CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1Ce Courrier hebdomadaire est consacré aux normes internationales de protection sociale. Ce dernier terme doit s’entendre dans un sens restrictif : il s’applique à la sécurité sociale exclusivement, dans les six branches qui la composent traditionnellement en Belgique : l’assurance chômage, l’assurance maladie-invalidité, l’indemnisation des maladies professionnelles, les accidents du travail, les allocations familiales et les pensions (nous laissons de côté les vacances annuelles).

2Durant les cinquante dernières années, parallèlement à la mise en place, au développement puis à l’évolution de systèmes nationaux de sécurité sociale, s’est développée, tant sur le plan européen que sur le plan mondial, la coopération internationale. Celle-ci a donné le jour ou une nouvelle impulsion à des organisations internationales munies de compétences en matière économique, financière, politique, de défense mais aussi sociale. Le développement de l’État-providence et l’accroissement de la coopération internationale avec transfert de souveraineté aux instances internationales semblent s’être déroulés de manière indépendante l’un de l’autre. Mais de nombreuses normes en matière de protection sociale sont produites au niveau international : les conventions et recommandations de l’Organisation internationale du travail, les recommandations et les études de l’Organisation de coopération et de développement économique, les instruments élaborés au sein du Conseil de l’Europe, les directives, règlements et recommandations de l’Union européenne, etc.

3D’emblée, il faut noter qu’il serait erroné de ramener la problématique à l’étude de l’influence d’une norme internationale sur notre système de protection nationale. Le processus se révèle en effet plus dynamique, une norme internationale n’étant susceptible d’être appliquée dans notre pays que si elle est issue d’une organisation dont fait partie, ou à laquelle est associée à un degré quelconque, la Belgique. Ainsi, cet angle d’approche conduit-il à tenter d’apporter quelques éléments de réponses aux questions suivantes : quelle est, dans chaque organisme, l’importance de la participation belge ? Quel est, pour chaque norme, l’impact de l’influence belge dans son adoption ? Les modalités, en ce compris la rapidité, de la transposition d’une norme sur le plan national varient-elles en fonction, précisément, de ces paramètres ? Et en tentant d’épuiser les possibilités du questionnement, la Belgique – dans la majorité des cas, son gouvernement qui la représente dans les organisations intergouvernementales – adopte-t-elle la même attitude face à des problématiques de sécurité sociale sur le plan national et sur le plan international ?

4Le présent Courrier hebdomadaire présente des éléments de réponses à ces questions, dégagés au terme d’une recherche qui a tenté une approche socio-politique de l’activité d’organismes d’ordinaire analysés du seul point de vue juridique.

La production de normes sociales au niveau international

5Pour l’application d’un questionnement socio-politique, il a été nécessaire de déterminer préalablement quelles étaient les sources internationales qui produisaient des normes en matière de protection sociale. Six d’entre elles ont été retenues : l’Organisation internationale du travail – OIT, l’Organisation des Nations-Unies – ONU, l’Organisation de coopération et de développement économiques – OCDE, le Fonds monétaire international – FMI, le Conseil de l’Europe – CE, enfin l’Union européenne – UE (en ce compris les normes issues des Communautés européennes) [1].

6Il convient d’avoir à l’esprit une définition « non juridique » du concept de norme adopté ici afin de comprendre pourquoi le FMI et l’OCDE se retrouvent parmi les organisations retenues. Ce concept est ici considéré dans son acception la plus large ; il concerne tout instrument élaboré sur un plan autre que national et susceptible d’influencer, directement ou indirectement, notre système de protection sociale.

L’Organisation internationale du travail – OIT

7Créée à la fin de la première guerre mondiale, sous l’impulsion de Belges notamment (Emile Vandervelde et Ernest Mahaim), l’Organisation internationale du travail fut le premier organisme international habilité à produire des instruments régulateurs des conditions de travail, dans le cadre d’une concertation tripartite gouvernements-travailleurs-employeurs. Ces instruments ont pris la forme de conventions (créant une obligation pour les États les ayant ratifiées) et de recommandations (visant à orienter les politiques des États), ces deux types d’instruments étant souvent associés pour un même objet. En 1944, à la conférence de Philadelphie, l’OIT a vu son rôle reconnu et confirmé, et en 1946 elle est devenue une agence spécialisée des Nations-Unies. L’Organisation internationale du travail a donc fait œuvre de pionnier ; grâce à elle, les conditions de travail sont devenues l’objet d’une réglementation internationale, et la concertation sociale s’est imposée sur la scène internationale, servant d’exemple.

8La structure tripartite de l’OIT lui confère un statut différent de celui d’une simple organisation intergouvernementale : la représentation des travailleurs et du patronat explique sans doute que l’OIT se démarque quelque peu des positions d’autres organisations intergouvernementales. Les instruments (conventions et recommandations) adoptés par l’OIT ont une portée géographiquement universelle (de par la composition de l’organisation) mais restrictive quant à leur objet, très spécifique.

9La Belgique, tout comme les autres membres de l’OIT, dispose d’une participation à plusieurs niveaux : au sein du Bureau international du travail – BIT, actuellement [2] dirigé par le Belge Michel Hansenne, et qui est le secrétariat permanent, éventuellement au conseil d’administration de celui-ci, enfin au niveau de la Conférence internationale du travail – CIT ou assemblée plénière de l’OIT. Si l’influence, sans doute importante, que peuvent y exercer les Belges est malaisée à estimer, historiquement, en revanche, elle est établie [3] (jusqu’en 1946 la Belgique disposait d’un membre permanent au conseil d’administration, dont L.-E. Troclet fut président).

10Une norme est élaborée à l’OIT suivant la procédure suivante [4] : les sujets à débattre font l’objet d’un rapport du BIT soumis aux gouvernements des pays-membres afin que ceux-ci, par le biais d’une concertation tripartite, puissent formuler leurs observations (en Belgique, cela s’effectue au sein du Conseil national du travail). Celles-ci sont ensuite synthétisées en un deuxième rapport soumis à la Conférence internationale du travail. Il y a généralement au moins deux délibérations, entrecoupées d’une nouvelle procédure de consultation, avant l’adoption de la norme (convention ou recommandation). Dans la pratique, les conventions revêtent une importance infiniment plus grande que les recommandations. Lorsqu’une convention est adoptée à l’OIT, elle est soumise à la signature des États membres, qui doivent ensuite en obtenir la ratification suivant les procédures en vigueur sur le plan national. Il faut remarquer que la signature par un État d’une convention ne l’engage pas automatiquement à en obtenir la ratification. Dans le cas de la Belgique, cependant, la pratique semble être de ne pas s’engager par une signature vis-à-vis d’un instrument que l’on n’a pas l’intention ou la possibilité de ratifier.

11L’application des conventions de l’OIT fait l’objet d’une procédure de contrôle strict, qui a été modifiée pour plus d’efficacité en 1993. Elle passe premièrement par la rédaction de rapports périodiques, tous les deux ou cinq ans suivant les conventions. Ces rapports sont examinés par une commission d’experts internationaux, dont les commentaires « assoient progressivement, qu’on le veuille ou non, une “jurisprudence”, dont on considère à la CIT (…) qu’elle fait autorité aussi longtemps qu’elle n’est pas contredite par un arrêt de la Cour internationale de justice » [5]. Le rapport de cette commission est soumis aux États membres avant de l’être à la commission de l’application des normes de la CIT, de composition tripartite, qui est habilitée à suggérer une assistance technique ou de nouveaux contacts avec les gouvernements fautifs. Hors cette procédure de contrôle « standard », il existe une procédure de réclamation qui permet à une organisation professionnelle de présenter une réclamation contre tout État membre qui aurait failli à ses obligations. Celle-ci et la réponse du gouvernement mis en cause, seront examinées par un comité restreint tripartite et éventuellement rendues publiques. Une autre procédure, encore moins fréquemment usitée, est la procédure de plainte : un délégué à la CIT peut formuler une plainte, à propos de laquelle le conseil d’administration peut décider de former une commission d’enquête qui formulera des recommandations au gouvernement mis en cause.

12Cependant, ces mécanismes de contrôle sont loin de constituer la voie privilégiée par laquelle les normes de travail de l’OIT sont appliquées et respectées. Les moments cruciaux sont l’adoption, la signature puis la ratification des conventions, qui comportent un large poids moral. D’ailleurs, l’OIT se veut avant tout un lieu privilégié de discussion tripartite plutôt qu’un organisme gendarme.

La convention n°102

13Il est important de souligner que l’OIT adopte des normes en matière de conditions de travail ; et c’est donc accessoirement qu’elle se préoccupe de sécurité sociale, et toujours dans son application au seul travailleur. D’une manière générale, la Belgique avait ratifié, au 31 décembre 1995, quatre-vingt-cinq des cent septante-six conventions existantes de l’OIT, dont dix-sept concernent la protection sociale [6]. Parmi celles-ci, la seule convention de portée générale en matière de sécurité sociale, la convention n°102 sur les normes minimum en matière de sécurité sociale, est peut-être celle à laquelle on se réfère le plus fréquemment [7].

14Cette convention, adoptée le 28 juin 1952 et entrée en vigueur le 27 avril 1955, répondait à une des préoccupations majeures rencontrées au sein de l’OIT après la guerre, et qui s’était déjà traduite par l’adoption d’une recommandation concernant la garantie des moyens d’existence en 1944 [8]. Il importait en effet que l’OIT ne soit pas « dépassée » par les faits, en l’occurrence le développement rapide de systèmes intégrés de sécurité sociale en Europe de l’Ouest.

15La convention n°102 définit des seuils de protection sociale relativement bas par rapport aux standards actuels de cette région, pour les neuf branches qu’elle définit : soins médicaux, indemnités de maladie, prestations de chômage, de vieillesse, en cas d’accidents du travail et de maladies professionnelles, aux familles, de maternité, d’invalidité, et aux survivants. Pour toutes ces éventualités, la convention prescrit des niveaux de prestations garantis (par exemple, pour les prestations familiales, en argent ou en services, elles doivent atteindre la valeur de 3 % du salaire d’un manœuvre ordinaire adulte masculin, ou 1,5 % multiplié par le nombre d’enfants) et le nombre de personnes minimum qui doivent être couvertes contre le risque (par exemple, dans le cas des prestations familiales, soit 50 % des salariés, soit 20 % de l’ensemble des résidents soit tous les résidents dont les ressources ne dépassent pas certaines limites). La convention n°102 permet aussi la ratification « à la carte » (article 2) : tous les membres pour lesquels la convention entrerait en vigueur s’engageraient à garantir des prestations du niveau requis dans trois branches au moins, dont une au minimum parmi les suivantes : chômage, vieillesse, maladies professionnelles et accidents du travail, survie. Si, aujourd’hui (comme déjà en 1952 dans le cas de la Belgique), les niveaux de prestations de la convention n°102 sont largement dépassés dans les pays de l’Union européenne, la situation est suffisamment différente dans d’autres pays du monde pour empêcher l’adoption par l’OIT d’une convention qui prescrirait des standards plus élevés.

16La Belgique ne fit pas usage de la possibilité de ratification « à la carte », contrairement à d’autres pays européens, tels que le Danemark, la Grande-Bretagne, l’Italie, et ratifia la convention par la loi du 11 septembre 1959 [9]. Tant à la Chambre qu’au Sénat, le vote en faveur de la ratification fut unanime, et ne donna guère lieu à discussion [10], ce qui avait été le cas également des rapports des commissions des Affaires étrangères.

17La convention n°102 de l’Organisation internationale du travail constitue donc un exemple de norme internationale spécifique, et de nature contraignante dès lors que la Belgique l’a ratifiée. Tous les deux ans, la Belgique envoie un rapport au BIT dans lequel sont détaillées les modifications intervenues en matière de prestations de sécurité sociale dans ces neuf branches [11]. Pratiquement, la convention n°102 n’a pas induit de modification dans les règlements de sécurité sociale belges qui répondaient à ces prescriptions dès avant son adoption. Cependant, les neuf risques dont la couverture est prescrite par l’OIT sont devenus des éléments de définition du système de protection sociale auxquels il est fréquemment fait allusion.

18Le dernier rapport de la commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations du BIT n’adresse pas à la Belgique d’observations à propos de la convention n°102 ni d’aucune autre convention concernant la sécurité sociale [12]. Cependant, le rapport général de la commission, qui précède l’examen de l’application des différentes conventions, s’inquiète du processus de réforme de la sécurité sociale poursuivi pour des raisons budgétaires par de nombreux gouvernements : « des considérations financières immédiates, malgré leur importance, ne doivent pas prendre le pas sur la préservation de la stabilité et de l’efficacité du système de sécurité sociale, toute réduction des dépenses de sécurité sociale devrait se faire dans le cadre d’une politique cohérente, axée sur le souci de parvenir à des solutions viables à long terme et garantissant le niveau requis de protection sociale » [13]. Plus particulièrement, la commission s’inquiète d’une tendance accrue à la privatisation de certains régimes, alors que la convention n°102 précise, au nom de la solidarité, que les régimes doivent être financés collectivement par voie de cotisations ou d’impôts.

19Ainsi, même si les niveaux de protection garantis par la convention n°102 semblent obsolètes, il n’est pas exclu du tout qu’ils soient appelés dans le futur à constituer un rempart face aux réformes structurelles des régimes de sécurité sociale. En 1982 a été adoptée la convention n°157 sur l’établissement d’un système de conservation des droits en matière de sécurité sociale, qui n’a pas été ratifiée par la Belgique ni par la plupart des États européens, qui jugeaient apparemment sa mise en œuvre compliquée [14].

Autres normes

20Parallèlement, comme pour contrer l’opinion généralement répandue que l’OIT, forte de quelque 175 membres, et conséquemment à la mondialisation de ses objectifs, est incapable dorénavant de produire des instruments novateurs ou qui traduiraient un progrès social pour les pays d’Europe de l’Ouest, a été adoptée lors de la 75è session de la CIT, en 1988, la convention 168 concernant la promotion de l’emploi et la protection contre le chômage [15]. Cette convention a été adoptée pour réformer, d’une part, la convention sur le chômage de 1934 qui était devenue obsolète, d’autre part, le seuil de protection en la matière recommandé par la convention n°102 de 1952, qui était lui aussi dépassé. Effectivement, la convention (qui prévoit une dérogation temporaire possible pour certains articles) oblige les États signataires à adopter une politique active de promotion de l’emploi « productif » (articles 7 à 9), et à garantir contre le risque de chômage au moins 85 % de la population salariée (article 11). Les indemnités de chômage ne pourraient être inférieures à 50 % du salaire perdu, dans le cadre d’un régime assurantiel, ou à 50 % du salaire minimum légal dans les autres cas (article 15). Cependant, l’article 2 de la même convention stipule d’emblée que le membre « doit veiller à ce que son régime de protection contre le chômage et en particulier les modalités de l’indemnisation du chômage contribuent à la promotion du plein emploi, productif et librement choisi, et n’aient pas pour effet de décourager les employeurs d’offrir, et les travailleurs de rechercher, un emploi productif ». Voilà qui semble être une concession aux critiques qui considèrent que la « générosité » de l’État-providence européen dissuade les gens d’entreprendre ou de travailler.

21Il convient également de garder à l’esprit que les États-Unis contribuent à hauteur de près de 25 % du budget de l’OIT, et il est donc concevable qu’ils ne soient pas disposés à voir l’OIT se démarquer trop radicalement des positions qui sont les leurs. Déjà, dans les années 1970, les pressions américaines avaient contraint l’OIT à durcir sa position vis-à-vis des régimes socialistes. Dans cette dernière décennie, il est indéniable que la fin de la guerre froide, la mondialisation ont contribué à modifier (voire franchement à diminuer) la portée des normes de l’Organisation internationale du travail, jusqu’à remettre en cause l’orientation future de son activité [16]. À propos du rôle de l’OIT dans le futur, les acteurs belges sont divisés. Les employeurs souhaitent que l’OIT se contente d’actualiser ou de promouvoir les normes fondamentales du travail (type interdiction du travail des enfants) et s’abstiennent d’adopter de nouvelles normes que ne pourraient pas ratifier une majorité de ses membres. En revanche, les représentants des travailleurs croient à la pertinence de l’action normatrice de l’OIT dans tous les domaines [17].

22Indépendamment des instruments normatifs contraignants que constituent les conventions, ou souples que constituent les recommandations, l’OIT sert également de cadre au débat sur l’avenir de la protection sociale, et publie, à l’instar de l’OCDE, des études en la matière. À titre d’exemple, considérons l’étude réalisée par le Bureau international du travail, en 1997, sur les politiques de l’emploi à l’heure de la mondialisation [18]. Réaffirmant l’objectif de retour au plein emploi, l’étude se préoccupe beaucoup de la situation qui existe dans les « économies en transition » ou les pays en voie de développement, reflétant ainsi la composition numérique de l’organisation. Elle insiste également sur la nécessité d’entretenir des liens de collaboration plus étroite avec d’autres organisations intergouvernementales tels que le FMI, l’OCDE, ou l’Organisation mondiale du commerce – OMC. Cependant, les conclusions en matière de politique d’emploi s’écartent quelque peu des positions adoptées par ces autres organisations, et sont plus catégoriques que celles adoptées par la CIT à ce sujet : l’étude affirme que la subvention des bas salaires et la réduction des prélèvements sur les salaires en général n’ont que peu d’incidence sur la diminution du chômage, et que ni la pratique ni la théorie n’indiquent que des normes de travail élevées impliquent automatiquement un coût global de la main-d’œuvre particulièrement élevé [19].

23Enfin, l’Organisation internationale du travail est une agence spécialisée des Nations-Unies, et à ce titre elle intervient également dans la vérification de l’application de traités de l’ONU conclus dans des matières qui relèvent de sa compétence. Le BIT soumet des rapports ou transmet des informations à propos, notamment, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, et de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Également, l’OIT participe au contrôle de l’application du Code européen de sécurité sociale et, à titre consultatif, à celui de la Charte sociale européenne, tous deux conclus au sein du Conseil de l’Europe.

24D’autre part, la première conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce qui se tint à Singapour en décembre 1996, a déclaré que l’OIT était l’organisme compétent en matière de normes du travail, et qu’elle l’encourageait dans leur promotion. En fait, la possibilité d’inclure des normes sociales dans les traités de commerce, à la fois dans un souci de saine concurrence (éviter le « dumping social ») et d’une attention portée aux conditions de vie des populations des pays peu développés, a été mise de côté, et la problématique, en quelque sorte, évacuée vers l’OIT. Selon certains observateurs, cette décision est particulièrement regrettable, car les règles édictées par l’OMC ont valeur immédiatement contraignante, ce qui n’est pas le cas des conventions de l’OIT [20]. Cependant, la Belgique avait plaidé pour l’inclusion d’une clause sociale, réussissant à recueillir l’adhésion de douze États membres de l’Union européenne sur une déclaration à cet effet. En juillet 1996, la Commission européenne avait publié une communication sur le lien entre le commerce et les normes internationalement reconnues. Quant au directeur général du BIT, le Belge M. Hansenne, il avait proposé que les membres de l’OMC (qui sont les mêmes que ceux de l’OIT) soient tenus, purement et simplement, de respecter les conventions les plus fondamentales de l’OIT [21]. Confronté à l’échec de la conférence de Singapour à ce propos, le gouvernement belge approuva cependant en février 1997 une série de décisions qui démontrent que sa position ne s’était guère modifiée. Le Conseil des ministres décida en effet de continuer les efforts belges en vue de la promotion du respect des normes sociales de base, et d’examiner avec le secrétaire d’État à la coopération au développement la possibilité de lier l’aide publique belge au développement au respect de ces normes [22].

