des personnes. Cette incompréhension se révèle notamment dans les termes usités dans le débat – abattage rituel pour désigner (indifféremment) le mode d’abattage propre au judaïsme ou à l’islam, sacrificateurs pour désigner les abatteurs-bouchers – et dans la confusion entre l’Aïd el-Kébir et la production quotidienne de viande halal ou casher.

139 La justice – à savoir la Cour constitutionnelle en Belgique et la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) à Luxembourg, ensuite peut-être la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg – tranchera la question de la compatibilité de la liberté religieuse avec l’interdiction absolue de l’abattage sans étourdissement. Si elle devait se prononcer en faveur du maintien d’une dérogation possible à l’exigence d’étourdissement pour motif religieux, elle rencontrerait de l’incompréhension chez le public non concerné par les préceptes d’alimentation halal ou casher. En effet, l’évolution récente des mentalités a conduit à une plus grande sensibilité à la souffrance animale, dont témoignent les autres dispositions adoptées récemment par le législateur et la popularité des associations de défense des animaux, sans oublier l’expansion de l’alimentation végétarienne ou végane pour des raisons éthiques. Le développement de l’antispécisme, philosophie qui prohibe le traitement différencié des animaux et des hommes en raison de leur appartenance à des espèces différentes, connaît un important développement en Amérique du Nord et en Europe occidentale. Le concept a été initialement développé au milieu des années 1970 par le philosophe australien Peter Singer, dont l’ouvrage La libération animale [132] est considéré comme un livre culte du mouvement contemporain en faveur des droits des animaux.

140 Cependant, le développement des droits des animaux et leur popularité auprès du grand public – et des électeurs – n’a pas encore conduit à une interdiction d’autres modes d’abattage sans étourdissement des animaux, en particulier la chasse, qui sont également porteurs de souffrances pour les animaux. « Comment expliquez-vous que l’on accorde une dérogation pour la chasse (et pour d’autres entorses au bien-être animal) et qu’on refuse une dérogation pour permettre des pratiques religieuses constitutionnellement protégés ? », a demandé le président du Consistoire central israélite de Belgique (CCIB), Philippe Markiewicz, aux députés wallons. De telles questions n’ont guère été abordées au cours des débats parlementaires, de sorte qu’il est difficile de comprendre si les députés estiment que la mort infligée par les chasseurs n’occasionne pas de souffrance intolérable à l’animal, ou s’ils pensent que ces souffrances doivent être tolérées en raison de l’inscription de la chasse dans un patrimoine culturel, à l’instar de la corrida en Espagne. Dans ce dernier cas, il s’agirait bien d’une forme de discrimination à l’égard des minorités, dont les normes culturelles et religieuses ne bénéficient pas de la même acceptation que celles de la majorité.

141 Si de nombreuses protestations existent aujourd’hui contre les tristes conditions de l’élevage industriel, l’attitude des consommateurs les conduit plutôt à modifier leurs habitudes personnelles, en privilégiant les circuits courts et les achats artisanaux, qu’à organiser un lobbying auprès de leurs députés pour obtenir des changements de la législation.

142 Si l’abattage rituel a donc été particulièrement ciblé dans le cadre du développement des dispositifs visant à accroître le bien-être animal, c’est sans doute notamment en raison de la grande visibilité, y compris médiatique, qui a été donnée aux abattages de moutons réalisés soit dans le cadre domestique soit dans des structures d’abattage temporaires, bien souvent à ciel ouvert, lors de l’Aïd el-Kébir. Pour une partie importante du public général, mais également des responsables politiques, l’abattage rituel se résume à cet événement, contre les désordres duquel il était dès lors important de lutter. Dans un contexte de développement de l’hostilité à l’islam, l’extrême droite s’est saisie de ce thème, et a volontiers utilisé des images-chocs pour convaincre le public de la « barbarie de cette coutume venue d’ailleurs ».

143 C’est par ailleurs le développement de la pratique de l’abattage rituel pour fournir en viande la communauté musulmane belge et permettre l’exportation de viande certifiée halal qui a nourri en première ligne les débats parlementaires. Soucieux de ne pas pénaliser la filière vente, en dépit des réserves de ses représentants, les parlementaires ont considéré que le halal pouvait s’accommoder d’un étourdissement par électronarcose. L’absence ou non d’impact des nouvelles dispositions en matière d’abattage en Wallonie sur le secteur de la viande halal pourra être mesuré dans les prochains mois ; en effet, l’Agence wallonne à l’exportation et aux investissements étrangers (AWEX) a décidé de faire de la viande bovine un secteur cible pour 2019, avec une attention particulière aux marchés des pays du Golfe et du Proche et du Moyen-Orient  [133].

144 En résumé, l’opinion qui tend à prévaloir actuellement au sein du monde politique comme du public est celle que résume ainsi la députée bruxelloise Annemie Maes (Groen) : « Même si l’obligation de l’étourdissement (…) était considérée comme une ingérence dans la liberté de religion alors qu’on conserve la possibilité d’importer de la viande et des produits à base de viande provenant d’animaux abattus sans étourdissement, cette mesure ne porte en tout cas pas à ce point atteinte aux règles religieuses des communautés concernées qu’on doive la considérer comme disproportionnée. Par contre, elle permet indéniablement une avancée majeure sur le plan du bien-être des animaux »  [134].

