CAIRN.INFO : Matières à réflexion

INTRODUCTION

1Le 1er février 1993, le Conseil de la Communauté française adoptait un décret fixant le statut des membres du personnel subsidiés de l’enseignement libre subventionné  [1]. La gestation de ce décret fut longue. La décision d’agir au niveau politique remonte en effet au Pacte scolaire signé le 20 novembre 1958.

2Rappelons que ce pacte mettait fin à près d'une décennie de durs affrontements entre le pilier chrétien et le pilier laïque, et entre les partis qui relayaient leurs revendications. Le Pacte scolaire acte un compromis entre les trois principales familles politiques, qui restaure la paix scolaire et qui, malgré certaines modifications apportées depuis à la loi qui le met en œuvre  [2], constitue encore le socle de l'organisation de l'enseignement en Belgique. Pour l'essentiel, la loi du Pacte scolaire, qui s'applique à tous les niveaux d'enseignement hors université :

  • augmente le subventionnement des écoles libres, qui sont surtout des écoles liées à l’Église catholique ;
  • reconnaît le droit et l'obligation pour l'État de créer ses propres écoles là où elles font défaut ;
  • met fin à l'influence du clergé dans les écoles communales ;
  • contraint les écoles officielles à organiser des cours de religion correspondants aux différents cultes reconnus, ainsi qu'un cours de morale non confessionnelle ;
  • garantit aux parents la liberté du choix de l'école et la gratuité de l'enseignement moyen.

3Tout en pacifiant largement les questions scolaires et en démocratisant l'accès à l'école, le Pacte scolaire a fortement accru le montant des dépenses consacrées à l'enseignement.

4Par ailleurs, pour respecter le principe d’égalité inscrit dans la Constitution, les signataires du Pacte scolaire avaient prévu d’accorder aux enseignants du réseau libre subventionné une stabilité d’emploi équivalente à celle dont bénéficiaient les enseignants des établissements de l’État. La résolution 27 du Pacte scolaire stipule que « des commissions paritaires seront créées par ordre d’enseignement en vue d’élaborer notamment, dans un délai de deux ans, un statut de stabilité d’emploi et un statut disciplinaire ».

5Dans l’élaboration d’un tel statut, le principe d’égalité a été perçu différemment, le point d’équilibre n’étant pas le même selon les acteurs concernés : pour les fédérations de pouvoirs organisateurs, il s’inscrivait dans le cadre de la liberté d’enseignement. L’État se devait d'assurer l'une et l'autre exigence : l'égalité de traitement du personnel et la liberté d'organiser un enseignement engagé. Il était le garant de l'égalité autant que des différences objectives entre réseaux. Pour les organisations syndicales affiliant dans l’enseignement libre, ce même principe devait s’entendre comme devant mener autant que possible à une égalité de droits et devoirs des personnels de l’enseignement libre subventionné et de ceux du réseau de l’État (puis de la Communauté française Un autre principe constitutionnel, le principe de légalité révéla aussi des divergences. Le SNEC  [3] considérait que le membre du personnel et le pouvoir organisateur étaient liés par un contrat d'emploi privé, éventuellement modulé par une convention collective de travail, sanctionnée par l'autorité publique, garante de l'égalité. Le contrat d'emploi devait pouvoir assurer le pouvoir organisateur de la collaboration loyale du membre du personnel à son projet éducatif. D’où la propension des autorités responsables de l’enseignement catholique à vouloir régler « en interne », c’est-à-dire entre acteurs appartenant tous au même monde catholique, des aspects plus ou moins importants de ce statut.

6Or, pour les organisations syndicales – mais cela à des degrés divers dans le temps – l’organisation, la reconnaissance et le subventionnement de l’enseignement devaient être réglés par la loi ou le décret. Elles privilégièrent dès lors la voie légale. Il subsiste toujours aujourd’hui, trente ans plus tard, des reliquats de cette prétention à créer des « statuts » internes au réseau libre confessionnel. Ainsi en est-il, par exemple, du Règlement général du personnel de l’enseignement catholique, un document qui vise à imposer des droits et des obligations spécifiques aux personnels occupés dans cet enseignement, qui sont annexés au contrat d’engagement et en font donc partie intégrante.

7Ici aussi les approches entre organisations syndicales concernées ont été différentes. Parties prenantes de la défense du réseau d’enseignement catholique et de son projet spécifique, les centrales chrétiennes de l’enseignement  [4] ont largement participé de cette organisation interne essentiellement durant la période où les francophones constituaient en leur sein des minorités dominées par les néerlandophones. On a pu observer, dès le moment où les francophones sont devenus autonomes, un revirement progressif puis profond en faveur de la piste légale ou décrétale.

8Il n’a pas fallu moins d’une douzaine de projets, entre 1976 et 1993, d’abord projets de loi au niveau national puis projets de décret au niveau de la Communauté française, pour que voie le jour, dans un large consensus, ce qu’on a appelé le « statut de l’enseignement libre subventionné », c’est-à-dire le décret du 1er février 1993. La rétrospective historique qui prend pour point de départ le Pacte scolaire constitue la première partie de ce Courrier hebdomadaire.

9Le « statut » adopté en 1993 été pour les organisations syndicales l’occasion de se rapprocher du statut du personnel du réseau de la Communauté française. Mais dans quelle mesure était-ce le cas dans sa version de l’époque ? Les fédérations de pouvoirs organisateurs, et singulièrement le SeGEC, ont consenti à perdre certaines de leurs prérogatives d'employeurs pour réserver à leur personnel les mêmes droits, en particulier ceux relatifs au statut de stabilité, qu'aux agents de la fonction publique. Subsidiairement, ils se sont mis à l'abri de procès coûteux en termes financiers et d'image contre certains de leurs membres. L’analyse du décret dans sa version de 1993 fera l’objet de la deuxième partie de ce Courrier hebdomadaire. La comparaison sera faite avec le statut du personnel de l’enseignement de la Communauté française.

10Mais le texte du décret n’est pas resté en l’état. Il a subi au fil du temps des modifications parfois conséquentes. Tout d’abord, sous la majorité « arc-en-ciel », en 2003, puis en 2006 sous la majorité PS-CDH. Ceci fera l’objet de la troisième partie.

11En 2003, suite à un accord entre partenaires sociaux de l’enseignement libre, réunis en groupe de travail de commissions paritaires de l’enseignement de caractère confessionnel et non confessionnel, est introduite dans l’enseignement libre la notion de classement prioritaire à l’engagement, non plus uniquement pour un engagement au sein d’un pouvoir organisateur mais de plusieurs pouvoirs organisateurs regroupés au sein d’une entité pour l’enseignement fondamental et d’un centre d’enseignement secondaire (CES) pour l’enseignement secondaire. Si l’on perçoit sans difficulté l’intérêt manifesté par les organisations syndicales pour ces classements dans leur logique d’égalité avec le réseau de la Communauté française, qu’est-ce qui a bien pu convaincre les pouvoirs organisateurs d’accepter ce coup de frein significatif à leurs prérogatives d’engagement ? Les employeurs acceptent de faire justice à l'ancienneté des membres du personnel, en réservant de plus grands droits aux plus anciens sur les plus jeunes, au risque d'oblitérer des préférences fondées sur des critères de qualité, pas toujours objectivables. Ils ne pouvaient non plus refuser aux membres du personnel une égalité de traitement avec le personnel de la communauté, égalité qu'ils revendiquaient pour eux-mêmes, comme organisateurs, en matière de subventions de fonctionnement, de soutien financier aux constructions scolaires ou d'avantages sociaux. Sur ces points, ils allaient obtenir de substantielles avancées dans les accords de la Saint-Boniface de 2001 et dans les décisions des tribunaux relatives à des controverses avec les pouvoirs communaux sur les avantages sociaux.

1. LA GENÈSE DU STATUT LÉGAL

12En application de la loi sur le Pacte scolaire de 1959, c’est d’abord un statut élaboré par les seuls pouvoirs organisateurs qui fut appliqué. Ceux-ci s’entendirent alors avec les syndicats pour lui donner un statut conventionnel. En 1973, la loi du Pacte scolaire fut révisée et la nouvelle législation imposa cette fois une solution réglementaire (un arrêté royal). Les projets se succédèrent alors, d’abord au niveau national, et ensuite au niveau des communautés, devenues compétentes en la matière en application des lois spéciales de 1988. La Communauté française choisit la voie décrétale.

1.1. UN STATUT INTERNE

13La loi du 29 mai 1959 modifiant certaines dispositions de la législation de l'enseignement, qui met en application le Pacte scolaire, dispose que les commissions paritaires de l’enseignement établiront un « statut de stabilité d’emploi et un statut de régime disciplinaire applicables au personnel de l’enseignement libre subventionné ».

14Ce statut était souhaité par les organisations syndicales mais également par l'enseignement catholique parce que, selon lui, à défaut d'un statut comparable et aussi avantageux que celui de l'enseignement de l'État, il s'estimait exposé, en cette période d'expansion de la fréquentation scolaire de l'enseignement secondaire, à une pénurie de personnel.

15Quelques années plus tard, en 1963, le Secrétariat national de l’enseignement catholique (SNEC), l’organe coordonnateur des pouvoirs organisateurs des établissements de l’enseignement libre subventionné catholique, établit en dehors de tout organe officiel mais en concertation avec les centrales de l’enseignement de la CSC, encore unitaires, et dont le poids des affiliés flamands était prépondérants, un statut du personnel laïc des établissements catholiques.

16Globalement, en ce qui concerne les procédures d’engagement et de fin de contrat et le volet disciplinaire, ce statut paraît favorable aux membres du personnel. En effet, il prévoit un engagement provisoire de deux années, tout en laissant au pouvoir organisateur la possibilité d’une dispense totale ou partielle de cette période.

17Une distinction est faite entre le personnel temporaire et le personnel engagé à titre définitif. En ce qui concerne le personnel temporaire, les trois premiers mois constituent une période d’essai au sens de la législation sur le contrat d’emploi. Toutefois, le pouvoir organisateur peut dispenser un membre du personnel d’une période d’essai lorsqu’il est muté d’un autre pouvoir organisateur où il était engagé à titre définitif mais aussi s’il a « été recruté par sollicitation à titre personnel, émanant du pouvoir organisateur ». À la fin de la période d’essai, sauf préavis donné au moins sept jours avant l’expiration de la période d’essai, cette période se transforme de plein droit en engagement provisoire. L’engagement provisoire prend fin en principe au bout de deux années à compter du jour de l’entrée en fonction. Mais ici aussi le pouvoir organisateur peut dispenser totalement ou partiellement de la période provisoire. Durant cette période, les délais de préavis sont ceux appliqués dans la législation sur les contrats d’emploi. Une certaine forme de réaffectation apparaît, puisque les membres du personnel mis en disponibilité alors qu’ils bénéficient d’un engagement provisoire depuis au moins un an ne devront plus prester qu’une période provisoire d’un an s’ils sont réengagés par un autre pouvoir organisateur Au plus tard « trois mois et quinze jours avant l’expiration de la nomination provisoire, le pouvoir organisateur ou son délégué et le membre du personnel se réunissent et ce dernier est informé de la décision du pouvoir organisateur :

  • soit de mettre fin à l’engagement ;
  • soit de prolonger l’engagement provisoire d’un au maximum ;
  • soit d’engager le membre du personnel à titre définitif ».

18Une gradation de mesures disciplinaires est organisée ainsi qu’une procédure de droits de la défense (audition, accompagnement par un défenseur, un appel possible auprès d’une chambre d’appel).

19Ce statut est nettement moins favorable au personnel sur un point qui fera problème de façon récurrente jusqu’au décret du 1er février 1993, à savoir le respect de la liberté de conscience et de la vie privée. L’article 41 §2 de ce statut prévoit en effet que « les situations personnelles ou matrimoniales incompatibles avec la morale chrétienne ou violant gravement les lois de l’Église catholique mettent fin de plein droit, sans préavis et sans indemnités à tout engagement ».

20L’article 29 stipule par ailleurs qu’« un roulement de surveillance des offices religieux des dimanches et jours fériés réservés aux enfants là où ils existent sera établi en concertation avec la délégation syndicale ».

1.2. UN STATUT CONVENTIONNEL

21En application de la loi du Pacte scolaire sont créées des commissions paritaires pour l’enseignement libre subventionné  [5]. Le 24 mars 1965, la commission paritaire centrale nationale de l’enseignement libre subventionné prend une décision portant sur un statut de stabilité rendu peu après obligatoire par un arrêté royal  [6].

22Sur un plan strictement légal, en effet, le statut de stabilité du personnel laïc ne pouvait suffire, la loi du Pacte scolaire donnant compétence à la commission paritaire nationale pour rédiger un tel statut.

23Le texte de 1965 apparaît à d’aucuns comme en nette régression par rapport au statut du personnel laïc élaboré par le SNEC en 1963. Les procédures d’engagement et de fin de contrat mais aussi en matière de respect de la liberté de conscience et de la vie privée apparaissent comme insatisfaisantes à une partie des représentants du personnel. Ainsi, par exemple, l’article 31,1 stipule-t-il que le contrat prend fin de plein droit et sans indemnité « dès que le membre du personnel quitte l’Église catholique ». La seule organisation syndicale représentée au sein des commissions paritaires de l’enseignement libre est la Confédération des syndicats chrétiens (CSC). C’est au cours des négociations de ce statut que, face à qu’ils considèrent comme une collaboration objective de leur organisation syndicale avec le SNEC, quatre représentants de la Centrale chrétienne des professeurs de l’enseignement moyen et normal libre (CEMNL), dont la fondatrice de la centrale, démissionnent et fondent l’Association professionnel du personnel de l’enseignement libre (APPEL).

24Les pouvoirs organisateurs de l’enseignement mettent en application le statut en proposant aux membres de leur personnel de signer un avenant à leur contrat d’engagement par lequel ils s’engagent à ne pas saisir les juridictions du travail en cas de litige mais une commission d’arbitrage interne au réseau. L’APPEL fait campagne contre ces avenants.

25L’arrêté royal du 8 avril rendant obligatoire le statut de stabilité du 24 mars 1965 est annulé pour vice de forme par le Conseil d’État suite à un recours déposé par l’APPEL  [7]. En effet les commissions paritaires à l’origine de ce statut de stabilité n’étaient pas composées selon les règles en vigueur.

26Le SNEC et les centrales chrétiennes vont alors se lancer dans l’élaboration de trois conventions collectives  [8] qui reprennent quasi en l’état le contenu du statut de stabilité de 1965. Ces conventions prévoient un engagement à titre définitif par le pouvoir organisateur au bout de deux années prestées en son sein à titre temporaire, avec possibilité d’une éventuelle troisième année de prolongation de l’engagement temporaire. Si au bout des deux ou trois années de fonction, le membre du personnel n’a pas donné satisfaction, il est licencié. Ces conventions se verront reconnues par les juridictions du travail.

27En application de la loi du 22 juin 1964 relative au statut du personnel de l’enseignement de l’État  [9], deux arrêtés royaux vont être pris fixant le statut du personnel de l’État. Le premier date du 29 août 1966 et le second, qui le remplace, date du 22 mars 1969. Même si ce dernier a subi des modifications, il est toujours d’application à ce jour pour le personnel du réseau de la Communauté française. Ce statut organise les priorités à la désignation et à la nomination et met en place un régime disciplinaire. Il sera abordé de manière circonstanciée dans la deuxième partie, par comparaison avec le décret du 1er février 1993. Il jouera un rôle non négligeable dans l’histoire du statut du personnel du réseau libre. En effet, au nom de la lecture qui est la leur du principe d’égalité, les organisations syndicales ont eu toujours, à des degrés divers mais toutes, le souci de rapprocher la situation du personnel de l’enseignement libre de celle du personnel de l’enseignement de l’État, puis de la Communauté.

28Les règles établies par les conventions collectives signées par le SNEC et les centrales chrétiennes de l’enseignement vont être fragilisées par la loi du 11 juillet 1973 qui modifie la loi d’application du Pacte scolaire de 1959  [10]. Cette loi insère un article 12 bis § 1 garantissant, bien que de manière très générale, la protection de la vie privée des personnels en dehors de l’école. Par ailleurs, un § 3 du même article spécifie que « par arrêté délibéré en Conseil des ministres, le Roi fixe d’une manière uniforme pour tous les réseaux d’enseignement subventionné et pour tous les membres du personnel subsidiés :

  • les règles de base qui déterminent le recrutement, la nomination, la sélection et la promotion ;
  • les positions administratives et les règles de réaffectation des membres du personnel mis en disponibilité ;
  • le régime des congés ;
  • les incompatibilités essentielles communes ;
  • les devoirs fondamentaux communs.

29Ces dispositions seront, autant que possible, identiques à celles de l’État ».

30Les articles 18 et 19 de cette loi ne seront pas sans conséquences pour la suite. En effet, l’article 18 dispose que, une fois ce statut établi, l’enseignement libre sera exclu des bénéfices de la loi du 5 décembre 1968 sur les commissions paritaires et les conventions collectives de travail (autrement dit : l’enseignement aura ses propres commissions paritaires). L’article 19, de même, stipule que les enseignants échapperont alors à la protection de la loi sur les contrats de travail. Cependant depuis l’adoption des conventions collectives et encore davantage avec la loi du 11 juillet 1973, le SNEC craint de se voir imposer un statut commun aux réseaux d’enseignement subventionné. Dès 1969, son secrétaire général, monseigneur Daelemans, avait adressé aux pouvoirs organisateurs une circulaire dans laquelle il manifestait son appréhension de voir les litiges échapper aux chambres arbitrales et être traités par les juridictions du travail, enclins à juger, selon lui, non pas en fonction « des valeurs essentielles de notre enseignement » mais en fonction des « seules valeurs civiles ». Il met sur pied deux structures internes au SNEC destinées à défendre les valeurs prônées par les évêques de Belgique. Ce sont, d’une part, l’Association représentative des pouvoirs organisateurs de l’enseignement catholique (ARPOEC) fondée à représenter les pouvoirs organisateurs, employeurs dans les négociations paritaires, le SNEC ne se présentant pas d'emblée comme une fédération d'employeurs mais comme une structure de coordination, instituée par les évêques de Belgique et apte à traiter « d'une seule voix » avec les pouvoirs publics et, d’autre part, le Conseil général de l’enseignement catholique (CGEC). Ce dernier regroupe des représentants de la Confédération nationale des associations des parents (CNAP), des centrales syndicales de l’enseignement de la CSC, de l’ARPOEC et de la Conférence épiscopale. L'idée est d'établir une plate-forme commune aux composantes de l'enseignement catholique disposées à soutenir un projet éducatif de caractère chrétien. Subsidiairement, il peut s'agir aussi de donner corps dans la perspective d’un statut légal qu’il sent inévitable, aux « incompatibilités essentielles » évoquées ci-dessus et de concrétiser des « dispositions autant que faire se peut identiques à celles de l’État ».

31Cela devient d’autant plus urgent que se succèdent durant l’année scolaire 1973-1974 plusieurs affaires de licenciements abusifs et que l’enseignement libre s’est vu obligé d’organiser des élections sociales, ce qui permet à toutes les organisations syndicales de déposer des listes de candidats.

32Le 17 juillet 1975, le CGEC rédige un document intitulé Spécificité de l’enseignement catholique. Il s’agit d’un document « d’aspect pastoral » qui rappelle que « dans la mesure où la situation de l’enseignant est en contradiction flagrante et déclarée avec les valeurs chrétiennes fondamentales et avec le projet éducatif de la communauté, cette situation devient incompatible avec l’exercice de la fonction d’éducateur au sein de cette communauté  [11] ».

1.3. VERS UN STATUT LÉGAL

33Les bases du statut de stabilité sont posées dès les premiers textes. La place manque ici pour répertorier les changements apportés au fil des projets. Notons que c’est en 1985 que vont apparaître, pour la première fois, des règles de priorité pour les temporaires semblables à celles qui furent mises en vigueur dans l’enseignement de l’État dans les années 1960.

34Le statut disciplinaire évoluera peu entre 1963 et le décret du 1er février 1993.

35Il est clair que c’est la problématique des incompatibilités et des licenciements qui va rester le sujet de divergence majeur entre le SNEC (puis le SeGEC) et les organisations syndicales avec des nuances différentes selon les moments et les acteurs syndicaux.

1.3.1. Des projets de loi

36Un premier projet de statut légal voit le jour en 1976 sous l’égide des deux ministres de l’Éducation nationale, le social-chrétien francophone Antoine Humblet et le libéral flamand Herman De Croo. Ce texte consacre la possibilité de licenciement pour les enseignants qui ne seraient pas en conformité avec « certaines obligations fondamentales » et la création d’une « commission de spécificité », échoue du fait de la mobilisation de plusieurs associations, notamment de l’APPEL.

37De son côté le monde catholique multiplie les tentatives d’élaboration d’un statut interne, alors même que la loi du 11 juillet 1973 interdit explicitement en son article 18 la conclusion de nouvelles conventions collectives dans l’enseignement libre. L’ARPOEC conclut avec les centrales chrétiennes de l’enseignement des conventions collectives qui prévoient un statut de stabilité et un statut disciplinaire, de même qu’une chambre de déontologie chargée de donner un avis quant aux mesures à prendre à l’encontre d’un membre du personnel dont l’attitude est « contraire au caractère spécifique de l’enseignement catholique ». L’enjeu essentiel est de permettre aux organes propres au réseau de l’enseignement catholique d’exercer en toute autonomie le droit d’engagement et de licenciement selon des critères qu’il définit à lui seul et de juger les différends et les conflits par des « chrétiens qui sont d’accord sur la spécificité  [12] ».

38En automne 1977, un deuxième projet de statut légal voit le jour. Présenté par les deux ministres de l’Éducation nationale, Joseph Michel, social-chrétien francophone et Jef Ramaekers, socialiste flamand, il diffère peu, sur le fond, du précédent. Il y est toujours question de licenciement pour le membre du personnel qui ne respecterait pas, dans le cadre de sa profession, « le projet éducatif et/ou la tendance idéologique de l’enseignement qu’il sert  [13] » ; la notion d’« occupation » incompatible avec la dignité de la fonction apparaît pour la première fois comme telle  [14]. Une chambre de conciliation est envisagée, mais qui n’est que le remaniement de la Chambre de déontologie. Ce projet sera abandonné par J. Michel qui estime impossible d’établir un statut unique pour les deux réseaux d’enseignement subventionné, le réseau libre et le réseau de l’enseignement des communes et des provinces.

39Quelques mois plus tard, la section enseignement de la Centrale générale des services publics (CGSP), affiliée à la Fédération générale des travailleurs de Belgique (FGTB), affirme que « l’enseignement engagé peut exiger, lors du recrutement d’un enseignant, que celui-ci adhère à une conviction idéologique ou religieuse déterminée  [15] » et que le fait de ne plus adhérer à cette conviction peut justifier à soi seul un licenciement. Cette déclaration a de quoi surprendre. Rétrospectivement, il semble que, ce disant, la CGSP-Enseignement voulait surtout garantir la neutralité de l’enseignement de l’État, exigée des membres du personnel au moment de l’engagement et qui n’était que partiellement garantie par la priorité accordée aux diplômés de l’enseignement de l’État.

