CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1 Au cours de ses travaux sur l’enfance, l’Observatoire du Changement Urbain (OCU)  [1] a mis en évidence l’ambivalence des autorités administratives et des policiers à l’égard des enfants de la rue [Rubbers, 2007a]  [2]. Les autorités administratives tiennent un double discours à propos des Shege (enfants de la rue), qu’ils présentent tantôt comme des délinquants à réprimer et à discipliner, tantôt comme des victimes à sauver et à protéger. Quant aux policiers, ils peuvent agresser, maltraiter et voler ces enfants, tout comme ils peuvent les aider et collaborer avec eux. Comment comprendre cette ambivalence des pouvoirs publics envers les enfants de la rue ? C’est à cette question que nous tenterons de répondre dans cet article en suivant deux orientations théoriques.

2 La première a pour ambition de développer une théorie de l’agencéité infantile, qui étudie les enfants comme des acteurs sociaux, capables de transformer leur milieu de vie, et non seulement comme des objets de discours ou des êtres en devenir [Amit-Talaï et Wulff, 1995 ; James, Jenks, Prout, 1998 ; De Boeck, Honwana, 2005 ; Wyness, 2006]. Ces auteurs entendent dépasser les étudeshistoriques sur la conception de l’enfance en Occident [Ariès, 1973 ; Cunnigham, 1995 ; Hendrick, 1997]. Ces exercices de déconstruction historique sont essentiels pour expliciter les présupposés et révéler les enjeux qui sous-tendent le discours des institutions de prise en charge de l’enfance. Mais ils tendent, en cherchant la quintessence d’un discours totalisant sur l’enfance, à passer sous silence la multiplicité des situations et la réflexivité des individus. En même temps, la littérature récente sur l’enfance tente de sortir du paradigme qui confine cette période de la vie au domaine de l’apprentissage, de la famille et de l’école, pour prendre en compte le rôle des enfants dans la société au sens large, dans l’économie ou l’espace public par exemple. Après tout, ils influencent aussi les adultes.

3 La deuxième orientation que nous voudrions suivre dans cet article entend apporter un éclairage complémentaire aux analyses « macro » consacrées à l’État en Afrique [Bayart, 1989 ; Bayart, Ellis, Hibou, 1997 ; Chabal, Daloz, 1999 ; Mbembe, 1999]. Adoptant une perspective à la fois comparative et historique, celles-ci esquissent des généralisations sur les logiques politiques à l’œuvre sur le continent africain, tout en veillant à les replacer dans leur profondeur historique. Ces essais apportent une contribution réelle à la compréhension du politique en Afrique. Mais ils nous apprennent peu de choses, en fin de compte, sur le fonctionnement des administrations au quotidien [Copans, 2001]. Pour aborder cet objet, il nous faut revenir à une approche plus ethnographique, mieux ancrée empiriquement et nécessairement plus localisée, des fonctionnaires, des services publics et des arènes locales [Bierschenk, Chauveau, Olivier de Sardan, 2000 ; Blundo, 2000, 2001 ; Blundo, Olivier de Sardan, 2001 ; Jaffré, Olivier de Sardan, 2003].

4 Notre analyse se base sur les terrains que O. Kahola a réalisés dans le cadre de deux enquêtes collectives de l’OCU. Conduite par 16 chercheurs, la première de ces enquêtes avait pour objet différents aspects de la criminalité à Lubumbashi, en particulier la gestion des plaintes dans les commissariats de police [Kaumba, 2003]. Au cours de cette recherche, O. Kahola [Kahola, Kakudji, 2003 ; voir aussi Kahola, 2006] a suivi le travail des policiers des services spéciaux de la ville pendant une semaine, de jour comme de nuit, ce qui lui a permis de mener des entretiens avec eux et de réaliser des observations sur leurs rapports avec les enfants de la rue. Compte tenu de l’omniprésence de ces enfants dans la routine des policiers, il s’est intéressé, dans un deuxième temps, à leur trajectoire de vie, à leurs activités économiques et sociales, et à leur relation avec les agents de l’ordre.

5 Conçue dans la continuité de cette première étude, la deuxième enquête collective, menée par 36 chercheurs dans dix agglomérations du Haut-Katanga, visait à dresser un portrait quantitatif, sociologique et géographique, des enfants qui vivent dans la rue [Kaumba, 2005]. Dans ce cadre, O. Kahola a soumis des questionnaires approfondis et mené des entretiens informels avec des enfants de la rue à Lubumbashi. Il a aussi pu observer leurs activités dans la rue pendant la journée et visiter leurs karemas (abris) pendant la nuit, deux espaces qui les confrontent régulièrement aux agents de l’ordre  [3].

6 Ces deux terrains nous permettront de cerner la dynamique des rapports entre les policiers et les enfants, et de mettre en perspective leurs points de vue respectifs. Après avoir traité de l’histoire sociale des ménages et de l’organisation des enfants de la rue à Lubumbashi, nous mettrons en évidence l’ambivalence des rapports que les autorités administratives et les policiers entretiennent avec les Shege. Ensuite, nous inverserons la perspective pour étudier la façon dont ces derniers réagissent aux comportements contradictoires des pouvoirs publics. Enfin, la conclusion tentera de répondre à la question de départ de cet article en faisant ressortir la dynamique globale des rapports entre autorités administratives, agents de l’ordre et enfants de la rue.

L’enfance au Katanga

7 Centre minier et ferroviaire créé en 1908, Lubumbashi est le chef-lieu du Katanga, une province qui fut longtemps le fleuron industriel du Congo-Zaïre [Fetter, 1976]. Trois événements eurent cependant raison de la prospérité de la ville dans la première moitié des années 1990 : la cessation des activités des grandes entreprises publiques qui avaient été le poumon de la région ; le pillage des manufactures et des commerces par l’armée et la population ; et l’expulsion violente des ressortissants du Kasaï, la province voisine, qui occupaient alors la majorité des postes à responsabilité dans le secteur public. La situation de disette chronique qui en résulta ne s’améliora pas avec l’avènement au pouvoir de L.-D. Kabila en 1997 car le pays dut faire face, à peine un an plus tard, à l’agression du Rwanda et de l’Ouganda. Cette guerre coupa le Katanga en deux et généra un afflux de réfugiés à Lubumbashi. Depuis 2003, le retour à la négociation politique, l’élection d’un nouveau gouvernement et l’arrivée des investisseurs ont permis une lente reprise des activités industrielles. Mais il reste encore à savoir si celle-ci bénéficiera à l’ensemble de la population lushoise, qui comptait plus de 1 200 000 habitants en 2001.