Notes

  • [1]
    Le terme « ovins » désigne principalement les moutons, et le terme « caprins » essentiellement les chèvres.
  • [2]
    Certaines interprétations soutiennent que la législation européenne impose aux États membres d’accorder ces dispenses. Il s’agit là d’un argument qui est au cœur des recours ayant été déposés contre les décrets wallon et flamand (cf. infra).
  • [3]
    Traditionnellement les termes « casher » (ou « kasher ») et « halal » sont considérés comme invariables en français, bien que l’usage de les accorder se répande.
  • [4]
    Le mot « halal » signifie « licite », ce qui est donc permis à la consommation. Il s’oppose à ce qui est « haram », interdit.
  • [5]
    L’Aïd el-Kébir est une fête majeure de l’islam, qui commémore le sacrifice d’Abraham (Ibrahim). En souvenir de ce récit, il est de coutume de « sacrifier » un animal, le plus souvent un mouton.
  • [6]
    Avec une dérogation possible en Flandre pour l’abattage des bovins, dont l’étourdissement pourra avoir lieu juste après l’égorgement jusqu’à une date à déterminer par le gouvernement flamand.
  • [7]
    En effet, l’objectif de l’abattage est d’obtenir de la viande, et non de pratiquer un rite. C’est ainsi qu’un juif ou un musulman végétarien n’aurait pas l’utilité de cet « abattage rituel ».
  • [8]
    J. Bauer, La nourriture cacher, Paris, Presses universitaires de France, 1996 ; A. Z. Zivotofsky, Religious Rules and Requirements. Judaism (Report, part 1), DialRel, Deliverable 1.1, février 2010, www.dialrel.eu.
  • [9]
    H. Anil, M. Miele, K. von Holleben, F. Bergeaud-Blackler, A. Velarde, Religious Rules and Requirements. Halal Slaughter, DialRel, Deliverable 1.1.2, novembre 2010, www.dialrel.eu.
  • [10]
    Le Codex Alimentarius est un programme commun de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Depuis 1963, il comprend des normes alimentaires internationales harmonisées pour protéger la santé des consommateurs et garantir des pratiques équitables dans le commerce des denrées alimentaires. Ses normes sont indicatives et non contraignantes pour les États membres. Toutefois, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) utilise le Codex comme référence pour la résolution des conflits concernant la sécurité alimentaire et la protection des consommateurs.
  • [11]
    Codex Alimentarius, Directives générales pour l’utilisation du terme halal, CAC/GL 24-1997, www.fao.org. Le Code d’usages international recommandé en matière d’hygiène pour la viande fraîche (CAC/RCP 11-1976, Rév. 1-1993), auquel il est fait référence ici, est l’un des codes d’usage du Codex Alimentarius. Actuellement, il n’est plus d’application : il a été remplacé par le Code d’usages en matière d’hygiène pour la viande (CAC/RCP 58-2005), dans lequel il a été englobé avec cinq autres anciens codes d’usages (hygiène pour le gibier ; inspection et jugement ante-mortem et post-mortem des animaux d’abattoir et des viandes ; hygiène pour les produits traités à base de viande et de chair de volaille ; hygiène pour le traitement de la volaille ; hygiène pour la production, l’entreposage et la composition de la viande et de la chair de volaille séparées mécaniquement et destinées à une transformation ultérieure).
  • [12]
    Conseil de l’Europe, Cour européenne des droits de l’homme, Affaire Cha’are Shalom Ve Tsedek c. France (requête n° 27417/95), Arrêt, 27 juin 2000. La Cour publie le Guide sur l’article 9 de la Convention : liberté de pensée, de conscience et de religion (dernière mise à jour : 31 mai 2018).
  • [13]
    Conseil de l’Europe, Convention européenne sur la protection des animaux d’abattage, 10 mai 1979, www.coe.int.
  • [14]
    Directive 74/577/CEE du Conseil du 18 novembre 1974 relative à l’étourdissement des animaux avant leur abattage, Journal officiel des Communautés européennes, L316, 26 novembre 1974.
  • [15]
    Directive 93/119/CE du Conseil du 22 décembre 1993 sur la protection des animaux au moment de leur abattage ou de leur mise à mort, Journal officiel des Communautés européennes, L 340, 31 décembre 1993.
  • [16]
    « Opinion of the Scientific Panel on Animal Health and Welfare (AHAW) on a Request from the Commission Related to Welfare Aspects of the Main Systems of Stunning and Killing the Main Commercial Species of Animals », The EFSA Journal, n° 45, 2004, p. 1-29.
  • [17]
    Règlement (CE) n° 1099/2009 du Conseil du 24 septembre 2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort, Journal officiel de l’Union européenne, L 303, 18 novembre 2009. Il est à noter que ce règlement ne s’applique pas lorsque les animaux sont mis à mort dans diverses circonstances (dans le cadre d’expériences scientifiques effectuées sous le contrôle d’une autorité compétente, lors d’activités de chasse ou de pêche récréative, et lors de manifestations culturelles ou sportives), ni aux volailles, lapins et lièvres abattus en dehors d’un abattoir par leur propriétaire pour sa consommation domestique privée. C’est ainsi que les pratiques traditionnelles de la chasse ou de la corrida, par exemple, échappent au champ de la réglementation.