40Le SNEC, qui jusqu’alors avait manifesté sa réticence envers un statut légal, fait volte face. Le 3 juin 1983, dans une circulaire adressée aux pouvoirs organisateurs, monseigneur Daelemans déclare que « seul un statut officiel pourra apporter une solution valable aux difficultés actuelles ». Ce revirement n’est certes pas le fait du hasard. Une jurisprudence s’est établie sur la base de la loi du 3 juillet 1978 sur les contrats de travail et sur la base des conventions collectives d’avril 1968. Selon l’article 6 de la loi du 3 juillet 1978, « toute stipulation contraire aux dispositions de la présente loi et de ses arrêtés d'exécution est nulle pour autant qu'elle vise à restreindre les droits des travailleurs ou à aggraver leurs obligations ». Les juridictions du travail imposent des indemnités parfois importantes aux pouvoirs organisateurs pour des licenciements jugés abusifs. Les domaines les plus visés par des actions en justice sont les faits concernant la vie privée et les ruptures de contrat non conformes à la loi du 3 juillet 1978.

41Quelques mois plus tard, les ministres de l’Éducation nationale Daniel Coens (social-chrétien flamand) et André Bertouille (libéral francophone) proposent un troisième projet de statut légal. Du point de vue des incompatibilités, ce projet est très en retrait par rapport à la loi du 3 juillet 1978 et aux conventions collectives de 1968. Certes, le ton par rapport aux faits de vie privée a changé : ceux-ci ne pourront plus donner lieu à licenciement que s’ils ont une répercussion sur la relation élève/enseignant. Mais il introduit, en ses articles 20 et 21, l’obligation de faire un rapport sur la manière dont le membre du personnel a accompli sa mission à l’issue de chaque période d’activité. Sur ce rapport figurent les mentions « a satisfait pleinement », « a satisfait partiellement », « n’a pas satisfait ». Cette condition aura disparu dans la version du 1er février 1993 mais se retrouvera ultérieurement dans d’autres décrets comme ceux relatifs aux puériculteurs et aux directeurs et dans le statut des Hautes écoles.

42Ce projet introduit pour la première fois la notion de priorité à l’engagement. On y parle en effet d’une priorité à l’engagement de 240 jours dans la fonction répartis sur plus d’une année scolaire, priorité sur les temporaires qui auraient 480 jours sur trois années scolaires au moins dans n’importe quelle fonction. Cette proposition servira d’ossature aux essais suivants pour devenir in fine ce qu’il en fut avec le décret du 1er février 1993.

43En ce qui concerne le calcul de l’ancienneté donnant une priorité à l’engagement temporaire, la mention « satisfait partiellement » ne donne droit qu’à la prise en compte de 50 % des services accomplis, la mention « n’a pas satisfait » à aucune prise en compte de cette ancienneté. De plus, l’impunité des pouvoirs organisateurs fautifs est garantie par l’article 77. Le projet instaure une chambre de recours mais celle-ci ne peut se comparer avec les chambres de recours de l’enseignement de l’État au niveau de son mode de fonctionnement.

44La concertation entre pouvoirs organisateurs et syndicats va rapidement tourner court. Le Conseil des pouvoirs organisateurs de l’enseignement officiel subventionné (CEPEONS) estime le projet contraire à la Constitution. Le SNEC rejette l’obligation qui est impartie au pouvoir organisateur de choisir un directeur parmi les membres de son personnel. Enfin, le SNEC, soutenu par les centrales de l’enseignement de la CSC  [16] mais avec des nuances de plus en plus importantes de la part des ailes francophones continue à défendre la spécificité de l’enseignement catholique. Si les ailes francophones de la CSC soutenaient une forme de spécificité elles rejetaient toute forme de sanction liée à un fait de vie privée  [17]. À propos de spécificité justement, Régis Dohogne déclarait au nom de la Fédération des instituteurs chrétiens (FIC) : « Nous défendons une spécificité basée sur un charisme évangélique. Nous ne voulons pas de cette aristocratie qui seule définit la spécificité de l’enseignement catholique. Nous avons la prétention de dire qu’un bon statut s’inscrit dans la ligne de la défense des droits de l’homme et des travailleurs  [18]. »

45Mais les ministres Coens et Bertouille présentent un nouveau projet le 7 juin 1985. Les mesures critiquées dans le texte précédent sont maintenues. Sont de plus seuls pris en compte pour le calcul de l’ancienneté les services rendus auprès du même pouvoir organisateur. Cette fois, c’est la CGSP qui s’oppose à ce projet pour ce qui concerne l’enseignement officiel subventionné, de même que le Syndicat de l’enseignement libre (SEL), nouveau venu sur la scène syndicale  [19]. Le 23 juillet 1985, le ministre Coens reconnaît son échec devant la Chambre des représentants.

46Suite aux élections législatives anticipées du 13 octobre 1985, la majorité précédente est reconduite. Le ministre Coens se succède à lui-même du côté flamand tandis que le libéral francophone André Damseaux succède à André Bertouille.

47À l’instigation du SEL-SETCa, le député socialiste Y. Ylieff dépose une proposition de loi maintenant l’enseignement libre dans le giron de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail.

48Le 30 janvier 1986, un nouveau projet de statut est déposé par les ministres. De l’aveu même d’A. Damseaux, « il ne s’agit pas d’un statut de stabilité pour les membres du personnel (comme le veut la loi) mais d’un statut de souplesse et de simplicité pour les pouvoirs organisateurs ». Les incompatibilités sont maintenues et devront être « convenues par écrit entre le pouvoir organisateur et le membre du personnel  [20] ». Le 26 février 1987 le Conseil d’État rend un premier avis sur ce projet. Les critiques sont nombreuses, la plus significative ayant trait à la vie privée : « Telle qu’elle est rédigée, la disposition prévue dans le projet constitue une restriction de la protection qui est donnée en vertu de l’article 12bis §1  [21] aux membres du personnel en ce qui concerne leur vie privée. »

49Le 9 juillet 1987, les ministres Daniel Coens et Antoine Duquesne (ce dernier a succédé à André Damseaux) proposent une sixième version du statut. Mais les esprits sont ailleurs : en effet, quelques mois plus tard, le 9 novembre 1987, le Moniteur belge publie une édition spéciale reprenant les articles de la Constitution qui seront soumis à révision. Il y est question de la mise en œuvre de la communautarisation de l’enseignement. Celle-ci sera mise en œuvre par la loi spéciale du 8 août 1988 de réformes institutionnelles.

50Le PSC Jean-Pierre Grafé hérite de la problématique du statut de l’enseignement subventionné tant libre qu’officiel au sein de l’exécutif de la Communauté française présidé par Valmy Féaux (PS).

1.3.2. Des projets de décret

51Du côté de l’aile francophone du SNEC, dans l’immédiat après communautarisation de l'enseignement, des raisons de reprendre le dossier du statut. Le statut est resté en panne alors qu'il a aussi été voulu par l'enseignement catholique dès 1958. Le SNEC ne peut pas vouloir une chose et son contraire. De plus, le statut conventionnel n'a pas donné satisfaction. Dans les litiges devant les tribunaux du travail, tantôt il est revendiqué lorsqu'il est favorable au membre du personnel, tantôt il est récusé lorsque la loi sur le contrat d'emploi de 1978 est plus favorable. Enfin, les situations de vie privée ne sont plus sanctionnées depuis les années 1980 et la chambre de déontologie, constituée conventionnellement pour être saisie des situations d'incompatibilité, n'a plus été réunie dans les dix dernières années.

52S’ajoute à cela le fait que la Communauté flamande est sur le point d’adopter un statut du personnel de l'enseignement subventionné  [22], risquant de laisser en retard la Communauté française.

53Le 13 mars 1990, un septième projet de statut voit le jour (premier projet Grafé). Celui-ci comporte d’une part un projet de décret portant sur des mesures statutaires et d’autre part un projet d’arrêté de l’exécutif de la Communauté française relatif au statut administratif du personnel. Tant les centrales chrétiennes de l’enseignement  [23] que l’APPEL semblent favorables à ce projet. Le SEL-SETCa y est farouchement opposé. Les principales critiques de ce dernier portent sur les atteintes à la vie privée et les procédures de licenciement. En effet, en son article 59, le projet spécifiait que pouvait être licencié d’office sans préavis le membre du personnel qui refusait de « mettre fin à une situation constatée et continue d’incompatibilité ». Le 7 mai 1990, le Conseil d’État va dans le même sens en jugeant insuffisantes les garanties données au respect de la vie privée. Il juge en outre le système proposé « peu équitable » et estime que le statut administratif doit être lui aussi déterminé par décret et non par arrêté.

54Le 8 juin 1990, Jean-Pierre Grafé propose une huitième version regroupant projet de décret et arrêté du 13 mars 1990, mais qui ne tient pas compte des remarques du Conseil d’État. Le 31 juillet 1990, un neuvième projet (son troisième) répond cette fois à quelques objections du Conseil d’État. Mais ce projet ne concerne que le seul enseignement libre. Le Conseil d’État rend son avis le 20 décembre 1990. Il se montre à nouveau très critique. Il relève notamment que la vie privée constitue « un domaine inviolable », ce que semble mettre à mal le concept d’incompatibilité ; l’absence de sanctions pour les pouvoirs organisateurs fautifs, cheval de bataille du SNEC ; la réduction à 15 jours pour les préavis des temporaires ; l’absence de réglementation par décret de la mise en disponibilité en cas de suppression d’emploi ; et l’absence de règles objectives permettant de constater l’incompétence professionnelle.

55Le 25 juin 1991, le ministre Grafé dépose un dixième projet du statut (son quatrième). Celui-ci tient mieux compte des remarques du Conseil d’État et comporte deux nouveaux chapitres : l’un sur les commissions paritaires, l’autre sur le régime disciplinaire. Le 29 août 1991 s’ouvrent les négociations entre les syndicats dans le but d’aboutir à une position commune. S’y retrouvent l’APPEL, la Centrale chrétienne du personnel de l’enseignement technique (CCPET), la CEMNL, la CGSP, la Fédération des instituteurs chrétiens (FIC) et le SEL-SETCa. Ce denier considère toujours que le texte présenté prive le personnel de l’enseignement libre subventionné de nombreux acquis de la loi du 3 juillet 1978 : l’obligation pour l’employeur d’assurer les conditions de travail convenables et de payer la rémunération aux conditions, temps et lieux convenus, la limitation de la responsabilité du membre du personnel en cas de dommage au dol et à la faute lourde, l’interdiction pour les pouvoirs organisateurs de modifier unilatéralement les conditions du contrat. Il obtiendra satisfaction auprès de ses partenaires syndicaux. Encore faut-il que le SNEC marque son accord.

56Le 30 septembre 1991, la Cour de cassation (chambre flamande) rend un arrêt dans lequel elle considère que les contrats à vie étant interdits, la « nomination définitive » n’est rien de plus qu’un contrat à durée indéterminée, même si le pouvoir organisateur accepte de limiter (au seul motif grave) sa possiblité de licencier. Ceci risque de déséquilibrer le système auquel aspirent les syndicats qui prennent pour modèle le statut des enseignants du réseau de la Communauté française où une telle nomination existe.

57Suite à l’arrêt de la Cour de cassation qui semble privilégier, au niveau de l’enseignement libre, la législation en matière de contrat, le SEL-SETCa s’accroche au maintien de la loi du 3 juillet 1978, tandis que la CSC met en évidence que l’arrêt de la Cour de cassation entraînera une importante diminution des indemnités de licenciement puisque, désormais, les pouvoirs organisateurs, comme n’importe quel employeur privé, pourront, moyennant préavis, mettre fin unilatéralement au contrat. La FIC en particulier défend une modification radicale du système de protection qu’elle veut fonder sur deux grands principes. Premièrement l’obligation de motiver tout licenciement à l’instar de ce que prévoit la loi de 1991 pour l’enseignement subventionné ; deuxièmement, le retrait de la subvention-traitement à tout pouvoir organisateur qui licencie irrégulièrement un membre du personnel et le versement de cette subvention directement au membre du personnel jusqu’à sa réintégration.

58Les négociations avec le SNEC débutent le 19 septembre 1991. La méfiance reste grande dans le chef du SEL-SETCa parce que quelques jours auparavant, le 3 septembre 1991, le SNEC et les centrales chrétiennes de l’enseignement se sont mis d’accord pour mettre sur pied une commission paritaire centrale de l’enseignement catholique pour les régimes francophones et germanophone. Cette commission n’ayant aucune assise légale, elle n’est jamais entrée en fonction.

59En matière de protection de la vie privée, l’ensemble des partenaires se mettent d’accord sur la formule suivante : « Sans restreindre en rien le droit du pouvoir organisateur à organiser un enseignement engagé, la protection de la vie privée est garantie. Est nulle et non avenue, toute clause contractuelle, toute disposition d’un règlement de travail qui est contraire aux dispositions légales impératives, au présent statut ou aux règles complémentaires fixées par les commissions paritaires compétentes rendues obligatoires par un arrêté de l’exécutif. » Il s’agit là d’un rapprochement très important des points de vue, mais l’épineuse question de la compatibilité de ces deux droits fondamentaux n’en est pour autant pas réglée : il restera en effet à déterminer dans chaque cas où ces deux droits sont contradictoires, lequel prime sur l’autre.

60Le 5 novembre 1991, le onzième projet de statut (cinquième du ministre Grafé) ne peut tenir compte des négociations puique celles-ci n’ont pas abouti, le SEL étant resté sur ses positions en matière de respect de la vie privée et le SNEC sur les siennes. Ce projet, approuvé par l’exécutif de la Communauté française en première lecture, est envoyé au Conseil d’État, qui rendra son avis le 27 avril 1992. Entre-temps des élections législatives anticipées ont eu lieu. La même majorité sociale-chrétienne– socialiste est reconduite à la Communauté mais la répartition des compétences en matière d’enseignement s’établit comme suit : le social chrétien Jean-Pierre Lebrun prend en charge l’enseignement supérieur et les statuts de tous les niveaux d’enseignement ; le socialiste Elio Di Rupo prend en charge l’enseignement obligatoire. C’est donc à nouveau un ministre social-chrétien qui va s’atteler au statut.

61Le Conseil d’État fait remarquer, entre autres, que « la relation de travail en cause relève du droit privé et non du droit public » mais aussi, et dans la perspective qui est celle d’un rapprochement « autant que faire se peut » du statut du personnel de la Communauté, que « à défaut de ce changement (de terminologie), les droits et les obligations des pouvoirs organisateurs et des personnels ne seront ni vraiment fixés, ni réellement égaux, ni sûrement équivalents à ceux qui sont les leurs dans l’enseignement de la Communauté ». Le Conseil d’État déclare en outre que la liberté d’organiser un enseignement engagé et le respect de la vie privée doivent se concilier.

62Le 1er juillet 1992, le ministre Lebrun propose une douzième version, sa première. Dans cette version, les incompatibilités « ne peuvent être relatives à des comportements de la vie privée qui sont sans rapport avec la vie scolaire ou le fonctionnement de l’établissement de l’enseignement ». Il existerait donc, selon le m inistre Lebrun, des comportements de la vie privée qui auraient un rapport avec la vie scolaire et la relation pédagogique, ce qui rejoint l’avis du SNEC qui estime toujours que l’enseignement ne se limite pas au seul acte d’enseigner, mais que la sphère privée influe sur la relation pédagogique. Le SEL-SETCa observe que les recommandations du pape Jean-Paul II en matière d’enseignement aux évêques de Belgique selon lequel, en substance, les enseignants se doivent d’avoir une vie conforme à l’enseignement de l’Église, vont dans le même sens. Mais, finalement, et sans doute grâce aux capacités d’ouverture du nouveau directeur général du SNEC, le chanoine Armand Beauduin  [24], un accord intervient sur la question des incompatibilités : la notion de situation d’incompatibilité qui fait penser à des situations de vie, comme la situation matrimoniale par exemple, est remplacée par la notion d’occupation, terme d’ailleurs utilisé dans le statut du réseau de la Communauté française. Cette notion d’occupation incompatible reste cependant non définie avec précision.

63Avec la formule concoctée le 19 septembre 1991 sur le droit à organiser un enseignement engagé et sur le droit au respect de la vie privée, ainsi qu’avec l’accord de juillet 1992 sur les occupations incompatibles, il apparaît que deux points importants de dissension ont disparu et qu’un accord historique a été conclu. Le journal Le Soir, par exemple, titre le 13 juillet « C’est surtout l’accord du SNEC et du SETCa-Enseignement libre qui donne à penser que le feuilleton en est à ses derniers épisodes. » Qu’est-ce qui a finalement décidé le SEL-SETCa à donner son aval à ce texte qui restait cependant critiquable à ses yeux. André Lacroix, président du bureau exécutif du SEL, s’en explique longuement dans le bulletin de liaison du SEL : en fait, le SEL vient de perdre ses deux principaux alliés qu’ont été le PS tant qu’il fut dans l’opposition et qui, revenu aux affaires, a accepté que le statut du réseau libre revienne à des ministres sociaux-chrétiens. Il perd aussi le soutien de la CGSP qui a abandonné entre-temps sa revendication d’un statut unique pour le réseau libre et officiel subventionnés. Faute d’alliés de poids, le SEL-SETCa a dû choisir d’engranger ce qui avait déjà été récolté et pouvait encore l’être. La CSC quant à elle considérait que le danger était nul en raison de la prééminence du droit européen qui garantissait de manière absolue la protection de la vie privée. Elle estimait donc les craintes sans objet.

64Le 26 janvier 1993 était voté le décret fixant le statut des membres du personnel subsidiés de l'enseignement libre subventionné. Promulgué le 1er février, il fut publié au Moniteur belge le 17 février 1993.

1.4. LES ACTEURS EN PRÉSENCE ET LES CONCEPTS D’ÉGALITÉ ET DE LÉGALITÉ

65Tout au long de ces années, ce sont à la fois les concepts d’égalité et de légalité qui ont été le fil conducteur des prises de positions. La chronologie des événements montre que l’interprétation de ces deux concepts a beaucoup varié selon les organisations concernées.

66Les pouvoirs organisateurs du réseau libre subventionné ont vécu cette période avec le sentiment qu’on s’en prenait directement à leur autonomie. Se réclamant de la liberté d’engagement, comme tout autre employeur privé, ils auraient pu en rester là en 1978, puisque les membres de leur personnel, comme tous les autres travailleurs du secteur privé, pouvaient bénéficier des avantages de la loi du 3 juillet 1978 sur le contrat de travail et des conventions collectives d’avril 1965 reconnues par les juridictions du travail.

67Pourtant, ils ne voulurent pas en rester là. Essentiellement pour deux raisons : les lourdes sanctions financières imposées à certains pouvoirs organisateurs en cas de licenciement abusif posaient un problème comptable aux établissements, mais dissuadaient de facto ces pouvoirs organisateurs de licencier comme ils l’entendaient. C’est pourquoi, dès 1983, le SNEC se rallie à l’idée d’un statut perçu comme la seule « solution valable aux difficultés actuelles ». Il sait bien entendu qu’en échange il lui faudra faire quelques concessions en matière de priorité à l’engagement. Mais s’il parvient, dans la définition de ce statut, à maintenir la spécificité de l’enseignement catholique, l’essentiel sera sauvé. Il pressent que les choses ne seront pas aussi aisées qu’il le souhaite et qu’il devra faire des compromis dans la question des incompatibilités  [25]. Il voulut s’assurer le soutien d’un maximum de partenaires au sein de ses propres structures. À plus d’une reprise, on a pu voir aussi comment le SNEC a tenté d’échapper par un accord interne à des obligations qui lui viendraient de l’extérieur. Ce fut le cas avec les conventions collectives conclues en avril 1968, à une époque où, il est vrai, l’offre syndicale était limitée aux seules centrales CSC de l’enseignement, largement dominées par leur aile flamande ; ce fut également le cas avec l’élaboration en 1977 d’un Règlement général de l’enseignement catholique en réponse à l’obligation d’installer des conseils d’entreprise (dont une des missions est justement la rédaction d’un règlement de travail) ; de même avec l’élaboration d’un document de spécificité de l’enseignement catholique par le CGEC en 1975, document qui sera joint aux contrats d’engagement et qui l’est toujours aujourd’hui dans une version actualisée, et encore en 1991 avec la création d’une commission paritaire centrale de l’enseignement catholique alors que les négociations sur le statut battaient leur plein.

68Mais ils n’ont pas été les seuls à percevoir les choses sous cet angle-là. Du côté des communes et des provinces, d’aucuns s’opposaient aussi à la définition d’un statut unique du personnel. Citons par exemple André Cools qui déclarait en 1981 qu’il ne pouvait être « question que l’on nous transmette au niveau des commune et des provinces le Sida du statut des enseignants de l’État  [26] ».

69Les organisations syndicales ont manifesté le souci de rapprocher le statut du réseau libre du statut en vigueur dans l’enseignement de l’État puis en Communauté française. Mais avec entre elles de sérieuses nuances, sinon de réelles oppositions de principe et de stratégie.

70Les centrales de l’enseignement de la CSC souhaitent la mise en place d’un régime de priorité à l’ancienneté, la motivation des préavis en cas de licenciement, l’obligation d’en référer à l’avis d’une chambre de recours en cas de licenciement d’un temporaire prioritaire et surtout le droit à la réintégration pour le membre du personnel. Bien que signataire avec le SNEC des conventions collectives, les centrales de l’enseignement de la CSC étaient devenues plus que méfiantes l’égard de ces conventions. L’autonomie progressive puis l’indépendance des centrales francophones modifiait leur perception et radicalisait leur point de vue. Ainsi le premier élément de mutation devint-il perceptible lorsque dans un article de L’éducateur belge, le périodique de la FIC, Régis Dohogne dénonçait le caractère illégal des conventions conclues par la CSC et rompait de ce fait les accords  [27]. Les réactions ne se firent pas attendre : interpellé par le SNEC, il maintenait son point de vue. Par ailleurs, et de manière exponentielle, les condamnations de pouvoirs organisateurs se poursuivirent.

