CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1Alors que l’histoire de l’immigration plonge ses racines dans un passé lointain, alors que l’établissement durable des travailleurs étrangers et de leurs familles est perçue - depuis beaucoup moins longtemps - comme une donnée irréversible par les autorités politiques, par la population et par les immigrés eux-mêmes, la question de l’intégration des personnes d’origine étrangère est posée avec insistance, aujourd’hui encore, dans divers milieux sociaux, politiques, associatifs.

2Percées électorales des partis d’extrême droite, relations tendues entre l’islam et la société, montées de la violence dans des quartiers défavorisés, sont autant de signaux de l’existence d’un malaise. Autant de raisons de considérer, pour certains, que l’intégration n’est pas possible et, pour d’autres, que cette problématique n’a jamais été vraiment prise en compte par les autorités politiques.

3L’histoire des politiques d’accueil et d’intégration des travailleurs immigrés et de leurs familles, de l’après-guerre à nos jours, indique pourtant qu’en un demi-siècle de nombreuses initiatives ont été prises aux différents niveaux de pouvoir dans les domaines politique, administratif ou social. Sans doute, leur contenu n’a-t-il rencontré que partiellement les besoins, les pratiques se sont-elles distancées des intentions exprimées, la volonté politique était-elle souvent absente. Sans doute aussi ont-elles manqué tantôt de persévérance, tantôt de coordination. La première partie du présent Courrier hebdomadaire se propose de dresser un tableau des mesures adoptées, en regard des phases successives d’immigration et des principales législations adoptées.

4Cette partie morphologique porte sur les modes d’intégration des populations d’origine étrangère mis en œuvre par les pouvoirs publics et sur leurs aspects institutionnels, administratifs et juridiques, sans cependant aborder les contenus détaillés de dispositions spécifiques, elles aussi de nature à favoriser l’intégration. Il s’agit plutôt d’aborder la création et la réalisation de centres, de comités ou de conseils, lieux d’accueil, de consultation, voire de participation à l’élaboration et à l’exécution de politiques.

5Cette partie descriptive conduit à analyser et à évaluer, dans un second temps, les orientations politiques en matière d’intégration des immigrés et leur traduction en termes opérationnels. On s’interrogera notamment sur les conceptions, les moyens et les effets des diverses réalisations, ainsi que sur leur cohérence et leur pérennité.

6La réflexion débouche enfin sur une approche plus spéculative inspirée par des événements récents. En l’état actuel, toutefois, l’évolution des rapports entre la société et ses minorités d’origine étrangère ne peut guère s’appréhender que sous la forme d’hypothèses. Des glissements perceptibles depuis l’arrivée de "nouvelles immigrations" montrent combien, comme pour beaucoup d’autres phénomènes de société, la situation n’est ni homogène ni figée.

7Une remarque de vocabulaire s’impose d’emblée. Aujourd’hui, la société belge comporte une population, soit étrangère soit belge d’origine étrangère mais qui n’a pas vécu elle-même l’immigration. Néanmoins, les termes "immigration" et "immigrés" seront utilisés à l’instar de ce qui est encore pratiqué en de nombreux lieux, notamment officiels, parce qu’ils sont les plus usuels. Ils renvoient dans cette étude, à la notion plus large de "population d’origine étrangère".

1 – Morphologie des modes d’intégration depuis 1945

1945-1960 : l’arrivée de travailleurs étrangers dans les mines belges

8Nous ne reviendrons guère sur la première période de l’immigration de main-d’œuvre après la deuxième guerre mondiale. Celle-ci a déjà fait l’objet de nombreuses études et analyses [1]. Toutefois quelques points semblent particulièrement importants à rappeler parce qu’ils mettent bien en perspective toute politique d’intégration ultérieure.

9Au lendemain de la guerre, le gouvernement de coalition catholique-socialiste-communiste-libérale, dont le Premier ministre est A. Van Acker, accorde aux (futurs) mineurs belges un statut privilégié. Le gouvernement veut recourir à de la main-d’œuvre belge et ne plus recruter d’étrangers. Les inconvénients que ceux-ci peuvent occasionner lors de troubles importants - la guerre en l’occurrence - interdisent de faire dépendre d’eux l’activité d’une de nos principales industries [2]. Par mesure de sécurité, l’approvisionnement en énergie et la production charbonnière doivent être assurés par des Belges. Le discours officiel est clair : "la mine aux Belges !". De substantiels avantages sont consentis aux mineurs belges pour qu’ils continuent à travailler à la mine et aux chômeurs belges pour les encourager à y aller.

10Toutefois la production charbonnière n’augmente pas, au contraire, elle diminue. Pour faire face à la pénurie de combustible, le gouvernement n’attend plus les effets positifs des mesures prises. Il recrute des prisonniers de guerre allemands - quelque 64.000 en tout - pour contribuer à la production charbonnière. Parmi ceux-ci on recrute plus de 45.000 mineurs, dont 12.000 ouvriers à veine [3].

11Cette embauche n’a pas été sans problème : "La mise au travail des prisonniers allemands ne pouvait entrer dans sa phase de réalisation sans que certains obstacles ne fussent au préalable aplanis. Les ouvriers, en effet, pouvaient formuler des objections : les Allemands étaient encore détestés à l’époque, et leur arrivée pouvait apparaître comme une menace sociale. Aussi le gouvernement s’employa-t-il à motiver leur emploi auprès des ouvriers et de leurs syndicats. (…) L’opinion ouvrière fut bien « conduite » : l’emploi des prisonniers fut présenté comme une nécessité, voire comme un juste droit de réparation des dégâts causés par l’ennemi. Ces arguments portèrent, mais les membres du gouvernement avaient dû payer de leur personne pour les faire accepter" [4].

12L’emploi de cette main-d’œuvre d’appoint a plusieurs avantages : non seulement elle permet d’augmenter la production charbonnière (jusqu’à 30%), mais elle assure aussi la continuité de la production : "Aussi n’est-il pas illogique de penser que si la destination initiale de cette main-d’œuvre était d’augmenter la production, elle fut aussi employée pour « briser les grèves ».(…) Pour juger du bien-fondé de l’accusation précitée, examinons ce qui se passa dans les mines après la mise au travail des prisonniers. Tout d’abord, les grèves ne cessèrent pas puisqu’en mai 1945, le gouvernement dut les interdire pour trois mois. Par la suite, on relève des cas d’où découle la quasi-certitude que les prisonniers travaillèrent lorsque les mineurs libres étaient en grève" [5].

13La main-d’œuvre étrangère occupée au lendemain de la deuxième guerre a fait l’objet de nombreuses mesures d’encadrement. L’opinion publique fut mise en condition, les syndicats convaincus, et les prisonniers allaient chaque jour sous escorte militaire de leurs camps à la mine. Reste à savoir ce que le mineur belge - à qui le gouvernement avait dit : "la mine aux Belges ; plus jamais d’étrangers pour un travail aussi indispensable" - devait en penser.

14Les prisonniers allemands devant être relâchés après vingt-quatre mois - c’est-à-dire à partir de mai 1947-, la production charbonnière risque à nouveau de baisser si les Belges ne viennent pas les remplacer. Le gouvernement, malgré les campagnes d’engagement répétées dans les bureaux de chômage, craint la pénurie de main-d’œuvre. Dès janvier 1946 (soit dix-sept mois avant la libération des prisonniers), il entame des négociations avec le gouvernement italien pour le recrutement de travailleurs italiens. Ces négociations aboutissent à la signature à Rome, le 20 juin 1946, du Protocole italo-belge qui prévoit le transfert de 50.000 travailleurs italiens vers les mines belges. Entre juin 1946 et décembre 1949, plus de 77.000 Italiens sont recrutés pour les charbonnages. Le nombre qui figurait dans le protocole italo-belge a donc été largement dépassé.

15A ce nombre il faut encore ajouter quelque 23.000 réfugiés de l’Europe de l’Est (personnes déplacées-displaced persons) que les missions belges vont recruter dans les camps de réfugiés en Allemagne.

16Malgré des taux de chômage très élevés en 1949-1950, de 1950 à 1955 le recrutement de travailleurs italiens pour les charbonnages belges se poursuit. Entre 1951 et 1955 la Fédération des entreprises charbonnières-Fédéchar recrute quelque 60.000 travailleurs à l’étranger, principalement en Italie. Après la catastrophe minière du charbonnage du Bois-du-Cazier (Marcinelle, le 8 août 1956), où périrent 262 mineurs dont 136 Italiens, le recrutement pour les charbonnages s’oriente vers d’autres pays : l’Espagne [6] et la Grèce dans la deuxième moitié des années 1950.

17L’immigré, à l’époque, c’est le "gastarbeiter" : un étranger recruté uniquement pour sa force de travail et renvoyé lorsqu’il ne voulait plus la vendre ou qu’il n’en était plus capable. Cela nécessitait un encadrement stria par différents acteurs sociaux : le patronat (charbonnier) pour la mise au travail et la surveillance de la production, la police des étrangers en ce qui concerne l’entrée en Belgique, le séjour et le renvoi lorsque le travailleur ne satisfaisait plus aux conditions de séjour, c’est-à-dire quand il n’avait plus d’emploi, et les organisations syndicales afin que les étrangers ne concurrencent pas la main-d’œuvre nationale.

18La politique d’intégration menée par les organisations syndicales diffère selon qu’il s’agit de la CSC ou de la FGTB. Les syndicats chrétiens mènent dès 1946 une politique de recrutement et d’affiliation active. A ce sujet M. Martiniello note : "Il est en tout cas primordial de remarquer que ce sont les structures catholiques qui ont été les plus rapides et les plus efficaces dans l’encadrement des migrants italiens. « Dès le mois de juin 1946, à l’annonce de l’arrivée prochaine d’un très grand nombre d’Italiens, la CSC entre en rapport avec les ACLI afin d’organiser l’affiliation au syndicalisme chrétien belge des émigrants d’Italie » (Morelli, ?., 1988, p.10). Quelques mois plus tard naissent les « patronati » ACLI. Ils font fonction de services sociaux et simultanément ils vont diriger les immigrés italiens vers la CSC. Quant aux « cercles » ACLI, ils se constitueront dès 1954. En janvier 1947 est signé un accord entre la CSC et les organisations catholiques italiennes. Il prévoit la publication d’un journal catholique en italien. C’est ainsi qu’est fondé la même année le « Sole d’Italia » qui existe toujours aujourd’hui. L’accord prévoit aussi que la CSC mettra ses services sociaux à la disposition des mineurs italiens, qu’elle organisera un secrétariat dans chaque bassin minier, confié à des secrétaires italiens. Ils seront aidés d’assistantes sociales venant d’Italie et travailleront main dans la main avec les missionnaires. Signalons aussi la création en 1947 de l’ONARMO[7] qui s’occupe surtout de l’évangélisation des migrants italiens. En août de la même année, la CSC se dote d’un service spécial des étrangers. Enfin, soulignons aussi les liens étroits entre les missionnaires et la Démocratie Chrétienne. Le vote en Italie pour ce parti était l’objectif qu’ils devaient atteindre. En ce qui concerne les socialistes, la FGTB ne commence réellement à s’intéresser aux immigrés qu’après la catastrophe de Marcinelle. Quant aux communistes, ils font l’objet d’une répression policière intense. Les candidats mineurs soupçonnés de liens rouges sont gardés en Italie et les délégués de la CGIL interdits en Belgique. Ainsi durant toute cette phase de l’immigration contingentée se met en place et prédomine un leadership dans les structures chrétiennes" [8].

19La seule législation existant en matière d’intégration et d’accueil des travailleurs immigrés est un arrêté royal [9] qui permet au ministre de l’Emploi et du Travail d’allouer une indemnité aux aumôniers des travailleurs étrangers. Cette indemnité - équivalent au montant accordé par la loi à un vicaire du culte catholique - est "destinée à couvrir les charges résultant de leur mission", qui consiste en l’accompagnement religieux et moral des communautés étrangères, des travailleurs et de leurs familles.

20Les mesures prises pour encadrer et insérer les immigrés italiens sont donc multiples à cette période : services sociaux, missionnaires et assistantes sociales du pays d’origine, journal italien, accords entre organisations syndicales, politiques et religieuses belges et italiennes, etc. Elles sont toutefois essentiellement orientées vers des aspects liés à la fonction économique des travailleurs étrangers (formalités administratives, relations de travail) et vers leur encadrement religieux.

21C’est au cours de cette période que la loi sur la police des étrangers [10] est adoptée. Cette loi, qui a régi le statut des étrangers pendant près de trente ans, réunit en une seule législation deux aspects auparavant distincts : d’une part le régime de l’accès au territoire et du séjour, d’autre part les règles auxquelles sont soumis les étrangers résidant en Belgique. Très sommaire, la loi sur la police des étrangers laisse en fait le ministre de la Justice réglementer par voie d’arrêtés royaux et de circulaires l’essentiel du statut des étrangers. Elle a été critiquée pour le rôle qu’elle attribuait à la police des étrangers en matière d’autorisation de séjour, pour la place qu’elle laissait à l’arbitraire et à l’interprétation qu’en faisaient de hauts fonctionnaires, et parce qu’elle ne prévoyait pas de procédure de recours contre les décisions prononcées a l’égard de ressortissants étrangers.

1960 - 1970 : la mise en place de structures d’accueil

22Fin des années 1950, la conjoncture, caractérisée par la rationalisation du secteur minier et par la croissance économique, donne lieu à une politique migratoire particulièrement ouverte en réponse à l’appel du patronat confronté à une pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs de production. On assiste alors au cours de la décennie suivante à un triple élargissement :

  • des pays d’origine : la Belgique demeure ouverte aux travailleurs espagnols, portugais, grecs et italiens du sud, toutefois un recrutement intensif de main-d’œuvre maghrébine (essentiellement marocaine) a lieu au début des années 1960 et l’immigration turque démarre dans les années 1963-1965. Tandis que les travailleurs nord-africains sont recrutés au Maroc et dans d’autres pays du Maghreb selon les méthodes classiques [11], l’immigration turque a lieu en trois phases : une immigration contingentée vers le Limbourg et la région carolorégienne à partir de 1963, une immigration de "touristes" qui s’installent de 1967 à 1970 à Bruxelles et dans le Luxembourg et sont occupés dans les secteurs du bois, du bâtiment et des carrières, et une troisième vague au début des années 1970 (voir infra) ;
  • des secteurs d’activité : engagés d’abord dans les mines et dans la construction, les travailleurs immigrés s’implantent ensuite dans d’autres secteurs industriels comme la métallurgie, la chimie et le bâtiment, ou de services comme les transports en commun et le nettoyage ;
  • des régions d’implantation : on observe une diversification géographique et un glissement de la présence des travailleurs étrangers du sud du pays et de la Campine (régions minières) vers les grandes villes (Bruxelles, Liège, Anvers, Gand) et des villes moins importantes, surtout en Flandre (Malines, Vilvorde, Zaventem, Saint-Nicolas, etc.).

23Bien qu’à cette époque, la nécessité de fixer la main-d’œuvre étrangère en Belgique et d’assurer la reproduction de sa force de travail soit affirmée (par exemple dans le Rapport Sauvry et dans le discours du gouverneur de la Province de Liège en 1962, voir infra), les politiques menées ne vont pas dans le sens d’un établissement durable des travailleurs étrangers et de leurs familles, et les problèmes continuent à être définis comme liés à la dimension économique de l’immigration (situation administrative, etc.). Les conditions de vie (logement, enseignement, etc.), pas plus que les aspects culturels, ne font réellement l’objet d’une politique active.

Au niveau national

24La persistance du recours à la main-d’œuvre étrangère pour diminuer les pressions sur le marché du travail durant les années 1960, leur occupation dans divers secteurs industriels, l’acceptation puis l’encouragement au regroupement familial pour stabiliser cette main-d’œuvre, assurer la reproduction de la force de travail et ralentir la baisse démographique et le vieillissement de la population en Wallonie [12], les droits découlant de la libre circulation pour les travailleurs prévue par les traités Bénélux, CECA, OECE [13] et CEE [14], ont comme conséquence que les problèmes des travailleurs immigrés ne peuvent plus être résolus uniquement au sein de la Commission tripartite de la main-d’œuvre étrangère-CTMOE. Cette commission avait été créée le 12 juillet 1948 au sein du Ministère de l’Emploi et de la Prévoyance sociale "afin d’examiner les différents problèmes posés par l’immigration". Elle est composée de délégués gouvernementaux, patronaux et syndicaux et donne son avis sur les demandes de contingents et les critères servant de base à l’examen des demandes individuelles.

25Le 20 décembre 1965, la Commission tripartite est remplacée par le Conseil consultatif de l’immigration-CCI. Ce dernier a pour objectif "la création de conditions permettant l’intégration et l’assimilation des familles de travailleurs migrants au sein de la communauté belge". Ce conseil "pourra désormais, soit d’initiative, soit à la demande du Ministre de l’Emploi et du Travail, examiner et émettre des avis sur tous les problèmes sociaux, économiques et administratifs posés par l’immigration" [15]. La composition en est élargie : aux représentants des pouvoirs publics et de ministères (Emploi, Justice, Affaires étrangères, Agriculture, Affaires économiques, Travaux publics) et aux représentants patronaux et syndicaux, viennent s’ajouter des représentants d’autres ministères (Prévoyance sociale, Finances, Famille et Logement) ainsi que ceux du Bureau de programmation économique, du Conseil économique wallon, du Conseil économique flamand et des provinces où résident un nombre important d’immigrés. Ceci porte à trente-deux le nombre de membres.

Au niveau sous-régional

26Des services provinciaux d’immigration et d’accueil sont créés à Liège (1964), au Limbourg (décision du Conseil provincial du 15 octobre 1964 ; service en activité le 1er septembre 1965), dans le Hainaut (1965) et à Namur (1965). Leur but est de "fixer définitivement dans nos régions le plus grand nombre possible des immigrants. Et non seulement de les fixer, mais de les intégrer à notre population, de les assimiler" [16].

27Le Service provincial d’immigration et d’accueil-SPIA de Liège, administrati-vement rattaché à la Société provinciale d’industrialisation (intercommunale mixte), en réfère pour ce qui concerne ses orientations et ses activités à la Commission provinciale d’immigration [17]. Cette dernière est composée de représentants des employeurs (construction, mines, fabrications métalliques), des organisations syndicales et des pouvoirs publics (députation permanente, bureau régional de l’ONEm, Service d’immigration décentralisé du Ministère de l’Emploi, Conseil économique de la province de Liège, services culturels de la province) [18]. Ses activités couvrent l’information juridique et l’orientation administrative des immigrés, l’assistance technique aux personnes et organismes, l’information et la documentation des organismes actifs dans le domaine de l’accueil des immigrés, l’information de la population sur le mode de vie des immigrés et les problèmes qu’ils rencontrent, la prise en charge d’initiatives spécifiques en matière d’alphabétisation des adultes immigrés ainsi que la promotion d’activités de rapprochement entre les communautés.

28Un service semblable créé dans la province de Hainaut, à Mons, au milieu des années 1960, est administrativement rattaché à l’Association intercommunale pour le développement économique et l’aménagement des régions du Centre et du Borinage-IDEA. Dans la province de Namur, le Service provincial d’immigration et d’accueil, créé en 1965, est rattaché au Bureau économique de la province. Dans le Limbourg par contre, le service existant relève directement du gouvernement provincial.

29Il faut toutefois remarquer que l’extension et la diffusion de cette forme d’organisation ne se sont pas faites, ou fort tardivement, vers d’autres provinces où un nombre important d’immigrés résidaient. Il faut attendre avril 1974 pour que se crée une structure semblable dans la province de Brabant. Ni la province d’Anvers, ni la province de la Flandre occidentale ne trouvent utile de créer un tel service. Ici aussi la construction reste inachevée et incomplète.

Au niveau local

30La mise en œuvre des recommandations du Conseil de l’Europe, qui dès 1964, préconisaient la création de conseils consultatifs sur le plan local [19], se concrétise en Belgique quatre ans plus tard sur l’initiative du Service provincial d’immigration et d’accueil de Liège. Après être intervenu auprès de deux bourgmestres favorables, le Service provincial d’immigration et d’accueil obtient la création d’un Conseil consultatif communal des immigrés-CCCI à Cheratte (où il est installé le 16 janvier 1968) et à Flémalle-Haute [20]. Sont apparus ensuite les conseils consultatifs communaux des immigrés de Cuesmes (disparus en 1971 lors du rattachement de cette entité au Grand-Mons) et de Courcelles, dans le Hainaut. A l’époque, le bourgmestre de Cheratte était Marcel Levaux (qui fut député communiste), celui de Flémalle André Cools (PS), celui de Cuesmes René Noël (qui fut sénateur communiste) et celui de Courcelles Ernest Glinne (PS).

31Ces premières initiatives sont bientôt suivies d’autres, notamment dans l’agglomération bruxelloise au début des années 1970. Pour œuvrer à la création de ces conseils consultatifs et coordonner dans une certaine mesure leur activité, un organe a été créé : le Comité de liaison des organisations de travailleurs immi-grés-CLOTI. Ce comité a été constitué par les régionales de la FGTB et de la CSC en collaboration avec la quasi-totalité des organisations de travailleurs étrangers. Si le comité a joué un rôle important dans l’installation des conseils consultatifs dans certaines communes et a participé activement à leur élection, il a aussi constitué plus largement un organe représentatif des immigrés pour tout ce qui relève de la vie en dehors de l’entreprise jusqu’en 1982 [21]. Sur le plan politique, la création de conseils consultatifs est favorisée dans certaines communes bruxelloises par un parti, le FDF, qui réalise aux élections communales de 1970 une percée dans les communes de l’agglomération [22].

32En Flandre, le premier conseil consultatif communal est installé le 25 janvier 1969 à Heusden, commune minière du Limbourg où les immigrés représentent 19% de la population (principalement des mineurs turcs, espagnols, italiens et marocains). Sa création est le résultat d’une initiative lancée par le Provinciale Dienst voor Onthaal van Gastarbeiders-POG. Ce conseil est élu pour la première fois le 28 novembre 1971 ; il compte sept Turcs, deux membres originaires de l’Europe de l’Est, deux Espagnols, deux Italiens, un Grec et deux Nord-Africains. Un conseil similaire est installé à Maasmechelen, autre commune minière du Limbourg, le 24 février 1972, à Genk le 2 mars 1973, et à Houthalen en 1975.

33Au départ, les conseils étaient constitués par le pouvoir communal, après qu’il eut consulté les organisations syndicales et des associations ayant des immigrés pour membres. Par la suite, des élections sont organisées. Les candidats sont présentés sur des listes par nationalité ou sur des listes plurinationales à caractère idéologique et politique [23].

34La création des conseils consultatifs communaux des immigrés répondait à diverses motivations. Sans doute des situations particulières et la sensibilité personnelle de certains bourgmestres ont-elles favorisé leur création. Mais il faut également tenir compte d’une conjoncture politique plus large. A l’époque, la revendication du droit de vote était déjà fort répandue et était largement relayée par les organisations d’immigrés et les associations belgo-immigrées. Mais les conditions politiques de son adoption n’étaient pas réunies. Dans ce contexte la création d’un conseil consultatif communal remplit deux fonctions :

  • face à l’impossibilité - provisoire, conjoncturelle ? - d’accéder au processus électoral, le conseil consultatif apparaît comme un palliatif offrant les conditions d’une participation - même restreinte - à la vie politique ;
  • l’expérience des conseils consultatifs, ainsi conçue comme transitoire, peut remplir une fonction d’expérimentation du fonctionnement de la démocratie pour des populations qui ont été trop longtemps éloignées du système politique, et créer un ensemble de conditions (sensibilisation politique, connaissance des rouages) en vue de cette échéance.