  • [18]
    Le règlement ne permet toutefois pas aux États membres d’entraver la mise en circulation sur son territoire de produits d’origine animale provenant d’animaux qui ont été mis à mort dans un autre État membre au motif que les animaux concernés n’ont pas été mis à mort d’une manière conforme à sa réglementation nationale.
  • [19]
    Cf. le site Internet www.dialrel.eu.
  • [20]
    La légende des meurtres rituels, attribués aux juifs par les chrétiens, est née au Moyen Âge. Le prétendu besoin rituel de sang d’enfants chrétiens fait partie des accusations antisémites les plus anciennes et les plus meurtrières.
  • [21]
    P. Krauthammer, Das Schächtverbot in der Schweiz 1854-2000, Zurich, Schulthess, 2000.
  • [22]
    Le Figaro, 10 décembre 2014.
  • [23]
    République française, Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, « Tout savoir sur l’abattage rituel », 20 août 2018, http://agriculture.gouv.fr.
  • [24]
    Selon une estimation du Pew Research Institute (cf. « The Future of the Global Muslim Population. Region: Europe », 27 janvier 2011, www.pewforum.org). Il est à noter, toutefois, que cette estimation concerne le nombre de musulmans en Europe, et non le nombre de consommateurs de viande halal.
  • [25]
    Réponse de la ministre fédérale des PME, des Indépendants, de l’Agriculture et de la Politique scientifique du 1er juillet 2011 à la question écrite n° 153 du député Flor Van Noppen (N-VA) du 10 juin 2011 : Chambre des représentants, Questions et réponses écrites, n° 53/35, s.d., p. 129-131.
  • [26]
    Conseil wallon du bien-être des animaux, Avis relatif aux abattages sans étourdissement, 31 mai 2016, http://bienetreanimal.wallonie.be.
  • [27]
    P. Vanthemsche, « Rapport over de dialoog met de geloofsgemeenschappen met het oog op een significante verbetering van het dierenwelzijn bij de praktijk van ritueel slachten en de overgang naar een algemeen verbod op onbedwelmd slachten », 2017, p. 31.
  • [28]
    F. Bergeaud-Blackler, « L’encadrement de l’abattage rituel industriel dans l’Union européenne : limites et perspectives », Politique européenne, volume 24, n° 1, 2008, p. 103.
  • [29]
    Cf. F. Bergeaud-Blackler, Le marché halal ou l’invention d’une tradition, Paris, Seuil, 2017.
  • [30]
    L’Écho, 10 février 2011. Cf. le site Internet du Halal Club Brussels : www.halalclub.co.
  • [31]
    AWEX, « La Wallonie ouvre la porte du marché halal en Afrique », s.d. [2018], www.awex-export.be.
  • [32]
    Cf. le site Internet www.eurohalal.be.
  • [33]
    K. Roels, D. Van Gijseghem, « Halalvoeding in Vlaanderen: een verkenning », Vlaamse Overheid, Departement Landbouw en Visserij, 2013, https://lv.vlaanderen.be.
  • [34]
    La Libre Belgique, 15 octobre 2013.
  • [35]
    La Libre Belgique, 24 octobre 2013.
  • [36]
    Article 24 de la loi spéciale du 6 janvier 2014 relative à la sixième réforme de l’État, Moniteur belge, 31 janvier 2014.
  • [37]
    Loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux, Moniteur belge, 3 décembre 1986.
  • [38]
    Arrêté royal du 11 février 1988 relatif à certains abattages prescrits par un rite religieux, Moniteur belge, 1er mars 1988.
  • [39]
    Arrêté royal du 12 avril 1988, Moniteur belge, 22 avril 1988.
  • [40]
    Arrêté royal du 25 mars 1998 modifiant l’arrêté royal du 11 février 1988 relatif à certains abattages prescrits par un rite religieux, Moniteur belge, 4 avril 1998.
  • [41]
    Arrêté royal du 13 juillet 1988 autorisant les abattoirs d’effectuer [sic] les abattages rituels les dimanches et jours fériés, Moniteur belge, 17 novembre 1988.
  • [42]
    Arrêté royal du 16 janvier 1998 relatif à la protection des animaux pendant l’abattage ou la mise à mort, Moniteur belge, 19 février 1998.
  • [43]
    Ces deux Régions ont remplacé cet arrêté royal à fin d’adaptation à leur contexte régional au niveau des acteurs concernés et des prescriptions en matière de certification de la compétence (cf. Arrêté du gouvernement flamand du 16 février 2016 relatif à la protection des animaux au moment de leur abattage ou de leur mise à mort, Moniteur belge, 14 mars 2016 ; Arrêté du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 9 février 2017 relatif à la protection des animaux pendant l’abattage et la mise à mort, Moniteur belge, 24 février 2017).
