CAIRN.INFO : Matières à réflexion

I – CREATION DU CENTRE

1Au lendemain de la dernière guerre, le mouvement wallon, qui avait été très actif dans la Résistance et, plus particulièrement dans la région liégeoise, fit montre d’une grande activité qui se traduisit notamment au premier Congrès National Wallon qui tint ses assises à Liège le 20 octobre 1945, réunissant 1.500 participants.

2Au cours de ce Congrès intervinrent tout d’abord le vote dit sentimental prévoyant le rattachement de la Wallonie à la France, ensuite le vote dit raisonnable préconisant le fédéralisme [1].

3Ces évènements causèrent un grand émoi dans le pays et, à partir de ce moment là, certains catholiques se séparèrent du Congrès National Wallon pour former le "Mouvement des provinces wallonnes", de tendance modérée et unitaire tandis que d’autres catholiques, de tendance de gauche, continuaient à militer dans le mouvement "Rénovation wallonne" qui collabore actuellement dans une certaine mesure avec le "Mouvement Populaire Wallon".

4Dès ce moment, il apparaît nettement que le Congrès National Wallon devient un mouvement de gauche comprenant principalement les socialistes et les libéraux et, par intermittence, les communistes wallons.

5Les catholiques, craignant que le mouvement en faveur du fédéralisme ne s’étende dans le pays, tentèrent une parade sous la forme d’une proposition de loi de M. Harmel [2] qui se concrétisa dans la création du Centre connu sous le nom de "Centre Harmel".

6Le 3 mai 1948, la loi est votée. Elle est publiée au Moniteur du 4 juin 1948 et installe un "Centre de recherche ; pour la solution nationale des problèmes sociaux, politiques et juridiques en régions wallonne et flamande". Ces deux derniers qualificatifs, qui se trouvent au singulier, seront portés au pluriel par une loi du 8 décembre 1949 qui modifie donc le titre du Centre en ajoutant un "s" à "régions wallone(s) et flamande(s)". Ce changement, qui peut paraître anodin à première vue, traduit en fait le désir de certains membres catholiques wallons de faire apparaître la diversité du monde wallon et par le fait même d’entraver dans une certaine mesure toute idée de fédéralisme. Tout le Centre Harmel a d’ailleurs été une parade contre le fédéralisme et le député socialiste Louis Piérard, traduisant le sentiment des socialistes wallons déclara au moment du vote de la proposition de loi Harmel, vote acquis à la quasi unanimité [3] d’ailleurs : "si ce Centre ne peut faire aucun bien, ce que je crois, il ne fera non plus aucun mal. Dès lors, laissons lui sa chance". Entretemps, une proposition de loi déposée par le député socialiste Marcel Grégoire et contresignée par les députés Blavier, Frère, Lahaut, Rey et Leclerq avait été repoussée à la Chambre, le 19 novembre 1947, par 105 voix contre 51 et 3 abstentiens.

7Le Centre fut présidé par M. Soudan, mandataire socialiste de Renaix et Ministre d’Etat, tandis que les deux vice-présidents étaient M. Harmel, d’une part, l’initiateur de la loi et, d’autre part, M. Julius Hoste, Ministre d’Etat libéral et Directeur du Laatste Nieuws. Il comprenait 42 membres [4] : 18 parlementaires et 24 extra-parlementaires nommés paritairement par la Chambre et le Sénat. Les secrétaires de ce Centre étaient, d’une part, M. Vrancken pour la partie wallonne, d’autre part, M. Van Bilsen pour la partie flamande. M. Van Bilsen devait jouer un rôle remarqué quelques années plus tard dans le problème congolais et fut d’ailleurs remplacé en cours de route par M. Michel Neyrinck de Courtrai, actuellement membre actif des Mutualités Chrétiennes et éditorialiste du "Nieuwe Gids".

8Le Centre était établi pour une durée de 2 ans et, très rapidement, on s’aperçut qu’il devrait être prorogé. Il le fut d’ailleurs à plusieurs reprises [5].