71La méfiance de la CSC s’était encore accrue suite, en 1991, à l’arrêt de la Cour de cassation, chambre flamande, rappelant qu’on ne peut engager « qu’à temps et pour une entreprise privée  [28] » ; la CSC craignait, d’autre part, que la clause du statut flamand adopté le 27 mars 1991 qui autorise le licenciement unilatéral sur la base de la loi du 3 juillet 1978 ne fasse tâche d’huile du côté francophone et en vienne à empêcher de facto la « nomination », l’engagement à titre définitif. Les centrales de l’enseignement de la CSC vont donc s’engager plus encore qu’elles ne l’avaient fait jusque-là dans le travail de rédaction des différents projets de statut avec le SNEC et les partis politiques des différentes majorités en place, dont le PSC, mais aussi dans l’élaboration de structures internes au réseau de l’enseignement catholique. La stratégie de « deux fers au feu » en quelque sorte. Ces discussions étaient orageuses si l’on en croit la déclaration que Régis Dehogne faisait au quotidien Le Soir concernant l’attitude du SNEC dans la négociation du Statut : « À la rue Guimard, on parle en Russe et l’on pleure en Polonais  [29]. »

72L’APPEL mena seule durant les années 1970 le combat pour le respect de la vie privée. Comme le souligne J. Lismont, elle « fit également progresser de manière non négligeable la jurisprudence en faveur des enseignants du libre ». Ses objectifs étaient très explicitement un statut légal tel que prévu dans la loi du 29 mai 1959, le respect du pluralisme idéologique et la fin du monopole syndical imposé dans les faits par le SNEC qui refusait de reconnaître toute autre organisation syndicale n’appartenant pas à la « famille chrétienne » Le SEL-SETCa n’est arrivé sur la scène du statut que dans les années 1980, sa fondation datant de 1981. Dès 1984, il s’inscrit dans une position d’opposition à tout statut ; il s’agissait pour lui de continuer dans la voie de l’application de législation du travail, ce qui impliquait l’abrogation des articles 18 et 19 de la loi du 11 juillet 1973 qui prévoyaient un statut pour l’enseignement subventionné et le maintien des conventions collectives des 11,22 et 28 avril 1968, expurgées des dispositions qui lui semblaient contraires aux lois et à l’ordre public, mais augmentées de dispositions nouvelles de type statutaire en matière de recrutement, de sélection, de promotion, etc. Quand il lui a semblé être allé au bout du chemin de l’opposition, c’est-à-dire, lorsqu’il ne s’est plus senti soutenu par le PS et la CGSP, il est entré dans une logique de statut en y faisant inclure des éléments positifs de la loi du 3 juillet 1978  [30].

73Les centrales de l’enseignement de la CSC quant à elles, longtemps très proches du SNEC, modifièrent radicalement leurs positions dès que s’accrut l’autonomie structurelle de leur aile francophone respective et qu’apparut une nouvelle génération de responsables.

74Il n’est pas inutile de rappeler ici les options et les attitudes des partis impliqués dans l’élaboration du statut.

75En ce qui concerne le PSC, c’est sans doute le ministre J. Michel qui exprime le mieux la position de son parti en cette matière lorsqu’il déclare : « Il est évident que, comme l’État doit respecter la neutralité positive, l’enseignement catholique doit avoir sa spécificité propre  [31]. » En cette affaire, les sociaux-chrétiens sont en position de force. C’est dès son retour au pouvoir que se conclut le Pacte scolaire qui met notamment en place le financement des bâtiments scolaires via la loi du 11 juillet 1973. Le Pacte scolaire prévoit bien des dispositions statutaires qui soient « autant que faire se peut » similaires à celles en vigueur dans le réseau de l’État, mais toute la nuance est là. Il est à remarquer que le PSC proposa un projet de statut dès qu’il y eut trop d’actions en justice concernant des licenciement abusifs. Il fut incontestablement le relais politique du SNEC.

76Le Parti socialiste est intervenu plusieurs fois dans le débat, mais essentiellement lorsqu’il était dans l’opposition et, semble-t-il, avec en arrière-pensée, la volonté de « préserver » l’enseignement communal et l’autonomie des pouvoirs organisateurs dont il est, en beaucoup d’endroits, une composante incontournable. Il se montre tellement favorable au SEL-SETCa que Régis Dohogne n’hésitera pas, au printemps 1991, à écrire à son propos : « Ce sont les amis du SEL-SETCa qui se sont opposés durant 17 ans à la publication du statut pour éviter un statut identique dans le libre et dans le communal. » On ne reviendra pas sur l’action du député Y. Ylieff qui tenta de maintenir le personnel de l’enseignement libre dans le giron de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail et qui, un temps ministre, s’opposa au caractère d’urgence que réclamait son collègue au Conseil d’État dans le traitement de son projet de statut. Il fut, quant à lui, un allié indéfectible du SEL-SETCa.

77Le PRL eut un rôle nettement plus effacé. S’il fut en charge du département francophone de l’Éducation nationale de 1981 à 1987, il faut bien admettre que durant ces années-là, c’est toujours le ministre social-chrétien néerlandophone qui a élaboré les projets de statut. J. Lismont rapporte d’ailleurs les propos tenus par le ministre Bertouille, lors d’une réunion en date du 14 mars 1984, en présence du CEPEONS et du SNEC : « Messieurs, vous êtes les demandeurs. Si vous ne vous arrangez pas, j’abandonnerai pour ma part l’idée d’un statut. »

78Comment des acteurs aussi diversement situés par rapport aux concepts d’égalité et de légalité sont-ils in fine parvenus à s’entendre ? Quelles satisfactions en ont-ils tiré et, a contrario, sur quoi ont-ils dû céder ? C’est ce que nous allons voir au travers de l’analyse du décret du 1er février 1993.

2. LE DÉCRET DU 1ER FÉVRIER 1993

79Il n’est pas possible, dans le cadre de ce Courrier hebdomadaire, d’exposer l’ensemble des articles du décret. La loi du Pacte scolaire, rappelons-le, disposait que fussent établis un statut de stabilité de l’emploi et un régime disciplinaire. Ce sont ces deux aspects essentiels que nous traiterons en détail car ils se rapportent aux principes d’égalité et de légalité que nous avons choisis comme fils conducteurs de notre étude.

80Le statut de stabilité a pour conséquence directe de limiter la liberté d’engagement des pouvoirs organisateurs en leur imposant un système de priorités contraignant semblable au système en vigueur dans le réseau de la Communauté française et en faisant valoir le concept d'une unité des employeurs, une fiction juridique, compréhensible dans le cadre du statut de stabilité. Ce concept n'a jamais prévalu dans l'enseignement officiel subventionné, avec des pouvoirs organisateurs de taille généralement plus grande depuis les fusions de communes, au motif qu'un pouvoir communal ou provincial ne peut contracter d'obligations que vis-à-vis de ses propres agents.

81Le régime disciplinaire vise à encadrer la liberté du pouvoir organisateur de sanctionner un membre du personnel, y compris via un licenciement.

82Ces deux points constituent la majeure partie du décret, les autres n’en étant pour autant pas secondaires. Ils ont quelquefois été utilisés comme une monnaie d’échange au cours des négociations. Nous pensons entre autres au chapitre consacré aux devoirs du pouvoir organisateur et des membres du personnel, dans lequel est traité l’épineux problème des incompatibilités. Chaque fois que cela sera nécessaire, nous y ferons référence.

83Cette deuxième partie du Courrier hebdomadaire est consacrée au décret dans sa version du 1er février 1993. Les modifications ultérieures du décret seront analysées dans la troisième partie. Nous nous attacherons de plus, dans la présente partie, à faire le parallèle avec le statut en vigueur dans le réseau de la Communauté française, dans sa version de l’époque. Ce statut fut et reste d’ailleurs la référence pour des organisations syndicales.

2.1. UN STATUT DE STABILITÉ DE L’EMPLOI

84À la base de toute analyse du statut de l’emploi dans le réseau de l’enseignement libre subventionné se trouve une classification des fonctions en trois catégories hiérarchisées : la fonction de recrutement, la fonction de sélection et la fonction de promotion. Cette classification est reprise par le décret à l’enseignement de la Communauté française. Elle figurait déjà dans le statut du personnel laïc de 1963 et dans les conventions collectives dont il a été question dans la première partie.

85Le personnel classé dans la fonction de recrutement se situe au bas de l’échelle hiérarchique. Il comprend les professeurs, les surveillants-éducateurs, le personnel paramédical, infirmier, social et psychologique ; le personnel classé dans la fonction de sélection est « sélectionné » par l’employeur parmi le personnel de recrutement pour prendre en charge certaines responsabilités : chef d’atelier, éducateur-économe, secrétaire de direction, sous-directeur. Le personnel classé dans la fonction de promotion comprend les directeurs et les chefs des travaux d’atelier.

86Lorsque l’employeur engage un membre du personnel, il le fait à titre temporaire ou à titre définitif. Cette distinction n’est explicitée que pour le personnel engagé dans la fonction de recrutement (art. 28), mais, comme on le verra, elle existe implicitement également pour les fonctions de sélection et de direction.

87La distinction entre « temporaire » et « définitif » n’est pas non plus neuve. Avant le décret du 1er février 1993, il existait même dans l’enseignement libre une distinction de plus, celle d’« intérimaire ». Le terme temporaire désignait le membre du personnel non encore engagé à titre définitif mais qui se trouvait dans un emploi vacant, c’est-à-dire libre de tout titulaire. L’engagement à titre définitif est l’équivalent de la « nomination » dans l’enseignement de l’État (de la Communauté), qui ne peut se réaliser que dans un emploi vacant. Avec le décret du 1er février 1993, la notion d’intérimaire a été supprimée ; ne sont plus retenues que celles de temporaire et de définitif.

88En tête des dispositions sur l’accès aux fonctions de recrutement se trouve l’obligation d’une prestation de serment. Cette obligation n’était pas reprise explicitement dans le statut du réseau de la Communauté française au moment du vote du décret mais la loi du 29 mai 1959 modifiant certaines dispositions de la législation de l’enseignement  [32] en son article 28,5° impose un tel serment à tous les fonctionnaires. Le préciser dans le statut du personnel de l’enseignement libre subventionné avait une portée éminemment symbolique dans la perspective d’un rapprochement de ce statut avec celui des agents des services publics. D’ailleurs, quelques mois après l’entrée en vigueur du décret du 1er février 1993, un arrêté du gouvernement du 10 juin 1993 introduisait explicitement l’obligation de prestation de serment pour le personnel de l’enseignement de la Communauté française  [33].

2.1.1. L’engagement à titre temporaire

Dans une fonction de recrutement Conditions d’engagement

89La fonction de recrutement concerne le personnel enseignant, le personnel auxiliaire d’éducation et le personnel paramédical, social et psychologique.

90L’article 30 énumère les conditions de l’engagement temporaire à une fonction de recrutement. Ces conditions sont identiques à celles qui prévalent dans l’enseignement de la Communauté française, à savoir :

  • être belge ou ressortissant d’un pays membre des Communautés européennes, sauf dérogation accordée par l’exécutif ;
  • jouir de ses droits civils et politiques ;
  • être porteur d’un titre de capacité adéquat ;
  • remettre lors de la première entrée en fonction un certificat médical, daté de moins de six mois, attestant que le candidat se trouve dans les conditions de santé telles qu’il ne puisse mettre en danger celle des élèves et des autres membres du personnel ;
  • satisfaire aux dispositions légales et réglementaires relatives au régime linguistique ;
  • être de conduite irréprochable ;
  • satisfaire aux lois sur la milice ;
  • ne pas avoir dépassé la limite d’âge de 54 ans, sauf dispense accordée par l’exécutif.

91Sauf s’il a des temporaires prioritaires, le pouvoir organisateur doit s’adresser aux services du FOREM et de l’ORBEM pour rendre public l’appel aux candidats.

Nécessité d’une convention écrite

92L’engagement comporte l’obligation d’une convention d’engagement reprenant, entre autres, la fonction à exercer, la nature de l’emploi  [34], et, s’il échet, les obligations complémentaires et les incompatibilités. L’engagement suppose donc la signature d’un contrat. C’était une demande des organisations syndicales, dans la mesure où des écoles engageaient sans contrat écrit et que des problèmes avaient surgi à ce propos. Celles-ci souhaitaient également que les pouvoirs organisateurs précisent leurs attentes en matière de règles complémentaires et d’incompatibilité (cf. infra).

Les règles de priorité

93L’engagement doit respecter une série de règles de priorité, qui limitent ainsi la liberté d’engagement du pouvoir organisateur. Il s’agit là de la réponse à une demande syndicale dans le cadre d’un statut de stabilité. Le pouvoir organisateur est tenu d’engager en priorité une personne qui a déjà exercé une fonction pendant une certaine durée.

94Les priorités comprennent deux paliers. Ainsi est prioritaire de plein droit, pour autant qu’il ait le titre requis, tout membre du personnel qui peut faire valoir 240 jours de service dans la fonction visée répartis sur deux années scolaires au moins auprès du même pouvoir organisateur (art. 34,1°). Ensuite est prioritaire de plein droit, pour autant qu’il ait posé sa candidature, tout membre du personnel qui peut faire valoir 480 jours de service répartis sur trois années scolaires au moins accomplis dans n’importe quelle fonction auprès du pouvoir organisateur d’un établissement de l’enseignement libre subventionné de même caractère (art. 34,2°). C’est en quelque sorte une priorité réseau qui est établie ici avec ce deuxième palier de priorité, une première tentative, très timide il est vrai, de rapprochement de la notion d’employeur unique telle qu’elle est connue dans le réseau de la Communauté française. Le pouvoir organisateur doit obligatoirement d’abord puiser dans la liste des « prioritaires 240 jours » avant d’entamer celle des « prioritaires 480 jours ». Mais le pouvoir organisateur reste libre de choisir parmi plusieurs candidats au sein d’un même groupe. De plus, l’ancienneté 240 jours doit avoir été acquise au cours des cinq années qui précèdent et la priorité 480 jours dans les dix dernières années. On perçoit évidemment dans ce processus les attentes des organisations syndicales et celles des pouvoirs organisateurs : un équilibre entre la manière dont les uns et les autres interprètent la notion d’égalité. Cette obligation d’engager un « prioritaire 240 jours » ne vaut que pour les emplois d’une période ininterrompue d’au moins 15 semaines.

95Le système des priorités est nettement plus élaboré dans le statut du réseau de la Communauté française  [35]. Il y tout d’abord appel à candidatures au Moniteur belge. Les personnes intéressées doivent poser leur candidature. Elles sont alors classées dans deux groupes. Le premier, si elles peuvent faire valoir 240 jours d’ancienneté de fonction. Dans ce groupe, elles sont classées selon le nombre de candidatures déjà déposées. Dans le second groupe sont classées les personnes ayant moins de 240 jours d’ancienneté. Les candidats peuvent en outre marquer leurs préférences pour telle ou telle zone. Ils seront appelés en service en fonction de la place dans le classement, le « groupe 240 jours » ayant priorité sur le second.

Dans les fonctions de sélection et de promotion

96L’engagement à titre temporaire dans une fonction de sélection ou de promotion n’est évoqué que pour établir qu’il devient définitif au bout de deux ans si l’emploi est vacant, si le pouvoir organisateur n’est pas tenu par d’autres dispositions (réaffectation entre autres), comme indiqué aux articles 48 et 55.

97Seules balises mises par le législateur aux articles 42 et 51 :

  • l’emploi confié temporairement doit pourvoir au remplacement du titulaire temporairement absent ;
  • ou permettre la continuité du service temporairement dans le cadre d’un établissement en voie de fermeture ou en voie d’admission aux subventions  [36] ;
  • ou dans l’attente d’un engagement à titre définitif.

98Dans ces trois cas de figure, le membre du personnel reste titulaire de l’emploi qu’il exerçait auparavant. Il lui est donc possible de le réintégrer étant donné que cet emploi n’est pas ouvert à l’engagement à titre définitif d’un autre membre du personnel.

99La liberté des pouvoirs organisateurs d’engager dans les fonctions de sélection et de promotion est restée pleine et entière : aucune priorité d’aucun genre ne contraint un pouvoir organisateur à engager dans ces fonctions des personnes dont les prestations antérieures leur donneraient une forme de priorité sur d’autres.

100La structure générale du texte montre que, de toute évidence, le statut de l’enseignement de la Communauté française a servi, au moins en partie, de référence. En effet, aucun chapitre spécifique à l’engagement temporaire dans une fonction de sélection et de promotion n’a été prévu. Toutefois, du côté de la Communauté française, comme on le verra par ailleurs, les candidats sont classés « d’après leurs mérites  [37] », les mérites étant constitués des titres et des formations préalables à la candidature imposées.

2.1.2. L’engagement à titre définitif

101Il n’est pas inutile de rappeler qu’il n’est pas question dans l’enseignement libre subventionné d’une quelconque nomination au sens du droit public, mais bien d’un engagement à titre définitif. Comme l’écrit Georges Lethe : « Par souci d’équilibrer, dans les apparences, le système instauré par le Pacte scolaire, fut inventée une pseudo nomination définitive dans le réseau libre. En réalité, il ne s’agit pas de nomination, terme que le droit réserve à l’acte d’une autorité de droit public, mais d’un simple engagement du pouvoir organisateur qui communique sa décision de nomination définitive au Ministère de l’Éducation nationale qui, après contrôle des conditions légales (diplôme, nationalité, etc), agrée cette nomination…  [38] » Ce constat devait d’ailleurs être à l’origine de la position de la CSC qui voulait que la sanction, en cas de violation du statut, soit le retrait de la subvention au Pouvoir organisateur.

Dans une fonction de recrutement

102L’article 40 du décret stipule que le pouvoir organisateur peut engager à titre définitif dans un emploi vacant. Autrement dit, rien ne l’y contraint formellement, à deux exceptions : en cas de réaffectation (cf. infra) et en cas de mutation. La mutation consiste en un changement de pouvoir organisateur dans le chef d’un membre du personnel. Elle est réservée exclusivement au personnel déjà engagé à titre définitif et implique que les pouvoirs organisateurs concernés sont d’accord. Pour le reste, les conditions à l’engagement à titre définitif sont sensiblement les mêmes que pour l’engagement à titre temporaire :

  • être belge ou ressortissant d’un pays membre des Communautés européennes, sauf dérogation accordée par l’exécutif ;
  • jouir de ses droits civils et politiques ;
  • être porteur d’un titre de capacité adéquat ;
  • posséder les aptitudes physiques fixées par l’exécutif pour les membres du personnel admis au stage dans l’enseignement de la Communauté ;
  • satisfaire aux dispositions légales et réglementaires relatives au régime linguistique ;
  • être de conduite irréprochable ;
  • satisfaire aux lois sur la milice ;
  • ne pas avoir dépassé la limite d’âge de 54 ans, sauf dispense accordée par l’exécutif ;
  • compter une ancienneté d’au moins 240 jours de service répartis sur plus d’une année scolaire, prestés auprès du pouvoir organisateur concerné ou, en cas de réaffectation ou de mutation, auprès d’un autre pouvoir organisateur d’un établissement du même caractère ;
  • occuper l’emploi en fonction principale ;
  • avoir introduit sa candidature dans la forme et le délai fixés par l’appel aux candidats (art. 42 §1).

103On notera que les maîtres et professeurs de religion sont engagés par le pouvoir organisateur mais sur proposition de l’autorité du culte là où elle existe (art. 42 §2).

104Le législateur organise de manière très large l’appel à candidats, qui se fait au cours du second trimestre. Le pouvoir organisateur fixe lui-même la forme et les délais qu’il estime devoir imposer aux candidats (art. 43).

105Pour engager à titre définitif, il faut que l’emploi soit définitivement vacant, que le pouvoir organisateur ait satisfait à ses obligations en matière de réaffectation et que l’emploi soit toujours subventionnable au 1er octobre qui suit la demande d’engagement à titre définitif. Il est en outre interdit d’engager à titre définitif dans un emploi en voie de disparition suite aux mesures de rationalisation ou en voie de subventionnement (art. 44).

106Un temporaire qui peut faire valoir 720 jours d’ancienneté auprès du pouvoir organisateur a priorité sur un membre du personnel n’ayant pas cette ancienneté (art. 45).

107Dans l’enseignement de la Communauté française, la nomination se fait au sein d’un établissement déterminé. C’est le temporaire prioritaire le mieux classé au jour près qui fait l’objet de la nomination. En outre, les membres du personnel « sont nommés à titre définitif par le gouvernement. L’arrêté de nomination est publié au Moniteur belge[39] ». On est évidemment loin d’une telle contrainte en ce qui concerne l’enseignement libre subventionné.

Dans une fonction de sélection et de promotion

108On l’a vu ci-dessus : en matière d’engagement à titre temporaire dans une fonction de sélection ou de promotion, les contraintes pour les pouvoirs organisateurs de l’enseignement libre sont vraiment minimes eu égard à ce qui se passe dans le réseau de la Communauté. Il en sera de même en ce qui concerne, pour les mêmes fonctions, l’engagement à titre définitif.

109Ici, comme en ce qui concerne l’engagement dans une fonction de recrutement, le pouvoir organisateur peut engager à titre définitif. Seule restriction : il ne peut se soustraire à ses obligations en matière de réaffectation ou de mutation.

110Trois conditions sont posées à l’engagement à titre définitif dans les fonctions de sélection et de promotion :

  • être titulaire à titre définitif depuis six années au moins dans l’enseignement libre subventionné dans une fonction de recrutement, de sélection ou de promotion ;
  • exercer une fonction comportant au moins une demi charge dans l’enseignement subventionné ;
  • être porteur du titre de capacité ad hoc (art. 53).

111Assez étrangement, en ce qui concerne la fonction de promotion, le décret prévoit une condition supplémentaire : celle d’être belge ou ressortissant d’un pays membre des Communautés européennes sauf dérogation accordée par l’exécutif. De plus, les deuxième et troisième conditions ci-dessus ne sont pas exigées en ce qui concerne les chefs de travaux.

112Au plus tard deux ans après la fin de la période où l’emploi devient vacant, le pouvoir organisateur engage à titre définitif le membre du personnel engagé à titre temporaire dans la fonction de sélection ou de promotion sauf si celui-ci n’est pas dans les conditions ou si le pouvoir organisateur ne l’en a pas déchargé.

113Dans le réseau de la Communauté française, les conditions sont autrement plus draconiennes. C’est ainsi que, en ce qui concerne les fonctions de sélection, cinq conditions sont imposées :

  • être titulaire, à titre définitif, dans le réseau de la Communauté, de l’une des fonctions de recrutement fixées par le gouvernement et en rapport avec la fonction de sélection ;
  • exercer une fonction à prestations complètes dans le réseau (contre une demi charge dans le réseau libre subventionné) ;
  • être porteur du titre requis et, dans l’enseignement de promotion sociale, compter au moins une ancienneté de service de 3 000 jours de service ;
  • avoir reçu au moins la mention « bon » au dernier bulletin de signalement. Il s’agit en fait d’une évaluation du personnel engagé à titre définitif, tout à fait absente, en tout cas formellement, dans le réseau subventionné. Ce signalement n’est cependant pas d’application pour le personnel directeur ;
  • avoir reçu au moins la mention « bon » au denier rapport d’inspection.

114Pour la promotion sociale, il faut ajouter l’obtention d’attestation de réussite des formations imposées par le gouvernement.

115En ce qui concerne les fonctions de promotion dans le réseau de la Communauté, les conditions sont les suivantes :

  • être titulaire, à titre définitif, dans le réseau de la Communauté, de l’une des fonctions de recrutement ou de sélection fixées par le gouvernement ;
  • exercer une fonction à prestations complètes dans le réseau ;
  • compter une ancienneté de dix ans au moins (contre six dans le réseau libre subventionné) et 1 800 jours au moins dans la promotion sociale ;
  • être porteur du titre requis ;
  • avoir reçu au moins la mention « bon » lors du dernier bulletin de signalement ;
  • avoir reçu au moins la mention « bon » au dernier rapport d’inspection ;
  • être titulaire du brevet de promotion en rapport avec la fonction à conférer ou, en ce qui concerne les membres du personnel nommés à titre définitif dans l’enseignement de plein exercice, du brevet de préfet des études et de directeur. L’obtention de ces brevets implique une formation spécifique et la réussite d’examens devant un jury.