  • [44]
    Chambre des représentants, Proposition de loi modifiant la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux et interdisant les abattages rituels, n° 310/1, 13 décembre 1995.
  • [45]
    C’est ainsi que les Archives des Sciences sociales des religions ont vu pour la première fois un chercheur s’interroger à propos des « choix possibles pour pratiquer le sacrifice de l’Ayd el-Kébir dans un contexte urbain, légalement ou illégalement ? » (A.-M. Brisebarre, « La célébration de l’Ayd el-Kébir en France : les enjeux du sacrifice », Archives des Sciences sociales des religions, n° 68, 1989, p. 9-25).
  • [46]
    Ancien entraîneur de l’équipe nationale belge de judo, J.-M. Dedecker est alors encore membre du VLD. Il sera exclu de ce parti en octobre 2006 et lancera l’année suivante sa propre formation, ultra libérale et populiste, la Lijst Dedecker (LDD).
  • [47]
    Sénat, Proposition de loi modifiant la loi du 5 septembre 1952 relative à l’expertise et au commerce des viandes et la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux, en ce qui concerne les abattages rituels, n° 808/1, 5 juillet 2004.
  • [48]
    Ibidem, p. 13.
  • [49]
    Sénat, Proposition de loi modifiant la loi du 5 septembre 1952 relative à l’expertise et au commerce des viandes et la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux, en vue d’interdire les abattages rituels, déposée par Anke Van dermeersch (VB), n° 1585/1, 5 janvier 2010 ; Sénat, Proposition de loi en vue d’interdire les abattages rituels, déposée par Anke Van dermeersch (VB) et Jurgen Ceder (indépendant), n° 256/1, 8 octobre 2010 ; Chambre des représentants, Proposition de loi interdisant les abattages rituels d’animaux sans étourdissement, déposée par Rita De Bont, Peter Logghe, Barbara Pas, Guy D’haeseleer et Annick Ponthier (tous VB), n° 581/1, 17 novembre 2010.
  • [50]
    Sénat, Proposition de loi modifiant la loi du 5 septembre 1952 relative à l’expertise et au commerce des viandes et la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux, en vue d’interdire l’abattage rituel sans étourdissement préalable, n° 1673/1, 24 février 2010.
  • [51]
    Sénat, Proposition de loi modifiant la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux, en vue d’interdire l’abattage rituel des animaux sans étourdissement préalable, n° 36/1, 19 août 2010 ; Chambre des représentants, Proposition de loi modifiant la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux en vue d’interdire l’abattage rituel sans anesthésie, n° 437/1, 21 octobre 2010.
  • [52]
    Conseil d’État, Avis n° 40.350/AG, 16 mai 2006 (reproduit dans Sénat, Proposition de loi modifiant la loi du 5 septembre 1952 relative à l’expertise et au commerce des viandes et la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux, en ce qui concerne les abattages rituels. Avis du Conseil d’État 40.350/AG, n° 808/1, 21 juin 2006).
  • [53]
    Arrêté royal du 15 juillet 2008 réglant la composition et le fonctionnement du Conseil du bien-être des animaux, Moniteur belge, 1er septembre 2008 ; Arrêté ministériel du 12 février 2009 portant nomination des membres du Conseil du bien-être des animaux, Moniteur belge, 5 mars 2009.
  • [54]
    Sénat, « Colloque “Les trente ans de la loi sur le bien-être animal en Belgique : état des lieux et perspectives”, 6 décembre 2016. Actes », s.d., p. 9, www.senate.be.
  • [55]
    Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, Proposition de résolution condamnant l’installation de conteneurs à déchets qui encouragent l’abattage illégal au cours de la fête du sacrifice, n° 124/1, 23 mars 2005.
  • [56]
    Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, Commission de l’Environnement, de la Conservation de la nature, de la Politique de l’eau et de l’Énergie, Proposition de résolution condamnant l’installation de conteneurs à déchets qui encouragent l’abattage illégal au cours de la fête du sacrifice. Rapport, n° 124/2, 6 juin 2006.
  • [57]
    La Libre Belgique, 8 octobre 2013.
  • [58]
    La Libre Belgique, 25 août 2017.
  • [59]
    Belga, 16 septembre 2015.
  • [60]
    Cour de justice de l’Union européenne (Grande cour), Affaire C-426/16, Arrêt 2018-335, 29 mai 2018.
  • [61]
    Conseil d’État, Avis n° 57.522/3, 11 juin 2015.
  • [62]
    C. Sägesser, J.-P. Schreiber, C. Vanderpelen-Diagre, Religions et laïcité en Belgique. Rapport ORELA 2015, Bruxelles, Université libre de Bruxelles (ULB), Observatoire des religions et de la laïcité (ORELA), 2016, p. 14, www.o-re-la.org.
  • [63]
    La Libre Belgique, 2 mai 2016.
  • [64]
    La Libre Belgique, 14 septembre 2016.
  • [65]
    La Libre Belgique, 7 octobre 2016.
  • [66]
    BX1, 15 décembre 2017.
  • [67]
    Belga, 16 août 2018.
  • [68]
    Gazet van Antwerpen, 7 août 2018.