8 La baisse de l’emploi et des salaires au cours des années 1990 a provoqué une dégradation dramatique du niveau de vie des habitants de Lubumbashi, ce qui les a conduit à tirer profit de leur travail par des voies « informelles » et/ou à développer des activités indépendantes dans l’agriculture, le petit commerce et l’artisanat [Petit, 2003 ; voir aussi Rémon, Nkulu, 2006]. Compte tenu de la hausse relative du coût de l’inscription scolaire, des biens de consommation courante et des soins de santé, les parents ont rencontré des difficultés croissantes à répondre aux besoins de leurs enfants, ce qui s’est traduit par une augmentation des taux de déperdition scolaire, de malnutrition et de mortalité infantile. Aussi nombreux sont ceux qui, vivant dans une pauvreté extrême, ont dû mettre leurs enfants à contribution : les uns ont dû offrir leurs services comme manutentionnaires ou cireurs de chaussures ; les autres sont devenus des vendeurs ambulants de beignets, de cigarettes ou de sachets en plastique. Dans ce cas, les enfants ont acquis une nouvelle responsabilité économique et, partant, une nouvelle autonomie au sein de la famille, qui fut à l’origine d’une recomposition des rapports de force entre parents et enfants qui est encore en gestation aujourd’hui.

9 Il semble en effet que le modèle de la famille instauré par les autorités coloniales, qui investissait le père de la mission de pourvoir seul aux besoins du ménage avec un emploi et un salaire, est en train de se dissoudre [4]. Depuis que le père ne parvient plus à remplir ce devoir, l’évidence de son pouvoir est de plus en plus contestée par son épouse et ses enfants, qui ont gagné en indépendance à l’intérieur de l’unité domestique [Dibwe, 2001]. C’est un problème dont les intéressés eux-mêmes ont conscience, comme en témoignent leurs railleries à propos des exigences de « parité » formulées par les femmes, et leurs plaintes à propos du manque de « respect » des jeunes – une lamentation qui traduit avant tout, selon nous, le sentiment de perte d’autorité éprouvé par les hommes, époux et pères  [5].

10 Dans un contexte de précarité économique et sociale, cette réorganisation des responsabilités au sein du ménage génère des tensions qui risquent de mener à la séparation du couple ainsi que des parents et des enfants. On s’est en effet rendu compte que, quand ils ne sont pas orphelins, les enfants de la rue sont issus pour la majorité de familles pauvres, monoparentales ou recomposées, vivant en milieu urbain [Kaumba, 2005, p. 23-40]. Notons par ailleurs que la moitié des enfants de la rue à Lubumbashi ont un parent « kasaïen », une catégorie sociale qui a été victime de la politique « provincialiste » du gouverneur Kyungu Wa Ku Mwanza au début des années 1990 [Bakajika, 1997]. Les insultes, les agressions et les mesures d’expulsion dont les « originaires » de la province du Kasaï ont fait l’objet à cette époque ont été à l’origine de la rupture de nombreux ménages [Dibwe, 2001].

11 Pour fuir la pauvreté, les conflits familiaux et/ou la maltraitance, les Shege ont été amenés à quitter leur domicile et à partir vivre dans la rue. À notre sens, leur présence dans la rue témoigne de la crise de la norme de réciprocité entre générations dans les familles urbaines les plus pauvres, une rupture dont l’expression la plus explicite se trouve sans doute dans les accusations de sorcellerie contre des enfants : une partie des Shege de Lubumbashi ont été rejetés par leurs parents après avoir été accusés de sorcellerie [Kaumba, 2005, p. 38-40 ; voir De Boeck, 2000]  [6]. Cette rupture des générations remet définitivement en cause non seulement les discours qui vantent la solidarité africaine, mais également le modèle de la « richesse en hommes » qui caractériserait l’Afrique centrale [voir Guyer, 1993].

12 En 2003, l’OCU a recensé à Lubumbashi environ 2000 enfants dans la rue, qui travaillent dans la rue la journée mais qui rentrent chez eux le soir, et 700 enfantsde la rue, qui ont rompu de manière plus ou moins prolongée avec leur famille etvivent, travaillent et dorment dans la rue [Kaumba, 2005, p. 22]. Agés de 5 à 20 ans, ces derniers gagnent leur vie en exerçant diverses activités : la mendicité, la vente ambulante, le débardage, les services, le vol à la tire et, pour les filles, la prostitution. Outre l’alimentation, l’argent qu’ils gagnent est en grande partie consacré aux loisirs, en particulier au cinéma et à la drogue (chanvre, colle et alcool).

13 Organisés en petits groupes et en dyades extrêmement volatiles, les enfants s’entraident de manière ponctuelle pour résoudre un problème (prison, maladie, décès, etc.) ou faire face à une menace extérieure (agression, vol, viol, etc.)  [7]. Mais leur monde, dominé par les plus âgés et les plus forts parmi eux, est également marqué par la violence. Appelés Kapompa (garçons) et Kapomba (filles) ou Souverains, ces caïds infligent des tortures aux nouveaux venus pour les initier à l’univers de la rue. Ce « rite de passage » consiste, pour les garçons, à leur inciser la peau avec une lame de rasoir, à faire couler du plastique sur leur ventre, ou encore à les mettre dans un sac et à les rouer de coups. Pour les filles, il s’agit généralement de les violer ou de leur faire des attouchements sexuels. Au jour le jour, ces « grands » peuvent également intercepter des « petits » pour les battre et les dépouiller de leurs biens. Dans tous les cas, leur pouvoir physique – la loi de la rue – est gravé sur les corps.

14 Les enfants de la rue disposent de leur propre argot, qui dérive du kiswahili parlé à Lubumbashi, mais qui emprunte également des mots ou des tournures de phrase au lingala, au français, à l’anglais et aux langues du Katanga (luba, bemba, lunda, etc.)  [8]. Impliquant une créativité intense et originale, l’habileté à parler cet argot témoigne de la maîtrise du locuteur sur le monde social de la rue, c’est-à-dire de sa « force », de sa capacité à « voir clair » et de sa « ruse » [voir Petit et Mulumbwa, 2005]. Ce langage fonctionne ainsi comme un marqueur de distinction non seulement vis-à-vis de l’extérieur, mais également entre les enfants de la rue eux-mêmes. Ces enfants se différencient également par leur hexis corporel, souple et désinvolte, et leur adoption de sobriquets (Rambo, Terminator, Jet Lee, etc.). Ces formes d’expression, qui s’inspirent du rap américain, des films d’action et de la musique congolaise, manifestent l’influence de la vidéo et de la radio. Leur culture est à ces différents égards très proche de celle des creuseurs, avec lesquels ils entrent en contact à la mine et à la cité.

