CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Il aura fallu beaucoup d’insistance et de lucidité de la part de certains démographes [Le Bras, 2007] pour admettre que les pays européens eux-mêmes étaient producteurs de mouvements migratoires : qu’il s’agisse d’étudiants qui s’attardent dans les pays où ils sont allés faire une partie de leurs études, de travailleurs frontaliers qui franchissent le pas d’une installation définitive ou enfin des populations qui intéressent cet article, les Européens qui s’installent dans ces régions ex-coloniales où il est aujourd’hui difficile de distinguer clairement les « expats » en mission et les « nouveaux migrants » des touristes de longue durée. En effet, sans prendre l’ampleur des migrations européennes à l’intérieur même de l’espace européen (835 255 Français sont comptabilisés en Europe, y compris hors États membres, par le ministère des Affaires étrangères fin 2014), le mouvement migratoire vers les pays d’Afrique noire et du Maghreb ne cesse de croître régulièrement. Les chiffres des consulats français illustrent la tendance, bien qu’ils reflètent ce phénomène de manière partielle, et nous expliquerons pour quelles raisons 91 092 Français sont inscrits en 2006 au Maghreb (Tunisie, Algérie, Maroc), 107 103 en 2014. Pour l’Afrique subsaharienne, ils sont 126 573 inscrits en 2006, 141 787 en 2014.

2Ces Européens, qu’ils soient touristes, expatriés ou résidents, n’ont fait que rarement l’objet d’une attention sociologique ou anthropologique, y compris à l’époque précoloniale. Au Maroc, par exemple, lorsqu’elles s’intéressent à eux, les sciences sociales insistent plus volontiers sur l’impact de leurs projets résidentiels sur la société locale et la gestion du patrimoine [Coslado, MacGuinness, Miller, 2013], le rôle organisateur des touristes [Kursac-Souali, 2006] ou les vieilles adhérences coloniales [Henry, Vatin, 2012], que sur leurs itinéraires. Pourtant, et c’est ici l’une des hypothèses de cet article, un « nouveau » régime de migration apparaît : aux traditionnels « expatriés » se substituent des « migrants », dans la mesure où une nouvelle génération d’Européens, et notamment de Français, s’installant sur le continent africain, le fait désormais sans « ordre de mission » ni, par conséquent, aucun des privilèges jusque-là attachés au statut d’expatrié (contrat, couverture sociale, prime d’expatriation par exemple).

3En décrivant cette dynamique migratoire et en centrant le regard sur les itinéraires de ces Français installés au Maroc, les circonstances qui impulsent leur mobilité ainsi que les conditions dans lesquelles elles s’opèrent, cet article mettra en évidence les conditions d’informalité qui marquent certaines de ces expériences ainsi que leur inscription dans un espace-temps transnational. Il voudrait par ailleurs interroger le caractère inédit de ces migrations contemporaines : sont-elles « nouvelles » parce que restées dans l’ombre des migrations fordistes en provenance des pays du Sud, largement étudiées par les sciences sociales, ou « nouvelles » parce qu’elles renvoient à des pratiques et montrent des caractères « neufs » ?

4Notre propos s’appuie sur une enquête menée dans le triangle touristique Marrakech, Agadir, Essaouira [1], dans lequel se concentrent à la fois les activités touristiques du pays (68 % des nuitées hôtelières enregistrées en 2011 [2]) et une croissance importante de la présence européenne (la province de Marrakech-Tensift-Al Haouz a connu une hausse de 71 % des effectifs étrangers entre 1994 et 2004 [3]). Notre enquête s’est concentrée sur les villes de Marrakech et Essaouira qui ont, en effet, pour particularité, à la différence d’Agadir, d’être organisées autour de centres historiques anciens (médinas) dans lesquels s’est développé, de manière très récente, mais spectaculaire, un type d’hébergement qui en singularise l’offre touristique : la maison d’hôte, entrée dans la nomenclature officielle à partir de 2004 bien que son développement ait significativement commencé, à partir du début des années 2000. Or, ce type d’établissements est majoritairement tenu par des Européens, notamment des Français, qui ont acheté et rénové des riads, habitats traditionnels de ces médinas, pour les transformer en établissements hôteliers, nous y viendrons. La zone ne comptant que peu de multinationales, très peu de Français s’installent dans le cadre de contrat d’expatriation et d’une rémunération par une entreprise française.

5L’enquête, de type ethnographique, a été menée entre 2012 et 2014, avec des périodes d’observation participante et de recueil d’entretiens semi-directifs, pour certains biographiques, prolongés par des échanges informels avec deux cents Français installés dans le pays [4]. Nous avons d’abord cherché à rencontrer ceux « installés », indépendamment de leur statut, de la temporalité de leur mobilité (du protectorat jusqu’à aujourd’hui) et de ses conditions (touristes, résidents), autrement dit, tous ceux dont l’expérience quotidienne, familiale et professionnelle, était ancrée au Maroc, même si elle est inscrite dans des logiques de pendularité. Nous avons ensuite concentré nos enquêtes sur un groupe en particulier, notamment parce qu’il s’est imposé sur le terrain, et qui se compose de ceux qui ont en commun d’avoir négocié eux-mêmes, sans médiateur institutionnel, les conditions de leur migration. Le sex-ratio est de 6 hommes pour 4 femmes et l’ensemble est hétérogène, sur le plan des âges (19 à 85 ans) et des appartenances sociales (notamment des diplômes), à l’image de la diversité des profils de ces migrants. Les seuls qui se distinguent dans notre échantillon sont les 30-50 ans, qui sont légèrement surreprésentés. Au sein de ce groupe, composé, comme nous le verrons, de trois profils sociaux, ceux qui ont créé une activité professionnelle au Maroc, en d’autres termes des entrepreneurs [Granovetter, 1995], sur lesquels cet article se concentre, sont majoritaires.

6L’approche méthodologique a été, en quelque sorte, imposée par les conditions de vie des acteurs eux-mêmes. Nous avons en effet collecté des récits de vie, attentifs à la dimension individuelle et « aventurière » des parcours, mais aussi parce qu’il est bien difficile de procéder autrement dans des mondes aux limites de l’invisibilité. Leur pratique de la mobilité les rend en effet en partie insaisissables, y compris par les appareils statistiques. D’une part, une partie importante de nos enquêtés est dans l’informalité, souvent par choix personnel, puisqu’elle vit au Maroc avec un visa touristique et fait des allers et retours entre le Maroc et la France ; d’autre part, ces Français ne s’inscrivent pas dans des lieux identifiés de sociabilité, mais dans des sphères microsociales ou familiales, bien souvent hors des sphères publiques où il est d’usage de croiser des étrangers « expatriés », dont, ils se distinguent, comme nous allons le montrer.