  • [69]
    RTBF.be, 7 août 2018.
  • [70]
    Décret wallon du 18 mai 2017 modifiant les articles 3, 15 et 16 et insérant un article 45ter dans la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux, Moniteur belge, 1er juin 2017.
  • [71]
    Lors d’un remaniement interne, la compétence des Aéroports passe à René Colin (CDH) le 18 avril 2016.
  • [72]
    Décret wallon du 21 janvier 2015 modifiant la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux afin d’interdire la détention d’animaux à des fins exclusives ou principales de production de fourrure, Moniteur belge, 30 janvier 2015.
  • [73]
    Arrêté du gouvernement wallon du 15 décembre 2016 relatif à la stérilisation des chats domestiques, Moniteur belge, 2 janvier 2017.
  • [74]
    La FEBEV est la fédération sectorielle nationale qui représente les abattoirs, les ateliers de découpe et les grossistes actifs dans la production de viandes bovines, porcines, ovines et chevalines. Ses affiliés représentent 99,86 % des abattages de porcs et 97,11 % des abattages de porcs, bovins, veaux, ovins, caprins et chevaux (AFSCA, 2017). Cf. le site Internet www.febev.be.
  • [75]
    C. Di Antonio, « Signature d’une charte pour améliorer le bien-être animal au sein des abattoirs. Installation de caméras », Communiqué de presse, 20 décembre 2017, http://diantonio.wallonie.be.
  • [76]
    Parlement wallon, Compte rendu intégral, CRI n° 3, 3 octobre 2018 ; Parlement wallon, Projet de décret relatif au Code wallon du bien-être animal. Texte adopté en séance plénière, n° 1150/10, 3 octobre 2018. Ce code n’est pas encore paru au Moniteur belge au moment de la parution de la présente étude.
  • [77]
    Décret wallon du 22 janvier 2015 instaurant le Conseil wallon du bien-être des animaux, Moniteur belge, 30 janvier 2015.
  • [78]
    Arrêté du gouvernement wallon du 26 février 2015 réglant la composition et le fonctionnement du Conseil wallon du bien-être des animaux, Moniteur belge, 12 mars 2015.
  • [79]
    Conseil wallon du bien-être des animaux, Avis relatif aux abattages sans étourdissement, 31 mai 2016, http://bienetreanimal.wallonie.be.
  • [80]
    Parlement wallon, Proposition de décret modifiant la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux, en vue d’interdire l’abattage rituel des animaux sans étourdissement préalable, n° 110/1, 19 janvier 2015 ; Parlement wallon, Proposition de décret visant à interdire l’abattage sans étourdissement en Wallonie, n° 604/1, 13 octobre 2016.
  • [81]
    Parlement wallon, Commission de l’Environnement, de l’Aménagement du territoire et des Transports, Compte rendu intégral, CRIC n° 77, 16 janvier 2017, p. 9-20.
  • [82]
    Conseil d’État, Avis n° 60.870/4 et 60.870/1, 20 février 2017 (reproduits dans Parlement wallon, Propositions de décret modifiant la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux, en vue d’interdire l’abattage rituel des animaux sans étourdissement préalable [et] visant à interdire l’abattage sans étourdissement en Wallonie. Avis du Conseil d’État, n° 110/2 et 604/2, 20 février 2017).
  • [83]
    Parlement wallon, Propositions de décret modifiant la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux, en vue d’interdire l’abattage rituel des animaux sans étourdissement préalable. Amendement, n° 110/3, 20 mars 2017.
  • [84]
    Le 4e alinéa de cet article 26 stipule : « Un État membre ne peut pas interdire ou entraver la mise en circulation sur son territoire de produits d’origine animale provenant d’animaux qui ont été mis à mort dans un autre État membre au motif que les animaux concernés n’ont pas été mis à mort d’une manière conforme à sa réglementation nationale qui vise à assurer une plus grande protection des animaux au moment de leur mise à mort ».
  • [85]
    Parlement wallon, Propositions de décret modifiant la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux, en vue d’interdire l’abattage rituel des animaux sans étourdissement préalable. Amendements, n° 110/4, 20 mars 2017.
  • [86]
    Parlement wallon, Propositions de décret modifiant la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux, en vue d’interdire l’abattage rituel des animaux sans étourdissement préalable. Amendement, n° 110/5, 20 mars 2017.
  • [87]
    Parlement wallon, Commission de l’Environnement, de l’Aménagement du territoire et des Transports, Compte rendu intégral, CRIC n° 132, 20 mars 2017, p. 3.
  • [88]
    Ibidem.
  • [89]
    Parlement wallon, Commission de l’Environnement, de l’Aménagement du territoire et des Transports, Compte rendu intégral, CRIC n° 153 et 158, 18 et 20 avril 2017.
  • [90]
    Document reproduit en annexe 5 de Parlement wallon, Commission de l’Environnement, de l’Aménagement du territoire et des Transports, Propositions de décret modifiant la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux, en vue d’interdire l’abattage rituel des animaux sans étourdissement préalable [,] visant à interdire l’abattage sans étourdissement en Wallonie [et] modifiant les articles 3, 15 et 16 et insérant un article 45ter dans la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux. Rapport, n° 110/7, 604/4 et 781/4, 5 mai 2017, p. 63-64.
