CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 INTRODUCTION

1 Le débat sur le cadre constitutionnel et la finalité de l’intégration européenne, tel que lancé par la Déclaration de Laeken et mené au sein de la Convention sur l’avenir de l’Europe – puis poursuivi dans d’autres enceintes nationales et européennes et sous d’autres formes après l’adoption du projet de Traité établissant une Constitution pour l’Europe – s’est inscrit dans le cadre d’un débat bien plus vaste sur l’évolution de l’économie et de la société, de la démocratie et de la gouvernance, et des rapports entre le marché et l’État, ainsi qu’entre l’humanité et la nature, en Europe et dans le monde, à l’ère de la mondialisation économique néolibérale. Un des thèmes inéluctables de ce débat cosmopolitique planétaire [2] est le « développement durable » sous ses multiples déclinaisons.

2 Comme il apparaît à la lecture des autres contributions au présent cahier de cette Revue, le débat sur la Constitution économique européenne est, quant à lui, d’origine beaucoup plus ancienne. Il remonte aux origines du processus d’intégration économique et politique européenne. Pour citer un ancien conseiller politique de François Mitterrand : « Le rêve communautaire surgit au carrefour d’un économisme et d’un juridisme, vieux couple d’inséparables. Un homme de loi rencontre un professeur d’économie. Que font-ils ? Le traité de Rome. » [3]

3 Les rapports entre libertés économiques, marché commun et intérêt général, tel qu’incarné tantôt par l’État-nation, tantôt par les autorités politiques supranationales européennes, sont depuis toujours au centre des enjeux du droit institutionnel et économique communautaire. Même si elle n’a jamais réussi à conquérir une prééminence équivalente à celle du projet d’intégration économique fondé sur le libre-échange, la dimension sociale a également occupé une place dans le discours politico-juridique communautaire depuis ses origines. Plus récemment, à partir du début des années 1970, la protection de l’environnement s’est aussi progressivement affirmée comme objectif de la construction européenne à part entière. Ainsi, alors que du point de vue classique des spécialistes du droit institutionnel européen, le débat sur les « trois piliers » a une signification bien différente, une analyse du récent débat constitutionnel serait incomplète si elle ne prenait pas en compte également les confrontations et équilibres entre trois « autres » piliers, à savoir les piliers économique, social et écologique du développement durable.

4 C’est pourquoi la présente contribution a pour objet d’analyser les origines et implications de l’affirmation du développement durable comme objectif de l’intégration européenne dans le cadre constitutionnel de l’Union, tel qu’il a été fixé par le Traité de Lisbonne après l’échec du Traité établissant une Constitution pour l’Europe. À l’issue de cette analyse, on peut affirmer que cet objectif est devenu une partie intégrante du cadre normatif de la Constitution économique européenne et doit, à ce titre, être pleinement pris en compte par le législateur et par le juge dans l’exercice de leurs fonctions respectives en vertu des Traités. Les conséquences précises de cette constatation restent cependant encore incertaines à ce moment.

2 LE DÉVELOPPEMENT DURABLE COMME OBJECTIF ET COMME PRINCIPE : SA CONSÉCRATION PAR LE TRAITÉ DE LISBONNE

5 Une des conséquences du Traité de Lisbonne est que le « développement durable », tantôt comme « objectif », tantôt comme « principe », acquiert une plus grande visibilité dans le droit primaire de l’Union. Ceci est l’achèvement d’une évolution graduelle des textes, plutôt qu’une innovation soudaine.

6 En effet, le développement durable fut juridiquement consacré comme l’un des objectifs fondamentaux tant de l’Union que de la Communauté européenne, tels qu’énoncés, respectivement, dans l’article 2 TUE et l’article 2 CE, dès le Traité d’Amsterdam, conclu en 1997 et entré en vigueur en 1999. Selon la version des Traités, tels que révisés à Amsterdam, l’Union s’était donné pour objectifs « de promouvoir le progrès économique et social (…) et de parvenir à un développement équilibré et durable » [4], tandis que la Communauté s’attribuait comme mission, notamment, de « promouvoir (…) un développement harmonieux, équilibré et durable des activités économiques » [5]. Cinq ans auparavant, le Traité de Maastricht, alors même qu’il fut signé en 1992 – année où eut lieu la Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement à Rio – avait encore délibérément évité d’utiliser les termes « développement durable », mais préféré faire référence à la notion d’un « progrès économique et social équilibré et durable » [6] ou encore d’une « croissance durable et non inflationniste respectant l’environnement » [7]. Cette nuance sémantique semblait destinée à souligner la primauté des objectifs premiers de la Communauté (achèvement du marché intérieur, croissance et intégration économiques) sur la protection de l’environnement et son intégration dans les autres politiques. Le seul chapitre du Traité de Maastricht qui faisait référence au développement durable était celui relatif à la politique communautaire de coopération au développement, politique visant à favoriser notamment « le développement économique et social durable des pays en développement et plus particulièrement des plus défavorisés d’entre eux » [8]. Il est révélateur qu’à l’époque du sommet de Rio, l’UE considérait apparemment encore que le développement durable était un objectif pertinent pour les pays en développement mais pas pour sa politique interne.

7 Le Traité d’Amsterdam avait non seulement modifié les dispositions relatives aux objectifs de l’Union et de la Communauté, mais également introduit un nouvel article 6 TCE, affirmant la nécessité d’intégrer les exigences de la protection de l’environnement dans l’élaboration et la mise en œuvre de toutes les autres politiques et actions communautaires « en particulier afin de promouvoir le développement durable » [9]. Si ce principe d’intégration figurait déjà dans l’ancien article 130r (2) CEE, inséré par l’Acte unique européen, il occupa à partir d’Amsterdam une place plus importante dans le Traité CE et se trouva en même temps finalisé en étant directement lié à l’objectif de promotion du développement durable. Dans la vision de l’article 6 CE, l’intégration des exigences environnementales dans l’ensemble des politiques est le moyen principal de promouvoir le développement durable. Ainsi, l’accent est mis sur la dimension environnementale du développement durable, en soulignant que les autres politiques doivent prendre en compte les contraintes écologiques. Mais la référence à la promotion du développement durable pourrait aussi être interprétée comme impliquant des contraintes pour l’intégration de l’environnement qui résulteraient de ses deux autres piliers : le développement économique et le progrès social. Il existe des éléments de plus en plus nombreux dans les documents politiques et même juridiques récents qui tendent à interpréter le développement durable dans ce sens, comme nous le verrons plus loin [10].

8 En 2001, l’objectif de développement durable devint le centre de l’attention politique au plus haut niveau, lorsque le Conseil européen de Göteborg marqua son accord sur une « Stratégie de l’Union européenne en faveur du développement durable » (SDD) et déclara sa détermination à l’appliquer. Quelques mois plus tard, les chefs d’État et de gouvernement évoquèrent à nouveau le thème du développement durable dans leur Déclaration de Laeken sur l’avenir de l’Europe, parmi les valeurs définissant l’identité et le rôle de l’Union dans le monde. Cette déclaration caractérisait l’Europe comme « une puissance qui veut encadrer la mondialisation selon les principes de l’éthique, c’est-à-dire l’ancrer dans la solidarité et le développement durable » [11].

9 Faisant écho à cette vision, le projet de Traité établissant une Constitution pour l’Europe élaboré par la Convention, en redéfinissant les objectifs de l’Union, confirma l’importance du développement durable parmi eux. Dans le préambule du défunt Traité constitutionnel, les États membres proclamaient même leur « conscience de leurs responsabilités à l’égard des générations futures et de la planète ». Si ces dispositions préambulaires furent sacrifiées dans le processus de négociation du Traité de Lisbonne, celui-ci a toutefois conservé la nouvelle formulation des objectifs de l’Union élaborée par la Convention. Ainsi, le nouvel article 3 TUE, qui remplace les anciens articles 2 des Traités UE et CE, mentionne expressément le développement durable en tant qu’objectif devant être poursuivi à la fois sur le plan interne et externe. D’après l’article 3 TUE, l’Union « œuvre pour le développement durable de l’Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social, et un niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement » [12]. Par ailleurs, « dans ses relations avec le reste du monde », elle a l’ambition de contribuer « au développement durable de la planète » [13]. Ce dernier aspect est développé plus avant dans les nouvelles dispositions générales concernant l’action extérieure de l’UE à l’article 21 TUE. Celle-ci se fixe notamment comme but « de soutenir le développement durable sur le plan économique, social et environnemental des pays en développement dans le but essentiel d’éradiquer la pauvreté » et « de contribuer à l’élaboration de mesures internationales pour préserver et améliorer la qualité de l’environnement et la gestion durable des ressources naturelles mondiales, afin d’assurer un développement durable » [14].

10 Deux autres dispositions du Traité de Lisbonne doivent être mentionnées pour compléter notre aperçu des références au développement durable dans le droit primaire de l’Union. La première est l’article 11 TFUE, qui remplace l’ancien article 6 CE relatif au principe d’intégration, dont l’origine a déjà été exposée ci-dessus. Cette disposition d’application générale, qui n’a pas été modifiée en substance par le Traité de Lisbonne, stipule que « [l]es exigences de la protection de l’environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en œuvre des politiques et actions de l’Union, en particulier afin de promouvoir le développement durable ». Finalement, il convient de noter que la Charte des droits fondamentaux, initialement proclamée à Nice en décembre 2000 et devenue juridiquement contraignante en vertu de l’article 6, § 1 TUE, contient également une mention du développement durable, tant dans son préambule que dans son article 37 relatif à la protection de l’environnement, qui est formulé comme suit :

11

« Un niveau élevé de protection de l’environnement et l’amélioration de sa qualité doivent être intégrés dans les politiques de l’Union et assurés conformément au principe du développement durable. »

12 Le préambule de la Charte, quant à lui, souligne que l’Union « cherche à promouvoir un développement équilibré et durable et assure la libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux, ainsi que la liberté d’établissement » et que « [l]a jouissance [des] droits [qu’elle garantit] entraîne des responsabilités et des devoirs tant à l’égard d’autrui qu’à l’égard de la communauté humaine et des générations futures. » En associant le développement durable aux libertés économiques consacrées dans l’ordre juridique de l’Union, ces considérants sont utiles à l’interprétation de la notion de développement durable, qui est ici qualifié de « principe », tout comme d’ailleurs dans le préambule du TUE [15].

13 Nous allons maintenant approfondir l’analyse en examinant successivement l’origine et la genèse du concept du développement durable, et le processus graduel de son émergence et institutionnalisation dans le discours politique des institutions européennes qui a précédé sa consécration juridique dans les Traités.

