CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 La recherche d’une éthique dans les pratiques touristiques concerne surtout les relations entre, d’une part, les visiteurs et les voyagistes des pays occidentaux et, d’autre part, les hôtes des pays du Sud. Depuis une dizaine d’années, des chartes et des codes provenant aussi bien de gouvernements, de voyagistes, d’organisations mondiales que d’ONG ou d’associations  [1] visent à « moraliser » le comportement des voyagistes et des touristes qui se rendent dans les pays du Sud. Sur le terrain, des associations et des ONG de tourisme dit « solidaire » ou « responsable »  [2] mettent en place des formes de tourisme alternatif basé sur la découverte, la rencontre et le développement local. Ces formes de tourisme ont des fondements communs : contribuer au développement des populations d’accueil. Ce développement passe par la viabilité économique des projets et la maximisation des flux financiers en direction des populations d’accueil, la valorisation des patrimoines culturels et naturels des territoires concernés, ainsi que par « l’implication à tous les stades du projet des populations locales qui gardent la maîtrise des opérations liées à la mise en valeur touristique de leurs territoires, la minimisation des impacts négatifs tant sur l’environnement que sur les cultures » [Béville, 2004, p. 21].

2 Quant aux touristes, ils seraient, selon une étude récente  [3], de plus en plus sensibilisés au tourisme solidaire, même si ce marché, qui commence à s’organiser reste tout à fait marginal en France : entre 3 000 et 100 000 touristes par an selon les sources  [4]. Si ces chartes et ces codes ont longtemps fait l’unanimité, car ils participent fortement à la « conscientisation » des touristes et des voyagistes, elles sont, depuis peu, sources de débats et de critiques de la part des experts. Les principales critiques portent sur le caractère non contraignant de ces chartes et de ces codes qui engagent de fait très peu ceux qui les signent. Il est à l’heure actuelle difficile, voire impossible, d’évaluer l’application des principes annoncés dans les documents. Rien n’empêche donc certains voyagistes – même s’ils restent marginaux – d’utiliser le « tourisme solidaire » comme outil marketing pour attirer les « touristes éclairés » sans pour autant avoir une réelle démarche dans ce sens. C’est la raison pour laquelle les acteurs du tourisme solidaire souhaitent créer une sorte de label qui serait délivré en fonction d’une grille de critères, à l’exemple de celui de Max Havelaar pour les produits de commerce équitable.

3 Si Bernadette Ducret [2000, p. 52] reconnaît au Code mondial d’éthique le mérite « d’affirmer de grands principes et d’inciter à des prises de conscience susceptibles de favoriser l’émergence d’un tourisme respectueux des hommes, des cultures locales et de l’environnement, dans une tentative de conciliation du développement économique et de l’éthique », elle ne cache pas qu’il peut être considéré comme « un catalogue de la bonne conscience internationale ». Certains observateurs reprochent en effet aux touristes, aux voyagistes et aux organisations internationales d’acquérir une bonne conscience à moindre coût grâce à des chartes et à la mise en place de micro-projets « exemplaires » de développement par le tourisme, qui leur permettent « d’oublier » les enjeux globaux du tourisme et des échanges internationaux. Jean-Paul Céron et Ghislain Dubois [2002, p. 20] questionnent les problèmes des enjeux et des solutions qui résident dans ces initiatives liées à la problématique d’un tourisme « responsable ». Ils rappellent notamment que la possibilité d’un développement touristique dans les pays du Sud repose autant sur des politiques nationales d’incitation aux investissements, sur des choix d’infrastructures, sur la promotion et la commercialisation dans ces pays pour contrebalancer l’influence des grands tour-opérateurs du Nord, sur la formation ou l’accès aux technologies, que sur la mobilisation d’acteurs locaux avec l’aide des ONG. « Au delà de la bonne conscience du voyageur lorsqu’il visite une destination lointaine, une « éthique du tourisme » doit aussi se préoccuper de la manière dont le milliard de touristes internationaux supplémentaires que l’on attend dans les vingt prochaines années pourrait profiter à ceux qui en ont le plus besoin : les pays en développement. Or, tout se passe comme si, au nom des erreurs passées dans les pays du Nord, les acteurs impliqués dans ces pays, n’abordaient qu’avec réticence cette perspective. Le tourisme de masse, accusé de tous les maux, serait-il réservé aux destinations développées, les autres devant se contenter de micro-projets, certes exemplaires, mais sans doute non réellement à la hauteur des enjeux ».

4 Mais les principales limites de ces chartes et codes seraient dues à la multiplicité et à la diversité des acteurs qu’ils impliquent. Comment élaborer des règles qui soient acceptables pour des acteurs aussi différents que l’Organisation mondiale du tourisme, un pays du Sud, un voyagiste du Nord ? De nombreuses tensions sont à l’œuvre entre les cultures et les intérêts des différents protagonistes.

5 Il est par exemple reproché au Code mondial d’éthique d’énoncer des principes d’actions qui font référence à des valeurs qui n’ont pas forcément le même ordre de priorité dans tous les pays. Bernadette Ducret [2000, p. 52] rappelle l’existence d’approches différentes, voire d’affrontements de valeurs entre les pays qui considèrent que les droits de l’homme ou la sauvegarde du patrimoine naturel sont prioritaires et ceux qui privilégient le développement économique et l’éradication de la pauvreté. Les difficultés liées à la recherche d’un consensus international dans la détermination d’actions en référence à des choix de valeurs sont importantes. En effet, ces valeurs peuvent elles-mêmes faire l’objet de priorités distinctes suivant les pays, en fonction de leurs propres caractéristiques, socioculturelles, religieuses, ou de leur niveau de développement. Il s’agirait donc d’être vigilant, « du fait de l’orientation des flux touristiques, qui s’exercent le plus souvent dans le sens Nord-Sud (…), de ne pas faire percevoir d’éventuelles initiatives communes européennes comme émanant de pays donneurs de leçons ou parangons d’un nouvel ordre mondial ».

6 Les autres critiques sur ces chartes et codes concernent le conflit d’intérêts qui se révèle parfois entre la recherche d’une éthique de la part des organisations et leurs missions. L’exemple le plus flagrant réside peut-être dans le conflit d’intérêts qui existe entre la volonté de l’OMT de favoriser le développement durable à travers le tourisme et sa mission qui consiste à développer le tourisme. Or, qui dit développement du tourisme, dit accroissement du trafic aérien, qui contribue fortement à l’effet de serre. Il est ainsi reproché aux acteurs du tourisme de se focaliser sur l’échelle locale en oubliant volontairement de considérer l’échelle globale.

7 Au niveau international, les limites de la mise en place d’une éthique du tourisme à travers des chartes et des codes seraient donc dues, dans une large part, à quatre facteurs : caractère volontaire donc non contraignant de ces chartes, diversité des acteurs et de leurs valeurs, focalisation sur l’échelle locale au détriment des enjeux globaux, conflits d’intérêts entre la recherche d’une éthique et la mission des organismes.

