CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1Le mercredi 26 juillet 2017, le gouvernement fédéral Michel (N-VA/MR/CD&V/Open VLD) est parvenu à une décision dans un dossier vieux de près de dix années : le dossier Arco, du nom de son principal protagoniste. Source de nombreux conflits mais aussi d’accords plus ou moins discrets, objet de divergences d’interprétation et, par ailleurs, révélateur de ce qui persiste de l’impact des clivages traditionnels dans la société et la politique belges, ce dossier est à la croisée d’enjeux financiers, économiques, judiciaires et politiques d’une ampleur non négligeable. Le Conseil des ministres a tranché : les détenteurs de parts de la société coopérative Arco, en liquidation, seront partiellement indemnisés des pertes subies suite à l’effondrement et au démantèlement du holding Dexia SA, dont Arco était l’un des actionnaires avec une participation de l’ordre de 16 %. Cette solution prendrait la forme de la constitution d’un fonds alimenté par trois sources : la vente de participations de l’État dans Belfius Banque (qui a succédé à Dexia Banque Belgique), les sommes dégagées à l’issue de la liquidation de trois coopératives du groupe Arco (Arcoplus, Arcofin et Arcopar), et un apport de l’aile flamande du mouvement ouvrier chrétien  [1]. L’asbl beweging.net y a pris la place, en juin 2014, de l’association de fait Algemeen Christelijk Werknemersverbond (ACW), dont faisait partie le groupe Arco, mais ne compte plus ce groupe parmi ses associations membres.

2Quelle que soit la portée de cet accord gouvernemental (et sa légitimité, voire sa conformité avec le droit, notamment européen), il clôt à ce stade une longue période d’incertitudes, d’atermoiements et surtout de recherche d’une solution entre acteurs multiples, aux intérêts divergents et aux poids relatifs divers.

3Ce dossier éclaire plusieurs facettes de la prise de décision économique et politique en Belgique. Le présent Courrier hebdomadaire en dégage l’historique et les enjeux et précise les positions de ses principaux acteurs.

4Achevée d’être rédigée à la fin du mois de janvier 2018, cette étude ne prend pas en compte l’accord plus concret auquel serait entre-temps parvenu le gouvernement fédéral sur l’entrée en bourse de Belfius Banque et, en corollaire, sur le remboursement partiel des détenteurs de parts d’Arco. En l’occurrence, le 4 février 2018, le Conseil des ministres a abordé ces deux questions ; une des pistes permettant le remboursement consisterait à utiliser à cet effet la plus-value réalisée par l’État, par exemple sous la forme d’un dividende exceptionnel  [2]. Si le gouvernement Michel n’a pas encore introduit de dossier à ce sujet auprès de la Commission européenne, il semble mener dès à présent des discussions informelles, dans ce cadre, avec la commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager  [3].

1. Arco et Dexia

5Ce premier chapitre expose, sans entrer dans trop de détails techniques, l’évolution qui a conduit les deux composantes du mouvement ouvrier chrétien à prendre des parts dans le capital du holding Dexia SA et à se retrouver, après la débâcle de ce dernier en 2011, confronté aux problèmes qui en ont résulté et, notamment, aux dommages subis par les détenteurs de parts de la société coopérative Arco.

1.0. Préalable : le mouvement ouvrier chrétien, le MOC et l’ACW/beweging.net

6Le mouvement ouvrier chrétien belge est constitué des différentes organisations actives parmi les travailleurs chrétiens, depuis le syndicat jusqu’aux mutualités, en passant notamment par les fédérations féminines et les organisations de jeunesse.

7Le mouvement ouvrier chrétien s’est structuré dès le XIXe siècle. Il s’est d’abord donné pour coupole la Ligue démocratique belge (LDB, en néerlandais Belgische Volksbond - BV) en 1891, puis la Ligue nationale des travailleurs chrétiens (LNTC, en néerlandais Algemeen Christelijk Werkersverbond - ACW) à partir de 1921. Après la Seconde Guerre mondiale, au cours de laquelle la LNTC a dû cesser ses activités, a été fondé le Mouvement ouvrier chrétien (MOC, en néerlandais Algemeen Christelijk Werkersverbond - ACW), qui en a pris la succession (cf. infra).

8À la création du MOC-ACW, en 1946, ses structures mêlent des éléments unitaires et des composantes « communautarisées ». Des organes communs, non paritaires sur le plan linguistique, conduisent le mouvement ; le bureau national en est le pivot. Cependant, le MOC-ACW n’a ni président national, ni secrétaire national. Tant l’aile francophone (MOC) que l’aile néerlandophone (ACW) ont leur président, leur vice-président, leur secrétaire général, leur budget et leur aumônier propres. Au fil du temps, une distanciation croissante s’opère entre les deux ailes, qui amène à la constitution de deux organisations totalement indépendantes l’une de l’autre. Les services unitaires sont peu à peu scindés. Le début des années 1970 marque la disparition des structures faîtières et la fin du caractère unitaire du mouvement ouvrier chrétien belge.

9 Depuis lors, le mouvement ouvrier chrétien est donc constitué de deux composantes communautaires autonomes, qui coordonnent chacune un ensemble de mouvements et d’organisations sociales du monde chrétien de son côté de la frontière linguistique. Jusqu’en 2014, ces deux ailes communautaires du mouvement ouvrier chrétien ont été relativement similaires dans leur nature et leurs structures. Depuis la transformation de l’ACW en beweging.net, elles ne peuvent plus être considérées comme les exactes équivalentes l’une de l’autre.

10 Actif en Wallonie (en ce compris en région de langue allemande) et en région bruxelloise, le Mouvement ouvrier chrétien (MOC) est la composante francophone et germanophone du mouvement ouvrier chrétien en Belgique. Le MOC fédère des mouvements et organisations autonomes auxquelles sont affiliés des membres. Comme « coupole », le MOC comprend différentes organisations dites constitutives. Deux de ces organisations sont établies sur le plan national : l’Alliance nationale des mutualités chrétiennes (ANMC) et la Confédération des syndicats chrétiens de Belgique (CSC). Le MOC comprend aussi des organisations socio-éducatives. Il s’agit actuellement de Vie féminine, des Équipes populaires (EP) et des Jeunes organisés combatifs (JOC – avant 2014, Jeunesse ouvrière chrétienne et Jeunesse ouvrière chrétienne féminine, JOC et JOC-F). Par ailleurs, le MOC est structuré en fédérations régionales, dont certaines développent des initiatives propres (par exemple, l’asbl Loisirs et Vacances).

11 Active en Flandre et en région bruxelloise, la composante néerlandophone du mouvement ouvrier chrétien en Belgique s’est appelée l’Algemeen Christelijk Werkersverbond (ACW) jusqu’en 1985, puis l’Algemeen Christelijk Werknemersverbond (même sigle) jusqu’en juin 2014. Depuis lors, elle porte le nom de beweging.net. Jusqu’en 2014, l’ACW fédérait des mouvements et organisations autonomes auxquels étaient affiliés des membres. Comme coupole, l’ACW comprenait différentes organisations dites constitutives, dont deux établies au plan national : l’ANMC et la CSC. L’ACW comprenait alors aussi des organisations socio-éducatives : Open, Kristelijk, Respectvol en Actief (OKRA, communément appelée OKRA Trefpunt 55+), Femma (auparavant, Kristelijke Arbeidersvrouwen - KAV), Kristelijke Werknemersbeweging (KWB) et Kristelijke Arbeidersjongeren (KAJ - auparavant, Katholieke Arbeidersjeugd). Depuis la transformation de l’ACW en beweging.net, le schéma est partiellement différent. En effet, depuis 2014, la nouvelle structure se conçoit moins comme une « coupole » que comme l’« animatrice d’un réseau ». Ce réseau comprend ses anciennes organisations constitutives, ainsi que des services qui étaient jadis internes à l’ACW mais qui sont désormais autonomes : Familiehulp, Wereldsolidariteit, Pasar, Samana et Internationaal Comité (IC). En outre, beweging.net compte des « partenaires associés » : Groep Intro, Arktos, Welzijnszorg et Pax Christi Vlaanderen.

12 Le MOC et l’ACW/beweging.net ne partagent pas les mêmes vues quant à leurs rapports avec le monde politique (le MOC ne voit plus dans le PSC puis CDH son relais politique exclusif dès les années 1970, alors que l’ACW/beweging.net conserve des liens étroits avec le CVP puis CD&V) ni quant aux questions qui divisent les communautés culturelles et linguistiques. Mais elles ne s’adressent pas au même public et ne sont donc pas rivales. De plus, si elles sont autonomes, leurs organisations affiliées ne le sont pas nécessairement : syndicat et mutuelle fonctionnent toujours, en tout cas pour l’essentiel, sur une base unitaire (ou fédérale). Or, ces organisations unitaires sont les principaux financiers des deux composantes du mouvement ouvrier chrétien. Par ailleurs, le MOC et l’ACW/beweging.net conservent des liens évidents, même si ceux-ci ne sont pas institutionnalisés. Les dirigeants du MOC et ceux de l’ACW/beweging.net se rencontrent régulièrement de façon informelle pour échanger des informations et confronter des points de vue ; plus rarement, cette collaboration s’opère sous la forme d’activités communes comme des colloques. En outre, Solidarité mondiale, qui est l’organisation non gouvernementale (ONG) du MOC et de ses organisations, forme avec Wereldsolidariteit, qui est liée à beweging.net, l’ONG nationale Wereld Solidariteit/Solidarité mondiale (WSM).

1.1. Arco avant Arco

13Un examen rapide des conditions historiques qui ont présidé à la naissance du mouvement ouvrier chrétien, à son développement et à ses mutations jusqu’à ce que celui-ci devienne l’un des principaux actionnaires du holding Dexia SA permet de mieux situer l’origine de l’implication des deux composantes de ce mouvement dans le secteur bancaire belge (et, jusqu’à un certain point, international).

14Le 2 février 1891, est créée la Ligue démocratique belge (LDB, en néerlandais Belgische Volksbond - BV), qui vise à l’émancipation « matérielle et morale » de l’ouvrier et agit en ce sens au sein du Parti catholique. Après la Première Guerre mondiale, naît la Ligue nationale des travailleurs chrétiens (LNTC, en néerlandais Algemeen Christelijk Werkersverbond - ACW), qui s’oppose au monopole politique de la bourgeoisie catholique et entend peser, entre autres, sur le choix des candidats proposés à l’électeur. Formellement, son premier congrès a lieu les 17 et 18 juillet 1921. La LNTC a, clairement, une origine flamande : elle a d’ailleurs pour premier président un flamingant notoire  [4], à savoir Hendrik Heyman – par ailleurs président de la Confédération des syndicats chrétiens (CSC, en néerlandais Algemeen Christelijk Vakverbond - ACV) –, et ses membres sont d’emblée et resteront majoritairement flamands  [5]. La LNTC rassemble les différentes organisations actives parmi les travailleurs chrétiens, depuis le syndicat (la CSC) jusqu’aux mutualités en passant par les fédérations féminines, notamment.

15La LNTC s’emploie dès 1923 à regrouper les coopératives chrétiennes existantes. Ces dernières ont pour objectif de contribuer concrètement au bien-être des familles ouvrières tout en générant des bénéfices qui assurent un soutien financier à la LNTC  [6]. Elles sont apparues dès avant la Première Guerre mondiale, sous la forme surtout de boulangeries et d’épiceries  [7]. Pour coordonner les initiatives prises en la matière, la LNTC met en place, le 25 août 1924, la Coopérative ouvrière belge (COB, en néerlandais Belgische Arbeiderscoöperatie - BAC).

16 Le 9 décembre 1925, la LNTC décide de créer également une banque d’épargne centrale : la Banque ouvrière de Belgique (renommée, en mars 1926, Banque d’épargne des ouvriers chrétiens), sur laquelle la COB exerce son contrôle par le moyen d’une participation majoritaire. Cette banque constitue « une espèce de secrétariat central et de holding financier pour le mouvement coopératif [chrétien] »  [8]. Dans les années 1930, elle est intégrée à la COB ; celle-ci devient dès lors une caisse de dépôts qui recueille, par l’intermédiaire de caissiers locaux, l’épargne des travailleurs affiliés aux différentes branches du mouvement ouvrier chrétien. Ces caissiers ne se contentent d’ailleurs pas de récolter de l’argent : outre qu’ils sont des propagandistes précieux pour le mouvement, ils placent aussi – notamment – des assurances. Le 18 décembre 1929, la COB a en effet créé une société d’assurances : les Assurances populaires (AP).

17 Le 22 août 1934, le gouvernement belge prend un arrêté-loi relatif à la protection de l’épargne et de l’activité bancaire qui impose une scission, en sociétés distinctes, entre banques de dépôt et banques d’affaires et de marchés (holdings). De ce fait, le rôle de coordination de la COB est repris par la Fédération nationale des coopératives chrétiennes (FNCC, en néerlandais Landelijk Verbond der Christelijke Coöperaties - LVCC), constituée le 4 juillet 1935. Celle-ci reprend également les participations dans les sociétés régionales. La COB, elle, se limite désormais à être une caisse d’épargne.

18 Après la Seconde Guerre mondiale, est fondé le Mouvement ouvrier chrétien (MOC, en néerlandais Algemeen Christelijk Werkersverbond - ACW), qui en prend la succession.

19Durant les premières décennies qui suivent la Seconde Guerre mondiale, l’action coopérative du mouvement ouvrier chrétien connaît une forte expansion, et le capital de la COB ne cesse de gonfler. Son total bilantaire est de 4 milliards de francs belges en 1960. La FNCC étend ses activités ; ses membres multiplient les initiatives. La Mutualité chrétienne acquiert et gère des centres de vacances, tandis que la FNCC édite un quotidien (Het Volk), crée et gère une régie publicitaire, ouvre des librairies, reprend une agence de voyages, etc. La loi du 10 juin 1964 sur les appels publics à l’épargne et les arrêtés royaux de 1967 qui assouplissent le statut des caisses d’épargne permettent également à la COB d’élargir son champ d’action. Elle crée des agences et prend des participations dans des sociétés commerciales. En 1983 est fondée Coplus, un véhicule financier dont les coopérateurs bénéficient d’avantages fiscaux et qui rencontre un grand succès. Cette structure est mise en place pour profiter des mesures de défiscalisation prises par le gouvernement Martens V (CVP/PRL/PSC/PVV)  [9] : bien qu’ils estiment que ces mesures constituent un « cadeau fait aux riches », les responsables du MOC et de l’ACW ont en effet tenu à ce que leurs membres ne soient pas exclus de leurs bénéfices.

20 La FNCC se restructure en 1990-1991. Elle s’appelle désormais Arco – après un bref intermède sous le nom de Groupe C (en néerlandais, Groep C) – et se compose de deux holdings financiers : Arcoplus, qui remplace Coplus, et Arcopar, qui résulte de la fusion des filiales régionales qui formaient jusqu’alors la FNCC. Les moyens issus de ces deux sociétés sont concentrés dans deux nouveaux holdings : la sprl Arcofin pour les activités financières (la COB et les AP), la SA Auxipar pour les activités commerciales (épiceries et pharmacies, essentiellement). Arco en assure la restructuration en 1991-1993. « Dorénavant, (…) la section locale d’épargne tenue par un bénévole appartient au passé ; les liens avec les sections des organisations du [mouvement ouvrier chrétien] se distendent, sans être coupés pour autant, le facteur marketing et promotionnel étant trop important »  [10]. Dès 1975, la FNCC a par ailleurs cessé de verser des dividendes aux coopérateurs : le montant acquis par ceux-ci est placé sur un compte d’attente et capitalisé. Les dividendes ne sont plus payés qu’en cas de décès ou de désaffiliation.

21 L’implication des deux composantes du mouvement ouvrier chrétien dans Arco n’est cependant pas qu’historique. À leur constitution et par la suite, les conseils d’administration des deux holdings qui succèdent à la FNCC (Arcopar et Arcofin) sont majoritairement composés de représentants du MOC et de l’ACW, des organisations qui en font partie ou de personnalités proches de la mouvance sociale-chrétienne  [11]. Dans le conseil d’administration d’Arcofin, on retrouvera ainsi les noms de Johnny Cornillie (chef de cabinet du ministre-président flamand Luc Van den Brande (CD&V) dans les années 1990), d’André Devogel (qui a notamment présidé le conseil d’administration des AP), de François Martou (président du MOC de 1988 à 2006), de Theo Rombouts (président de l’ACW de 1988 à 2002), de Kamiel De Witte (directeur général des AP de 1970 à 1993), de Jean Hallet (président de l’Alliance nationale des Mutualités chrétiennes - ANMC de 1991 à 1993), d’Édouard Descampe (secrétaire général de l’ANMC de 1995 à 2006), de Luc Cortebeeck (président national de la CSC de 1999 à 2012), de Marc Justaert (secrétaire national puis président de l’ANMC de 1992 à 2015), de Willy Peirens (président national de la CSC de 1987 à 1999), de Thierry Jacques (président du MOC de 2006 à 2013), de Claude Rolin (secrétaire général de la CSC de 2006 à 2014, actuellement parlementaire européen pour le CDH), de Jan Renders (président de l’ACW de 2002 à 2010), de Greta D’Hondt (secrétaire nationale de la CSC puis députée fédérale pour le CD&V de 1995 à 2007), de Ferre Wyckmans (secrétaire national de la Landelijke Bedienden Centrale - Nationaal Verbond voor Kaderpersoneel - LBC-NVK, syndicat des employés flamands affilié à la CSC), d’Eric Spiessens (qui deviendra par la suite secrétaire national de l’ACW), de Josly Piette (secrétaire général de la CSC de 1992 à 2005, ministre de l’Emploi dans le gouvernement fédéral Verhofstadt III en 2007-2008). Cette liste n’est pas exhaustive.

22 Ni les statuts d’Arcofin, ni ceux d’Arcopar ne formalisent cette représentation du MOC et de l’ACW ; ils sont également muets sur une éventuelle proportion entre représentants francophones et représentants flamands. Plus que la composition du conseil d’administration, c’est la situation géographique des associés qui permet de considérer qu’Arco est majoritairement une société flamande. Selon les responsables actuels du MOC, les associés d’Arco seraient à plus de 85 % domiciliés en région flamande. C’est qu’ils le sont historiquement via Bacob (cf. infra), et que celle-ci était surtout implantée au nord du pays – implantation renforcée par le rachat de plusieurs caisses d’épargne en Flandre. Cet ancrage majoritaire reflète, au demeurant, les rapports de force au sein du monde ouvrier chrétien, principalement présent en région flamande.

23Par ailleurs, les « organisations sociales » (c’est-à-dire les organisations membres du MOC ou de l’ACW puis de beweging.net) détiennent une part importante du capital des sociétés du groupe Arco (cf. infra).

1.2. De la COB à Dexia Holding

24En 1994, la COB se voit dotée du statut de banque pleine et entière (elle cesse donc d’être une simple caisse d’épargne et de dépôts) et est rebaptisée du nom de Bacob (un condensé des appellations néerlandophone et francophone de la COB). Elle brasse certes des capitaux considérables, mais la concurrence rend les marges bénéficiaires de plus en plus étroites. En outre, le secteur bancaire se retrouve engagé, à la fin du XXe siècle, dans une véritable « course à la taille ». Bacob, de l’avis de ceux qui la dirigent, se trouve à ce moment dans la pire situation qui soit : elle est la plus grande des petites banques, mais la plus petite des grandes. Sous la direction d’Hubert Detremmerie, Bacob procède à des investissements dans différents secteurs et s’internationalise ; elle entreprend par ailleurs de s’agrandir en se livrant à des acquisitions. C’est ainsi que, après une tentative (avortée) de racheter la Société nationale de crédit à l’industrie (SNCI) – cédée finalement par le gouvernement belge à la Caisse générale d’épargne et de retraite (CGER) en 1995 –, Bacob acquiert en 1997 la banque Paribas-Belgique (que le groupe français a mise en vente suite à sa dénationalisation) et prend une part majoritaire dans le capital de la banque Paribas-Nederlanden. Cette opération se fait alors qu’H. Detremmerie a été remplacé à la tête de la Bacob par Dirk Bruneel, un ancien de la CGER. Ensuite, Bacob et Paribas-Belgique fusionnent sous le nom de Banque Artesia.

25En 1999, le nouveau groupe prend le nom d’Artesia Banking Corporation. Il se compose d’une banque retail (Banque Bacob), d’une banque d’affaires (Banque Artesia), d’une société d’assurances (les AP) et d’un asset manager (Cordius). Il est alors le cinquième groupe bancaire belge. La fusion des deux banques ne donne cependant pas les résultats escomptés en termes de bénéfices. De plus, il pose divers problèmes quant au statut de leur personnel respectif – des problèmes qui, semble-t-il, persisteront.

26C’est dans ces mêmes années 1990 que des organisations membres du mouvement ouvrier chrétien commencent à se séparer d’anciens fleurons de leur « empire » économique. Le quotidien du syndicat, Het Volk, est vendu au groupe Vlaamse Uitgeversmaatschappij (VUM), éditeur notamment du Standaard, en septembre 1994. Sont également cédés l’agence de voyage Ultra Montes, des magasins et un groupe de fourniture d’articles de bureau (Samko). En ce qui concerne les centres de vacances, Arco est chargé de missions pour le compte de la CSC et de la mutualité ; in fine, deux centres seront regroupés en une gestion Arco au sein de l’asbl Sofato (Duinse Polders à Blankenberge et Sol Cress à Spa)  [12].

27 Devant les difficultés, quelques déconvenues et l’inquiétude de son management, Artesia Banking Corporation se cherche un autre partenaire bancaire, de préférence belge (au moins en partie). Elle finit par se tourner vers Dexia. C’est que, au tournant du siècle, le secteur bancaire belge connaît une période de « consolidation » : la fusion de la CGER, de la SNCI, des Assurances générales (AG, par la suite renommées AG Insurance) et de la Société générale de Banque (G-Banque) donne naissance à Fortis, et celle des banques Cera et Kredietbank (KB) avec ABB Assurances (l’assureur du Boerenbond) amène à la création de la KBC, tandis que la Banque Bruxelles-Lambert (BBL) est reprise par l’Internationale Nederlanden Groep (ING). La « course à la taille » se poursuit et s’amplifie.

28Pour sa part, la banque Dexia est née en 1996 de la fusion entre le Crédit communal de Belgique (CCB, banque belge fondée en 1860 pour permettre aux communes de financer leurs investissements) et le Crédit local de France (CLF, qui, succédant à la Caisse d’aide à l’équipement des collectivités locales - CAECL, poursuit les mêmes objectifs dans l’Hexagone). Dans les années qui suivent, Dexia Crédit local (DCL), filiale française du Groupe Dexia, a pris des participations dans diverses autres banques à l’étranger, dont la banque italienne Crediop, elle aussi spécialisée dans le crédit aux collectivités locales. En 2000, DCL a également acquis Financial Security Assurance (FSA) aux États-Unis, l’un des poids lourds du rehaussement de crédit des obligations municipales, devenant ainsi le leader mondial sur le marché des services financiers au secteur public. Le choix du rapprochement avec Dexia en particulier se justifie par la proximité des métiers et des objectifs sociétaux : l’un est spécialisé dans le financement du secteur public et des collectivités locales, l’autre dans celui du non-marchand et de l’économie sociale. Ensemble, ils constituent une banque spécialisée dans le financement des fonctions collectives. Le périmètre d’activité très spécifique explique l’importance de l’adhésion au projet de la part du mouvement ouvrier chrétien et de ses organisations.

29Le 13 mars 2001, Arcofin fait apport à Dexia Groupe de sa participation dans Artesia et y reçoit en échange une participation de 15,5 %. De l’avis des responsables du MOC et de l’ACW, plusieurs arguments militent en faveur de la fusion avec Dexia plutôt qu’avec un autre partenaire belge. Dexia est active partout dans le monde, y compris aux États-Unis. L’alliance, essentiellement défensive, bénéficie d’emblée d’une excellente notation financière (rating) – meilleure que celle de l’État belge à ce moment. Aucun plan social n’est nécessaire : les organisations du personnel sont d’accord avec l’opération, celle-ci maintenant l’emploi. Les pyramides des âges au sein du personnel sont complémentaires : il y a peu de jeunes employés chez Dexia, tandis qu’ils sont beaucoup plus nombreux chez Artesia. Enfin et surtout, Dexia a des actionnaires publics de premier ordre et s’investit dans des projets d’intérêt collectif, comme le faisait Bacob.

30 Arco devient ainsi, comme le sont par ailleurs le Holding communal et Ethias (cf. infra), un actionnaire minoritaire de Dexia Holding, dont le conseil d’administration est par ailleurs parfaitement paritaire entre Français et Belges.

31L’idée, évoquée un moment, de maintenir une banque d’épargne dotée d’une filiale bancaire, comme c’est le cas par exemple de Natexis et de la Banque populaire – sans procéder donc à une fusion proprement dite – n’a pas été retenue. Interrogé sur la compatibilité de cette opération avec les valeurs du mouvement coopératif chrétien, le président du comité de direction d’Arco, Rik Branson, répond qu’il ne voit pas de problème, à condition qu’Arco puisse peser sur les décisions de la nouvelle banque et se profiler plus nettement  [13].

32La fusion semble une réussite. Certes, certaines difficultés s’annoncent : pertes importantes aux Pays-Bas, débâcle de Lernout & Hauspie (L&H)  [14], etc. Mais tout cela n’empêche pas les premières années de la nouvelle banque d’être florissantes. C’est, en particulier, au cours des années 2003-2005 que celle-ci prospère. La croissance bilantaire est constante.