Des « expats » aux migrants

7Le nombre des « installés » européens au Maroc augmente régulièrement depuis une dizaine d’années. Fin 2007, 34 097 Français y sont enregistrés sur les registres consulaires. Ils sont 41 129 en 2010, 44 400 en 2011 et 49 195 en 2014. Selon les représentants officiels français et marocains, ces chiffres seraient à majorer de 25 000 à 30 000 personnes supplémentaires. S’ils recensent en effet obligatoirement les titulaires d’un permis de séjour, ils n’incluent pas systématiquement les pendulaires, pourtant nombreux, qui vivent et travaillent avec un visa touristique au Maroc, qu’ils quittent tous les trois mois pour le renouveler et pour qui la démarche de déclaration au consulat est facultative.

8Parmi ces nouveaux installés, ils sont de moins en moins nombreux à bénéficier du statut d’expatrié qui implique une « protection » de l’institution pour le compte de laquelle ils s’expatrient. Après l’instauration du protectorat en 1912, les mobilités de l’Europe vers le Maroc ont été alimentées par le mouvement des colons (539 000 Européens dans le Maroc colonial en 1952) [Vermeren, 2010], puis, à partir de l’indépendance, par celui des coopérants [Henry, Vatin, 2012] et des détachés (15 000 coopérants au milieu des années 1970 [Vermeren, 2011 b]). En effet, après la colonisation, et sous couvert d’aide au développement, de nombreux Français s’installèrent, toujours sur des temps de mission déterminés, dans le cadre de contrats et programmes de coopération passés entre les nouveaux États indépendants et l’État français. Dans un premier temps, nombre de ces Français étaient des coopérants, envoyés le temps de leur service militaire pour effectuer des tâches de service public, puis sur des profils de carrières variés, des fonctionnaires en détachement. Ils constituent encore aujourd’hui le personnel non diplomatique des ambassades et des consulats. Au Maroc, la présence d’un réseau d’une trentaine d’établissements scolaires relevant de l’État français, géré par l’ambassade, avec du personnel enseignant français, a longtemps constitué un bastion de ces carrières de détachement. Ces mobilités avaient en commun d’être encadrées par l’État d’appartenance des hommes et des femmes concernés par ces déplacements. Soit cet État était la force administrative dominante, auquel cas il favorisait, par la « colonisation officielle et assistée », l’implantation de populations [Jacqueton, 1924] bénéficiant alors d’un statut de « protégés » contre les sociétés locales [5], soit, après le protectorat, cet État les encadrait institutionnellement. Outre des primes importantes adjointes aux salaires et des annuités supplémentaires de retraite, l’État de tutelle de ces expatriés se faisait en effet le médiateur dans la plupart des démarches administratives nécessaires à leur existence, de la carte de séjour à l’immatriculation de leur véhicule, de leur déménagement aller et retour, au choix de leur résidence. Après qu’Hassan II ait mis un terme à la coopération à la fin des années 1970, c’est l’expatriation de cadres par les grandes entreprises qui a davantage caractérisé la mobilité des Européens vers le Maroc et tout particulièrement celle des Français. Même s’ils ne relèvent pas du fonctionnariat, ces cadres bénéficient des mêmes statuts et privilèges, à ceci près que ces derniers sont garantis par leurs entreprises et non par l’État. Telle que décrite dans les travaux des historiens [Vermeren, 2004, 2011 ; Henry, Vatin, 2012], cette situation concerne aussi bien les salariés du secteur public que ceux du privé, et fait « dispositif » en ce que s’y organise la protection des ressortissants par leur mise à l’écart et à distance de la société locale.

9Très peu de ceux que nous avons rencontrés dans nos enquêtes relèvent de ce statut d’« expat ». Mais ils ne relèvent pas davantage de celui du « touriste ». Ainsi, on voit des Français s’installer, parmi lesquels des jeunes actifs venus ouvrir un restaurant, d’autres partis rejoindre un(e) amoureux(se) rencontré(e) au détour d’un voyage, des couples venus se lancer dans l’ouverture d’une maison d’hôtes, une usine de poissons ou une agence immobilière, des retraités s’établir pour leur retraite, etc. L’obtention de conditions privilégiées d’installation par leur État d’origine, d’un détachement ou d’un contrat pour une institution publique ou une entreprise, comme l’acquisition d’un statut dont les privilèges socio-économiques sont institutionnellement garantis, ne forme plus ni les cadres principaux de ces mobilités ni les raisons qui les impulsent. Ils migrent, en ce sens, à « compte d’auteur » et ont en commun d’arriver au Maroc dans la dynamique d’assurer et de négocier eux-mêmes, sans médiateur institutionnel ou économique, les conditions de leur installation et la création de leur activité professionnelle.

Origines et profils des migrants français au Maroc

10Dans certains récits [Bergé, 2010 ; Damgaard, 2005], le mouvement de « gentrification » [Coslado, McGuiness, Miller, 2013] remonte aux années 1970, lorsqu’un petit groupe d’artistes, couturiers, architectes, et riches hippies, s’installe à Marrakech et à Essaouira pour en construire l’image de lieux d’exception, attirants et ouverts. Certains interviewés se réclament bien de cette « aventure » à laquelle, au moins au plan relationnel, ils disent avoir participé.

11D’autres récits [Wilbaux, 2002] font référence au développement d’un engouement plus tardif, consécutif à la médiatisation de l’expérience de quelques pionniers qui se sont installés en médina dans des maisons traditionnelles rénovées et dont l’émission Capital, diffusée en août 1998 [6], a vanté les expériences. Les Français sont d’ailleurs plusieurs à présenter cette émission comme le déclencheur de leur départ. Il ne faut cependant pas oublier que, dès les années 1960, Marrakech est un lieu privilégié de villégiature des fractions des bourgeoisies urbaines marocaines (au moins casablancaises) formées pour beaucoup en France, qui y achètent des « fermes » et des résidences secondaires et y invitent leurs amis français. Mais il semble que ces mouvements remontent plus loin encore et nous renvoient au protectorat et au Glaoui de Marrakech [7]. Celui-ci avait noué une amitié forte avec le Maréchal Lyautey et, francophone et francophile, s’était entouré de personnalités européennes et notamment françaises [El Glaoui, 2004] qui ont certainement participé à construire ce « goût du Maroc ». Ainsi, le directeur d’un établissement marrakchi, alors qu’il raconte, au cours d’un entretien, l’histoire de la bâtisse dans laquelle il a créé une maison d’hôte, nous rappelle que s’y trouvait le « premier restaurant de cuisine marocaine pour étrangers en médina » créé, en 1946, par deux Françaises, qui avaient eu l’autorisation par le Glaoui, « très francophone », d’ouvrir cet établissement, « devenu une curiosité pour les étrangers vivant ici et en attirant d’autres ».

