CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Le Maroc a longtemps été considéré comme un foyer émetteur de flux migratoires avant de devenir un pays récepteur et un lieu de croisement de flux venus du Nord et du Sud [de Haas, 2013]. Il s’agit en fait de migrations récentes qui concernent à la fois des populations originaires des pays africains situés au Sud du Sahara et des populations issues des pays occidentaux et du Moyen-Orient. Mais si les migrants subsahariens sont contraints de se fixer au Maroc après l’échec de leur projet migratoire vers l’Europe, les Occidentaux, en revanche, s’y installent avec le projet de vivre une expérience selon des représentations qu’ils se font des lieux choisis [Berriane et al., 2013]. Nous nous trouvons de ce fait devant une double situation : la première renvoie à la discontinuité produite dans un champ migratoire traditionnel, alors que la seconde est en rapport avec l’émergence de nouveaux flux qui viennent s’inscrire dans ce même champ migratoire.

2À travers l’analyse des flux migratoires des Européens vers Fès, observés particulièrement à une échelle microlocale, celle des quartiers les plus symboliques de la ville, sa médina classée « Patrimoine mondial de l’humanité », l’objectif de cette contribution est d’analyser le sens que prend cette forme nouvelle de circulation migratoire du nord vers le sud et le contexte transitionnel dans lequel elle s’inscrit [de Haas, 2010, 2013]. Généralement choisie et vécue comme moyen de repartir sur de nouvelles bases pour construire un nouveau projet de vie au Sud, ou manière d’être entre l’ici et là-bas, cette migration des Européens – conjuguée à celles de plusieurs autres nationalités occidentales et africaines – a ouvert le paysage social et territorial de la ville sur une requalification matérielle et symbolique, donnant lieu à de nouvelles situations urbaines.

3L’étude du cas de Fès, métropole régionale millénaire, permet de construire une réflexion autour de ces mutations du champ migratoire sur la rive Sud méditerranéenne, en raison de son histoire urbaine et de ses dynamiques actuelles. Dans la géographie migratoire marocaine, cette ville a longtemps été considérée davantage pour l’attractivité qu’elle exerçait sur les migrants marocains de l’intérieur que pour un quelconque rôle joué en matière de migration internationale [Berrada, 1982 ; Fejjal, 1994 ; Mezzine, 2010]. Le peu d’intérêt attribué à cette fonction, pourtant relevée à Fès depuis son édification, tient au fait que les études migratoires au Maroc ont porté, dans un premier temps surtout, sur les foyers de départ.

4Or, inscrite dans une logique d’échanges et d’attraction, Fès avait fonctionné comme carrefour du commerce transsaharien articulant trois ensembles : l’Afrique subsaharienne, l’Orient arabe et musulman et le Nord de la Méditerranée. Elle avait symbolisé, depuis sa fondation il y a douze siècles, des expériences particulières de la rencontre avec l’autre. Dans « Fès avant le protectorat », Le Tourneau souligne la diversité de sa population et démontre comment la croissance de la ville et son rayonnement furent l’œuvre d’un peuplement pluriel [Le Tourneau, 1987, p. 187].

5Avec la pénétration coloniale, en 1912, Fès a connu de profondes mutations dont la principale fut la création ex nihilo par le résident général Lyautey d’une ville nouvelle [Jelidi, 2012], située à l’écart de la cité précoloniale et destinée à accueillir les colons européens et les services du protectorat. Ainsi a pris place à Fès une nouvelle forme de communautarisme que certains auteurs ont définie comme un cosmopolitisme colonial [Escallier, 2003 ; Cattedra, 2003] – avec la prédominance de la composante européenne, notamment française. Ce nouveau « cocktail culturel » a juxtaposé d’autres langues, cultures et religions, donnant lieu à une « société coloniale » marquée par une séparation des espaces de vie, de résidence et de travail, limitant les contacts entre les communautés et témoignant d’une division non seulement du contexte social et confessionnel de Fès, mais aussi de son ordre territorial, architectural et politique [Idrissi Janati, 2002]. En même temps, le transfert du centre de gravité économique et politique marocain de l’intérieur du pays vers les villes littorales a fait perdre à Fès une partie de sa centralité et de son rayonnement et l’a marginalisée.

6Mais après un repli qui a duré presque tout le xxe siècle, la ville connaît depuis les années 1990 l’émergence d’un nouvel ordre spatial, social et économique, qu’expliquent l’internationalisation de son économie urbaine et le contexte de mondialisation, les processus de métropolisation et de patrimonialisation et les migrations internationales. Cette évolution est à mettre également en rapport avec l’arrimage du Maroc à l’Europe, à la suite notamment des accords du partenariat Euromed, dans le cadre du « processus de Barcelone » lancé en 1995, le tout articulé aux transformations récentes de l’économie urbaine soumise à la privatisation et à la libération de l’espace aérien du pays, par l’ouverture de nombreuses lignes de vols à bas prix.

7C’est dans ce contexte que Fès est en train de redevenir un pôle important dans la géographie des mobilités Nord-Sud de l’espace euro-méditerranéen. La ville apparaît de plus en plus comme le réceptacle d’une population étrangère récemment immigrée, surtout d’Europe, mais aussi des États-Unis, d’Asie, d’Australie et d’Amérique latine – issue de générations différentes et venue s’y installer récemment, participant à l’inversion des flux d’immigration sud-nord [Berriane et al., 2013]. Depuis la fin des années 1990, ces flux migratoires se sont diversifiés par rapport aux profils socioprofessionnels, aux trajectoires, aux ressources déployées, aux classes d’âges, au genre, aux motivations, aux projets et aux situations maritales.

8Notre point de départ est la constatation, assez surprenante, de la non prise en compte par la recherche du caractère migratoire des mobilités liées au phénomène de la « résidence touristique ». C’est le cas des destinations européennes (Espagne) où d’importantes communautés étrangères (Britanniques, Allemands ou riches ressortissants du Golfe) se sont installées pour profiter d’un cadre de vie meilleur. Tout se passe comme si la différence entre migrants et touristes résidentiels était liée au niveau de vie, car dans le même temps et pour les mêmes destinations, les travailleurs issus du Maghreb ou de l’Amérique latine sont quant à eux bien considérés comme des immigrés. Or, aujourd’hui avec l’augmentation des mobilités, les interrelations entre tourisme et migration se complexifient ; les frontières entre les deux phénomènes devenant de plus en plus floues. En fait, le tourisme et la migration sont deux formes d’un même système de mobilités [Dehoorne, 2002]. Le concept de mobilité spatiale, dans son sens le plus large, correspond certes à l’ensemble des « déplacements dans l’espace physique, d’individus ou de groupes d’individus, quelles que soient la durée et la distance de ces déplacements » [Courgeau, 1983]. Mais, les logiques des migrants et des touristes se diversifient et les schémas d’identification classiques sont brouillés. Les Européens, en tant que touristes, découvrent de nouveaux lieux de vie à l’occasion de séjours de plus en plus fréquents. Le transfert d’activité et de résidence, partiel ou complet, peut conduire du tourisme à une résidence alternée. On parle alors de multirésidence ou de « polyspatialité » [Viard, 1994] dans un système-monde fait de régions connectées.