8 L’étude d’une charte précise, élaborée par une ONG de développement, permet de rendre compte des difficultés liées à la recherche d’une éthique des pratiques touristiques et à son application sur le terrain.

9 Tourisme & Développement Solidaires (TDS) (voir encadré) est une association française de tourisme avec statut d’ONG de développement qui propose une forme de tourisme « responsable et solidaire ». TDS propose aux touristes des voyages « d’immersion dans un village africain »  [5] et a créé « un modèle fondé sur la vision d’un tourisme de rencontre et d’échanges dans des Villages d’Accueil africains et sur la responsabilisation de structures locales qui vont utiliser les fruits de cette activité pour leur propre développement »  [6]. TDS a formé les habitants de quatre villages au Burkina Faso et de deux au Bénin pour accueillir, par petits groupes, environ 300 touristes par an. Le village de Doudou, en pays gourounsi au Burkina Faso, a été le premier à accueillir des touristes français par l’intermédiaire de TDS en 1999. Trois ans après, une « charte du tourisme en Village d’accueil TDS » est créée. Cette charte – contrat tripartite signé par TDS, les villageois et les touristes – comprend 23 « articles » répartis en trois paragraphes : « les engagements des Villages d’Accueil », « les engagements du voyageur », « les engagements de TDS ». Elle est inscrite dans la brochure de l’association, remise aux touristes avant leur départ (elle est également téléchargeable sur le site internet de TDS : http:// www.tourisme-dev-solidaires.org/qui/charte.htm). Il semble que l’idée de création de cette charte provienne aussi bien des dirigeants de TDS que des villageois de Doudou  [7]. Selon Pierre Martin Gousset, co-fondateur de TDS, l’idée de la création d’un « code de bonne conduite » était inscrite dès le début dans le projet de l’association, mais ses dirigeants souhaitaient associer les villages à son élaboration. La volonté d’établir des règles de conduite est venue des Doudoulais qui ont été confrontés à un problème avec un touriste (plus ou moins exhibitionniste) lors des premiers séjours. D’après TDS, c’est cet événement qui a provoqué la mise en place de la charte et de l’accompagnateur l’année suivante.

10 Même si les acteurs, les enjeux et les contextes d’élaboration des différentes chartes sont profondément différents, il est intéressant de noter que dans la charte de TDS, on retrouve quasiment les mêmes thèmes [8] que dans le Code mondial d’éthique du tourisme élaboré par l’OMT en 1999, à savoir :

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  • Respect : respecter les traditions. Se garder de tout comportement ressenti comme choquant ou blessant par les populations locales. Respect de l’environnement.
  • Information : touristes comme autochtones doivent s’informer des us et coutumes des uns et des autres pour ne pas risquer de se heurter mutuellement. Pour cela, les visités seront formés et les visiteurs seront informés avant leur départ.
  • Épanouissement, rencontre interculturelle : le tourisme, moyen privilégié de l’épanouissement individuel et collectif, auto-éducation personnelle, tolérance mutuelle et apprentissage des différences légitimes entre peuples et cultures, de leur diversité.
  • Développement durable : sauvegarder l’environnement et les ressources naturelles, étalement dans le temps et dans l’espace des touristes.
  • Valoriser le patrimoine culturel : ex. l’activité touristique doit être conçue de manière à permettre la survie et l’épanouissement des productions culturelles ainsi que du folklore et non à provoquer leur standardisation et leur appauvrissement.
  • Participation et répartition équitables : les populations locales sont associées aux activités touristiques et participent équitablement aux bénéfices économiques, sociaux et culturels qu’elles génèrent, et spécialement aux créations d’emplois directs et indirects qui en résultent.
  • Sécurité : santé, rapatriement.

12 Ghislain Dubois et Jean-Paul Céron identifient quatre filiations idéologiques aux conceptions de l’éthique liée au tourisme (filiation professionnelle, mouvement écologique, environnementalistes, développement local). Si l’on s’en tient à cette classification, la filiation idéologique de TDS semble s’inscrire dans celle du développement local « mouvement issu à la fois d’une volonté décentralisatrice technocratique, animée en particulier par la DATAR, et de divers mouvements : régionalistes (attachés à la décentralisation), néo-ruraux issus de mai 1968, courants remettant en cause le productivisme agricole. L’éthique est ici très axée sur l’identité, le patrimoine, le contact » [Céron, Dubois, 2000, p. 20]. Ces experts notent d’ailleurs qu’en fonction de leur catégorie, les acteurs susceptibles de participer à l’élaboration d’une éthique dans le tourisme, possèdent leur propre vision et leur propre champs d’action. Ils estiment ainsi que les associations et les ONG possèdent un arrière plan tiers-mondiste et focalisent d’abord leur attention sur le rapport aux sociétés locales. On peut donc s’attendre à ce qu’elles tentent de cadrer les comportements des touristes et des opérateurs privés, de façon à éviter la déstructuration des sociétés locales, avec des normes pouvant conduire à préconiser des limitations plus ou moins sévères de l’activité touristique. Elles insisteront également sur un partage plus équitable des bénéfices du tourisme, c’est-à-dire beaucoup plus favorable aux sociétés locales, ainsi que sur une maîtrise locale du développement touristique.

13 Sans pousser plus avant dans la démonstration de l’affiliation idéologique de l’éthique présente dans la « charte du tourisme en Villages d’Accueil TDS », il apparaît important de souligner que cette charte, loin de « tomber du ciel » est fortement imprégnée d’idéologies provenant de différents mouvements de pensée occidentale et participe à la construction de la légitimité du tourisme solidaire à travers notamment un certain registre du lien avec la population locale  [9].

14 Ces idéologies, qui tendent à régir sur le terrain les relations entre visiteurs et visités notamment à travers la charte, permettent de mieux comprendre les tensions qui sont à l’œuvre entre les différents protagonistes de la rencontre : TDS, les touristes et les villageois. En effet, si la recherche d’une éthique dans le tourisme commence à faire l’objet d’études  [10], la façon dont est appliquée cette éthique sur le terrain par les différents acteurs est peu connue. L’idéologie ayant trait au « développement local » tel que le conçoit TDS est structurante de la « charte du tourisme en Villages d’Accueil TDS » et apparaît en filigrane dans plusieurs articles de cette charte (notamment ceux concernant les cadeaux et le fonctionnement collectif). Cette idéologie représente également le principal point d’achoppement entre TDS, le personnel du campement touristique et les touristes. L’observation participante dans le village de Doudou [11], et l’analyse des interactions entre les différents acteurs [Goffman, 1973] permet de montrer de quelle façon les protagonistes de l’accueil touristique s’approprient, adaptent, détournent ou rejettent les « règles de conduite » en fonction de leur propre conception du « développement »  [12] mais aussi de leurs intérêts.