12Mais c’est surtout le développement du tourisme, conséquence d’une volonté politique affirmée, d’en faire la principale stratégie de croissance nationale à partir du début des années 2000 [Vermeren, 2011b], qui forme le support des mouvements que nous observons aujourd’hui. Beaucoup de ces Européens saisissent des opportunités économiques offertes ou développées depuis la mise en place de cette stratégie économique, nous y viendrons.

13Ces nouveaux migrants se regroupent selon trois principaux types de profils socioprofessionnels, même si dans la diversité des raisons de la mobilité et leur caractère individualisant, tout regroupement laisse forcément échapper des profils et des singularités. Un premier type regroupe les « inactifs », parmi lesquels beaucoup de retraités, mais pas seulement, qui font souvent l’acquisition d’un bien immobilier à Marrakech, Essaouira, Agadir. Contrairement à ce qu’affirme la rumeur, les médinas ne concentrent pas à elles seules cet afflux. Celui-ci concerne aussi, à Marrakech, la ville européenne (Guéliz) et la périphérie (Palmeraie), à Essaouira, les quartiers de la ville nouvelle (Azlef, Erraounak) et la campagne environnante (Ghazoua). Un second groupe est constitué d’entrepreneurs, sur lequel se concentre cet article. Certains le sont de « métier », mais il s’agit le plus souvent d’individus qui viennent à Marrakech, Essaouira ou Agadir, et qui y créent une société, profitant de l’engouement touristique dont ces villes font l’objet. Ils sont parfois les seuls actifs de ces « entreprises », très « micro », dont ils se servent pour vendre des services ; le droit du travail local limitant l’embauche de salariés étrangers pour les entreprises locales. Là encore, les médias ne retiennent de ce groupe que les propriétaires de riads, ces PME hôtelières d’un genre nouveau, plus proches de la maison d’hôte que de l’hôtel proprement dit. Elles offrent en effet un nombre réduit de chambres et intègrent, le plus souvent, une partie habitation dans laquelle vit le propriétaire, celui-ci recevant alors les touristes « chez lui ».

14Autour de ces nouveaux hôteliers qui concentrent l’attention, il existe pourtant une myriade d’entrepreneurs qui leur ressemblent socialement et qui s’installent pour tenter, dans la restauration, les services ou l’artisanat, une nouvelle carrière et une nouvelle vie. Enfin, troisième profil, les salariés des précédents, mais plus généralement d’entreprises actives dans le domaine des services touristiques, dont une partie travaille pour des salaires marocains et parfois illégalement. On a vu ainsi quelques jeunes actifs travailler dans les entreprises de leur compatriote (showroom, restaurant, hôtel) pour le salaire minimum marocain (2 500 dirhams équivalent à 250 euros) payé de la main à la main.

15L’ensemble de ces individus vit au Maroc sous deux types de statuts administratifs. Certains disposent d’un visa touristique, qui donne le droit de séjourner trois mois dans le pays, prorogeable une fois, en pratique beaucoup plus, qui implique de sortir du territoire pour le renouveler. Ils n’ont, en théorie, pas le droit de travailler et ne peuvent pas ouvrir un compte alimenté en monnaie locale, le Dirham, celui-ci étant non convertible. Ils sont pourtant nombreux à vivre et à travailler au Maroc sous ce régime. Lorsqu’ils ont un contrat de travail ou une société créée au Maroc (que les résidents peuvent créer), lorsqu’ils sont marié(e)s avec un(e) ressortissant(e) marocain(e), ces nouveaux migrants peuvent bénéficier d’un titre de séjour, valable un an, renouvelable chaque année pendant trois ans et prorogeable à cinq ans, puis dix ans. Ce permis leur ouvre deux droits principaux : de travailler au Maroc et d’ouvrir un compte bancaire qui sera alimenté en dirhams. L’obtention de ce titre de séjour n’est pas simple et fait perdre un certain nombre d’avantages comme la couverture sociale sous régime français. Ils étaient 21 914 à en bénéficier en février 2008 alors que fin 2007, il y avait 34 097 inscrits sur les registres consulaires, selon les chiffres de la Direction de la sûreté nationale du Royaume du Maroc et du ministère des Affaires étrangères français. Le nombre de permis de séjour ne révèle donc que la part institutionnalisée d’une population dont la majorité vit sous le régime du simple touriste, en retournant régulièrement en Europe avant l’expiration d’un visa touristique (trois mois) qu’ils peuvent renouveler sans limites.

16Ces trois types de profils, nous l’avons dit, ont en commun d’avoir négocié eux-mêmes les conditions de leur mobilité et de leur installation au Maroc sans médiateur institutionnel. En ce sens, leurs expériences se différencient de celle des expatriés puisque ces migrants sont engagés dans une négociation permanente avec la société locale, tant sur le plan relationnel que sur le plan administratif, pour assurer la plupart des engagements de la vie quotidienne, qu’il s’agisse des plus complexes et lourds, comme l’ouverture d’un compte bancaire, l’établissement d’un contrat d’embauche, l’achat d’une entreprise ou d’un bien immobilier, ou des plus légers, comme conduire une voiture, inscrire un enfant à l’école, régler des factures.

Des profils multiples aux compétences souvent « autoproclamées »

17Ces nouveaux migrants, de tous âges et de toutes origines, ne semblent pas devoir leur arrivée au Maroc à des logiques diasporiques ou réticulaires et il est exceptionnel qu’ils viennent rejoindre des proches ou qu’ils arrivent attirés par des connaissances. Les parcours sont en grande majorité des aventures individuelles, selon un modèle assez bien décrit dans le cas des migrations africaines « aventurières » [Bredeloup, 2008 ; Schmitz, 2008] et souvent en l’occurrence des « recommencements ». En effet, ils arrivent, pour beaucoup, après un échec personnel, sentimental, professionnel, ou à l’occasion d’un nouveau départ amoureux ou familial (remariage ou naissance par exemple), mais de manière partagée avec le sentiment que l’Europe et notamment la France ne leur offrent pas les conditions favorables à un épanouissement personnel et professionnel ; à l’image de ce couple qui tient un riad hôtel, arrivé au Maroc pour démarrer un projet commun après leurs divorces respectifs et pour lui une mise au chômage technique ; ou comme ce brocanteur antiquaire, qui, à 60 ans, part après avoir été licencié du cabinet juridique dans lequel il travaillait depuis 25 ans avec le sentiment de retrouver les origines algériennes de ses parents pieds-noirs.