9La recherche anglo-saxonne a essayé récemment de conceptualiser ces nouvelles situations en proposant des catégories d’analyse à la fois sur le tourisme et sur la migration. Le concept qui tend à s’imposer est celui de lifestyle migrations [Benson, O’Reilly, 2009]. Cette approche sociologique à travers un terme souvent traduit en français par « migration de style de vie » ou « migration d’agrément » permet effectivement de donner du sens à ces situations de l’entre-deux. La notion de lifestyle migration renvoie, en réalité, aux motivations plurielles et complexes de personnes relativement aisées, de tous âges qui se déplacent – à plein-temps ou à temps partiel – vers des destinations où elles pensent trouver une qualité de vie meilleure [Benson, O’Reilly, 2009]. La recherche de lieux de vie supposés idylliques s’opère en trois directions : les espaces balnéaires et insulaires, où l’on trouve un style de vie méditerranéen, étudiés surtout sur la Costa del Sol [Casado-Diaz, 2006 ; King et al., 2000] ; le milieu rural, qui permet un retour à la nature et un style de vie simple comme en Espagne ou en Roumanie pour les Européens ou le Panama et le Costa Rica pour les Américains du Nord [Hoey, 2005] ; et enfin, des espaces culturels et artistiques offrant des possibilités de développement de communautés de « bourgeois bohèmes », telle l’île grecque de Mykonos [Bousiou, 2008], et qui pourraient correspondre au cas de Fès.

10Le processus prend souvent sa naissance au cours des déplacements touristiques. Le lifestyle migrant, développant un certain goût pour un mode de vie particulier durant ses vacances sur un lieu qu’il apprécie, décide de migrer pour s’y installer plus ou moins définitivement. La destination touristique devient alors une destination à caractère migratoire stable. C’est le cas par exemple des Britanniques dans le sud-ouest de la France [Benson, 2010], des retraités de l’Europe du Nord installés dans les pays de l’Europe méditerranéenne [Casado Diaz, Kaiser, Warnes, 2004], ou encore des Canadiens en Floride [Gilbert, Langlois, Tremblay, 2011].

11Le fait que ce phénomène soit apparu au Maroc de façon tardive (les années 1990) explique peut-être sa faible prise en compte par la recherche. Mais des études commencent à lui donner une certaine visibilité, en milieu urbain comme à Marrakech [Escher, Petermann, 2000 ; Escher, Petermann, Los, 2001] ou à Fès [Berriane et al., 2013]. Le concept de lifestyle migrations a également été testé pour le Maroc par Therrien [2015], à travers des enquêtes menées dans les villes de Meknès, Rabat, Casablanca, ou Marrakech.

12En nous inscrivant dans ces tendances de la recherche, nous appréhendons les nouveaux résidents de Fès issus de l’Europe non pas comme des touristes résidents, mais comme des immigrés, tout en vérifiant si leurs déplacements au Maroc et plus particulièrement à Fès correspondent au modèle des lifestyle migrations décrit dans la littérature.

13L’accent sera mis sur la manière dont cette mobilité nord-sud est construite dans l’espace de vie et l’imaginaire des migrants eux-mêmes, sur les valeurs socioculturelles qui la conditionnent, ainsi que sur les registres particuliers dans lesquels elle s’inscrit et s’organise. Comment qualifier ces mobilités des Européens vers une ville du sud de la Méditerranée ? De quelle manière ces Européens justifient-ils leur choix d’immigrer vers le Maroc et plus particulièrement vers Fès ? Quelle signification accordent-ils à leur migration ? Quelles représentations sociales de soi et de l’autre, de l’ici et de l’ailleurs construisent-ils à partir de leur situation migratoire ?

14Nous tenterons d’éclairer ces questionnements à partir des résultats d’un travail de terrain qualitatif effectué en 2010 et actualisé en 2014. L’essentiel des informations provient d’entretiens approfondis, réalisés en langue française pour la plupart, auprès d’une quarantaine de répondants sélectionnés en fonction de leur nationalité, leur sexe et leur âge, et leur projet migratoire. Ces entretiens ont été accompagnés d’observations et de relevés de terrain.

15Le regard est ainsi porté dans une perspective socio-urbanistique et socio-identitaire, la démarche étant ouverte sur une double lecture : l’approche géographique s’interroge sur le marquage du territoire par cette migration depuis l’Europe à travers l’ancrage territorialisé de la rencontre avec l’autre ; l’approche sociologique s’intéresse aux métamorphoses identitaires en interrogeant les systèmes de représentation construits lors d’une situation migratoire.

16La démonstration qui suit se structure en trois temps. Après un suivi de l’évolution dans le temps de l’installation de ces nouvelles populations, nous nous arrêterons sur les motivations plurielles qui ont présidé à ce choix, pour finir par un essai de catégorisation de ces différentes situations.

L’évolution dans le temps de l’installation dans la ville

17Arrêtons-nous tout d’abord sur la découverte et le choix de la ville de Fès par ces nouveaux résidents et l’évolution de leur installation dans le temps.