15 Chaque enfant possède un secteur, une zone où il exerce ses activités durant le jour, et un karema, un abri où il passe la nuit avec des pairs. Les secteurs se concentrent dans les lieux animés de la ville comme les marchés, les arrêts de bus et les débits de boisson. Quant aux karema, ils sont aménagés sur les étals de marché, dans les cabines téléphoniques ou sous les aubettes des magasins, quand ce terme ne désigne pas les refuges offerts par des individus ou des organisations. À la différence des bandes de Kinshasa, les enfants de la rue de Lubumbashi ne possèdent donc pas de territoire, comme une rue ou un quartier, qu’ils contrôleraient de façon durable [voir Pype, 2007]. Ils ne parviennent pas, en effet, à privatiser l’espace public [voir, pour un même constat, Lucchini, 1993, p. 76-77 et Pirot, 2004, p. 86]. Si la délimitation d’un secteur, par exemple, les autorise à en exclure les enfants concurrents, elle ne leur confère aucun pouvoir sur les adultes qui y transitent tous les jours. Dépourvus de lieu propre, les Shege se déplacent constamment d’un refuge à un autre, d’un quartier à un autre, voire d’une ville à une autre, manifestant ainsi un rapport instrumental à la rue. Loin de construire leur identité individuelle et collective autour de ces différents espaces, ils se contentent de les exploiter pour en obtenir des ressources. Leur occupation du territoire reste de ce fait nomade, partielle et temporaire.

Les autorités administratives

16 L’État se trouve dans l’incapacité de faire face à la multiplication des enfants de la rue. Avant les années 1970, la présence d’enfants vivant en permanence dans la rue était rare. Classés comme « vagabonds », ils étaient déférés auprès d’un juge qui se chargeait de les replacer dans une famille ou de les confier à un Établissement de Garde et d’Éducation de l’État (EGEE). À partir des années 1980, la diminution des budgets de l’État a directement touché les institutions en charge de l’enfance. La police et la justice, dont les agents étaient de plus en plus mal payés, ont cessé d’identifier et d’encadrer les « vagabonds »  [9]. Quant aux institutions de garde et de protection, elles ont dû abandonner leur mission faute de financements publics. Le phénomène « enfants de la rue » a donc pris de l’ampleur sans attirer l’attention de l’État.

17 Il faut souligner que, dans la continuité de l’héritage colonial, la prise en charge de la jeunesse au Katanga n’est pas conçue comme étant directement du ressort de l’administration, qui est avant tout responsable de l’ordre public, mais de celui des grandes entreprises et des missions catholiques. À Lubumbashi, la congrégation salésienne (Don Bosco) joua dès la période coloniale un rôle pionnier dans ce domaine, car elle fonda non seulement des écoles techniques et des mouvements de scoutisme pour les jeunes « désœuvrés » des quartiers « défavorisés », mais également des maisons d’accueil pour les « orphelins ». Aussi cet ordre religieux fut-il le premier à créer des refuges pour les enfants de la rue dans les années 1980, des institutions qui ont été réunies en 1998 sous la coupole de l’Œuvre de maman Marguerite.

18 Le thème des « enfants de la rue » n’est apparu dans le discours des pouvoirs publics qu’après avoir été hissé sous les feux de la rampe par les médias occidentaux et les organisations humanitaires au cours des années 1990. Cette nouvellepublicité, qui faisait des enfants des victimes de la pauvreté et de la violence, amena en effet des autorités administratives à s’apitoyer sur leur sort et à se présenter comme leur protecteur. Ainsi un édile local a-t-il développé une rhétorique misérabiliste comparant les Shege à des « enfants de Marie » (watoto wa Maria), c’est-à-dire bénis par Dieu, ce qui lui permit de se faire passer pour le « papa » des enfants de la rue et le défenseur des valeurs familiales. Cependant, ces discours des dirigeants sur les enfants de la rue ne furent pas accompagnés par des initiatives institutionnelles et des mesures légales. Ils pressèrent les organisations caritatives à venir en aide aux enfants, mais ne les assistèrent eux-mêmes que de façon ponctuelle, avec des cadeaux, dans la mesure du possible en la présence des journalistes [Kakudji, 2007].

19 Bien que l’élite politique ne se préoccupa guère de développer les institutions de protection de l’enfance, elle veilla très tôt à intégrer la « jeunesse » dans les structures du pouvoir (parti, administration, armée)  [10]. C’est que celle-ci constitue le groupe démographique le plus important de la société congolaise et offre, de ce fait, une base sociale à partir de laquelle les dirigeants peuvent étendre leur réseau clientéliste. Une fois organisée en milices et mobilisée pour un parti, elle représente aussi une arme puissante dans la lutte pour le contrôle de l’État  [11]. Mais les autorités administratives doivent en retour répondre aux aspirations des « jeunes » en leur obtenant un emploi dans l’appareil d’État, la voie principale de promotion sociale depuis 1960, faute de quoi ces derniers risquent de se retourner contre eux [voir Cruise O’Brien, 1996]. Comme le souligne A. Mbembe [1985], s’ils peuvent constituer l’avant-garde d’un mouvement politique, les « jeunes » peuvent également devenir des « vandales » et mener leur mentor à la capitulation. Ainsi se noue entrebig men et « jeunes » un rapport de réciprocité asymétrique qui permet aux uns de conquérir le pouvoir et aux autres de débuter une carrière administrative et politique  [12].