25L’OIT produit donc trois types de normes en matière de protection sociale : les conventions, les recommandations, et ce qu’on pourrait appeler des avis, à savoir les opinions qui sont véhiculées par le rapport général du BIT ou par les études publiées par l’organisation. Ces trois types de normes ont en commun d’être spécifiques quant à leur objet, universelles quant à leur portée géographique, puisque le rayon d’action de l’OIT est mondial.

26Il s’agit là de deux caractéristiques qui risquent de devenir difficilement conciliables. La vocation à l’universalité de l’organisation, jointe à sa volonté de promouvoir un réel progrès social auprès de tous les pays membres, écarte certaines questions de la sphère d’action des conventions et tend à empêcher d’élever le niveau de protection requis par les conventions. Certes, la possibilité de « ratification à la carte » pourrait offrir encore des possibilités de progrès généralisé, mais à des vitesses différentes. Celles-ci sont limitées. Une autre piste d’efficacité serait l’adoption ou de conventions régionales (une idée qui rencontre de très fortes résistances de nature morale, y compris en Belgique) ou tout au moins, ainsi que l’idée en existe depuis les années 1970, de structures organisationnelles régionales.

27Quant à la fonction des normes OIT, il convient de distinguer la théorie de la pratique. Une fois ratifiée, une convention OIT est contraignante. Il y a donc une première condition à sa mise en pratique qui est la ratification, en l’absence de laquelle la convention ne pourrait avoir d’effet direct, même si elle revêt un certain poids moral. D’autre part, les mécanismes de contrôle de l’application des normes, même s’ils sont précis, ne disposent pas de possibilités de sanctions réelles face à un État fautif. Théoriquement, le plaignant pourrait introduire un recours auprès de la Cour internationale de justice, mais une telle procédure est lourde et inusitée. Enfin, l’adoption de normes universelles minimum par l’OIT diminue de facto les possibilités d’impact de celles-ci sur notre législation.

L’Organisation des Nations-Unies – ONU

Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels

28Héritière de la Société des Nations, née de la prolongation de l’alliance victorieuse de la seconde guerre mondiale, l’ONU a pris corps à la conférence de San Francisco en 1945. L’un des premiers soins de la nouvelle organisation a été d’adopter la Déclaration universelle des droits de l’homme (10 décembre 1948). Au nombre de ces droits figure le droit à des conditions de vie décentes et à une vie digne. À l’origine, la déclaration devait être suivie par l’adoption d’un pacte des droits de l’homme. Devant la controverse qui était née, dans un contexte de guerre froide, à propos de l’inclusion ou non de droits socio-économiques dans le pacte, il fut décidé d’opérer une scission en deux instruments distincts : le Pacte des droits civils et politiques d’une part, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de l’autre [23]. La Belgique joua d’ailleurs un rôle dans l’adoption de cette solution, puisqu’elle déposa un amendement dans ce sens avec l’Inde, le Liban et les USA [24]. Nonobstant la controverse entourant la nature proprement juridique de droits économiques ou sociaux qui demeuraient essentiellement programmatoires, il est intéressant de remarquer que si la mise en œuvre du Pacte des droits civils et politiques demande de la part des États essentiellement de s’abstenir de certaines actions, le Pacte des droits économiques exige au contraire des actions positives.

29Le Pacte des droits économiques fut adopté par les Nations-Unies le 19 décembre 1966, et entra en vigueur deux ans plus tard. La Belgique signa les deux pactes le 10 décembre 1968, et l’ensemble du processus de ratification se déroula simultanément pour les deux instruments. C’est ainsi que le débat s’orienta vers la compatibilité du Pacte des droits civils et politiques avec la Convention européenne des droits de l’homme (1950) qui était souvent citée devant les tribunaux, et subsidiairement vers la compatibilité du Pacte des droits socio-économiques avec la Charte sociale de Turin (1961) et il fallut attendre que le Conseil de l’Europe ait étudié la question pour que le processus de ratification puisse véritablement commencer. En 1971, le Conseil de l’Europe adopta la recommandation 642 en faveur de la ratification des Pactes de l’ONU. En Belgique, il fallut attendre l’avis, favorable, du Conseil d’État en septembre 1976. C’est finalement le 30 novembre 1977 que la Chambre commença l’examen du projet de loi portant ratification des pactes. L’exposé des motifs soulignait que le contenu des droits garantis par le Pacte (articles 6 à 15) était assuré déjà par la législation belge ; quant à la nature de l’engagement pris par l’État ratifiant le Pacte, il était qualifié de non contraignant : « (…) les États parties au Pacte ne s’engagent pas à assurer immédiatement, dans leur pleine étendue, les droits économiques, sociaux et culturels qui s’y trouvent contenus. Ils ne s’engagent qu’à reconnaître comme objectif le plein exercice de ses droits et à assurer progressivement la réalisation de cet objectif par tous les moyens appropriés et au maximum de leurs ressources disponibles. Tel étant la portée de l’engagement consenti par les États en souscrivant au Pacte, nul ne serait fondé à se réclamer directement des droits contenus dans cet instrument et à poursuivre en justice leur exécution » [25]. D’une manière générale, et en raison de la différence faite entre les droits civils et politiques, considérés comme effectifs, et les droits sociaux et économiques, présentés comme des droits programmatoires (des objectifs à atteindre) le débat parlementaire fut consacré essentiellement au Pacte des droits civils et politiques. En raison de l’actualité politique intérieure belge mouvementée, l’examen du projet fut reporté à différentes reprises, et ce n’est qu’en avril 1980 que le rapporteur de la commission des Affaires étrangères de la Chambre, F. Swaelen, put déposer son rapport, qui se bornait à constater que la Belgique pouvait ratifier les Pactes sans modification de la législation [26]. Durant la discussion en séance plénière, il fut souligné combien un tel retard mis à la ratification était regrettable [27]. Le vote fut acquis par 147 votes favorables et une abstention [28] et le parcours du texte au Sénat fut également sans embûches, la haute assemblée l’adoptant à l’unanimité [29]. Les Pactes durent ensuite être ratifiés par les conseils communautaires, ce qui se déroula sans incident notable [30], et la loi du 15 mai 1981 fut publiée au Moniteur belge le 6 juillet 1983.

30De l’examen de la procédure de ratification se dégage l’impression que les Pactes des Nations-Unies furent très loin de constituer une priorité de l’agenda parlementaire, et que le Pacte relatif aux droits économiques et sociaux ne reçut qu’une attention minime. Ceci, peut-être, en raison de la conviction des parlementaires que sa ratification ne saurait être suivie d’effet direct, ce en quoi il n’est pas assuré qu’ils ne se trompaient pas. D’une part, certains juristes s’accordent à trouver une valeur juridiquement contraignante aux droits qu’il garantit, d’autre part, la modification de la procédure de contrôle y afférente promet de rendre le Pacte plus effectif [31]. En 1985, la création du comité des droits économiques, sociaux et culturels, auquel désormais les États parties devront présenter leurs rapports [32], et non plus au Conseil économique et social des Nations-Unies, a redynamisé un Pacte qui avait beaucoup souffert du contexte de la guerre froide : les pays de l’Est, champions de la garantie effective des droits sociaux et économiques, s’étaient cependant fermement opposés à une procédure de contrôle efficace.

31Si le Pacte prend toute son actualité alors que, malgré la prédominance de l’idéologie libre-échangiste anglo-saxonne, des institutions comme le FMI ou la Banque mondiale insistent de plus en plus sur la nécessité pour les gouvernements des pays en voie de développement de répondre aux besoins essentiels de leur population [33], on peut en revanche se demander s’il est susceptible de présenter une utilité pratique pour les citoyens d’un pays développé comme la Belgique. Selon le professeur W. Van Eeckhoutte de l’Université de Gand, la réponse est positive. Lors d’un séminaire organisé en octobre 1996 au Ministère de l’Emploi et du Travail, il s’est clairement démarqué de l’opinion traditionnelle sur l’application directe du Pacte en Belgique, qui avait été exprimée dans le premier rapport remis par la Belgique aux Nations-Unies [34], et qui soutenait que le Pacte ne saurait avoir d’effet direct en droit belge. Les observations finales du comité des Nations-Unies prétendaient le contraire, critiquant ainsi la Belgique : ce point de vue n’a cependant pas de conséquences contraignantes. En revanche, W. Van Eeckhoutte a relevé plusieurs décisions de tribunaux belges qui se référaient explicitement au Pacte ! Ces décisions intervenaient à l’appui de jugements qui concernaient des recours introduits par le citoyen contre l’État belge, mais selon l’auteur, rien n’empêche de voir le Pacte invoqué contre un particulier. Et de conclure : « Le Pacte (…) est un instrument beaucoup plus vivant qu’il n’y paraît » [35].

32L’opinion du professeur belge est partagée par L. Lamarche, de l’Université de Montréal, qui considère que « tout porte à croire que les droits contextuels de base énoncés dans le pacte soient plus susceptibles de garantir le projet du droit social contre les risques du nouvel arbitraire issu de la réorganisation économique et de la restructuration du travail au sein des sociétés développées » [36]. En effet, contrairement aux conventions de l’OIT, le pacte garantit un niveau de vie suffisant (article 11), et constitue un instrument juridique contraignant, ce qui n’est pas le cas, par exemple, de la recommandation de la Commission européenne concernant la garantie d’un revenu minimum d’existence [37]. Cependant, il faut constater que ceci se situe sur un plan essentiellement juridique et théorique pour le citoyen, qui, jusqu’à présent, ne s’est pas vraiment avisé de la possibilité qui lui était offerte de se targuer de l’existence du pacte devant une instance judiciaire.

33Quant à la sécurité sociale, elle est considérée à l’article 9 du pacte : « les États parties au présent Pacte reconnaissent le droit de toute personne à la sécurité sociale, y compris les assurances sociales ». Si le texte ne précise donc aucune norme minimale de sécurité sociale, cette disposition semble pouvoir être interprétée dans le sens de l’obligation pour un État d’ouvrir la sécurité sociale, quel que soit son niveau de développement, à toute personne (et non pas seulement à tout travailleur). D’autres dispositions incidentes touchent à la sécurité sociale : le paragraphe d) de l’article 7 consacré aux conditions de travail instaure l’obligation de l’octroi de congés payés et le paiement des jours fériés, tandis que le paragraphe 2 de l’article 10 réclame une protection spéciale de la femme enceinte et accouchée et un congé de maternité « payé ou accompagné de prestations sociales adéquates ». Parmi les décisions judiciaires belges se référant au Pacte et identifiées par W. van Eeckhoutte, il y en a plusieurs qui relèvent du champ d’application de la sécurité sociale. Ainsi, le tribunal du travail de Nivelles en 1991, dans un conflit avec l’Office national des pensions, a reconnu implicitement (tout en donnant tort au plaignant sur le fond) l’application directe des articles 3, 7 et 9 du Pacte [38].

La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes

34Un second instrument international adopté par les Nations-Unies et susceptible d’être porteur de normes en matière de protection sociale est la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes adoptée le 18 décembre 1979. Elle s’applique explicitement aux domaines économique et social, comme à tout autre domaine. Elle impose notamment aux États parties d’inscrire dans leur Constitution le principe de l’égalité entre l’homme et la femme, et à l’article 11, de prendre des mesures pour éliminer toute discrimination dans le domaine de l’emploi en matière de droit à la sécurité sociale, « notamment aux prestations de retraite, de chômage, de maladie d’invalidité et de vieillesse ou pour toute autre perte de capacité de travail, ainsi que le droit à des congés payés » (§ 1 e). Bref, c’est clairement prohiber toute discrimination envers les femmes travailleuses. Ailleurs sont garanties les prestations de maternité (§ 2 a) et b)), d’accès aux services médicaux en général (article 12), et le droit aux prestations familiales (article 13 § a)).

35La Convention n’est généralement pas considérée comme susceptible de produire des effets au niveau de la protection sociale belge, cependant, il s’agit là d’un instrument potentiellement riche d’applications ; on ne voit guère, en effet, pourquoi il ne pourrait pas être invoqué, au même titre qu’un règlement de l’Union européenne, devant un tribunal belge. Évidemment, il n’existe pas de recours possible au niveau de l’interprétation de la convention similaire à l’instance de la Cour de justice européenne.

36La Convention fut ratifiée par la loi du 11 mai 1983, adoptée tant au Parlement fédéral que par les conseils des communautés [39]. Elle n’y fit pas l’objet de discussions particulières, mais il fut décidé d’y adjoindre une déclaration exemptant les règles de dévolution du pouvoir royal de son application (depuis lors, la Constitution a été révisée sur ce point).

37Pour assurer le contrôle de l’application des dispositions de l’application de la Convention a été constitué un Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, auquel les États parties doivent présenter un rapport tous les quatre ans. En Belgique, depuis 1993, c’est le Conseil de l’égalité des chances entre hommes et femmes qui est chargé de centraliser les informations nécessaires à la rédaction de ce rapport [40]. Le dernier rapport disponible actuellement et qui date de 1992, se bornait, essentiellement, à développer, en matière d’égalité des droits à la sécurité sociale, les dispositions de la loi du 22 décembre 1989 et de l’arrêté royal du 10 janvier 1990 modifiant les dispositions en matière de congé de maternité. Le rapport soulignait également que les règlements et directives de la Communauté européenne, exécutoires en Belgique, étaient le principal moteur de l’établissement de l’égalité en matière de droits économiques et sociaux entre femmes et hommes [41]. Tout semble se dérouler comme si la convention des Nations-Unies constituait un instrument de contrôle subsidiaire, et non pas une norme à respecter : sous la pression nationale, ou internationale des normes européennes, les dispositions réglementaires évoluent vers une plus grande égalité entre les hommes et les femmes, ce dont on peut ultérieurement se féliciter auprès des Nations-Unies.

38Les normes des Nations-Unies en matière de protection sociale ne sont pas les moteurs de changement de notre système de sécurité sociale. De portée universelle, elles sont cependant précises dans les garanties qu’elles offrent à l’individu citoyen, et non pas seulement au travailleur. Si le niveau des prestations qu’elles garantissent, et le caractère programmatoire des droits qu’elles concèdent empêchent ces normes d’être actuellement déterminantes, rien n’indique que dans un contexte où les États chercheraient, pour des raisons budgétaires ou autres, à réduire le niveau des prestations sociales, et où la juridicité des droits qu’elles offrent (donc leur caractère contraignant) serait reconnue, les normes des Nations-Unies ne puissent devenir d’efficaces instruments de préservation des droits sociaux minimum de l’individu. En effet, le poids symbolique qui est attaché à ces instruments est très important, non moins que l’autorité dont disposent les Nations-Unies pour les faire accepter et respecter. À ce niveau, le Pacte des droits économiques, sociaux et culturels est potentiellement chargé d’une aura qui s’apparente à celle de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Le Fonds monétaire international – FMI et la Banque internationale de reconstruction et de développement – BIRD (Banque mondiale)

39Créés en 1944 à Bretton Woods dans le souci d’éviter une répétition de la crise des années trente, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale n’édictent évidemment pas de normes de protection sociale au sens juridique du terme. Cependant, à travers l’effort de coordination des politiques financières des États membres qu’il maintient, le Fonds peut influencer significativement les budgets consacrés à la protection sociale par les États membres. D’autre part, à travers les recommandations plus générales émises par le FMI, ce sont les orientations de la politique sociale elles-mêmes qui sont susceptibles d’être influencées. Quant à la Banque mondiale, à l’instar de l’OCDE, elle choisit de publier des études. Cependant, le FMI et la Banque mondiale ont naturellement une orientation plus mondialiste que l’OCDE, et dirigent leurs recommandations plutôt vers les pays en développement et ceux qui font appel à leur aide. Ils sont donc moins présents sur la scène européenne. Cependant, au moins annuellement, le FMI adresse à la Belgique son évaluation de la situation économique et financière du pays. Il semble que celui-ci soit rédigé souvent en étroite collaboration avec les autorités belges [42]. Le dernier en date, fin novembre 1997, engageait la Belgique à poursuivre la réduction du déficit budgétaire bien au-delà des critères de Maastricht, et à continuer les réformes de sécurité sociale, avant de songer à relâcher la pression fiscale.

40Les conférences annuelles du FMI qui se tiennent à Washington accordent tout naturellement une place prépondérante au principal bailleur de fonds que sont les États-Unis. C’est ainsi qu’en 1996 par exemple, l’allocution d’ouverture du vice-président Al Gore se félicitait du rapprochement de l’état de l’économie mondiale avec les objectifs définis à Bretton Woods : faible inflation et ouverture totale des marchés, tout en critiquant les obstacles que constituaient des règlements inutiles entravant l’initiative privée et l’efficacité. L’intervention du président du conseil des gouverneurs, le Chilien Eduardo Aninat, soulignait lui l’urgente nécessité de procéder à des réformes structurelles des systèmes de sécurité sociale, qui accordaient « trop de bénéfices à trop de personnes » [43]. À titre d’exemple, en septembre 1996, le comité intérimaire du FMI, présidé par le ministre des Finances Philippe Maystadt, formula des recommandations en matière de politiques financière et budgétaire qui mentionnaient explicitement une réduction des dépenses non productives et une réforme des systèmes de pension et de soins de santé [44]. En réalité, dès la création du FMI en 1944, les Belges (Camille Gutt en particulier), qui l’avaient activement supporté, se sont déclarés résolument en faveur d’une libéralisation totale des échanges, politique qu’ils ont d’ailleurs défendue dans les instances européennes également. Que cette orientation de politique commerciale, naturelle pour un pays dont l’économie dépend largement des exportations, puisse devenir difficilement compatible avec un système de protection sociale parmi les plus développés d’Europe ne semble pas être considéré attentivement par les responsables politiques.

41D’une manière générale, néanmoins, la Belgique n’étant pas parmi les pays qui font appel aux ressources du FMI, elle n’est pas soumise aux conditions d’octroi de celles-ci, en matière de politiques budgétaires ou financières [45]. D’autre part, étant un petit pays, une économie qui a peu d’influence sur la situation mondiale, la Belgique ne reçoit que peu d’attention du FMI. Chaque année, en application de l’article IV des statuts, le Fonds engage une consultation bilatérale avec la Belgique comme avec chacun des 182 États membres. Cependant, les résultats ne sont le plus souvent pas jugés suffisamment intéressants pour être publiés dans les rapports annuels du FMI. Une phrase lapidaire dans le rapport annuel de 1994 se contentait de stigmatiser la nécessité d’effectuer une consolidation fiscale et de s’attaquer au problème du chômage structurel [46].