Au niveau des entreprises

35L’acquisition des droits sociaux par les travailleurs étrangers s’est produite, du moins si l’on considère la participation et l’éligibilité aux élections sociales dans les entreprises, essentiellement dans le courant des années 1960. De telle sorte que l’égalité avec les travailleurs nationaux est réalisée lors des élections de 1971.

36L’histoire de l’acquisition de ces droits [24] révèle une distinction entre droit de vote et droit d’éligibilité. La loi sur les conseils d’entreprise prévoyait qu’un arrêté royal détermine "les conditions et la participation au vote des travailleurs étrangers et apatrides" [25]. En 1949, un arrêté fixe comme condition l’obligation de détenir un permis de travail depuis deux ans au moins [26]. En 1963, on spécifie seulement que les travailleurs étrangers doivent être occupés en conformité avec les dispositions de la législation concernant l’emploi de la main-d’œuvre étrangère [27]. La loi de 1948 qui envisageait de pouvoir imposer "des conditions spéciales notamment de réciprocité ou de résidence" est modifiée quinze ans plus tard et ne contient plus l’énoncé de ces principes [28].

37C’est en matière de conditions d’éligibilité que l’égalité entre travailleurs étrangers et nationaux a mis le plus de temps à être réalisée. La loi de 1948 prévoyait deux conditions pour être délégué du personnel au conseil d’entreprise : être belge et âgé de 25 ans au moins. La loi de 1963 est plus tolérante puisqu’elle autorise les étrangers et les apatrides à être délégués du personnel. Mais elle maintient une discrimination d’ancienneté : pour les travailleurs belges, l’éligibilité est soumise à une occupation de trois ans minimum dans la branche d’activité dont ressort l’entreprise, tandis que cette durée est portée à cinq ans pour les étrangers et apatrides. En 1967, un nouveau pas est franchi puisque les travailleurs ressortissant d’un pays de la CEE sont mis sur le même pied que les travailleurs belges (condition d’occupation pendant trois ans dans le secteur d’activité de l’entreprise), la discrimination étant maintenue pour les étrangers qui ne sont pas ressortissants d’un Etat membre de la CEE et pour les apatrides (cinq ans d’ancienneté) [29]. En 1971, les ressortissants hors CEE se voient imposer comme seule condition d’être occupés en Belgique conformément à la législation concernant l’emploi des travailleurs immigrés [30]. Enfin, l’arrêté qui règle les élections sociales de 1975 supprime l’obligation de mentionner la nationalité lors de l’établissement des listes électorales [31].

38Si la loi consacre effectivement l’égalité des droits de vote et d’éligibilité, dans les faits, des discriminations persistent en ce qui concerne la représentation des travailleurs immigrés dans les conseils d’entreprise et dans les comités de sécurité, d’hygiène et d’embellissement des lieux de travail. Tant parmi les candidats que parmi les élus, leur nombre est proportionnellement inférieur à leur importance relative parmi le personnel occupé dans les entreprises concernées par les élections sociales. Les statistiques du Ministère de l’Emploi et du Travail ne permettent d’observer que jusqu’en 1983 la place et la sous-représentativité des travailleurs immigrés dans les organes des entreprises. Lors des élections qui se sont déroulées cette année-là, les travailleurs étrangers représentaient 8,4% de la totalité du personnel concerné par l’élection des conseils d’entreprise. Pour l’ensemble des listes, 3.393 travailleurs étrangers représentaient 6,4% des candidats ; parmi eux, 780 ont été élus soit 4,7% de l’ensemble des élus. Des variations sont toutefois observables selon les listes et selon certaines caractéristiques des entreprises (secteur d’activité, région, dimension, etc.) [32].

1970-1980 : période de transitions

39Après une interruption de 1967 à 1969 en période de récession économique, le mouvement migratoire reprend à partir de 1970. Il est notamment formé de la troisième phase d’immigration de travailleurs turcs, qui s’installent à Bruxelles, à Gand et dans le Limbourg et sont occupés dans les secteurs des charbonnages, de la métallurgie, du bâtiment et du nettoyage.

40Les années 1970 apparaissent comme une période de transition au cours de laquelle on assiste - sur le plan institutionnel, sur le plan organisationnel ainsi que sur le plan général de la législation et de la politique envers les immigrés - à la mise en œuvre de processus déterminants et à l’introduction de modifications significatives. C’est en effet au cours de cette période que les réformes de l’Etat prévoient et organisent le transfert de la compétence d’accueil et d’intégration des immigrés du Ministère de l’Emploi et du Travail aux régions dans un premier temps, aux communautés ensuite. Le droit des étrangers est l’objet de projets de réforme. Certaines des formes de consultations apparues dans les années 1960 connaissent un déclin, d’autres des transformations dans le prolongement des réformes institutionnelles. C’est au cours de cette période également que le gouvernement prend la décision d’arrêter l’immigration de la main-d’œuvre non qualifiée, à l’exception du regroupement familial (à partir du 1er août 1974) [33], et que le culte musulman est reconnu (juillet 1974). Deux mesures qui indiquent déjà que les populations immigrées sont installées durablement sur le sol national, même si la pleine conscience de cette réalité n’est acquise que plus tard (au début des années 1980). C’est-à-dire au moment où ce qui s’élabore dans les années 1970 prend forme concrètement.

Au niveau national

41Alors qu’au début de la décennie, l’immigration est toujours régie par la loi du 28 mars 1952 sur la police des étrangers et par l’arrêté royal du 21 décembre 1965 relatif aux conditions d’entrée, de séjour et d’établissement des étrangers en Belgique, une remise en question du statut des étrangers a lieu à la suite de la contestation des projets gouvernementaux concernant le séjour en Belgique des étudiants étrangers [34]. Une commission de réforme du statut des immigrés est installée par le ministre de la Justice A. Vranckx. Cette commission, connue sous le nom de Commission Rolin, réduit en fait son objet à la réglementation du séjour et dépose son rapport le 27 février 1972 ; ses conclusions ont la forme d’un avant-projet de loi. En octobre 1975, le ministre de la Justice, H. Vanderpoorten, dépose un projet de loi relatif à l’accès au territoire, au séjour, à l’établissement et à l’éloignement des étrangers [35] qui, bien qu’il s’inspire des conclusions des travaux de la commission, s’en distingue à plusieurs égards. Au même moment, diverses propositions de loi sont déposées a la Chambre dont l’esprit est plus conforme aux conclusions de la commission. Discuté à la Chambre, le projet de loi fait l’objet de nombreuses modifications (cinquante des nonante-quatre articles ont été amendés, un a été supprimé et deux ont été ajoutés). Adopté à l’unanimité par la Chambre le 8 juin 1978, le projet fait encore un séjour de deux ans au Sénat avant d’être voté (le 20 novembre 1980) et de devenir la loi du 15 décembre 1980 [36] (connue sous le nom de loi Moureaux).

42Cette loi porte essentiellement sur la réglementation du séjour et constitue la base du statut (administratif) des étrangers. Elle poursuit les objectifs "de clarifier la législation existante et d’y inclure formellement les obligations internationales qui nous incombent en vertu de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme, le Traité de Rome, les règlements et directives de la Communauté économique européenne ou toutes autres conventions ou accords bilatéraux. Elle entend aussi assurer une protection plus efficace des droits individuels en précisant dans la loi elle-même les droits et les obligations de l’étranger et en institutionnalisant les voies de recours dont les actes administratifs peuvent faire l’objet". Elle vise également à réprimer l’immigration irrégulière et à assurer la protection de la communauté "et particulièrement de notre jeunesse, contre les agissements d’étrangers démunis de moyens d’existence, qui troublent l’ordre public et vivent d’expédients" [37].

43La loi établit une différence entre l’étranger ressortissant d’un Etat membre de la Communauté européenne et celui originaire d’un pays tiers ; elle envisage les cas du réfugié, de l’apatride et de l’étudiant étranger.

Le transfert de la compétence aux régions

44Sur le plan institutionnel, la loi du 1er août 1974 créant des institutions régionales à titre préparatoire à l’application de l’article 107quater de la Constitution, dite loi Perin-Van de Kerckhove, fait de la "politique d’accueil", jusqu’alors du ressort du ministre de l’Emploi et du Travail, une matière régionale (article 4, 6°). L’arrêté royal du 28 février 1975 [38] énonce ce que recouvrent les termes "politique d’accueil" en précisant qu’il s’agit de l’accueil des travailleurs migrants :

45

"La politique d’accueil des travailleurs migrants :
a) L’application de la réglementation relative à l’occupation des travailleurs migrants.
b) L’intervention dans les frais de voyage de la famille des travailleurs migrants.
c) L’octroi d’une indemnité aux personnes appelées à aider moralement et/ou religieusement les travailleurs migrants.
d) La liquidation des frais inhérents aux activités déployées en vue de l’intégration des travailleurs migrants et de leur famille, de faciliter leur adaptation et d’améliorer la compréhension entre Belges et étrangers.
e) La publication de brochures d’information pour travailleurs migrants dans les langues utilisées par ceux-ci.
f) L’octroi d’une subvention à l’ASBL « Centre d’initiation pour réfugiés et étrangers » et aux services communaux, pour l’organisation de cours de langues.
g) L’octroi de subsides aux communes et aux services publics pour l’édition de publications à l’intention des travailleurs migrants.
h) L’octroi de subsides aux comités régionaux d’accueil, aux conseils consultatifs communaux et aux associations créées par les travailleurs migrants.
j) L’achat de matériel didactique pour l’organisation de cours de langues à l’intention des immigrés".

46Cette matière est impartie à des secrétaires d’Etat aux Affaires régionales qui ont notamment à gérer le budget y afférent.

47Un arrêté royal de 1971 [39] a institué une allocation, semblable à l’indemnité des aumôniers des travailleurs étrangers, pour des conseillers moraux présentés par une fondation pour l’assistance morale laïque. En 1977, on dénombrait seize aumôniers et quatre conseillers moraux en Wallonie ; à Bruxelles ces chiffres s’élevaient à sept aumôniers et un conseiller moral, tandis qu’en Flandre ils étaient respectivement trois et cinq.

48Dans le cadre de l’encouragement au regroupement familial, un arrêté royal octroyait, sur demande du travailleur dans les six mois de l’arrivée de sa famille, le remboursement des frais de voyage des familles de travailleurs immigrés comptant au moins trois enfants (à concurrence de 50 % pour les ressortissants de pays tiers à la CEE et de 100 % pour les ressortissants de pays de la CEE, plafonné à BEF 15.000) [40].

Le Conseil consultatif de l’immigration

49L’évolution institutionnelle et l’arrêt de l’immigration décrété en 1974 ont des répercussions sur l’aaivité du Conseil consultatif de l’immigration installé auprès du Ministère de l’Emploi et du Travail. Celui-ci a connu en effet un ralentissement de ses activités à la fin des années 1970. Il s’est réuni dix fois au cours de la décennie, dont huit fois pendant la période 1974-1978 durant laquelle il a essentiellement été question de l’octroi de permis de travail et de la régularisation de la situation des travailleurs clandestins. Pour le reste, il a examine le projet de loi sur l’accès au territoire et le séjour ainsi qu’une proposition de loi sur le racisme et la xénophobie ; il s’est penché sur la politique d’immigration (notamment les effets de la régionalisation sur l’immigration) et a consacre une séance à la formation professionnelle et au regroupement familial.

Au niveau des communautés

50Au début de la décennie (en 1971), l’autonomie culturelle est accordée aux communautés culturelles française et néerlandaise. En application du Pacte culturel du 24 février 1972, la loi du 16 juillet 1973 garantit la protection des tendances idéologiques et philosophiques et leur association à l’élaboration et à la mise en œuvre de la politique culturelle. Sans que cette disposition concerne les populations immigrées en particulier [41], la création des communautés culturelles conduit à des politiques différenciées.

51Le Ministère de la Culture néerlandaise va subsidier durant cette période différents centres locaux d’animation sociale et de développement communautaire pour immigrés. Ces centres se trouvent à Anvers (Centrum Buitenlandse Werk-nemers-CBW), à Gand (Samenlevingsopbouw Gastarbeiders Oost-Vlaanderen-SGOV), à Bruxelles (Onthaalcomité voor Gastarbeiden van Brabant-OCGB) et au Limbourg (Limburgs Overlegcomité Opbouwwerk Migratie-LOCOM). Leur tâche est d’animer et de coordonner différentes actions pour favoriser et développer l’accueil et l’intégration locale des immigrés. A cela s’ajoute encore la subsi-diation de multiples initiatives locales en matière d’alphabétisation, apprentissage de la langue maternelle, activités pour les femmes, enfants, jeunes, etc.

52Pour coordonner ces différentes initiatives locales et permettre un développement de l’animation sociale en milieu immigré, le Ministère de la Culture néerlandaise soutient la création d’une nouvelle organisation, le Vlaams Overlegcomité Opbouwwerk Migratie-VOCOM (Comité flamand de concertation pour l’animation sociale des migrants). Ce comité, créé sous forme d’asbl le 16 décembre 1977, doit assumer des fonctions de formation et d’information, de coordination et de représentation, tant au sein des communautés immigrées et entre les différentes associations immigrées que pour la communauté flamande [42].

53Depuis 1976, un budget destiné aux actions de formation en milieu immigré existe au Ministère de la Culture française sans qu’une législation spécifique y soit consacrée [43]. A l’époque, il s’élevait à trois millions de francs et il était géré en collaboration avec le Ministère de l’Emploi et du Travail qui disposait également d’un budget en vue de soutenir des associations (comme par exemple le Centre d’initiation pour réfugiés et étrangers-CIRE, oeuvrant dans le domaine de l’enseignement linguistique pour les adultes).

Au niveau des régions

54En 1974, la politique d’accueil des immigrés devient, on l’a vu, une matière régionale et relève des secrétaires d’Etat régionaux. Les répartitions des dépenses inscrites à leurs budgets pour 1978 indiquent que trois postes couvrent la quasi-totalité : l’octroi d’indemnités aux personnes appelées à aider moralement ou religieusement les étrangers, le remboursement des frais de voyage aux familles des travailleurs immigrés, et l’octroi de subventions aux associations et institutions créées dans le but de favoriser l’accueil et l’intégration des immigrés. En 1978, le budget du Secrétariat d’Etat aux Affaires wallonnes comporte BEF 6,2 millions consacrés à l’octroi d’indemnités aux personnes appelées à aider moralement ou religieusement les étrangers, BEF 4 millions consacrés au remboursement des frais de voyage des familles des travailleurs immigrés, et BEF 6,5 millions destinés à l’octroi de subsides et subventions aux structures d’accueil publiques, aux conseils consultatifs communaux pour les immigrés, à des associations créées par des travailleurs immigrés, aux communes et services pour l’édition de publications à l’intention de travailleurs immigrés, à l’achat de matériel didactique pour l’enseignement du français. Les montants inscrits au budget du Secrétariat d’Etat aux Affaires bruxelloises sont respectivement de BEF 2,6 millions, BEF 2,6 millions et BEF 2,8 millions pour ces matières, tandis que pour le Secrétariat d’Etat aux Affaires flamandes, ils sont de BEF 1,5 million, BEF 2,4 millions et BEF 2,6 millions [44].

55Vie Anciaux, secrétaire d’Etat aux Affaires bruxelloises, chargé du secteur social, publie le 5 mai 1978 une note relative à la politique en matière d’immigration [45]. Cette note n’a jamais été discutée en Conseil des ministres, mais sa valeur réside principalement dans le fait qu’elle brise un silence, en soulignant l’injustice sociale aiguë dont sont victimes les immigrés. Les solutions de ces problèmes doivent naître d’une approche globale et d’une idée d’intégration réelle prenant en compte le respect de l’identité des immigrés [46]. La note de V. Anciaux, bien qu’elle n’ait pas directement débouché sur des mesures concrètes, a eu une importance considérable et, après lui, d’autres ministres ou secrétaires d’Etat (R. Steyaert, T. Kelchtermans, J. Lenssens, H. Weckx) publient des notes dans lesquelles ils développent leurs politiques d’accueil et d’intégration.

Au niveau sous-régional

56Les centres provinciaux d’accueil connaissent des destins divers. Le Service provincial d’immigration et d’accueil de Namur, par exemple, cesse ses activités en 1972 notamment parce que, en période de diminution de l’immigration, son rôle économique (liens avec les entreprises recherchant et utilisant de la main-d’œuvre étrangère) s’estompe au profit d’interventions à caractère social. Le service a été formellement transféré au bureau social de la province, avec un personnel réduit, et n’a pu poursuivre les missions exercées par le Service provincial d’immigration et d’accueil.

57Avec l’arrêt de l’immigration imposé par le gouvernement à partir d’août 1974, les services sous-régionaux d’accueil encore en activité voient leur tâche administrative s’accroître : régularisation de la situation des travailleurs clandestins pendant la période où elle est autorisée et démarches relatives au regroupement familial principalement.

58Le Comité d’accueil aux immigrés du Brabant/Onthaalcomité voor Gastarbeiders van Brabant-CAIB/OCGB [47] est créé en cette période d’arrêt de l’immigration et de régularisation des travailleurs immigrés. "Contrairement aux provinces de Liège et du Limbourg, il n’y avait pas de service provincial d’accueil au Brabant. Après la grève de la faim des travailleurs marocains afin d’obtenir la régularisation de leur séjour et leur rapatriement forcé, des organisations privées ont demandé au gouverneur de créer un service d’accueil. Suite à cela, la province créa une asbl CAIB-OCGB, composée de représentants des autorités, des partenaires sociaux et d’organisations privées" [48].

59En Flandre orientale, la province a mis sur pied en 1977 un service social provincial : le Provinciaal Integratiecentrum Gent-PIC.

A Bruxelles

60La Commission française de la culture de l’agglomération bruxelloise-CFC prend diverses initiatives en matière d’immigration. Elle est notamment à l’origine, en 1974, du Comité de liaison pour la formation des travailleurs immigrés qui regroupe environ cinquante associations immigrées et belgo-immigrées de différentes nationalités. Parmi ses activités, on relève la réalisation de cahiers et de vidéogrammes Lire l’immigration, la formation du personnel communal et des CPAS et une enquête sur la culture immigrée. Ce comité a cessé ses activités fin des années 1970. Celles-ci sont pour l’essentiel prises en charge par le Centre socio-culturel des immigrés de Bruxelles, créé en 1981 (voir infra).

Au niveau local

61Trente-deux conseils consultatifs communaux des immigrés ont été constitués entre 1968 et 1976 [49]. Mais l’extension de cette forme de participation s’arrête là, et aujourd’hui il ne reste plus guère que cinq conseils consultatifs communaux des immigrés en activité en régions wallonne et bruxelloise. En Flandre, après la mise en place de quelques conseils dans les communes minières du Limbourg (et notamment à Houthalen, Heusden, Genk et Maasmechelen), cette forme de participation n’est pas expérimentée ailleurs. Les conseils consultatifs communaux des immigrés existants ont principalement un caractère "gestionnaire" vis-à-vis du pouvoir communal : demande d’amélioration des équipements collectifs dans les quartiers immigrés, organisation spécifique d’actions sociales et culturelles (colonies de vacances, bibliothèques, etc.). Les revendications pour des droits politiques n’y apparaissent plus.

62Le déclin de l’expérience des conseils consultatifs communaux est assez rapide. Amorcé dès le milieu des années 1970 par la disparition de premiers conseils ou par le ralentissement de l’aaivité d’autres, il s’explique par divers faaeurs, parmi lesquels on peut citer, à la suite de S. Panciera :

  • la création des conseils consultatifs communaux des immigrés n’est pas une revendication issue de l’immigration, même si cette formule canalise une volonté de participation politique des immigrés ;
  • la mission des conseils est souvent définie à partir de l’inspiration sociale qui les a fait naître et doit, initialement du moins, s’exercer en dehors de toute préoccupation politique ;
  • le mode de fonctionnement prévoit que le conseil consultatif communal des immigrés doit informer le pouvoir communal, mais celui-ci n’est en rien tenu ni de le consulter ni de suivre ses suggestions, et aucun cadre réglementaire n’existe en la matière ;
  • en outre cette délimitation des compétences a pour conséquence que les conseillers - déjà en position de faiblesse en raison de leur origine et de leur position sociale - n’ont pas de véritables interlocuteurs ;
  • les moyens (subsides, locaux, infrastructure) sont difficiles à obtenir et souvent réduits, surtout en période de difficultés financières des communes ;
  • le conseil consultatif communal des immigrés ne peut par ailleurs se substituer à aucune instance existant dans la commune ; il ne peut pas davantage participer à celles qui existent (par exemple participer en tant qu’observateur aux conseils de CPAS ou aux conseils d’administration des sociétés de logements sociaux) ;
  • tant les conditions de leur création que la manière dont leur mission est définie placent les conseils consultatifs communaux des immigrés dans une situation de subordination à l’égard du pouvoir communal ; le bourgmestre exerce une tutelle sur toute communication entre le conseil consultatif communal des immigrés et le conseil communal ;
  • dans nombre de cas, leurs activités se limitent à des actions d’information, des manifestations folkloriques ou culturelles, des aides individuelles et ponctuelles ;
  • le manque de contacts établis entre le conseil consultatif communal des immigrés et la base immigrée (à quelques exceptions près) indique l’absence de liaison organique entre le conseil et la population de référence.

63Cet ensemble de facteurs indique combien les conseils consultatifs communaux des immigrés se heurtaient à de nombreuses limites, sans compter que leurs promoteurs ne pouvaient légitimement espérer aboutir à la revendication finale - l’obtention du droit de vote et d’éligibilité au niveau local - par ce biais.

Depuis 1980 : l’adaptation aux réformes des institutions

64Au cours des années 1980, l’accroissement de la population étrangère se poursuit, mais à un rythme moins rapide que précédemment (+13.698 en 1980 ; entre +5.000 et +6.000 depuis 1986) [50] à l’exception des années 1983 et 1985 où il y a diminution du nombre d’étrangers. Les principales causes de l’accroissement sont - alors que les frontières sont fermées à l’immigration de main-d’œuvre non qualifiée depuis 1974 - l’accroissement naturel et le regroupement familial, desquels il faut déduire les départs et les changements de nationalité. La décennie a été marquée par l’arrivée, a l’instar d’autres pays d’Europe occidentale, d’un nombre croissant de demandeurs d’asiles.

65La manière dont les législations ont évolué au cours de la décennie 1980 est révélatrice des conceptions de l’intégration des responsables politiques. Les modifications apportées au statut des étrangers (c’est-a-dire à la loi de 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers) et l’instauration d’un code de la nationalité indiquent l’importance accordée au statut juridique dans la politique d’intégration : élargissement et assouplissement des conditions d’octroi de la nationalité et restrictions pour ceux qui demeurent de nationalité étrangère.

66La loi du 28 juin 1984 relative à certains aspects de la condition des étrangers et instituant un code de la nationalité belge [51] (appelée loi Gol) :

  • d’une part tend à faciliter l’accès à la nationalité belge (en 1985, près de 64.000 étrangers adoptent la nationalité alors qu’ils sont habituellement de 8.000 à 9.000 par an ;
  • d’autre part, elle contient des mesures relatives au statut des étrangers, dont plusieurs sont restrictives par rapport à la loi de 1980 : limitation du droit au regroupement familial, limitation du régime spécifique de séjour des étudiants étrangers, possibilité de limiter le séjour ou l’établissement d’étrangers dans certaines communes [52], limitation de l’aide des CPAS à certaines catégories d’étrangers.