33 Arco, de son côté, ne cesse de renforcer sa présence dans Dexia SA, essentiellement en raison des différents programmes de rachat d’actions propres mis en œuvre par Dexia. En 2001, la participation d’Arcofin dans Dexia SA s’élève à 16,5 % environ ; en 2006, elle est de 17,8 %. À la fin de l’année 2007, cette participation représente 80 % des actifs d’Arco, soit près de 4 milliards d’euros  [15]. Par ailleurs, Arco a une participation directe dans Elia (gestionnaire belge de réseau de transport d’électricité) qui se répartit entre Arcofin, Arcopar et Auxipar  [16]. De même, Arco investit dans la société Aquafin (entreprise flamande active dans l’épuration des eaux) et possède, via sa filiale Auxipar, 11,0 % du capital de la Vlaamse Energie Holding (VEH, société flamande détenant des intérêts dans le secteur du gaz et de l’électricité) et 2,3 % de celui de la Socofe (société d’investissement wallonne active dans le domaine des services aux communes), deux holdings qui ont eux-mêmes des parts dans SPE-Luminus, Publigaz (Distrigaz et Fluxys) et Publipar, un actionnaire d’Elia.

34La participation d’Arco dans le capital de Dexia SA s’inscrit à l’époque, explique Francine Swiggers (qui succède le 1er novembre 2007 à R. Branson à la présidence du comité de direction de la coopérative), dans le cadre d’un « pacte d’actionnaires » signé entre Arcofin, le Holding communal (qui est le banquier des pouvoirs locaux)  [17], la compagnie d’assurances belge Ethias et la compagnie d’assurances française Caisse nationale de prévoyance (CNP)  [18], ainsi que la Caisse de dépôts et consignations (CDC)  [19] pour ce qui concerne les décisions stratégiques du groupe : ensemble, ces actionnaires détiennent 54 % du capital de Dexia SA  [20].

35Au 31 décembre 2007, Arco dispose de 3 sièges sur 19 au conseil d’administration du groupe Dexia SA ; ils sont occupés par F. Swiggers, Marc Tinant (vice-président du comité de direction d’Arco) et J. Renders (président de l’ACW). Au conseil d’administration de Dexia Banque Belgique (DBB), ils sont 4 sur 18 à la même date : R. Branson (actionnaire et ancien président du comité de direction d’Arco), C. Rolin (secrétaire général de la CSC), T. Jacques (président du MOC) et M. Justaert (président de l’ANMC). Arco continue par ailleurs à acheter des actions de Dexia SA pour augmenter sa participation : acquisition de 3,55 millions d’actions en 2006 pour 71,3 millions d’euros, et de près de 200 000 actions en décembre 2007 pour 3,3 millions d’euros  [21].

36Le choix que fait Arco de conserver sa participation dans Dexia SA sans beaucoup diversifier davantage ses placements se justifie, aux yeux de ses responsables, par la volonté de rester un actionnaire important de Dexia SA même en cas de nouvelle fusion. Arco s’oppose d’ailleurs à différents projets de cet ordre, dont l’un avec la banque italienne Sanpaolo IMI en 2004 et l’autre avec Fortis en 2005  [22]. Néanmoins, Arco augmente sa participation dans Elia en février 2008 (elle passe de 4,3 % à 9,1 % du capital) et se montre intéressée par la reprise des actions que le groupe industriel franco-belge Suez détenait dans Distrigaz mais dont il doit se séparer après sa fusion en 2008 avec Gaz de France (pour donner naissance à GDF Suez)  [23].

1.3. De 2001 à 2008 et la crise des subprimes

37Une première crise vient frapper Dexia, et par ricochet Arco, en 2008 : la crise dite des subprimes. Les gouvernements français, belge et luxembourgeois, concernés au premier chef par cette crise qui risque de mettre en danger le système bancaire dans son ensemble et, en particulier, une banque qui sert de véhicule de financement de leurs collectivités locales, décident d’intervenir, aux côtés des actionnaires. Cette intervention a un coût, y compris pour Arco.

38En 2008, la crise des subprimes, qui s’est ouverte aux États-Unis l’année précédente et qui est due à des défauts de remboursement d’emprunts à risque, surtout immobiliers, frappe l’Europe de plein fouet. La faillite de la banque états-unienne Lehman Brothers, le 15 septembre 2008, provoque l’inquiétude des acteurs financiers. Les banques ne prêtent plus ni aux particuliers, ni entre elles, la méfiance s’installe, chacun est isolé face aux défauts de remboursements, ce qui explique l’extension de la crise comme une traînée de poudre. Le groupe Dexia SA, qui a acheté la société états-unienne FSA (cf. supra), est touché lui aussi. L’action Dexia, qui était encore cotée à plus de 20 euros en bourse les années précédentes, tombe à 10,07 euros le 26 septembre 2008 et chute même à 6,62 euros trois jours plus tard. Le 30 septembre, la cotation de l’action Dexia est suspendue. Le lendemain, l’agence Moody’s baisse la notation de plusieurs entités bancaires du groupe  [24]. D’autres banques belges connaissent également des difficultés. Fortis est sauvée par l’État belge et ses voisins fin septembre 2008, et le sauvetage de Dexia intervient peu après  [25].

39 La solution mise en place pour permettre à Dexia SA de survivre est négociée entre le gouvernement belge, le gouvernement français et le gouvernement luxembourgeois. Elle implique une augmentation de capital de 6,3 milliards d’euros (au cours de 9,90 euros l’action – cours supérieur à celui du jour où la décision est prise, cela en vertu de la loi). Sur ces 6,3 milliards, 3 milliards proviennent des pouvoirs publics et des actionnaires belges, à savoir 1 milliard de l’Autorité fédérale, 1 milliard des trois Régions (500 millions de la Région flamande, 350 millions de la Région wallonne et 150 millions de la Région de Bruxelles-Capitale) et 1 milliard des actionnaires de référence, soit Arco (pour 350 millions) mais aussi le Holding communal (pour 500 millions) et Ethias (pour 150 millions). La France apporte 3 autres milliards, à savoir 1 milliard de l’État et 2 milliards des deux actionnaires français de Dexia SA : CDC et CNP Assurances. Le Luxembourg promet de son côté un apport de 376 millions d’euros. De plus, les États (la Belgique pour 60,5 %, la France pour 36,5 % et le Luxembourg pour 3,0 %) garantissent les prêts que les autres banques octroient à Dexia SA pour un montant maximum de 150 milliards d’euros ; Dexia SA paie, pour cette garantie, une redevance (« fee ») mensuelle aux trois États. Par ailleurs, ce sauvetage de Dexia SA s’accompagne de la démission du président du conseil d’administration, Pierre Richard, et de celle du CEO du groupe, Axel Miller.

40En octobre 2008, Jean-Luc Dehaene, ancien Premier ministre belge (CVP), accède à la présidence du groupe Dexia SA, qui s’est choisi pour administrateur délégué un banquier français, Pierre Mariani, venu de BNP Paribas (en passant par le cabinet de Nicolas Sarkozy lorsque ce dernier était ministre du Budget dans le gouvernement français d’Édouard Balladur)  [26].

41L’arrivée de J.-L. Dehaene est concomitante à la décision du gouvernement fédéral belge (gouvernement Leterme I : CD&V/MR/PS/Open VLD/CDH) d’étendre aux détenteurs de parts des sociétés coopératives reconnues la garantie de l’État accordée par une loi du 15 octobre 2008  [27] dans le cadre de la crise des subprimes aux épargnants belges à concurrence de 100 000 euros  [28]. C’est ce qu’indique, dès le 10 octobre 2008, un communiqué de presse du Conseil des ministres ; signé par le ministre des Finances, Didier Reynders (MR), ce communiqué précise que le gouvernement fédéral entend « augmenter la couverture donnée par le régime existant de garantie des dépôts pour les établissements de crédit de 20 000 à 100 000 euros » et « établir un régime similaire pour d’autres produits financiers (en particulier les produits d’assurance-vie relevant de la branche 21  [29] et les parts de coopératives financières) ». Le journal De Standaard relève que J.-L. Dehaene a assurément fait comprendre au Premier ministre, Yves Leterme (CD&V), « que les actionnaires de Dexia avaient eux aussi besoin d’un appui »  [30]. Via Arcofin (qui, en octobre 2008, a perdu 4,7 millions d’euros sur ses actions Dexia)  [31], Arco est en effet propriétaire de 18,9 % de Dexia SA et cette participation, qui valait encore 5 milliards d’euros en 2007, ne vaut alors plus que 786 millions d’euros (pour 248 millions d’actions)  [32].

42L’arrêté royal du 14 novembre 2008  [33], qui exécute sur ce point la loi du 15 octobre 2008 en créant le Fonds spécial de protection des dépôts et des assurances sur la vie, n’étend pourtant la garantie de l’État qu’aux « contrats d’assurances sur la vie avec rendement garanti ». Il s’applique donc, entre autres, à certains placements proposés par exemple par l’assureur Ethias. Le même 14 novembre 2008, le gouvernement Leterme I prend un autre arrêté royal  [34], qui charge la Société fédérale de participations et d’investissement (SFPI) de souscrire, à concurrence d’1 milliard d’euros, à une augmentation de capital de la société Ethias Finance. Le ministre des Finances, D. Reynders, confirmera par la suite que l’accord conclu au sein du gouvernement Leterme a porté à la fois sur Arco et Ethias. Interrogé par la « commission Dexia » (cf. infra) le 25 janvier 2012, il indiquera notamment : « J’ai (…) bien compris à un moment donné que je ne pourrais pas – et le Premier ministre aussi à l’époque – boucler l’accord avec nos collègues (…) et avec la direction de Dexia si en même temps il n’y avait pas de décisions prises sur Ethias et sur Arco ». Néanmoins, seule la décision concernant Ethias se concrétise, ce que D. Reynders expliquera par le fait « qu’il a fallu faire en sorte que cet accord politique puisse se traduire dans un texte »  [35].

43C’est que la crise a également frappé Ethias. Ce groupe était originellement une structure de type mutualiste, créée en 1919 sous le nom de Société mutuelle des administrations publiques pour l’assurance contre l’incendie, la foudre et les explosions (SMAP). Il n’a d’abord assuré que les administrations publiques (puis, à partir de 1957, les fonctionnaires), avant de s’ouvrir au public en 2000. Il a lancé, au fil des années, des produits de plus en plus diversifiés, dont des produits de placement, et s’est même doté d’une filiale bancaire. En décembre 2003, la SMAP a changé de nom pour devenir Ethias. En 2008, le groupe Ethias – qui est détenteur de 6,3 % du capital de Dexia SA – se trouve en difficulté et se tourne vers le gouvernement fédéral. Or Ethias est « perçu comme proche du monde socialiste »  [36]. Le parallélisme qu’évoquera D. Reynders en janvier 2012 est donc dû à la participation des deux groupes (Arco et Ethias) au capital de Dexia SA et à leur proximité, chacun pour ce qui le concerne, avec le pilier chrétien et le pilier socialiste.

44Le 19 novembre 2008, la Commission européenne décide de ne pas soulever d’objection à l’encontre des mesures d’urgence prises en faveur de Dexia SA, en ce qu’elles constituent des aides d’urgence au sauvetage d’une entreprise en difficulté  [37].

1.4. La restructuration de Dexia et la crise de la dette souveraine

45En 2011, une nouvelle crise – fatale, celle-là – vient frapper Dexia : la crise de la dette souveraine, initiée par les révélations relatives à l’ampleur de la dette publique grecque. Dexia Banque Belgique disparaît. Arco perd dans la débâcle une part considérable de son capital et cherche à préserver les intérêts de ses associés.

46 En janvier 2009, le gouvernement fédéral belge (gouvernement Van Rompuy : CD&V/ MR/PS/Open VLD/CDH) confirme l’extension de garantie de l’État aux détenteurs de parts d’Arco, non formalisée pourtant à ce stade. Le Premier ministre, Herman Van Rompuy (CD&V), et le ministre des Finances, D. Reynders, publient un communiqué de presse en ce sens le 21 janvier, qui indique que « le gouvernement confirme l’engagement pris par le gouvernement précédent d’offrir un régime de garantie aux associés des sociétés coopératives agréées ». En contrepartie, ces coopératives verseraient une prime à l’État et les indemnités versées à leurs associés seraient limitées ; une contribution supplémentaire serait versée à l’État au cas où les dividendes perçus dépasseraient un seuil minimum. Le régime s’appliquerait aux « associés particuliers et institutionnels »  [38].

47 Après l’entrée des pouvoirs publics au capital de Dexia SA, la participation d’Arco dans le holding n’est plus que de 13,9 %. Le nombre d’administrateurs représentant la coopérative passe, en conséquence, de trois à deux. J. Renders, le président de l’ACW, en démissionne  [39]. Par ailleurs, Arco cherche manifestement, à ce moment, à diversifier davantage ses participations – comme l’avait annoncé F. Swiggers dans un entretien accordé au magazine Trends-Tendances en juin 2009  [40]. Dans le courant de l’année 2010, la société coopérative injecte ainsi des capitaux dans Elia  [41].

48 Entre-temps, la mise en place des mesures législatives destinées à concrétiser l’accord conclu au sein du gouvernement fédéral sur la garantie à accorder aux sociétés coopératives se poursuit. Le 14 avril 2009, la loi du 15 octobre 2008 déjà évoquée est modifiée afin d’autoriser le gouvernement belge à mettre en place, par voie d’arrêté royal, un « système d’octroi de la garantie de l’État pour le remboursement aux associés personnes physiques de leur part du capital de sociétés coopératives agréées conformément à l’arrêté royal du 8 janvier 1962 fixant les conditions d’agréation des groupements nationaux de sociétés coopératives et des sociétés coopératives, qui sont des institutions contrôlées en vertu des lois précitées ou dont au moins la moitié du patrimoine est investi dans de telles institutions », bref des coopératives financières  [42]. Un arrêté royal ne sera toutefois pris en ce sens que le 10 octobre 2011  [43].

49 Dans l’intervalle, la situation de Dexia SA s’est à nouveau aggravée. La crise dite de la dette souveraine éclate. Fin 2009, l’ampleur réelle du déficit public de la Grèce est révélée, de même que l’importance des manipulations destinées à la masquer. Les agences de notation abaissent aussitôt la note de la dette souveraine grecque, et le phénomène persiste malgré les plans d’austérité successifs présentés par le gouvernement grec dans les premiers mois de 2010. D’autres États sont touchés, dont l’Irlande et le Portugal parmi les premiers. La confiance des banques entre elles et du marché envers les banques est à nouveau entamée, et les cours bancaires chutent dans de nombreux pays. La spéculation sur les dettes d’État aggrave encore les difficultés.

50Pendant toute l’année 2010, les baisses de notation, plans de redressement et plans d’austérité se succèdent. C’est encore le cas durant le premier trimestre de 2011. En juillet-août 2011, c’est la « quinzaine noire » : les indices boursiers européens chutent fortement, les banques manquent de liquidités, les prévisions économiques sont mauvaises.

51Malgré la crise, Arco est restée fidèle à Dexia pour différentes raisons : les ratings du groupe restent bons jusqu’en juin 2011, Dexia a réussi les stress-tests européens ce même mois, et le portefeuille états-unien (FSA) du groupe est vendu en mai-juin 2011  [44]. Pourtant, le cours de l’action Dexia ne cesse de baisser : au 3 août 2011, il se situe à 1,70 euros. En octobre, le gouvernement fédéral belge (gouvernement Leterme II : CD&V/ MR/PS/Open VLD/CDH) – qui, à ce moment, est en affaires courantes suite aux élections du 13 juin 2010 et à la difficulté de former une nouvelle coalition  [45] – intervient. Le ministre des Finances, D. Reynders, s’en expliquera comme suit : « À cause de l’aggravation de la crise des dettes souveraines et l’exposition de Dexia aux obligations publiques des pays du sud de l’Europe et à la dégradation par Moody’s le 3 octobre 2011, celle-ci n’avait plus la possibilité de se financer sur le marché interbancaire en raison d’un manque de confiance. La propagation de la crise souveraine de la zone euro a eu notamment comme conséquence une dégradation des conditions de refinancement des banques. De nouvelles mesures devaient être prises à court terme afin d’éviter les effets de contagion et la mise en péril de la stabilité financière »  [46].

52Dès le mois de septembre, Arco demande au gouvernement fédéral belge de mettre au point le cadre réglementaire de la garantie promise en 2009  [47] : à ce moment, la situation de la coopérative est devenue extrêmement préoccupante. Troisième actionnaire de Dexia SA, ses participations sont pour le reste assez peu diversifiées : la coopérative possède 8,8 % d’Elia (160 millions), 0,1 % de Belgacom, 5,6 % de Retail Estates et 3,5 % de Home Invest Belgium – deux sociétés d’investissement à capital variable (SICAV) immobilières –, ainsi que des actions dans VDK Spaarbank. Mais ses 256 millions d’actions Dexia, inscrites dans sa comptabilité à 9,9 euros l’unité en vertu des dispositions légales, ne valent plus que 85 centimes chacune  [48], d’où une moins-value de 2,3 milliards d’euros.

53 Le 3 octobre 2011, le conseil d’administration de Dexia SA diffuse un communiqué de presse indiquant que son CEO est chargé « de préparer, en concertation avec les États et les autorités de contrôle, les mesures nécessaires pour résoudre les problèmes structurels qui pénalisent les activités opérationnelles du groupe et ouvrir de nouvelles perspectives de développement à ses franchises commerciales historiques en Belgique et en France » en vue de vendre plusieurs actifs. Ce communiqué de presse entraîne une réaction négative auprès des investisseurs et le risque de panique bancaire (« bank run ») s’amplifie : 4 milliards de dépôts sont retirés de Dexia durant la semaine précédant le 7 octobre 2011  [49].

54 Des négociations s’engagent dès lors entre le gouvernement belge et le gouvernement français, principales parties intéressées au sauvetage de Dexia SA. En définitive, un accord est conclu le 9 octobre 2011. Il débouche sur un démantèlement de Dexia SA, dont la banque (Dexia Banque Belgique) fait l’objet d’une offre d’achat de la part de l’État belge à hauteur de 4 milliards d’euros, dont 3,73 milliards seront effectivement payés par l’État, soit un montant qui augmente le taux d’endettement de la Belgique d’environ 1 % du PIB. Suite à ce rachat, Dexia Banque Belgique devient propriété à 100 % de l’État belge. Par ailleurs, Dexia SA bénéficie d’une garantie d’État de maximum 90 milliards d’euros couverts à concurrence de 60,5 % par la Belgique, 36,5 % par la France et 3,0 % par le Luxembourg.

55 Le conseil d’administration de Dexia SA avalise cet accord après d’âpres discussions dues aux réticences de l’actionnaire français. Le Premier ministre belge, Y. Leterme, évite soigneusement de parler de « nationalisation » de Dexia Banque Belgique car, politiquement, le sujet est délicat. Il se heurte d’ailleurs à un membre de son propre parti, le ministre-président flamand Kris Peeters (CD&V), opposé pour sa part à l’arrangement franco-belge : « Ce serait une catastrophe pour les actionnaires, qui resteraient avec sur les bras la bad bank, les parties malsaines du groupe. Comme les Régions ont injecté ensemble 1 milliard dans Dexia en 2008, elles perdent cet investissement. En plus, en cas de faillite du Holding communal, les Régions devront payer pour les emprunts qu’elles ont garantis pour le Holding. Aussi les Régions ne sont-elles pas favorables à la nationalisation de Dexia »  [50].

56 La réaction des dirigeants d’Arco à cet accord est surtout axée sur un regret, celui de n’avoir pu en 2008 imposer une scission de Dexia SA qui aurait isolé la bad bank[51] : « Dexia était taillé à la mesure de la France, et totalement disproportionné pour la Belgique ». Un autre de leurs regrets est de n’avoir « pas réussi à associer les coopérateurs et les Régions au futur de Dexia Banque Belgique ». L’investissement dans Dexia SA, en soi, leur paraît avoir été une décision positive, parce qu’il a permis de peser sur des décisions importantes comme le rejet, en 2004, de la fusion avec la banque italienne Sanpaolo IMI, le refus du transfert du siège du holding à Paris ou encore des pertes d’emploi  [52].

57 Le 7 octobre 2011, le gouverneur de la Banque nationale de Belgique (BNB), Luc Coene (ancien chef de cabinet du Premier ministre Guy Verhofstadt – VLD), écrit au ministre des Finances pour lui donner, comme celui-ci le lui a demandé, son avis sur le projet d’arrêté royal qui deviendra l’arrêté royal du 10 octobre 2011. Il note à cette occasion que le gouvernement fédéral peut légalement prendre un arrêté royal sur un régime de garantie des coopératives « en cas de crise soudaine sur les marchés financiers ou en cas de menace grave de crise systémique », ce qui semble être le cas. Mais l’avis ne dit rien de l’éventuelle assimilation des parts de sociétés coopératives à des dépôts bancaires. Il indique aussi que la mesure pourrait poser des problèmes de compatibilité avec les règles européennes en matière d’aides d’État, outre que le caractère facultatif du régime de garantie « donne lieu à un risque de sélection adverse par lequel seules les sociétés coopératives fortement exposées à des risques de perte contribueraient effectivement au Fonds spécial [de protection des dépôts et des assurances sur la vie] »  [53].

58 L’Inspection des Finances est, elle aussi, sollicitée par le gouvernement fédéral. Saisie d’une demande d’avis le 9 octobre 2011 en début d’après-midi, elle se prononce en urgence le même jour. Elle note essentiellement que, faute d’une note au Conseil des ministres, elle n’a pas connaissance d’une évaluation de l’impact budgétaire de la mesure. Elle craint aussi que l’extension de la garantie n’amène d’autres catégories d’investisseurs à demander à en bénéficier au nom du principe d’égalité. L’arrêté royal est néanmoins adopté le lendemain.

1.5. Les arrêtés royaux du 10 octobre et du 7 novembre 2011

59Promise depuis 2008, la garantie de l’État est finalement étendue en 2011 aux parts des coopératives agréées. Mais, dès leur publication, les arrêtés royaux qui en fixent les règles et les bénéficiaires sont l’objet de controverses.

60 Au Moniteur belge du 12 octobre 2011 paraissent deux arrêtés royaux  [54]. Le premier charge la Société fédérale de participations et d’investissement (SFPI) « d’acquérir tout ou partie des actions ordinaires représentatives du capital de Dexia Banque Belgique (…) à savoir 359 412 616 actions (…) et de gérer cette participation ».

61 Le second modifie l’arrêté royal du 14 novembre 2008 portant exécution de la loi du 15 octobre 2008. Il étend la mission du Fonds spécial de protection des dépôts et des assurances sur la vie aux sociétés coopératives agréées par le gouvernement, à la condition que celles-ci adhèrent à ce Fonds en payant un droit d’entrée et une contribution annuelle. Il contient également diverses dispositions techniques relatives, notamment, au paiement d’indemnités de plus-value. Concernant les « associés institutionnels », il précise que ceux-ci doivent s’engager, « pendant toute la durée de la protection », à ne pas retirer de sommes versées ni d’actions. Les associés institutionnels, ajoute le texte, « comprennent les associés qui détiennent, directement ou indirectement, 10 % ou plus du capital de la société coopérative agréée ».

62Enfin, comme le spécifiait la loi du 14 avril 2009 (cf. supra), le régime de garantie ne s’applique qu’aux personnes physiques. La présidente du comité de direction d’Arco, F. Swiggers, déclarera à ce propos que des détenteurs de parts comme la CSC ou la Mutualité chrétienne ont une « colonne vertébrale » assez solide pour encaisser l’absence de garantie de l’État, mais que ce sera plus difficile pour les petites associations locales, comme les fanfares, les clubs de foot ou les associations de parents  [55]. Le président de l’ACW, Patrick Develtere, note quant à lui que les pertes des organisations syndicales, des mutuelles et des sections locales qui font partie de l’ACW (et, dans une moindre mesure, de celles qui font partie du MOC) se chiffreront à plusieurs dizaines de millions d’euros  [56]. Il ajoute que, outre l’impact financier, son mouvement souffrira indubitablement d’un « dommage moral » (« morele schade »).

63En novembre 2012, à la suite des impacts cumulés des crises Dexia et Arco, l’ACW demande à pouvoir bénéficier du statut d’entreprise en restructuration afin de pouvoir prépensionner un certain nombre de ses salariés  [57]. Le MOC, qui détient moins d’intérêts dans Arco, subit certes lui aussi l’impact mais reste en mesure de prendre d’autres options de gestion, l’écrasante majorité des associés d’Arco étant affiliés à des organisations et mouvements ayant pour coupole l’ACW et non le MOC (cf. supra).

64 Le préambule de l’arrêté royal du 10 octobre 2011 ne laisse aucun doute sur ses motivations : « Vu l’extrême urgence motivée par la crise systémique constatée par la Banque nationale de Belgique, ainsi que par la nécessité de limiter, le plus rapidement possible, l’ampleur et les effets de la crise actuelle sur les marchés financiers, de préserver la confiance dans le système financier belge et d’éviter ainsi une crise systémique ; que les parts des sociétés coopératives agréées ont dans certains cas toutes les caractéristiques d’un produit d’épargne, censé offrir aux associés un revenu régulier et leur assurer le remboursement sur demande, moyennant des contraintes assez limitées, du capital investi ; qu’il se justifie donc d’accorder à ces parts un régime de garantie équivalent à celui qui existe pour des produits d’épargne de substitution, c’est-à-dire les dépôts bancaires et les assurances “branche 21” ; que la possibilité d’étendre la protection des dépôts au capital des sociétés coopératives agréées, dans un court délai, conformément à l’annonce faite précédemment à cet égard, est un élément important susceptible de renforcer la confiance du public, sur une base comparable à celle qui existe déjà pour les dépôts bancaires et les assurances “branche 21” ».

65Dès avant sa publication, cet arrêté royal suscite soulagement d’un côté, protestations de l’autre. Certains reprochent en effet à la mesure de créer une inégalité entre épargnants. C’est notamment le cas du président de la Vlaamse Federatie van Beleggers en Beleggingsclubs (VFB, fédération flamande des investisseurs), Paul Huybrechts, qui juge la décision « illogique »  [58]. À quoi F. Swiggers répond aussitôt : « Il ne faut pas faire comme si nos associés étaient des gens qui avaient acheté des actions Dexia. Il s’agit de particuliers qui, pendant des décennies, ont épargné dans le cadre d’une structure coopérative. Dès la crise financière de 2008, le gouvernement [Leterme I] a décidé de protéger les coopérateurs. Cela a encore été confirmé par le gouvernement Van Rompuy »  [59].