9Le 24 avril 1958, son rapport final fut enfin déposé, il comporte 346 pages [6] tandis que les travaux mêmes du Centre comportent plus de 5.000 pages de rapports et de discussions publiées sous la forme de documents stancilés à diffusion réduite [7].

10Le Centre se divisa en 4 sections :

  • la section démographique, qui tint 12 réunions plénières ;
  • la section économique, qui tint 18 réunions plénières ;
  • la section culturelle qui tint 41 réunions plénières et
  • la section politique, qui tint 62 réunions plénières.

11La séance solennelle de clôture des travaux du Centre de recherche fut organisée le mardi 25 octobre 1955 au Palais des Académies (tenue sombre de ville précisait le carton d’invitation). Plusieurs discours furent prononcés notamment par M. Pierre Vermeylen, Ministre de l’Intérieur et par M. le Ministre Pierre Harmel, l’initiateur du Centre, remplaçant le président Soudan, malade, tandis que les principales résolutions adoptées par les quatre sections furent brièvement commentées par MM. Vandekerkove (démographique), Vandeputte (économique), Schreurs (culturelle) et Allard (politique).

II – ?R?VE ANALYSE DU RAPPORT FINAL

12Le rapport final du Centre Harmel est en passe de devenir ce que le "Capital" de Marx est pour un certain nombre de marxistes : l’œuvre que l’on cite continuellement et d’autant plus fréquemment qu’on ne l’a pas lue, tout au moins dans le texte original.

13En effet, les références aux conclusions du rapport du Centre Harmel se font de plus en plus fréquentes tant dans les discours que dans les polémiques de presse.

14Nous allons parcourir rapidement les conclusions des quatre sections qui oeuvrèrent au sein du Centre.

15*

16a) Au sein de la section démographique, qui tint 12 réunions, l’on s’aperçut très rapidement que la pyramide des âges présentait en Belgique un aspect assez inquiétant : un taux d’accroissement très peu élevé, un vieillissement très rapide de la population, des classes d’âge âgées et des années creuses. En réalité également, il apparut que si la situation était plus catastrophique en Wallonie, la Flandre suivait cependant la même pente dangereuse avec un décalage de 30 ans.

17Bruxelles est une ville tombeau, qui ne se survit que grâce à l’afflux continuel de populations, tant de Flandre que de Wallonie. Il serait souhaitable, disent les rapporteurs, "par une décentralisation dans les secteurs privé et public de limiter cet écoulement de la province vers la capitale".

18Les propositions de la section démographique sont de deux ordres : d’une part nataliste, d’autre part familial.

19Tout d’abord, une politique nataliste : un système d’allocations familiales, souple et décentralisé (ce qui convient à la Flandre ne convient nécessairement pas à la Wallonie et vice versa). Le décalage de 30 ans joue un rôle important en la matière. Ce qui importe pour les familles n’ayant pas d’enfants, ou n’en ayant qu’un, c’est d’avoir soit le premier enfant, soit le second.

20D’autre part, une politique familiale si l’on considère que la moyenne de trois enfants est la moyenne minimum pour le renouvellement strict des couches de la population, étant donné que l’on doit tenir compte dans ce renouvellement des gens qui ne contractent pas mariage (prêtres, malades, etc…) et des femmes stériles. Cette politique familiale se traduira notamment :

  1. par un aspect financier : le système français prévoyant notamment des prêts au mariage et des facilités de logement est largement invoqué ;
  2. par des mesures d’ordre éducatif ;
  3. par des mesures d’ordre psychologique (cfr. octroi de cartes de priorité aux femmes enceintes pour les transports et pour certains services publics) ;
  4. par l’instauration de conseillers familiaux dans les différents départements ministériels ;
  5. par la lutte contre l’avortement.

21D’autre part, le rapport de la section démographique se termine par ces phrases : "Si dans la démographie du pays, on peut constater une diversité relativement grande, cette diversité se manifeste moins sur le plan flamand-wallon que sur le plan économique".