  • [91]
    Ibidem.
  • [92]
    Quelques jours plus tôt, dans un communiqué de presse du 6 avril 2017, le président du Centre communautaire laïc juif David Susskind (CCLJ), Henri Gutman, avait tenu des propos sensiblement différents, estimant que la « “loi juive” est faite pour être adaptée même si c’est difficile. D’ailleurs, pour un nombre croissant de juifs non orthodoxes, elle est devenue facultative. Le principe même d’un État laïque veut que ses lois prévalent sur toutes autres et s’imposent à tous. La laïcité permet et garantit la liberté de culte mais elle ne se soumet pas si ses valeurs s’opposent à certaines pratiques religieuses ancestrales » (H. Gutman, « La “loi juive” sur l’abattage rituel pourrait être modifiée même si c’est difficile », 6 avril 2017, www.cclj.be).
  • [93]
    À l’avis écrit qu’il avait envoyé aux membres de la commission, le président du CCIB avait joint différents documents, dont le rapport d’un neurologue de la clinique Édith Cavell (documents reproduits en annexe 6 de Parlement wallon, Commission de l’Environnement, de l’Aménagement du territoire et des Transports, Propositions de décret (…). Rapport, n° 110/7, 604/4 et 781/4, 5 mai 2017, p. 65-100).
  • [94]
    Journal télévisé de la RTBF, 20 avril 2017.
  • [95]
    Document reproduit en annexe 8 de Parlement wallon, Commission de l’Environnement, de l’Aménagement du territoire et des Transports, Propositions de décret (…). Rapport, n° 110/7, 604/4 et 781/4, 5 mai 2017, p. 102-103.
  • [96]
    Parlement wallon, Proposition de décret modifiant les articles 3, 15 et 16 et insérant un article 45ter dans la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux, n° 781/1, 19 avril 2017. Les propositions de décret initiales de C. Defraigne et de J. Arens sont retirées par leurs auteurs quelques jours plus tard (Parlement wallon, Proposition de décret modifiant la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux, en vue d’interdire l’abattage rituel des animaux sans étourdissement préalable. Retirée par son auteur, n° 110/6, 5 mai 2017 ; Parlement wallon, Proposition de décret visant à interdire l’abattage sans étourdissement en Wallonie. Retirée par son auteur, n° 604/3, 5 mai 2017).
  • [97]
    Parlement wallon, Proposition de décret modifiant les articles 3, 15 et 16 et insérant un article 45ter dans la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux. Amendement, n° 781/2, 5 mai 2017.
  • [98]
    Pour rappel, le Conseil d’État a, pour sa part, considéré dans le même dossier « qu’il n’appartient en principe pas aux autorités publiques de se prononcer sur la légitimité des croyances religieuses ou sur les modalités d’expression de celles-ci » (cf. supra).
  • [99]
    Parlement wallon, Commission de l’Environnement, de l’Aménagement du territoire et des Transports, Compte rendu intégral, CRIC n° 172, 5 mai 2017.
  • [100]
    Parlement wallon, Commission de l’Environnement, de l’Aménagement du territoire et des Transports, Propositions de décret (…). Rapport, n° 110/7, 604/4 et 781/4, 5 mai 2017.
  • [101]
    Parlement wallon, Compte rendu intégral, CRI n° 20, 17 mai 2017.
  • [102]
    J. Arens, « Réformer nos abattoirs pour ne plus en avoir honte » (carte blanche), LeSoir.be, 17 mai 2017.
  • [103]
    Décret flamand du 7 juillet 2017 portant modification de la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux, en ce qui concerne les méthodes autorisées pour l’abattage des animaux, Moniteur belge, 18 juillet 2017.
  • [104]
    Vlaams Parlement, Voorstel van decreet houdende wijziging van diverse bepalingen van de wet van 14 augustus 1986 betreffende de bescherming en het welzijn der dieren, wat een pijnloze manier van sterven van te slachten dieren betreft, n° 111/1, 6 octobre 2014.
  • [105]
    Vlaams Parlement, Voorstel van decreet houdende wijziging van de wet van 14 augustus 1986 betreffende de bescherming en het welzijn der dierenen de wet van 5 september 1952 betreffende de vleeskeuring en de vleeshandel, wat betreft het invoeren van een verbod op hetonverdoofd ritueel slachten, n° 351/1, 8 mai 2015.
  • [106]
    « Luidens het EVRM kan een beperking bij wet worden ingevoerd wanneer dat noodzakelijk is ter bescherming van de goede zeden. De initiatiefnemers zijn van mening dat de algemene morele opvatting dat dieren niet onnodig hoeven te lijden, deel uitmaakt van de goede zeden in Vlaanderen. De indieners zijn tevens van oordeel dat dit verbod proportioneel is. De vrijheid van godsdienst wordt niet verder ingeperkt dan nodig » (ibidem, p. 3).