66 Arco – ou, plus exactement, les trois sociétés coopératives Arcofin, Arcopar et Arcoplus – demande dès le 13 octobre 2011 à pouvoir accéder au Fonds spécial de protection des dépôts et des assurances sur la vie  [60]. Le gouvernement belge accepte cette demande le 14 octobre 2011 ; il formalise sa décision par un arrêté royal du 7 novembre  [61], dont l’article 3 dispose expressément que « le présent arrêté entre en vigueur le 14 octobre 2011 », soit plus d’un mois avant sa publication au Moniteur belge [62].

2. La liquidation d’Arco et la contestation des arrêtés royaux d’octobre-novembre 2011

67Le 1er mai 2012, Dexia Banque Belgique – désormais propriété à 100 % de l’État belge – annonce qu’elle se débaptise pour s’appeler Belfius Banque afin de marquer sa rupture avec le passé. Ce changement de nom, approuvé par le gouvernement en février, est effectif à partir du 11 juin 2012. Quant au Holding communal, son conseil d’administration en accepte la mise en liquidation le 23 octobre 2011 ; cette décision est avalisée par l’assemblée extraordinaire du 7 décembre 2011.

68 Pour sa part, la liquidation de trois des coopératives qui composent Arco (à savoir Arcoplus, Arcofin et Arcopar) est entamée fin 2011 et se poursuit dans le courant des années qui suivent. Parallèlement, les arrêtés royaux d’octobre-novembre 2011 font l’objet de contestations de plus en plus appuyées, dont certaines sont portées en justice.

2.1. La liquidation d’Arco

69L’indemnisation des associés d’Arco suppose la liquidation préalable de la société, dont les actifs ne permettent plus de couvrir les dettes. Inéluctable, elle est prononcée le 8 décembre 2011 par les assemblées générales d’Arcoplus, Arcofin et Arcopar. Auxipar n’est pas concernée, dans la mesure où, vu le type de ses activités, elle n’est pas impliquée dans la faillite de Dexia.

70 Le conseil d’administration d’Arcofin se réunit le 15 novembre 2011 et ceux d’Arcopar et d’Arcoplus le lendemain, pour décider la mise en liquidation du groupe. Cela doit, en principe, alléger la facture de l’État belge. En effet, aux termes de l’article 2 de l’arrêté royal du 7 novembre 2011 (qui n’a pas encore été publié, à ce moment-là, au Moniteur belge), le Fonds spécial de protection des dépôts et des assurances sur la vie « ne sera tenu d’intervenir et d’indemniser qu’après que le liquidateur aura déposé le règlement d’ordre final de la liquidation tel qu’approuvé par l’assemblée générale des sociétés concernées ». La facture est alors estimée à plus d’un milliard d’euros pour l’État fédéral, compte tenu de la vente des actifs d’Arco.

71Selon le vice-président du comité de direction d’Arco, M. Tinant, cette opération de liquidation est devenue inéluctable depuis le démantèlement du groupe Dexia SA et la vente de Dexia Banque Belgique à l’État belge  [63]. Le président du MOC, T. Jacques, considère pour sa part que la liquidation est la meilleure façon de protéger les intérêts des coopérateurs individuels d’Arco ; il indique néanmoins que le MOC est amer de voir disparaître « le dernier grand modèle coopératif belge », victime « d’une crise du secteur financier provoquée par des acteurs et par des comportements qui sont (…) aux antipodes des valeurs de coopération et de solidarité que nous défendons »  [64].

72Au moment de la liquidation, les participations du groupe Arco se présentent comme suit. Auxipar (qui, comme on vient de le voir, n’est pas concernée par la liquidation) dispose d’une participation de 81,9 % dans le réseau de pharmacies Économie populaire de Ciney (EPC), de 11,0 % dans la VEH, de 2,2 % dans la Socofe et de 5,0 % dans la Société publique de la gestion de l’eau (SPGE). Arcopar possède 8,8 % d’Elia, 5,6 % de Retail Estates, 3,5 % de Home Invest Belgium et 0,1 % de Belgacom. Arcofin a 14,0 % dans Dexia SA, 20,1 % dans VDK Spaarbank, 27,5 % dans Dexia Immorent (société immobilière non cotée destinée aux autorités locales et aux institutions du secteur social), 0,1 % dans la Gewestelijke Investeringsmaatschappij voor Vlaanderen (GIMV, société d’investissement régionale flamande), 11,3 % dans DG Infra (une autre société d’investissement, joint venture entre Dexia et la GIMV) et 0,9 % dans Incofin Investment Management (Incofin IM, une société qui investit dans les pays en développement). Enfin, Arcoplus est une société de pur financement  [65].

73 Selon le document distribué à la presse lors de l’annonce de la mise en liquidation du groupe, les particuliers détiennent alors 95,4 % du capital d’Arcopar, le reste (4,6 %) étant aux mains des organisations sociales du MOC et de l’ACW. Celles-ci possèdent en outre 33,8 % d’Arcoplus. Arcopar possède 7,9 % d’Arcoplus. Quant à lui, le capital d’Arcofin est détenu à 16,6 % par des particuliers, à 56,1 % par Arcopar, à 15,2 % par les organisations sociales du MOC et de l’ACW, et à 10,2 % par Arcoplus. Concernant la répartition de l’actionnariat d’Arcofin, le député fédéral N-VA Peter Dedecker indique, dans un ouvrage consacré au dossier Arco qu’il a publié en 2010, que le MOC et l’ACW détiennent au total 0,6 % du capital d’Arcofin, la CSC 11,8 % et la Mutualité chrétienne 4,2 %  [66].

74 Au moment de la liquidation, le conseil d’administration d’Arcopar (qui chapeaute en quelque sorte les sociétés du groupe Arco) se compose de 15 administrateurs, outre le président (P. Develtere, par ailleurs président de l’ACW), le vice-président (T. Jacques, par ailleurs président du MOC), les membres du comité de direction (F. Swiggers, M. Tinant, Hilde de Wolf, E. Spiessens) et le secrétaire général Joachim Beddegenoots. Les 15 administrateurs sont tous liés au MOC ou à l’ACW ou à l’une de leurs organisations, à l’exception de Paul Reding, professeur aux Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix (FUNDP, Namur). Les représentants du MOC sont au nombre de 4 (sur 15).

75À une écrasante majorité, la liquidation d’Arco est finalement votée le 8 décembre 2011 par les assemblées générales des trois coopératives, un jour après celle du Holding communal, autre actionnaire de Dexia SA  [67]. Un collège de trois liquidateurs est formé, dont font partie la présidente et le vice-président du comité de direction d’Arco, respectivement F. Swiggers et M. Tinant. Ce collège est placé sous la présidence de Ludo Foqué, un réviseur d’entreprise qui a fait ses armes chez PriceWaterhouseCoopers (PWC).

76La liquidation ne se fait pas sans heurts. L’assemblée générale d’Arcopar qui se tient le 27 juin 2013 est, en particulier, assez houleuse. Plusieurs participants mettent sur la sellette M. Tinant et F. Swiggers. Le bureau d’avocats Deminor, dont des représentants sont présents, réclame la démission des liquidateurs ; mise aux voix, cette modification de l’ordre du jour est rejetée à la quasi-unanimité. De même, l’avocat Geert Lenssens, de l’association Geld terug van Arco (cf. infra), voit repoussée sa demande de pouvoir consulter le registre des actionnaires  [68]. Un collaborateur de la N-VA, actionnaire d’Arco, demande quant à lui à consulter la liste des présences et le procès-verbal de la réunion, sans obtenir apparemment entière satisfaction, F. Swiggers arguant que la communication d’une liste de présences porte atteinte à la protection de la vie privée  [69].

77 À mesure que progressent les liquidateurs, on en apprend davantage sur les réalisations d’actifs. En décembre 2012, Arco vend ainsi à Belfius Banque 1,4 million d’actions Elia, via Belfius Insurance qui voit ainsi sa participation dans Elia grimper à 5,4 %. Cette opération suscite d’ailleurs des questions à la Chambre des représentants où, le 31 janvier 2013, les députés Luk Van Biesen (Open VLD) et Jean-Marie Dedecker (LDD) interrogent le ministre des Finances du gouvernement Di Rupo (PS/CD&V/MR/SP.A/Open VLD/ CDH), Steven Vanackere (CD&V), sur la valeur réelle de ces actions ; n’y a-t-il pas là un cadeau fait à Arco ? Le ministre répond, en substance, qu’il n’a pas à intervenir dans un accord purement commercial.

78En janvier 2015, les liquidateurs ont réalisé des ventes d’actifs pour 537,4 millions d’euros. La somme atteinte est de 657 millions d’euros en janvier 2016, puis de 738 millions d’euros en janvier 2017. Des dépenses prennent toutefois place dans le même temps : paiements de créances aux banques gagistes et autres frais. La liquidation – qui ne peut se clôturer tant que demeure l’incertitude sur le paiement par la coopérative du montant qu’elle devrait, en application de la décision de la Commission européenne du 3 juillet 2014, régler à l’État belge (cf. infra) – ne laisserait espérer aux détenteurs de parts d’Arco, en tout état de cause, qu’un remboursement inférieur à 50 millions d’euros  [70].

2.2. Les arrêtés d’octobre-novembre 2011 contestés

79L’arrêté du 7 novembre 2011, comme celui du 10 octobre 2011 dont il est le corollaire, fait l’objet dès sa parution au Moniteur belge de commentaires critiques et d’interventions parlementaires. Plusieurs points sont mis en question, dont sa compatibilité avec les règles européennes et son respect du principe d’égalité.

80La Chambre des représentants débat de l’arrêté royal du 7 novembre 2011 lors de sa séance publique du 17 novembre suivant. Ce débat est initié par des questions orales (conjointes) de députés appartenant à plusieurs partis, de la majorité comme de l’opposition : Jean-Marie Dedecker (LDD), Jan Jambon (N-VA), Gwendolyn Rutten (Open VLD), Meyrem Almaci (Groen), Georges Gilkinet (Écolo) et François-Xavier de Donnea (MR). Les questions sont adressées au Premier ministre du gouvernement en affaires courantes, Y. Leterme.

81J.-M. Dedecker attaque directement celui qui, selon lui, a « pris 3 milliards au contribuable belge pour sauver Dexia au bénéfice des actionnaires de Dexia », c’est-à-dire principalement le groupe Arco (« le groupe ACW, auquel vous appartenez »). Les autres intervenants évitent cet argument ad hominem mais s’interrogent sur la légalité de l’arrêté du 7 novembre 2011 (F.-X. de Donnea), sur les coûts que la garantie entraînera (M. Almaci), sur le fait que le Premier ministre a « privilégié des intérêts particuliers au détriment de l’intérêt général » (G. Gilkinet) et sur la nécessité de faire intervenir financièrement, en première ligne, le groupe Arco lui-même (G. Rutten). De son côté, J. Jambon s’interroge sur une modification intervenue le 30 juin 2011 dans les statuts d’Arcopar afin d’y indiquer que, en cas de liquidation, tous les actifs de la société seront réalisés « à moins que l’assemblée générale n’en décide autrement » – ce qui pourrait vouloir dire, selon le député nationaliste flamand, qu’Arcopar réalise suffisamment d’actifs pour rembourser ses dettes mais pas pour indemniser ses associés, laissant ce soin au budget de l’État.

82 Dans sa réponse, le Premier ministre souligne d’abord que la loi du 14 avril 2009 a été adoptée par une large majorité à la Chambre : 108 voix (dont celles des groupes MR, Écolo et Groen et de J.-M. Dedecker) contre 18. Il rappelle ensuite l’évolution du dossier en citant, quasi in extenso, les attendus des arrêtés du 10 octobre 2011 et du 7 novembre 2011 qui justifient l’octroi du régime de garantie de l’État aux coopératives Arcopar, Arcoplus et Arcofin. Sur les liens entre son parti (ou, plus exactement, l’ACW) et ces coopératives, le Premier ministre reste muet ; il ne répond pas davantage à la question de J. Jambon (« Je ne suis pas au courant »). Quant à la coopérative, elle réagit aux déclarations du chef du groupe N-VA en indiquant que cette phrase a été suggérée par l’étude notariale chargée d’une révision globale des statuts, en l’occurrence Berquin Notaires, et qu’il s’agit d’une disposition standard dans ce type de texte  [71].

83 Hors de l’enceinte parlementaire, l’octroi de la garantie de l’État aux associés d’Arco suscite également des commentaires négatifs, liés surtout aux pratiques d’Arco. Deux avocats d’affaires, Robert Wtterwulghe et Olivier Bonhivers, s’interrogent ainsi dans les colonnes du journal L’Écho [72] : l’arrêté royal est daté du 7 novembre 2011 mais entre en vigueur le 14 octobre précédent, rétroactivité qui leur semble illégale ; l’avis de l’Inspection des Finances joint à l’arrêté date du 9 octobre 2011 alors que, à cette date, Arco ne pouvait avoir fait la demande de bénéficier des dispositions dudit arrêté. L’Écho signale également que, dans les trois années qui ont précédé la « crise systémique » justifiant les mesures gouvernementales, Arcofin a fait suspendre son agrément en tant que coopérative, cela – affirme L’Écho – afin de pouvoir verser un dividende dépassant le plafond de 6 % imposé aux coopératives agréées. Arcofin se serait ensuite fait à nouveau agréer en 2008  [73]. Le secrétaire général de la Fédération belge de l’économie sociale et coopérative (FEBECOOP), Jean-François Hoffelt, confirme la chose ; il ajoute en outre que, si Arco a « dévissé », c’est en raison de la trop grande concentration des risques et surtout de la tentation de distribuer des dividendes toujours plus élevés. Il déclare par ailleurs que « ce n’est pas parce que les coopérateurs ont procédé à une mise modeste qu’ils ne sont pas actionnaires »  [74].

84 Dans une tribune libre que publie De Morgen, l’économiste Ivan Van de Cloot (Itinera Institute) juge quant à lui que « tous les ingrédients d’un scandale national sont présents ». Il note que F. Swiggers siégeait elle-même dans le comité d’audit de Dexia Crédit local (DCL) en France et qu’elle devait donc bien connaître les difficultés de la branche française de Dexia. Selon lui, elle a spéculé au lieu de vendre  [75]. F. Swiggers reconnaîtra par la suite, lors de son audition par la commission Dexia à la Chambre, qu’elle se trouvait en l’espèce en position de conflit d’intérêts  [76] ; elle précisera cependant par ailleurs que ce conflit n’était pas « de nature patrimoniale » et qu’elle ne peut être accusée d’avoir pratiqué l’« inside trading ».

85Il apparaît assez vite qu’un veto européen menace l’octroi de la garantie d’État aux détenteurs de parts d’Arco. Une lettre signée par Irmfried Schwimann, qui dirige la Direction générale de la Concurrence à la Commission européenne, est envoyée le 8 décembre 2011 à la représentation permanente de la Belgique auprès de la Commission. Faisant suite à la notification par la Belgique à la Commission européenne de l’instauration du régime de garantie (le 7 novembre 2011)  [77], cette lettre demande des explications au gouvernement belge  [78]. Le 26 janvier 2012, le ministre des Finances du gouvernement Di Rupo, S. Vanackere, confirme l’existence de ce courrier en réponse à deux questions d’actualité posées par les députés J. Jambon et J.-M. Dedecker : il souligne que, contrairement à ce que ceux-ci avaient cru pouvoir inférer d’une intervention de son prédécesseur D. Reynders en commission Dexia, l’arrêté du 7 novembre 2011 n’est pas suspendu par la Commission européenne qui, à ce stade, se borne à « poser des questions ». La Commission demande toutefois (« We urge you », cite S. Vanackere) de ne pas mettre, dans l’intervalle, l’arrêté à exécution ; mais la liquidation prendra de toute façon un certain temps, et il n’y aura pas de remboursement tant qu’elle ne sera pas terminée.

2.3. Les actions en justice

86 La contestation politique des arrêtés royaux d’octobre et de novembre 2011 se double rapidement d’une contestation judiciaire. Des actions sont intentées par des particuliers, des groupements de défense d’actionnaires et des pouvoirs publics.

2.3.1. Les tribunaux civils

87En novembre 2012, le bureau d’avocats Deminor (spécialisé dans la défense des actionnaires minoritaires) s’empare du dossier Arco. Ce n’est pas la première fois, du reste, que Deminor intervient dans une affaire qui implique Dexia et Arco. En 2001, lors de la fusion avec Artesia, l’association avait adressé un courrier aux associés institutionnels d’Arco, considérant que l’opération modifiait l’objet social de la coopérative et que cette modification aurait dû être soumise à une assemblée générale. Faute d’un soutien suffisant, aucune action judiciaire n’avait été entreprise et l’affaire en était restée là.

88 Aussi Deminor cherche-t-il cette fois à obtenir l’appui de davantage de détenteurs de parts afin de pouvoir lancer une action en dommages et intérêts. La question centrale, de son point de vue, est celle de l’information des investisseurs : savaient-ils qu’ils achetaient des parts d’une société commerciale et que le risque dépassait celui d’un simple dépôt ? Deminor cible moins Arco que le distributeur du prospectus bancaire susceptible d’avoir trompé les détenteurs de parts d’Arco, à savoir Dexia. Il s’allie en avril 2013 à Arcopar Actieteam, une autre association de défense des intérêts des associés d’Arco  [79].

89 C’est le 30 septembre 2014 que Deminor cite enfin en justice Arcopar, Arcofin, Arcoplus et Belfius Banque (en tant que successeur de Dexia Banque Belgique) devant le tribunal de commerce de Bruxelles. L’association considère, au nom de 738 détenteurs de parts d’Arco, que ceux-ci ont été trompés sur la valeur réelle des parts coopératives qu’ils acquéraient ; en conséquence, elle demande au tribunal d’annuler cet achat. Le président de Deminor, Erik Bomans, déclare à la presse que « les parts Arco sont des actions mais qu’elles ont été vendues comme des produits d’épargne »  [80]. Il ne ferme pas la porte, cela étant, à un accord à l’amiable, considérant qu’en l’espèce, il s’agit uniquement d’un conflit entre une banque et ses clients : « Ce sont les politiciens qui en ont fait un problème politique »  [81].

90 La première audience du tribunal de commerce a lieu en octobre 2014 ; le dossier est mis en suspens, notamment parce qu’Arco affirmerait ne pouvoir retracer l’historique du portefeuille des associés concernés  [82]. En décembre 2014, Deminor annonce que 1 027 autres détenteurs de parts d’Arco se sont joints à la citation en justice  [83]. Quant à elle, Belfius Banque ne constitue pas de provisions dans le cadre de ce différend car elle juge que les 738 premiers dossiers déposés sont « lacunaires en termes d’arguments et d’évaluation du dommage »  [84]. En juin 2017, Deminor est mandaté par 2 169 détenteurs de parts d’Arco dans cette affaire, qui n’a toujours pas été jugée à l’heure de publier ces lignes  [85]. À la fin de l’année 2015, ces plaignants ont décidé d’assigner également l’État belge, citation qui a pour objectif de contraindre celui-ci à intervenir dans la procédure initiée fin septembre 2014. Le but réel semble être d’éviter la prescription. Deminor ajoute que l’État belge pourrait échapper au contrôle de la Commission européenne en arguant de ce qu’il règle un conflit purement juridique  [86].

91 Un groupe de détenteurs de parts né en avril 2013, Geld terug van Arco (« Arco rembourse »), réclame quant à lui notamment la démission des liquidateurs de la coopérative. Geld Terug van Arco intente une action à cet effet auprès du tribunal de commerce de Bruxelles  [87], qui donne raison à Arco et qui décide le 22 juin 2015 que les liquidateurs d’Arco peuvent rester en fonction  [88].

92 En janvier 2013, les liquidateurs d’Arco envisagent eux aussi d’intenter un procès à Belfius Banque. La contestation porte sur le caractère privilégié des actions nouvelles émises par Dexia au profit des États. Parce que l’augmentation de capital de Dexia SA décidée en décembre 2012 en accord avec l’État français a réduit la valeur de ses 206 millions d’actions  [89], Arco estime le dommage subi à 20 millions d’euros, soit la valeur de ses actions Dexia avant l’assemblée générale des actionnaires du 21 décembre 2012. Les représentants d’Arco essaient en vain, durant cette assemblée générale, de s’opposer surtout à la forme de cette augmentation de capital, qui garantit selon eux à l’État belge et à l’État français des parts privilégiées. En octobre 2013, Arco remet le couvert : cette fois, il s’agit de la vente par Dexia SA de Dexia Municipal Agency (rebaptisée ensuite Caisse française de financement local - CAFFIL) fin 2012, qui aurait – affirment les liquidateurs – modifié la valeur de la dette d’Arcopar. Cette nouvelle action en justice, qui risque de n’être pas sans incidence sur l’équilibre financier fragile de Dexia SA, suscite des commentaires négatifs du député Peter Dedecker (N-VA), pour qui il est « hallucinant » de voir F. Swiggers et M. Tinant avoir approuvé, en tant qu’administrateurs de Dexia SA  [90], des décisions dont ils se servent désormais pour réclamer un dédommagement. Ces contestations prennent fin par le remboursement à leur valeur nominale des obligations de DCL et par la conclusion d’un accord amiable entre Arco et Belfius  [91]. Arco assigne également en justice Deminor en décembre 2014, au motif que l’association aurait « trompé » ses détenteurs de parts  [92].

93 Le 18 mars 2013, l’ACW – via la scrl Sociaal Engagement (cf. infra) – cite à son tour en justice le député P. Dedecker, l’accusant de calomnie et de diffamation et d’avoir porté atteinte à la réputation de l’ACW. Comme cette procédure civile suppose l’existence d’un délit pénal (calomnie et diffamation), ce dernier doit d’abord être tranché. Le MOC décide de ne pas se joindre à cette plainte, pour ne pas « faire de cadeau à la N-VA »  [93].

94 Enfin, Geld terug van Arco et une autre association de défense des associés d’Arco (Arcoparia’s) assignent eux aussi en justice l’État belge et le Premier ministre pour obtenir le remboursement des parts de leurs membres  [94].

2.3.2. Le Conseil d’État

95Olivier Baum, un « citoyen engagé » comme il se définit lui-même, déclare en décembre 2011 qu’il va requérir l’annulation de l’arrêté royal du 7 novembre 2011 qui, à son estime, « ne peut en principe avoir de caractère rétroactif »  [95]. Il dépose une requête en ce sens le 17 janvier 2012. Toutefois, celle-ci est rejetée par le Conseil d’État quelques mois plus tard parce qu’O. Baum n’a pas déposé de mémoire en réplique dans les délais  [96].

96Les 17 et 21 décembre 2011, la VFB demande à son tour l’annulation des arrêtés royaux des 10 octobre et 7 novembre 2011 pour différents motifs : la rupture du principe d’égalité consacré par les articles 10 et 11 de la Constitution, le fait que l’arrêté royal du 10 octobre 2011 n’a pas été soumis préalablement à l’avis du Conseil d’État, le fait qu’il ait été pris alors que le gouvernement fédéral – démissionnaire – était en affaires courantes, les doutes quant au caractère systémique de la crise. Elle confie le dossier au cabinet d’avocats Monard-D’Hulst (dont le principal associé, Erik Monard, se trouve être le frère de Georges Monard, ancien député CVP).

97Les avocats de l’État belge plaident l’irrecevabilité de la requête : selon eux, un acte n’est susceptible d’être attaqué que par les personnes qu’il vise, ce qui n’est pas le cas des parties demanderesses. L’auditeur du Conseil d’État, quant à lui, juge la garantie illégale pour trois raisons, dont certaines ont été avancées par les requérants : le gouvernement fédéral, en affaires courantes à ce moment, ne pouvait prendre un tel arrêté ; celui-ci n’a pas fait l’objet d’un avis préalable du Conseil d’État ; le régime de garantie ne doit être employé qu’exceptionnellement et il n’y avait pas à ce moment, contrairement à ce qu’affirme le gouvernement, de véritable « crise systémique ». En effet, l’activité des coopératives qui forment Arco n’était pas de nature bancaire et le risque de fuite des capitaux était réduit.

98 L’arrêt du Conseil d’État tombe le 25 mars 2013 : il juge les recours irrecevables, faute d’intérêt de la part des requérants  [97]. Le même jour toutefois, le Conseil d’État se prononce sur deux autres requêtes en annulation, introduites aux mêmes dates par plusieurs particuliers dont le président de la VFB, P. Huybrechts. Après avoir rejeté la plupart des moyens des requérants, le Conseil d’État décide ici de poser à la Cour constitutionnelle une question préjudicielle sur une éventuelle violation du principe d’égalité contenu dans les articles 10 et 11 de la Constitution : la garantie d’État ne devrait-elle pas également bénéficier aux « associés personnes physiques de leur part d’une société qui n’est pas une société coopérative agréée » ?  [98] La même question préjudicielle sera posée ensuite par une chambre francophone du Conseil d’État suite à un recours en annulation introduit par un particulier, Frédéric Ensch-Famenne, agissant en sa qualité d’actionnaire de Dexia SA  [99].

99 Le 15 janvier 2014, ce sont les recours introduits par Ogeo Fund, un organisme de financement de pensions, et par la commune de Schaerbeek qui font l’objet d’une décision du Conseil d’État. Ce dernier sursoit une nouvelle fois à statuer. Il juge que deux questions préjudicielles doivent être posées à la Cour constitutionnelle, toutes deux relatives au même respect du principe de non-discrimination visé aux articles 10 et 11 de la Constitution : la garantie d’État ne devrait-elle pas également bénéficier « aux associés et actionnaires de toute autre société intervenant dans le secteur financier, notamment un établissement de crédit » ou aux « organismes de financement de pensions et de leurs affiliés et bénéficiaires » ou encore « aux communes associées au sein du Holding communal » ?  [100] Un recours introduit par la commune de Berchem-Sainte-Agathe est, quant à lui, rejeté pour des raisons de procédure (il a été déposé sans autorisation du conseil communal)  [101].