22Il convient de noter ici que le travail le plus important dans cette section a été fourni par deux personnalités qui, bien que n’appartenant pas au Centre, acceptèrent de rédiger et de défendre des rapports très étendus. C’est d’une part M. Demeyere, ingénieur en chef de la Ville de Courtrai, bien connu dans les milieux urbanistiques, c’est, d’autre part, M. Charpentier, directeur du Service d’étude du Conseil Economique Wallon.

23*

24b) Si dans la section démographique, les membres se mirent relativement aisément d’accord, il n’en fut pas de même en ce qui concerne la section économique qui tint 43 réunions et dont nous pouvons répartir les conclusions en 5 points principaux :

Premier point

25Le premier point est la lutte contre le chômage structurel qui sous-entend l’établissement de nouvelles entreprises en Flandre et par des dégrèvements fiscaux et par la création d’une Société nationale d’investissements. Mais l’installation de nouvelles entreprises (en Flandre) ne doit cependant pas empêcher le soutien de développement des entreprises existantes (en Wallonie). C’est ici qu’apparaît dès l’abord l’opposition entre la Wallonie et la Flandre car mener les deux considérations de front risque de n’être pas toujours possible pour des raisons d’ordre financier et dans le cas nécessaire d’une option, chacun reste sur ses positions.

Deuxième point

26Il est apparu que le niveau de vie des populations était plus élevé en Wallonie qu’en Flandre et les explications qui furent données à ce sujet ne donnèrent satisfaction à personne. Etait-ce la différence de qualification moyenne entre les ouvriers wallons et les ouvriers flamands ? Etait-ce l’existence plus généralisée en Flandre de lopins de terre attenants aux maisons ouvrières et permettant aux ouvriers flamands de recueillir dans la petite culture un complément de revenu fort difficile à déterminer et, en tout état de cause, le rapport ne donne pas d’indications bien nettes à cet égard.

Troisième point

27En ce qui concerne les moyens de promouvoir le développement industriel, les avis entre les membres de la Commission divergèrent assez sensiblement et, chose curieuse, ici la stratification ne se fit pas entre Wallons et Flamands mais entre partisans de l’interventionnisme de l’Etat d’une part et adversaires de ce même interventionnisme d’autre part, partisans et adversaires se retrouvant de part et d’autre de la frontière linguistique.

Quatrième point

28Politique du commerce extérieur. La Belgique est généralement considérée comme étant trop libre échangiste. Les accords commerciaux devraient être mieux étudiés mais ici également, les oppositions entre intervenants wallons et flamands n’aboutirent que très rarement à une résolution de synthèse.

Cinquième et dernier point

29Politique des Travaux publics. En fait, les travaux du Centre sur ce problème n’aboutirent qu’à une chose : c’est-à-dire à donner en simultanéité deux longues listes de revendications, tant wallonnes que flamandes, deux longues listes pour lesquelles il apparaît nettement qu’une option est extrêmement difficile et délicate à réaliser étant donné qu’il est certain, dès l’abord, que tout ne pourra pas se réaliser en même temps. Dès lors, de mauvais esprits n’ont pas manqué de dire que, devant cette double revendication wallonne et flamande, le problème a été tranché par l’établissement de grands travaux publics en faveur de Bruxelles, qui avait été laissé soigneusement à l’écart de ladite discussion. Il semble que ce fut vrai en tout état de cause pour la préparation de l’Exposition de 1958.

30Les représentants du Conseil Economique Wallon (MM. Charles Baré, Mineur et Charpentier) et du Vlaams Economisch Verbond (MM. Zeghers, Plouvier) participèrent très activement aux travaux de cette section.

31*

32c) La section culturelle tint, elle, 41 séances et on peut estimer qu’elle est particulièrement importante, en ce sens que c’est dans cette section principalement que l’attaque contre Bruxelles, la capitale, fut la plus vive.

33Les travaux du Centre établissent qu’il n’y a, en Belgique, que deux communautés culturelles : wallonne et flamande ; qu’elles doivent être homogènes et que, dès lors, les minorités doivent s’adapter et disparaître à la longue.