20 De même, les candidats au pouvoir ont recruté des enfants de la rue au cours des deux périodes de transition démocratique entre 1990 et 1997 et entre 2003 et 2006. Contre de l’argent ou des cadeaux, ils les ont utilisés pour gonfler le nombre des participants à leurs rassemblements, pour défiler dans la rue contre les mesures de l’autorité en place, ou encore pour les associer à une action de diffamation contre un adversaire. Lors des élections de 2006, les Shege ont ainsi été employés par Robert, un homme qui occupe une fonction importante aujourd’hui, pour coller ou retirer des affiches  [13]. Force one (14 ans) :

21

Je suis sympathisant de Robert. Il nous avait reçu au stade Mwanke pour nous sensibiliser à protéger ses affiches. Quand les autres sympathisants venaient afficher les photos de leurs candidats au côté du nôtre, je déchirais leurs affiches après qu’ils soient partis. Je le faisais parce que Robert nous donnait de l’argent et nous associait dans ses actions. C’est pourquoi tous les Shege étaient derrière lui.

22 La stratégie de Robert, candidat à la députation nationale, montre que les politiciens peuvent même confier aux enfants de la rue des opérations visant à perturber les meetings de leurs rivaux. Ainsi a-t-il payé des enfants de la rue de la commune Kenya pour porter des t-shirts de son rival Paul et assister au meeting de ce dernier à la Katuba, une autre commune de Lubumbashi. Lorsque Paul a pris la parole sur la tribune et demandé à la foule pour qui elle allait voter, ces enfants ont scandé « Robert », « Robert », « Robert ». Chassés par les organisateurs de la manifestation, les enfants ont changé de t-shirt pour arborer celui de Robert et pris des pierres pour les lancer sur la foule. Prise de panique, celle-ci s’est éparpillée, mettant ainsi fin au meeting de Paul.

23 Tout comme les jeunes militants, les Shege constituent donc une main-d’œuvre utile, sans scrupule et bon marché, pour mener une campagne électorale et conquérir le pouvoir. Cependant, leur situation est différente car, exclus de la société, ils n’offrent aucun point d’ancrage clientéliste aux politiciens entrepreneurs. Ceux-ci ne voient en eux qu’un instrument politique, et non une cible électorale, alors qu’ils trouvent chez les « jeunes » un tremplin pour étendre leur réseau social. De surcroît, les enfants de la rue ne disposent pas du capital culturel qui leur permettrait de prétendre à un poste de pouvoir au sein de l’État. À la différence des « jeunes », ils ne peuvent pas, de ce fait, entrer dans une relation de réciprocité avec des politiciens et leur promettre leur loyauté dans l’espoir d’une future promotion.

24 La marginalité des enfants de la rue constitue pour les dirigeants à la fois une source de pouvoir et de danger [Douglas, 2001 ; voir aussi Comaroff, Comaroff, 2000]. Dans la mesure où ils ne possèdent rien, les Shege peuvent s’acquitter de tâches dangereuses pour le compte des dirigeants et des candidats aux élections contre une rémunération symbolique. Il suffit en effet de vanter leur force et leur courage face aux épreuves du quotidien, et de leur faire des largesses individuelles ou collectives (don d’argent, distribution de nourriture, prise en charge d’un deuil, etc.). Mais la double exclusion des enfants de la rue des réseaux sociaux et des institutions politiques en font également une force incontrôlable, qui est susceptible de déborder les directives du pouvoir, voire même de se retourner contre les autorités en place. Ils peuvent changer de camp en fonction des circonstances et soutenir un adversaire plus généreux. Rien ne les empêche, par ailleurs, de marcher contre leur protecteur lorsqu’ils estiment avoir été abandonnés, et de ternir ainsi, par des injures et des chansons, son image en public.

25 Dans ce cas, le discours populiste qui assimile les enfants de la rue à des victimes (des enfants abandonnés) cède la place à un autre discours qui les présentent comme un danger pour la société (des jeunes délinquants), et des actions de répression sont menées contre eux, quitte à scandaliser les médias étrangers et les organismes humanitaires. Ce fut le cas en 2003 après que les Shege aient marchécontre les autorités administratives locales, suite au meurtre de l’un d’entre eux par un policier (voir infra). Un édile a alors dépêché les forces de l’ordre pour les chasser du centre-ville en les sommant de rentrer chez eux (sic). Les enfants ont dû se cacher durant trois jours avant de pouvoir réinvestir les rues du centre.

26 Mais ces mesures de « déguerpissement » contre les enfants de la rue ne font pas toujours suite aux attaques de ces derniers contre les pouvoirs publics. Elles sont également entreprises lorsque les dirigeants veulent réaffirmer leur autorité en traduisant leurs discours sur la sécurité, l’ordre et la salubrité par des actions exemplaires au centre-ville  [14]. Les Shege comptent parmi les principales victimes de ces opérations, non seulement parce qu’ils occupent une position marginale dans la société congolaise, mais également parce qu’ils occupent jour et nuit l’ancienne ville blanche, qui est l’espace de représentation du pouvoir par excellence [15]. Comme le rappelait un édile local, « Ici, au centre-ville notre Europe, nous n’acceptons pas la saleté et les voyous » (umu mu bulaya wantanshi yetu atupendi buchafu na bavoyou). Ainsi retrouvons-nous ici, dans la relation de l’État avec les enfants de la rue, l’ambivalence qui caractérise ses rapports avec le secteur informel : « Ce qu’il combat d’un côté, il l’entretient de l’autre » [Morice, 1985, p. 116 ; voir aussi Rubbers, 2007b].

Les policiers

27 La diminution des budgets publics, la dépréciation monétaire et la hausse du coût de la vie au cours des années 1990 ont gravement affecté le niveau de vie des policiers, au point que leur salaire est devenu insuffisant pour répondre aux besoins de leur famille. Pour faire face à cette situation, leur stratégie consiste à extorquer de l’argent à ceux qu’ils rencontrent au cours de leur ronde quotidienne en dévoyant leurs prérogatives régaliennes. Au poste, ils peuvent rançonner les plaignants, détrousser les prisonniers, monnayer les visites et garder les voitures des particuliers. En patrouille, ils peuvent voler les usagers, commettre des cambriolages et offrir leurs services de gardiennage. Dans tous les cas, ils jouissent d’une impunité totale tant que leurs méfaits ne compromettent pas la hiérarchie, comme en témoigne la fréquence des tortures et des viols dans les commissariats [Kaumba, 2003].