Une découverte et un choix de Fès souvent dus au hasard

18La plupart des interviewés ont été attirés par Fès (et le Maroc) par hasard ; « le choix de ce nouveau lieu de vie est le fruit de l’improvisation » [1]. Nombreux sont, en effet, ceux qui y ont séjourné en tant que touristes ou pour d’autres motifs comme l’apprentissage des langues, les études ou les rencontres professionnelles, avant de décider, au terme de leur premier séjour, de s’y installer et d’y implanter une entreprise, dans la majorité des cas dans le secteur du tourisme. Lorsque la mobilité de ces Européens a été pensée, celle-ci n’a pas été envisagée à Fès, mais plutôt à l’échelon de la Méditerranée ou d’un autre pays du Sud. Ce n’est qu’à la suite d’une visite de la ville, motivée par le travail ou le tourisme, que Fès s’est imposée comme lieu de séjour et d’investissement. Ce choix hasardeux a été néanmoins orienté par des images reçues, intériorisées et réinvesties par ces migrants de l’Europe. Dans ces représentations, l’histoire et l’authenticité de Fès, la beauté de ses lieux, ses ryads majestueux, sa magie, son mystère, ses urbanités, ses trésors cachés derrière les murs, la paix qu’elle inspire, représentent la pierre angulaire de ce choix. Le témoignage d’une Allemande âgée de 35 ans, propriétaire d’une maison d’hôtes à Fès depuis 2005, est éloquent à ce sujet :

« La première fois que je suis venue à Fès, c’était en septembre 2005 et mon seul but était d’apprendre la langue arabe […] Je ne connaissais pas Fès. Mais, en 2005, c’était l’année où la BBC a fait un documentaire sur Fès […] Et puis, il y avait une atmosphère très particulière ici à Fès. Nous étions dans les cafés et tous les étrangers voulaient acheter à Fès. J’étais stimulée par ce qui se passait ici […]. J’étais étonnée de ce qu’on trouve derrière les murailles, les joyaux et les richesses. Il y avait cette attirance de Fès. […] Quand vous entrez dans une vieille maison où il y a encore le plâtre sculpté, le bois, le Zillij [2] et tout ça, ça ne peut pas vous laisser indifférent. Et à un certain moment, je me suis dit : “au lieu d’apprendre le vocabulaire, je regarde pour acheter une maison.” Rentrée à Zurich, en Suisse, pour mon travail, cette attraction magnétique de Fès n’a pas cessé. […] Je sentais Fès dans mes veines. C’est plutôt spirituel. Je ne sais pas ce qui s’est passé. C’était tellement fort que je me suis dit : “pourquoi pas tenter ?” […] Je suis venue fin décembre 2005, entre Noël et le Nouvel An, et j’ai trouvé une maison. Donc, le choix de Fès c’est par hasard. Je pense que c’est aussi la ville qui m’a choisie. »
Mais si pour la plupart de nos interlocuteurs l’installation dans la ville de Fès n’a été précédée ni par une connaissance approfondie du lieu ni par un choix raisonné et longuement médité, nous avons rencontré des cas où des motivations bien réfléchies ont préparé cette installation. Le rythme de ces installations est cependant fortement irrégulier.

Une évolution saccadée

19L’installation des Européens dans le quartier historique de Fès est passée par différentes étapes que l’on peut scinder en trois grandes phases.

20Jusqu’au milieu des années 1990, la ville a fonctionné comme simple ville d’étape d’un tourisme européen dont la motivation principale était la visite de la médina. Parmi ces touristes, ceux qui commençaient à s’installer au Maroc le faisaient d’abord dans les villes du Sud, notamment Marrakech, Essaouira, ou du Nord comme Tanger, Asilah et Chefchaouene.

21C’est seulement au début de la deuxième moitié des années 1990 que le phénomène d’installation des Occidentaux à Fès s’accompagnant de l’acquisition d’une demeure dans les quartiers historiques (médina) est apparu, bien que de façon timide. La première maison traditionnelle vendue à Fès à un Européen l’a été en septembre 1996 ; l’acquéreur était un Italien à la recherche d’une « résidence de vacances » au sud de la Méditerranée. À partir de 1999, c’est au tour des premiers Français de s’y installer, attirés par « la richesse du potentiel touristique de la ville et de sa forte image culturelle », ils transforment leurs acquisitions en maisons d’hôtes.

22Entre 2000 et 2003, on relève une stagnation du mouvement liée aux effets de la guerre en Irak et aux attentats du 11 septembre 2001 à New York et de Casablanca en 2003. Ce ralentissement dans le secteur du tourisme ne se limite pas seulement à Fès, mais concerne l’ensemble du Maroc [3]. Pourtant, dès 2004, la reprise est là et un grand mouvement d’achat de maisons traditionnelles s’esquisse. Il se prolonge les deux années suivantes, atteignant son pic à la fin 2006. Fès attire alors de plus en plus d’Européens qui résident dans la médina en tant que propriétaires ou locataires. Le profil des acquéreurs s’élargit à des migrants issus de différents pays occidentaux.

23Fin 2007, les agences immobilières enregistrent une chute notable du nombre des transactions, due à une réévaluation foncière dans la médina. Les prix s’alignent sur ceux de Marrakech et les étrangers préfèrent alors cette dernière ville ; l’investissement y étant plus sûr. Faute de recensement précis d’un phénomène en cours, il est difficile d’avancer un chiffre sur son importance. Un premier relevé de terrain mené par nos soins en 2009 (figure 1) révélait que 251 étrangers étaient installés dans la médina, alors que selon le Consulat de France, l’année suivante, le nombre de personnes inscrites au consulat sur l’ensemble de l’agglomération de Fès était d’environ 900. Le décalage entre les deux chiffres provient incontestablement du fait que les enregistrements au consulat ne se limitent pas aux seuls propriétaires de demeures en médina, mais englobent les membres de leurs familles et les populations installées en dehors de la médina.

24À Fès, comme partout ailleurs dans les villes marocaines, les Européens s’installent de façon préférentielle dans la cité historique précoloniale dite « médina ». Ceci constitue une rupture majeure par rapport au passé. Pour rappel, durant le protectorat français, le résident général Lyautey avait préconisé un urbanisme fondé sur un cloisonnement strict entre les colons, européens pour la plupart, et les musulmans afin d’éviter au maximum les interactions entre les deux communautés [Idrissi Janati, 2002 ; Jelidi, 2012]. Ces implantations se concentrent au cœur culturel et commercial de la médina le long des deux artères principales de Tala’a Kbira et Tala’a Sghira, ainsi que dans les environs du mausolée de Moulay Driss, saint patron de la ville, de la vieille université Karaouyine et des principaux souks des produits de l’artisanat (figure 1 ci-après).