15 Sans entreprendre ici une « anthropologie du développement », il est cependant intéressant de souligner qu’à l’instar de la « rencontre touristique », le « développement » a comme particularité de faire se rencontrer des acteurs sociaux issus de mondes très divers. Leurs statuts professionnels, leurs normes d’action, leurs compétences, leurs ressources cognitives et symboliques, leurs stratégies diffèrent considérablement [Olivier de Sardan, 2002, p. 758].

Une charte à l’épreuve d’un séjour

16 Les touristes que nous avons suivis, et dans leur grande majorité, ceux qui partent avec TDS, perçoivent la « charte du tourisme en Village d’Accueil TDS » qui leur est remise avant leur départ, comme une « aide » sur la conduite à tenir, même s’ils la considèrent parfois comme trop présente dans les relations entre touristes et habitants. Du côté des habitants, en revanche, les articles de cette charte concernant le « développement » en général et les « cadeaux » en particulier, fait l’objet de vifs débats. Les différences de représentations des différents acteurs concernant le « développement local » s’observent à travers l’application sur le terrain de plusieurs articles de cette charte. En confrontant ces articles de la charte  [13] avec les observations et les entretiens menés auprès des touristes et des habitants du village  [14] lors d’un séjour à Doudou, il devient possible de rendre compte des difficultés d’application des règles tendant à « moraliser » le tourisme. L’analyse de l’appropriation, du détournement ou du rejet de ces règles par les différents protagonistes de la rencontre touristique – que ce soient les touristes, les habitants ou TDS – permet de mieux comprendre les décalages de représentations qui existent entre les discours et les textes produits sur « la morale » de la rencontre touristique, et leur appréhension par les différents acteurs.

Des cadeaux empoisonnés pour les uns, manipulés par les autres

17 Deux articles de la charte demandent aux touristes de ne pas faire de cadeaux, et aux habitants de ne pas en demander, afin de préserver la « cohésion sociale des communautés villageoises ».

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  • (…) Le don matériel ou financier, surtout s’il est individuel ou prémédité, est totalement déplacé : il dénature la valeur même de l’échange, contrevient à l’esprit de la démarche, crée des dépendances et des besoins, suscite des jalousies et la mendicité ou provoque la démobilisation. En conséquence, le voyageur s’abstient de tout cadeau tout au long de son séjour.
  • Pour (…) préserver la cohésion sociale des communautés villageoises, les villages d’Accueil sensibilisent et veillent à ce que ses membres ne sollicitent pas les voyageurs pour recevoir à titre personnel un don matériel ou financier.

19 Cette règle de la charte fait l’objet de polémiques. Pour TDS, le « cadeau » est « la traduction la plus manifeste des dérives des formes traditionnelles de tourisme en Afrique et dans les pays du Sud, d’une relation du touriste avec les autres lorsqu’ils sont dans un contexte économique faible. Une relation extrêmement déstabilisante pour les sociétés locales ». Selon Pierre Martin Gousset, le cadeau nierait la valeur du travail, ainsi que toutes valeurs, car il serait donné le plus souvent à mauvais escient, sans conscience, pour se dédouaner. En plus de fausser la relation entre le touriste et la population en créant « immanquablement des distorsions entre ceux qui sont en contact avec les touristes et ceux qui ne le sont pas » – le cadeau serait l’une des causes principales du « mal développement ». En revanche, TDS ne se montre pas opposé au fait que les touristes, une fois revenus en France, adressent une aide ou un don au village par le biais de la CVGT (Commission Villageoise de Gestion des Terroirs). Pierre Martin Gousset pense en effet que les touristes ne seraient pas en mesure sur place de faire un don approprié, car « l’affectivité, l’émotivité est très grande de la part des gens. C’est une position très difficile à tenir ».

20 Les touristes semblent adhérer à cette règle et pensent comme TDS que s’ils ne s’y pliaient pas, les villageois seraient forcément amenés à mendier et que cela créerait des rivalités dans le village. Pourtant, la plupart des touristes ne peuvent s’empêcher de « jouer aux bienfaiteurs », en allant par exemple apporter des bonbons à l’école, ou bien des cahiers et des stylos, ou encore en finançant la réparation du métier à tisser d’une villageoise pour pouvoir profiter de cette « activité », ou de donner de l’argent pendant des funérailles pour offrir un fût de dolo (bière locale). Ils s’appliquent à respecter cette règle mais n’y parviennent pas tout à fait, comme si le fait d’avoir payé leur voyage et de savoir que les bénéfices iront au développement du village ne leur suffisait pas. Ils veulent donner « quelque chose en plus », comme pour soulager leur culpabilité d’être occidentaux, comme pour s’excuser d’être là en tant que touriste, justifier leur venue par un don supplémentaire. Si le cadeau pour les touristes constitue souvent le règlement d’une culpabilité, il prend également la forme d’un acte d’autorité entre touristes. Il existe en effet une véritable pression implicite du « don » de la part des touristes qui souhaitent donner, envers ceux qui hésitent ou sont réticents. Les initiateurs, qui sont toujours les mêmes, demandent donc publiquement aux autres touristes s’ils sont d’accord pour faire un don sur la caisse collective (les touristes en début de séjour ont tous mis de l’argent en commun pour payer les frais courants), ce à quoi les touristes hésitants ne peuvent refuser, sous peine d’être considérés par l’assistance comme des « avares » ou des « égoïstes ». Ainsi, le cadeau des touristes aux villageois peut être analysé aussi bien comme servant à se libérer d’une culpabilité, à exercer un pouvoir sur les autres touristes mais aussi à se mettre en valeur vis-à-vis des tiers et de soi-même.

21 Du côté des villageois, certains reprochent à TDS de « freiner le développement du village » en interdisant les cadeaux. Contrairement aux fondateurs de TDS, les guides et personnels du campement touristique pensent qu’interdire les cadeaux, c’est « tuer la relation »  [15] : « tout le monde se fait des cadeaux en Afrique, c’est culturel. Si un enfant offre un oignon à un voyageur, est-ce qu’il va le refuser ? Ce sont des marques d’amitié et de reconnaissance. Si on interdit les cadeaux, les villageois vont en avoir marre, ils vont se dire, je laisse tomber, ceux-là ils ne valent pas le coup, ils sont pauvres. Et puis les rivalités et la jalousie, elles existent de toutes façons, on a pas attendu les touristes pour cela. C’est chacun sa chance ». Plusieurs membres du personnel du campement, que ce soit de Doudou, de Zigla ou de Koïrézéna, estiment que le chapitre sur les cadeaux n’a pas fait l’objet d’une réelle concertation avec les villageois mais a été « terminé en France par TDS ». Quant aux habitants, s’ils admettent pour la plupart que la distribution de cadeaux individuels créeraient des problèmes au sein du village, beaucoup en veulent à TDS d’avoir institué cette règle. Ils la rejettent et la détournent. Les guides et les animateurs ne demandent en effet pas de « cadeaux » aux touristes, mais ont créé pour certains une stratégie qui consiste à sympathiser avec un touriste pour ensuite lui demander de l’aider pour un « projet personnel » : construction de puits, élevage de volailles, financement d’une tournée musicale, etc.