116Les pouvoirs organisateurs ont fortement résisté, au cours des négociations qui ont précédé l’adoption du décret du 1er février 1993, pour empêcher l’imposition de contraintes similaires à celles imposées pour le personnel de sélection et de promotion dans le réseau de la Communauté française, estimant leur liberté d’engagement déjà suffisamment atteinte en matière d’engagement de personnel de recrutement et voulant garder toute latitude en ce qui concerne des personnels auxquels ils confient des missions particulières en termes de hiérarchie. Ils ont obtenu satisfaction.

117De même, tout récemment encore, entre 2004 et 2006, dans ce qu’on a appelé le statut des directeurs, il a été tenté par le gouvernement, soutenu par les organisations syndicales, de se rapprocher en ce domaine de ce qui se fait en Communauté française. Les pouvoirs organisateurs et les associations de directeurs ont mené une campagne et ont obtenu en partie satisfaction : une évaluation aura bien lieu mais formative et les formations préalables à l’engagement à titre définitif seront très limitées.

2.1.3. La suspension et la fin des engagements

La fin d’une période de travail temporaire

118Il y a lieu de distinguer la fin d’office d’un engagement temporaire et la fin par licenciement.

La fin d’office

119L’article 32 stipule qu’un engagement temporaire dans une fonction de recrutement prend fin d'office pour l'ensemble ou pour une partie de la charge :

  • au moment du retour du titulaire de l'emploi ou du membre du personnel qui le remplace temporairement ;
  • au moment ou l'emploi du membre du personnel temporaire est attribué totalement ou partiellement à un autre membre du personnel :
    • par application de la réglementation sur la mise en disponibilité par défaut d'emploi et sur la réaffectation,
    • suite à une mutation à un changement d'affectation,
    • suite à un engagement à titre définitif ;
  • à partir de la date où la fonction exercée ou le membre du personnel ne peut plus être subventionné entièrement ou partiellement pour des raisons indépendantes du pouvoir organisateur ;
  • au plus tard le dernier jour de l'année scolaire au cours de laquelle l'engagement a été fait ;
  • à partir de la réception de l'avis définitif du service de santé administratif déclarant le membre du personnel temporaire définitivement inapte ;
  • dans l'enseignement de promotion social, s'il échet, à l'issue de l'organisation d'une unité de formation d'une section pour laquelle l'engagement temporaire a été conclu.

La fin par licenciement

120 Ce sont les articles 36 à 39 qui traitent de ce problème en ce qui concerne le personnel temporaire. Le personnel définitif ne peut, en effet, être licencié que pour faute grave, comme on pourra le voir plus avant dans les lignes consacrées au régime disciplinaire. Le licenciement est donc la seule mesure disciplinaire prévue par le statut pour le personnel temporaire.

121L’article 36 aborde le licenciement avec préavis :

  • motivé de 15 jours motivé, pour le membre du personnel non prioritaire c’est-à-dire ne pouvant justifier d’une ancienneté d’au moins 240 jours répartis sur deux années scolaires au moins ;
  • motivé de 15 jours s’il est prioritaire et pour autant que la chambre de recours  [40] ait émis un avis préalable motivé ;
  • motivé de 3 mois s’il est prioritaire et occupe un emploi vacant pour autant que la chambre de recours ait émis un avis préalable motivé.

122L’article 37 réglemente le licenciement pour faute grave sans préavis, cette faute étant, comme en droit privé, définie comme « toute faute qui rend immédiatement et définitivement impossible toute collaboration professionnelle entre le membre du personnel et le pouvoir organisateur ». Il prévoit également les droits de la défense (audition préalable, assistance par un avocat, un délégué syndical…) et impose « la preuve de la réalité des faits invoqués ».

123L’article 39 réglemente la notification du préavis par une partie à l’autre partie : exploit d’huissier ou lettre recommandée qui produit ses effets le 3ème jour ouvrable suivant la date de son expédition, obligation d’y faire figurer la date à partir de laquelle le préavis commence à courir et la durée de celui-ci. Si le contrat prend fin par consentement mutuel des parties, celui-ci doit être constaté par un écrit qui mentionne la date à laquelle le membre du personnel a déclaré son consentement.

124Ces procédures sont évoquées de manière similaire aux articles 28 et 29 du statut de la Communauté française.

125La demande des organisations syndicales était que les chambres de recours émettent des avis contraignants. On en est loin ici. La motivation de préavis est une demande émanant exclusivement des centrales chrétiennes. Régis Dohogne écrivait ainsi : « Le licenciement est dans le droit social ce que la peine de prison est dans le droit civil. Imaginerait-on un juge condamnant à trois mois de prison un citoyen en lui disant qu’il n’a pas à s’expliquer sur les motifs de la condamnation. C’est pourtant ce qui se passait dans nombre d’écoles  [41]. » Il est certain que les pouvoirs organisateurs sont plus que réticents , aujourd’hui encore d’ailleurs, à motiver leurs actes au motif qu’ils n’y sont pas tenus, ces actes n’étant pas des actes administratifs. Le SEL-SETCa restait plus que dubitatif en matière de motivation. André Lacroix écrivait à ce propos : « Vraiment, les choses sont-elles si simples, alors que c’est précisément pour ne pas hypothéquer l’embauche par un nouvel employeur que les certificats d’emploi, sauf à violer la loi, ne peuvent porter que la seule mention des fonctions et de la durée des prestations, à l’exclusion formelle de toute appréciation sur la manière dont celles-ci ont été remplies. Est-il vraiment souhaitable qu’un jeune enseignant, sans expérience et souvent privé d’une formation pédagogique adaptée – n’ayant pas réussi sa première année d’enseignement – voie son engagement dans une autre école rendu plus difficile par une motivation négative de son préavis ?  [42] » Autrement dit, y va-t-il de l’intérêt de ce jeune enseignant de voir indiqué sur son C4 qu’il a manqué, par exemple, de discipline avec ses élèves ?

126Cette procédure de licenciement et de rupture unilatérale se retrouve dans le statut du réseau de la Communauté française, et dans les mêmes conditions de motivation et de préavis  [43]. En les adoptant, le décret du 1er février 1993 s’est donc rapproché du statut du réseau de la Communauté.

La démission

127Celle-ci est possible moyennant pour un temporaire un préavis de 8 jours (art. 38) et un préavis de 15 jours pour un définitif (art. 72 al. 1).

Le licenciement sans préavis des temporaires et des définitifs

128L’article 71 précise les conditions dans lesquelles le contrat des temporaires et des définitifs prend fin sans préavis :

  • quand ils cessent de répondre aux conditions de nationalité, de jouissance de leurs droits civils et politiques, etc. ;
  • quand après une absence autorisée, ils négligent, sans motif valable, de reprendre leur service pendant une période ininterrompue de plus de dix jours ;
  • quand ils abandonnent, sans motif valable, leur emploi et restent absents pendant une période ininterrompue de plus de 10 jours ;
  • quand ils se trouvent dans le cas où l’application des lois pénales entraîne la cessation des fonctions ;
  • quand ils sont dans une situation d’incapacité permanente de travail reconnue, conformément à la loi ou les règlements, qui les empêche de remplir convenablement leurs fonctions ;
  • quand ils refusent, sans motif valable, après avoir été rappelés en activité de service, d’occuper l’emploi attribué par le pouvoir organisateur.

129Dans l’enseignement de la Communauté française, des conditions similaires s’imposent.

La fin d’un engagement définitif

130Des conditions dans lesquelles le contrat d’un membre du personnel définitif prend fin :

  • par la mise à la retraite pour limite d’âge ou pour inaptitude physique définitive ;
  • par le licenciement pour faute grave ;
  • lorsqu’aucun recours n’a été introduit contre la notification de la constatation d’une incompatibilité ou que l’incompatibilité est constatée par un jugement ou un arrêt définitif d’une juridiction du travail ;
  • à partir du moment où leur engagement à titre définitif, qui s’est avéré irrégulier, est annulé, pour autant que l’irrégularité ne soit pas le fait du pouvoir organisateur (art. 72).

131Ici également, des conditions similaires s’imposent dans l’enseignement de la Communauté française.

Le licenciement abusif

132C’est plus particulièrement au niveau du licenciement abusif qu’a porté le débat très longtemps, notamment entre le SEL-SETCa et les centrales de l’enseignement de la CSC. Interrogé dans La Libre Belgique, le ministre Lebrun déclare : « Si un licenciement est reconnu comme abusif, le pouvoir organisateur peut indemniser ou réintégrer le membre du personnel. Le SEL voulait tout à la fois. Il s’est battu jusqu’au bout et c’est normal. C’est son rôle d’organisation syndicale  [44]. » La CSC, quant à elle, se contentait de la réintégration : « La CSC-Enseignement compte dès lors parmi les grands acquis du statut l’obligation de motiver les préavis, ainsi que celle de réintégrer le membre du personnel injustement licencié  [45]. » Elle soutenait en effet que tout membre du personnel licencié était définitivement exclu de tout engagement en raison de l’unicité de fait du réseau catholique.

133Le décret clôt ce débat à l’article 105 :

134

« L'article 36 de la loi du 29 mai 1959 modifiant certaines dispositions de la législation de l'enseignement dont le texte actuel forme le paragraphe 1er[46] est complété par des paragraphes 2 et 3 rédigés comme suit :
“§ 2. Lorsqu'un membre du personnel n'a perçu que la moitié de sa subvention-traitement à la suite d'une suspension préventive [cf. infra] qui a été ultérieurement rapportée, il reçoit le complément de subvention-traitement afférent à la période de suspension. Le pouvoir organisateur verse à la Communauté le montant de ce complément. Cette mesure a entraîné un effet pervers, les pouvoirs organisateurs ayant tendance à infliger des sanctions lourdes de manière à ne pas devoir rembourser le pouvoir subsidiant.
§ 3. Lorsque la décision du pouvoir organisateur d'un établissement d'enseignement libre subventionné, mettant fin totalement ou partiellement à la charge d'un membre du personnel engagé à titre définitif, a été déclarée contraire aux prescriptions du décret fixant le statut des membres du personnel subsidiés de l'enseignement libre subventionné, par un jugement ou un arrêt définitif d'une juridiction du travail, la subvention-traitement correspondant à la charge ou à la partie de la charge qui lui a été retirée est versée à ce membre du personnel et aucune subvention-traitement n'est accordée au pouvoir organisateur pour le ou les membres du personnel auxquels la charge a été indûment attribuée.” La perte de la subvention-traitement pour l'emploi prend fin pour le pouvoir organisateur :
  1. soit au moment où le pouvoir organisateur rétablit le membre du personnel dans ses fonctions ;
  2. soit au moment où le même pouvoir organisateur ou un autre pouvoir organisateur reprend, avec son accord, le membre du personnel lésé dans une fonction identique ou donnant droit à la même subvention-traitement ;
  3. soit au moment où le membre du personnel lésé refuse, sans motif estimé valable par l'exécutif, un emploi dans une fonction identique avec la même situation statutaire auprès du même ou d'un autre pouvoir organisateur ;
  4. soit au moment où le membre du personnel lésé se trouve, pour des raisons indépendantes du litige, dans les conditions de cessation définitive de ses fonctions.
    La subvention-traitement qui est attribuée au pouvoir organisateur pendant la période qui se situe entre le licenciement illégitime et la notification à l'administration compétente du jugement ou de l'arrêt, est réclamée à ce pouvoir organisateur.
    Le membre du personnel reçoit la subvention-traitement à laquelle il aurait eu droit s'il était resté en activité de service. À partir de la notification susmentionnée, l'administration paie directement la subvention-traitement au membre du personnel licencié irrégulièrement jusqu'au moment où il a été satisfait à une des quatre conditions susmentionnées. »

2.1.4. La mise en disponibilité

135 Dans l’enseignement, le volume de l’emploi est déterminé par le nombre d’élèves fréquentant l’établissement. Ce nombre fluctue à la hausse ou à la baisse. Quand un membre du personnel engagé à titre définitif perd partie ou tout de son emploi, il n’émarge pas, comme dans le secteur privé, au chômage. Il est mis en disponibilité avec un traitement d’attente. Un arrêté royal de 1976  [47] avait réglé ce problème, jusqu’alors lancinant dans l’enseignement subventionné, puisque mis en disponibilité le membre du personnel ne percevait aucun traitement d’attente. Jusque-là, cette problématique était réglée par le statut du personnel laïc des établissements catholiques (cf. supra). Deux règles étaient prescrites dans ce statut :

  • si l’intéressé peut être affecté à des fonctions occupées par un membre du personnel non pourvu d’un engagement définitif, ce dernier doit d’abord être congédié ;
  • dans les autres cas, le pouvoir organisateur maintiendra en service dans les fonctions disponibles en premier lieu celui qui a le plus d’années de service dans l’enseignement, puis celui dont « la condition sociale et familiale est le plus digne d’intérêt ».

136À noter que, pour des raisons pédagogiques, le pouvoir organisateur pouvait déroger à cette seconde disposition. Des dispositions particulières furent ajoutées par certains diocèses.

137Deux articles du statut du 1er février 1993 traitent de cette problématique  [48]. La règle générale est que, dans une fonction déterminée, au sein de l’établissement, lorsqu’un emploi n’est plus subventionnable, le pouvoir organisateur après avoir mis fin aux prestations des temporaires qui exerceraient la même fonction, met en disponibilité le membre du personnel qui a la plus petite ancienneté de service. L’ancienneté est constituée de l’ensemble des services prestés ayant donné lieu à une subvention-traitement. Ce membre du personnel perçoit durant les deux premières années de disponibilité 100% de son traitement, puis 80 et 60%. L’expression « à l’exception de la mise en disponibilité par retrait d’emploi dans l’intérêt du service » que l’on trouve à la deuxième ligne de l’article 69 fait référence à une mesure disciplinaire. En cas d’application de cette mesure, le traitement d’attente est de 50%.

138Pour le surplus, la matière a été renvoyée aux arrêtés du gouvernement de la Communauté française du 28 août 1995. L’élément essentiel à relever est celui-ci : le membre du personnel mis en disponibilité par défaut d’emploi « jouit d’un traitement d’attente calculé sur base des dispositions applicables dans l’enseignement de la Communauté ». Principe d’égalité donc.

2.2. UN STATUT DISCIPLINAIRE

139Le statut disciplinaire est en étroite relation avec les devoirs des membres du personnel et les problèmes d’incompatibilité. C’est en effet en fonction du non-respect de ces obligations imposées au membre du personnel que le pouvoir organisateur pourra être amené à prendre une sanction disciplinaire. Il s’imposait donc dans l’esprit des organisations syndicales d’encadrer cette prérogative des pouvoirs organisateurs sur deux plans :

  • disposer d’un listage des sanctions et une gradation de celles-ci ;
  • assurer les droits de la défense et permettre un éventuel recours auprès d’une instance extérieure au pouvoir organisateur.

140On soulignera tout de suite que le statut disciplinaire ne s’applique qu’au seul personnel engagé à titre définitif (art. 73). En ce qui concerne le personnel temporaire, la seule sanction possible est le licenciement mais les obligations sont les mêmes que pour les membres du personnel engagés à titre définitif (art. 13).

2.2.1. Les devoirs des pouvoirs organisateurs

141Les devoirs des pouvoirs organisateurs sont globalement les mêmes que pour tout employeur privé à savoir :

  • faire travailler le membre du personnel dans les conditions, au temps et au lieu convenus, notamment en mettant à sa disposition les instruments et les matières nécessaires à l'accomplissement du travail ;
  • veiller en bon père de famille à ce que le travail s'accomplisse dans des conditions convenables au point de vue de la sécurité et de la santé du membre du personnel, et que les premiers secours soient assurés à celui-ci en cas d'accident ;
  • payer la rémunération aux conditions, au temps et au lieu convenus ;
  • consacrer l'attention et les soins nécessaires à l'accueil des membres du personnel, et en particulier des jeunes membres du personnel ;
  • apporter les soins d'un bon père de famille à la conservation des instruments de travail appartenant aux membres du personnel. Il n'a en aucun cas le droit de retenir ces instruments de travail ;
  • traiter avec dignité et courtoisie les membres du personnel. Les membres du pouvoir organisateur et leurs délégués s'abstiennent de toute attitude verbale ou non verbale qui pourrait compromettre cette dignité. Ils s'abstiennent de tout acte de harcèlement (art. 9).

142L’article 10 stipule que lorsque le contrat prend fin, le pouvoir organisateur a l'obligation de délivrer au membre du personnel tous les documents sociaux.

143L’article 11, assez étrangement, traite non pas d’une obligation du pouvoir organisateur mais d’un droit du membre du personnel : « A droit à la subvention-traitement qui lui serait revenue s'il avait pu accomplir normalement sa tâche journalière, le membre du personnel apte à travailler au moment de se rendre au travail :

  • qui, se rendant normalement à son travail, ne parvient qu'avec retard ou n'arrive pas au lieu de travail pourvu que ce retard ou cette absence soit dû à une cause survenue sur le chemin du travail et indépendante de sa volonté ;
  • qui, hormis le cas de grève, ne peut, pour une cause indépendante de sa volonté, soit entamer le travail, alors qu'il s'était rendu normalement sur les lieux du travail, soit poursuivre le travail auquel il était occupé. »

144Même chose pour l’article 12 : les membres du personnel ont le droit de s'absenter du travail, avec maintien de leur rémunération normale, à l'occasion d'événements familiaux, pour l'accomplissement d'obligations civiques ou de missions civiles, et en cas de comparution en justice.

145En fait, cela signifie que le pouvoir organisateur, dans ces cas précis, doit considérer le membre du personnel comme en activité et le signaler comme tel auprès de la Communauté pour l’obtention de la subvention-traitement.

146Lors des négociations sur le statut de l’enseignement libre, les pouvoirs organisateurs avaient, semble-t-il, le souci de limiter au maximum leurs propres obligations. Comme le souligne André Lacroix : « Au cours de la concertation intersyndicale de la fin d’été 1991, les représentants du SEL ont fait remarquer que la promulgation du statut allait nous priver du bénéfice de nombreuses dispositions protectrices  [49] qui ne trouvent leur source que dans la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail… C’est ainsi que s’explique, dans le décret, la présence des articles 5 à 12  [50]. »

147On notera en passant que le statut de la Communauté est muet sur d’éventuelles obligations qui lui incombent.

2.2.2. Les devoirs des membres du personnel

148Le décret stipule en son article 13 que « les membres du personnel doivent, en toutes occasions, avoir le souci constant des intérêts de l’enseignement où ils exercent leurs fonctions ».

149Dans l’exercice de leurs fonctions, les membres du personnel accomplissent personnellement et consciencieusement les obligations qui leur sont imposées par les lois, décrets et règlements, par les règles complémentaires de la commission paritaire compétente, par le règlement de travail et par le contrat d’engagement » (art. 14).

150Dans l’enseignement catholique, le contrat d’engagement comporte des obligations complémentaires stipulées dans des documents annexés au contrat d’engagement et considérés comme constitutifs de ce contrat : le projet pédagogique de l’établissement, Spécificité de l’enseignement catholique (devenu en 1995 Mission de l’école chrétienne) et le Règlement général du personnel de l’enseignement catholique  [51].

151Dans sa version du 7 juillet 1975 et qui est celle jointe aux contrats d’engagement, Spécificité de l’enseignement catholique relève que « la mission d’enseigner n’est pas conçue comme une simple transmission de connaissances, mais aussi comme un témoignage vécu de valeurs fondamentales, l’enseignant doit se rendre compte que sa vie privée peut avoir un impact sur sa relation pédagogique avec les jeunes  [52] ». Les organisations syndicales soulignent toute l’ambiguïté de ce document par rapport au décret. Alors que celui-ci tend à rapprocher les conditions d’engagement et de carrière du personnel de l’enseignement libre subventionné de celles de l’enseignement organisé par la Communauté française, les pouvoirs organisateurs ajoutent aux conventions d’engagement des clauses supplémentaires en vue de maintenir la spécificité de leur réseau. Ces clauses sont exprimées dans des termes extrêmement peu précis et pouvant donner lieu à des interprétations où l’arbitraire et la subjectivité peuvent être appelés à jouer leur rôle.

152Des clauses supplémentaires sont imposées contractuellement en matière de prestation : dans sa version de 1977, ce Règlement général prescrivait que « le bon fonctionnement de l’école peut exiger de la part du personnel directeur, enseignant, auxiliaire d’éducation et paramédical certaines prestations pendant les vacances de Noël, de Pâques et d’été (…). Le tableau des prestations (…) est établi en concertation avec la délégation syndicale selon un roulement qui tient compte, dans la mesure du possible, des possibilités concrètes des intéressés, de la nature de leur fonction, du volume de leurs prestations et des travaux qu’ils peuvent faire à l’école, et en veillant à la répartition équitable des charges ». Et de baliser ces prestations : quatre jours pour le personnel de sélection, douze jours pour le personnel auxiliaire d’éducation dans des fonctions de sélection et neuf dans des fonctions de recrutement, 3 pour le personnel enseignant dans des fonctions de recrutement. Dans la version de 1993 adaptée au nouveau décret, et annexée aux contrats d’engagement, l’obligation faite au personnel enseignant étant de toute évidence en contradiction avec l’arrêté royal du 15 janvier 1974, les enseignants ne sont plus qu’invités à participer à ces prestations. Mais il est des invitations qui se refusent très difficilement encore de nos jours. La FIC et la CGSP-Enseignement devaient ultérieurement parachever la protection contre les abus en matière de prestations dans l’enseignement fondamental en faisant adopter le décret de juillet 1998 qui fixe en outre de manière égale pour tous les réseaux les prestations des membres du personnel.

153Plus tard, quelques jours après l’adoption du décret, le SNEC a proposé aux membres du personnel des avenants à leurs contrats ; le SEL-SETCa, s’est dès lors lancé dans une campagne pour dissuader les personnes engagées de les accepter, précisant, le 25 février 1993, que « les documents contractuels présentés actuellement par le SNEC aux pouvoirs organisateurs contiennent des clauses abusives, confuses ou inutiles et font référence à des documents inacceptables par leur imprécision juridique comme le document Spécificité de l’Enseignement catholique et le Règlement général de travail proposé ». Le SEL-SETCa estimait que ces matières sont de la compétence exclusive des commissions paritaires. Elles n’étaient pas encore installées à l’époque. En effet, comme le stipule l’article 91, il revenait à l’exécutif d’instituer ces commissions paritaires, c’est-à-dire de prendre des arrêtés d’exécution. Mais le SNEC s’est toujours refusé à traiter de cette problématique en commissions paritaires par la suite. Il y avait non seulement divergence de vue entre le SEL-SETCa et le SNEC mais aussi sur le banc syndical. C’est ainsi que, dans un communiqué commun, les trois centrales chrétiennes estiment que « le texte du statut suffit à lui-même, puisqu’il y a hiérarchie de source de droit, à annuler toute disposition qui serait contraire au statut. Si les textes dénoncés par le SEL comportaient une clause contractuelle contraire, elle serait donc nulle  [53]. »

154Citons les autres aspects du régime disciplinaire.