Figure 1

Vieilles demeures appartenant en propriété ou en copropriété à des étrangers

Figure 1

Vieilles demeures appartenant en propriété ou en copropriété à des étrangers

Des motivations plurielles

25Pour justifier les motivations qui les ont poussés à quitter leur pays pour le Maroc et Fès, ces nouveaux résidents avancent des réponses qui convergent vers une aspiration commune : fuir le stress éprouvant du quotidien en Europe pour bénéficier d’une qualité de vie meilleure au Maroc. C’est pourquoi le registre explicatif de la migration intègre également le territoire d’origine : l’Europe. Ce dernier est perçu par certains interviewés comme un territoire de rejet, alors que le Maroc est considéré comme un lieu où l’on vit bien, notamment à l’âge de la retraite. Le pays d’accueil leur offre des possibilités inégalées pour améliorer leur situation personnelle. Nous retrouvons ici l’une des explications mises en avant par les lifestyle migrants et qui renvoient à la vie antérieure à l’émigration et à l’acte d’échapper à cette vie contraignante. En effet, la migration volontaire est souvent décrite comme un acte permettant d’échapper à un piège (a getting out of the trap) ou est assimilée à un nouveau départ (making a fresh start) ou à un nouveau commencement (a new begining) [Helset, Lauvli, Sandlie, 2005 ; Karisto, 2005 ; Salvá Tomás, 2005]. Elle se définit donc par rapport à la vie antérieure à la migration, supposée plus stressante.

26Mais cette raison, qui apparaît comme transversale cache une pluralité de motifs personnels liée à la diversité des parcours et des trajectoires. Nous en retenons deux qui reviennent souvent dans les propos de nos répondants.

La motivation économique

27L’une des raisons majeures renvoie à l’enjeu de vouloir profiter des possibilités économiques que peut offrir le Maroc, et Fès en particulier, par rapport aux pays de la rive Nord, notamment en matière d’investissement dans le secteur du tourisme. Elles s’expliqueraient selon certains de nos répondants par l’emplacement géographique du Maroc à proximité de l’Europe, le dynamisme de son secteur touristique, la richesse de son artisanat, la possibilité d’acquérir une belle maison à un prix d’achat raisonnable, et partant le coût d’investissement « abordable » et nettement plus bas qu’en Europe. Ces avantages découlent de la commodité de l’aéroport de Fès, desservi par de nombreux vols à bas prix et relié à plusieurs villes européennes : La circulation, tant des investisseurs potentiels que de leurs clients entre les pays émetteurs du Nord et Fès est ainsi facilitée, ce qui ne manque pas de se répercuter sur l’intensité des flux aériens.

28Vue sous cet angle, la migration est perçue et vécue comme une alternative à une situation socio-économique, définie comme « difficile, voire vulnérable », et à un mode de vie, au pays d’origine, qualifié de « stressant ». La majorité des personnes interviewées estiment être dans de meilleures conditions de promotion économique et sociale au Maroc, comparativement à leurs pays d’origine.

29Cet enjeu économique, amplifié depuis 2008 par la crise économique mondiale est généralement associé à une perception de la ville de Fès, à travers une image mythique récurrente, celle de Fès, patrimoine de l’Unesco. Le contenu des entretiens permet de décrypter d’autres images que les résidents européens se font de cette ville. On est frappé par la pluralité des registres convoqués par les personnes interrogées : paix, originalité, authenticité, spiritualité, amabilité, magie, mystère, trésor caché, charme, beauté et harmonie et attraction magnétique sont les termes qui reviennent le plus souvent pour qualifier la ville. La liste des images perçues, intériorisées et réinvesties est loin d’être épuisée. Ces images renvoient implicitement à certains codes régissant les espaces publics de la ville.

30Un jeune couple franco-anglais installé à Fès en 2007, où il a transformé une vieille maison en restaurant, expose les motivations de ce choix :

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« Pour des raisons économiques. C’est une opportunité pour nous d’ouvrir un commerce dans la médina, ce qui n’a pas été possible en Europe, suivant nos conditions financières. Donc, la raison du départ était économique. Lorsque nous sommes arrivés à Fès, nous avons découvert la médina, qui nous a semblé magique et surprenante, intéressante, extravagante et différente de ce que nous avons vécu auparavant. Une culture différente. L’immobilier aussi n’est pas cher. Et Fès, c’est aussi le caractère religieux unique. En 2007, c’était notre première fois à Fès et même au Maroc. Ça paraît surprenant. On connaissait la médina par la presse ou la télévision et l’idée que nous avions de Fès avant d’y venir, c’est qu’elle est l’un des trois centres religieux du monde et une ville médiévale qui fait partie de l’Unesco […] et les sites de l’Unesco amènent beaucoup de touristes et de visiteurs. »

32Ce même facteur économique, associé à la qualité de vie et du climat au Maroc, semble constituer la raison principale de l’installation d’une famille française composée de cinq personnes : le père, la mère et les trois fils (19, 13 et 6 ans). Voici ce que nous en a dit la mère :

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« […] Le facteur économique aussi. Parce que Fès, ça reste une ville où l’on peut encore investir avec des capitaux limités. C’était notre cas, on n’avait pas beaucoup d’argent. […] Puis, par rapport à la France, c’est ici où on se sent bien. Toute la journée, on discute avec les clients, avec les voisins. Alors en France ce n’est plus ça, en France tu ne connais même pas ton voisin. Les gens sont devenus trop égoïstes ; trop individualistes. Alors qu’au Maroc, il y a la chaleur. Peut-être le climat aussi. Ça aide d’avoir le soleil plusieurs fois dans l’année, ça, c’est sûr. Mais, pour te dire, ce n’est pas le climat qui nous a fait venir. C’est agréable que ce soit comme ça, mais on ne serait pas venu pour le climat. »

34Parfois, l’enjeu économique dans la prise de décision d’émigrer vers Fès est conjugué à des considérations d’ordre familial. C’est le cas d’un ressortissant belge qui a arrêté subitement son activité professionnelle dans son pays d’origine pour venir investir dans une maison d’hôtes en rejoignant l’une de ses filles. L’immigration du père venu rejoindre sa fille participe de la construction d’un réseau familial et s’apparente à du regroupement familial, mais en direction du Sud.