42Les options politiques générales du Fonds sont bien connues. Depuis le début des années 1990, s’égrènent les mêmes recommandations à l’égard des pays d’Europe occidentale. En ce qui concerne la protection sociale, les rapports et les comptes rendus des conférences du FMI parlent de flexibilité accrue du marché de l’emploi, de réformes structurelles de la sécurité sociale (particulièrement des régimes de pension et d’assurance maladie), de dérégulations et de désengagement de l’État en général.

43Parmi les normes émises par la Banque mondiale, il y a par exemple une étude de 1994 consacrée au financement des régimes publics de pension, qui prônait ouvertement l’abandon d’un système de répartition, devenu impossible à conserver en raison de l’évolution démographique, et l’adoption généralisée d’un système de capitalisation [47]. Plus récemment, l’expert du FMI délégué au colloque du Bureau fédéral du plan consacré au vieillissement démographique, s’est empressé de confirmer les prévisions les plus alarmistes. Ce faisant, B. Turtelboom a souligné qu’une réforme du système de sécurité sociale allait devenir politiquement nécessaire : les jeunes générations n’étant plus prêtes à financer leurs aînés, sans recevoir de garanties quant au retour de leur investissement [48]. Cette analyse d’un expert néerlandais du FMI rejoignait celle de son collègue américain de l’OCDE.

44Si peut se dégager l’impression nette que le Fonds, tout acquis au néolibéralisme anglo-saxon, ne peut être perçu comme le champion du respect des droits sociaux, il faut cependant remarquer qu’à la fin des années 1980, le FMI a revu à la baisse ses exigences en matière d’application stricte des programmes d’ajustements structurels – PAS imposés aux pays en difficulté qui avaient besoin de son aide. Était-ce cependant suffisant pour que M. Camdessus, le directeur général du FMI, souligne, à l’occasion des 75 ans de l’OIT, que les deux organisations poursuivaient le même objectif, à savoir un « climat de prospérité générale, équitablement partagée » et que « le FMI a le souci de la dimension sociale d’une croissance économique de haute qualité » [49] ?

45Les normes du FMI en matière de protection sociale sont moins explicites que celles de l’OCDE (tout au moins pour les pays industrialisés). La force contraignante de ces normes, pour la Belgique dans les circonstances actuelles, est évidemment faible. Mais, tout comme les recommandations de l’OCDE, les positions du FMI peuvent constituer un moteur d’évolution des opinions des responsables politiques, ou, à tout le moins, une justification des décisions qu’ils peuvent être amenés à prendre. Force est de constater que l’orientation de la politique sociale en Belgique s’engage, lentement, dans la voie préconisée par le FMI et l’OCDE, sans qu’il soit aisé de distinguer ici la cause de la conséquence.

L’Organisation de coopération et de développement économiques – OCDE

46L’OCDE est elle aussi une organisation intergouvernementale née de la victoire alliée de 1945. L’Organisation européenne de coopération économique – OECE a en effet été créée sous la pression américaine pour coordonner l’aide que les États-Unis s’apprêtaient à octroyer à l’Europe dans le cadre du Plan Marshall. À l’expiration de celui-ci, elle s’est transformée en Organisation de coopération et de développement économiques – OCDE ouverte à tous les pays industrialisés, dont le but est la coordination des politiques économiques des États membres en vue de stimuler la croissance (1961). Théoriquement, elle ne dispose pas de pouvoir décisionnel, et se contente de produire des recommandations en matière de politique économique et financière dans le cadre des études qu’elle réalise et publie, en collaboration avec les États membres.

47La Belgique, en tant qu’État membre, contribue à la gestion et au financement de l’OCDE, basé à Paris. Il semble cependant qu’elle ne « place » guère d’experts dans le cadre de l’OCDE : l’organisation recrute essentiellement dans les pays anglo-saxons. D’autre part, la Belgique dispose auprès de l’OCDE d’une représentation permanente qui a rang d’ambassade.

48Les études de l’OCDE sont rédigées sur base des éléments fournis par la Belgique aux experts de l’organisation qui viennent également directement visiter les administrations. Selon certaines sources, l’OCDE est un organisme totalement indépendant, et pour le moment gagné dans une large mesure au libéralisme anglo-saxon ; pour d’autres, les experts de l’OCDE tiennent très largement compte des remarques formulées en Belgique, à telle enseigne que les conclusions de l’OCDE sont attendues et utilisées avec profit en Belgique. Dans ce dernier cas de figure, il serait tentant de penser que l’OCDE est susceptible de servir de « paravent » derrière lequel pourrait s’abriter un gouvernement pour prendre des décisions impopulaires [50].

49Semblables interprétations divergentes se retrouvent à propos du degré d’influence, ou de force contraignante que revêtent les normes de l’OCDE. D’aucuns pensent que les études assorties de recommandations de l’organisation peuvent aisément être ignorées, et ne charrient guère plus de poids qu’une étude réalisée par une institution scientifique quelconque, alors que d’autres critiquent une « inféodation » des politiques belges aux « diktats » de l’OCDE. Il est difficile ici de trancher. Cependant, quelques indices peuvent être relevés : en particulier, la très haute « visibilité » de l’OCDE, qui va grandissant, et dont témoigne, par exemple, l’attention réservée dans la presse aux dernières études économiques concernant la Belgique ou à la récente négociation du projet d’accord multilatéral sur l’investissement – AMI au sein de l’OCDE [51]. D’autre part, et ce n’est probablement pas surprenant, les opinions face à l’OCDE s’organisent quelquefois selon un clivage politique.

50Deux types de normes émanant de l’OCDE seront ici considérées : celles qui sont contenues dans les études que l’organisation consacre, annuellement ou tous les deux ans, à la Belgique, et celles que renferment quelques études spécifiques de l’organisation consacrées aux politiques de l’emploi et au vieillissement démographique. Enfin, quelques lignes seront consacrées aux recommandations de l’OCDE en matière de lien entre la libération mondiale des échanges commerciaux et le respect des normes de travail internationales.

51Au niveau des Études économiques, qui constituent sans doute les documents les plus lus, ou à tous le moins, ceux auxquels il est fait le plus largement écho, seront considérées les quatre dernières : celles de 1992, 1994, 1995 et 1997.

52L’étude de 1992 stigmatise les perspectives médiocres de l’économie belge. Montrant un grand scepticisme quant à la capacité de la Belgique de remplir les critères définis à Maastricht pour satisfaire aux conditions de l’Union économique et monétaire, l’OCDE propose : « De par leur générosité, les transferts des administrations publiques aux ménages sont peut-être le principal domaine où des économies appréciables pourraient être réalisées » [52]. En effet, selon l’OCDE, il suffit de ramener ces transferts au niveau européen moyen pour réduire le déficit budgétaire au niveau demandé par Maastricht [53]. Deuxième préoccupation de l’organisation, le taux de chômage est attribué, dans l’ordre, au coût trop élevé de la main-d’œuvre, à une indemnisation trop généreuse, et au manque de formation [54].

53L’étude de 1994 constate que la situation belge est plus grave qu’elle ne l’avait envisagée dans son étude de 1992 ! Cependant, la politique économique globale est approuvée : les objectifs de réduction du déficit budgétaire et de la dette publique en relation avec le PIB conjugués à l’augmentation du chômage ont amené le gouvernement à chercher à augmenter la flexibilité du marché du travail et à contrôler les dépenses de sécurité sociale [55]. L’organisation salue ainsi la loi de sauvegarde de la compétitivité et l’avis du Conseil central de l’économie de mars 1993 qui constate une érosion de la compétitivité des entreprises belges largement imputable au coût élevé du travail. Cependant, selon l’OCDE, c’est nettement insuffisant. En particulier, l’organisation critique la juxtaposition des différents niveaux de négociations sociales en matière de formation des salaires (national, sectoriel, entreprises) concluant que « quelque part on finit toujours par augmenter » [56]. L’étude prône une réforme drastique de la sécurité sociale, particulièrement l’assurance chômage. De plus, l’étude de 1994 comprend également un large chapitre réservé à l’impact du vieillissement de la population, qui entraînera automatiquement une augmentation des dépenses sociales. Si pour les soins de santé, l’impact ne devait pas être trop important (et cependant le système où le patient a le libre choix du praticien mais où les dépenses de santé sont financées par l’État est désapprouvé car il conduit inexorablement à l’emballement de la consommation), la situation des pensions devrait rapidement devenir catastrophique.

54En 1995, une nouvelle étude consacrée par l’OCDE à la Belgique et au Luxembourg fut l’occasion de répéter la même ordonnance : « des mesures structurelles doivent être prises à l’égard des transferts sociaux (…) assouplissement de la législation (…) allégement de la réglementation concernant l’embauche et le licenciement (…) moindre générosité des programmes de protection sociale »[57].

55L’étude de 1997 se situa dans la droite ligne des précédentes. Il faut remarquer que cette fois, il y est ouvertement question de « recommandations » et non plus de « conclusions ». La première préoccupation de l’OCDE est toujours le cadre macro-économique. Par la suite, elle s’attaque au problème de la politique de l’emploi, enfin à d’autres questions de protection sociale. Si la Belgique a engrangé des « résultats remarquables sur le plan macro-économique » [58], les réformes structurelles sont jugées insuffisantes et en particulier « la nouvelle loi sur l’emploi et la compétitivité reflète la tendance traditionnelle de la Belgique à mettre l’accent sur la compétitivité internationale et non sur les rigidités structurelles qui sont au cœur du problème » [59].

56La publication de l’étude 1997 fut saluée d’une salve de critiques plus fortes que les précédentes, en particulier de la part des syndicats, qui refusaient les recommandations de l’OCDE de « réduire les transferts sociaux, d’accroître la flexibilité du marché du travail et d’accepter une croissance des inégalités comme prérequis à la relance de la croissance » [60].

57La presse elle-même se montra féroce, ainsi que certains économistes. Tel le professeur Löwenthal (UCL) qui conclut sa carte blanche dans Le Soir par les mots suivants : « Allons, tout ce qui est excessif est insignifiant et nous avons de meilleures études que celles de l’OCDE à nous mettre sous la dent » [61]. Dans un autre sens, en juin 1997, le sénateur P. Hatry demanda au vice-Premier ministre et ministre de l’Économie E. Di Rupo, des explications à propos « du mépris et des marques de dérision avec lesquels le gouvernement avait accueilli le récent rapport de l’OCDE ». Soulignant que d’habitude, les rapports « élaborés après une large concertation avec les autorités belges » étaient bien accueillis, le sénateur s’indigne des écarts de langage à propos de « la qualité d’un rapport plein de considérations de bon sens en matière économique et sociale ». La réponse du vice-Premier ministre reproche à l’OCDE « de faire fi du choix que notre société a toujours fait d’une dimension sociale par rapport à l’économie de marché » [62]. Il y a là un clivage qui semble plutôt idéologique, indiquant que les opinions de l’OCDE ne se situent pas au-delà des choix politiques auxquels sont confrontés les gouvernements.

58D’autres responsables ont également critiqué la dernière « livraison OCDE », au nombre desquels le secrétaire général du Ministère de l’Emploi et du Travail, Michel Jadot, qui soulignait le caractère proprement normatif des recommandations formulées par l’OCDE : « Qu’on le veuille ou non, à travers cet exercice, les instances internationales finissent par édicter un certain nombre de normes pour la conduite des politiques sociales internationales. Pas des normes sociales minimum au sens de l’OIT mais bien un modèle de fonctionnement du marché du travail qui peut s’apparenter à une norme sensiblement contraignante pour la définition des politiques sociales. » [63]

59Remarquant également que les analyses développées au sein de l’Union européenne tendaient à se rapprocher de celles de l’OCDE, le secrétaire général s’inquiétait : « Nombreux sont ceux qui continuent à opposer le modèle européen à un modèle anglo-saxon. Aussi le constat d’une convergence des analyses développées au sein de l’OCDE et de l’Union européenne n’est-il pas sans susciter un certain malaise. Si c’est le cas, en effet, que resterait-il des spécificités du modèle européen qu’on associe volontiers à l’importance de la place réservée aux mécanismes de solidarité qui sont au cœur même des traditions sociales en Belgique ? » [64]

60Les prévisions alarmistes de l’organisation au niveau des pensions ont été mentionnées ci-dessus dans le cadre de l’examen de l’étude de l’OCDE sur la Belgique de 1994. Elles se trouvaient déjà exprimées dans une étude spécifique de 1988 [65] ; l’organisation y préconisait la réforme urgente des régimes publiques de pensions selon trois pistes : une diminution du montant initial des pensions octroyées, une réduction de l’indexation de celles-ci, enfin un relèvement de l’âge moyen de la prise de la pension. Constatant que des réformes étaient déjà en chantier dans de nombreux pays membres, l’organisation les considérait comme très insuffisantes, et réfutait les prévisions de certains analystes selon lesquelles l’augmentation des dépenses en matière de retraites allait s’accompagner d’une diminution de celles d’autres programmes en raison précisément de la diminution du nombre de jeunes. Selon l’OCDE, l’effet n’en sera pas suffisant pour assurer une possible compensation [66]. Presque dix années plus tard, et alors qu’en Belgique le ministre Colla vient de mettre la dernière main à la réforme des pensions, se tint à Bruxelles un colloque à l’initiative du Bureau fédéral du plan consacré précisément à l’impact du vieillissement démographique. L’expert de l’OCDE (comme son collègue mandaté par le FMI) y tint un discours alarmiste, et fort semblable à celui que l’étude de l’OCDE de 1988 tenait déjà : le vieillissement de la population induira une augmentation des dépenses de sécurité sociale de l’ordre de 6 % du PIB vers 2010 qu’il sera impossible de supporter [67]. La contradiction est patente entre les thèses de l’OCDE et celles du Bureau fédéral du plan reprises par le gouvernement (celles de la Commission européenne n’en diffèrent pas notablement puisqu’elles sont basées sur les chiffres du Bureau fédéral du plan) : l’augmentation des dépenses sera beaucoup plus faible, de l’ordre de 2 % du PIB, compensée partiellement par la baisse des dépenses dans les secteurs du chômage et des prestations familiales, et financée aisément grâce à l’apurement de la dette publique [68]. Ces analyses radicalement différentes, jointes à l’apparente désapprobation dans laquelle fut tenu le représentant de l’OCDE lors de ce colloque fournissent un exemple de cas où cette organisation ne semble pas trouver de large audience.

61Si l’Organisation mondiale du commerce a virtuellement renoncé à inclure des clauses dites « sociales » dans les traités de commerce (à Singapour en décembre 1996), la question du lien entre libre-échange et respect des normes de travail est, elle, restée d’actualité. Un consensus s’est dégagé pour renvoyer à l’Organisation internationale du travail le soin d’établir et de faire respecter des clauses relatives aux conditions de travail, évacuant ainsi le lien direct entre contrat commercial et contrat social que certains, dont des Belges, avaient voulu se faire les promoteurs. Cette question a été brièvement évoquée dans le paragraphe consacré à l’OIT. Deux raisons essentiellement justifient l’inclusion de clauses sociales dans les accords commerciaux : l’une est opportuniste, puisqu’elle vise à se garantir d’une concurrence « déloyale » des pays qui ne seraient pas soumis aux respects de normes de travail contraignantes. L’autre est plutôt d’essence morale, puisqu’elle considère la nécessité de respecter des conditions de travail décentes comme une valeur souhaitable, sans qu’il soit tout à fait possible de discerner le poids de chacun de ces motifs dans les attitudes des uns et des autres.

62L’OCDE n’était peut-être pas très préoccupée ni par l’une ni par l’autre de ces raisons ; semble en témoigner la publication qu’elle a réalisée de l’étude d’un professeur d’économie de Stanford afin de contribuer aux éléments du débat à l’OMC. Défendant le libre-échange, le texte pose le problème dans les termes suivants : « Une absence totale de production vaut-elle mieux qu’une production utilisant des “moyens illégitimes” ? » [69] Considérant les droits des travailleurs, tels qu’énoncés dans des instruments comme la Charte sociale de l’Union européenne, totalement inapplicables dans les pays moins développés, rappelant avec le ministre américain du Travail Robert Reich que ces pays doivent avant tout vendre leurs produits, l’OCDE limite les droits fondamentaux des travailleurs à ceux-ci : interdiction de l’esclavage, information aussi complète que possible sur les risques pour la sécurité et la santé sur le lieu de travail, interdiction du travail excessif des enfants lorsque la situation financière des familles le permet, et enfin, la liberté d’association [70]. La remarque qui conclut la version résumée de l’étude est la suivante : « Si nous, Occidentaux, pensons réellement que tous les travailleurs du Tiers-Monde devraient bénéficier des mêmes normes de travail que ceux de nos pays, et si nous sommes effectivement prêts à donner aux autres les mêmes chances que celles que nous avons, alors ouvrons nos frontières et laissons partout les travailleurs rechercher les meilleures nomes de travail qu’ils puissent trouver dans le monde, où qu’elles existent. Sinon, retenons-nous un peu plus de donner aux autres notre opinion sur ce qu’ils doivent faire. » [71]

63Cela ressemble à une illustration de la doctrine néo-libérale et libre-échangiste chère aux anglo-saxons. Dans quelle mesure des « normes » telles que celles-là sont-elles susceptibles d’influencer la protection des travailleurs belges ? Au niveau sécurité sociale, en tout cas, l’impact ne saurait être immédiat. En effet, ce n’est pas tant une comparaison défavorable du coût de la main-d’œuvre belge avec celle des pays tiers-mondistes qu’avec celle de nos voisins qui risque d’être déterminante ! Cependant, les faibles coûts de production imputables à des conditions de travail défavorables dans certains pays asiatiques ou bien la flexibilité américaine qui renforce indubitablement la compétitivité des entreprises américaines peuvent déforcer l’économie européenne qui se verrait dans l’obligation de revoir son niveau de protection sociale à la baisse pour faire face à la concurrence. Faut-il considérer qu’il s’agit là d’une menace, et si c’en est une, est-elle correctement perçue par les décideurs politiques de notre pays ? Ou au contraire, la mondialisation de l’économie, en forçant notre système de protection sociale à la baisse constitue-t-elle une providence budgétaire pour un État condamné sinon à la faillite par suite notamment de l’évolution démographique ?

64Les recommandations de l’OCDE se présentent comme l’opinion unanime de l’organisation alors que celle-ci se compose de vingt-deux pays dont les orientations politiques sont très différentes. Elles sont également, théoriquement, non contraignantes. Les opinions diffèrent en la matière, même si les experts belges s’accordent généralement à dire qu’il est dommage qu’au niveau politique, plus d’attention ne soit pas accordée à une organisation que l’on considère souvent comme un simple « bureau d’études ». Il convient de noter l’ambiguïté du fait que la Belgique (et les autres pays membres de l’OCDE) dispose à Paris d’une représentation permanente ayant rang d’ambassade, auprès d’un organisme qualifié fréquemment de simple bureau d’études. Il faut souligner d’autre part que les études de l’OCDE, ainsi que ses autres publications périodiques (les Perspectives économiques, les Statistiques financières mensuelles, etc.) ont acquis une réelle notoriété : on les retrouve, en libre accès, dans la plupart des bibliothèques d’un certain niveau, elles sont utilisées largement par les étudiants en sciences économiques. Ainsi, l’influence des normes de l’OCDE à travers des secteurs d’information du public et des futurs responsables n’est sans doute pas à négliger.