34L’agglomération bruxelloise ne forme pas une communauté culturelle. En réalité, Bruxelles et ses faubourgs appartiennent à la fois à la communauté wallonne et à la communauté flamande, dont ils constituent le bien commun. Les wallons et les francophones y ressortissent à la communauté wallonne et les flamands à la communauté flamande. Eux aussi ont le droit d’être unilingue tout comme les Flamands de Flandre et les Wallons de Wallonie.

35Le rapport fait état également des méfaits de la centralisation et de la politique dite de symétrie alors qu’il apparaît que ce qui est bon pour la Wallonie n’est pas nécessairement bon pour la Flandre et vice versa. Bruxelles n’est pas qualifié pour jouer un rôle directeur dans le développement de la culture française de la Wallonie. C’est évidemment l’expression de la mentalité nettement anti-bruxelloise développée par un des membres les plus actifs du Centre, M. Fernand Schreurs, secrétaire général du Congrès National Wallon.

36Parmi les voeux émis par la section culturelle, retenons les suivants :

  1. Renforcement de l’enseignement de la langue maternelle.
  2. Accorder à tous les Belges la liberté du choix de la deuxième, de la troisième et de la quatrième langue, ce qui permettrait théoriquement à la langue anglaise de devenir la langue fédérale de la Belgique, ainsi que certains adversaires de cette mesure l’ont affirmé.
    En effet, les Wallons manifestent de plus en plus le désir de choisir l’anglais comme seconde langue. Il suffirait que les Flamands agissent de même et rien ne pourrait les empêcher de le faire, sauf une immodestie invraisemblable de la part des Wallons, qui estimeraient que les Flamands ne pourraient décemment pas ne pas choisir le français comme seconde langue et nous nous trouverions ainsi en Belgique avec une langue commune qui serait l’anglais, les affaires de l’Etat étant dorénavant menées exclusivement en anglais si l’on admet le développement du principe de l’unilinguisme absolu.
  3. Réforme de l’enseignement de l’histoire.
    Mettre davantage l’accent sur les gloires locales : les 600 Franchimontois chez les Wallons, Van Artevelde chez les Flamands.
  4. Promouvoir les échanges culturels avec les pays voisins.
  5. Création de conseils de gestion wallons et flamands à la Radio et à la T.V. remplaçant le régime unitaire qui était en vigueur à ce moment (Un pas très important dans cette voie a été réalisé depuis lors).
  6. Assurer un traitement égal aux organismes culturels des deux communautés sans privilèges injustes pour la capitale.
  7. Développement des deux universités d’Etat : Liège et Gand.
  8. En ce qui concerne les territoires de population allemande, à l’Est du pays ; Eupen-Malmédy-St-Vith, il convient que l’enseignement primaire se fasse en allemand et l’enseignement secondaire en français.

37Enfin, cette section a prévu la création de conseils culturels chargés de donner des avis d’un pouvoir réglementaire et d’octroyer des subventions, ce qui présuppose l’existence d’une dotation. Cette idée fut reprise dans la proposition de loi Van Elslande créant les deux conseils culturels wallon et flamand.

38Le Cabinet Van Acker ne montra pas beaucoup d’enthousiasme pour cette mesure et ce n’est qu’à la fin de son mandat en 1958, que le ministre Collard déposa un projet de loi notoirement plus édulcoré que la proposition de loi Van Elslande. Dans la suite, M. Harmel, Ministre des Affaires culturelles, a déposé sur le bureau des Chambres un nouveau projet de loi se situant à mi-chemin entre la proposition de loi Van Elslande et le projet de loi Collard.

39*

40d) Enfin, la section politique tint 62 séances. Elle publia 109 documents comportant 734 pages.