100En définitive, le traitement de ces requêtes en annulation permet au gouvernement fédéral – empêtré dans ce dossier, qui lui a valu entre-temps la démission d’un ministre (cf. infra) – de gagner du temps. En effet, il faut en moyenne un an pour que la Cour constitutionnelle se prononce ; à ce moment, le cap des élections multiples du 25 mai 2014 sera donc passé.

2.3.3. La Cour constitutionnelle

101Par ordonnance du 24 avril 2014, la Cour constitutionnelle décide de joindre les différentes procédures relatives aux questions préjudicielles qui lui sont soumises. Après avoir permis aux différentes parties (les requérants devant le Conseil d’État, de même que les coopératives du groupe Arco et l’État belge) d’exposer leurs arguments, elle décide par ordonnance du 17 juillet 2014 de se faire communiquer par le gouvernement belge la décision, intervenue le 3 juillet précédent, de la Commission européenne (cf. infra).

102 Alors que, assez logiquement, les avocats contestent la décision européenne et que le gouvernement fédéral affirme en outre que celle-ci est non pertinente pour l’affaire en cause, les requérants y voient une preuve supplémentaire de la validité de leurs arguments. L’État belge et les trois coopératives d’Arco ont, entre-temps, attaqué tout ou partie de cette décision devant le Tribunal de l’Union européenne (cf. infra)  [102].

103 En définitive, la Cour constitutionnelle décide de poser six questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), portant notamment sur l’interprétation de la directive européenne du 30 mai 1994 relative aux systèmes de garantie des dépôts  [103], sur la compatibilité de la décision de la Commission du 3 juillet 2014 avec les articles 107 et 108 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et sur l’interprétation de l’article 108, § 3, de ce même Traité  [104]. Le dossier se trouve dès lors porté au niveau européen (cf. infra).

104Le 15 juin 2017, la Cour constitutionnelle, estimant qu’il n’est pas « nécessaire d’attendre l’issue de la procédure en cours devant le Tribunal de l’Union européenne » mais après avoir reçu la réponse de la CJUE à ses questions préjudicielles (cf. infra), apporte une réponse positive aux questions préjudicielles qui lui ont été posées par le Conseil d’État. Elle « dit pour droit » que « l’article 36/24 de la loi du 22 février 1998 fixant le statut organique de la Banque nationale de Belgique viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que le Roi peut mettre en place un système d’octroi de la garantie de l’État pour le remboursement aux associés personnes physiques de leur part du capital des sociétés coopératives agréées » ; il y a là en effet, considère la Cour, violation du principe d’égalité et de non-discrimination inscrit dans les articles 10 et 11 dont question puisque d’autres coopératives n’ont pas accès à ce droit.

2.3.4. Une toile de procédures judiciaires

105Dans ce dossier, se tisse donc une véritable toile de procédures judiciaires. Arco s’oppose à Belfius Banque et à la Commission européenne (cf. infra) ; certains associés d’Arco s’opposent à leur coopérative ; Deminor s’oppose à Arco (et vice versa) mais aussi à l’État belge, à Belfius Banque et aux liquidateurs ; plusieurs actionnaires de Dexia SA s’opposent à l’État belge ; ce dernier s’oppose à la Commission européenne ; des communes bruxelloises et un fonds de pension s’opposent à l’État belge ; des procédures sont engagées contre les liquidateurs, notamment contre F. Swiggers ; etc.

106 Cette accumulation d’actions en justice ne témoigne pas d’une impéritie politique, mais de l’intervention dans le champ politique d’un acteur qui, à un moment donné, en perturbe les règles de fonctionnement.

2.4. Commission d’enquête, commission spéciale ?

107La débâcle de Dexia a des retombées politiques, d’autant qu’elle fait suite à une première opération de sauvetage par l’État. Le Parlement belge s’empare du dossier et met en place une commission pour l’examiner. Majorité et opposition ne sont toutefois pas d’accord sur les pouvoirs de cette commission, qui traite également du dossier Arco.

108 Une proposition visant à instituer une « commission spéciale chargée d’examiner les circonstances qui ont contraint au démantèlement de la Dexia SA » est adoptée en séance plénière de la Chambre dès le 27 octobre 2011, sans passer préalablement par un examen en commission. Elle a été déposée par des députés appartenant aux groupes MR, Open VLD, CD&V, CDH et PS de l’assemblée (soit les groupes qui soutiennent le gouvernement Leterme II, alors en affaires courantes). Lors du débat qui précède le vote, plusieurs membres de l’opposition demandent que le dossier soit traité par une commission d’enquête, et non par une commission spéciale. Ils craignent en effet de ne pouvoir disposer de tous les éléments nécessaires pour savoir ce qui s’est réellement passé dans le cadre des interventions de l’État en faveur de Dexia SA, car seule une commission d’enquête a des pouvoirs analogues à ceux d’un juge d’instruction. Un amendement de Gerolf Annemans (Vlaams Belang) étendant la mission de la commission spéciale à l’examen « des responsabilités » est rejeté par la majorité des députés (seuls le Vlaams Belang, la N-VA et J.-M. Dedecker votent en sa faveur) ; la proposition de mettre en place la commission spéciale est, elle, adoptée par 75 voix (PS, MR, CDH, CD&V, Open VLD) contre 50 (N-VA, Vlaams Belang, Écolo, Groen, LDD, MLD) et 12 abstentions (SP.A – parti qui négocie alors, avec les cinq formations soutenant le gouvernement en affaires courantes, la formation du gouvernement Di Rupo qui aboutira le 5 décembre 2011).

109La commission spéciale rend son rapport le 23 mars 2012.

110Lors de la première séance plénière de la Chambre consacrée à la garantie accordée aux détenteurs de parts d’Arco, le 17 novembre 2011, J. Jambon plaide une nouvelle fois – invoquant la modification apportée aux statuts d’Arcopar (cf. supra) – pour qu’une commission d’enquête soit mise en place afin de vérifier l’existence d’un « double jeu » (« dubbelspel ») : « Nous parlons ici d’Arco, le bras financier du pilier que constitue l’ACW, pilier au sein duquel est actif un comité politique où siègent quatre membres du gouvernement, dont [le Premier ministre Y. Leterme]. Le 16 juin de cette année, [le gouverneur de la BNB] a lancé un avertissement. Il a déclaré que Dexia était en danger et qu’il fallait intervenir. Le 30 juin, l’une des sociétés au sein du groupe a modifié ses statuts. Ces circonstances laissent à tout le moins supposer, supposer sérieusement, qu’on joue ici double jeu. Ce sont des présomptions, pas des preuves »  [105]. Par ailleurs, il plaide à nouveau en faveur de la création d’une commission d’enquête.

111 La question de la garantie accordée aux associés d’Arco n’entre – forcément, vu notamment la date de sa mise en place – pas dans les missions de la commission spéciale, qui est surtout chargée « d’examiner les circonstances qui ont conduit à la constitution du groupe Dexia ainsi que les stratégies qui ont été mises en place à l’époque de la fusion du Crédit communal [de] Belgique et du Crédit local de France », « d’établir les circonstances qui avaient obligé l’État belge à procéder à un premier sauvetage de la Dexia SA en 2008 » et « d’établir les circonstances qui ont contraint au démantèlement de la Dexia SA en octobre 2011, à une nouvelle intervention de l’État belge et à la liquidation du Holding communal »  [106].

112Il n’empêche : le dossier y est aussi abordé. Le rapport de la commission spéciale  [107] contient un chapitre 5 intitulé « L’influence des groupes de pression sur la gestion de Dexia ». Ce chapitre analyse notamment ce qu’il appelle « l’activisme d’Arco et du Holding communal ». Au moment de la crise de 2008, estime-t-il, alors même qu’Arco « était engagé dans un processus de diversification de portefeuille faisant suite à un diagnostic de trop grande concentration de leur principale position, à savoir Dexia », la recapitalisation d’urgence et le souhait d’Arco de ne pas « se faire diluer de manière trop importante » ont fait que la concentration de son portefeuille de participation a augmenté et que le groupe Dexia SA est devenu, de facto, son « problème n° 1 ». Arco n’ayant pas « une base actionnariale capitaliste traditionnelle », « la valorisation de marché » de ses parts coopératives « a une importance nettement moindre que la capacité de Dexia à délivrer des dividendes récurrents ». Ce serait notamment cette priorité donnée à distribuer des dividendes qui aurait empêché Dexia de baisser significativement son profil de risque.

113Quant au Fonds spécial de protection des dépôts et des assurances sur la vie étendu aux associés particuliers d’Arco, le rapport note que « la constatation que [l]es arrêtés royaux sont postérieurs à la date du démantèlement de Dexia (…) a suscité de nombreuses questions dans la presse et pendant les auditions. De même, à la question de principe de savoir si les actionnaires de sociétés coopératives peuvent être assimilés à des épargnants, les réponses divergent ». Le rapport reprend la chronologie de l’octroi du régime de garantie dressé pour la commission spéciale par F. Swiggers, laquelle souligne en particulier qu’une provision en vue de la rémunération de la garantie avait été inscrite dans les comptes du groupe Arco dès le 31 mars 2009  [108].

114 La commission spéciale devait-elle ou pouvait-elle aller plus loin ? Lors de sa création, certains membres de la majorité (en particulier le député L. Van Biesen) avaient déclaré que, si des « blocages » intervenaient, l’idée d’une commission d’enquête ne devait pas être écartée  [109]. En l’occurrence, la commission spéciale ne semble en effet pas avoir eu accès à certains documents. Selon M. Almaci, les experts recrutés par la commission spéciale pour l’assister dans ses travaux – l’économiste Georges Hübner (ULg) et le réviseur d’entreprise honoraire Ludo Swolfs – auraient, eux, pu consulter ces documents et « constaté de graves irrégularités », mais ils auraient ensuite été censurés par la majorité. Le Standaard avait déjà fait état de cette « censure » : le texte original du rapport, rédigé par ces experts, recommandait – affirme le journal – de déterminer la responsabilité civile et pénale de certains acteurs du dossier (dont Arco), mais cette partie du texte aurait été supprimée dans la version définitive  [110]. On note par ailleurs qu’Y. Leterme, Premier ministre lors des opérations de sauvetage de 2008 et de 2011, n’a pas répondu à l’invitation de se présenter devant la commission spéciale.

115 Plusieurs propositions seront encore déposées par la suite pour demander, malgré tout, la constitution d’une commission d’enquête : par Olivier Maingain et Damien Thiéry (FDF), par G. Gilkinet et M. Almaci (Écolo-Groen), par plusieurs députés du groupe N-VA (trois propositions en tout) et par trois députés du groupe Vlaams Belang (deux propositions). Le dossier a en effet rebondi entre-temps, suite aux révélations sur les participations bénéficiaires dont bénéficient l’ACW et le MOC dans Dexia Banque (cf. infra). Sur proposition de la Commission des Finances et du Budget, qui examine conjointement les huit propositions, celles-ci sont rejetées par la séance plénière de la Chambre le 28 mars 2013 ; toutes les propositions de rejet sont adoptées grosso modo majorité (PS, CD&V, MR, SP.A, Open VLD, CDH – à laquelle s’ajoute Laurent Louis, MLD) contre opposition  [111].

2.5. Les parts bénéficiaires

116Les deux composantes du mouvement ouvrier chrétien peuvent-elles solliciter la garantie de l’État pour les détenteurs de parts d’Arco victimes de la débâcle de Dexia tout en continuant à percevoir une part des commissions commerciales de la part de la banque désormais nationalisée ? La question fait l’objet de débats parlementaires initiés par la N-VA, qui se soldent par la démission d’un ministre.

117 Le 23 mars 2012, le journal De Tijd indique que le mouvement ouvrier chrétien dispose de parts bénéficiaires dans Belfius Banque (héritées de Dexia Banque Belgique), c’est-à-dire de contrats lui permettant d’encaisser chaque année une part des bénéfices de la banque sans devoir pour autant en détenir des actions. Alors même que le groupe Arco demande à bénéficier de la garantie de l’État, l’ACW et le MOC auraient donc une créance auprès d’une banque (et d’une compagnie d’assurance, Belfius Assurance) que possède à 100 % ce même État.

118 La réalité est plus complexe que ce qu’expose le quotidien. Au départ, ces parts sont un résidu de l’époque où la COB puis Bacob, mais aussi les AP, payaient une commission commerciale aux deux composantes du mouvement ouvrier chrétien, en fonction de leurs apports de clientèle. Dexia a maintenu le principe en considérant que l’ACW et le MOC étaient détenteurs de parts donnant lieu à des « dividendes préférentiels » – dividendes ne donnant aucun droit de vote, mais dont le montant est stable (ou indexé) d’année en année. Les deux composantes du mouvement ouvrier chrétien s’estiment dès lors créancières de Dexia (et donc par la suite de Belfius et de Belfius Assurance).

119 Le dossier fait l’objet d’interpellations à la Chambre le 29 mars 2012. Selon J. Jambon, un arrangement est intervenu dès 2011 entre le Premier ministre d’alors, Y. Leterme, et le mouvement ouvrier chrétien : ce dernier entendait garder un pied dans la nouvelle banque et a donc fait incorporer les parts bénéficiaires au contrat de vente de Dexia Banque Belgique à l’État belge. Pour le député nationaliste flamand, il n’y a pas de hasard de calendrier : en octobre 2011, le gouvernement étend la garantie d’État aux coopératives et achète Dexia Banque Belgique en maintenant les parts bénéficiaires au profit de l’ACW et du MOC alors qu’une autre formule aurait parfaitement été possible, par exemple la cession de ces parts. D’où ses questions : « Le régime de garantie prévu pour les coopérants d’Arco faisait-il partie d’un compromis plus vaste ? (…) Pourquoi le système des 300 000 parts bénéficiaires a-t-il été intégré dans la convention d’achat ? Cela faisait-il également partie d’un compromis politique ? » Hagen Goyvaerts (Vlaams Belang) et J.-M. Dedecker posent peu ou prou les mêmes questions.

120 En réponse, le ministre des Finances, S. Vanackere (vice-Premier ministre et numéro deux du gouvernement Di Rupo), estime que l’existence de ces parts était connue de longue date, et leur mention dans le contrat de vente à l’État belge ne fait somme toute que « consolider une situation qui existait depuis les années 1950 ». Il n’était de toute façon pas possible de modifier leur statut. Sur quoi, J. Jambon dépose une motion demandant au gouvernement d’exiger que le mouvement ouvrier chrétien annule l’accord relatif aux parts bénéficiaires ; une deuxième motion, signée celle-là par un autre député N-VA, P. Dedecker, invite le gouvernement fédéral à ne pas donner décharge aux administrateurs lors de l’assemblée des actionnaires de Dexia Holding du 9 mai 2012. H. Goyvaerts et J.-M. Dedecker déposent, eux, des motions demandant à l’ACW de céder ses parts bénéficiaires à l’État. C’est, comme le veut le règlement de la Chambre, la motion d’ordre du jour pur et simple déposée par plusieurs députés de la majorité qui est mise aux voix lors de la séance plénière du 12 avril 2012 ; elle est adoptée par 85 voix contre 54 (Écolo, Groen, N-VA, Vlaams Belang, FDF) et 1 abstention (celle de L. Louis).

121 En réalité, les parts bénéficiaires ne sont pas la propriété de l’ACW et du MOC en tant que tels, ni d’ailleurs d’Arco, mais de Sociaal Engagement et de Mouvement social, deux coopératives (sociétés coopératives à responsabilité limitée, scrl) mises sur pied – respectivement par l’ACW et par le MOC – le 19 décembre 2000, soit deux jours avant que soit prise la décision d’attribuer ces parts bénéficiaires au mouvement ouvrier chrétien. La N-VA, qui se présente comme ayant découvert cette construction juridique, accuse l’ACW d’avoir cherché par ce biais à éluder l’impôt. Les nationalistes flamands parlent même de fraude. Selon eux, Sociaal Engagement a profité de déductions fiscales auxquelles cette société n’avait pas droit  [112] : en l’espèce, l’ACW aurait fait un usage impropre de la déduction des revenus définitivement taxés (RDT), ce qui lui aurait permis de ne payer que 0,3 % d’impôts sur les 103 millions d’euros encaissés entre 2003 et 2011. En outre, si une coopérative a été créée et non une asbl, ce serait pour éviter de payer le précompte de 25 %. Enfin, il y aurait abus de biens sociaux dans la mesure où les parts bénéficiaires ont été données à deux coopératives plutôt qu’à Arco  [113].

122Le mouvement ouvrier chrétien, bien entendu, ne partage pas cette façon de voir. Le président du MOC, T. Jacques, souligne – tout en indiquant d’emblée que Mouvement social ne détient que 15 % des parts bénéficiaires, les 85 % restants étant aux mains de Sociaal Engagement –qu’il a bien fallu créer deux sociétés pour percevoir des dividendes que ni le MOC ni l’ACW ne pouvaient encaisser, étant tous deux des associations de fait  [114]. Quant à lui, le président de l’ACW, P. Develtere, rappelle que les contrôles auxquels ont été soumises les coopératives n’ont rien relevé d’illégal. Quant au choix de la structure coopérative, il témoigne selon lui d’un souci de transparence. Enfin, il indique qu’existe un frein au versement de dividendes aux deux coopératives, exprimé en montant absolu et en pourcentage des bénéfices de la banque  [115]. Quant à elles, les accusations de fraude fiscale poussent non seulement le MOC et l’ACW, mais aussi le CD&V, à la contre-offensive : le président du CD&V, Wouter Beke, reproche ainsi à la N-VA de pratiquer une « double morale » selon que des entreprises ou l’ACW soient concernés  [116].

123En définitive, l’Inspection spéciale des impôts (ISI) ouvre une enquête visant à la fois Sociaal Engagement et Mouvement social. Elle débouche sur un redressement fiscal de 9,5 millions d’euros ; une série d’erreurs de procédure aurait fait obstacle à l’imposition d’une amende, en contraignant l’ISI à n’examiner que les déclarations fiscales des trois dernières années  [117]. Quant à elle, l’ACW considère que ce montant n’est rien d’autre que la conséquence de l’application d’un régime différent d’imposition aux revenus des deux scrl et qu’il est préférable de s’y plier pour éviter un interminable conflit juridique  [118] – position à laquelle se rallie le MOC dans un but de pacification. In fine, le volet pénal de ce litige se clora en mai 2017 par un classement sans suite  [119].

124 En janvier 2013, Belfius Banque et les deux scrl parviennent à un compromis – d’autant plus nécessaire que des points de friction opposent les deux parties (cf. supra). Le conseil d’administration de Belfius Banque approuve un accord aux termes duquel la banque rachète les parts bénéficiaires pour un montant total de 110 millions d’euros, qui seront payés en tranches. Sur ce montant, Belfius Banque récupère 72 millions d’euros octroyés par les deux coopératives sous la forme de prêt perpétuel, en échange de quoi celles-ci perçoivent un intérêt de 6,25 % l’an. Dans le cadre de cet accord, le mouvement ouvrier chrétien percevra moins que ce à quoi il pouvait prétendre grâce à ses parts bénéficiaires : 8,3 millions d’euros l’an en moyenne, au lieu de 14 millions d’euros, pendant les dix premières années. Après ces dix ans, l’économie pour la banque (donc in fine pour le contribuable) passe à 10 millions d’euros l’an. Mais le rachat, par tranches, des parts bénéficiaires procure à l’ACW un ballon d’oxygène financier dont il a bien besoin.

125 Interrogé à la Chambre le 31 janvier 2013 sur l’accord entre Belfius Banque et le mouvement ouvrier chrétien, le ministre des Finances, S. Vanackere, répond à P. Dedecker, J.-M. Dedecker, L. Van Biesen et H. Goyvaerts qu’il n’a pas l’intention de se mêler à une transaction purement commerciale (cf. supra).

126Mais l’accord conclu entre Belfius Banque et le mouvement ouvrier chrétien contient également une clause, qui n’est pas sans importance, par laquelle l’ACW et le MOC s’interdisent – avec leurs principales organisations – de « faire des déclarations publiques susceptibles de nuire à la réputation, l’image ou la renommée de Belfius, en particulier sur la question des clients coopérateurs » et renoncent à « inviter [leurs] membres à déménager leurs dossiers bancaires ou d’assurances vers un autre établissement financier ». Pendant 12 ans, en outre, l’ACW et le MOC ont droit à une indemnisation supplémentaire de 1,5 % d’intérêt sur le prêt consenti à Belfius Banque à la condition que leurs organisations membres placent un montant déterminé en dépôt auprès de cette banque et paient chaque année un montant défini de primes d’assurances  [120]. La divulgation par la presse de cette clause, que les deux composantes du mouvement ouvrier chrétien disent ne pas juger anormale (selon T. Jacques, il ne s’agit « pas d’un cadeau »)  [121] suscite un nouveau débat parlementaire à la Chambre le 28 février 2013. Des questions sont posées à ce sujet au ministre des Finances par plusieurs députés de l’opposition : P. Dedecker, J.-M. Dedecker, H. Goyvaerts et M. Almaci, mais aussi par des membres de la majorité : Karin Temmerman (SP.A) et L. Van Biesen. Tous s’interrogent : le ministre était-il au courant ? L’opposition va naturellement plus loin et parle d’une « prime au chantage » octroyée au mouvement ouvrier chrétien (P. Dedecker). Quelques-uns rappellent que, dans un communiqué de presse du 26 février, le ministre a affirmé ne pas être au courant de cette prime de 1,5 %.

127Le ministre donne, dans sa réponse, un relevé chronologique du dossier : feu vert donné le 19 décembre 2012 par le conseil d’administration de Belfius Banque pour l’ouverture de négociations, approbation par ce même conseil d’administration des lignes de force d’un accord le 23 janvier 2013, avis favorable de la SFPI le 25 janvier, assemblée générale de Belfius Banque le 31 janvier qui donne plein pouvoir au conseil d’administration pour conclure, communiqué de presse de Belfius Banque qui fait mention d’un « accord commercial » en sus de l’accord sur les parts bénéficiaires proprement dit. S. Vanackere confirme qu’il n’était pas au courant de cet « accord commercial »  [122].

128 Quelques jours plus tard, le ministre des Finances décide de jeter l’éponge après la publication d’informations selon lesquelles un membre supposé de son cabinet, Wouter Devriendt  [123], aurait participé à la rédaction de l’accord entre Belfius Banque et le mouvement ouvrier chrétien en sa qualité d’administrateur de la banque. S. Vanackere a beau souligner que W. Devriendt ne travaille pas dans son cabinet mais à la SFPI, et parler d’« insinuations et de suspicions injustifiées »  [124], il considère ne plus pouvoir fonctionner correctement en raison des attaques répétées dont il est l’objet et annonce sa démission lors d’une conférence de presse, le 5 mars 2013. Il est aussitôt remplacé par Koen Geens (CD&V), un avocat de renom qui présente par rapport à son prédécesseur l’avantage de n’être pas lié à l’ACW. Il a néanmoins un passé politique : il a été chef de cabinet, de 2007 à 2009, du ministre-président du gouvernement flamand, K. Peeters.

129 L’accord entre Belfius Banque et les deux coopératives, que les membres de la Commission des Finances et du Budget de la Chambre seront autorisés à consulter (sans pouvoir prendre de notes ni de photocopies) le 11 mars, est finalement dénoncé par l’ACW et le MOC (ou, plus exactement, par Sociaal Engagement et Mouvement social), en accord avec Belfius Banque, le 7 mars 2013  [125]. Les deux parties conviennent que le prêt consenti à Belfius Banque continue à produire des intérêts, mais que la prime de 1,5 % disparaît – selon P. Develtere, cet abandon représenterait pour Sociaal Engagement et donc pour l’ACW un manque à gagner annuel d’environ 906 000 euros  [126].

130 Les péripéties fiscales de ce dossier ne s’arrêtent pourtant pas là. Le 25 février 2013, la presse flamande révèle le contenu d’une note interne à l’ACW, destinée aux responsables de l’organisation, à propos de ses finances. La note envisage explicitement de recourir à la technique des intérêts notionnels  [127]. Cette technique permettrait une optimisation fiscale des revenus engrangés grâce à l’accord avec Belfius Banque. Le président de l’ACW, P. Develtere, réagit aussitôt sur les antennes de la radio publique flamande en soulignant la légalité de la technique, destinée dans ce cas précis à maintenir autant que possible l’emploi et non à réaliser des bénéfices. En définitive, comme pour l’accord avec Belfius Banque, l’ACW renoncera à appliquer une méthode d’optimisation fiscale qu’il critique par ailleurs.

3. Le démantèlement de Dexia et les arrêtés d’octobre-novembre 2011 sous la loupe de l’Europe

131L’accord intervenu en 2008 lors du premier sauvetage de Dexia SA et l’extension de la garantie aux détenteurs de parts d’Arco sont, au-delà de la polémique politique et sans que ces deux aspects puissent toujours être bien distingués, un enjeu judiciaire et administratif. Les institutions européennes sont amenées, elles aussi, à s’impliquer dans ce dossier.

3.1. Le refus de la Commission européenne

132Au fil des années et à partir de 2008, la Commission européenne est amenée à se pencher sur les mesures prises dans le cadre des difficultés que connaît Dexia SA. Elle autorise, sous certaines conditions, la plupart des opérations engagées dans ce cadre. Mais le dossier Arco s’invite lui aussi dans cet écheveau de décisions, et la Commission conclut qu’il y a bien, en l’espèce, incompatibilité avec les règles qui régissent le marché intérieur de l’Union européenne.

