CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1 Depuis 2001, des acteurs se sont réunis dans un groupe au sein de l’Union Nationale des Associations de Tourisme (UNAT) pour promouvoir un tourisme différent [2]. Ils ont établi une définition commune de leur activité, et des critères permettant de sélectionner les membres du groupe. Ils proposent des prestations touristiques dont les « fondements (…) sont l’implication des populations locales dans les différentes phases du projet touristique, le respect de la personne, des cultures et de la nature et une répartition plus équitable des ressources générées »  [3].

2 Cet article analyse les discours développés par ces acteurs, pour montrer comment ils créent les frontières d’un nouveau territoire marchand, professionnel et militant au croisement de la solidarité internationale et de la consommation touristique. En mobilisant la catégorie de population locale, ils imposent leur définition du « tourisme solidaire », et brouillent les frontières entre ces deux domaines ; ils critiquent le « tourisme classique » et proposent une solidarité proche du commerce équitable qui ne passe ni par le don, ni par la réalisation d’un chantier, mais par la consommation d’une prestation. Ils proposent ainsi aux touristes des ressources pour vivre subjectivement le tourisme réalisé comme un acte de solidarité.

3 Nous présenterons d’abord la genèse et la composition de cette « commission de tourisme solidaire ». D’un lieu de réflexion sur les liens entre éthique et tourisme, elle a évolué en un groupe de 20 associations partageant une définition commune de leur activité. Nous analyserons ensuite comment ces acteurs mobilisent la catégorie morale et commerciale de population locale, qui puise à la fois dans les domaines du tourisme et du commerce équitable. Cette catégorie est au fondement de leur légitimité. Nous montrerons enfin qu’au sein même de ce groupe, différentes perceptions du lien légitime avec cette population locale coexistent et sont proposées au touriste. À la frontière entre solidarité et tourisme, les différents acteurs visent à proposer une relation à l’autre évitant le misérabilisme caritatif comme l’exotisme touristique. Elles sont néanmoins marquées par des idéologies différentes.

Qu’est-ce que la commission du tourisme solidaire de l’UNAT ?

Genèse du groupe tourisme solidaire de l’UNAT

4 La commission tourisme solidaire de l’UNAT est issue d’une table ronde sur le thème « Éthique et Tourisme » mise en place par Michèle Demessine, secrétaire d’État au Tourisme, en 2001. Cette réflexion s’inscrit dans la lignée du développement des discours sur l’éthique au sein de l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT) [Lanfant, 2004, p. 745] et de la montée en importance du thème de l’éthique [Schéou, 2005]. L’animation de cette table ronde a été confiée à l’UNAT  [4]. Cette table ronde a suscité une lutte pour l’appropriation symbolique de la définition du tourisme moral et à des débats récurrents sur les pratiques des structures en présence, le statut juridique, et la terminologie utilisée. Suite à cette table ronde, une première brochure a été publiée [UNAT, Rasera, 2002]. Elle présentait 27 structures engagées dans cette réflexion et proposant de faire du tourisme « autrement », et expliquait les différents termes du « tourisme alternatif ».

5 La mise en place progressive de la définition du tourisme solidaire s’est poursuivie : les structures n’ayant pas un statut associatif ont été écartées du groupe. Dans un deuxième temps, ce groupe a mis en place une grille de critères  [5], première étape vers une labellisation. Les acteurs promouvant cette grille souhaitaient avant tout éviter la « récupération marketing » du solidaire par d’autres prestataires touristiques. Une deuxième brochure publiée en mars 2005 présente les structures sélectionnées [UNAT, 2005]. La réflexion générale sur le tourisme et l’éthique s’est transformée en définition des frontières d’une activité spécifique, appelée tourisme « responsable et solidaire »  [6]. Ce groupe revendique son lien avec le commerce équitable, et les « populations locales » visitées et aidées sont des populations du « Sud », c’est-à-dire de pays lointains en voie de développement  [7].

6 La commission de l’UNAT s’est pour le moment approprié le vocable « tourisme solidaire » de manière incontournable en France. Elle contribue non seulement à la diffusion d’une image, mais aussi à une meilleure coordination des acteurs des associations les plus engagées dans ce réseau. Elle vise essentiellement une meilleure efficacité commerciale. Elle est passée d’un lieu de débat assez ouvert à un groupe exerçant une activité dotée de critères proposant des prestations clairement identifiables sur le marché. Après les grands débats et des amorces de partenariats institutionnels, le groupe se concentre sur sa survie économique et sa professionnalisation.

Composition et activité du groupe

7 La brochure publiée en mars 2005 recense 20 associations différentes, réparties en opérateurs (13 associations), structures relais (5 associations qui transmettent de l’information mais n’ont pas l’agrément touristique, et ne réalisent pas de vente en France), structures de soutien (2 associations qui assurent la revente de prestations mises en place par d’autres associations). Les opérateurs et soutiens disposent d’un agrément touristique, qui encadre juridiquement la pratique touristique. Le nombre de départs par an est réduit. La plus grosse de ces structures, Croq Nature, emploie trois salariés avec un millier de départs en 2004, Vision du Monde avec un salarié, une stagiaire et un emploi aidé a assuré 300 départs, Tourisme et Développement solidaire autour de 250, les autres structures alternent entre 60 et 100 départs ; certaines sont animées presque exclusivement par des bénévoles. Ces structures ont assuré environ 3 000 départs en 2004 [UNAT, MAE, 2005]. Les associations sont plus ou moins impliquées et le « noyau dur » du groupe est constitué d’environ huit associations  [8].