41Parmi les points qui furent étudiés, il convient de signaler les suivants :

  1. Déconcentration territoriale des services publics reprenant une idée que le Centre d’étude pour la réforme de l’Etat, C.E.R.E., de la période d’entre deux guerres, avait d’ailleurs déjà ébauchée :
  2. Décentralisation des pouvoirs publics ;
  3. Décentralisation du pouvoir de tutelle, augmentation du pouvoir des gouverneurs ;
  4. Limitation du pouvoir de tutelle de la Députation permanente.

42Toutes ces idées préalables débouchent sur quelques propositions constructives [8] :

  1. Parité de représentation entre la Wallonie et la Flandre ;
  2. Rôles linguistiques des départements ministériels étendus aux parastataux ;
  3. Fixation définitive de la frontière linguistique et mise en concordance des limites administratives et judiciaires. En ce qui concerne le Brabant, division de la province en 3 provinces : Bruxelles, Louvain et Nivelles.
  4. Dédoublement du Ministère de l’instruction publique jusque et y compris le Secrétaire Général ;
  5. Création de Conseils consultatifs wallon-flamand et, cette fois, Bruxellois en matière économique et sociale ;
    Cette mesuré a fait l’objet d’une proposition de loi Allard.
  6. Renforcement de l’autonomie communale et provinciale et d’autres points parmi lesquels notamment la création des grandes agglomérations.

III – CONCLUSIONS

43Ce Centre, qui avait été créé sans grand enthousiasme et entama ses travaux dans l’indifférence quasi générale, comprenait parmi ses membres des représentants des 4 partis (les communistes y étant notamment représenté par M. Van Hoorick qui devait, parla suite, devenir député socialiste d’Alost). Il travailla tant bien que mal avec des périodes creuses pendant près de cinq ans. Le non renouvellement de son mandat sous le gouvernement Van Acker retarda considérablement le dépôt du rapport final qui ne put intervenir, nous l’avons vu, que quelques jours avant le décret de dissolution dos Chambres, en avril 1958.

44Si l’on se penche sur les états de présence des membres du Centre [9], l’on se rend compte immédiatement de ce que la fréquence et l’assiduité aux séances ont varié considérablement.

45Si certains d’entre eux ont assisté pratiquement à toutes les séances (d’aucuns allant même jusqu’à se faire inviter aux sections dont ils n’étaient pas membres – comme ce fut notamment le cas pour MM. Schreurs et Allard), d’autres, par contre manifestèrent un manque d’intérêt absolu, certains allant même jusqu’à n’assister à aucune des séances prévues.

46Il est évident, dans ces circonstances, que ce sont les présents qui ont influencé les délibérations et les conclusions du Centre et l’on peut dire que, dans une grande mesure, les travaux du Centre Harmel sont en réalité l’œuvre de quelques hommes, au rang desquels il convient de citer en tout premier lieu, M. Schreurs, Secrétaire général du Congrès National Wallon, M. Allard, Sénateur de Liège, M. Spanoghe, Professeur à l’Université de Louvain, M. Vranckx, Membre du Conseil d’Etat, et quelques autres, sans oublier les Secrétaires MM. Vrancken, Van Bilsen, et Neyrinckx, qui jouèrent un rôle prépondérant, tout comme M. Wigny avait joué un rôle de premier plan en sa qualité de Secrétaire général dans les travaux du Centre d’étude pour la réforme de l’Etat, dans la période d’entre deux guerres.

47Les différents partis politiques n’ont jamais marqué leur accord de manière explicite sur les propositions du Centre Harmel, qui se sont réalisées en dehors d’eux. Il y a là une équivoque évidente et sans doute regrettable en ce sens que ces travaux ont été menés dans l’ignorance quasi générale de l’opinion publique et que, à l’heure actuelle, on peut dire que bien rares sont ceux qui ont lu soit le rapport final, soit a fortiori les 5.000 pages de textes préparatoires de ce remarquable document.

48Mais cependant il n’est pas niable que la remarquable somme de documentation réunie par le "Centre Harmel" constitue un point de passage obligé pour tous ceux – et ils sont nombreux aujourd’hui – qui se penchent sur le problème des relations entre Flamands, Wallons et Bruxellois, à un titre quelconque.