155Les membres du personnel sont tenus à la correction la plus stricte tant dans leurs rapports de service que dans leurs rapports avec le public et avec les parents d’élèves. Ils doivent s’entraider dans la mesure où l’exige l’intérêt de l’établissement. Ils doivent éviter tout ce qui pourrait compromettre l’honneur ou la dignité de leur fonction (art. 15).

156Ils ne peuvent utiliser les élèves à des fins de propagande politique ou commerciale (art. 16).

157Ils doivent fournir, dans les limites fixées par la réglementation, par les règles complémentaires de la commission paritaire compétente et par le contrat d’engagement, les prestations nécessaires à la bonne marche des établissements où ils exercent leurs fonctions (art. 17 al. 1).

158À remarquer que cette notion de « prestations nécessaires à la bonne marche des établissements » a fait l’objet de nombreuses difficultés dans les établissements scolaires, certains pouvoirs organisateurs y voyant l’occasion d’imposer, en réalité, des prestations « complémentaires » telles que études, inscriptions durant les vacances, etc.

159Les membres du personnel ne peuvent suspendre l’exercice de leur fonction sans autorisation préalable du pouvoir organisateur (art. 17 al.2).

160Ils ne peuvent révéler les faits dont ils auraient eu connaissance en raison de leurs fonctions et qui auraient un caractère secret (art. 18).

161Ils ne peuvent solliciter, exiger ou accepter directement ou par personne interposée, même en dehors de leurs fonctions, mais à raison de celles-ci, des dons, cadeaux, gratifications ou avantages quelconques (art. 19).

162Ils ne peuvent se livrer à aucune activité qui est en opposition avec la Constitution et les lois du peuple belge, qui poursuit la destruction de l’indépendance du pays ou qui met en danger la défense nationale ou l’exécution des engagements de la Belgique en vue d’assurer sa sécurité. Ils ne peuvent adhérer, ni prêter leur concours à un mouvement, groupement, organisation ou association ayant une activité de même nature. L’exercice des droits de la citoyenneté belge ou européenne que possèdent les membres du personnel est toujours respecté (art. 20).

163Les membres du personnel doivent respecter les obligations fixées par écrit dans le contrat d’engagement, qui découlent du caractère spécifique du projet éducatif de l’établissement d’enseignement dans lequel ils exercent leurs fonctions (art 21).

164Qu’en est-il dans le statut de la Communauté française ?

165Dans l’enseignement organisé par la Communauté française, les devoirs des membres du personnel sont sensiblement libellés dans les mêmes termes. Ainsi en est-il de la correction la plus stricte à adopter dans leurs rapports, de l’entraide à laquelle ils sont tenus, de l’obligation qui leur est faite de ne pas compromettre l’honneur ou la dignité de leur fonction, d’effectuer les prestations nécessaires à la bonne marche de l’établissement, etc. Deux obligations lui sont spécifiques : avoir le souci constant des intérêts de l’État et de son enseignement  [54] et respecter la neutralité de cet enseignement dans l’exercice de leurs fonctions  [55]. En quelque sorte, l’équivalent, en termes de spécificité, de l’enseignement public. On peut donc estimer que le statut de l’enseignement libre subventionné est au plus près de celui du réseau de la Communauté en ce qui concerne les obligations des membres du personnel.

2.2.3. Les incompatibilités

166L’incompatibilité est définie comme « toute occupation qui serait de nature à nuire à l’accomplissement des devoirs de sa fonction ou contraire à la dignité de celle-ci » (art. 22). Rappelons que cette formulation n’a été acquise que très tard, en juillet 1992, sur la pression du seul SEL-SETCa.

167L’article 23 dispose que le pouvoir organisateur, en cas de constatation d’une incompatibilité, peut demander l’avis de la commission paritaire compétente, laquelle émet son avis dans les 30 jours de la réception de la demande.

168Ces articles rencontraient les préoccupations de l'enseignement libre catholique, de même que l’article 24, qui détermine comme incompatible « toute occupation qui serait de nature à nuire au caractère spécifique du projet éducatif (…) » et que l’article 25, qui précise que les incompatibilités sont prononcées au contrat d'engagement. À ce jour, il ne nous a pas été donné d’avoir connaissance de contrats d’engagement où cela figurait en toutes lettres. Mais on verra un peu ci-après que si ces dispositions ne figurent pas en toutes les lettres, elles semblent cependant bien présentes en filigrane.

169L’article 26 met en place les droits de la défense : se voir notifier par lettre recommandée qu’on se trouve dans une occupation incompatible avec la fonction ou le projet éducatif du pouvoir organisateur ; le membre du personnel a la possibilité de « se prémunir contre tout risque de voir mettre un terme à son contrat en établissant qu’il n’exerce plus l’occupation qu’il lui est fait grief d’avoir eue ». Sauf s’il introduit « dans le mois un recours devant le tribunal du travail ou une demande à la commission paritaire », la notification met fin au contrat. Dans l’attente d’une décision du tribunal du travail ou d’un avis de la commission paritaire, le membre du personnel peut être mis en suspension préventive, c’est-à-dire, écarté de sa fonction à demi-solde. Le pouvoir organisateur est tenu de rendre sa décision finale dans « le mois qui suit l’avis de la commission paritaire ou le jugement du tribunal du travail ». À ce jour, toutefois, et à notre connaissance, aucune demande allant en ce sens n’a été évoquée en commission paritaire. Il y a donc tout lieu de croire que le compromis obtenu a porté les fruits qu’il était censé produire.

170On a vu dans la première partie que le respect de la vie privée a constitué un enjeu important tout au long du processus d’élaboration du décret. L’article 27, faisant l’objet d’une section à lui seul, traite de la protection de la vie privée : « Le droit du pouvoir organisateur d’organiser un enseignement engagé est garanti, sans pour autant restreindre la protection de la vie privée des membres du personnel. » Il s’agissait aussi de prendre en compte deux grands principes de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, à savoir, d’une part, l’article 9 garantissant le droit à organiser un enseignement engagé et, d’autre part, l’article 8 garantissant la protection de la vie privée.

171La définition de l’incompatibilité ci-dessus évoquée semble aller de soi et en tout cas découler directement du devoir imposé au membre du personnel de ne pas porter atteinte à la dignité et à l’honneur de sa profession. On mesurera mieux la difficulté de baliser correctement la frontière entre la vie privée et la vie professionnelle en se remémorant la récente affaire d’incompatibilité dans une école communale à Marbaix, où une institutrice avait posé dans une revue pornographique ; reconnue par un parent d’élève, celle-ci avait été entendue par son pouvoir organisateur et avait démissionné. D’aucuns estimaient que ces faits relevaient de la vie privée et n’avaient en eux-mêmes aucune répercussion sur la relation pédagogique de l’institutrice avec ses élèves, auxquels bien évidemment la revue n’était pas destinée.

172Si cette question est encore sujette à controverse aujourd’hui, rappelons qu’il en fut de même tout au long des diverses versions du projet de statut, jusqu’à ce que le SNEC concède au SEL-SETCa la substitution du terme « occupation » au terme « situation ». Certains ont estimé qu’il s’agissait là d’une victoire à la Pyrrhus en ceci que, finalement, cet aboutissement serait dû à la seule évolution naturelle des mentalités. D’autres mettent l’accent sur le fait que les mentalités n’évoluent pas d’elles-mêmes spontanément. Les procès intentés majoritairement par les centrales de l’enseignement de la CSC après ceux soutenus par l’APPEL ont eu leur part de responsabilité dans l’évolution des mentalités ; cela correspondait à l’appréciation que faisait la CSC-Enseignement de l’attitude du SNEC, pour elle pure gesticulation, le droit européen prévalant sur les textes contestés. Les multiples tentatives de statut, toutes avortées du fait des recours introduits par le SEL-SETCa auprès du Conseil d’État, ont aussi pesé dans cette évolution. Par ailleurs, sans doute y eut-il aussi à l’intérieur des structures de l’enseignement catholique des acteurs ou des courants de pensées qui ont accompagné cette évolution.

173Terminons ce chapitre par une réflexion sur les incompatibilités. Celles-ci, comme nous l’avons indiqué ci-dessus, sont déterminées dans le contrat d’engagement. Elles sont en fait prononcées, dans l’enseignement catholique, dans la référence faite par le contrat d'engagement au projet éducatif décrit dans le document Mission de l'École chrétienne, qui s'exprime de cette manière dans sa deuxième partie sous le sous-titre « À la lumière de l'Évangile »: « Les membres du personnel de l'établissement collaborent loyalement au projet selon la tâche propre à chacun. Pour poursuivre ensemble une action cohérente, ils ont à cœur de faire vivre dans leurs propos, leurs attitudes, leurs modes de relation l'esprit qui anime ce projet. Si tous ne peuvent partager de l'intérieur les convictions qui l'inspirent, tous le respecteront, accepteront qu'il se développe. Chacun restera attentif aux questions et aux convictions d'autrui. » Il est à remarquer qu’il s’agit là de recommandations peu invocables dans un conflit de travail, sauf dans des situations extrêmes.

174Qu’en est-il, enfin, des incompatibilités dans le statut de l’enseignement de la Communauté française ?

175Les incompatibilités y sont aussi définies comme dans le statut de l’enseignement libre. Mais le texte va plus loin : il définit comme incompatible avec la qualité de membre (de l’État) de la Communauté tout mandat ou service, même gratuit, dans les affaires privées à but lucratif. De même que toute occupation exercée, soit par le conjoint, soit par personne interposée, qui serait contraire à la dignité de la fonction du membre du personnel intéressé. Ces incompatibilités sont typiques de la fonction publique.

2.2.4. Les sanctions

176Ce chapitre s’ouvre par la liste de sanctions pouvant être encourues par des « membres du personnel engagés à titre définitif qui manquent à leurs devoirs » (art. 73):

  • le rappel à l’ordre ;
  • la retenue sur traitement ;
  • la suspension par mesure disciplinaire ;
  • la mise en disponibilité par mesure disciplinaire ;
  • le licenciement pour faute grave.

177Si les sanctions ci-dessus énumérées ont été classées par le législateur par ordre croissant de gravité, rien n’oblige un pouvoir organisateur à en suivre la gradation. Pour des faits similaires, on a vu en chambre de recours des propositions de sanction allant du simple rappel à l’ordre à des suspensions par mesure disciplinaire. Progressivement d’ailleurs, les pouvoirs organisateurs ont eu tendance à proposer des sanctions lourdes, les chambres de recours ayant au contraire tendance à les diminuer. En ce qui concerne les professeurs de religion, l’accord de l’autorité du culte est requis. L’article 74 instaure une procédure visant à assurer les droits de la défense :

  • notification préalable au membre du personnel ;
  • possibilité d’introduire un recours auprès de la chambre de recours compétente dans un délai de 20 jours ; en cas de recours, suspension de la procédure ;
  • la chambre de recours entend le membre du personnel et les représentants du pouvoir organisateur qui peuvent se faire assister ou représenter l’un et l’autre ;
  • la chambre de recours donne un avis motivé dans les 90 jours à partir de la date de réception de la demande de recours ;
  • le pouvoir organisateur mentionne, s’il échet, les raisons pour lesquelles il n’a pas suivi l’avis de la chambre de recours.
Comme on le constate, la chambre de recours ne fait qu’émettre un avis.

178Les articles 75 à 79 suivants traitent de la durée des sanctions et de la radiation des peines. Ainsi :

  • la retenue sur traitement : un mois au moins et trois mois au plus avec un maximum d’un cinquième du dernier traitement brut d’activité ou d’attente ;
  • la suspension par mesure disciplinaire : un an au maximum ; le membre du personnel est éloigné de sa fonction et perçoit la moitié de son dernier traitement brut d’activité ;
  • la mise en disponibilité par mesure disciplinaire : entre un an minimum et cinq ans maximum. Éloigné de sa fonction, le membre du personnel perçoit durant les deux premières années un traitement d’attente égal à la moitié du traitement d’activité avec la garantie pour la suite que le traitement d’activité, sans pouvoir dépasser ce taux, sera aligné sur la pension à laquelle ce dernier aurait droit s’il était mis à la pension prématurée. À la moitié de sa peine, le membre du personnel peut demander sa réintégration.

179La retenue sur traitement ou l’attribution d’un traitement d’attente ne peut avoir pour conséquence que le traitement du membre du personnel soit ramené à un montant inférieur au montant des allocations de chômage auxquelles le membre du personnel aurait eu droit s’il bénéficiait du régime de sécurité sociale des travailleurs salariés.

180En ce qui concerne les radiations des peines :

  • un an pour le rappel à l’ordre et le blâme ;
  • trois ans pour la retenue sur traitement ;
  • cinq ans pour la suspension disciplinaire ;
  • sept ans pour la mise en disponibilité par mesure disciplinaire.

181La radiation de la peine a pour conséquence qu’il ne peut plus être tenu compte de la peine disciplinaire radiée, notamment pour les droits à une fonction de sélection, de promotion, ni lors de l’attribution de l’évaluation faite après la radiation. La peine radiée est supprimée du dossier du membre du personnel.

182Les articles 80 à 86 traitent du fonctionnement de la chambre de recours.

183Le « catalogue » des peines est plus substantiel ici qu’en Communauté française. On peut cependant affirmer que, hormis la réprimande, le déplacement disciplinaire et la rétrogradation, celui de l’enseignement libre subventionné s’en est largement inspiré.

184Les sanctions sont les suivantes :

  • le rappel à l’ordre ;
  • la réprimande ;
  • la retenue sur traitement ;
  • le déplacement disciplinaire ;
  • la suspension disciplinaire ;
  • la rétrogradation ;
  • la mise en non-activité disciplinaire ;
  • la révocation.

185En ce qui concerne la durée des peines, hormis les deux spécifiques au réseau de la Communauté française, les durées et la radiation sont similaires.

186Quant aux chambres de recours, elles fonctionnent sur un mode similaire à celui du réseau libre confessionnel.

2.2.5. La suspension préventive

187Le régime disciplinaire comporte enfin une mesure administrative, la suspension préventive, souvent liée à une procédure de sanction disciplinaire. Quand un membre du personnel fait l’objet de poursuites judiciaires ou qu’un recours est introduit par lui contre la constatation d’une incompatibilité, il peut faire l’objet d’une telle mesure « si l’intérêt du service ou de l’enseignement le requiert » (art. 87 § 1). Cette suspension a pour effet d’éloigner le membre du personnel de sa fonction. S’il s’agit d’une suspension suite à des poursuites pénales ou des poursuites disciplinaires en fonction de faits graves pour lesquels il y a flagrant délit, il y a réduction de traitement à la moitié du traitement d’activité. Lorsque la durée de la suspension disciplinaire est inférieure à la durée de la suspension préventive, le membre du personnel récupère la totalité de son traitement dès la fin de la période de suspension disciplinaire.

188Cette mesure s’applique de manière identique en Communauté française.

2.3. CONCLUSION

189Notre propos, en début de chapitre était d’exposer les grands traits du statut de l’enseignement libre subventionné en le comparant à celui du réseau de l’enseignement de la Communauté, au travers de deux principes découlant de la loi du Pacte scolaire : un statut de stabilité de l’emploi et un régime disciplinaire. Il s’agissait aussi d’évaluer en quoi les pouvoirs organisateurs avaient pu d’une part conserver un maximum de leurs prérogatives et, d’autre part, là où ils avaient dû céder du terrain aux organisations syndicales, contre quoi ils avaient pu, en quelque sorte, échanger cette perte d’autonomie.

190Très clairement, au niveau du statut de stabilité, les avancées obtenues par les organisations syndicales, eu égard au statut de la Communauté française, restèrent malgré tout toute relatives. Certes, elles obtinrent que le membre du personnel puisse faire valoir une ancienneté de 240 jours, comme à la Communauté, mais sans possibilité de classement. Et même une « ancienneté réseau » de 480 jours avec obligation pour le pouvoir organisateur de puiser dans la priorité 240 jours avant celle de 480 jours. Certes, tout préavis devait être motivé, et l’avis de la chambre de recours était exigé en cas de licenciement d’un temporaire prioritaire, rejoignant en cela la pratique dans le réseau d’enseignement de la Communauté. Mais rien n’indiquait a priori qu’une motivation en ce cas d’espèce fût positive pour le membre du personnel. Par ailleurs, la chambre de recours n’émettait que des avis non contraignants. Enfin, au niveau des fonctions de sélection et de promotion, la liberté d’engagement des pouvoirs organisateurs restait quasi entière même si quelques limites étaient imposées par le législateur. Il n’y avait non plus aucune réelle obligation pour un pouvoir organisateur de procéder à un engagement à titre définitif sinon celle de préférer un membre du personnel ayant une ancienneté de 720 jours sur un membre du personnel n’ayant pas cette ancienneté. En ce qui concerne l’engagement à titre définitif du personnel de sélection et de promotion, on ne trouve ni obligation d’une forme quelconque d’évaluation, ni de formations en rapport avec leur charge.

191Là où, sans doute, les organisations syndicales ont obtenu de se rapprocher le plus du statut de la Communauté française, c’est au niveau du régime disciplinaire : les sanctions sont sensiblement les mêmes et leur application aux membres du personnel très similaires. C’est sans doute au plan des incompatibilités et donc au respect de la vie privée que les avancées furent pour elles les plus significatives.

192Les pouvoirs organisateurs et significativement le SNEC, se sont satisfaits de la garantie de pouvoir organiser un enseignement engagé. En fait, point n’était besoin de le faire figurer dans un décret : cette faculté leur était déjà assurée par la Constitution comme l’était d’ailleurs la protection de la vie privée. Mais une confirmation n'était peut-être pas inutile à prendre, du point de vue du SNEC, dans un texte issu d'une négociation avec un adversaire de cette garantie d’organiser un enseignement engagé : le SEL-SETCa. C'était un acte symbolique. Les pouvoirs organisateurs étaient par ailleurs fondés de penser que mieux valait un régime disciplinaire vérifié par des chambres de recours que des procès onéreux devant les tribunaux. En cela, et les organisations syndicales et les pouvoirs organisateurs y ont trouvé leur compte à l’usage.

3. L’ÉVOLUTION ULTÉRIEURE DU STATUT

193Le décret va subir des modifications nombreuses au fil du temps. Il s’agit parfois de simple toilettage de texte, mais aussi de modifications fondamentales du point de vue de l’approche qu’avaient les uns et les autres des concepts d’égalité et de légalité.

194Une tentative de réforme eut lieu durant l’hiver 1997-1998 quand la ministre socialiste L. Onkelinx envisagea de limiter le nombre des nominations dans l’enseignement obligatoire par mesure d’économie. Le SeGEC et la CSC-Enseignement  [56] eurent alors des contacts discrets avec le cabinet de la ministre en vue d’élaborer des propositions de réforme du classement des temporaires (par tranches de 360 jours) pour leur garantir une forme de priorité en attendant l’engagement à titre définitif. Le SEL-SETCa, mis au courant, la dénonça à la presse le 10 février 1998. Le projet fut abandonné, la ministre affirmant que le contingement n’était pas dans ses projets.

195Le 29 novembre 1999, le SEL-SETCa prend l’initiative de proposer des modifications du statut à Yvan Ylieff, devenu ministre de la Fonction publique au gouvernement de la Communaté française depuis l’été dans la nouvelle majorité arc-en-ciel. Les objectifs du SEL-SETCa étaient de créer une priorité au jour près pour les temporaires, d’organiser l’accès au dossier disciplinaire, de lutter contre le harcèlement moral, de responsabiliser les autorités du culte vis-à-vis des professeurs de religion, de transformer les emplois de direction en mandats de cinq ans renouvelables.

196Des contacts informels ont lieu en décembre entre le SEL-SETCa et la CSC-Enseignement d’une part, le SEL-SETCa et le service juridique du SeGEC d’autre part. Le SEL-SETCa publie ses propositions le 24 janvier 2000. Des réactions virulentes de certaines associations de directeurs de l’enseignement catholique s’ensuivent. Ils exigent d’être présents lors d’éventuelles négociations. Le ministre Ylieff ayant été remplacé au bout de quelques mois, ce projet ne put être finalisé.

197Dans les semaines qui suivent des concertations se déroulent entre la CSC-Enseignement et le SEL-SETCa dans un climat de confiance. Le travail se poursuivra lentement entre partenaires sociaux entre le début 2000 et la fin 2002.

198À l’issue des négociations que l’on examinera plus en détail ci-après, des modifications plus significatives pourront être apportées au statut. Elles concerneront les deux chapitres qui retiennent particulièrement notre attention au cours de la présente étude : la stabilité de l’emploi et le régime disciplinaire. La notion de priorité va non seulement se rapprocher un peu plus encore de celle pratiquée dans l’enseignement de la Communauté française, mais aussi s’élargir, au-delà du seul pouvoir organisateur, au niveau des entités dans l’enseignement fondamental et des centres d’enseignement secondaire (CES) dans l’enseignement secondaire. Si l’on perçoit tout de suite combien les organisations syndicales étaient demandeuses, en quoi les fédérations de pouvoirs organisateurs y ont-elles trouvé leur compte ? L’on verra que les négociations se sont tenues dans un contexte lié aux avantages sociaux et au décret de la Saint-Boniface qui accordait tant à l’enseignement subventionné libre qu’officiel un accroissement très significatif de leur subventionnement, les rapprochant au plus près de la dotation accordée au réseau de la Communauté française. La manière dont ils appréhendent le concept d’égalité s’en trouvait donc satisfaite.

3.1. LE DÉROULEMENT DES NÉGOCIATIONS

199Ce sont les commissions paritaires centrales de l’enseignement libre confessionnel et non confessionnel qui vont œuvrer aux modifications substantielles du statut. Elles ont été créées par deux arrêtés de l’exécutif de la Communauté française du 18 février 1993  [57]. Elles sont composées d’un président (un conciliateur social fédéral), deux secrétaires (choisis parmi le personnel de l’administration de la Communauté française), six représentants des pouvoirs organisateurs (SeGEC dans l’enseignement libre confessionnel et Fédération des établissements libres subventionnés indépendants (FELSI) dans l’enseignement libre non confessionnel) et six représentants des organisations syndicales répartis comme suit : trois mandats pour la CSC-Enseignement, deux pour le SEL-SETCa et unpour l’APPEL dans l’enseignement libre confessionnel ; dans l’enseignement libre non confessionnel, la composition est similaire en ce qui concerne CSC-Enseignement et APPEL mais le SEL-SETCa a un mandat et la CGSP-Enseignement (historiquement présente dans cet enseignement) un mandat. Il est à noter, et ce n’est pas sans conséquence pour la bonne compréhension de ce qui va suivre, que les commissions paritaires n’ont pas dans leurs compétences mission de faire des propositions au gouvernement. Elles fonctionneront donc essentiellement en groupe de travail, mais il va de soi qu’elles sont pour le gouvernement, lorsque celui-ci sollicite leurs propositions, un lieu privilégié de discussion.