Le Conseil de l’Europe – CE

65Le cadre européen, parce qu’il réunit des pays de niveaux de protection sociale comparables, s’est révélé un terrain plus fertile pour l’adoption de normes internationales en matière de politique sociale. Première institution créée dans un but d’intégration européenne au lendemain de la seconde guerre mondiale (1949), le Conseil de l’Europe a produit, en matière de protection sociale, des normes de deux types. Les premières, de portée limitée, concernent la libre circulation des travailleurs en matière de sécurité sociale. Citons les accords intérimaires de 1953 et la Convention européenne de sécurité sociale de 1972. Les secondes, de portée générale, énoncent des droits sociaux fondamentaux ; il s’agit de la Charte sociale européenne, dite Charte de Turin (1961) et du Code européen de sécurité sociale de 1964, pour lequel a été adoptée une version révisée en 1990.

Les accords intérimaires et la Convention européenne de sécurité sociale

66En 1953, deux accords dits « intérimaires » furent conclus au sein du Conseil de l’Europe dont le but, en attendant la conclusion d’une convention, était d’assurer l’égalité de traitement entre les ressortissants des pays membres, bien que les États demeurassent libres de subordonner l’octroi de prestations non contributives à certaines conditions. La Belgique demanda et obtint, de conserver des exceptions en ce qui concerne le revenu garanti aux personnes âgées et l’allocation aux handicapés. Les accords furent ratifiés par la loi du 26 mars 1957. Simultanément fut conclue la Convention européenne d’assistance sociale et médicale qui prévoit de faire bénéficier de l’aide sociale et des soins médicaux les ressortissants de tous les États contractants qui sont légalement présents sur le territoire d’un État, et qui fut ratifiée par la loi du 4 juillet 1956.

67Les accords intérimaires ont été remplacés, pour les États qui l’ont ratifiée, par la Convention européenne de sécurité sociale de 1972. Cette Convention établit quelques principes généraux : égalité de traitement (bien que des exceptions subsistent pour les prestations à caractère non contributif), totalisation des périodes d’assurance, application de la législation de l’État où s’exerce l’activité professionnelle. Les dispositions particulières doivent faire l’objet d’accords complémentaires bilatéraux ou multilatéraux. Cette Convention a été ratifiée par la Belgique le 2 septembre 1985, sans qu’une raison particulière soit avancée pour justifier ce long délai. Le vote fut acquis à l’unanimité tant à la Chambre qu’au Sénat et ne donna lieu à aucune discussion [72].

68Les accords intérimaires et la Convention constituent des normes précises et contraignantes, parce que ratifiées, mais dont le seul effet est d’élargir le nombre potentiel de bénéficiaires des prestations de sécurité sociale. Comme ces instruments sont basés sur la réciprocité, seul un travail statistique minutieux serait à même de déterminer quelles ont été les conséquences éventuelles de l’adoption de ces instruments.

La Charte sociale européenne

69D’une toute autre nature est la Charte sociale européenne de 1961, dite Charte de Turin. Son objet dépasse évidemment le champ de la sécurité sociale et l’Organisation internationale du travail a contribué à sa rédaction. Elle se veut le pendant de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales de 1950, tout comme le Pacte des Nations-Unies relatif aux droits économiques, sociaux et culturels l’est du Pacte des droits civils et politiques. Elle énumère toute une série de droits sociaux qu’elle vise à garantir pour les travailleurs : droit au plein emploi, droit à la sécurité sociale, droit à la liberté syndicale, etc. En cela, la Charte est en retrait par rapport au Pacte de l’ONU, qui considérait, lui, l’individu en tant que citoyen, même si elle reconnaît d’autre part le droit à l’assistance sociale et médicale pour toute personne démunie de ressources.

70La ratification de la Charte sociale du Conseil de l’Europe n’est intervenue en Belgique qu’en 1990, au terme d’un processus politico-administratif complexe. En effet, la première procédure fut entamée en 1964, et la Charte soumise au Conseil des ministres cette année-là, puis l’année suivante, enfin en 1966 où la crise gouvernementale interrompit son examen. Ressortie des tiroirs en 1973, elle fit naître quelque inquiétude au Ministère de la Fonction publique, l’article 6 garantissant le droit de grève à tous les travailleurs. Les discussions autour de ce point durèrent jusqu’en 1987, lorsque l’on décida que la Belgique ferait une déclaration à l’effet de ne pas appliquer l’article 6, §4, aux travailleurs de la Fonction publique, ainsi que l’avaient déjà fait les Pays-Bas [73]. Cette discussion était d’autant plus inutile que la Charte prévoyait expressément la possibilité de ne ratifier qu’un nombre limité d’articles (article 20). Peut-être les gouvernements successifs ont-ils considéré que ne ratifier la Charte que partiellement serait du plus mauvais effet ? Finalement, l’intégralité de la Charte fut adoptée à la Chambre le 15 mai 1990 (138 oui, 3 non, 1 abstention) et au Sénat le 5 juin 1990 (117 oui, un non « par erreur »). Plusieurs parlementaires soulignèrent qu’un tel retard mis à la ratification était inacceptable, et d’autres s’inquiétèrent de la ratification de la Charte sociale européenne, qui venait d’être adoptée en décembre 1989, soulignant combien les instruments des Communautés européennes étaient plus importants que ceux du Conseil de l’Europe. Dans ce cas précis, ils avaient tort : la Charte sociale européenne (Charte de Turin) est plus contraignante que la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs (Charte de Strasbourg) qui n’est qu’une simple déclaration.

71Le destin de la Charte de Turin illustre, en réalité, un relatif désintérêt de l’autorité gouvernementale et du Parlement pour ce type d’instruments internationaux, dont la ratification n’offre, selon eux, qu’une portée symbolique.

Le Code européen de sécurité sociale

72Autre instrument du Conseil de l’Europe qui énumère les droits sociaux de l’individu, le Code européen de sécurité sociale de 1964 vise à harmoniser autant que possible les systèmes de sécurité sociale des différents États et à promouvoir le développement des systèmes nationaux de sécurité sociale au-delà des normes demandées par la convention n°102 de l’OIT. Le code reprend les neuf branches de la convention n°102 en réclamant des pourcentages de population protégées identiques, mais réclame la ratification de dispositions pour six branches au lieu de trois. Selon l’exposé des motifs du projet de loi portant ratification du code déposé au Parlement, « Puisque la Belgique a ratifié la convention n°102 dans sa teneur intégrale et comme le niveau des prestations est identique pour ladite convention et pour l’instrument du Conseil de l’Europe, rien ne s’oppose à ce que le Code européen soit adopté dans son intégralité. » [74] Cependant, la commission des Affaires étrangères de la Chambre estima nécessaire de demander l’avis de la commission de la Prévoyance sociale, au sein de laquelle on s’inquiéta de possibles répercussions, craignant que « le gouvernement prenne prétexte des normes moins favorables du code européen pour revoir celles d’application chez nous » [75].

73C’est sans doute là une des premières expressions de la préoccupation concernant un possible effet négatif, de « nivellement par le bas » des instruments internationaux de protection sociale. D’autres remarques furent faites pour demander la ratification de la Charte sociale de Turin, qui était pendante à l’époque, ou pour demander que l’intégration des politiques sociales soit poursuivie au niveau de la Communauté européenne. La ratification fut acquise à la Chambre par 170 voix contre 5, et par un vote unanime au Sénat [76]. D’autre part, la Belgique fut le troisième pays à ratifier le protocole du Code, qui établit des niveaux de protection plus élevés et ne fut pas ratifié par la majorité des membres du Conseil.

74Les normes du Conseil de l’Europe sont des instruments contraignants, une fois ratifiés, spécifiques et adaptés au niveau de protection sociale en Europe. Le Bureau international du travail intervient au niveau du contrôle de l’application du Code européen de sécurité sociale. Récemment, il a formulé une remarque face à l’augmentation de la participation financière des bénéficiaires au coût des soins de santé, qui dépasse actuellement le seuil fatidique des 25 % prévus par le Code.

75Les instruments du Conseil qui visent à garantir le maintien des droits des ressortissants d’un pays qui travaillent dans un autre, en matière de sécurité sociale, n’ont qu’un impact limité : des exceptions sont prévues, certaines matières sont réglées directement par convention bilatérale, enfin il n’existe pas d’instance comparable à la Cour de justice des Communautés européennes pour assurer le respect et l’interprétation des dispositions.

76En ce qui concerne les instruments qui visent à garantir un socle de droits sociaux fondamentaux, la Charte de Turin même dans sa version révisée de 1996, n’offre que peu de garanties. En revanche, le Code européen de sécurité sociale, dans sa version révisée de 1990, qui n’est pas encore entrée en vigueur, constitue, en l’absence d’instruments comparables décidés et appliqués au sein de l’Union européenne, la garantie la plus sûre au niveau international du maintien d’un système de sécurité sociale de qualité.

L’Union européenne – UE

77Sous cet intitulé ont été regroupées des normes produites dans le passé par la Communauté européenne du charbon et de l’acier – CECA et la Communauté économique européenne – CEE, aujourd’hui par l’Union européenne – UE.

78Les normes produites au sein de l’Union européenne en matière de protection sociale sont essentiellement de quatre types : traités, règlements, directives et recommandations. Ils se distinguent par leur degré de force contraignante : élevé pour les articles de traité et les règlements (directement applicables), un peu moins élevé pour les directives (qui laissent à chaque État le libre choix des moyens à mettre en œuvre pour atteindre des objectifs définis dans un délai fixé), plus faible pour les recommandations (qui ne sont guère plus que des suggestions adressées aux gouvernements). Incidemment, il existe encore des déclarations, non contraignantes au sens juridique, et une foule d’autres normes qui peuvent être implicites et donc difficiles à détecter : ce sont les opinions exprimées par les études et les personnalités des institutions de l’Union, leur force contraignante étant fonction de leur nature : un « livre blanc » de la Commission semble parfois avoir une force contraignante supérieure à une résolution du Parlement européen, même si l’autorité de cette dernière institution tend à se renforcer.

79Au niveau des institutions sources de normes en matière de protection sociale au sein de l’Union [77], il convient de mentionner, outre la Commission, le Conseil européen, le Conseil des ministres, le Parlement, et la Cour de justice, le Comité économique et social. Composé de représentants des employeurs, des syndicats ainsi que de différents groupes d’intérêts (ex-consommateurs), ce qui constitue son originalité, il rend des avis au Conseil et à la Commission. Il ne s’agit donc là que d’un rôle purement consultatif. La Commission administrative pour la sécurité sociale des travailleurs migrants, instituée par le règlement CEE n°3, a vu son rôle confirmé par le règlement 1408/71 ; elle se compose d’un représentant gouvernemental de chaque État membre assisté d’experts. Elle bénéficie de l’assistance du Bureau international du travail. Si sa tâche première est d’assurer l’application des règlements sur le plan administratif, elle a également pour mission d’interpréter ceux-ci et de formuler des propositions de modifications au Conseil. Parallèlement, le Comité consultatif pour la sécurité sociale des travailleurs migrants, de composition tripartite gouvernements-employeurs-travailleurs, est chargé d’émettre des avis (normes non contraignantes) à propos de l’application des règlements. Les niveaux de pouvoir ou de prise de décision sont donc variés. L’Union européenne présente en vérité plusieurs aspects : celui d’une autorité internationale (essentiellement au niveau de la Commission), celui d’une organisation intergouvernementale (Conseil), celui d’un embryon d’État fédéral européen (Parlement) et celui d’une arène de discussion (toutes les institutions et leurs subdivisions), le tout constituant une machinerie très complexe.

80Dans un bref parcours de l’évolution de la politique européenne en matière de sécurité sociale, nous allons examiner des normes issues de ces différentes institutions. Elles sont nombreuses, nonobstant la vision, répandue, d’une Europe intégrée économiquement et financièrement qui aurait laissé le social de cote.

81L’idée fondamentale de l’intégration européenne après la seconde guerre mondiale était politique ; il s’agissait d’empêcher un conflit identique à ceux qui venaient de mettre l’Europe à feu et à sang deux fois en vingt-cinq ans, et très concrètement d’assurer une réconciliation franco-allemande. Cette intégration de l’Europe a été voulue et tentée par les Américains : l’Organisation européenne de coopération économique – OECE ne fut créée que grâce à la pression américaine. Revêtant un aspect exclusivement européen qui le rendait plus facilement acceptable à l’opinion publique, le plan Schuman avait pour objectif explicite la réconciliation franco-allemande et le début d’une intégration européenne par le biais d’une communauté économique dans deux secteurs cruciaux de l’industrie européenne : le charbon et l’acier. L’ironie de l’histoire, en l’occurrence, est que cet aspect économique va prendre le dessus et devenir une finalité en elle-même du processus d’intégration européenne. Des fragments de souveraineté ne seront abandonnés que pour servir à la réalisation du marché unique. Ainsi, la politique sociale de l’Union européenne aura-t-elle tendance elle aussi à n’exister que dans la mesure où elle sert les intérêts de l’intégration économique et monétaire [78].

Le Traité CECA et le Traité de Rome

82Le premier traité européen, l’acte fondateur de la Communauté européenne du charbon et de l’acier signé en 1951, comportait déjà un article susceptible d’exercer une influence sur les régimes de sécurité sociale : si l’article 2 se contentait d’assurer des objectifs de « relèvement du niveau de vie » et de « développement de l’emploi », la libre circulation des travailleurs du charbon et de l’acier était assurée par l’article 69, ce qui impliquait un minimum de coordination au niveau des régimes de sécurité sociale les concernant. Cet article constitue évidemment une norme contraignante, le Traité ayant été ratifié par le Parlement. A ce propos, signalons que cette dernière n’était pas acquise : au Sénat, en particulier, il y eut un nombre élevé d’abstentions (58, pour 4 votes négatifs et 102 votes positifs). Dans le contexte de l’époque, il n’est guère surprenant que les implications de la libre circulation des travailleurs du charbon et de l’acier pour la sécurité sociale n’aient pas été l’enjeu des débats. L’accueil chaleureux réservé par de nombreux politiques au Traité contrastait avec les inquiétudes du patronat, et particulièrement avec les opinions négatives de Fédéchar (la fédération charbonnière de Belgique) et du Comité de la sidérurgie. Cette opposition concernait des aspects purement économiques.

83D’emblée, la coordination des régimes de sécurité sociale est ainsi appelée à se dérouler au nom de la libre circulation des travailleurs. Celle-ci constituera pendant plusieurs années le principal point d’appui de toute initiative en la matière du marché commun également [79].

84En 1957, le Traité de Rome qui institue la Communauté économique européenne, conserve des objectifs de progrès économique et social (préambule), de relèvement du niveau de vie (article 2) et le principe de la liberté de déplacement. Il institue notamment la libre circulation des travailleurs salariés par l’article 48. Cet article qui précise qu’il ne peut y avoir de discrimination fondée sur la nationalité entre travailleurs des États membres, en ce qui concerne les conditions de travail, implique évidemment la conservation des avantages de sécurité sociale aux travailleurs migrants. Aussi l’article 51 du même Traité prévoit-il l’élaboration de mesures en matière de totalisation des prestations et de maintien des droits. Les articles 52 et suivants concernent la libre circulation des travailleurs indépendants et les articles 59 et suivants la libre circulation des services. Remarquons que l’idée européenne ayant progressé, et les commissions CEE et Euratom ne présentant pas un caractère supranational aussi affirmé que celui de la Haute Autorité de la CECA, la ratification du Traité de Rome fut l’objet, au Parlement, de votes presque unanimes.

Les règlements relatifs aux travailleurs qui se déplacent

85Les articles consacrant la libre circulation des travailleurs salariés se sont concrétisés très rapidement par l’adoption des règlements n°3 et n°4 de 1958, pris « dans l’urgence » qui seront remplacés par les règlements 1408/71 et 574/72 en 1971, relatifs à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et non salariés et à leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la communauté. Il convient d’ajouter le règlement 1612/68 adopté trois ans plus tôt, relatif à la libre circulation des travailleurs salariés : il prévoit le droit de séjour, le droit à l’accès à l’emploi, et, surtout, l’égalité de traitement. Ces règlements sont des normes contraignantes puisqu’ils sont directement d’application dans les États membres. Cependant, ce sont souvent les arrêts de la Cour de justice européenne qui ont été, en interprétant les règlements, d’une manière que l’on qualifie souvent de « généreuse » ou d’« extensive », les moteurs de véritables changements dans les dispositions nationales. Nous allons donner de cela quelques exemples concernant la Belgique.

86Le règlement 1408/71 a pour effet direct en Belgique d’élargir le champ potentiel des bénéficiaires des prestations de sécurité sociale à tous les travailleurs salariés ressortissants d’un pays membre de la Communauté puis de l’Union européenne, en ce qui concerne les branches de la sécurité sociale auxquelles il est applicable : ce sont les prestations de maladie et de maternité, d’invalidité, de vieillesse et octroyées aux survivants, d’accidents de travail et maladies professionnelles, les allocations de décès, les prestations de chômage et les prestations familiales. Le règlement s’applique aux prestations contributives et non contributives, mais il exclut du champ de son application les prestations aux victimes de la guerre, les régimes spéciaux de la fonction publique, et, exclusion la plus significative, l’assistance sociale et médicale. C’est ainsi qu’au niveau belge, se trouvait exclus du champ d’application, notamment le revenu minimum garanti aux personnes âgées et le minimex. Mais, la Cour de justice a dans le premier cas, rattaché la prestation octroyée à une prestation de vieillesse [80], et dans le second, a qualifié le minimex d’avantage social, pour l’octroi duquel le règlement 1612/68 interdit la discrimination [81]. En réalité, la notion d’avantage social pour lequel le règlement 1612/68 prévoit l’égalité de traitement a été systématiquement invoquée par la Cour lorsque la prestation de sécurité sociale ne pouvait être rattachée à une des branches du règlement 1408/71 [82].

87En réalité, la Cour se prononce généralement à la suite d’une question préjudicielle que lui adresse un tribunal du travail belge ; rares sont les cas où l’arrêt de la Cour est consécutif à une action intentée par la Commission. C’est donc bien le particulier, qui choisit d’évoquer les règlements CEE devant une instance belge, qui en réfère ensuite à la Cour, qui réussit à induire une modification de la réglementation belge. Remarquons à ce propos qu’il ne semble pas toujours évident qu’un arrêt de la Cour de justice qui impose à un tribunal belge de donner droit à une requête individuelle se traduise immédiatement par une modification de la réglementation de la branche de sécurité sociale concernée.

88L’autre effet direct du règlement 1408/71 est de rendre les prestations exportables, ce qui se révèle avoir une influence certaine dans le cas des pensions (de nombreux retraités s’installent dans ion pays du sud de l’Europe, voire retournent dans ce pays dont ils sont ressortissants) ou des allocations familiales (certains travailleurs ont une famille à l’étranger). Il conviendrait sans doute de réaliser une étude statistique de l’impact réel de cette disposition, ce qui n’a pu être réalisé dans le cadre de cette étude exploratoire.

