CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1 L’objectif du présent Courrier hebdomadaire est de présenter le cadre juridique et institutionnel des politiques de lutte contre les changements climatiques au niveau mondial et européen, tel qu’il s’est graduellement développé depuis la fin des années 1980, et d’analyser les facteurs politiques qui ont déterminé son développement et influencé l’architecture du régime international et européen actuellement en vigueur.

2 Les politiques publiques de lutte contre les changements climatiques sont devenues, ces dernières années, l’un des principaux volets de la politique de l’environnement à tous les niveaux de pouvoir et dans un contexte de plus en plus internationalisé. En effet, le développement des politiques publiques fédérales et régionales dans le domaine de la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre et de l’utilisation rationnelle de l’énergie en Belgique est, dans une large mesure, déterminé par le cadre international et européen. En outre, il convient de souligner que les enjeux de la politique de lutte contre les changements climatiques dépassent de loin les enjeux de la politique de l’environnement en tant que politique sectorielle et touchent à l’ensemble des trois « piliers » du développement durable. Nous essayerons aussi de mettre en évidence ces ramifications.

3 Précisons d’emblée que l’objet de cette étude n’est pas d’examiner l’efficacité et l’efficience des politiques internationales et européennes et leur incidence réelle sur l’évolution des émissions de gaz à effet de serre, ni d’entrer dans le débat scientifique sur les causes et effets du réchauffement planétaire et les meilleurs moyens d’y faire face. Ces questions font déjà l’objet d’une volumineuse littérature qu’il serait impossible de résumer dans les limites de cette publication. Nous analyserons successivement les origines du débat scientifique et politique international qui ont mené au développement des politiques de lutte contre les changements climatiques, les principaux instruments juridiques internationaux (la Convention-cadre des Nations unies, le Protocole de Kyoto et leurs dispositions d’application) et finalement la politique de l’Union européenne en matière de changements climatiques et les principales mesures communautaires qui ont été adoptées dans ce cadre.

1. LES DÉBUTS DU DÉBAT SCIENTIFIQUE ET POLITIQUE INTERNATIONAL DANS LES ANNÉES 1970 ET 1980

1.1. DES PREMIÈRES HYPOTHÈSES AUX TRAVAUX DU PROGRAMME MONDIAL DE RECHERCHE SUR LE CLIMAT

4Les premières hypothèses scientifiques évoquant la possibilité d'un réchauffement du climat dû à l'accroissement de la concentration de gaz carbonique (CO2) dans l'atmosphère datent de la fin du 19e siècle. Les premières mesures systématiques de la concentration atmosphérique moyenne de CO2, permettant de vérifier la tendance à l'augmentation de celle-ci, furent entreprises à partir de la fin des années 1950, dans le cadre des activités liées à l'Année géophysique mondiale (1958). Les premiers résultats de ces observations, publiés dans les années 1960, commencèrent à susciter un débat dans la communauté scientifique sur les effets climatiques à long terme de l'accroissement du taux de CO2 dans l'atmosphère, lié à la consommation croissante de combustibles fossiles. Dès 1965, le comité des conseillers scientifiques du président des États-Unis attira l'attention des décideurs politiques sur cette question dans un rapport général consacré aux problèmes d'environnement. Quelques années plus tard, l'étude interdisciplinaire Man's Impact on the Global Environment effectuée par un groupe de scientifiques coordonnés par le Massachusetts Institute of Technology et publiée en 1970 comme contribution au processus préparatoire de la première conférence des Nations unies sur l'environnement, consacra un chapitre entier aux effets des activités humaines sur le climat en concluant à la possibilité de changements climatiques graves et à la nécessité d'intensifier les recherches sur ces risques et comment y faire face  [1]. Réunie à Stockholm en juin 1972, la Conférence des Nations unies sur l'environnement humain adopta un plan d'action recommandant, entre autres, l'établissement d'un réseau de stations de mesure de la pollution atmosphérique afin de surveiller les variations à long terme de la composition de l'atmosphère susceptibles de provoquer des changements climatiques. Ce programme de recherches devait permettre de mieux comprendre les causes de ces changements, qu'elles soient naturelles ou liées aux activités humaines  [2]. En 1979 eut lieu à Genève la première Conférence mondiale sur le climat, organisée par l'Organisation météorologique mondiale (OMM), qui aboutit, un an plus tard, au lancement du Programme mondial de recherche sur le climat (PMRC) coordonné par l'OMM et le Conseil international pour la science (ICSU). Le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) s’associa par la suite aux travaux du PMRC, au titre de ses activités d’évaluation de l’état de l’environnement, et se chargea plus particulièrement de la coordination des études relatives aux impacts écologiques et socio-économiques d’éventuels changements climatiques. Dans la première moitié des années 1980, cependant, l’attention du PNUE et des décideurs politiques se focalise plus sur la question de la protection de la couche d’ozone, sur laquelle l’état des connaissances scientifiques était plus avancé, que sur le problème, encore considéré comme fort hypothétique, des perturbations du climat. Les activités du PMRC se limitaient à un travail de développement et de coordination internationale de la recherche scientifique et ne suscitaient pas encore d’écho politique, ce qui pouvait s’expliquer par le degré important d’incertitude et l’absence de consensus au sein de la communauté scientifique sur l’hypothèse d’un réchauffement planétaire. Ce n’est qu’à partir de 1985 que le débat commença à s’étendre graduellement aux enceintes politiques, alors qu’un début de consensus se dessinait parmi les chercheurs.

5Une réunion scientifique internationale organisée à Villach en Autriche par l’OMM, le PNUE et ICSU en octobre 1985 permet de faire le point des connaissances sur l’influence des émissions de CO2 et d’autres gaz à effet de serre sur le système climatique et de dégager un certain nombre de premières conclusions et recommandations. Le rapport de cette réunion, à laquelle participèrent des experts de 29 pays, note qu'un certain réchauffement est inévitable en raison des rejets historiques de gaz à effet de serre, mais que l’ampleur et la vitesse des futurs changements climatiques peuvent être influencés par les politiques mises en œuvre par les gouvernements. En conséquence, il recommande à ceux-ci d'examiner la possibilité d'établir un traité mondial pour lutter contre les changements climatiques  [3]. Une première convention mondiale pour la protection de l’atmosphère contre une menace nécessitant une riposte concertée au niveau universel, la Convention de Vienne pour la protection de la couche d’ozone, venait d’être conclue quelques mois plus tôt sous l’égide du PNUE. Cette évolution significative de la coopération internationale dans le domaine de la protection de l’environnement – le premier traité multilatéral visant à faire face à un problème écologique d’ampleur vraiment planétaire – allait ouvrir la voie à l’accélération de la réaction politique internationale aux avertissements des scientifiques concernant les risques de l’effet de serre liés à la pollution atmosphérique. La publication, en 1987, du rapport de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement  [4] contribua également à renforcer la prise de conscience des défis environnementaux à dimension planétaire tant parmi les décideurs politiques que dans l’opinion publique, non seulement dans les pays industrialisés mais aussi dans les pays en voie de développement.

1.2. VERS LA MISE EN PLACE D’UN GROUPE D'EXPERTS INTERGOUVERNEMENTAL SUR L'ÉVOLUTION DU CLIMAT

6À la suite de la réunion de Villach, le 10e Congrès météorologique mondial, organe suprême de l’OMM, invita le secrétaire général de l’Organisation à examiner, en concertation avec le directeur exécutif du PNUE et en consultation avec les gouvernements, la mise en place d’un « mécanisme intergouvernemental » ad hoc afin de réaliser des évaluations scientifiques coordonnées des impacts potentiels des changements climatiques. Le conseil d’administration du PNUE, par sa décision 14/20 du 18 juin 1987, donna instruction à son directeur exécutif de collaborer à cette initiative de l’OMM. En mettant l’accent sur le caractère « intergouvernemental » du mécanisme en question, les organes politiques de l’OMM et du PNUE entendaient signifier que la coopération internationale dans le domaine des changements climatiques ne devait plus être pilotée exclusivement par la communauté scientifique elle-même, comme cela avait été le cas auparavant, mais appelait une prise en charge plus directe du processus par les gouvernements, compte tenu des implications politiques et socio-économiques importantes du problème de l’effet de serre, tant au niveau national qu’international. Même s’il s’agissait toujours, dans un premier temps, de coordonner des études scientifiques – et pas encore de s’accorder sur des mesures politiques – certains gouvernements appréhendaient déjà fort bien l’ampleur des enjeux et estimaient que le dossier était trop sensible pour laisser la main libre aux seuls experts scientifiques, désignés et encadrés par la bureaucratie onusienne, qui avaient dirigé les travaux entrepris depuis la fin des années 1970 sous l’égide du PMRC. On assista donc, vers la fin des années 1980, à une politisation accrue des décisions et à une reprise en main graduelle du processus par les diplomates, fonctionnaires et décideurs politiques nationaux par le biais d’organes politiques intergouvernementaux. Aux réunions techniques et scientifiques de la première phase vont succéder une série de rencontres mixtes à caractère politico-scientifique, souvent informelles, puis des réunions de nature franchement diplomatique, organisées à l’initiative de gouvernements nationaux et/ou d’organisations ou organes intergouvernementaux.

7La création du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) – mieux connu sous son appellation anglaise d’Intergovernmental Panel on Climate Change (IPCC) – est formalisée dans le courant de l’année 1988, par une résolution du Conseil exécutif de l’OMM  [5], faisant suite aux délibérations du 10e Congrès météorologique mondial et de la 14e session du conseil d’administration du PNUE. Cette résolution établit le GIEC, en décidant de le placer sous l’autorité conjointe des organes politiques des deux organisations, et fixe son mandat et sa composition, tout en précisant que celle-ci doit être d’un niveau « aussi élevé que possible », tant du point de vue politique que scientifique, et que la désignation des représentants nationaux au sein du Groupe est « la prérogative exclusive des gouvernements souverains ». Sur la base de cette habilitation, le secrétaire général de l’OMM et le directeur exécutif du PNUE inviteront l’ensemble des États membres des deux organisations à désigner leurs représentants et experts pour participer aux travaux de cette nouvelle structure, qui se voit chargée de fournir, en vertu d'un consensus international, des évaluations sur la science du changement climatique, y compris ses causes, ses répercussions et les solutions possibles. La première réunion plénière du GIEC aura lieu en novembre de la même année, se fixant pour objectif de réaliser un « premier rapport d’évaluation » circonstancié dans un délai de deux ans.

1.3. LES PREMIÈRES ÉTAPES D’UN PROCESSUS DE NÉGOCIATION INTERGOUVERNEMENTAL

8Parallèlement au démarrage de ce processus formel, dûment mandaté par des décisions intergouvernementales, le gouvernement du Canada, encouragé par le succès récent des négociations sur la protection de la couche d’ozone qui avaient abouti à la signature du Protocole de Montréal en septembre 1987, prit l’initiative d’organiser à Toronto, en juin 1988, une Conférence mondiale sur l'atmosphère en évolution  [6], réunissant, dans un cadre informel, des représentants de 46 pays, scientifiques et politiques confondus, pour débattre des problèmes mondiaux de pollution atmosphérique, en mettant l’accent tant sur la protection de la couche d’ozone que sur la question des changements climatiques. Le gouvernement canadien entendait donner une impulsion politique à la mise en œuvre du Protocole de Montréal et au renforcement ultérieur des mesures d’élimination des substances appauvrissant la couche d’ozone organisées par celui-ci, ainsi qu’au lancement de négociations internationales sur des actions concrètes à entreprendre pour faire face à l’effet de serre, en préconisant une approche globale et coordonnée du développement d’un « droit international de l’atmosphère ». La déclaration finale de la conférence de Toronto, qui n’engageait aucun gouvernement, reconnut l’urgence du problème des changements climatiques et appela les gouvernements, les Nations unies et les autres organisations internationales, ainsi que l’industrie et la société civile, à agir sans délai pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. Elle proposa pour la première fois un objectif politique concret et chiffré : réduire les émissions mondiales de CO2 de 20 % par rapport aux niveaux de 1988 d'ici 2005. Il convient de préciser qu’il s’agissait d’un objectif global, pour l’ensemble de la planète, énoncé sans préciser la contribution à fournir par chaque pays à cet effort commun. Par ailleurs, la conférence de Toronto lança aussi l’idée d’une convention-cadre et de la création d’un « fonds mondial pour l’atmosphère », alimenté par une taxe sur les énergies fossiles et destiné à financer la mise en œuvre d’un plan d’action international de lutte contre l’effet de serre  [7].

9En novembre 1988, le débat se déplaça à l’Assemblée générale des Nations unies, où Malte prit l’initiative d’inscrire à l’ordre du jour la question intitulée « Sauvegarde du climat comme patrimoine commun de l’humanité » et de déposer un projet de résolution sous ce même intitulé  [8]. Ce pays avait déjà été à l’origine, vingt ans auparavant, de la déclaration de l’Assemblée générale conférant aux ressources des fonds marins de la haute mer le statut de patrimoine commun de l’humanité et jetant les bases d’un régime juridique international concrétisé en 1982 par la Convention des Nations unies sur le droit de la mer. L’intitulé de son projet de résolution suggérait d’envisager la gestion du climat sous le même angle, mais cette idée audacieuse ne recueillit guère de soutien et fut évacuée du texte finalement adopté par l’Assemblée générale. Celui-ci se limita à reconnaître que les changements climatiques devaient être considérés comme « une préoccupation commune de l’humanité » nécessitant une action « dans un cadre mondial  [9] ». En substance, la résolution de l’Assemblée générale entérina l’initiative commune de l’OMM et du PNUE d’établir le GIEC et invita les deux organisations à entreprendre, par l’intermédiaire du GIEC, les actions nécessaires afin de formuler des recommandations portant, notamment, sur « les stratégies envisagées pour retarder, limiter ou atténuer » les changements climatiques ainsi que sur « les éléments à prévoir dans une éventuelle convention internationale sur le climat  [10] ».

1.4. RÉUNIONS POLITIQUES À HAUT NIVEAU

10Le problème des changements climatiques fut propulsé à l'avant-plan de l’agenda politique international par le sommet de La Haye sur « la protection de l’atmosphère », premier sommet écologique Nord-Sud convoqué en mars 1989 à l'initiative du président français Mitterrand, du Premier ministre néerlandais, M. Lubbers, et de son homologue norvégien, Mme Brundtland, qui venait de présider les travaux de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement. L'objectif diplomatique de ces trois pays européens n'était pas d'organiser une conférence universelle dans un cadre institutionnel établi, mais plutôt de réunir un petit nombre de pays considérés à l'époque comme ayant des positions « progressistes » sur les questions d'environnement, pour faire pression sur d’autres pays, plus réticents à s’engager dans des négociations sur les nouveaux enjeux écologiques planétaires. Réunis au Palais de la Paix à La Haye le 11 mars 1989, les chefs d'État ou de gouvernement de 24 pays, tant du Nord que du Sud  [11], ou leurs représentants personnels, y ont adopté et signé une déclaration politique solennelle  [12], qui évoque tant la détérioration de la couche d'ozone que l'accumulation des gaz à effet de serre en constatant que « les conditions mêmes de la vie sur notre planète sont aujourd'hui menacées par les atteintes graves dont l'atmosphère est l'objet ». Selon les signataires de la déclaration, l'ampleur planétaire de ces problèmes implique que des solutions ne pourront y être trouvées qu'au niveau mondial, ce qui nécessitera « non seulement la mise en œuvre des principes existants mais aussi une approche nouvelle, par l'élaboration de nouveaux principes de droit international, notamment des mécanismes de décision et d'exécution nouveaux et plus efficaces ».

11Plus concrètement et non sans audace, la Déclaration de La Haye envisageait la création d'une « nouvelle autorité institutionnelle » internationale dotée de compétences normatives en matière de lutte contre le réchauffement planétaire et habilitée à recourir « à toutes procédures de décision efficaces même si, dans certains cas, un accord unanime n'a pu être atteint ». En conclusion, les États signataires invitaient tous les pays à se joindre à eux pour élaborer les conventions-cadres et autres instruments juridiques nécessaires à la création de cette institution et à la mise en œuvre des principes énoncés dans la déclaration.

12Les manœuvres diplomatiques préliminaires à l'ouverture de négociations formelles pour la conclusion d'une convention sur les changements climatiques débutèrent quelques semaines après le sommet de La Haye, à la 15e réunion du conseil d’administration du PNUE. L'encre sur le parchemin de La Haye était à peine sèche que déjà les signataires, qui s'étaient pourtant solennellement engagés à promouvoir ensemble le développement de leur initiative commune au sein des Nations unies, s'entre-déchiraient à propos de l'opportunité de « prendre note » des éléments politiques principaux de cette déclaration dans le préambule d'un projet de décision du conseil d'administration. Le passage de la déclaration évoquant la nécessité de développer « de nouveaux principes de droit international » et des mécanismes de décision supranationaux efficaces ne faisait plus l’unanimité parmi les signataires et suscitait a fortiori de vives appréhensions de la part des autres États membres du conseil d’administration  [13]. En fin de compte, la décision du Conseil, dans son préambule, se borna à « noter » sans plus la Déclaration de La Haye, sans en évoquer le contenu. Mais cette décision n’en amorça pas moins le processus diplomatique onusien en invitant le directeur exécutif du PNUE, en collaboration avec le secrétaire général de l’OMM, à « entamer des préparatifs en vue de négociations concernant une convention-cadre sur le climat » et en recommandant que ces négociations débutent le plus tôt possible après l’adoption du rapport intérimaire du GIEC  [14]. À l’issue de cette réunion du PNUE, on pouvait supposer que les négociations annoncées se dérouleraient, à l’instar de la création du GIEC, sous l’égide commune des deux structures intergouvernementales spécialisées les plus directement impliquées dans l’organisation de la coopération scientifique internationale en matière de climat du fait de leurs compétences techniques, le PNUE et l’OMM. Les décisions politiques ultérieures leur ont cependant ôté la gestion du processus de négociation, pour le placer sous l’autorité directe de l’Assemblée générale des Nations unies.

13L’étape politique suivante fut la Conférence ministérielle de Noordwijk, organisée à l’initiative du gouvernement néerlandais en novembre 1989. Même si cette conférence se déroulait en dehors de tout cadre institutionnel établi, elle avait un caractère plus formel et un poids diplomatique plus important que la réunion organisée à Toronto par le Canada l’année précédente. Ce fut la première réunion intergouvernementale à haut niveau consacrée spécifiquement au problème des changements climatiques, et sa composition fut nettement plus représentative de la communauté internationale dans son ensemble que les rencontres de Toronto et La Haye, avec la participation officielle de représentants de 66 pays et de toutes les organisations internationales directement concernées, non seulement des agences scientifiques et techniques telles l’OMM, le PNUE et l’Unesco, mais aussi des organisations à caractère économique comme la Banque mondiale, le Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD), l’OCDE et l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Compte tenu de l’évolution des débats, de l’ouverture imminente de négociations formelles et du niveau élevé de participation, il n’est pas étonnant que la conférence de Noordwijk ait renforcé la politisation du problème et reflété les positions des principaux groupes d’intérêt et alliances politiques qui commençaient à se former en vue de la négociation annoncée, tout en préparant le terrain pour celle-ci. Pour la première fois, grâce à une participation active des pays en voie de développement, les enjeux de la lutte contre les changements climatiques furent aussi explicitement envisagés sous l’angle des relations Nord-Sud.

14La Déclaration de Noordwijk, adoptée en conclusion de la conférence, fut âprement négociée et jeta en fait les bases politiques de nombreux principes qui furent ultérieurement concrétisés dans la convention-cadre élaborée sous l’égide des Nations unies. On y trouve notamment déjà le principe de la différenciation des obligations des pays développés et en développement dans la lutte contre les changements climatiques, qui sera plus tard codifié dans la convention comme « principe des responsabilités communes mais différenciées ». Si la déclaration appelle tous les pays à initier des actions en vue de « contrôler, limiter ou réduire » les émissions de gaz à effet de serre, les pays industrialisés se voient attribuer des responsabilités spécifiques, notamment celle de « montrer l’exemple » en prenant des mesures domestiques pour réduire leurs émissions et d’apporter un soutien financier aux pays pour lesquels la protection de l’atmosphère et l’ajustement aux changements climatiques seraient une charge « excessive ».

15À long terme, les « efforts communs » doivent s’orienter vers l’objectif qualifié d’« impératif » de stabilisation des concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. La déclaration se garde néanmoins de fixer un objectif quantifié, tant en ce qui concerne les concentrations atmosphériques à atteindre que les réductions d’émissions à réaliser à cette fin. L’objectif global de réduction des émissions de CO2 de 20 % d’ici 2005, auquel avaient souscrit les participants à la conférence de Toronto en 1988, n’est plus guère évoqué qu’à titre exemplatif, tout comme un objectif à plus long terme d’une réduction de 50% mentionné dans certaines études scientifiques. À Noordwijk, les gouvernements préfèrent attendre les premières conclusions des travaux en cours du GIEC avant de se prononcer sur des engagements concrets. Le GIEC est invité à « étudier » les différentes « options » dans son rapport. Les pays industrialisés se limitent à reconnaître la nécessité de « stabiliser » leurs émissions de CO2 « dès que possible », à un niveau non spécifié, à fixer ultérieurement sur la base des études du GIEC. La déclaration fait référence au point de vue de « nombreux pays industrialisés » selon lesquels une telle stabilisation des émissions devrait intervenir au plus tard en l’an 2000, mais il ne s’agissait pas d’un consensus, les États-Unis s’étant fermement opposés à l’adoption d’un quelconque objectif quantifié ou d’une échéance précise, même dans un texte politique, en invoquant les incertitudes scientifiques subsistantes quant au phénomène du réchauffement planétaire. Ils n’étaient d’ailleurs pas le seul pays du Nord à manifester des réticences, car le texte de la déclaration reconnaît par ailleurs implicitement que le niveau d’émissions de CO2 de certains pays industrialisés ayant une consommation d’énergie encore « relativement faible » devait pouvoir connaître une certaine croissance avant de se stabiliser. Ce dernier passage de la déclaration faisait écho aux préoccupations de certains États membres de la Communauté européenne, qui n'étaient pas non plus prêts à s'engager individuellement à plafonner leurs émissions de CO2.