200Lors des contacts préliminaires de la CSC-Enseignement avec le cabinet ministériel, nous rapporte cette dernière, les deux ministres concernés s’étaient engagés à trancher en cas de désaccord en commission paritaire centrale. Cette menace sur le libre déroulement des négociations mit le SNEC fort mal à l’aise.

201Willy Taminiaux (PS), ministre ayant en charge les statuts rapidement remplacé par le Rudy Demotte (PS), demande aux commissions paritaires de faire des propositions de modification au statut. Les négociations vont s’échelonner de mai 2000  [58] à décembre 2002. Les travaux vont tout d’abord se dérouler de manière séparée, puis, au fur et à mesure qu’ils progresseront, de manière conjointe.

202Dans un premier temps, la CGSP n’est pas favorable à ce que lesdites commissions paritaires élaborent des propositions de modifications, au motif qu’elles n’ont pas reçu cette compétence dans le statut  [59]. À ce moment, le débat porte sur le fait de tenir des réunions communes des deux commissions paritaires avec la même commission paritaire dans l’enseignement libre confessionnel, c’est-à-dire évidemment en présence du SeGEC. Le problème, semble-t-il, était une question de frontières idéologiques mais aussi de rapport de forces, le poids du SeGEC étant autrement plus imposant que celui de la FELSI eu égard au nombre d’établissements organisés par l’enseignement catholique. Finalement les commissions paritaires se réuniront ensemble, jusqu’à la fin des négociations, en groupe de travail, les conclusions repassant de manière formelle par les commissions en tant que telles.

203A priori, le SeGEC n’était pas demandeur, ni la FELSI. Rencontré par la CSC-Enseignement, tout d’abord par la FIC, puis par les centrales du secondaire, de manière informelle quelque temps avant le début des négociations, le chanoine A. Beauduin, directeur général du SeGEC, avait finalement écrit aux organisations syndicales  [60] :

204

« L’ARPOEC nous autorise, effectivement, à mettre en débat les propositions que les organisations syndicales voudraient mettre sur la table. Elle veut entendre rapport sur le contenu des négociations et ne nous autorise pas à préjuger du résultat. Pour notre part, nous souhaitons que soient également mis en discussion les points suivants :
  • période d’essai ;
  • délai de l’accès à la priorité ;
  • modalité de l’évaluation du personnel qui porte effet sur la carrière sans entrer dans le dispositif disciplinaire ;
  • allégement de la procédure pour les sanctions légères, pour les rappels à l’ordre et le blâme ;
  • … »

205Et A. Beauduin de conclure : « En cette affaire, comme en d’autres, le succès dépendra de la qualité des relations entretenues entre les parties, ce qui n’est pas toujours évident. »

206Les négociations prendront un certain temps, les divergences d’appréciation des uns et des autres, cabinet compris, étant parfois importantes. Le cabinet n’est pas représenté dans les réunions de commission paritaire, mais le président de celle-ci le tient courant de l’évolution des débats. En outre, le gouvernement met à disposition des commissions paritaires un référendaire (un juriste) qui, à la demande de la commission, est à même d’éclairer celle-ci sur les répercussions juridiques possibles de décisions prises. Lors des réunions de commission paritaire, trois fonctionnaires de l’administration seront présents. Sans oublier les contacts formels et informels des uns et des autres avec ledit cabinet.

207La négociation commence d’abord officieusement entre la CSC-Enseignement et le SEL-SETCa. L’APPEL n’y est conviée officiellement qu’un peu plus tard. Cette alliance entre la CSC-Enseignement et le SEL-SETCa a de quoi surprendre car l’opposition entre les deux organisations avait été forte durant la période de négociation précédent l’adoption du décret de 1993  [61]. Entre-temps, les tensions s’étaient apaisées et une franche collaboration s’est instaurée entre elles, entre autres en commission paritaire de l’enseignement fondamental libre confessionnel dans le dossier de la participation dans les écoles fondamentales. Collaboration qui donnera le jour aux instances de concertation locale (ICL), l’équivalent des conseils d’entreprise et des conseils pour la prévention et la protection au travail dans les écoles trop petites pour devoir organiser ces structures  [62].

208La revendication principale des organisations syndicales concernait les questions des priorités. Elles souhaitaient établir le droit à une priorité au jour près pour l’ancienneté auprès du pouvoir organisateur et par tranches en ce qui concerne la priorité au niveau des entités et des centres d’enseignement secondaire. Pour le reste, elles avançaient chacune des revendications propres. Le cabinet, qui rencontrera formellement les partenaires sociaux au printemps 2002 restera, de bout en bout, très attentif à ce que des modifications proposées n’aient pas de répercussion sur les autres statuts. Ainsi, par exemple, est-il opposé à ce que le volet concernant la mise en disponibilité et la réaffectation, traité à ce jour via des arrêtés d’exécution, ne figure dans un décret portant statut. L’idée du gouvernement était d’élaborer un décret à ce sujet, qui intègrerait les différents réseaux. À ce jour, cela n’a toujours pas abouti et n’est, semble-t-il, plus à l’ordre du jour. De même, les organisations syndicales souhaitaient que les titres et fonctions puissent également figurer dans le statut, ce qui leur fut refusé par le cabinet en raison des différences parfois notoires entre réseaux à ce sujet. Une proposition de réforme des titres et fonctions est attendue dans les mois à venir dans le cadre du Contrat pour l’école.

209Les négociations semblent s’enliser jusqu’à ce que l’ARPOEC dépose, auprès du président des commissions paritaires de l’enseignement libre subventionné, Jean-Louis Richard, une proposition de texte « cohérent et intégrant dans un même texte notamment tant les dispositions qui devraient demeurer que celles révisées selon leur approche  [63] ». L’ARPOEC rejoint le calendrier proposé par le CSC-Enseignement, qui souhaitait que le gouvernement de la Communauté française soit saisi de la révision projetée pour le premier novembre 2001, ce qui permettrait l’entrée en vigueur, après le cheminement législatif, au 1er septembre 2002.

210L’initiative de l’ARPOEC va accélérer le processus. Deux semaines plus tard, les positions des uns et des autres sont clarifiées  [64]. En effet, des propositions patronales étant désormais disponibles et explicitement formulées, les partenaires syndicaux se trouvaient quasi dans l’obligation de préciser les leurs. C’est chose faite le 4 octobre 2001, les organisations syndicales élaborant une « version comparative » en trois colonnes : « projet organisations syndicales », « projet pouvoirs organisateurs » et « fruits de la discussion », c’est-à-dire fruits des contacts formels et informels entretenus avec les représentants de l’ARPOEC.

211Quelles sont les positions de départ des uns et des autres et les points sur lesquels il semble y avoir consensus, à tout le moins en regard des deux aspects que nous développons ici : un statut de stabilité (les priorités statutaires) et un statut disciplinaire ?

212En ce qui concerne le classement des temporaires prioritaires, les organisations syndicales souhaitent qu’on en reste au texte original du statut, soit faire valoir 360 jours d’ancienneté de service mais en y ajoutant que « les désignations se font dans le respect du classement », soit au jour près. Les pouvoirs organisateurs, quant à eux, se positionnent pour un classement en trois catégories et développent ce qui constituera in fine l’article 29quater, c’est-à-dire un listage de ce que « peut » et de ce que « doit » faire le pouvoir organisateur lorsqu’il a un emploi à attribuer. Ce point sera développé ci-après dans la partie consacrée à la dévolution des emplois.

213Toujours en ce qui concerne les emplois vacants à attribuer, les organisations syndicales demandent que le pouvoir organisateur communique annuellement la liste des emplois vacants aux membres du personnel concerné, suivant les modalités fixées par l’organe de démocratie sociale propres à l’enseignement. Il s’agit pour elle de contrôler si les priorités ont bien été respectées. Elles obtiendront gain de cause : ces listes seront communiquées aux membres du personnel concerné et aux organes de démocratie sociale, mais le pouvoir organisateur restera maître du jeu en ce qui relève des modalités pratiques.

214En ce qui concerne les priorités au niveau des entités et des centres d’enseignement secondaires, les organisations syndicales souhaitent un classement, les pouvoirs organisateurs disant s’accommoder d’une simple référence à ce que ces désignations s’effectuent en ORCE  [65] et dans « un organe de concertation à instituer au niveau des CES ». Les organisations syndicales les convaincront finalement de la nécessité d’un tel classement (en fait en échange d’un nouveau classement au sein du pouvoir organisateur) et l’organe de concertation au sein des CES sera mis en place : l’ORCES  [66]. Par ailleurs, il est convenu entre partenaires de réduire de moitié le nombre de CES : d’une centaine on passera à une cinquantaine.

215Les pouvoirs organisateurs auraient souhaité pouvoir être dispensés de l’obligation de solliciter l’avis de la chambre de recours avec l’accord du membre du personnel en cas de licenciement d’un temporaire prioritaire dans un emploi vacant ; les organisations syndicales refusèrent, invoquant les pressions qui pouvaient être exercées sur un membre du personnel pour qu’il renonce librement à l’exercice d’un droit.

216En ce qui concerne le régime disciplinaire, les pouvoirs organisateurs étaient avant tout intéressés par la possibilité d’entamer une procédure disciplinaire vis-à-vis de membres du personnel qui leur sont affectés provisoirement de l’extérieur (en cas de réaffectation par exemple). Nous y reviendrons. Les organisations syndicales demandaient qu’on introduise dans les peines disciplinaires « la démission d’office », celle-ci permettant, contrairement au licenciement pur et simple, au membre du personnel (assimilé à un fonctionnaire pour rappel) de pouvoir émarger au chômage. Sur ce chapitre, le consensus fut très rapide.

217L’agenda souhaité par la CSC et l’ARPOEC prendra cependant quelque retard. Fin novembre 2001, deux points relatifs, l’un à la motivation du licenciement des temporaires, l’autre aux préavis n’ont toujours pas été abordés. Sur ces points, le SeGEC préfère s’en tenir au texte du décret du 1er février 1993.

218Une dernière réunion se tiendra à la veille de Noël et aboutira à un premier consensus, qui a permis le dépôt le 4 novembre 2002 du projet de décret modifiant certaines dispositions relatives au statut des membres du personnel subsidiés de l’enseignement libre subventionné  [67]. Ce projet de décret est devenu le décret du 19 décembre 2002. Il insère notamment un nouvel article 29quater, consacré à l’ordre de dévolution des emplois.

219Le gouvernement répondit par la suite à une demande initialement formulée par le SEL-SETCa en matière de lutte contre les violences à l’égard des membres du personnel dans les établissements scolaires et en matière de suspension préventive pour le personnel temporaire. Pour ce dernier, en effet, les pouvoirs organisateurs ne disposaient que du licenciement comme mesure d’écartement, soit une mesure extrême et pas toujours respectueuse de la présomption d’innocence. La démarche du SEL est à distinguer de la précédente, car ne relevant pas du travail des commissions paritaires. Elle avait cependant l’aval des fédérations d’employeurs. Elle a mené au dépôt, le 20 juin 2003, d’un projet de décret accordant une priorité au membre du personnel victime d'un acte de violence et introduisant la suspension préventive des membres du personnel temporaires et la mise en disponibilité par retrait d'emploi dans l'intérêt du service dans les réseaux d'enseignement de la Communauté française et subventionnés  [68]. Ce projet est devenu le décret du 17 juillet 2003. Il insère notamment trois nouveaux paragraphes dans l’article 29quater qui venait d’être introduit.

220Avant d’aborder le contenu même des modifications apportées au décret, il n’est sans doute pas inutile de rappeler quelque peu le contexte dans lequel les négociations ont été menées.

221Terminons cette introduction à la réforme du statut par l’évocation du contexte politique dans lequel elle a été possible. Il s’agit de la problématique des avantages sociaux et du décret de la Saint-Boniface.

222Le 20 décembre 2004, la Cour d’appel de Liège a rendu trois arrêts en matière d’avantages sociaux condamnant trois communes de la région liégeoise.

223Elle devait déterminer si les offres gratuites par certaines communes de services de surveillance et de garderie, d’accès à la piscine, de classes de dépaysement et de voyages scolaires, de déplacements scolaires ainsi que de remises de prix et de jouets, devaient être qualifiées d’avantages sociaux et, par conséquent, être accordées par les pouvoirs organisateurs publics locaux dans les mêmes conditions aux élèves des écoles qui dépendent d'eux et aux élèves de l’enseignement libre.

224Ces arrêts font référence au décret du 7 juin 2001  [69], adopté à l’époque en vue de régler un nombre croissant d’actions en justice contre des communes  [70]. La CSC-Enseignement avait apporté, avant l’adoption du décret mais aussi ultérieurement, tout son poids dans ce combat. Elle estimait, en effet, que ces avantages sociaux étaient susceptibles d’influer sur les conditions de travail du personnel et créaient de facto une concurrence déloyale entre réseaux. Assez paradoxalement, c’étaient les pouvoirs organisateurs qui freinaient le plus pour entamer les procédures étant donné que pour éviter de perdre leur emploi, les enseignants acceptaient des prester ces surveillances « bénévolement » ; dès lors, ils ne voyaient pas de raisons d’intervenir. Le décret dresse la liste de ce qui doit être considéré comme avantages sociaux. Le SeGEC avait regretté le dépôt du projet de décret par le gouvernement parce qu’il annulait le caractère évolutif de ces avantages. Il déclare dans un communiqué de presse du 16 mars 2001 : « La décision gouvernementale n’est pas un acte de paix scolaire. Elle est inamicale à l’égard des écoles libres subventionnées. Nous nous réservons de contester devant les juridictions compétentes ce nouveau recul de l’égalité de traitement  [71]. » Il va le faire et obtenir gain de cause avec les arrêts de la cour d’appel de Liège, qui, dans les faits, instaure une jurisprudence autorisant à sortir de la liste établie par le décret  [72]. Le soutien objectif de la CSC-Enseignement en cette matière le plaçait en situation favorable au moment de solliciter des modifications au statut allant dans le sens qu’elle souhaitait. C'est elle d'ailleurs qui offrit de soutenir les pouvoirs organisateurs à qui il revenait de mener les actions en matière d'avantages sociaux.

225Par ailleurs, le 5 juin 2001, le CDH apportait son soutien aux partis de la coalition au pouvoir au niveau fédéral pour que les accords de la Saint-Polycarpe refinançant les Communautés puissent être adoptés au Parlement fédéral, à la suite de quoi l’accord de la Saint-Boniface, spécifiant l’usage de ce refinancement au bénéfice des divers réseaux d’enseignement de la Communauté française, fut signé par les partis francophones. Le 12 juillet 2001, le décret visant à améliorer les conditions matérielles de l’enseignement fondamental et secondaire était voté à la Communauté française.

226Les commentaires produits par le ministre de l'Instruction publique de l'époque du Pacte scolaire prévoyaient que les subventions de fonctionnement pour l’enseignement subventionné (libre ou officiel) devaient s’élever à 75 % des dotations de fonctionnement de l’enseignement organisé par l’État. Or, jusque-là, ce principe n’était absolument pas respecté, puisque ce rapport variait entre 40 et 60% selon les niveaux d’enseignement. Les partenaires syndicaux se sont montrés pour certains enthousiastes, pour d’autres tout à fait neutres, à l’exception de la CSGP qui déclarait, sous la plume de Jacques Giot : « N’en déplaise aux esprits consensuels ou pragmatiques, qui nous accusent de manquer de tolérance ou de réalisme, nous continuerons à nous revendiquer de principes du 19e siècle et à nous battre avec obstination pour une école publique unique  [73]. » Le SeGEC et la FELSI ne pouvaient refuser au personnel une avancée de l'égalité de traitement, déjà acquise totalement pour les rémunérations, qu'ils avaient obtenue pour les moyens de fonctionnement pour eux-mêmes et les pouvoirs organisateurs officiels subventionnés.

227Le SeGEC et la FELSI semblaient donc a priori, aux yeux des organisations syndicales, dans de bonnes dispositions psychologiques pour les entendre.

3.2. LES CHANGEMENTS APPORTÉS AU DÉCRET DE FÉVRIER 1993

228L’historique et le contexte des négociations ayant préludé à ces modifications une fois déterminés, il reste à analyser ces dernières à l’aune de nos paramètres : l’égalité et la légalité.

3.2.1. Le statut de stabilité de l’emploi

229Ce sont les décrets du 19 décembre 2002  [74] et du 17 juillet 2003  [75] qui vont modifier profondément ce chapitre, principalement avec l’insertion dans le décret du 1er février 1993 d’un nouvel article 29quater qui organise l’ordre de dévolution des emplois. Avant d’aborder la dévolution des emplois, abordons les nouveaux types de priorités introduits.

Pour l’engagement à titre temporaire

230On distinguera trois niveaux de priorité, contre deux dans la version du 1er février 1993 :

  • une priorité au niveau du pouvoir organisateur (article 34 § 1er ) ;
  • une priorité au niveau de l’entité (fondamental) ou du CES (secondaire) (article 29quater,14°) ;
  • une priorité réseau (réservée à la seule promotion sociale) (article 34ter).

La priorité pouvoir organisateur

231 Deux groupes d’ancienneté sont définis :
Le groupe 1 : dès 721 jours dans la fonction visée. Les membres du personnel sont ici classés au jour près. Autrement dit, le pouvoir organisateur, pour l’attribution d’un emploi temporairement vacant dans la fonction en question d’au moins 15 semaines, doit choisir obligatoirement le membre du personnel ayant la plus grande ancienneté sous réserve bien sûr de l’article 29quater sur la dévolution des emplois dont il sera question ci-après.

232Le groupe 2 : entre 360 et 720 jours répartis sur deux années scolaires au moins calculés au 30 avril de chaque année scolaire. Le pouvoir organisateur, ici, choisit librement parmi les membres du personnel classés dans ce groupe.

233En deçà de 360 jours, les membres du personnel ne sont pas classés.

234Le document de l’ARPOEC déposé en commission paritaire proposait trois catégories d’ancienneté :

  • catégorie A : à partir de 1 080 jours ;
  • catégorie B : de 720 jours à 1 079 ;
  • catégorie C : de 360 à 719 jours.

235L’ARPOEC n’envisageait l’obligation d’engagement du membre du personnel qui avait la plus grande ancienneté que dans la catégorie A, c’est-à-dire dès 1 080 jours.

236Les partenaires, on le voit, se sont finalement accordés sur deux groupes, la liberté de choix n’étant laissée que dans le groupe inférieur.

237On se rappellera, pour prendre la mesure du chemin parcouru depuis le décret dans sa version du 1er février 1993, ce qu’il en était alors :

  • un groupe 240 jours au sein du pouvoir organisateur répartis sur deux années scolaires au moins ; le membre du personnel est prioritaire de plein droit, soit sans aucune démarche à effectuer ;
  • un groupe 480 jours acquis dans les répartis sur 3 années scolaires au moins acquis au sein du pouvoir organisateur ou au sein du réseau de même caractère ; ici, un acte de candidature était obligatoire.

238Le pouvoir organisateur avait libre choix, sa seule contrainte étant d’avoir épuisé d’abord la liste « 240 jours » avant d’entamer l’autre. À noter que la priorité ne courait que pour des emplois vacants d’au moins quinze semaines. Dans la version 2003, la liberté de choix n’existe plus que pour le groupe 2.

239Dans la version 2003, l’acte de candidature est devenu obligatoire avant le 15 mai de chaque année scolaire. L’acceptation d’un emploi proposé par le pouvoir organisateur doit être formelle dans les trois jours.

240Au niveau du statut de la Communauté, il existe deux groupes : le groupe « 240 » où les candidats sont classés en fonction du nombre de candidatures déposées (1 par année) ; en cas d’égalité, le classement se fait au jour près. Et le groupe en deçà des 240 jours. L’acte de candidature est ici aussi obligatoire.

241La version 2003 apparaît donc clairement comme un large compromis entre le texte de l’ARPOEC et les versions 1993 et 2003 du statut.

La priorité entité ou CES

242Cette priorité a été souhaitée par les uns et les autres dans la mesure où la réaffectation s’effectuait désormais aussi en entités ou CES  [76]. Cette priorité était inexistante dans la version du décret de 1993. Elle s’adresse aux temporaires qui ont perdu leur emploi dans la zone en question ou aux définitifs qui souhaitent accroître leur charge.

243Trois groupes sont constitués :

  • groupe A : de 1 080 à 1 439 jours d’ancienneté ;
  • groupe B : de 1 440 à 1 799 jours ;
  • groupe C : de 1 800 jours à 2 159 jours. Et au-delà par tranches de 360 jours supplémentaires.

244Les pouvoirs organisateurs, en l’absence de prioritaire en leur sein, doivent faire appel à ces classements ; ils choisissent librement au sein d’un groupe mais doivent obligatoirement avoir épuisé le groupe C avant de passer au groupe B et puis au groupe A. L’acte de candidature est obligatoire.

245Le projet de l’ARPOEC prévoyait que les candidats « qui ont acquis une ancienneté auprès de leur pouvoir organisateur telle qu’ils se classent dans la catégorie A  [77] qui souhaitent faire valoir leur priorité dans une ou plusieurs écoles de l’entité ou du CES suite à la perte de leur emploi doivent poser leur candidature… » Ce système se rapproche du système d’affectation par zones en vigueur dans le réseau de la Communauté depuis 1999.

La priorité « réseau »

246Celle-ci présente dans la version de 1993 n’est plus maintenue que pour l’enseignement de promotion sociale où n’existent ni entités ni CES.

Autres priorités

247D’autres priorités sont venues s’ajouter et ont été reprise dans l’article 29quater qui sera évoqué par ailleurs :

  • la priorité dite « article 18  [78] » ; elle concerne les membres du personnel qui ont une ancienneté d’au moins dix ans dans une école en discrimination positive ; elle permet d’être prioritaire pour un emploi définitivement vacant dans la zone où l’on a postulé ;
  • la priorité dite « victime d’acte de violence » qui fut ajoutée au décret du 1er février 1993  [79] ; elle permet au membre du personnel ayant été victime d’un acte de violence pour lequel plainte a été déposée et qui a introduit une déclaration d’accident de travail, d’introduire une demande avant le 15 mai de chaque année ;
  • la demande précise si cette priorité est demandée au sein du pouvoir organisateur, de l’entité ou du CES ou de la zone d’affectation.
    Pour ces deux priorités, comme pour les priorités entité ou CES, un organe paritaire syndicats/pouvoirs organisateurs présidé par un fonctionnaire a été créé par zones.
  • la priorité APE/ACS et membres du personnel engagés sur fonds propres. Le décret du 12 mai 2004 introduit cette priorité dans le décret du 1er février 1993 ; il s’agit de permettre à du personnel sous contrat ACS/APE ou sous contrat privé de pouvoir valoriser une certaine ancienneté dans la perspective d’un classement ultérieur à condition que la fonction qu’ils ont exercée comme ACS/APE ou sous contrat privé existe bien dans l’emploi organique  [80]. En ce cas, les 1 200 premiers jours sont multipliés par un coefficient 0,3 avec un maximum de 360 jours ; toutefois, les conseils d’entreprise ou les instances de concertation locale pouvaient, au moment de l’entrée en fonction de la mesure décider de valoriser plus de 360 jours (mesure one shot).