89Au niveau du bénéfice potentiel de ces règlements pour le citoyen de l’Union européenne, il faut souligner que ceux-ci ne sont d’une quelconque utilité que pour celui qui a le statut de travailleur et qui se déplace dans un autre pays de l’Union que celui dont il est ressortissant. C’est ainsi que les membres de la famille d’un travailleur migrant ne peuvent prétendre qu’aux prestations dérivées (qui sont octroyées en fonction du statut de travailleur du titulaire, pour qui les prestations dérivées constituent un avantage social) et non à un droit propre (c’est le cas en Belgique des allocations d’attente octroyées au jeune à la recherche de son premier emploi). D’autre part, il est arrivé (rarement) que la Cour entérine une discrimination à l’égard d’un étranger, ressortissant d’un pays qui n’est pas membre de l’Union. En effet, dans le cas de l’octroi d’une allocation pour handicapés, réservée en Belgique aux Belges (et, suite à une décision de la Cour de justice [83], aux ressortissants de l’Union) elle peut être refusée à un conjoint ressortissant d’un État tiers, marié à un citoyen de l’Union européenne, car elle ne serait pas accordée non plus si le conjoint était belge [84].

90La jurisprudence de la Cour vise à éliminer toute discrimination directe ou indirecte, entre le national et le travailleur migrant. Ainsi, imposer des conditions de résidence (cas en Belgique, par exemple, de l’octroi du revenu garanti aux personnes âgées après modification de la loi du 1er avril 1969 pour répondre aux exigences de la Cour) est également contraire à l’égalité de traitement [85]. D’une manière générale, la Cour tend à donner raison au travailleur le plus souvent possible. C’est évident dans le cadre des nombreux arrêts rendus en matière de cumul de pensions. Ce cumul est plafonné, et la Cour a estimé que le calcul était effectué une fois pour toutes, c’est-à-dire que si la pension étrangère versée au retraité qui réside en Belgique augmente suite à la conjoncture, le montant de la pension belge ne doit pas être recalculé [86].

91Il faut remarquer qu’en 1981 a été adopté le règlement 1390/81 qui concerne la sécurité sociale des travailleurs indépendants migrants, en application de la liberté d’établissement prévue par le Traité de Rome.

92Les règlements 1408/71 et 1612/68, associés aux décisions de la Cour de justice ont donc un impact réel sur la réglementation de sécurité sociale belge par le nombre des modifications qu’ils entraînent. Cependant, l’impact est faible si l’on considère la catégorie extrêmement restreinte des bénéficiaires : les travailleurs qui se déplacent au sein de l’Union. Peut-être cette considération explique-t-elle pourquoi l’influence de ces décisions européennes n’est guère discutée. Lors de modifications des règlements pour les mettre en conformité avec la jurisprudence européenne, ne semble pas se profiler d’opposition, ni dans l’administration, ni dans le monde politique, ni dans le public [87]. Les non-conformités de la législation belge, quand elles sont épinglées par la Commission européenne, procèdent souvent du simple oubli, quelquefois peut-être d’une crainte de l’impact budgétaire.

93Il fallut attendre 1974 pour que la Communauté européenne se dote d’une réelle politique sociale : ce fut le programme d’action sociale, sous forme de résolution du Conseil des ministres [88]. Cela se déroulait dans un contexte plus général de développement d’une idée d’Europe sociale, telle que défendue par la Confédération européenne des syndicats – CES ; celle-ci, dans son congrès de 1976, réclamait – déjà – une harmonisation vers le haut pour l’indemnisation du chômage [89].

La directive sur l’égalité entre les hommes et les femmes

94Désormais, seraient produites des normes qui n’auraient plus pour objectif premier d’assurer la libre-circulation des travailleurs, mais bien, directement, leur protection sociale. Ce programme avait trois objectifs ambitieux : le plein emploi, l’amélioration du niveau de vie, le progrès de la concertation sociale. Pour concrétiser ce programme, l’instrument choisi fut la directive. Pour la sécurité sociale, la directive du 19 décembre 1978 concernant l’égalité entre les hommes et les femmes dans le domaine de la sécurité sociale est particulièrement intéressante.

95Déjà, l’article 119 du Traité de Rome prévoyait l’égalité de rémunération entre hommes et femmes. Cependant, il fallut attendre les années 1970 pour que la Cour de justice commence à interpréter l’article de façon extensive, et pour que d’autres directives soient prises.

96En 1968, ce sont deux femmes belges qui donnèrent à la Cour de justice l’occasion d’élargir l’application de l’article 119. Il s’agit du fameux arrêt Defrenne, déclarant discriminatoire l’obligation faite par Sabena à ses hôtesses de l’air de changer d’emploi à 40 ans avec comme corollaire une baisse de salaire (une limite d’âge qui n’était pas imposée aux hommes) [90]. Il faut remarquer qu’il semble que le cas ait été soumis à la Cour en dépit de l’avis négatif des syndicats belges [91]. Par la suite en 1975, le principe de l’égalité de la rémunération dictera l’adoption de la convention collective de travail n°25 et de l’arrêté royal du 9 décembre 1975 [92].

97En ce qui concerne l’adoption des directives, l’Allemagne et le Royaume-Uni s’opposèrent longtemps à l’extension du principe de l’égalité de traitement à la sécurité sociale. La Belgique était, elle, dans le camp de ceux qui y étaient favorables [93]. La directive 79/7 sur l’égalité de traitement en matière de sécurité sociale fut finalement adoptée le 19 décembre 1978 [94] Elle interdit toute discrimination, directe ou indirecte, entre les hommes et les femmes en matière de sécurité sociale, et donne six ans (jusqu’au 23 décembre 1984) aux États pour se mettre en conformité avec les préceptes de la directive. Deux exceptions, essentiellement, sont consenties : la protection de la maternité, évidemment, et l’âge du droit à la pension [95].

98Se mettra alors en place un mécanisme analogue à celui observé en matière d’égalité de traitement pour les travailleurs migrants : la Cour de justice considérera la possibilité d’appliquer la directive 79/7 aux cas qui lui seront soumis ; à défaut, elle essaiera de reclasser un avantage social comme faisant partie de la rémunération ainsi que définie à l’article 119.

99Un exemple est le très connu arrêt Barber[96] : prépensionné à 52 ans, le dénommé Barber, de nationalité britannique, n’était pas éligible à une pension (régime professionnel), ce qui aurait été le cas s’il avait été une femme. La Cour jugea ce traitement illégal, car contraire à l’article 119. Elle assimilait de ce fait la pension au salaire, et l’arrêt induisit un véritable bouleversement dans les plans de pension, si bien qu’il fallut inclure un “protocole Barber” au Traité de Maastricht précisant que l’effet de l’arrêt n’était pas rétroactif.

100L’influence combinée de l’article 119 du Traité de Rome et de la directive 79/7 sur la réglementation belge est très importante, même si elle ne fut pas immédiate. C’est le cas par exemple en matière d’allocations de chômage : c’est un avis motivé de la Commission qui a entraîné la disparition de la catégorie « chef de ménage » [97]. C’est un processus toujours en cours : citons en exemple la réversibilité juridique du droit dérivé en matière de pension, qui fut acquise en 1984, alors qu’il fallut attendre la loi du 20 juillet 1991 pour que le taux ménage ne soit plus réservé aux hommes [98]. Le nouveau système, qui tient compte de l’existence ou non de « personnes à charge » a fait l’objet d’une procédure auprès de la Cour, qui a donné raison à la Belgique : « un tel système répond en effet à une préoccupation légitime de politique sociale (…) de sorte qu’il est justifié par des raisons étrangères à une discrimination fondée sur le sexe » [99]. Remarquons à propos de cet arrêt qu’il est motivé par une préoccupation sociale, et non pas par une volonté de faire progresser le droit communautaire, contrairement à une idée bien établie à propos de la justification de l’attitude de la Cour de justice.

101Si l’égalité entre nationaux et ressortissants européens (travailleurs qui se déplacent) a été assurée par un règlement, instrument contraignant car il est d’application directe, et ne nécessite pas l’approbation des instances nationales, naturellement réticentes, l’égalité entre hommes et femmes a fait, elle, l’objet d’une directive. Non contraignante en elle-même, elle est devenue directement « exécutoire » à l’expiration du délai imparti aux États pour se mettre en conformité avec elle, soit le 23 décembre 1984. C’est ainsi que cette directive peut être invoquée directement devant les tribunaux du travail belge, qui peuvent rendre un arrêt sur cette base. À titre d’exemple, la Cour du travail d’Anvers, le 10 janvier 1996, a décrété que dès lors que la loi du 20 juillet 1990 ouvrait le droit à la pension de retraite à partir du même âge pour les hommes que pour les femmes, leur pension devait être calculée de la même façon [100].

102Une autre directive concernant l’égalité des femmes en matière de sécurité sociale a été prise en 1986. Il s’agit de la directive 86/813, qui étend son champ d’application aux travailleurs indépendants.

103Les conséquences de la jurisprudence européenne ne sont pas forcément favorables aux femmes : en Belgique, elles contribuent à porter l’âge de la retraite pour les femmes à celui des hommes. De plus, l’égalité entre hommes et femmes préconisée par la législation et la jurisprudence européenne tente à se limiter à l’instauration de l’égalité entre les travailleurs des deux sexes, sans s’appliquer à l’ensemble des individus. Selon l’expression de A. Moris et S. Nott, la politique de non-discrimination de l’Europe ressemble à « déclarer que le Ritz est ouvert à tous. La disponibilité de la place ne signifie pas que tout le monde puisse en tirer profit » [101].

104L’impact des règlements relatifs aux travailleurs migrants et des directives concernant l’égalité hommes-femmes – tous des instruments dont l’objet restreint était la non-discrimination – a été élevé et direct.

105Cependant, la crise économique née du choc pétrolier allait bloquer le développement d’une politique sociale européenne dans la fin des années 1970 et le début des années 1980. La crise engendra dans les pays européens une hausse généralisée des dépenses en matière de sécurité sociale, ce qui se traduisit par une progressive remise en question de certains de ses bénéfices et une inquiétude du côté syndical. La résolution de la Confédération européenne des syndicats – CES consacrée à la sécurité sociale (Munich, 1979) mettait en garde contre l’intrusion d’une logique de rentabilité à l’intérieur des systèmes de protection sociale [102]. Parallèlement, l’Union des confédérations de l’industrie et des employeurs d’Europe – UNICE considérait que la Commission avait en chantier trop de directives sociales, et que l’action des communautés devait se limiter [103].

L’Acte unique et la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs

106En 1986, l’Acte unique constitue un pas important dans l’intégration européenne. Révisant le Traité de Rome, décidant de la réalisation du marché intérieur le 1er janvier 1993, l’Acte unique fut également présenté comme porteur d’avancées spectaculaires dans le domaine social : essentiellement via l’accroissement des compétences de l’Europe en matière de santé et de sécurité sur les lieux de travail (art. 118a) et l’octroi à la Commission d’une mission de favoriser le dialogue entre interlocuteurs sociaux (art. 118b).

107Incidemment, ce traité, entré en vigueur le 1er juillet 1987, permit à un nouveau discours de voir le jour, celui de « l’espace social européen ». En réalité, ainsi que le souligna alors le professeur É. Vogel-Polsky, il ne constituait pas un progrès significatif dans le domaine social : les modifications apportées aux articles 100 à 118 avaient pour effet de limiter le domaine de l’intervention communautaire au domaine des conditions de travail, de maintenir le champ d’application matériel de la politique sociale dans la sphère de non-communautarisation, et de maintenir la règle de l’unanimité pour les décisions concernant les droits des travailleurs [104]. La CES, tout comme le Parlement européen trouvèrent l’Acte unique très insuffisant sous ce rapport.

108Le silence de l’Acte unique en matière sociale a probablement contribué à mettre en chantier un texte qui constituerait un socle des droits sociaux fondamentaux garantis aux citoyens européens. La Belgique initia ce mouvement en 1987 : le mémorandum de la présidence belge consacré à la flexibilité et à l’adaptabilité soulignant que ces concepts ne pouvaient s’identifier à la déréglementation sociale, et que la politique sociale de la Communauté était au point mort, proposa de s’accorder sur un socle de droits sociaux fondamentaux [105]. Ce fut la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, dite Charte de Strasbourg, adoptée en décembre 1989 mais qui n’est finalement qu’une déclaration, sans force contraignante au sens juridique du terme : en effet, pour notre propos, cet instrument est doté d’un poids politique ou symbolique non négligeable [106]. La Charte fut adoptée par onze États, la Grande-Bretagne craignant qu’elle ne constitue une base juridique pour de nouveaux développements de la politique sociale européenne, choisit de rester en dehors, une position qu’elle allait réitérer à propos du protocole social du Traité de Maastricht, et qui ne serait modifiée qu’après la victoire électorale des travaillistes en 1997. La Charte prévoit, en son article 10, que tout travailleur de la Communauté a droit à une protection sociale adéquate et à des prestations de sécurité sociale d’un niveau suffisant. Il prévoit aussi que les personnes exclues du marché du travail doivent obtenir des ressources suffisantes. Cependant, contrairement à d’autres instruments comme la convention n°102 de l’OIT ou le Code européen de sécurité sociale, la Charte de Strasbourg ne définit pas ces niveaux suffisants et adéquats, ce qui, avec son caractère peu contraignant, constitue le second inconvénient majeur de ce texte.

109La Belgique, avec d’autres pays, avait souhaité un texte beaucoup plus contraignant [107]. Cela est vrai au niveau du gouvernement (au Conseil social de Luxembourg, le ministre L. Van den Brande « exigea » que la Charte soit contraignante [108]) et des syndicats (par exemple le comité national de la FGTB adopta, une résolution à ce propos le 13 juin 1989 [109]). En ce qui concerne les employeurs, leur avis exprimé au sein du Conseil national du travail traduira plutôt leur soutien à l’adoption d’un instrument non contraignant [110]. Remarquons que d’autres institutions européennes auraient également souhaité un instrument de plus de poids : c’est le cas du Parlement, et du Comité économique et social, qui avait initialement proposé que l’instrument revête la forme d’une directive [111].

110Avec la Charte fut adopté un programme d’action sociale, destiné en quelque sorte à pallier le manque apparent de portée de cet instrument et à lui donner une signification concrète. Le programme avançait quarante-trois initiatives possibles, à concrétiser sous forme de règlements, directives et recommandations. La plupart étaient liées a l’avènement du grand marché intérieur, dans un contexte où les orientations politiques et économiques des pays de l’OCDE mettaient l’accent sur la flexibilité du travail : il s’agissait d’ancrer la dimension sociale de l’intégration européenne. Le programme suggérait également l’adoption de recommandations en matière de convergence des objectifs de la protection sociale et de critères communs relatifs aux ressources et prestations suffisantes, mais aussi une révision, extensive, du règlement 1408/71 sur la sécurité sociale des travailleurs migrants.

111Entre l’adoption d’une Charte sociale communautaire décevante par rapport aux attentes belges, et la conclusion du Traité de Maastricht, il semble que la Belgique ait multiplié les initiatives pour faire avancer l’Europe sociale. Les ministres Busquin (Affaires sociales) et Van den Brande (Emploi et Travail) ont notamment proposé de modifier le traité européen en remplaçant l’unanimité par la majorité qualifiée pour les décisions en matière sociale (art. 118), et de créer un Conseil du travail européen, similaire au Conseil national du travail belge [112].

112D’autre part, après l’adoption de l’Acte unique, la mise en place du marché unique prévue pour le 1er janvier 1993 suscita quelques craintes. Si l’Europe ne semblait pas susceptible de modifier les régimes de protection sociale par l’adoption d’instruments normatifs (et en particulier de dépasser le stade de la coordination des régimes en faveur des travailleurs migrants pour rejoindre celui d’une réelle harmonisation), peut-être allait-elle, par le biais d’un renforcement de la concurrence suite à l’instauration du marché unique, forcer les systèmes de sécurité sociale à converger vers le bas ? La peur d’un « dumping » social, c’est-à-dire que l’avantage réservé aux firmes qui opèrent là où les coûts sociaux sont bas conduise les autres à délocaliser ou à faire pression sur les gouvernements pour baisser les coûts et donc menacer le financement de la sécurité sociale et donc ses prestations, fut évoquée par les syndicats nationaux en Belgique, tout comme par la CES au niveau européen [113] : la résolution de Stockholm, en 1988, appelait au combat pour qu’une « Europe de la régression sociale ne s’installe pas » [114]. Cependant, la CES, qui depuis vingt ans plaide pour une Europe plus sociale, que ce soit via la garantie des droits sociaux fondamentaux ou la convergence des politiques de sécurité sociale vers le haut, ne semble pas remettre en cause d’autres aspects de l’intégration européenne (tels que le marché unique et plus tard l’UEM) qui ont pourtant des conséquences directes et négatives sur l’évolution de la protection sociale en Europe.

113Ces craintes ne semblent pas, ou du moins pas largement, s’être réalisées [115], dans la mesure où, à l’intérieur de l’Union européenne, des coûts sociaux plus élevés pour la main-d’œuvre se traduisent par une productivité plus élevée.

Les recommandations de l’été 1992

114En juin et juillet 1992, le Conseil européen adopta deux recommandations en matière de protection sociale ; des instruments juridiquement non contraignants donc, mais qui comportent un poids politique non négligeable.

115La première, la recommandation portant sur des critères communs relatifs à des ressources et prestations suffisantes dans les systèmes de protection sociale, vise à reconnaître le droit fondamental de toute personne à des ressources et prestations suffisantes pour mener une vie digne [116]. On peut considérer qu’en Belgique ce droit est reconnu et garanti par l’aide sociale et l’existence du minimex en particulier. Cette recommandation est probablement importante par la forme qu’elle adopte ; loin de la sécheresse des instruments internationaux en matière de sécurité sociale qui énumère une liste de branches, de droits ou de prestations, elle parle de « promouvoir la solidarité à l’égard des personnes les plus démunies et les plus vulnérables ».

116La seconde recommandation concerne la convergence des objectifs et politiques de protection sociale [117]. Cette recommandation énonce les objectifs à atteindre dans la couverture de différents risques (maladie, chômage, incapacité de travail, vieillesse, famille) mais aussi parle de missions à remplir et de principes à respecter. Parmi les missions assignées à la sécurité sociale, citons la garantie d’un niveau de ressources conforme à la dignité humaine (cf. première recommandation) ou l’intégration sociale de toutes les personnes qui résident légalement sur le territoire de l’État membre, et parmi les principes, l’égalité de traitement, ou l’efficacité dans la gestion des systèmes.

117Dans cette recommandation, pour l’adoption de laquelle il paraît que l’influence belge – et celle de Ph. Busquin en particulier – a été déterminante, se retrouvent, semble-t-il, des éléments de progrès en matière de protection sociale : « C’est donc bien le contenu de la sécurité sociale des ordres juridiques internationaux qui est amélioré positivement dans le sens d’une amélioration de la protection sociale des personnes qui résident dans chaque État membre, dans la double finalité de respecter la dignité humaine, objectif essentiel des droits de l’homme, fondement de l’ordre juridique démocratique et de l’ordre public européen (…) » [118].