16L'influence des pays en voie de développement sur le texte de la Déclaration de Noordwijk est manifeste, non seulement par l'accent mis sur le caractère différent des responsabilités de ces pays, mais aussi par les nombreuses références à leurs besoins en matière d'assistance technique et financière et de transfert de technologies propres. Ils ont ainsi commencé à exprimer les revendications qui se concrétiseraient dans les négociations sur la convention-cadre, dès l'ouverture des débats formels sur l'organisation de celles-ci à l'occasion de la 44e session de l'Assemblée générale des Nations unies.

1.5. LA PRISE EN MAIN DU PROCESSUS PAR L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DES NATIONS UNIES

17En décembre 1989, l'Assemblée générale adopta sa deuxième résolution sous l'intitulé « Protection du climat mondial pour les générations présentes et futures  [15] », faisant suite à la résolution adoptée sur la proposition de Malte l'année précédente. La comparaison des deux textes révèle nettement la politisation accrue des débats et la montée des enjeux, depuis la création officielle du GIEC, les débats au sein du conseil d’administration du PNUE, la conférence de Noordwijk et les nombreuses autres réunions politiques à haut niveau ayant abordé la question depuis la conférence de Toronto en 1988. Le préambule de la résolution énumère l'ensemble de ces réunions et « prend acte » de leurs conclusions, tout en reconnaissant la « nécessité d'effectuer des travaux de recherche et des études scientifiques supplémentaires sur les origines, causes et effets des changements climatiques ». Le dispositif, quant à lui, « souligne qu'il ressort des conclusions de diverses réunions internationales importantes que la question des changements climatiques doit être abordée d'urgence » et prend une série de dispositions en vue de préparer les négociations intergouvernementales à venir. L'Assemblée générale « se félicite » de la collaboration entre l'OMM et le PNUE à l'appui des travaux de GIEC, auxquels il invite « tous les gouvernements ainsi que les organisations intergouvernementales et non gouvernementales compétentes » à participer « activement », tout en exprimant sa préoccupation face à la participation « limitée » des pays en développement aux activités de ce groupe d'experts et « demandant instamment » des mesures pour élargir cette participation. Elle appuie par ailleurs le mandat donné par le conseil d’administration du PNUE à son directeur exécutif ainsi qu'au secrétaire général de l'OMM pour entamer les préparatifs en vue de la négociation d'une convention-cadre sur le climat, tout en se réservant le droit de « prendre au début de sa quarante-cinquième session une décision concernant les moyens et les modalités nécessaires pour poursuivre ces négociations[16] ». Un autre paragraphe de la résolution met l’accent sur le fait « que le système des Nations unies, par l'intermédiaire de l'Assemblée générale, constitue de par son caractère universel l'instance appropriée pour adopter des mesures et des politiques concertées en ce qui concerne les problèmes d'ordre écologique  [17] ». Ainsi, l'organe politique suprême de l'ONU annonçait implicitement dès 1989 son intention de saisir le contrôle du processus de négociation à l'issue d'une phase scientifico-technique préparatoire qui se déroulait alors dans le cadre du GIEC sous l'égide conjointe de l'OMM et du PNUE. L'ouverture formelle de négociations intergouvernementales était prévue dès la publication par le GIEC de son premier rapport, attendu en 1990.

18L'objet des négociations annoncées était défini dans la résolution de décembre 1989 comme l'élaboration « d'une convention-cadre sur le climat, assortie de protocoles comportant des engagements concrets  [18] ». La résolution évoquait aussi la création de nouveaux mécanismes de financement international, « en gardant à l'esprit qu'il importe de prévoir des ressources financières nouvelles et supplémentaires pour aider les pays en développement », et la nécessité d'étudier, dans le contexte des futures négociations, « la notion d'accès assuré des pays en développement aux techniques écologiquement rationnelles et de la possibilité pour eux de bénéficier de leur transfert à des conditions favorables  [19] », deux thèmes qui deviendraient effectivement des enjeux essentiels des négociations.

1.6. LA 2E CONFÉRENCE MONDIALE SUR LE CLIMAT ET LE LANCEMENT

19FORMEL DE LA NÉGOCIATION D’UNE CONVENTION-CADRE Peu après la publication du premier rapport de synthèse du GIEC en août 1990, eut lieu la 2e Conférence mondiale sur le climat, réunie à Genève du 29 octobre au 7 novembre 1990, à l'initiative de l'OMM, et en collaboration avec le PNUE, l’UNESCO, la FAO et le Conseil international pour la science (ICSU), partenaires de l’OMM dans le Programme mondial de recherche sur le climat (PMRC). Alors que la 1e Conférence mondiale sur le climat en 1979 avait encore un caractère éminemment scientifique, étant axée sur la mise en place d’un programme coordonné de recherches, la deuxième conférence de Genève avait un objectif plus politique, s’agissant de tirer les conséquences de l’évaluation des connaissances scientifiques par le GIEC. C’est pourquoi son programme scientifique fut complété par un volet diplomatique : une réunion ministérielle, à laquelle participèrent des ministres et hauts représentants de 137 pays et de la Communauté européenne. Selon les observateurs, la conférence servit en fait de « répétition générale » pour les négociations intergouvernementales sur la convention-cadre qui allaient s’ouvrir au début de l’année suivante  [20].

20Il est particulièrement intéressant de comparer les conclusions et recommandations du volet scientifique de la conférence avec la déclaration ministérielle adoptée à l’issue du volet politique. Cette comparaison révèle les points névralgiques et contentieux sur lesquels se cristallisent les positions des parties en présence et qui constitueront les enjeux principaux des négociations à venir. Alors que les experts réunis à Genève avant les ministres reconnaissent explicitement dans leurs conclusions que les conclusions du premier rapport d’évaluation du GIEC – faisant état d’une augmentation prévisible de la température moyenne au niveau planétaire de 2 à 5 degrés centigrade sur une période d’un siècle en l’absence de mesures de réduction des émissions de gaz à effet de serre – reflétaient « le consensus international sur l’état des connaissances scientifiques relatives aux changements climatiques  [21] », la déclaration ministérielle est plus ambiguë, soulignant les « incertitudes qui subsistent, tant sur le plan scientifique et économique qu’en ce qui concerne les mesures de parade » tout en plaidant pour « une action d’échelle mondiale fondée sur les meilleures connaissances dont on dispose, par exemple celles qui résultent de l’évaluation [du GIEC]  [22] ». Les ministres reconnaissent néanmoins que « les conséquences potentielles de l’évolution du climat (…) sont suffisamment graves pour que l’on commence à appliquer dès maintenant des stratégies de parade, même s’il sub-siste de fortes incertitudes  [23] ». La déclaration politique affirme « qu’il n’existe pas de solution technique toute prête pour limiter les émissions de gaz à effet de serre  [24] » et « que la conservation des forêts mondiales, comme réservoirs de carbone, revêt, au même titre que d’autres mesures, une grande importance pour la stabilité du climat de la planète  [25] », alors que les scientifiques soulignent, quant à eux, que si une augmentation du couvert forestier peut « contribuer à ralentir les changements climatiques mondiaux » elle ne devrait pas être considérée comme « le remède principal au problème  [26] ». L’importance respective à accorder, dans les stratégies de lutte contre l’effet de serre, aux mesures de réduction des émissions et aux mesures de renforcement des « puits » de carbone, deviendra par la suite un enjeu crucial des négociations sur la Convention-cadre et son protocole additionnel.

21Différentes lignes de clivage Nord-Sud, Nord-Nord et Sud-Sud commencent aussi à se dessiner. La déclaration ministérielle établit les bases du principe dit des « responsabilités communes mais différenciées » qui sera par la suite traduit dans les dispositions de la Convention-cadre.

22Elle pose comme principe que « les pays développés doivent montrer l’exemple (…) puisque la majorité des émissions mondiales leur est imputable », alors que « de leur côté », les pays en développement ne doivent s’engager qu’ « à prendre des mesures appropriées, dans les limites de leurs possibilités[27] ». L’engagement des pays en développement est subordonné au transfert de « ressources financières additionnelles en quantité suffisante » et de « technologies écologiquement viables les meilleures qui soient  [28] ». Si tous les pays développés sont invités à « établir des objectifs quantitatifs et/ou des stratégies ou des programmes nationaux réalistes qui contribueront sensiblement à limiter les émissions de gaz à effet de serre », la déclaration reconnaît cependant « que les pays développés dont la consommation d’énergie est encore relativement faible (…) peuvent établir des objectifs (…) qui tiennent compte des impératifs de la croissance socio-économique tout en prévoyant l’amélioration du rendement énergétique des activités économiques nationales  [29] ». L’analyse de ces passages de la déclaration ministérielle révèle de profondes dissensions entre les pays membres de l’OCDE et même de la Communauté européenne quant à la nature et au niveau des engagements qu’ils sont disposés à prendre. La CE et ses États membres, ainsi que l’Australie, le Canada, les pays nordiques, le Japon et la Suisse sont « félicités » pour leur engagement « de faire le nécessaire pour stabiliser, d’ici à l’an 2000, leurs émissions de CO2 et autres gaz à effet de serre (…) à un niveau qui devrait généralement être celui de 1990 ». Les États-Unis brillent par leur absence dans cette liste de pays membres de l’OCDE, du fait de leur refus de souscrire à un quelconque engagement quantifié, qu’ils jugent non « réaliste ». Par ailleurs, la référence particulière aux « pays développés dont la consommation d’énergie est encore relativement faible », qui se voient implicitement reconnaître le droit d’augmenter leurs émissions de gaz à effet de serre par rapport au niveau de référence de 1990, s’était avérée nécessaire pour préserver l’unité de façade de la CE, qui ne s’engage à stabiliser ses émissions que dans son ensemble et non pas au niveau de chacun de ses États membres individuellement. S’agissant des positions des pays en développement, s’ils sont unis face au Nord dans leurs revendications en matière de transferts financiers et de technologie, ils sont loin de l’être dans leurs intérêts par rapport à l’importance à accorder à la lutte contre l’effet de serre.

23La déclaration ministérielle reconnaît d’une part que « la survie dans certains petits États insulaires et dans les zones côtières basses et les zones arides et semi-arides pourrait même être menacée  [30] », et de l’autre qu’ « il conviendra de prendre en compte les difficultés particulières que les mesures prises pour limiter les émissions de gaz à effet de serre pourraient poser aux pays (…) en développement (…) dont l’économie est fortement tributaire de la production et de l’exportation des combustibles fossiles  [31] ». Ainsi, à l’intérieur du « Groupe des 77 » – le groupe politique informel réunissant l’ensemble des pays en voie de développement membres des Nations unies – commencent à s’affronter les intérêts des petits pays insulaires et de certains pays africains victimes de la désertification et ceux des pays exportateurs de pétrole. Les ministres concluent leur déclaration de Genève en demandant que « la négociation d’une convention cadre sur l’évolution du climat débute aussitôt que l’Assemblée générale des Nations unies aura recommandé (…) les voies, moyens et modalités à suivre » et exprimant le souhait que cette convention « puisse être signée lors de la Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement » qui venait d’être convoquée à Rio pour le mois de juin 1992  [32].

24L'Assemblée générale des Nations unies obtempéra le mois suivant en adoptant, le 21 décembre 1990, une nouvelle résolution lançant formellement la négociation d'une Convention-cadre et établissant à cette fin « sous ses auspices » un « processus intergouvernemental unique de négociation  [33] ». Une enceinte ad hoc fut spécialement créée pour les négociations, sous le nom de « comité intergouvernemental de négociation chargé d'élaborer une convention-cadre concernant les changements climatiques ». Par cette décision de l'organe politique suprême de l'ONU, l'OMM et le PNUE furent dépossédés de la maîtrise du processus qu'ils avaient cependant largement contribué à préparer par leurs travaux conjoints, et réduits à un rôle d'appoint technique. En effet, si le comité intergouvernemental de négociation devait, selon les termes de la résolution 45/212, être « appuyé » par ces deux organisations, son secrétariat fut placé sous l'autorité directe du secrétaire général des Nations unies, qui fut invité à désigner le chef du « secrétariat spécial » composé principalement de fonctionnaires détachés par l'OMM et le PNUE  [34]. Ainsi, l'Assemblée générale exprima implicitement mais sans équivoque sa méfiance à l'égard du GIEC et des deux agences spécialisées dont l'approche de la question fut jugée trop « technique » et insuffisamment sensible aux intérêts et préoccupations spécifiques des pays en développement, peu impliqués dans les travaux du GIEC. La résolution se borna à « prendre note » du premier rapport d'évaluation du GIEC et à inviter le comité intergouvernemental de négociation à « tenir compte » de ses travaux, ainsi que des « conclusions des réunions internationales » sur la question des changements climatiques, et notamment de la 2e Conférence mondiale sur le climat  [35]. L'Assemblée générale fixa également l'échéance des négociations, en décidant qu'elles devaient être achevées avant la Conférence des Nations unies sur l'environnement et le développement, qui devait avoir lieu à Rio de Janeiro en juin 1992, afin de permettre la signature de la Conventioncadre à l'occasion de ce premier « sommet de la Terre  [36] ».

25Quant à l'objet des négociations, il est à noter que l'Assemblée générale amorça une courbe rentrante en réduisant son niveau d'ambition, car sa résolution de décembre 1990, contrairement à celle de l'année précédente, ne précisait plus que la Convention-cadre à négocier devait être « assortie de protocoles comportant des engagements concrets », mais simplement qu'elle devait elle-même comporter des « engagements appropriés », tout en chargeant le comité intergouvernemental de négociation « de mettre au point tout autre instrument connexe qui pourrait être convenu  [37] ». C'est dans ce cadre que les négociations débutèrent à Washington en février 1991 et furent conclues in extremis à New York en mai 1992, à quelques semaines de l'échéance fixée par l'Assemblée générale, après sept réunions mouvementées du comité intergouvernemental de négociation.

26Le texte final de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, tel qu’adopté par le comité intergouvernemental à l’issue de ses travaux à New York, fut transmis à la Conférence des Nations unies sur l'environnement et le développement, où il fut ouvert à la signature le 4 juin 1992 à Rio de Janeiro. Par un hasard protocolaire et alphabétique, la Belgique fut le premier État à apposer sa signature au bas de ce texte, avant les autres États membres de la Communauté européenne et la CE elle-même. En tout, la convention recueillit plus de 150 signatures avant la fin du sommet de Rio, et d’autres États la signèrent au siège des Nations unies à New York avant la date limite du 19 juin 1993. La convention entra en vigueur le 21 mars 1994, après avoir été ratifiée par cinquante États, dont les États-Unis, qui furent l’un des premiers pays industrialisés à déposer leur instrument de ratification. Ironie du sort, la Belgique, premier signataire, fut le dernier État membre de l’UE à ratifier, le 16 janvier 1996. À l’heure actuelle, la Convention-cadre compte 189 Parties contractantes. Nous allons maintenant procéder à une analyse der ses principales dispositions.

2. LA CONVENTION-CADRE DES NATIONS UNIES SUR LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES

27Comme tous les « produits » de Rio, le texte de la Convention-cadre sur les changements climatiques adoptée à New York le 9 mai 1992 reflète un exercice d'équilibre subtil sur les thèmes sous-jacents de la tension entre souveraineté nationale et responsabilité collective des États pour la protection de l'environnement planétaire, entre développement économique et contraintes écologiques  [38].

28Ainsi, le préambule de la Convention, tout en reconnaissant que les changements climatiques sont « un sujet de préoccupation pour l'humanité toute entière » et que « le caractère planétaire des changements climatiques requiert de tous les pays qu'ils coopèrent le plus possible et participent à une action internationale », n’en « réaffirme » pas moins avec force « que le principe de la souveraineté des États doit présider à la coopération internationale destinée à faire face aux changements climatiques ». Dans le même esprit, il affirme par ailleurs que, si « diverses mesures prises pour faire face aux changements climatiques peuvent trouver en elles-mêmes leur justification économique et peuvent aussi contribuer à résoudre d'autres problèmes d'environnement », toutes les mesures prises à cette fin doivent néanmoins « être étroitement coordonnées avec le développement social et économique afin d'éviter toute incidence néfaste sur ce dernier, compte pleinement tenu des besoins prioritaires légitimes des pays en développement, à savoir une croissance économique durable et l'éradication de la pauvreté ». D’entrée de jeu, les dispositions du préambule soulignent « que la majeure partie des gaz à effet de serre émis dans le monde par le passé et à l'heure actuelle ont leur origine dans les pays développés, que les émissions par habitant dans les pays en développement sont encore relativement faibles et que la part des émissions totales imputable aux pays en développement ira en augmentant pour leur permettre de satisfaire leurs besoins sociaux et leurs besoins de développement ». Il résulte de ce constat que « les pays développés doivent agir immédiatement (…), ce qui constituera une première étape vers des stratégies d'ensemble aux niveaux mondial, national et éventuellement régional », tandis que « les pays en développement devront accroître leur consommation d'énergie en ne perdant pas de vue qu'il est possible de parvenir à un meilleur rendement énergétique et de maîtriser les émissions de gaz à effet de serre d'une manière générale et notamment en appliquant des technologies nouvelles  [39] ». C’est en ces termes que le préambule de la Convention introduit le principe dit des « responsabilités communes mais différenciées », qui est non seulement inscrit explicitement dans le dispositif du texte mais en sous-tend toute l’économie et constitue l’une des pierres angulaires du régime international de lutte contre les changements climatiques, comme nous le verrons plus loin.

2.1. OBJECTIF ULTIME

29L'objectif du régime instauré par la Convention est formulé comme suit à son article 2 :

30

« L'objectif ultime de la présente Convention (...) est de stabiliser, conformément aux dispositions pertinentes de la Convention, les concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique. Il conviendra d'atteindre ce niveau dans un délai suffisant pour que les écosystèmes puissent s'adapter naturellement aux changements climatiques, que la production alimentaire ne soit pas menacée et que le développement économique puisse se poursuivre d'une manière durable[40]. »
On remarquera que, s'il est question de « stabiliser » les concentrations de gaz à effet de serre, il ne s'agit là que d'un objectif « ultime ». Le niveau auquel et le délai dans lequel cette stabilisation doit être réalisée sont énoncés en des termes particulièrement vagues et sujets à interprétation. Les parties ont assurément des opinions très divergentes sur ce qui constitue une perturbation « dangereuse » du climat. Le libellé de l'article 2 comporte d'ailleurs l'acceptation implicite des changements climatiques comme inévitables dans une certaine mesure, pour autant que les écosystèmes puissent s'y « adapter naturellement ». En outre, la réalisation de l'objectif, du moins le délai de sa réalisation, est explicitement subordonnée à la condition que « le développement économique puisse se poursuivre », « d'une manière durable » il est vrai.

2.2. PRINCIPES

31L'article 3 énonce une série de « principes » qui doivent « guider » l'application de la Convention. Ces principes sont en fait des variations sur les principes généraux de la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement, déclaration politique adoptée par les chefs d’État et de gouvernement des pays membres des Nations unies au même moment que fut ouvert à la signature la Convention-cadre sur les changements climatiques. En étant ainsi incorporés dans le dispositif d’une convention multilatérale, instrument international juridiquement contraignant, ces principes acquièrent incontestablement une portée juridique, même si, comme pour tout principe juridique, leur contenu reste abstrait et souvent ambigu et sujet à des interprétations divergentes.

32Le premier principe énoncé à l’article 3 est donc celui des « responsabilités communes mais différenciées », qui y est formulé de la façon suivante :

33

« Il incombe aux Parties de préserver le système climatique dans l'intérêt des générations présentes et futures, sur la base de l'équité et en fonction de leurs responsabilités communes mais différenciées et de leurs capacités respectives. Il appartient, en conséquence, aux pays développés Parties d'être à l'avant-garde de la lutte contre les changements climatiques et leurs effets néfastes  [41]. »
Faisant écho aux dispositions du préambule analysées ci-dessus, cette disposition de l’article 3 évoque d’abord la responsabilité commune à toutes les Parties de contribuer à la préservation du système climatique de la planète, obligation qui leur incombe « dans l'intérêt des générations présentes et futures ». Elle enchaîne ensuite sur le thème des responsabilités différenciées des pays développés d’une part et des pays en développement d’autre part, différenciation basée sur le principe de l’équité et des capacités différentes de ces deux catégories de pays. L’équité a ici une double dimension : écologique d’abord et économique ensuite. En effet, comme il apparaît dans le préambule, la responsabilité première qui incombe aux pays industrialisés découle tant de l’ampleur de leur contribution historique à l’augmentation des concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, qui est à l’origine du réchauffement planétaire, que de leur niveau de développement économique et de leurs capacités scientifiques, technologiques et financières plus importantes. Il résulte de cet état de fait que ces pays doivent être les premiers à agir et être ainsi « à l'avant-garde » de la riposte internationale aux changements climatiques. C’est donc en souscrivant à ce principe dans la Convention-cadre même que les pays industrialisés ont d’emblée accepté l’asymétrie des obligations entre Parties du Nord et du Sud et, en quelque sorte, renoncé à la réciprocité immédiate des engagements respectifs des Parties contractantes, caractéristique du droit international conventionnel classique. Le fait que le Protocole de Kyoto, adopté en 1997, n’impose pas d’obligations supplémentaires aux pays en voie de développement par rapport à celles résultant de la Convention-cadre et fixe des objectifs de réduction ou de limitation des émissions de gaz à effet de serre pour les seuls pays industrialisés est la conséquence logique de cette concession faite en 1992 et les motifs invoqués par les États-Unis et l’Australie pour justifier leur refus de ratifier le Protocole semblent donc contraires au principe fondamental de bonne foi qui doit présider à l’exécution de leurs obligations en vertu de la Convention-cadre qu’ils ont ratifiée in tempore non suspecto et à laquelle ils continuent d’ailleurs d’affirmer leur soutien.