133 Le 26 février 2010, la Commission européenne autorise le plan de restructuration de Dexia SA présenté par les gouvernements de Belgique, de France et du Luxembourg, moyennant le respect de certaines conditions. Cette autorisation conditionnelle repose notamment sur le fait que « l’investissement d’Arcofin dans Dexia ne constitue pas une aide d’État puisque cette opération ne remplit pas une des conditions posées par l’article 107, § 1, TFUE ».

134 Cependant, lorsque la Belgique notifie l’extension du régime de garantie aux associés personnes physiques des coopératives financières, la Commission européenne se ravise. Ayant eu « connaissance d’éléments laissant à penser que l’investissement d’Arcofin dans Dexia pourrait avoir été rend[u] possible par des assurances – contemporaines de l’investissement d’Arcofin dans Dexia – de la part des autorités belges que les associés d’Arcofin seraient protégés contre un risque de perte », elle en déduit que la recapitalisation de Dexia SA par Arcofin a pu comporter une aide d’État.

135 Par lettre du 6 décembre 2011, la Commission européenne indique donc à l’État belge que l’extension du régime de garantie pourrait constituer une aide d’État illégale, et lui demande de ne pas mettre la mesure à exécution (cf. supra).

136 Le 3 avril 2012, la Commission européenne décide d’ouvrir une procédure en vue de vérifier si la garantie accordée par l’État belge à Arco constitue effectivement une aide d’État, éventuellement proscrite par les traités européens  [128]. La Commission considère « à ce stade » que c’est bien le cas, notamment parce que « le régime de garantie des coopératives pourrait avoir aidé des coopératives à attirer de nouveaux capitaux ou à préserver leur capital existant » et donc « aidé des coopératives financières à maintenir ou à améliorer leur position sur le marché ». En outre, « le régime de garantie des coopératives est une mesure financée par des ressources d’État, ce qui confère un avantage sélectif aux coopératives financières, tout en faussant ou en ayant faussé des conditions de concurrence normales et en affectant les échanges dans l’Union européenne ». La Commission européenne émet aussi des doutes sur le caractère systémique de la crise en ce qu’elle affecte les coopératives, et juge les garanties promises « non proportionnelles ».

137 Les parties concernées ont un mois, à partir de la publication de la décision au Journal officiel de l’Union européenne, pour faire part de leurs observations. Mais la législation européenne contraint la Belgique, entre-temps, à suspendre l’exécution de l’arrêté royal du 7 novembre 2011. Il ne s’agit cette fois plus d’une demande (« urge ») comme l’avait exposé S. Vanackere à la Chambre en décembre 2011, mais d’une obligation.

138 Cette décision de la Commission européenne, si elle n’étonne pas outre mesure le Premier ministre Y. Leterme  [129], ne fait pas plier F. Swiggers, convaincue qu’il y avait bien un « risque systémique » lié à la crise puisque d’autres épargnants auraient pu douter de la parole du gouvernement fédéral  [130].

139 La Commission européenne prend sa décision finale dans cette affaire le 28 décembre 2012. En l’occurrence, elle considère que l’augmentation de capital à laquelle il a été procédé dans le cadre du sauvetage de Dexia SA en 2008, « y compris la participation d’Arcofin », constitue bien une aide d’État au sens de l’article 107, § 1, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). La Commission s’en explique longuement dans le dispositif de sa décision, qui fait également état des arguments invoqués par le gouvernement belge. Elle conclut en affirmant que, « sans la garantie de l’État belge, Arcofin n’aurait pas souscrit à cette augmentation de capital [la recapitalisation de Dexia SA à hauteur de 350 millions d’euros] » et qu’il y a donc bien, puisque « sans les interventions, le groupe aurait pu se trouver en position d’insolvabilité », risque de distorsion de concurrence  [131]. Cette décision est publiée au Journal officiel le 12 avril 2014.

140 Reste le problème de l’extension de la garantie en tant que telle. Sur ce point particulier, le gouvernement fédéral cherche-t-il – conforté par les questions préjudicielles posées par le Conseil d’État et la Cour constitutionnelle (cf. supra) – à gagner du temps pour empêcher ce dossier de peser sur la campagne électorale du printemps 2014 ? C’est en tout cas ce qu’affirme P. Dedecker. Interrogeant le ministre en commission des Finances et du Budget, le député nationaliste flamand note que le processus a amené, « à l’initiative de l’État belge et via une demande d’informations juridiques, à repousser la décision [de la Commission européenne] jusqu’après les élections ». Et ce alors que la Commission européenne, d’abord désireuse apparemment d’attendre l’issue des procédures engagées en Belgique, avait finalement décidé de clôturer l’affaire plus tôt afin, sans doute, de trancher avant que soient désignés les nouveaux commissaires européens  [132].

141 En définitive, c’est en effet le 3 juillet 2014, soit après les élections législatives belges, que la Commission européenne se prononce sur le régime de garantie d’État instauré par l’arrêté royal du 7 novembre 2011. Sa position est claire : ce régime de garantie a été octroyé « illégalement » par la Belgique, il est incompatible avec le marché intérieur. La Belgique est donc tenue de se faire rembourser par les bénéficiaires l’aide qui leur a été octroyée  [133].

142 Le nouveau gouvernement fédéral n’est pas encore formé à cette date. La décision de la Commission européenne tombe donc assez mal pour un parti au moins : le CD&V, contraint de trouver des partenaires prêts à payer le prix du soutien aux détenteurs de parts d’Arco – c’est-à-dire contraint d’accepter, le cas échéant, une monnaie d’échange. C’est d’autant plus vrai que le CD&V a d’autres souhaits, qui ne sont pas des moindres : il veut « mouiller » la N-VA dans la coalition fédérale, il ambitionne un poste de commissaire européen (qu’il destine à son ex-présidente Marianne Thyssen), il aimerait gouverner sans l’Open VLD en Flandre et il voudrait assurer l’avenir politique de K. Peeters (qui ne peut se succéder à lui-même au gouvernement flamand). Y. Leterme, Premier ministre lors de l’adoption de l’arrêté contesté, critique d’ailleurs à ce moment l’attitude de la Commission européenne qui, selon lui, a « libéralisé le secteur financier de manière extrême, ce qui a contribué à fragiliser le système bancaire européen »  [134].

143La décision de la Commission européenne est évidemment aussi un coup dur pour Arco, sommé de devoir rembourser à l’État belge non pas l’aide perçue (il n’y a pas eu de remboursement, l’exécution de l’arrêté royal du 7 novembre 2011 ayant été suspendue par la Commission) mais un montant correspondant aux intérêts de l’avantage dont la coopérative a bénéficié en faisant miroiter la garantie de l’État, soit (selon le mode de calcul assez complexe prévu par la Commission) 150 millions d’euros environ  [135]. Les liquidateurs d’Arco annoncent du reste qu’ils vont faire appel de cette décision auprès du Tribunal de l’Union européenne  [136].

144Quant au ministre K. Geens, il indique en commission des Finances et du Budget de la Chambre – convoquée alors que le gouvernement fédéral est en affaires courantes – qu’il « envisage » de faire appel de la décision de la Commission auprès de la justice européenne, « mais ce point doit encore être délibéré au sein du gouvernement ». Il ajoute que, à ses yeux, le régime de garantie est bien licite car la situation des détenteurs de parts de sociétés coopératives n’est pas semblable à celle d’un actionnaire et que, en toute hypothèse « la juridiction de la Commission ne concerne pas les particuliers, mais les entreprises », et que donc rien ne s’oppose au remboursement des associés d’Arco. Il précise enfin que, un appel n’étant pas suspensif, l’État belge devra effectivement récupérer un montant (à calculer) auprès d’Arco, c’est-à-dire des liquidateurs, sans être sûr évidemment que ceux-ci « disposent d’actifs suffisants » pour ce faire  [137].

145En définitive, l’État belge comme Arco déposent effectivement, chacun pour ce qui le concerne, un recours contre la décision de la Commission européenne : le 15 septembre 2014 pour l’État belge et le 7 octobre 2014 pour les coopératives du groupe Arco  [138].

3.2. La Cour de justice de l’Union européenne

146 Si ces recours en annulation n’ont pas encore fait l’objet d’une décision du Tribunal de l’Union européenne, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) s’est prononcée, elle, sur les questions préjudicielles soumises par la Cour constitutionnelle belge dans son arrêt du 21 décembre 2016.

147Rappelant en premier lieu que l’instauration d’un système de garantie des dépôts est imposée par une directive européenne du 30 mai 1994 (cf. supra), la CJUE considère que les parts de sociétés coopératives agréées ne répondent pas à la définition de ce que doit être un « dépôt » et que la directive européenne en question n’impose donc pas aux États d’adopter un système de garantie pour ce qui concerne ces coopératives. La CJUE ne s’oppose cependant pas à l’extension d’un régime de garantie des dépôts à des parts de sociétés coopératives, à la condition que certaines conditions soient remplies, précisant en particulier que cette extension « doit être conforme aux dispositions du [TFUE] et notamment à celles concernant les aides d’État ». Elle considère dès lors que la décision de la Commission européenne qualifiant la « garantie Arco » d’aide d’État illégale car « incompatible avec le marché intérieur » est « suffisamment motivée » et que « son examen n’a révélé aucun élément de nature à [en] affecter la validité »  [139].

148Le groupe Arco, qui a créé entre-temps un site pour informer régulièrement ses associés de l’évolution de ce dossier (www.groeparco.be), souligne que cet arrêt « ne lie pas le Tribunal de l’Union européenne dans son évaluation du caractère licite de l’aide d’État ». Autrement dit, il estime que le dernier mot n’a pas été dit, puisque les recours déposés par Arco et l’État belge sont encore en cours de traitement devant le Tribunal de l’Union européenne, procédure suspendue en attendant la réponse de la CJUE aux questions préjudicielles précitées.

4. Arco et le gouvernement Michel

149 Les élections législatives du 25 mai 2014 débouchent sur un recul assez net du PS et du SP.A, mais surtout sur une forte hausse de la N-VA, qui conforte sa position de premier parti du pays. Le CD&V apparaît, quant à lui, comme « l’arbitre » des négociations pour la formation du gouvernement fédéral. Le dossier Arco est vite mis sur la table.

150 Dès avant les élections du 25 mai 2014, le dossier Arco a fait l’objet de déclarations diverses, d’ailleurs quasi exclusivement venues de partis flamands. Tandis que le ministre des Finances du gouvernement Di Rupo, Koen Geens (CD&V), a continué à évoquer un possible « plan B » en cas de rejet par la Commission européenne du régime de garantie accordé par l’État belge aux détenteurs de parts de sociétés coopératives agréées et envisage, dans le même élan, la possibilité d’aller en appel au Tribunal de l’Union européenne, la N-VA (qui a été pourtant aux avant-postes dans la dénonciation des politiques gouvernementales de soutien au mouvement ouvrier chrétien) s’est dite prête à trouver « une porte de sortie » pour les associés d’Arco, sachant que l’ACW sera dans l’incapacité de les rembourser tous et intégralement. C’est en tout cas ce qu’a annoncé Johan Van Overtveldt, tête de liste du parti pour les élections européennes, à l’émission Terzake de la Vlaamse Radio en Televisie (VRT) en mars 2014 – sans préciser d’ailleurs de quelle « porte » il pourrait s’agir  [140].

151 Lorsque Charles Michel (MR) et Kris Peeters (CD&V) sont nommés coformateurs par le roi, ils annoncent notamment qu’ils souhaitent trouver un accord pour les détenteurs de parts d’Arco et que ce point figure dans la note de négociation qu’ils présentent à leurs partenaires de discussion  [141]. Même si elle se montre plus souple dans ce dossier – ce dont témoigne la réaction assez mesurée de Peter Dedecker après la décision de la Commission européenne du 3 juillet 2014  [142] –, la N-VA n’est pas disposée à accepter d’emblée la formulation proposée et le fait savoir  [143].

152 En définitive, l’accord de gouvernement adopté par les quatre partis qui forment le gouvernement Michel en octobre 2014 (N-VA, MR, CD&V et Open VLD) contient la phrase suivante : « Dans la poursuite des initiatives des gouvernements précédents, le gouvernement prendra soin d’élaborer un règlement adéquat visant le dédommagement des coopérateurs personnes physiques de coopératives financières reconnues ». C’est donc l’idée d’un « plan B », souvent évoquée dans les années précédentes, qui est retenue. Elle n’empêche d’ailleurs pas le dépôt d’un recours contre la décision de la Commission européenne, ce qui est fait le 15 septembre 2014 (cf. supra).

153 Les grandes lignes de ce « plan B » sont évoquées déjà pendant les négociations. K. Geens présente ainsi, fin septembre apparemment, une ébauche de solution aux futurs partenaires de coalition : elle fait intervenir Belfius Banque ainsi que beweging.net, et ne permet pas aux détenteurs de parts d’Arco de récupérer l’intégralité de leur mise. En l’occurrence, après un « geste commercial » de Belfius Banque et un abandon de créances sur Arco, un montant de 450 millions d’euros serait déboursé par l’État belge, représentant 30 % environ du total des actions perdues et l’équivalent du montant que les associés d’Arco auraient pu retirer entre 2008 et 2011. Ce montant pourrait même être plus élevé si la liquidation apporte des fonds suffisants  [144].

154 La fuite du « plan Geens » dans la presse met les négociateurs sous tension. Il est vrai que les autres partis impliqués dans le processus de formation avaient, semble-t-il, exigé que le CD&V « annonce la couleur »  [145]. En définitive, l’accord auquel parviennent les négociateurs garantirait aux détenteurs de parts d’Arco de récupérer 40 % des sommes engagées augmentées des capitalisations successives  [146]. Un effort de 600 millions d’euros serait consenti à cet effet, réparti entre l’État belge, Belfius Banque et les deux composantes du mouvement ouvrier chrétien. La part de l’État belge serait de 150 millions d’euros, soit l’équivalent de l’amende que doit lui verser Arco en application de la décision européenne du 3 juillet 2014  [147].

155 Tous les partenaires de la coalition partagent-ils l’ensemble des modalités de cet accord budgétaire ? En tout cas, lors de la discussion en commission du projet de loi transposant la directive 2014/49/UE relative aux systèmes de garantie des dépôts et portant des dispositions diverses  [148] (qui deviendra la loi du 22 avril 2016  [149]), le nouveau ministre des Finances, Johan Van Overtveldt (N-VA), après avoir souligné « que ce projet de loi ne porte que sur les banques », précise « en ce qui concerne le dossier Arco » que « le gouvernement attend tout d’abord la finalisation de la liquidation de la société coopérative Arco et surtout l’issue des procédures judiciaires pendantes avant de finaliser une solution »  [150]. En novembre 2014, interrogé par plusieurs députés de la Commission des Finances et du Budget de la Chambre, sur l’absence de toute mention de ce dossier dans son exposé d’orientation politique, le ministre du Budget, Hervé Jamar (MR), ne donne pas de réponse  [151]. De même, aux questions écrites qui lui sont régulièrement posées sur ce sujet dans le courant de l’année 2015, le ministre des Finances répond avec la plus extrême prudence. À Karin Temmerman (SP.A), il écrit que « le gouvernement étudie le dossier en vue de déterminer comment et quand une solution peut être trouvée en tenant compte des actions judiciaires en cours »  [152] et, à Georges Gilkinet (Écolo), que « le gouvernement étudie le dossier en vue de parvenir à une solution dès que possible »  [153].

156À mesure que se rapproche la date où sera prononcé l’arrêt de la CJUE, en particulier dès qu’est connue la position de l’avocat général de la CJUE – qui indique, le 2 juin 2016, être d’avis que la garantie aux associés d’Arco est contraire au droit européen –, le discours gouvernemental se fait plus volontariste. À une question écrite de la députée Catherine Fonck (CDH), le ministre des Finances répond cette fois que « le gouvernement examinera l’avis [de l’avocat général de la CJUE] et organisera une concertation avec toutes les parties concernées lorsque la décision définitive aura été communiquée »  [154]. De même, interrogé en commission des Finances et du Budget dans le cadre de l’examen du budget général des dépenses pour 2017, il précise que « l’arrêt de la CJUE sera rendu le 21 décembre 2016. Il conviendra de tenir compte de cet arrêt afin de mettre en œuvre une solution pour les coopérateurs d’Arco qui ne puisse pas à nouveau être attaquée devant la CJUE. Une task force sera mise sur pied afin de mettre en œuvre en 2017 le plan d’action arrêté par le gouvernement »  [155].

157À la tribune de la Chambre, le Premier ministre, C. Michel, anticipe lui aussi, en quelque sorte, cette issue judiciaire lors de la présentation de sa déclaration de politique générale, le 16 octobre 2016. Il y dit notamment que, « concernant Arco, l’on confirme l’obtention d’un accord s’agissant de l’exécution d’un régime opérationnel en vue du dédommagement partiel des coopérants personnes physiques de coopératives financières agréées. À l’initiative du ministre des Finances, un régime sera mis au point. Une task force sera créée afin d’accompagner la mise en œuvre de ce régime. La mise en œuvre opérationnelle sera lancée en 2017 »  [156]. La déclaration de politique générale de 2015 était muette sur ce point, et la presse ne s’y trompe pas en parlant d’« invité surprise »  [157]. Quant à la composition de la task force, on n’en sait pas grand-chose ; le Premier ministre lui-même, semble-t-il, en assure la présidence  [158].

158 Le lendemain, une motion d’ordre est déposée sur le bureau de la Chambre par les députés Kristof Calvo (Groen) et Jean-Marc Nollet (Écolo). Elle demande, « eu égard à la déclaration du Premier ministre, aux imprécisions sur le règlement du dossier Arco et de son calendrier et aux réformes fiscales annoncées », que C. Michel apporte « des précisions sur ces deux points » avant que ne soit entamé le débat parlementaire sur la déclaration gouvernementale  [159]. C’est que les journaux font état de divergences entre deux partenaires de gouvernement sur cet objet. Le CD&V aurait en effet renoncé à l’une de ses principales revendications en matière fiscale : l’imposition des plus-values – ou, plus exactement, à coupler la taxation des plus-values au tax shift souhaité par la N-VA et son ministre des Finances  [160] – à la condition de parvenir à un accord dans le dossier Arco. Le Premier ministre se borne à répondre qu’il a été « peu discuté du dossier Arco au sein du gouvernement ces derniers jours » et à préciser que la décision prise lors de la formation du gouvernement doit faire l’objet d’un examen technique pour « prendre en compte les contraintes européennes » et procéder à un ajustement fin (« fine tuning »)  [161]. De son côté, le chef du groupe CD&V de la Chambre, Servais Verherstraeten, souligne que « les bruits les plus fous ont couru sur un couplage [du dossier Arco] avec d’autres dossiers » mais que ces rumeurs n’ont aucun rapport avec la réalité, à savoir que le règlement pour les détenteurs de parts d’Arco « est inscrit noir sur blanc dans l’accord de gouvernement »  [162].

159Le 22 décembre 2016, soit au lendemain de l’arrêt de la CJUE, le Premier ministre est interrogé à la Chambre par Veerle Wouters (qui a quitté la N-VA quelques mois auparavant et forme dorénavant avec Hendrik Vuye le groupe Vuye&Wouters), Ahmed Laaouej (PS) et Marco Van Hees (PTB). C. Michel se veut rassurant. Il parle d’un « dossier complexe » et d’une solution qui ne sera pas « facile ni évidente », et renvoie pour le reste à la task force dont il a été question en octobre  [163]. Cette fois, pas un seul parti flamand ne pose de question. L’heure n’est manifestement pas aux dissensions, et les partis qui soutiennent la coalition restent muets.

160Le budget de l’État pour 2017, en tout état de cause, ne contient pas une seule ligne concernant la garantie aux associés d’Arco : au nom du groupe Écolo-Groen, G. Gilkinet s’en était déjà étonné lors de la séance plénière du 17 octobre 2016. Le ministre des Finances avait rétorqué à l’époque qu’« il n’est pas nécessaire que le financement se fasse entièrement dans le budget » et que le contrôle budgétaire du mois de mars sera l’occasion d’« encore ajouter ou ramifier les choses »  [164]. Le Premier ministre avait ajouté que cette question d’inscription au budget est de celles qui seront soumises à la task force : « Ne mettons pas la charrue avant les bœufs »  [165].

161Le 26 juillet 2017, une solution se dégage finalement lors de l’examen, en Conseil des ministres, du budget pour 2018. Un fonds serait mis sur pied, doté de 600 millions d’euros : sur ce montant, 200 millions proviendraient des deux composantes du mouvement ouvrier chrétien (à savoir essentiellement beweging.net, le MOC ne supportant qu’une part largement inférieure à celle de son homologue flamand)  [166] et de la liquidation des trois coopératives d’Arco, et les 400 millions restants de la privatisation de Belfius Banque  [167].

162 Tous ne sont pas convaincus que cette formule est juridiquement solide. Ainsi, le député P. Dedecker précise dans une interview que son parti, la N-VA, soutient toujours le compromis d’octobre 2014, nécessaire à son estime pour former le gouvernement Michel (« Si nous ne l’avions pas fait, les autres partis auraient formé un gouvernement Di Rupo II et ce gouvernement aurait décidé d’indemniser les coopérateurs d’Arco à 100 % avec l’argent des contribuables »), mais indique qu’« il est fort possible que l’Europe critique l’intention de rembourser les coopérateurs d’Arco avec l’argent de la vente de Belfius ». La position de la N-VA, souligne-t-il, n’a pas changé : ce n’est pas au contribuable qu’il revient d’indemniser les détenteurs de parts d’Arco, mais à l’ACW  [168]. G. Lenssens, de l’association Geld terug van Arco, est également dubitatif et note que les 40 % de remboursement promis à l’origine ne seront sans doute pas atteints. Interrogé au journal télévisé de la VRT le 1er août 2017, Tony Joris, titulaire de la chaire de droit européen à la VUB, doute lui aussi que l’Union européenne accepte l’accord intervenu : les ressources qui proviennent de la privatisation de Belfius Banque, estime-t-il, sont des moyens publics.

163De son côté, beweging.net se réjouit de ce « pas fait en direction d’une solution pour Arco », tout en soulignant qu’il n’apporte rien de neuf par rapport à la déclaration gouvernementale ; au demeurant, la presse flamande indique fin juillet que, compte tenu de la décision européenne du 3 juillet 2014, beweging.net ne devra sans doute débourser que quelque 30 millions d’euros, soit 5 % à peine de la facture définitive  [169].

164Tel est l’état actuel du dossier. Certaines procédures sont toujours pendantes devant les juridictions européennes et la liquidation ne peut donc s’achever – ni les éventuels remboursements s’effectuer. Après l’arrêt de la CJUE sur les questions préjudicielles que ces instances lui avaient adressées et l’arrêt subséquent de la Cour constitutionnelle, le Conseil d’État devra, en toute hypothèse, trancher également.

5. Les acteurs, leur position et leurs motivations

165Le dossier Arco mobilise surtout le monde politique flamand. Il amène à s’interroger sur les liens entre les organisations pilarisées et les partis politiques, singulièrement en ce qui concerne le pilier chrétien, mais aussi sur l’état actuel de la pilarisation et des piliers. Ce chapitre distinguera les acteurs au sens strict (les deux composantes du mouvement ouvrier chrétien, le CD&V et la N-VA, c’est-à-dire les organisations concernées au premier chef par le dossier et qui le suivent de près) de ceux qui n’y interviennent qu’épisodiquement, ou y sont mêlés indirectement.

5.1. Les acteurs de première ligne

166Le dossier Arco concerne au premier chef, bien entendu, l’ACW/beweging.net et le MOC. Par ricochet, le CD&V est impliqué lui aussi en raison des liens étroits existant entre l’ACW/beweging.net et le parti (le MOC, par contre, n’a plus de liens exclusifs avec le PSC puis le CDH). Enfin, la N-VA – hostile au système des piliers – a fait de ce dossier, sous la précédente législature, un combat de principe.

5.1.1. Les deux composantes du mouvement ouvrier chrétien : ACW/beweging.net et MOC

167Les deux composantes du mouvement ouvrier chrétien, l’ACW (puis beweging.net) et le MOC, ne sont pas confrontées à une situation semblable. Elles partagent néanmoins, sur le fond, un souci identique de préserver les intérêts des détenteurs de parts d’Arco.

168Fort logiquement, que ce soit dans la partie francophone du pays ou dans la partie néerlandophone, les deux composantes du mouvement ouvrier chrétien considèrent comme acquis politiquement et justifiable, moralement comme juridiquement, que l’État belge accorde sa garantie aux parts souscrites par les associés d’Arco dans le capital de Dexia SA. Sur le site Internet du MOC, figure d’ailleurs une analyse fouillée mettant en évidence les « différences entre le statut d’actionnaire et le statut de coopérateur » : « le seul point commun » entre ces deux statuts, y lit-on, est la détention de titres, « tous les autres points sont des points de différence »  [170].

169Il n’empêche : à l’intérieur du mouvement ouvrier chrétien, des tensions apparaissent parfois. Elles sont sans doute liées à ce qui semble être une évolution dommageable, source de compromissions et d’incompréhension. Dans un courriel interne, le président national et le secrétaire général de la CSC, Marc Leemans et Claude Rolin, condamnent ainsi, en février 2013, les pratiques fiscales de l’ACW. Ils appellent le président de l’ACW, Patrick Develtere, à collaborer à l’enquête fiscale relative aux parts bénéficiaires que le mouvement ouvrier chrétien détient dans Belfius Banque, car la CSC, soulignent-ils, se bat depuis toujours pour une fiscalité équitable. M. Leemans et C. Rolin s’empressent d’ailleurs de préciser que la CSC n’est impliquée d’aucune manière dans la création ni le fonctionnement des coopératives mises sur pied par l’ACW  [171].