18On relève plusieurs récurrences dans ces itinéraires. Peu de ces migrants pratiquaient, avant leur départ, l’activité qu’ils exercent au Maroc. Bien des propriétaires de riads[8] rencontrés n’avaient pas la moindre expérience dans l’hôtellerie. Telle manager d’un établissement de nuit à la mode à Marrakech est l’ancienne chargée de presse d’un homme politique français ; B, dont le restaurant de cuisine italo-corse ne désemplit pas, est un ancien imprimeur. Dans la zone industrielle de Sidi Ghanem (Marrakech) reconvertie très rapidement en zone artisanale, un bon tiers des artisans installés là, dans de très chics showrooms ou concept stores, sont des Européens. R., qui a ouvert une galerie d’art contemporain, est un ancien ingénieur BTP ; M., agent immobilier, a fait un long temps de chômage en Seine-Saint-Denis d’où elle est originaire ; P., qui lui aussi a racheté une galerie d’art est un ancien manager du Club Med, le restaurateur belge est un ancien ingénieur en électronique, etc. Là encore, presque sans exception, aucun de ceux installés dans la zone n’exerçait la profession qu’il exerce aujourd’hui. Les continuités professionnelles sont donc rares aussi bien que les choix professionnels qui découlent de formations initiales, à l’exception de quelques décorateurs/architectes/ stylistes qui ont effectivement un diplôme français en cette matière et viennent à Marrakech créer leur première entreprise. D’une manière générale, les compétences mises en œuvre relèvent donc de l’autoproclamation qui n’attend d’autre sanction ou confirmation que celle du marché.

19Contrairement à l’image que donne la presse européenne en se fascinant pour la jet-set qui a inscrit Marrakech dans son circuit, la grande majorité de ces nouveaux migrants européens est issue de la frange la moins protégée économiquement et socialement des couches moyennes ; ces couches moyennes « déficitaires » manquent d’un capital, économique ou social, les mettant à l’abri des aléas d’une situation économique chaotique. On retrouve ici des « héritiers » [Boubeker, 2003] sans capital scolaire, des parcours universitaires arrêtés trop tôt dans des filières sans débouchés, des cadres, commerciaux surtout, dont la carrière a été interrompue par une mise à pied brutale où une exigence de requalification non acceptée, des échecs commerciaux, des carrières précaires qui enchaînent des emplois certes qualifiés, mais de courtes durées, des sans-diplômes qui multiplient les jobs, ou tout simplement des vies professionnelles que les interviewés décrivent comme ternes. Ces expériences sont porteuses d’insatisfactions pour ceux qui les vivent, plus qu’elles sont signe de déclassement. Insatisfaction de ceux qui ont acquis un capital culturel, mais vivent des conditions de vie, notamment professionnelles, qui, à l’aune de ce capital, leur paraissent médiocres et insatisfaisantes.

20Si ces Français sont pour certains installés depuis de nombreuses années au Maroc et si leurs activités économiques sont visibles dans les centres urbains puisqu’elles en ont modifié le paysage, ils restent paradoxalement socialement invisibles, à la fois dans les chiffres et dans l’espace urbain, au moins parce qu’ils se confondent avec les touristes dans les lieux qu’ils fréquentent. Ces migrants ne forment ni une communauté ni même un ensemble d’agrégats, groupes, clans ou microsociétés [9], mais d’emblée une collection hétérogène d’individus d’autant plus insaisissables qu’ils sont mobiles, faisant de leur statut de touriste et de la nécessité où il les met de « rentrer » en Europe tous les trois mois, une occasion de maintenir des liens dans leur pays d’origine.

21Ces migrants, même si leur condition de « non protégé » les contraint à des médiations constantes à la société locale, n’organisent pas davantage une société cosmopolite, car les relations à la société locale sont réduites. Les contacts avec les Marocains se limitent, dans la plupart des cas, aux relations professionnelles – que celles-ci relèvent de l’association ou du salariat – et au quotidien, aux relations liées à l’espace privé puisque les locaux forment souvent leur personnel de maison. Hormis quelques affinités élitaires entre Français et Marocains dans les petits mondes intellectuels et artistiques, seuls les membres de couples mixtes disent avoir des amis et des fréquentations autres qu’utilitaires dans la société locale.

22C’est le terme de Baumann qui convient sans doute le mieux pour désigner le mode d’existence de ces migrants dans la société marocaine, une manière d’être que l’on peut dire « liquide » [Baumann, 2006] pour en caractériser à la fois la mobilité et son caractère diffus, fluide. Les migrants ne forment pas société ni quartier, encore moins « communauté » ou niche. Ils occupent de manière diffuse, des positions rarement hégémoniques dans l’espace urbain comme dans l’espace des activités.

Une représentation du Maroc entre familiarité et proximité

23Seulement quelques-uns sont enfants de militaires, d’instituteurs, d’agriculteurs ou de commerçants, installés au temps du protectorat ou des colonies, et viennent rechercher le Maghreb de leur enfance. D’autres, qui ont grandi en Afrique noire sont là pour s’extraire des cadres français et retrouver une liberté perdue. Si la nostalgie d’une vie menée au temps colonial est souvent présente et si le phénomène colonial traverse un certain nombre de ces trajectoires, c’est moins par l’expérience directe que certains en ont eue que par une présence mémorielle diffuse dans les sociétés françaises et marocaines qui imprègne les représentations de ceux qui ne l’ont pas directement connu.

24Dans la plupart des récits, par lesquels les migrants justifient leur rupture et leur expérience migratoire, figurent non pas l’exaltation de la distance exotique, l’érotisation de l’apprentissage de l’autre et de l’ailleurs, ce qui paradoxalement entretient encore le goût touristique pour le Maroc [Cauvin-Verner, 2007], mais au contraire, un argumentaire sur la proximité et la familiarité avec une société où il est courant d’affirmer que « la plupart des gens parlent français », à trois heures d’avion de Paris. Le Maroc n’a donc pas le goût lointain d’une région exotique, mais le goût familier d’une périphérie, y compris socialement. Car pour un grand nombre de ceux qui viennent ici tenter une aventure entrepreneuriale, ou plus simplement se donner une nouvelle utilité, il va de soi qu’ils sont dotés de compétences et de savoirs faire qui, ici, seraient inexistants. Et ce sentiment ne procède pas d’une longue analyse ou d’une longue expérience du pays ; les migrants le portent avec eux comme un prêt-à-penser, une « nature », où paradoxalement, un « capital » qu’ils n’auraient pas pu valoriser dans leur monde d’origine et qui, par le seul fait de la « faiblesse » présupposée de la société locale, trouverait ici, à la fois, son utilité sociale et sa profitabilité.