118Cependant, il y a d’autres éléments dans cette recommandation qui méritent d’être relevés : la dernière mission de la protection sociale semble bien faible : « examiner la possibilité d’instaurer et / ou de développer une protection sociale appropriée pour les travailleurs non salariés ». Elle s’inscrit cependant dans le cadre de la priorité aux travailleurs qui semble avoir dominé les préoccupations de la Communauté européenne dès l’origine, leur libre-circulation constituant une justification majeure des décisions en la matière. D’autre part, le troisième principe pour l’octroi des prestations mérite également d’être relevé : « l’adaptation à l’évolution des comportements et des structures familiales qui entraînent des besoins nouveaux de protection sociale (évolution démographique) ». Il paraît y avoir une certaine incompatibilité entre une mission qui se contente d’examiner la possibilité de protéger les non-travailleurs, et un principe qui préconise l’adaptation à de nouvelles situations familiales, lesquelles sont souvent issues d’un divorce, qui laisse dépourvu le conjoint de l’ex-travailleur qui lui-même ne jouit pas de ce statut ! Il semble que le progrès escompté par la recommandation ne soit pas si évident dans tous ses aspects.

Le Traité de Maastricht

119Le Traité de Maastricht, entré en vigueur en 1993, est le premier traité à faire référence aux droits fondamentaux de l’homme, et donc à reconnaître, implicitement, le droit à la sécurité sociale [119]. D’autre part, il reconnaît la compétence du Conseil des ministres au niveau de la sécurité sociale, mais dans le respect du principe de subsidiarité. Les articles du Traité qui établissent les dispositions sociales n’ont pas été modifiés, mais deux protocoles ont été approuvés : le premier, par les douze États membres de l’époque, pour autoriser l’adoption du second, dit « protocole social » par onze membres, le Royaume-Uni s’étant une nouvelle fois opposé à tout élargissement des compétences de l’Union en matière sociale. Suivant les propositions de la présidence néerlandaise, le protocole allait permettre de prendre des directives en matière sociale à la majorité qualifiée et dans le cadre d’une procédure de concertation avec le Parlement européen. Cependant, la sécurité sociale était maintenue parmi les compétences qui requéraient l’unanimité des membres. Dans l’état d’expectative de l’opinion belge, et compte tenu du modèle de protection sociale belge, Maastricht s’apparente plutôt, dans le domaine social, à une « non-norme ». La ratification du Traité de Maastricht fut entourée en Belgique de bien moins de controverses que dans les pays voisins. Au niveau européen en général, les opposants au Traité se recrutaient davantage parmi les nationalistes qui refusaient les abandons de souveraineté que le texte réclamait, et celui de la monnaie nationale qu’il prévoyait, que parmi les défenseurs d’une « Europe sociale ».

120En 1992, des organisations syndicales se félicitèrent de « Maastricht, une victoire sociale pour l’Europe » [120] : le protocole social reprenait les principaux points d’un accord patronat / syndicats de l’année précédente. Il y eut cependant, après l’entrée en vigueur du Traité, des manifestations organisées par les syndicats ; parmi lesquelles celle de Bruxelles, le 3 avril 1993, à l’appel de la CES, de la FGTB et de la CSC ; l’accent y était mis sur le déficit de la politique de l’emploi et le manque de concertation sociale au niveau européen. Il semble que l’opposition syndicale au Traité, et au déficit de la politique sociale européenne, se concentre généralement sur la localisation du pouvoir de décision. Longtemps, les organisations syndicales, belges en particulier, ont craint que l’intégration européenne ne se solde par une concentration du pouvoir au sein de l’exécutif européen, et la concertation sociale est devenue leur cheval de bataille, bien plus que la garantie, par un ou plusieurs instruments européens, des droits sociaux fondamentaux des travailleurs.

L’Union économique et monétaire : les dernières années

121À l’instar de ce qui s’était passé avec l’ouverture du « grand marché de 1992 » (en fait, de 1993), les perspectives d’Union économique et monétaire inspirèrent de très sérieuses craintes, notamment mais pas uniquement aux syndicats européens. Les critères de convergence dits « de Maastricht », que les États membres devaient s’efforcer de respecter afin de faire partie du groupe de pays qui seraient admis à adopter la monnaie unique, l’euro, imposaient aux gouvernements des politiques budgétaires tellement strictes qu’elles se traduiraient par une diminution de la protection sociale. Ces critères budgétaires, suivant une conception très monétariste de la convergence, inspirée du modèle allemand, constituent un exemple parfait de norme indirecte. À ce sujet, il fut avancé que dans le cas belge, la crise morale, politique et psychologique avait détourné l’attention de l’impact social du budget 1996 et que le gouvernement utilisait les critères de l’UEM pour transformer la politique sociale [121].

122En novembre 1993 consciente des craintes qu’inspirait l’UEM, la Commission publia un Livre vert sur l’Europe sociale « Options pour l’avenir » qui était le fruit de nombreuses consultations des interlocuteurs concernés à travers l’Europe. Il s’agissait de « défendre et moderniser » un modèle européen, conçu dans un sens plutôt restrictif : respect des droits individuels (et non pas collectifs), recherche de nouvelles formes de solidarité, respect de la diversité et souci de la subsidiarité [122]. Cela déboucha sur la publication d’un Livre blanc (le 27 juillet 1994), qui définissait clairement les priorités de l’Union en matière de législation sociale : « les priorités sont l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes, la libre circulation des travailleurs, la santé et la sécurité et – dans une certaine mesurele droit au travail ». C’était mentionner comme priorités deux objectifs qui étaient déjà largement réalisés et un troisième qui rencontrait peu d’opposition. Le droit au travail, en revanche, allait déboucher dans les années suivantes sur le développement de la politique de l’emploi européenne, pour aboutir au sommet de Luxembourg de décembre 1997. Même si les répercussions sur la protection sociale et l’assurance chômage en particulier ne sont potentiellement pas négligeables (cf. la promotion de mesures actives d’aide aux chômeurs) elles ne seront pas traitées ici.

123Le Livre blanc de J. Delors « Entrer dans le XXe siècle : les perspectives de l’économie européenne, croissance, compétitivité, emploi » peut également être considéré comme porteur de normes en matière de protection sociale. Adopté à Bruxelles en décembre 1993, ce document avait une orientation essentiellement économique, – il reste muet sur la sécurité sociale –, bien qu’il consacre un chapitre à rechercher les moyens d’améliorer le modèle européen. Sans être ultralibre-échangiste, le Livre blanc reprend des idées telles que la nécessaire diminution des coûts non salariaux de la main-d’œuvre pour restaurer la compétitivité. Le Livre blanc fut très médiatisé, encensé autant que critiqué. Parmi ses détracteurs de l’époque, mentionnons l’Observatoire social européen, qui écrivit notamment : « Chaque gouvernement présente actuellement à son opinion publique des données qui tendent à montrer que le pays a perdu des parts de marché et / ou que ses coûts salariaux sont trop élevés (…) dans cette dynamique, on arrive à un jeu à somme négative, d’autant plus que la majorité du commerce est intraeuropéenne. » [123] Selon l’Observatoire, la stratégie des gouvernements était claire : « fondé sur les contributions des gouvernements, le livre blanc est aujourd’hui réutilisé pour justifier la rigueur dans leur politique économique et sociale nationale. C’est clairement le cas de la Belgique » [124]. À noter que, suite à une rencontre avec J. Delors en mars 1994, la CES adopta un point de vue conciliant [125].

124Le diagnostic de l’Observatoire conduit à deux remarques : d’une part, il y a effectivement simultanéité des politiques au niveau national et au niveau européen, sans qu’il soit tout à fait possible de savoir qui détermine qui, et donc de mesurer l’impact réel de la norme internationale. C’est ainsi qu’en Belgique, le Plan global de 1993 peut être considéré comme étant dans la droite ligne des recommandations Delors, mais aussi, déjà, des éléments de la déclaration gouvernementale de 1992, dans ses allusions à la réforme de la sécurité sociale (à propos notamment des modes de financement pesant trop lourdement sur l’emploi). D’autre part, elle conduit à une interrogation quant à la localisation du pouvoir, ou plutôt de l’autorité. L’Union européenne est une organisation intergouvernementale mais aussi une autorité supranationale. Généralement, il est reconnu que le Conseil (intergouvernemental) détient plus de pouvoir que la Commission (autorité à caractère supranational) ; le fait que le Livre blanc de J. Delors ait reflété l’orientation déjà décidée des politiques européennes rend en outre possible que la capacité d’influence des gouvernements sur la Commission soit plus importante que généralement admis.

125L’intégration européenne est passée de l’idée d’une harmonisation des systèmes de sécurité sociale, souhaitée pour des raisons de compétitivité, et jamais réalisée en raison de la disparité trop grande de ces systèmes, à une politique de convergence des objectifs. Cela ressort clairement de la communication de la commission en 1995 « Moderniser et améliorer la protection sociale dans l’union européenne ». Quant à elle, la Belgique s’est toujours déclarée favorable à une politique sociale renforcée au niveau européen, et souscrit aux objectifs de convergence en matière de protection sociale. Ce sentiment est partagé par la population : une étude de 1993 montrait l’acquiescement des Belges à un transfert de compétences au niveau communautaire en matière de protection sociale [126]. Il faut remarquer que ce sentiment était alors partagé par les populations des quatre États méditerranéens et de l’Irlande, et nettement rejeté par celles des autres pays : assez logiquement, l’intégration européenne en la matière intéressait les populations des États où la protection sociale était la moins développée, et était rejetée par celles qui pouvaient craindre qu’elle ne se solde par une diminution des bénéfices accordés par leur système. Sauf en Belgique, paradoxalement, qui est un pays à haut niveau de protection sociale qui désire tout de même qu’une harmonisation des politiques sociales intervienne au niveau européen.

126Sans que cela soit expressément formulé, l’Union européenne, à travers les décisions de la Cour de justice, constitue un lieu de garantie des droits fondamentaux de l’individu, en ce compris ses droits sociaux [127]. En effet, certains articles de traités, les règlements, et dans une moindre mesure les directives, si elles sont d’application directe, se sont vu reconnaître par la Cour un effet immédiat et donc peuvent être invoqués par les citoyens devant des tribunaux belges. En réalité, la force contraignante des normes de l’Union européenne est très grande. En revanche, leur contenu est, en raison des compétences sociales limitées accordées par les traités à l’Europe, relativement faible. Une solution presque « miracle » résiderait dans la ratification par l’Union européenne d’autres instruments internationaux de protection sociale (émis par l’OIT, l’ONU, le Conseil de l’Europe), ou, à tout le moins, dans la reconnaissance de l’interdépendance des traités. C’est la solution préconisée par le professeur É. Vogel-Polsky. On peut évidemment supposer que les États membres, qui ne sont pas « dupes » des risques qu’ils courraient de se voir fréquemment sanctionnés par la Cour de justice européenne, ne sont pas favorables à une telle solution.

127En réalité, c’est donc presque accidentellement que l’intégration européenne a réalisé des progrès dans celle des systèmes de sécurité sociale. Sur un plan très concret, la jurisprudence de la Cour de justice s’est attachée à interpréter le plus extensivement possible les quelques dispositions existantes : « elle a estimé qu’il était de son devoir de se substituer en fait aux autres institutions défaillantes » [128]. Il est alors possible de trouver une application négative à l’attitude de la Cour de justice : celle-ci, sociale et libérale dans le sens où elle donne le plus souvent possible raison au travailleur et interprète les traités, règlements et directives le plus largement possible (parce que la motivation première de la Cour est le renforcement du droit communautaire), est peut-être susceptible de rendre « craintifs » les gouvernements et de les dissuader de consentir à des progrès en matière d’intégration sociale qui leur sembleraient anodins, mais dont la Cour réussirait à tirer des applications pratiques de grande envergure.

128De leur côté, le Parlement européen, le Comité économique et social et d’autres acteurs européens, telle que la Confédération européenne des syndicats, s’attachent depuis plusieurs années à obtenir une réelle politique sociale de l’Union.

129L’étude publiée à propos de la convergence sociale dans la Revue belge de sécurité sociale subordonne la mise en place d’une Europe sociale à l’existence préalable d’une Europe politique, tout comme l’adoption d’une politique de l’emploi au niveau européen suppose au préalable l’existence d’une union économique étroite et dirigée [129]. Si le second postulat est irréfutable, il n’est peut-être pas certain que l’obtention de niveaux de protection sociale comparables, de modes de financement similaires de la sécurité sociale, ou de politiques sociales identiques au niveau européen passe par une union politique étroite. L’Union économique et monétaire va entraîner des pressions, sans doute supérieures à celles que l’observation des critères de convergence décidés à Maastricht avait occasionnées, sur les politiques demeurées de la compétence nationale. En particulier, il sera difficile de ne pas réaliser une certaine harmonisation des politiques fiscales, qui, conjuguée à une politique de l’emploi et un souci de compétitivité qui limite les coûts extra-salariaux, entraînera de grandes limitations dans les modes de financement possibles de la sécurité sociale, et probablement l’adoption de normes budgétaires de limitation des dépenses encore plus drastiques. Donc, même en l’absence de décision politique, l’intégration économique conduira sans doute vers une progressive convergence des politiques et systèmes de protection sociale européens. Évidemment, dans le cas de la Belgique, elle risque de s’opérer vers le bas.

130D’autre part, ainsi que l’ont souligné de nombreux auteurs [130], la sécurité sociale, et la politique sociale en général, est au cœur de l’existence de l’État moderne, dont elle constitue une compétence jalousement préservée dans un monde où l’internationalisation et la prédominance de l’économique laissent les politiques privés de plusieurs leviers de contrôle. Si l’on considère que l’État fédéral belge est confronté à un transfert important de compétences au profit des entités fédérées comme des institutions internationales, il n’est pas exclu que le maintien de la sécurité sociale au niveau fédéral s’avère indispensable. Parallèlement, l’absence de visibilité de la politique sociale européenne contribue certainement à affaiblir l’image des institutions européennes auprès d’un public habitué à identifier l’autorité à une gestion de la protection sociale. En effet, il est possible que ce soit fréquemment dans ses rapports avec des institutions telles que la mutuelle, l’Office national des pensions, etc., que l’individu (surtout s’il n’est pas syndiqué) prend conscience de son appartenance à une collectivité. Il existe apparemment un grand nombre de paradoxes à propos de l’action sociale de l’Europe qui mériteraient d’être correctement étudiés dans le cadre de la situation belge : les syndicats et les partis socialistes, socio-démocrates, et socio-chrétiens, sont d’ardents défenseurs d’une politique sociale européenne, alors même que celle-ci ne se dessine pas comme devant être ipso facto favorable à une augmentation de la protection sociale. En revanche, le patronat, ardent supporter de l’intégration européenne, semble être profondément opposé à l’extension des compétences de l’Union en matière sociale : peut-on en déduire que l’intégration européenne en l’absence de développement d’une politique sociale sera automatiquement favorable à ses intérêts ?

131En ce qui concerne les normes de sécurité sociale adoptées par les Communautés puis par l’Union européenne, il faut souligner que la perspective historique n’est peut-être pas la plus valide ; en effet, contrairement à ce qui se passe au niveau national, où une législation sociale annule souvent la précédente, les normes européennes se superposent. Les instruments les plus importants en matière de sécurité sociale, c’est-à-dire les règlements concernant les travailleurs migrants et les directives sur l’égalité entre les hommes et les femmes continuent à sortir leurs effets : le droit social européen est pour une large part constitué des interprétations de la Cour de justice : c’est dans l’accroissement du spectre de l’application des normes que se situent les modifications apportées par la législation européenne en matière de sécurité sociale.

132Les normes européennes en matière de sécurité sociale sont globalement hautement contraignantes. La ratification des traités acquise, les normes sont alors d’application directe, indépendamment, dans le cas du règlement ou de l’arrêt de la Cour de justice, d’une modification de la législation ou de la réglementation belge qu’elles sont susceptibles d’entraîner. Qu’elles le soient juridiquement (règlements, directives, arrêts de la Cour), politiquement (recommandations, livres blancs) ou économiquement (critères de Maastricht), leur influence est appelée à se renforcer.

133Il semble que les orientations sociales de l’Union européenne soient, a priori, plus proches du modèle social belge que ne le sont celles de l’OCDE ou du FMI par exemple. Cependant, depuis l’adoption des critères de Maastricht, l’accent mis sur la compétitivité et une relative flexibilité du marché de l’emploi, certaines craintes ont vu le jour face à une possible orientation de plus en plus libérale et libre-échangiste de la Commission européenne : ainsi s’exprimait récemment le Français Jack Lang, dans le contexte de la négociation de l’Accord mutuel sur les investissements – AMI : « Le cheval de Troie ultralibéral est entré à Bruxelles. » [131]

Conclusion

L’influence des normes internationales de sécurité sociale

134L’impact des normes internationales sur la sécurité sociale belge a déjà été très important sur le plan de l’égalité entre nationaux et ressortissants étrangers et également sur celui de l’égalité entre hommes et femmes. Il se dessine actuellement dans les domaines de l’individualisation des prestations, de l’évolution des modes de financement et de la détermination du niveau de prestations.

L’égalité entre nationaux et ressortissants étrangers

135Des instruments internationaux ont pour objectif de réaliser l’égalité d’accès à la sécurité sociale et de droit à différentes prestations entre Belges et certaines catégories d’étrangers, car le principe absolu de non-discrimination basée sur la nationalité n’est, en Belgique, ni réalisé ni requis par aucune norme internationale.

136C’est le cas des traités bilatéraux, des instruments conclus au sein du Conseil de l’Europe (accords intérimaires, Convention européenne d’assistance sociale et médicale (1956), Convention européenne de sécurité sociale (1972)) et des règlements européens 1408/71 et 1612/68. Progressivement, l’interdiction de discrimination entre Belges et ressortissants de l’Union européenne a été acquise grâce à l’interprétation que la Cour de justice a donnée à ces règlements qui constituent dès lors les instruments qui ont entraîné le plus de modifications en matière de sécurité sociale en Belgique.

137Les champs d’application privilégiés dans ce domaine ont été l’assurance chômage, les pensions et le revenu minimum garanti. Les décisions de la Cour de justice ont successivement entraîné la suppression de conditions de nationalité ou de résidence pour l’octroi de certaines prestations.

138Cependant, les normes internationales d’égalité de traitement sont susceptibles d’influencer la conception même de notre système de sécurité sociale. En effet, celui-ci repose sur l’existence d’une solidarité entre les travailleurs des différents régimes au niveau national ; elle est entendue géographiquement puisqu’elle lie tous les travailleurs résidant sur le territoire national. Si le principe est étendu, étiré pour englober de plus en plus de personnes dont le lien avec l’État, que ce soit par le biais de la nationalité, ou celui de la territorialité, est ténu, c’est véritablement l’un des fondements idéologiques de la sécurité sociale qui est appelé à se modifier.