49Aussi n’est-il guère étonnant que le Ministre de l’Intérieur, M. Gilson, y ait fait fréquemment allusion dans les déclarations qui ont entouré et la préparation et le dépôt de projets de lois, en matière linguistique.

50Mais si l’on peut et si l’on doit considérer les travaux du Centre Harmel comme une base de départ et de référence, il faut toutefois se garder d’y attribuer une valeur trop absolue. Par la force des choses, des données ont vieilli depuis l’époque où elles furent établies. C’est notamment le cas pour un certain nombre de statistiques. Il convient aussi de reconnaître que toutes les contributions ne présentèrent pas un caractère égal d’intérêt, voire même d’objectivité scientifique. Il était d’ailleurs fatal qu’il en fut ainsi.

51Enfin, même dans une analyse aussi brève que celle-ci, il n’est cependant pas permis de passer sous silence la faiblesse que présente aux yeux de certains, et le Ministre Pierre Vermeylen s’en fait l’écho dans son discours lors de la séance de clôture du 25 octobre 1955, le caractère assez unilatéral et partisan des travaux du Centre Harmel à l’égard de l’agglomération – bruxelloise et de son destin.

ANNEXE 1

LISTE DES MEMBRES DU CENTRE

52CHARLES, Prince de Belgique, Régent du Royaume,

53A tous, présents et à venir, SALUT.

54Vu la loi du 3 mai 1948 portant création d’un "Centre de Recherche pour la solution nationale des problèmes sociaux, politiques et juridiques, en régions wallonne et flamande" ;

55Considérant qu’aux termes de l’article 2 de cette loi, il y a lieu de nommer la personnalité chargée de présider le Centre et de constituer celui-ci en tenant compte des désignations faites respectivement par le Sénat et par la Chambre des Représentants ;

56Sur la proposition du Ministre de l’Intérieur,

57NOUS AVONS ARRETE ET ARRETONS :

Article 1er

58M. Soudan (E), Ministre d’Etat, est nommé président du Centre de Recherche pour la solution nationale des problèmes sociaux, politiques et juridiques en régions wallonne et flamande.

Article 2

59Le Centre est constitué comme suit :

  • Vice-président désigné par le Sénat :
    • M. Hoste (J), ancien Ministre.
  • Vice-président désigné par la Chambre des Représentants :
    • M. Harmel (P), membre de la Chambre des Représentants.
  • Membres parlementaires désignés par le Sénat :
    MM. :
    • Allard (J), Sénateur,
    • Deboodt (A), Sénateur, Secrétaire du Sénat,
    • De Bruyne (E), Ancien Ministre, Sénateur,
    MM. :
    • Glineur (H), Sénateur,
    • Lilar (A), Ancien Ministre, Sénateur,
    • Nothomb (P), baron. Sénateur,
    • Van Steenberge (P), Sénateur,
    • Vos (H), ancien Ministre, Sénateur,
    • Yernaux (E), Sénateur.
  • Membres parlementaires désignés par la Chambre des Représentants :
    MM. :
    • du Bus de Warnaffe (Ch.), ancien Ministre, Membre de la Chambre des Représentants,
    • Fayat (H). Membre de la Chambre des Représentants,
    • Gailly (A), Membre de la Chambre des Représentants,
    • Kofferschläger (P), Membre de la Chambre des Représentants,
    • Lefebvre (R), ancien Ministre, Membre de la Chambre des Représentants,
    • Rassart (H), Membre de la Chambre des Représentants,
    • Roppe (L), Membre de la Chambre des Représentants,
    • Van den Daele (G), Membre de la Chambre des Représentants,
    • Van Hoorick (B), Membre de la Chambre des Représentants.
  • Membres non parlementaires désignés par le Sénat :
    MM. :
    • Bekaert (L), industriel à Zwevegem,
    • Bondas (J), ancien Secrétaire général de la F.G.T.B. à Seraing s/Meuse,
    • Dehousse (F), professeur à l’Université de Liège,
    • de Lichtervelde (Comte L.), Secrétaire honoraire du Conseil des Ministres à Bruxelles.
    • Depresseux (F), Avocat près la Cour d’Appel à Liège,
    • Goris (R), administrateur de sociétés à Anvers,
    • Gourdet (J), Notaire à Neufchâteau,
    • Hambye (A), Avocat à Mons,
    • Michielsen (L), Professeur d’Athénée, Kappelen-Anvers,
    • Schreurs (F), Avocat près la Cour d’Appel à Liège,
    • Van de Veegaete (G), Directeur général au Ministère de l’Instruction Publique à Bruxelles,
    • Vranckx (A), Conseiller d’Etat.
  • Membres non parlementaires désignés par la Chambre des Représentants :
    MM. :
    • Debunne (O), Docteur en droit, Secrétaire de l’Institut Emile Vandervelde à Bruxelles,
    • Delforge (M), Directeur de "Vers l’avenir" à Namur,
    • Deruelles (H), Avocat, Echevin, à Jemappes,
    • Herbiet (P), avocat près la Cour d’Appel à Liège,
    MM. :
    • MM. Noël (R). Echevin, à Mons,
    • Sabbe (v). Avocat, à Bruges,
    • Schmook (G), Directeur des Bibliothèques de la Ville à Anvers.
    • Spanoghe, Professeur à l’Université de Gand,
    • Thone (R), Député permanent à Couillet,
    • Van de Kerckhove (M), Avocat, à Courtrai,
    • Vandeputte (R), Gouverneur de la S.N.C.I., à Bruxelles,
    • Van Isacker (Ph.), Ancien Ministre.