25Ainsi, dans les relations avec les Marocains continue de se manifester un certain nombre de préjugés sur les déficiences de la société marocaine. C’est cependant moins l’incompétence des subalternes à réaliser les tâches demandées qui est soulignée que leur refus d’obéir, d’exécuter et de se conformer aux manières de faire, ou de travailler, qui reviennent comme un leitmotiv dans certains discours. Ils sont quelques-uns à « être déçus par les Marocains ». Mais ils ne peuvent l’être que parce qu’ils sont venus en portant l’espoir que les proximités sociales et culturelles qu’ils avaient imaginées ne les obligeraient à aucune négociation avec la société locale.

26Il y a sans doute ici un préjugé néocolonial puisqu’il s’agit bien d’attribuer à la société locale un « déficit » essentialisé que le « colon » vient combler. À ceci près, qu’il s’agit là désormais d’un « esprit » sans force institutionnelle d’appui et qui est parfaitement intégré à la société locale qui elle-même pense et organise ce préjugé. Dans les récits, il se manifeste moins par l’essentialisation culturelle que par un présupposé de facilité qui a provoqué la séquence migratoire et qui renvoie à l’idée que vivre au Maroc pour un Français est facile. Cette dernière idée n’est pas sans rappeler le sens du voyage colonial tel qu’il a été pensé par Memmi [Memmi, 2002, p. 29] : celui de la facilité, autrement dit de l’accès à des « situations assurées » au sein d’un pays dont la population est devenue docile et servile.

27Les entretiens biographiques menés mettent en évidence que la migration s’est souvent formée sur l’illusion de trouver une place et d’entrer au Maroc « par le haut ». Bon nombre des individus interviewés sont venus y tenter des aventures personnelles et professionnelles que leur refusent des sociétés européennes où les régimes institutionnalisés de concurrence rendent impossible tout déplacement des lignes et des frontières sociales. Cette illusion se combine à la possibilité, très réelle, d’utiliser ici toutes les ressources combinées d’une double informalité : celle, classique, d’une économie qui intègre des voies parallèles à celles encadrées par des dispositifs institutionnels [Castells, Portes, Berton, 1989] et celle, moins évidente, d’une société dans laquelle les dynamiques relationnelles et les logiques de familiarité peuvent suffire à « monter des coups » ou « faire des affaires ».

28Cette combinatoire facilite un grand nombre d’activités et de recommencements : elle prend sens dans des carrières amoureuses, artistiques et bien évidemment professionnelles. C’est à cette dimension économique que nous nous intéresserons ici.

29C’est en effet de cette posture, fondée sur l’idée de proximité et la tendance à considérer le Maroc comme rien de plus qu’une lointaine région française, qu’un certain nombre d’entrepreneurs, car entrepreneurs ils le sont, tirent profitabilité. Pour le dire autrement, c’est bien d’une posture transnationale ou plus précisément binationale qu’il s’agit ici : cette capacité à jouer dans deux espaces nationaux et à en mobiliser les ressources et qui permet, d’une part d’intégrer l’économie touristique, dont la caractéristique est d’être fondée sur les mobilités et les flux transnationaux, d’autre part de contourner les logiques institutionnelles des deux États dans lesquels ils jouent.

Un district productif touristique

30Un certain nombre [10] de ces migrants sont en effet des entrepreneurs, au sens que Marc Granovetter donne à ce terme [Granovetter, 1995]. Ils sont en l’occurrence « entrepreneurs d’eux-mêmes », dans la mesure où leurs activités sont d’emblée la seule mobilisation de leur force de travail et de leur « compétence », et des « assembleurs » dans la mesure où ils combinent les ressources de réseaux relationnels personnels et celles de la société locale, en des formes économiques et sociales assez semblables à ce que les économistes décrivent sous la rubrique des « réseaux productifs » [Peraldi, Perrin, 1996 ; Benko, Lipietz, 1992].

31Ces nouveaux migrants sont venus nicher leurs activités économiques dans trois secteurs qui s’arriment à l’économie touristique de la région : l’artisanat, l’immobilier et le tourisme et à trois échelles : le luxe, le moyen de gamme et le tourisme de masse. Ces services s’adressent à la fois aux touristes européens, français en première ligne puisque 40 % des arrivées touristiques au Maroc sont françaises [Leroux, 2008], aux nouveaux installés et aux classes moyennes et aisées marocaines.

32En 2012, le secteur touristique représentait 7 % du PIB du Maroc, 6,6 % de la population active occupée et 14,8 % des recettes de la balance des paiements [Rapport pour la Direction des études et des prévisions financières, avril 2011]. Priorité nationale, la « vision 2010 » du ministère du Tourisme visait 10 millions de touristes ; la « vision 2020 » prévoit de doubler la taille du secteur et les arrivées. En 2011, on enregistrait 9,34 millions d’arrivées, parmi lesquelles 3,3 millions de Français, 1,9 million d’Espagnols, et 4,4 millions de MRE (Marocains résidents à l’étranger) qu’il est difficile de considérer comme des touristes ordinaires. Du seul aéroport de Marrakech, pour la même année, 3,4 millions de passagers sont arrivés et partis ; ils étaient 1,6 million en 2004. Toujours en 2011, 68 % des nuitées hôtelières enregistrées dans le pays l’ont été dans le triangle Marrakech, Agadir, Essaouira, tandis que la croissance la plus importante s’opère pour Marrakech qui est passée de 3,7 millions de nuitées enregistrées en 2001 à 6,3 en 2010 [Rapport pour la Direction des études et des prévisions financières, avril 2011].