67En matière de permis de travail également, la législation est revue dans un sens restrictif. L’arrête royal du 27 juillet 1983 [53] prévoit que :

  • dans les cas de regroupement familial des enfants, ceux-ci auront droit à un permis de travail "A" à condition d’être "arrivés en Belgique en même temps que les parents ou au plus tard 6 mois après l’arrivée du dernier conjoint en Belgique" ;
  • le permis de travail "A" perd toute validité si le porteur s’absente du pays pendant une période de plus d’une année ; il stipule également que l’étranger qui quitte définitivement le pays, est tenu, avant son départ, de restituer le permis de travail à l’administration communale.

68En 1987, la loi Moureaux du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers, modifiée par la loi Gol en 1984, est à nouveau revue en ce qui concerne principalement les réfugiés. Depuis 1954, la reconnaissance de la qualité de réfugiés était confiée au représentant en Belgique du Haut commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés. La contestation relative à l’attribution à une instance internationale de cette compétence est à l’origine de la loi du 15 juillet 1987 [54]. Celle-ci crée le Commissariat général aux réfugiés et apatrides dans le cadre du Ministère de la Justice, auquel sont transférées les compétences du représentant belge du représentant belge du Haut commissariat aux réfugiés, ainsi qu’une Chambre permanente de recours permettant aux réfugiés de s’opposer à la décision du Commissariat général aux réfugiés et apatrides. La procédure de reconnaissance est également modifiée de manière à la rendre plus rapide.

69Une loi tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme et la xénophobie est adoptée en 1981 [55], soit vingt ans après le dépôt à la Chambre et au Sénat de premières propositions à ce sujet. Si, auparavant, des dispositions existaient pour réparer le préjudice né d’une injure, d’une atteinte à l’honneur ou du non-respect de ses droits ou libertés par un fonctionnaire, la loi de 1981 étend la protection et érige en infraction quatre comportements inspirés du racisme ou de la xénophobie :

  • l’incitation à la discrimination à l’égard d’une personne ou d’un groupe ;
  • le refus de fournir un bien ou un service dans un lieu accessible au public,
  • l’appartenance à un groupement ou une association qui pratique la discrimination ;
  • le refus arbitraire d’un fonctionnaire ou d’un officier public de l’exercice d’un droit ou d’une liberté auxquels une personne peut prétendre.

70La loi reconnaît en outre la possibilité à des associations ou à des établissements d’utilité publique, d’ester en justice sous certaines conditions [56].

71La poursuite de la réforme des institutions concerne également la politique à l’égard des immigrés. La loi du 5 juillet 1979 [57] qui modifie la loi de 1974 créant des institutions communautaires et régionales provisoires, prévoit qu’"une politique communautaire différenciée se justifie en tout ou en partie (en matière de) politique d’aide aux personnes, familles et services ainsi que (de) protection de la jeunesse", et l’arrêté royal du 6 juillet 1979 qui délimite ces matières spécifie que pour ce qui concerne la "politique d’accueil et d’intégration des immigrés", il s’agit de :

72

"1° l’intervention dans les frais de voyage de la famille des travailleurs migrants ;
2° l’octroi d’une indemnité aux personnes appelées à aider moralement et/ou religieusement les travailleurs migrants ;
3° la liquidation des frais inhérents aux activités déployées en vue de l’intégration des travailleurs migrants et de leur famille, de faciliter leur adaptation et d’améliorer la compréhension entre Belges et étrangers ;
4° la publication de brochures d’information pour travailleurs migrants dans les langues utilisées par ceux-ci ;
5° l’octroi d’une subvention à l’ASBL « Centre d’initiation pour réfugiés et étrangers » et aux services communaux, pour l’organisation de cours de langues ;
6° l’octroi de subsides aux communes et aux services publics pour l’édition de publications à l’intention des travailleurs migrants ;
7° l’octroi de subsides aux comités régionaux d’accueil, aux conseils consultatifs communaux et aux associations créées par les travailleurs migrants ;
8° l’achat de matériel didactique pour l’organisation de cours de langues à l’intention des immigrés".

73En 1979, donc, la politique à l’égard des immigrés devient "politique d’accueil et d’intégration". On opère à partir de ce moment une distinction entre ce qui a trait directement à l’emploi de la main-d’œuvre étrangère (l’application de la réglementation relative à l’occupation des travailleurs migrants), qui demeure de la compétence des régions, et les autres aspects, régionalisés en 1974-1975, qui sont transférés aux communautés. La loi spéciale du 8 août 1980 confirme cette évolution en insérant explicitement la "politique d’accueil et d’intégration des immigrés" parmi les matières personnalisables (art.5, II, 3°) [59]. Les modifications institutionnelles semblent traduire une évolution dans la conception que l’on se fait de l’immigré : cantonné jusqu’alors dans l’image du travailleur et de sa fonction économique, on tend progressivement à le considérer davantage comme une personne aux besoins multiples. Ce qui se traduit sur le plan administratif et institutionnel par un transfert de l’accueil de la sphère du travail vers celle de l’aide sociale et de la culture.

74Consécutivement aux réformes des institutions politiques, la période est marquée par une multiplication des lieux de discussion et des lieux de décision ainsi que par un éclatement des responsabilités.

Au niveau national

Le Conseil consultatif de l’immigration

75La dernière réunion du Conseil consultatif de l’immigration installé auprès du Ministère de l’Emploi et du Travail s’est tenue en 1984. Elle avait pour objet l’examen du projet de loi relatif à certains aspects de la condition des étrangers et instituant un Code de la nationalité belge (dite loi Gol). En fait, le Conseil consultatif de l’immigration ne se réunit plus à partir de cette date parce qu’il n’a pas été adapté aux mutations institutionnelles du pays et aux transferts de compétence aux niveaux régional et communautaire (il revient, par exemple, aux régions d’appliquer la législation sur la main-d’œuvre étrangère).

76Pour certains, dans le contexte actuel - notamment caractérisé par l’arrivée de travailleurs de pays de l’Europe de l’Est - la réglementation relative au travail des étrangers, qui date de 1967, laisse à désirer et devrait être revue. Pour rencontrer les besoins de la situation actuelle et pour envisager éventuellement la mise au travail de nouveaux contingents, "une réactivation de ce Conseil semble être un préalable élémentaire" et il conviendrait "de rendre son intervention systématique, afin de garantir une analyse la plus objective possible des demandes introduites" [60].

77Un arrêté royal du 16 avril 1992 [61] dissout le Conseil consultatif de l’immigration (art. 11) et crée un Conseil consultatif de la main-d’œuvre d’origine étrangère-CCMOE dont la mission est "d’étudier et de formuler des avis, d’initiative ou a la demande du Ministre de l’Emploi et du Travail, sur les problèmes sociaux, économiques et administratifs relatifs à l’occupation de la main-d’œuvre étrangère et notamment :

  • d’étudier les mesures permettant d’assurer l’immigration de travailleurs dans les meilleures conditions ;
  • d’examiner les critères qui sont à la base de la réglementation relative à la délivrance de permis de travail ;
  • d’harmoniser les normes relatives à la délivrance des permis de travail".

78Il est composé d’un président et d’un vice-président nommés par arrêté royal, de neuf membres représentant les organisations syndicales et de neuf membres représentant les organisations d’employeurs, de membres représentant les ministres qui ont dans leurs attributions les Affaires économiques, les Affaires étrangères, la Justice, l’Intérieur, les Affaires sociales ainsi que l’Emploi et le Travail, de trois membres désignés par les exécutifs régionaux et d’un membre représentant le Commissariat royal à la politique des immigrés.

La Commission et le Conseil consultatifs des étrangers

79Des organes consultatifs sont également institués par la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers [62]. Alors que l’Office des étrangers est chargé d’exécuter la législation, un Conseil consultatif des étrangers et une Commission consultative sont institués. Le premier, composé pour "moitié de représentants des Ministres de la Justice, de l’Intérieur, de l’Emploi et du Travail, de la Culture, des Affaires étrangères, de l’Education nationale, des classes moyennes et du Ministre ayant la coopération au développement dans ses attributions et pour moitié de représentants belges et étrangers d’organismes s’occupant de la défense des intérêts des travailleurs immigrés et d’organisations d’étudiants reconnues" (art. 31), est "chargé de donner des avis motivés et préalables sur tous projets et propositions de lois et de décrets concernant l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers dont il est saisi par le président d’une des deux chambres ou de l’un des conseils culturels" (art. 31).

80La Commission consultative des étrangers, pour sa part, est chargée de donner des avis au ministre de la Justice préalablement à la prise d’une décision administrative comme l’expulsion d’un étranger, le renvoi ou l’expulsion d’un réfugié, le renvoi des apatrides, le refus de renouvellement d’un titre de séjour et la mesure d’éloignement d’un étranger. Le ministre est tenu de recueillir l’avis de la Commission dans ces différents cas. Son intervention est par contre facultative pour toute autre décision de caractère individuel concernant les étrangers, pour laquelle l’avis préalable n’est pas légalement requis. La Commission intervient également sur l’initiative de l’étranger pour une demande en révision (recours administratif ouvert à l’étranger après la prise de décision par l’administration) et pour des demandes de levées de mesures de sûreté. Elle est composée uniquement de membres de nationalité belge : deux magistrats, deux avocats et des personnes s’occupant de la défense des intérêts des étrangers au sein d’une œuvre d’assistance, d’un groupement, d’un mouvement ou d’une organisation [63].

La Commission d’études de l’immigration (Commission Vermeylen)

81Par ailleurs, la loi du 28 juin 1984 relative à certains aspects de la condition des étrangers et instituant un code de la nationalité belge, instaura une Commission d’études de l’immigration (art. 12). Cette commission, appelée Commission Vermeylen du nom de son président, était chargée "d’examiner les problèmes posés par l’immigration, en tant qu’ils constituent un ensemble, et les solutions qui peuvent y être apportées" [64]. Sa mission était de poser les fondements d’une politique nationale de l’immigration. Des groupes de travail ont été constitués dont certains ont produit des documents. Mais, dépourvue de moyens, la Commission n’a pas remis de rapport répondant aux ambitions qui lui étaient attribuées. Elle a cessé ses activités lors de la création du Commissariat royal à la politique des immigrés.

Au niveau des communautés

Dans la Communauté française

82Suite aux réformes institutionnelles décidées en 1980, la compétence d’accueil des immigrés est transférée à la direction générale des Affaires sociales. Les directions générales de la culture et des affaires sociales coopèrent de telle sorte que leurs deux budgets sont gérés conjointement. Aujourd’hui, leur montant réuni atteint BEF 66 millions (dont BEF 17 millions proviennent de la "culture"). 13,5 millions sont destinés à indemniser les conseillers religieux et laïques [65], onze millions sont alloués à quatre centres sous-régionaux et le solde couvre le soutien à des actions développées par quelque deux cents associations. Lors de l’attribution des aides à ces initiatives, deux axes sont privilégiés :

  • l’insertion à la réalité sociale et culturelle de la Communauté française en ce compris l’apprentissage de la langue française (alphabétisation pour adultes, aides aux devoirs, formation et information en matières sociale et politique) ;
  • le développement identitaire des personnes et des groupes d’origine étrangère dans une perspective d’échanges interculturels (cours de langue et culture d’origine ainsi qu’actions culturelles et interculturelles).

Le Conseil consultatif

83Jusqu’à la fin des années 1970, la politique à l’égard des immigrés était essentiellement liée à la politique en matière d’emploi et de travail. C’est au sein du Ministère (national) de l’Emploi et du Travail qu’était installé le Conseil consultatif des immigrés. Aussi, dans le prolongement du transfert aux communautés de la compétence d’accueil et d’intégration des immigrés, un arrêté royal crée le 7 décembre 1979 le Conseil consultatif des immigrés auprès de la Communauté française-CCICF. Afin de compléter certaines de ses dispositions et de les adapter à la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980, cet arrêté est modifié le 3 avril 1981 tandis que le Conseil est installé le 22 juin 1981 [66].

84Dès l’origine, le Conseil consultatif est rattaché à l’exécutif et, plus précisément, au ministre qui a l’accueil des immigrés dans ses attributions. Il a pour mission d’étudier et d’émettre des avis soit d’initiative, soit à la demande, sur des problèmes sociaux, culturels, juridiques, économiques et administratifs, posés par l’accueil des immigrés et de leur famille. Le champ de compétence du Conseil consultatif des immigrés est donc très large et il s’étend également à des matières restées nationales.

85Le Conseil consultatif regroupe des représentants des organisations syndicales et patronales, des provinces, des exécutifs de la Communauté française et des régions wallonne et de Bruxelles-capitale, de l’administration de la Communauté française, d’organisations d’immigrés et d’associations belgo-immigrées. Ces deux derniers types de membres apportent une différence sensible par rapport au Conseil consultatif des immigres précédent qui, à l’exception des représentants patronaux et syndicaux et d’experts, ne comportait que des membres provenant des pouvoirs publics.

86Au cours d’un premier mandat de quatre ans, il rend une série d’avis, interpelle des ministres et les présidents des partis, il organise diverses activités (journées d’étude, rencontres, etc.) et établit les principes qui dictent ses orientations dans un document intitulé L’intégration des immigrés dans la Communauté française. Il crée en son sein cinq groupes de travail (commissions permanentes) qui constituent autant de priorités déterminées par le Conseil consultatif des immigrés : la lutte contre la xénophobie et pour l’obtention des droits politiques ; la scolarisation des enfants immigrés, la formation professionnelle et la promotion sociale (problèmes de l’emploi et du chômage) ; santé, famille, femmes immigrées ; conseillers religieux et moraux. Toutefois, le conseil se heurte à certaines limites. On peut notamment lire dans le rapport moral du Conseil consultatif rédigé à l’issue du premier exercice : "Le Conseil a souffert d’une absence de dialogue avec les pouvoirs interpellés. Le fait que l’infrastructure logistique n’ait jamais atteint le minimum nécessaire à un suivi et une relance permanente des réponses aux interventions ne peut être la seule explication de cette carence.

87Le Conseil a eu peu de crédit notamment parce que la plupart des avis émis par le Conseil concernaient des interlocuteurs dont les compétences étaient nationales et non pas communautaires vu que les pouvoirs réels de la Communauté française sont limités en matière d’immigration (…).

88Par ailleurs ni le Ministre de tutelle, ni l’exécutif n’ont véritablement soutenu l’action du Conseil auprès de leurs collègues nationaux. Le Conseil n’a bénéficié de leur part que d’un simple rôle de relais" [67].

89A l’issue de ce premier mandat (en 1985), il poursuit son activité avant que l’exécutif suivant prenne en 1986 un arrêté qui modifie son intitulé en Conseil consultatif pour les populations d’origine étrangère de la Communauté française-CCPOE [68]. Le Conseil consultatif pour les populations d’origine étrangère n’est toutefois installé que le 6 mai 1987.

90Entre-temps, André Lagasse et Antoinette Spaak (FDF) ont déposé le 7 janvier 1986 une proposition de décret par laquelle ils proposent que le Conseil consultatif des immigrés de la Communauté française soit institué non plus auprès de l’exécutif mais auprès du Conseil de la Communauté. Considérant qu’il appartient tant au Conseil de la Communauté française qu’à son exécutif "non seulement d’entendre et de comprendre les difficultés auxquelles sont confrontés les immigrés, mais surtout de déterminer avec eux les lignes d’une politique plus humaine et plus juste", les auteurs de la proposition de décret estiment que le Conseil consultatif doit pouvoir "jouir d’une large autonomie, notamment quant à sa composition et à son fonctionnement, par rapport au pouvoir exécutif de la Communauté" [69].

91Le rapport moral établi à l’issue du deuxième mandat du Conseil consultatif indique qu’il "a développé son activité dans une filiation directe des axes du précédent Conseil consultatif des immigrés tout en l’articulant sur l’actualité mouvante de ces dernières années". Parmi les lignes de forces qui ont sous-tendu les positions du Conseil, on relève le refus "d’identifier les immigrés à une condition de défavorisés et d’exclus mais au contraire (la valorisation de) leurs identités culturelles et leur rôle de citoyen dans les politiques à développer. Il a par ailleurs dénoncé systématiquement les discriminations spécifiques dont les immigrés sont les objets". Il s’est fixé trois axes prioritaires : l’enseignement, le statut juridique des étrangers et la vie associative. Ses principaux avis et prises de position ont concerné la Communauté française (notamment en matière d’enseignement et de politique sociale et culturelle), les ministres nationaux (Justice pour les questions relatives à la sécurité du séjour, Emploi et Travail en matière de permis de travail, par exemple) et de la Région de Bruxelles-capitale, le Commissariat royal à la politique des immigrés et l’opinion publique (en particulier au moment de la guerre du Golfe). A la suite de la création du Commissariat royal à la politique des immigrés et de la mise en place d’instances au niveau de la Région de Bruxelles-capitale, le Conseil consultatif pour les populations d’origine étrangère reprécise ses missions en les centrant principalement sur les compétences de la Communauté française. Il insiste également sur la nécessité d’articuler ces différentes instances entre elles. Le Conseil consultatif pour les populations d’origine étrangère a terminé son mandat en juin 1991 et bien qu’il n’ait pas été renouvelé se réunit encore de temps à autres.

92Au cours des années 1980, la Communauté française opère une décentralisation vers des centres régionaux organisés pour les provinces de Liège, de Namur et du Hainaut ainsi qu’à Bruxelles.

Les centres régionaux

93Le Service provincial d’immigration et d’accueil de Liège est le seul organisme provincial, en Communauté française, à s’être maintenu durant la décennie 1970 et à être encore en activité aujourd’hui. L’évolution de la problématique des immigrés dans la société, l’apparition de nouveaux organismes comme le Conseil consultatif de la Communauté française ou du Commissariat royal à la politique de immigrés, les initiatives de plus en plus nombreuses des associations, ont influé ces dernières années sur l’orientation prise par le service et sur l’ampleur de ses activités. Actuellement, ses vocations dominantes sont l’accueil et l’orientation administrative, les cours de langue française, la formation et l’information ainsi que la participation à des commissions et groupes de travail dans lesquels s’élabore, aux différents niveaux de pouvoir, la politique en matière d’immigration. Par ailleurs, depuis 1984, son statut a été modifié : il est intégré aux services provinciaux d’aide et d’action sociale.

94A Bruxelles, c’est en 1980 qu’est créé sous forme d’asbl le Centre socioculturel des immigrés de Bruxelles-CSCIB [70], dont l’initiative revient à F. Persoons, alors secrétaire d’Etat à la Communauté française. Soutenu dès l’origine par la Commission française de la culture-CFC de l’Agglomération de Bruxelles et par la Communauté française, il accueille dans son conseil d’administration des représentants de ces deux institutions ainsi que des membres d’associations immigrées et belgo-immigrées et des organisations syndicales (FGTB et CSC). Le centre dispense des formations, dispose d’un centre de documentation, édite un mensuel (L’agenda interculturel), participe à des groupes de travail et à des expériences "sur le terrain" et réalise nombre d’activités de diffusion culturelle. En 1991, à l’occasion de son dixième anniversaire, le Centre socio-culturel des immigrés de Bruxelles se donne une nouvelle dénomination, Centre bruxellois d’action interculturelle-CBAI.

95A Charleroi, le Centre d’immigration a été constitué sous forme d’asbl en avril 1982 en vue de coordonner les associations et de servir de relais entre elles et les pouvoirs publics, pour développer l’information, la documentation, la recherche, la formation, pour aider a l’expression et à la diffusion culturelle et lutter contre l’exclusion.

96A Namur, le Centre socio-culturel des immigrés de la province débute ses activités en 1983 (sous forme d’association de fait d’abord, asbl ensuite). Il réunit des associations maghrébines, espagnoles, italiennes, d’Europe centrale ainsi que des associations belgo-immigrées et sociales. Outre les délégués de ces associations, le centre compte un représentant de la province, un de la Communauté française et un pour chacune des trois communes où il dispose d’une antenne (Namur, Sambreville et Andenne). Il dispose de subsides de la Communauté française pour son fonctionnement. Ses domaines d’activité correspondent à ceux des autres centres régionaux : information ; publication et recherche ; animation ; alphabétisation, formation et école des devoirs ; expressions culturelles.

97Ces centres développent en fait des activités fort semblables en ce qui concerne les objectifs qu’ils s’assignent. Des différences apparaissent dans le contenu de leur travail et dans l’importance de leurs programmes et de leurs moyens [71]. Ds font l’objet d’un article distinct du budget de la Communauté depuis deux ans.

98L’évolution récente en Communauté française va dans le sens d’un renforcement du rôle des centres régionaux. Le Conseil consultatif pour les populations d’origine étrangère a défendu l’idée selon laquelle "l’ensemble des politiques et des initiatives relatives aux populations d’origine étrangère devrait être relayé par des interlocuteurs au niveau régional. Ces institutions devraient jouir d’un statut semi-public et être reconnues à ce titre par les autorités de tutelle. Elles devraient être dans les régions le point de rencontre entre les associations et les pouvoirs publics" [72]. Les quatre centres (Service provincial d’immigration et d’accueil de Liège-SPIA, Centre bruxellois d’action interculturelle-CBAI, Centre d’immigration de Charleroi-CIC et Centre socio-culturel des immigrés de la province de Namur-CSCIN) dont il a été question ci-dessus sont ceux qui correspondent actuellement au profil retenu, tandis que La Louvière revendique d’obtenir un centre semblable.

99Un projet de décret relatif aux centres régionaux de la Communauté française a été rédigé sous l’exécutif précédent, mais il n’a pas abouti à ce jour. Les des centres régionaux ont pour mission de "favoriser l’action des communautés d’immigrés a la fois dans leur développement autonome, dans leurs relations entre communautés et dans celles établies avec la population autochtone d’une région donnée", et de "développer ses initiatives propres dans les domaines sociaux, éducatifs et culturels en évitant les double emploi avec celles développées par les associations". C’est dans ce cadre qu’ils auraient à "soutenir prioritairement les projets interculturels qui encouragent la cohabitation et la compréhension entre les communautés en présence et qui s’adressent plus particulièrement aux nouvelles générations issues de l’immigration".

Dans la Communauté flamande

Les notes politiques relatives à la politique de l’immigration

100La Communauté flamande a tenté à plusieurs reprises de formuler sa politique à l’égard de l’immigration.

101Tout d’abord, R. Steyaert, secrétaire d’Etat à la Communauté flamande et plus tard ministre communautaire de la Famille et de l’Aide sociale, publie en 1981 un projet de politique d’immigration (Voorstel tot migrantenbeleid. Ontwerp beleidsnota, 1981).

102Six ans plus tard, en 1987, paraît la déclaration politique relative à l’enseignement et à la formation des immigrés du ministre communautaire de l’Enseignement et de la Formation T. Kelchtermans (Beleidsverklaring met betrekking tot onderwijs en vorming voor migranten, février 1987), en collaboration avec le ministre national de l’Education et le ministre communautaire de la Famille et de l’Aide sociale.

103Un an plus tard, J. Lenssens, ministre communautaire de l’Aide sociale, de la Famille et de la Santé publique, publie une note sur la politique concernant les immigrés (Migrantenbeleid van de Vlaamse Executieve, 7 oktober 1987). Cette note est adoptée par l’exécutif flamand le 11 avril 1989 (Nota migrantenbeleid van de Vlaamse Executieve).