22 Ainsi, la règle de la charte concernant les cadeaux est détournée aussi bien par les visiteurs que par les visités. D’un côté les visiteurs ne peuvent s’empêcher de jouer aux bienfaiteurs en distribuant des cadeaux plus ou moins collectifs, de l’autre certains visités ne demandent pas de cadeaux mais sollicitent les voyageurs pour des « projets personnels », qui disent-ils, profitent mieux au développement du village que les projets collectifs.

Deux visions opposées du développement : collectif pour TDS, individuel pour les habitants

23 La notion de « développement collectif » se retrouve dans les règles de la charte du tourisme en village d’accueil. TDS conçoit le tourisme comme un levier de développement collectif.

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  • Les Villages d’Accueil organisent et animent collectivement une activité d’échanges et de rencontres à vocation touristique qui valorise leur culture, leurs traditions, leur patrimoine et leur environnement dans un esprit d’ouverture vers l’Autre et le souci d’un développement durable des communautés villageoises et de leurs terroirs.
  • Les villages d’Accueil réinvestissent les bénéfices moraux et financiers tirés de leurs activités touristiques dans des actions et projets collectifs contribuant au développement durable des communautés d’accueil.
Ils veillent à une redistribution équitable des revenus dégagés par le financement de ses activités : juste rétribution du personnel d’accueil et des services et produits achetés, priorité à valeurs équivalentes aux productions et prestations locales, etc.

25 Pour TDS, la dimension « solidaire » du tourisme mis en place dans ces villages réside notamment dans le fait que les bénéfices engendrés par l’accueil touristique doivent financer des projets collectifs, destinés au mieux-être de tout le village. TDS s’est efforcée de mettre en place un système de gestion « démocratique et collective » des bénéfices du tourisme, notamment à travers la Commission Villageoise de Gestion des Terroirs (CVGT), afin « d’éviter que seulement quelques familles profitent du tourisme ». Cette règle est plus ou moins appliquée à Doudou. Si les besoins en termes de développement ont été définis en concertation avec les villageois dans le cadre d’un plan villageois de développement, il apparaît en janvier 2004, après cinq ans d’accueil touristique avec TDS, que de plus en plus de voix dissonantes se font entendre à ce sujet. Certains villageois se demandent par où le développement doit commencer, et que « c’est bien beau de construire des écoles et des dispensaires si les villageois n’ont pas les moyens d’y envoyer leurs enfants et de s’y faire soigner ». Pour certains villageois, le développement qui passerait par les groupements villageois ne peut pas fonctionner et la solution résiderait donc dans le financement de projets personnels :

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Un habitant : Si on œuvre dans des projets personnels, il y aura plus de développement à Doudou que si on dit de travailler communément. Nous avons eu beaucoup d’années où on a essayé de mettre des groupements en marche, féminins comme masculins : dans la mentalité africaine, ça ne marche pas. Il y en a qui partent pour des funérailles pendant plusieurs jours, alors ceux qui restent tous seuls à travailler, ils sont découragés. Alors que les projets personnels servent pour tout le village. Cette année nous avons eu des gens qui ont fait du jardinage, ils ont donc pu acheter des mobylettes, ont construit leur propre maisonnette en tôle, peuvent acheter de quoi manger, se soigner, inscrire leurs enfants à l’école : c’est du développement. Moi si je n’ai pas de mobylette, je pars voir un ami, c’est à moi de fournir l’essence et c’est tout. Alors que si on disait de faire ensemble, on ne pourrait même pas acheter une mobylette. Et à la longue il suffit que les gens aient des projets personnels. Par exemple aider le projet d’un vétérinaire qui veut soigner la volaille à Doudou, c’est un développement pour tout le village.

27 Or, le développement à travers des « projets personnels » a toujours suscité la méfiance et la désapprobation de TDS, qui redoute que par ce biais, les bénéfices du tourisme ne profitent pas à tout le village mais seulement à quelques personnes. TDS ne se montre pas non plus favorable au « saupoudrage des fonds » pour de multiples petits projets, même « collectifs », et privilégie les réalisations « concrètes » : construction d’un logement pour un enseignant, construction d’un pont, équipement du dispensaire, etc. Il est difficile de déterminer si la vision du développement de TDS provient seulement des courants idéologiques évoqués ci-dessus, ou répond à la nécessité de présenter des projets « en dur » aux touristes et aux anciens touristes qui veulent savoir à quoi sert leur argent… ou bien encore si cette vision rend plus facile la gestion et le contrôle de l’utilisation des bénéfices liés au tourisme.

28 S’il est vrai que des infrastructures collectives ont bien été construites dans le village grâce en partie aux bénéfices liés à l’accueil touristique, les responsables du campement touristique semblent détourner régulièrement cette règle en utilisant l’argent de la caisse de la CVGT pour résoudre des problèmes ponctuels : paiement d’une ordonnance médicale, achat de vaccins, accueil du préfet. Avant l’arrivée de TDS, lorsque le préfet annonçait sa visite à Doudou, tous les habitants se cotisaient pour lui réserver le meilleur accueil. Depuis qu’il existe une caisse à la CVGT qui contient l’argent des bénéfices du tourisme, il semblerait que les anciens du village et le gérant du campement touristique financent cet accueil avec la caisse, pour éviter de demander aux Doudoulais de se cotiser. Ainsi, le détournement de la règle concernant le « fonctionnement collectif » de la part des villageois proviendrait en partie d’un désaccord avec TDS sur la notion de « développement ». Pour TDS, le développement est « durable » et consiste à construire des infrastructures collectives. Pour les villageois, accueillir le préfet, financer un projet personnel, payer une ordonnance « c’est aussi du développement pour le village ».

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Un habitant : Quand il y a un préfet qui arrive à Doudou et qu’on enlève l’argent [de la caisse de la CVGT] pour l’accueillir, je ne trouve pas ça mauvais. Parce que chez nous au Burkina, tout ça rentre dans le cadre de la corruption, si on a un problème on peut le résoudre au niveau de la préfecture. Si on accueille très bien le préfet à Doudou, il cautionne Doudou, et quand on arrive pour demander quelque chose, on est prioritaire. Donc bien accueillir le préfet, c’est du développement pour le village.

30 Les artisans du village ne semblent également pas adhérer totalement à la règle selon laquelle les habitants doivent organiser et animer collectivement une activité d’échanges et de rencontres à vocation touristique qui valorise leur culture. De nombreuses activités avec les artisans sont prévues au cours du séjourdes touristes : initiation à la poterie, à la vannerie, à la sculpture sur bois. Ces activités demandent habituellement du temps aux artisans qui montrent leur savoir faire au cours de plusieurs séances. On peut penser que les artisans du village sont dédommagés de ce travail par la vente de leurs pots/paniers/objets en bois (dont une partie du prix revient à CVGT), suivant le principe de développement collectif : tout le monde travaille à l’accueil des touristes pour tout le village et non pour s’enrichir personnellement). Pourtant, lors du séjour à Doudou auquel nous avons participé, les artisans étaient systématiquement absents lorsque les touristes se sont rendus chez eux. Il est apparu ensuite que ceux-ci, lassés de passer du temps avec les touristes et n’y trouvant pas leur compte, ont demandé – et obtenu – auprès du responsable du campement touristique, une somme d’argent pour chaque séance avec les touristes. Cet événement montre que la règle de la charte concernant le développement collectif a été rejetée par les artisans.