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« Ça fait dix ans que je suis ici, et l’unique raison pour laquelle je suis venu à Fès c’est que j’ai une de mes filles qui a épousé un Marocain. Ma première femme et moi avions le désir d’être présents à ses côtés, non pour intervenir dans sa vie privée, mais simplement être là et dialoguer si, éventuellement, elle sentait un besoin, de son côté. Très clairement, ça ne se passe pas facilement entre une Européenne, qui vient habiter dans la médina de Fès, et un Marocain qui a ses habitudes. […]. On a fait l’acquisition de cette maison, juste pour l’habiter, c’est tout. On n’avait aucune volonté de se livrer à quelque occupation économique, rien. D’abord, on n’a pas choisi Fès, on a choisi notre fille […]. »

L’envie de recommencer une nouvelle vie

36Au registre économique et patrimonial s’ajoute, pour d’autres interviewés, l’envie de recommencer une nouvelle vie. Dans ce cas, l’immigration vers un pays du Sud n’est pas nécessairement un phénomène générateur de profit matériel ou de mobilité sociale, mais plutôt le nouveau commencement que décrit la littérature consacrée au concept de lifestyle migration [Helset, Lauvli, Sandlie, 2005]. Un Français installé à Fès en 2008, justifie sa décision en ces termes :

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« Alors là, on est effectivement plus dans un choix de vie, qui fait que voilà j’ai 50 ans et l’envie d’avoir une autre vie. J’étais fonctionnaire […], j’étais sur des rails, en quelque sorte. Je pouvais me laisser vivre tranquillement jusqu’à la retraite, sans difficulté […]. Et pour moi, c’est devenu un ennui ; et voilà, on dit que c’est la crise des 50 ans. Et je pense que j’ai dû passer par là. Et donc l’envie de se dire : “il faut mener une autre vie ; vivre une autre chose ; découvrir un autre pays, une autre culture”. »

38Ce motif qui peut justifier, en partie, cette dynamique migratoire singulière des Européens vers le Maroc, et Fès en particulier, a été mis en avant par un autre Français de la même génération, installé à Fès où il tient un café-restaurant :

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« Je suis venu pour préparer ma retraite. J’ai 50 ans […] Je suis séparé. Ma femme est partie, pour diverses raisons, lorsque le grand n’avait que 4 ans. Donc, j’ai élevé mes deux enfants tout seul. Et une fois arrivé à 48 ans, j’ai vu les enfants qui s’envolent et je me suis trouvé seul et j’avais marre de cette vie de routine… j’ai travaillé comme chef de cuisine dans une grosse boîte américaine. Et donc ma vie était : métro/boulot/métro. C’était ça ma vie. Et puis, un matin, j’ai dit : “j’en ai marre ; je vais changer de vie. J’ai une petite somme de côté, ça suffit pour aller m’installer au Maroc”. »

40C’est aussi le cas d’une autre Française ayant vécu 22 ans en Côte d’Ivoire et qui, pour fuir l’insécurité à la suite des événements ayant secoué ce pays, regagna la France en 2002. Mais si cette migration vers Fès, à l’âge de 51 ans, fut déterminée, en premier lieu, par le besoin de survivre suite à la crise politique qu’a connu son premier pays de résidence, la Côte d’Ivoire, elle s’inscrit, selon ses propos, dans l’enchaînement logique de sa vie et ce qu’elle appelle « la crise de la cinquantaine » et la recherche d’un nouveau cadre de vie et d’un nouveau départ.

41Cette « envie » de partir pour recommencer une nouvelle vie, non sans incertitude et péripétie, s’inscrit, semble-t-il, dans le registre existentialiste humaniste, qu’incarne le courant de la philosophie de la liberté humaine tel qu’il a été posé par, entre autres, l’auteur de Être et temps, Martin Heidegger ou celui de l’Être et le Néant, Jean-Paul Sarte, et qui insiste sur le fait que l’Homme est libre à chaque instant de choisir, de se jeter dans le monde et dans le temps, de se perdre en lui et de se chercher autrement à chaque moment de sa vie pour réaliser son épanouissement.

Situations migratoires et reconstructions identitaires en œuvre

42Dans leurs discours, nos répondants apportent des éléments sur les significations qu’ils accordent à leur migration et ses perspectives, ainsi que les représentations sociales d’eux-mêmes et des autres qu’ils construisent à partir de leur situation migratoire et les modalités de leur inscription culturelle dans l’espace d’accueil.

43La question de l’image identitaire de soi et de l’autre dans une situation de migration se pose en même temps que celle de l’intégration dans la société d’accueil. Elle a émergé lors des entretiens comme l’un des sujets les plus sensibles pour la majorité ; elle est même considérée, aux yeux de certains d’entre eux, comme un facteur qui déterminera leur perspective migratoire future. Quoique chacun de ces migrants présente une biographie migratoire particulière, nous avons, toutefois, essayé de les regrouper selon deux registres, l’un renvoyant à la dimension globale de la migration et l’autre à une reconstruction identitaire en œuvre. Ces deux registres révèlent soit une expérience migratoire diversifiée, dans laquelle l’installation au Maroc n’est qu’une étape d’un parcours migratoire loin d’être clos, soit une installation définitive qui traduit une certaine forme de rupture d’avec le passé.

Des migrants « voyageurs »

44« Citoyen du monde », « voyageur », « cosmopolite », ou encore « migrant mixte », sont des dénominations par lesquelles s’identifie une partie des Européens installés à Fès. Ces assignations renvoient à un référent identitaire « global » qui n’est ni le pays d’origine ni le pays d’accueil. Dans ce système de représentation construit à partir d’une situation migratoire, l’installation au Maroc est conçue comme un voyage enrichissant. L’expérience du voyage constitue en effet, à leurs yeux, une ressource leur permettant de développer des champs relationnels partout dans le monde, sans aucune difficulté ou appréhension. Ici, le particularisme laisse la place à l’universalisme. La citoyenneté, au sens de « citoyen du monde », s’impose comme le symbole d’une identité commune qui évacue l’ethnocentrisme et tout excès de régionalisme géographique ; une identité unificatrice, extra-sociale et extraterritoriale, renvoyant à « la globalisation humaine », telle que définie par Withol de Wenden [2009].

45Cette représentation est le fait notamment parmi ces immigrés de Fès, d’hommes et de femmes, âgés de 35 à 40 ans et qui sont pour la plupart des Anglo-Saxons, Italiens, Allemands et des Français, mais qui ne sont pas venus directement de France. Il s’agit, dans certains cas, de descendants de familles cosmopolites aux origines nationales et linguistiques multiples, ayant une trajectoire migratoire individuelle qui s’inscrit, le plus souvent, dans celle de leurs familles. À l’opposé de la génération des retraités qui, dans leur majorité, sont des Français installés au Maroc de façon définitive, cette nouvelle génération n’a établi sa migration au Maroc que pour un intervalle de temps déterminé. Dans ce cas, le territoire d’accueil – ici Fès – ne figure pas en tant que lieu d’installation durable, mais en tant que lieu de passage vers une nouvelle destination, le plus souvent ailleurs et en dehors du Maroc. Ces témoignages dévoilent un type de mobilité qui semble symboliser une nouvelle variante du phénomène migratoire international, que certains sociologues considèrent comme le cœur de la « modernité contemporaine ». Ces personnes éprouvent en permanence un immense désir de migrer ; ne se fixant nulle part, elles deviennent les « nomades du temps présent » [Melucci, 1989]. Elles correspondent aussi à ce que certains auteurs ont identifié comme des Quest migrants [Therrien, 2013].