3 LE DÉVELOPPEMENT DURABLE : ARCHÉOLOGIE ET POLYSÉMIE D’UN CONCEPT

14 Une des évolutions marquantes du droit international de l’environnement depuis la fin du XXe siècle est sans aucun doute l’établissement d’un lien conceptuel entre protection de l’environnement et développement économique, consacré par l’émergence d’un consensus sur le « développement durable » comme finalité ultime de la protection juridique internationale de l’environnement. Cette évolution est l’aboutissement d’un processus qui a débuté dans les années 1970 avec l’internationalisation graduelle de la politique de l’environnement et la participation croissante des pays en développement à l’élaboration du droit international de l’environnement. La tendance s’est accentuée dans les années 1980 avec la prise de conscience de l’ampleur planétaire et des implications socio-économiques majeures de certains problèmes écologiques, contraignant les politiques environnementales à se légitimer par rapport aux enjeux du développement. Depuis la publication, en 1987, du rapport de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement, mieux connue comme « Commission Brundtland », du nom de sa présidente, les notions d’environnement et de développement sont devenues indissociables dans le discours politique international. Après sa consécration comme objectif politique mondial au sommet de Rio en 1992, le concept de « développement durable », popularisé par le rapport Brundtland, s’est affirmé comme élément bien établi du vocabulaire des relations interétatiques. Depuis lors, ce vocable est utilisé de plus en plus fréquemment non seulement dans des documents politiques mais aussi dans des textes juridiques. Son utilisation ne s’est d’ailleurs pas confinée au droit international de l’environnement, mais s’est graduellement étendue au droit européen, ainsi qu’au droit international économique et au droit international du développement. Selon le contexte, le concept, caractérisé par une grande ambiguïté, se prête à des interprétations différentes.

15 Bien avant la définition classique du développement durable, que l’on doit au rapport Brundtland publié en 1987 – « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs » [16] – des textes politiques et même juridiques ont établi un lien entre environnement et développement, articulé des concepts cherchant à concilier ces deux préoccupations et parfois même utilisé le vocable « développement durable » [17].

16 La Déclaration de Stockholm, adoptée en juin 1972 à l’issue de la Conférence des Nations unies sur l’environnement humain, qui est considérée comme la base pour le développement ultérieur du droit international de l’environnement, affirme, bien avant le rapport Brundtland, la nécessité d’une réelle prise en compte de l’environnement dans les politiques de développement et fait une large part à la planification comme outil d’intégration des préoccupations de développement et d’environnement, en recommandant aux États d’« adopter une conception intégrée et coordonnée de leur planification du développement, de façon à ce que leur développement soit compatible avec la nécessité de protéger et d’améliorer l’environnement dans l’intérêt de leur population » [18].

17 En 1975 déjà apparaît ponctuellement le terme « développement durable », dans le texte d’une décision du Conseil d’administration du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), qui déclare « que la gestion de l’environnement implique le développement durable de tous les pays, afin de subvenir aux besoins de l’homme sans transgresser les limites que la biosphère impose aux activités humaines » [19]. Ce texte n’est pas seulement remarquable par le fait qu’il emploie l’expression « développement durable » mais aussi par sa description qui intègre les deux éléments clés du rapport Brundtland : les besoins humains et les limites écologiques de la planète.

18 Ce fut pourtant à la « Stratégie mondiale de conservation », un document publié en 1980 [20] à l’initiative de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), avec le concours du PNUE, de la FAO et de l’UNESCO, que revint la primeur d’élaborer un programme de développement durable. Ce document proposait une nouvelle stratégie internationale de conservation des ressources naturelles, basée sur des facteurs économiques, écologiques et sociaux, et intégrée dans le processus de développement. Il se référait à une notion de durée, préconisant la prise en compte des impacts à long terme des politiques de développement sur les générations futures [21].

19 Cette Stratégie mondiale a eu une influence importante sur certains traités qui ont vu le jour dans les années 1980 sous l’impulsion de l’UICN et du PNUE, tels la Convention d’Abidjan pour la protection et le développement du milieu marin et côtier d’Afrique occidentale et centrale [22] (1981) et l’Accord sur la protection de la nature et des ressources naturelles des pays de l’ASEAN [23] (1985), qui incorporaient déjà explicitement dans leurs dispositions la notion de développement durable.

20 En 1983, l’Assemblée générale des Nations unies, sur proposition d’une session spéciale du Conseil d’administration du PNUE, appela à la création de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement, avec mandat d’« établir des stratégies environnementales à long terme afin de mettre en œuvre un développement durable pour l’année 2000 et au-delà » [24]. En 1985-1987, lors de la rédaction du rapport Brundtland, le concept du développement durable avait donc déjà une longue histoire. Si la Commission mondiale sur l’environnement et le développement ne peut donc revendiquer la maternité du concept, c’est bien grâce à elle et à sa présidente que l’expression a bénéficié d’une percée dans le discours politique puis juridique de la fin des années 1980.

21 La Commission Brundtland, dont le mandat était de proposer des solutions aux problèmes d’environnement globaux en tenant compte des impératifs de développement des pays en développement, a à la fois conceptualisé et vulgarisé la notion de développement durable, en fixant un objectif normatif au développement, et en y intégrant l’environnement et le souci des générations futures. Dans un premier temps, l’avènement du concept de développement durable aboutira à une remise en question du modèle classique de développement économique et à une redéfinition de la finalité du développement. Comme le souligne le rapport Brundtland, l’orientation de celui-ci doit être « déterminée en fonction des besoins tant actuels qu’à venir » [25]. L’accent est mis sur la prise en compte des intérêts des générations futures et sur la dimension écologique du concept. La dimension sociale – actuellement considérée comme troisième pilier du développement durable – était moins accentuée à l’époque.

22 La consécration du développement durable comme nouveau credo de la communauté internationale à la Conférence des Nations unies sur l’Environnement et le Développement à Rio en juin 1992 s’est faite dans l’ambiguïté [26]. En effet, l’ambivalence du concept de développement durable le rend vulnérable à des réinterprétations privilégiant sa dimension économique aux dépens de la protection de l’environnement et des aspects sociaux.

23 La Déclaration de Rio ne contient pas de définition explicite du concept de développement durable. Le Principe 4 de cette Déclaration, qui aborde le concept sous l’angle de l’intégration des politiques d’environnement et de développement, est pour le moins ambigu : « Pour parvenir à un développement durable, la protection de l’environnement doit faire partie intégrante du processus de développement et ne peut être considérée isolément ». En effet, ce principe d’intégration est une arme à double tranchant : cette disposition peut être lue tout aussi bien comme imposant la prise en compte des contraintes écologiques dans la politique de développement, que comme condamnant toute politique de l’environnement incompatible avec les impératifs du développement économique. De nombreuses dispositions de la Déclaration de Rio peuvent s’interpréter comme affirmant la primauté des impératifs de développement sur les impératifs écologiques, alors que dans le rapport Brundtland les deux objectifs étaient présentés comme complémentaires. Ainsi, le Principe 12 constitue une tentative de réinterprétation du développement durable comme synonyme de croissance économique et de libre-échange :

24

« Les États devraient coopérer pour promouvoir un système économique international ouvert et favorable, propre à engendrer une croissance économique et un développement durable dans tous les pays, qui permettrait de mieux lutter contre les problèmes de dégradation de l’environnement. Les mesures de politique commerciale motivées par des considérations relatives à l’environnement ne devraient pas constituer un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable, ni une restriction déguisée aux échanges internationaux. » [27]

25 La conception du développement durable comme étant fondé sur trois « piliers » ne s’est vraiment affirmée dans le discours onusien qu’après Rio, dans les textes issus du Sommet mondial pour le développement social, qui a eu lieu à Copenhague en 1995. Dans la Déclaration de Copenhague, les chefs d’État et de gouvernement réunis à l’initiative des Nations unies proclament :

26

« Nous sommes profondément convaincus que le développement économique, le développement social et la protection de l’environnement constituent des éléments interdépendants et qui se renforcent mutuellement dans le processus de développement durable, qui est le cadre de nos efforts pour assurer à tous une vie meilleure. Un développement social équitable mettant l’accent sur le renforcement de la capacité des pauvres d’utiliser d’une manière viable les ressources de l’environnement est un fondement essentiel du développement durable. » [28]

27 Cette conception a été réaffirmée en 2002 au Sommet mondial du développement durable à Johannesburg, dont la déclaration politique, dans des termes très proches de ceux utilisés à Copenhague, met en avance « les piliers du développement durable que sont le développement économique, le développement social et la protection de l’environnement, qui sont interdépendants et qui se renforcent mutuellement. » [29]

4 L’INSTITUTIONNALISATION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE COMME OBJECTIF DE L’UNION EUROPÉENNE : DES DÉCLARATIONS POLITIQUES AUX TEXTES JURIDIQUES

28 Un certain temps s’est écoulé entre la reconnaissance du développement durable en tant qu’objectif politique au niveau international et son émergence dans le discours politique des Communautés, et ensuite de l’Union européennes. Cet effet de retard fut encore plus marqué en matière de droit positif, puisque, comme nous l’avons déjà noté ci-dessus, ce n’est que dix ans après la publication du rapport Brundtland, à l’occasion de la conclusion du Traité d’Amsterdam en 1997, que le développement durable fut juridiquement inscrit dans les Traités en tant qu’objectif de l’Union européenne et de la Communauté européenne, sous une forme par ailleurs encore fort ambiguë. La chronologie des principales étapes au niveau européen est résumée dans le tableau synoptique ci-dessous. Le processus de « réception » du développement durable en droit européen s’est accompagné d’importants développements politiques que nous analyserons dans cette contribution, après un aperçu plus succinct de l’émergence du concept au niveau international.