34Le deuxième alinéa de l’article 3 affirme la nécessité « de tenir pleinement compte des besoins spécifiques et de la situation spéciale des pays en développement Parties », en mentionnant spécialement « ceux qui sont particulièrement vulnérables aux effets néfastes des changements climatiques » et ceux auxquels « la Convention imposerait une charge disproportionnée ou anormale ». Cette dernière notion renvoie implicitement au principe d’équité évoqué à l’alinéa précédent.

35Le très controversé principe de précaution est le suivant dans l’énumération de l’article 3. Sa formulation dans le contexte des changements climatiques est proche de son énoncé plus général figurant au Principe 15 de la Déclaration de Rio. Tout comme dans celui-ci, le mot « principe » ne fait pas partie du libellé de la disposition, mais seulement de son chapeau ou intitulé. Le dispositif parle des « mesures de précaution pour prévoir, prévenir ou atténuer les causes des changements climatiques et en limiter les effets néfastes » qu’il « incombe aux Parties de prendre », et précise qu’en présence d’un « risque de perturbations graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour différer l'adoption de telles mesures ». Ce devoir de précaution est cependant qualifié par l’affirmation « que les politiques et mesures qu'appellent les changements climatiques requièrent un bon rapport coût-efficacité, de manière à garantir des avantages globaux au coût le plus bas possible ». On peut s’interroger sur la possibilité d’évaluer concrètement le rapport coût-efficacité et les avantages de mesures de lutte contre les changements climatiques en l’absence de certitude scientifique. Ne s’agit-il pas d’une façon subreptice de réintroduire dans l’équation le prétexte de l’absence de certitude scientifique que le principe de précaution entendait écarter ? Par ailleurs, la manière générale et abstraite qu’ont choisie les auteurs de cette disposition pour évoquer le coût des politiques et mesures n’est évidemment pas accidentelle : s’agit-il des coûts publics ou privés ? Quels coûts sont à supporter, et par quels acteurs, pour l’application de ces principes ? Au nom de la recherche in abstracto du « bon rapport coût-efficacité », l’article 3, § 3, précise en outre qu’il convient que les mesures à prendre par les Parties « s'étendent à toutes les sources et à tous les puits et réservoirs de gaz à effet de serre (…) et s'appliquent à tous les secteurs économiques ». Le régime instauré par la Convention-cadre se veut donc peu prescriptif quant au choix des mesures et s’interdit de cibler un secteur en particulier. L’accent est mis tant sur les mesures préventives de réduction des émissions à la source que curatives visant soit l’élimination des gaz à effet de serre de l’atmosphère par leur séquestration dans des puits ou réservoirs naturels ou artificiels de carbone, soit l’adaptation aux effets des changements climatiques au cas où celles-ci s’avèreraient plus avantageuses.

36Les deux derniers alinéas de l’article 3 égrènent des principes censés régir la mise en balance des intérêts économiques et écologiques. L’article 3, § 4, affirme le droit au développement conçu comme droit et même devoir des États : « Les Parties ont le droit d'œuvrer pour un développement durable et doivent s'y employer. » La connotation économique du droit au développement est quelque peu atténuée par le qualificatif « durable ». Dans la même disposition, il est également question du principe d’intégration, intimement lié au concept même de développement durable. Les politiques et mesures pour la mise en œuvre de la Convention devront être « intégrées dans les programmes nationaux de développement, le développement économique étant indispensable pour adopter des mesures destinées à faire face aux changements climatiques ». On notera l’ambiguïté étudiée de cette formule, puisqu’elle peut être interprétée en deux sens : est-ce l’économie qui doit conditionner les politiques environnementales ou viceversa ?

37Une même ambiguïté caractérise l’alinéa suivant, qui érige en principe du régime mondial de lutte contre les changements climatiques la promotion d'un « système économique international qui soit porteur et ouvert et qui mène à une croissance économique et à un développement durables de toutes les Parties, en particulier des pays en développement Parties, pour leur permettre de mieux s'attaquer aux problèmes posés par les changements climatiques ». En outre, l'article 3, § 5, dont le libellé est inspiré par le Principe 12 de la Déclaration de Rio, stipule qu' « il convient d'éviter que les mesures prises pour lutter contre les changements climatiques, y compris les mesures unilatérales, constituent un moyen d'imposer des discriminations arbitraires ou injustifiables sur le plan du commerce international, ou des entraves déguisées à ce commerce ». Ainsi, paradoxalement, la Convention-cadre consacre explicitement la primauté des impératifs économiques et commerciaux et des règles du système commercial multilatéral sur la mise en œuvre de ses propres dispositions relatives aux mesures de lutte contre les changements climatiques.

2.3. ENGAGEMENTS CONCRETS DES PARTIES

38Le principe des « responsabilités communes mais différenciées » s'est traduit très concrètement dans l'article 4 de la Convention, intitulé « Engagements », qui différencie les obligations des Parties selon leur appartenance à différentes catégories et sous-catégo-ries. En matière d’engagements, quatre catégories principales de Parties peuvent être distinguées :

  • pays développés Parties et autres Parties (en l’occurrence la Communauté européenne, Partie à la Convention en tant qu’organisation régionale d’intégration économique) figurant à l'annexe I de la Convention ;
  • pays développés Parties et autres Parties développées (en l’occurrence la
    Communauté européenne) figurant à l'annexe II de la Convention (c’est-à-dire sous-catégorie des Parties figurant à l'annexe I de la Convention, composée des pays qui étaient membres de l’OCDE au moment de l’adoption de la Convention en 1992) ;
  • Parties figurant à l'annexe I qui sont en transition vers une économie de marché
    (c’est-à-dire Parties figurant à l'annexe I mais non à l’annexe II de la Convention) ;
  • pays en développement Parties (c’est-à-dire toutes les Parties ne figurant pas à l'annexe I de la Convention).
Par ailleurs, les dispositions de l’article 4 reconnaissent encore l’existence d’autres catégories de Parties, qui font l’objet d’un statut particulier, dans la mesure où leur situation qualifiée de « spéciale » doit être prise en compte dans la mise en œuvre de la Convention. Ces Parties bénéficient en quelque sorte de droits préférentiels en fonction de leur appartenance à l’une ou à l’autre, voire même à plusieurs, de ces catégories.

2.4. RESPONSABILITÉS COMMUNES

39Les principales obligations communes à toutes les Parties sont l'établissement, la mise en œuvre et la mise à jour régulière de « programmes nationaux et, le cas échéant, régionaux contenant des mesures visant à atténuer les changements climatiques » (art. 4, § 1(b)) ainsi que l'établissement et la mise à jour périodique d'inventaires des émissions anthropiques de gaz à effet de serre sur leur territoire et de leur absorption (art. 4, § 1(a)), et la communication d’informations sur ces programmes et inventaires à la Conférence des Parties (art. 12, § 1 (a) et (b)). Par ailleurs, l’article 4, § 1er, de la Convention énonce encore d’autres obligations qui, en principe, incombent à toutes les Parties, mais le libellé des dispositions pertinentes est à tel point vague que leur mise en œuvre est, en pratique, laissée à la libre appréciation de chaque Partie. Il s’agit d’engagements à « encourager » et « soutenir » ou à « coopérer » à la mise en œuvre de mesures telles que l’application et la diffusion de technologies propres, la gestion rationnelle et le renforcement des puits de carbone, la recherche scientifique et technologique, le développement de mesures d’adaptation aux effets néfastes des changements climatiques, ou encore l’échange de données scientifiques et techniques.

2.5. RESPONSABILITÉS DIFFÉRENCIÉES

40En plus de ces obligations générales, les pays développés, ou certains d’entre eux, ont, en vertu du principe des « responsabilités communes mais différenciées », un certain nombre d’obligations supplémentaires et spécifiques, plus onéreuses que les engagements communs à toutes les Parties.

41Tout d’abord, les Parties de l’annexe I s'engagent à prendre des mesures « pour atténuer les changements climatiques en limitant [leurs] émissions anthropiques de gaz à effet de serre et en protégeant et renforçant (leurs) puits et réservoirs de gaz à effet de serre », ceci en « reconnaissant que le retour, d'ici à la fin de la présente décennie, aux niveaux antérieurs d'émissions (…) contribuerait à une (…) modification » des « tendances à long terme (…) conformément à l'objectif de la Convention » et en « tenant compte », notamment, « de la nécessité d'une croissance économique forte et durable » (art. 4, § 2(a)). Cette disposition, résultat d'un compromis entre les positions américaine et européenne, n'impose pas explicitement de réduction des émissions mais seulement une limitation à un niveau non précisé. On remarquera la formulation non prescriptive de la phrase évoquant le « retour aux niveaux antérieurs d'émissions », qui est en fait rédigée de façon tautologique, mais qui permit à la Communauté européenne – qui s'était prononcée en faveur d'une stabilisation des émissions de dioxyde de carbone à leur niveau de 1990 d'ici à l'an 2000, alors que les États-Unis s'opposaient à tout objectif chiffré – de sauver la face.

42Une référence explicite aux niveaux d’émissions de 1990 se trouve d’ailleurs dans l’alinéa suivant, qui engage chaque Partie de l’annexe I à fournir des « informations détaillées » sur ses politiques et mesures, « de même que sur les projections qui en résultent quant aux émissions anthropiques par ses sources et à l'absorption par ses puits de gaz à effet de serre (…) dans le but de ramener individuellement ou conjointement à leurs niveaux de 1990 les émissions anthropiques de dioxyde de carbone et d'autres gaz à effet de serre » (art. 4, § 2(b)). Les dispositions de l’article 4, § 2, sont souvent interprétées comme impliquant l’obligation pour les pays développés de stabiliser à partir de 2000 leurs niveaux d’émissions au niveau de 1990, mais il s’agit là d’une interprétation qui est contestable du point de vue juridique, puisqu’une telle obligation n’est clairement énoncée ni dans le premier, ni dans le second alinéa. Le retour aux niveaux d’émissions antérieurs n’est l’objet principal d’aucune de ces deux dispositions : dans l’article 4, § 2(a), l’objet premier est l’adoption de programmes et la prise de mesures, et, dans l’article 4, § 2(b), la communication d’informations et de projections sur celles-ci. Dans chacune de ces dispositions, la référence à l’objectif de stabilisation figure dans une périphrase à caractère non prescriptif. D’autre part, il résulte de la façon dont il est formulé qu’il ne s’applique pas à chaque Partie à titre individuel.

43Dans l'article 4, il est en outre question d'engagements financiers de la part des pays riches figurant à l’annexe II de la Convention, au profit des pays en développement. Les pays développés s'engagent à fournir « des ressources financières nouvelles et additionnelles » pour couvrir certains types de coûts découlant de l'application des mesures prévues dans la Convention par les pays en développement (art. 4, § 3) ainsi qu'une aide financière pour faire face aux frais d'adaptation aux effets des changements climatiques encourus par les pays particulièrement vulnérables à ces effets (art. 4, § 4).

44Une autre obligation particulière des Parties de l’annexe II est « d'encourager, de faciliter et de financer, selon les besoins, le transfert ou l'accès de technologies et de savoir-faire écologiquement rationnels aux autres Parties (…) afin de leur permettre d'appliquer les dispositions de la Convention » (art. 4, § 5). Le transfert de technologies n’est donc pas prévu au seul profit des pays en développement, mais aussi au bénéfice des pays en transition. Dans la même disposition, les pays développés se sont également engagés à soutenir « le développement et le renforcement des capacités et technologies propres aux pays en développement Parties ».

45Les Parties de l’annexe I sont également soumises, en vertu de l’article 12 de la Convention, à des obligations de communication d’informations plus onéreuses que les autres Parties. Elles doivent ainsi communiquer une « description détaillée des politiques et mesures qu'elles ont adoptées pour se conformer à l'engagement souscrit à l'article 4, paragraphes 2 a) et 2 b) » ainsi qu’une « estimation précise des effets » escomptés de ces politiques et mesures (art. 12, § 2). Quant aux Parties de l’annexe II, elles doivent, en outre, fournir « le détail des mesures prises » pour se conformer à leurs obligations d’assistance aux autres Parties (art. 12, § 3).

46Pour faciliter la mise en œuvre des engagements relatifs à l’aide financière et au transfert de technologies, la Convention crée un « mécanisme financier », qui est « chargé de fournir des ressources financières sous forme de dons ou à des conditions de faveur, notamment pour le transfert de technologie » (art. 11, § 1er), sans préjudice de l’utilisation par les Parties d’autres voies de financement bilatérales, régionales ou multilatérales (art. 11, § 5). La gestion de ce mécanisme financier fut confiée, d’abord « à titre provisoire » (art. 21, § 3) et ensuite de façon permanente, au « Fonds pour l'environnement mondial » (Global Environment Facility – GEF), établi conjointement par la Banque mondiale, le PNUD et le PNUE.

2.6. STATUT PRÉFÉRENTIEL DE CERTAINES PARTIES

47Certaines dispositions de la Convention accordent des droits ou facilités préférentiels à certaines catégories de Parties contractantes, en fonction d’un statut particulier qui leur est reconnu. Ce sont principalement les pays en développement, et tout particulièrement certaines sous-catégories d’entre eux, qui bénéficient de ce traitement différencié, mais certaines catégories de pays qualifiés de « développés » ont également obtenu un statut préférentiel au regard de certaines dispositions de la Convention. Le tableau suivant présente, de façon synthétique, l’ensemble de ces catégories et sous-catégories de Parties et les dispositions particulières de la Convention y faisant référence.

Tableau 1

Les Parties bénéficiant d’un statut préférentiel

Tableau 1
Tableau 1 : Les Parties bénéficiant d’un statut préférentiel Pays en développement Catégories de Parties ne figurant pas à l’Annexe I à vulnérabilité écologique particulière Pays en développement particulièrement vulnérables aux effets néfastes des changements climatiques (art. 4, § 4) Pays en développement particulièrement vulnérables aux effets néfastes des changements climatiques (art. 4, § 4) Pays en développement ayant des zones sujettes à des catastrophes naturelles (art. 4, § 8(d)) Pays en développement ayant des zones sujettes à la sécheresse et à la désertification (art. 4, § 8(e)) Pays en développement ayant des zones arides et semi-arides, des zones de forêts et des zones sujettes au dépérissement des forêts (art. 4, § 8(c)) Pays en développement ayant des écosystèmes fragiles, notamment des écosystèmes montagneux (art. 4, § 8(g)) Pays en développement ayant des zones de forte pollution de l'atmosphère urbaine (art. 4, § 8(f)) Catégories de Parties ne figurant pas à l’Annexe I à vulnérabilité économique particulière Pays en développement dont l'économie est vulnérable aux effets néfastes des mesures de riposte aux changements climatiques (art. 4, § 8) Pays en développement dont l'économie est fortement tributaire des revenus de la production, de la transformation et de l'exportation de combustibles fossiles et de produits apparentés (art. 4, § 8(h) & § 10) Pays en développement dont l'économie est fortement tributaire de la consommation de combustibles fossiles et de produits apparentés (art. 4, § 8(h) & § 10) Pays en développement dont l'économie est fortement tributaire de l'utilisation de combustibles fossiles qu'il est très difficile de remplacer par des produits de substitution (art. 4, § 10) Pays les moins avancés (art. 4, § 9) Pays en développement sans littoral (art. 4, § 8(i)) Pays en développement de transit (art. 4, § 8(i)) Pays développés Catégories de Parties figurant à l’Annexe I à vulnérabilité économique particulière Pays qui sont en transition vers une économie de marché (art. 4, § 6) Pays dont l'économie est vulnérable aux effets néfastes des mesures de riposte aux changements climatiques (art. 4, § 10) Pays dont l'économie est fortement tributaire des revenus de la production, de la transformation et de l'exportation de combustibles fossiles et de produits apparentés (art. 4, § 10) Pays dont l'économie est fortement tributaire de la consommation de combustibles fossiles et de produits apparentés (art. 4, § 10) Pays dont l'économie est fortement tributaire de l'utilisation de combustibles fossiles qu'il est très difficile de remplacer par des produits de substitution (art. 4, § 10)

Les Parties bénéficiant d’un statut préférentiel

48La disposition de la Convention-cadre la plus importante accordant un statut préférentiel à une catégorie de Parties est la clause de conditionnalité qui lie explicitement « la mesure dans laquelle les pays en développement Parties s'acquitteront effectivement de leurs engagements au titre de la Convention » au respect par les pays développés de leurs engagements relatifs à l'assistance financière et aux transferts de technologies, ainsi qu’au « fait que le développement économique et social et l'éradication de la pauvreté sont les priorités premières et essentielles des pays en développement Parties » (art. 4, § 7). Ainsi, les pays en développement Parties peuvent, le cas échéant, se prévaloir de l’insuffisance de l’assistance financière et technologique ainsi que de leurs priorités économiques et sociales pour justifier un retard dans l’exécution de leurs obligations.

49D’autre part, les pays en transition vers une économie de marché bénéficient, eux aussi, d’un statut préférentiel dans la mesure où ils peuvent, en vertu de l’article 4, § 6, prétendre à ce que la Conférence des Parties leur accorde « une certaine latitude dans l'exécution de leurs engagements » au titre de l’article 4, § 2. Cependant, contrairement à la disposition précitée de l’article 4, § 7, il ne s’agit pas ici d’une disposition exécutoire comme telle, mais d’une injonction à la Conférence des Parties. La mise en œuvre concrète de cette disposition dépend donc de décisions ultérieures à prendre par celle-ci.

50Les pays les moins avancés, dont la liste est fixée par la CNUCED et qui font donc l’objet d’une reconnaissance spéciale dans d’autres enceintes que la CCNUCC, ont aussi obtenu une disposition qui leur garantit un statut préférentiel. En effet, l’article 4, § 9 de la Convention-cadre impose aux Parties contractantes de « [tenir] pleinement compte, dans leur action concernant le financement et le transfert de technologie, des besoins particuliers et de la situation spéciale des pays les moins avancés ». Il s’agit ici d’une obligation incombant, par sa nature, aux pays développés Parties, et tout particulièrement à ceux relevant de l’annexe II, qui ont des obligations spécifiques dans ces deux domaines.

51L’article 4, § 10, trouve son origine dans les préoccupations des pays exportateurs de pétrole et de charbon qui s’inquiètent des conséquences potentielles d’une action internationale concertée de lutte contre les changements climatiques pour leurs intérêts commerciaux et économiques. Cette disposition exige que « [d]ans l'exécution des engagements découlant de la Convention, les Parties tiennent compte (…) de la situation de celles d'entre elles, notamment les pays en développement, dont l'économie est vulnérable aux effets néfastes des mesures de riposte aux changements climatiques ». Il est précisé que les Parties visées sont celles « dont l'économie est fortement tributaire soit des revenus de la production, de la transformation et de l'exportation de combustibles fossiles et de produits apparentés à forte intensité énergétique, soit de la consommation desdits combustibles et produits, soit de l'utilisation de combustibles fossiles qu'il est très difficile à ces Parties de remplacer par des produits de substitution. » On remarquera que le libellé de l’article 4, § 10, s’il fait référence « notamment » aux pays en développement faisant partie de ces catégories, ne limite pas le champ d’application de cette disposition aux seuls pays en développement. Les pays développés se trouvant dans une situation économique comparable pourraient également s’en prévaloir. En pratique, cependant, ce sont surtout les pays membres de l’OPEP qui ont exigé de la Conférence des Parties l’adoption de mesures pour donner suite à cette disposition. D’ailleurs, les pays en développement exportateurs d’énergie fossile sont également visés par une autre disposition particulière, qui figure à l’article 4, § 8 (h).

52La liste la plus détaillée de catégories de Parties bénéficiant d’un statut particulier se trouve en effet à l’article 4, § 8, qui engage les Parties à « étudie[r] les mesures – concernant notamment le financement, l'assurance et le transfert de technologie – qui doivent être prises dans le cadre de la Convention pour répondre aux besoins et préoccupations spécifiques des pays en développement Parties face aux effets néfastes des changements climatiques et à l'impact des mesures de riposte », et notamment de certaines catégories d’entre eux nommément citées, du fait de leur vulnérabilité particulière soit aux effets des changements climatiques (vulnérabilité écologique), soit à l'impact des mesures prises pour atténuer ces changements (vulnérabilité économique). L’obligation de tenir compte de leurs « besoins et préoccupations spécifiques » est cependant formulée en des termes fort peu contraignants, puisque la seule obligation directe des autres Parties est d’« étudier » les mesures à prendre dans le cadre de la Convention pour faire face à ces besoins et préoccupations, une obligation de moyens plutôt que de résultats. Il est néanmoins précisé que la Conférence des Parties « peut en outre prendre les mesures voulues, selon qu'il conviendra ». Des mesures communes peuvent donc être prises en vertu de cette disposition, et il n’est pas étonnant que les pays en développement aient collectivement fait pression sur la Conférence des Parties depuis sa première réunion pour qu’elle adopte des mesures concrètes de mise en œuvre de l’article 4, § 8, ce qu’elle fit dans le cadre global des accords de Marrakech à sa 7e session en novembre 2001.

2.7. CADRE INSTITUTIONNEL ET PROCÉDURAL POUR L’ÉLABORATION DU RÉGIME

53L'analyse des dispositions de la Convention-cadre démontre que celles-ci n'imposent pas directement d'obligations matérielles précises aux parties contractantes en ce qui concerne la réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre. Tout au plus crée-t-elle un cadre normatif et institutionnel pour la poursuite des négociations sur cette question ainsi que sur les autres aspects d’un régime multilatéral de lutte contre les changements climatiques et leurs effets. Les éléments normatifs de base du régime (principes et engagements généraux) ont été analysés ci-dessus. Il nous reste à esquisser l’architecture institutionnelle qui a servi de cadre pour le développement du régime, développement ultérieur qui est loin d’être achevé.