8 Chaque structure – et au sein de chaque structure, chaque destination – est portée par des acteurs qui entretiennent des liens souvent étroits avec les territoires dans lesquels ils envoient des touristes. Anciens touristes ou voyageurs au long cours ayant eu un coup de cœur pour un territoire, anciens ou actuels expatriés, professionnels de l’aide au développement, adhérents d’associations de solidarité internationale ; sont aussi présent dans ces associations, mais plus faiblement, des pratiquants d’import-export d’artisanat, des personnes appartenant à des couples à double nationalité, et quelques migrants ou descendants de migrants. Ces liens sont forgés dans des contextes différents, et se renforcent à la faveur de l’inscription dans différents réseaux qui fournissent généralement les premiers touristes : petites ou grandes associations de solidarité internationale, activités associatives spécifiques en France. Ces acteurs sont dispersés sur tout le territoire français. Les prestations proposées sont assez différentes : emploi du temps plus ou moins réglé ; parcours ou séjour résidentiel dans un village ; visites ou non des lieux reconnus comme « touristiques » ; stage artisanal, randonnée chamelière, visites de coopératives, participation à des débats sur les projets de développement, observation du quotidien de travailleurs sociaux. Il ne s’agit de toutes façons pas de chantiers dans lequel un travail est requis dans un temps donné.

9 Une grosse partie du travail effectué par le groupe consiste à gagner en cohérence, en notoriété et à se constituer une clientèle : communication dans les salons, participation à des conférences, interventions communes auprès de comités d’entreprise, travail d’explication aux financeurs potentiels et de reconnaissance auprès des institutions (un livret destiné à l’information des collectivités territoriales et de leur rôle dans la coopération décentralisée, réalisé par des personnes proches du réseau, est en cours)  [9]. Une enquête grand public financée par le Ministère des Affaires Étrangères a été réalisée et présentée au salon mondial du tourisme en mars 2005. Un système de cooptation a été mis en place : les structures affichent la liste des autres structures du réseau sur leurs sites, et sur leurs catalogues. Elles peuvent éventuellement se renvoyer des touristes pour remplir les séjours, et mettre en place des extensions à certaines prestations en s’appuyant sur les prestations proposées par d’autres associations, même si elles n’ont pas pour l’instant de structure de commercialisation commune.

La création d’un territoire militant, professionnel et marchand

10 Ce groupe a conduit des personnes engagées dans de petits projets initialement séparés à développer la conscience qu’elles réalisent en fait la même activité. Cette activité s’appelle « tourisme solidaire ». La mise en avant des différences et la méfiance initiales s’estompent progressivement. Les différences persistantes portent en particulier sur la manière d’organiser l’activité (choix des partenaires, choix du contenu des prestations, nature du travail réalisé en amont, degré d’adaptation aux contraintes du marché).

11 Cette appartenance au groupe a un effet performatif : l’existence de ce groupe contribue à créer une interdépendance entre les structures, et un principe d’équivalence aux yeux du public (institutions, médias et clients). Toutes versent un pourcentage – variable – de soutien à des projets de développement. L’affichage « tourisme solidaire » peut faire évoluer progressivement le public des adhérents et des clients. C’est ainsi qu’une association de tourisme solidaire attirera plus facilement de nouveaux membres porteurs d’actions de solidarité. Des activités de découverte de l’autre sont aussi explicitement requalifiées en activités de soutien à l’autre. Inversement, des associations acceptent, abandonnant leurs résistances, de désigner leur activité comme une activité touristique.

12 Ce n’est donc pas tant le poids économique de ces associations qui nous intéresse que la manière dont elles contribuent à faire émerger un territoire marchand, militant et professionnel : elles reconnaissent faire la même activité, le tourisme solidaire, l’affichent sur le marché ; elles proposent un espace d’investissement militant et une définition d’un tourisme moralement légitime.

13 Malgré des discours collectivement établis, le travail sur l’image du tourisme solidaire n’est pas uniquement une entreprise de communication stratégique isolant un message fort ; comme dans le cas du commerce équitable, les néophytes et enquêteurs sont surpris par la complexité des débats au sein du petit monde du tourisme alternatif. La communication semble complexe et brouillée, et des touristes se déplaçant à des conférences se plaignent parfois de ne pas s’y retrouver. Cette complexité est la résultante de luttes pour la définition de la forme légitime d’un tourisme moral, face aux concurrents et en interne au groupe. Des positions différentes continuent à exister au sein même du groupe de l’UNAT. L’opposition est très nette entre le groupe de l’UNAT – que nous avons présenté – et l’association professionnelle Agir pour un Tourisme Responsable (ATR)  [10].