Tableau chronologique de l’émergence du développement durable dans le discours politique et juridique de l’Union européenne

Année Discours politique Droit positif
1987 Rapport Brundtland
1988 Déclaration de Rhodes
1990 Déclaration de Dublin
1992 5e Programme d’action en matière
d’environnement (PAE)
Traité de Maastricht
1997 Conseil européen de Luxembourg Traité d’Amsterdam
1998 Processus de Cardiff
1999 Conseil européen d’Helsinki
2000 Stratégie de Lisbonne Traité de Nice
Charte des droits fondamentaux de
l’Union européenne
2001 Conseil européen de Göteborg – Straté
gie de développement durable (SDD)
Déclaration de Laeken
2002 6e PAE
2003 Projet de Traité établissant une Consti
tution pour l’Europe
2004 Traité établissant une Constitution pour
l’Europe
2005 Principes directeurs du développement
durable
2006 Conseil européen de Bruxelles – SDD
renouvelée
2007 Traité de Lisbonne
figure im1

Tableau chronologique de l’émergence du développement durable dans le discours politique et juridique de l’Union européenne

29 Un examen des conclusions des réunions du Conseil européen montre que, tandis que la politique environnementale devenait un sujet occasionnel de discussion à l’ordre du jour des chefs d’État et de gouvernement à partir du milieu des années 1980, le développement durable en tant que tel ne fut mentionné pour la première fois dans les conclusions d’un Conseil européen qu’en 1988. Faisant écho à l’inquiétude croissante de l’opinion publique pour des problèmes tels que la détérioration de la couche d’ozone et les changements climatiques, le Conseil européen de Rhodes adopta en décembre 1988 une « Déclaration sur l’environnement » annexée aux conclusions de la Présidence. Cette Déclaration reflète l’attention croissante aux thèmes environnementaux au plus haut niveau politique et la compréhension de leur caractère mondial. Bien que la Déclaration ne mentionne pas explicitement le rapport Brundtland, le terme « développement durable » appartient depuis le sommet de Rhodes au vocabulaire politique du Conseil européen.

30 La Déclaration de Rhodes débute en énonçant que les solutions aux problèmes environnementaux doivent être trouvés « pour assurer une croissance soutenue et une meilleure qualité de vie » [30]. Mais le paragraphe suivant évoque implicitement le développement durable en lien avec le principe d’intégration :

31

« Il est essentiel, à l’intérieur de la Communauté d’intensifier les efforts visant à protéger directement l’environnement et aussi d’assurer que cette protection fasse partie intégrante de toutes les autres politiques. L’un des premiers objectifs de toutes les politiques communautaires doit être un développement à des conditions acceptables » [31].

32 Cette hésitation du discours politique entre « croissance soutenue » et « développement à des conditions acceptables » traduit bien son ambivalence à l’égard du nouveau concept de développement durable.

33 Le Conseil européen qui accorda une attention particulière aux thèmes environnementaux fut le Conseil de Dublin de juin 1990. Celui-ci adopta une Déclaration intitulée « Les impératifs de l’environnement », ayant pour but d’établir les lignes de conduite, objectifs et principes de l’action future de la Communauté, comme fondement du 5e Programme d’action communautaire pour l’environnement (PAE) devant être élaboré par la Commission. Cette Déclaration de Dublin est moins hésitante que la Déclaration de Rhodes pour entériner le concept de développement durable. Les chefs d’État et de gouvernements déclarent : « Nous souhaitons que l’action entreprise par la Communauté et ses États membres soit développée d’une manière coordonnée et selon les principes du développement durable et du recours aux mesures préventives » [32]. Se référant à l’achèvement du marché intérieur et au développement économique accru qui en est attendu, ils déclarent aussi : « Il faut parallèlement intensifier les efforts afin d’assurer que ce développement soit durable, sans danger pour l’environnement » [33]. Ils appellent, plus particulièrement, à une meilleure intégration des considérations environnementales au sein des politiques sectorielles.

34 La négociation du Traité de Maastricht, conclu l’année où culminait le débat international sur le développement durable lors de la Conférence de Rio, fournit l’opportunité de traduire le développement durable, nouvel engagement politique du Conseil européen, dans le texte des Traités. Néanmoins, malgré la rhétorique de la Déclaration de Dublin, les États membres n’étaient pas encore prêts à consacrer le développement durable en tant qu’objectif dans les Traités de 1992. De la sorte, aucune référence directe au développement durable en tant qu’objectif de l’Union n’a été incluse au TUE. Même si la durabilité fit l’objet d’un débat au sein de la conférence intergouvernementale, aucun consensus ne se dégagea sur la reconnaissance expresse du développement durable en tant qu’objectif de la Communauté, et le compromis final se référa donc à la « croissance durable » [34]. À cet égard, le Traité de Maastricht était plus proche de l’esprit de la Déclaration de Rhodes que de celui de la Déclaration de Dublin. La notion de « croissance durable » pouvant aussi bien signifier durabilité économique que durabilité écologique – et pouvant donc même être entendue comme « croissance soutenue » [35] –, la précision « respectant l’environnement » a dû y être ajoutée pour apaiser les États membres ayant une vision plus « verte » de l’Europe.

35 Bien que le développement durable n’obtînt pas de reconnaissance juridique dans les Traités de 1992, le concept continua néanmoins à progresser dans le discours politique des institutions, notamment dans le 5e PAE tel qu’adopté par le Conseil le 1er février 1993 [36]. Ce programme, officiellement intitulé « Programme communautaire de politique et d’action en matière d’environnement et de développement durable », fut préparé par la Commission à la demande du Conseil européen sur la base des principes généraux établis par la Déclaration de Dublin, afin de faire du développement durable son objectif central [37]. L’approche stratégique adoptée était de s’attaquer aux facteurs clés de la dégradation de l’environnement : « Il est préférable de s’attaquer aux agents et aux activités qui sont nuisibles à l’environnement et gaspillent les ressources naturelles par une stratégie proactive de l’intégration de l’environnement » [38]. Comme le relève la résolution du Conseil, « [l]a mise en œuvre d’une telle stratégie de développement soutenable exigera des modifications considérables dans presque tous les grands domaines où la Communauté œuvre » [39].

5 LA STRATÉGIE DE L’UNION EUROPÉENNE EN FAVEUR DU DÉVELOPPEMENT DURABLE : GENÈSE ET ÉVOLUTION

36 Après l’entrée en vigueur du Traité d’Amsterdam, le Conseil européen s’intéressa à nouveau à la mise en œuvre de l’objectif de développement durable figurant désormais dans deux articles du Traité CE. En 1999, le sommet d’Helsinki invita la Commission à présenter une « proposition de stratégie à long terme destinée à assurer la concordance des politiques ayant pour objet un développement durable du point de vue économique, social et environnemental » [40]. Ce fut le début d’un processus qui allait mener à l’adoption de la « Stratégie de l’Union européenne en faveur du développement durable » (SDD) en 2001. À l’origine, cette « stratégie » ne faisait pas l’objet d’un document unique mais d’une multitude de textes aux statuts politiques divers. La brochure d’information du public intitulée Stratégie de l’Union européenne en faveur du développement durable, publiée en 2002 par l’Office des publications officielles [41] contient trois documents principaux : un extrait des conclusions de la Présidence du Conseil européen de Göteborg, une communication de la Commission au Conseil européen [42], et un document de travail des services de la Commission ayant servi de document de consultation préliminaire [43]. Pour correctement comprendre la portée, le contenu et le statut de la SDD, il était donc nécessaire de se référer à ces trois documents, ainsi même qu’à d’autres documents non contenus dans cette brochure.

37 Après une consultation préalable des parties intéressées, la Commission présenta une Communication portant sur une « stratégie de l’Union européenne en faveur du développement durable ». Elle fut soumise pour examen par la présidence suédoise au Conseil européen de Göteborg [44], bien qu’elle n’était disponible qu’un mois seulement avant cette réunion au sommet [45].

38 Cette proposition formelle de la Commission réduisait le champ de la SDD à des thèmes environnementaux. Alors que le document de consultation préalable contenait également deux thèmes sociaux à aborder prioritairement (la pauvreté et le vieillissement de la population), ces aspects furent exclus de la proposition soumise au Conseil européen. La Commission le justifia par le fait que les objectifs et mesures pertinents dans le cadre de la politique sociale avaient déjà été adoptés dans le cadre du processus de Lisbonne. Enfin, la Commission proposa certaines politiques transversales (relatives à la cohérence politique et à la prise de décision) et un ensemble d’objectifs de premier ordre et de mesures spécifiques dans quatre domaines prioritaires : les changements climatiques, le transport, la santé publique et les ressources naturelles.

39 Les conclusions de la présidence du Conseil européen de Göteborg contiennent une partie intitulée « Une stratégie pour le développement durable ». Dans ces conclusions, les chefs d’État et de gouvernement « se félicit[èrent] » de la présentation par la Commission de sa communication sur le développement durable et des « propositions importantes » qu’elle contient [46] et donnèrent leur accord à « une stratégie de développement durable qui complète l’engagement politique de l’Union en faveur d’un renouveau économique et social et ajoute une troisième dimension, celle de l’environnement, à la stratégie de Lisbonne » [47]. Comme cette formulation l’indique, le Conseil européen n’a jamais adopté la proposition de la Commission en tant que telle ; il a seulement donné son accord à « une » stratégie qui n’est ébauchée qu’en termes généraux dans les conclusions de la présidence. En fait, la majeure partie du texte approuvé à Göteborg consiste en des principes généraux et objectifs vagues, la plupart desquels nécessitaient une plus ample élaboration a posteriori. En effet, le Conseil européen s’est abstenu d’exprimer une position sur la plupart des propositions les plus concrètes présentées dans la Communication de la Commission. Il a préféré inviter le Conseil « à examiner, aux fins de la mise en œuvre de la stratégie, les propositions figurant dans la communication de la Commission, notamment les propositions d’objectifs et de mesures prioritaires » [48] et à définir les « modalités de mise en œuvre de cette stratégie » [49].

40 Dans le cadre de cette contribution, nous ne nous étendrons pas sur les propositions plus ou moins concrètes d’objectifs et mesures qui faisaient l’objet de la SDD telle que proposée par la Commission en mai 2001, et sur leur sort ultérieur dans le débat interinstitutionnel. Notre propos ici n’est pas d’examiner le contenu matériel ni a fortiori la mise en œuvre concrète de cette Stratégie, mais plutôt de cerner ses éléments à portée normative qui sont pertinents du point de vue de l’évolution du discours politico-juridique des institutions de l’Union et peuvent éclairer, en tant qu’antécédents politiques, l’inscription de la notion de développement durable dans les dispositions de nature constitutionnelle du Traité de Lisbonne.

41 Le Conseil européen introduisit la partie pertinente de ses conclusions de juin 2001 en désignant le développement durable comme un « objectif fondamental assigné par les traités », qui « implique que les politiques économiques, sociales et environnementales soient abordées dans un esprit de synergie » [50]. Ainsi, la SDD arrêtée à Göteborg était destinée à établir « une nouvelle approche en matière d’élaboration des politiques » qui « repose sur le principe selon lequel il faut examiner d’une manière coordonnée les conséquences économiques, sociales et environnementales de toutes les politiques et en tenir compte dans le processus de décision » [51].