31 Par ailleurs, les touristes ont remarqué que les prix des tissus sur les marchés étaient multipliés par deux ou par trois lorsque les guides les accompagnaient et en ont déduit que ces derniers prenaient une commission sur leurs achats. Cette pratique, courante dans les pays du Sud, a pourtant choqué la plupart des touristes qui ne s’attendaient pas à la retrouver dans le cadre d’un « tourisme solidaire » encadré par une charte « de bonne conduite ». Contrairement aux artisans qui ont rejeté clairement la règle de la charte liée au « fonctionnement collectif », les guides n’ont pas exprimé leur désaccord par un rejet explicite, mais ont procédé à un détournement implicite de cette règle.

Rencontre avec l’ « Autre » : les guides s’accaparent la relation avec les touristes

32 L’une des règles de la charte de TDS stipule que les « Villages d’Accueil » doivent tout mettre en œuvre pour favoriser la rencontre entre touristes et villageois.

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– Les Villages d’Accueil répondent aux attentes des voyageurs pour découvrir les réalités de vie des communautés villageoises et de leur terroir ; pour cela, ils impulsent et facilitent au maximum des échanges et des rencontres de qualité entre les voyageurs et les villageois ainsi que toute initiative ou animation allant dans ce sens.

34 Les guides et les animateurs chargés de l’accueil ont été formés – d’abord par un technicien TDS, puis par un consultant burkinabé – pour savoir quels éléments de leur culture et de leur patrimoine mettre en avant et comment les présenter aux touristes. Les guides ont réalisé un travail de recherche, en allant par exemple voir les anciens du village pour connaître l’histoire de la fondation de Doudou. Ils ont établi avec le formateur un programme de visites afin que les touristes puissent mieux appréhender le quotidien du village : rencontre avec les instituteurs, avec les représentants de la CVGT, avec le chef de terre et le chef du village, avec des femmes qui montrent la fabrication de produits locaux, avec des artisans, visites sur le marché, visite de la grotte sacrée, promenades dans la forêt de baobabs. Les guides et les animateurs du campement touristique se sont appropriés cette règle de la charte qui incite le personnel à répondre aux attentes et questions des touristes sur la vie du village, et l’appliquent dans la réalité. Ils vont même au-delà de l’attente de TDS en jouant leur rôle de guide « en dehors de leurs heures de travail ». Par exemple, lors d’une visite inopinée de quelques touristes tard dans la nuit à l’Église pentecôtiste où avait lieu un grand rassemblement religieux, un guide présent dans la foule est venu traduire les paroles du prêtre et expliquer aux touristes le déroulement de la cérémonie. En revanche, s’ils servent de médiateurs entre les touristes et les autres villageois en traduisant le Lélé en Français, il apparaît qu’ils ne favorisent guère les échanges entre les touristes et certaines catégories de villageois. Les guides évitent par exemple que des femmes soient seules en présence des touristes, et en dehors de la cuisinière ou des institutrices, les touristes n’en n’ont pas rencontrées. Les Doudoulais interrogés expliquent que dans leurs traditions, « une femme doit toujours rester sous le regard d’un homme ». Ils expriment également à demi-mot leur crainte de voir leurs femmes courtisées par des touristes, car ils prêtent à ces derniers des mœurs quelque peu dépravées. Les guides font également barrage aux enfants qui veulent entrer dans le campement touristique, « pour ne pas qu’ils dérangent les touristes », disent-ils. Quelques-uns de ces enfants se sont plaints par le passé de leurs conditions de vie auprès des touristes. Il semble que les guides fassent souvent obstacle à l’échange entre les touristes et les autres villageois, et ce pour plusieurs raisons : ils veulent d’abord contrôler la situation, pour le bien-être des touristes (afin qu’ils ne soient pas importunés ou harcelés), mais aussi dans leur propre intérêt : ils veulent éviter que les touristes entendent des propos négatifs sur le village de Doudou, ils veulent « préserver » leurs femmes. De plus, tout se passe comme si les guides souhaitaient s’accaparer la relation avec les touristes, afin de pouvoir établir un lien plus étroit avec eux et donc monopoliser les possibles retombées directes a posteriori. Le « développement » peut encore une fois servir à analyser en partie le détournement ou le rejet de cet article de la charte par les guides et les animateurs. Ces derniers appliquent la règle et favorisent les échanges entre touristes et les autres villageois, mais seulement jusqu’à un certain point. Lorsque le touriste (vu comme une « ressource ») avec lequel ils ont tissé des liens risque de leur « échapper » en multipliant les rencontres, ils adoptent un comportement tendant à « filtrer » l’entrée des autres villageois dans le campement touristique. Certains membres du personnel ont même évoqué l’existence d’une stratégie qui consisterait à « se partager » les touristes en fonction des affinités qui se créent :

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Un animateur : On se retrouve et on se dit : « comme nos parents n’ont pas été jaloux des autres, si quelqu’un veut tisser des liens et demander l’amitié, nous on laisse et on va trouver quelqu’un d’autre dans le groupe [de touristes] ». S’il y a deux ou trois touristes qui ont envie d’aider des gens [du village], moi quand je viens te voir, toutes mes causeries, c’est de dire « si tu pouvais réaliser ta promesse, ça pourrait nous arranger ».

L’opportunisme des acteurs concernant le devoir de transparence

36 Le thème de la « transparence » occupe une place importante dans la charte et fait l’objet de trois articles : TDS et les habitants ont notamment le devoir d’informer les touristes et les Villages celui d’informer leur communauté villageoise.

37

  • TDS informe au mieux les futurs voyageurs sur les valeurs liées au tourisme en Villages d’Accueil ainsi que sur les conditions matérielles du déroulement des séjours.
  • TDS s’engage à une transparence totale sur la gestion de ses activités, en interne vis à vis de ses membres et avec les signataires de la (…) Charte.
  • Les Villages d’Accueil s’engagent vis-à-vis de leur communauté villageoise et des autres signataires de la (…) charte à une totale transparence sur la gestion de leurs activités touristiques et des projets qu’ils auront initiés avec leurs CVGT (…). Ils auront particulièrement à cœur de présenter leurs réalisations aux voyageurs.