104Une analyse de ces notes a été faite par le Commissariat royal à la politique des immigrés [73]. Nous ne retiendrons ici que les aspects les plus importants. De ces différentes notes il apparaît que la politique flamande de l’immigration repose sur un consensus au moins en quatre matières :

  • les immigrés résident et continueront de résider en Belgique dans l’avenir. Leur établissement définitif est accepté et ne sera pas remis en question. Le retour (éventuel) vers le pays d’origine est une décision individuelle de l’intéressé. Cette décision peut néanmoins être soutenue socialement et financièrement ;
  • l’assimilation par l’acquisition de la nationalité belge est hautement souhaitable, mais relève aussi d’une décision individuelle de l’intéressé. Cette décision ne peut être imposée directement par les pouvoirs publics quoique ceux-ci peuvent en faciliter le dénouement en modifiant, simplifiant, et allégeant les procédures légales et administratives. Ce n’est qu’en devenant Belge que le résident immigré jouira sans distinction ou discrimination de tous les droits du citoyen (droits politiques, mais aussi accès à tous les emplois publics) ;
  • tous les étrangers résidant régulièrement en Belgique doivent à l’exclusion des droits politiques, pouvoir jouir sans discrimination aucune de tous les droits économiques et sociaux. Comme ce n’est pas le cas et que les populations immigrées sont à plusieurs égards défavorisées (notamment en ce qui concerne l’emploi, l’enseignement, le logement, le maintien de l’ordre, la santé, etc.), des mesures "sectorielles" dans ces différents domaines s’imposent. Ces mesures doivent cependant être prises dans le cadre d’une politique générale et globale de lutte contre le recul et le handicap social. Une politique "catégorielle" particulière et destinée uniquement aux immigrés est à proscrire parce que cela ne fera qu’amplifier les tensions entre belges et immigrés ;
  • l’identité culturelle des communautés immigrées est respectable et doit être respectée et soutenue par les pouvoirs publics. La vie associative de ces communautés doit donc être acceptée, voire encouragée. Mais le vécu de cette identité propre ne doit en aucun cas constituer un obstacle à l’intégration. Si l’intégration constitue la voie à suivre, deux autres sont à rejeter : l’assimilation (intégration complète) et la ségrégation (développement séparé des divers groupes ethniques). Il s’agit donc d’établir une cohabitation harmonieuse entre ces différentes communautés dans l’acceptation et le respect mutuel. Ceci ne pourra se réaliser que pour autant que la communauté autochtone soit bien informée et que les communautés allochtones puissent effectivement communiquer avec les autochtones. La connaissance et l’apprentissage de la langue néerlandaise par les immigrés sont donc d’importance primordiale pour une participation effective à la vie sociale locale.

105Au-delà du consensus sur ces quatre points - ce qui constitue un effort de clarification et d’engagement doctrinal - les différentes notes ne constituent en aucune manière un plan d’action opérationnel. Les priorités ne sont pas définies. C’est aux ministres respectifs à prendre des initiatives. Le calendrier des actions n’est pas prévu non plus. Aucun délai pour les actions à mettre en œuvre n’est fixé. Cela dépendra aussi de la volonté politique des ministres et secrétaires d’Etat.

Le Vlaamse Hoge Raad voor Migranten

106Constitué par l’arrêté de l’exécutif flamand du 3 mars 1982 [74], le Vlaamse Hoge Raad voor Migranten-VHRM (Conseil supérieur flamand pour l’immigration) est installé le 24 novembre 1982 par R. Steyaert, ministre communautaire de la Famille et de l’Aide sociale. Ce conseil émet des avis, à la demande de l’exécutif ou de sa propre initiative, en toute matière concernant les immigrés. Ces avis sont transmis au ministre compétent pour la politique d’accueil et d’intégration des immigrés.

107La présence des immigrés y est garantie car un tiers au moins des membres (et de leurs suppléants) doivent être des personnes d’origine étrangère.

108Ce conseil a produit un grand nombre d’avis dont l’impact est toutefois resté limité en raison du manque de moyens, du manque de reconnaissance auprès des communautés immigrées, mais surtout du fait que ces avis dépassaient souvent la compétence du ministre à qui ils devaient être transmis. Ces griefs ont été fréquemment soulignés par les membres de ce conseil [75].

Les centres régionaux

109En Communauté flamande deux possibilités existent pour la mise en place de centres régionaux et locaux : un service au sein d’une administration publique existante (province, commune, etc.) ou une asbl. Si un centre est constitué en asbl, la composition de l’assemblée générale et de leur conseil d’administration doit être analogue à celle du Vlaams Centrum voor de Integratie van Migranten-VCIM. Si ce centre est créé par un pouvoir public (comme, par exemple, le Provinciale Dienst voor Onthaal van Gastarbeiders-POG au Limbourg), il doit constituer un conseil d’immigrés, organe d’avis composé de représentants de la communauté immigrée ou d’associations immigrées.

110Ces centres mettent en œuvre toutes activités favorisant l’intégration. Parmi celles-ci signalons les tâches et fonctions de rencontre, d’information, d’aide, de guidance, de signalement, de sensibilisation, d’échange, de collaboration, d’animation, de coordination, d’éducation, d’encouragement à l’apprentissage de la langue néerlandaise. Leur aire géographique doit compter au moins 500 immigrés. Ils doivent être accessibles à toutes et tous, et compter des immigrés dans leur personnel. A ce jour des centres régionaux ont été reconnus au Limbourg (Provinciale Dienst voor Onthaal van Gastarbeiders-POG), à Gand (Regionaal Integratiecentrum Migrante Oost-Vlaanderen et le Stedelijke Integratiecentrum voor Migranten), à Anvers (Centrum Buitenlandse Werknemers), au pays de Waas (Migrantenwerking Waasland), à Malines, à Bruxelles (Foyer) et au Brabant flamand (MEKST-Vilvoorde).

111Des centres locaux sont reconnus et subsidiés dans les provinces d’Anvers (douze), de Flandre orientale (sept), de Flandre occidentale (deux), de Limbourg (trois) ainsi que dans le Brabant flamand (deux) et à Bruxelles-capitale (deux).

Au niveau local

112Les conseils consultatifs communaux des immigrés qui demeurent en fonction (Liège, La Louvière, Courcelles ; Bruxelles-ville et Uccle [76] ; Genk, Houthalen, Heusden-Zolder, Beringen, Maasmechelen, Sint-Niklaas, Vilvoorde) connaissent des destins divers. Celui de Liège, par exemple, a vu ses moyens se réduire et ses activités diminuer à la fois en raison des difficultés financières de la ville et suite à des dissensions internes. A l’opposé, celui de La Louvière semble particulièrement actif. Des circonstances locales (prise en considération par les autorités, dynamisme du conseil) expliquent sans doute en partie ces différences.

113Dans certaines communes, d’autres formes de collaboration ont été instaurées entre la population immigrée et l’administration communale. A Seraing, notamment, c’est par refus de la formule considérée comme "ségrégationniste" des conseils consultatifs qu’a été créé, en 1972, le Comité permanent des immigrés de Seraing-CPIS. Celui-ci regroupe huit associations (cinq italiennes, une turque, une yougoslave et une espagnole) qui délèguent des représentants au Comité (la formule élective ayant été rejetée en 1982). Il se fixe pour objectif principal "la promotion des immigrés dans la société belge en général, serésienne en particulier" [77]. Le Comité permanent des immigrés de Seraing développe des activités dans les domaines social, culturel et de l’information (édition de guides par exemple). Il travaille en collaboration avec le pouvoir communal, qui l’a reconnu dès 1973 (information sur l’ordre du jour du conseil communal et sur ses délibérations, invitation de membres du collège ou de conseillers aux réunions du Comité, etc.) ; il collabore avec les services communaux, il envoie des représentants dans des instances communales comme la Commission d’accueil pour les réfugiés politiques et le Comité permanent de la jeunesse, par exemple.

114A Saint-Josse-ten-Noode, le Conseil consultatif communal des immigrés a été supprimé en 1984. Toutefois, de nombreuses associations présentes sur le territoire de la commune, éventuellement créées par le Conseil consultatif communal des immigrés comme l’Association pour l’apprentissage des jeunes immigrés-APAJI, continuent à travailler en collaboration avec les autorités communales.

115Celui de Genk, quant à lui, a recommencé pour la troisième fois ses activités le 12 octobre 1989, mais cette fois sous le nom de "Conseil d’intégration" (Integratieraad). Tout habitant de Genk âgé de plus de 18 ans peut en faire partie, tant les Belges que les non-Belges, pourvu qu’il soit intéressé à l’amélioration de la vie sociale de la commune. Ce conseil fonctionne comme groupe de travail ouvert, et formule comme les autres conseils et services, toute proposition qui pourrait favoriser l’intégration.

116A Anvers, le collège des bourgmestre et échevins a récemment encouragé la demande provenant de la communauté immigrée de créer un conseil des immigrés qui aura pour tâche de conseiller les autorités communales en matière d’enseignement, de sports et de loisirs, de logement, de santé et de cohabitation entre Belges et immigrés. Outre un rôle d’avis, le conseil pourra organiser des campagnes d’information et des animations ainsi que des groupes de travail. Le Conseil des immigrés compte entre vingt et trente membres élus par les communautés immigrées selon un quota proportionnel à l’importance numérique de chacune (marocaine, turque, italienne, espagnole).

Le traitement politique de la problématique immigrée au tournant des années 1990

117La politique en matière d’immigration connaît à partir de 1988 une accélération, à la suite d’événements parmi lesquels les résultats des partis d’extrême droite aux élections communales de 1988, régionales et européennes de 1989 ainsi que législatives et provinciales de 1991, et les troubles qui ont éclaté dans certaines communes bruxelloises. L’arrivée de demandeurs d’asile continue à être importante, notamment en provenance d’Europe centrale et orientale, suite aux transformations qu’ont connues ces Etats.

118Au cours de l’année 1991, deux lois vont modifier celles existantes, en matière de demande d’asile d’une part, de code de la nationalité d’autre part.

119La loi du 13 juin 1991 [78] modifiant le Code de la nationalité belge (institué par la loi Gol de 1984) et les articles 569 et 628 du code judiciaire, favorise l’attribution et l’acquisition [79] de la nationalité pour les enfants immigrés de la deuxième et de la troisième générations à partir du 1er janvier 1992. En vertu de cette loi, la nationalité belge est d’office attribuée à l’enfant né en Belgique d’un auteur né en Belgique et y ayant résidé durant cinq ans au cours des dix années précédant la naissance de l’enfant. L’attribution de la nationalité est donc quasi automatique pour les enfants de la troisième génération. Cette disposition concerne ceux qui n’ont pas atteint l’âge de 18 ans à la date d’entrée en vigueur de la loi.

120A partir de cette même date, l’enfant étranger né en Belgique (de la deuxième génération) peut obtenir la nationalité par simple déclaration faite devant l’officier de l’Etat civil,

  • soit à l’initiative des auteurs ou adoptants, si ceux-ci ont leur résidence principale en Belgique depuis les dix années qui précèdent la déclaration et si la déclaration est faite avant que l’enfant ait atteint l’âge de 12 ans (on parle alors d’attribution de la nationalité ;
  • soit de sa propre initiative, entre 18 et 30 ans, s’il réside en Belgique depuis sa naissance (on parle dans ce cas d’acquisition de la nationalité).

121Il est à noter que le Procureur du Roi peut s’opposer à l’obtention de la nationalité soit, lorsque les parents font la déclaration, qu’elle vise un autre but que l’intérêt de l’enfant, soit, si la déclaration est faite par l’étranger lui-même, pour des faits personnels graves [80]. Dans ces cas, le tribunal statue après avoir entendu ou appelé le ou les déclarants. Sa décision, motivée, est susceptible d’appel.

122Compte tenu du caractère automatique de l’attribution de la nationalité aux enfants de la troisième génération, ceux-ci, au même titre que les Belges tenant leur nationalité d’un auteur belge au jour de leur naissance, ne peuvent être déchus de leur nationalité. Dans les autres cas d’attribution ou d’acquisition de la nationalité, la déchéance de la nationalité peut intervenir lorsqu’il y a manquements graves aux devoirs de citoyen belge.

123La loi du 18 juillet 1991 [81], qui modifie la loi Moureaux de 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers [82], apporte de nouvelles dispositions en matière d’asile et de séjour des étudiants étrangers. Pour ce qui concerne ces derniers, la possibilité d’interdire à certains étrangers de séjourner ou de s’établir dans certaines communes (article 18bis) ne pourra plus s’appliquer aux étrangers autorisés à séjourner plus de trois mois en Belgique pour y faire des études. Pour ce qui est des réfugiés, la loi comporte des dispositions en matière :

  • de recevabilité des demandes d’asiles : la loi prévoit la domiciliation obligatoire dans la déclaration du réfugié, elle étend la compétence au délégué du ministre de la Justice, elle fixe des motifs supplémentaires d’irrecevabilité de la demande ;
  • d’examen du bien-fondé de la demande d’asile ;
  • de voies de recours ;
  • de maintien dans un lieu déterminé aux frontières, de l’étranger qui tente de rentrer irrégulièrement dans le pays.

124Il est à noter que la police des étrangers, qui constitue avec la sûreté de l’Etat l’administration de la sûreté publique, est dénommée depuis 1977 Office des étrangers [83]. En 1992, la décision de transférer l’Office des étrangers du Ministère de la Justice à celui de l’Intérieur a été prise. Sa mise en œuvre devrait avoir lieu avant le 1er janvier 1994.

125Selon le rapport du commissaire général aux réfugiés et aux apatrides, "Les demandes d’asile introduites en 1988 s’élevaient au nombre de 4.988, celles introduites en 1989 s’élevaient à 8.166, celles introduites en 1990 s’élevaient à 12.845 et celles introduites en 1991 s’élèvent à 15.291 (ce qui constitue une augmentation de 19% par rapport à l’année précédente). (…) Les demandeurs d’asile arrivés en 1991 proviennent de 99 pays. Plus de 65% d’entre eux proviennent de huit pays seulement, à savoir la Roumanie (2.379 - 15%), le Zaïre (1.940 = 12%), le Ghana (1.454 - 9%), l’Inde (1.283 = 8%), la Yougoslavie (1.162 = 7%), la Turquie (1.073 - 7%), le Pakistan (904 = 6%) et le Nigéria (767 = 5%)" [84]. Seulement près de six pourcent des demandeurs d’asile obtiennent à l’issue de la procédure le statut de réfugié.

Au niveau national

Le Commissariat royal à la politique des immigrés

126La coalition CVP-PS-SP-PSC-VU inscrit dans l’accord de gouvernement qu’elle conclut début mai 1988 un paragraphe relatif aux immigrés. Au point 2.3., il est annoncé que : "à l’initiative de l’Exécutif bruxellois et en collaboration avec les deux Communautés et des instances locales concernées, un Commissaire sera chargé de l’examen et de la proposition des mesures politiques qui s’imposent à l’égard des immigrants de l’agglomération bruxelloise. Des initiatives similaires seront prises dans d’autres centres". A la suite des élections communales d’octobre de la même année, caractérisées par une nette progression du Vlaams Blok, à Anvers en particulier, le Comité de concertation gouvernement-exécutifs décide le 8 novembre 1988, d’une part de créer un Comité interministériel pour la politique des immigrés, composé de représentants au niveau ministériel pour chaque niveau de pouvoir en vue de la coordination de la politique sur les plans national, communautaire et régional, et d’autre part de nommer en accord avec le Comité interministériel, un commissaire royal à la politique des immigrés qui aura un statut autonome et dont les tâches sont déterminées par le Comité.

127Un commissaire royal (Paula D’Hondt-Van Opdenbosch, CVP) et un commissaire royal adjoint à la politique des immigrés (Bruno Vinikas, PS) sont nommés pour une période de quatre ans par l’arrêté royal du 7 mars 1989 [85] et sont chargés "de l’examen et de la proposition des mesures qui s’imposent à l’égard de la problématique des immigrés" (art. 2). Leurs rôles et fonctions s’étendent à des domaines variés et s’articulent aux divers niveaux de décision puisqu’il revient au Commissariat royal "de coordonner, d’encadrer et de soutenir la politique suivie en ce domaine par les différents départements ministériels, les Communautés, les Régions et les autorités locales" (art. 2). L’arrêté précise toutefois les domaines prioritaires sur lesquels doit porter l’aaivité du Commissariat royal : l’emploi, le logement et l’enseignement. Dans le contexte institutionnel, la définition de la mission du Commissariat s’étend aux différents niveaux de pouvoir ; mais il ne dispose pas de compétence d’exécution.

128

"D’aucuns ont pu craindre que le mandat « national » du Commissaire Royal et du Commissaire Royal adjoint ne constitue une limitation importante à leurs activités. Pourtant, le fait que le Gouvernement ait fixé la durée de ce mandat à quatre ans en souligne nettement le degré de difficulté. L’article 2 de l’Arrêté royal du 7 mars 1989 les charge d’étudier et de proposer les mesures qui s’imposent en matière de politique des immigrés. Pour préciser cette mission et éviter tout malentendu, ce même article indique certains objectifs prioritaires relevant des compétences régionales ou communautaires (…) Le Gouvernement reconnaît ainsi la relative ambiguïté et la complexité de la mission mais insiste en même temps sur la nécessité de respecter les « compétences respectives de chacun ». (…) L’absence totale de compétence d’exécution du Commissariat Royal doit rassurer les différents pouvoirs exécutifs concernés. En dernier ressort, c’est à eux qu’il appartiendra d’apprécier la portée des propositions du Commissariat Royal et des suites à leur donner" [86].

129Dans la poursuite de l’objectif consistant à formuler une politique cohérente d’intégration des immigrés, le Commissariat royal a publié en novembre 1989 un premier rapport en trois tomes, intitulé L’intégration : une politique de longue haleine, suivi en mai 1990 d’un deuxième rapport Pour une cohabitation harmonieuse (comportant trois volumes également). Ces deux rapports sont considérés comme formant un ensemble "de balisage général de la problématique". Ils contiennent des analyses et des descriptions de l’immigration dans ses différentes dimensions et des politiques qui la concernent. Ils regroupent également de nombreuses propositions. Le deuxième rapport comprend en outre une évaluation des premières réalisations. Les rapports suivants sont moins volumineux, et consistent généralement en des approches plus "sectorielles" (santé, logement, etc.). A noter cependant la publication en décembre 1990 d’un volume examinant les Suites données aux propositions de novembre 1989 et de mai 1990, et d’un autre consacré aux Aspects financiers et économiques d’une politique des immigrés en Belgique. En février 1992, le Commissariat royal a publié une étude sur les Implications structurelles d’une politique sociale du logement.

L’action du gouvernement Martens (mai 1988-octobre 1991)

130Par ailleurs, le Comité de concertation gouvernement-exécutifs a mis en place une Conférence interministérielle de la politique de l’immigration, présidée par le Premier ministre et composée de représentants du gouvernement et des exécutifs des communautés et des régions, le commissaire royal et le commissaire royal adjoint participant à ses travaux. La Conférence interministérielle s’est réunie une première fois le 9 décembre 1989. En 1990, elle a tenu huit réunions au cours desquelles ont été examinés les rapports du Commissariat royal à la politique des immigrés et ont été abordées plus particulièrement les problématiques de la représentation du culte islamique, de la nationalité, de l’accès des étrangers à la fonction publique, de l’apprentissage obligatoire du néerlandais et du français, de la désignation des professeurs de religion musulmane. En 1991, trois réunions ont eu lieu au cours du premier semestre ; il y est principalement question - outre certains sujets abordés précédemment - de la sécurité, de l’enseignement et de la formation professionnelle.

131Plusieurs dispositions adoptées par le précédent gouvernement sont présentées par ailleurs : modifications apportées à la législation sur les réfugiés et au Code de la nationalité, Fonds d’impulsion, mesures relatives au maintien de l’ordre, relations avec le culte musulman, etc. Parmi les autres mesures, il y a lieu de signaler l’accès rendu possible aux emplois de contractuels dans la fonction publique, et l’octroi d’allocations de chômage aux jeunes Marocains (à l’instar de toutes les autres nationalités) s’il sont sans travail à la suite de leurs études, après un délai d’attente.

Les relations entre l’Etat et le culte islamique

132Depuis 1989, plusieurs événements sont venus replacer l’immigration à l’avant-plan de la scène politique et ont donné lieu à des interventions politiques de natures diverses.

133La question de l’organisation et de la représentation du culte islamique en Belgique a été posée à nouveau et a été source de tensions tant au sein du gouvernement, qu’entre le gouvernement et la communauté musulmane de Belgique ou certaines de ses organisations. L’occasion en a été fournie par la tentative de constituer un Conseil supérieur des musulmans par le Centre islamique et culturel de Bruxelles. Celui-ci a vu dans les propositions du Commissariat royal la possibilité d’organiser des élections pour constituer cet organe [87], ce que le gouvernement a rapidement contesté, annonçant qu’il ne lui reconnaîtrait pas de caractère représentatif.

134La position du gouvernement n’a pas empêché le Centre islamique et culturel d’organiser de telles élections le 19 janvier 1991. Mais leurs résultats, pas plus que le nombre d’électeurs ayant pris part au vote, n’ont pas été rendus publics. Au cours du processus pré-électoral, le Centre islamique et culturel annonce que quelque trente mille musulmans s’étaient inscrits comme électeurs sur les registres tenus dans les mosquées.

135Le gouvernement a, pour sa part, nommé en mai 1990 un Conseil provisoire des sages pour l’organisation du culte islamique en Belgique, composé de dix-sept personnes, trois places ayant été réservées au Centre islamique et culturel, qui a refusé de les occuper. Ce Conseil provisoire, chargé dans un premier temps d’un rôle consultatif sur la question de la représentation de l’islam, s’est vu également confier la tâche de traiter la situation des enseignants de religion islamique, et a créé à cette fin un Comité technique composé de délégués du Conseil provisoire et d’enseignants de religion islamique. Des rapports problématiques entre l’islam et les autorités publiques belges se posaient en effet, notamment à propos de la désignation des enseignants de religion islamique au sujet de laquelle le Centre islamique et culturel était reconnu comme interlocuteur des pouvoirs publics et disposait d’un monopole de fait, reconduit d’année en année depuis 1975 par les ministres qui ont l’enseignement dans leurs attributions.

136Le Conseil provisoire des sages a remis en mars 1991 un premier rapport au gouvernement dans lequel il développe une proposition relative à l’organisation du culte musulman en Belgique et à sa représentation. Toutefois, en raison du manque de moyens accordés et vu l’absence de suivi apporté à ses propositions, le président et le vice-président du Conseil ont remis leur démission au ministre de la Justice en octobre 1991.

137La création d’une école islamique en septembre 1989 et l’"affaire du voile islamique" qui éclate au cours de la même année scolaire contribuent à accroître les tensions [88]. Sans compter que la crise du Golfe donne lieu à des mesures particulières de sécurité ainsi qu’à des procédures et à l’application de mesures à l’égard des radios arabes. Attitudes qui furent considérées comme discriminatoires par de nombreux observateurs.