54L’organe politique « suprême » institué par la Convention est la Conférence des Parties (Conference of the Parties – COP), qui se réunit annuellement depuis 1995. Elle doit « fai[re] régulièrement le point de l'application de la Convention et de tous autres instruments juridiques connexes qu'elle pourrait adopter » et est habilitée à prendre, « dans les limites de son mandat, les décisions nécessaires pour favoriser l'application effective de la Convention » (art. 7, § 2). Différentes missions spécifiques sont énumérées à l’article 7, § 2 de la Convention, mais il ne s’agit pas d’une énumération limitative de compétences, puisque le dernier point lui donne mandat d’« exerce[r] les autres fonctions nécessaires pour atteindre l'objectif de la Convention », en plus de celles qui sont explicitement mentionnées. Relevons simplement quelques-unes des compétences spécifiées. Il est question, notamment, de « l'élaboration et le perfectionnement périodique de méthodes comparables (…) visant notamment à inventorier les émissions de gaz à effet de serre par les sources et leur absorption par les puits, ainsi qu'à évaluer l'efficacité des mesures prises pour limiter ces émissions et renforcer l'absorption de ces gaz ». Cette mission à caractère scientifico-technique est d’une importance pratique capitale, puisque les directives méthodologiques de la Conférence des Parties déterminent la façon dont doivent être comptabilisées les émissions et absorptions en question. La Conférence des Parties est également chargée d’« évalue[r], sur la base de toutes les informations qui lui sont communiquées [par les Parties], l'application de la Convention par les Parties, les effets d'ensemble des mesures prises en application de la Convention, notamment les effets environnementaux, économiques et sociaux et leurs incidences cumulées, et les progrès réalisés vers l'objectif de la Convention ». Cette évaluation des progrès réalisés est importante pour l’évolution future du régime et des engagements des Parties. En outre, la Conférence des Parties doit tout particulièrement « s'efforce[r] de mobiliser des ressources financières » conformément aux dispositions pertinentes de la Convention.

55Afin de permettre à la Conférence de jouer efficacement son rôle de forum de négociation continue et de s’acquitter de ses multiples missions, deux organes subsidiaires permanents ont été institués par la Convention elle-même. L’organe subsidiaire de conseil scientifique et technologique (Subsidiary Body for Scientific and Technological Advice – SBSTA) est « chargé de fournir en temps opportun à la Conférence des Parties (…) des renseignements et des avis sur les aspects scientifiques et technologiques de la Convention », en « s'appuyant sur les travaux des organes internationaux compétents », référence implicite au GIEC. L’organe subsidiaire de mise en œuvre (Subsidiary Body for Implementation – SBI), aux compétences plus générales, est, quant à lui, « chargé d'aider la Conférence des Parties à suivre et évaluer l'application effective de la Convention » ainsi qu’ « à préparer et exécuter ses décisions ». Il est en premier lieu responsable d'examiner régulièrement les informations communiquées par les Parties conformément à l'article 12 de la Convention et de formuler des avis à ce sujet à l’intention de la Conférence des Parties.

56Sauf pour quelques matières spécifiques, telles que l’adoption d’amendements à la Convention et ses annexes, les procédures de prise de décision au sein de la Conférence des Parties ne sont pas fixées dans la Convention-cadre. L’article 7, § 3 charge la Conférence d’adopter elle-même son propre règlement intérieur comprenant « la procédure de prise de décisions applicable aux questions pour lesquelles la Convention ne prévoit pas déjà de procédure » et pouvant « préciser la majorité requise pour l'adoption de telle ou telle décision. » Cette disposition prévoit donc expressément la possibilité de prendre certaines décisions autrement qu’à l’unanimité. Seulement, l’adoption du règlement intérieur lui-même ne peut se faire que par consensus, comme le précise l’article 7, § 2(k). Comme les Parties n’ont jamais pu se mettre d’accord pour fixer des procédures de décision à la majorité pour certaines matières dès les premières négociations sur le règlement d'ordre intérieur lors de la 1ère session de la Conférence des Parties à Berlin en 1995, ce règlement n'a jamais été formellement adopté par la Conférence, à défaut de consensus sur son article concernant les procédures de vote. Depuis 1995, il est donc « appliqué à titre provisoire ». Dans la pratique, ceci implique que toutes les décisions de la Conférence des Parties doivent se prendre par consensus, sauf disposition contraire dans la Convention elle-même.

57Si seules les Parties à la Convention-cadre ont le droit de vote au sein de la Conférence des Parties, un grand nombre d’observateurs participent également à ses travaux. Tout d’abord, tous les États membres des Nations unies ou de l’une de ses institutions spécialisées ou observateurs auprès d'une de ces organisations qui ne sont pas Parties à la Convention, peuvent être représentés aux réunions de la Conférence des Parties en qualité d'observateurs. En outre, tout « organe ou organisme national ou international, gouvernemental ou non gouvernemental compétent dans les domaines visés par la Convention » peut également être admis en qualité d'observateur. Un nombre considérable d’organisations intergouvernementales et non gouvernementales ont fait usage de cette possibilité en participent régulièrement aux travaux. Le règlement intérieur de la Conférence des Parties leur permet d’ailleurs d’intervenir dans les réunions sous certaines conditions.

58Quant à la nature juridique des décisions de la Conférence des Parties, les dispositions de la Convention sont silencieuses. Le chapeau de l’article 7, § 2 parle en termes généraux des « décisions nécessaires pour favoriser l'application effective de la Convention », alors que le point (g) de cette même disposition stipule que la Conférence des Parties « fait des recommandations sur toutes questions nécessaires à l'application de la Convention ». Certaines autres dispositions de la Convention, tels que ses articles 4, § 2 et 4, § 8, habilitent la Conférence à « prendr[e] (…) des décisions au sujet de », voire « prendre les mesures voulues touchant », les matières faisant l’objet de ces dispositions, ce qui semble impliquer plus que de simples recommandations. Si ces dispositions ne permettent pas de présumer que les décisions de la Conférence des Parties sont juridiquement contraignantes, leur force normative semble néanmoins importante.

59Dans la mesure où la Conférence des Parties souhaite adopter des mesures juridiquement contraignantes, elle dispose de deux instruments pour le faire. Elle peut adopter des amendements à la Convention-cadre, le cas échéant et « en dernier recours par un vote à la majorité des trois quarts des Parties présentes et votantes » (art. 15, § 3). Ces amendements entreront en vigueur après le dépôt « des instruments d'acceptation des trois quarts au moins des Parties à la Convention », mais ne lieront que les seules Parties qui les ont ainsi acceptés (art. 15, § 4). La Conférence des Parties dispose en outre de la faculté d'adopter des protocoles additionnels à la Convention (art. 17). À défaut de disposition contraire dans le règlement intérieur, une telle décision doit se prendre par consensus. Quant aux règles régissant l'entrée en vigueur de tels protocoles, elles « sont définies par le protocole lui-même » (art. 17, § 3). Selon les règles générales du droit des traités, ces protocoles ne peuvent lier que les seuls États qui les ont ratifiés. Aucune des deux méthodes ne permet donc de lier une Partie sans son consentement. C'est sur la base de l’article 17 de la Convention que fut élaboré, à partir de 1995, ce qui devint le Protocole de Kyoto.

3. LE PROTOCOLE DE KYOTO

60Le Protocole de Kyoto complète la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques par des obligations supplémentaires pour les seuls pays industrialisés (dits « Parties de l'Annexe I », par référence à la liste des Parties contractantes considérées comme pays développés figurant à l'Annexe I de la Convention-cadre). En effet, la première Conférence des Parties, réunie à Berlin en 1995, avait constaté que les vagues engagements des Parties de l'Annexe I énoncés à l'article 4, § 2 de la Convention-cadre étaient inadéquats pour atteindre l'objectif fixé par celle-ci. Elle avait appelé à l'élaboration d'un instrument juridique complémentaire qui définirait des politiques et mesures concrètes à mettre en œuvre par les pays industrialisés et fixerait des objectifs quantifiés de limitation et de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre à atteindre au-delà de l'an 2000, tout en précisant qu'aucune obligation nouvelle par rapport à celles inscrites dans la Convention-cadre ne serait imposée aux pays en voie de développement par cet instrument, conformément au principe des « responsabilités communes mais différenciées ».

61Le Protocole, tel qu'adopté à Kyoto le 11 décembre 1997 à l'issue de laborieuses négociations, se résume en fait à un instrument fixant des quotas nationaux d'émission pour la période 2008-2012 pour chacune des Parties visées à l'Annexe I de la Convention-cadre ayant ratifié celle-ci (ainsi qu'un quota global pour la CE, également Partie contractante visée à l'Annexe I), et définissant le mode de calcul de ces quotas ainsi que la façon dont les Parties contractantes pourront démontrer avoir respecté l'obligation de ne pas dépasser leurs quotas respectifs. Il autorise le recours à une série de « mécanismes de flexibilité » permettant le transfert entre Parties de parts de quotas et même l'acquisition, par des Parties liées par un quota, de « réductions d'émission certifiées » pouvant être comptabilisées pour le respect de leurs obligations au moyen de la mise en œuvre de projets de réduction des émissions dans des pays en voie de développement non liés par un quota. Le Protocole laisse aux Parties contractantes une liberté totale quant au choix des moyens de s'acquitter de leurs obligations. Malgré le « mandat de Berlin » et les efforts diplomatiques déployés par l’Union européenne, les négociateurs ne réussirent pas à s'accorder sur une liste harmonisée de politiques et mesures à mettre en œuvre impérativement par chacune des Parties contractantes. L'article 2 du Protocole, conscracré aux politiques et mesures, a donc une portée purement symbolique, puisque la liste des politiques et mesures qu'il contient n'est qu'exemplative et il consacre la liberté de chaque Partie d'appliquer celles qu'elle jugera appropriées « en fonction de sa situation nationale ». Dans ce qui suit, nous nous limiterons dès lors à l'examen des dispositions relatives aux quotas ou « engagements chiffrés en matière de limitation et de réduction des émissions », qui constituent le coeur du dispositif de Kyoto.

62L'obligation principale des Parties de l'Annexe I au titre du Protocole est de faire en sorte que leurs émissions anthropiques des six gaz à effet de serre visés par le Protocole (énumérés à son annexe A) ne dépassent pas un certain quota, qualifié de « quantité attribuée », au cours de la première « période d'engagement » allant de 2008 à 2012 (art. 3, § 1). Ce quota couvre l'ensemble des six gaz visés mais est exprimé globalement en « équivalent-dioxyde de carbone ». La quantité de chacun des gaz à effet de serre considérés individuellement n'est donc pas limitée ; ce sont les « émissions agrégées » qui sont prises en compte, les formules de conversion entre les différents gaz tenant compte de leur potentiel de réchauffement relatif. La quantité attribuée ne fixe pas un plafond d'émission annuel, mais un quota global à répartir librement sur une période de cinq ans. Cette formule a été choisie pour neutraliser les effets aléatoires de la variabilité naturelle des conditions climatiques sur les niveaux d'émission annuels.

63La quantité attribuée à chacune des Parties est le résultat d'un calcul sur la base de paramètres fixés dans le Protocole. Les principaux paramètres sont les « engagements chiffrés en matière de limitation et de réduction des émissions » souscrits par chacune des Parties à l'annexe B du Protocole et leurs émissions respectives au cours de l'année de référence, qui est en principe l'année 1990. Cependant, les Parties qui le souhaitent peuvent choisir 1995 au lieu de 1990 comme année de référence pour leurs émissions de trois des six gaz à effet de serre visés (les gaz fluorés), pour lesquels l'enregistrement systématique des données d'émission a débuté plus tard dans la plupart des pays (art. 3, § 8). Les engagements chiffrés des Parties sont exprimés à l'annexe B du Protocole en pourcentage des émissions de l'année de référence. Ces pourcentages varient dans une fourchette allant de 92 % à 110 %, ce qui correspond à une réduction de 8 %, respectivement une augmentation de 10 % par rapport aux émissions annuelles de l'année de référence. La plupart des Parties ont un engagement inférieur à 100 %, ce qui les engage donc à réduire la moyenne de leurs émissions annuelles en dessous de leur niveau de 1990 à l'échéance 2008-2012. Les quelques Parties ayant un engagement égal ou supérieur à 100 % ne devront pas réduire leurs émissions annuelles moyennes en termes absolus, mais devront veiller à ce qu'elles ne dépassent pas le seuil fixé, qui est donc égal ou supérieur sur une base annuelle au niveau de référence. Dans ces cas, il s'agit donc d'un engagement de limitation plutôt que de réduction des émissions. Le respect d'un engagement de limitation peut néanmoins impliquer dans la réalité un effort de réduction des émissions par rapport non pas à leur niveau au cours de l'année de référence, mais au niveau qu'elles auraient normalement atteint au cours de la période 2008-2012 en l'absence de mesures.

64Pour calculer la quantité attribuée à une Partie, il faut appliquer le pourcentage fixé pour elle à l'annexe B au niveau d'émission de référence et multiplier le résultat par cinq, puisque la quantité attribuée se rapporte à une période de cinq ans alors que le niveau de référence se rapporte à une période d'un an. (art. 3, § 7). Les quantités attribuées devront encore être corrigées en fonction des variations de stocks de carbone sur le territoire des Parties résultant de certaines activités humaines liées au changement d'affectation des terres et à la foresterie, activités qui peuvent, selon les cas, constituer une source d'émissions ou un « puits » de carbone. (art. 3, §§ 3,4 et 7) La comptabilisation de ces « puits » a fait l'objet de négociations ardues après l'adoption du Protocole et les règles applicables n'ont été établies qu'en 2001 dans les accords de Marrakech.

65Pour démontrer le respect de leurs engagements, les Parties visées à l'Annexe I devront mettre sur pied un système d'estimation des émissions par les sources et d'absorption par les puits des gaz à effet de serre selon des méthodologies internationalement convenues (art. 5) et communiquer des inventaires annuels détaillés et autres informations pertinentes au secrétariat de la Convention-cadre aux fins de vérification (art. 6). Le respect ou non de ses engagements par une Partie ne dépendra cependant pas exclusivement des activités sur son propre territoire, puisque le Protocole autorise certaines transactions entre Parties qui devront également être comptabilisées. Il s’agit des fameux « mécanismes de flexibilité » ou « mécanismes de Kyoto », qui sont au nombre de trois : l’« échange de droits d'émission » (ou emissions trading), la « mise en œuvre conjointe » (joint implementation) et le « mécanisme pour un développement ‘propre’ » (clean development mechanism).

66Au titre de l'article 17, les Parties disposant d'une quantité attribuée peuvent procéder à des « échanges de droits d'émission aux fins de remplir leurs engagements ». Ces Parties peuvent convenir d'un transfert d'une « fraction de quantité attribuée », qui sera ajoutée à la quantité attribuée de la Partie l'acquérant et déduite de celle de la Partie qui la cède. (art. 3, §§ 10 et 11). Par ailleurs, les Parties visées à l'Annexe I peuvent également participer à des projets de « mise en œuvre conjointe » de leurs engagements en vertu de l'article 6 du Protocole. Ainsi, une Partie peut financer un projet sur le territoire d'une autre Partie de l'Annexe I visant à réduire les émissions par les sources ou renforcer l'absorption par les puits. Les « unités de réduction des émissions » découlant de ces projets pourront être transférées entre les Parties concernées. Elles seront ajoutées ou soustraites à leurs quantités attribuées respectives et comptabilisées pour le respect des engagements. Finalement, l'article 12 du Protocole institue un « mécanisme pour un développement 'propre' » dans le cadre duquel des projets similaires peuvent être financés par des Parties visées à l'Annexe I sur le territoire de Parties non visées à l'Annexe I, c'est-à-dire de pays en voie de développement non liés par une quantité attribuée au titre du Protocole. Les « réductions d'émissions certifiées » découlant de tels projets pourront être ajoutées à la quantité attribuée de la Partie de l'Annexe I participant au projet, qui verra donc son quota d'émission augmenter (art. 3, § 12). Contrairement au mécanisme de mise en œuvre conjointe, le mécanisme pour un développement « propre » n'est pas entièrement neutre du point de vue environnemental, puisqu'il n'y aura pas de réduction correspondante de la quantité attribuée à une autre Partie.

67Examinons maintenant plus avant les dispositions du Protocole intéressant particulièrement la Communauté européenne et ses États membres. Tout d'abord, comme la Convention-cadre, le Protocole de Kyoto contient la désormais classique disposition permettant aux « organisations régionales d'intégration économique » de devenir Parties contractantes conjointement avec leurs États membres, à condition qu'elles soient déjà Parties à la Convention. Dans ce cas, l'organisation et ses États membres doivent convenir « de leurs responsabilités respectives aux fins de l'exécution de leurs obligations » au titre du Protocole et ils « ne sont pas habilités à exercer concurremment les droits » qui en découlent. Dans son instrument d'approbation, l'organisation doit indiquer « l'étendue de [sa] compétence à l'égard des questions régies » par le Protocole (art. 24, §§ 2 et 3). Ces dispositions sont similaires à celles d'autres conventions multilatérales en matière d'environnement et permettent à la CE et ses États membres de devenir ensemble Parties contractantes au Protocole sous le régime du « traité mixte » en droit communautaire.

68Plus spéciales sont les dispositions de l'article 4, dont le libellé, formellement, ne s'adresse pas aux seules organisations régionales d'intégration économique, mais qui ont néanmoins été incluses dans le Protocole à la demande expresse de la CE et ses États membres pour leur permettre de régler sur le plan interne la question épineuse de la « répartition des charges ». Il s'agit du dispositif qualifié officieusement de « bulle » européenne, même si le recours aux possibilités offertes par l'article 4 n'est pas, juridiquement, réservé exclusivement à la CE. À l'examen du tableau des engagements chiffrés à l'annexe B du Protocole de Kyoto, on constatera que le même chiffre (92 %) y a été inscrit pour la CE et chacun de ses quinze États membres Parties à la Conventioncadre en 1997. Cependant, il était clair depuis les conclusions du Conseil du 29 octobre 1990 concernant la stratégie communautaire de lutte contre les changements climatiques (cf. infra) que les États membres n'ont pas tous l'intention de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre dans les mêmes proportions, et que certains d'entre eux avaient même l'intention de les laisser croître par rapport au niveau de référence de 1990, en faisant valoir leur « consommation énergétique relativement faible » et les besoins de leur développement. Cette différenciation des objectifs nationaux au sein de la CE a été confirmée par les conclusions du Conseil du 16 juin 1998 fixant les efforts à consentir par chaque État membre individuellement dans une fourchette plus large encore que celle de l'annexe B du Protocole lui-même, puisqu'allant de –21 % (Allemagne et Luxembourg) à +27 % (Portugal). Ce sont les engagements chiffrés « redistribués » au sein de la CE qui figurent dans le tableau synoptique ci-dessous, au lieu de l’engagement moyen de -8 % inscrit pour chacun des États membres dans l’annexe B du Protocole.

69Cet accord de Luxembourg sur la « répartition des charges » a été rendu possible par l'article 4 du Protocole, qui permet aux Parties qui le souhaitent de se mettre d'accord « pour remplir conjointement leurs engagements ». Les Parties désirant avoir recours à cette faculté doivent conclure un « accord » formel dont les termes doivent être notifiés au secrétariat de la Convention-cadre au moment de la ratification du Protocole et qui devra rester en vigueur pendant toute la durée de la période d'engagement concernée (2008-2012). Cet accord doit stipuler « le niveau respectif d'émissions attribué à chacune des Parties à l'accord », ce qui leur permet donc de procéder à une « redistribution » de leurs quantités attribuées. Les Parties à un accord de « bulle » seront censées s'être acquittées de leurs engagements au titre de l'annexe B du Protocole pour autant que le total cumulé de leurs émissions pendant la période 2008-2012 ne dépasse pas la somme de leurs quantités attribuées respectives, calculées conformément à l'annexe B (art. 4, § 1).

70En cas de non-respect de leur engagement commun, les Parties ayant conclu un accord en vertu de l'article 4 seront responsables individuellement du niveau d'émission qui leur a été attribué dans l'accord (art. 4, § 5). Si les Parties concernées agissent dans le cadre d'une organisation régionale d'intégration économique elle-même Partie au Protocole, elles seront responsables non seulement « à titre individuel » mais aussi « conjointement avec l'organisation », dont la responsabilité internationale sera donc également engagée en cas de non-respect du quota d'émission collectif (art. 4, § 6).

71Notons par ailleurs que les auteurs du Protocole ont tenu compte, en 1997, de l'éventualité d'un futur élargissement de l'Union européenne. L'article 4, § 4, stipule en effet qu'une modification de la composition d'une organisation régionale d'intégration économique survenant après l'adoption du Protocole « n'a pas d'incidence sur les engagements contractés dans cet instrument » mais ne pourra être prise en compte qu'aux fins des engagements futurs, postérieurs à la première période d'engagement. Ainsi, en anticipant l'élargissement de l'UE, les autres Parties ont voulu éviter que la Communauté puisse s'acquitter plus facilement de ses obligations en « absorbant » de nouveaux États membres dont le niveau d'émission de gaz à effet de serre a fortement diminué après 1990 comme conséquence de leur transition économique. L'accession de dix nouveaux États membres en mai 2004 n'a donc aucun effet sur le « partage des charges » convenu en 1998 entre les quinze États membres de l'époque. Les nouveaux États membres restent en dehors de la « bulle » européenne et sont toujours liés par leurs engagements chiffrés individuels tels que stipulés à l'annexe B du Protocole pendant la première période d'engagement. Deux États qui sont devenus membres de l'UE le 1er mai 2004, Malte et Chypre, n'ont d'ailleurs aucun engagement chiffré au titre de l'annexe B, ne faisant pas partie jusqu'à présent des Parties visées à l'Annexe I de la Convention.