La mobilisation de la catégorie de « population locale »

14 Les acteurs présentent le tourisme solidaire comme une activité touristique au bénéfice des populations locales, et cela en rupture avec le « tourisme classique »  [11]. Les associations s’appuient sur des discours préexistants pour marquer leur différence et faire de leur tourisme un « bon tourisme », face au « mauvais tourisme » [Chabloz, 2004, p. 35]. Elles s’opposent d’abord au « tourisme de masse », assimilé aux séjours en club et aux circuits menés aux pas de charge, qui ne permettent ni l’un ni l’autre de rencontrer la population locale. Ce tourisme fait office de repoussoir lointain. Elles cherchent aussi à marquer leur différence avec des formes de tourisme plus proches, comme le tourisme d’aventure ou de randonnée. Elles soulignent que leur intentionnalité est différente : il s’agit avant tout d’aider au développement des populations locales. Cette catégorie de population locale s’appuie sur les traits du « petit producteur » du commerce équitable : ce dernier appartient à un collectif démocratique, il est marginalisé, ancré dans ses traditions culturelles [Le Velly, 2004]. Le choix du partenaire ou de la destination n’est pas uniquement guidé par le marché. Ces caractéristiques entrent en résonance avec la « population locale » touristique : elle bénéficie collectivement du tourisme, elle est hors des sentiers battus, et la relation est personnelle et directe.

Un tourisme qui bénéficie collectivement à la « population locale » : la répartition des flux monétaires et son affichage

15 La somme versée par le touriste pour la prestation est décomposée sur la brochure de 2004 de tourisme solidaire de l’UNAT (part de l’aérien, des transports locaux, des prestations locales, des frais de fonctionnement, part reversée à des projets de développement collectifs). Cet affichage permet d’isoler et de mettre en avant l’argent qui reste vraiment sur les territoires visités, dont une part sert aux projets de développement. Cette présentation s’appuie sur deux discours préexistants. D’une part, les discours construits par les organisations de tourisme international portant sur le tourisme et le développement [Lanfant, 2004]. Les opérations mises en œuvre pour apporter des devises aux pays en voie de développement via le tourisme ont engendré de nombreuses critiques, sur les effets négatifs environnementaux et sociaux du tourisme comme sur le peu de devises qui restaient dans ces pays [Kadt, 1980 ; DANTE, 2002]. D’autre part le mouvement actuel du commerce équitable, appliqué au tourisme [El-Alaoui, 1999], qui prône plus d’équité dans les échanges commerciaux, en particulier dans les échanges commerciaux Nord-Sud.

16 La « population locale » est essentiellement celle appartenant au village avec lequel l’association a décidé de travailler. Certaines associations s’appuient sur une présentation analytique des différents flux économiques dont bénéficie la « population locale » : revenus directs (les salaires), revenus induits (les achats d’artisanat ou de nourriture sur place) et revenus collectifs (dus au reversement solidaire) et encouragent les touristes à acheter les productions « locales » des les villages partenaires. Surtout, le caractère collectif des retombées est mis en avant, le tourisme bénéficiant à l’ensemble du village aidé. Le discours emprunte alors au mythe de la « communauté villageoise consensuelle » souvent dénoncé, souvent présent, chez les agents de développement [Olivier de Sardan, 1995, p. 60]. Le « pourcentage solidaire » reversé au collectif, mais aussi le contrôle de cette activité par ce collectif, permettraient au village entier de bénéficier du tourisme.

17 Au-delà de ce pourcentage, un des enjeux de ce travail avec un collectif est la volonté de ne pas déstructurer la population locale en inversant, par le tourisme, des rapports de pouvoir, ou en créant une élite locale qui exploiterait à son tour le reste de la « population locale »  [12]. Cette collectivisation des revenus du tourisme est la source de débats sur les méthodes de travail entre les acteurs de la commission.

Le travail avec une population locale défavorisée, non professionnelle et collective : une relation d’aide et de soutien

18 Les associations expliquent qu’elles ne développent pas une destination dans le but de l’ajouter à leur catalogue mais pour se faire le relais d’une demande émanant de la « population locale ». Autant qu’au service du client, les associations se présentent comme au service de cette « population ». Les choix des destinations à développer sont présentés comme suivant une logique différente de celle du marché.

19 Les associations annoncent donc travailler avec des gens qui ne sont pas initialement des professionnels reconnus et qui bénéficient grâce à elles d’une meilleure maîtrise de l’activité et de possibilités d’insertion sur le marché. La diversification de l’activité par le tourisme – qui reste une activité complémentaire – vise à créer des bénéfices permettant d’investir dans d’autres domaines que le tourisme, trop aléatoire, et à redynamiser des zones rurales. Les populations réceptrices gardent ainsi un ancrage dans le quotidien qui permet aussi de préserver l’intérêt de la rencontre. L’activité touristique hors des sentiers battus, déjà valorisée par le touriste indépendant [Urbain, 1993], participe à la redistribution des flux économiques au sein d’un territoire.