Le Fonds d’impulsion pour la politique des immigrés

138Les incidents qui, en mai 1991, ont opposé à Forest, Saint-Gilles et Molenbeek-Saint-Jean, des jeunes principalement d’origine étrangère aux forces de l’ordre, ont conduit à la création, à l’initiative du gouvernement, d’un Fonds d’impulsion de BEF 200 millions pour 1991, financé par la Loterie nationale et "destiné à financer des projets dans le cadre de la politique des immigrés" [89]. Une deuxième tranche de BEF 200 millions a été accordée pour 1992. Des projets peuvent être introduits par le gouvernement, les communautés et les régions, d’autres pouvoirs publics (communes, centres publics d’aide sociale, etc.) ou des associations privées (pouvoir organisateur d’enseignement, associations sans but lucratif, etc.). Il est prévu que 75 % du montant du Fonds soient réservés à des projets concernant Bruxelles, Anvers, Gand, Liège et Charleroi. Un comité composé en majorité de représentants désignés par le gouvernement et comprenant également des représentants des communautés et des régions approuve les projets. Le Commissariat royal à la politique des immigrés en assure le secrétariat et est chargé du traitement des dossiers à partir de la décision d’octroi d’une intervention du Fonds.

139Le Fonds ayant reçu une mission d’impulsion, il soutient pendant une période limitée des projets bien définis (par exemple, dépenses d’investissements tels que des équipements sportifs ou du matériel pédagogique), sans assurer de financement structurel ou récurrent.

140Quatre axes définissent la politique mise en œuvre par le Fonds : la prévention de la délinquance et du décrochage social des jeunes ; l’impulsion à des actions interculturelles ; le soutien à des activités d’enseignement ; et le soutien à la mise à l’emploi de jeunes.

141La mise en œuvre du Fonds a été retardée par divers dysfonctionnements, par manque de volonté politique, par la crise politique de l’automne 1991, par la période électorale et par les retards de payement [90]. Néanmoins, pour la période 1991-1992, un montant de BEF 222.149.896 a été octroyé au secteur francophone (sur BEF 400 millions au total des deux tranches). Il soutient à concurrence :

  • de BEF 103,2 millions des projets émanant des communes (57,8 millions en région bruxelloise et 45,4 millions en région wallonne) ;
  • de BEF 55 millions, des projets relatifs à l’enseignement ;
  • de BEF 4,8 millions, des projets du Ministère de l’Emploi (2,4 millions à Bruxelles et autant en Wallonie) ;
  • et de BEF 59,2 millions des projets relevant de la Communauté française, qui se ventilent de la manière suivante : 22,9 millions pour des associations bruxelloises, 9,1 millions pour des associations wallonnes, 12,9 millions pour la santé et les toxicomanies, 3 millions pour Eté jeunes (un tiers pour la Wallonie, deux tiers pour Bruxelles), 6,5 millions pour Vacances-jeunes (2,9 millions pour la Wallonie et 3,6 millions pour Bruxelles), 1,8 million pour des "vacances sportives à risques" et 3 millions pour la formation d’animateurs.

142Les priorités fixées pour 1992 sont les dépenses d’investissement en matière de sport et d’infrastructure pour la jeunesse, la lutte contre l’absentéisme scolaire, la mise au travail de certains jeunes et la prévention de la délinquance.

Le gouvernement Dehaene et l’immigration

143L’accord de gouvernement conclu en mars 1992 par les partis (CVP-PS-SP-PSC) qui constituent la majorité dégagée à l’issue des élections du 24 novembre 1991 contient un chapitre relatif à l’immigration : "Au sujet de la politique d’immigration en général, le gouvernement est pleinement convaincu de la possibilité et de la nécessité d’intégrer les étrangers en séjour légal dans notre société. Pour ce faire, il se basera sur le concept d’intégration tel que décrit dans les rapports du Commissariat royal à la Politique des immigrés" [91] dont il énumère les principes de base. L’accord poursuit : "Le gouvernement entend engager explicitement la lutte contre l’immigration clandestine" et cite une douzaine de mesures qu’il se propose de mettre en œuvre dans ce but.

144Le texte ne reprend pas la proposition du Commissariat royal à la politique des immigrés de créer un Centre pour l’égalité ethnique. Cette idée, formulée dans son rapport de 1989, avait été reprise dans un sens plus large par M. Wathelet, alors qu’il était formateur, dans sa note Pari pour une nouvelle citoyenneté. Le commissaire royal et son adjoint ont traduit en texte de loi cette proposition et l’ont transmise aux partis en février 1992.

145Les premières mesures prises par le gouvernement concernent d’une part l’immigration clandestine et la politique d’accès au territoire sur lesquelles le Conseil des ministres s’est penché le 24 avril, et d’autre part la concrétisation de différentes propositions émanant du Commissariat royal à laquelle s’est attelée la Conférence interministérielle. Parmi ces mesures, certaines avaient déjà été examinées sous la législature précédente, comme par exemple l’intervention du Fonds de l’emploi à concurrence de BEF 214 millions destinés à accorder des primes à des employeurs qui engagent des jeunes immigrés. La conférence a entre autres décidé de renforcer le contrôle de l’application de l’obligation scolaire, et de mener une action de sensibilisation pour orienter la formation des jeunes immigrés, en particulier celle des filles.

Au niveau des communautés

La politique de l’exécutif de la Communauté française

146L’accord de l’exécutif de la Communauté française approuvé le 2 janvier 1988 contient dans le chapitre relatif à la politique sociale, un paragraphe VI qui prévoyait la reconstitution d’une commission chargée d’étudier les problèmes de l’immigration. Parmi les objectifs de cette commission figure : "œuvrer à la mise en place rapide d’une politique coordonnée en visant principalement l’intégration des jeunes immigrés". Par ailleurs, l’exécutif envisage de créer "une délégation générale à l’immigration qui sera l’interlocuteur privilégié des associations et des personnes confrontées à des difficultés de tous ordres". Le premier point a été concrétisé par la création de la Commission d’avis pour l’intégration des jeunes d’origine étrangère-CJOE [92]. La commission a été installée le 8 février 1990. Sa mission devant être remplie endéans un an, après avoir organisé des journées de réflexion en collaboration avec le Commissariat royal à la politique des immigrés, et sur base de rapports de sept groupes de travail, la Commission d’avis a réuni, en juin 1991, dans un document intitulé Les jeunes d’origine étrangère en Communauté française, la synthèse de ses travaux et un ensemble de cinquante-sept propositions.

147L’autre aspect contenu dans l’accord de l’exécutif, la création d’une délégation générale à l’immigration, n’a pas été suivi d’effet. On a également envisagé la constitution d’un Collège de coordination des directeurs généraux de la Communauté, mais elle n’a pas eu lieu non plus.

148Dans l’accord de l’exécutif de la Communauté française de 1992, la politique des immigrés n’est pas traitée en tant que telle. Le terme "immigré" est quasi absent, et ne subsiste que celui d’exclusion sociale qui recouvre une realité beaucoup plus large.

Dans la Communauté flamande

Le Vlaams Centrum voor de Integratie van Migranten et les centres d’intégration régionaux et locaux

149En 1990 les institutions d’accueil et d’intégration des immigrés en région flamande se voient dotées d’une structure d’organisation et de subsidiation. L’arrêté de l’exécutif du 18 juillet 1990 fixe les modalités d’agrément et de subventionnement des centres d’intégration des immigrés, le cadre du personnel, le subventionnement des frais de personnel et de fonctionnement, etc. Cet arrêté prévoit la constitution de centres a trois niveaux :

  • au niveau de la Communauté flamande : le Vlaams Centrum voor de Integratie van Migranten-VCIM (Centre flamand d’intégration des immigrés) remplace le Vlaams Overlegcomite Opbouwwerk Migratie-VOCOM et est reconnu par l’arrêté de l’exécutif flamand du 23 janvier 1991 [93]. Sa mission réside principalement dans la concertation, la coordination, la mise en place et le soutien (logistique et administratif) des actions régionales et locales, le développement de méthodes et savoir-faire appropriés dans le cadre de la politique d’intégration et de l’aide sociale, l’organisation de campagnes d’information et de sensibilisation pour l’intégration et le combat contre le racisme, la formation des cadres pour les associations d’immigrés, la concertation avec d’autres organisations nationales et internationales, etc. L’assemblée générale et le conseil d’administration du centre sont constitués pour un tiers de représentants des communautés immigrées, pour un tiers de représentants d’institutions d’aides aux immigrés, pour un tiers de représentants d’associations socio-économiques et socio-culturelles actives en matière d’immigration ;
  • au niveau régional : des centres régionaux d’intégration. Ces centres sont prévus dans la province de Limbourg et dans les villes d’Anvers, de Gand et de Bruxelles ;
  • au niveau local : des centres locaux au niveau de quartiers ou de communes.

Le financement des projets d’intégration

150Le financement des différents projets et actions pour l’intégration des migrants a suivi au cours de ces dernières années, plusieurs voies.

151En mai 1990, l’exécutif flamand décide d’utiliser le "bonus de la Sainte Catherine", soit BEF 2,257 milliards sur une période de dix ans (1989-1998) octroyés à la Communauté flamande dans le cadre de la répartition des ressources entre communautés, pour créer deux sources de financement :

  • la moitié de ce montant, soit BEF 1,128 milliard, est versée au Fonds des communes pour soutenir les communes dans leurs actions en faveur de leurs habitants défavorisés. La répartition de ce fonds entre les communes se fait selon une clé qui tient compte de l’importance de la population défavorisée habitant la commune (nombre de chômeurs de longue durée, de personnes à faible revenu, etc.). Les migrants sont explicitement nommés comme faisant partie de ces catégories (arrêté de l’exécutif flamand du 29 mai 1990). Comme ces montants ont été inscrits au budget du ministre des Affaires intérieures et de la Fonction publique, le fonds a été appelé Fonds Van den Bossche, du nom du ministre ;
  • l’autre moitié, soit BEF 1,128 milliard, constitue le Vlaams Fonds Integratie Achtergestelden-VFIA (Fonds flamand pour l’intégration des plus défavorisés). Il sert à la subsidiation de différents projets qui visent à combattre l’exclusion sociale. Comme ce budget dépend du ministre communautaire de l’Aide sociale et de la Famille, il est dénommé Fonds Lenssens, du nom du ministre.

152En 1991 (décret du 31 juillet 1991), ces deux fonds sont rassemblés en un seul, le Vlaams Fonds Integratie Kansarmen-VFIK (Fonds flamand pour l’intégration des plus démunis). Il sert à soutenir les pouvoirs locaux dans leur lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. 40% des subsides sont alloués aux CPAS et 60% aux communes. Les communes sont choisies en fonction du nombre d’immigrés et de bénéficiaires du minimex qui habitent sur leur territoire. En 1991, c’est le cas de quinze communes : Anvers, Beringen, Genk, Gand, Hamme, Lokeren, Maasmechelen, Malines, Saint-Nicolas, Tamise, Hasselt, Louvain, Lier, Vilvorde et Willebroek.

A Bruxelles

153Avant la mise en place des institutions bruxelloises en 1989, différents organes ont été institués pour élaborer une politique de l’immigration à Bruxelles (comme par exemple le groupe de travail interministériel mixte et la Commission de coopération entre la Communauté française et la Région bruxelloise). Mais une politique n’est réellement ébauchée qu’après la création des institutions régionales. A cet égard, il convient de distinguer la politique menée par l’exécutif dans le cadre des compétences propres aux régions, de celles menées par le Conseil et par les assemblées communautaires française, flamande et réunie, dans le cadre de leurs attributions propres.

La politique de l’exécutif

154L’exécutif de la Région de Bruxelles-capitale aborde le thème de l’immigration dans sa déclaration du 18 octobre 1989, bien qu’il ne s’agisse pas là d’une compétence régionale. Il l’aborde en fait par deux biais : d’une part en envisageant d’accorder une subvention spéciale aux communes en vue de "promouvoir l’intégration et la cohabitation harmonieuses des communautés locales", et d’autre part en menant des actions d’insertion socio-professionnelle en concertation avec le Conseil régional, l’Office régional bruxellois de l’emploi, le Conseil économique et social, les communes, les CPAS et des initiatives locales publiques ou privées.

155Au budget de 1991, un montant de BEF 150 millions est inscrit pour des aides spéciales aux communes pour la promotion de l’intégration et de la cohabitation des communautés locales (dont BEF 50 millions pour la subsidiation d’actions menées au niveau intercommunal ou dans le cadre du Fonds d’impulsion). En 1992, le budget est porté à BEF 160 millions. Une circulaire de l’exécutif adressée aux communes datée du 29 mars 1990 précise l’affectation de ce crédit. Les projets doivent être déposés par les communes qui peuvent en confier la mise en œuvre à des associations et/ou aux CPAS. La définition des projets doit être réalisée en collaboration avec les associations et coordonnée par la commune.

156Les communes à forte concentration d’immigrés et dépourvues des moyens financiers suffisants sont prioritaires. Un classement des communes en trois catégories a été effectué sur base de quatre critères : le pourcentage d’immigrés dans la population, les ressources fiscales, le taux de chômage et la qualité des logements. Parmi les dix-neuf communes bruxelloises, les communes prioritaires sont Anderlecht, Bruxelles, Forest, Molenbeek-Saint-Jean, Saint-Gilles, Saint-Josse-ten-Noode et Schaerbeek, et celles à quartiers prioritaires, Etterbeek, Ixelles, Jette et Koekelberg. Les autres communes, considérées comme non directement concernées, ont la faculté d’organiser des actions de solidarité subsidiées au profit d’une commune prioritaire.

157Outre qu’ils doivent favoriser l’intégration et la cohabitation harmonieuse, les projets doivent encore se soumettre à d’autres exigences comme le caractère global et novateur du projet, ou encore la participation et la collaboration des groupes cibles. Comme il s’agit d’un fonds conjoncturel et non structurel, la durée des projets doit être limitée.

158Sur le plan socio-professionnel, la Région a inscrit à son budget de 1990 un crédit de BEF 78 millions, dont 30 millions sont réservés à des primes à l’embauche visant des publics fragilisés (auxquels devraient être ajoutés 24 millions du Fonds social européen), et 48 millions pour financer des projets et des dispositifs se rapportant à l’insertion socio-professionnelle (par exemple, le développement de l’alternance, le soutien de la mise au travail des personnes fragilisées, les actions en faveur de publics spécifiques).

Le Conseil et les assemblées communautaires

159Une Commission exploratoire, chargée de faire des propositions relatives à l’organisation de la concertation entre les institutions régionales et les milieux de populations d’origine étrangère de la Région de Bruxelles-capitale, a été créée en mars 1990 suite à l’adoption d’une résolution par le Conseil de la Région de Bruxelles-capitale, par l’Assemblée de la Commission communautaire française, par celle de la Commission communautaire flamande et par l’Assemblée réunie de la Commission communautaire commune. La Commission exploratoire est composée de dix-huit membres du Conseil de la Région de Bruxelles-capitale et d’un nombre équivalent de personnes jugées représentatives des milieux de population d’origine étrangère, désignées par les présidents des quatre assemblées bruxelloises. Trois groupes de travail ont été constitués : l’un est chargé de faire des propositions sur les structures de concertation entre les institutions régionales et les milieux de populations d’origine étrangère, le deuxième effectue un relevé des problèmes essentiels à soumettre à la concertation, et le troisième élabore un texte de Charte de l’intégration qui définit les droits et les devoirs des Belges et des populations d’origine étrangère.

160La Commission exploratoire a remis son rapport le 11 juin 1991 [94]. Il contient l’idée de créer une Commission mixte qui serait composée paritairement d’élus bruxellois et de représentants des milieux des populations d’origine étrangère. L’inventaire des problèmes à soumettre à concertation, présenté comme étant une liste exhaustive, contient des passages relatifs à l’enseignement, à l’emploi, au logement, au cadre de vie, aux relations avec les forces de l’ordre, aux manquements dans l’application des lois, à l’enseignement de la religion islamique, à la participation à la politique locale, aux femmes, aux réfugiés politiques, à l’immigration clandestine et aux communes. Le rapport contient une Charte des devoirs et des droits pour une cohabitation harmonieuse des populations bruxelloises[95]. Une nouvelle résolution a été adoptée le 21 juin 1991 par l’Assemblée de la Commission communautaire française, le 9 juillet par l’Assemblée réunie et par le Conseil de la Région et le 10 juillet par l’Assemblée de la Commission communautaire flamande, qui prévoit la mise en place d’une commission mixte de concertation.

161La Commission de concertation avec les Bruxellois d’origine étrangère a été installée le 6 février 1992. Elle comprend dix-huit conseillers bruxellois (douze francophones et six néerlandophones) et dix-huit membres d’origine étrangère, ces derniers ayant dû adhérer à la Charte des devoirs et des droits. La Commission aura à rendre un avis lors de l’élaboration de tous textes législatifs régionaux relatifs aux matières énumérées dans l’inventaire exhaustif et sur tout texte que les assemblées décideraient de lui soumettre. Elle pourra également rendre des avis d’initiative sur ces matières et sur tout problème imprévu lié à l’immigration et de compétence régionale.

162

"La première spécificité de cette commission (…) est son caractère mixte. Elus bruxellois et personnes d’origine étrangère y siègent ensemble, à parité des voix.
Sa deuxième spécificité (…) est d’associer de façon permanente des élus et des non-élus à l’exercice du pouvoir législatif. La commission de concertation peut en effet donner des avis sur tout texte déposé devant l’une des assemblées bruxelloises (et concernant des matières définies, se rapportant aux milieux de population d’origine étrangère) avant qu’il soit voté, soit à la demande, soit d’initiative. Sa compétence reste consultative.
Troisième spécificité : il s’agit d’une commission dite « transversale », c’est-à-dire commune aux quatre assemblées bruxelloises. Les questions soumises à concertation relèvent en effet des compétences régionales mais aussi de compétences « communautaires » comme l’accueil et l’intégration des immigrés" [96].

163De son côté, la Charte des devoirs et droits pour une cohabitation harmonieuse des populations bruxelloises :

  • d’une part reconnaît des droits égaux pour tous comme le droit à la liberté de pensée, de conscience et d’opinion (art.l), à la liberté d’expression (art. 3), à l’instruction (art.5) ; le respect de la vie privée (art.10), de la culture (art.11) ; la liberté d’utiliser la langue de son choix (art. 12) ; la promotion de l’égalité des chances d’accès au marché de l’emploi et de la formation (art.14), etc ;
  • et d’autre part contient le rappel de devoirs ou de contraintes qui rejoignent l’idée de principes sociaux fondamentaux définie par le Commissariat royal à la politique des immigrés (voir infra, deuxième partie) : le droit à la liberté d’opinion implique la liberté de ne pas avoir de conviction philosophique ou religieuse (art.2) ; personne ne peut inciter un individu ou un groupe d’individus à contrevenir à la règle du respect des principes fondamentaux de droit, particulièrement les lois belges et les conventions internationales directement applicables en Belgique (art.4) ; tous ont le droit de se marier ou de ne pas se marier et de fonder une famille ; le mariage ne peut avoir lieu que s’il y a libre consentement des deux parties ; on ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier (art.6) ; les parties veilleront à faciliter l’apprentissage d’une des deux langues nationales (art.12) ; etc.

Tableau synoptique des principaux organes crées par les pouvoirs publics

tableau im1
Période Eut Région bruxel. Commun.flamande Commun.franc. Provinces Communes 1945-1960 Comm. tripart. de la main d’oeuv. étrangère-CTMOE (1948) 1960-1970 Conseil consult. immigration-CCI (1965) (anc.CTMOE) Services prov. immig.et accueil (Liège 1964 Limbourg 1964, etc.) Conseils consult. communaux des immigrés-CCCI (Cheratte 1968, Flémalle Haute 1968, Heusden 1969, etc.) 1970-1980 Comm. réforme du statut des étrangers (1970) (Corn. Rolin) Vlaams Overlegcomite opbouwwerk Migratie VOCOM (1977) Brabant (CAIB-OCGB 1974) (Communes brux. 1970-1975) Autres formes de participation (Seraing 1977, etc.) 1980-1988 Conseil consult. des étrangers-CCE (1981) Commission d’étude immigration (1984) (Comm. Vermeylen) Vlaams Hoge Raad voor Migranten-VHRM 1982 Conseil consult. immigrés Comm. française-CClCF (1981) C.C. pour populations origine étrangere-CCPOE (1987) (exCCICF) Centres régionaux (Liège, Namur, Charleroi, Bruxelles) (anc. services provinc.) 1988-1992 Comm. royal à la politique immigrés CRP1 (1989) Cons. consult. main-d’œuvre d’origine étrang.-CCMOE(1992) (anc.-CCI et CTMOE) Comm.exploratoire (1990) Comm.concertation avec Bruxellois d’origine étrangère (1992) Centres régionaux et locaux (1990) Vlaamscentrum voor de integratie van Migranten VCIM (1991) (anc. VOCOM) Cons. des immigrés (Anvers, Genk)

Tableau synoptique des principaux organes crées par les pouvoirs publics

2 – Analyse des types et des modes d’intégration

Une multiplicité de modes, de types et de niveaux d’intégration

164La première partie indique combien l’intégration des immigrés a donné lieu à des approches multiples. Sans prétendre à l’exhaustivité, on peut considérer qu’au cours de ces quarante-sept années cette problématique a concerné le mouvement ouvrier, le patronat, les structures politiques aux différents niveaux de pouvoir, les Eglises, le monde de la laïcité, les associations. Et parmi les moyens a mettre en œuvre, ont entre autres été envisagés, l’acquisition de la nationalité, la revendication du droit de vote, le développement de la vie associative, la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, etc.

165La participation à la vie syndicale a été acquise depuis de nombreuses années. Les travailleurs étrangers ont droit de vote et sont éligibles aux élections sociales (conseil d’entreprise et comité de sécurité et d’hygiène). Toutefois, comme d’autres catégories de travailleurs (les femmes, les jeunes, les chômeurs), les immigrés se regroupent en organisations particulières au sein des structures syndicales au niveau interprofessionnel [97]. Cette approche "particulariste et catégorielle" permet d’une part aux travailleurs immigrés de voir reconnaître leurs spécificités culturelles et d’autre part aux centrales professionnelles, qui ont la responsabilité de l’action syndicale dans les entreprises et les secteurs, de déplacer (et de cloisonner) les questions spécifiques vers des organes syndicaux propres au niveau interprofessionnel.

166Si l’immigré est encouragé à rejoindre les syndicats, sa promotion dans les organes et structures syndicales n’est pas toujours acquise ni proportionnelle à sa présence. Quoi qu’il en soit, les organisations syndicales ont été capables de représenter les membres immigrés de la classe ouvrière, du moins ceux insérés dans les secteurs de l’économie tels que les charbonnages ou la sidérurgie. Mais l’occupation précaire et souvent marginale d’une fraction importante de l’immigration dans les secteurs des services (nettoyage, restauration, hôtellerie, alimentation, soins de santé, transports, etc.) bénéficie moins du support syndical, les organisations étant aussi moins bien représentées dans ces secteurs.

167Dans les provinces de Liège et de Limbourg il y a plus de trente ans que des services d’accueil ont été mis en place pour susciter, organiser et coordonner des initiatives visant l’intégration des travailleurs immigrés et de leur famille. Dans les autres provinces, la mise en place de telles structures, se heurte à des difficultés (comme dans la province de Namur ou dans la province de Hainaut [98]), ou a débuté plus tardivement (comme dans la province de Brabant et de Flandre orientale), ou encore n’a jamais eu lieu (comme dans les provinces d’Anvers et de Flandre occidentale). Les réalités propres à chaque province expliquent le succès et la permanence de certaines de ces expériences et la courte durée ou l’absence d’organisations semblables ailleurs. La situation est toutefois particulière à Bruxelles où les réformes institutionnelles ont conduit à la transformation de l’organisme provincial en un centre régional limité à l’agglomération de Bruxelles et à la création d’autres organes. L’existence de services provinciaux est restée limitée géographiquement et dans le temps. Aujourd’hui, tant en Communauté flamande qu’en Communauté française, on assiste à la création de centres "régionaux". Les services provinciaux existants connaissent de ce fait une reconversion institutionnelle dont les effets sont, si pas partout l’augmentation des moyens, du moins leur reconnaissance et l’extension de cette forme d’organisation. Il est toutefois à noter que les moyens octroyés par les Communautés flamande et française à leurs centres régionaux et locaux varient fortement (de BEF 15 millions pour la Communauté française à BEF 160 millions pour la Communauté flamande), ces montants traduisant des options fortement différenciées.