28 La relation des agents de l’ordre avec les enfants de la rue se caractérise avant tout, dans ce contexte, par la violence et la prédation [16]. Quand les enfants sont arrêtés suite à un larcin, ils sont fréquemment battus au poste de police. Dans la mesure où ils n’ont ni de quoi manger ni de quoi payer l’amende, ils représentent une charge pour les policiers, qui préfèrent les relâcher avant le délai légal poursaisir le parquet (48 heures). Mais les agents leur infligent au préalable, faute de sanction financière, des corrections corporelles. Bruce Lee (13 ans), qui a été arrêté pour un vol, relate son expérience :

29

Les policiers me connaissent bien. Ce que le vendeur ignorait, c’est que me faire arrêter, cela m'importe peu car je serai relâché aussitôt après le départ du plaignant, pour la simple raison que je suis vagabond. Au cachot, on ne garde que les prévenus qui reçoivent de la visite et de la nourriture de la part des membres de leurs familles. Moi, comme je n’en ai pas, je paie mes forfaits en recevant des coups de fouet. Si les policiers me gardaient plus longtemps, ils devraient partager leur repas avec moi.

30 Les policiers dépouillent également les enfants de leur maigre patrimoine matériel. Le jour, ils réquisitionnent la marchandise (beignets, cigarettes, sachets, etc.) des enfants qui vendent à la sauvette, que celle-ci leur appartienne ou non [17]. La nuit, ils font des descentes dans les karema pour voler leurs occupants. Ils débarquent en groupe à l’improviste au milieu de la nuit, réveillent les enfants en leur donnant des coups de pied, puis les somment de donner tout ce qu’ils ont sur eux. Ceux qui refusent reçoivent des coups de bâton avant d’être soumis à une fouille systématique. Ils raflent ainsi non seulement l’argent en possession des enfants, mais également leurs effets personnels (montre, ceinture, chaussures, etc.) : « Je déteste les policiers. Ce sont des grands voleurs. Si nous n’avons pas de beaux habits, ce n’est pas parce que nous sommes incapables de nous les procurer. Ce sont les policiers qui viennent nous les ravir », explique ainsi Mike Tyson (15 ans).

31 De la même façon, les policiers, dont la grande majorité sont des hommes, s’en prennent aux filles qui se prostituent la nuit sur les étals des marchés. Ils se cachent pour surprendre les clients pédophiles en flagrant délit et les arrêter pour attentat à la pudeur. Terrorisés, ces derniers donnent tout ce qu’ils possèdent sur eux aux policiers pour ne pas être jetés en prison et traduits en justice. Les agents de l’ordre peuvent également attendre le matin pour dépouiller les filles de leurs gains de la nuit. Celtel (15 ans) nous a ainsi raconté avoir été arrêtée avec deux amies par cinq policiers en patrouille sur le chemin entre deux marchés. Elles se sont vues ravir l’entièreté de la somme (10 000 francs congolais ou 20 dollars) qu’elles avaient péniblement gagnée cette nuit-là. Enfin, qu’ils prennent leur argent ou non, il arrive très fréquemment que les agents de l’ordre violent les prostituées.

32 Bien que les policiers se montrent en général brutaux avec les enfants de la rue, ils peuvent également être amenés à collaborer avec eux. C’est le cas quand ils désirent avoir des informations sur les méfaits qui ont été commis dans la « rue ». Le fait que les Shege vivent en permanence dans la rue laisse en effet les agents penser qu’ils savent tout ce qui se passe, de jour comme de nuit, dans le centre-ville. Mais obtenir ces renseignements implique en retour une gratification, celle-ci consistant en une partie du gain généré par l’opération réussie grâce à la collaboration des enfants. Ainsi, un soir vers 21 heures, O. Kahola voit venir vers lui, tous joyeux, un policier et un enfant de la rue. Ce dernier, qu’il connaissait, lui apprendque le policier lui a offert des mitshopo (chèvre grillée), de la chikwangue (pâte de manioc) et de la bière dans un bar pour la raison suivante :

33

Des bandits à main armée avaient dépouillé une maison au quartier Makomeno. Ils s’étaient cachés dans une cave du bâtiment du cadastre. Moi, je connaissais l’endroit et j’avais filé l’information au policier. Quand il est parti les traquer, les voleurs lui ont remis une grosse somme d’argent pour qu’il ne les dénonce pas. Pour m’encourager, il m’a donné 5 000 francs [13$] comme commission pour le service rendu.

34 Il arrive aussi que les policiers associent les enfants de la rue à des vols. Ceux-ci sont chargés de mener le cambriolage à bien, ce pourquoi ils sont avantagés en raison de leur petite taille, de leur rapidité et de leur agilité, tandis que les policiers mettent l’opération sur pied et écoulent la marchandise volée. Ainsi Anaconda (15 ans) a-t-il participé à un vol monté par des policiers. Avec trois camarades, il est entré dans les installations de la société des chemins de fer pour déplomber un wagon et emporter six sacs de fretin. De leur côté, les policiers se sont éloignés du train pendant que le forfait était commis puis, après que les enfants ont quitté les lieux, ils ont sonné l’alarme en tirant des coups de feu en l’air. Lors de la répartition du butin, les enfants impliqués dans ce genre de coup ne reçoivent en général qu’une maigre commission. C’est que, bien qu’ils prennent des risques plus élevés, leur marginalité face à la loi les place en position de faiblesse par rapport aux policiers.

35 À terme, un policier peut nouer un lien personnel avec un enfant, qu’il appelle alors son « petit ». Il le protégera de la prédation de ses collègues et le sortira officieusement du cachot s’il a fait l’objet d’une plainte par un citoyen. En retour, l’enfant pourra faire des courses délicates comme aller lui trouver une prostituée à la cité ou aller lui chercher du chanvre au camp militaire. Vampire (14 ans) parle ainsi de la relation de clientèle qu’il entretient avec un policier « rasta » :

36

Quand je vois le policier rasta, je me sens en confiance. Je peux tout faire et je sais qu’il me couvrira car je suis son petit de confiance. Dès qu’on m’arrête et qu’on me confie chez lui, il fera semblant de me conduire à la police et il me relâchera en cours de route. C’est mon vieux et il m’envoie dans ses différentes affaires.

37 Quand les uns et les autres y trouvent leur intérêt, la réciprocité négative qui caractérise de manière générale les rapports entre les policiers et les enfants de la rue peut donc se muer en une réciprocité plus équilibrée [Sahlins, 1972]. Lorsque ce type d’échange se répète entre un adulte et un enfant au fil du temps, il peut même se développer vers une sorte de relation de clientèle, moins calculatrice et moins éphémère. Cependant, dans la mesure où la stratégie des policiers et des enfants obéit avant tout aux circonstances, ces rapports interpersonnels demeurent extrêmement fragiles. Les uns comme les autres les sacrifieront sans scrupule pour saisir une nouvelle opportunité, et la réciprocité des services qui les sous-tendaient glissera de nouveau vers une réciprocité de coups.