La qualité de la prestation, le lien personnel avec la population locale et le cisèlement de « petits bijoux »

20 Le lien privilégié avec la « population » qui accueille est enfin mis en avant : c’est une population amie auprès de laquelle l’association introduit les touristes. Lors d’une présentation à la Caisse des Dépôts et Consignations en partenariat avec le comité d’entreprise (avril 2005), la coordinatrice du réseau souligne que les associations ont mis plusieurs années à préparer les séjours et que « ce sont vraiment des petits bijoux ». Les méthodes de travail tout comme le contenu des prestations insistent sur le ralentissement du temps vécu pour « faire les choses au rythme des “populations locales” », et prendre le temps de découvrir. La relation privilégiée avec les partenaires locaux constitue un gage de maîtrise de l’activité par ces partenaires, mais aussi de qualité de la prestation. Ce discours est marqué par le modèle du petit artisan qui proposerait une relation personnalisée au client, et une prestation unique, dans l’amour du travail bien fait. Il crée à nouveau de la différence avec le tourisme de randonnée et d’aventure ; il reprend son discours sur la nécessité de prendre du temps pour rencontrer l’autre, et sur le « caractère passionné de l’activité » [Passavant, 1996]. Il souligne néanmoins la différence entre les rencontres proposées, avec des arrêts dans des villages là où d’autres seraient plus pressés et intéressés essentiellement par le paysage ou la performance sportive. Il dénonce aussi la dérive de ces entreprises de tourisme, handicapées par leur taille.

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Ils sont obligés de travailler avec des agences locales, importantes, qui leur proposent 15 circuits. Je crois que même si c’est pas de l’industrie, ces grosses machines, c’est de la semi industrie, et entre des artisans et de l’industrie, souvent les rapports humains sont pas les mêmes, tout simplement. Non, chaque guide on connaît, chaque destination on connaît, il y a toute une dimension humaine qu’une grosse structure ne peut pas avoir (Membre Fondateur de Croq Nature, entretien, novembre 2005).

22 La bonne réalisation de ce tourisme suppose la préparation des voyageurs, qui doivent apprendre à se rendre disponibles à cette rencontre et entrent, par leur déplacement, dans une relation durable privilégiée avec un village ou un partenaire. Ce tourisme se présente comme un tourisme à dimension humaine, qui permet un accès différent à la vie des gens. Il ne s’agit pas seulement d’un accueil réalisé par la population locale, mais d’un contact qui permettrait alors de « sortir le touriste de son état de touriste » [Girard, 1996].

23 Le discours ainsi formé permet de transformer des activités associatives différentes en activités de tourisme solidaire. L’analyse de la mobilisation de la catégorie de « population locale » montre comment les rhétoriques touristiques et d’aide au développement s’articulent et se renforcent, tout en relevant d’un équilibre fragile. Cette catégorie n’est pas clairement délimitée, mais permet au groupe de creuser la différence avec d’autres voyagistes. Elle permet de fonder la légitimité morale des associations qui y sont affiliées. La catégorie de « population locale » englobe des réalités très différentes regroupées sous le même discours collectif. Ne serait-ce que parce que l’histoire de chaque association est différente. Chaque association s’ajuste à sa façon à ce discours collectif en fonction de la fidélité à son histoire, et de la définition des enjeux de son activité.

La mobilisation différenciée de la « population locale » du tourisme solidaire : transmettre une forme idéale du lien avec cette population

24 La représentation de l’autre et le travail sur le regard des touristes constitue un enjeu important pour chaque association. D’une part, il relève d’un enjeu militant : remplacer des représentations communes sur les pays et les populations visitées par une autre vision définie comme plus souhaitable. D’autre part, il participe à la réalisation d’une forme d’enchantement [Winkin, 1996] touristique et militant. L’enjeu militant est d’autant plus important que ce tourisme est présenté comme un « échange » et que les populations visitées doivent devenir maîtresses d’œuvre, et choisir ce qu’elles échangent avec les touristes. Les associations s’appuient sur une longue tradition critique des images diffusées par le langage touristique décrite par Alain Girard [Girard, 2004], et veulent rompre avec un discours publicitaire touristique qui gomme les tensions sociales et politiques et ne met en avant que la beauté d’un paysage et d’indigènes heureux. Elles soulignent volontiers, lors de conférences, qu’elles ne vendent pas du rêve, mais une réalité objective.

25 Cette « réalité objective » est néanmoins travaillée par des discours sur le lien souhaité avec les populations locales. Ces discours s’appuient sur des représentations d’entraide humanitaire, et de solidarité qui bénéficient d’une extrême faveur [Dauvin, Siméant, 2004], tout en rejetant la représentation victimaire mise en avant dans les campagnes de don [Mesnard, 2004]  [13]. Toutes les associations se retrouvent dans un rejet de l’exotisme ainsi que de l’attitude charitable, tout en en jouant, pour créer un échange équilibré. « Il s’agit de ne pas se tromper de tourisme ; ni tourisme humanitaire, ni tourisme ethnographique, simplement un tourisme d’échange et de rencontre » (source : brochure de Tourisme et développement solidaire TDS). Au sein même du réseau, les associations construisent et promeuvent chacune de manière plus ou moins volontariste une forme de lien idéal avec ces « autres lointains » [Collovald, Lechien, Rozier, Willemez, 2002]. Nous extrayons des discours des associations différents registres de construction du lien avec l’autre qui informent les perceptions des clients. Pour cela, nous présenterons différentes associations qui mobilisent le plus fortement un de ces registres en forçant le trait. Au sein de chaque association, les différents registres peuvent être mobilisés par les membres pour donner du sens à leur activité, et ceux-ci adoptent des positionnements différenciés, qu’il s’agisse des membres impliqués et actifs ou des touristes occasionnels. C’est à la croisée de ces différents registres que s’est formée la catégorie de population locale telle que nous l’avons présentée plus haut. Chaque forme est néanmoins sous-tendue par des idéologies différentes : elles peuvent coexister au sein de groupe, mais sont aussi à la source de débats animés, et peut-être l’une de ces formes sera-t-elle appelée à devenir dominante.