170Mais en même temps, la CSC doit bien préserver ses propres intérêts. De Morgen révèle ainsi que, le 6 septembre 2011, le président national de la CSC, Luc Cortebeeck, et l’un de ses secrétaires nationaux, Paul Scheins, ont écrit aux dirigeants d’Arco pour leur demander que Quadragesimo Anno (l’asbl patrimoniale de la CSC, qui en gère le patrimoine immobilier et les placements financiers) bénéficie également du régime de garantie promis en 2008 par le gouvernement fédéral. F. Swiggers et M. Tinant se sont alors efforcés de les rassurer. Ils leur ont répondu « comprendre les préoccupations » du syndicat, ajoutant : « Les textes que nous avons envoyés le 2 septembre 2011 au Premier ministre Leterme, le projet d’arrêté royal, ont été bien évidemment rédigés en tenant compte de toutes les restrictions communiquées à l’époque par les conseils d’administration mais aussi par votre organisation, et correspondent (…) à la demande formulée dans votre courrier ». Quadragesimo Anno détiendrait pour 60 millions d’actions dans Arcofin. F. Swiggers et M. Tinant ont encore indiqué : « Afin que cela ne pose pas de problème pour les organisations du mouvement qui sont associées d’une des coopératives, nous avons prévu que la définition des associés institutionnels indique que de tels associés doivent au moins détenir 10 % du capital de la coopérative concernée, ce qui n’est pas le cas de l’asbl Quadragesimo Anno dans Arcofin »  [172]. L’arrêté royal du 7 novembre 2011 reprend en effet cette définition, même si le syndicat chrétien n’a finalement pu s’en prévaloir  [173]. M. Leemans, nouveau président national de la CSC, fera savoir par la suite que cette demande du syndicat a été expressément retirée par courriers des 14 et 20 octobre 2011 afin de faire en sorte, la situation de Dexia ayant empiré, que les associés d’Arco soient indemnisés en priorité  [174].

171Le dossier Arco ne témoigne cependant pas seulement de la capacité des deux composantes du mouvement ouvrier chrétien, et surtout de la composante flamande dans le cas présent, à mobiliser à son profit des relais politiques prêts à défendre ses intérêts. L’ACW, confronté à une perte sèche de moyens financiers, n’hésite pas à annoncer qu’elle doit prendre « un nouveau départ »  [175]. C’est dans ce cadre qu’il change de nom pour s’appeler désormais beweging.net. Il change aussi à cette occasion de statut social (beweging.net est une asbl, et non plus une association de fait) et de composition (beweging.net rassemble onze associations partenaires au lieu de six pour l’ACW, sans Arco et sans sections provinciales). Par ailleurs, beweging.net se présente comme n’étant plus une coupole mais un réseau, et son personnel est réduit (passant de 300 à 120 unités)  [176]. Son président, P. Develtere, qui fait l’objet d’attaques personnelles assez virulentes de la part en particulier de la N-VA, quitte l’organisation à la mi-2017  [177]. Par contre, la suggestion de Luc Huyse (professeur émérite de la KULeuven et auteur de plusieurs ouvrages sur la pilarisation) de mettre en place une « commission vérité » pour « ressourcer » l’ACW est restée lettre morte  [178].

172Le MOC est, lui, relativement épargné par les aléas du dossier Arco. L’écrasante majorité des détenteurs de parts d’Arco sont affiliés à des organisations et mouvements ayant pour coupole l’ACW et non le MOC, et sont domiciliés en Flandre. Plus précisément, au moment de la mise en liquidation, le capital d’Arco détenu par des personnes physiques se compose comme suit :

173

  • Arcopar : 640 226 associés (dont 97 989 francophones) et 1 279,4 millions d’euros (dont 162,4 millions détenus par des francophones),
  • Arcofin : 107 928 associés (dont 10 209 francophones) et 139,5 millions d’euros (dont 13 millions détenus par des francophones),
  • Arcoplus : 32 522 associés (dont 2 688 francophones) et 45,4 millions d’euros (dont 3,4 millions détenus par des francophones).

174 Soit un total de 780 676 associés (dont 110 886 francophones, soit 14,2 %) détenant 1 464,3 millions (dont 178,8 millions détenus par des francophones, soit 12,2 %).

175Aux yeux de certains observateurs pourtant, le remplacement à la tête du MOC, en juin 2013, de Thierry Jacques par Christian Kunsch a un lien indirect avec ce dossier : un gestionnaire aurait été choisi de préférence à un politique (à savoir Fabrice Eeklaer), le nouveau président ayant notamment « pour tâche de rechercher des mécanismes de financement suite aux pertes essuyées avec la liquidation d’Arco »  [179].

176Reste que des interrogations subsistent sur l’évolution même des deux composantes du mouvement ouvrier chrétien ou, plus exactement, sur leur participation à des rouages financiers dont les objectifs peuvent sensiblement s’écarter des leurs. Il y a par ailleurs quelque chose de paradoxal dans l’obligation qu’a le mouvement ouvrier chrétien d’attendre pour partie son salut financier de la privatisation d’une banque publique.

177 On notera enfin que de nombreux éléments du dossier Arco reposent sur des documents internes au mouvement ouvrier chrétien  [180], dont il est probable qu’ils ont volontairement été divulgués par des personnes employées par les organisations des deux composantes de ce mouvement – ce qui témoigne, à tout le moins, d’un malaise dans les rangs de celles-ci.

5.1.2. Le CD&V

178Relais politique par excellence de l’ACW, le CD&V est inconditionnellement favorable à une intervention de l’État belge pour rembourser les associés d’Arco ayant des parts dans Dexia SA.

179Certes, Yves Leterme et Kris Peeters, alors respectivement Premier ministre et ministre-président flamand, ne sont pas entièrement d’accord entre eux sur les modalités du sauvetage de Dexia SA, en 2008 comme en 2011. Mais leurs différends portent plutôt sur le rôle des Régions et sur l’avenir du Holding communal. Leur parti, le CD&V, défend pour le reste, sans tergiverser, les intérêts des détenteurs de parts d’Arco et, à travers eux, de l’ACW. Kristof Waterschoot, par exemple, un député fédéral du CD&V qui affirme « ne pas venir du mouvement ouvrier [chrétien] », estime impératif de respecter une règle votée de façon démocratique et transparente par le Parlement en 2009 et, partant, d’octroyer la garantie de l’État belge aux parts des associés d’Arco  [181]. Etienne Schouppe, l’ancien patron de la SNCB devenu sénateur CD&V puis secrétaire d’État à la Mobilité dans les gouvernements Leterme I, Van Rompuy et Leterme II, est l’un des principaux avocats de la thèse favorable au remboursement des détenteurs de parts d’Arco par l’État. Dans un entretien au quotidien De Tijd, il va jusqu’à s’interroger : pourquoi garantir les dépôts dans le cadre des comptes d’épargne et de l’assurance-épargne si on ne le fait pas pour les associés d’Arco ?  [182] Il s’agit là d’une menace à peine voilée adressée aux partenaires de la coalition fédérale, et singulièrement aux socialistes, considérés comme les bénéficiaires de la garantie accordée aux souscripteurs de certains produits d’Ethias. C’est du reste son beau-fils, Bart Bronselaer, qui remplace en décembre 2012 F. Swiggers, démissionnaire au conseil d’administration de Dexia SA depuis novembre de la même année  [183].

180 Karel De Gucht (Open VLD), qui était en 2008 vice-Premier ministre dans le gouvernement Leterme I, indiquera clairement par la suite que la garantie publique en faveur des détenteurs de parts d’Arco a été générée « dans un mouvement qui peut difficilement être décrit autrement que comme du chantage » : « C’était une exigence absolue [du CD&V] ». Il ajoutera : « J’ai toujours été contre cette décision. J’ai aussi toujours dit clairement que je trouvais que c’était une honte. Mais les libéraux étaient les seuls à penser comme ça. Finalement, tout le monde s’est mis d’accord sous la très forte pression du CD&V (…). Il était 4 heures du matin et il y avait une banque au bord de la faillite. On ne pouvait pas se permettre de dire : “Réfléchissons calmement”. Le PS soutenait la proposition du CD&V car grâce à cela, il pouvait sauver Ethias ». Et enfin : « La voix du CD&V et de l’ACW était Etienne Schouppe dans ce dossier. [Yves] Leterme n’en a certainement jamais été la force motrice »  [184] . Ces déclarations post factum troubleront brièvement les relations entre le CD&V et l’Open VLD, au point que Gwendolyn Rutten, présidente de ce dernier parti, doive préciser que les déclarations de K. De Gucht traduisent une « opinion personnelle »  [185].

181 La défense à tous crins des intérêts de l’ACW suscite cependant quelques critiques à l’intérieur même du CD&V. Ainsi, les deux auteurs du livre Wie mooi wil zijn, moet lijden, consacré au nécessaire renouveau de la démocratie-chrétienne – Rik Torfs, alors sénateur CD&V et futur recteur de la KUL, et Pieter Marechal, ancien président des CD&V Jongeren – jugent que, dans ce dossier, c’est ce qu’ils appellent « la vieille politique » qui dicte la conduite du parti : « Si tout le monde pense dans ce pays que la garantie n’est pas une option, pourquoi notre parti s’y tient-il ? »  [186] Cette position vaut aux deux intéressés, à leur tour, les remontrances outrées du député flamand Eric Van Rompuy (CD&V)  [187].

182Le fait que, lors de la formation du gouvernement Di Rupo, le successeur de Didier Reynders (MR) au poste de ministre des Finances (que celui-ci avait occupé notamment dans les gouvernements Leterme I, Van Rompuy et Leterme II) soit Steven Vanackere (CD&V), dont la carrière s’est faite avec l’appui de l’ACW  [188], est également, sans doute, à imputer à la volonté du CD&V d’aboutir à une solution dans ce dossier.

183 De même, si, après que S. Vanackere a démissionné de son poste, il n’est pas remplacé par le président du CD&V, Wouter Beke, en personne comme la chose semble avoir été envisagée un moment  [189], c’est vraisemblablement pour éviter de donner l’impression que le CD&V utilise la fonction de ministre des Finances pour résoudre le dossier à l’avantage des associés d’Arco. En effet, il est finalement remplacé par Koen Geens qui, à l’inverse de S. Vanackere, semble indépendant des standen du CD&V (et ce même s’il a, via le bureau Eubelius, été l’avocat de l’ACW avant de devoir démissionner de cette association en raison de sa nomination à un poste ministériel  [190]). C’est lui aussi qui, selon les termes de P. Dedecker, use d’un « subterfuge d’avocat »  [191] et s’efforce de gagner du temps dans l’examen du dossier par la Commission européenne afin de ne pas devoir prendre de décision avant les élections du 25 mai 2014 et d’éviter ainsi de faire du soutien au mouvement ouvrier chrétien un enjeu électoral. Dans le même ordre d’idées, le ministre-président flamand, K. Peeters, adresse, le 25 février 2013, une « lettre ouverte » au « bénévole » (de vrijwilliger) afin de mettre en valeur le travail accompli dans des associations de tout type par des individus engagés et désintéressés. Il y rompt une lance en faveur de l’ACW, organisation sociale d’inspiration chrétienne, « qui rassemble et soutient les bénévoles » et dont il nie qu’elle se soit livrée à des pratiques répréhensibles  [192]. Cette déclaration a d’autant plus de poids que K. Peeters, avant d’entrer en politique, était secrétaire général de l’Unie van Zelfstandige Ondernemers (UNIZO, l’association chrétienne flamande des classes moyennes et des indépendants).

184Le dossier a aussi des implications politiques, notamment lors de la formation des coalitions gouvernementales. Le député N-VA Peter Dedecker, dans l’ouvrage qu’il a consacré au dossier Arco, lui impute même la formation du gouvernement Di Rupo : selon lui, l’attitude jusque-là « intransigeante » du CD&V et de son président, W. Beke, prend fin le 20 juillet 2011 parce que, à ce moment, les difficultés de Dexia deviennent palpables et l’avenir d’Arco incertain  [193]. De même, et de façon plus explicite, le dossier Arco pèse sur la formation du gouvernement Michel. W. Beke ne déclare-t-il pas en 2016, dans un entretien au Tijd, qu’une solution doit impérativement être trouvée dans le dossier Arco, puisque ce point figure dans la déclaration gouvernementale ? Il ajoute, parlant du CD&V : « C’est ce qui a fait que, lors des négociations [pour la formation du gouvernement Michel], nous n’avons pas pu engranger d’autres points. Mais nous avons fait ce choix parce que nous croyons que c’est la seule solution correcte »  [194].

185Il s’agit en l’occurrence de rassurer une base électorale en constante érosion. Les économies projetées dès sa formation par le gouvernement flamand Bourgeois (N-VA/CD&V/Open VLD), dont fait également partie le CD&V, sont elles aussi de nature à distendre les liens entre le parti et la composante flamande du mouvement ouvrier chrétien. Ce dernier participe d’ailleurs activement à la création et aux actions de Hart boven Hard, un mouvement citoyen qui s’oppose aux mesures d’austérité flamandes dans le secteur du non-marchand  [195]. L’aile gauche du CD&V n’aurait-elle pas, en définitive, donné son feu vert à une alliance fédérale avec la N-VA, le MR et l’Open VLD qui peut paraître contre nature et contraire à plusieurs de ses déclarations antérieures (ainsi lors de la célébration de l’encyclique Rerum Novarum en mai 2013), pour neutraliser la N-VA et trouver ainsi une issue à un dossier qui lui tient à cœur ?

186 Cela étant, la position du CD&V au sein de la coalition fédérale se trouve du même coup fortement affaiblie par sa volonté de résoudre le dossier Arco à l’avantage de l’ACW. En particulier, alors même que le CD&V s’efforce d’infléchir la politique gouvernementale, surtout dans les matières fiscales, dans un sens qu’il juge « plus équitable » (moins favorable aux revenus du capital), il doit bien souvent accepter des compromis, voire renoncer à certaines de ses revendications – non seulement parce qu’il n’est qu’un des quatre partenaires de la coalition et pas le plus puissant, mais aussi sans doute parce qu’il fait passer avant d’autres priorités les intérêts des détenteurs de parts d’Arco. La privatisation de Belfius Banque, évoquée à plusieurs reprises depuis le début de la législature et acceptée depuis lors par le conseil d’administration de la banque (le 20 avril 2017) et par le gouvernement fédéral, se fera, selon le CEO de la banque, Marc Raisière, « avec ou sans solution pour Arco. Mais cette solution pourrait être une monnaie d’échange pour faire plier certains partis de la majorité » : M. Raisière vise-t-il le CD&V ?  [196] Ce parti a en effet, par la bouche de son député Roel Deseyn, déclaré en avril 2017 que Belfius Banque ne pourrait être privatisée qu’après une solution au bénéfice des détenteurs de parts d’Arco  [197]. Cette position a été confirmée ensuite par le président du parti, W. Beke, en mai 2017  [198].

5.1.3. La N-VA

187Le parti nationaliste flamand est à la pointe du combat pour dénoncer ce qu’il considère être des dérives de l’ACW dans le dossier Arco. Il va cependant mettre de l’eau dans son vin en faisant son entrée au gouvernement Michel, tout en restant extrêmement circonspect.

188Dans le dossier Arco, la N-VA est longtemps aux avant-postes. On pourrait s’en étonner, sachant que les organisations et mouvements membres de l’ACW comptent ensemble plusieurs millions d’affiliés et que tous ne votent pas (ou plus) pour des candidats du CD&V, lequel n’a recueilli en Flandre, aux élections fédérales du 25 mai 2014, que 775 000 voix environ. Il est donc hautement probable que l’ACW compte dans ses rangs des électeurs de la N-VA.

189Aussi le parti nationaliste flamand ne remet-il pas en cause le remboursement des actions détenues par les détenteurs de parts d’Arco dans Dexia SA : il estime que, en l’occurrence, ceux-ci ont été grugés par l’ACW. Et c’est à ce dernier qu’il incombe donc, de l’avis de la N-VA, de rembourser. « Qu’ils fassent un peu moins la grève », précise même le député Jan Jambon  [199], visant clairement la composante syndicale de l’ACW.

190Ce que cherche avant tout la N-VA, c’est à affaiblir l’aile gauche du CD&V pour récupérer les électeurs de ce parti qui penchent plutôt vers le centre et la droite. Par ailleurs, la N-VA – héritière de la Volksunie – est fondamentalement hostile au système belge des piliers, de la démocratie consociative qu’avait décrite Arend Lijphart. Pour elle, point n’est besoin d’intermédiaires entre le citoyen et les pouvoirs publics. En outre, une partie des cadres et des militants de la N-VA sont convaincus que l’implosion en 2008 du cartel que ce parti formait avec le CD&V est due aux pressions du mouvement ouvrier chrétien, peu favorable à cette alliance avec un parti marqué à droite. Leur animosité envers ce mouvement reste grande.

191Cela étant, lorsqu’elle entre dans le gouvernement fédéral Michel, la N-VA souscrit à un accord de gouvernement qui prévoit de trouver une solution pour les détenteurs de parts d’Arco – sans cependant, il est vrai, en décrire d’emblée les modalités. Il semble bien que le parti ait des réticences à accepter le « plan B » proposé par le ministre des Finances sortant, Koen Geens (CD&V). Il s’en accommode finalement dans le principe. De son point de vue, il a choisi une voie médiane entre, d’une part, ceux qui entendaient faire supporter la garantie aux associés d’Arco par l’État belge et, d’autre part, sa position propre consistant à mettre le remboursement de cette garantie à la seule charge de l’ACW. De plus, ce compromis s’inscrit dans un programme de gouvernement que la N-VA juge favorable au contribuable parce qu’il repose globalement sur l’austérité budgétaire plutôt que sur la perception de recettes nouvelles.

192À l’automne 2016, la N-VA se montre extrêmement réticente à la suggestion de l’Open VLD, son partenaire au sein du gouvernement flamand, de mobiliser l’épargne des particuliers en faveur d’Eandis, un gestionnaire de réseau de distribution dont le capital est détenu par des communes flamandes et dans lequel – contre l’avis des libéraux flamands – souhaite alors investir une entreprise publique chinoise, State Grid Corporation of China (SGCC). Le député flamand Matthias Diependaele (N-VA) déclare dans ce cadre qu’« activer l’épargne pour une entrée en bourse ou une coopérative n’est pas sans risques (…). Nous devons faire attention de ne pas donner l’impression que l’argent placé sur un compte d’épargne est la même chose qu’une action, car ce n’est pas le cas »  [200] – thèse qui, si elle est partagée par l’Open VLD, n’est pas celle des responsables de l’ACW et d’Arco (cf. supra).

193Dans l’opposition fédérale, il en est pour penser que la N-VA freine des quatre fers pour ne pas devoir mettre à exécution l’accord trouvé en 2017. Par exemple, fin septembre 2017, le député fédéral Georges Gilkinet (Écolo) juge « laconiques » les réponses du ministre des Finances du gouvernement Michel, Johan Van Overtveldt (N-VA), et lui demande « d’assumer le fait [qu’il] ne [veut] pas de solution dans ce dossier »  [201].

194 Enfin, si les relations entre la N-VA et le CD&V sont compliquées, il est certain que les élections communales du 14 octobre 2018 vont dans certains cas ajouter à l’ambiguïté. Ainsi, le choix qui a prévalu un temps de placer l’ancienne secrétaire d’État fédérale Elke Sleurs en tête de la liste N-VA de Gand, plutôt que Siegfried Bracke (actuel président de la Chambre des représentants) – qui avait tiré la liste lors du scrutin 2012 – ou (surtout) P. Dedecker, n’est peut-être pas sans rapport avec une volonté de ne pas heurter de front un éventuel futur partenaire de coalition.

5.2. Les acteurs de deuxième ligne

195Les autres partis flamands n’interviennent qu’épisodiquement dans le dossier Arco. Il en est de même, sauf quelques exceptions, des partis francophones. Pour des raisons historiques en effet, le mouvement ouvrier chrétien est non seulement mieux implanté en Flandre qu’en Wallonie ou à Bruxelles, mais les détenteurs de parts d’Arco touchés par la débâcle de Dexia SA sont en outre surtout flamands. De plus, le pilier chrétien est nettement plus puissant en Flandre que son rival socialiste, qui n’est pas concerné (sinon à la marge) par ce dossier. Seul le Vlaams Belang (et, sous la législature 2011-2014, la Lijst Dedecker) monte régulièrement au créneau pour dénoncer les sympathies jugées suspectes du CD&V envers l’ACW.

5.2.1. Les autres partis flamands

196L’Open VLD a, dans ce dossier, une position critique par rapport aux décisions des gouvernements Leterme I et II, dont il a pourtant fait partie. Comme on l’a vu, Karel De Gucht – plus clairement et plus explicitement d’ailleurs que son collègue Didier Reynders (MR) – expliquera avoir cédé, en 2008, à un « chantage ».

197Par la suite, un député libéral flamand en particulier (venu de la Volksunie), Luk Van Biesen, croise le fer avec les ministres des Finances successifs du gouvernement Di Rupo sur ce dossier, en particulier lorsqu’est évoquée la question des participations bénéficiaires de l’ACW. Mais le groupe Open VLD s’oppose à la mise en place d’une commission d’enquête. L. Van Biesen demande, comme les partis de l’opposition, des explications au ministre S. Vanackere sur l’accord entre Belfius Banque et le mouvement ouvrier chrétien, et constate que ses réponses « suscitent encore pas mal de questions ». Mais il finit par repousser lui aussi, après avoir laissé entendre que l’idée pouvait être retenue, la création d’une commission d’enquête car « il existe pour un parlementaire d’autres moyens pour demander des éclaircissements »  [202].

198 À plusieurs reprises toutefois, l’Open VLD insiste sur le fait que ce n’est pas au contribuable à payer le prix de la garantie aux détenteurs de parts d’Arco. D’emblée, telle est la position exposée par la future présidente du parti, G. Rutten, lors de la discussion qui se tient à la Chambre des représentants au sujet de l’arrêté royal du 7 novembre 2011. Dans une interview au Tijd, le vice-Premier ministre Open VLD du gouvernement Michel, Alexander De Croo, réaffirme ce point de vue en juin 2016 : « Ce n’est pas le contribuable qui a trompé les gens »  [203] – ce qui lui vaut les remontrances agacées du chef du groupe CD&V à la Chambre Servais Verherstraeten (« l’Open VLD doit s’en tenir à l’accord de gouvernement »)  [204].

199 En mars 2014, le vice-Premier ministre SP.A du gouvernement Di Rupo, Johan Vande Lanotte, se range au « plan B » exposé par le ministre des Finances, K. Geens, pour indemniser les associés d’Arco, au motif qu’il serait impensable « de sauver les banques et pas les épargnants »  [205]. Toutefois, d’autres responsables du SP.A se montrent – après les élections du 25 mai 2014, il est vrai – beaucoup moins enthousiastes. Par exemple, Hans Bonte, député fédéral et bourgmestre de Vilvorde, affirme que « le silence sur Arco était le prix à payer pour faire partie du gouvernement. Nous avons plié devant le CD&V »  [206]. La députée fédérale Karin Temmerman, cheffe du groupe SP.A en 2013, interroge à plusieurs reprises le ministre des Finances sur ce dossier, d’abord dans la majorité puis (après les élections législatives du 25 mai 2014) dans l’opposition, insistant en particulier sur l’implication de l’ACW dans le remboursement des détenteurs de parts d’Arco  [207].

200 Sur son site Internet, Groen se dit « plein de compréhension à l’égard des personnes dupées et critique pour ce qui est du rôle joué par les dirigeants d’Arco dans toute cette affaire ». Concrètement, le parti écologiste flamand estime que les associés d’Arco sont victimes d’une culture du profit (« graaicultuur ») et qu’il convient donc de les indemniser. « Si la garantie de l’État ne peut être maintenue, nous voulons aider à rechercher une solution de rechange qui puisse passer le cap de l’Europe et de la Cour constitutionnelle. En tous les cas (…), les moyens disponibles issus de la liquidation d’Arco doivent être la source première pour l’indemnisation des personnes dupées ». En d’autres termes, Groen se montre prudent et ne souhaite visiblement pas, comme le fait la N-VA, pointer du doigt l’ACW ni exiger que ce soit celui-ci qui rembourse les détenteurs de parts d’Arco ; le parti se rallie, implicitement à tout le moins, à la formule de la garantie d’État. Groen reproche par ailleurs à la N-VA, lors du débat sur la création – ou non – d’une commission d’enquête, d’« anticiper » les conclusions de cette commission en dénonçant la « fraude fiscale » qu’aurait commise l’ACW.

201 Pour le Vlaams Belang, le « scandale Arco » se résume à un « vol légalisé », et le CD&V est à la manœuvre pour réaliser ce « hold-up », avec la participation de K. Geens, ancien avocat de la CSC et de l’ACW. Il est hors de question, juge le parti flamand d’extrême droite, que le contribuable paie la facture. Mais surtout, le Vlaams Belang note que la N-VA, dans cette affaire, a plié l’échine  [208].

5.2.2. Les partis francophones

202Même s’ils donnent moins de la voix dans ce dossier, les principaux partis francophones y défendent des positions qui, en gros, correspondent à celles de leurs partis-frères flamands.

203Le CDH considère ainsi que les « coopérateurs individuels [d’Arco] doivent être traités comme des épargnants et non pas comme des détenteurs d’actions »  [209]. En septembre 2017, le député fédéral Michel de Lamotte (CDH) interroge le ministre des Finances afin de « rassurer les coopérateurs », s’inquiétant en particulier de la validation du plan gouvernemental par les autorités européennes, des délais et de la hauteur de l’indemnisation  [210].

204 Parmi les députés fédéraux d’Écolo, c’est G. Gilkinet qui intervient le plus souvent dans les dossiers bancaires, en particulier lors de la débâcle de Dexia SA mais aussi lorsqu’il s’agit des garanties aux associés d’Arco. Favorable, comme ses collègues flamands de Groen, à la mise en place d’une commission d’enquête (et non d’une simple commission spéciale) concernant les péripéties de Dexia SA, il pose peu ou prou les mêmes questions que M. de Lamotte après la conclusion de l’accord gouvernemental de 2017 : feu vert de l’Europe, hauteur à laquelle les détenteurs de parts d’Arco seront indemnisés et délais.