168Dans les communes également, les attitudes sont contrastées. Des contextes différents, en particulier sur le plan politique, donnent lieu à des comportements très variables, qui peuvent aller de l’indifférence totale et de l’absence d’initiative à l’égard des populations d’origine étrangère à des formes assez élaborées de participation. Il y a plus de vingt ans que les premiers conseils consultatifs communaux des immigrés ont vu le jour. A terme, ils devaient conduire à la participation politique au niveau communal (droits de vote et d’éligibilité) et constituaient dans l’esprit de leurs promoteurs une phase de transition. L’expérience est restée circonscrite à quelques communes (une quarantaine) sans que ce type de participation soit généralisé. Alors que dans quelques rares communes des conseils consultatifs sont encore en activité, d’autres formes de participation se sont mises en place comme à Seraing, à Genk ou à Anvers. De son coté la Communauté flamande promeut la création de centres locaux d’intégration.

169Suite aux réformes de l’Etat, l’intégration et l’accueil des immigrés sont devenus de la compétence des Communautés française et flamande. Les régions, auxquelles la politique d’accueil avait été confiée dans un premier temps, se sont effacées au profit des communautés, ce transfert de compétences accompagnant un passage du discours économique à un discours davantage culturel. Par le biais de leur conseil consultatif respectif, où une certaine représentation des immigrés est assurée, les exécutifs des communautés sont informés des problèmes et reçoivent des avis et des propositions. Mais au grand nombre d’avis émis par ces conseils consultatifs, les communautés ne peuvent souvent donner qu’une réponse limitée. La compétence des communautés se limite aux matières culturelles et personnalisables (enseignement, aide aux personnes, …) ; or ces avis concernent bien souvent des matières nationales (justice en ce qui concerne l’entrée et le séjour, affaires intérieures en ce qui concerne les politiques communales, emploi et travail en ce qui concerne la législation sur l’occupation de la main-d’œuvre étrangère,…) ou des matières régionales (travail, logement), ou encore des matières où le pouvoir communal est compétent. Les communautés tentent néanmoins de créer ou de développer un cadre institutionnel (centres communautaires régionaux et locaux par exemple) au sein duquel une politique d’intégration pourrait être menée.

170L’acquisition et l’attribution de la nationalité a été fortement encouragée par le gouvernement ces dernières années [99]. Une étude réalisée à l’UCL estime à 32.370 (23.800 en Wallonie, 4.430 à Bruxelles et 4.140 en Flandre) le nombre des jeunes de moins de 18 ans (de la troisième génération) ayant bénéficié de cette disposition au jour de l’entrée en vigueur de la loi (le 1er janvier 1992) [100]. La répartition par nationalité d’origine des parents est de 28.670 ressortissants européens et de 3.700 Turcs et Maghrébins. Les effets des nouvelles dispositions ne se feront en fait sentir, pour ces deux catégories d’immigration plus récente, que dans une dizaine d’années en raison de la condition imposée d’appartenir à la troisième génération. Ceux de la deuxième génération qui souhaitent obtenir la nationalité belge sont quant à eux soumis à une procédure fortement simplifiée.

171L’identité culturelle des immigrés est reconnue par les pouvoirs publics. Différentes associations nationales, régionales ou locales d’immigrés peuvent recevoir des subsides pour leurs activités culturelles, sportives, sociales, etc. Au sein de celles-ci, le maintien de la culture d’origine est assuré.

172Constatant que dans la communauté flamande les migrants ne participent que fort peu aux organisations socio-culturelles (flamandes), le Hoge Raad voor de Volksontwikkeling (Conseil supérieur du développement social) a émis le 28 février 1992 un projet d’avis sur la politique culturelle pour les migrants. La vie associative des immigrés y est préconisée et devrait être subsidiée pour autant que celle-ci soit organisée démocratiquement, sur une base volontaire, et poursuive un objectif d’intégration dans la communauté flamande [101]. C’est la première fois que ce conseil se prononce en faveur de l’organisation autonome d’associations immigrées. Jusqu’alors il préconisait surtout l’intégration des immigrés dans les associations culturelles flamandes existantes.

173Ces derniers temps, les déclarations politiques concernant l’intégration des immigrés tendent de plus en plus à l’inscrire dans le cadre de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Ainsi, par exemple, l’actuel exécutif de la Communauté française n’aborde pas spécifiquement la problématique de l’immigration dans son "accord de gouvernement", se distinguant en cela de ses prédécesseurs. En Communauté flamande, a été créé un fonds pour l’intégration des plus démunis. L’analyse de la situation des immigrés dans le domaine de l’enseignement, de l’emploi, du logement, de la promotion sociale, etc., montre de nombreuses inégalités dont souffre également une partie de la population belge. En élargissant le champ couvert par les politiques d’immigration à la lutte contre l’exclusion sociale dans son ensemble, on risque toutefois d’occulter les discriminations dont les immigrés sont l’objet en raison de leur origine, comme par exemple en matière d’accès à l’emploi, tant public que privé et au logement, qu’il soit social ou privé.

174La période qui s’étend de la seconde guerre mondiale à nos jours a incontestablement été marquée en matière d’immigration, par l’apparition de structures d’accueil, de réflexion, d’avis, mises en place par les pouvoirs publics. Elles trouvent leur origine soit dans l’initiative politique, soit dans la pression et la revendication des immigrés et de leurs associations ou de la population autochtone, soit - et c’est sans doute le plus fréquent - dans l’interaction entre les deux. Un constat semble s’imposer toutefois, celui de leur manque d’efficacité : moyens insuffisants, absence de sollicitation dans certains cas, recommandations non suivies, manque de coordination, etc.

175Ces dernières années, les évolutions sur le plan institutionnel ont conduit en outre à la multiplication des niveaux de décision concernés et, conséquemment, des instances de consultation et de participation. La pression de l’actualité - elle-même largement déterminée par l’absence de politique globale dans le passé - a conduit à une prise de conscience de la gravité de la situation et à l’adoption de mesures. Les craintes à ce stade résident dans l’absence d’adéquation des moyens aux problèmes et dans les risques d’éparpillement des initiatives et des moyens.

176Si la volonté de stabiliser les travailleurs migrants dans le pays existe depuis de nombreuses années et si l’idée de leur installation définitive est désormais acquise, force est de constater que les politiques n’ont pas souvent été dans le sens d’une réelle prise en compte de ces évolutions.

177A ce propos, les discriminations fréquentes dont sont victimes les immigrés et les carences en matière de politique sociale, d’enseignement, d’emploi, de formation, de logement ou dans les quartiers apparaissent comme autant d’obstacles. Le Commissariat royal y accorde une place importante dans ses propositions. Il soulève par exemple en matière de logement le problème des baux à loyer et du montant des loyers, la discrimination et l’absence d’un véritable droit au logement, le développement intégré des quartiers, la problématique du logement social, la promotion de la rénovation ; en matière d’emploi, des problèmes d’accès, de formation, de placement des chômeurs et demandeurs d’emploi, de l’engagement par les communes ; en matière d’enseignement, le renforcement de la formation et de l’encadrement des enseignants, les cours de langue, la lutte contre l’échec. Quant à l’appartenance à des communautés et à des cultures diverses, elle est généralement peu valorisée.

178Enfin, le contexte général, la toile de fond de cette problématique, concerne la société belge dans son ensemble et dans sa complexité et fait apparaître la contradiction entre le "discours de l’intégration et (la) pratique du cloisonnement" : "Alors que, dans leur majorité, les forces politiques adressent aux étrangers résidant en Belgique un appel à la volonté d’intégration, la société belge continue à régir sa propre diversité en consolidant et en multipliant les mécanismes de cloisonnement" [102].

La notion d’insertion

179Au-delà des modalités envisagées pour favoriser l’intégration et la participation des immigrés aux différents niveaux de la décision politique, le Commissariat royal à la politique des immigrés préconise une approche globale de la question. Il élabore une "philosophie" de l’intégration fondée sur la notion d’"insertion", qui implique une transaction entre une majorité autochtone et une majorité suffisante des groupes d’origine étrangère :

180

"L’approche de l’intégration par le biais de l’insertion (entre « adaptation » et « non-adaptation ») implique qu’il faille parvenir, dans la vie publique, à une acceptation réciproque, d’une part entre une majorité suffisamment importante de personnes appartenant à la « majorité » autochtone et une majorité suffisamment importante de personnes appartenant à chacune des minorités et d’autre part, dans les rapports mutuels entre les différentes minorités" [103].
"Il s’agit donc de promouvoir l’acceptation réciproque. Le dosage correct entre droits et devoirs des autochtones et allochtones comme dans leurs rapports mutuels est à ce propos une condition fondamentale.
Il est évident que l’on ne peut conférer aux allochtones plus de droits et de devoirs qu’aux autochtones. Toutefois, comme pour ce qui se rapporte à la notion « d’insertion » il faut tenter de trouver ici des critères objectifs et éviter les slogans souvent arbitraires. Cela est particulièrement important lors des discussions sur le droit de vote et l’accès à la Fonction publique" [104].

181L’intégration étant considérée comme un processus de négociation, il s’impose de prévoir des lieux où cette transaction peut s’effectuer, de définir qui sera habilité à négocier et sur quels points.

182Avant même qu’une transaction puisse être envisagée, certains niveaux sont distingués sur lesquels des concessions peuvent ou ne peuvent pas se faire :

183

"- le niveau des valeurs et des principes protégés par la notion « d’ordre public » et par conséquent juridiquement contraignant ;
- le niveau de certains principes sociaux fondamentaux sur lesquels il existerait un accord implicite de la majorité autochtone ;
- le niveau des expressions culturelles nombreuses qui ne compromettent ni l’ordre public ni les principes sociaux de base du pays d’accueil" [105].

184Le Commissariat royal considère que le concept d’intégration part de la notion d’insertion, et il envisage pour chacun des trois niveaux des comportements ou des exigences appropriés :

185

"a. assimilation là où l’ordre public l’impose ;
b. promotion conséquente d’une insertion la plus poussée conformément aux principes sociaux fondamentaux soutenant la culture du pays d’accueil et tenant à la « modernité », à l’« émancipation » et au « pluralisme confirmé » dans le sens donné par un Etat occidental moderne ;
c. respect sans équivoque de la diversité culturelle en tant qu’enrichissement réciproque dans les autres domaines" [106].

186De plus l’intégration va de pair avec une promotion de l’implication structurelle des minorités aux activités et objectifs des pouvoirs publics.

187Ces conceptions peuvent faire l’objet d’interprétations diverses en l’état actuel de leur élaboration. Le débat qui doit ou (aurait dû) s’engager à leur sujet nécessite de circonscrire un cadre politique ainsi que de reconnaître le caractère représentatif et la légitimité des interlocuteurs en présence. Le rapport du Commissariat royal à la politique des immigrés ne va toutefois pas jusqu’à envisager la mise en œuvre concrète du processus. Le gouvernement n’y a pas donné de suite, ce qui a conduit le commissaire royal a dénoncer "l’inertie du gouvernement", estimant qu’"il n’y avait pas cinq personnes au sein du gouvernement qui aient lu son rapport, ne serait-ce que les quatre pages évoquant des propositions sur la problématique de l’intégration" [107].

188Les conceptions que le Commissariat royal défend ont fait l’objet de réflexions de la part du Conseil consultatif pour les populations d’origine étrangère de la Communauté française. Celui-ci "se demande pourquoi le terme « minorités ethniques » a été préféré, dans la plupart des cas, pour dénommer un « collectif » d’étrangers de même origine culturelle, au terme de « communauté culturelle ».

189Le terme « ethnique » semble particulièrement impropre car la réalité des communautés issues de l’immigration intègre l’histoire du « voyage migratoire ». En ce sens les individus qui forment ces groupes ont sans doute, pour une part, une origine ethnique mais ils se caractérisent principalement par cet acte fondateur qui est l’immigration. Cet événement signifie qu’ils reconstruisent collectivement une histoire culturelle faite des éléments des cultures d’origine, de l’histoire de leur immigration et de la façon singulière dont ils s’intègrent dans le pays d’accueil. En ce sens lesdites minorités sont plus culturelles qu’ethniques.

190D’une manière générale, l’idée que des communautés culturelles structurées ou en voie de l’être, existent, avec l’infinie diversité de leurs positions et de leurs évolutions, n’est pas réellement reprise dans le rapport. Cette position pourrait laisser entendre qu’on s’adresse à des individus sans rapport entre eux qui doivent décider individuellement de leur avenir d’intégration face à la société belge. Cette position risque également de renforcer le sentiment que les interlocuteurs légitimes de ces communautés sont les institutions d’Etat des pays d’origine dont elles sont issues. (…).

191En ce qui concerne les niveaux d’acceptation de la différence mettant en cause les principes sociaux fondamentaux de la société d’accueil, il apparaît au Conseil que cette question doit toujours être traitée en terme d’information mutuelle, de négociation, de débats d’idées (rapport de force idéologique), d’éducation et jamais en terme d’interdiction et de stigmatisation.

192En ce qui concerne la notion des droits et devoirs qui revient souvent dans le document, le texte laisse entendre que les devoirs posent un problème particulier en ce qui concerne les immigrés. Il semble au Conseil que les immigrés remplissent globalement leurs devoirs et quand ils ne le font pas la loi est là pour le leur rappeler comme à tous les citoyens" [108].

La participation politique

193Les formes que la participation peut prendre sont multiples. La création dans la Région de Bruxelles-capitale, d’un organe paritaire permanent, composé pour moitié d’élus régionaux et pour moitié de personnes considérées comme représentatives des communautés immigrées, en est une. La Commission de concertation avec des Bruxellois d’origine étrangère a été constituée afin de rendre des avis sur des questions les concernant et coïncidant avec les compétences des institutions régionales bruxelloises. Dans une phase préparatoire à sa création, une Charte des devoirs et des droits pour une cohabitation harmonieuse des populations bruxelloises a été rédigée par une commission, mixte elle aussi.

194L’octroi des droits politiques d’élection et d’éligibilité constitue une autre forme de participation politique qui devrait connaître une mise en œuvre partielle d’ici la fin du siècle. Apparue dans le courant des années 1960, la question du droit de vote constitue une des composantes du contexte qui donna naissance à l’expérience des conseils consultatifs communaux. En octobre 1972, G. Eyskens, Premier ministre (CVP), et G. Andreotti, président du Conseil européen, proposent lors du Sommet de Paris de reconnaître sous certaines conditions le droit de vote aux élections locales à tous les ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne.

195Au cours de la période 1971-1980, plusieurs propositions de loi sont déposées et au début des années 1980 quelques propositions de loi sont (réintroduites [109], qui visent l’octroi du droit de vote, soit aux seuls ressortissants d’un pays de la CEE, soit à tous les résidents étrangers. Dans tous les cas, l’octroi du droit est assorti de conditions de résidence. En 1977, trente-trois organisations belges et trente-cinq associations immigrées se regroupent dans un mouvement appelé Objectif 82. Le droit de vote et d’éligibilité aux élections communales est l’une des revendications principales pour laquelle le mouvement fixe comme échéance les élections d’octobre 1982. En 1979, le premier gouvernement dirigé par W. Martens (CVP-PS-SP-PSC-FDF) inscrit à son programme que "l’intégration politique des immigrés sera favorisée en leur accordant, sous certaines conditions, le droit de vote pour les élections communales".

196Fin des années 1970, l’opportunité de modifier la Constitution - en particulier l’article 4 - donne lieu à discussion. Pour certains, en effet, le droit de vote aux élections communales n’est pas limité par le texte constitutionnel. Ce n’est toutefois pas la position du Conseil d’Etat qui, dans un avis rendu en 1980 mais publié en 1986, conteste la conformité des propositions de loi visant l’octroi du droit de vote et d’éligibilité aux dispositions et à l’économie générale de la Constitution. Le Conseil d’Etat estime qu’une révision préalable de l’alinéa 2 de l’article 4 de la Constitution est requise. Depuis la publication de cet avis, l’initiative parlementaire prend la forme de propositions de déclaration de révision de la Constitution. Celles-ci sont davantage l’expression des positions des partis politiques, tandis que les propositions de lois émanaient, quant à elles, de parlementaires isolés. Toutefois, à l’exception d’Ecolo et d’Agalev, tous les partis s’opposent à l’octroi du droit de vote aux ressortissants des pays n’appartenant pas à la CEE.

197Le traité sur l’Union politique négocié au Sommet de Maastricht des 9 et 10 décembre 1991 a reposé en des termes nouveaux la problématique de l’octroi du droit de vote. En instituant une citoyenneté européenne, le traité prévoit également d’accorder le droit de vote et d’éligibilité aux élections locales et aux élections européennes :

198

"Article c
1. Tout citoyen de l’Union résidant dans un Etat membre dont il n’est pas ressortissant a le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales dans l’Etat membre où il réside, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet Etat. Ce droit sera exercé sous réserve des modalités à arrêter avant le 31 décembre 1994 par le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen ; ces modalités peuvent prévoir des dispositions dérogatoires lorsque des problèmes spécifiques à un Etat membre le justifient.
2. Sans préjudice des dispositions de l’article 138 paragraphe 3 et des dispositions prises pour son application, tout citoyen de l’Union résidant dans un Etat membre dont il n’est pas ressortissant a le droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen dans l’Etat membre où il réside, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet Etat. Ce droit sera exercé sous réserve des modalités à arrêter, avant le 31 décembre 1993, par le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen ; ces modalités peuvent prévoir des dispositions dérogatoires lorsque des problèmes spécifiques à un Etat membre le justifient".

199En Belgique, les prochaines élections communales auront lieu en octobre 1994. Or, les dispositions du Traité de Maastricht relatives aux élections locales prévoient la traduction de ce point dans les législations nationales pour le 31 décembre de la même année au plus tard. A défaut d’une volonté politique qui fasse aboutir le processus avant la date ultime fixée par le traité, la participation des ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne n’aura lieu pour la première fois que lors des élections communales suivantes, en octobre 2000 [110].

200Entretemps le droit de vote des immigrés reste une question extrêmement sensible. Lorsque Wivina Demeester-Demeyer, ministre communautaire flamand des Finances et du Budget, des Etablissements de santé, de l’Aide sociale et de la Famille, plaida le 16 mai 1992 au Hème Festival de l’immigration à Anvers, pour l’octroi du droit de vote communal aux immigrés, elle provoqua de vives réactions tant au sein de son parti (CVP) qu’au sein du Vlaamse Raad [111]. Elle fut publiquement désavouée par le président de son parti, Herman Van Rompuy. Lors de la séance du Vlaamse Raad le 9 juin 1992, le président de l’exécutif flamand Van den Brande (CVP) affirma que c’est "l’opinion unanime du gouvernement flamand que le droit de vote des immigrés n’est pas, dans les circonstances actuelles, une voie juste pour l’insertion. Le droit de vote reste lié à l’acquisition de la nationalité" [112].

201Dans le contexte politique belge, l’octroi du droit de vote fait en outre l’objet d’oppositions de la part des partis nationalistes flamands et des ailes les plus radicales des autres partis, qui craignent que les voix des ressortissants des pays de la Communauté européenne favorisent les listes francophones. Le Vlaams Komitee Brussel-VKB, par exemple, "insiste auprès des parlementaires flamands pour qu’ils s’opposent au droit de vote pour les ressortissants européens si les Flamands de Bruxelles n’obtiennent pas de garanties pour leur représentation à Bruxelles. Le VKB souligne les risques d’accorder le droit de vote aux ressortissants de la CEE inscrits en Belgique pour les élections communales et les conséquences que cet octroi peut avoir pour la Communauté flamande dans la capitale" [113].

D’autres issues envisageables

202Si l’octroi du droit de vote rencontre des aspirations déjà anciennes, il ne peut à lui seul constituer une réponse à l’ensemble des problèmes qui se posent aujourd’hui, d’autant moins d’ailleurs qu’il ne concerne pas les ressortissants des pays tiers à la Communauté européenne.

203Or, on observe que la problématique de l’intégration des immigrés se cristallise actuellement sur deux populations [114] : celle d’origine maghrébine et celle d’origine turque. Cette cristallisation s’exprime dans la "société d’accueil" sous la forme de deux craintes : l’accroissement de la violence d’une part, l’émergence d’un rapport de force politique qui ne passerait pas par la participation électorale mais pour le quel l’islam jouerait le rôle d’élément structurant d’autre part.

204D’une part, on assiste depuis le printemps 1991 à des confrontations entre des jeunes d’origine étrangère (majoritairement maghrébins) et les forces de l’ordre, confrontations qui débouchent parfois sur des attroupements et des manifestations de rue. Fortement médiatisés et entourés de discours du type "sécuritaire", ces événements contribuent tout à la fois à propager un sentiment de peur et à mettre en exergue des phénomènes sociaux essentiellement spécifiques aux grandes villes. La pauvreté, l’exclusion sociale, le manque d’équipements publics, le délabrement urbain dans les quartiers défavorisés, la dualisation de la société, constituent la toile de fond de ces incidents sur laquelle se tissent également les relations dégradées (contrôles d’identité, provocations de part et d’autre) entre les jeunes et les forces de l’ordre. M. Martiniello relève quatre analyses qui rendent compte de ces événements et tentent d’expliquer leurs causes [115] :

  • des rapports détériorés entre les jeunes et les forces de l’ordre ;
  • les actes de bandes de délinquants organisées qui constitueraient "un noyau dur inintégrable" ;
  • des manipulations politiques par des militants d’extrême droite ou d’extrême gauche ou par des intégristes musulmans ;
  • le non-accomplissement de l’intégration des jeunes d’origine étrangère.

205L’auteur juge ces analyses contestables notamment parce qu’elles se focalisent sur les symptômes. Il observe toutefois que c’est sur leur base que les pouvoirs publics conçoivent leurs réponses :

  • soit des mesures visant "au rétablissement de l’ordre et de la sécurité et à la prévention de nouveaux troubles" (augmentation des effectifs policiers et des moyens mis à leur disposition, formation des policiers aux réalités interculturelles, engagement d’auxiliaires de police issus de l’immigration et de médiateurs entre les forces de l’ordre et les jeunes [116] ;
  • une continuation et une intensification de la politique d’immigration de "longue haleine" mise en place.

206L’analyse alternative que propose M. Martiniello prend en compte "la répartition inégalitaire du pouvoir dans la société et la place occupée par les populations d’origine immigrée dans les relations de pouvoir" [117]. A. Réa et F. Brion débouchent également sur une analyse en termes de rapports politiques, de relations de pouvoir au sein de la société.

207D’autre part, certains - se référant à la manière dont est structurée la société belge - s’interrogent sur la possible émergence d’un "pilier" islamique (c’est-à-dire d’un réseau institutionnalisé d’associations et de services comparables, par exemple, au monde catholique) et trouvent dans cette hypothèse une voie praticable de réduction des tensions et de résolution des conflits qui concernent les minorités culturelles.