Le registre « développementiste » : travail avec un collectif et responsabilisation de la population locale

26 Au vu de l’historique de TDS et de son projet [Chabloz, 2004], cette association s’appuie sur le registre développementiste ; elle situe sa légitimité dans la mise en place de méthodologies spécifiques, de capacités d’expertises, et contribue à diffuser le thème auprès des institutions, et en particulier auprès de la Direction Générale de la Coopération Internationale et du Développement, des instances de coopération décentralisées et des agences de développement. Comme le souligne fréquemment son président : « une association n’est pas là pour vendre des voyages et faire de l’argent, mais pour vendre des idées ». Ils contribuent à modeler une image de la population rencontrée dans le tourisme étroitement liée à la manière de faire valoir l’efficacité de leur action. C’est en effet souvent un village dans son ensemble qui reçoit et qui se prend en main pour s’organiser collectivement. Des entretiens avec de futurs touristes ayant participé à la préparation du voyage mettent en avant l’insistance de l’association sur le fait de travailler avec un collectif. « On nous a bien dit : il y a des associations qui travaillent avec des familles, et les familles, elles s’enrichissent, mais pas les autres, alors cela, ce n’est pas solidaire » (touriste, décembre 2003). C’est bien le « village » qui accueille, et non des prestataires ou des personnes. Le but poursuivi est la « responsabilisation de la population locale ». C’est cette vision qui est transmise à travers les témoignages issus du vécu des voyageurs sélectionnés et présentés sur le site par l’association.

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Extraits de témoignages spontanés mis sur site Internet par TDS sur leur site [14], source : http://www.tourisme-dev-solidaires.org/temoi/temoi.htm :
Notre ressenti : Ce sont des gens qui veulent faire évoluer la vie de leur village, et qui ont déjà réussi des choses importantes : le taux de fréquentation de l’école a déjà augmenté de manière significative à la dernière rentrée, et un certain nombre de messages concernant l’hygiène sont passés au niveau de la population. Leur enthousiasme est d’autant plus vif qu’ils sentent que les choses peuvent continuer à s’améliorer pour eux de manière significative. Le modèle que TDS met en place n’est certes pas la panacée universelle qui peut se décliner partout, mais correspond bien à un contexte rural adapté à la culture des gens du Burkina Faso. Pour nous, c’est un réel espoir de permettre à des villages de se prendre en charge et de faire évoluer toute la population (et non une poignée de privilégiés). Roland et Françoise, séjour 2001 à Doudou.

28 Cette approche a pu déconcerter des personnes présentes à un réunion d’information, qui craignent que la série de visites officielles proposées lors de la présentation ne ressemble plus au travail d’une délégation qu’à du tourisme, où se demandant quelles sont les activités sur place. Ce registre peut entrer en tension avec les registres défendus par d’autres associations qui visent, eux aussi, à casser les stéréotypes d’une autre manière.

Le registre marchand, entreprise et relation de travail avec des entrepreneurs

29 Le fondateur de l’association Croq Nature souligne fréquemment que « le but de l’histoire, quand même, c’est qu’il y ait le plus d’argent possible qui reste là-bas ». La réussite économique en France permet non seulement la survie de l’activité associative, mais est aussi présentée comme une preuve de l’efficacité de l’action. Certes, le pourcentage solidaire collecté doit servir à des projets d’intérêt collectif, mais le partenaire sur place est présenté comme une personne en qui on a confiance. Face à une association comme TDS qui met en avant le travail avec un collectif, le représentant de Croq Nature souligne qu’ « on travaille toujours avec un individu, une personne de confiance, on le sait très bien », après, le but c’est que tout le monde en profite. Dans ce registre, c’est le pragmatisme qui prime, avec une politique sociale affichée et claire, et des reversements réguliers pour le collectif, qui permet la mise en place de projets de développement ; le contrôle effectué par l’association Amitié Franco Touarègue est comparable à un contrôle effectué par des inspecteurs des impôts. C’est le travail qui permet d’assurer sa dignité, comme dans le slogan « Trade not Aid » (du commerce, non de l’aide) mis en avant par le commerce équitable. La relation de prestation est acceptée et valorisée. Il souligne qu’il refuse systématiquement les demandes de stage pour « aller là bas ». Les gens ont besoin de travailler mais n’ont pas besoin qu’on travaille pour eux. La relation sous-jacente idéale est la relation avec des petits entrepreneurs, avec des professionnels compétents et bien payés, heureux de réaliser leur travail. C’est la relation de travail qui est mise en avant, le salarié en France, même pendant ses vacances, comprend le salarié du tourisme  [15]. L’enjeu, en France, est « de piquer les autres prestataires de tourisme là ou cela fait mal », en gagnant des clients et en les poussant à plus de transparence.