42 Il est frappant que le Conseil européen de Göteborg se soit abstenu de définir plus explicitement ce qu’il entendait par « développement durable », au-delà d’un simple rappel de la définition classique mais fort laconique de la Commission Brundtland. Le développement durable est assimilé à une « approche d’élaboration des politiques », un processus de mise en balance et d’accommodation entre ses trois « piliers ». Ironiquement, la seule définition générale du développement durable donnée par le droit dérivé apparaissait dans deux règlements de 2000 établissant des instruments financiers pour fournir un appui à certaines mesures de promotion du développement durable dans les pays en développement[52]. Dans ces règlements – qui ne sont plus en vigueur actuellement – le développement durable était défini comme « l’amélioration du niveau de vie et du bien-être des populations concernées, dans les limites de la capacité des écosystèmes, par la préservation du patrimoine naturel et de sa diversité biologique dans l’intérêt des générations actuelles et futures » [53].

43 On pourrait légitimement se demander pourquoi cette définition n’a pas été appliquée à la population de l’UE dans le cadre de la SDD. Après tout, ne s’agit-il pas, en Europe comme dans les pays en développement, d’améliorer tant le niveau de vie que la qualité de la vie de la population en tenant compte des contraintes écologiques que nous impose la planète ? Quoi qu’il en soit, il est symptomatique de l’ambiguïté de l’engagement de l’UE pour le développement durable que ses institutions semblent incapables de formuler une définition matérielle du concept de développement durable dans un instrument s’appliquant à ses politiques internes.

44 Les conclusions de la présidence du sommet de Göteborg énoncent des principes généraux qui devraient guider « toutes les politiques », tel que l’objectif de « dissocier la croissance économique de l’utilisation des ressources » [54], l’internalisation complète des coûts sociaux et environnementaux [55], et le principe selon lequel « toutes les grandes propositions comprennent une évaluation de leur impact sur le développement durable, couvrant les conséquences économiques, sociales et environnementales possibles » [56]. Par ailleurs, le Conseil européen de Göteborg a aussi retenu « un certain nombre de mesures et objectifs pour servir d’orientation générale à l’évolution future des politiques dans quatre domaines prioritaires : le changement climatique, les transports, la santé publique et les ressources naturelles » [57]. La formulation choisie impliquait que ces objectifs nécessitaient des développements ultérieurs, et qu’ils ne couvraient qu’une partie de la matière du développement durable. Pour les raisons exposées ci-dessus, nous n’examinerons pas ici le détail de ces politiques.

45 La Commission s’étant bornée, dans sa Communication de mai 2001, à formuler des propositions concernant les aspects internes du développement durable, le Conseil européen de Göteborg mit aussi l’accent dans ses conclusions sur le fait que « le développement durable exige des solutions au niveau planétaire » et demanda à la Commission de « présenter (…) une communication sur la manière dont l’Union contribue et devrait continuer à contribuer au développement durable sur le plan mondial » afin de préparer l’UE au Sommet mondial sur le développement durable (SMDD) qui devait avoir lieu un an plus tard à Johannesburg [58]. En réponse à cette demande, la Commission prépara une autre communication intitulée « Vers un partenariat mondial pour un développement durable » [59], destinée à remplir deux fonctions différentes mais intimement liées. D’une part, compléter la SDD adoptée à Göteborg par des mesures abordant le développement durable dans le cadre des politiques externes de l’Union. Et d’autre part, « dégager plusieurs composantes stratégiques » de la position de l’UE dans les négociations préparatoires du SMDD [60]. Conséquence de cet objectif double, il s’agissait d’un document hybride, mélangeant des propositions politiques à mettre en œuvre par l’Union elle-même à des positions politiques sur les thèmes du développement durable au niveau mondial, destinées à être présentées dans une enceinte multilatérale. Il convient aussi de relever que cette seconde Communication n’a pas été formellement soumise à, ni a fortiori approuvée par, le Conseil européen [61], mais a été seulement examinée par le Conseil de l’UE, qui a pris position sur certaines propositions dans diverses conclusions, sans jamais considérer le document comme un élément à part entière de la SDD, comme le demandait pourtant la Commission [62].

46 La principale conclusion qui peut être tirée de ce qui précède est que l’engagement politique de l’Union européenne pour sa « Stratégie en faveur du développement durable » était, dès son origine, plutôt ambivalent. Les différentes institutions avaient, clairement, des conceptions divergentes du but, de la portée et du statut de la SDD. Quoi qu’il en soit, l’élaboration de cette Stratégie n’était pas envisagée comme un exercice ponctuel, mais comme un processus évolutif, dont les objectifs seraient périodiquement réévalués et développés à mesure qu’évolueraient la mise en œuvre et les circonstances. Dans l’examen de la suite de ce processus, nous nous limiterons une fois de plus aux éléments essentiels présentant un intérêt pour notre propos.

6 LA DÉCLARATION SUR LES PRINCIPES DIRECTEURS DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

47 Au Conseil européen de Bruxelles de juin 2005 – au moment même où ils durent déclarer une « période de réflexion » sur l’avenir de la construction européenne à la suite du rejet du Traité constitutionnel par référendum en France et aux Pays-Bas – les chefs d’État et de gouvernement décidaient également de réitérer leur « attachement au développement durable en tant que principe clé présidant à l’ensemble des politiques et actions de l’Union » en approuvant une « Déclaration sur les principes directeurs du développement durable » [63]. Ce texte de trois pages établissait une série d’« objectifs clés » et de « principes directeurs » [64] destinés à fournir une « nouvelle impulsion » à l’engagement de l’UE en faveur du développement durable et à servir de « base » pour un renouvellement de la SDD [65].

48 La Déclaration de 2005 articule une vision plus substantielle du concept que les conclusions du Conseil européen de Göteborg de 2001. Cette vision – que la Commission qualifie assez pompeusement de « vision globale à long terme du développement durable » [66] – peut être considérée comme un essai de définition européenne du développement durable, moins laconique que la définition classique de la Commission Brundtland et plus solidement ancrée dans le discours politico-juridique des institutions européennes. D’emblée, le développement durable est qualifié d’« objectif clé, énoncé dans le traité, pour toutes les politiques de la Communauté européenne ». Il est ensuite décrit dans les termes suivants :

49

« Il vise à l’amélioration continue de la qualité de vie sur Terre des générations actuelles et futures. Il a pour objet de préserver la capacité de la Terre à favoriser la vie dans toute sa diversité. Il repose sur les principes de la démocratie et de l’État de droit ainsi que sur le respect des droits fondamentaux, y compris la liberté et l’égalité des chances pour tous. Il assure la solidarité intra- et intergénérationnelle. Il cherche à promouvoir une économie dynamique, le plein emploi, un niveau élevé d’éducation, de protection de la santé, de cohésion sociale et territoriale, ainsi que de protection de l’environnement dans un monde en paix et sûr, respectant la diversité culturelle. »

50 Après cette définition générale sont énoncés un certain nombre d’« objectifs clés » du développement durable, qui ne sont en fait pas des objectifs concrets, opérationnels dans des domaines particuliers, mais des orientations à long terme reflétant les trois piliers bien connus : protection de l’environnement, équité sociale et prospérité économique. Ils incluent aussi une référence aux engagements internationaux de l’UE pour la promotion du développement durable au niveau mondial. Chacun de ces quatre objectifs est brièvement décrit dans des termes largement inspirés des Traités et de déclarations politiques antérieures.

51 Les « principes directeurs » qui forment la troisième partie du texte comportent un certain nombre de principes liés à la démocratie, à la solidarité et à la bonne gouvernance (promotion et protection des droits fondamentaux, participation des citoyens et des parties prenantes, accès à l’information et à la justice, solidarité intra- et intergénérationnelle, cohérence politique, usage des meilleures pratiques connues), combinés avec certains principes généraux de la politique communautaire de l’environnement. Aucun des principes énoncés dans la Déclaration n’est réellement novateur ; c’est leur combinaison en un seul document sous la bannière du développement durable qui est notable, tout comme l’affirmation de la Commission selon laquelle ces principes « correspondent aux valeurs sous-jacentes d’un modèle européen de société dynamique » [67].

52 Il faut néanmoins relever que certains des principes qui étaient à l’époque inscrits dans l’article 174, § 2 CE (l’actuel article 191, § 2 TFUE), tels que le principe de précaution et le principe du pollueur-payeur, sont définis dans la Déclaration, alors qu’ils ne le sont pas ou différemment dans le Traité lui-même. Ainsi, par exemple, la définition du principe d’« intégration des politiques » que donne la déclaration est distincte de celle contenue dans l’article 6 CE (l’actuel article 11 TFUE), dans la mesure où elle appelle « l’intégration de considérations d’ordre économique, social et environnemental, de telle sorte qu’elles soient cohérentes et se renforcent mutuellement » plutôt que l’intégration d’exigences environnementales au sein des autres politiques, et met de surcroît en exergue l’objectif de « mieux légiférer » ainsi que « l’évaluation équilibrée de l’impact » [68].

7 DANS L’OMBRE DE LA STRATÉGIE DE LISBONNE : LE RENOUVELLEMENT DE LA SDD EN 2006

53 Un an plus tard, le Conseil européen adopta une SDD « renouvelée », confirmant et actualisant les engagements politiques pris à Göteborg en 2001. On assista en 2005-2006 à une dynamique interinstitutionnelle à l’opposé de celle qui s’était manifestée cinq ans plus tôt lors de l’adoption de la SDD à Göteborg. Alors qu’en 2001, le Conseil européen avait tempéré les ambitions de la Commission Prodi en refusant de faire siennes toutes ses propositions en matière de développement durable, cinq ans plus tard, les États membres, sous l’impulsion de la présidence autrichienne, manifestèrent leur volonté d’aller plus loin que ne le souhaitait la Commission Barroso. Celle-ci avait adopté d’emblée une attitude plutôt réservée à l’égard du renouvellement de la SDD, souhaitant donner la priorité à la relance de la Stratégie de Lisbonne, fortement axée sur des objectifs socio-économiques à court terme. L’intitulé de sa communication de décembre 2005 [69] était révélateur, puisqu’il ne renvoyait plus qu’à un simple « réexamen » de la SDD en lieu et place d’une « stratégie renouvelée », comme la Commission l’avait suggéré initialement dans une première communication sur les « orientations futures » de la SDD présentée en février 2005 [70].

54 Le futur de la SDD dépendait dès lors de l’attitude du Conseil et du Conseil européen. Est-ce que les États membres allaient souscrire à la vision minimaliste de la Commission Barroso ou au contraire adopter un document stratégique plus ambitieux et opérationnel qui refléterait les principes directeurs articulés par le Conseil européen dans sa déclaration de juin 2005 ? Un groupe spécial d’« amis de la présidence » s’attela à la rédaction d’une SDD « renouvelée » sous la forme d’un texte unique, plus cohérent, très différent, tant dans son esprit que dans sa forme, des propositions minimalistes de la Commission. Le texte issu de ces négociations fut approuvé par le Conseil « Affaires générales » avant d’être soumis au Conseil européen de juin 2006, qui l’adopta tel quel [71].