L’égalité entre hommes et femmes

139Dans ce domaine, ce sont essentiellement les dispositions des directives européennes, interprétées par la Cour de justice, qui ont entraîné des modifications de la réglementation belge. À l’origine, et dès certainement l’inscription de l’article 119 au Traité de Rome, il s’agissait d’une volonté progressiste d’égalité des chances à accorder aux femmes. Aujourd’hui, il s’agit davantage du strict respect du principe de la non-discrimination entre les sexes, qui peut conduire à l’abandon par les femmes d’un avantage (cas de l’uniformisation de l’âge de la pension). Parmi les modifications induites par la législation européenne en ce domaine, on peut mentionner la reclassification des différentes catégories d’allocataires pour les prestations de chômage et en matière d’allocations d’invalidité : ce type de modifications est de plus d’importance pour les femmes auxquelles elles contribuent à rendre justice que pour notre système de sécurité sociale dont la réglementation est modifiée dans les termes plus que sur le fond.

140Le statut social des indépendants a également subi des modifications, cette fois pour ouvrir aux hommes une possibilité offerte jusque-là aux seules femmes [132].

141La Cour de justice a, dans le domaine de l’égalité entre hommes et femmes, adopté à nouveau une attitude visant à donner l’interprétation la plus extensive possible de la réglementation européenne, suivant en cela un objectif non pas « féministe » mais bien « intégrationniste » : il s’agissait d’élargir au maximum le champ d’application de la législation européenne.

142Cependant, l’action européenne s’est concentrée et limitée à l’égalité pour les femmes travailleuses avec leurs homologues masculins. En ce domaine, il semble qu’aujourd’hui il s’agisse moins d’abolir une discrimination que, en réclamant l’abolition des différences, de préparer à l’individualisation des droits aux prestations. Remarquons qu’en s’attaquant à un système de sécurité sociale construit pour l’essentiel autour de la vision d’un homme travailleur et d’une femme au foyer qui bénéficie de droits dérivés, la réglementation européenne a contribué à faire évoluer les mentalités.

L’individualisation du droit aux prestations

143Dans ce domaine, l’influence des normes internationales n’a pas encore entraîné de modifications importantes pour la sécurité sociale belge ; il faut remarquer toutefois que la réalisation totale de l’égalité entre hommes et femmes, par la suppression des droits dérivés, ou l’uniformisation de la réciprocité de leur octroi entre les hommes et les femmes rend logique l’individualisation des droits aux prestations.

144Les normes internationales sont susceptibles d’influencer l’orientation du système de sécurité sociale belge vers l’individualisation des droits de trois façons ; tout d’abord par l’existence de normes, fussent-elles faiblement contraignantes, qui plaident en sa faveur (type étude de l’OCDE ou recommandations de l’Union européenne). La deuxième voie réside dans un possible souci budgétaire : il s’agirait alors d’une volonté de mettre fin aux prestations non contributives, c’est-à-dire aux droits dérivés, acquis sans paiement de cotisation sociale. Mais il n’est pas certain du tout que cela se traduirait par l’économie escomptée. Un troisième type de normes internationales pourrait être trouvé dans la « contagion » qui pourrait se mettre en place avec l’exemple de nos voisins (Pays-Bas) et de tous ceux qui pourraient leur emboîter le pas.

145Il faut remarquer qu’il est très probable que l’individualisation des droits conduise à l’adoption pour de larges catégories de la population d’un mode de financement différent de la cotisation sociale basée sur le salaire et financée conjointement par l’employeur et l’employé.

Le financement de la sécurité sociale

146En Belgique, le mode de financement de la sécurité sociale a été remis en question dès le début des années quatre-vingt, dans la foulée de l’augmentation sévère des dépenses engendrées par la crise économique.

147Le problème du financement est lié à deux sous-problèmes : le premier, conjoncturel, est une hausse probable des dépenses de sécurité sociale dans les années à venir par suite de modifications de la structure démographique ; l’autre, structurel, est la charge financière élevée qui pèse sur le travail, qui est fréquemment citée ces dernières années comme un empêchement à la création d’emplois.

148Le premier problème est considéré comme résolu par la Belgique : le Bureau fédéral du plan prévoit la possibilité pour le système d’absorber les coûts supplémentaires.

149Au niveau du second, la Belgique semble à l’unisson des organisations internationales : la baisse des coûts extra-salariaux est recommandée par l’OCDE et le FMI depuis plusieurs années, et la même idée est reprise par la Commission européenne.

150En revanche, la façon de compenser les pertes de recettes pour la sécurité sociale ne fait pas l’objet d’un consensus ; il semble difficile de prendre des mesures en la matière qui n’auraient pas fait l’objet d’une concertation européenne préalable, notamment en matière de politique fiscale.

151Il s’agit donc d’une problématique où l’adoption de normes internationales s’avère indispensable. À condition toutefois de vouloir maintenir le même niveau de prestations. Car, en effet, si le niveau des prestations diminue, la masse à financer diminue également, et donc la coordination européenne ne s’avère plus indispensable, ce qui nous amène à considérer la problématique suivante.

Le niveau des prestations

152Il existe actuellement des normes internationales de sécurité sociale, tels que la convention n°102 de l’OIT ou le code européen de sécurité sociale qui prescrivent des seuils minimaux de protection. D’une manière générale, la couverture offerte par la sécurité sociale belge est suffisamment haute pour que peu de progrès doivent être attendus de l’adoption d’un instrument international de sécurité sociale.

153En particulier, l’adoption d’un instrument au sein de l’Union européenne qui viserait, soit à garantir un taux de prestations minimum, soit, version maximaliste et utopique, à unifier les niveaux de prestations se heurterait aux niveaux actuels très disparates entre les différents États : pour la Belgique, des normes minima seraient si éloignées du niveau de protection sociale belge qu’elles laisseraient une grande marge de compression, alors qu’une réelle unification, basée grosso modo sur le niveau moyen de tous les États membres signifierait pour la Belgique également un nivellement vers le bas.

154Cependant, alors que leur ratification par la Belgique n’a pas entraîné de relèvement du niveau des prestations d’alors, l’existence d’instruments internationaux pourrait bien constituer une garantie, voire un rempart contre l’abaissement de celui-ci dans les années à venir.

155Ce type de normes internationales contraste vivement avec celles qui aujourd’hui, en provenance principalement de l’OCDE et du FMI, prônent la réforme de systèmes de sécurité sociale qualifiés de « trop généreux ». D’autre part, il semble bien que, davantage que des normes précises destinées à réformer les systèmes de sécurité sociale, l’OCDE et le FMI aient adopté comme modèle économique le libéralisme anglo-saxon, préférant la création d’emplois sous-payés à la subsistance d’un taux élevé de chômeurs.

156Enfin, un troisième type de normes internationales en la matière est sans doute constitué par les impératifs de la politique financière et budgétaire qui sont issus de la nécessité de rencontrer les critères de Maastricht. Parmi ceux-ci, le fameux « déficit budgétaire inférieur à 3 % du PIB » aujourd’hui atteint, a sans doute exercé la contrainte budgétaire la plus forte. Certains ont prétendu que ce critère constituait une justification, voire un alibi, pour revoir à la baisse le niveau de certaines prestations de sécurité sociale.

157L’impact des normes internationales dans les domaines évoqués ci-dessus n’est donc pas négligeable ; certes, l’influence des normes en matières de libre-circulation des travailleurs et d’égalité entre hommes et femmes s’est avérée déterminante dans les deux décennies qui viennent de s’écouler. Les trois autres domaines relèvent davantage du champ de l’avenir.

158L’organisation internationale dont les normes sont appelées à avoir le plus de poids dans l’avenir est évidemment l’Union européenne. Or, l’intégration européenne s’est déroulée selon un processus premier de dérégulation. Au niveau social, une idée d’intégration négative, à savoir l’enlèvement des obstacles à la libre circulation des personnes, a pu se transformer en une intégration positive ; mais le passage d’une Europe qui raisonne en termes de « libertés » à une Union qui raisonne en termes de « droits sociaux » sera un processus de longue haleine.

Essai de typologie des normes internationales

159Les normes internationales en matière de sécurité sociale sont multiformes ; elles diffèrent quant à leur nature et quant à leur fonction.

160Une première classification des normes pourrait être basée sur celle des organismes dont elles sont originaires : organisation intergouvernementale à vocation universelle (ONU, OIT, FMI), organisation intergouvernementale régionale (Conseil de l’Europe, OCDE – même si la « région » s’apparente ici à une classe économique, elle correspond grosso modo à une structure régionale), et enfin, autorité supranationale (Commission). On peut noter que le degré de force contraignante des normes en matière de protection sociale semble aller croissant parallèlement avec cette catégorisation. D’autre part, il existe des différences d’orientation idéologique entre les organismes sources. Au risque de caricaturer un peu, il est possible de ranger les organismes sur un axe allant de l’interventionnisme à l’ultralibéralisme. De gauche à droite, s’aligneraient l’OIT, l’Union européenne, le Conseil de l’Europe, les Nations-Unies, la Banque mondiale, le FMI et l’OCDE.

161Les normes peuvent également être classées par nature : norme d’application directe (règlement européen et, dans une moindre mesure, directive européenne), norme d’application directe après ratification (traités : conventions OIT, pactes des Nations-Unies, du Conseil de l’Europe, traités européens), norme d’application indirecte (recommandations de l’Union européenne, de l’OCDE et du FMI). Il convient de noter que cela ne préjuge pas entièrement du degré de leur force contraignante. Par exemple, il est possible que les orientations politiques recommandées par l’OCDE revêtent, et davantage encore dans l’avenir, une force contraignante certaine.

162Il est possible aussi de classer les normes selon la nature de leur objet : spécifique (exemple : égalité homme-femme), général mais social (exemple : garantie de droits fondamentaux), général mais non social (critères de déficit budgétaire).

163Les normes peuvent encore être classées selon leur fonction : celles qui ont pour objet de coordonner le régime de protection sociale belge et un ou plusieurs autres (accords intérimaires, règlement 1408/71, etc.), celles qui visent à garantir sur le plan international des droits sociaux fondamentaux (Pacte des Nations-Unies, Charte de Turin, etc.), celles enfin qui modifient certains aspects de notre réglementation (directives européennes sur l’égalité entre les hommes et les femmes, etc.). Ici encore, cette classification est totalement indépendante du degré de force contraignante de ces normes. Ce sont évidemment les dernières normes qui sont appelées à avoir l’impact le plus élevé sur le système de protection sociale belge.

164Si maintenant le degré de force contraignante des normes internationales est considéré, il conviendra de remarquer que leur force contraignante n’est pas directement liée à leur mode d’application et en particulier à la nécessité, ou non, d’obtenir leur ratification. Les instruments des Nations-Unies, par exemple, ont un poids moral non négligeable même en l’absence de ratification. Reprenant l’idée d’un axe, les normes internationales examinées dans le présent Courrier hebdomadaire peuvent être ordonnées de la moins à la plus contraignante :

  • Charte de Strasbourg ;
  • Convention ONU sur l’élimination de toute discrimination à l’égard des femmes ;
  • Charte de Turin ;
  • Pacte sur les droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU ;
  • Convention n°102 ;
  • Code européen de sécurité sociale ;
  • directive 79/7 ;
  • règlement 1408/71.

165Naturellement, il existe une part d’arbitraire dans cette classification, qui contrairement à celles qui se concentrent sur la valeur proprement juridique des normes, fait intervenir d’autres paramètres, parmi lesquels le contexte économique et social, le degré d’implication belge dans l’organisme qui produit les normes, la visibilité des instruments concernés (par exemple, celle du Pacte de l’ONU est actuellement bien supérieure à celle de la Charte de Turin), etc. Les normes de l’OCDE et du FMI ne sont pas incluses, parce que le degré de leur force contraignante apparaît comme d’une nature différente.

166Si l’impact global des différentes normes sur la protection sociale belge est pris en compte et combiné avec la classification « idéologique » des organisations et des normes de protection sociale qu’elles produisent, la représentation schématique suivante où l’impact des normes figure en abscisse et l’orientation idéologique en ordonnée est obtenue :

tableau im1

167Ce type d’exercice est bien sûr très limité et trop schématique. Les institutions évoluent le long de ces axes, et peuvent produire des normes dont l’impact est différent (exemple : le Code européen de sécurité sociale a un impact supérieur à celui de la Charte de Turin). Cependant, deux groupes peuvent être observés, le premier constitué du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne, dont la proximité contribue à justifier l’idée d’une synergie renforcée entre eux : une différence principale réside dans leur composition différente au niveau des États membres, différence qui existe également entre le FMI et l’OCDE, qui sont par ailleurs très proches.

168À propos de l’appréciation de l’impact des normes internationales en général sur la protection sociale belge, quelques constatations s’imposent d’ores et déjà quant aux voies et moyens de cet impact, indépendamment du contenu des modifications éventuellement apportées. L’impact semble maximum dans des domaines précis (exemple : égalité entre les hommes et les femmes), alors que c’est là, précisément, qu’il est non seulement le moins contesté mais aussi le moins discuté (la visibilité de la jurisprudence de la Cour de justice est faible). Pour les autres normes que l’on peut qualifier d’explicites (émanant de l’ONU ou du Conseil de l’Europe), leur visibilité est également très faible : elles sont accueillies, et même ratifiées, dans un climat proche de l’indifférence. Les normes implicites cependant, qu’elles soient contenues dans des recommandations européennes, ou des études de l’OCDE et du FMI, semblent en revanche très visibles. En réalité, les instruments qui les contiennent font l’objet de débats (alors qu’ils ne semblent pas en faire l’objet à l’intérieur de l’OCDE ou du FMI), sans que toutefois ceux-ci se concentrent exclusivement sur l’aspect social. Cela est peut-être tout simplement imputable à une inclination naturelle pour des instruments non juridiques dont le déchiffrement passe, à tort, pour être plus facile. Également, cela peut vouloir signifier que l’impact de ces normes implicites et généralement considérées comme non contraignantes est en réalité beaucoup plus important.