205 Interrogeant le Premier ministre, C. Michel, sur les suites de la décision de la CJUE, en décembre 2016, le député fédéral Ahmed Laaouej (PS) déclare « comprendre » le raisonnement de la CJUE. Il ajoute cependant que les associés d’Arco, s’ils ne sont pas des épargnants, ne sont pas non plus des « spéculateurs ». Hostile à la garantie de l’État belge (qui ne lui « paraît pas être appropriée d’un point de vue juridique » et parce qu’il ne lui semblerait « pas compréhensible » que le gouvernement fédéral fasse « payer l’addition à l’ensemble de[s] concitoyens »), A. Laaouej s’oppose également à ce que Belfius Banque soit « utilis[ée] pour résoudre le problème ». Il ajoute que « le gouvernement fédéral a été très créatif pour trouver des solutions favorables au secteur du diamant  [211] » et qu’il est à espérer qu’il se montrera tout aussi créatif au bénéfice des détenteurs de parts d’Arco  [212].

206À rebours du CDH, le MR juge que les associés d’Arco « ne sont pas des épargnants ». Ce sont les termes employés par l’ancienne présidente de la commission Dexia, Marie-Christine Marghem (MR), lors du débat en commission des Finances et du Budget de la Chambre avec le ministre K. Geens : « Mon avis personnel, je l’avais exprimé et je le maintiens bien que je n’aie pas été consultée et que je ne connaisse pas le dernier détail de l’évolution de la réflexion juridique sur cette question : selon moi, les coopérateurs ne sont pas des épargnants et ne doivent pas être considérés comme tels »  [213]. Le député fédéral François-Xavier de Donnea (MR) interpelle le Premier ministre, Y. Leterme, en novembre 2011 : s’il « garde (…) un doute sérieux sur la validité » de l’arrêté royal du 7 novembre 2011, il reconnaît que beaucoup des arguments du Premier ministre sont « convaincants ». Il faut dire que, à ce moment, le portefeuille des Finances est aux mains de D. Reynders (MR) qui, interrogé sur le même dossier, ne cachait pas son scepticisme en soulignant que, « dans un débat politique, on doit tenir compte des exigences des uns et des autres »  [214].

207 Le PTB enfin, parti unitaire mais dont seule la composante francophone dispose de députés fédéraux, juge que les « épargnants d’Arco ne sont pas des spéculateurs » et qu’ils n’ont donc pas à payer pour les errements du secteur bancaire. Pour le parti de gauche radicale, dont le porte-parole sur ce dossier à la Chambre est le député Marco Van Hees, c’est aux banques, et à elles seules, à indemniser les détenteurs de parts d’Arco  [215].

6. La gestion politique du dossier

208Quels que soient les acteurs impliqués, ils agissent dans un contexte déterminé, notamment politique. Marqué par les temps forts que sont les élections et les changements de coalition, ce contexte leur impose une grande souplesse tactique, voire programmatique. La gestion du temps et des priorités joue, dans ce cadre, un rôle non négligeable.

6.1. La gestion du temps

209La gestion du temps joue un rôle important dans le dossier Arco. Délais, rétroactivité, imbrication de procédures qui sont nécessairement séquentielles, les protagonistes sont soit liés par des contraintes temporelles soit désireux de se donner une marge pour franchir certains obstacles avant d’autres.

210L’analyse des décisions prises lors des deux opérations de sauvetage de Dexia SA frappe par l’obligation de trancher rapidement, au risque d’aller trop vite. C’est en tout cas l’explication que donne Karel De Gucht (Open VLD) lorsqu’il indique comment le gouvernement fédéral Leterme I a accepté en 2008 d’octroyer sa garantie aux parts des coopératives financières : pouvait-on prendre le temps de réfléchir alors que la survie d’une grande banque belge était en jeu ?

211Dans sa décision du 3 juillet 2014, la Commission européenne se penche notamment sur le calendrier des mesures prises par le gouvernement belge et conclut que « l’annonce et la mise en œuvre » de l’arrêté royal du 7 novembre 2011 « ne constituent qu’une seule et même intervention », en d’autres termes (sans que ce soit dit aussi explicitement) qu’un régime de garantie taillé pour les besoins d’Arco était déjà envisagé en 2008. Il y a, dès lors, un décalage entre la décision et sa mise à exécution qui, à première vue, ne s’explique pas. Mais il y a aussi le fait que le régime de garantie est (ce sont les termes de la CJUE) « illégal » car « non notifié en temps utile ».

212 La Commission européenne note également que le gouvernement belge a présenté des « remarques supplémentaires » sur la décision d’ouvrir une procédure à l’encontre de l’arrêté royal du 7 novembre 2011 « plus d’un an et demi après l’expiration du délai ». Il n’est pas impossible que, en effet, le gouvernement belge ait souhaité passer l’obstacle des élections législatives, prévues le 25 mai 2014, afin d’éviter que le dossier Arco n’envenime la campagne électorale et d’en reporter la solution au-delà du scrutin, dans le cadre d’une négociation post-électorale dont il pourrait être l’un des éléments.

213 Le déroulement des opérations qui font suite au premier sauvetage de Dexia SA en 2008 puis à son démantèlement en 2011, en ce que ces opérations concernent les détenteurs de parts d’Arco, fait apparaître un calendrier cohérent mais, à plusieurs égards, suspect. Alors que le gouvernement fédéral répète à plusieurs reprises, dès 2008, que les coopératives financières bénéficieront elles aussi d’un régime de garantie et que « la question concernant le fait de donner une protection aux coopérants [sic] d’Arco avait déjà été soulevée fin septembre 2008, dans la nuit du premier sauvetage de Dexia »  [216], l’opération de rédaction et d’adoption de l’arrêté royal du 10 octobre 2011 ne prend place qu’au moment où Arco connaît des difficultés financières. De surcroît, l’arrêté royal du 7 novembre 2011 qui fait droit à la demande d’Arco de bénéficier de la garantie s’applique rétroactivement, à partir du 14 octobre 2011 (soit avant la mise en liquidation des coopératives du groupe).

6.2. L’agenda politique

214Les difficultés qui frappent le secteur bancaire, et notamment Dexia SA, en 2008 puis en 2011 surviennent sous des gouvernements dont font partie les sociaux-chrétiens flamands (CD&V) et francophones (CDH), les libéraux flamands (Open VLD) et francophones (MR) et les socialistes francophones (PS) (gouvernements Leterme I, Van Rompuy et Leterme II) puis les mêmes partis auxquels viennent s’ajouter les socialistes flamands (SP.A) (gouvernement Di Rupo).

215 Du point de vue politique, il y a donc une continuité entre ces deux coalitions différentes. Dans la mesure où la crise des subprimes puis celle de la dette souveraine affectent l’ensemble du secteur financier, deux familles politiques sont plus ou moins directement concernées par les mesures d’aide et de garantie imaginées pour faire face aux événements : les socialistes, dont Ethias constitue un des bastions (pour des raisons notamment historiques) et les sociaux-chrétiens, dont les coopératives ont investi dans le capital bancaire.

216 Le sauvetage d’Ethias et celui d’Arco vont donc de pair, PS et CD&V étant associés au sein de la même coalition fédérale. Des déclarations post factum de D. Reynders et de K. De Gucht aux attendus des décisions de la Commission européenne, tout indique que ce scénario de double garantie existe dès 2008, même s’il n’est alors formalisé que pour le secteur des assurances. Le rôle de D. Reynders, alors ministre des Finances, n’est pas totalement clair : n’est-il qu’un notaire enregistrant l’accord entre partis ou assume-t-il la responsabilité politique de cet accord ? Le CD&V ne manquera pas, en 2013, de souligner qu’un ministre « signe lui-même les arrêtés royaux »  [217].

217 Le remplacement de D. Reynders par S. Vanackere, un proche de l’ACW, au poste de ministre des Finances lors du passage du gouvernement Leterme II au gouvernement Di Rupo confirme la volonté du CD&V de prendre la main dans ce dossier. Il la garde après la démission de S. Vanackere : même si K. Geens n’est pas marqué comme son prédécesseur par son appartenance au mouvement ouvrier chrétien, son bureau d’avocats (Eubelius) a défendu les intérêts de l’ACW. Mais l’espoir de concrétiser la solution forgée en 2008 se heurte au veto européen.

218 Quoi qu’il en soit, le dossier se réinvite très rapidement dans la formation du gouvernement Michel. Les péripéties qui ont entouré la mise en place de cette coalition fédérale jusqu’alors inédite (rassemblant un seul parti francophone, le MR, et trois partis flamands, la N-VA, le CD&V et l’Open VLD) ont été exposées dans un précédent Courrier hebdomadaire [218]. On se rappellera à cet égard que le CD&V a fait le forcing pour que son ancienne présidente, Marianne Thyssen, soit désignée commissaire européenne, alors même que cela impliquait de priver Kris Peeters de la place de Premier ministre (le parti n’étant pas en mesure, eu égard à son poids électoral, de réclamer les deux postes). Le CD&V a donc manifestement considéré que placer l’un des siens au sein de la Commission européenne – acteur clé du dénouement du dossier Arco – valait ce sacrifice.

219 Reste que, faute d’avoir pu résoudre le problème Arco sous la législature 2011-2014, le CD&V se voit contraint – n’étant plus, et de loin, le premier parti flamand depuis 2010 déjà – de passer sous les fourches caudines de son ancien partenaire de cartel, la N-VA, s’il veut rester au gouvernement fédéral et y faire avancer le dossier. Cette fois, pourtant, il ne peut contrôler son évolution : le nouveau ministre des Finances, J. Van Overtveldt, appartient précisément au parti qui a le plus critiqué l’octroi de la garantie de l’État aux détenteurs de parts d’Arco. Même si la N-VA se rallie à une formule extrêmement vague contenue dans l’accord de gouvernement (alors que l’accord du gouvernement Di Rupo était muet sur ce point), il est manifeste que le compromis qui se dégage en 2017 ne lui plaît guère. D’emblée d’ailleurs, si le ministre reste muet, des parlementaires du parti nationaliste flamand font état de leurs doutes quant à la validité des modalités retenues. Même si elle est un peu caricaturale, l’idée que le CD&V a « acheté » à plusieurs reprises une solution pour les associés d’Arco n’est sans doute pas tout à fait dénuée de fondement.

Conclusion

220La discussion sur les piliers, le « verzuiling », est plus vive en Flandre qu’en Wallonie. C’est que le système y est mieux implanté, en raison de la présence de longue date d’un pilier chrétien (pour certains, d’ailleurs, le seul véritable pilier au sens strict du terme). Cette pilarisation (traduction la plus courante de verzuiling) – c’est-à-dire une segmentation sociale à partir de réseaux d’institutions et d’associations non publiques destinées, comme Luc Huyse l’a démontré, à « édifier un mur de protection entre le croyant et l’État »  [219] – connaît ses premières mutations dans les décennies 1960 et 1970, en raison non seulement de la déchristianisation, mais aussi de différents facteurs sociaux et économiques qu’il serait trop long d’analyser ici.

221 Manifestement, un processus de « dépilarisation » est en marche. Les liens entre les différentes organisations d’un même pilier se distendent, les murs édifiés entre les piliers s’ébrèchent. La sécularisation, l’apparition de nouveaux clivages comme l’affadissement de clivages plus anciens  [220], le développement des moyens de communication de masse font, entre autres facteurs, que le rapport entre l’individu et l’organisation change de nature. Les anciennes allégeances disparaissent, pour faire place à une relation plus consumériste. Plusieurs organisations des piliers choisissent d’ailleurs de se débaptiser pour marquer ces mutations : la Fédération des mutualités socialistes et syndicales (FMSS) devient Solidaris, le Kristelijke Arbeiders Vrouwenbeweging (KAV) s’appelle désormais Femma, l’Union chrétienne des pensionnés (UCP) se nomme dorénavant Énéo, et ainsi de suite.

222Luc Huyse note cependant que « l’immense majorité des organisations catholiques, socialistes et libérales ont réussi à survivre. Elles ont progressivement changé de couleur. (…) Dans le lien avec leur arrière-ban, les arguments économiques jouent un rôle toujours plus considérable »  [221]. Il s’agit en effet de plus en plus, sinon exclusivement, de s’attacher des clients en leur proposant des avantages matériels. L’offre se diversifie, le fonctionnement se rapproche de celui du secteur privé commercial. De plus, en se développant, les organisations des piliers finissent par se partager le marché en excluant de facto des acteurs de moindre taille  [222].

223Le dossier Arco est sans doute l’une des illustrations de cette évolution. Il révèle à la fois la force et la faiblesse de ce qui subsiste de la pilarisation, singulièrement en ce qui concerne ses liens avec la décision politique. Les partis liés au pilier (et, en l’occurrence, au pilier chrétien dont le poids reste important en Flandre) sont capables de négocier, avec de futurs ou actuels partenaires gouvernementaux, des accords destinés à préserver les intérêts d’une autre branche du pilier. Ils sont même en position de dicter, jusqu’à un certain point, les termes de cet accord. Mais leur assise électorale ne leur permet plus d’en garantir l’aboutissement, car aujourd’hui, en Flandre, des partis plutôt étrangers au système des piliers pèsent lourd sur la scène politique.

224 Par ailleurs, il est permis de penser que les tentatives du CD&V d’aboutir à un règlement du dossier Arco le moins douloureux possible pour le mouvement ouvrier chrétien, pour ses organisations constitutives et pour leurs membres qui ont investi des moyens dans Arco donne au CD&V un levier non négligeable pour freiner la participation éventuelle de ceux-ci à la contestation à l’encontre de la politique menée par les gouvernements fédéraux auxquels ce parti prend part  [223].

225Reste à voir quel sera l’impact de ce dossier auprès de l’électeur et si le potentiel électoral que représentent les quelque 800 000 détenteurs de parts d’Arco ne va pas, à la longue, se détourner à la fois des défenseurs inconditionnels de l’intervention de l’État et de leurs adversaires. Les uns comme les autres auront en effet dû accepter un compromis peut-être bancal, mais qui ne correspond pas, en toute hypothèse, à ce que la majorité de ces détenteurs de parts espéraient obtenir. Il n’est pas certain, de surcroît, que ce compromis puisse être mis en œuvre sans se heurter au droit européen. Enfin, l’une des conditions de ce compromis (à savoir l’entrée en bourse de Belfius Banque) ne s’est pas encore concrétisée. Certes, la prochaine échéance électorale est encore relativement lointaine et l’entrée en bourse de Belfius pourrait se faire, estime en tout cas la banque elle-même, en mai ou en juin 2018  [224]. Mais ces dix années d’incertitudes et de flottements n’auront-elles pas laissé des traces ?