Tableau 2

Les engagements chiffrés en matière de limitation et de réduction des

Tableau 2
Tableau 2 : Les engagements chiffrés en matière de limitation et de réduction des émissions de gaz à effet de serre des parties au Protocole de Kyoto (en % États membres de l UE 15 (« bulle ») - 8 Allemagne - 21 Autriche - 13 Belgique - 7,5 Danemark - 21 Espagne + 15 Finlande + 0 France + 0 Grèce + 25 Irlande + 13 Italie - 6,5 Luxembourg - 28 Pays-Bas - 6 Portugal + 27 Royaume-Uni -12,5 Suède + 4 Autres États membres de l’OCDE parties au Protocole de Kyoto 2 Canada - 6 Islande + 10 Japon - 6 Norvège + 1 Nouvelle Zélande + 0 Suisse - 8 Union europeenne 1 UE 10 (nouveaux États membres) Chypre Non Annexe I Estonie - 8 Hongrie - 6 Lettonie - 8 Lithuanie - 8 Malte Non Annexe I Pologne - 6 République tchèque - 8 Slovaquie - 8 Slovénie - 8 Pays en transition non membres de l’Union européenne Bulgarie - 8 Croatie - 5 Roumanie - 8 Russie + 0 Ukraine + 0 1 Les engagements chiffrés pour les 15 anciens États membres de l’UE ne sont pas ceux qui figurent à l’annexe B du Protocole de Kyoto, mais les engagements fixés en vertu de l’accord communautaire de « répartition des charges », formalisés à l’annexe II de la Décision 2002/358/CE du Conseil du 25 avril 2002 relative à l'approbation, au nom de la Communauté européenne, du protocole de Kyoto à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et l'exécution conjointe des engagements qui en découlent, JO L 130,15 mai 2002, p. 1. 2 Les engagements chiffrés des États-Unis (- 6%) et de l’Australie (+ 8%) figurant à l’annexe B du Protocole de Kyoto ne sont pas repris dans le tableau, ces deux pays n’ayant pas ratifié le Protocole.

Les engagements chiffrés en matière de limitation et de réduction des

72Pour conclure cet aperçu des principales dispositions du Protocole de Kyoto, il convient encore d'attirer l'attention sur les règles particulières régissant son entrée en vigueur. Celle-ci interviendra lorsqu'au moins 55 Parties à la Convention, « parmi lesquelles les Parties visées à l'Annexe I dont les émissions totales de dioxyde de carbone représentaient en 1990 au moins 55 % du volume total des émissions de dioxyde de carbone de l'ensemble des Parties visées à cette annexe » (art. 25, § 1). Ce double seuil, inhabituel dans les conventions multilatérales relatives à l'environnement, explique pourquoi le Protocole n'est pas encore entré en vigueur à ce jour malgré plus de 130 ratifications (plus de 60 % des Parties à la Convention-cadre). Le premier seuil de 55 Parties fut relativement aisé à atteindre grâce aux ratifications des Parties ne figurant pas à l'Annexe I, à savoir les pays en développement qui, conformément au « mandat de Berlin », n'encourent pas de nouvelles obligations en souscrivant au Protocole. C'est le deuxième seuil, le seuil de 55 % des émissions, qui posait problème, puisque les 32 Parties de l'Annexe I qui avaient exprimé leur consentement à être liées par le Protocole avant sa ratification par la Russie ne représentaient collectivement que 44,2 % du volume total d'émissions de CO2 des pays industrialisés en 1990. Cette condition spéciale à l'entrée en vigueur a été stipulée à la demande de pays industrialisés qui ne souhaitaient pas se retrouver liés par leurs engagements chiffrés de réduction ou de limitation des émissions en l'absence d'obligation réciproque de la part d'un nombre suffisamment représentatif de pays industrialisés liés  [42]. Le rejet américain du Protocole, non anticipé au moment de son adoption, rendait ce seuil critique particulièrement difficile à franchir, les États-Unis étant à eux seuls responsables de 36,1 % du volume total des émissions en 1990. Dans la pratique, l'entrée en vigueur du Protocole de Kyoto ne dépendait plus que de sa seule ratification par la Fédération de Russie et s'avérait impossible sans celle-ci.

73La Russie confirma son intention de ratifier le Protocole au Sommet mondial du développement durable à Johannesburg en septembre 2002 ainsi que dans la Déclaration conjointe du Sommet UE-Russie qui eut lieu à Saint-Pétersbourg le 31 mai 2003 : « Nous sommes convenus de mettre tout en œuvre pour faire en sorte que le protocole de Kyoto devienne un instrument permettant réellement de résoudre les problèmes posés par le réchauffement de la planète et, à cet effet, nous nous emploierons à ce qu'il entre en vigueur dès que possible  [43]. » Cependant, les déclarations du président Poutine à l'occasion de l'ouverture de la Conférence mondiale sur les changements climatiques à Moscou le 29 septembre 2003, ainsi que celles d’autres responsable politiques russes, suscitèrent une forte inquiétude en laissant à nouveau planer un certain doute sur les intentions de la Russie. Celui-ci n’a finalement été dissipé que le 30 septembre 2004, lorsque le gouvernement russe a officiellement annoncé sa décision de soumettre le Protocole à la Douma en vue de sa ratification. Après des années de tergiversations, le processus politique s’accéléra brusquement en Russie. La Douma donna son assentiment à la ratification le 22 octobre 2004, qui fut suivi quelques jours plus tard par un vote favorable de la deuxième chambre du Parlement, le Conseil de la Fédération. L’instrument de ratification fut signé par le président Poutine le 5 novembre et officiellement remis au secrétaire général de l’ONU à Nairobi, siège du PNUE, le 18 novembre 2004. Le Protocole de Kyoto entrera en vigueur 90 jours plus tard, à savoir le 16 février 2005, ce qui permettra à la première Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties au Protocole d’avoir lieu en 2005, comme par hasard l’année où les Parties de l’Annexe I devront démontrer avoir accompli des « progrès » sur la voie de la réalisation de leurs engagements au titre du Protocole (art. 3, § 2) et où doivent en principe débuter les négociations sur les engagements des Parties pour la période au-delà de 2012 (art. 3, § 9). La ratification russe permit également aux dirigeants de l’UE et de la Russie, réunis en sommet à La Haye le 25 novembre 2004, de se « réjouir » de l’entrée en vigueur prochaine du Protocole et de noter que celle-ci constituera « une base solide pour une coopération bilatérale et internationale renforcée » en matière de changements climatiques  [44].

4. LES ACCORDS DE BONN ET DE MARRAKECH

74À défaut de temps de négociation suffisant, voire de volonté politique, un nombre important de questions cruciales relatives aux modalités d'application du Protocole de Kyoto n’ont pu être résolues avant l’adoption de l’instrument par la 3e session de la Conférence des Parties (COP3) et, afin de ne pas retarder cette adoption, ont été renvoyées à des négociations ultérieures par différentes dispositions du Protocole habilitant, selon le cas, soit la Conférence des Parties (COP), soit la Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties au Protocole (COP/MOP), à arrêter ces modalités au moyen de décisions à prendre, respectivement, avant ou après l’entrée en vigueur de celui-ci. Dans sa décision portant adoption du Protocole, la Conférence des Parties reconnut la nécessité de préparer l’entrée en vigueur « rapide » du Protocole en lançant un programme de travail visant à permettre à sa prochaine session, qui devait avoir lieu à Buenos Aires fin 1998, de prendre les décisions les plus urgentes qui s’imposaient. En outre, les travaux entamés dès le début de 1998 devaient préparer la voie pour l’adoption par la première Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties au Protocole, qui aurait lieu au plus tard un an après son entrée en vigueur, des autres décisions à prendre en vertu des habilitations contenues dans le Protocole  [45]. Dans une autre décision adoptée par COP3, un processus parallèle fut initié pour permettre à COP4 de « définir les mesures nécessaires pour répondre aux besoins particuliers des pays en développement Parties indiqués aux paragraphes 8 et 9 de l'article 4 de la Convention, face aux effets néfastes des changements climatiques et/ou à l'impact des mesures de riposte  [46] ».

75Réunis à Buenos Aires un an plus tard, les négociateurs ont dû constater que l’extrême complexité et technicité des questions en suspens, ainsi que les divergences d’intérêts entre Parties, rendaient impossible l’adoption rapide de décisions sur les modalités de mise en œuvre du Protocole et de la Convention. L’échec de COP4 fut édulcoré par l’adoption d’un « Plan d’action de de Buenos Aires », sorte de catalogue de propositions et options à envisager et de programme de travail pour la poursuite des négociations  [47]. On s’était rendu à l’évidence que l’ensemble des questions à régler ne pouvaient l’être que dans le cadre d’un accord global, et qu’il fallait donner aux négociateurs le temps nécessaire pour y arriver. Une nouvelle échéance fut fixée en 2000, date de la sixième session de la Conférence des Parties (COP6) à La Haye  [48]. Mais la réunion de La Haye en novembre 2000 se solda par un nouvel échec, dû à l’impossibilité de concilier les positions de l’UE, des États-Unis et de leurs alliés et du Groupe des 77, malgré les efforts du très volontariste président de la Conférence, le ministre néerlandais de l’Environnement Jan Pronk. Le président Pronk parvint néanmoins à obtenir l’accord des Parties pour une poursuite de la sixième session de la COP (COP6bis), six mois plus tard à Bonn. La situation politique devint encore plus difficile après l’annonce par le nouveau président des États-Unis, George W. Bush, quelques mois après COP6, de son refus de soumettre le Protole de Kyoto, qui avait été signé en 1999 par l’administration Clinton, au Sénat pour ratification. Le rejet du Protocole par les États-Unis fit du succès de COP6bis un enjeu géopolitique, un test crucial pour la survie d’une approche multilatérale des problèmes mondiaux d’environnement dans le cadre des Nations unies. La date de COP6bis fut finalement fixée en juillet 2001, au début de la présidence belge de l’Union européenne, ce qui permit à la Belgique de jouer un rôle important dans la recherche d’un compromis final.

76L’accord politique global longtemps recherché fut finalement atteint à Bonn après de laborieuses négociations ultimes au niveau ministériel dans la nuit du 22 au 23 juillet 2001  [49]. Il s’agissait, selon l’expression du président Pronk, d’un « accord politique sur les éléments de base du Plan d’action de Buenos Aires, lesquels devant être repris dans le texte de décisions connexes qui seraient adoptées au cours de la [même] session  [50] ». L’objectif de traduire cet accord politique dans un ensemble global de décisions à portée juridique ne fut cependant pas complètement réalisé à Bonn même. Une fois de plus, le temps de négociation disponible s’avéra insuffisant et il fallut reporter à plus tard la conclusion formelle des travaux. L’artifice diplomatique qui permit d’engranger les résultats considérables de Bonn tout en remettant les décisions sur un certain nombre de questions connexes non définitivement résolues à la 7e session ordinaire de la Conférence des Parties, qui devait se tenir à Marrakech quelques mois plus tard, sans pour autant courir le risque d’une remise en cause d’éléments sur lesquels un accord définitif était intervenu à Bonn, fut « de prendre acte », d’une part, « du fait que des négociations avaient été menées à bien et qu’un consensus s’était dégagé au sujet des décisions » en question et « de renvoyer ces textes à la Conférence des Parties à sa septième session pour adoption  [51] » et, d’autre part, « du fait que l’examen des [autres] projets de décision (…) avait progressé et de renvoyer ces textes à sa septième session pour en poursuivre et achever la mise au point et les adopter  [52] ». Les négociations se poursuivirent donc en novembre 2001 à Marrakech pour aboutir finalement, après de nouvelles difficultés et péripéties, à un accord global sur un « paquet » de décisions qui ont été simultanément adoptées par la Conférence des Parties sous l’étiquette « accords de Marrakech ». Il s’agit en tout de 23 décisions, comprenant au total plus de 220 pages de règles détaillées pour la mise en œuvre du Protocole de Kyoto et de certaines dispositions de la Convention-cadre, soit un ensemble de textes dix fois plus volumineux que le Protocole lui-même. Les accords de Marrakech comprennent tant des textes sur lesquels la négociation avait déjà été conclue à Bonn, mais dont l’adoption formelle avait été différée, que des textes sur lesquels un consensus n’a pu être dégagé qu’à l’issue de nouvelles négociations ministérielles à Marrakech même  [53]. Pour des raisons institutionnelles, la plupart des décisions adoptées par COP7 à Marrakech sont en fait coulées en forme de projets de décisions de la Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties au Protocole de Kyoto (COP/MOP), destinées à être formellement entérinées par celle-ci après l'entrée en vigueur du Protocole. La première réunion de la COP/MOP aura lieu en novembre 2005, en parallèle avec COP11. En principe, l’adoption formelle des textes faisant partie des accords de Marrakech ne devrait être qu’une simple formalité.

Tableau 3

Les accords de Marrakech

Tableau 3
Tableau 3 : Les accords de Marrakech Articles de la Convention 4.5 4 4.5 4.3 4.8 4.9 Articles du Protocole 2.1(b) 2.3 3.3 Sujet Renforcement des capacités dans les pays en développement Renforcement des capacités dans les pays en transition sur le plan économique Mise au point et transfert de technologies Financement au titre de la Convention Besoins particuliers des pays en développement face aux effets néfastes des changements climatiques et/ou à l'impact des mesures de riposte Lignes directrices pour l’établissement de programmes d’action nationaux aux fins de l’adaptation Sujet Politiques et mesures correspondant aux « bonnes pratiques » appliquées par les Parties visées à l’annexe I de la Convention Besoins particuliers des pays en développement face à l'impact des mesures de riposte Utilisation des terres, changement d’affectation des terres et foresterie Principaux enjeux des négociations Liste des activités de renforcement des capacités pouvant bénéficier de financement international et modalités de ce financement Idem - Création, composition et mandat d’un groupe d’experts du transfert de technologies - Appui financier à certaines activités visant à faciliter le transfert de technologies Création de nouveaux mécanismes de financement complémentaires au FEM - Effets de la mise en œuvre sur les PVD, y compris les incidences de l’application des mesures de riposte - Appui financier à certaines activités visant à y faire face Fonds spécial pour les PMA Besoins particuliers des PMA Possibilité pour les PMA de bénéficier d’assistance financière aux fins de mesures d’adaptation Principaux enjeux des négociations - Coopération en matière de politiques et mesures - Mise en place de mécanismes de coordination ? - Effets des politiques et mesures sur les PVD - Mesures d'étude et de compensation ? - Puits : boisement, reboisement, déboisement - Définitions et règles de comptabilisation Décision fixant les modalités de mise en oeuvre Décision 2/CP.7 Décision 3/CP.7 Décision 4/CP.7 Décision 7/CP.7 Décision 5/CP.7 Décision 5/CP.7 Décision 28/CP.7 Décision fixant les modalités de mise en œuvre Décision 13/CP.7 Décision 5/CP.7 Décision 11/CP.7

Les accords de Marrakech

tableau im4
3.14 5.1 5.2 6,12 & 17 6 7 7.4 8 10,11 & 12.8 12 17 18 du paragraphe 4 de l’article 3 du Protocole de Kyoto : Fédération de Russie Besoins particuliers des pays en développement face aux effets néfastes des changements climatiques et/ou à l'impact des mesures de riposte Cadre directeur des systèmes nationaux prévu au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole de Kyoto Guide des bonnes pratiques et ajustements prévus au paragraphe 2 de l’article 5 du Protocole de Kyoto Principes, nature et champ d’application des mécanismes de flexibilité : dispositions générales Lignes directrices pour l’application de l’article 6 du Protocole de Kyoto Lignes directrices pour la préparation des informations requises au titre de l’article 7 du Protocole de Kyoto Modalités de comptabilisation des quantités attribuées définies en application du paragraphe 4 de l’article 7 du Protocole de Kyoto Lignes directrices pour l’examen prévu à l’article 8 du Protocole de Kyoto Financement au titre du Protocole de Kyoto - Modalités et procédures d’application d’un mécanisme pour un développement - Modalités et procédures de prise en compte des activités de boisement et de reboisement au titre du mécanisme pour un développement propre Modalités, règles et lignes directrices applicables à l’échange de droits d’émission Procédures et mécanismes relatifs au respect des dispositions du Protocole de Kyoto Puits : activités additionnelles - Liste d'activités éligibles - Règles de comptabilisation Moment de prise en compte - Effets de la mise en œuvre sur les PVD - Mesures en matière de financement et transfert de technologie Inventaires nationaux d'émission et de séquestration Méthodologies Directives techniques applicables aux méthodes de calcul des ajustements à opérer dans les inventaires nationaux - Nature juridique des mécanismes - principe d’équité et « droits acquis » - Supplémentarité du recours aux mécanismes - Lignes directrices pour mise en œuvre conjointe - Composition du comité de supervision - Éligibilité et modalités de contrôle - Informations supplémentaires à fournir par les Parties de l'Annexe I pour le contrôle du respect des engagements - Définition des informations - Possibilité de report de crédits non utilisés vers les périodes d’engagement ultérieures - Convertibilité des différents types d’unités Composition des équipes d'experts et procédures pour l’examen technique de la mise en oeuvre Création d’un fonds pour le financement de mesures d’adaptation - Questions institutionnelles - Éligibilité de projets nucléaires et hydro-électriques et de projets relatifs aux puits - Prélèvement financier pour l’aide à l’adaptation - Questions méthodologiques - Supplémentarité (plafond ?) - Critères d’éligibilité - Supplémentarité (plafond ?) - Réserve « incessible » pour la période d’engagement - Composition du comité de contrôle du respect des dispositions - Nature et portée juridique des sanctions (« mesures ») Décision 12/CP.7 Décision 9/CP.7 Décision 20/CP.7 Décision 21/CP.7 Décision 20/CP.9 Décision 15/CP.7 Décision 16/CP.7 Décision 19/CP.7 Décision 22/CP.7 Décision 17/CP.8 Décision 23/CP.7 Décision 17/CP.8 Décision 10/CP.7 Décision 17/CP.7 Décision 19/CP.9 Décision 18/CP.7 Décision 24/CP.7

5. LA POLITIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE EN MATIERE DE LUTTE CONTRE LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES

5.1. AFFIRMATION D’UN OBJECTIF POLITIQUE COMMUN EN VUE DES NÉGOCIATIONS INTERNATIONALES

77Le début de la politique européenne de lutte contre les changements climatiques se situe en 1989, au moment où la communauté internationale s'engage dans le processus préparatoire du sommet de Rio et se prépare à entamer des négociations sous l'égide des Nations unies en vue de la conclusion, à Rio, d'une convention mondiale établissant un cadre juridique pour l'organisation de la coopération internationale dans le domaine des changements climatiques. Dans une résolution du 21 juin 1989  [54], le Conseil, en soulignant « la dimension globale de l’effet de serre et la nécessité pour la Communauté et les États membres de jouer pleinement leur rôle dans la définition et la mise en œuvre d'une riposte globale face à ce problème », invita la Commission à lui présenter avant fin 1990 « des propositions d'actions concrètes » dans ce domaine, « notamment des mesures portant sur le problème du CO2, en vue d'apporter une contribution efficace au débat international ». Un an plus tard, la question des changements climatiques retint déjà l'attention des chefs d'État et de gouvernement. À sa réunion de Dublin de juin 1990, le Conseil européen demanda lui aussi que soient adoptés dès que possible des objectifs et des stratégies visant à limiter les émissions de gaz à effet de serre. Donnant suite à cet appel, le Conseil, lors d'une réunion conjointe des ministres de l'Environnement et de l'Énergie le 29 octobre 1990, adopta des conclusions dans lesquelles il fut « convenu que la Communauté et les États membres, présumant que d'autres pays importants prendront des engagements similaires (…) sont disposés à prendre des mesures pour parvenir à stabiliser, d'ici à l'an 2000, les émissions totales de CO2 au niveau de 1990 dans l'ensemble de la Communauté », tout en précisant « que les États membres qui, au départ, ont une consommation énergétique relativement faible et donc des niveaux peu importants d'émission mesurés par habitant ou sur une autre base appropriée ont le droit d'avoir, en matière de CO2, les objectifs et/ou des stratégies en rapport avec leur développement économique et social, tout en continuant à améliorer le rendement énergétique de leurs activités économiques ».

78Ces conclusions du Conseil, en fixant un objectif politique commun et d'apparence ambitieuse, tout en s'abstenant de préciser la contribution de chaque État membre à l'effort conjoint et laissant suffisamment de marge de manœuvre pour les politiques nationales, jetèrent les bases de la position de la Communauté européenne dans les négociations internationales, lui permettant de se positionner d'emblée comme un acteur clé à l'avant-garde du monde industrialisé. Elles tinrent aussi bien longtemps lieu de politique interne, puisqu'elles ne furent pas suivies dans l'immédiat de mesures communautaires opérationnelles visant la réalisation de l'objectif fixé. Il est vrai qu'il s'agissait à l'origine d'un engagement politique conditionnel, sous condition de la prise d' « engagements similaires » par les autres pays de l'OCDE. Rappelons néanmoins que la Commission soumit au Conseil, à la veille de la conférence de Rio, une proposition fort controversée de directive introduisant une taxe sur les émissions de dioxyde de carbone et l'énergie  [55], dont la mise en œuvre aurait permis à la CE d'amorcer une réduction significative de ses émissions.

5.2. ABSENCE DE POLITIQUE COMMUNE À L’INTÉRIEUR DE L’UNION EUROPÉENNE

79La Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, signée à Rio en juin 1992, n'imposait pas aux pays industrialisés d'obligation claire de stabiliser, ni a fortiori de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, mais se bornait à établir un cadre juridique et institutionnel pour le développement graduel d'un régime international plus opérationnel. Dans un premier temps, la CE  [56] et ses États membres ratifièrent cette Convention sans se doter d'une politique communautaire interne concrète. La proposition d' « écotaxe » sur le CO2 et sur l'énergie ne fut jamais adoptée et la Communauté laissa aux États membres le soin d'élaborer des programmes nationaux de maîtrise de leurs émissions, tout en établissant un mécanisme d'échange d'informations sur les politiques nationales permettant à la Commission de jouer un rôle d'impulsion et de coordination. Le premier paquet de mesures communautaires adoptées à l’occasion de la conclusion, par la Communauté, de la CCNUCC, avait un caractère essentiellement symbolique.