248Ces priorités assez tardives ont eu l’aval de l’ensemble des partenaires sociaux, chacun souhaitant stabiliser les équipes pédagogiques aussi rapidement que possible. Elles se retrouvent aussi dans le statut de la Communauté.

La dévolution des emplois

249Il s’agit de reprendre en un article la manière dont les emplois peuvent et doivent être attribués. C’était une demande de l’ARPOEC lors du dépôt de son texte en commission paritaire, demande qui ne rencontra aucune opposition du côté syndical. L’idée, du côté des pouvoirs organisateurs était de permettre une lisibilité plus aisée de leurs obligations et, par là, de se prémunir contre toute erreur en cette matière. Du côté syndical, cela semblait être un outil de contrôle performant. Il n’y avait rien de tel dans le texte originel du statut.

250Dans le projet de l’ARPOEC, 20 points étaient prévus. Dans le décret du 1er février 1993, ces points, au nombre de 18, constituent le nouvel article 29quater inséré ensuite. Cet article est au cœur même du statut de stabilité de l’emploi.

251Lorsqu’un pouvoir organisateur a satisfait à ses obligations en matière de réaffectation et qu’un emploi reste vacant, il peut ou doit selon le cas et dans l’ordre suivant l’attribuer :

  • si l’emploi est définitivement vacant  [81], il peut l’attribuer à titre définitif à un membre du personnel engagé à titre définitif qui, engagé dans une fonction de sélection ou de promotion, souhaite retourner dans une fonction de recrutement pour autant que ce faisant, il n’écarte pas un temporaire totalisant 2 160 jours d’ancienneté de service auprès du pouvoir organisateur ;
  • si l’emploi est définitivement vacant et n’est pas attribué à un membre du personnel comptant plus de 720 jours d’ancienneté dans la fonction ou ne peut être attribué à un membre du personnel qui totalise 2 160 jours d’ancienneté de service auprès du pouvoir organisateur, il doit l’attribuer à un membre du personnel définitif victime de violence au sens de l’article 34quinquies du décret du 1er février 1993, cette obligation étant limitée au 15 mai de l’année scolaire en cours ;
  • si l’emploi est temporairement vacant  [82] pour une durée ininterrompue d’au moins 15 semaines, il doit l’attribuer à un membre du personnel temporaire victime de violence, cette obligation étant limitée au 15 mai de l’année scolaire en cours ;
  • si l’emploi est définitivement vacant, il doit l’attribuer à un « article 18 » qui a posé sa candidature dans les règles pour autant que, ce faisant, il n’écarte pas un temporaire qui totalise 2 160 jours d’ancienneté de service auprès du pouvoir organisateur ;
  • si l’emploi est définitivement vacant, il peut l’attribuer à titre définitif à un membre du personnel engagé à titre définitif dans une fonction de sélection ou de promotion dans un autre pouvoir organisateur et qui souhaite retrouver une fonction de recrutement pour autant que, ce faisant, il n’écarte pas un temporaire totalisant 2 160 jours d’ancienneté de service auprès du pouvoir organisateur ;
  • si l’emploi est définitivement vacant, il peut l’attribuer à un membre de son personnel qui a déjà bénéficié d’un engagement à titre définitif dans la même fonction ;
  • si l’emploi est définitivement vacant, il peut compléter à titre définitif la charge d’un membre de son personnel engagé à titre définitif auprès du pouvoir organisateur : dans une même fonction : dans une autre fonction de la même catégorie pour laquelle ce membre du personnel possède un titre requis ; dans une autre fonction pour laquelle ce membre du personnel possède un titre lui donnant droit à une subvention-traitement sans limitation de durée ;
  • si l’emploi est définitivement vacant ou temporairement vacant pour une période ininterrompue d’au moins 15 semaines, il doit compléter à titre temporaire la charge d’un membre de son personnel engagé à titre définitif pour une charge à prestations complètes : dans la même fonction, dans une autre fonction de la même catégorie pour laquelle ce membre du personnel a le titre requis ;
  • si l’emploi est définitivement ou temporairement vacant pour une période ininterrompue d’au moins 15 semaines, il peut compléter à titre temporaire la charge d’un membre de son personnel engagé à titre définitif pour une charge à prestations incomplètes auprès du pouvoir organisateur dans une fonction de la même catégorie pour laquelle ce membre du personnel possède un titre qui lui donne droit à une subvention-traitement ;
  • si l’emploi est définitivement ou temporairement vacant, dans l’enseignement secondaire ou de promotion sociale, il peut rappeler provisoirement en service  [83] un membre de son personnel mis en disponibilité ;
  • si l’emploi est définitivement vacant, il peut accorder un changement d’affectation ;
  • si l’emploi est définitivement ou temporairement vacant, il peut accorder à titre temporaire un changement de fonction à un membre de son personnel qui le souhaite ;
  • si l’emploi est définitivement ou temporairement vacant pour une période ininterrompue d’au moins 15 semaines, il doit l’attribuer à titre temporaire au candidat qui compte la plus grande ancienneté dans le classement au jour près dans le groupe 1 et ce dans la fonction déterminée ;
  • si l’emploi est définitivement ou temporairement vacant pour une période ininterrompue d’au moins 15 semaines, il doit l’attribuer à titre temporaire à un candidat classé dans le groupe 2 mais il a le choix du candidat ; toutefois, le pouvoir organisateur doit confier cet emploi à un membre du personnel figurant dans le groupe 2 et qui a été victime de violence et a demandé à changer d’établissement ;
  • si l’emploi est définitivement vacant il peut accorder la mutation à un membre du personnel ;
  • si l’emploi est définitivement ou temporairement vacant pour une période ininterrompue d’au moins 15 semaines, il doit attribuer, au prorata du nombre d’heures perdues, à un membre du personnel temporaire qui a perdu totalement ou partiellement sa charge dans l’entité pour l’enseignement fondamental, le CES pour l’enseignement secondaire, le réseau pour l’enseignement de promotion sociale, un emploi dans la même fonction ou dans toute autre fonction pour laquelle le membre du personnel a le titre requis, exception faite pour les professeurs de religion ou de morale et ce pour autant que ce membre du personnel soit classé, selon le cas auprès d’un pouvoir organisateur de l’entité, du CES, du caractère dans un des groupes A, B, C. Toutefois, le membre du pouvoir organisateur doit confier cet emploi à un membre du personnel temporaire figurant dans ce groupe et qui a été victime de violence et a demandé à changer d’établissement ;
  • si l’emploi est définitivement ou temporairement, il doit attribuer à titre temporaire, à concurrence d’un temps plein, à un membre du personnel temporaire ou définitif dont la somme des fonctions exercées n’atteint pas le minimum d’une fonction à prestations complètes auprès d’un ou plusieurs pouvoirs organisateurs un emploi de la même fonction dans les mêmes conditions qu’au point précédent. Toutefois le pouvoir organisateur doit confier l’emploi au membre du personnel temporaire figurant dans ce groupe et qui a été victime de violence et a demandé à changer d’établissement ;
  • il peut attribuer l’emploi à toute personne répondant aux conditions générales d’engagement.

252Une lecture exhaustive de cet article 29quater peut donner à penser que la liberté d’engagement des pouvoirs organisateurs est fortement réduite ; elle est réduite, certes, mais de manière toute relative. Si l’ordre de dévolution doit être respecté, les possibilités d’engagement restent malgré tout conséquentes. On remarquera d’ailleurs que les priorités par classement des groupes 1 et 2 ne viennent qu’en 13e et 14e position et celles au sein de l’entité ou du centre d’enseignement secondaire qu’en 16e position.

253Dans le statut de la Communauté, il n’existe pas comme telle une dévolution des emplois dans la mesure où le classement en deux groupes est différent de celui utilisé dans l’enseignement libre subventionné, où l’on travaille par zones et où la Communauté représente un seul et même employeur pour l’ensemble de la Communauté française.

L’engagement à titre temporaire du personnel de sélection ou de promotion

254Entre 1993 et aujourd’hui, il n’y a eu que des modifications de pure forme, si ce n’est, au niveau de la fonction de sélection, l’obligation d’être engagé à titre définitif dans une des fonctions de recrutement, de sélection ou de promotion où l’ancienneté de six ans est acquise  [84].

Pour l’engagement à titre définitif du personnel de recrutement.

255Dans la version 2003, l’engagement à titre définit se fait :

  • au jour près dans le groupe 1 (donc dès le 721e jour), sans possibilité de choix pour le pouvoir organisateur ;
  • si le groupe 1 est épuisé, le pouvoir organisateur choisit librement dans le groupe 2 (entre 360 et 720 jours).

256Un appel à candidatures doit se faire entre le 15 février et le 30 avril, les emplois vacants étant déterminés sur la base de la situation au 1er février.

257Un avis doit être transmis avec accusé de réception à tous les temporaires en service au sein du pouvoir organisateur et aux membres du personnel définitif en charge partielle. Cet avis porte obligatoirement les mentions suivantes :

  • nature et volume des emplois offerts ;
  • conditions requises des candidats ;
  • forme et délai d’introduction des candidatures.

258À noter que le candidat ne peut avoir fait l’objet d’un rapport défavorable définitif.

259Une dérogation d’ancienneté est prévue. Le membre du personnel qui compte une ancienneté de service de 720 jours au moins répartis sur 3 années scolaires au moins dont 360 jours dans une fonction donnée (condition sine qua non pour tout candidat) peut bénéficier d’un engagement à titre définitif dans une autre fonction pour laquelle il possède les titres requis et dans laquelle il a presté au moins 180 jours.

260Ce nouveau régime est évidemment nettement plus contraignant qu’il ne l’était dans la version originelle. Dorénavant, l’engagement à titre définitif n’est plus une possibilité pour le pouvoir organisateur mais une obligation et, même plus, dès 721 jours, celui-ci doit-il engager à titre définitif le membre de son personnel le mieux classé dans la fonction concernée. C’est évidemment, au niveau du classement au jour près, coller au plus près de ce qui se fait dans le réseau de la Communauté française. Contrepartie obtenue par les pouvoirs organisateurs : l’évaluation des temporaires préalablement à l’engagement à titre définitif et le report d’un an en cas de rapport d’évaluation négatif. L’obligation de poser sa candidature est aussi acquise.

261En commission paritaire, l’ARPOEC souhaitait maintenir le principe de la liberté d’engager à titre définitif. De l’article 40 à l’article 47bis de ce projet, le verbe « peut » est repris sept fois. Chaque fois il s’agit non d’une contrainte mais d’une faculté laissée au pouvoir organisateur.

Engagement à titre définitif du personnel de sélection et de promotion

262Ici non plus, il n’y a guère de modification par rapport à la version 1993 si ce n’est la même obligation des six années d’ancienneté dans une fonction de recrutement, de sélection ou de promotion déjà évoquée ci-dessus en ce qui concerne l’engagement à titre temporaire.

La mise en disponibilité

263Les partenaires sociaux souhaitaient inclure dans le statut les arrêtés du 28 août 1995 et avaient d’ailleurs travaillé en ce sens en commission paritaire. Ce souhait ne rencontra pas l’adhésion du gouvernement au motif que cette matière devait être traitée de manière transversale dans les trois statuts et non dans le seul statut de l’enseignement libre subventionné.

264Les seules modifications introduites dans ce chapitre par le décret du 17 juillet 2003 ont eu trait à la mise en disponibilité dans l’intérêt du service ou de l’enseignement, matière déjà traitée dans la version originelle mais de manière plus lapidaire. Dorénavant, les droits de la défense y sont développés de manière plus conséquente et le traitement d’attente est fixé à 75 %. Le total des périodes de mises à disposition dans l’intérêt du service ne peut excéder six mois sur l’ensemble de la carrière.

265Abrogée par le décret du 17 juillet 1998 pour des raisons essentiellement budgétaires, elle fut réintroduite en 2003 à la demande des organisations syndicales. Elles souhaitaient que puisse être traité de la sorte le cas de membres du personnel manifestement en difficulté passagère par rapport à l’exercice de la profession sans que cette difficulté ne justifie en soi une sanction disciplinaire.

La problématique des préavis

266Aucune modification n’est intervenue à ce niveau par rapport à la version 1993.

3.2.2. Le régime disciplinaire

267Plusieurs décrets  [85] vont modifier le régime disciplinaire. Mais c’est surtout celui du 19 décembre 2002 qui le fera de manière significative, les autres visant à des modifications formelles. Il introduit de nouvelles peines disciplinaires et permettra que des pouvoirs organisateurs distincts mais occupant ensemble un même membre du personnel puissent entamer conjointement une même procédure disciplinaire à l’encontre dudit membre du personnel. Jusqu’alors, un membre du personnel réaffecté (c’est-à-dire en quelque sorte mis à disposition) dans un autre pouvoir organisateur et déficient ne pouvait se voir sanctionner que par son pouvoir organisateur d’origine. Or, par rapport à son pouvoir organisateur d’origine, il n’était pas en défaut. Entamer à son égard une procédure disciplinaire posait des problèmes juridiques. Cette modification relève d’une demande des fédérations de pouvoirs organisateurs.

268On rappellera que ce régime ne concerne que le seul personnel engagé à titre définitif.

269En commission paritaire, l’ARPOEC demandait peu de changements. Les seules modifications suggérées étaient :

  • la possibilité de pouvoir entamer une procédure disciplinaire par plusieurs pouvoirs organisateurs conjointement dans le cas où le membre du personnel assume ses fonctions pour plusieurs d’entre eux ; cette possibilité se retrouvera ajoutée à l’article 74 par le décret du 19 décembre 2002 ;
  • le passage de un an à deux ans pour la radiation de la peine en cas de rappel à l’ordre et de blâme ; cette demande ne sera pas rencontrée par ce décret.

270La nouvelle version du statut inclut deux nouvelles sanctions disciplinaires :

  • la rétrogradation disciplinaire, c’est-à-dire être ramené dans une fonction de recrutement quand on se trouve dans une fonction de sélection ou de promotion.
    À noter qu’il n’y a pas de radiation de cette peine : elle est définitive ;
  • la démission d’office ; définitive également, cette sanction permet au membre du personnel de pouvoir, bien que fonctionnaire, émarger au chômage.

271La rétrogradation disciplinaire est directement inspirée du statut de la Communauté française  [86]. Elle a pour effet de ramener le membre du personnel à l’échelle barémique de la nouvelle fonction qui devient la sienne.

272Ces deux mesures étaient une demande des organisations syndicales.

273Hormis la possibilité d’une procédure disciplinaire conjointe par plusieurs pouvoirs organisateurs et l’ajout de ces deux sanctions nouvelles, ce chapitre reste inchangé par rapport à la version originelle.

La suspension préventive

274Le décret du 17 juillet 2003 va modifier la version originelle. Dans cette version, seul le personnel définitif était visé par la mesure. Ce décret étend la mesure au personnel temporaire. Il précise, en outre, la manière dont la rémunération est due au membre du personnel : rien n’obligeait formellement jusqu’alors à ce que la Communauté soit avertie par le pouvoir organisateur de la mesure entraînant la réduction de la subvention à la demi solde.

275Première modification : dans le titre. Là où la version 1993 titrait simplemen : « de la suspension préventive », ici il est question de bien préciser qu’il s’agit d’une « mesure administrative ».

276Dans la version 1993, cette mesure n’était applicable qu’au seul personnel définitif. Elle peut l’être désormais au personnel temporaire, sur le même mode à cette différence près que, en ce qui concerne le personnel temporaire, cette suspension préventive prend fin d’office au 30 juin : en effet, à cette date, les contrats des temporaires prennent fin d’office. C’était une demande des organisations syndicales mais aussi de l’ARPOEC dans son document déposé en commission paritaire.

277À noter que le décret du 6 avril 1998 avait inséré dans le statut de l’enseignement libre subventionné et dans celui de la Communauté la suspension automatique.

278Ces modifications auront leur équivalent dans le statut de la Communauté.

La fin des contrats

279Aucune modification ici ni dans l’article 105 relatif au dédommagement ou à la réintégration en cas de licenciement reconnu abusif.

CONCLUSION

280L’élaboration du statut de l’enseignement libre subventionné fut longue, laborieuse et marquée par des oppositions sur deux principes différemment interprétés par les acteurs en présence. Le poids de l’enseignement catholique, soutenu le plus souvent par le monde politique chrétien, fut constant tout au long des diverses versions proposées. Ce n’est que lorsque le SNEC renonça à sa capacité de licenciement pour des raisons liées à la non-concordance de la vie privée d’un membre de son personnel avec les valeurs chrétiennes que le processus de négociation finit par aboutir. C’est significativement deux organisations minoritaires qui l’y contraignirent : l’APPEL dans un premier temps, le SEL-SETCa ensuite. Le souci du SNEC, soutenu dans un premier temps par les centrales de l’enseignement de la CSC, a été longtemps de régler le problème en interne et de créer les conditions de soutenir un projet éducatif d'inspiration confessionnelle, fut-ce parfois maladroitement ou en sous-estimant d'autres grandes libertés constitutionnelles. Ce souci n’est pas non plus pour rien dans la longueur et le côté laborieux des négociations.

281Le statut du 1er février 1993 est le produit d’un compromis entre les pouvoirs organisateurs et les organisations syndicales, mais aussi « d’un marchandage suranné entre PS et PSC, comme dira le sénateur Écolo Jacques Liesenborghs, qui s’accordent chacun pour ne pas s’occuper de ce qui se fait chez l’autre afin d’avoir les mains libres chez soi  [87] ». Cela fait bien sûr référence au fait que, initialement, une seul statut devait recouvrir tout l’enseignement subventionné : libre et officiel. Le statut de l’enseignement subventionné officiel sortira un an après celui du libre. Le ministre Michel Lebrun, lors d’une interview, confirmera bien ce marchandage. Au journaliste qui lui demande si on peut attendre pour bientôt un tel statut, il répond en toute franchise : « Il est bien clair qu’on doit y arriver. Ce dossier là n’est pas de ma responsabilité puisqu’il a été confié au ministre Di Rupo… Je crois bien que Jean-Marie Ansciaux  [88] a obtenu des garanties du PS à ce propos  [89]. »

282Les pouvoirs organisateurs ont cédé sur leurs prérogatives en matière d’engagement et n’ont cessé de le faire depuis. Ce faisant, ils ont tenu compte de leur propre évolution interne ; ils ont accepté de ne plus sanctionner les situations de vie privée jugées incompatibles, mais d’en rester au niveau des occupations incompatibles avec le caractère engagé de l’enseignement catholique. Par ailleurs, ils ont pu engranger par la suite certains acquis auxquels ils tenaient, comme l’évaluation des temporaires. Les chambres de recours dont certains souhaitaient qu’elles émettent des avis contraignants sont restées en l’état. Et donc, dans les procédures disciplinaires, les pouvoirs organisateurs ne sont pas contraints par ces avis.

283Les organisations syndicales ont obtenu par contre ce à quoi elles aspiraient : un statut qui se rapproche pas à pas et « autant que faire se peut » du statut de l’enseignement de l’État puis de la Communauté française. Elles ont pu profiter du changement d’orientation des pouvoirs organisateurs vis-à-vis des obligations du personnel à l'égard du projet éducatif spécifique et faire droit au principe d'égalité, « autant que faire se peut », pour le personnel. Leurs revendications ne sont pas entièrement satisfaites, tant s’en faut. Il y a donc tout lieu de croire qu’elles n’en resteront pas là et que leur quête d’une égalité la plus parfaite possible avec leurs collègues de l’enseignement de la Communauté n’est pas terminée.

284La constitution d’un réseau unique est revendiquée par la CGSP et par le SEL-SETCa avec cependant plus que des nuances entre les deux organisations. La première l’envisage à l’aune de la neutralité. Le second à celle du pluralisme. La CSC-Enseignement est moins explicite. Sa tendance, depuis un certain temps, à chercher la négociation directe avec l’autorité publique plutôt qu’avec les pouvoirs organisateurs au sein des commissions paritaires pourrait se lire comme un cheminement vers cette idée de réseau unique, ce dont elle ne veut préjuger par ailleurs et ce qui ne l'empêche pas plus que d'autres organisations syndicales de siéger dans les instances paritaires et de participer, pour ce qui la regarde, au CoGEC. Les pouvoirs organisateurs se sont opposés autant au réseau unique qu'à une prévalence du législateur sur les décisions des commissions paritaires. Le plus explicitement dans le chef du SeGEC qui déclare, dans un communiqué de presse :

285

« Une nouvelle fois  [90] les écoles catholiques sont mises en question, et avec elles,
inévitablement, la liberté d'enseignement. En tant que représentant des pouvoirs
organisateurs de l'enseignement libre, le SeGEC tient à rappeler que l'avenir de
l'enseignement et de la liberté n'est pas dans le réseau unique. Il est dangereux de
restreindre ou de supprimer cette liberté d'enseignement au bénéfice d'un TOUT au
Pouvoir public. Elle représente une richesse pour tous. Chacun gagne à pouvoir choisir
parmi une pluralité d'enseignements différemment colorés. Il y va aussi de la
démocratie. Or la liberté d'enseignement ne peut exister que si elle est subventionnée,
comme le stipulent le Pacte scolaire et la Constitution.
La société et les publics scolaires sont certes déconfessionnalisés, l'activité scolaire est
assurément autonome et marquée par la responsabilité de ses acteurs, mais, selon nous,
les valeurs et les traditions spirituelles chrétiennes gardent du sens dans l'activité
d'éduquer. L'enseignement catholique prépare d'ailleurs son Congrès 2002 sur cette
ligne de crête.
Nos écoles catholiques colorent leurs activités d'éducation de leur histoire, de leur
enracinement, de leurs liens et de leurs références propres, ce qui est leur manière à elles
de contribuer aux objectifs du Décret missions et au service public d'éducation. À ce
titre, l'enseignement libre catholique bénéficie de la confiance toujours renouvelée de la
moitié des familles en Communauté française. Il entend rester à la hauteur de cette
confiance  [91]. »

286La teneur de ce communiqué illustre à souhait cette ambivalence entre égalité et légalité que nous avons prise pour fil conducteur tout au long de notre étude.

287Paul Langevin (1872-1946) écrivait : « L’expérience nous montre que notre raison, et la science qu’elle crée en s’adaptant de plus en plus près à la réalité, sont, comme tous les êtres vivants et l’univers lui-même, soumis à l’évolution, et que celle-ci se fait à travers une série de crises où chaque contradiction ou opposition surmontée se traduit par un enrichissement nouveau  [92]. »

288Il en a été ainsi du statut de l’enseignement libre subventionné. Sans doute en sera-t-il encore ainsi dans les années à venir.