38 Si l’une des missions de TDS est de sensibiliser et « d’éduquer » les touristes au développement à travers notamment des réunions préparatoires aux séjours, ses brochures et son site internet, le devoir d’information et de transparence ne semble pas appliqué totalement. Comme nous l’avons vu, la réalité de la relation touristique à Doudou est complexe et ne correspond pas tout à fait aux discours de TDS. Certains accompagnateurs  [16] présents lors de nombreux séjours à Doudou affirment avoir fait part à TDS des problèmes qui se posaient dans le village de Doudou, et notamment des commissions prises sur les marchés par les guides. Ainsi, TDS détourne la règle de devoir d’information et de transparence inscrite dans la charte, en « omettant » d’informer les touristes sur les « problèmes » qui se posent à Doudou dans l’accueil touristique. Quant au personnel du campement touristique de Doudou, il semblerait qu’il détourne également cette règle. Vis-à-vis des touristes d’une part, car il ne leur a pas été expliqué l’utilisation « parallèle » et non officielle de la caisse de la CVGT pour des évènements ponctuels (comme nous l’avons vu ci-dessus) ainsi que les causes du retard de réalisation de certains projets (début 2004 un troisième logement d’instituteurs n’avait toujours pas été réhabilité, malgré le versement de fonds plusieurs mois auparavant). Vis-à-vis des villageois d’autre part. Un guide explique que lors du compte-rendu fait devant tout le village après chaque séjour touristique, les responsables du campement touristique se contentaient d’exposer l’état des recettes et des dépenses, sans entrer dans leur détail. D’après ce guide, les dépenses (selon lui exagérées) méritaient pourtant d’être justifiées, notamment concernant le poste alimentation. Ainsi, les villageois, pour la plupart analphabètes, venus assister à ce compte-rendu, repartaient sans connaître les raisons des dépenses effectuées sur la caisse de la CVGT.

Les tensions à l’œuvre dans l’application de la charte

39 Sans prétendre expliciter ici les raisons liées aux difficultés d’application à Doudou de la « charte en Village d’Accueil TDS », il est possible d’avancer quelques pistes de réflexion. Il apparaît en premier lieu que certaines règles, comme celles liées au « fonctionnement collectif » sont inadaptées à la réalité, à la culture et à l’expérience des Doudoulais, notamment en matière de « développement ». Si certains membres du campement touristique ont effectivement été demandeurs de règles de comportement – suite à l’attitude choquante d’un touriste –, il ne semble pas qu’ils soient à l’initiative et qu’ils adhérent aux règles liées notamment aux thèmes des « cadeaux » et du « fonctionnement collectif ». Ceci peut expliquer en partie le fait que certains Doudoulais détournent ou rejettent ces règles et, par ailleurs, questionne fortement le caractère endogène du développement initié par TDS.

40 Nous avons souligné dans la première partie de cet article que les limites de la mise en place d’une éthique du tourisme au niveau international à travers des chartes et des codes étaient dus notamment au caractère non contraignant de ces chartes, à la diversité des acteurs et de leurs valeurs, aux conflits d’intérêts entre la recherche d’une éthique et la mission des acteurs. Au niveau local, les difficultés d’application de la charte de TDS dans le village de Doudou peut être analysée avec la même grille de critères. Le caractère non contraignant de cette charte expliquerait en partie le détournement de certaines règles. Le dernier article de la charte stipule pourtant que « TDS assure le suivi et le contrôle du respect des engagements des différentes parties ». Pour ce faire, TDS a notamment recruté et formé des « accompagnateurs » extérieurs au village dont le rôle est de servir de médiateur entre les touristes et les habitants mais aussi de faire respecter la charte et de rendre compte à TDS à travers un rapport de fin de séjour. Or, à Doudou, l’accompagnateur est sommé par les guides de façon implicite et explicite d’intervenir le moins possible, surtout sur le chapitre des cadeaux.

41

Accompagnateur : À Doudou, l’accompagnateur est vu comme étant un adversaire pour le village. Un frein pour le développement du village, parce qu’il est là pour faire respecter la charte. Le point ne pas faire de cadeaux, est un vrai problème pour le village. Quand l’accompagnateur intervient, ça ne va pas. Sa place, c’est « suis et tais-toi ».

42 L’accompagnateur a donc un rôle limité concernant l’application de la charte, et ne la rend pas plus contraignante pour les habitants. L’équipe de TDS – informée par les touristes de la « non application » de certaines règles de la charte sur place –, s’est rendue à Doudou pour débattre des différents problèmes qui se sont posés lors de ce séjour. Mais comment faire la part du vrai et du faux parmi les témoignages contradictoires émanant des membres du campement touristique et des touristes, à quel avis se ranger ? Dans le cas où TDS parvenait à se faire une opinion, quels moyens de pression exercer sur le village pour que certains comportements changent ? Si les habitants ne sont pas ou plus d’accord avec les règles de cette charte, quelle est la légitimité de TDS pour continuer à les diffuser auprès des touristes, alors que ces règles sont censées avoir été élaborées en concertation avec les villages ?

43 Ces questions amènent naturellement à se poser la question de la diversité des acteurs et de leurs valeurs comme facteur explicatif de la difficulté à élaborer et à appliquer une charte éthique du tourisme. Les créateurs de cette charte – les habitants et TDS – possèdent des identités, une vision du monde et des intérêts différents. Lorsque TDS, ONG de développement française, arrive à Doudou avec sa vision du développement en Afrique, cette vision se confronte avec celle des habitants. Cette confrontation sur la notion de « développement » entre TDS et les Doudoulais peut avoir lieu soit en amont, lors de la l’élaboration des règles de fonctionnement et de la charte, soit, comme c’est le cas à Doudou, à l’usage : certains habitants, en désaccord sur les règles du « fonctionnement collectif » ou des « cadeaux » les détournent.

44 Il est également pertinent d’analyser le détournement de certaines règles par TDS et par les touristes par les conflits d’intérêts qui existent entre leur recherche d’une éthique et leur « mission ». TDS possède un double statut à travers deux structures distinctes : ONG de développement d’une part, et entreprise de commercialisation de séjours d’autre part. Ce double statut l’entraîne selon nous à ne pas appliquer entièrement ou à détourner au moins l’une des règles de la charte, celle liée à l’information des touristes. Tout se passe comme si les dirigeants de TDS, engagés dans une double mission – faire du développement et vendre des séjours – produisent des discours paradoxaux. D’un côté TDS applique en Afrique sa vision du développement et de la relation touristique et l’enseigne aux touristes avant leur départ. Ils sont dans ce cas dans une démarche d’information et d’éducation, conforme à la charte. De l’autre côté, ils ont l’obligation de vendre des séjours, et ils ont choisi comme principaux arguments de vente : la rencontre et le développement . Afin que les touristes acceptent de payer un voyage relativement onéreux pour aider les habitants sur place et pour « partager le quotidien d’un village africain », TDS doit produire (comme toute agence de voyage) un discours qui leur donne envie de partir. TDS promet donc – notamment à travers ses brochures – une « rencontre authentique avec des villageois heureux de vous accueillir et de vous montrer leur village » et « un développement qui fonctionne ». Lorsque la réalité de ce qui se passe à Doudou ne correspond pas – ou plus – aux arguments de vente de TDS, c’est-à-dire que les villageois ne sont plus si enthousiastes de montrer leur village  [17] à des touristes et que l’aspect « développement » ne fonctionne pas comme le présente TDS (certains habitants souhaitent prioritairement du « développement personnel » plutôt que « collectif »), il y a paradoxe. Dans ce cas, TDS n’est plus dans une logique d’information, mais de « désinformation par omission ». Pour ne pas faire fuir les touristes candidats au départ – déjà peu nombreux pour la saison 2004  [18] – les dirigeants de TDS omettent de les informer sur la réalité de la relation touristique et du développement à Doudou. Dans ce cas, TDS n’applique pas la règle de la charte promettant « une information complète », en raison des conflits d’intérêts qui existe entre son statut d’ONG de développement (recherche d’une éthique et volonté de conceptualiser des principes généraux) et son statut de vendeur de voyages (assurer la vente d’un certain nombre de séjours dans son propre intérêt et dans celui des villages d’accueil).