Les enfants de la rue

38 Face aux violences policières, les enfants développent différentes tactiques de protection. Nombreux sont ceux qui évitent les karema isolés et cachés pour leurpréférer les lieux éclairés où les policiers risquent d’être découverts et dénoncés par des passants. Aussi ces espaces ouverts permettent-ils aux enfants, qui ont développé des codes pour lancer l’alerte, de voir les agents venir. Comparant ceux-ci à des serpents, ils distinguent parmi eux les vipères (muswewa), c’est-à-dire les agents dangereux, des espèces non venimeuses. Quand une « vipère » arrive à proximité d’un karema, les enfants crient biambo (asticot) pour avertir leurs camarades de quitter les lieux au plus vite.

39 Une autre tactique consiste à demander la protection des adultes de la rue (Kapompa) à même de se confronter aux policiers. Cependant, les enfants qui font ce choix évitent sans doute un mal pour un pire : ils devront rémunérer ces adultes en conséquence et subiront probablement leurs exactions en lieu et place de celle des agents de l’ordre. De même, les filles qui se prostituent sur les marchés peuvent solliciter le soutien de garçons plus âgés et plus forts qui joueront pour elles le rôle de maquereaux. Il leur faudra les gratifier par une commission sur leurs recettes ou par des services sexuels.

40 Enfin, les enfants de la rue peuvent amadouer les policiers en évoquant une origine commune et/ou en leur faisant des cadeaux propitiatoires. Quelques policiers furent eux-mêmes des enfants de la rue avant de s’enrôler comme enfants soldats (Kadogo) dans l’armée de L-D. Kabila, puis comme agents dans la police nationale. Connaissant personnellement le monde de la rue, ces agents peuvent protéger les enfants de leurs collègues, voire même les aider en leur donnant de quoi manger dans les moments difficiles. Autrement, les enfants peuvent essayer de s’attirer la bienveillance des fonctionnaires en leur offrant d’emblée une cigarette ou un billet de 100 francs congolais. Peut-être échapperont-ils ainsi à la rafle de tous leurs biens…

41 Ce qui précède pourrait donner à penser que les enfants représentent uniquement des victimes subissant les exactions policières. Loin s’en faut ! Lorsqu’un accord frauduleux n’est pas respecté, ils n’hésitent pas à recourir à la dénonciation. C’est le cas de Rambo (15 ans), qui estime avoir été lésé dans la redistribution du butin suite à un cambriolage dans un dépôt du quartier industriel. Faute de recevoir une compensation suffisante, il a dénoncé ses complices au responsable de l’entrepôt avant de quitter la ville pour se mettre à l’abri des représailles.

42 Les Shege peuvent aussi se venger contre les policiers des sévices subis par un des leurs. Ainsi, Commando (13 ans) raconte comment le viol d’une fille a mal tourné pour deux policiers au marché Kamalondo. Ceux-ci étaient parvenus à arrêter deux filles, tandis que les autres prostituées avaient pris la fuite pour demander du secours. Cinq Kapompa sont alors arrivés au marché pour découvrir un policier en train de violer l’une des filles, couverte de contusions. L’autre policier, qui montait la garde, n’avertit pas son collègue, mais partit aussitôt pour appeler des renforts. Lorsque ces derniers arrivèrent sur les lieux, le violeur avait presque été tué sous les coups des cinq garçons.

43 Les enfants de la rue ne sont pas davantage des marionnettes entre les mains des hommes politiques. En effet, s’ils peuvent offrir leurs services à des hommespolitiques, il leur arrive aussi de se retourner contre eux pour réagir face à l’exclusion dont ils font l’objet. C’est le cas, notamment, lorsque les dirigeants les font déguerpir d’un lieu ou rejettent toute responsabilité après une bévue policière. Ainsi Sida (14 ans) se rappelle que les Shege ont manifesté contre les autorités locales en 2004, en ce compris leur « papa » (cf. supra), après qu’un enfant ait été victime d’une exaction policière. Ils ont marché dans le centre-ville et, avec des pierres à la main, ont chanté en insultant les dirigeants et les policiers.

44 Les enfants de la rue peuvent également agir de leur propre initiative dans le domaine public. En 2006, ils se sont ainsi investis de la mission de faire respecter la morale machiste dans les rues de Lubumbashi. Inspirée par des actions similaires conduites dans le passé, la rumeur a couru parmi les Shege que le maire leur avait donné l’ordre de poursuivre les filles qui portaient des pantalons et de les déshabiller. C’est ce qu’ils firent dans le centre ville sous les yeux de la police, indifférente, en affirmant agir au nom du maire. Celui-ci a bien sûr dénié toute implication dans cette « opération » et appelé les enfants à la cesser immédiatement. Terminator (14 ans) reste néanmoins convaincu qu’il a bel et bien obéi aux ordres du maire :

45

Vieux, le maire nous a demandé de corriger les filles qui s’habillaient sexy parce qu’elles déshonorent notre culture. Comme c’est lui qui nous a demandé d’agir, nous l’avons fait. C’est pourquoi les policiers ne nous arrêtaient pas. Bien au contraire, ils s’éloignaient du lieu où nous déshabillions les filles.

46 Ce type d’action présente une forte dimension ludique, mais elle coïncide aussi avec la conception que les enfants ont de leur rôle dans l’espace public. Face à une administration corrompue et inefficace, ils aiment en effet à se présenter comme les représentants de l’ordre nocturne. Ce sont eux qui veillent sur la ville durant la nuit, de telle sorte que les policiers doivent faire appel à leurs services pour arrêter les criminels : « Moi, je suis le vrai État au même titre que les policiers. L’État est celui qui sécurise les biens et les citoyens pendant qu’ils dorment. C’est ce que moi je fais ! », affirme ainsi Jet Lee (15 ans). Aussi les enfants tendent-ils, comme le montre l’exemple de la chasse aux pantalons, à se considérer comme les garants des valeurs morales conservatrices, contre les excès du « modernisme » et du « féminisme ».