55 Dans les conclusions de la présidence de juin 2006, un seul paragraphe, sous l’intitulé « Promouvoir le mode de vie européen à l’ère de la mondialisation », est consacré à l’adoption de ce qu’elles qualifient de « nouvelle stratégie de l’UE, ambitieuse et globale, en faveur du développement durable » [72]. Cette initiative est présentée comme facteur de légitimation du projet européen en réponse aux préoccupations citoyennes :

56

« Les citoyens attendent de l’Union qu’elle démontre sa valeur ajoutée en prenant des mesures pour relever les défis et saisir les occasions qui se présentent : garantir la paix, la prospérité et la solidarité, renforcer la sécurité, favoriser le développement durable et promouvoir les valeurs européennes dans un environnement qui se mondialise rapidement. » [73]

57 La nouvelle stratégie se décompose en plusieurs parties distinctes. Le texte débute par une introduction générale, énonçant l’« engagement » de l’UE en faveur du développement durable, qualifié d’« objectif fondamental de l’Union européenne, énoncé dans le traité et déterminant toutes les activités et politiques de l’Union ». Après un bref rappel des rétroactes, le but du document est présenté comme étant de définir « une stratégie unique et cohérente » et de « recenser et de renforcer des actions » visant à répondre aux « défis » du développement durable. La nouvelle stratégie s’inscrit donc dans la continuité : il s’agit d’établir un inventaire structuré des politiques existantes – un catalogue des actions en cours – plutôt que de définir de nouvelles orientations politiques. Ce même souci de continuité se traduit par la reprise in extenso, comme « base » de la nouvelle stratégie, du texte de la Déclaration de principes adoptée par le Conseil européen de juin 2005, avec ses « objectifs-clés » et « principes directeurs des politiques ». La première partie du texte se termine par quelques paragraphes consacrés aux « synergies » entre la SDD et la Stratégie de Lisbonne et à l’élaboration des politiques.

58 Vient ensuite la partie principale de la stratégie, qui identifie les « défis-clés » du développement durable et, pour chacun d’entre eux, énonce un « objectif général » suivi d’« objectifs opérationnels et chiffrés », et d’une liste d’« actions à entreprendre ». Aux quatre priorités de la SDD de 2001 (changements climatiques, transport durable, santé publique, et gestion des ressources naturelles), la nouvelle stratégie ajoute trois défis supplémentaires : production et consommation durables, inclusion sociale, démographie et migration, et le défi de la pauvreté et du développement durable à l’échelle mondiale. La troisième et dernière partie de la stratégie aborde une série de questions horizontales et mesures intersectorielles et arrête un ensemble de dispositions relatives aux procédures de mise en œuvre, contrôle et suivi de la SDD.

59 La partie introductive de la nouvelle SDD s’étend sur ses liens avec la Stratégie de Lisbonne, qui venait de se recentrer en 2005 sur la croissance et l’emploi. Le nouveau texte s’efforce de clarifier cette relation, qui était restée fort nébuleuse depuis 2001. Dorénavant, les deux stratégies sont présentées comme distinctes mais complémentaires. Elles visent toutes deux des changements structurels, mais se fixent des horizons temporels différents.

60 Les objectifs de la SDD sont des objectifs généraux à long terme : la stratégie se définit comme portant essentiellement sur « la qualité de la vie, l’équité intra- et intergénérationnelle et la cohérence entre tous les domaines politiques, y compris les aspects extérieurs » [74]. On peut être surpris que le volet environnemental ne soit pas mentionné en tant que tel. La Stratégie de Lisbonne, quant à elle, « en privilégiant les actions et les mesures visant à augmenter la compétitivité et la croissance économique et à favoriser la création d’emplois », est axée sur des objectifs socio-économiques spécifiques et à court terme, objectifs qui sont présentés comme « une contribution essentielle à l’objectif fondamental de développement durable » [75]. La SDD fixe le « cadre général », tandis que la Stratégie de Lisbonne « fournit le moteur d’une économie plus dynamique ». Les deux stratégies reconnaissent « que les objectifs sociaux et environnementaux peuvent se renforcer mutuellement et elles devraient par conséquent évoluer de concert » [76]. Quant aux objectifs économiques de la Stratégie de Lisbonne, ils sont tout simplement présumés compatibles avec le développement durable.

61 Dans la forme, la SDD et la Stratégie de Lisbonne sont envisagées comme distinctes et la SDD relève les « synergies » [77] entre elles. En qualifiant la SDD de « cadre général », on pourrait même supposer que les chefs d’État et de gouvernement aient voulu reconnaître que le développement durable puisse imposer des contraintes aux politiques économiques. Dans le fond, il n’en est rien. Les objectifs sociaux et environnementaux de la SDD restent, du moins implicitement, subordonnés aux impératifs économiques de Lisbonne. En effet, dans le paragraphe de la SDD où le Conseil européen annonce qu’il donnera, à l’occasion des futurs réexamens de la SDD, « des orientations générales sur les mesures, stratégies et instruments aux fins du développement durable », il précise qu’il le fera « en tenant compte des priorités définies dans le cadre de la stratégie de Lisbonne pour la croissance et l’emploi » [78]. Ainsi, les objectifs à court terme de la stratégie économique de l’Union sont toujours implicitement considérés comme prioritaires par rapport aux objectifs à long terme de la SDD.

8 LE DÉVELOPPEMENT DURABLE COMME PRESCRIT CONSTITUTIONNEL : QUELLE PORTÉE JURIDIQUE ?

62 Notre analyse du discours politique des institutions européennes et des deux versions successives de la Stratégie de l’UE en faveur du développement durable a démontré que l’engagement de la Commission, du Conseil européen et du Conseil en faveur de cet objectif reste équivoque [79], souvent marqué d’hésitations et d’incohérences. L’attention qui y est portée par les décideurs politiques souffre de fluctuations conjoncturelles.

63 Ainsi, on peut remarquer que la Déclaration de Berlin, adoptée en mars 2007 – moins d’un an après la nouvelle SDD – et signalant la relance du processus de réformes institutionnelles devant aboutir peu après au Traité de Lisbonne, ne fait aucune référence au développement durable parmi les idéaux du projet européen. Alors même que, réunis à Bruxelles en juin 2006, les chefs d’État et de gouvernement y avaient vu un élément de l’affirmation du « mode de vie européen à l’ère de la mondialisation », le développement durable doit céder la place, dans le discours politique au sommet, à la lutte contre les changements climatiques et à la politique énergétique, thèmes perçus comme plus mobilisateurs pour les citoyens et, surtout, priorités politiques de la présidence allemande simultanée de l’UE et du G8 cette année-là. Ce glissement dans le discours politique n’empêcha cependant pas le Traité de Lisbonne d’engranger les acquis du Traité constitutionnel en matière de développement durable, la nouvelle version de l’article du TUE définissant les missions de l’Union correspondant presque littéralement à celle élaborée en 2003 par la Convention [80]. Le Traité de Lisbonne inclut également une nouvelle disposition attribuant explicitement à l’Union des compétences en matière de politique de l’énergie, elle aussi largement inspirée par le libellé du défunt Traité constitutionnel [81]. Pour faire écho à l’importance politique particulière du rôle de l’UE dans la lutte contre les changements climatiques, une référence explicite – mais purement cosmétique – à celle-ci fut ajoutée aux dispositions du TFUE énonçant les objectifs de la politique de l’environnement [82].

64 Jusqu’à présent, l’insertion de références au développement durable dans le droit primaire n’a pas encore eu d’impact significatif sur l’évolution du droit dérivé, comme l’a observé notamment Ludwig Krämer dans un article récent [83]. Même s’il s’agit depuis Amsterdam d’une notion de droit positif, elle est restée sans définition juridique, non seulement en droit primaire, mais généralement aussi en droit secondaire, exception faite de deux instruments financiers pour l’assistance aux pays en développement à validité limitée [84]. On peut d’ailleurs s’interroger sur la possibilité, voire l’opportunité de définir juridiquement un tel concept à sémantique variable, utilisé sans grande rigueur et qualifié tant d’objectif que de principe dans les Traités.

65 La faible effectivité de la SDD en tant qu’instrument politique – le grand décalage entre le discours et l’action – peut être attribuée tant au caractère équivoque de l’engagement politique des institutions communautaires et des gouvernements nationaux en faveur du développement durable qu’à la crise plus générale de la gouvernance européenne. Les orientations politiques fixées par les réunions au sommet du Conseil européen restent largement incantatoires, du fait de l’autonomie institutionnelle de la Commission, du Parlement européen et du Conseil dans ses multiples compositions [85]. Il est loin d’être évident que l’importance accrue donnée au développement durable parmi les missions de l’UE par le Traité de Lisbonne se traduira automatiquement dans l’exercice de la fonction législative européenne et dans la mise en œuvre concrète des politiques de l’Union.

66 Il nous semble toutefois prématuré de conclure que l’inscription du développement durable dans le référentiel constitutionnel du droit européen est dépourvue de toute portée juridique. N’oublions pas que les dispositions des Traités énonçant des objectifs et principes sont fréquemment invoquées par les juridictions européennes pour orienter leur interprétation du droit dérivé, ainsi que dans l’exercice de leur fonction de contrôle de la légalité des actes des institutions. Tant du point de vue de son origine que conceptuellement, la notion de développement durable en droit européen est intimement liée au principe d’intégration, principe fondamental de la politique de l’environnement de l’Union. Ce principe fut initialement inscrit dans la même disposition que les autres principes généraux de cette politique (l’actuel article 191, § 2 TFUE, anciennement 130r, § 2 CEE, puis 175, § 2 CE) avant de devenir l’objet d’un article distinct inséré parmi les dispositions liminaires du Traité CE par le Traité d’Amsterdam (article 6 CE, devenu l’article 11 TFUE depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne). C’est au même moment qu’un lien explicite fut également établi entre la mise en œuvre du principe d’intégration et la promotion du développement durable comme sa finalité. Les références au développement durable dans le droit primaire et secondaire doivent donc être interprétées à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice relative aux objectifs et principes de la politique de l’environnement, ainsi qu’aux missions de l’Union en général.