  • [107]
    Conseil d’État, Avis n° 59.484/3 et 59.485/3, 29 juin 2016 (reproduits dans Vlaams Parlement, Advies van de Raad van State over het voorstel van decreet houdende wijziging van diverse bepalingen van de wet van 14 augustus 1986 betreffende de bescherming en het welzijn der dieren, wat een pijnloze manier van sterven van te slachten dieren betreft, n° 111/2, 29 juin 2016 et Advies van de Raad van State over het voorstel van decreet houdende wijziging van de wet van 14 augustus 1986 betreffende de bescherming en het welzijn der dierenen de wet van 5 september 1952 betreffende de vleeskeuring en de vleeshandel, wat betreft het invoeren van een verbod op hetonverdoofd ritueel slachten, n° 351/2, 29 juin 2016).
  • [108]
    Vlaams Parlement, Commissie voor Leefmilieu, Natuur, Ruimtelijke Ordening, Energie en Dierenwelzijn, Verslag over het voorstel van decreet houdende wijziging van diverse bepalingen van de wet van 14 augustus 1986 betreffende de bescherming en het welzijn der dieren, wat een pijnloze manier van sterven van te slachten dieren betreft, n° 111/6, 10 novembre 2016 et Verslag over het voorstel van decreet houdende wijziging van de wet van 14 augustus 1986 betreffende de bescherming en het welzijn der dierenen de wet van 5 september 1952 betreffende de vleeskeuring en de vleeshandel, wat betreft het invoeren van een verbod op hetonverdoofd ritueel slachten, n° 351/3, 10 novembre 2016.
  • [109]
    P. Vanthemsche, « Rapport over de dialoog met de geloofsgemeenschappen met het oog op een significante verbetering van het dierenwelzijn bij de praktijk van ritueel slachten en de overgang naar een algemeen verbod op onbedwelmd slachten », 2017.
  • [110]
    Vlaams Parlement, Voorstel van decreet houdende wijziging van de wet van 14 augustus 1986 betreffende de bescherming en het welzijn der dieren, wat de toegelaten methodes voor het slachten van dieren betreft, n°  1213/1, 26 juin 2017.
  • [111]
    Vlaams Parlement, Plenaire vergadering, 28 juin 2017.
  • [112]
    Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, Commission de l’Environnement et de l’Énergie, chargée de la Conservation de la nature, de la Politique de l’eau et de la Propreté publique, Compte rendu intégral des interpellations et des questions, CRI COM n° 98, 9 mai 2017, p. 35.
  • [113]
    Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, Proposition d’ordonnance modifiant la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux et la loi du 5 septembre 1952 relative à l’expertise et au commerce des viandes, et visant à interdire les abattages rituels sans étourdissement, n° 25/1, 1er octobre 2014.
  • [114]
    Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, Commission de l’Environnement et de l’Énergie, chargée de la Conservation de la Nature, de la Politique de l’eau et de la Propreté publique, Proposition d’ordonnance modifiant la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux et la loi du 5 septembre 1952 relative à l’expertise et au commerce des viandes, et visant à interdire les abattages rituels sans étourdissement. Rapport, n° 25/2, 1er mars 2016.
  • [115]
    Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, Proposition d’ordonnance modifiant la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux, en vue d’interdire l’abattage rituel des animaux sans étourdissement préalable, n° 480/1, 3 février 2017.
  • [116]
    Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, Proposition d’ordonnance modifiant la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux, en ce qui concerne les méthodes autorisées pour l’abattage des animaux, n° 563/1, 1er septembre 2017.
  • [117]
    Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, Proposition de résolution visant à respecter la réglementation européenne relative à l’interdiction de l’abattage rituel sans étourdissement dans les abattoirs temporaires, n° 313/1, 1er mars 2016.
  • [118]
    Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, Proposition d’ordonnance modifiant la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux, en ce qui concerne les méthodes autorisées pour l’abattage des animaux, n° 648/1, 6 mars 2018.
  • [119]
    Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, Bulletin des questions et réponses, BQR n° 43, 15 septembre 2018, p. 122.
  • [120]
    Ordonnance bruxelloise du 25 janvier 2018 modifiant la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux, Moniteur belge, 22 février 2018.
  • [121]
    H. Fassi-Fihri, « Démenti sur la fake news “abattage rituel” », 23 septembre 2018, www.hamzafassi.eu.
  • [122]
    L’Écho, 22 août 2018.
  • [123]
    UNIA, « Avis sur l’interdiction générale de l’abattage sans étourdissement », 22 février 2018, www.unia.be.
  • [124]
    Parlement wallon, Commission de l’Environnement, de l’Aménagement du territoire et des Transports, Compte rendu intégral, CRIC n° 172, 5 mai 2017, p. 7.
  • [125]
    Cour constitutionnelle, Avis prescrit par l’article 74 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, n° 2017-207070, Annexes du Moniteur belge, 8 janvier 2018.
  • [126]
    La Libre Belgique, 28 novembre 2017.
  • [127]
    Cour constitutionnelle, Avis prescrit par l’article 74 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, n° 2018-200867, Annexes du Moniteur belge, 19 février 2018.
  • [128]
    Journal officiel de l’Union européenne, L226, 25 juin 2004.