47 On voit ici apparaître l’ambiguïté des enfants vis-à-vis des normes conventionnelles. Tandis qu’ils s’adonnent eux-mêmes à des pratiques déviantes (violence, drogue, sexe, etc.), ils rejettent comme inacceptables le port du pantalon. Ils se prétendent les garants de la propriété privée des habitants et de la sécurité de l’espace public durant la nuit, mais ils volent les passants dans la rue et sèment le désordre dans les manifestations durant la journée. Pour reprendre l’expression de F. De Boeck et A. Honwana [2005], ils sont à la fois des makers et des breakers : ils refont la société en même temps qu’ils la défont dans un double mouvement conservateur et perturbateur. Loin de répondre à un agenda politique, ils retournent régulièrement leur veste, en faveur ou non des valeurs établies et des pouvoirs publics.

48 Au-delà du paradoxe, on pourrait expliquer cette ambivalence morale par l’opportunisme matériel et l’aventurisme ludique des enfants. Ces deux logiquesparticipent sans aucun doute de leur versatilité politique, tout comme elles sous-tendent leur nomadisme institutionnel et spatial  [18]. Après tout, les enfants motivent eux-mêmes cette inconstance, dans leur discours, par les profits et les excitations qu’ils peuvent tirer de la situation. Mais l’attitude ambiguë des Shege semble aussi et surtout procéder de leur recherche de liberté : elle renvoie, dans ce cas, à une posture de défiance face aux pouvoirs qui tentent de les contrôler. En changeant constamment d’allégeance, ils entendent échapper à l’emprise des autorités et ainsi affirmer leur autonomie sociale.

49 Cette interprétation est confortée par la façon dont les Shege expriment leur identité. Dans la mesure où ils se prennent en charge eux-mêmes, ils se distinguent des enfants qui vivent encore chez leurs parents. Ainsi Robocop (10 ans) compare-t-il ces derniers à des poulets d’élevage, et lui-même à un poulet sauvage (nkuku wa kisenji) : « Ce que je fais pour ma survie, vos poulets que vous gardez à la maison ne peuvent pas le faire. Ils attendent que tout leur soit donné par les parents. Moi, je suis un poulet sauvage : je n’attends rien de personne car je sais où gratter pour trouver à manger ». Les enfants de la rue de Lubumbashi se retrouvent encore moins dans l’image véhiculée par les médias occidentaux et les organismes humanitaires, qui les présentent comme des victimes à sauver et à protéger. Mettant l’accent sur leur autonomie, leur courage et leur débrouillardise, ils préfèrent, au contraire, être comparés à des soldats au combat. C’est pour manifester cette force martiale, notamment, qu’ils se donnent des noms d’acteurs de films d’action (Rambo, Terminator, Robocop, etc.). Tout comme ces héros, ils entendent agir sans que personne ne dicte leur conduite (ils sont indépendants), ce qui n’exclut pas la collaboration, et voudraient sortir victorieux des situations les plus critiques (ils sont invincibles).

Conclusion

50 Comment expliquer l’ambivalence des autorités administratives et des policiers envers les enfants de la rue ? On peut tout d’abord répondre à cette question par les intérêts antinomiques que les dirigeants et les policiers tirent de la marginalité des enfants en fonction de la situation. C’est en effet la marginalité desShege qui en font à la fois un instrument informel à manipuler, des victimes à sauver, des êtres insignifiants à bafouer et une force dangereuse à réprimer. Dès lors, les politiciens peuvent utiliser les enfants pour exécuter une sale besogne ou pour servir de faire-valoir médiatique, puis les réprimer pour répondre aux exigences de sécurité de la population. De même, les policiers peuvent collaborer avec les enfants pour arrêter des voleurs ou opérer des cambriolages, tout comme ils peuvent les agresser pour leur prendre leurs biens, voire pour se soulager sur le plan sexuel. Notons que, si ces pratiques contradictoires renvoient à des intérêtsmultiples (économiques, patrimoniaux, sexuels, etc.), ceux-ci sont sous-tendus par un même style de pouvoir autocratique, qui ne requiert aucune justification  [19].

51 Mais cette première réponse demeure partielle car elle voit dans les enfants de la rue des victimes ou des instruments du pouvoir, et non des acteurs sociaux à part entière. Or, comme nous l’avons montré ci-dessus, les Shege développent également un opportunisme ludique dans leurs rapports aux autorités. Plus même, ils revendiquent un pouvoir autonome qu’ils jugent potentiellement bénéfique pour la cité, une posture qui se manifeste par l’absence de toute constance en matière de conduite politique : ils peuvent moduler leur collaboration avec les services publics et les partis politiques, entreprendre des actions de façon tout à fait indépendante, et réagir violemment aux exactions dont ils sont l’objet. Les rapports entre les dirigeants et les agents de l’ordre et les enfants ne sont donc pas imposés unilatéralement, mais négociés au jour le jour.

52 On gagne alors à voir cette relation de manière dynamique comme un jeu de réciprocité qui change régulièrement de sens. L’opportunisme des enfants, des policiers et des politiciens appelle à la trahison de leurs rapports de coopération, de telle sorte que l’échange de services glisse très vite vers l’échange de coups et vice versa. Tout se passe comme si l’ambivalence des uns répondait, de manière plus ou moins automatique, à celle des autres. Nous sommes donc ici ni tout à fait dans une tectonique de la domination et de la résistance, ni tout à fait dans une logique de la connivence, mais plutôt dans un univers mobile qui se caractérise par une multitude de déplacements tactiques qui se répercutent les uns sur les autres. Du fait de la logique d’action des représentants de l’ordre et des enfants de la rue, la tension sous-jacente à leurs rapports est traversée par un courant alternatif, entre collaboration et confrontation.