Notes

  • [1]
    Moniteur belge, 17 février 1993.
  • [2]
    Loi du 29 mai 1959 modifiant certaines dispositions de la législation de l'enseignement, dite loi du Pacte scolaire, Moniteur belge, 19 juin 1959.
  • [3]
    Secrétariat national de l’enseignement catholique, devenu après la communautarisation le SeGEC, Secrétariat général de l’enseignement catholique. Cf. P. BLAISE, « Les acteurs dans le secteur de l'enseignement », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1317-1318,1991.
  • [4]
    La Fédération des instituteurs chrétiens (FIC), la Centrale chrétienne du personnel de l’enseignement professionnel et technique (CCPET) et la Centrale de l’enseignement moyen et normal libre (CEMNL) dont les ailes francophones sont aujourd’hui fédérées en une seule centrale : la CSC-Enseignement.
  • [5]
    Arrêté royal du 8 mai 1962 portant création de commissions paritaires pour l’enseignement libre subventionné, Moniteur belge, 10 mai 1962.
  • [6]
    Arrêté royal du 8 avril 1965 rendant obligatoire la décision du 24 mars 1965 de la Commission centrale nationale paritaire de l'enseignement libre subventionné, relative au statut de stabilité et au statut disciplinaire du personnel laïc subventionné enseignant et administratif, des établissements d'enseignement libre subventionné, Moniteur belge, 7 mai 1965.
  • [7]
    Arrêt du 30 novembre 1967.
  • [8]
    Le 11 avril 1968 pour l’enseignement moyen et normal ; le 22 avril 1968 pour l’enseignement secondaire technique, professionnel et artistique ; le 26 avril 1968 pour l’enseignement gardien et primaire.
  • [9]
    Moniteur belge, 4 juillet 1964.
  • [10]
    Moniteur belge, 30 août 1973.
  • [11]
    Article 3.2.9. Ce texte sera actualisé le 20 mai 1995 sous le titre Mission de l’école chrétienne. Il prendra acte du pluralisme interne des convictions des élèves, familles et membres du personnel et demandera à tous la loyauté à l'égard du projet éducatif chrétien. Le SEL, tenu hors CGEC, sera invité à y entrer pour autant qu'il accepte de soutenir le projet éducatif chrétien ainsi reformulé, ce qu'il refusa de faire au motif que ce qui était obligation pour les membres du personnel syndiqués au SEL n'était pas obligation pour le SEL, resté attaché à l'objectif du réseau unique.
  • [12]
    CGEC, Conférence de presse de rentrée de l’année scolaire 1977-1978.
  • [13]
    Article 19.
  • [14]
    Article 43.
  • [15]
    Tribune, 6 mars 1978. Cité par J. LISMONT, « Étude de l’évolution de la problématique du statut des membres du personnel de l’enseignement libre en Belgique francophone. Le statut, témoin de l’évolution de l’enseignement libre », mémoire, UCL, septembre 1996. Cette première partie doit beaucoup à la chronologie établie par J. Lismont dans son mémoire.
  • [16]
    La constitution des ailes francophones et flamandes pourvues d’une certaine autonomie politique date de 1982 à la FIC, de 1980 à la CEMNL, en 1987 à la CCPET et en 1985 à l’UCEO (note de Régis Dohogne communiquée au CRISP le 21 novembre 2006).
  • [17]
    « Les clauses résolutoires du contrat », L’Éducateur belge, 3 avril 1982, p. 2.
  • [18]
    Le Soir, 15 février 1984.
  • [19]
    Sa naissance remonte au 24 décembre 1981. Alors que l’APPEL était née principalement pour se démarquer des organisations chrétiennes sur la question de la défense de la vie privée, le SEL, dissidence de l’APPEL, s’affilie au Syndicat des employés, techniciens et cadres (SETCa) de la FGTB. Il se démarque de l’APPEL sur la question du réseau unique, dont il se fait le défenseur.
  • [20]
    Articles 15 et 40.
  • [21]
    De la loi du 29 mai 1959.
  • [22]
    Décret du 27 mars 1991 de la Communauté flamande relatif au statut de certains membres du personnel de l'enseignement subventionné et des centres subventionnés d'encadrement des élèves (Moniteur belge, 4 janvier 1992).
  • [23]
    À propos de cette version du statut, Régis Dohogne, secrétaire général de la FIC, déclare dans Vers l’avenir du 3 avril 1990 : « Lorsque j’ai appris que le nouveau statut venait d’être approuvé par l’exécutif, cela a été un des plus beaux jours de ma vie. » Les centrales CSC de l’enseignement minimisent les menaces sur la vie privée contenues dans cette version du projet de décret en raison de la prééminence de la législation européenne.
  • [24]
    Ancien vicaire épiscopal du diocèse de Liège, il fut nommé au poste de directeur général du SNEC le 1er septembre 1990.
  • [25]
    Dans « Étude de l’évolution de la problématique du statut des membres du personnel de l’enseignement libre en Belgique francophone. Le statut, témoin de l’évolution de l’enseignement libre », op. cit., J. Lismont fait référence à titre d’exemple à un jugement du tribunal d’Arlon en date du 21 mars 1979. Une enseignante avait été licenciée au motif qu’elle avait épousé un divorcé, ce mariage étant considéré aux yeux du pouvoir organisateur comme portant atteinte au principe de l’indissolubilité du mariage chrétien. La Cour de cassation conclut que « le fait de se marier, avec qui que ce soit, ne peut constituer une condition résolutoire du contrat d’emploi ».
  • [26]
    Le Soir, 10 octobre 1989.
  • [27]
    « Temporaires attention », L’éducateur belge, 7 novembre 1981, p. 1.
  • [28]
    Article 1780 du Code Civil.
  • [29]
    « Parler russe et pleurer polonais », L’Éducateur belge, 17 septembre 1983, p. 16. En fait, c’est l’époque où le syndicat libre Solidarnosc, en Pologne, est malmené par le régime communiste ; ce syndicat, d’obédience catholique est soutenu par l’Église. Régis Dohogne stigmatise le SeGEC, instrument des évêques de Belgique, qui refuse précisément des syndicats indépendants au sein de l’enseignement qu’il organise et qui pleure donc sur la Pologne mais se comporte ici en soviétique.
  • [30]
    Les articles 5 à 12 du décret du 1er février 1993.
  • [31]
    La Libre Belgique, 1er septembre 1977.
  • [32]
    Moniteur belge, 19 juin 1959.
  • [33]
    Articles 52 et 56.
  • [34]
    Emploi vacant, c’est-à-dire sans titulaire et ouvrant à un engagement à titre définitif (appelé souvent improprement « nomination » par analogie avec ce qui se fait dans le réseau de la Communauté). Emploi non vacant, c’est-à-dire occupé par un titulaire (par exemple en congé de maladie) ; en ce cas doit figurer le nom de la personne remplacée.
  • [35]
    Cf. arrêté royal du 22 juillet 1969 fixant les règles d’après lesquelles sont classés les candidats à une désignation à titre temporaire dans l’enseignement de l’État (Moniteur belge, 1er août 1969).
  • [36]
    En ces cas, aucun engagement à titre définitif ne peut se faire.
  • [37]
    Article 86 de l’arrêté royal du 22 mars 1969.
  • [38]
    G. LETHÉ, Régime social du personnel de l’enseignement libre subventionné, s.d., p. 6.
  • [39]
    Article 47 de l’arrêté royal du 22 mars 1969.
  • [40]
    Organe paritaire constitué pour moitié de représentants des pouvoirs organisateurs et pour moitié de représentants des organisations syndicales ; un juge le préside. Les avis se prennent par vote secret à la majorité simple. En cas d’égalité, la voix du président est prépondérante.
  • [41]
    L’éducateur belge, 26 janvier 1993.
  • [42]
    A. LACROIX, « Au pays du statut », Bulletin du SEL, n° 4,1993.
  • [43]
    Article 28, arrêté royal du 22 mars 1969 fixant le statut des membres du personnel de l’enseignement, du personnel auxiliaire d’éducation, du personnel paramédical des établissements d’enseignement gardien, primaire, spécial, moyen, technique, de promotion sociale et artistique de l’État, des internats dépendant de ces établissements et des membres du personnel d’Inspection chargés de la surveillance de ces établissements (Moniteur belge, 2 avril 1969).
  • [44]
    La Libre Belgique, 26 janvier 1993.
  • [45]
    Le Soir, 28 janvier 1993.
  • [46]
    Qui stipule : « Les subventions de fonctionnement sont payées au pouvoir organisateur de chaque établissement. L'État paye directement et mensuellement les subventions-traitements aux membres du personnel des établissements subventionnés. À cette fin, le ministre de l'Instruction publique peut leur imposer l'obligation de faire ouvrir à leur nom un compte de chèques postaux. La règle du paiement direct des subventions-traitements n'est pas applicable au personnel religieux vivant en communauté ni aux chargés de cours occasionnels et conférenciers. »
  • [47]
    Arrêté royal du 27 juillet 1976 réglementant la mise en disponibilité par défaut d’emploi, la réaffectation et l’octroi d’une subvention-traitement d’attente dans l’enseignement subventionné.
  • [48]
    Les articles 69 et 70.
  • [49]
    C’est par exemple le cas de l’obligation de payer la rémunération aux conditions, au temps et lieu convenus ; de veiller en bon père de famille à ce que le travail s’effectue dans de bonnes conditions (article 9,2°et 3°).
  • [50]
    A. LACROIX, « Au pays du statut », op. cit.
  • [51]
    Dans d’autres enseignements « engagés », comme par exemple les écoles judaïques ou musulmanes, la spécificité est exprimée dans le projet pédagogique. C’est aussi le cas dans l’enseignement libre non confessionnel.
  • [52]
    Article 3.2.8.
  • [53]
    La Libre Belgique, 6 et 7 mars 1993.
  • [54]
    Arrêté royal du 22 mars 1969, article 5.
  • [55]
    Ibidem, article 8.
  • [56]
    Au début des années 1990, les centrales de l’enseignement de la CSC se sont mises à coordonner leurs efforts au sein d’un bureau francophone de concertation. À partir de 1996, ce bureau se donna une structure plus élaborée, à savoir un comité exécutif et un bureau exécutif. Cette structure s’appela assez tôt « CSC-Enseignement ». C’est au cours d’un congrès de 2002 qu’il fut décidé de programmer à terme une fusion des centrales francophones de l’enseignement. Les statuts de la centrale francophone, la CSC-Enseignement, furent adoptés le 8 mai 2004 (Note de Régis Dohogne, op. cit.).
  • [57]
    Moniteur belge, 16 mars 1993.
  • [58]
    Dans un courrier daté du 18 mai 2000, le ministre Willy Taminiaux invite les partenaires sociaux en son cabinet pour une première réunion qui doit se tenir le 25 mai.
  • [59]
    Procès-verbal de la réunion de la commission paritaire centrale de l’enseignement libre non confessionnel du 4 octobre 2001.
  • [60]
    Courrier daté du 10 avril 2000 et signé par Armand Beauduin à destination de Régis Dohogne et Joan Lismont.
  • [61]
    Selon Pierre Bouillon, « Que le SEL reçoive un jour l’absolution pour l’infraction grave d’avoir ralenti l’adoption du statut est totalement improbable », Le Soir, 30 et 31 janvier 1993.
  • [62]
    Décision des commissions paritaires de l’enseignement fondamental et spécial libre confessionnel du 24 mars 1965, rendue obligatoire par arrêt du gouvernement de la Communauté française en date du 27 mars 1996. Une décision similaire sera prise pour l’enseignement non confessionnel et rendue obligatoire le 18 juin 1999.
  • [63]
    Courrier signé par Armand Beauduin, daté du 24 septembre 2001 et adressé au président des commissions paritaires de l’enseignement libre subventionné.
  • [64]
    Document daté du 4 janvier 2001.
  • [65]
    Organe de concertation d’entité, organe paritaire dont l’une des missions est la réaffectation au sein d’une entité dans l’enseignement fondamental.
  • [66]
    Organe de concertation de centre d’enseignement secondaire, organe dont l’une des missions est la réaffectation au sein d’un centre d’enseignement secondaire.
  • [67]
    Parlement de la Communauté française, Doc. parl. 330/1,4 novembre 2002.
  • [68]
    Parlement de la Communauté française, Doc. parl. 427/1,20 juin 2003.
  • [69]
    Décret relatif aux avantages sociaux (Moniteur belge, 26 juin 2001. Erratum Moniteur belge, 12 septembre 2001
  • [70]
    G. GENERET, « Les avantages sociaux dans l’enseignement », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1637-1638,1999.
  • [71]
    Communiqué de presse du 16 mars 2001.
  • [72]
    1° l'organisation de restaurants et de cantines scolaires, à l'exception des restaurants d'application liés à des sections du secteur de l'hôtellerie et de l'alimentation ; 2° la distribution d'aliments et de friandises ainsi que de jouets hors matériel propre aux activités d'enseignement ; 3° l'organisation de l'accueil des élèves, quelle qu'en soit la forme, une heure avant le début et une heure après la fin des cours ; 4° la garderie du repas de midi dont la durée, pour entrer dans le champ d'application du présent article, est comprise entre une demi-heure et une heure ; 5° la distribution de vêtements hors les vêtements propres à l'enseignement ; 6° l'organisation de colonies scolaires spécifiques pour enfants présentant une santé déficiente ; 7° l'accès aux piscines, accessibles au public, ainsi que le transport y relatif dans le cas où la piscine fréquentée pendant l'horaire scolaire n'est pas située sur le territoire de la commune ; 8° l'accès aux infrastructures communales, provinciales et de la Commission communautaire française permettant une activité éducative, à l'exception des bâtiments scolaires en ce compris les piscines, sauf celles visées au 7°; 9° l'accès aux plaines de jeux organisées et aux cures de jour pendant le temps scolaire et pendant les vacances sur le territoire de la commune ; 10° les aides financières ou en nature à des groupements, associations ou organismes, dont un des objets est l'octroi d'aides sociales qui seraient réservées aux élèves.
  • [73]
    « Une école privée à charge de la collectivité », Tribune, 18 juin 2001.
  • [74]
    Décret du 19 décembre 2002 modifiant certaines dispositions relatives au statut des membres du personnel subsidiés de l’enseignement libre subventionné et décret, Moniteur belge, 1er septembre 2003.
  • [75]
    Décret du 17 juillet 2003 accordant une priorité au membre du personnel victime d'un acte de violence et introduisant la suspension préventive des membres du personnel temporaires et la mise en disponibilité par retrait d'emploi dans l'intérêt du service dans les réseaux d'enseignement de la Communauté française et subventionnées, Moniteur belge, 1er septembre 2003.
  • [76]
    Arrêtés du gouvernement de la Communauté française du 28 août 1995.
  • [77]
    1 080 jours au moins.
  • [78]
    Décret du 30 juin 1998 visant à assurer à tous les élèves des chances égales d’émancipation sociale, notamment par la mise en œuvre de discriminations positives. Moniteur belge, 22 août 1998.
  • [79]
    Article 34quinquies.
  • [80]
    Par exemple, un instituteur engagé par un établissement sur fonds propres, c’est-à-dire hors emploi organique et donc sans subventions, pourra faire valoir ultérieurement son ancienneté en vue d’entrer dans un classement prioritaire ultérieurement.
  • [81]
    C’est-à-dire dont le titulaire n’occupe plus définitivement l’emploi (par exemple s’il est à la retraite).
  • [82]
    C’est-à-dire si le titulaire de l’emploi n’occupe plus l’emploi temporairement (par exemple s’il est absent pour maladie).
  • [83]
    Avant la mise en disponibilité d’un membre de son personnel engagé à titre définitif, le pouvoir organisateur doit satisfaire à un certain nombre d’obligations, notamment congédier un temporaire qui occuperait la même fonction et y mettre le définitif (on parle alors de réaffectation) ; s’il recase le membre du personnel dans une autre fonction que celle qu’il assumait mais pour laquelle il a le titre requis, on parlera de remise au travail ; s’il le recase dans une autre fonction sans qu’il en ait le titre requis, mais un titre suffisant on parlera de rappel provisoire à l’activité de service.
  • [84]
    Décret du 19 décembre 2002.
  • [85]
    Décrets du 10 avril 1995, du 6 avril 1998, du 8 février 1999, du 19 février 2002, du 17 juillet 2003 et du 1er juillet 2005,
  • [86]
    Article 122,6.
  • [87]
    La Dernière Heure, 26 janvier 1993.
  • [88]
    Le secrétaire général de la CGSP-Enseignement de l’époque.
  • [89]
    La Libre Belgique, 26 janvier 1993.
  • [90]
    L’expression « une nouvelle fois » se réfère à des déclarations de certaines organisations selon lesquelles un réseau unique coûterait moins cher et serait plus efficace.
  • [91]
    Communiqué de presse du 26 septembre 2001, Armand Beauduin, directeur général.
  • [92]
    P. LANGEVIN, La Pensée et l’Action. Matérialisme mécanique et matérialisme dialectique.
Français

Les membres du personnel de l’enseignement libre subventionné ont un statut particulier défini par un décret du 1er février 1993, dont l’origine remonte au Pacte scolaire de 1958. Pacifier les questions scolaires passait par l’octroi aux enseignants du réseau libre subventionné d’une stabilité d’emploi équivalente à celle des enseignants des établissements de l’État. Il s’agissait aussi de respecter le principe d’égalité inscrit dans la Constitution.
Ce principe d’égalité a été perçu différemment selon les acteurs. Pour les fédérations de pouvoirs organisateurs, il s’inscrivait dans le cadre de la liberté d’enseignement. L’État se devait d'assurer tant l'égalité de traitement du personnel que la liberté d'organiser un enseignement engagé. Pour les organisations syndicales, ce même principe devait conduire à une égalité de droits et de devoirs des personnels de l’enseignement libre subventionné et de ceux du réseau public.
Bernard De Commer reconstitue la longue marche de l’élaboration du décret du 1er février 1993. Si l’égalité est à sa base, le principe de légalité a été au cœur des débats et même à l’origine d’organisations syndicales dissidentes des centrales chrétiennes de l’enseignement, seules présentes au départ sur le terrain. Les pouvoirs organisateurs peuvent-ils ajouter au contrat d’engagement des exigences inspirées par le projet éducatif spécifique à l’enseignement catholique ? Les procès gagnés par des syndicats défendant le droit de leurs affiliés à la vie privée et les recours au Conseil d’État ont contribué à faire évoluer aussi bien les mentalités que les capacités de compromis des acteurs en présence.
L’auteur analyse le texte de 1993 en comparant le statut du personnel de l’enseignement libre avec celui du personnel de la Communauté française. Il décrit enfin les principales réformes apportées au décret en 2002 et en 2006, qui rapprochent encore davantage les deux statuts.

  1. INTRODUCTION
  2. 1. LA GENÈSE DU STATUT LÉGAL
    1. 1.1. UN STATUT INTERNE
    2. 1.2. UN STATUT CONVENTIONNEL
    3. 1.3. VERS UN STATUT LÉGAL
      1. 1.3.1. Des projets de loi
      2. 1.3.2. Des projets de décret
    4. 1.4. LES ACTEURS EN PRÉSENCE ET LES CONCEPTS D’ÉGALITÉ ET DE LÉGALITÉ
  3. 2. LE DÉCRET DU 1ER FÉVRIER 1993
    1. 2.1. UN STATUT DE STABILITÉ DE L’EMPLOI
      1. 2.1.1. L’engagement à titre temporaire
        1. Dans une fonction de recrutement Conditions d’engagement
        2. Nécessité d’une convention écrite
        3. Les règles de priorité
        4. Dans les fonctions de sélection et de promotion
      2. 2.1.2. L’engagement à titre définitif
        1. Dans une fonction de recrutement
        2. Dans une fonction de sélection et de promotion
      3. 2.1.3. La suspension et la fin des engagements
        1. La fin d’une période de travail temporaire
        2. La fin d’office
        3. La fin par licenciement
        4. La démission
        5. Le licenciement sans préavis des temporaires et des définitifs
        6. La fin d’un engagement définitif
        7. Le licenciement abusif
      4. 2.1.4. La mise en disponibilité
    2. 2.2. UN STATUT DISCIPLINAIRE
      1. 2.2.1. Les devoirs des pouvoirs organisateurs
      2. 2.2.2. Les devoirs des membres du personnel
      3. 2.2.3. Les incompatibilités
      4. 2.2.4. Les sanctions
      5. 2.2.5. La suspension préventive
    3. 2.3. CONCLUSION
  4. 3. L’ÉVOLUTION ULTÉRIEURE DU STATUT
    1. 3.1. LE DÉROULEMENT DES NÉGOCIATIONS
    2. 3.2. LES CHANGEMENTS APPORTÉS AU DÉCRET DE FÉVRIER 1993
      1. 3.2.1. Le statut de stabilité de l’emploi
        1. Pour l’engagement à titre temporaire
        2. La priorité pouvoir organisateur
        3. La priorité entité ou CES
        4. La priorité « réseau »
        5. Autres priorités
        6. La dévolution des emplois
        7. L’engagement à titre temporaire du personnel de sélection ou de promotion
        8. Pour l’engagement à titre définitif du personnel de recrutement.
        9. Engagement à titre définitif du personnel de sélection et de promotion
        10. La mise en disponibilité
        11. La problématique des préavis
      2. 3.2.2. Le régime disciplinaire
        1. La suspension préventive
        2. La fin des contrats
  5. CONCLUSION
Bernard De Commer
Les membres du personnel de l’enseignement libre subventionné ont un statut particulier défini par un décret du 1er février 1993, dont l’origine remonte au Pacte scolaire de 1958. Pacifier les questions scolaires passait par l’octroi aux enseignants du réseau libre subventionné d’une stabilité d’emploi équivalente à celle des enseignants des établissements de l’État. Il s’agissait aussi de respecter le principe d’égalité inscrit dans la Constitution. Ce principe d’égalité a été perçu différemment selon les acteurs. Pour les fédérations de pouvoirs organisateurs, il s’inscrivait dans le cadre de la liberté d’enseignement. L’État se devait d'assurer tant l'égalité de traitement du personnel que la liberté d'organiser un enseignement engagé. Pour les organisations syndicales, ce même principe devait conduire à une égalité de droits et de devoirs des personnels de l’enseignement libre subventionné et de ceux du réseau public. Bernard De Commer reconstitue la longue marche de l’élaboration du décret. Si l’égalité est à la base du décret, le principe de légalité a été au cœur des débats et même à l’origine d’organisations syndicales dissidentes des centrales chrétiennes de l’enseignement, seules présentes au départ sur le terrain. Les pouvoirs organisateurs peuvent-ils ajouter au contrat d’engagement des exigences inspirées par le projet éducatif spécifique à l’enseignement catholique ? Les procès gagnés par des syndicats défendant le droit de leurs affiliés à la vie privée et les recours au Conseil d’État ont contribué à faire évoluer aussi bien les mentalités que les capacités de compromis des acteurs en présence. L’auteur analyse ensuite le texte de 1993 en le comparant au statut du personnel de l’enseignement libre avec celui du personnel de la Communauté française. Il décrit enfin les principales réformes apportées au décret en 2002 et en 2006, qui rapprochent encore davantage les deux statuts.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/01/2007
https://doi.org/10.3917/cris.1927.0005
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