33En ce qui concerne l’offre hôtelière, la capacité du Maroc a doublé en 10 ans (97 000 lits en 2001, 173 000 en 2010), et de 2004 à 2010 on passe de 982 établissements classés, donc officiels, il faut le préciser, à 2 003, dont la moitié se concentre à Marrakech puisque la ville en compte, à elle seule, 1 011. Deux types d’établissements dominent le marché : l’hôtel classique et la maison d’hôte. Absente de la nomenclature officielle des établissements touristiques, cette dernière catégorie y entre à partir de 2004, lorsqu’elle est devenue un phénomène majeur qui singularise, par son ampleur, l’offre touristique de la région. De 320 maisons d’hôtes recensées en 2004, on passe à 996 en 2010, dont 769 à Marrakech (295 en 2004) et 53 à Essaouira (aucune en 2004). Il s’agit là des établissements classés, mais dans les faits on en compte bien plus. En effet, en quelques années, l’offre s’est étoffée très vite, pour atteindre à Marrakech plus du millier d’établissements ouverts à la location, plus de deux cents à Essaouira, dans une gamme très diversifiée variant du riad « basique » offrant des chambres et une prestation de restauration minimale dans des conditions de totale informalité, jusqu’au riad de grand luxe offrant une gamme de services variés dans les conditions de palace, sans compter la multiplication des offres de locations entre particuliers. Les Européens, et les Français en tête, tiennent en effet un rôle stratégique dans ce secteur puisqu’ils sont au cœur du déploiement de la maison d’hôte, offre touristique qui caractérise la région et qui recouvre deux formes : le riad et le « beldi chic », respectivement maison ancienne du vieux centre urbain – la médina – restaurée et transformée en maison d’hôte et maison d’hôte à la campagne. Ils sont également au cœur d’un certain nombre d’activités, qui s’accrochent aux économies de la mobilité, offrant des services aux touristes (hébergement, restauration), mais également aux nouveaux installés européens (services immobiliers, secondarisation résidentielle, architecture d’intérieur, etc.).

34Le « district » touristique résulte en partie des politiques publiques mises en œuvre au travers de grands chantiers nationaux [Berriane, Nakhli, 2011], mais a été amorcé par des initiatives privées qui conjuguent de grosses infrastructures hôtelières ou immobilières, pour la plupart de dimension internationale, et des aventures personnelles de petits investisseurs. Ces initiatives, dont une partie n’est pas visible dans les chiffres, ne révèlent que l’aspect formel d’un secteur dont l’informalité est une dimension structurelle, y compris pour les entrepreneurs européens.

35Le riad « Porto-Vecchio » dans la médina de Marrakech en est un exemple. Il se loue uniquement par le bouche-à-oreille dans les réseaux corses ; un autre, sans nom, loué par les propriétaires également aux amis d’amis bénéficie d’une employée de maison et d’un guide mis à disposition dès qu’un client se manifeste. Un rapide inventaire sur le site « homeholidays », leader européen des transactions locatives de vacances directement entre propriétaires et locataires, nous donne un autre exemple : 158 biens sont proposés à Essaouira et 327 à Marrakech, de l’appartement loué une centaine d’euros la semaine, aux riads de luxe ou aux villas luxueuses de Ghazoua (Essaouira) et de la Palmeraie (Marrakech) qui se louent respectivement jusqu’à 5 500 et 10 500 euros la semaine. La résidence principale d’un couple d’entrepreneurs y est mise en location, avec gardien et bonne, pour l’été, tandis que les propriétaires iront en France pour les vacances. C’est aussi le cas de quelques-unes de ces villas luxueuses, récemment construites sur le golf d’Essaouira, que de riches Français, Belges et Marocains ont acheté entre 600 000 et 1,2 million d’euros et que l’on retrouve en location sur ce même site.

36C’est donc sur la base d’une population européenne résidente et d’un flux exponentiel de touristes que s’est édifié un district productif, autrement dit une entité socioterritoriale caractérisée par l’interdépendance entre la société locale et l’appareil productif [Becattini, 1989 [11]]. Ce sont en effet des activités offrant des services induits par la résidence, courts et longs séjours, qui se sont développées : restauration, bien sûr, services touristiques (transports, agences de voyages), services plus sophistiqués comme les spa, hammams et autres « lieux de beauté et de soins », puis des productions artisanales qui ont décliné, dans une logique d’hybridation globalisée [Amselle, 2004], l’offre traditionnelle de l’artisanat marocain. Cette hybridation, qui est l’un des ressorts de ce district productif touristique, s’appuie notamment sur les logiques transnationales qui caractérisent les activités économiques de ces migrants.

La dimension transnationale des activités

37Les dernières hybridations arrivées sur le marché témoignent bien de ces logiques : ce sont d’abord des lignes de produits de beauté qui déclinent sur la base de produits estampillés marocains (mais en fait des parfums et produits de synthèse), des lignes de produits très mondiaux (shampoing, crèmes, gels douche, parfums). L’une d’entre elles, incluant la référence implicite à Marrakech, a été déposée simultanément en Europe et au Maroc. Les normes qui encadrent la production sont européennes. Une entreprise parisienne organise la communication et la couverture de presse des produits. Les produits utilisés, sortis de la pharmacopée marocaine (fleur d’oranger, jasmin, etc.) sont des produits de synthèse fabriqués en Allemagne et en Europe de l’Est. Ils sont assemblés au Maroc, dans un atelier organisé selon des normes techniques et ergonomiques européennes d’une zone industrielle de Marrakech. Les emballages, dont le style et les matériaux empruntent à l’artisanat traditionnel, sont eux aussi fabriqués par des artisans sous traitant de la zone industrielle. L’entreprise a été créée au début des années 2000 par un couple de Français trentenaires qui se sont connus à Marrakech après une expérience en maison d’hôte. Tout le personnel, des employées du showroom aux ouvriers et ouvrières, est marocain. Ce sont ensuite des complexes hôteliers, généralement en périphérie rurale des villes (Marrakech, Essaouira, Agadir) qui intègrent des services et commerces que les touristes trouvaient en médina : outre les restaurants, hammams, spa, et autres unités de soins, certains hôtels dits « lounge » proposent désormais une vente d’artisanat (tapis, broderie, poterie notamment), fabriqué sur place par des dispositifs présentés comme des coopératives. L’inventivité de cet artisanat tient donc à ses capacités d’hybridation ; mais aussi à la possibilité que lui donne l’extraction des activités hors de la médina de donner un caractère industriel ou semi-industriel à la production ; les boutiques sont modernes et conformes aux standards européens, y compris parce que les quartiers industriels ou de centre-ville permettent l’accès en voiture, les ateliers sont fonctionnels et permettent la production en série. Mais surtout les artisans, recrutés sur la base des savoirs faire traditionnels sont transformés en ouvriers, intégrés dans une chaîne productive et des rapports salariaux. Sans perdre pour autant les avantages induits par une société plus tolérante à l’informalité, sachant que cette tolérance est moins le fait d’une incurie ou d’une faiblesse institutionnelle, que la conséquence de rapports sociaux privilégiant dans l’activité économique, les rapports personnels sur les cadres institutionnels [Lazega, 1996]. Car la part d’informel est à peu près présente partout, sous des formes différenciées, tout au long des chaînes productives.