Notes

  • [*]
    Le présent Courrier hebdomadaire présente les résultats d’une recherche menée au Crisp à la demande du ministre des Affaires sociales.
  • [1]
    Ont été délibérément écartés du champ d’investigations les cadres secondaires que constitue l’accord régional (Benelux) ou le traité bilatéral (la Belgique a conclu des conventions bilatérales en matière de sécurité sociale avec treize pays non membres de l’Union européenne). Ont été également laissées de côté d’autres structures internationales telles que les partis politiques et groupes d’intérêts organisés au niveau européen, ou les lobbies des compagnies d’assurances privées et des organismes d’assurances sociales, dont les prises de positions seraient difficilement qualifiées de normes, et qui ne peuvent exercer sur la décision politique en Belgique qu’une influence indirecte, via celle qu’ils exercent sur l’organisation internationale. L’activité de l’Association internationale de sécurité sociale – AISS n’a pas été étudiée, parce que l’évolution qu’elle a connue ces dernières années l’a privée de son rôle d’organisme producteur de normes. Initialement créée pour renforcer la protection sociale (en 1927) par le biais de l’adoption de recommandations souvent destinées à inciter à la ratification de conventions OIT, l’AISS se livre aujourd’hui essentiellement à des travaux de recherches dont elle publie les résultats, ainsi qu’une Bibliographie universelle de Sécurité Sociale, et la trimestrielle Revue internationale de Sécurité Sociale. D’une manière générale, un choix a été fait de limiter l’examen aux organisations intergouvernementales.
  • [2]
    Avril 1998.
  • [3]
    cf. F. Blanchard, « La Belgique, les Belges et l’OIT », in Cent ans de droit social, Bruxelles, 1986, pp. 851-875.
  • [4]
    cf. F. Vandamme, « Les normes internationales du travail de l’Organisation internationale du travail : musée ou phares de la politique sociale internationale ? », Journal des tribunaux du travail, n° 62, 20 novembre 1995 ; cf. aussi É. Vogel-Polsky, Du tripartisme à l’Organisation internationale du travail, Bruxelles, 1966.
  • [5]
    F. Vandamme, « Les nonnes internationales du travail de l’Organisation internationale du travail : musée ou phares de la politique sociale internationale ? », op. cit.
  • [6]
    Il s’agit des conventions numéro 2, 8, 12, 17, 18, 19, 55, 81, 82, 85, 91, 97,101, 102,107 et 121, la plupart concernant un seul secteur de la sécurité sociale ou une seule catégorie de travailleurs, et la dernière convention en la matière, n°121 sur les prestations en cas d’accidents du travail et de maladies professionnelles, date de 1964. Ministère des Affaires Sociales, de la Santé publique et de l’Environnement, Aperçu de la sécurité sociale en Belgique 1997.
  • [7]
    « Convention concernant les normes minimum de sécurité sociale », in OIT, Conventions et recommandations internationales du travail 1919-1984, Genève, 1985, pp. 611-633.
  • [8]
    « Recommandation concernant la garantie des moyens d’existence », in OIT, op. cit., pp. 595-610.
  • [9]
    Moniteur Belge, 9 décembre 1959.
  • [10]
    Chambre, Ann. parl., 13 mai 1959, 3 juin 1959, 4 juin 1959 et Sénat, Ann. parl., 24 juin 1959, 8 juillet 1959, 9 juillet 1959.
  • [11]
    Le rapport annuel présenté par le gouvernement belge au B.I.T. sur l’exécution des conventions internationales du travail ratifiées. Période du 1er juillet 1994 au 30 juin 1996 présente en détails les nouvelles dispositions législatives et réglementaires (exemples des arrêtés royaux du 19 mai 1995 : pension d’invalidité des ouvriers mineurs, du 14 juillet 1995 : pensions du personnel de l’aviation civile du 10 octobre 1995 : pensions des travailleurs frontaliers) ainsi que le nombre de personnes couvertes pour chaque risque et le montant des prestations allouées, le tout en un texte de 82 pages, alors que l’ensemble des rapports adressés au BIT à propos d’autres conventions, tient, cette année-là, sur 90 pages.
  • [12]
    BIT, Rapport de la commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations. Rapport général et observations concernant certains pays, Genève, 85è session CIT, 1997.
  • [13]
    BIT, ibidem, p. 21.
  • [14]
    CIT, Convention concernant rétablissement d’un système international de conservation des droits en matière de sécurité sociale, Genève, 2 juin 1982.
  • [15]
    CIT, Convention concernant la promotion de l’emploi et la protection contre le chômage, Genève, 21 juin 1988.
  • [16]
    BIT, L’action normative de l’OIT à l’heure de la mondialisation, document établi pour la 85è session de la CIT, Genève, juin 1997.
  • [17]
    Conseil National du Travail, Avis n°1207, séance du 2 décembre 1997 « OIT. Portefeuille de questions pour l’ordre du jour de la conférence internationale du travail ».
  • [18]
    BIT, L’emploi dans le monde 1996/1997. Les politiques nationales à l’heure de la mondialisation, Genève, 1997.
  • [19]
    BIT, ibidem, p. 101.
  • [20]
    Solidarité socialiste, décembre 1997-janvier 1998, pp. 20-23.
  • [21]
    F. Vandamme, « L’OMC et les normes sociales », Notabene, n°1998, février 1997.
  • [22]
    Conseil des ministres du 28 février 1997.
  • [23]
    Sur la genèse du pacte, cf. L. Lamarche, Perspectives occidentales du droit international des droits économiques de la personne, Bruxelles, 1995.
  • [24]
    L. Lamarche, ibidem, p. 63 ; M. Craven, The international covenant on economic, social and cultural rights. A perspective on its development, Oxford, 1995, p.19.
  • [25]
    Chambre, Doc.parl., n°188/1-(1997-1998).
  • [26]
    Chambre, Doc. parl., n°535 (1979-1980).
  • [27]
    Chambre, Ann. parl., 29 mai 1980.
  • [28]
    Le député G. Clerfayt s’abstint « en signe de protestation contre le non-respect des droits de l’homme à Fourons et dans la périphérie bruxelloise », Chambre, Ann. parl., 5 juin 1980.
  • [29]
    Sénat, Ann. parl., 19 mars 1981.
  • [30]
    Décret du Conseil de la Communauté française, 8 juin 1982 (1981-1982, doc.34 et annales 1er juin 1982) et décret du Vlaamse Raad, 25 janvier 1983 (annales 1982-83, doc.147, 25 janvier 1983).
  • [31]
    À ce sujet, cf. M. Craven, op.cit.
  • [32]
    Le comité est composé de dix-huit membres élus pour quatre ans qui choisissent un président, trois vice-présidents, et un rapporteur, le tout en tenant compte d’une distribution géographique équitable. Chaque État partie présente un rapport quinquennal qui fait ensuite l’objet d’examen, discussion puis rédaction des observations finales du comité. Les particuliers et organisations non gouvernementales ont la possibilité de soumettre des documents au secrétariat du comité. Sur le fonctionnement du comité, cf. S. Ahmed, « Le comité des droits économiques, sociaux et culturels, son organisation et sa méthode de travail », in Le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels des Nations-Unies, Ministère fédéral de l’Emploi et du Travail, juin 1997, pp. 58-64.
  • [33]
    M. Craven, op. cit., p. 352. Sur l’importance du pacte comme instrument du droit international des personnes, cf. L. Lamarche, op. cit.
  • [34]
    Cité par W. Van Eeckhoutte, « L’influence du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels sur le droit social belge », in Le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels des Nations-Unies, op. cit, p.34.
  • [35]
    Ibidem, p. 42.
  • [36]
    L. Lamarche, op. cit., p. 19.
  • [37]
    « Recommandation du Conseil du 24 juin 1992 portant sur des critères communs relatifs à des ressources et prestations suffisantes dans les systèmes de protection sociale », JOL 245, 26 août 1992.
  • [38]
    W. Van Eeckhoutte, « L’influence du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels sur le droit social belge », op. cit., p. 40.
  • [39]
    Moniteur belge, 5 novembre 1985.
  • [40]
    Le prochain rapport sera présenté en 1998, il correspondra aux troisième et quatrième rapports réunis.
  • [41]
    Nations-Unies, Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la convention. Deuxième rapport périodique des États parties. Belgique, CEDAW/C/BEL/2, 8 avril 1992.
  • [42]
    Avis partagé par La Libre Belgique, 26 novembre 1997.
  • [43]
    IMF, Summary Proceedings. Annual meeting 1996, Washington, 1996, p. 10.
  • [44]
    IMF, Interim Committee déclaration partnership for sustainable global growth, Washington, 1996.
  • [45]
    En effet, les pays qui font appel aux crédits du FMI au-delà de la tranche dite « de réserve » qui est liée à leur quote-part déposée auprès du Fonds se voient imposer un programme d’ajustement structurel qui leur dicte des contraintes sévères en matière économique, financière et budgétaire qui peuvent avoir des répercussions sociales étendues.
  • [46]
    IMF, Annual report. 1994, p. 53. La Belgique ne bénéficie pas de paragraphe particulier dans les rapports de 1994, 1995 et 1996.
  • [47]
    World Bank, Averting the old age crisis : policies to protect the old and promote growth, New York, 1994.
  • [48]
    B. Turtelboom, Le vieillissement en Belgique : une perspective intergénérationnelle, Communication au colloque « Vieillissement démographique et financement de la sécurité sociale : un défi insoutenable ? », Bruxelles, Bureau fédéral du plan, décembre 1997.
  • [49]
    BIT, Regards sur l’avenir de la justice sociale. Mélanges à l’occasion du 75è anniversaire de l’OIT, Genève, 1994, p. 59.
  • [50]
    Ces informations contradictoires ont été recueillies auprès des échelons supérieurs de l’administration
  • [51]
    OCDE, Études économiques, Belgique-Luxembourg, Paris, 1997.
  • [52]
    Ibidem, p. 78.
  • [53]
    Remarquons qu’aujourd’hui, alors que les critères de Maastricht peuvent être considérés atteints, l’argument principal de l’OCDE en faveur d’une réduction des transferts sociaux est un souci d’équité vis-à-vis des travailleurs jeunes qui méritent de recevoir la contrepartie des charges sociales et fiscales qu’ils paient. En 1992, si la réduction de ces transferts servait à financer la réduction du déficit, elle n’était donc pas destinée à alléger la pression fiscale et parafiscale, ce qui n’aurait fait que renforcer l’injustice aujourd’hui dénoncée par l’OCDE…
  • [54]
    OCDE, Études économiques, Belgique-Luxembourg, Paris, 1992, pp. 80-81.
  • [55]
    OECD, Economic surveys : Belgium Luxembourg, Paris, 1994, p. 40.
  • [56]
    Ibidem, p. 53.
  • [57]
    OCDE, Études économiques. Belgique-Luxembourg, Paris, 1995, pp. 95-96.
  • [58]
    OCDE, Études économiques. Belgique-Luxembourg, Paris, 1997, p. 17.
  • [59]
    Ibidem, p. 9.
  • [60]
    Cf. par exemple le Syndicaliste CSC, 10 et 25 mai 1997.
  • [61]
    « À quoi pense l’OCDE ? », Le Soir, 6 mai 1997.
  • [62]
    Sénat, Compte rendu analytique, Commission des Finances et des Affaires économiques, 3 juin 1997, 1-110.
  • [63]
    Ministère de l’Emploi et du Travail, La politique fédérale de l’emploi. Rapport d’évaluation 1997, p. 14.
  • [64]
    Ibidem, pp. 23-24.
  • [65]
    OCDE, La réforme des régimes publics de pension, Paris, 1988.
  • [66]
    Ibidem, p. 112.
  • [67]
    D. Fore, Analyse et recommandations de l’OCDE, Communication présentée au colloque « Vieillissement démographique et financement de la sécurité sociale : un défi insoutenable ? », Bureau fédéral du plan, 2-3 décembre 1997.
  • [68]
    N. Fasquelle et S. Weemaes, Perspectives financières de la Sécurité sociale à l’horizon 2050, Bureau fédéral du plan, planning paper 83, novembre 1997.
  • [69]
    OCDE, Échanges et normes de travail : examen des questions, Paris, 1995, p. 11.
  • [70]
    Ibidem, p. 24.
  • [71]
    Ibidem, p. 25.
  • [72]
    Sénat, Doc. parl., 731-1/2 (1984-1985), Ann. parl., 20 juin 1985 ; Chambre, Doc. parl., 1273-1-(1984-1985), Ann. parl., 10 juillet 1985.
  • [73]
    D’après l’historique contenu dans le rapport de la commission des Relations extérieures du Sénat. Sénat, Doc. parl., n°957-2 (1989-1990).
  • [74]
    Chambre, Doc. parl., n° 337-1 (1966-1967).
  • [75]
    Chambre, Doc. parl., n° 337-2 (1966-1967).
  • [76]
    Chambre, Ann. parl., 23 janvier 1969 ; Sénat, Ann. parl., 8 mai 1969.
  • [77]
    Cf. N. Catala et R. Bonnet, Droit social européen, Paris, 1991 ; J. -J. Dupeyroux, Droit de la sécurité sociale, Paris, 1993 ; L. Hantrais, Social policy in the European union, Londres, 1995.
  • [78]
    Sur les débuts de la construction européenne, cf. J. Gérard-Libois et R. Lewin, op. cit. ; M. Dumoulin, La Belgique et les débuts de la construction européenne, Louvain, 1987.
  • [79]
    Pour un survol des politiques européennes en matière de sécurité sociale, cf. J. Antoons, « Politiques européennes de sécurité sociale », Courrier hebdomadaire, CRISP, n°1472, 1995.
  • [80]
    CJCE, 22 juin 1972, aff. Frilli, Rec. 1972, p. 457.
  • [81]
    CJCE, 27 mars 1985, aff. 149.83, Rec. 1985, p. 973.
  • [82]
    Pour une analyse détaillée des arrêts de la Cour interprétant les règlements sur la sécurité sociale des travailleurs migrants, cf. P. Gosseries, « La libre circulation des travailleurs et les règlements d’application CEE n° 1408/71 et 1612/68 : champ d’application matériel et personnel – règle de l’égalité de traitement » Journal des tribunaux du travail, n°560, 10 juin 1993, et suiv.
  • [83]
    CJCE, 28 mai 1974, aff. 187.73, Rec. 1974, p. 553.
  • [84]
    CJCE, 8 juillet 1992, aff. c243/91, Rec. 1992, p. 302.
  • [85]
    CJCE, 10 novembre 1992, aff. C326/90, Rec. 1992.
  • [86]
    CJCE, 21 mars 1990, aff. c 85/89, Rec. 1990, 20 mars 1991, aff. C93/90, Rec. 1991, p. 2205.
  • [87]
    Nous faisons abstraction ici du discours de partis d’extrême droite qui veulent réserver les bénéfices de la sécurité sociale aux seuls Belges. Il semble d’ailleurs que leur opposition ne soit pas liée aux décisions européennes, et qu’elle s’adresse plutôt aux étrangers non communautaires.
  • [88]
    JOCE, C 13/1, 12 février 1974.
  • [89]
    C. Gobin, « La CES. Son programme d’action au fil de ses congrès », Courrier hebdomadaire, CRISP, 1367-1368, 1992.
  • [90]
    CJCE, aff. 43/75, Rec 1976, p. 547.
  • [91]
    D’après C. Hoskyns, « Gender issues in international relations : the case of the European Community », Review of International Studies, vol. 20, juillet 1994, pp. 225-39.
  • [92]
    Conseil national du travail 15 octobre 1975 cité par É. Vogel-Polsky, « L’incidence du droit social européen sur le droit du travail belge », Cent ans de droit social belge, Bruxelles, 1986.
  • [93]
    I. Oster et J. Lewis, « Gender and the evolution of european social policies », in Leibfried/Pierson, op. cit., pp. 159 et suiv.
  • [94]
    JOCE, L6, 10 janvier 1979, p. 24-25.
  • [95]
    Il s’agit bien du droit à la prestation, et non pas de l’âge auquel un travailleur peut être contraint à prendre sa pension ; dans ce domaine, toute discrimination est interdite.
  • [96]
    CJCE, aff. C 262/88, Rec 1990.
  • [97]
    Lettre de la Commission, 2 juin 1986, arrêté royal du 8 août 1986 et arrêté ministériel du 23 janvier 1987.
  • [98]
    Cf. D. Coeurnelle et A. Ottevaere, « La sécurité sociale belge et l’égalité de traitement entre hommes et femmes », Revue belge de sécurité sociale, n°3, septembre 1994, pp. 865-930.
  • [99]
    CJCE, 7 mai 1991, aff. C-229/89, Rec. 1991, p.2205.
  • [100]
    Journal des tribunaux du travail, 1996, p. 133.
  • [101]
    A. E. Morris et S.M. Nott, Working women and the Law : Equality discrimination in Theory and Practise, Londres, 1991, p. 193.
  • [102]
    C. Gobin, « La CES. Son programme d’action au fil de ses congrès », Courrier hebdomadaire, CRISP, 1367-1368, 1992, p. 23.
  • [103]
    Cf. E. Arcq, « L’Unice et la politique sociale européenne », Courrier hebdomadaire, n° 1400, CRISP, 1993.
  • [104]
    É. Vogel-Polsky, « L’Acte unique ouvre-t-il l’espace social européen ? », Droit social, 1989, n°2, pp. 177 et suiv.
  • [105]
    Cf. P. Jonckheer et P. Pochet, « De la Charte sociale au programme d’action de la Communauté européenne », Courrier hebdomadaire, CRISP, 1990, n° 1273-1274.
  • [106]
    Le moment où l’idée d’adopter la forme d’une déclaration solennelle a été adopté n’est pas clair : l’UNICE s’était proposée en faveur de cette solution, contrairement au CES et au Parlement européen, et l’avant-projet de la commission a suivi cette position. L’avant-projet parlait du citoyen, le projet final ne pariait plus que du travailleur.
  • [107]
    L. Van den Brande, ministre de l’Emploi et du Travail, La Libre Belgique, 9 juin 1989.
  • [108]
    La Libre Belgique, 7 avril 1989.
  • [109]
    Le Peuple, 14 juin 1989.
  • [110]
    Conseil national du travail, avis n° 930, 24 octobre 1989.
  • [111]
    Avis du CES, 22 février 1989.
  • [112]
    La Libre Belgique, 24 octobre 1990 et 7 février 1991.
  • [113]
    Le Soir, 21 avril 1988, 5 octobre 1988.
  • [114]
    C. Gobin, op. cit.
  • [115]
    Remarquons cependant que dans d’autres pays, par exemple l’Italie, les coupes dans les budgets sociaux ont été drastiques, particulièrement en matière de pensions.
  • [116]
    Recommandation 92-441, JOCE, n°245, 26 août 1992, p. 46
  • [117]
    « Recommandation portant sur des critères relatifs à des ressources et prestations suffisantes dans les systèmes de protection sociale, du 27 juillet 1992 relative à la convergence des objectifs et des politiques de protection sociale », n° 92-442, JOCE, n° 245, 28 août 1992, p.219 ; à propos de la stratégie de convergence, voir l’article de M. Dispersyn, Revue belge de sécurité sociale, n°2, 1994, pp. 1195 et suiv.
  • [118]
    PH. Gosseries, « Droit de la sécurité sociale comme droit de l’homme » Journal des tribunaux du travail, n° 639, 20 février 1996, p. 95 ; cf. aussi Dispersyn, op. cit.
  • [119]
    Idée de PH. Gosseries, « Droit de la sécurité sociale comme droit de l’homme », Journal des tribunaux du travail, n°639, 20 février 1996, p. 88
  • [120]
    Le monde du travail libre, 31 janvier 1992 ; Syndicaliste CSC, septembre 1992.
  • [121]
    J. Pakaslahti, L’UEM menace-t-elle les systèmes de sécurité sociale ?, Observatoire social européen, Working paper, novembre 1997.
  • [122]
    J.-P. Yonnet, « Une redéfinition de la politique sociale européenne », Courrier hebdomadaire, CRISP, n°1480, 1995.
  • [123]
    Observatoire social européen, Nota bene, n°76, novembre 1993.
  • [124]
    Observatoire social européen, Nota bene, n°79, février 1994.
  • [125]
    La CES et le Livre blanc, novembre 1994.
  • [126]
    Commission des Communautés / Ministère belge des Affaires sociales, de la Santé publique et de l’Environnement, La convergence : une stratégie européenne, novembre 1993, p. 16.
  • [127]
    O. De Schutter, « L’adhésion des Communautés européennes à la Convention européenne des droits de l’homme », Courrier hebdomadaire, CRISP, n°1140, 1994, p. 6.
  • [128]
    Selon l’expression de F. Rizzo dans la préface de La jurisprudence sociale de la Cour de justice des communautés européennes, Aix-Marseille, 1992.
  • [129]
    « Union européenne et processus de convergence sociale », Revue belge de sécurité sociale, numéro spécial 1998.
  • [130]
    Entre autres É. Vogel-Polsky, « L’Acte unique ouvre-t-il l’espace social européen ? », Droit social, n°2, 1989, p. 179 : « Dès l’origine, il a été clair que la politique sociale touche directement à des éléments fondamentaux de la vie des États et que les gouvernements ont beaucoup de réticences à abandonner de pris ou de loin leurs compétences en ce domaine » ; S. Leibfried / P. Pierson, European social policy between fragmentation and integration, New York, 1995.
  • [131]
    Le Monde, 10 février 1998.
  • [132]
    Arrêté royal du 12 décembre 1991.

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Ce Courrier hebdomadaire est consacré aux normes internationales de protection sociale, Ce dernier terme doit s'entendre dans un sens restrictif: il s'applique à la sécurité sociale exclusivement, dans les six branches qui la composent traditionnellement en Belgique : l'assurance chômage, l'assurance maladie-invalidité, l'indemnisation des maladies professionnelles, les accidents du travail, les allocations familiales et les pensions (nous laissons de côté les vacances annuelles). Durant les cinquante dernières années, parallèlement à la mise en place, au développement puis à l'évolution de systèmes nationaux de sécurité sociale, s'est développée, tant sur le plan européen que sur le plan mondial, la coopération internationale. Celle-ci a donné le jour ou une nouvelle impulsion à des organisations internationales munies de compétences en matière économique, financière, politique, de défense mais aussi sociale. Le développement de l'État providence et l'accroissement de la coopération internationale avec transfert de souveraineté aux instances internationales semblent s'être déroulés de manière indépendante l'un de l'autre. Mais de nombreuses normes en matière de protection sociale sont produites au niveau international : les conventions et recommandations de l'Organisation internationale du travail, les recommandations et les études de l'Organisation de coopération et de développement économique, les instruments élaborés au sein du Conseil de l'Europe, les directives, règlements et recommandations de l'Union européenne, etc. D'emblée, il faut noter qu'il serait erroné de ramener la problématique à l'étude de l'influence d'une norme internationale sur notre système de protection nationale. Le processus se révèle en effet plus dynamique, une nonne internationale n'étant susceptible d'être appliquée dans notre pays que si elle est issue d'une organisation dont fait partie, ou à laquelle est associée à un degré quelconque, la Belgique. Ainsi, cet angle d'approche conduit-il à tenter d'apporter quelques éléments de réponses aux questions suivantes : quelle est, dans chaque organisme, l'importance de la participation belge ? Quel est, pour chaque norme, l'impact de l'influence belge dans son adoption ? Les modalités, en ce compris la rapidité, de la transposition d'une norme sur le plan national varient-elles en fonction, précisément, de ces paramètres ? Et en tentant d'épuiser les possibilités du questionnement, la Belgique - dans la majorité des cas, son gouvernement qui la représente dans les organisations intergouvernementales - adopte-t-elle la même attitude face à des problématiques de sécurité sociale sur le plan national et sur le plan international ? Le présent Courrier hebdomadaire présente des éléments de réponses à ces questions, dégagés au terme d'une recherche qui a tenté une approche sociopolitique de l'activité d'organismes d'ordinaire analysés du seul point de vue juridique. Le présent Courrier hebdomadaire présente les résultats d'une recherche menée au CRISP à la demande du ministre des Affaires sociales.
Mis en ligne sur Cairn.info le 30/05/2014
https://doi.org/10.3917/cris.1598.0001
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