80Ce paquet de mesures comprenait une directive sur l’amélioration de l’efficacité énergétique (« Save »), une décision sur la promotion des énergies renouvelables (« Altener ) et une décision créant un mécanisme communautaire de surveillance des émissions de gaz à effet de serre et d’échange d’informations sur les politiques nationales des États membres. La directive « Save » engage les États membres à établir et mettre en œuvre des « programmes » visant à limiter les émissions de dioxyde de carbone par une amélioration de l'efficacité énergétique, notamment dans des domaines tels que la certification énergétique des bâtiments, l'isolation thermique des bâtiments neufs, l'inspection périodique des chaudières, les diagnostics énergétiques dans les entreprises et le financement par des tiers d'investissements visant à améliorer l'efficacité énergétique dans le secteur public  [57]. Dans le préambule de cette directive, le Conseil considère d'une part « qu'un effort collectif de tous les États membres, supposant des mesures au niveau communautaire, est nécessaire pour limiter les émissions de dioxyde de carbone et pour promouvoir l'utilisation rationnelle de l'énergie », tout en estimant d'autre part « que les mesures doivent être définies par les États membres, conformément au principe de subsidiarité ». Le législateur communautaire ne fixe donc aucun objectif quantitatif à atteindre et laisse la portée, l'ampleur et le contenu exact des programmes en question à la libre appréciation des États membres, qui doivent seulement faire rapport à la Commission tous les deux ans. En même temps que la directive « Save », le Conseil, « considérant qu'un accroissement significatif dans l'utilisation des énergies renouvelables contribuera à la réalisation de l'objectif de stabilisation des émissions de CO2 » et que, si ces énergies « ne sont pas encore compétitives, cela s'explique, entre autres, par le fait que le système actuel de prix ne prend pas toujours entièrement en compte le coût écologique des principales sources d'énergie traditionnelles », adopta le programme « Altener », un outil financier de promotion des énergies renouvelables  [58]. Le programme fait référence à des « objectifs indicatifs communautaires en matière d'énergies renouvelables », dont l’objectif global d’« augmenter la contribution des énergies renouvelables à la couverture de la demande totale d'énergie de près de 4 % en 1991 à 8 % en 2005 » dans l’ensemble de la Communauté  [59].

81La même année, le Conseil prend par ailleurs une décision adressée aux États membres établissant ce qu'il qualifie de « mécanisme de surveillance des émissions de CO2 et des autres gaz à effet de serre dans la Communauté  [60] ». Cette décision transpose en droit communautaire, sans aucun objectif d'harmonisation des législations nationales, un certain nombre d'obligations générales découlant de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, afin de permettre à la Communauté de s'acquitter de ses obligations en tant que Partie contractante à celle-ci. En vertu de la décision 93/389/CEE, les États membres sont tenus de mettre en œuvre et de communiquer à la Commission des « programmes nationaux de limitation des émissions anthropogéniques de CO2 (…) afin de contribuer à la stabilisation, d'ici à l'an 2000, des émissions de CO2 dans l'ensemble de la Communauté  [61] ». Ils doivent aussi communiquer chaque année à la Commission un inventaire national de leurs émissions anthropogéniques de CO2, dressé en application d'une méthodologie commune à établir par la Commission selon une procédure de comitologie. Des données relatives aux émissions d'autres gaz à effet de serre doivent également être fournies à la Commission. Sur la base de ces informations, la Commission reçoit mandat d'évaluer les programmes nationaux « afin de vérifier si les progrès réalisés dans l'ensemble de la Communauté sont suffisants pour garantir le respect des engagements » internationaux et de faire rapport à ce sujet au Parlement européen en au Conseil  [62]. On remarquera l'accent mis dans les dispositions de la décision sur l'engagement global de la CE dans son ensemble et l'absence de toute référence à des objectifs individuels à atteindre par chaque État membre au niveau national. En effet, la question du « partage équitable des charges » (burden sharing)  [63] a été soigneusement éludée jusqu'en 1997, année de l'adoption du Protocole de Kyoto.

5.3. L’ACCORD COMMUNAUTAIRE DE « PARTAGE DES CHARGES » COMME COROLLAIRE DU PROTOCOLE DE KYOTO

82Dès l'entrée en vigueur de la Convention-cadre en 1994, l'attention des décideurs politiques nationaux et communautaires s'est concentrée sur la phase suivante des négociations internationales, aux dépens des mesures internes de mise en œuvre. La première Conférence des Parties, réunie à Berlin en avril 1995, lança en effet des négociations visant à « renforcer » les engagements pris par les pays industrialisés Parties à la Convention « grâce à l’adoption d’un protocole ou d’un autre instrument juridique » qui élaborerait « des grandes orientations et des mesures » et fixerait « des objectifs quantifiés de limitation et de réduction [des émissions de gaz à effet de serre] selon des échéances précises  [64] ». Comme acteur-clé dans ces négociations, la Communauté se trouva confrontée à la nécessité constante de se positionner dans le jeu diplomatique en maintenant sa position commune, tout en poursuivant le débat interne inachevé sur les politiques et mesures nationales et communautaires à mettre en œuvre pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Dans les travaux du Conseil, ce débat interne fut toujours indissociablement lié et pratiquement subordonné à la stratégie de négociation internationale, qui mobilisa toute l'attention politique et servit de prétexte pour différer les décisions sur les politiques internes, conditionnées par les résultats toujours incertains des négociations en cours. Ce n'est qu'à quelques mois de la fin des négociations sur le Protocole de Kyoto, et afin de crédibiliser sa position de négociation sur les objectifs quantifiés à fixer par celui-ci, que le Conseil arrêta pour la première fois, dans ses conclusions du 3 mars 1997, un tableau provisoire de répartition des efforts de limitation et de réduction des émissions entre les États membres, accompagné d'un catalogue de politiques et mesures à envisager au niveau communautaire et national, en précisant bien qu'il s'agissait d'une « position de négociation de la Communauté pour les négociations en cours (…) et non un engagement unilatéral ». Il ne réussit que partiellement l'exercice, puisque l'ensemble des efforts chiffrés des États membres ne correspondait qu'à une réduction globale pour la CE de 10% en 2010 par rapport à 1990, alors que le Conseil proposait d'inscrire un objectif de réduction de 15% pour l'ensemble des pays industrialisés dans le Protocole de Kyoto.

83En fin de compte, le Protocole adopté par la 3e Conférence des Parties à la Conventioncadre à Kyoto le 11 décembre 1997 fixa un objectif beaucoup moins ambitieux de -8% pour la CE en 2008-2012 par rapport au niveau d'émission de référence de 1990, résultat d'un compromis avec les autres principaux protagonistes, les États-Unis (-7%) et le Japon (-6%). Ayant déjà examiné ci-dessous les principales dispositions du Protocole de Kyoto, nous nous limiterons ici à analyser brièvement l'impact de son adoption sur la politique communautaire. Nous savons que l'adoption du Protocole ne marqua pas en fait la fin du processus de négociations multilatérales, qui se poursuivit encore de nombreuses années jusqu'à l’adoption des accords de Marrakech en novembre 2001. Même si le Protocole de Kyoto était, dès sa signature en mars 1998, du point de vue du droit international, un traité en bonne et due forme, la plupart des pays industrialisés signataires ne le considéraient pas comme « ratifiable » en l'état, avant l'élaboration des règles d'application qui préciseraient la portée exacte de leurs engagements et, surtout, les moyens de s'en acquitter. Comme nous l’avons vu ci-dessus, la négociation de ces règles s'avéra extrêmement complexe et difficile.

84Tout au long de cet interminable processus de négociation, l'agenda international continua à mobiliser toute l'attention des décideurs communautaires, qui ne réalisèrent que peu de progrès sur le plan des politiques et mesures internes. Notons quand même l'accord politique, conclu au sein du Conseil en juin 1998, sur la répartition entre États membres de l'effort de réduction global de 8% imposé à la CE par le Protocole, accord qui fut encore plus difficile à obtenir que l'accord de mars 1997 sur le partage d'un objectif de réduction plus ambitieux (mais conditionnel) de 10%. Les conclusions du Conseil du 16 juin 1998, si elles sont bien évidemment dépourvues de tout effet juridique, revêtent un caractère solennel par les termes utilisés. Elles précisent que le Conseil « a maintenant déterminé les contributions des États membres » à l'objectif de réduction de 8 %, en se référant à « l'engagement de chaque État membre » chiffré dans un tableau annexé aux conclusions. Elles envisagent également d'emblée la formalisation juridique ultérieure de cette répartition des charges en stipulant : « Les termes de cet accord figureront dans la décision du Conseil relative à la conclusion du protocole par la Communauté. » Tout comme en mars 1997, le Conseil accompagna sa décision politique sur le burden sharing d'un rappel de « l'importance d'étoffer et de mettre en œuvre des politiques et mesures communes et coordonnées qui constituent une contribution nécessaire pour permettre à la Communauté et à ses États membres de réaliser l'objectif de Kyoto, parallèlement aux politiques et aux mesures nationales et en complément de ces dernières ». Cette déclaration d'intention est une fois de plus suivie d'une liste de mesures projetées, qui tarderont à se concrétiser, comme le révèle l'examen des mesures communautaires adoptées entre juin 1998 et novembre 2001, date des accords de Marrakech.

5.4. LA LENTE ÉLABORATION DE POLITIQUES ET MESURES COMMUNES ET COORDONNÉES

85En octobre 1998, le Conseil donna le feu vert politique à la conclusion d'un accord volontaire entre la Commission et l'Association des constructeurs automobiles européens (ACEA) sur la réduction des émissions de CO2 des voitures particulières  [65]. Cet accord, destiné à se substituer à toute initiative législative en la matière, engage les constructeurs à réduire le niveau d’émission moyen des véhicules neufs mis sur le marché européen à 140 grammes de CO2 par kilomètre d’ici 2008. Des accords similaires furent également conclus avec les constructeurs japonais et koréens. Les accords avec le secteur automobile furent fut formalisés par une recommandation de la Commission de février 1999  [66] et encadré par deux mesures visant à assurer l'information des consommateurs et des décideurs sur l'évolution du marché automobile. La première, une directive du 13 décembre 1999  [67], prévoit une panoplie de mesures à mettre en œuvre par les États membres afin « de garantir que des informations relatives à la consommation de carburant et aux émissions de CO2 des voitures particulières neuves proposées à la vente (…) sont mises à la disposition des consommateurs afin de permettre à ceux-ci d'opérer un choix éclairé  [68] ». La seconde, une décision du 22 juin 2000  [69], établit un « programme de surveillance » des émissions des mêmes véhicules en imposant aux États membres de recueillir et de communiquer régulièrement à la Commission certaines données sur les voitures mises sur le marché sur leur territoire afin de permettre à celle-ci de vérifier le respect des engagements volontaires pris par les constructeurs.

86Par ailleurs, le Conseil décida en avril 1999 de modifier la décision 93/389/CEE en vue de renforcer le « mécanisme de surveillance » des émissions de gaz à effet de serre dans la Communauté et les échanges d'informations sur les programmes nationaux de réduction de celles-ci  [70]. La décision modifiée élargit l'éventail des données à fournir par les États membres et prévoit une évaluation annuelle des « progrès accomplis » par la Commission au moyen d'une procédure de comitologie. Les programmes nationaux à mettre en œuvre par les États membres doivent dorénavant viser l'ensemble des gaz à effet de serre tombant sous le champ d'application du Protocole de Kyoto et contribuer notamment « à la surveillance transparente et précise des progrès effectifs et envisagés des États membres (…) sur la voie de la réalisation des contributions nationales qu'il est convenu d'apporter aux engagements pris par la Communauté au titre (…) du protocole de Kyoto  [71] ». Bizarrement, la décision ne chiffre pas ces contributions nationales et ne contient aucune référence explicite aux importantes conclusions du Conseil de juin 1998 sur la répartition des charges.

87Finalement, il faut noter l'adoption en septembre 2001, à la veille de la conférence de Marrakech, de la directive 2001/77/CE  [72] qui engage les États membres à prendre « des mesures appropriées pour promouvoir l'accroissement de la consommation d'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables », conformément à des « objectifs indicatifs nationaux » quant à la part de l'électricité produite à partir de telles sources dans la consommation brute d'électricité à atteindre en 2010 dans chacun d'entre eux  [73], l'objectif indicatif global pour la Communauté dans son ensemble étant fixé à 22,1%. Cette mesure, prise dans le cadre de la politique de l'énergie et de la mise en place du marché intérieur de l'électricité, est présentée par le législateur communautaire comme « un volet important de l'ensemble des mesures requises pour respecter le protocole de Kyoto  [74] ».

88Comme on peut le constater, du point de vue du droit positif, la politique communautaire de lutte contre l'effet de serre, depuis ses origines en 1989 jusqu'en 2001, même si elle a eu recours à des instruments législatifs juridiquement contraignants, se résume en fait à un ensemble de mesures d'incitation, d'information et de coordination sans réel effet de contrainte. Ce n'est que depuis les accords de Bonn et Marrakech, ouvrant la voie à la ratification du Protocole de Kyoto, que la politique interne de l'UE est passée à une « vitesse supérieure » et que des mesures législatives communautaires dignes de ce nom sont effectivement à l'ordre du jour. C'est en effet en octobre 2001 que la Commission présenta au Conseil, simultanément avec le projet de décision portant approbation du Protocole de Kyoto et formalisation de la répartition des charges entre les États membres  [75], sa proposition de directive établissant un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans la Communauté  [76], ainsi qu’une communication au Parlement européen et au Conseil « sur la mise en œuvre de la première étape du programme européen sur le changement climatique  [77] », annonçant un ensemble de mesures supplémentaires. Le Programme européen sur le changement climatique (European Climate Change Programme – ECCP) avait été mis en place par la Commission en 2000 afin de préparer, en concertation avec des experts des États membres, des entreprises et des ONG, des « politiques et mesures communes et coordonnées » de lutte contre les changements climatiques  [78], ce qui avait été réclamé par le Conseil dans de nombreuses conclusions depuis 1997. Sous la présidence de la Commission, des groupes de travail thématiques avaient été chargés d’étudier une série de mesures envisagées dans les domaines des mécanismes de flexibilité, de la production et de la consommation d’énergie, de l’industrie, des transports et de la recherche. Les recommandations de ces groupes de travail « ECCP » ont ensuite servi de base pour l’élaboration de certaines propositions législatives (et non législatives) par la Commission.

5.5. NOUVELLES MESURES COMMUNAUTAIRES DANS LA FOULÉE DES ACCORDS DE MARRAKECH

89La décision du Conseil du 25 avril 2002 relative à l'approbation, au nom de la Communauté européenne, du Protocole de Kyoto et l'exécution conjointe des engagements qui en découlent marqua un pas décisif dans l'évolution de la politique de l'Union européenne de lutte contre les changements climatiques. Comme l'indique son intitulé, l'objet de cette décision est non seulement de formaliser le consentement de la Communauté à être liée par le Protocole, mais aussi de fixer les modalités de « l'exécution conjointe des engagements qui en découlent ». La décision du 25 avril 2002 fait en effet office d'accord entre les États membres, en leur qualité de Parties au Protocole, sur l'exécution conjointe de leurs engagements, accord conclu en application de l'article 4 du Protocole dans le cadre de l'organisation régionale d'intégration économique qu'est la Communauté, elle-même également Partie à celui-ci. Elle fixe donc, par un acte communautaire juridiquement contraignant, le « niveau respectif d'émissions attribué » à chacun des États membres au sens de l'article 4, § 1 du Protocole, formalisant ainsi l’accord politique conclu au sein du Conseil Environnement de Luxembourg en juin 1998. Ainsi, la décision permit le dépôt simultané, par la CE et ses États membres, de leurs instruments de ratification auprès du secrétaire général des Nations unies à New York le 31 mai 2002.

90Dans la foulée de sa décision du 25 avril 2002 sur la ratification du Protocole de Kyoto, le Conseil a donc intensifié ses travaux sur les mesures internes contribuant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Un nombre croissant de mesures ont été adoptées depuis la fin de 2002 et d’autres propositions de la Commission résultant de l’exercice « ECCP » sont encore à l’examen. Il convient toutefois de noter qu’en dépit de quelques réalisations importantes, comme il apparaît du tableau 4  [79] ci-dessous, les ambitions de la Commission et surtout du Conseil en matière de politiques et des mesures communes et coordonnées ont manifestement été graduellement revues à la baisse depuis la fin des années 1990.

91La directive 2002/91/CE sur la performance énergétique des bâtiments  [80], qui prévoit des mesures dans un secteur représentant plus de 40 % de la consommation finale d'énergie dans la Communauté, et la directive 2003/87/CE sur l'échange des quotas d'émission  [81], que nous analyserons ci-dessous, constituent en fait les premières mesures harmonisées à portée juridique et économique significative prises par les institutions européennes dans le cadre de leur politique de lutte contre les changements climatiques.

92Depuis, un certain nombre d’autres mesures ont également été adoptées. Dans le domaine de la politique énergétique, il s’agit d’une directive sur la promotion des biocarburants  [82] et d’une autre directive visant la promotion de la production combinée d’électricité et de chaleur (cogénération) dans le cadre du marché intérieur de l’électricité  [83], similaire dans sa conception à la directive 2001/77/CE sur les énergies renouvelables. Dans le domaine de la fiscalité, la directive 2003/96/CE sur l’harmonisation de la fiscalité sur les produits énergétiques, adoptée le 27 octobre 2003  [84], est le résultat de plus de dix ans de négociations sur la fiscalité énergétique, qui débutèrent en 1992 avec la proposition avortée d' « écotaxe » sur le CO2 et l'énergie soumise au Conseil par la Commission à la veille du sommet de Rio  [85]. En 1997, la Commission proposa une mesure moins ambitieuse d’harmonisation de la fiscalité énergétique  [86], à la finalité environnementale moins explicite, qui resta à l’examen au sein du Conseil « Ecofin » pendant plus de cinq ans, et fut finalement adoptée par celui-ci fin 2003 sous une forme fortement édulcorée, avec un nombre invraisemblable de dérogations et clauses transitoires en faveur de nombreux États membres ayant exploité à fond leur droit de véto pour obtenir des concessions à leurs intérêts nationaux. Comme le reconnaît la Commission elle-même, la directive 2003/96/CE « n’introduit (…) que des augmentations limitées de la fiscalité des produits énergétiques dans plusieurs États membres de sorte que l’impact sur le rendement énergétique et sur les émissions ne sera probablement pas très important  [87] ».

93D’autres propositions législatives de la Commission résultant du programme « ECCP » sont toujours à l’examen au Conseil et au Parlement. Parmi celles-ci, la plus avancée est une proposition de règlement concernant les gaz à effet de serre fluorés visés à l’annexe A du Protocole de Kyoto  [88], sur laquelle un accord politique sur une position commune a été conclu au sein du Conseil « Environnement » le 14 octobre 2004. Le Conseil a décidé de scinder la législation proposée en deux instruments : le règlement ne portera que sur les applications dites « fixes » des gaz concernés dans les systèmes de réfrigération, de climatisation, de lutte contre les incendies et autres processus industriels, tandis qu’une directive réglementera de façon plus souple l’élimination progressive de l’utilisation des gaz fluorés dans les systèmes de climatisation des véhicules automobiles  [89].

94Le Conseil « Transports, télécommunications et énergie », quant à lui, est saisi d’une proposition de directive relative à l'efficacité énergétique dans les utilisations finales et aux services énergétiques  [90] et d’une proposition de directive établissant un cadre pour la fixation d'exigences en matière d'éco-conception applicables aux produits consommateurs d'énergie  [91]. Cette dernière proposition a fait l’objet d’un accord politique en première lecture en juin 2004. Il s’agit d’une directive-cadre qui ne fixe directement aucune exigence, mais habilite la Commission à arrêter des normes harmonisées en passant par une procédure de comitologie. La directive vise autant, sinon plus, à garantir la libre circulation des produits consommateurs d'énergie au sein du marché unique qu’à améliorer leur performance énergétique et, d'une manière générale, leurs performances environnementales. En effet, son préambule souligne que des mesures législatives ne sont nécessaires que « lorsque les forces du marché ne parviennent pas à progresser dans la bonne direction ou à une vitesse acceptable ». Dans ce cas seulement, il peut être « justifié d'établir des exigences d'éco-conception spécifiques quantifiées pour certains produits ou certaines caractéristiques écologiques de ceux-ci en vue de réduire au minimum leur impact sur l'environnement ». Le préambule reconnaît néanmoins que « compte tenu de la nécessité urgente de contribuer au respect des engagements pris dans le cadre du protocole de Kyoto (…), il convient d'accorder une certaine priorité aux mesures qui présentent un fort potentiel de réduction à faible coût des émissions de gaz à effet de serre. » L’adoption définitive de ce texte en deuxième lecture devrait normalement intervenir en 2005. Il reste à voir dans quelle mesure sa mise en œuvre contribuera réellement à la réduction de la consommation d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre, plutôt que d’entraver l’action des États membres les plus progressistes en matière de normes d’efficacité énergétique.

95Depuis la ratification du Protocole de Kyoto par la CE, le Conseil a également complètement remis à neuf le « mécanisme de surveillance » des émissions de gaz à effet de serre initialement mis en place par la décision 93/389/CEE et révisé en 1999  [92]. La nouvelle décision 280/2004/CE du 11 février 2004, qui remplace dorénavant la décision 93/389/CEE, établit un « mécanisme » qui, d’après son intitulé, n’est plus seulement destiné à « surveiller les émissions de gaz à effet de serre dans la Communauté » mais aussi à « mettre en œuvre le protocole de Kyoto  [93] ». Elle transpose en droit communautaire un certain nombre de dispositions des accords de Marrakech notamment en matière d'inventaire communautaire des émissions et absorptions, d’inventaires et de registres nationaux, de communication des données et de mise en œuvre « coordonnée et efficace » d’autres procédures en vertu du Protocole. Dorénavant, la décision fait référence non plus aux seuls programmes nationaux à mettre en œuvre par les États membres, mais aussi à « un programme communautaire » à concevoir et mettre en œuvre par la Commission « afin de contribuer (…) au respect des engagements pris par la Communauté et ses États membres, au titre de la CCNUCC et du protocole de Kyoto, en ce qui concerne la limitation et/ou la réduction de toutes les émissions de gaz à effet de serre  [94] ». Ainsi, la décision 280/2004/CE officialise en quelque sorte, a posteriori, le Programme européen sur le changement climatique (ECCP) lancé par la Commission en 2000. Évidemment, ce faisant, le Conseil et le Parlement ne s’engagent à rien, puisque les mesures concrètes « conçues » par la Commission dans le cadre de son « programme communautaire » nécessiteront toujours, dans la plupart des cas, l’aval des autres institutions pour pouvoir être mises en œuvre.