38Si l’invention, la fabrication et la commercialisation de certains produits s’opèrent dans un espace transnational, un certain nombre d’entrepreneurs y inscrivent également leurs activités. Prenons le cas d’une maison d’hôte tenue par une Française et dont le taux de remplissage est l’un des meilleurs de la région. Elle vit et travaille au Maroc depuis dix ans sans être résidente, sous le régime de la pendularité : pas de voiture ni de compte bancaire à son nom propre et une obligation de quitter le territoire tous les trois mois. Les arrhes des réservations sont intégralement versées sur son compte bancaire français, non pas qu’elle ne puisse l’être sur le compte bancaire local de sa société, mais parce qu’elle tire profit de cette situation et d’un argent gagné qui reste invisible dans sa fiscalité marocaine ou française. Son employée, française aussi, travaille « au noir » et elle lui verse une partie de son salaire (1 000 euros) en euros de compte à compte français, sans donc passer par le système bancaire local. Les 6 000 à 8 000 dirhams (600 à 800 euros) que l’employée touche en commission sur une course de taxi d’Essaouira à Marrakech ou sur une location de quad, par exemple, lui sont donnés en liquide par les entreprises pour lesquelles elle joue les intermédiaires et les garants auprès des clients.

39Cette situation est en partie favorisée par la procédure marocaine pour engager des salariés étrangers qui prend trois à quatre mois en moyenne et dont la moitié des autorisations demandées sont accordées (2 000 autorisations à l’année sur 4 000 demandes). L’entreprise qui veut recruter un étranger doit au préalable s’adresser à l’Agence nationale pour la promotion de l’emploi et des compétences (ANAPEC) qui vérifie que le profil à recruter n’existe pas sur le marché local. Si aucun candidat marocain n’est retenu, l’Agence délivre une « attestation d’activité pour les salariés étrangers ». L’entreprise demande ensuite une autorisation du ministère de l’Emploi, qui prend la forme d’un visa d’un an apposé sur le contrat de travail. L’étranger peut alors être recruté, mais la procédure doit être renouvelée presque à l’identique chaque année [12].

40Deux parades à cette législation sont utilisées. Un certain nombre d’étrangers, parmi lesquels les Français, les Chinois et les Turcs sont les plus nombreux, travaillent tout simplement « au noir », sans autorisation. « Sans-papiers », donc, ces Français installés au Maroc, comme le titrait Le courrier de l’Atlas en juillet 2008. Cette expression est bien le signe des changements qui traversent leur statut. L’autre moyen de contourner la loi est de créer une société, avec ou sans « associé » marocain. Une solution répandue, dans tous les secteurs d’activité, qui permet de travailler légalement. La plupart des migrants français travaillent donc au Maroc en tant que prestataires de services. Ils sont gérants de maison d’hôte, cuisiniers, agents immobiliers, artisans, etc., et facturent des prestations.

41L’hyper institutionnalisation de l’embauche d’un étranger favorise le travail non déclaré, moins en l’empêchant de travailler légalement qu’en créant des structures d’opportunité dont il tire profit, opportunités que l’on retrouve également au sein du système bancaire et des modalités de circulation de l’argent. Le dirham, unité monétaire du Maroc n’est toujours pas entré sur le marché mondial des monnaies [13]. Sa convertibilité, régulièrement promise, est sans cesse reportée. C’est alors d’un double circuit monétaire dont il faut parler.

42Les étrangers qui ne bénéficient pas de carte de séjour, on l’a dit, ne peuvent ouvrir qu’un compte bancaire sur lequel entrent exclusivement des devises étrangères, mais d’où ne peuvent sortir que des dirhams. Pour posséder un compte en dirhams « courants », il faut avoir une carte de séjour et ouvrir un autre compte bancaire, réservé aux transactions en dirhams. On comprend alors la logique du double circuit évoqué plus haut : les transactions ont lieu, par internet, de compte à compte en France ou en Europe, dès lors que les partenaires commerciaux disposent de comptes en Europe, Marocains compris. Ce double système vaut pour les réservations hôtelières dans les riads, il vaut aussi pour des transactions plus importantes, l’achat d’un bien par exemple et auquel cas une double transaction a lieu, devant un notaire marocain en dirhams, devant un notaire français en euros.

43Les transactions et circulations financières qui sous-tendent les activités des migrants européens sont donc en grande partie informelles, mais cette informalité n’est pas, comme on l’entend usuellement, le fait de transactions qui échappent au système bancaire, du moins pas complètement. Elles révèlent plutôt une autre informalité, directement consécutive à la ressource offerte à nos migrants, de vivre non pas entre deux mondes, mais dans les deux justement, en assurant de doubles circuits. Cette caractéristique fait alors de l’espace-temps professionnel et économique dans lequel échangent, produisent et croissent ces entrepreneurs, un espace-temps parfaitement transnational, car il est à la fois inscrit dans deux mondes économiques et culturels, et parce qu’il échappe au contrôle des deux États et appareils institutionnels concernés.

Nouvelles migrations ou migrations invisibles ?

44La profitabilité des entreprises de ces migrants français tient, en grande partie, à cette inscription dans une transnationalité « sans-État ». Cet espace transnational est fait de la ressource qui leur est donnée de ne pas avoir à s’installer dans un autre statut d’étranger que celui de touriste. En vivant et travaillant au Maroc sous le régime de simples touristes tout en multipliant les allers et retours nécessaires au renouvellement de leur visa, ils entretiennent des relations institutionnelles et administratives avec les deux pays. Mais, cet espace est tout autant la conséquence de la proximité historique des deux pays et sociétés et tient à la continuité des circulations et des mobilités, jamais interrompues depuis la fin du protectorat, dont les circuits touristiques ne sont finalement que la modalité la plus visible.

45Dans cette perspective, ces migrants français ne seraient pas le signe d’un phénomène nouveau, mais viendraient prolonger des mobilités invisibles auxquelles les sciences sociales ont négligé de s’intéresser parce que la migration y a été pensée et construite comme un problème, économique et social [King, 2002 ; Martinellio, 2004] et quasi exclusivement du point de vue des États récepteurs [Noiriel, 2010 ; Morokvasic, 1984]. Il s’agit ici au contraire de déplacer le regard et de voir les migrations comme un moment de formation, par la mobilité spatiale et territoriale, des classes moyennes. Ce déplacement du regard en implique un second qui tiendrait à interroger le phénomène colonial non plus trop exclusivement d’un point de vue politique et institutionnel, mais du point de vue des expériences de mobilité des acteurs.