46Le témoignage d’un Italien, âgé de 40 ans, ayant vécu successivement dans son pays puis en Espagne, en France et en Russie (Moscou), avant de venir s’établir à Fès en 2007 et ouvrir un café-restaurant dans la médina, est assez significatif de ces nouveaux profils. Son installation est vécue comme une étape au sein d’un parcours migratoire circulatoire, pouvant déboucher éventuellement sur un nouveau départ vers d’autres pays

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« Moi, j’ai voyagé beaucoup et maintenant, je suis à Fès. Vraiment, je peux vivre n’importe où. […] Moi, je suis surtout un voyageur qui, pour le moment, vit à Fès, parce que je suis attiré par cette ville. Le déguisement est différent. La mentalité est complètement différente ; alors, on peut s’enrichir. […] Fès c’est ma maison. C’est mon présent. Maintenant, mon idée est de commencer quelque chose ailleurs, à Casablanca ou en Europe, pour connaître d’autres choses. […]. Moi, ma résidence ici est principale. J’ai ma carte de séjour. Je me sens très bien ici, mais je ne suis pas Marocain ; ça, c’est clair. Je suis toujours Italien […] avec un esprit européen […]. J’ai des valeurs universelles. […] Ici, moi, ma façon d’être est devenue un mixte. J’ai équilibré tout ce que j’ai vu en Italie, en Espagne, en Angleterre, en France, en Russie. […] Mais, est-ce que je suis fassi ? Non, je reste moi-même. Je ne peux pas prétendre être fassi, car je ne suis pas fassi […]. »

48C’est là une figure correspondant à une sorte de nomadisme post-moderne que pratiquent certains jeunes mobiles qui, résistant à une dissolution totale dans la culture de la société d’accueil et restant attachés, par les liens familiaux, à leur pays d’origine et à sa spécificité culturelle, se ressourcent volontiers à la culture de « l’Autre ». Outre le voyage, les moyens de communication modernes jouent à l’évidence un rôle considérable dans le maintien de ces relations. Affichant un attachement à la culture d’origine, ils n’écartent pas une assimilation de certains éléments de la culture d’accueil.

49Les descendants de « familles de migrants », dont la trajectoire migratoire individuelle se confond avec celle de leurs familles partagent également ces mêmes rapports à la société d’origine et d’accueil. C’est le cas d’une Française originaire, à ses yeux, « d’une famille de nomades » ayant une « culture mixte ». Sa grand-mère est d’origine vietnamienne et son grand-père est né en France. Enrôlé dans l’armée de l’air et envoyé au Cambodge, puis au Vietnam, son grand-père y fait la connaissance de sa future épouse avant d’être muté au Maroc. C’est donc au Maroc que la mère de l’interviewée naît, avant d’aller s’installer avec son mari dans la banlieue parisienne et de donner naissance à leur fille. Après avoir obtenu une licence de langues étrangères à la Sorbonne, cette dernière part travailler à l’île Maurice. Elle revient à Paris engagée à la Banque de France, puis par une entreprise industrielle, comme assistante de direction. En 2004, alors âgée de 35 ans, elle quitte son emploi, ayant « marre de la France sinistre » et ayant simultanément un « désir de l’Orient ». Elle part s’installer « définitivement » à Fès, avec son fils (4 ans), puisque le Liban, son premier choix, « n’était pas stable ». Selon elle, ce départ vers le Maroc lui permet non seulement d’accéder à une nouvelle vie ailleurs, mais aussi « d’apporter quelque chose » à la société d’accueil. Pour elle, le fait que son fils soit inscrit à l’école locale en médina, qu’il parle parfaitement l’arabe apprenne le Coran, et joue dans la rue avec ses camarades marocains est synonyme d’intégration. Cette intégration s’est consolidée une fois qu’elle a été élue – à la majorité – membre de l’amicale de son quartier et qu’elle a ouvert bénévolement son local (un café-restaurant en médina) pour les activités de deux associations, l’une dédiée aux enfants des rues à Fès, l’autre aux enfants handicapés. Traduisant une appropriation du territoire du quotidien et une construction de citoyenneté, ce militantisme associatif témoigne – à ses yeux – de son attachement à « une valeur que la France n’a plus », à savoir « la vie de quartier ». De fait, elle n’est plus perçue – par plusieurs Fassis – « comme une étrangère ». Elle ne s’identifie pas pour autant à une Fassie. En outre, la France ne lui « manque absolument pas ». En réalité, elle n’a pas de « sentiment d’appartenance à un endroit » et un éventuel départ du Maroc ne serait pas suivi nécessairement d’un retour au pays d’origine. Selon ses mots, elle se sent « citoyenne du monde ».

50Ce témoignage trouve écho dans celui d’une Anglaise de naissance, ayant vécu pendant vingt-huit ans (1976-2004) à Cape Town en Afrique du Sud, où elle a été cofondatrice d’une école d’aromathérapie, d’une association et d’un festival (2001-2004). Séduite par le festival des musiques sacrées du monde de Fès, elle a décidé, après son divorce en 2004, de migrer à l’autre bout de l’Afrique pour s’installer définitivement dans la médina de Fès où elle a acheté et rénové – à l’âge de 50 ans – une vieille maison datant du xviie siècle. Après avoir enseigné l’anglais à des adolescents de Fès, elle a créé, en 2005, une première agence de conseil, spécialisée dans les voyages touristiques vers Fès, puis une deuxième en 2012. En parallèle, elle assure la traduction (français/anglais) lors du festival des musiques sacrées du monde qu’organise annuellement la ville et est aussi coauteure de plusieurs ouvrages et de deux guides de voyage, l’un sur Fès, l’autre sur le Maroc. Pour finir, elle a mis en place un « fonds d’affectation spéciale » pour financer des microprojets de restauration des moyens d’hébergement touristique dans la médina, auquel contribuent les propriétaires de plusieurs maisons d’hôtes traditionnelles à hauteur au minimum de 2 % des frais d’hébergement de leurs clients.