Article 3

60Le Ministre de l’Intérieur est chargé de l’exécution du présent arrêté.

61Donné à Bruxelles, le 20 mai 1949.

62CHARLES.

63Par le Régent :

64LE MINISTRE DE L’INTERIEUR,

65P. VERMEYLEN.

ANNEXE 2

LISTES DES PRESENCES DES MEMBRES DU CENTRE

I – Section démographique : 12 séances

66Présidence : M. du Bus de Warnaffe.

  • M. Delforge a assisté à 11 réunions.
  • M. Hambye a assisté à 10 réunions.
  • M. du Bus de Warnaffe a assisté à 9 réunions.
  • M. Van de Kerkhove a assisté à 8 réunions.
  • M. Debunne a assisté à 6 réunions.
  • M. Goris a assisté à 6 réunions.
  • M. Schmook a assisté à 3 réunions.
  • M. Martel a assisté à 2 réunions.
  • M. Van Hoorick a assisté à 1 réunion.
  • M. Lilar n’a assisté à aucune réunion.

II – Section économique : 43 séances

67Présidence : M. Pierre Harmel.

  • M. Bondas a assisté à 40 réunions.
  • M. Vandeputte a assisté à 34 réunions.
  • M. De Boodt a assisté à 19 réunions.
  • M. Harmel a assisté à 18 réunions.
  • M. Van Isacker a assisté à 13 réunions.
  • M. Desruelles a assisté à 11 réunions.
  • M. Noël a assisté à 11 réunions.
  • M. Delport a assisté à 6 réunions. (Il avait remplacé M. Van Steenberghe le 13 novembre 1950)
  • M. De Spot a assisté à 4 réunions. (Il remplaçait de fait M. Bekaert, démissionnaire dès le 8 décembre 1950)
  • M. Lefebvre a assisté à 1 réunion.

III – Section Culturelle : 41 séances

68Présidence : ?. J. Hoste.

  • M. Hoste a assisté à 35 réunions.
  • M. Spanoghe a assisté à 30 réunions.
  • M. Kofferschläger a assisté à 24 réunions.
  • M. Yernaux a assisté à 23 réunions.
  • M. Gourdet a assisté à 14 réunions.
  • M. Rassart a assisté à 13 réunions.
  • M. Van de Veegaete a assisté à 13 réunions.
  • M. Michielsen a assisté à 8 réunions.
  • M. Robijns a assisté à 7 réunions.
  • M. Roppe a assisté à 1 réunion. (démissionnaire au moment de sa désignation en qualité de Gouverneur de la Province du Limbourg, il fut remplacé par M. Robijns)
  • M. Sabbe n’a assisté à aucune réunion.