45 En ce qui concerne les touristes, leur « mission » est double : ils viennent à Doudou pour participer à son développement, mais ils viennent également passer des vacances. Il peut parfois exister des conflits d’intérêts entre ces deux objectifs. Ils s’efforcent généralement de respecter scrupuleusement la charte pour obéir à leur recherche d’éthique dans le voyage, mais tout se passe comme si leur « devoir de vacances », qui les pousse à se faire plaisir, les ramenait malgré eux dans la peau du « touriste ordinaire » : nécessité de ramener des photos (sans toujours demander l’autorisation aux habitants), besoin de faire des dons parfois inappropriés (comme des paquets de bonbons), pour apporter du baume à une conscience d’occidental culpabilisé par ce qu’il est et par ce qu’il voit. Un autre paradoxe important réside dans la double quête des touristes : ils viennent dans le village dans le cadre d’un tourisme « solidaire » pour participer à son « développement » mais sont ravis de passer leurs vacances dans un « village africain authentique », sans électricité, sans eau courante, sans routes et sans véhicules. Ainsi, il peut paraître paradoxal de participer au « développement durable » d’un groupe social, lorsque l’activité touristique devant y contribuer repose précisément sur la préservation du caractère traditionnel et « typique » de ses pratiques. Ce paradoxe se retrouve d’ailleurs dans les propos de certains touristes qui souhaitent pour le village un « développement » mais qui ne devrait pas amener les mêmes objets ni les mêmes modes de vie qu’en Occident. Les touristes veulent que grâce à l’argent qu’ils laissent dans le village, les Doudoulais puissent avoir accès à la santé, à l’éducation, à l’eau, mais certains d’entre eux ne leur souhaitent pas par exemple d’avoir une télévision, responsable à leurs yeux de la destruction de la convivialité, des liens sociaux et intergénérationnels en Occident. De même que les maisons en parpaings et en tôle convoitées par les habitants pour leur solidité et pour leur valeur de symbole de richesse, sont vues par les touristes comme des signes de la modernité, beaucoup moins « typiques » que les maisons en banco.

Tourisme & Développement Solidaires

L’ONG de développement Tourisme & Développement Solidaires a été créée en 1998 par Bénédicte Merlan (historienne) et Pierre Martin Gousset (ingénieur agricole). Cette ONG, qui est également une association de tourisme, s’inspire des expériences de tourisme intégré qui ont été menées en Casamance dans les années 1970, mais également des expériences dans le tourisme rural en France. Elle s’intègre notamment dans des réseaux d’associations de tourisme (UNAT), de commerce équitable (Plate-Forme du Commerce Équitable PFCE), et de développement (Centre de Recherche et d’Information pour le Développement CRID). La démarche de TDS consiste à « faire du tourisme un levier pour le développement de l’Afrique et offrir à nos voyageurs une immersion dans la vie d’un village africain ». Le concept de « tourisme solidaire et équitable » de TDS repose sur quatre points : valorisation des organisations démocratiques des Villages d’Accueil TDS qui sont les maîtres d’œuvre de cette activité, réinvestissement intégral des revenus liés au tourisme dans l’économie locale, renforcement des compétences locales, création de liens de solidarité avec les voyageurs. Les Villages d’accueil TDS reçoivent dix à douze personnes maximum, qui pendant une dizaine de jours vivent au rythme des habitants d’un village du Burkina Faso ou du Bénin. Ce sont les villageois qui, formés par TDS, s’occupent de l’organisation et de la gestion, et assurent l’accueil, les repas, les nuitées, l’animation, etc. À l’heure actuelle, TDS a « labellisé » quatre villages au Burkina Faso et deux au Bénin et souhaite étendre son concept à d’autres villages et régions du monde. Environ 300 touristes partent chaque année avec TDS.