Le registre de la relation personnelle privilégiée

30 Il existe un autre registre qui permet casser la distance, celui de la relation émotionnelle mettant en avant un lien exclusif avec une famille. La case d’Alidou nous semble à ce titre emblématique : cette association propose un séjour d’une semaine dans la concession d’un village au Burkina Faso. Les membres de cette association ne visent pas la professionnalisation  [16], l’enjeu mis en avant est la réaffirmation constante d’un lien d’amitié construit pendant vingt ans avec une famille. L’association souligne son caractère familial. L’histoire de son fondateur est présentée comme unique, faite de plein choses partagées, et non reproductible. L’enjeu, pour lui, est de casser la distance par l’émotion. Il voudrait aussi que l’association permette aux touristes de vivre une émotion qu’il a lui-même vécue en se déplaçant plusieurs fois en Afrique. Il fait ainsi un travail d’éducation en luttant contre les préjugés. Il est très attentif à la progression psychologique des touristes pendant le séjour, et souhaite que ceux-ci profitent pleinement du miroir que leur tend l’Afrique. Il insiste aussi sur la volonté « d’aller jusqu’au bout du délire » comme dans l’exemple de la bataille d’eau ci-dessous.

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… Je trouve cela aussi très parlant. Autant, nous, on est arrivé avec ce qu’on a appelé la charte éthique, rédigée, signée, avec nos trucs bien propres, bien tout ça, autant là, à ce dernier voyage, (…) maintenant il y a une espèce d’ambiance entre les deux parties, Mariatou s’est même payé le luxe de prendre une calebasse d’eau et de la verser sur la tête de Vincent, et cela a dégénéré en bataille d’eau entre les blancs et les noirs… Dans un pays, on dit à tous nos voyageurs surtout quand vous y allez, il faut économiser l’eau, à la louche… Tu comprends ce que je veux dire… Je te parlais de modernisme tout à l’heure, je te parlais de tout ça, moi je suis très fier de ça… De ce qui s’est passé… Ça montre bien… Ça montre bien que on va tous apprendre de ce truc-là, c’est des gens comme toi et moi, qui ont besoin de se détendre comme toi et moi, la seule différence entre toi et moi c’est que eux ils ont un besoin vital (…) ils ont besoin de s’éclater comme toi et moi, ils ont besoin de délirer comme toi et moi et que ça, si on n’en est pas conscient, on va effectivement créer une distance entre eux et nous. Et c’est pas bon pour moi, c’est pas bon.

32 On voit dans les quelques témoignages qui suivent, eux aussi choisis par les responsables de l’association, la manière dont la Case d’Alidou met en avant le lien de personne à personne.

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Extraits de paroles de voyageurs (source : www.case-alidou.com) :
Avant mon séjour à Gon Boussougou, à la question : « qu’est ce que la Case d’Alidou, je répondais : une association de tourisme équitable ». Aujourd’hui j’ajoute : « La Case d’Alidou, c’est Alidou, Abdoulaye, Mariatou, Koudougou, Marcelline et tous les autres… Et je n’ai qu’une envie continuer à apprendre et à comprendre… »

34 Il y a de très nombreuses petites associations familiales, dont l’activité est fondée sur l’entretien d’un lien avec des amis dans d’autres pays. L’inscription de cette association dans le réseau du « tourisme solidaire » a néanmoins sans doute contribué à infléchir son discours et ses pratiques, situant son activité dans un mouvement social plus large.

Le registre tiers-mondiste et la prise de parole des populations locales

35 Le dernier registre est tenu par des acteurs ayant commencé à s’intéresser aux « populations du Sud » dans un contexte tiers-mondiste, au début des années 1970  [17]. L’autonomie de la « population du Sud » et sa prise de parole y sont valorisées par-dessus tout, ainsi que les débats et l’information nourrie d’études sur les conditions de vie des populations du Sud. Dora Valayer, présidente de l’association Transverses, et ancienne membre de l’association Dev’tour de réflexion sur le tourisme et le tiers-monde fondée en 1982 représente le mieux ce registre  [18]. Le soupçon est entretenu envers « ces blancs bien gentils qui font du tourisme pour des blancs bien gentils » et les projets dans lesquels on peut déceler un projet personnel à la place de projets des « populations du Sud ». Elle souligne que le plus important, est que les populations là-bas disent quel tourisme elles veulent vraiment. C’est vers les migrants que Dora Valayer souligne qu’il convient de se tourner. Ce registre est aussi très présent dans l’association de Soutien à Mass Education (SME) [Picot, 2003], récemment transformée en Mass Education International (MEI), relais d’une grosse ONG indienne qui a elle-même pensé l’accueil des touristes. Un responsable au Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement (CCFD) anime un réseau de tourisme solidaire sur la zone Méditerranée développé suite à « l’interpellation par les partenaires du Sud » [CCFD, 2004]. Il privilégie la cooptation entre partenaires du Sud et leur autonomisation et se méfie de la mise en place du label souhaité par les associations de tourisme solidaire de l’UNAT. Les « populations du Sud » sont ici définies à travers les situations politiques auxquelles elles doivent faire face.