  • [129]
    Cour de justice de l’Union européenne (Grande cour), Affaire C-426/16, Arrêt 2018-335, 29 mai 2018, alinéas 55 à 58.
  • [130]
    M. El Berhoumi, « Abattage rituel : faut-il sacrifier la liberté religieuse sur l’autel du bien-être animal ? », Justice en ligne, 13 février 2017, www.justice-en-ligne.be.
  • [131]
    Parlement wallon, Commission de l’Environnement, de l’Aménagement du territoire et des Transports, Compte rendu intégral, CRIC n° 77, 16 janvier 2017, p. 12.
  • [132]
    P. Singer, Animal Liberation, A New Ethics for Our Treatment of Animals, New York, Harper & Collins, 1975. La traduction française du livre est parue à Paris chez Payot la même année.
  • [133]
    « La viande bovine, secteur cible de l’AWEX en 2019 », Belga, 21 novembre 2018.
  • [134]
    Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, Proposition d’ordonnance modifiant la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux, en ce qui concerne les méthodes autorisées pour l’abattage des animaux, n° 648/1, 6 mars 2018, p. 23.
  1. Introduction
  2. 1. La notion d’abattage rituel
  3. 2. L’évolution du cadre européen
    1. 2.1. Le Conseil de l’Europe
    2. 2.2. L’Union européenne
    3. 2.3. La situation dans les différents pays de l’Union européenne
  4. 3. La situation antérieure à la régionalisation
    1. 3.1. L’importance de l’abattage rituel en Belgique
    2. 3.2. Les prescriptions légales et réglementaires fédérales : lieu et mode d’abattage
    3. 3.3. Le débat au Parlement fédéral sur une éventuelle interdiction de l’abattage sans étourdissement (1995-2014)
  5. 4. Les attitudes des pouvoirs publics à propos des lieux d’abattage
  6. 5. Les prescriptions régionales en matière de mode d’abattage
    1. 5.1. La Région wallonne : l’interdiction de l’abattage sans étourdissement (décret du 18 mai 2017)
      1. 5.1.1. Carlo Di Antonio, ministre wallon du Bien-être animal
      2. 5.1.2. L’avis du Conseil wallon du bien-être des animaux du 31 mai 2016
      3. 5.1.3. Le processus parlementaire : initiatives, débats, avis du Conseil d’État et auditions
      4. 5.1.4. L’adoption du décret
    2. 5.2. La Région flamande : l’interdiction de l’abattage sans étourdissement (décret du 7 juillet 2017)
      1. 5.2.1. Le processus parlementaire : initiatives, débats, avis du Conseil d’État et auditions
      2. 5.2.2. L’adoption du décret
    3. 5.3. La Région bruxelloise : l’actuel débat sur l’éventuelle interdiction de l’abattage sans étourdissement
      1. 5.3.1. Les initiatives parlementaires
      2. 5.3.2. L’ordonnance du 25 janvier 2018 relative à l’abattage à domicile
    4. 5.4. Les réactions d’organisations juives et musulmanes aux décrets wallon et flamand
      1. 5.4.1. L’avis de UNIA
      2. 5.4.2. Les recours auprès de la Cour constitutionnelle
  7. Conclusion

Depuis 1986, la législation belge impose aux abattoirs de mettre à mort les animaux « suivant la méthode la moins douloureuse », c’est-à-dire après étourdissement ou anesthésie. Cependant, elle prévoit une exception pour les animaux « faisant l’objet de méthodes particulières d’abattage requises par certains rites religieux ».

En effet, le judaïsme et l’islam édictent diverses prescriptions alimentaires visant à rendre la viande propre à la consommation par les fidèles de l’une ou l’autre religion. Pour que sa viande soit casher, un animal doit être abattu selon les règles de la shehita ; pour qu’elle soit halal, il doit l’être selon les règles du dhakât. Ces deux méthodes d’abattage réclament que l’animal soit conscient lors de sa mise à mort par tranchage du cou. Sont concernés le bétail (bovins, ovins et caprins) et la volaille. C’est l’abattage destiné à produire de la viande halal, répondant aux besoins d’une population musulmane européenne en croissance, qui fait l’objet de la plus forte visibilité médiatique, particulièrement lors de la célébration de l’Aïd el-Kébir (ou Aïd el-Adha) : la « fête du Sacrifice ».

Au nom du bien-être animal, la Wallonie et la Flandre ont mis fin, à partir de 2019, à l’exception relative aux abattages prescrits par un rite religieux. Désormais, tout animal mis à mort dans un abattoir doit être préalablement étourdi ou anesthésié. Au nom des droits fondamentaux, diverses organisations issues des communautés juive et musulmane ont déposé un recours contre ces mesures auprès de la Cour constitutionnelle, dont le Consistoire central israélite de Belgique (CCIB) et l’Exécutif des musulmans de Belgique (EMB).

En Région bruxelloise, de vifs débats sont en cours depuis plusieurs années, tant au sujet de la question des lieux d’abattage qu’au sujet de celle des méthodes d’abattage

Mis en ligne sur Cairn.info le 04/12/2018
https://doi.org/10.3917/cris.2385.0005
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