Notes

  • [1]
    Dans le cadre de la présente publication, le Mouvement ouvrier chrétien (MOC) et l’ACW/beweging.net sont pris comme des entités propres, et non comme des coupoles regroupant et coordonnant – respectivement en Belgique francophone et germanophone pour l’un, et en Belgique néerlandophone pour l’autre – un ensemble de mouvements et d’organisations sociales du monde chrétien.
  • [2]
    De Tijd, 2 février 2018.
  • [3]
    La Libre Belgique, 11 janvier 2018.
  • [4]
    M. Dumoulin, E. Gerard, M. Van den Wijngaert, V. Dujardin (dir.), Nouvelle histoire de Belgique, 1905-1950, Bruxelles, Complexe, 2006, p. 117 ; C. Mels, L. Wils, « Hendrik Heyman, van flamingant tot christen-democraat », Wetenschappelijke Tijdingen, volume 39, n° 3-4, 1980, p. 169-186 et 227-250.
  • [5]
    Sur ce sujet, cf. J. Neuville, « Les origines de la Ligue nationale des travailleurs chrétiens », in Centre d’animation et de recherche en histoire ouvrière et populaire (CARHOP), Le Mouvement ouvrier chrétien, 1921-1996 : 75 ans de luttes, Bruxelles, EVO/MOC, 1996, p. 9-35 ; E. Gerard, « Le MOC-ACW », in E. Gerard, P. Wynants (dir.), Histoire du mouvement ouvrier chrétien en Belgique, tome 2, Louvain, Leuven University Press, 1994, p. 566-587.
  • [6]
    Cf. G. Kwanten, La moisson de l’entraide. L’histoire des coopératives chrétiennes de 1886 à 1986, Bruxelles, FNCC, 1987 (cf. aussi G. Kwanten, « Les coopératives chrétiennes », in E. Gerard, P. Wynants (dir.), Histoire du mouvement ouvrier chrétien en Belgique, op. cit., p. 278-323).
  • [7]
    Une des plus importantes de ces coopératives est Welvaart/Bien-Être, qui est née à partir d’une boulangerie limbourgeoise et qui devient une chaîne de magasins dans laquelle le Boerenbond prend une participation.
  • [8]
    L. Roussel, « Entre services et intérêts : les coopératives », in CARHOP, Le Mouvement ouvrier chrétien, 1921-1996, op. cit., p. 41.
  • [9]
    Cf. l’arrêté royal du 9 mars 1982 portant encouragement à la souscription ou à l’achat d’actions ou parts représentatives de droits sociaux dans des sociétés belges (Moniteur belge, 12 mars 1982) et l’arrêté royal du 30 décembre 1982 modifiant l’arrêté royal du 9 mars 1982 portant encouragement à la souscription ou à l’achat d’actions ou parts représentatives de droits sociaux dans des sociétés belges (Moniteur belge, 19 janvier 1983), dits arrêtés Monory-De Clercq.
  • [10]
    L. Roussel, « Entre services et intérêts : les coopératives », op. cit., p. 48.
  • [11]
    Les administrateurs de la COB puis de Bacob (cf. infra) sont eux aussi issus du mouvement ouvrier chrétien. Citons entre autres Paul-Willem Segers (président de l’ACW de 1946 à 1951, plusieurs fois ministre), Léon Servais (président du MOC de 1946 à 1951, lui aussi plusieurs fois ministre, principalement du Travail), Hubert Detremmerie (ancien trésorier de l’ACW), Oscar Behogne (secrétaire du MOC de 1946 à 1948, plusieurs fois ministre également), Willy D’Havé (président de l’ACW de 1965 à 1988) et A. Devogel (déjà cité).
  • [12]
    La cession de ce patrimoine fait l’objet, dans le détail, d’un ouvrage extrêmement critique : D. Verbruggen, De uitverkoop van het ACW: een verhaal van geld en idealen, Roulers, Roularta Books, 2005.
  • [13]
    13 De Standaard, 22 mars 2001.
  • [14]
    À la fin des années 1980, deux entrepreneurs flamands, Jo Lernout et Paul Hauspie, ont fondé la société L&H, spécialisée dans la technologie vocale. Grâce à plusieurs acquisitions (dont celle de la société états-unienne Dictaphone) et portée par une capitalisation boursière importante – le marché étant présenté comme très prometteur –, L&H n’a cessé de croître. Mais au début de l’année 2000, il s’avère que son chiffre d’affaires est artificiellement gonflé. La faillite est prononcée fin 2001.
  • [15]
    Interview de Marc Tinant, vice-président du comité de direction d’Arco, dans De Tijd, 1er novembre 2007.
  • [16]
    16 De Tijd, 22 juin 2006.
  • [17]
    Créé en 1996, le Holding communal a pour actionnaires toutes les communes et provinces belges. Avant cette date, celles-ci étaient actionnaires du Crédit communal de Belgique (CCB), qui finançait leurs investissements. Le développement des activités bancaires du CCB, notamment à l’étranger, a entraîné en 1996 une restructuration de l’actionnariat et la création du Holding communal.
  • [18]
    La CNP est une société active principalement dans le secteur des assurances ; jusqu’en 1998 – année de son introduction en bourse –, elle a un caractère public.
  • [19]
    La CDC est un établissement bancaire français à statut public, chargé de diverses missions d’intérêt général pour le compte de l’État français et des collectivités territoriales (communes, départements, etc.).
  • [20]
    Interview de Francine Swiggers, dans La Libre Belgique, 31 octobre 2007.
  • [21]
    21 De Tijd, 8 janvier 2008.
  • [22]
    Interview de M. Tinant, vice-président du comité de direction d’Arco, dans De Tijd, 1er novembre 2007.
  • [23]
    23 De Standaard, 6 mars 2008.
  • [24]
    Cf. Moodys, « Moodys downgrades the ratings of Dexia’s main operating units to Aa3 from Aa1 », 1er octobre 2008, www.moodys.com.
  • [25]
    À ce sujet, cf. A. Vincent, « La recomposition du paysage bancaire depuis 2008 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2158-2159, 2012, p. 11-38.
  • [26]
    26 Le Monde, 7 octobre 2010.
  • [27]
    Loi du 15 octobre 2008 portant des mesures visant à promouvoir la stabilité financière et instituant en particulier une garantie d’État relative aux crédits octroyés et autres opérations effectuées dans le cadre de la stabilité financière, Moniteur belge, 17 octobre 2008.
  • [28]
    Pour le détail de ce mécanisme, cf. notamment A. Guissart, « Moyens d’intervention des pouvoirs publics dans une crise financière », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2006, 2009, p. 12-13.
  • [29]
    L’assurance-vie « branche 21 » (également appelée assurance-épargne) est un produit d’épargne à moyen ou à long terme sous la forme d’un contrat d’assurance-vie.
  • [30]
    30 De Standaard, 22 novembre 2008.
  • [31]
    31 Trends-Tendances, 30 octobre 2008.
  • [32]
    32 De Standaard, 22 novembre 2008.
  • [33]
    Arrêté royal du 14 novembre 2008 portant exécution des mesures anti-crise prises dans la loi du 22 février 2008 fixant le statut organique de la Banque nationale de Belgique, en ce qui concerne la création du Fonds de garantie pour les services financiers, Moniteur belge, 17 novembre 2008.
  • [34]
    Arrêté royal confiant à la Société fédérale de participations et d’investissements une mission au sens de l’article 2, § 3, de la loi du 2 avril 1962 relative à la Société fédérale de participations et d’investissements et aux sociétés régionales d’investissement, Moniteur belge, 17 décembre 2008.
  • [35]
    Cf. Chambre des représentants, Commission spéciale chargée d’examiner les circonstances qui ont contraint au démantèlement de la Dexia SA, Compte rendu intégral, n° 31, 25 janvier 2012, p. 33-35.
  • [36]
    A. Vincent, « Le secteur des assurances », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2182, 2013, p. 86. Ainsi, le socialiste wallon André Cools avait accédé à la présidence de la SMAP peu avant son décès en 1991 (il entendait, semble-t-il, en faire un véhicule destiné à construire un contre-pouvoir économique et financier public en Wallonie), le socialiste flamand Steve Stevaert a longtemps présidé le conseil d’administration du groupe et de plusieurs de ses sociétés, et les deux derniers présidents de son comité de direction (Bernard Thiry et Philippe Lallemand) sont ou ont été membres du PS.
  • [37]
    Cf. Commission européenne, « Aide d’État NN 49/2008 - Belgique, NN 50/2208 - France, NN 45/2008 - Luxembourg. Aide d’urgence en faveur de Dexia en forme de garantie sur les obligations et liquidity assistance », C(2008) 7388 final, 19 novembre 2008, http://ec.europa.eu.
  • [38]
    Cf. « Approche de la crise financière - Protection des associés des sociétés coopératives », Communiqué du Premier ministre et du ministre fédéral des Finances, 21 janvier 2009, www.presscenter.org.
  • [39]
    39 De Standaard, 2 juillet 2009.
  • [40]
    « Nous avons appris la leçon. Nous devons nous diversifier » (Trends-Tendances, 11 juin 2009).
  • [41]
    41 L’Écho, 18 juin 2010.
  • [42]
    Loi du 14 avril 2009 modifiant la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers, Moniteur belge, 21 avril 2009.
  • [43]
    Arrêté royal du 10 octobre 2011 modifiant l’arrêté royal du 14 novembre 2008 portant exécution de la loi du 15 octobre 2008 portant des mesures visant à promouvoir la stabilité financière et instituant en particulier une garantie d’État relative aux crédits octroyés et autres opérations effectuées dans le cadre de la stabilité financière, en ce qui concerne la protection des dépôts et des assurances sur la vie, et modifiant la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers portant extension du système de protection au capital de sociétés coopératives agréées, Moniteur belge, 12 octobre 2011.
  • [44]
    Déclaration de F. Swiggers, dans De Morgen, 20 juin 2011.
  • [45]
    Cf. S. Govaert, « Les négociations communautaires et la formation du gouvernement Di Rupo (juin 2010-décembre 2011 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2144-2145, 2012.
  • [46]
    Cf. Chambre des représentants, Commission spéciale chargée d’examiner les circonstances qui ont contraint au démantèlement de la Dexia SA, Compte rendu intégral, n° 31, 25 janvier 2012, p. 9.
  • [47]
    47 De Standaard, 9 septembre 2011.
  • [48]
    Cours lors de la suspension de la cotation, le 6 octobre 2011.
  • [49]
    Cf. Chambre des représentants, Commission spéciale chargée d’examiner les circonstances qui ont contraint au démantèlement de la Dexia SA, Compte rendu intégral, n° 31, 25 janvier 2012.
  • [50]
    50 De Tijd, 10 octobre 2011.
  • [51]
    C’est DCL qui est considérée comme la bad bank, cette société concentrant l’essentiel du risque du groupe Dexia. Arco s’était d’ailleurs opposé en décembre 2011 à une augmentation de son capital de 4,5 milliards d’euros (cf. la lettre de F. Swiggers au conseil d’administration de DCL, consignée dans les notules de son conseil d’administration des 17 novembre et 22 décembre 2011).
  • [52]
    52 L’Écho, 17 novembre 2011.
  • [53]
    Cf. le rappel des faits dans Commission européenne, « Décision (…) concernant l’aide d’État SA.33927 (2012/C) (ex 2011/NN) mise à exécution par la Belgique. Régime de garantie protégeant les participations des associés personnes physiques de coopératives financières », C(2014) 1021 final, 3 juillet 2014, http://ec.europa.eu.
  • [54]
    Arrêté royal du 10 octobre 2011 confiant à la Société fédérale de participations et d’investissements une mission au sens de l’article 2, § 3, de la loi du 2 avril 1962 relative à la Société fédérale de participations et d’investissements et aux sociétés régionales d’investissement, Moniteur belge, 12 octobre 2011 ; Arrêté royal du 10 octobre 2011 modifiant l’arrêté royal du 14 novembre 2008 portant exécution de la loi du 15 octobre 2008 portant des mesures visant à promouvoir la stabilité financière et instituant en particulier une garantie d’État relative aux crédits octroyés et autres opérations effectuées dans le cadre de la stabilité financière, en ce qui concerne la protection des dépôts et des assurances sur la vie, et modifiant la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers portant extension du système de protection au capital de sociétés coopératives agréées, Moniteur belge, 12 octobre 2011.
  • [55]
    55 De Morgen, 17 novembre 2011.
  • [56]
    56 De Standaard, 17 novembre 2011.
  • [57]
    57 Le Soir, 6 novembre 2012.
  • [58]
    58 De Tijd, 10 octobre 2011.
  • [59]
    59 De Standaard, 11 octobre 2011.
  • [60]
    60 Le Soir, 18 octobre 2011.
  • [61]
    Arrêté royal du 7 novembre 2011 octroyant une garantie afin de protéger le capital de sociétés coopératives agréées, Moniteur belge, 18 novembre 2011.
  • [62]
    Il faudra une troisième édition du Moniteur ce jour-là, car une erreur s’est glissée dans la date de signature par le roi, d’abord mentionnée (dans la deuxième édition) comme étant le 7 octobre (et non le 7 novembre) 2011.
  • [63]
    63 La Libre Belgique, 17 novembre 2011.
  • [64]
    64 La Libre Belgique, 17 novembre 2011.
  • [65]
    65 De Morgen, 18 novembre 2011.
  • [66]
    P. Dedecker, Een zuil van zelfbediening: ACW, Arco en Dexia, Kalmthout, Pelckmans, 2014, p. 93.
  • [67]
    Dans le cas du Holding communal, il a été question un moment de prononcer la faillite (« Sauf miracle, on s’oriente vers la cessation de paiement », déclarait la vice-présidente du Holding, Anne-Sylvie Mouzon, dans La Libre Belgique, 22 octobre 2011). En définitive, c’est la liquidation qui a été mise en œuvre (cf. supra) ; cette solution est moins douloureuse pour les finances des communes.
  • [68]
    68 L’Écho, 28 juin 2013.
  • [69]
    Cf. « Arco-baas haalt uit naar N-VA: “Wij geven die lijst niet” », 12 mars 2014, http://newsmonkey.be.
  • [70]
    70 L’Écho, 13 janvier 2017.
  • [71]
    71 De Tijd, 18 novembre 2011.
  • [72]
    72 L’Écho, 19 novembre 2011.
  • [73]
    Selon des responsables d’Arco, cette suspension serait le résultat de pressions exercées, en particulier par Deminor, afin de remplacer les parts dans Arco par des parts directes dans Dexia – remplacement qui n’avait plus de raison d’être en 2008.
  • [74]
    74 L’Écho, 22 novembre 2011.
  • [75]
    75 De Morgen, 17 novembre 2011.
  • [76]
    Chambre des représentants, Commission spéciale chargée d’examiner les circonstances qui ont contraint au démantèlement de la Dexia SA, Compte rendu intégral, n° 16, 30 novembre 2011, p. 39.
  • [77]
    Cf. Commission européenne, « Décision (…) concernant l’aide d’État SA.33927 (2012/C) (ex 2011/NN) mise à exécution par la Belgique. Régime de garantie protégeant les participations des associés personnes physiques de coopératives financières », C(2014) 1021 final, 3 juillet 2014, http://ec.europa.eu.
  • [78]
    78 Le Soir, 19 décembre 2011.
  • [79]
    79 L’Écho, 25 avril 2013.
  • [80]
    80 L’Écho, 1er octobre 2014.
  • [81]
    81 De Morgen, 4 octobre 2014.
  • [82]
    82 De Tijd, 18 octobre 2014.
  • [83]
    83 L’Écho, 19 décembre 2014.
  • [84]
    84 L’Écho, 14 avril 2015.
  • [85]
    85 De Standaard, 29 juin 2017.
  • [86]
    86 De Tijd, 18 décembre 2015.
  • [87]
    87 L’Écho, 4 septembre 2013.
  • [88]
    88 De Standaard, 22 juin 2015.
  • [89]
    89 De Morgen, 24 janvier 2013.
  • [90]
    F. Swiggers et M. Tinant ont cessé de faire partie du conseil d’administration de Dexia SA fin décembre 2012.
  • [91]
    91 De Tijd, 13 juillet 2017.
  • [92]
    92 De Tijd, 9 décembre 2014.
  • [93]
    Le Soir, 15 mars 2013.
  • [94]
    La Libre Belgique, 8 février 2018.
  • [95]
    95 Le Soir, 19 décembre 2011.
  • [96]
    Conseil d’État, arrêt n° 221109 du 18 octobre 2012.
  • [97]
    Conseil d’État, arrêt n° 222.968 du 25 mars 2013.
  • [98]
    Conseil d’État, arrêt n° 222.969 du 25 mars 2013.
  • [99]
    Conseil d’État, arrêt n° 226.096 du 15 janvier 2014.
  • [100]
    Conseil d’État, arrêt n° 226.095 du 15 janvier 2014.
  • [101]
    Conseil d’État, arrêt n° 226.094 du 15 janvier 2014.
  • [102]
    Le Tribunal de l’Union européenne est compétent pour traiter les recours introduits par des personnes physiques ou morales contre des décisions des organes de l’Union européenne. Quant à elle, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) se saisit des questions préjudicielles posées par des juridictions nationales.
  • [103]
    Directive 94/19/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 1994 relative aux systèmes de garantie des dépôts, Journal officiel des Communautés européennes, L 135, 31 mai 1994.
  • [104]
    Cour constitutionnelle, arrêt n° 15/2015 du 5 février 2015.
  • [105]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 54, 17 novembre 2011, p. 10-11.
  • [106]
    Cf. Chambre des représentants, Institution d’une commission spéciale chargée d’examiner les circonstances qui ont contraint au démantèlement de la Dexia SA, n° 1862/1, 27 octobre 2011.
  • [107]
    Chambre des représentants, Commission spéciale chargée d’examiner les circonstances qui ont contraint au démantèlement de la Dexia SA, Examen des circonstances qui ont contraint au démantèlement de la Dexia SA. Rapport, n° 1862/2, 23 mars 2012.
  • [108]
    108 Ibidem, p. 405.
  • [109]
    Il a notamment fait une déclaration en ce sens dans l’émission De Zevende Dag de la Vlaamse Radio- en Televisie (VRT) du 3 mars 2013. Il est à noter que l’intéressé a commencé sa carrière politique à la Volksunie ; il est passé chez les libéraux flamands en 1992.
  • [110]
    110 De Standaard, 26 mars 2012.
  • [111]
    Les votes sont plus nuancés, en réalité. L’opposition tout entière, sauf L. Louis, vote contre le rejet des propositions FDF et Écolo-Groen ; seuls le Vlaams Belang et la N-VA votent contre le rejet des propositions déposées par ces groupes respectifs. D. Thiéry vote également contre le rejet de la proposition de la N-VA.
  • [112]
    P. Dedecker, Een zuil van zelfbediening, op. cit., p. 145.
  • [113]
    113 De Tijd, 15 février 2013.
  • [114]
    114 De Tijd, 15 février 2013.
  • [115]
    115 De Tijd, 15 février 2013.
  • [116]
    116 Het Laatste Nieuws, 19 février 2013.
  • [117]
    T. Jacques, « Et voilà que Charles Michel se met à courir derrière la N-VA… ! », 26 février 2013, www.moc-site.be.
  • [118]
    Cf. notamment l’interview de Patrick Develtere, dans Visie (périodique de l’ACV), décembre 2013.
  • [119]
    119 De Tijd, 2 août 2017.
  • [120]
    120 De Tijd, 28 février 2013.
  • [121]
    121 L’Écho, 16 mars 2013.
  • [122]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 133, 28 février 2013, p. 18.
  • [123]
    À ne pas confondre avec Wouter Devriendt, député Groen (circonscription d’Ostende) depuis 2007.
  • [124]
    124 De Morgen, 5 mars 2013.
  • [125]
    Het Laatste Nieuws, 7 mars 2013.
  • [126]
    L’Écho, 8 mars 2013.
  • [127]
    127 De Morgen, 25 février 2013.
  • [128]
    Journal officiel de l’Union européenne, C 213, 19 juillet 2012.
  • [129]
    129 De Morgen, 14 avril 2012.
  • [130]
    130 De Tijd, 14 avril 2012.
  • [131]
    Cf. Commission européenne, « Décision (…) concernant l’aide d’État SA.33760 (2012/N-2, 2011/C, 2011/N) ; SA.33763 (2012/N-2, 2011/C, 2011/N) ; SA.33764 (2012 N-2, 2011/C, 2011/N) ; SA.30521 (MC 2/2010) ; SA.26653 (C9/2009) ; SA.34925 (2012 N-2, 2012/C, 2012/N) ; SA. 34927 (2012 N-2, 2012/C, 2012/N) ; SA. 34928 (2012 N-2, 2012/C, 2012/N) mise à exécution par le Royaume de Belgique, la République française et le Grand-Duché de Luxembourg en faveur de Dexia, DBB/Belfius et DMA », C(2012) 9962 final, 28 décembre 2012, http://ec.europa.eu.
  • [132]
    Chambre des représentants, Commission des Finances et du Budget, Compte rendu intégral, n° 953, 19 mars 2014.
  • [133]
    Commission européenne, « Décision (…) concernant l’aide d’État SA.33927 (2012/C) (ex 2011/NN) mise à exécution par la Belgique. Régime de garantie protégeant les participations des associés personnes physiques de coopératives financières », C(2014) 1021 final, 3 juillet 2014, http://ec.europa.eu.
  • [134]
    Dans une interview à L’Écho du 12 juillet 2014.
  • [135]
    La décision du 3 juillet 2014 précise que les bénéficiaires doivent rembourser un montant s’élevant « au résultat le plus faible des deux calculs suivants : a. 10 % du capital de l’année durant laquelle le capital était le moins élevé sur la période comprise entre le 10 octobre 2008 et le 8 décembre 2011, moins le total des primes déjà acquittées ; ou b. 10 % du nombre d’associés le plus faible au cours de la période comprise entre le 10 octobre 2008 et le 8 décembre 2011, multiplié par la part moyenne du capital détenue par chaque associé au cours de la même année, moins le total des primes déjà acquittées ». Le capital d’Arco au cours de l’année considérée était de 1,486 milliards d’euros. La raison d’être de ce calcul réside dans le fait que seuls 10 % des coopérateurs d’Arco peuvent, chaque année, se retirer : Arco n’a pas dû appliquer cette limite statutaire parce que les coopérateurs étaient rassurés par la garantie d’État.
  • [136]
    136 L’Écho, 13 septembre 2014.
  • [137]
    Chambre des représentants, Commission des Finances et du Budget, Compte rendu intégral, n° 1, 17 juillet 2014.
  • [138]
    Il s’agit respectivement des recours déposés sous les numéros T-664/14 et T-711/14.
  • [139]
    Cour de justice de l’Union européenne, Communiqué de presse n° 140/16 du 21 décembre 2016.
  • [140]
    140 De Standaard, 24 mars 2014.
  • [141]
    141 De Tijd, 21 août 2014.
  • [142]
    Cf. notamment son intervention en Commission des Finances et du Budget de la Chambre des représentants, le 17 juillet 2014, où il souligne qu’« il faut faire quelque chose pour ceux qui ont été dupés. Nous n’abandonnerons pas les victimes à leur sort » (Chambre des représentants, Commission des Finances et du Budget, Compte rendu intégral, n° 1, 17 juillet 2014, p. 45).
  • [143]
    143 De Standaard, 22 août 2014. Cf. aussi V. Demertzis, S. Govaert, J. Faniel, C. Istasse, « La formation des gouvernements après les scrutins du 25 mai 2014 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2275-2276, 2015, p. 60.
  • [144]
    144 L’Écho, 30 septembre 2014.
  • [145]
    145 De Tijd, 1er octobre 2014.
  • [146]
    En réalité, compte tenu du fait qu’il s’agit d’un produit de capitalisation, la mise initiale des coopérateurs est couverte pour un pourcentage souvent supérieur.
  • [147]
    147 La Libre Belgique, 9 octobre 2014.
  • [148]
    Chambre des représentants, Projet de loi transposant la directive 2014/49/UE relative aux systèmes de garantie des dépôts et portant des dispositions diverses, n° 1656/1, 17 février 2016.
  • [149]
    Loi du 22 avril 2016 transposant la directive 2014/49/UE relative aux systèmes de garantie des dépôts et portant des dispositions diverses, Moniteur belge, 12 mai 2016.
  • [150]
    Chambre des représentants, Commission des Finances et du Budget, Projet de loi transposant la directive 2014/49/UE relative aux systèmes de garantie des dépôts et portant des dispositions diverses. Rapport, n° 1656/3, 18 mars 2016, p. 10.
  • [151]
    Chambre des représentants, Commission des Finances et du Budget, Exposé d’orientation politique du ministre du Budget, chargé de la Loterie nationale. Rapport, n° 20/31, 28 novembre 2014.
  • [152]
    Chambre des représentants, Questions et réponses écrites, n° 36, 3 août 2015, p. 138 (cf. Chambre des représentants, Questions et réponses écrites, n° 17, 23 mars 2015, p. 57-58).
  • [153]
    Chambre des représentants, Questions et réponses écrites, n° 31, 29 juin 2015, p. 325 (cf. Chambre des représentants, Questions et réponses écrites, n° 29, 15 juin 2015, p. 57-58).
  • [154]
    Chambre des représentants, Questions et réponses écrites, n° 84, 1er août 2016, p. 204 (cf. Chambre des représentants, Questions et réponses écrites, n° 65, 7 mars 2016, p. 84).
  • [155]
    Chambre des représentants, Commission des Finances et du Budget, Projet du budget général des dépenses pour l’année budgétaire 2017. Échanges de vues sur la section 18 - SPF Finances. Rapport, n° 2109/21, 15 décembre 2016, p. 42.
  • [156]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 131, 16 octobre 2016, p. 8-9.
  • [157]
    157 L’Écho, 16 octobre 2016.
  • [158]
    158 Le Soir, 22 décembre 2016.
  • [159]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 132, 17 octobre 2016, p. 1.
  • [160]
    À ce sujet, cf. L. Simar, « Le “tax shift” ou glissement fiscal », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2319-2320, 2016 ; S. Govaert, « La participation des nationalistes flamands au pouvoir dans les gouvernements fédéraux, 1977-2016 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2314-2315, 2016, p. 39-42.
  • [161]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 132, 17 octobre 2016, p. 3.
  • [162]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 133, 17 octobre 2016, p. 19.
  • [163]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 151, 22 décembre 2016, p. 10-15.
  • [164]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 134, 17 octobre 2016, p. 10.
  • [165]
    165 Ibidem, p. 10.
  • [166]
    Le montant à débourser par beweging.net et le MOC proviendrait de l’abandon, par ces deux organisations, de créances qui leur sont dues dans le cadre de la liquidation d’Arco (De Tijd, 26 juillet 2017).
  • [167]
    En effet, l’hypothèse d’une privatisation, sans doute partielle, de Belfius Banque est alors sur le table du gouvernement fédéral, et ce depuis quelques mois déjà (en avril 2017, le ministre des Finances, J. Van Overtveldt, a d’ailleurs annoncé le dépôt d’une note sur ce sujet). La privatisation de Belfius Banque semble acquise après le Conseil des ministres du 26 juillet 2017 ; en octobre, le gouvernement Michel désigne quatre banques chargées d’accompagner cette entrée en bourse (La Libre Belgique, 17 octobre 2017).
  • [168]
    168 De Tijd, 1er août 2017.
  • [169]
    169 De Morgen, 29 juillet 2017.
  • [170]
    Cf. « Quelle différence entre le statut d’actionnaire et le statut de coopérateur ? », s.d. [2012], www.moc-site.be.
  • [171]
    171 De Morgen, 18 février 2013.
  • [172]
    172 De Morgen, 9 mars 2013.
  • [173]
    Apparemment parce que les coopérateurs d’Arcofin ne peuvent se défaire de leurs actions que pendant le premier semestre de l’année et que la coopérative a été mise en liquidation fin 2011 (P. Dedecker, Een zuil van zelfbediening, op. cit., p. 175).
  • [174]
    De Standaard, 9 mars 2013.
  • [175]
    175 De Standaard, 18 février 2013.
  • [176]
    De Standaard, 30 novembre 2013.
  • [177]
    Après avoir remis son mandat de président de beweging.net, P. Develtere a été recruté par la Commission européenne, où il est désormais conseiller au Centre européen de stratégie politique (CESP). Pour le suivi du dossier Arco, c’est certainement un lieu de pouvoir potentiellement intéressant.
  • [178]
    178 De Standaard, 18 février 2013.
  • [179]
    J. Detober, « Mouvement ouvrier chrétien : le sens d’une succession », Politique, revue belge d’analyse et de débat, 5 novembre 2013, www.revuepolitique.be.
  • [180]
    Plusieurs d’entre eux sont reproduits quasi in extenso dans P. Dedecker, Een zuil van zelfbediening, op. cit.
  • [181]
    181 De Standaard, 29 novembre 2012.
  • [182]
    182 De Tijd, 28 novembre 2012.
  • [183]
    183 De Standaard, 19 décembre 2012.
  • [184]
    184 De Morgen, 11 mars 2013.
  • [185]
    185 De Standaard, 12 mars 2013.
  • [186]
    186 De Tijd, 26 janvier 2013.
  • [187]
    187 Het Laatste Nieuws, 27 janvier 2013.
  • [188]
    Dans les années 1990, S. Vanackere a été le chef de cabinet du ministre bruxellois Jos Chabert (CVP), qui avait notamment été, dans ses jeunes années, secrétaire de la section de l’ACW de Meise et qui a été le chef de file des ministres liés à l’ACW dans plusieurs gouvernements nationaux. S. Vanackere a également, brièvement, été attaché de direction à la Bacob.
  • [189]
    La Dernière Heure, 5 mars 2013.
  • [190]
    K. Geens est également le gendre de Jos Dupré, député et ministre CVP, qui n’appartient pas davantage au mouvement ouvrier chrétien.
  • [191]
    P. Dedecker, « De (on)houdbaarheid van de Arco-waarborg », Doorbraak, 27 avril 2014, https://doorbraak.be.
  • [192]
    P. Dedecker, Een zuil van zelfbediening, op. cit., p. 164.
  • [193]
    193 Ibidem, p. 239-240.
  • [194]
    194 De Tijd, 9 juillet 2016.
  • [195]
    Cf. S. Govaert, « Hart boven Hard et Tout autre chose », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2262, 2015.
  • [196]
    196 La Libre Belgique, 22-23 avril 2017.
  • [197]
    Dans l’émission De Ochtend de la VRT du 26 avril 2017.
  • [198]
    198 De Tijd, 27 mai 2017.
  • [199]
    199 De Standaard, 29 novembre 2012.
  • [200]
    200 De Standaard, 2 octobre 2016.
  • [201]
    Chambre des représentants, Commission des Finances et du Budget, Compte rendu intégral, n° 731, 26 septembre 2017, p. 37.
  • [202]
    Chambre des représentants, Commission des Finances et du Budget, Proposition visant à instituer une commission d’enquête parlementaire chargée d’examiner les montages fiscaux mis en place par l’association de fait dénommée ACW. Proposition visant à instituer une commission d’enquête concernant l’affaire Dexia. Rapport, n° 2659/2, 22 mars 2013, p. 4.
  • [203]
    203 De Tijd, 4 juin 2016.
  • [204]
    204 Knack, 6 juin 2016.
  • [205]
    Dans une déclaration à la VRT (reproduite sur http://deredactie.be).
  • [206]
    206 Knack, 18 juin 2014.
  • [207]
    Cf., par exemple, sa question écrite posée le 16 février 2015 (Chambre des représentants, Questions et réponses écrites, n° 17, 23 mars 2015, p. 57-58).
  • [208]
    « Arco-schandaal = gelegaliseerde diefstal », 25 avril 2014, www.vlaamsbelang.org.
  • [209]
    Déclaration du député Benoît Dispa (CDH) : Chambre des représentants, Commission des Finances et du Budget, Compte rendu intégral, n° 1, 17 juillet 2014, p. 42.
  • [210]
    Chambre des représentants, Commission des Finances et du Budget, Compte rendu intégral, n° 731, 26 septembre 2017, p. 35-36.
  • [211]
    À la fin de l’année 2016, le gouvernement Michel a instauré une taxe (dite taxe carat) qui permet aux entreprises du secteur du diamant d’être imposées sur un pourcentage de leur chiffre d’affaires plutôt que sur la valeur de leur stock, mettant ainsi fin à des discussions difficiles, depuis des années, entre ce secteur et le fisc belge. Certains estiment que cette disposition fiscale est « taillée sur mesure » pour le secteur diamantaire.
  • [212]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 151, 22 décembre 2016, p. 11-12 et 14.
  • [213]
    Chambre des représentants, Commission des Finances et du Budget, Compte rendu intégral, n° 1, 17 juillet 2014, p. 44.
  • [214]
    Chambre des représentants, Commission spéciale chargée d’examiner les circonstances qui ont contraint au démantèlement de la Dexia SA, Compte rendu intégral, n° 31, 25 janvier 2012, p. 33.
  • [215]
    « Arco-sparders zijn geen speculanten », Communiqué de presse, 3 juillet 2014, http://pvda.be.
  • [216]
    Commission européenne, « Décision (…) concernant l’aide d’État SA.33760 (2012/N-2, 2011/C, 2011/N) ; SA.33763 (2012/N-2, 2011/C, 2011/N) ; SA.33764 (2012 N-2, 2011/C, 2011/N) ; SA.30521 (MC 2/2010) ; SA.26653 (C9/2009) ; SA.34925 (2012 N-2, 2012/C, 2012/N) ; SA.34927 (2012 N-2, 2012/C, 2012/N) ; SA.34928 (2012 N-2, 2012/C, 2012/N) mise à exécution par le Royaume de Belgique, la République française et le Grand-Duché de Luxembourg en faveur de Dexia, DBB/Belfius et DMA », C(2012) 9962 final, 28 décembre 2012, http://ec.europa.eu, considérant 399.
  • [217]
    Déclaration de la ministre flamande Hilde Crevits (CD&V), dans Het Laatste Nieuws, 10 mars 2013.
  • [218]
    V. Demertzis, S. Govaert, J. Faniel, C. Istasse, « La formation des gouvernements après les scrutins du 25 mai 2014 », op. cit.
  • [219]
    L. Huyse, « De ontzuiling is nog niet verteerd », Samenleving en politiek, volume 20, n° 2, 2013, p. 30-39.
  • [220]
    Cf. V. de Coorebyter, « Clivages et partis en Belgique », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2000, 2008.
  • [221]
    L. Huyse, « De ontzuiling is nog niet verteerd », op. cit., p. 32.
  • [222]
    L’ancienne parlementaire et ministre Mieke Vogels (Groen) en donne plusieurs exemples dans son livre De rekening van de verzuiling (Louvain, LannooCampus, 2014).
  • [223]
    Pour un exemple récent, cf. B. Conter, J. Faniel, « La conflictualité sociale interprofessionnelle en 2016 », in I. Gracos, « Grèves et conflictualité sociale en 2016 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2341-2342, 2017, p. 13-29.
  • [224]
    224 L’Écho, 1er septembre 2017.
Serge Govaert
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Le 26 juillet 2017, le gouvernement fédéral Michel (N-VA/MR/CD&V/Open VLD) est parvenu à une décision dans un dossier vieux de près de dix années : le dossier Arco, du nom de son principal protagoniste. Source de nombreux conflits mais aussi d’accords plus ou moins discrets, objet de divergences d’interprétation et, par ailleurs, révélateur de ce qui persiste de l’impact des clivages traditionnels dans la société et la politique belges, ce dossier est à la croisée d’enjeux financiers, économiques, judiciaires et politiques d’une ampleur non négligeable.

Le Conseil des ministres a tranché : les détenteurs de parts de la société coopérative Arco, en liquidation depuis fin 2011, seront partiellement indemnisés des pertes subies suite à l’effondrement et au démantèlement du holding Dexia SA, dont Arco était l’un des actionnaires avec une participation de l’ordre de 16 %. Cette solution prendrait la forme de la constitution d’un fonds alimenté par trois sources : la vente de participations de l’État dans Belfius Banque (qui a succédé à Dexia Banque Belgique), les sommes dégagées à l’issue de la liquidation de trois coopératives du groupe Arco (Arcoplus, Arcofin et Arcopar), et un apport de la composante flamande du mouvement ouvrier chrétien, beweging.net (anciennement Algemeen Christelijk Werknemersverbond, ACW).

Quelle que soit la portée de cet accord gouvernemental (et sa légitimité, voire sa conformité avec le droit, notamment européen), il clôt à ce stade une longue période d’incertitudes, d’atermoiements et surtout de recherche d’une solution entre des acteurs multiples aux intérêts divergents.

Ce dossier éclaire plusieurs facettes de la prise de décision économique et politique en Belgique. Ce Courrier hebdomadaire en dégage l’historique et les enjeux et précise les positions de ses principaux acteurs.

Mis en ligne sur Cairn.info le 01/03/2018
https://doi.org/10.3917/cris.2361.0005
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