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Un responsable du réseau Accueil Paysan, atelier tourisme solidaire, septembre 2005, 1er Salon du commerce équitable, Minga, réalise ainsi le bilan de la rencontre de Dubrovnik organisée par le CCFD et lancement de l’atelier : « Nous ne voulons pas que le mot solidaire soit systématiquement associé aux notions de pauvreté, de pitié, ni même de militantisme qui risqueraient d’en accuser l’aspect marginal lié à une élite (…) Qu’est-ce qu’on a comme expérience dans nos pratiques, de ce qu’on a… comme expérience vécue avec des pays africains ou ailleurs, des pays qui ont vécu la décolonisation ; des pays qui sont dans des situations de pauvreté… des pays qui sortent de régimes autoritaires, des pays qui sont… sur des situations encore très douloureuses de guerres ethniques etc.… mais avec lesquels on a engagé des pratiques d’échanges, de coopération, d’échange, les uns et les autres, mais aussi des pays ou commencent à organiser des rencontres entre gens du Sud, entre gens de l’Est ».

37 Dans ce cas, la relation touristique idéale est celle qui permet de s’informer et de servir de caisse de résonance aux difficultés économiques, liées à un devoir de prise de parole dans un combat commun.

Conclusion

38 Nous avons vu comment les membres de la commission tourisme solidaire de l’UNAT ont développé un discours collectif, amorcé une codification de leur activité et tracé ses frontières. Ils créent ainsi un nouveau territoire professionnel, marchand et militant – entre tourisme et solidarité internationale – en mobilisant des discours issus du tourisme et du commerce équitable. Ils présentent leur tourisme comme un bon tourisme ; la catégorie de « population locale » est au fondement de leur différence et de leur légitimité morale. Ce regroupement s’accompagne d’une requalification de pratiques auparavant dispersées. L’émergence de ce nouveau territoire hybride et instable est portée par des acteurs qui acceptent de qualifier leur activité de touristique, mais mettent en avant pour elles, et pour les touristes, une autre fin à cette activité. Chaque association développe sa propre manière de qualifier la population locale avec laquelle elle est en lien, en fonction de son histoire personnelle, mais aussi des parcours des fondateurs. Le discours collectif forgé tire sa richesse et son positionnement du mélange de ces quatre registres : développementiste, marchand, personnel, tiers-mondiste. Elles proposent ainsi au touriste des perceptions de l’activité réalisée et du lien établi avec l’autre. Entre ces différents registres se jouent des tensions et des concurrences idéologiques. Cette analyse pourra être utilement complétée par l’analyse, en cours, de la réappropriation de ces registres par les touristes. Il serait évidemment aussi nécessaire d’étudier si les acteurs englobés dans cette catégorie de population locale mobilisent eux-mêmes cette catégorie et la transforment. Ce travail est cependant au-delà du terrain que nous avons réalisé.