67 Dans son arrêt Safety Hi-Tech, la Cour a déclaré à propos des objectifs et principes de la politique de l’environnement, tels qu’ils étaient énoncés à l’époque à l’article130r CEE :

68

« Cette disposition prévoit ainsi une série d’objectifs, de principes et de critères que le législateur communautaire doit respecter dans le cadre de la mise en œuvre de la politique de l’environnement.
Toutefois, en raison de la nécessité de la mise en balance de certains des objectifs et principes visés à l’article 130 R, ainsi que de la complexité de la mise en œuvre des critères, le contrôle judiciaire doit nécessairement se limiter au point de savoir si le Conseil, en adoptant [l’acte législatif contesté], a commis une erreur d’appréciation manifeste quant aux conditions d’application de l’article 130 R du traité. » [86]

69 Les objectifs et principes s’adressent donc en premier lieu au législateur européen, qui a l’obligation de les respecter, tout en disposant d’une large marge d’appréciation politique dans leur interprétation, application et mise en balance. Les juridictions communautaires se limiteront à exercer un contrôle juridictionnel marginal du respect de cette obligation, qui n’en est pas pour autant privée de portée juridique.

70 Une approche similaire caractérise l’interprétation, par le juge communautaire, des autres missions et objectifs définis en termes généraux par les Traités, comme ceux énoncés aux anciens articles 2 et 3 CE. Ainsi, dans un arrêt concernant les rapports entre politique sociale et marché intérieur, la Cour a affirmé :

71

« [A]ux termes de l’article 3, paragraphe 1, sous c) et j), CE, l’action de la Communauté comporte non seulement un “marché intérieur caractérisé par l’abolition, entre États membres, des obstacles à la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux”, mais également “une politique dans le domaine social”. L’article 2 CE énonce, en effet, que la Communauté a pour mission, notamment, de promouvoir “un développement harmonieux, équilibré et durable des activités économiques” et “un niveau d’emploi et de protection sociale élevé”.
La Communauté ayant dès lors non seulement une finalité économique mais également une finalité sociale, les droits résultant des dispositions du traité relatives à libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux doivent être mis en balance avec les objectifs poursuivis par la politique sociale, parmi lesquels figurent, ainsi qu’il ressort de l’article 136 CE, notamment, l’amélioration des conditions de vie et de travail, permettant leur égalisation dans le progrès, une protection sociale adéquate et le dialogue social. » [87]

72 Dans une optique de développement durable, le même raisonnement peut parfaitement être appliqué, mutatis mutandis, à la finalité écologique de l’Union, troisième pilier du développement durable, et aux contraintes qui en découlent pour l’exercice des libertés économiques. Au demeurant, la Cour de justice n’a d’ailleurs pas attendu la reconnaissance expresse de cette finalité dans le Traité CEE pour déclarer « que le principe de la liberté du commerce n’est pas à considérer d’une manière absolue mais est assujetti à certaines limites justifiées par les objectifs d’intérêt général poursuivis par la Communauté » [88], dont la protection de l’environnement, qu’elle qualifia d’« un des objectifs essentiels poursuivis par la Communauté » [89] avant même l’entrée en vigueur de l’Acte unique.

73 Ainsi, la Constitution économique européenne intègre déjà depuis longtemps le principe de régulation du marché dans l’intérêt d’objectifs sociaux et environnementaux. A priori, on pourrait supposer que la multiplication récente des références au développement durable dans les dispositions de droit primaire relatives aux objectifs et principes de l’Union ne peut que renforcer l’assise juridique de la régulation de l’économie de marché et de la protection des valeurs non économiques dans l’ordre juridique communautaire. Une certaine prudence est néanmoins de mise, car la polysémie de la notion de développement durable pourrait en faire une arme à double tranchant. En effet, l’avènement de l’idéologie du développement durable a fait de l’environnement et du développement de véritables frères siamois : impossible dorénavant d’évoquer l’un sans l’autre. Il faut constater que le développement durable peut être invoqué tant pour conforter la protection de l’environnement que pour lui imposer des limites.

74 La Cour de justice ne s’est pas encore prononcée dans un sens ni dans l’autre. Paradoxalement, jusqu’à présent, le principal arrêt dans lequel elle a été amenée à interpréter la notion de développement durable ne concernait pas les équilibres entre ses trois piliers, mais bien un conflit interinstitutionnel à l’interface du premier et deuxième pilier de l’édifice institutionnel de l’UE, dans sa version pré-Lisbonne. Concrètement, il s’agissait de la ligne de démarcation entre la politique communautaire de coopération au développement relevant du Traité CE et la politique extérieure et de sécurité commune (PESC) fondée sur le Traité UE [90].

75 Comme nous l’avons mentionné au début de cette contribution, depuis Maastricht, les dispositions du Traité CE relatives à la coopération au développement fixaient comme objectif à cette politique « le développement économique et social durable des pays en développement » [91]. Dans le litige jugé par la Cour en 2008, la Commission, soutenue par le Parlement européen, qui n’avait pas été consulté, poursuivait l’annulation d’une décision du Conseil adoptée au titre de la PESC [92], visant à apporter une assistance financière et technique à certains pays d’Afrique occidentale afin de soutenir leurs efforts de lutte contre la prolifération des armes légères et de petit calibre, au motif que cette décision portait atteinte aux compétences de la Communauté car elle aurait dû être adoptée dans le cadre de sa politique de coopération au développement.

76 La Cour a donné gain de cause à la Commission, en considérant que les objectifs de la politique communautaire de coopération au développement « sont larges en ce sens que les mesures nécessaires à leur poursuite doivent pouvoir concerner différentes matières spécifiques » [93]. Elle souligne dans son arrêt « que les articles 177 CE à 181 CE relatifs à la coopération avec les pays en voie de développement visent non seulement le développement économique et social durable de ces pays (…) mais également le développement et la consolidation de la démocratie et de l’État de droit ainsi que le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales » [94]. Son analyse des objectifs de la politique communautaire de coopération, tels qu’établis par le Traité CE, de déclarations politiques ultérieures engageant le Conseil et affirmant « qu’il ne peut y avoir de développement durable et d’éradication de la pauvreté sans paix et sans sécurité » [95], et de la finalité et du contenu de la décision attaquée aboutit à la conclusion que celle-ci a « pour but spécifique de renforcer les capacités d’un groupe de pays africains en voie de développement à lutter contre un phénomène qui constitue (…) un obstacle au développement durable de ces pays » [96]. Dès lors, la décision attaquée est annulée au motif qu’en l’adoptant sur le fondement des bases juridiques de la PESC, alors qu’elle « relève également de la politique de coopération au développement », le Conseil avait enfreint l’article 47 TUE [97].

77 Cette jurisprudence est plus riche en enseignements sur la politique extérieure de l’Union et le choix des bases juridiques des actes des institutions que sur la portée de la notion de développement durable. À vrai dire, tout ce qu’on peut en déduire est qu’il s’agit d’une notion fort large et malléable, dépassant de loin la sphère environnementale, et ayant des liens avec la préservation de la paix et de la sécurité. Cette dernière constatation est d’ailleurs cohérente avec la Déclaration de principes de juin 2005 qui évoque, elle aussi, « un monde en paix et sûr » parmi les multiples connotations du développement durable [98].

78 Le concept n’est pas pour autant extensible à souhait, comme a jugé implicitement la Cour dans un arrêt de 2007 annulant, à la requête du Parlement européen, une décision de la Commission, prise en exécution d’un règlement financier sur la coopération avec les pays en développement d’Asie [99], visant à accorder une aide financière importante aux Philippines en vue de renforcer le contrôle de ses frontières aux fins de la lutte contre le terrorisme et le trafic de drogues. Elle a considéré en l’espèce qu’un instrument de coopération au développement ne pouvait être utilisé à cette fin, en rejetant l’argument de la Commission selon lequel « le renforcement institutionnel, constituant l’un des aspects horizontaux indispensables au développement durable, fait dorénavant partie intégrante des politiques de coopération communautaires » [100]. En revanche, la Cour a estimé, dans un autre litige interinstitutionnel concernant la base juridique d’un acte du Conseil, que la politique commerciale commune pouvait être mise en œuvre, notamment, par la conclusion d’une convention internationale prévoyant des mesures de restriction de l’importation et de l’exportation de substances chimiques dangereuses en vue de la protection de la santé humaine et de l’environnement dans les pays importateurs, en invoquant à l’appui de sa décision le fait que le préambule de cette convention affirme que les politiques commerciales et environnementales des parties « devraient être complémentaires afin d’assurer l’avènement d’un développement durable » [101].

79 S’agissant des politiques internes de l’Union, il existait déjà, bien avant le Traité de Lisbonne, une jurisprudence assez abondante invoquant le principe d’intégration pour justifier une interprétation « verte » de certaines dispositions de droit économique communautaire. Dans les limites de cette contribution, il n’est pas possible de procéder à une analyse exhaustive de cette jurisprudence. À titre d’exemple, relevons uniquement les arrêts Concordia Bus[102], PreussenElektra[103] et Pays-Bas c/ Commission[104] dans lesquels la Cour et le Tribunal citent expressément l’article 6 CE à l’appui de la prise en compte de considérations environnementales dans l’interprétation de mesures relevant, respectivement, des politiques de la concurrence (marchés publics) et de l’énergie, et des dispositions du Traité relatives aux aides d’État. Jusqu’à présent, la référence, dans cet article, à la finalité de la promotion d’un développement durable, n’a pas encore été invoquée dans un sens contraire, afin de justifier une mise en balance des exigences écologiques avec des objectifs sociaux ou économiques. On ne peut toutefois pas exclure, a priori, qu’une telle interprétation puisse voir le jour à l’avenir. Il convient de citer ici les conclusions de l’avocat général Léger dans l’affaire First Corporate Shipping[105] :

80

« Le principe d’intégration figure désormais à l’article 6 CE (ex-article 3 C du traité CE) (…). Cet article formule de façon expresse que le principe d’intégration doit permettre de “promouvoir le développement durable”. (…) Le concept de “développement durable” (…) ne signifie pas que les intérêts de l’environnement doivent nécessairement et systématiquement l’emporter sur les intérêts défendus dans le cadre des autres politiques poursuivies par la Communauté conformément à l’article 3 du traité CE (devenu, après modification, article 3 CE). Il met au contraire l’accent sur l’équilibre nécessaire entre divers intérêts parfois contradictoires, mais qu’il convient de concilier. »

81 Relevons aussi qu’il existe déjà des dispositions de droit communautaire dérivé où le développement durable est invoqué comme susceptible d’imposer des limites à la protection de l’environnement. Ainsi, avant même l’adoption du Traité d’Amsterdam, une directive de 1996 concernant l’évaluation et la gestion de la qualité de l’air ambiant stipulait que, dans les zones où la qualité de l’air est supérieure aux normes communautaires, « les États membres maintiennent les niveaux des polluants en dessous des valeurs limites et s’efforcent de préserver la meilleure qualité de l’air ambiant compatible avec le développement durable » [106]. Sous-entendu : une qualité de l’air trop pure pourrait être incompatible avec le développement durable. Dans le même sens, on peut également citer une disposition de la récente directive sur la protection du milieu marin, qui prévoit que « [l]orsqu’ils établissent le programme de mesures [pour parvenir à un bon état écologique des eaux marines], les États membres tiennent dûment compte du développement durable, et notamment des répercussions sociales et économiques des mesures envisagées » [107].