5.6. LE SYSTÈME COMMUNAUTAIRE D'ÉCHANGE DE QUOTAS D'ÉMISSION DE GAZ À EFFET DE SERRE

96Comme il apparaît de l’aperçu que nous avons donné des principales mesures communautaires adoptées depuis le début des années 1990 au titre de la politique européenne de lutte contre les changements climatiques (cf. le tableau 4), celle-ci a été fort timide quant à l’utilisation d’instruments fiscaux et, s’agissant des secteurs de la production et de la consommation d’énergie et des transports, s’est, pour l’essentiel, limitée à des instruments à caractère incitatif plutôt que réellement contraignant. Dans ces circonstances, c’est le système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre à l’intérieur de l’UE, mis en place par la directive 2003/87/CE, qui est appelé à servir de principal instrument de la politique communautaire dans les années à venir. Pour conclure, nous allons donc analyser brièvement ce système de quotas négociables sans précédent en Europe  [95].

97Depuis l’adoption du Protocole de Kyoto en 1997, et tout au long des négociations internationales sur les modalités de sa mise en œuvre, le débat a fait rage non seulement au niveau mondial mais aussi à l’intérieur de l’UE sur le choix des instruments les plus efficaces tant du point de vue écologique qu’économique pour la réalisation des objectifs quantifiés fixés par le Procole. Après avoir, dans un premier temps, penché en faveur de l’utilisation d’instruments fiscaux harmonisés et à caractère horizontal, la Commission, face à l’opposition farouche de certains États membres à ses propositions en la matière, a réorienté sa stratégie vers les instruments économiques de nature non fiscale, et plus particulièrement étudié l’application possible, à l’intérieur de l’UE, d’un mécanisme de permis d’émission négociables inspiré par les mécanismes de flexibilité prévus dans le Protocole de Kyoto. En 2000, dans le feu des préparatifs pour COP6 à La Haye, elle a lancé le processus d’élaboration d’un tel mécanisme en publiant, le même jour que sa communication sur le programme « ECCP », un Livre vert « sur l'établissement dans l'Union européenne d'un système d'échange de droits d'émission des gaz à effet de serre  [96] », qui a donné lieu à un vif débat politique à l’intérieur de l’UE alors même que se poursuivait, dans les enceintes de la CCNUCC, le débat sur les mécanismes de Kyoto qui ne s’est achevé que fin 2001 par l’adoption des accords de Marrakech. La justification pour le choix de cet instrument au niveau communautaire était principalement économique. Selon le Livre vert, « des estimations indiquent qu'un système d'échange utilisé à l'échelon communautaire par des producteurs d'énergie et des industries grandes consommatrices d'énergie pourrait réduire de près d'un cinquième les coûts de mise en œuvre des engagements pris à Kyoto par la Communauté, comparativement à l'utilisation de systèmes établis par des États membres individuels n'autorisant pas les échanges transfrontaliers  [97]. » Le Livre vert fut suivi d’une proposition de directive soumise par la Commission au Conseil et au Parlement européen dans la foulée du succès de COP6bis à Bonn, mais avant l’adoption définitive des accords de Marrakech  [98]. La directive 2003/87/CE fut finalement adoptée en octobre 2003, avec un délai de transposition exceptionnellement court, puisque les États membres devaient la traduire dans leur droit interne avant le 1er janvier 2004.

98Il est important de bien distinguer le système communautaire d’échange de quotas institué par la directive du mécanisme international d’échange de droits d'émission prévu à l’article 17 du Protocole de Kyoto. Si le premier s’inspire du second et s’affirme « compatible » avec lui  [99], ils ne sont pas identiques et ne se recouvrent que partiellement. Les destinataires et acteurs principaux du système communautaire sont certains opérateurs économiques, exploitants d’installations fixes émettant de grosses quantités de gaz à effet de serre, alors que le mécanisme du Protocole est a priori un système d’échanges entre États, même si ceux-ci peuvent permettre à des opérateurs économiques d’y participer sous leur responsabilité. Le système communautaire sera opérationnel dès le 1er janvier 2005, bien avant le début de la première « période d’engagement » du Protocole de Kyoto. Ce n’est qu’après le début de cette période que les échanges de quotas en vertu du système communautaire s’accompagneront automatiquement de transferts de « parts de quantité attribuée » au titre du Protocole  [100]. Finalement, le système communautaire a un caractère sectoriel, dans la mesure où il ne s’adresse qu’à certains secteurs déterminés de l’industrie, grands émetteurs de gaz à effet de serre : la production et la transformation d’énergie fossile (grandes installations de combustion, cokeries, raffineries de pétrole), la sidérurgie, l’industrie du verre, du ciment, et de la céramique, et les usines de papier et pâte à papier  [101].

99Si, collectivement, les installations fixes relevant de ces secteurs sont responsables de 46 % des émissions de CO2 dans l’ensemble de l’UE  [102], de nombreuses autres activités génératrices de gaz à effet de serre échappent aux contraintes imposées par le système des quotas. Tel est le cas, notamment, des émissions de l’industrie chimique non liées à la combustion, des émissions du secteur des métaux non ferreux, des transports et du secteur tertiaire et domestique. Cette exclusion est motivée tantôt par des difficultés techniques d’application de quotas d’émission dans ces secteurs, tantôt par des arguments économiques, tantôt encore par l’argument que d’autres instruments sont plus appropriés pour réduire leurs émissions. Selon les considérants de la directive « l'échange des quotas d'émission devrait s'intégrer dans un ensemble global et cohérent de politiques et de mesures  [103] », qui « devraient être mises en œuvre au niveau de l'État membre et de la Communauté dans tous les secteurs de l'économie de l'Union européenne, et pas uniquement dans les secteurs de l'industrie et de l'énergie, afin de générer des réductions substantielles des émissions  [104] ». Comme nous l’avons vu, d’autres mesures communautaires à caractère sectoriel ont été adoptées ou sont en voie d’adoption, notamment pour le secteur résidentiel et tertiaire (efficacité énergétique des bâtiments), ainsi que pour certaines activités émettant d’autres gaz à effet de serre que le CO2 (les gaz fluorés). Mais, jusqu’à présent, le secteur des transports n’a fait l’objet d’aucune mesure contraignante. C’est pourquoi le préambule de la directive appelle, une fois de plus, la Commission à « examiner les politiques et mesures au niveau communautaire afin que le secteur des transports apporte une contribution réelle à l'exécution par la Communauté et les États membres de leurs obligations concernant le changement climatique, conformément au protocole de Kyoto  [105] ».

100À partir du 1er janvier 2005, toutes les installations tombant dans le champ d’application de la directive 2003/87/CE devront être dotées d’un permis d’émission de gaz à effet de serre et d’une allocation correspondant à une certaine quantité de quotas d’émission – chaque quota « autorisant à émettre une tonne d'équivalent-dioxyde de carbone au cours d'une période spécifiée, valable uniquement pour respecter les exigences de la (…) directive » et étant « transférable conformément aux dispositions de [celle-ci]  [106] » – fixée par l’autorité nationale compétente en application d’un « plan national d’allocation » approuvé par la Commission. Les exploitants seront aussi tenus d’enregistrer leurs émissions de CO2 et d’en faire rapport à l’autorité compétente. À l’issue de chaque année, ils devront démontrer qu’ils disposent d’un nombre suffisant de quotas pour couvrir leurs émissions de l’année écoulée. Si leur allocation propre est insuffisante, ils devront acquérir le solde de quotas nécessaires sur le marché, auprès de n’importe quel autre détenteur de quotas dans l’UE. Si, en revanche, leurs émissions sont inférieures à leur allocation, ils pourront vendre les quotas excédentaires au plus offrant. Ainsi, le système communautaire d’échange de quotas est censé « contribue[r] à réaliser les engagements de la Communauté européenne et de ses États membres de manière plus efficace, par le biais d'un marché européen performant de quotas d'émission de gaz à effet de serre et en nuisant le moins possible au développement économique et à l'emploi  [107]. » Comme préalable à l’échange de quotas, le système prévoit la limitation, dans chaque État membre, de la quantité totale d’émissions de CO2 autorisées en provenance de l’ensemble des installations soumises, et de la quantité de chacune d’entre elles considérée individuellement. À cette fin, les États membres doivent fixer, dans leurs « plans nationaux d’allocation » la quantité totale de quotas à allouer et sa répartition entre les différentes installations concernées.

101La première période d’application du système, qui s’étend du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007, est une période d’essai, dans la mesure où les limites d’émission découlant du Protocole de Kyoto ne s’imposent à la Communauté et de ses États membres qu’à partir du début de la première « période d’engagement », le 1er janvier 2008. En anticipant de la sorte, l’UE souhaite dès à présent inciter les secteurs concernés à prendre des mesures pour réduire leurs émissions et leur permettre d’acquérir de l’expérience dans l’utilisation des quotas négociables. À partir de 2008, les plans nationaux d’allocation des États membres devront bien évidemment s’inscrire dans les limites imposées par leurs « quantités attribuées » au sens du Protocole, telles qu’elles seront fixées conformément à la décision 2002/358/CE. Avant cette date, la Commission vérifiera que la quantité totale de quotas alloués par chaque État membre aux installations concernées sur son territoire « est compatible, pour la période allant jusqu'à 2008, avec un scénario aboutissant à ce que chaque État membre puisse atteindre voire faire mieux que l'objectif qui leur a été assigné en vertu de la décision 2002/358/CE et du protocole de Kyoto  [108] ». Les péripéties de la procédure d’approbation des plans nationaux d’allocation par la Commission, qui ne se déroule pas sans difficultés, démontrent que la tentation, pour les États membres, de distribuer généreusement des quotas pour limiter l’impact immédiat du système, est grande. En effet, malgré l’obligation des États membres d’allouer, pour la période transitoire 2005-2007, des quantités de quotas « compatibles » avec un scénario aboutissant à terme au respect des objectifs fixés en vertu du Protocole de Kyoto pour la période 2008-2012, certains États ont alloué à leurs industriels des quotas sensiblement supérieurs à leurs niveaux actuels d’émission, ce qui n’est évidemment pas de nature à les inciter à se montrer pro-actifs.

102Un lien entre le système communautaire et certains mécanismes du Protocole de Kyoto a été récemment établi par une modification de la directive 2003/87/CE. Un nouvel article inséré dans cette directive par la directive 2004/101/CE autorise les États membres à « permettre à des exploitants d’utiliser des [crédits] résultant d’activités de projets dans le système communautaire, jusqu’à concurrence d’un pourcentage de l’allocation des quotas attribuée à chaque installation, devant être spécifié par chaque État membre dans son plan national d’allocation pour cette période  [109] ». Il peut s’agir de crédits d’émission résultant de projets réalisés conformément à l’article 6 (mise en œuvre conjointe) ou l’article 12 (mécanisme pour un développement « propre ») du Protocole et répondant à certaines conditions fixées dans la directive. Les premiers ne pourront être comptabilisés dans le système communautaire qu’à partir de 2008, mais les seconds pourront l’être dès le 1er janvier 2005, puisque le Protocole lui-même permet la génération d’unités de réduction certifiées par les projets relevant pour un mécanisme de développement « propre » depuis le 1er janvier 2000. Les crédits « Kyoto » seront convertis en quotas « communautaires » par les autorités compétentes des États membres.

103Il convient de souligner ici que ces dispositions ne s’appliquent qu’aux unités de réduction d’émission générées par la réalisation de projets dans le cadre des mécanismes de mise en œuvre conjointe et de développement « propre » du Protocole de Kyoto, et non pas aux « parts de quantité attribuée » acquises au moyen du mécanisme d’« échanges de droits d'émission » visé à l’article 17 du Protocole. Le préambule de la directive 2003/87/CE stipule que « les États membres peuvent participer, en tant que parties au protocole de Kyoto, à des échanges internationaux de droits d'émission avec toute autre partie visée à l'annexe B de ce protocole  [110] », mais la directive n’autorise pas, en l’état, l’utilisation de tels droits par les exploitants d’installations soumises au système communautaire aux fins de remplir leurs obligations découlant de celui-ci. Afin d’autoriser ce type de transactions, des accords bilatéraux devront préalablement être conclus avec des pays tiers Parties au Protocole de Kyoto et visés à son annexe B, « afin d'assurer la reconnaissance mutuelle des quotas entre le système communautaire et d'autres systèmes d'échange de droits d'émission de gaz à effet de serre  [111] ». L’entrée en vigueur imminente du Protocole permettra l’ouverture de négociations sur de tels accords avec certaines autres Parties qui ont mis en place au niveau national des systèmes similaires d'échange de droits d'émission ou envisagent de le faire, tels que le Canada, la Norvège et la Nouvelle-Zélande.

CONCLUSION

104Plus de quinze ans se se seront écoulés entre le début des négociations intergouvernementales sur les changements climatiques au sein de l’ONU et l’entrée en vigueur, en février 2005, du premier accord multilatéral imposant à certains États des mesures concrètes de limitation voire de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre. La mise en œuvre de cet accord, si elle constitue un premier pas indispensable, n’en restera pas moins tout à fait insuffisante pour éviter des changements climatiques aux conséquences potentiellement catastrophiques. L’extrême lenteur du processus intergouvernemental est liée à la structure même d’une communauté internationale composée d’une multitude d’États souverains aux intérêts divergents et à la règle du consensus qui préside à l’élaboration de tout régime multilatéral. Elle s’explique aussi par la grande complexité et les multiples incertitudes scientifiques qui caractérisent la problématique du réchauffement planétaire. Comme le démontrent les maigres résultats de la dernière Conférence des Parties qui a eu lieu à Buenos Aires en décembre 2004, de nombreux États sont réticents à envisager les mesures de réduction des émissions beaucoup plus importantes que celles prévues par le Protocole de Kyoto d’ici 2012, qui seront nécessaires dans les décennies à venir pour réaliser l’objectif ultime de la Convention-cadre. La réalisation de cet objectif – empêcher toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique – ne sera possible que moyennant la participation de tous les pays industrialisés, y compris les États-Unis, ainsi que celle des grands pays en développement émergents, à un effort international concerté de « décarbonisation » graduelle de leurs économies. La communauté internationale se trouve dès à présent confrontée à l’inadéquation des structures existantes de gouvernance mondiale de l’environnement pour relever efficacement cet énorme défi, compte tenu de l’évolution des relations économiques et politiques internationales et des rapports Nord-Sud.

105Le débat international sur les changements climatiques a permis à l’Union européenne de se positionner sur la scène mondiale comme acteur politique unifié, ambitieux et volontariste. Le sauvetage du Protocole de Kyoto après son rejet par l’administration Bush est sans aucun doute un grand succès de la diplomatie européenne, qui a réussi, non sans difficultés considérables, à rallier les pays en voie de développement et les pays en transition, les autres pays membres de l’OCDE (à l’exception de l’Australie), et, finalement, la Russie, à un accord multilatéral sans les États-Unis. Le leadership international de l’UE a été acquis en dépit de grandes ambiguïtés et lacunes dans la politique interne de l’Union, dont le développement n’a jusqu’à présent pas été à la hauteur de ses ambitions internationales, même s’il s’est accéléré depuis les accords de Bonn et Marrakech. Des efforts considérables restent cependant nécessaires sur le plan interne afin de garantir le respect des engagements de Kyoto par l’ensemble des États membres. L’Union européenne devra, dans les années qui viennent, non seulement maintenir ses efforts diplomatiques sur la scène internationale, mais aussi relever le défi du volontarisme sur le plan interne.

Tableau 4

Mesures communautaires de lutte contre l’effet de serre

Tableau 4
Tableau 4 : Mesures communautaires de lutte contre l’effet de serre Mesures envisagées par le Conseil Mesures envisagées par la Commission Mesures adoptées par le Conseil et le Parlement ou (Conclusions du Conseil du 16-17 juin 1998) (Communication de la Commission du 8 mars 2000) formellement proposées par la Commission Production d’énergie Assurer un fonctionnement efficace du marché d’une Intégrer des considérations environnementales dans le Directive 2001/77/CE relative à la promotion de l'élecmanière qui soit compatible avec les objectifs environ- développement du marché intérieur de l’électricité et du tricité produite à partir de sources d'énergie renouvelanementaux gaz bles sur le marché intérieur de l'électricité Limiter les obstacles à une utilisation plus large des Accès au réseau pour la production décentralisée Directive 2001/77/CE relative à la promotion de l'élecénergies renouvelables d’électricité et augmentation de la part d’énergies renou- tricité produite à partir de sources d'énergie renouvelavelables bles sur le marché intérieur de l'électricité Augmentation de l’utilisation de la cogénération Augmentation de l’utilisation de la cogénération Directive 2004/8/CE concernant la promotion de la cogénération Promotion des technologies permettant une conversion Décision 1999/24/CE arrêtant un programme pluriande l’énergie fossile plus propre et plus efficace nuel d'actions technologiques visant à promouvoir l'utilisation propre et efficace des combustibles solides (1998-2002) (instrument financier) souterrains - Piégeage et élimination du CO2 dans des réservoirs minières et extractives - Réduction des émissions de méthane dans les industries Secteur industriel Promotion des technologies et techniques nouvelles Amélioration de l’efficacité de l’équipement électrique et Programme européen d’incitation « Motor Challenge présentant un bon rapport coût-efficacité des processus industriels par des normes pour les chau- Programme » (programme volontaire) dières, produits de construction, etc. Décision 1230/2003/CE arrêtant un programme pluriannuel pour des actions dans le domaine de l'énergie: « Énergie intelligente – Europe » (2003-2006) (instrument financier) Cadre strict visant à limiter la production et l’utilisation Cadre juridique pour les gaz fluorés Proposition COM (2003) 492 de règlement relatif à des gaz HFC, PFC et SF6 certains gaz à effet de serre fluorés Cadre juridique pour le commerce des droits d’émission Directive 2003/87/CE établissant un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans la Communauté Augmentation des services énergétiques pour les PME Proposition COM (2003) 739 de directive relative à l'efficacité énergétique dans les utilisations finales et aux services énergétiques Cadre juridique pour les accords volontaires Communication COM (2002) 412 sur les accords envi-

Mesures communautaires de lutte contre l’effet de serre

tableau im6
Consommation énergétique dans les secteurs domestique et tertiaire Amélioration des performances énergétiques des appa- Proposition COM (2003) 453 de directive établissant un reils ménagers cadre pour la fixation d'exigences en matière d'écoconception applicables aux produits consommateurs d'énergie Audits énergétiques et certificats de performance en Directive 2002/91/CE sur la performance énergétique matière de chauffage des bâtiments Amélioration des performances dans le domaine de la Directive 2000/55/CE établissant des exigences de construction et de l'éclairage rendement énergétique applicables aux ballasts pour l'éclairage fluorescent Programme volontaire « GreenLight » Prise en compte de l'efficacité énergétique des technolo- Directive 2004/18/CE relative à la coordination des gies pour utilisation finale lors de la passation de mar- procédures de passation des marchés publics de travaux, chés publics de fournitures et de services Consommation énergétique dans le secteur des transports Réduction des émissions de CO2 pour les voitures parti- Élaboration d'un cadre fiscal faisant partie intégrante de Recommandation 1999/125/CE concernant la réducculières (système d’étiquetage sur l’économie des carbu- la stratégie visant à réduire les émissions de CO2 des tion des émissions de CO2 des voitures particulières rants, incitation fiscale en faveur de l’efficacité énergéti- voitures particulières Directive 1999/94/CE concernant la disponibilité d'inque) formations sur la consommation de carburant et les émissions de CO2 à l'intention des consommateurs lors de la commercialisation des voitures particulières neuves Extension de la notion de « véhicule plus respectueux de directive 2003/30/CE visant à promouvoir l'utilisation l'environnement » aux voitures particulières et aux utili- de biocarburants ou autres carburants renouvelables taires (normes plus strictes en matière d'émissions et de dans les transports carburant, technologies et carburants nouveaux) culier des véhicules à pot catalytique - Recherches pour réduire les émissions de N2O, en parti économe en carburant - Campagne européenne pour un style de conduite plus Taxation du kérosène (achever l’étude) Instruments économiques pour l’aviation Communication COM (1999) 640 sur les transports aériens et l'environnement Politique des transports et infrastructure Réduction des émissions de CO2 par le secteur du trans- Directive 2003/30/CE visant à promouvoir l'utilisation port routier de biocarburants ou autres carburants renouvelables dans les transports Politiques visant à influencer la demande et à stimuler Révision de la politique des transports (rail, fret, trans- Livre blanc COM (2001) 370 « La politique européenne des modes de transport moins dommageables pour port maritime et aérien…) des transports à l’horizon 2010 : l’heure des choix » l’environnement

tableau im7
Mobilité et intermodalité durables Règlement 1382/2003/CE concernant l'octroi d'un concours financier communautaire visant à améliorer les performances environnementales du système de transport de marchandises (« programme Marco Polo ») (instrument financier) transport public, parking…) - Livre vert sur les transports urbains (mesures fiscales, Recherche Mise en œuvre du 5e programme-cadre, en particulier Mise en oeuvre du 5e programme-cadre, en particulier Décision 1513/2002/CE relative au 6e programmedu programme énergie, environnement et développe- du programme énergie, environnement et développe- cadre de la Communauté européenne pour des actions ment durable, et diffusion des technologies aux pays ment durable de recherche, de développement technologique et de tiers démonstration (priorité thématique 1.1.6 « Développement durable, changement planétaire et écosystèmes ») (instrument financier) munautaire et national en matière de recherche et déve-- Mise en réseaux des efforts réalisés aux niveaux com loppement pour la lutte contre le changement climatique Déchets Législation sur les déchets devant prendre en compte les Révision de la législation sur les déchets : révision de la directive 2004/12/CE modifiant la directive 94/62/CE dernières recherches et les technologies les plus efficaces directive 86/278/EEC (boues d’épuration) et de la relative aux emballages et aux déchets d'emballages pour limiter les émissions de gaz à effet de serre directive 94/62/CE (emballages et déchets d’emballages) Promotion du traitement biologique des déchets biodé- Directive 1999/31/CE concernant la mise en décharge gradables des déchets Plan d’action pour réduire les émissions de méthane - Mesures fiscales Taxation de l’énergie Directive 2003/96/CE sur l’harmonisation de la fiscalité sur les produits énergétiques aux énergies fossiles - Suppression des subventions et autres régimes fiscaux duits qui permettent de réaliser des économies d’énergie - Différenciation des niveaux de taxation pour les pro 1 Dans sa Résolution du 13 mai 2003 sur les accords environnementaux conclus au niveau communautaire dans le cadre du plan d'action « Simplifier et améliorer l'environnement réglementaire », le Parlement européen « déplore que cette initiative ait pris la forme d'une communication non contraignante, en lieu et place d'une proposition de cadre législatif général sur les accords environnementaux, comme demandé à plusieurs reprises par le Parlement européen ».