Notes

  • [?]
    Doctorante en sociologie, laboratoire GRIS (Groupe de Recherche Innovations et Sociétés – Université de Rouen), ccravatt@yahoo.com.
  • [1]
    Je tiens à remercier toutes les personnes qui m’ont aidée pour leurs conseils critiques et suggestions d’amélioration lors de l’écriture de cet article.
  • [2]
    Cet article s’appuie sur un travail d’enquête réalisé depuis octobre 2002 en France, dans le cadre de la préparation d’une thèse. Ce travail est composé d’observations en France de réunions de voyageurs, d’associations, de salons, et d’entretiens auprès de touristes et de fondateurs d’associations.
  • [3]
    Source : www.tourismesolidaire.org.
  • [4]
    L’UNAT a été créée en 1920, dans le cadre d’une tentative de structuration du secteur du tourisme. C’est une fédération d’associations de tourisme qui est l’interlocuteur principal de l’État. Elle a longtemps été le fer de lance du tourisme social, en militant pour l’accès au tourisme pour tous. L’opposition entre les deux statuts juridiques de l’activité touristiques (secteur associatif et secteur privé) a profondément marqué le secteur du tourisme français. Les membres de la commission tourisme solidaire de l’UNAT n’étaient auparavant pas membres de l’UNAT – à une exception près. Ils n’entretiennent pas de liens étroits avec les autres adhérents de l’UNAT n’appartenant pas au groupe tourisme solidaire.
  • [5]
    Ces critères portent sur le caractère associatif de la structure, la sensibilisation des touristes avant le départ, l’attention à l’environnement, l’implication des populations dans les différentes étapes de mise en place du projet, le soutien à des projets de développement locaux, la possibilité d’un échange entre le touriste et les populations.
  • [6]
    Des acteurs ayant participé à cette table ronde poursuivent leur activité sous d’autres formes. Nous nous concentrons sur les structures restées au sein de l’UNAT.
  • [7]
    Dans cette brochure, il n’y a pas de prestations en France, en Europe occidentale, ni en Amérique du Nord.
  • [8]
    Cette sélection a été réalisée par un comité, en mars 2004 ; depuis, l’accès au groupe Tourisme Solidaire de l’UNAT est plus fermé qu’auparavant, autour d’une définition de l’activité : un nombre de touristes minimal est aussi nécessaire pour entrer, et la priorité est donnée aux associations visant la professionnalisation. Le projet militant de transformation du tourisme porté par l’UNAT impose de laisser le réseau ouvert et de ne pas proposer une définition trop restrictive. Tout en ayant codifié les critères d’appartenance des ses membres, l’UNAT souligne ne pas se considérer comme la seule détentrice de la définition du tourisme solidaire.
  • [9]
    L’UNAT participe aussi activement à la coordination de Forums Internationaux du Tourisme Solidaire (en septembre 2003 à Marseille, en mars 2006 au Chiapas) qui ont pour but faciliter les échanges entre partenaires du Sud et la création d’un mouvement transnational pour un tourisme et un commerce plus juste. Elle a aussi développé des liens avec l’AITR, le groupe italien de tourisme solidaire, beaucoup plus structurée et organisée qu’elle dès 2002 [Bellia, 2003].
  • [10]
    ATR a été fondée par des voyagistes d’aventure, qui ont créé un nouvel espace de production touristique fondé sur la marche à pied, l’immersion en petit groupe dans la nature, souvent en zones désertiques ou montagneuses [Passavant, 1996] et se réclament de l’écotourisme [Blangy, Dubois, Kouchner, 2002].
  • [11]
    Le tourisme « classique » étant utilisé génériquement par les acteurs comme tout ce qui n’est pas du tourisme solidaire.
  • [12]
    Nous analysons ici des discours. Pour une analyse de l’application de ces principes dans un cas précis et de ses ambiguités [Chabloz, 2004].
  • [13]
    Cette représentation est elle-même critiquée au sein des organisations humanitaires. Notons que les populations avec lesquelles échangent ces associations ne sont pas des personnes souffrant de déportation, de guerre ou de famines. Ce sont néanmoins des populations présentées comme « défavorisées » et dont les conditions de vie diffèrent radicalement de celles des touristes.
  • [14]
    Nous avons ici sélectionné l’extrait qui nous permet de mettre particulièrement en avant le type développementiste, mais il y a des différences entre les témoignages.
  • [15]
    De fait, des outils de versements mensuels d’une activité périodique ont été mis en place.
  • [16]
    Un membre de l’association a une expérience professionnelle longue dans le tourisme rural en France, et cherche à développer une activité de consulting. Cela explique en partie la raison pour laquelle la Case d’Alidou s’est rattachée au réseau et dotée d’un agrément de voyage, à la différence d’autres petites associations qui n’ont pas connu la même trajectoire et ne se sont pas rattachées au groupe.
  • [17]
    Les acteurs que nous citons dans cette partie – sauf SME – n’appartiennent pas au groupe de l’UNAT, parce qu’ils ne vendent pas de prestations. Ils étaient cependant présents dans la première brochure de l’UNAT. Ils gardent des liens avec les associations du groupe de l’UNAT.
  • [18]
    Ayant participé à la première brochure, elle est actuellement en marge du réseau actuel de l’UNAT, qui ne regroupe plus que des structures assurant la commercialisation.
Français

Cet article analyse le discours collectif forgé par les associations qui se sont regroupées au sein du groupe « tourisme solidaire » de l’Union Nationale des Associations de Tourisme (UNAT) depuis 2001. Il montre comment ce groupe crée les frontières d’un espace professionnel, militant et marchand. Il s’appuie sur et s’oppose à deux domaines : la solidarité internationale dont les formes caritatives sont dévalorisées ; le tourisme dit classique, qui englobe le tourisme industriel mais aussi le tourisme d’aventure. Il construit ainsi face au client un tourisme utile à la population locale. La qualification du lien avec l’autre y est centrale. La mobilisation de la catégorie de « population locale », présente conjointement dans les domaines du tourisme et du commerce équitable, permet à ce groupe de s’assurer une légitimité qui le différencie d’autres formes de tourisme. Au sein même de ce groupe, nous mettons en avant les différents registres de la relation légitime avec cette population locale mobilisés par les associations, qui peuvent entrer en tension.

Mots-clés

  • Tourisme solidaire
  • discours
  • commerce équitable
  • tourisme d’aventure
  • échange
  • légitimité

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Céline Cravatte [٭][1] 1
  • [?]
    Doctorante en sociologie, laboratoire GRIS (Groupe de Recherche Innovations et Sociétés – Université de Rouen), ccravatt@yahoo.com.
  • [1]
    Je tiens à remercier toutes les personnes qui m’ont aidée pour leurs conseils critiques et suggestions d’amélioration lors de l’écriture de cet article.
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/03/2010
https://doi.org/10.3917/autr.040.0031
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