Notes

  • [*]
    Assistant en sociologie, Observatoire du Changement urbain, Université de Lubumbashi, Route de la Kassapa, 1825 Lubumbashi, République Démocratique du Congo – olikah@yahoo.fr
  • [**]
    Chargé de cours en anthropologie, Institut des Sciences Humaines et Sociales, Université de Liège, 7, avenue du rectorat, 4000 Liège, Belgique – brubbers@ulg.ac.be.
  • [1]
    L’Observatoire du Changement Urbain est une structure de recherche qui s’inscrit dans le cadre de la coopération entre l’Université de Lubumbashi et les Universités francophones de Belgique. Créé à l’initiative de P. Petit et de J.-B. Kakoma en 2000, ce centre a, depuis cette date, mené des recherches sur différents aspects de la vie lushoise.
  • [2]
    Par autorités administratives, nous entendrons surtout le gouverneur du Katanga et le maire de Lubumbashi, bien que nous évoquerons également le cas des candidats à la députation provinciale et nationale qui remplissent des fonctions politiques ou administratives depuis les élections de 2006. En ce qui concerne les policiers, nous parlerons principalement des officiers et des agents de police judiciaire qui travaillent au niveau des services spéciaux de la ville, des commissariats et des sous-commissariats. Les autorités administratives et les policiers sont les deux principales catégories, parmi les représentants des pouvoirs publics, qui entrent en relation avec les enfants de la rue.
  • [3]
    Le terme karema, qui provient probablement du français « carrément », désigne le lieu où les enfants de la rue dorment la nuit.
  • [4]
    Il est difficile de distinguer clairement la rupture opérée par le modèle colonial de la famille vis-à-vis des modèles préexistants, compte tenu que nous manquons de sources pour reconstruire la façon dont le rôle du père, de la mère, et des enfants étaient définis au cours de la période précoloniale [Vaughan, 1983]. Mais une ethnographie comme celle de C. Doke [1931] sur les Lamba, par exemple, nous montre clairement que les femmes et les enfants contribuaient encore pour une part essentielle aux activités productives (agriculture, chasse, cueillette) au début du XXe siècle. Ce ne sera plus le cas dans le monde industriel et paternaliste des années 1930 [Fetter, 1976].
  • [5]
    Ces discours ont été fréquemment entendus par B. Rubbers dans le cadre de sa recherche en cours sur le devenir des anciens ouvriers de la Gécamines.
  • [6]
    Il arrive même que les enfants de la rue en général soient associés au monde occulte. C’est qu’ils circulent dans la ville durant la nuit, lorsque les sorciers sont supposés commettre leurs méfaits.
  • [7]
    À l’instar des enfants étudiés par R. Lucchini [1993, p. 81] en Amérique latine, « Ce qui semble exister, c’est une organisation mobile et changeante qui est elle-même une fonction des activités et des problèmes à résoudre : vol à la tire, consommation d’inhalants, recherche d’un support adulte, etc. (…). Ce sont les activités qui déterminent le mode d’association et non pas l’inverse ».
  • [8]
    G. Mulumbwa, chef de travaux en linguistique à l’Université de Lubumbashi, est en train de rédiger une thèse de doctorat sur le sujet.
  • [9]
    Les enfants de la rue qui commettent un crime grave peuvent être déférés au parquet et jetés en prison. Mais ce cas de figure demeure rare en raison de l’indigence des enfants : ils représentent un coût personnel pour les policiers, les juges et les autorités pénitentiaires sans offrir aucun avantage matériel en contrepartie.
  • [10]
    À la suite de Bayart, Mbembe et Toulabor [1992], la jeunesse est ici conçue davantage comme une catégorie politique que comme une catégorie biologique. C’est la raison pour laquelle les termes jeunesse et jeunes ont été mis entre guillemets.
  • [11]
    On se rappelle ainsi du rôle que la jeunesse a joué dans les troubles entre 1960 et 1965, dans la consolidation du régime Mobutu entre 1965 et 1990, ou encore dans l’expulsion des Kasaïens entre 1992 et 1993.
  • [12]
    La notion de big man est ici empruntée à J.-F. Médard [1992], qui l’utilise pour mettre l’accent sur la stratégie des politiciens entrepreneurs qui consiste à jouer sur la convertibilité entre capital économique, capital social et capital politique.
  • [13]
    Les prénoms utilisés ici sont des pseudonymes.
  • [14]
    Nous remercions un lecteur anonyme de Autrepart pour nous avoir suggéré cette interprétation.
  • [15]
    La majorité des enfants de la rue vivent au centre-ville, dans la commune Kenya et dans la commune Katuba. Outre certains lieux-dits réputés dangereux du centre-ville, ces deux dernières communes sont perçues comme les moins sûres de la ville [Kaumba, 2003]. Cette géographie subjective de l’insécurité a, dans le discours des personnes interrogées, un lien avec la présence des enfants de la rue dans ces espaces de vie.
  • [16]
    Cette relation répressive est justifiée par le discours officiel des autorités de police, qui présente les enfants de la rue comme des « délinquants », des « voleurs » et des « voyous ».
  • [17]
    Il arrive que des commerçants confient de la marchandise aux enfants de la rue.
  • [18]
    Les enfants rendent compte du fait qu’ils se déplacent continuellement d’une maison d’accueil à une autre par la meilleure ou moins bonne qualité des matelas et des repas offerts. Un enfant expliquera ainsi qu’il a quitté telle maison parce que le bukari (farine de maïs) n’était pas bon.
  • [19]
    Marqué par le modèle colonial, ce mode de gouvernance arbitraire fut déployé de façon extrême sous le régime Mobutu [Callaghy, 1980, 1984 ; Schatzberg, 1980, 1988].
Français

Basé sur des recherches de terrain, cet article tâche de comprendre l’ambivalence de la relation entre les pouvoirs publics et les enfants de la rue à Lubumbashi, en République Démocratique du Congo. Pour ce faire, il analyse tour à tour les discours et les pratiques des autorités administratives, des policiers et des enfants de la rue en tâchant de faire ressortir la dynamique de leurs rapports sociaux au quotidien. Il révèle ainsi la marge de liberté que les enfants de la rue réussissent à négocier dans l’espace politique de la ville, une force que les édiles locaux et les agents de l’ordre tentent en même temps de contrôler et de manipuler. Il apparaît alors que la relation entre les trois acteurs ressort moins d’une dialectique de la domination et de la résistance, ou d’une logique de la connivence, que d’un jeu de réciprocité, tantôt positif, tantôt négatif.

Mots-clés

  • domination
  • résistance
  • pouvoir
  • police
  • politique
  • enfants de la rue
  • Lubumbashi
  • Congo-Kinshasa

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Olivier Kahola Tabu [*]
  • [*]
    Assistant en sociologie, Observatoire du Changement urbain, Université de Lubumbashi, Route de la Kassapa, 1825 Lubumbashi, République Démocratique du Congo – olikah@yahoo.fr
Benjamin Rubbers [**]
  • [**]
    Chargé de cours en anthropologie, Institut des Sciences Humaines et Sociales, Université de Liège, 7, avenue du rectorat, 4000 Liège, Belgique – brubbers@ulg.ac.be.
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/03/2010
https://doi.org/10.3917/autr.047.0025
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