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« Mes amis me disent que je suis “citoyenne du monde”, ce qui est vrai. Mais je ne pense pas que cela me plaise vraiment. Je suis anglaise, mais j’ai quitté l’Angleterre à l’âge de 22 ans, mon mari ayant trouvé quelque chose en Afrique du Sud. […] j’ai appris à vivre ailleurs. À 28 ans, je suis venue ici, dans un autre pays. Aujourd’hui, j’ai deux passeports, mais je n’ai pas de pays. Parce que l’Angleterre n’est pas mon pays. Je n’y habitais plus dès l’âge de 22 ans. L’Afrique du Sud ? Je l’ai visitée dernièrement et j’ai dit : “ha ! j’aime bien ce pays, mais je ne veux plus vivre là maintenant”. Et donc, je suis ici, mais je ne pense pas que je vais rester ici jusqu’à l’âge de 70 ans. Ma fille habite toujours à Cape Town, mais mon fils est un immigré au Texas. Mon père est en Angleterre. D’un côté, c’est bien d’être “citoyen du monde”, mais de l’autre côté, on n’a pas de racines ! Et ça, c’est un problème. »

Des migrants convertis en nouveaux fassis

52Le sens particulier qu’une génération issue de l’Europe donne à sa migration à Fès détermine les images qu’elle construit de soi et de l’autre, ici le fassi. Tout en s’inscrivant dans le registre des identités locales traditionnelles, qui désignent le fassi par sa généalogie patrilinéaire, ces migrants inventent d’autres modes d’identification renvoyant à leur situation migratoire, tels que « fassi d’adoption » ou « nouveau fassi ». C’est, en effet, à partir de ce registre de « permanence identitaire » [Preteceille, Abdellah, 1984] que ces migrants à Fès se perçoivent.

53Pour cette catégorie d’Européens, l’installation à Fès est pensée comme définitive. Il s’agit de migrants ayant cherché à se mêler à la société d’accueil et à y prendre racine. Ce choix trouve écho dans la revendication du « droit à la ville » par les non originaires de Fès. Ces derniers se définissent comme fassis en tant qu’habitants de Fès ayant intériorisé des manières de dire et de faire, propres au modèle traditionnel de la citadinité fassie, à la suite du processus de socialisation dans la ville [Idrissi Janati, 2002].

54Le rôle que joue dans la construction identitaire « l’interactionnisme symbolique » – au sens des sociologues de Chicago – et qu’active la participation à la vie sociale est ici éclairant. La rupture – totale selon certains – d’avec le milieu d’origine, la réussite dans la vie professionnelle, les réseaux élargis de relations sociales, la participation à des associations, la conversion à l’Islam, le mariage avec un conjoint fassi d’origine, l’apprentissage de l’arabe dialectal, l’acquisition de l’accent fassi, constituent – aux yeux de plusieurs migrants – les facteurs qui, conjugués à la résidence permanente à Fès, ont permis le processus d’insertion et d’appartenance à la ville d’accueil, Fès. Selon leurs propos, ce processus traduit une « intégration totale, une immersion », voire « une transformation de l’identité ».

55Cette reconstruction identitaire est associée, pour certains d’entre eux, au rejet ou mépris de la vie et des rapports sociaux entretenus dans leur pays d’origine, désormais disqualifié par rapport au mode de vie et aux relations sociales à Fès. Mais, quoique la majorité de ces migrants se cantonne à la sphère privée et demeure peu visible dans l’espace public, c’est bien leur installation à Fès qui leur a permis d’acquérir une mobilité ascendante. Les témoignages de trois personnes interviewées résument la logique sous-tendant une telle situation migratoire.

56Le premier est celui d’un Français divorcé, venu à Fès, en 2008, à l’âge de 50 ans pour préparer sa retraite. Il ouvre un café-restaurant dans la médina, épouse une Marocaine, se convertit à l’islam et adopte un prénom arabe. D’après lui, cette conversion – exigée par le mariage avec une musulmane – exprime davantage l’adhésion à une nouvelle identité qu’une simple réponse à une formalité administrative.

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« Aujourd’hui, je suis musulman, je m’appelle Yassin. […] Je ne suis pas allé en France depuis octobre 2009. La France ne me convient plus. […]. En fait, je suis un petit peu fassi. C’est déjà une preuve d’intégration, le fait que ça se passe bien avec mes voisins. Je suis fassi d’adoption ; je porte la djellaba, les babouches, on m’appelle Haj. »

58Ces propos rejoignent ceux d’un musicien français de 38 ans. Passionné par l’oralité et les arts traditionnels, cet élève d’un maître de la musique andalouse, Suisse-Allemand converti à l’Islam au Maroc, s’est installé à Fès en 2002, pour préparer une thèse de doctorat en anthropologie sur la musique populaire. Deux ans plus tard, il avait changé de projet migratoire, après avoir intégré une confrérie soufie, les Hmadcha, et créé une entreprise de production artistique dans la perspective d’une installation définitive au Maroc.

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« Oui, quelque part, je suis fassi. En plus, c’est bien écrit dans mon passeport, et bientôt dans ma carte d’identité, que j’habite à Fès. Si j’habitais à Paris, je dirais que je suis parisien, même si je suis né à Nancy. […] Je suis fassi. Quand je me balade au Maroc, on me demande “D’où tu viens ?”, je réponds “Je viens de Fès”. […] J’y suis subjugué. L’expérience migratoire est l’expérience de la mobilité, l’expérience de la transformation des identités. […] Il y a un truc, et c’est Mike [4] qui disait ça, “plus on se déplace et moins on voyage”. L’idée de se déplacer de façon verticale, en profondeur, à travers l’immersion, à un moment donné, il faut s’arrêter quelque part. »

60Le troisième cas est celui du ressortissant belge déjà présenté plus haut et qui est venu en 2000 pour se rapprocher de sa fille mariée. Deux ans après son installation dans la médina, il divorce de sa femme belge et se remarie avec une Marocaine :

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« Pour moi, ma vie est ici, c’est clair. Ma femme belge est rentrée en Belgique, parce qu’elle n’a pas voulu s’intégrer. Moi, je m’y suis intégré totalement, je me suis converti, je suis devenu donc un musulman à part entière. […] La place de mon pays d’origine, il n’y en a plus. […] Tout le monde sait que je suis devenu fassi […], que je suis musulman […], que j’ai épousé une Arabe, fassie, musulmane, et il n’y a plus de place au Belge. Le Belge n’existe plus. Ce Jean-Pierre est maintenant Naim. »

62Ces trois migrants, avec d’autres, rencontrés lors de nos investigations, illustrent un processus de conversions identitaires assez remarquable. Ne pouvant être d’ici et d’ailleurs, ces répondants assument et revendiquent une immersion totale dans la société fassie avec un respect des codes qu’on considère comme fassi. Ils sont en rupture brutale avec leurs passés. Ils inscrivent, enfin, leurs situations migratoires dans le nouveau débat à propos de l’évolution récente du phénomène migratoire dans le monde, à l’épreuve de la mondialisation [Bertossi, 2011].