IV – Section Politique : 62 séances

69Présidence : M. Eugène Soudan.

  • M. Allard a assisté à 60 réunions.
  • M. Schreurs a assisté à 52 réunions.
  • M. Vranckx a assisté à 49 réunions.
  • M. Nothomb a assisté à 46 réunions.
  • M. Depresseux a assisté à 42 réunions.
  • M. de Lichtervelde a assisté à 27 réunions.
  • M. Van Elslande a assisté à 27 réunions. (Il remplaça M. Van den Daele le 1er février 1952)
  • M. Soudan a assisté à 25 réunions.
  • M. Vos a assisté à 16 réunions.
  • M. Van den Daele a assisté à 5 réunions (avant de démissionner).
  • M. Dehousse a assisté à 4 réunions.
  • M. Glineur a assisté à 2 réunions.
  • M. Debruyne a assisté à 1 réunion.
  • M. Fayat 3 assisté à 1 réunion.

Notes

  • [1]
    Le premier vote avait donné les résultats suivants :
    tableau im1
    pour la réunion à la France 486 voix pour l’autonomie de la Wallonie (fédéralisme) 391 voix pour l’indépendance de la Wallonie 154 voix pour le maintien de l’Unité belge 17 voix.

    Le second vote donna un ralliement à la formule du fédéralisme quasi général, à l’exception de 12 voix.
  • [2]
    La proposition de loi fut déposée, le 21 mai 1946, sur le bureau dé la Chambre des Représentants. Elle était contresignée par 5 députés P.S.C., 3 flamands, l’actuel Premier Ministre M. Théo Lefèvre, MM. Vanden Daele et Verbist, et par deux wallons, MM. Duvieusart et Kofferschläger,.ce dernier représentant plus exactement la minorité allemande des cantons de l’Est.
    Le principe de la proposition avait été discuté dans un Congrès de "La Relève" le 3 janvier 1945.
  • [3]
    A la Chambre des Représentants le 10 décembre 1947 pur 175 voix contre 1 (M. Van Belle) et 3 abstentions (MM. R. Lefèbvre, Masquelier et Rey), tous trois libéraux.
    Au Sénat à l’unanimité des 119 présents, le 29 avril 1948.
  • [4]
    Voir annexe 1.
  • [5]
    Loi du 13 juillet 1951 prorogeant l’existence du Centre jusqu’au 15 juin 1952.
    Loi du 12 novembre 1953 prorogeant l’existence du Centre jusqu’au 31 décembre 1953.
  • [6]
    Document parlementaire. Chambre des Représentants – n° 940 –session 1957-1958.
    Ce rapport final avait d’ailleurs été précédé par trois rapports partiels publiés également sous forme de documents parlementaires :
    1. document parlementaire n° 164 – Chambre des Représentants – session 1950 (40 pages),
    2. document parlementaire n° 97 – Chambre des Représentants – session 1951-1952 (97 pages),
    3. document parlementaire n° 57 – Chambre des Représentants – session 1952-1953 (74 pages).
  • [7]
    On peut néanmoins les consulter dans plusieurs bibliothèques :
    Bibliothèque Royale, Bibliothèque du Parlement, Bibliothèque du Ministère de l’Intérieur ainsi que dans les Bibliothèques des Universités de Bruxelles, Gand, Liège et Louvain.
  • [8]
    Il semble que de la déclaration de principe du P.S.C., qui sera discutée au Congrès d’Ostende des 1, 2 et 3 décembre, s’inspire très largement des conclusions du rapport du Centre Harmel.
  • [9]
    voir Annexe 2.
Mis en ligne sur Cairn.info le 08/01/2015
https://doi.org/10.3917/cris.131.0001
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