Notes

  • [*]
    Directeur de recherche, CNRS, Centre d’analyse et d’intervention sociologiques (CADIS), Paris.
  • [**]
    Chercheuse contractuelle, EHESS, Centre d’analyse et d’intervention sociologiques (CADIS), Paris.
  • [1]
    La zone regroupe les provinces de Marrakech-Tensift-Al Haouz (Marrakech, Essaouira) et du Souss-Massa-Drâa (Agadir).
  • [2]
    « Rapport pour la Direction des études et des prévisions financières », DEPS/SAT, secteur du tourisme : bilan d’étape et analyse prospective, avril 2011, ministère de l’Économie et des Finances, Royaume du Maroc.
  • [3]
    Le RGPH (Recensement général de la population et de l’habitat) disponible quand nous commencions nos enquêtes était celui de 2004 (il est réalisé tous les dix ans). Il comptabilisait alors 51 435 étrangers (parmi lesquels 30 % de Français) concentrés dans les provinces du Grand Casa et Rabat-Salé-Zemmour-Zaër, puis celles du Souss-Massa-Drâa (Agadir) et de Marrakech-Tensift-Al Haouz.
  • [4]
    Cette recherche a été menée dans le cadre du projet Émergences, financé par la Ville de Paris, « Mobilités Nord-Sud : nouvelles mobilités migratoires de l’Europe vers le Maghreb », porté par le Centre d’analyse et d’intervention sociologiques de l’École des hautes études en sciences sociales. Les données ont été recueillies au cours de longs séjours de terrain (trois semaines par mois pendant un an) assortis de cinq séjours complémentaires au cours de la période.
  • [5]
    D. Rivet [2012]. Il est ici fait référence au phénomène de la protection consulaire décrit par M. Kenbib [1996]. Il existait en effet au Maroc, déjà avant le protectorat, des individus qui bénéficiaient d’immunités judiciaires et fiscales de par leur statut, réel ou pas, de protégés consulaires, de courtiers ou d’associés agricoles. Ce phénomène, initialement réservé au personnel diplomatique et à ses domestiques ainsi qu’aux négociants, s’est étendu, notamment par le biais du clientélisme, à différents corps de la société marocaine.
  • [6]
    L’émission Capital a été diffusée en août 1998 sur la chaîne M6.
  • [7]
    La tribu des Glaoua avait obtenu de la France le statut de « protégés ». Le sultan Moulay Hafid (1876-1937), qui régna jusqu’à son abdication devant le protectorat en 1912, nomma Thami El Glaoui, pacha de Marrakech. En d’autres termes, Le Glaoui devient le représentant du Sultan dans la ville de Marrakech dont il est par ailleurs chargé de l’administration. Chef de fil de la pacification du Maroc pour le compte du protectorat, sa nomination est reconduite par Lyautey en 1918.
  • [8]
    Nous ne disposons d’aucun chiffre, d’aucune donnée quantitative fiable concernant la population que nous étudions. L’informalité est générale, elle concerne aussi bien le statut d’étranger au Maroc, que l’activité professionnelle ou les statuts personnels.
  • [9]
    Il existe des associations, à Marrakech surtout, où les Français sont majoritaires, celle des « golfeurs » par exemple, comptant 188 membres dont 70 % d’Européens, celle des Amis de la musique de Marrakech, recouvrant en partie la précédente, créée par des résidents aisés de la Palmeraie pour organiser des concerts et des retransmissions en direct des spectacles du Metropolitan Opera de New York, celle de Marrakech Accueil, très liée au consulat, enfin une association italienne. Il existe aussi de manière informelle des « bandes », petits groupes d’amis liés à des lieux fréquentés ou des « leaders » pionniers : La bande du jardin Majorelle, celle du Djellabar, etc. Forme que l’on retrouve également à Essaouira, avec La bande de l’Océan ou celle du Taros. Mais aucune de ces agrégations ne réunit de façon large, expansive, les migrants de telle ou telle origine européenne.
  • [10]
    Ils sont une centaine dans notre échantillon.
  • [11]
    La définition donnée par Beccatini [1989, p 112] est la suivante : « Definisco il distretto industriale come un’entità socio-territoriale caratterizzata dalla compresenza attiva, in un’area territoriale circoscritta, naturalisticamente e storicamente determinate, di una comunità di persone e di una popolazione di imprese industriali. »
  • [12]
    Cette procédure ne concerne pas les Sénégalais, Tunisiens et Algériens, les conjoints de ressortissants marocains, les personnes natives du Maroc qui y ont résidé plus de 6 mois, les experts venus pour moins de 6 mois, les footballeurs, les artistes venus pour une durée inférieure à trois mois, les PDG et les détachés des entreprises, mais aussi, et surtout les gérants et actionnaires de sociétés ce qui explique que la plupart des ressortissants français créent des sociétés (dont la création n’est pas soumise à la détention d’un titre de séjour).
  • [13]
    Le taux de change varie entre 10 et 12 dirhams pour 1 euro.
Français

Cet article s’intéresse aux migrations françaises vers le Maroc. Aux « expatriés » mandatés par leurs États ou leurs entreprises, vivant à distance de la société locale et bénéficiant de privilèges socio-économiques institutionnellement garantis, se substituent des migrants, issus des classes moyennes, en partie affaiblies en France, qui négocient eux-mêmes, sans médiateur institutionnel ou économique, les conditions de leur mobilité. Cet article décrit les itinéraires de ces Français, les circonstances qui impulsent leur mobilité ainsi que les conditions dans lesquelles elles s’opèrent. Il met en évidence les conditions d’informalité qui marquent certaines de leurs expériences au Maroc ainsi que leur inscription dans un espace-temps transnational.

Mots-clés

  • migration européenne
  • expatrié
  • migrant
  • transnational
  • entrepreneur
  • mobilité
  • district touristique
  • Maroc

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Michel Peraldi [*]
  • [*]
    Directeur de recherche, CNRS, Centre d’analyse et d’intervention sociologiques (CADIS), Paris.
Liza Terrazzoni [**]
  • [**]
    Chercheuse contractuelle, EHESS, Centre d’analyse et d’intervention sociologiques (CADIS), Paris.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 22/02/2017
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