Conclusion

63La présence des Européens à Fès s’est faite à travers l’acquisition des résidences et (ou) le montage de petits projets notamment dans la médina. Les interviewés font état de motivations plurielles qui se rejoignent dans une aspiration commune, celle d’une meilleure qualité de vie. Cette raison principale traduit en fait une pluralité de motifs personnels qui, parfois, se conjuguent, étant donné la pluralité des profils et des trajectoires sociales de ces migrants. Ces motivations personnelles peuvent être économiques, en rapport avec une situation au Maroc perçue comme attrayante par rapport au pays d’origine. La migration devient une alternative et une solution durable à une situation socio-économique difficile. Mais cette mobilité vers un pays du Sud n’est pas nécessairement un phénomène générateur de profit matériel ou de mobilité sociale.

64Les multiples attraits de la ville sont différemment interprétés et mis en images. Mais une différence distingue le touriste qui, frappé par les charmes de la ville et de ses habitants, décide de s’installer, et l’investisseur qui évalue l’attractivité de la ville à ses avantages de localisation pour la rentabilité d’un investissement. C’est en référence aux images qu’ils se font d’eux-mêmes et de la ville qui les accueille dans son épaisseur anthropologique et culturelle qu’ils s’identifient en tant que migrant, voyageur, cosmopolite ou nomade.

65Mais en prenant en compte les intentions exprimées, la ville ne s’inscrit pas dans les mêmes perspectives de vie pour les uns et les autres. Pour les éternels voyageurs, Fès n’est qu’une étape dans la vie. À l’opposé, d’autres Européens cherchent l’enracinement dans les lieux et les interactions avec la société autochtone. Un troisième groupe d’immigrants se maintient dans une situation identitaire ambivalente en revendiquant à la fois l’appartenance à la ville d’accueil et l’attachement à leurs origines géographiques. Enfin, il y a ceux qui se réclament d’une identité universelle, rejetant les attaches aux lieux d’origine comme au pays d’accueil.

66En dernière analyse, le profil qui se dégage des entretiens et des observations correspond globalement à ce que les recherches récentes décrivent comme migrations d’agrément. Ces lifestyle migrations se situent entre la migration classique et le tourisme et permettent de comprendre les évolutions que connaît la médina de Fès. Elles sont définies comme

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« relatively affluent individuals, moving “en masse”, either part or full time, permanently or temporarily, to countries where the cost of living and/or the price of property is cheaper, places which, for various reasons, signify something loosely defined as quality of life. The key motivation for those migrations has been the search for something intangible, encapsulated in the phrase “quality of life” »
[O’Reilly, 2007],

68Les différentes situations observées rappellent effectivement la pluralité des motivations et les perspectives futures qui annoncent dans certains cas une quête qui ne s’arrêtera pas à Fès. Mais dans le même temps, certains exemples d’ancrage et d’immersion dans la société locale s’écartent quelque peu de ce modèle. Reste à étudier les interactions entre ces nouveaux résidents et leurs voisins ainsi que leurs perceptions par la population locale.

69Cette nouvelle forme de migration décrite à Fès renvoie enfin aux nouvelles fonctions du Maroc dans les systèmes migratoires régionaux. La pluralité des rôles joués par le Maroc montre en effet que la distinction classique opérée entre pays d’immigration et pays d’émigration souffre désormais de sérieuses limites. Si on ajoute à cela l’arrivée encore plus importante de migrants africains, également décrits dans le cas de Fès [Berriane et al, 2013], le Maroc se transforme de plus en plus en un hub connectant les systèmes migratoires euroafricains et méditerranéens. Ce qui ne manquera pas d’engendrer d’autres changements dans les modes et les tendances de la migration à partir et vers le Maroc [Berriane, de Haas, Natter, 2015].

Notes

  • [*]
    Géographe, université Mohammed V, Rabat et IRD, laboratoire mixte international MediTer « Terroirs Méditerranéens : environnement, patrimoine et développement ».
  • [**]
    Géographe, université Mohammed V, Rabat.
  • [1]
    Déclaration en avril 2010 d’un couple franco-anglais ayant ouvert à Fès un café-restaurant en 2007.
  • [2]
    Mosaïque.
  • [3]
    Selon les statistiques du ministère du Tourisme, le secteur avait enregistré à Fès une diminution considérable de la fréquentation touristique d’environ 42 % entre 2000 et 2003 [PDRT, 2005, p. 15].
  • [4]
    Un Américain installé à Fès en 2000.
Français

Longtemps considéré comme un foyer émetteur de flux migratoires, le Maroc est en train de devenir à son tour un pays récepteur et un lieu de croisement de flux venus du Nord et du Sud. Métropole régionale, Fès, qui avait fonctionné autrefois comme carrefour du commerce, articulant l’Afrique de l’Ouest, l’Orient arabe et le Nord de la Méditerranée, est à nouveau un pôle important dans la géographie des mobilités Nord-Sud. Elle accueille une population européenne récemment immigrée, dont les projets sont à la fois de vivre une expérience fidèle aux représentations qu’elle se fait des lieux choisis et économiques. Ces flux migratoires ont vite évolué et se sont diversifiés. Tout en suivant l’évolution dans le temps de ces installations, l’article confronte la réalité qui se dégage d’une quarantaine d’entretiens au modèle que décrivent les recherches autour du concept de lifestyle migrations. L’article analyse les multiples motivations de ces immigrés particuliers, leurs différentes situations migratoires et essaie de comprendre comment ils reconstruisent leur identité. Il conclut sur les enseignements à tirer de ce phénomène pour la compréhension du système migratoire marocain dans son ensemble.

Mots-clés

  • migration
  • Nord-Sud
  • identité
  • lifestyle migrations
  • Fès
  • Maroc

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Mohamed Berriane [*]
  • [*]
    Géographe, université Mohammed V, Rabat et IRD, laboratoire mixte international MediTer « Terroirs Méditerranéens : environnement, patrimoine et développement ».
M’hammed Idrissi Janati [**]
  • [**]
    Géographe, université Mohammed V, Rabat.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 22/02/2017
https://doi.org/10.3917/autr.077.0087
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