82 Comme nous avons pu le constater, les textes ont de nouvelles potentialités normatives mais se prêtent à de multiples interprétations, parfois contradictoires. Aussi, en définitive, il dépendra de l’évolution future des politiques législatives et de la jurisprudence des juridictions communautaires de déterminer quelle sera l’influence de l’objectif constitutionnel de développement durable dans la pratique.

Notes

  • [1]
    Professeur de droit européen de l’environnement à l’Université d’Amsterdam ; chargé de cours en droit international et européen de l’environnement à l’Université libre de Bruxelles.
  • [2]
    Voir notamment U. Beck, Pouvoir et contre-pouvoir à l’ère de la mondialisation, Aubier, Paris, 2003 ; S. Gutwirth, « Le cosmopolitique, le droit et les choses », in F. Audren & L. De Sutter (éd.), Pratiques cosmopolitiques du droit, Éditions de l’Aube, Paris, 2004, pp. 77-88.
  • [3]
    R. Debray, La puissance et les rêves, Gallimard, Paris, 1984, p. 171.
  • [4]
    Article 2 du Traité sur l’Union européenne, tel que modifié par le Traité d’Amsterdam (ex-Article B du TUE). Dans cette citation, tout comme dans les suivantes, les italiques sont de l’auteur.
  • [5]
    Article 2 du Traité instituant la Communauté européenne, tel que modifié par le Traité d’Amsterdam.
  • [6]
    Article B du Traité sur l’Union européenne, Maastricht, 7 février 1992.
  • [7]
    Article 2 du Traité instituant la Communauté européenne, tel que modifié par le Traité sur l’Union européenne.
  • [8]
    Article 177, § 1 du Traité instituant la Communauté européenne, tel que modifié par le Traité d’Amsterdam.
  • [9]
    Article 6 du Traité instituant la Communauté européenne, tel que modifié par le Traité d’Amsterdam.
  • [10]
    Voir aussi M. Pallemaerts & D. Defrise, « L’émergence du concept de “développement durable” en droit international : un progrès pour l’environnement ? », Aménagement-Environnement, 2000, n° spécial, pp. 4-8.
  • [11]
    Déclaration de Laeken sur l’avenir de l’Union européenne, Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Laeken, 14-15 décembre 2001, annexe I, p. 20. Les documents du Conseil européen non publiés au Bulletin de l’Union européenne ont été consultés sur le site http://www.european-council.europa.eu/council-meetings/conclusions?lang=fr.
  • [12]
    Traité sur l’Union européenne, tel que modifié par le Traité de Lisbonne, art. 3, § 3.
  • [13]
    Ibid., § 5.
  • [14]
    Ibid., art. 21, § l2, (d) et (f).
  • [15]
    Dans le contexte de la Charte, cette qualification est tout sauf innocente, comme il apparaît à la lecture de son art. 52, § 5. Cette disposition, qui vise à limiter la portée juridique des principes reconnus dans la Charte, ne figurait pas dans sa version initiale proclamée à Nice en décembre 2000.
  • [16]
    Commission mondiale pour l’Environnement et le Développement, Notre avenir à tous, Éditions du Fleuve, Montréal, 1988.
  • [17]
    Voir à ce sujet M. Pallemaerts, « De opkomst van het begrip “duurzame ontwikkeling” in het internationaal juridisch en politiek discours : een conceptuele revolutie ? », Recht en Kritiek, 1995, pp. 380-397 ; D. Defrise, Le développement durable : analyse des textes de référence, Travail de fin d’études, IGEAT, ULB, 1998.
  • [18]
    Déclaration de Stockholm sur l’environnement humain, Rapport de la Conférence des Nations unies sur l’Environnement humain, New York, 1972, Principe 13.
  • [19]
    . “Environmental management implies sustainable development of all countries, aimed at meeting basic human needs without transgressing the outer limits set to man’s endeavours by the biosphere.” Décision du Conseil d’administration 20 (III) du 2 mai 1975, § II.9 (b). United Nations Environment Programme, Compendium of Legislative Authority 1972-1977, Nairobi, 1978, p. 133.
  • [20]
    . “For development to be sustainable it must take account of social and ecological factors, as well as economic ones ; of the living and non-living resource base ; and on the long-term as well as the short term advantages and disadvantages of alternative actions.” IUCN, World Conservation Strategy : Living Resource Conservation for Sustainable Development, Gland, 1980.
  • [21]
    Ibid., Section 1, 3.
  • [22]
    Convention concernant la coopération pour la protection et le développement de l’environnement marin et côtier en Afrique occidentale et centrale, Abidjan, 23 mars 1981, http://www.unep. org/ AbidjanConvention/The_Convention/index.asp.
  • [23]
    ASEAN, Agreement on the Conservation of Nature and Natural Resources, Kuala Lumpur, 9 juillet 1985, http://environment.asean.org/index.php?page=agreements:conservation (non entré en vigueur).
  • [24]
    Résolution 38/161 du 19 décembre 1983, Doc. ONU A/RES/38/161.
  • [25]
    Notre avenir à tous, op. cit. (note 16), pp. 10-11.
  • [26]
    Pour une analyse plus approfondie, voir M. Pallemaerts, « La conférence de Rio : grandeur ou décadence du droit international de l’environnement ? », R.B.D.I., 1995, pp. 175-223.
  • [27]
    Déclaration de Rio sur l’Environnement et le Développement, Doc. ONU A/CONF.151/5/Rev. 1, 13 juin 1992, Principe 12.
  • [28]
    Déclaration de Copenhague sur le Développement social, Doc. ONU A/CONF.166/9, 19 avril 1995, § 6.
  • [29]
    Déclaration de Johannesburg sur le développement durable, Johannesburg, 4 septembre 2002, Rapport du Sommet mondial pour le développement durable, Doc. ONU A/CONF.199/20, Nations unies, New York, 2002, p. 1, § 5.
  • [30]
    Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Rhodes, 2-3 décembre 1988, annexe I, Bull. C.E., 1988, n° 12, p. 12.
  • [31]
    Ibid. La version anglaise, publiée dans l’édition anglaise du même numéro du Bulletin, utilise les termes “sustainable development”.
  • [32]
    Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Dublin, 25-26 juin 1990, annexe II, Bull. C.E., 1990, n° 6, p. 18.
  • [33]
    Ibid.
  • [34]
    Lorsqu’il fixa le mandat de la Conférence intergouvernementale pour la révision des Traités lors de son sommet de Rome en décembre 1990, le Conseil européen lui demanda de tenir compte de la nécessité de renforcer la protection de l’environnement afin de parvenir à une « croissance durable », formule qui fut retenue dans le premier projet de traité présenté par la Présidence luxembourgeoise dès avril 1991 et ne fut plus remise en question par la suite. Voir B. Verhoeve, G. Bennett et D. Wilkinson, Maastricht and the Environment, Institute for European Environmental Policy, Arnhem/London, 1992, pp. 14-15.
  • [35]
    Relevons ici que les États fondateurs de l’Organisation de coopération et de développement économiques – comprenant l’ensemble des six États membres fondateurs des Communautés européennes – proclamaient déjà leur souhait de promouvoir “the highest sustainable growth of their economies” dans le préambule de l’acte constitutif de cette organisation, adopté en décembre 1960. La version française de cet instrument ne laisse subsister aucune ambiguïté quant au sens à attribuer à cette notion de “sustainable growth” : il s’agit en effet de « réaliser la plus forte expansion possible de leur économie ». Convention relative à l’Organisation de Coopération et de Développement économiques, Paris, 14 décembre 1960, préambule, 6e considérant.
  • [36]
    Résolution du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil, du 1er février 1993, concernant un programme communautaire de politique et d’action en matière d’environnement et de développement durable, JO n° C 138 du 17.05.1993, p. 1.
  • [37]
    Ibid., p. 25 : « La stratégie élaborée dans le présent programme repose sur le but final de transformer les modèles de croissance dans la Communauté de façon à emprunter la voie du développement soutenable. »
  • [38]
    Ibid., p. 22.
  • [39]
    Ibid., p. 25.
  • [40]
    Conclusions de la Présidence, Conseil européen d’Helsinki, 10-11 décembre 1999, § 50, Bull. U.E., 1999, n° 12, p. 13.
  • [41]
    Commission européenne, Stratégie de l’Union européenne en faveur du développement durable, Office des publications officielles des Communautés européennes, Luxembourg, 2002.
  • [42]
    Communication de la Commission, Développement durable en Europe pour un monde meilleur : Stratégie de l’Union européenne en faveur du développement durable, COM (2001) 264 final/2, 19 juin 2001.
  • [43]
    Document de travail des services de la Commission, Document consultatif en vue de la préparation d’une stratégie de l’Union européenne pour un développement durable, SEC(2001) 517, 27 mars 2001.
  • [44]
    COM(2001) 264 final/2.
  • [45]
    Sur les consultations préalables et travaux préparatoires de cette communication, voir I. Tanasescu, “The Political Process Leading to the Development of the EU Sustainable Development Strategy”, in M. Pallemaerts & A. Azamanova (eds.), The EU and Sustainable Development : Internal and External Dimensions, VUB Brussels University Press, Bruxelles, 2006, pp. 53-77.
  • [46]
    Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Göteborg, 15-16 juin 2001, § 19, http://www. european-council.europa.eu/council-meetings/conclusions?lang=fr.
  • [47]
    Ibid., § 20.
  • [48]
    Ibid., § 25.
  • [49]
    Ibid., § 20.
  • [50]
    Ibid., § 19.
  • [51]
    Ibid., § 22.
  • [52]
    Règlement (CE) nº 2493/2000 du Parlement européen et du Conseil du 7 novembre 2000 relatif à des mesures visant à promouvoir la pleine intégration de la dimension environnementale dans le processus de développement des pays en développement, JO n° L 288 du 15.11.2000, p. 1, art. 2 ; Règlement (CE) nº 2494/2000 du Parlement européen et du Conseil du 7 novembre 2000 relatif à des mesures visant à promouvoir la conservation et la gestion durable des forêts tropicales et des autres forêts dans les pays en développement, JO n° L 288 du 15.11.2000, p. 6, art. 2 (4). Ces deux instruments ont été abrogés et remplacés par le Règlement (CE) nº 1905/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 portant établissement d’un instrument de financement de la coopération au développement, JO L 378 du 27.12.2006, p. 41, qui contient de nombreuses références au développement durable, mais aucune définition.