208Certains arguments viennent étayer ces propos. A commencer par la perception et de l’exclusion sociale, du rejet culturel de l’absence de la participation à la prise de décision politique. Le sentiment d’appartenance à un groupe est renforcé par la pratique du même culte et par une position socio-économique généralement semblable. Il est également accentué par le regard stigmatisant qu’une large fraction de la "société d’accueil" porte sur les immigrés d’origine musulmane, considérant notamment leur religion mais aussi nombre de comportements et d’habitudes culturelles, incompatibles avec leur intégration [118].

209Mais le seul sentiment d’appartenance commune ne suffit pas. La structuration doit s’opérer autour d’organisations fortes et qui recouvrent de nombreux domaines de la vie sociale. La capacité des organisations islamiques à encadrer les populations turque et marocaine est réelle : elles peuvent les mobiliser, œuvrer à l’élaboration d’un projet de société et fournir des symboles, des significations [119]. Des associations se constituent, une école islamique s’ouvre, l’enseignement de la religion est promu et financé partiellement, des institutions comme le Centre islamique et culturel ou la Fondation islamique turque exercent une fonction centralisatrice.

210Si les communautés marocaine et turque partagent des conditions de vie similaires et une même religion, elles vivent néanmoins de manière socialement séparée. Cette constatation, certainement valable pour la première génération, l’est toutefois déjà moins en ce qui concerne la suivante pour laquelle l’appartenance commune semble plus marquée. Par ailleurs, les spécificités de l’islam appellent à la prudence lorsque l’on veut comparer son organisation et son fonctionnement à ceux de l’Eglise catholique par exemple, notamment au regard de la constitution d’un pilier. Enfin le développement des organisations structurées autour de l’islam ne connaît pas, pour l’heure, une étendue semblable à celle des mondes actuellement constitues (partis politiques, syndicats, mutuelles, institutions sociales, associations culturelles, etc.) et leur représentation ne fait pas l’objet d’un consensus.

211Les discussions à propos de la représentativité et des élections des membres du Conseil supérieur islamique, la création par le gouvernement d’un Conseil provisoire des sages, l’agitation autour du port du foulard, la création d’une école islamique et les réactions qu’elle suscite, etc., contribuent à forger une conscience d’appartenance et à manifester la présence collective du groupe [120]. Les possibilités de voir se constituer un ensemble structuré dépendront d’une multiplicité de facteurs : capacité d’organisation des communautés islamiques au-delà de leur appartenance nationale, mobilisation des élites, utilisation d’actions et manifestations symboliques, diffusion par les médias, etc.

212La réflexion sur l’existence des piliers, sur leur capacité de pacifier et de réduire les tensions socio-politiques et sur l’émergence possible d’un pilier islamique n’est pas neuve. Depuis plusieurs années, le professeur Arend Lijphart défend la thèse qu’aux Pays-Bas un pilier islamique contribuerait à la pacification et à l’intégration sociale des immigrés marocains et turcs [121].

213L’interrogation relative à la structuration d’une partie de la population d’origine étrangère autour de l’islam est posée en termes de clivage religieux et philosophique. Se cantonner à cette dimension peut toutefois induire une approche réductrice de la réalité. Il importe en effet de considérer la structuration de la société dans son ensemble comme la résultante de plusieurs clivages : le clivage religieux et philosophique est un des principaux, mais les clivages socio-économique ainsi que culturel et linguistique ont une fonction tout aussi essentielle tandis que d’autres, comme le clivage centre-périphérie, par exemple, sont également à l’œuvre. Il ne faut pas perdre de vue non plus que la présence des immigrés en Belgique trouve principalement son origine dans le cadre des rapports travailleurs-employeurs, constitutifs du clivage socio-économique. Enfin la question se pose de la permanence de la référence à la religion et de son caractère structurant, en particulier pour les jeunes générations. Les comportements et les attitudes sont multiples et en évolution constante, surtout dans le contexte urbain [122].

Annexes

1 – Les conseils consultatifs communaux des immigrés créés en Belgique

tableau im2
Province Année Commune d’installation Province de Brabant Auderghem 1973 Bruxelles 1974 Etterbeek 1971 Forest 1971 Koekelberg 1972 Kraainem 1972 Saint-Josse-ten-Noode 1972 Schaerbeek 1971 Uccle 1972 Vilvoorde 1975 Watermael-Boitsfort 1973 Woluwe-Saint-Pierre 1971 Province de Namur Namur 1972 Province de Limbourg Heusden 1969 Houthalen 1975 Genk 1973 Maasmechelen 1972 Beringen
tableau im3
Province de Liège Ans 1971 Cheratte 1968 Flémalle-Haute 1968 Forêt-Trooz 1971 Liège 1973 Seraing 1973 Sprimont 1972 Province de Hainaut Charleroi 1972 Courcelles 1971 Cuesmes 1970 Farciennes 1972 Fontaine-l’Evêque 1972 Godarville 1972 Jemappes 1976 Roux 1973 Province de Flandre orientale Sint-Niklaas
Source : "Voix des migrants et voies politiques", Documents Hommes et migrations, n°998, 15 octobre 1980, p. 17.

2 – Charte des devoirs et des droits pour une cohabitation harmonieuse des populations bruxelloises

214Adoptée par la Commission exploratoire chargée de faire des propositions relatives à l’organisation de la concertation entre les institutions régionales et les milieux de populations d’origine étrangère.

215

"Article 1er
Aucune discrimination ne peut être établie, qu’elle soit fondée sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toute autre opinion, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation.
Article 2
1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et d’opinion.
2. Ce droit implique la liberté d’avoir ou de ne pas avoir de convictions philosophiques ou religieuses.
3. Ce droit comprend en outre la liberté de changer de conviction ou de religion.
Article 3
1. Toute personne a droit à la liberté d’expression.
2. Ce droit implique celui de faire état de ses opinions personnelles sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques. La présente règle n’empêche pas les autorités publiques de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisation.
3. Personne ne peut être exclu du dialogue avec les autorités publiques en raison de ses opinions personnelles, pourvu que ces mêmes opinions n’aillent pas à l’encontre de la philosophie qui inspire la présente Charte.
Article 4
1. Toute personne partie à la présente Charte doit respecter les principes fondamentaux du droit, et particulièrement les lois belges et les conventions internationales directement applicables en Belgique.
2. Personne ne peut, de quelque manière que ce soit, inciter un individu ou un groupe d’individus à contrevenir aux règles visées à l’alinéa 1er.
Article 5
1. Toute personne ou autorité publique partie à la présente Charte doit garantir le droit à l’instruction dans le respect des principes généraux du droit, des conventions internationales, des lois et arrêtés ayant trait à cette matière.
2. Le droit à l’instruction et à l’éducation dans le respect des convictions philosophiques et religieuses des parents doit être garanti.
3. Toute personne qui pourvoit à l’éducation des enfants a cependant le devoir de respecter et d’inciter à respecter, dans l’éducation qu’elle donne aux enfants, les lois belges ainsi que les dispositions de la Charte.
4. Toute personne ou autorité publique partie à la présente Charte devra respecter et faire respecter l’obligation scolaire, telle qu’elle est établie par la loi du 29 juin 1983.
5. Toute personne qui pourvoit à l’éducation des enfants devra respecter les programmes scolaires.
Article 6
1. L’homme et la femme qui ont atteint l’âge nubile ont le droit de se marier ou de ne pas se marier et de fonder une famille.
2. Le mariage ne peut avoir lieu que s’il y a libre consentement des deux parties.
3. On ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier.
4. Les parties à la présente Charte s’engagent à respecter et à faire respecter dans la mesure de leurs possibilités les procédures établies par les lois belges en matière de dissolution du mariage.
Article 7
Tout étranger qui séjourne régulièrement en Belgique ne peut se voir éloigner du territoire, hormis dans les cas prévus par la loi ou les Conventions internationales.
Article 8
1. Sans préjudice de l’application des l?is, tout étranger régulièrement autorisé à séjourner dans le royaume a le droit de choisir librement sa résidence.
2. Les parties s’engagent à promouvoir l’accès au logement, et cela sans discrimination.
Article 9
1. Les parties veilleront à promouvoir la coordination entre les différentes administrations en vue de réduire les délais qui favorisent au détriment des étrangers les situations précaires, voire illégales.
2. Sans préjudice de l’application des lois, elles veilleront plus particulièrement à assurer dès la délivrance du permis de séjour, l’inscription au registre des étrangers d’une des communes de la Région de Bruxelles-capitale, ou, dès la délivrance de l’autorisation d’établissement, l’inscription au registre de la population d’une des communes de la Région de Bruxelles-Capitale.
Article 10
Les parties s’engagent à garantir le respect de la vie privée.
Article 11
1. La culture de toute personne doit être respectée. Toutefois, l’expression de cette culture ne peut aller à l’encontre des droits et libertés d’autrui.
2. Le droit à la culture implique le devoir pour les autorités publiques, d’une part, de ne pas contrecarrer l’expression de cette culture et, d’autre part, d’en favoriser l’épanouissement.
Article 12
1. Toute personne est libre d’utiliser la langue de son choix.
2. Cependant, dans le dialogue avec les autorités publiques, ne seront admises que l’une des deux langues nationales utilisées dans la Région de Bruxelles-Capitale, le français ou le néerlandais.
3. Les parties à la présente Charte veilleront à faciliter l’apprentissage d’une des deux langues nationales utilisées dans la Région de Bruxelles-capitale, le français ou le néerlandais.
4. Des cours de langue du pays d’origine pourront être dispensés dans les écoles.
5. Les parties à la présente Charte veilleront, cependant, à ce que l’apprentissage de la langue du pays d’origine n’entrave pas l’apprentissage d’une des deux langues nationales utilisées dans la Région de Bruxelles-Capitale, le français ou le néerlandais.
6. Pour ce faire, les parties s’engagent à mettre tout en œuvre pour mettre sur pied des enseignements d’adaptation et de rattrapage, à la fois dans le cadre scolaire et en dehors de celui-ci.
Article 13
1. Les parties veilleront, à charges égales, à l’application du principe de non-discrimination dans l’usage des droits et des devoirs en matière sociale.
2. Elles veilleront au respect par les institutions sociales publiques des convictions de toute personne qui se présentera à elles.
Article 14
Sans préjudice de l’application des articles 4 et 13, les parties à la présente Charte s’engagent à promouvoir pour tous l’égalité des chances d’accès au marché de l’emploi et à la formation.
Article 15
1. Les autorités publiques veilleront à ne pas établir de discriminations en matière d’accès aux moyens de communication : presse écrite, radio, télévision.
2. Toutes les personnes et groupes qui auront accès à ces moyens de communication devront s’engager à respecter et à faire respecter les dispositions de la présente Charte.
Article 16
Les autorités publiques veilleront à faire respecter les dispositions de la présente Charte par leurs services.
Article 17
1. Les autorités publiques accorderont, dans l’attribution des aides, une priorité aux associations ayant prévu dans leurs statuts une contribution à l’intégration des populations d’origine étrangère et à la cohabitation harmonieuse des populations, et qui respectent les dispositions de la présente Charte.
2. Les autorités publiques favorisent les associations de défense des intérêts des groupes de population d’origine étrangère dont l’objet social est d’assurer la promotion des droits de leurs membres dans le respect de la présente Charte.
Source : Doc Conseil de la Région de Bruxelles-capitale, n°125/l (1990-1991), pp. 156-159

3 – Le droit de vote des étrangers en différents pays

tableau im4
Pays Nationalités Durée de résidence Type d’élection Date Australie Citoyens du CW * Toutes Queensland Toutes - Communales - Victoria Toutes Communales Belgique Britanniques 3 ans Européennes 1989 Irlandais 3 ans Européennes Canada Citoyens du CW * - Toutes Pr. Edouard Toutes (proprié- Communales Nlle Ecosse taires et chefs - Communales d’entreprises) Communales Chili Toutes 5 ans Toutes Côte d’Ivoire Africains - Toutes 1980 et 1985 Danemark Toutes 3 ans Municipales 1981 Espagne Toutes (réciprocité) - Municipales 1985 Finlande Scandinaves et 2 ans Municipales 1981 Islandais Irlande Toutes 6 mois Communales 1963 Britanniques - Toutes 1984 CEE - Européennes Israël Toutes - Locales/Municipales Italie CEE ss condition Eligibles aux Europ. 1988 Norvège Toutes 3 ans Municipales et 1982 provinciales Nouvelle Zélande Toutes 1 an Toutes 1975 Citoyens du CW * Eligibles Pays-Bas Toutes 5 ans Communales 1985 Portugal Lusophones 5 ans Communales 1971 (réciprocité) Royaume-Uni Citoyens du CW * - Toutes et Irlandais (eligibles) Suède Toutes 3 ans Communales, 1975 régionales et religieuses (+ référendum) Suisse Neuchâtel Toutes 10 ou 5 ans Communales 1849 Jura Toutes 10 ans Communales et 1978 Cantonales Venezuela Toutes 10 ans Locales
* Commonwealth
Source : Paul Oriol, Les immigrés dans les urnes, Paris, 1991, Chapitre 5 : "Les étrangers et leurs droits pays par pays", Migration-société, III, n°18, nov.déc. 1991, CIEMI.