Notes

  • [?]
    Doctorante en anthropologie sociale et ethnologie à l’EHESS Paris – vandenchabloz@hotmail.com.
  • [1]
    Citons notamment l’élaboration du Code mondial d’éthique du tourisme par l’Organisation mondiale du tourisme (OMT) ; la Charte éthique du voyageur élaborée par le voyagiste Atalante et qui a évolué en association « Agir pour un tourisme responsable » (ATR) visant la production d’un label non encore achevé ; l’élaboration de la Charte éthique du tourisme par le gouvernement français.
  • [2]
    La plupart d’entre elles sont regroupées au sein de l’Union nationale des associations de tourisme (UNAT). Cette dernière regroupe les principales associations et organismes à but non lucratif de tourisme français (55 membres nationaux et 490 membres en régions) et comprend une vingtaine d’associations de voyages spécialisées dans le « tourisme solidaire ».
  • [3]
    Le tourisme solidaire vu par les voyageurs français, UNAT, Ministère des Affaires Étrangères, Direction générale de la Coopération internationale et du Développement, mars 2005.
  • [4]
    L’estimation de ce marché est très variable : l’UNAT indique qu’environ 3000 touristes partent avec ces associations chaque année. Selon Gilles Caire, économiste à l’université de Poitiers, en 2002, ce marché représente 50 000 voyages à l’étranger par an (estimation haute), soit 0,3 % des 17 millions de séjours personnels des Français à l’étranger. ATR (Agir pour un tourisme responsable) l’estime à 100 000 touristes par an selon l’enquête Le tourisme solidaire vu par les voyageurs français, op. cit., p. 3.
  • [5]
    « Faire du tourisme un levier pour le développement de l’Afrique et offrir à nos voyageurs une immersion dans un village africain, tel est le double objectif de notre association », dans la brochure de TDS « Circuits et séjours découvertes en Villages d’Accueil TDS », Saison 2005-2006, p. 3.
  • [6]
    Carnet de séjours en villages d’accueil TDS, brochure 2003/2004, p. 2.
  • [7]
    « (…) ces villages et TDS ont souhaité préciser ensemble les principes fondateurs de leurs engagements et ceux des voyageurs. Ils ont finalisé la présente charte du tourisme en villages d’accueil au cours d’un passionnant forum organisé à Zigla koulpélé en mai 2002 » : Carnet de séjour en villages d’accueil TDS, op. cit., p. 6.
  • [8]
    À l’exception cependant des thèmes liés au « Droit du tourisme » (la possibilité d’accéder à la découverte des richesses de la planète constitue un droit ouvert à tous les habitants du monde) et à la « Liberté des déplacements touristiques ».
  • [9]
    Voir article de C. Cravatte dans ce numéro.
  • [10]
    Citons notamment les ouvrages de B. Martin (dir.), Voyager autrement ; P. Amalou, H. Barioulet, F. Vellas, Tourisme, éthique et développement, ainsi que les articles de la revue Espaces et le site internet www.tourisme-durable.net.
  • [11]
    Mon observation porte sur un séjour qui s’est déroulé dans un village (parmi les six villages labellisés TDS). Les Doudoulais, TDS et les touristes étaient informés de mon travail de recherche, mais mon « statut » (à la demande de TDS) était celui d’une touriste : j’ai payé mon séjour comme les autres touristes, je dormais et prenais mes repas avec eux, je participais aux activités et aux conversations. J’ai observé en janvier 2004 un groupe de touristes (constitué de huit personnes dont une représentante de TDS et moi-même) venus passer 10 jours à Doudou, un village gourounsi du Burkina Faso, situé à 150 km à l’ouest de Ouagadougou et habité par 4000 habitants, dont la grande majorité vit de l’agriculture et est de religion chrétienne. J’ai d’une part étudié le contexte de cette rencontre touristique et d’autre part observé les interactions entre visiteurs et visités dans le village de Doudou, dans le cadre d’un mémoire de DEA : N. Chabloz, Tourisme solidaire au Burkina Faso : pratiques et représentations de soi et de l’autre. Regards sur l’autre et rencontres entre visiteurs français et visités burkinabé.
  • [12]
    On peut définir le « développement » comme l’ensemble des processus sociaux induits par des opérations volontaristes de transformation d’un milieu social, entreprises par le biais d’institutions ou d’acteurs extérieurs à ce milieu, et reposant sur une tentative de greffe de ressources, de techniques et/ou de savoirs : J.-P. Olivier de Sardan, « Anthropologie du développement », in Bonte-Izard, Dictionnaire de l’ethnologie et de l’anthropologie.
  • [13]
    Les articles cités sont issus de la « Charte du tourisme en Villages d’Accueil TDS », dans la brochure « Circuits et séjours découvertes en Villages d’Accueil TDS », p. 16-17.
  • [14]
    Les villageois que nous avons observés et avec lesquels nous avons mené des entretiens étaient principalement des membres du campement touristique de Doudou (guides, animateurs, gérant, cuisinières, responsable du magasin de souvenirs, gardiens), ce qui représente une quinzaine de personnes. Nous avons également mené des entretiens approfondis avec les « notables » du village : directrice de l’école, instituteurs (non originaires de Doudou), prêtre de l’église pentecôtiste, chef du village, chef de terre, artisans. Par ailleurs, les instituteurs, à notre demande, ont demandé aux élèves des deux classes de CM2 du village de rédiger une rédaction, afin de connaître leurs représentations liées à la présence des touristes à Doudou. Les autres habitants (quasiment tous agriculteurs) n’ont pas fait partie de notre observation, car il est rapidement apparu que les touristes ne rencontraient que les personnes citées ci-dessus, qui sont en outre les seuls habitants du village à parler le Français. Il a également été difficile de mener des entretiens avec des femmes, car elles sont tenues à l’écart des touristes par les hommes, et leurs réponses à nos questions étaient trop évasives pour être analysées.
  • [15]
    Concernant le rôle et l’importance du don dans le fonctionnement des sociétés et dans la constitution du lien social, se référer notamment aux ouvrages de Mauss, Godelier, Godbout [voir bibliographie].
  • [16]
    Jeunes burkinabé venant majoritairement de la capitale, recrutés et formés par TDS pour accompagner les touristes mais aussi pour servir de médiateur entre les villageois et les touristes en cas de problème. Ils doivent également veiller à ce que la charte soit appliquée et rendre compte à TDS.
  • [17]
    Comme c’est le cas pour les artisans.
  • [18]
    Au lieu des 6 à 8 séjours comprenant chacun une douzaine de touristes programmés pour la saison 2003/2004, seuls 2 séjours comprenant 8 et 12 personnes se sont déroulés à Doudou, faute de touristes (cependant, d’autres villages d’accueil TDS, comme Koïrézéna et Zigla Koulpélé ont reçu deux fois plus de séjours que Doudou sur la même saison). Les raisons de la diminution du nombre de séjours à Doudou au cours de cette saison restent incertaines mais plusieurs facteurs peuvent être évoqués : la conjoncture économique et internationale de l’époque défavorables au tourisme, la demande pour ce type de tourisme qui reste faible, l’augmentation des organismes qui proposent une forme de tourisme « solidaire et équitable », le manque de promotion effectué par TDS. Par ailleurs, certains observateurs prétendent que TDS a fonctionné pendant des années grâce à un « vivier important de copains » et que ce vivier tendrait à s’épuiser. On peut également évoquer la « concurrence » des autres « villages TDS » créés après Doudou, leur plus grande attractivité pour les touristes (car ils proposent notamment un artisanat plus riche). Pour finir, on peut se demander si le « bouche à oreille » entre les anciens touristes et les candidats au départ, qui reste le principal media pour la promotion de ces séjours n’a pas été défavorable au village de Doudou. Dans un souci de « solidarité entre les villages », TDS demande à des groupes qui ont choisi de partir dans un village précis, de passer leur séjour dans un autre village si celui-ci n’a pas reçu assez de visiteurs dans l’année (c’était le cas du groupe que j’ai suivi qui avait choisi de partir à Zigla et qui a été orienté sur Doudou par TDS).
Français

La recherche d’une éthique du tourisme passe notamment par l’élaboration de chartes et de codes de bonne conduite. Cet article analyse - à travers une observation participante de tourisme solidaire dans un village « TDS » du Burkina Faso – l’élaboration de règles participant à la contractualisation d’un partenariat censé réguler des conduites lors d’échanges internationaux et les limites de ce partenariat. Il montre comment ces « règles de bonne conduite » sont appréhendées par les différents signataires de la charte et comment elles sont appliquées sur le terrain. L’analyse de l’appropriation, du détournement ou du rejet de ces règles par les différents protagonistes de la rencontre touristique – que ce soient les touristes, les villageois ou l’ONG de développement – permet de mieux comprendre les décalages de représentations qui existent entre les discours et les textes produits sur la « morale » de la rencontre touristique, et leur appréhension par les différents acteurs.

Mots-clés

  • Tourisme solidaire
  • éthique
  • chartes
  • limites
  • application sur le terrain
  • Burkina Faso
  • interactions

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Nadège Chabloz [٭]
  • [?]
    Doctorante en anthropologie sociale et ethnologie à l’EHESS Paris – vandenchabloz@hotmail.com.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/03/2010
https://doi.org/10.3917/autr.040.0045
Pour citer cet article
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