  • [53]
    Ibid., art. 2.
  • [54]
    Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Göteborg, op. cit. (note 46), § 21.
  • [55]
    Ibid., § 29.
  • [56]
    Ibid., § 24.
  • [57]
    Ibid., § 27.
  • [58]
    Ibid., § 26.
  • [59]
    Communication de la Commission, Vers un partenariat mondial pour un développement durable, COM (2002) 82 final/2.
  • [60]
    Ibid., p. 3.
  • [61]
    Contrairement à ce que prétend la Commission, par exemple dans COM (2005) 37 final, il ne ressort pas du texte des conclusions de la présidence des Conseils européens de Barcelone et Séville que la Communication sur la dimension extérieure de la SDD ait jamais été approuvée par cette institution.
  • [62]
    COM (2002) 82 final/2, p. 19.
  • [63]
    Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Bruxelles, 16-17 juin 2005, § 8 et annexe I, http://www.european-council.europa.eu/council-meetings/conclusions?lang=fr.
  • [64]
    Ibid., annexe I, pp. 28-31.
  • [65]
    Ibid., § 8.
  • [66]
    Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, Projet de déclaration sur les principes directeurs du développement durable, COM (2005) 218 final, 25 mai 2005, p. 2. Il est surprenant que l’adoption de cette déclaration n’a donné lieu à aucun débat politique. La proposition de la Commission fut transmise seulement trois semaines avant la réunion du Conseil européen et fut adoptée presque sans aucune modification.
  • [67]
    Ibid.
  • [68]
    Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Bruxelles, op. cit. (note 63), annexe I, p. 31.
  • [69]
    Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, L’examen de la stratégie en faveur du développement durable : une plate-forme d’action, COM (2005) 658 final, 13 décembre 2005.
  • [70]
    Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, Examen de la stratégie de l’Union européenne en faveur du développement durable pour 2005 : premier bilan et orientations futures, COM (2005) 37 final, 9 février 2005.
  • [71]
    Conseil de l’Union européenne, Nouvelle stratégie de l’UE en faveur du développement durable, Doc. 10117/06, 9 juin 2006 (ci-après « SDD 2006 »).
  • [72]
    Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Bruxelles, 15-16 juin 2006, § 17, http://www. european-council.europa.eu/council-meetings/conclusions?lang=fr.
  • [73]
    Ibid., § 3.
  • [74]
    SDD 2006, § 7.
  • [75]
    Ibid.
  • [76]
    Ibid., § 8.
  • [77]
    Ibid., §§ 7-9.
  • [78]
    Ibid., § 38.
  • [79]
    Quant au Parlement européen, force est de constater qu’il a été plutôt absent dans le débat interinstitutionnel sur le développement durable en général et la SDD en particulier. Il est vrai qu’il a adopté des résolutions d’initiative, tant en 2001 qu’en 2006, sur la SDD, mais n’a réussi qu’à le faire que quelques jours avant les réunions du Conseil européen appelées à statuer sur les propositions de la Commission, à un moment où les négociations entre les États membres et la Commission étaient déjà bouclées. Voir les résolutions du Parlement européen du 31 mai 2001 sur la politique de l’environnement et le développement durable : préparation du Conseil européen à Göteborg, du 13 juin 2001 sur la préparation du Conseil européen qui se tiendra les 15 et 16 juin 2001 à Göteborg, et du 15 juin 2006 sur l’examen de la stratégie en faveur du développement durable, disponibles sur le site http://www.europarl.europa.eu/plenary/fr/texts-adopted.html. Le mode de décision intergouvernemental du Conseil européen et la lenteur des procédures parlementaires ont effectivement mis le Parlement hors jeu.
  • [80]
    À l’exception notable, bien entendu, de la référence contestée à la concurrence, qui fut supprimée de l’article 3 TUE et reléguée dans un protocole à la demande de la France, comme le relève, supra, J. Drexl dans sa contribution à ce cahier.
  • [81]
    Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, tel que modifié par le Traité de Lisbonne, art. 194.
  • [82]
    Ibid., art 191, § 1, 4e tiret, in fine. Sur la fonction de légitimation de la politique de lutte contre les changements climatiques, voir M. Pallemaerts, “Climate Change, Natural Gas and the Rebirth of EU Energy Policy”, in L. Wylie & P. Winand (eds), Energy and the Environmental Challenge : Lessons from the European Union and Australia, PIE Peter Lang, Bruxelles, 2011, pp. 37-61.
  • [83]
    L. Krämer, “Sustainable Development in EC Law”, in H.C. Bugge & C. Voigt (eds), Sustainable Development in International and National Law, Europa Law Publishing, Groningen, 2008, pp. 375-396.
  • [84]
    Contrairement à ce qu’affirme Krämer, op. cit. (note 83), p. 384, ces deux instruments (voir note 52) donnent une définition identique de la notion de développement durable.
  • [85]
    Pour une étude plus approfondie de l’impact réel de la SDD, nous renvoyons le lecteur à M. Pallemaerts, M. Herodes & C. Adelle, Does the EU Sustainable Development Strategy Contribute to Environmental Policy Integration ? EPIGOV Paper No. 9, Ecologic – Institute for International and European Environmental Policy, Berlin, 2007, disponible à http://ecologic.eu/projekte/epigov/ documents/EPIGOV_paper_9_pallemaerts_herodes_adelle.pdf.
  • [86]
    CJUE, 14 juillet 1998, aff. C-284/95, Safety Hi-Tech, Rec. 1998, p. I-4301, §§ 36-37.
  • [87]
    CJUE, 18 décembre 2007, aff. C-341/05, Laval un Partneri Ltd, Rec. 2007, p. I-11767, §§ 104-105.
  • [88]
    CJUE, 7 février 1985, aff. 240/83, Association de défense des brûleurs d’huiles usagées (ADBHU), Rec. 1985, p. 531, § 12.
  • [89]
    Ibid., § 13.
  • [90]
    CJUE, 20 mai 2008, aff. C-91/05, Commission c/ Conseil, Rec. 2008, p. I-3651.
  • [91]
    Article 177, § 1 du Traité instituant la Communauté européenne, tel que modifié par le Traité d’Amsterdam. Depuis le Traité de Lisbonne, cette disposition a été remplacée par l’art. 208 TFUE, qui renvoie aux principes et objectifs de l’action extérieure de l’Union, dorénavant fixés au titre V du TUE. L’art. 208 ne mentionne plus le développement durable, mais stipule comme « objectif principal » de la politique de coopération de l’UE « la réduction et, à terme, l’éradication de la pauvreté ». À ce propos, lire l’excellente analyse de R. Williams, “Community Development Cooperation Law, Sustainable Development, and the Convention on Europe–From Dislocation to Consistency ?”, Yearbook of European Environmental Law 4 (2004), pp. 303-375.
  • [92]
    Décision 2004/833/PESC du Conseil, du 2 décembre 2004, mettant en œuvre l’action commune 2002/589/PESC en vue d’une contribution de l’Union européenne à la CEDEAO dans le cadre du moratoire sur les armes légères et de petit calibre, JO L 359, p. 65.
  • [93]
    CJUE, 20 mai 2008, aff. C-91/05, Commission c/ Conseil, Rec. 2008, p. I-3651, § 64.
  • [94]
    Ibid., § 65.
  • [95]
    Ibid., § 66.
  • [96]
    Ibid., § 98.
  • [97]
    Ibid., § 109.
  • [98]
    Tout comme le Principe 25 de la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement (note 27).
  • [99]
    Règlement (CEE) nº 443/92 du Conseil, du 25 février 1992, relatif à l’aide financière et technique et à la coopération économique avec les pays en développement d’Amérique latine et d’Asie, JO L 52, p. 1.
  • [100]
    CJUE, 23 octobre 2007, aff. C-403/05, Parlement européen c/ Conseil, Rec. 2007, p. I-9045, § 45.
  • [101]
    CJUE, 10 janvier 2006, aff. C-94/03, Commission c/ Conseil, Rec. 2006, p. I-1, § 51.
  • [102]
    CJUE, 17 septembre 2002, aff. C-513/99, Concordia Bus Finland Oy Ab, Rec. 2002, p. I-7213, § 57.
  • [103]
    CJUE, 13 mars 2001, aff. C-379/98, PreussenElektra AG, Rec. 2001, p. I-2099, § 76.
  • [104]
    TPIUE, 10 avril 2008, aff. T-233/04, Pays-Bas c/ Commission, Rec. 2008, p. II-591, § 99.
  • [105]
    CJUE, 7 novembre 2000, C-371/98, Rec. 2000, p. I-9235, § 54 des conclusions de l’A-G Léger, p. 9246.
  • [106]
    Directive 96/62/CE du Conseil du 27 septembre 1996 concernant l’évaluation et la gestion de la qualité de l’air ambiant, JO n° L 296 du 21.11.1996, p. 55, art. 9.
  • [107]
    Directive 2008/56/CE du Parlement Européen et du Conseil du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin, JO n° L 164 du 25.06.2008, p. 19, art. 13, § 3.
Français

La présente contribution a pour objet d’analyser les origines et implications de l’affirmation du développement durable comme objectif de l’intégration européenne dans le cadre constitutionnel de l’Union, tel qu’il a été fixé par le Traité de Lisbonne. Elle examine successivement l’origine et la genèse du concept du développement durable au niveau international, et le processus graduel de son émergence et institutionnalisation dans le discours politique des institutions européennes, qui a précédé sa consécration juridique dans les Traités, en mettant particulièrement l’accent sur le rôle de la Stratégie de l’Union européenne en faveur du développement durable, lancée en 2001 et renouvelée en 2006. L’analyse démontre que le développement durable est devenu une partie intégrante du cadre normatif de la Constitution économique européenne et doit, à ce titre, être pleinement pris en compte par le législateur et par le juge dans l’exercice de leurs fonctions respectives en vertu des Traités.

Mots clés

  • Union européenne
  • droit institutionnel
  • développement durable
  • politique de l’environnement
Marc PALLEMAERTS [1]
  • [1]
    Professeur de droit européen de l’environnement à l’Université d’Amsterdam ; chargé de cours en droit international et européen de l’environnement à l’Université libre de Bruxelles.
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/03/2012
https://doi.org/10.3917/ride.254.0511
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