Notes

  • [1]
    Voir entre autres : A. Martens, Les immigrés. Flux et reflux d’une main-d’œuvre d’appoint. La politique belge de l’immigration de 1945 à 1970, EVO, UPL, 1976 ; B. Ducoli et S. Panciera, "Immigration et marché du travail en Belgique", Courrier hebdomadaire du CRISP, n°709-710, 1976.
  • [2]
    "Deux séries de mesures importantes : l’organisation de l’assurance maladie-invalidité et le statut du mineur", Revue du Travail, n°4-5, 1945, pp. 118-119.
  • [3]
    La mise au travail des prisonniers de guerre allemands a fait l’objet d’une étude de Ph. Sunou, Les prisonniers de guerre allemands en Belgique et la bataille du charbon, 1945-1941, Centre d’histoire militaire, Travaux 15, Musée royal de l’armée, Bruxelles, 1980.
  • [4]
    Ph. Sunou, op. cit., pp. 95-96.
  • [5]
    Idem, pp. 97-98.
  • [6]
    L’immigration espagnole s’est effectuée en trois phases : une première (1936-1950) est consécutive à un soulèvement en Asturies (1934) puis à la guerre civile et à la période franquiste ; la seconde (1956-1961} est l’application d’un accord bilatéral signé fin 1956, tandis que la troisième (années 1960) est une vague d’immigration de "touristes" dont la situation a été régularisée. La première vague est donc d’ordre politique, la deuxième est davantage d’ordre économique bien que fortement teintée d’anti-franquisme, tandis que la troisième est plus strictement économique. A propos de l’histoire des immigrations successives, par nationalité d’origine, de 1830 à aujourd’hu, on se référera à l’ouvrage publié sous la direction de A. Morelli, Histoire des immigrés et de l’immigration en Belgique de la préhistoire à nos jours, EVO-CBAI, 1992, 334 pages.
  • [7]
    Oeuvre nationale d’aide religieuse et morale aux ouvriers-Onarmo (ndlr).
  • [8]
    M. Martiniello, Elites, leadership et pouvoir dans les communautés ethniques d’origine immigrée : le cas des Italiens en Belgique francophone, Thèse de doctorat, Institut Universitaire Européen, Florence, 1990, pp. 244-245. Voir aussi A. Morelli, "L’appel de la main-d’œuvre italienne pour les charbonnages et sa prise en charge à son arrivée en Belgique dans l’immédiat après-guerre", Revue belge d’histoire contemporaine, 19, n°1-2, 1988, pp. 83-130.
  • [9]
    Arrêté royal du 10 juillet 1952 (Moniteur belge, 14-15 juillet 1952) pris en vertu des lois du 30 décembre 1950 (Moniteur belge, 1-3 janvier 1950) fixant les traitements des ministres du culte catholique et du 27 mai 1952 (Moniteur belge, 2-4 juin 1952) contenant le budget du Ministère du Travail et de la Prévoyance sociale pour l’exercice 1952.
  • [10]
    Loi du 28 mars 1952, Moniteur belge, 30-31 mars 1952. Cette loi a été modifiée à diverses reprises, notamment pour l’adapter aux obligations internationales auxquelles la Belgique est soumise. Elle cesse ses effets avec l’entrée en vigueur de la loi du 15 décembre 1980 (voir infra).
  • [11]
    En 1964, l’Institut belge d’information et de documentation réalise à la demande du Ministère de l’Emploi et du Travail une brochure Vivre et travailler en Belgique diffusée en Mrique du Nord. Elle consiste en une invitation à venir travailler en Belgique, elle insiste sur l’immigration familiale et elle décrit divers aspects du pays (aspects humains, information sur les formalités administratives, sur les régions d’implantation, sur le système de sécurité sociale, sur la vie familiale et la liberté religieuse).
  • [12]
    La prise en considération des aspects démographiques intervient à la suite du rapport rédigé par un démographe français chargé de réaliser une étude sur la Wallonie : A. Sauvy, "Conditions du développement économique et mesures à prendre en vue d’un renouveau général", Revue du Conseil économique wallon, n°54-55, 1962, pp. 24-51. Voir aussi "Les réactions de l’opinion devant le rapport Sauvy", Courrier hebdomadaire du CRISP, n°156, 1962. En réalité, le sens du rapport Sauvy est économique avant d’être démographique : "Plus que le vieillissement de la population, c’est le faible taux d’activité (ratio population active/population inactive) de la population wallonne qui mettait alors le développement économique wallon en péril", V. de Coorebyter, "Immigration et culture (1). Décor et concepts", Courrier hebdomadaire du CRISP n°1186, 1988, pp. 7-8. Cette étude présente une synthèse de l’histoire socio-économique de l’immigration (pp. 4-17).
  • [13]
    Organisation européenne de coopération économique.
  • [14]
    La libre-circulation pour tous les travailleurs ressortissants d’un pays de la Communauté européenne a été mise en œuvre partiellement en 1961, puis élargie en 1964. En 1968, le droit à la libre-circulation est établi et l’accès au marché du travail est autorisé.
  • [15]
    "L’installation du Conseil consultatif de l’immigration", Revue du Travail, 1965, n°12, pp. 1524-1545.
  • [16]
    P. Clerdent, Une politique nouvelle d’immigration, condition essentielle du développement liégeois. Discours d’ouverture. Session ordinaire du Conseil provincial, Liège, 1er octobre 1962.
  • [17]
    Le Service provincial d’immigration et d’accueil-SPIA rassemble des fédérations régionales syndicales, des groupes sportifs ou culturels d’immigrés, des formations politiques des pays d’origine, etc.
  • [18]
    D’après J. Pollain, Une politique de l’immigration, ronéotypé, 1979, p. 33.
  • [19]
    Conférence européenne des pouvoirs locaux, 5e session, résolution n°49 sur l’établissement des travailleurs étrangers dans les collectivités locales des pays membres, Strasbourg, avril 1964.
  • [20]
    A propos de la création et de l’histoire des conseils consultatifs communaux des immigrés, voir L. Doyen, "Les immigrés et la politique", Courrier hebdomadaire du CRISP, n°512, 1971 et "Evolution de la sensibilisation politique de l’immigré et perspectives de participation à la vie politique", Courrier hebdomadaire du CRISP, n°552, 1972, ainsi que S. Panciera, "Les Conseils consultatifs communaux des immigrés", Courrier hebdomadaire du CRISP n°963, 1982.
  • [21]
    Voir R. De Schutter, "Dix ans de textes à l’intérieur du syndicat", Contradictions, n°18, 1979, pp. 241-242.
  • [22]
    Cinq conseils consultatifs communaux des immigrés sur les dix créés dans l’agglomération bruxelloise sont dus à l’initiative du FDF dont une des motivations est liée à la présence de fonctionnaires internationaux dans la capitale qui peuvent contribuer à renforcer la présence francophone (S. Panciera, op. cit., p.6).
  • [23]
    A propos des élections destinées à désigner les membres des conseils consultatifs communaux des immigrés, voir notamment pour Bruxelles : Bruxelles plus, organe du Conseil consultatif des Bruxellois non belges, n°33, avril 1991, p. 2 ; et pour Liège : Convergence, n°11, septembre-novembre 1987, pp. 13·14, ainsi que Tribune immigrée, n°28-29, décembre 1988, pp. 13-14 et n°32, mars 1990, pp. 69-70.
  • [24]
    S. Wolf, "Elections sociales et travailleurs immigrés : Examen de l’évolution des discriminations au travers des textes législatifs", in A. Poncin et S. Wolf, "Elections sociales de 1975", Courrier hebdomadaire du CRISP n°687, 1975, pp. 10-19.
  • [25]
    Loi du 20 septembre 1948 portant organisation de l’économie, article 18 (Moniteur belge, 27-28 septembre 1948).
  • [26]
    Arrêté royal du 23 novembre 1949 (Moniteur belge, 25 novembre 1949).
  • [27]
    Arrêté royal du 31 mars 1963, modifiant l’arrêté royal du 23 novembre 1949.
  • [28]
    Loi du 28 janvier 1963 (Moniteur belge, 8 février 1963).
  • [29]
    Loi du 5 janvier 1967 (Moniteur belge, 12 janvier 1967). Comme le remarque S. Wolf, "il est intéressant de souligner l’influence communautaire positive sur l’évolution de notre législation. Cette influence a cependant servi à une certaine époque, à déplacer et non à supprimer les discriminations", op. cit., p. 19. Cette observation pourrait être reprise aujourd’hui en matière de droit de vote pour les élections locales.
  • [30]
    Loi du 17 février 1971 (Moniteur belge, 23 février 1971). Il n’empêche que la législation sur l’emploi de la main-d’œuvre, elle, reste discriminatoire.
  • [31]
    Arrêté royal du 24 janvier 1975 (Moniteur belge, 7 février 1975).
  • [32]
    Voir P. Blaise, "Travailleurs immigrés et élections sociales", Tribune immigrée, n°22, mai 1987, pp. 27-28.
  • [33]
    La décision d’arrêter l’immigration a été prise en Conseil des ministres et n’a pas fait l’objet d’une loi ou d’un arrêté royal.
  • [34]
    Ce bref rappel historique s’inspire du premier rapport du Commissariat royal à la politique des immigrés, L’intégration : une politique de longue haleine, volume II, novembre 1989, pp. 5-6.
  • [35]
    Doc. parl., Chambre, n°653/1 (1974-1975), 6 octobre 1975.
  • [36]
    Moniteur belge, 31 décembre 1980. A propos de cette loi (et de ses modifications ultérieures), voir A. Nayer, Introduction aux statuts de l’étranger, Story Scientia, 1991, 408 pages.
  • [37]
    Doc. parl., Chambre, n°653-1 (1974-1975), p.2.
  • [38]
    Arrêté royal du 28 février 1975 délimitant, parmi les attributions du ministre de l’Emploi et du Travail, les matières où une politique régionale différenciée se justifie en tout ou en partie (Moniteur belge, 7 mars 1975).
  • [39]
    Arrêté royal du 11 mai 1971 (Moniteur belge, 22 mai 1971) se référant aux arrêtés royaux du 22 juillet 1964 (Moniteur belge, 25-31 juillet 1964) ponant statut pécuniaire du personnel des ministères et fixant les échelles de traitements des grades communs à plusieurs ministères et à la loi du 10 février 1971 (Moniteur belge, 26 février 1971) contenant le budget du Ministère de l’Emploi et du Travail pour l’exercice 1971.
  • [40]
    Arrêté royal du 13 octobre 1966 et du 26 septembre 1973. Cette mesure a été abrogée, pour ce qui concerne la Communauté française, par l’arrêté de l’exécutif du 13 septembre 1989, après avis favorable du Conseil consultatif pour les populations d’origine étrangère.
  • [41]
    L. Michiels, L. Van Loock, T. Wouters, "Migranten en opbouwwerk", Bareel, 5, 17, 1982, pp. 7-15.
  • [42]
    "Dossier opbouwwerk en migratie", Bareel (1), n°3, oktober 1978, pp. 9-17.
  • [43]
    En vertu du décret du 8 avril 1976 sur l’éducation permanente, des associations privées d’immigrés ou belgo-immigrées et des institutions d’initiative publique peuvent bénéficier de subventions provenant du Ministère de la Culture en tant qu’organismes d’éducation permanente.
  • [44]
    Cité par J. Pollain, op. cit., pp. 39-41.
  • [45]
    V. Anciaux, Nota aan de Ministerraad : betreft het Beleid inzake lmmigratie, 5 mai 1978.
  • [46]
    Commissariat royal à la politique des immigrés, L’intégration : une politique de longue haleine, Volume II, Philosophies, politiques et opinions, Bruxelles, novembre 1989, pp. 10-14.
  • [47]
    Ce service provincial unitaire a été scindé le 15 décembre 1977 en deux institutions autonomes et mono-communautaires, le Comité d’accueil aux immigrés du Brabant·CAIB et le Onthaalcomité voor Gastarbeiders van Brabant·OCGB. Le premier est compétent pour Bruxelles et le Brabant wallon, et le second pour Bruxelles et le Brabant flamand. Lorsque la politique d’accueil et d’intégration des immigrés devint de la compétence des communautés (et non plus des régions) ces comités furent dissous. Le comité flamand a été remplacé le 17 avril 1981 par le Onthaalcentrum voor Gastarbeiders van Brussel·OCGB. La compétence et les fonctions de l’OCGB, dont la dissolution fut prononcée le 31 mars 1986, ont été transférées à l’asbl FOYER reconnue comme Vlaams Migrantencentrum te Brussel (Centre flamand des immigrés à Bruxelles) par R. Steyaert, alors ministre communautaire de la Famille et de l’Aide sociale.
  • [48]
    Interview de G. de Moffarts par R. Radiloff-Famerée, L’immigré, bulletin d’information du Conseil consultatif des immigrés de la Ville de Bruxelles, n°21, juin 1985, p. 5.
  • [49]
    Voir annexe 1.
  • [50]
    D’après le premier rapport du Commissariat royal à la politique des immigrés, op. cit., volume I, 1989, pp. 24-25, l’évolution au cours de la décennie se présente comme suit :
    tableau im5
  • [51]
    Moniteur belge, 12 juillet 1984.
  • [52]
    "Le Roi peut, sur proposition du Ministre de la Justice, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, interdire (…) par voie de disposition générale et pour une période déterminée, aux étrangers autres que les étrangers CE et assimilés(…), de séjourner ou de s’établir dans certaines communes, s’il estime que l’accroissement de la population étrangère dans ces communes nuit à l’intérêt public. Pour faire ladite proposition, le Ministre de la Justice doit avoir recueilli à son initiative un avis conforme et motivé émanant du Conseil communal intéressé statuant à la majorité des deux tiers, et l’avis motivé du gouverneur de la province" (art. 18bis), Moniteur belge, 12 juillet 1984. Six communes de l’agglomération bruxelloise (Anderlecht, Forest, Molenbeek-Saint-Jean, Saint-Gilles, Saint-Josseten-Noode et Schaerbeek) ont, sur proposition du ministre de la Justice, demandé l’application de cet article et ont été autorisées à ne plus inscrire de nouveaux étrangers, une première fois de 1985 à 1990, puis ont obtenu trois renouvellements qui prolongent l’application de la mesure jusqu’en mai 1995 sans interruption. Liège a appliqué cette interdiction à partir de 1990 pour une durée d’un an.
  • [53]
    Arrêté royal du 27 juillet 1983 modifiant l’arrêté royal du 6 novembre 1967 relatif aux conditions d’octroi et de retrait des autorisations d’occupation et de permis de travail pour les travailleurs de nationalité étrangère.
  • [54]
    Moniteur belge, 18 juillet 1987.
  • [55]
    Loi du 30 juillet 1981, Moniteur belge, 8 août 1981.
  • [56]
    Voir A. Nayer, op. cit., pp. 347-377.
  • [57]
    Moniteur belge, 10 juillet 1979. La loi du 1er août 1974 avait déjà été modifiée par la loi du 19 juillet 1977.
  • [58]
    Moniteur belge, 10 juillet 1979.
  • [59]
    Moniteur belge, 15 août 1980.
  • [60]
    E. Mignon, "Est : nouveaux contingents ?", Agenda interculturel, n°93-94, avril-mai 1991, pp. 25-27.
  • [61]
    Moniteur belge, 15 mai 1992. Le conseil consultatif des étrangers a notamment été consulté sur les projets de loi déposés par les ministres de la Justice J. Gol (loi de 1984 et 1987) et M. Wathelet (loi de 1991).
  • [62]
    Loi du 15 décembre 1980, Moniteur belge, 31 décembre 1980. Conseil consultatif des étrangers : article 31 de la loi, arrêté royal du 28 juillet 1981 fixant la composition, la procédure et le fonctionnement du Conseil consultatif des étrangers (Moniteur belge, 7 août 1981). Commission consultative des étrangers : articles 32 à 34 de la loi, arrêté royal du 28 juillet 1981 relatif à la Commission consultative des étrangers (Moniteur belge, 7 août 1981).
  • [63]
    Une commision chargée de donner des avis sur les décisions et mesures à prendre par application des lois, conventions et règlements administratifs concernant les étrangers et les réfugiés est créée par l’arrêté royal du 20 août 1939, tandis que la dénomination "Commission consultative des étrangers" apparaît pour la première fois dans la loi sur la police des étrangers du 28 mars 1952. Voir B. Paternostre, "La comission consultative des étrangers : depuis quand ? comment ? pourquoi ?", Revue du droit des étrangers, n° hors série, 22 juin 1990, pp. 3-8.
  • [64]
    Article 12 de la loi, repris dans l’arrêté royal du 10 mai 1985 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’études de l’immigration (art. 1), Moniteur belge, 15 mai 1985.
  • [65]
    Lors de la communautarisation de la compétence d’accueil et d’intégration des immigrés, cette matière devient de la compétence des ministres communautaires des Affaires sociales. La réglementation relative à l’indemnisation des conseillers religieux et laïques a été modifiée dans deux directions principalement : d’une part, vu l’évolution dans l’attribution des tâches pastorales au sein des Eglises, il est tenu compte du fait qu’elles peuvent être confiées à des personnes nonprêtres (on parle de conseillers pour immigrés) ; d’autre part, l’agréation et la subsidiation se fait par l’intermédiaire d’associations sans but lucratif qui sont les employeurs des conseillers, et les conditions d’engagement de ceux-ci sont établies. Actuellement, l’arrêté de l’exécutif de la Communauté française du 11 mars 1983 (Moniteur belge, 7 mai 1983) portant agrément des personnes appelées à aider religieusement et/ou moralement les immigrés règle cette matière. Voir à ce propos P. Blaise et V. de Coorebyter, op. cit., pp. 29-30.
  • [66]
    L’idée de créer un conseil consultatif est lancée par le secrétaire d’Etat à la Communauté française François Persoons (FDF) en 1979. Après le remaniement ministériel lié au départ des membres FDF du gouvernement, c’est le secrétaire d’Etat André Degroeve (PS) qui signe l’arrêté royal du 7 décembre 1979 (Moniteur belge, 17 mai 1980). Il faut encore attendre un an et demi ainsi qu’un autre gouvernement pour que le ministre de la Communauté française Michel Hansenne (PSC) prenne l’arrêté royal du 3 avril 1981 (qui modifie celui de décembre 1979) et l’arrêté ministériel du 4 avril 1981 (Moniteur belge, 30 avril 1981) qui porte nomination des président, vice-présidents et membres du Conseil consultatif des immigrés, et qu’il l’installe le 22 juin 1981.
  • [67]
    On retrouve cette analyse également dans Accueil et intégration des immigrés à Bruxelles, Avis présenté au nom de la Commission de coopération entre la Communauté française et la Région bruxelloise par Guy Cudell, Conseil de la Communauté française n°204 (1984-1985), p. 15.
  • [68]
    Arrêté de l’exécutif de la Communauté française du 9 octobre 1986 instituant un Conseil consultatif pour les populations d’origine étrangère de la Communauté française (Moniteur belge, 10 janvier 1987). "Le Conseil a pour mission d’étudier les aspects sociaux, culturels, juridiques, économiques et administratifs des problèmes rencontrés par les populations immigrées ou d’origine étrangère ainsi que ceux posés par la cohabitation dans la Communauté française et d’émettre des avis, soit d’initiative, soit à la demande du Ministre membre de l’Exécutif qui a la politique d’accueil et d’intégration des immigrés dans ses attributions" (art. 2). L’arrêté de l’exécutif de la Communauté française du 21 décembre 1989 (Moniteur belge, 8 mai 1990) modifie cet arrêté en vue d’adapter la composition du conseil aux réformes institutionnelles d’août 1988 et de janvier 1989 ainsi qu’à la création du Commissariat royal à la politique des immigrés.
  • [69]
    Doc. Conseil de la Communauté française n°1 (1985-1986), p. 2.
  • [70]
    Fondé en 1979 et constitué en asbl en 1980 (ses statuts sont publiés au Moniteur belge du 27 novembre 1980, n°12.539), le Centre socio-culturel des immigrés de Bruxelles débute ses activités le 1er février 1981.
  • [71]
    Sur les activités des centres, voir Th. Mangot et X. Leunda, Initiatives des pouvoirs publics en matière d’intégration des immigrés dans la Communauté française, CCICF, Ministère de la Communauté française, octobre 1985.
  • [72]
    Conseil consultatif pour les populations d’origine étrangère, groupe de travail Vie associative, 5 avril 1989, p. 3.
  • [73]
    Commissariat royal à la politique des immigrés, L’intégration : une politique de longue haleine, Volume II, pp. 10-14.
  • [74]
    Moniteur belge, 30 avril 1982.
  • [75]
    Verslagboek van het besloten colloquium van 14 juni 1990 van de Vlaamse Hoge Raad voor Migranten, Ministerie van de Vlaamse Gemeenschap, Administratie Gezin en Maatschappelijk Welzijn, 1990.
  • [76]
    Celui d’Etterbeek, bien qu’il ne soit pas officiellement dissous, a cessé ses activités depuis plusieurs années. Le centre culturel de la commune a repris certaines de ses missions comme l’école de devoirs, les cours de langue, etc.
  • [77]
    Commissariat royal à la politique des immigrés, L’intégration : une politique de longue haleine, volume III, novembre 1989, p. 94.
  • [78]
    Moniteur belge, 3 septembre 1991.
  • [79]
    L’obtention de la nationalité s’appelle acquisition ou attribution suivant qu’elle est ou non subordonnée à un acte volontaire de l’intéressé tendant à cette obtention (art. 1er du Code de la nationalité belge).
  • [80]
    On notera que la nouvelle loi considère que la demande de naturalisation vaut présomption de la volonté d’intégration, à la différence des dispositions de la "loi Sol" qui prévoyaient une enquête four vérifier cette volonté d’intégration.
  • [81]
    Moniteur belge, 26 juillet 1991.
  • [82]
    Elle-même modifiée par les lois du 28 juin 1984 et du 15 juillet 1987.
  • [83]
    Avis pubié au Moniteur belge, 26 août 1977.
  • [84]
    Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides, quatrième rappon, Année d’activité 1991, pp. 7-8.
  • [85]
    Moniteur belge, 11 mars 1989.
  • [86]
    Commissariat royal à la politique des immigrés, L’intégration : une politique de longue haleine, Volume I, Repères et premières propositions, 1989, p.9.
  • [87]
    Le Commissariat royal à la politique des immigrés-CRPI avait proposé dans son rappon de novembre 1989 que des modifications soient apponées à la loi de 1974 qui reconnaît le culte islamique, ainsi qu’à l’arrêté royal de 1978 qui l’applique. Comme pour les autres cultes, le Commissariat souhaitait que la reconnaissance des communautés islamiques soit proposée à l’Etat par une instance représentative de ce culte qui garantirait la légitimité de ces communautés. Cet interlocuteur qui pourrait être un Conseil supérieur des musulmans de Belgique, le Commissariat royal à la politique des immigrés l’imaginait constitué de représentants élus à travers les mosquées par l’ensemble des musulmans et de personnes cooptées.
  • [88]
    Voir à ce sujet P. Blaise et V. de Coorebyter, "L’Islam et l’école. Anatomie d’une polémique", Courrier hebdomadaire du CRISP, n°1270-1271, 1990.
  • [89]
    L’avis officiel relatif à la création du Fonds d’impulsion pour la politique des immigrés est paru au Moniteur belge du 10 août 1991.
  • [90]
    Voir notamment M. Vandemeulebroucke, "Le Fonds d’impulsion fait son autocritique. Immigration : la grande déprime", Le Soir, 9 avril 1992.
  • [91]
    Le lecteur trouvera ci-dessous une analyse des conceptions élaborées par le Commissariat royal à la politique des immigrés en ce qui concerne le concept d’intégration.
  • [92]
    Arrêté de l’exécutif de la Communauté française du 21 février 1989 (Moniteur belge, 13 avril 1989).
  • [93]
    Moniteur belge, 12 juin 1991.
  • [94]
    Doc. Conseil de la Région de Bruxelles-capitale, n°125/1 (1990-1991).
  • [95]
    Voir annexe 2.
  • [96]
    S. Govaen, "Le Conseil de la Région de Bruxelles-capitale", Courrier hebdomadaire du CRISP n°1351-1352, 1992, pp. 26-27.
  • [97]
    Les approches sont toutefois différentes à la CSC - où les travailleurs immigrés se regroupent par nationalité - et à la FGTB - où existent des commissions plurinationales par région.
  • [98]
    En raison des rivalités entre Mons (chef-lieu) et Charleroi (où résident de nombreux travailleurs étrangers).
  • [99]
    Voir supra les nouvelles dispositions en matières de naturalisation.
  • [100]
    Le Peuple, 4 janvier 1992.
  • [101]
    Hoge Raad voorde Volksontwikkeling. Advies. Een cultureel beleid voor migranten. Ontwerp, 28 février 1992, p.5.
  • [102]
    Xavier Mabille, "Discours de l’intégration et pratique de cloisonnement", Culture et démocratie. Au-delà de l’immigration, Labor, 1992, pp. 7-9.
  • [103]
    Commissariat royal à la politique des immigrés, L’intégration : une politique de longue haleine, Volume I : Repères et premières propositions, novembre 1989, p. 37.
  • [104]
    Ibidem, p. 38.
  • [105]
    Ibidem, pp. 35-36.
  • [106]
    Ibidem, pp. 38-39.
  • [107]
    La Libre Belgique, 21 mai 1991.
  • [108]
    Avis du CCPOE concernant le rapport du Commissariat royal à la politique des immigrés, 22 février 1990.
  • [109]
    X. Mabille, "Droit de vote et nationalité", Courrier hebdomadaire du CRISP, n°1290, 1990.
  • [110]
    Voir à l’annexe 3 la liste des pays où les droits politiques sont octroyés aux ressortissants étrangers.
  • [111]
    La Libre Belgique, 19 mai 1992 ; Le Soir, 19 mai et 10 juin 1992.
  • [112]
    Gazet van Mechelen, 10 juin 1992.
  • [113]
    L’Echo, 19 mai 1992.
  • [114]
    Outre les "immigrations" plus récentes, constituées notamment de réfugiés et de travailleurs clandestins.
  • [115]
    M. Maniniello, "Turbulences à Bruxelles. (mai 1991)", Migrations société, Vol.3 n°18, novembre-décembre 1991, pp. 22-25. Pour une chronologie des événements et une analyse du rôle joué par la presse, voir A. Réa et F. Brion, "La construction médiatique et politique des « émentes urbaines »", Année sociale 1991, ULB 1992, pp. 282-305.
  • [116]
    Pour illustrer cette attitude, on peut renvoyer à l’accord du gouvernement Dehaene qui, sous le titre Garantir la sécurité du citoyen, contient le programme suivant : "La restauration d’une vie normale dans les grandes entités urbaines implique la poursuite et le renforcement des actions de prévention contre la petite criminalité. (…) L’Etat conclura des « Contrats de sécurité » permettant de mieux répondre aux besoins locaux, prioritairement dans les grandes entités urbaines, qui comprendront des engagements précis tant de la part des acteurs de sécurité que de celle de l’Etat, notamment sur le plan financier. Les communes concernées seront encouragées à installer une commission communale de prévention et de sécurité fondée sur le partenariat de tous les acteurs locaux chargés de k sécurité. Les Régions qui participeront au financement seront associées à l’élaboration de ces contrats".
  • [117]
    M. Martiniello, op. cit., p. 25.
  • [118]
    J. Billiet, "Subjectieve deprivatie, gevoeligheid voor het migrantenprobleem en potentieel stemgedrag van de Vlamingen voor 24 november 1991", Bulletin nr.1992/42 van het Centrum voor Dataverzameling en Analyse, Sociologisch Onderzoeksinstituut, KULeuven. Voir également P. Blaise, V. de Coorebyter, "Immigration et Culture (2). Analyse sociologique", Courrier Hebdomadaire du CRISP, n°1187-1188, 1988.
  • [119]
    F. Dassetto, A. Bastenier, L’Islam transplanté. Vie et organisation des minorités musulmanes de Belgique, EPO, Anvers, 1984, p. 191.
  • [120]
    Voir à ce sujet les analyses culturelles et sociologiques dans P. Blaise, V. de Coorebyter, "Immigration et Culture (2)", op. cit., pp. 16-32 et "L’islam et l’école", op. cit., pp. 46-87.
  • [121]
    Il a développé son point de vue récemment dans "Pacificatie is als model nog altijd relevant. Interview met A. Lijphart", NRC Handelsblad, 11 mai 1992, p.2.
  • [122]
    Voir P. Blaise et V. de Coorebyter, "Immigration et culture (2)", op. cit., pp. 32-40.
  1. Introduction
  2. 1 - Morphologie des modes d’intégration depuis 1945
    1. 1945-1960 : l’arrivée de travailleurs étrangers dans les mines belges
    2. 1960 - 1970 : la mise en place de structures d’accueil
      1. Au niveau national
      2. Au niveau sous-régional
      3. Au niveau local
      4. Au niveau des entreprises
    3. 1970-1980 : période de transitions
      1. Au niveau national
        1. Le transfert de la compétence aux régions
        2. Le Conseil consultatif de l’immigration
      2. Au niveau des communautés
      3. Au niveau des régions
      4. Au niveau sous-régional
      5. A Bruxelles
      6. Au niveau local
    4. Depuis 1980 : l’adaptation aux réformes des institutions
      1. Au niveau national
        1. Le Conseil consultatif de l’immigration
        2. La Commission et le Conseil consultatifs des étrangers
        3. La Commission d’études de l’immigration (Commission Vermeylen)
      2. Au niveau des communautés
        1. Dans la Communauté française
          1. Le Conseil consultatif
          2. Les centres régionaux
        2. Dans la Communauté flamande
          1. Les notes politiques relatives à la politique de l’immigration
          2. Le Vlaamse Hoge Raad voor Migranten
          3. Les centres régionaux
      3. Au niveau local
    5. Le traitement politique de la problématique immigrée au tournant des années 1990
      1. Au niveau national
        1. Le Commissariat royal à la politique des immigrés
        2. L’action du gouvernement Martens (mai 1988-octobre 1991)
        3. Les relations entre l’Etat et le culte islamique
        4. Le Fonds d’impulsion pour la politique des immigrés
        5. Le gouvernement Dehaene et l’immigration
      2. Au niveau des communautés
        1. La politique de l’exécutif de la Communauté française
        2. Dans la Communauté flamande
          1. Le Vlaams Centrum voor de Integratie van Migranten et les centres d’intégration régionaux et locaux
          2. Le financement des projets d’intégration
      3. A Bruxelles
        1. La politique de l’exécutif
        2. Le Conseil et les assemblées communautaires
  3. 2 - Analyse des types et des modes d’intégration
    1. Une multiplicité de modes, de types et de niveaux d’intégration
    2. La notion d’insertion
    3. La participation politique
    4. D’autres issues envisageables
Pierre Blaise
Albert Martens
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Alors que l'histoire de l'immigration plonge ses racines dans un passé lointain, alors que l'établissement durable des travailleurs étrangers et de leurs familles est perçue – depuis beaucoup moins longtemps – comme une donnée irréversible par les autorités politiques, par la population et par les immigrés eux-mêmes, la question de l'intégration des personnes d'origine étrangère est posée avec insistance, aujourd'hui encore, dans divers milieux sociaux, politiques, associatifs.
Percées électorales des partis d'extrême droite, relations tendues entre l'islam et la société, montées de la violence dans des quartiers défavorisés, sont autant de signaux de l'existence d'un malaise. Autant de raisons de considérer, pour certains, que l'intégration n'est pas possible et, pour d'autres, que cette problématique n'a jamais été vraiment prise en compte par les autorités politiques.
L'histoire des politiques d'accueil et d'intégration des travailleurs immigrés et de leurs familles, de l'après-guerre à nos jours, indique pourtant qu'en un demi-siècle de nombreuses initiatives ont été prises aux différents niveaux de pouvoir dans les domaines politique, administratif ou social. Sans doute, leur contenu n'a-t-il rencontré que partiellement les besoins, les pratiques se sont-elles distancées des intentions exprimées, la volonté politique était-elle souvent absente. Sans doute aussi ont-elles manqué tantôt de persévérance, tantôt de coordination. La première partie du présent Courrier hebdomadaire se propose de dresser un tableau des mesures adoptées, en regard des phases successives d'immigration et des principales législations adoptées.
Cette partie morphologique porte sur les modes d'intégration des populations d'origine étrangère mis en oeuvre par les pouvoirs publics et sur leurs aspects institutionnels, administratifs et juridiques, sans cependant aborder les contenus détaillés de dispositions spécifiques, elles aussi de nature à favoriser l'intégration. Il s'agit plutôt d'aborder la création et la réalisation de centres, de comités ou de conseils, lieux d'accueil, de consultation, voire de participation à l'élaboration et à l'exécution de politiques.
Cette partie descriptive conduit à analyser et à évaluer, dans un second temps, les orientations politiques en matière d'intégration des immigrés et leur traduction en termes opérationnels. On s'interrogera notamment sur les conceptions, les moyens et les effets des diverses réalisations, ainsi que sur leur cohérence et leur pérennité.
La réflexion débouche enfin sur une approche plus spéculative inspirée par des événements récents. En l'état actuel, toutefois, l'évolution des rapports entre la société et ses minorités d'origine étrangère ne peut guère s'appréhender que sous la forme d'hypothèses. Des glissements perceptibles depuis l'arrivée de 'nouvelles immigrations' montrent combien, comme pour beaucoup d'autres phénomènes de société, la situation n'est ni homogène ni figée.
Une remarque de vocabulaire s'impose d'emblée. Aujourd'hui, la société belge comporte une population, soit étrangère soit belge d'origine étrangère mais qui n'a pas vécu elle-même l'immigration. Néanmoins, les termes 'immigration' et 'immigrés' seront utilisés à l'instar de ce qui est encore pratiqué en de nombreux lieux, notamment officiels, parce qu'ils sont les plus usuels. Ils renvoient dans cette étude, à la notion plus large de 'population d'origine étrangère'.
Mis en ligne sur Cairn.info le 08/07/2014
https://doi.org/10.3917/cris.1358.0001
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