Notes

  • [1]
    Man's Impact on the Global Environment : Assessment and Recommendations for Action, Report of the Study of Critical Environmental Problems sponsored by the Massachusetts Institute of Technology, MIT Press, Cambridge, Massachusetts/London, 1970, p. 12.
  • [2]
    Action Plan for the Human Environment, adopted by the United Nations Conference on the Human Environment, Stockholm, 16 June 1972, Recommendation 79.
  • [3]
    Report of the International Conference on the Assessment of the Role of Carbon Dioxide and of Other Greenhouse Gases in Climate Variations and Associated Impacts (Villach, Austria, 9-15 October 1985), WMO Report n° 661, World Meteorological Organisation, Genève, 1986 ; 78 p.
  • [4]
    Our Common Future, World Commission on Environment and Development, Oxford University Press, Oxford/New York, 1987.
  • [5]
    Résolution 4 (EC-XL) du Conseil exécutif de l’OMM.
  • [6]
    Implications for Global Security, World Conference on the Changing Atmosphere, Toronto, juin 1988, conférence co-parrainée par le PNUE et l’OMM.
  • [7]
    United Nations Environment Programme, 1988 Annual Report of the Executive Director, UNEP, Nairobi, 1988, p. 30-31.
  • [8]
    Doc. A/C.2/43/L.17,2 novembre 1988.
  • [9]
    Résolution 43/53 du 6 décembre 1988, dernier considérant et § 1.
  • [10]
    Ibidem, § 10.
  • [11]
    Les pays représentés étaient la RFA, l'Australie, le Brésil, le Canada, la Côte d'Ivoire, l'Egypte, l'Espagne, la France, la Hongrie, l'Inde, l'Indonésie, l'Italie, le Japon, la Jordanie, le Kénya, Malte, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas, le Sénégal, la Suède, la Tunisie, le Venezuela et le Zimbabwe. La Belgique ne fut pas invitée, ce qui donna lieu à un mini-incident diplomatique entre Bruxelles et La Haye. Cf. à ce propos la réponse du secrétaire d'État à l'Environnement, M. Smet, à la question n° 87 de N. Maes du 24 mars 1989, Chambre, Bulletin des questions et réponses, 1989, p. 5814.
  • [12]
    Déclaration de La Haye, 11 mars 1989, Doc. A/44/340 (22 juin 1989). La version française a été publiée dans RJE, 1990, p. 429, la version anglaise dans ILM, 1989, p. 1308.
  • [13]
    Cf. le 10e alinéa du préambule du projet de décision introduit par six signataires de la Déclaration de La Haye conjointement avec la Suisse, le Royaume-Uni et l'URSS, Doc. UNEP/GC.15/CW/CRP.4 (18 mai 1989). Ce projet souleva des objections d'autres signataires de la Déclaration, qui ne souhaitaient pas de référence à ces passages. Ce qui irrita la délégation française au point d'observer sèchement que « certains gouvernements cherchent à remettre en cause les engagements souscrits par leurs chefs d'État à La Haye ». On notera aussi le projet de décision des États-Unis, Doc. UNEP/GC.15/CW/CRP.1 (18 mai 1989), qui, tout en prenant note « avec intérêt » de la Déclaration dans son préambule, en donne un résumé fort édulcoré.
  • [14]
    Décision 15/36 du 25 mai 1989, Doc. A/44/25, p. 177-181.
  • [15]
    Résolution 44/207 du 22 décembre 1989.
  • [16]
    Ibidem, § 10 (nous soulignons).
  • [17]
    Ibidem, § 5 (nous soulignons).
  • [18]
    Ibidem, § 12 (nous soulignons).
  • [19]
    Ibidem, §§ 14-15.
  • [20]
    D. BODANSKY, « Prologue to the Climate Change Convention », in : I.M. MINTZER & J.A. LEONARD (eds.), Negotiating Climate Change : The Inside Story of the Rio Convention, Cambridge University Press, Cambridge, 1994, p. 57.
  • [21]
    Second World Climate Conference, Geneva, 29 October-7 November 1990, Conference Statement – Scientific/Technical Sessions, Part I, Main Conclusions and Recommendations, § A.1.
  • [22]
    Déclaration ministérielle de la 2e Conférence mondiale sur le climat, Genève, 7 novembre 1990, § 5 (nous soulignons).
  • [23]
    Ibidem, § 8.
  • [24]
    Ibidem, § 22.
  • [25]
    Ibidem, § 24.
  • [26]
    Second World Climate Conference, Geneva, 29 October-7 November 1990, Conference Statement – Scientific/Technical Sessions, Part II, Specific Issues, § 8.
  • [27]
    Déclaration ministérielle de la 2e Conférence mondiale sur le climat, Genève, 7 novembre 1990, § 5 (nous soulignons).
  • [28]
    Ibidem.
  • [29]
    Ibidem, § 12.
  • [30]
    Ibidem, § 2.
  • [31]
    Ibidem, § 16.
  • [32]
    Ibidem, § 28.
  • [33]
    Résolution 45/212 du 21 décembre 1990.
  • [34]
    Ibidem, §§ 1,12-13.
  • [35]
    Ibidem, préambule et § 1.
  • [36]
    Ibidem, § 7.
  • [37]
    Ibidem, § 1 (nous soulignons).
  • [38]
    La Conférence de Rio donna lieu à l’adoption d’un ensemble de textes tant juridiquement contraignants que déclaratoires. Dans cette dernière catégorie, il faut mentionner tout d'abord la Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement, déclaration politique à portée générale, et la Déclaration de principes, non juridiquement contraignante mais faisant autorité, pour un consensus mondial sur la gestion, la conservation et l'exploitation écologiquement viable de tous les types de forêts. En outre, la Conférence adopta le programme « Action 21 », mieux connu sous sa dénomination anglaise « Agenda 21 ». Au chapitre des instruments juridiquement contraignants, outre la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, la Conférence de Rio a également adopté une convention sur la diversité biologique. Cf. M. PALLEMAERTS, « La conférence de Rio : grandeur ou décadence du droit international de l'environnement ? », Revue belge de droit international, 1995, p. 175-223.
  • [39]
    Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, Préambule.
  • [40]
    Ibidem, art. 2 (nous soulignons).
  • [41]
    Ibidem, art. 3, § 1 (nous soulignons).
  • [42]
    Même si le seuil de 55 % est inférieur aux propositions initiales du Canada et du Japon, qui s’inquiétaient déjà en 1997 de l’éventualité d’une entrée en vigueur du Protocole sans ratification américaine. En fin de compte, le choix de 55 % plutôt que 65 ou 70 % reflète la volonté de la majorité des négociateurs de ne pas laisser le sort du Protocole dépendre de la politique d’un seul pays industrialisé. M. GRUBB, C. VROLIJK et D. BRACK, The Kyoto Protocol : A Guide and Assessment, Royal Institute of International Affairs, Londres, 1999, p. 254.
  • [43]
    Sommet UE-Russie, Saint-Pétersbourg, 31 mai 2003, Doc. 9937/03 (Presse 154), p. 3, § 8.
  • [44]
    « The leaders of the EU and Russia particularly welcomed that the Kyoto protocol will enter into force in February 2005, following ratification by Russia, and noted that this will provide a solid basis for strengthened bilateral and international cooperation on climate change. » Joint Press Release, 14th EU-Russia Summit, The Hague, 25 November 2004, Doc. 15061/04 (Presse 333), p. 2.
  • [45]
    Décision 1/CP.3, Adoption du Protocole de Kyoto à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, Doc. FCCC/CP/1997/7/Add.1,6 mars 1998, p. 4, §§ 5-6.
  • [46]
    Décision 3/CP.3, Application des paragraphes 8 et 9 de l'article 4 de la Convention, Doc. FCCC/CP/1997/7/Add.1,6 mars 1998, p. 31, § 1.
  • [47]
    Décision 1/CP.4, Le Plan d'action de Buenos Aires, Doc. FCCC/CP/1998/16/Add.1,25 janvier 1999, p. 4.
  • [48]
    Décision 7/CP.4, Programme de travail sur les mécanismes prévus dans le Protocole de Kyoto, Doc. FCCC/CP/1998/16/Add.1,25 janvier 1999, p. 22, § 1 ; Décision 5/CP.4, Application des paragraphes 8 et 9 de l'article 4 de la Convention (décision 3/CP.3, et paragraphe 3 de l'article 2 et paragraphe 14 de l'article 3 du Protocole de Kyoto), Annexe, point 6, Doc. FCCC/CP/1998/16/Add.1,25 janvier 1999, p. 19.
  • [49]
    Décision 5/CP.6, accords de Bonn sur la mise en œuvre du Plan d’action de Buenos Aires, Doc. FCCC/CP/2001/5,25 septembre 2001, p. 36.
  • [50]
    Rapport de la Conférence des Parties sur les travaux de la seconde partie de sa sixième session, tenue à Bonn du 16 au 17 juillet 2001, Doc. FCCC/CP/2001/5,25 septembre 2001, p. 15, § 39.
  • [51]
    Ibidem, p. 18, § 56 (nous soulignons).
  • [52]
    Ibidem, p. 19, § 58 (nous soulignons).
  • [53]
    En fait, les accords de Marrakech ont encore été complétés par certaines disposition techniques adoptées ultérieurement par COP8 (New Delhi) et COP9 (Milan), réglant certaines questions relevant également des accords politiques de Bonn mais n’ayant pas pu être finalisées à Marrakech.
  • [54]
    Résolution du Conseil, du 21 juin 1989, concernant l'effet de serre et la Communauté, JO C 183,20 juillet 1989, p. 4.
  • [55]
    Doc. COM(92) 226 final.
  • [56]
    Décision 94/69/CE du Conseil du 15 décembre 1993 concernant la conclusion de la Conventioncadre des Nations unies sur les changements climatiques, JO L 033,07 février 1994, p. 11.
  • [57]
    Directive 93/76/CEE du Conseil, du 13 septembre 1993, visant à limiter les émissions de dioxyde de carbone par une amélioration de l'efficacité énergétique (Save), JO L 237,22 septembre 1993, p. 28.
  • [58]
    Décision 93/500/CEE du Conseil, du 13 septembre 1993, concernant la promotion des énergies renouvelables dans la Communauté, JO L 235,18 septembre 1993, p. 41.
  • [59]
    Ibidem, art. 1er et annexe I, point A.
  • [60]
    Décision 93/389/CEE du Conseil, du 24 juin 1993, relative à un mécanisme de surveillance des émissions de CO2 et des autres gaz à effet de serre dans la Communauté, JO L 167,9 juillet 1993, p. 31.
  • [61]
    Ibidem, art. 2, § 1,1er tiret (nous soulignons).
  • [62]
    Ibidem, art. 5, § 3 (nous soulignons).
  • [63]
    Ibidem, préambule, 5e considérant.
  • [64]
    Décision 1/CP.1, Doc. FCCC/CP/1995/7/Add.1, p. 4-6.
  • [65]
    Cf. Doc. COM(1998) 495 final, 29 juillet 1998, annexe.
  • [66]
    Recommandation 1999/125/CE de la Commission du 5 février 1999 concernant la réduction des émissions de CO2 des voitures particulières, JO L 040,13 février 1999 p. 49.
  • [67]
    Directive 1999/94/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 1999, concernant la disponibilité d'informations sur la consommation de carburant et les émissions de CO2 à l'intention des consommateurs lors de la commercialisation des voitures particulières neuves, JO L 012,18 janvier 2000 p. 16.
  • [68]
    Ibidem, art. 1er.
  • [69]
    Décision 1753/2000/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 2000 établissant un programme de surveillance de la moyenne des émissions spécifiques de CO2 dues aux véhicules particuliers neufs, JO L 202,10 août 2000 p. 1.
  • [70]
    Décision 1999/296/CE du Conseil, du 26 avril 1999, modifiant la décision 93/389/CEE relative à un mécanisme de surveillance des émissions de CO2 et des autres gaz à effet de serre dans la Communauté, JO L 117,5 mai 1999, p. 35.
  • [71]
    Ibidem, art. 2, §1,3e tiret.
  • [72]
    Directive 2001/77/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 septembre 2001 relative à la promotion de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables sur le marché intérieur de l'électricité, JO L 283,27 octobre 2001, p. 33.
  • [73]
    Ibidem, art. 3, § 1 (nous soulignons).
  • [74]
    Ibidem, Préambule, 3e considérant.
  • [75]
    Doc. COM (2001) 579 final, 23 octobre 2001, JO C75E, 23 mars 2002, p. 17.
  • [76]
    Doc. COM(2001) 581 final, 23 octobre 2001.
  • [77]
    Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur la mise en œuvre de la première étape du programme européen sur le changement climatique, Doc. COM (2001) 580 final, 23 octobre 2001.
  • [78]
    Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen concernant les politiques et mesures proposées par l'UE pour réduire les émissions de gaz à effet de serre : vers un programme européen sur le changement climatique (PECC), Doc. COM (2000) 88 final, 8 mars 2000.
  • [79]
    L’auteur tient à remercier Marie-Hélène Lahaye pour sa collaboration à la rédaction de ce tableau.
  • [80]
    Directive 2002/91/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2002 sur la performance énergétique des bâtiments, JO L 001,4 janvier 2003, p. 65.
  • [81]
    Directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 établissant un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil, JO L 275,25 octobre 2003, p. 32.
  • [82]
    Directive 2003/30/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 mai 2003 visant à promouvoir l'utilisation de biocarburants ou autres carburants renouvelables dans les transports, JO L 123,17 mai 2003, p. 42.
  • [83]
    Directive 2004/8/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 concernant la promotion de la cogénération sur la base de la demande de chaleur utile dans le marché intérieur de l'énergie et modifiant la directive 92/42/CEE, JO L 052,21 février 2004, p. 50.
  • [84]
    Directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité, JO L 283,31 octobre 2003, p. 51.
  • [85]
    Après avoir été mise au frigo par le Conseil Ecofin, cette proposition fut finalement retirée par la Commission en 2001. Cf. JO C 5,9 janvier 2004, p. 21.
  • [86]
    Proposition de directive du Conseil restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques, Doc. COM (1997) 30 final, 12 mars 1997.
  • [87]
    Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen « Examen de la politique de l'environnement 2003 - Consolidation du pilier 'environnement' du développement durable », Doc. COM (2003) 745 final, p. 10.
  • [88]
    Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à certains gaz à effet de serre fluorés, Doc. COM (2003) 492 final, 11 août 2003.
  • [89]
    Cf. le communiqué de presse de la Commission du 14 octobre 2004, Doc. IP/04/1231.
  • [90]
    Doc. COM (2003) 739 final.
  • [91]
    Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre pour la fixation d'exigences en matière d'éco-conception applicables aux produits consommateurs d'énergie et modifiant la directive 92/42/CEE du Conseil, Doc. COM (2003) 453 final, 10 décembre 2003.
  • [92]
    Décision 1999/296/CE du Conseil, du 26 avril 1999, modifiant la décision 93/389/CEE relative à un mécanisme de surveillance des émissions de CO2 et des autres gaz à effet de serre dans la Communauté, JO L 117,5 mai 1999, p. 35.
  • [93]
    Décision 280/2004/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 relative à un mécanisme pour surveiller les émissions de gaz à effet de serre dans la Communauté et mettre en oeuvre le protocole de Kyoto, JO L 49,19 février 2004, p. 1.
  • [94]
    Ibidem, art. 2, § 1 (a).
  • [95]
    Pour une analyse plus approfondie, cf. M. PÂQUES, « Le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté européenne », Aménagement-Environnement, 2003, numéro spécial, p. 29-45 ; J. DE MULDER, « Richtlijn 2003/87/EG tot vaststelling van een regeling voor de handel in broeikasgasemissierechten binnen de Gemeenschap. Een toelichting », Tijdschrift voor Milieurecht, 2004, p. 138-184.
  • [96]
    Doc. COM (2000) 87 final, 8 mars 2000.
  • [97]
    Ibidem, p. 12.
  • [98]
    Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant un système d’échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil, Doc. COM (2001) 581 final, 23 octobre 2001.
  • [99]
    Directive 2003/87/CE, Préambule, 22e considérant.
  • [100]
    Ibidem, 10e considérant.
  • [101]
    Ibidem, annexe I.
  • [102]
    Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant un système d’échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil, Doc. COM (2001) 581 final, 23 octobre 2001, p. 11.
  • [103]
    Directive 2003/87/CE, Préambule, 23e considérant.
  • [104]
    Ibidem, 25e considérant (nous soulignons).
  • [105]
    Ibidem (nous soulignons).
  • [106]
    Ibidem, art. 3(a).
  • [107]
    Ibidem, préambule, 5e considérant.
  • [108]
    Ibidem, annexe III, § 1.
  • [109]
    Directive 2004/101/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 octobre 2004 modifiant la directive 2003/87/CE établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté, au titre des mécanismes de projet du protocole de Kyoto, JO L338,13 novembre 2004, p. 18, art. 11bis, § 1er.
  • [110]
    Directive 2003/87/CE, Préambule, 17e considérant.
  • [111]
    Ibidem, art. 25, § 1er.
  1. Introduction
  2. 1. LES DÉBUTS DU DÉBAT SCIENTIFIQUE ET POLITIQUE INTERNATIONAL DANS LES ANNÉES 1970 ET 1980
    1. 1.1. DES PREMIÈRES HYPOTHÈSES AUX TRAVAUX DU PROGRAMME MONDIAL DE RECHERCHE SUR LE CLIMAT
    2. 1.2. VERS LA MISE EN PLACE D’UN GROUPE D'EXPERTS INTERGOUVERNEMENTAL SUR L'ÉVOLUTION DU CLIMAT
    3. 1.3. LES PREMIÈRES ÉTAPES D’UN PROCESSUS DE NÉGOCIATION INTERGOUVERNEMENTAL
    4. 1.4. RÉUNIONS POLITIQUES À HAUT NIVEAU
    5. 1.5. LA PRISE EN MAIN DU PROCESSUS PAR L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DES NATIONS UNIES
    6. 1.6. LA 2E CONFÉRENCE MONDIALE SUR LE CLIMAT ET LE LANCEMENT
  3. 2. LA CONVENTION-CADRE DES NATIONS UNIES SUR LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES
    1. 2.1. OBJECTIF ULTIME
    2. 2.2. PRINCIPES
    3. 2.3. ENGAGEMENTS CONCRETS DES PARTIES
    4. 2.4. RESPONSABILITÉS COMMUNES
    5. 2.5. RESPONSABILITÉS DIFFÉRENCIÉES
    6. 2.6. STATUT PRÉFÉRENTIEL DE CERTAINES PARTIES
    7. 2.7. CADRE INSTITUTIONNEL ET PROCÉDURAL POUR L’ÉLABORATION DU RÉGIME
  4. 3. LE PROTOCOLE DE KYOTO
  5. 4. LES ACCORDS DE BONN ET DE MARRAKECH
  6. 5. LA POLITIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE EN MATIERE DE LUTTE CONTRE LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES
    1. 5.1. AFFIRMATION D’UN OBJECTIF POLITIQUE COMMUN EN VUE DES NÉGOCIATIONS INTERNATIONALES
    2. 5.2. ABSENCE DE POLITIQUE COMMUNE À L’INTÉRIEUR DE L’UNION EUROPÉENNE
    3. 5.3. L’ACCORD COMMUNAUTAIRE DE « PARTAGE DES CHARGES » COMME COROLLAIRE DU PROTOCOLE DE KYOTO
    4. 5.4. LA LENTE ÉLABORATION DE POLITIQUES ET MESURES COMMUNES ET COORDONNÉES
    5. 5.5. NOUVELLES MESURES COMMUNAUTAIRES DANS LA FOULÉE DES ACCORDS DE MARRAKECH
    6. 5.6. LE SYSTÈME COMMUNAUTAIRE D'ÉCHANGE DE QUOTAS D'ÉMISSION DE GAZ À EFFET DE SERRE
  7. CONCLUSION
Les politiques publiques de lutte contre les changements climatiques sont devenues l’un des principaux volets de la politique de l’environnement à tous les niveaux de pouvoir et dans un contexte de plus en plus internationalisé. Les enjeux de ces politiques touchent à tous les aspects du développement durable. Marc Pallemaerts analyse successivement les origines du débat scientifique et politique international qui sous-tend la lutte contre les changements climatiques, les principaux instruments juridiques internationaux (la Convention-cadre des Nations unies, le Protocole de Kyoto et leurs dispositions d’application) et finalement la politique de l’Union européenne en matière de changement climatique et les principales mesures communautaires qui ont été adoptées dans ce cadre. La communauté internationale est composée d’une multitude d’États souverains aux intérêts divergents. L’élaboration de tout régime multilatéral dépend de la règle du consensus. Ces deux constats expliquent largement l’extrême lenteur du processus intergouvernemental. Les maigres résultats de la Conférence de Buenos Aires en décembre 2004 confirment ce diagnostic. De nombreux États sont en effet réticents à envisager des réductions d’émissions beaucoup plus importantes que celles prévues par le Protocole de Kyoto d’ici 2012, alors que des mesures seront nécessaires dans les décennies à venir pour réaliser l’objectif ultime de la Convention-cadre des Nations unies qui est d’empêcher toute perturbation dangereuse du système climatique. Atteindre cet objectif ne sera possible que moyennant la participation de tous les pays industrialisés, y compris les États-Unis, ainsi que celle des grands pays émergents, à un effort concerté de « décarbonisation » graduelle de leurs économies.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/10/2005
https://doi.org/10.3917/cris.1858.0005
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